UNIVERSITÉ DE
YAOUNDÉ I
THE UNIVERSITY OF YAOUNDE I
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FACULTY OF ARTS, LETERS AND
SOCIAL SCIENCES
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DEPARTEMENT DE LITTÉRATURE ET DE CIVILISATIONS
AFRICAINES
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DEPARTEMENT OF AFRICAN LITERATURE AND CIVILIZATIONS
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Les contes Egyptiens anciens et les contes de l'Afrique
Subsaharienne: essai d'une analyse comparée
Mémoire présenté en vue de l'obtention du
Diplôme de Master en littérature et civilisations africaines
option : Littérature orale
Par
David Elysée Magloire TESSOH
(Maître ès lettres)
Sous la direction de
Joseph DONG AROGA
Maître de Conférences
Année académique 2010-2011
DEDICACE
MAKUETCHE Hélène (1939-1993)
TENGHO Samuel (1949-1998)
NGUIHA Claudine Claire (1962-2001)
NDANKAM Basile (1956-2002)
NGOUNGOU Isaac (1954-2004 )
TCHEUTCHOUA André (1952-2007)
SIGHANOU Emile (1962-2010)
« Tout homme qui meurt avec la conscience d'avoir
vécu en paix et en conformité avec la loi de Dieu et/ou les lois
positives des ancêtres, celui-là n'a rien à
redouter »
Dieudonné WATIO
« Les morts sont les invisibles, ils ne sont pas
absents ».
Victor Hugo
REMERCIEMENTS
La conduite et la réalisation de ce
travail n'auraient pas été possibles sans le concours de
certaines, personnes aux quelles nous tenons à signifier notre profonde
gratitude.
Nous pensons notamment à notre directeur le professeur
DONG AROGA Joseph pour ses conseils avisés, ses
orientations et pistes de recherches qu'il nous a suggérés. Nous
n'oublions pas sa disponibilité sans faille et sa patience à
l'égard de nos maladresses.
Au corps enseignant du département de
littérature et de civilisations africaines et singulièrement aux
professeurs NOL ALEMBONG , KOM Ambroise , NTONFO André ,
NNOMO Marceline,MVOGO Faustin et aux docteurs BELINGA B'ENO
Charles, NGONGKUM Eunice, SOB Jean.
A monsieur YANTA Flaubert pour ses conseils et ses
encouragements, à nos mamans MATENE Lydia, MADJOUKA Elise,
KAPCHE Robertine, nos tantes et oncles DEJO Antoinette, TCHOUNGACHE Blandine,
SOH Rodolphe, MBAH Augustin et NDOUAGNI Fabien.
Nous ne saurions oublier nos soeurs, frères et amis
dont les encouragements et la sollicitude furent déterminants pour
la réalisation de ce travail. Il
s'agit de : FABO Michela, FONKOU Marie-Solange, TCHEUTCHOUA
Emilie, ZANGUIM, Dominique, DASSI Félix, DJOUKOUO Elvire, MATSINKOU
Eliane, TENGHO Ermand, TENGHO Patrick, KEPYA Romeo, HAROUNA Miningui,
SEULEU Octave, NGOUME Rodrigue, NKENGMAGNI Hermann, NZADIBA Jean-Yves, MBAH
Sébastien, NZIMA Valéry, HEN Basile, NANA Aléxis,
,NGUIFFO Jules-Ferry, NDOUMBE Rodrigue , MELAGO Rodrigue, MOUBAING Etienne,
NGENG Madeleine, FOMUM Victorine ,DIDJA, TCHIEGANG Rosine , BEYINDA
Séraphine, NONGA Evélyne, GOGHOMO Helène, LOUKSON Yves,
TOUMELIEU Justine Flora ,FOTSO Daniel, NUMFOR Beris et KENDO Rolande.
Que tous ceux que nous n'avons pas nommément
cités, et qui ont de près ou de loin contribué à la
création d' une atmosphère favorable à la rédaction
de ce mémoire trouvent ici l'expréssion de
notre profonde reconnaissance.
RESUME
D'importants travaux de recherche ont été
effectués ces dernières années sur la parenté de
l'Afrique noire avec l'Egypte ancienne, mais bien peu, en réalité
se sont préoccupés d'interroger la piste d'un argument
littéraire. C'est ce constat qui nous a amené à choisir
le thème suivant : « les contes
Egyptiens anciens et les contes de l'Afrique
Subsaharienne : essai d'une analyse comparée ».
Nous nous proposons ici d'analyser ces contes aux fins de réfuter cette
thèse qui exposait des arguments allant dans le sens de la destruction
de l'idée d'une parenté culturelle entre l'Egypte ancienne et
l'Afrique noire.
La problématique de ce travail se fondant sur les
contes comme éléments pouvant prouver la survivance de la
culture égyptienne ancienne en Afrique subsahariénne, nous avons
opté pour une double méthode à savoir le Structuralisme et
le Comparatisme. Ces deux méthodes nous ont permis d'aboutir au
résultat suivant : en dépit de quelques divergences, les
contes Egyptiens anciens et Négro-africains présentent de grandes
similitudes qui nous amènent à conclure que l'Egypte ancienne
survit toujours en Afrique noire.
ABSTRACT
In recent years many important research work have been carried
out on the relationship that exists between black Africa and Ancient Egypt.
However, few of these works have been based on a literary
argument. This observation has motivated us to come up with the topic of our
work which reads «Les contes Egyptiens anciens et
les contes de l'Afrique subsahariénne: essai d'une analyse
comparée»
We aim to analyse the tales in order to reject the thesis
which exposes arguments that are aimed at negating or destroying the idea that
ancient Egypt is the cradle of black civilization.
The work is based on the hypothesis that the tales, as socio
cultural elements can prove an earlier existence or habitation of black peoples
in Ancient Egypt. We opted for two literary approaches in order to carry out
our study. They are: Structuralism and Comparism. These two literary approaches
enable us to come up with the following results. In spite of a few divergences,
the tales of Ancients Egypt and those of Black Africa present great
similarities that have prompted us to conclude that Black people had lived in
Ancient Egypt.
TABLES DE MATIERES
DEDICACE
i
REMERCIEMENTS
ii
RESUME
iii
ABSTRACT
iii
INTRODUCTION
1
CHAPITRE I : LA MANIFESTATION ET LES
PROCEDES STYLISTIQUES
9
I-1 La manifestation
10
I-1-1 Les titres
10
I-1-2 Les formules
12
I-1-2-1 Les formules initiales ou
d'entrée
12
I-1-2-2- Les formules intermédiaires
13
I-1-2-3- Les formules finales ou de sortie
13
I-1-3 - Les répétitions
17
I-1-4 Les chants
19
I-2- Les procédés stylistiques
24
I-2-1- Le discours direct ou style direct ou
conversationnel.
24
I-2-2 L'usage des proverbes
32
I-2-3- L'anthropomorphisation
34
CHAPITRE II : LES STRUCTURES
NARRATIVES
41
II-1- L'analyse sémiotique de Greimas
42
II-2- Le schéma fonstionnel
42
II-2-1- Le schéma actanciel
43
II-3 - Essai d'analyse sémiotique des
contes Négro - africains
44
II-4 Essai d'analyse sémiotique des contes
Egyptiens anciens
65
II-4-1 Schémas fonctionnels et actanciels
des contes Egyptiens
65
II-5- LA TYPOLOGIE DES CONTES DE DENISE PAULME
74
II-5-1- Les formes simples
74
II-5-1-1- Le type ascendant
74
II-5-1-2 Le type descendant
74
II-5-1-3 Le type cyclique
74
II-5-2 Les formes complexes
75
II-5-2-1 Les types en spirale
75
II-5-2-2 Le type en miroir
75
II-5-2-3- Le type en sablier
75
II-5-2-4 Le type en divergence
76
II-5-2-6 Analyse typologique des contes
Négro-africains
76
II-5-2-7- Classification typologique des contes
Egyptiens
79
CHAPITRE III : ETUDE DU FONCTIONNEMENT DES
PERSONNAGES
81
III-1 LA DISTINCTION ET L'HIERARCHISATION DES
PERSONNAGES DE PHILIPPE HAMON
82
III-1-1- La hiérarchisation des personnages
des contes Négro-africains
84
III-1-1-1 Les personnages principaux
84
III-1-2 Les personnages principaux des contes
Egyptiens
99
III- 2 LES PERSONNAGES SECONDAIRES
102
III-2-1- Les personnages secondaires des contes
Négro-africains
102
III-2-2 Les personnages secondaires des contes
Egyptiens
110
CHAPITRE IV- STRUCTURES DISCURSIVES DES CONTES
NEGRO-AFRICAINS ET EGYPTIENS ANCIENS
115
IV-1- ETUDE THEMATIQUE
116
VI-1-1 Les thèmes communs
116
IV-1-2- Le mariage
117
IV-1-3 L'amour
120
IV-1-4 La mort
122
IV-1-5 La royauté
125
IV-1-6- La ruse
128
IV-1-7- La polygamie
134
IV-2- LES THEMES SPECIFIQUES
135
VI-2-1- L'urbanisme
135
VI-2-2- L'industrie
135
VI-2-3- L'école
136
IV-3 SIGNIFICATION DES CONTES EGYPTIENS ANCIENS ET
NEGRO-AFRICAINS
136
IV-3-1 La signification ludique
136
IV-3-2- La signification sociologique et le
didactisme moral
137
IV-3-3- La signification politique
139
IV-3-4- La signification cognitive ou
intellectuelle
140
CONCLUSION
142
BIBLIOGRAPHIE
147
ANNEXES
152
INTRODUCTION
-Motivations du choix du
sujet.
Le continent africain et plus particulièrement
l'Afrique noire a été pendant longtemps considérée
comme une vacuité historique. Dans le but d'expulser
définitivement l'Afrique du concert de l'humanité et par
conséquent hors de l'histoire universelle, plusieurs penseurs
occidentaux vont sous le couvert de l'écriture définir l'histoire
comme étant la connaissance du passé basée sur les
écrits. Cette définition qui prétend que seules les
écrits sont la seule source pour l'investigation du passé d'un
peuple à faire dire à Hegel que l'Afrique est un continent
anhistorique parce qu'elle n'a pas d'écriture. Dans sa logique il
n'hésitera pas à déclarer :
L'Afrique n'est pas une partie historique du monde. Elle
n'a pas de mouvement, de développement à montrer (...) sa partie
septentrionale appartient au monde européen et asiatique, ce que nous
entendons par Afrique est l'esprit anhistorique, l'esprit non
développé encore enveloppé dans les conditions de
naturel1(*)
Ces propos de Hegel seront récupérés par
la quasi-totalité des égyptologues européens.
Animés par l'européocentrisme qui était
caractérisé, par la nécessité de détruire
à tout prix l'idée d'une Egypte nègre, ils vont à
leur tour essayer de démontrer de manière historique l'absence
d'une culture et d'une histoire africaine propre. Ce faisant, ils vont
valoriser la thèse d'une prétendue origine
méditerranéenne de la civilisation égyptienne ancienne.
C'est ainsi que des mythes stéréotypés seront
élaborés dans le souci de prouver que l'Egypte ancienne berceau
de la civilisation n'était pas peuplée de Noirs. C'est
précisément cette définition lacunaire de l'histoire qui
semble délibérément ignorer l'existence des sources
historiques orales tels que les légendes ,les mythes et les contes qui a
fondé l'objet de notre étude.
En effet, nous essayons sans être historien de
rétablir la vérité historique en montrant à
travers les contes la parenté culturelle entre les Egyptiens anciens et
les Négro-africains. D'où l'intitulé de notre
sujet : « Les Contes Egyptiens anciens et les contes de
l'Afrique Subsaharienne : essai d'une analyse
comparée ».
Le conte est un mot plurivoque. Le définissant, Jean
Cauvin déclare :
Le conte est une manifestation de la société
orale qui se présente sous la forme d'un texte constitué d'une
succession de phrases ayant une situation initiale, une situation finale et
entre les deux, une certaine évolution et des éléments
divers1(*)
Pour Propp, le conte est :
Un récit qui se présente comme un ensemble
structuré où tout se tient logiquement, les chaînes
isolables formant une structure hiérarchique dans laquelle certaines
épreuves se terminent chacune, un échelon nécessaire pour
aborder la suivante d'où certaines valeurs reconnues par le conteur sont
les seuls moyens d'atteindre d'autres buts 2(*)
Mamby Sidibi quant à lui le définit comme
étant :
Un récit d'aventures imaginaires où
l'extraordinaire, le merveilleux se mêlent au réel. C'est un
échafaudage de l'imagination ; mais il s'agit d'une fiction
contenant un grain de vérité. La fiction séduit et attire
ses fantasmes, ses images, ses épisodes comiques, voire
tragi-comiques ; cependant, le grain de vérité suspend le
rire et incline le front 3(*)
Les définitions qui précèdent
étant conformes à notre étude, il convient à
présent de présenter notre corpus qui sera composé de 30
contes. Soit 8 contes Egyptiens anciens ou pharaoniques et 22 contes de
l'Afrique Subsaharienne répartis ainsi qu'il suit : 6 contes
Burkinabés, 7 contes camerounais, 5 contes Ivoiriens, 2 contes
Ethiopiens et 2 contes Malgaches. Le choix des contes de l'Afrique
subsaharienne issus des pays différents trouve sa motivation dans le
profond souci de mettre en exergue quelques éléments culturels
propres à toutes les cultures négro-africaines afin de voir dans
quelle mesure, l'Egypte pharaonique survit toujours en Afrique noire
profonde.
- Etat de la
question
Tout travail de recherche venant le plus souvent se greffer
aux travaux qui l'ont précédé, nous tenons à
rappeler que notre initiative n'est pas nouvelle car la voie comparative Egypte
antique Afrique noire a été inaugurée par Cheikh Anta
Diop. Celui-ci va s'illustrer par un positionnement scientifique contraire aux
thèses européocentristes en cours. En puisant dans sa formation
multidisciplinaire, il va trouver le fil conducteur qui lui permettra de
démontrer le haut degré de civilisation que les peuples noirs ont
atteint dans leur passé lointain. Pour établir la
vérité historique sur l'origine nègre de la civilisation
Egypto-pharaonique, il mènera avec minutie des recherches en histoire
dans lesquelles il réfutera les thèses européocentristes
en montrant l'antériorité de la civilisation noire dans
l'histoire de l'humanité.4(*) Du point de vue linguistique, il va établir
l'unité linguistique ente l'égyptien ancien et les langues
négro-africaines.5(*)Dans le domaine de l'anthropologie culturelle, il
apportera des évidences scientifiques sur l'identité qui existe
entre les Egyptiens anciens et les Négro-africains. Au niveau de
l'anthropologie physique, il analysera les momies par rapport à
l'ostéologie et le taux de mélanine.
Plusieurs autres chercheurs africains vont continuer à
approfondir les pistes de recherches déblayées par le
maître Cheikh Anta Diop. Le plus connu d'entre eux est incontestablement
son disciple Théophile Obenga. A partir d'une maîtrise profonde de
l'écriture hiéroglyphique, ce dernier va peaufiner les recherches
sur la parenté linguistique entre l'égyptien ancien et les
langues négro-africaines contemporaines6(*). Il mettra également en évidence la
parenté historique noire traditionnelle7(*).
Aboubakari Lam de l'université Cheikh Anta Diop de
Dakar au Sénégal établira un rapport entre
l'égyptien ancien et le pulsar8(*). Mubabinge Bilolo quant à lui va mener une
étude comparative entre la cosmo théologie égyptienne de
la naissance du monde et celle de l'Afrique noire actuelle.9(*). Plus près de nous nous
avons Oum Ndigui qui a fait un travail d'égyptologie comparée
intitulé : « les Basaa du Cameroun et
l'Antiquité pharaonique égypto nubienne : recherche
historique et linguistique comparative sur leurs rapports culturels à la
lumière de l'égyptologie ».10(*)
-Originalité
et intérêts du sujet
Les travaux qui précèdent et bien d'autres
encore attestent que nous ne sommes pas sur une terre vierge. Seulement, ces
sources sur l'origine d'une Egypte ancienne nègre sont
généralement des sources historiques, anthropologiques,
archéologiques ou linguistiques. Dès lors, l'originalité
de notre travail et sa pertinence viennent du fait qu'il se démarque des
sentiers battus par nos prédécesseurs pour répondre
à un besoin littéraire.
Outre l'intérêt scientifique qui découle
logiquement de son originalité à savoir une source
littéraire, notre travail se veut une contribution à
l'éveil de l'Afrique. En effet, nous intéresser aux contes
Egyptiens dénote de notre ambition d'apporter notre participation
à l'effort de confirmer l'existence des liens réels entre les
pratiques de l'Egypte ancienne et celles de notre continent. La connaissance de
ces liens dans le développement politique, économique, culturel
et social du pays des pharaons pourrait à notre sens être d'un
très grand intérêt dans les travaux menant à la
renaissance de l'Afrique.
Cette préoccupation rejoint celle du maître
Cheikh Anta Diop qui disait :
Pour nous, le retour à l'Egypte dans tous les
domaines est la condition nécessaire pour réconcilier les
civilisations africaines avec l'histoire, pour pouvoir bâtir un corps de
sciences humaines modernes, pour rénover la culture africaine. Loin
d'être une délectation sur le passé, un regard vers
l'Egypte antique est la meilleure façon de concevoir et bâtir
notre futur culturel. L'Egypte jouera dans la culture africaine repensée
et rénovée, le même rôle que les antiquités
gréco-latines dans la culture occidentale11(*)
- Problématique et
hypothèse
Les jalons posés par les travaux de recherches de nos
prédécesseurs et l'intitulé de notre sujet nous ont permis
d'arriver à une problématique qui se fonde sur les contes comme
manifestation d'une vérité historique incontestable et
infalsifiable quant à la parenté culturelle entre l'Egypte
ancienne et l'Afrique Noire. Cette problématique fait appel à une
préoccupation essentielle : Peut-on établir à la
lumière des contes un continuum culturel entre l'Egypte ancienne et
l'Afrique Noire ?
Une telle problématique s'inspire de l'hypothèse
selon laquelle :
La tradition orale, (...) naguère
méconnue apparaît aujourd'hui comme une source précieuse de
l'histoire de l'Afrique, permettant de suivre le cheminement de ces
différents peuples dans l'espace et dans le temps, de comprendre de
l'intérieur la vision africaine du monde, de saisir les
caractères originaux des valeurs qui fondent les valeurs et institutions
du continent 12(*)
Par ailleurs, en partant de l'idée selon laquelle
certains peuples vivant dans les espaces géographiques différents
mais ayant en commun la même histoire présentent des similitudes
dans leur langue, leur mode de vie, leur culture et leur littérature
orale, on peut être fondé à émettre
l'hypothèse selon laquelle les contes Egyptiens anciens trahiraient ou
laisseraient apparaître de manière flagrante la survivance de la
culture Egyptienne ancienne en Afrique Noire.
-Méthodologie
L'étude des contes nous offre une myriade d'approches.
Dans le souci de bien mener notre tâche qui consistera à
dépiauter les contes de notre corpus l'un après l'autre, nous
ferons appel au structuralisme. D'après Gerald Gengembre c'est un
courant de pensée qui
« étudie les faits des hommes en
décrivant les structures c'est-à-dire le système
formé par un ensemble de phénomènes solidaires les uns aux
autres »13(*)
Aux dires de Propp14(*) et de Lévi-Strauss15(*), cette approche permet de
mieux expliquer et de saisir les contes dans l'historique des disciplines
structuralistes. Nous focaliserons notre attention sur les grilles d'analyses
de Greimas16(*) qui
relève qu'un texte narratif à au moins trois niveaux
d'analyse : la manifestation, les structures narratives et les structures
discursives. En considérant les actants du point de vue de leur
rôle et en définissant les relations qu'ils entretiennent entre
eux, le model de Greimas a l'avantage de faciliter la lecture car à
partir de ses schémas on obtient aisément un résumé
du récit.
Nous compléterons ce model de Greimas avec la
démarche de Paulme qui s'applique aux contes africains et montre comment
les combinaisons peuvent être possibles à l'intérieur d'un
conte.
Le caractère comparatif de notre sujet nous oblige
à convoquer le comparatisme. S'agissant de la critique comparative nous
dirons qu'elle est comme le proposent Pierre Brunel, Claude Pichois et Michel
Rousseau, l'art méthodique à travers une recherche d'analogies,
de parentés, d'influences, de similitudes, de convergences, de
divergences qui permet de rapprocher la littérature des autres domaines
de l'expérience et de la connaissance ou bien les faits et les textes
littéraires entre eux, distants ou non dans le temps et dans l'espace,
pourvu qu'ils appartiennent à plusieurs cultures. Cette approche
comparative est définie par Yves Chevreuil comme étant cette
« démarche intellectuelle visant à étudier
tout objet dit, ou pouvant être dit littéraire, en le mettant en
relation avec d'autres éléments constitutifs d'une
culture »
Pour Pierre Brunel et compagnie elle est :
Une description analytique, comparaison
méthodique et différentielle ou interculturelle
synthétique des phénomènes inter linguistiques ou
interculturels, par l'histoire, la critique et la philosophie afin de mieux
comprendre la littérature comme fonction spécifique de l'esprit
humain.
- Plan
Fondant nos analyses sur ces méthodes et compte tenu de
l'intitulé de notre sujet, nous sommes arrivés à un plan
en quatre chapitres.
Le chapitre 1 qui s'attardera sur la manifestation des contes
sera libellé : la manifestation et les procédés
stylistiques. Il s'agira de voir si sur le plan de la manifestation et du style
l'on peut relever des ressemblances et des divergences entre les contes
négro-africains et Egyptiens anciens.
Le chapitre 2 intitulé : les structures narratives
sera consacré à l'examen des schémas actantiels,
fonctionnels et la classification typologique des contes du corpus.
Dans le chapitre 3 titré : l'étude du
fonctionnement des personnages, nous verrons si les personnages des contes
Egyptiens anciens peuvent faire l'objet d'une étude similaire à
ceux des contes négro-africains.
Le quatrième et dernier chapitre sera libellé
les structures discursives. Nous nous attarderons sur les thèmes et les
significations des contes négro-africains et Egyptiens anciens.
CHAPITRE I : LA
MANIFESTATION ET LES PROCEDES STYLISTIQUES
I-1 La manifestation
Notre souci dans ce chapitre inaugural est d'examiner
comparativement les contes Egyptiens anciens et les contes de l'Afrique
Subsaharienne sur le plan de la manifestation et des procédés
stylistiques. Etudier la manifestation dans un texte narratif c'est
procéder à l'étude des structures superficielles qui
jonchent le récit. Il s'agira des formules, des chants et des
répétitions. Les figures de styles qu'affectionnent les conteurs
négro-africains sont plurielles, nous nous limiterons aux plus
fréquents à savoir : l'usage des proverbes, le discours
indirect, l'anthropomorphisation.
Le but escompté dans ce chapitre est de ressortir sur
ce double plan les convergences et les divergences qui existeraient dans ces
contes respectifs. Toutefois, avant d'entreprendre l'analyse de la
manifestation proprement dit, il serait judicieux que nous nous attardions sur
les titres.
La structure tripartite du conte est légèrement
modifiée lors de son passage de l'oralité à
l'écriture. A l'écrit les contes ont en plus des trois parties
reconnues, une quatrième partie appelée titre.
I-1-1 Les titres
Le mot titre est plurivoque, il peut être un mot, une
expression, une phrase, etc....servant à désigner un
écrit, une de ses parties, une oeuvre littéraire ou artistique,
une émission, etc ; à en donner le sujet. Il peut
désigner la subdivision du livre employée dans les recueils de
lois, les ouvrages juridiques. Dans la presse il renvoie à un texte en
gros caractères qui coiffe un article et en annonce le sujet. Il peut
aussi être la dénomination d'une dignité, d'une charge,
d'une fonction souvent élevée ou la qualité de vainqueur
ou de champion dans une compétition sportive. Des définitions qui
précèdent, seule la première nous est avantageuse parce
qu'elle convient à notre étude.
Les titres de contes négro-africains sont pour la
plupart des phrases non verbales ou nominales dans lesquelles on note l'absence
de verbes conjugués. Elles sont généralement construites
autour d'un nom qui, en l'absence du verbe, devient le socle de la phrase.
Des contes de l'Afrique subsaharienne de notre corpus, 16
obéissent à cette logique. Ce sont les contes :
n°9 "Le prince"
n°10 "Le cultivateur, sa femme et les
génies"
n°11 "Les coépouses "
n°12 " La jeune fille et le lion"
n°13 "Le lièvre et
l'hyène
n°14 "L'ingratitude"
n° 15 "La femme de
Mesha'atshang "
n° 16 "Le fils de Nkan"
n° 17 "Les épouses de Kalak"
n°20 "La destitution de Memvü- le
chien.
n° 21 "La dette de kimanga- la
tortue"
n° 22 "L'origine du divorce"
n° 26 "Les trois antilopes"
n°28 " Le prince de la pluie"
n° 29 "Les trois soeurs et
Itrimoubé"
n° 30 L'histoire de Raboutity
A l'instar des titres qui précèdent tous les
titres de contes Egyptiens de notre corpus sont des phrases simples ou
nominales.
Conte n° 1 "La légende des deux
frères"
Conte n° 2 " Le conte de
Rhampsinité"
Conte n° 3 "Le duel de vérité et de
mensonge"
Conte n° 4 " L'amitié des deux
chacals"
Conte n° 5 "La femme adultère"
Conte n° 6 "La boucle de la rameuse"
Conte n° 7 " Le pharaon et le
tisserand"
Conte n° 8 "Le prince
prédestiné"
Un coup d'oeil global sur les 30 contes qui constituent notre
corpus nous permet de constater que certains titres sont des titres
introductifs. Ils dévoilent de manière flagrante le contenu du
conte. Appartiennent à cette catégorie les contes n°
5 "la femme adultère",
n° 14 "l'ingratitude" ,
n ° 23 "Et le ciel recula" ,
n° 24 "Pourquoi y'a-t-il tant d'idiots dans le
monde ?. n° 27 "Comment le tambour
est arrivé sur terre ". Ces titres lèvent un pan de
voile sur le contenu des contes. Tous donnent un aperçu de l'objet du
récit. A titre d'illustration, le n°5 préfigure l'histoire
d'une femme qui a eu des rapports sexuels avec au moins un homme autre que son
mari. Le n°14 sera sans doute un récit où un ou plusieurs
personnages méconnaîtrons les bienfaits reçus et
n'exprimeront pas leur gratitude à l'endroit de leur bienfaiteur. Le
n°23 tentera de nous expliquer pourquoi le ciel est reculé de la
terre et le n°27 dévoile les causes de l'idiotie dans le monde.
Au rebours de ces titres introductifs, les autres titres ne
nous plongent aucunement dans le contenu du conte. Il faut par
conséquence s'armer de patience et avoir véritablement un pied
dans le récit pour comprendre la connexité qui existe entre le
titre et le contenu du conte. Les conteurs négro-africains entament
généralement leur récit par des formules.
I-1-2 Les formules
Les contes négro-africains sont souvent encadrés
par ses expressions récurrentes appelées formules. Ces
dernières marquent le passage du monde réel au monde
imaginaire ; symbolique, un ailleurs où tout devient possible.
Elles traduisent par la même occasion le caractère mensonger ou
fictif du conte. Il existe trois types de formules : les formules
initiales, les formules intermédiaires et les formules finales.
I-1-2-1 Les formules
initiales ou d'entrée
Les formules initiales ou d'entrée sont les propos
liminaires ou introductifs que l'on retrouve généralement au
début du conte. A l'observation des contes subsahariens 15 sur 22
comportent des formules initiales. Ce sont :
Conte n°9 "Le prince. "
« Il y a bien longtemps »
Conte n° 10 " le cultivateur, sa femme et les
génies" « Il y a longtemps, »
Conte n°11 "Les coépouses"
« il était une fois, »
Conte n° 12"La jeune fille et le lion"
« Il était une fois, »
Conte n°15 "La femme et Mesha'atsang"
« il était une fois, »
Conte n° 20 "La destitution de Memvü-le
chien". « de temps
immémorial, »
Conte n° 22 "L'origine du divorce"
« Il était une fois, »
Conte n° 23 "Et le ciel recula"
« Il y a longtemps, bien longtemps »
Conte n° 24 "Pourquoi y a -t-il tant d'idiots
dans le monde ? "
« autrefois, »
Conte n°26 "Les antilopes"
« autrefois, »
Conte n°27 "Comment le tambour est arrivé
sur terre". « Il y a très
longtemps »
Conte n° 28 "Le prince de la pluie"
« Il y a très longtemps »
Conte n° 29 "les trois soeurs et
Itrimoubé " « un jour, »
Pour Pierre Ndakan, ces formules initiales
sont « destinées à faire oublier le
présent et à emporter l'auditoire dans un passé
lointain »17(*).A la suite des formules initiales nous avons les
formules intermédiaires.
I-1-2-2- Les formules
intermédiaires
Les formules intermédiaires sont des formules magiques
que l'on retrouve dans le conte. Un seul conte subsaharien a des formules
intermédiaires, il s'agit du conte n ° 29 "les trois soeurs
et Itrimoubé". Afin d'échapper au géant
Itrimoubé, la petite Ifara sous la dictée d'une petite souris
s'équipe d'un oeuf, un balai, un béton et un caillou bien
roulé et poli. Se sentant menacée par le géant
Itrimoubé, la petite Ifara jette à terre son balai en disant
« par ma mère et par mon père, que
ce balai devienne un fourré qu'Itrimoubé ne puisse pas
traverser ».
Le balai s'allonge, grossit et devient un énorme
fourré. Elle jette ensuite l'oeuf en disant « Par mon
père, par ma mère, que cet oeuf devient un étang
qu'Itrimoubé ne puisse pas traverser ». L'oeuf se cassa
et devient un étang profond.
Après l'oeuf elle jette le bâton en criant
« par mon père et par ma mère que ce bâton
devienne une forêt qu'Itrimoubé ne puisse pas
traverser » le bâton devint une forêt dont toutes
les branches s'entrelaçaient.
Elle jette enfin un caillou roulé en criant
« Par mon père et par ma mère que ce caillou
grossit, grandit et devint un rocher perpendiculaire », et il
fut impossible à Itrimoubé de le gravir.
Outre les formules initiales et intermédiaires nous
avons les formules finales.
I-1-2-3- Les formules
finales ou de sortie
Les formules finales ou de sortie sont celles qui marquent la
fin du récit, elles assurent la transmission du conte et permettent
l'enchaînement entre les contes. Elle incitent d'autres personnes
à prendre la parole et marquent également le retour au monde
réel. On les retrouve dans les contes subsahariens n° 9 "Le
prince" « Depuis ce temps, le chien et le chat vivent
avec les humains et on dit qu'il ne faut pas envier le bien
d'autrui » ;
n°10 "Le cultivateur, sa femme et les
génies" « Depuis ce jour, quand quelqu'un demande
un champ, le chef de terre exige soit un mouton, soit une chèvre, soit
une poule ou une pintade pour l'offrir aux génies. C'est cette femme qui
a provoqué cela : habituer les génies à manger les
animaux. »
conte n° 11"Les coépouses"
« Voici pourquoi les fesses de la femme sont plus grosses que
celle de l'homme. »
conte n° 12 "La jeune fille et le lion"
« C'est pourquoi la femme bobo n'a que le bâton simple
comme appui tandis que l'homme a le bâton armé du fer de lance.
Ainsi prend fin cette histoire sur l'origine du courage de la
femme »
Conte n°13"Le lièvre et
l'hyène" « Depuis ce jour-là, elle
(l'hyène) n'aime plus beaucoup discuter ».
Conte n° 15 "La femme de Mesha'atsang"
« Voilà la situation que j'y ai laissé.
Mesha'Atsang et sa femme se remirent à parler ».
Conte n° 21 "La dette de Kimanga- la
-tortue"
Depuis ce temps-là toute la gent animale se
méfie de Kimanga la tortue et personne n'entretient plus avec lui des
rapports amicaux. Son acte d'ingratitude fut condamné par tous et l'on
de demanda pourquoi cet obscur personnage avait un coeur de pierre et toujours
prompt à rendre le bien par le mal .
Conte n° 22 "L'origine du divorce"
« Depuis ce jour, par eux, arriva le premier
divorce ».
Conte n° 23 " Et le ciel recula"
Depuis ce jour, le ciel se retira loin de la terre. Il ne
consentit plus jamais à descendre jusqu'à une distance de contact
avec les humains. Quelques morceaux de pâte de maïs flottaient dans
l'eau qui le toucha. Ils y restèrent collés et forment
aujourd'hui les étoiles. C'est ainsi que par l'inadvertance d'une femme
la face du monde fut irrémédiablement changée.
Conte n°25 "Le roi qui voulait marier sa
fille"
C'est pourquoi quand on croise un écureuil entrain
de fouiller dans un champ d'arachide, il montre son bras pour dire qu'il
cherche le bracelet de son fils avant de se réfugier dans les arbres.
D'autres que les wobés diraient que l'animal fait un bras, d'honneur au
propriétaire du champ dont il a mangé les graines.
Conte n° 26 " Les trois antilopes"
« Depuis ce temps, les antilopes se multiplièrent au point
qu'aujourd'hui nul ne saurait les compter. »
Conte n° 27 "Comment le tambour est arrivé
sur la terre" « C'est depuis ce temps là qu'il y
a des tambours sur la terre pour danser et faire la fête, c'est depuis ce
temps-là aussi qu'il n'y a plus de lien entre le ciel et la
terre »
Conte n° 28 "Le prince de la pluie"
« Depuis ce jour là, il n'y eut plus jamais de
sécheresse dans le royaume d'Anga qui devint le pays le plus fertile
d'Afrique ».
Ce que nous pouvons remarquer c'est que les contes n° 9,
n°11, n°12, n°22, n°23, n°27 de part leur titre ou
leur formule finale sont des contes étiologiques, c'est-à-dire
des contes qui visent à expliquer par certains faits réels ou
mythiques, les origines, la signification d'un phénomène naturel,
d'un nom, d'une institution, etc.
La formule finale du premier conte (n°9) montre que ce
dernier a été une tentative d'explication sur les origines de la
domestication du chien et du chat par l'homme.
La seconde (conte n° 11) nous renseigne sur la grosseur
du postérieur de la femme. La troisième (conte n°12) nous a
dévoilé les origines du courage de la femme. Le quatrième
conte cité ( n° 22) de par son titre et sa formule finale a
édifié sur l'origine du divorce. Le cinquième (conte
n° 23) comme le précédent est celui qui a essayé de
nous démontrer pourquoi le ciel a reculé de la terre.
Le sixième conte ( n° 27) est , à
l'instar des deux derniers cités, celui dont le titre et la formule
finale nous donnent des informations sur l'origine du tambour sur terre et la
rupture des liens entre le ciel et la terre.
Parallèlement aux contes de l'Afrique Subsaharienne,
les contes Egyptiens contiennent des formules initiales, intermédiaires
et finales.
Les formules initiales des contes Egyptiens sont
formulées de deux manières. Dans le premier cas, il s'agit des
expressions courantes qui inaugurent un conte. C'est le cas des
contes :
n°1"La légende des deux
frères" « Il y avait dit-on, »
n°4 "L'amitié des deux chacals"
« Il y a fort longtemps, »
n°8 "Le prince prédestiné"
« Il y avait une fois dit-on, ».
Dans le second cas nous avons une longue introduction.
Appartiennent à ce registre les contes n° 5 "La femme
adultère" « Alors le fils du roi, Khephren, se
leva pour parler et dit : je vais raconter à ta majesté une
histoire merveilleuse qui est arrivée au temps de ton
père »
n°6 "La bouche de la rameuse"
« Alors Baouefrê se leva pour parler et dit : Je vais
faire que ta Majesté puisse avoir connaissance d'une autre histoire
merveilleuse, qui est arrivée au temps de ton
père ».
Tout comme les contes subsahariens, seul le conte n°5
"La femme adultère" a une formule intermédiaire.
Informé par son intendant, Oubaoner le mari cocu décide de se
venger. Pour atteindre son objectif, il met son intendant à
contribution. Ensemble ils fabriquent un crocodile de cire, de sept pouces de
long.
« Il récita sur ce crocodile la formule
magique suivante : « Quiconque viendra pour se baigner dans mon
étang, saisis-le et notamment cet homme vil ».
Trois contes Egyptiens ont des formules finales.
Conte n°4 "L'amitié des deux
chacals " « Sur ce, le roi du désert
disparut et depuis ce jour, il accorda la paix aux deux
chacals ». Conte n°5 "La femme
adultère"
Vois, ceci est une histoire merveilleuse qui fût
accomplie au temps de ton père, le roi de Haute et de Basse Egypte,
Nebka et qui fut le fait du prêtre lecteur en chef Oubaoner.
Alors la Majesté du roi de Haute et de Basse Egypte,
Kheops, juste de voix dit : « Que l'on donne en offrande mille
pains, cent cruches de bière, un boeuf et deux mesures d'encens au roi
de Haute et Basse Egypte, juste de voix. En même temps, que l'on donne un
pain, une cruche de bière, un morceau de viande et une mesure d'encens
au prêtre lecteur en Chef Oubaoner, car j'ai pu constater un exemple de
son savoir magique et l'on agit conformément à tout ce que
sa Majesté avait ordonné.
Conte n° 6 "La boucle de la rameuse"
Vois, ceci est une histoire merveilleuse qui est
arrivée au temps de ton père, le roi de Haute et Basse Egypte,
Snefrou, juste de voix, et qui fut le fait du prêtre lecteur en Chef,
rédacteur des livres sacrés, Djaddemankh.
Alors la Majesté du roi de Haute et Basse Egypte,
Kheops, juste de voix, dit : Que l'on donne en Offrande mille pains, cents
cruches de bière, un boeuf et deux mesures d'encens à la
Majesté du roi de Haute et Basse Egypte, Snzfrou, juste de voix. En
même temps, que l'on donne un pain, une cruche de bière et une
mesure d'encens au prêtre lecteur en chef, rédacteur des livres
sacrés, Djadjaemankh, car j'ai pu constater un exemple de son savoir
magique". Et l'on agit conformément à tout ce que sa
Majesté avait ordonné
Au regard de ce qui précède nous pouvons dire
que les formules ne renvoient à aucune indication temporelle.
L'époque à laquelle le conte a eu lieu est toujours vague et
n'est jamais indiqué avec précision. Cette dimension
imprécise dont raffole le conte a fait dire à Françoise
Tsoungui que : « C'est toujours un lointain
passé dans lequel le narrataire est généralement
plongé dès le début, par des
formules ».18(*) A la suite des formules nous avons comme autre
aspect de la manifestation les répétitions.
I-1-3 - Les
répétitions
Faut-il le rappeler, le conte est un genre narratif oral qui
exige nécessairement la présence d'un orateur et d'un auditoire.
Cette situation oblige par moment l'orateur à se répéter
afin que ceux des auditeurs qui étaient distraits puissent se rattraper.
Six contes subsahariens sont riches en répétitions.
Conte n°10 "Le cultivateur, sa femme et les
génies"
Dans ce conte, un vieux génie envoie son plus jeune
fils chercher du feu chez une femme. Le jeune fils tarde à revenir,
inquiet, le père envoit l'aîné s'enquérir de la
situation, ce dernier trouve son petit frère assis et l'interroge :
« Kunkelen, le vieux t'a envoyé chercher du feu et tu es
venu t'asseoir ? ». Le jeune tente de se disculper en
répondant « C'est cette femme bavarde qui veut me
raser ». Et le grand frère de réagir :
« Elle va me raser aussi ». Cette même
question est posée successivement par le fils cadet et le vieux
génie et à chaque fois nous avons la même réponse.
« C'est cette femme bavarde qui veut me raser » et
la même réaction « Elle va me raser
aussi ». Dans le conte n°14
"L'ingratitude" nous avons deux séquences de
répétitions qui reviennent en trois temps. Nous avons dans un
premier temps la répétition de la question.
« N'est-ce pas toi qui nous a aidés à sortir du
puis l'autre jour ? » Cette question est posée
successivement par le singe, le lion et le serpent. A chaque fois l'homme
répond « C'est bien moi ! » A la
deuxième séquence nous avons la répétition en trois
temps de la phrase : « Chez nous un serpent ne peut pas nous
faire de mal. S'il mord l'un d'entre nous, notre médicament le
protègera ou le ressuscitera ». Au conte n° 16
"Le fils de Nkan " nous avons comme dans les deux contes
précédents la répétition en trois temps de cette
réplique de Nkan.
"Apporte-moi l'enfant !
Sur le bras, sur le bras ;
Que je l'asseye sur le tabouret lè dok,
Et lui applique les cornes sur la cuisse lè
tok
Dzail !
Quant au conte n° 24"pourquoi- y a-t-il tant
d'idiots de part le monde ? " Nous relevons la
répétition de « Tiens, je n' y ai pas
pensé » par les trois idiots.
Dans le conte n°29 "Les trois soeurs et
Itrimoubé", nous avons comme dans le conte n° 14 une
double répétition. Dans le premier cas nous pouvons relever dans
le récit : "Il sortit et huma l'air vers le nord :
rien ; il huma l'air vers l'est rien, vers l'ouest rien ; il huma
l'air enfin vers le sud : Ah ! Cette fois, je la tiens ! ".
Les répétitions de « huma l'air vers »
(3 fois) et de « rien » (3 fois). Nous avons ensuite cette
phrase « Maintenant, je t'aurai », que
Itrimoubé répète trois fois.
Le dernier conte "L'histoire de Raboutity"
comporte une double répétition. Il s'agit de la
répétition de « Il n'y rien de plus fort que
........... » qui apparaît onze fois et la
répétition de « C'est vraie, je suis fort
(e)... » qui revient treize fois.
Parallèlement aux contes Subsahariens, les contes
Egyptiens comportent des répétitions. Ce sont notamment les
contes n°1, n°3, n° 4 et n°8
Dans le premier "La légende des deux
frères" nous avons la répétition en trois temps
de "tu savais bien... »
Quant au second, conte n°3 "Le duel de
vérité et de mensonge", on peut relever la
répétition de « Après de nombreux
jours » qui revient quatre fois. Dans le conte n°4
"L'amitié des deux chacals" nous avons
"Ensemble" qui revient quatre fois.
Le dernier conte Egyptien "Le prince
prédestiné" comporte la répétition
de : « Après que les jours eurent passé
là-dessus » qui apparaît sept fois dans le
conte.
Au total, les contes subsahariens et Egyptiens contiennent des
répétitions. Ces répétitions que tolère.
L'oralité permet également aux auditeurs, surtout les jeunes
à retenir ou à mémoriser facilement le conte. Outre cette
valeur mnémotechnique, les répétitions ont une valeur
comique. Il est comique que le vieux génie et ses enfants
répondent « Elle va me raser aussi ». Outre
les répétitions, le conteur peut réveiller et divertir
l'auditoire avec les chants
I-1-4 Les chants
Pendant sa prestation, le conteur peut improviser ou imiter un
personnage en chantant. Si l'auditoire est en symbiose avec le conteur, il va
l'accompagner en battant des mains ou en jouant les choeurs. Cette symbiose qui
existe entre le conteur et l'auditoire a amené Paulette Roulon a
affirmé :
« Les contes sont pour la plupart des
chantefables, c'est-à-dire qu'ils constituent un chant que le conteur
lance et que l'auditoire reprend »19(*)
Il s'en suit que la poéticité du conte lui
confère le nom de chantefable. Eno Belinga défini la chantefable
comme étant :
« Un récit oral de fable ou de conte
mêlé de strophes chantées ; le récit et la
mélodie se coupant mutuellement avec harmonie » 20(*)
Dans notre corpus, sept contes négro-africains sont des
chantefables. Ce sont les contes
n° 11 "les coépouses"
n°12 "La jeune fille et le lion"
n° 16 "Le fils de Nkan"
n°17 "Les épouses de Kalak"
n°22 "L'origine du divorce"
n°25 "Le roi qui voulait épouser sa
filles"
n ° 29 "Les trois soeurs et
Itrimoubé"
Dans le conte n°11 intitulé "Les
coépouses" nous avons deux chansons. La première
est :
Bonjour, la bien aimée de mon mari
Je passe, je vais porter le repas à ton
mari,
Je sais que tu as faim, toi et ton enfant
Mais que faire,
Il n'y a pas d'ouverture
Pour que je te donne à manger.
Oh ! Pauvre femme.
Le ciel s'occupera de toi,
Au revoir, je suis partie.
Cette chanson est indubitablement une ironie, une raillerie,
une moquerie de la part de la première femme à l'endroit de sa
coépouse. Elle est aussi l'expression de l'esprit machiavélique
de la première épouse qui, par jalousie va trouver un exutoire
qui consistera à enfermer sa rivale dans un arbre. Son objectif atteint,
elle viendra chaque fois qu'elle pourra narguer cette dernière. La
seconde chanson est la suivante :
Arbre,
ouvre-toi,
Je te supplie, ouvre-toi,
Je reconnais mes torts,
Ouvre-toi
Je ne recommencerai plus, pardon, ouvre-toi.
Cette chanson à l'allure d'une formule magique est une
confession, une repentance de la première femme qui, après avoir
été menacée de mort par son mari passe aux aveux et
reconnaît son forfait (son ignoble crime).
Dans le conte n°12 "La jeune fille et le
lion" nous avons la chanson suivante :
Bonjour Warimangan !
Warimangan tambour jembe bonjour
Mon père m'avait dit
Qu'il tuerait un lion pour moi
Un lion très galant pour moi
Et faire un tambour avec sa peau pour moi
C'est ce jour qui est arrivé.
Ce chant repris 3 fois par la petite Warimangan est une arme
ou plus exactement une astuce, une hardiesse dont la petite use pour faire
fuir le lion chaque fois que ce dernier s'approche d'elle.
Dans ce conte n° 16 "Le fils de
Nkan".
Un homme nommé Nkan a trois femmes. Kooko, Gang et
Itiitii à qui il avait ordonné de n'accoucher que les filles et
jamais de garçons. Kooko et Gang accouchent chacune d'une fille. Itiitii
quant à elle accouche d'un garçon. Ne voulant pas d'un fils, Nkan
prit son fils et le jeta dans un tas de fourmis. Ce dernier sera
récupéré par Kpong-l'antilope naine. L'enfant grandit et
fabrique une flûte de roseau avec laquelle il joue la chanson
suivante :
Fooori fori fooori fori
Foro fori fori
Foro fori foriii
Mon père m'avait jeté dans un tas de
fourmis
N'eût été Kpong- l'antilope
naine
J'aurais perdu la vie
Fooo.
Ce chant qui apparaît deux fois dans le texte a une
double valeur. Il est une satire et une louange. Sa valeur satirique est
perceptible à travers la dénonciation de l'ignoble crime dont il
a été victime, le criminel étant contre toute attente son
papa. Ce chant exprime le mécontentement du fils vis-à-vis de son
papa qui a voulu le tuer en le jetant dans un tas de fourmis comme l'atteste ce
vers « Mon père m'avait jeté dans un tas de
fourmis ». Ce faisant, le fils punit par la même occasion
son père en le faisant avoir des remords et la honte. Outre cet aspect
satirique, ce chant est une louange à l'endroit de l'antilope. En le
faisant, le fils exprime ainsi sa gratitude à l'égard de son
bienfaiteur Kpong-l'antilope sans qui il serait mort dans ce tas de fourmis.
« N'eût été Kpong-l'antilope
naine
J'aurais perdu la vie. »
Le conte n° 22 "L'origine du divorce"
est celui qui parle d'un couple, jadis heureux, qui a fini par sombrer dans le
divorce. Le mari est chasseur et la femme est cultivatrice. Elle a un grand
champ de maïs qu'un groupe de gorilles vient le plus souvent piller la
récolte. Devant le refus de son mari à vouloir l'aider à
chasser les gorilles, la femme décide d'aller elle- même à
la chasse aux gorilles. Elle s'arme du carquois et de l'arc de son mari ;
et réussit à abattre le chef des gorilles. De retour au village,
la femme qui s'attendait aux félicitations de la part de son mari,
reçoit plutôt un savon de ce dernier qui lui demande de retourner
illico sur ses pas récupérer sa flèche. Dans son chagrin,
elle se met à chanter.
Mince alors ! Aller chez les gorilles, aller cher les
gorilles, mince alors !
La flèche a atteint quelle partie d'abord ?
Mince alors !
La jambe ou le bras ? Mince alors !
Le bras ou la jambe ? Mince alors !
La tête ou le ventre ? Mince
alors !
Le ventre ou la tête ? Mince alors !
(Etc.)
Ce chant est incontestablement une complainte. Elle est
l'expression du chagrin de la femme qui lance un appel ; une demande
d'assistance à tous ceux qui peuvent l'aider à identifier avec
précision la partie du corps du gorille atteinte par la
flèche.
Dans le conte n° 25 "Le roi qui voulait marier sa
fille" il s'agit de l'histoire d'un roi et sa très belle fille.
Visiblement exigeant, ce dernier décide d'enfermer sa fille dans une
case sans issue afin qu'elle ne puisse pas tomber amoureuse de n'importe quel
homme. Les prétendants défilent, mais le roi ne trouve aucun
à son goût. Un jour les servantes qui donnaient à manger
à la princesse entendent les pleurs d'un nouveau-né.
Courroucé par cette situation, le roi convoque une assemblée
afin que le géniteur de l'enfant soit identifier et tuer. Pour ce faire,
chacun vient chanter devant l'enfant cette chanson.
Enfant qui commence à marcher oh,
A pas mal assuré,
Enfant qui commence à marcher oh,
A pas mal assuré,
Si tu es mon fil,
Marches et viens vers moi,
A pas mal assuré.
Ce chant est un test de paternité que tous les membres
de l'assemblée convoquée par le roi doivent chanter afin que
l'enfant désigne son père en s'avançant vers lui.
Dans le conte n°29 "Les trois soeurs et
Itrimoubé"
Un couple vit avec ses trois filles Ramatou, Raïvou et
Ifara. Ifara la plus jeune est également la plus jolie. Jalouses, ses
aînées décident de l'éliminer, pour ce faire elles
vont mettre sur pied un plan diabolique, qui la conduira dans les filets du
monstre Itrimoubé. Le monstre décide de l'engraisser afin qu'elle
soit bien dodue et bonne à rôtir. Le jour J, une petite souris
aide Ifara à s'enfuir. Le monstre Itrimoubé hume l'air et
réussit à la rejoindre. La pauvre Ifara qui ne retrouve plus son
chemin aperçut un corbeau à qui elle demanda de l'aide en
chantant :
Joli corbeau, joli corbeau,
Je lisserai tes plumes noires,
Si tu veux m'emporter avec toi, vers le puits de mon
père.
Le corbeau refuse de l'aider en lui rappelant qu'elle avait
raconter à tout le monde qu'il mangeait les arachides vertes
« Non, dit le corbeau, je ne t'emporterai pas ; tu n'aurais
pas dû raconter que je mangeais des arachides vertes ».
Après le corbeau, elle aperçut un milan et lui
chanta :
Mon beau Milan, mon beau milan,
Je lisserai tes plumes grises,
Si tu veux m'emporter avec toi,
Vers le puits de mon père.
Comme le corbeau, le milan refusa Ifara et lui tint ces propos
« Je ne t'emporterai pas. Tu n'aurai pas dû raconter que je
mangeais des rats morts ».
Pendant qu'elle regrettait d'avoir été
très bavarde, elle aperçut un pigeon à qui elle chanta.
Joli pigeon, joli pigeon,
Je lisserai tes plumes bleues,
Si tu veux m'emporter avec toi,
Vers le puits de mon père.
Au rebours du corbeau et du milan, le pigeon éprouva de
la pitié pour la jeune fille et l'emporta vers le puits de son papa.
Ces trois chansons sont à priori des flatteries dans
lesquelles la petite Ifara confondue à une enjôleuse comme
l'attestent les premiers vers de chaque chanson.
« Joli corbeau, joli corbeau »
chanson 1
« Joli milan, joli milan »
chanson 2
« Joli pigeon, joli pigeon »
chanson 3
Mais la situation ou plus exactement le contexte de ces chants
montrent qu'il s'agit plutôt d'un signal de détresse, d'un appel
à l'aide que la petite qui ne retrouve plus son chemin lance à
l'endroit des oiseaux afin que ces derniers l'emportent chez ses parents.
En clair, nous pouvons dire que les chansons ne sont pas
facultatives dans les contes. Elles sont à contrario plurivoques. Elles
concourent à l'évolution dramatique du récit en facilitant
sa compréhension, elles provoquent la gaieté ou la
mélancolie. Face à un public exigeant elles peuvent être
une bonification pour le narrateur. Justifiant l'omniprésence des chants
dans les contes africains, Roland Colin a pu dire :
Toute la courbe littéraire africaine est
poésie ou brodée d'une frange poésie qui est chanson,
rythme et danse des mots. Le conte est d'ailleurs tout imprégné
de poésie véritable : à chaque instant, une chanson
légère ou poignante y naît comme le retour du thème
d'une symphonie.21(*)
Après cette étude sur la manifestation,
intéressons nous à présent aux procédés
stylistiques.
I-2- Les
procédés stylistiques
Il n'existe pas une manière figée ou
étalon de dire les contes. Chaque conteur peut selon sa fantaisie faire
appel aux procédés stylistiques de son choix. Néanmoins,
les contes négro-africains se caractérisent par trois
procédés stylistiques récurrents : le discours
direct, l'usage du proverbe et l'anthropomorphisation.
I-2-1- Le discours direct ou
style direct ou conversationnel.
L'univers du conte négro-africain proscrit
systématiquement l'emploi de la première personne du singulier ou
du pluriel. C'est sans doute pourquoi quoique omniscient et omniprésent,
le narrateur ne se met pas directement en scène. Il raconte toujours ce
qui est arrivé aux autres et dont il était le seul témoin
oculaire. Son discours est en permanence un discours à la
troisième personne où il se contente d'imiter tous les
protagonistes à travers un discours direct.
D'une manière générale le discours direct
est la transcription des propos ou des pensées tels qu'ils sont
censés avoir été exprimés par un personnage. Dans
un texte narratif il se caractérise par deux points
précédés par un verbe introducteur qui peut être une
déclaration, une interrogation, une réponse, un ordre. Il se
traduit également par les guillemets et par le retour à la ligne
avec des répliques précédées par les tirets qui
traduisent le passage d'un personnage à un autre. Il s'en suit donc dans
les contes que le style direct est marqué par des séquences
dialoguées qui reflètent parfois le parler quotidien. C'est
précisément ce parler quotidien que tous les contes subsahariens
ou presque essayent de reproduire. Quelques extraits ou fragments viennent
à point nommé. Notamment ceux des contes subsahariens
suivants : numéros 9,10,12,13,14, 15, 16, 17, 18 ,19, 20, 21, 24,
26 , 29.
Conte n°9 "Le prince"
Un jour, le prince fait une mauvaise chasse et ne rapporte
même pas un oiseau. Il revient s'asseoir et regarde ses petits
animaux ; il ne sait que faire ni où trouver à leur donner
à manger. Ce jour-là, le petit charognard dit à ses
compagnons : « Aujourd'hui, notre tuteur a le coeur triste car
il n'a rien pour nous, mais je vais l'aider. » Il part dire au
prince : « Aujourd'hui, je vais t'aider, je vais te conduire
chez moi, dans mon village » Le prince est d'accord et va avertir sa
mère qui lui dit :" Qu'est-ce que j'ai à voir avec tes
promenades inutiles ?
Conte n°10 " Le cultivateur, sa femme et les
génies"
Quelques temps après, le mari revient et voit sa
cour remplie de génies. Pris de peur, il ne s'approche pas. Il reste
à distance et demande à sa femme : « Pourquoi ces
génies sont-ils dans la cour ? ». La femme
répond : « Le plus petit est venu chercher du feu et je
lui ai demandé de s'asseoir, lui disant qu'après ton retour,
j'allais le raser. Les autres sont ensuite arrivés un à un en lui
demandant : « Tu es venu t'asseoir, tu es venu t'asseoir ?
Conte n° 12 " La jeune fille et le
lion"
Chaque jour les choses se passaient ainsi, et la fille
n'osait rien dire à ses parents. Un jour elle se décida à
en parler à ses parents : « Papa, chaque fois que je vais
au champ un lion vient me provoquer pour me manger, je chante pour lui en
disant que mon père va le tuer, alors il prend peur et s'enfuie.
Le papa répondit à sa fille :
« Ne t'inquiète pas, demain nous irons ensemble aux champs
et ce vieux lion je vais le tuer. S'il vient te saluer ne prend même pas
la peine de répondre.
Conte n°13 "le lièvre et
l'hyène"
Pendant qu'ils partaient chercher des termites, ils
trouvèrent un trou à ouverture étroite. Le
lièvre dit : « Hyène, vient voir ce
petit trou en cas de danger, Hyène, tu y entreras
aisément ».
L'hyène dit : « Compère
lièvre avec tes gros yeux-là, avec tes longues oreilles-là
si tu ne les mets pas ailleurs, quel danger peut me menacer, moi
l'hyène, avec tes propos insolents-là »
Le lièvre dit :
« Hyène, allons chercher nos termites je n'aime pas les
longues discussions »
Conte n°14 "L'ingratitude"
"Les animaux sortis du puits conseillent alors notre
promeneur : « attention, surtout ne laisse pas cet homme sortir
du puits ! » Mais notre homme réplique :
« Comment çà ? Je vous ai aidés à
sortir, et je n'abandonnerai pas mon semblable au fond de ce
puits ! ». Et il aide l'homme à sortir du puits.
Conte n°15 "La femme de Mesha'atsang"
Il partit un jour à la pêche et trouva sur sa
route une vieille femme. Mère, dit-il, donne-moi ton fagot de
bois, je t'accompagne à la maison. Il prit le fagot de bois, le
porta sur la tête et accompagna la vieille chez elle. Fils, lui
dit-elle, où vas-tu ?
- A la pêche, répondit Mesha'atsang
- Où ? A la rivière. Non, lui dit-elle,
ne part pas à la rivière, va plutôt où
j'étais chercher le bois ; il y a deux mares : l'une claire,
l'autre sale. Ne jette pas ta ligne dans celle qui est claire, jette la
plutôt dans la mare boueuse.
- Conte n° 16 "Le fils de Nkan"
Le petit esclave lui dit :
- Maître, voilà qu'on t'appelle
- Ah non ! Cesse de dire des folies
Il lui coupa une oreille et la mit dans son sac.
Conte n°17 "Les épouses de
Kalak"
La deuxième marmite fut remplie de larmes jusqu'aux
bords. Voyant cela, les gens dirent : « C'est donc
ainsi ? » Kanak revint à la vie et dit à sa
première femme : « C'est donc ainsi ? Si je
meurs tu regagnes ton village natal ? Fais donc tes bagages et rentre tout
de suite » Gang fit ses bagages et rentra à
Bepei.
Conte n° 18 "Mesut-le-lièvre épouse
la fille du roi"
Le roi rassembla tous ses enfants et toutes ses
femmes et les informa de cette décision :
- Je vous ai réunis pour vous dire que je vais
marier Ntùtùere, ma première file ici présente,
vendredi de la semaine prochaine. Son mari cumulera en lui d'étonnantes
qualités : le courage, l'intelligence et une force
d'athlète.
- Décidément Sire, fit la favorite, vous
n'arrêtez jamais de nous surprendre. Avez-vous déjà choisi
l'homme avec qui elle convolera en justes noces ?
- Pas encore, mais ne vous souciez guère. Vendredi
prochain, tout ira comme sur des roulettes.
- Et comment ? interrogea la femme.
- J'organiserai une compétition qui comportera
plusieurs épreuves ardues. Celui qui en sortira victorieux
épousera Ntùtùère. Que tout le royaume soit donc
informé, et tous les hommes, jeunes ou vieux, accourent ici vendredi
prochain pour tenter leur chance."
Conte n° 19 "Mesut-le-Lièvre sauve un
chasseur".
Une fois revenu au lieu de départ, Mesùt
demanda au crocodile :
- Est-ce que ce chasseur t'a trouvé ?
- C'est ici qu'il m'a trouvé, fit naïvement le
crocodile. Et je l'ai supplié de nous venir en aide, mes enfants et
moi.
- Ah bon ! C'est donc ici, à cet endroit
desséché !
- Oui Tita Mesùt, répondit le
caïman.
- Qu'es-tu donc venu chercher ici demanda Tita
Mesùut au chasseur ?
- Je me rendais à la chasse.
- Et qu'allais-tu chercher ?
- Du gibier.
- Oh ! Mon brave homme, je suis étonné
que tu fasses du mouron. Qu'as-tu devant toi ? L'homme est la seule
créature à pouvoir accéder à la réflexion,
et vous voulez vous en laisser accroire par une bête, fut-elle
gigantesque ?
Conte n° 20 "La destitution de Memvù- le
chien"
Puis il sortit de son sac un paquet de crabes
grillés et un os qu'il se mit à croquer délicatement. A la
vue de cet appât, Memvù-le chien perdit l'esprit.
- D'où vient cette odeur appétissante ?
S'exhalerait-elle de ton sac, Mesùt ?
Mesùt, qui savait que Memvù est un goinfre,
lança devant sa Majesté un crabe et un os. Le roi fit un grand
bon en avant et se précipita sur ces restes. Il ne se doutait pas que
son attitude remplirait toute la cour de stupeur.
- Non ! Criaient les bêtes consternées
par ce spectacle déshonorant, un roi ne doit pas avoir le museau
léger ! C'est très ridicule ! Nous ne méritons
point un tel roi ! "
Conte n° 21 "La dette de Kimanga la
Tortue"
Une nuit dame Kimanga fit cette remarque à son
mari :
- A cette allure nous allons tous crever avant les
premières pluies. Il nous faut quelque chose à manger.
Trouve-nous un peu d'argent.
- Quoi ? Es-tu folle ?
- Un peu d'argent nous permettra de survivre pendant
quelque temps.
- Mais où allons nous trouver l'argent dont tu
parles ?
- Ecoute. Ton ami kùpù-le cochon est bien
fortuné ! Il a toujours sa bourse pleine. Pourquoi ne pas lui
demander de nous prêter une petite somme que nous lui rembourserons
après l'arrivée des premières pluies. Nous aurons alors
récolté nos ignames et leur vente nous permettra de lui
rembourser son dû.
- Voilà une idée bien
géniale.
Conte n° 24 "Pourquoi y a -t-il tant d'idiots de
par le monde ? "
Un jour, trois idiots qu'on avait chassés pour leur
bêtise se retrouvèrent à une croisée de chemins et
se dirent :
« Peut-être arriverons-nous à
quelque chose d'utile en réunissant l'intelligence de trois têtes
stupides. »
Et ils poursuivirent leur chemin ensemble. Peu de temps
après, ils arrivèrent devant une cabane d'où
sortit le vieil homme.
« Où allez-vous ? »
demanda celui-ci.
Les idiots haussèrent les
épaules :
« Là où nous porteront nos jambes.
On nous a chassés de chez nous pour notre bêtise »
Le vieux répliqua :
« Alors, entrez. Je vais vous mettre à
l'épreuve »
Conte n°26 "Les trois antilopes"
Voilà qu'un homme suivi de son fils arriva à
la fontaine, et nos antilopes recommencèrent à se
plaindre : « Nous ne voulons pas
d'homme ! » L'homme dresse
l'oreille : « Quelles sont ces
voix ? » . Mais le jeune homme, assoiffé, but
à la fontaine sans plus attendre. Aussitôt, il se
transforma en antilope sous le regard médusé de son père.
Celui-ci comprit, cependant, ce qui venait d'arriver ; il
soupira : « Hélas, mon fils. Si tu rencontres
les hommes, enfuis-toi. Si tu croises les éléphants, sauve-toi.
Mais si tu aperçois les antilopes, joins-toi à
elles ». Sur ces paroles, il s'en alla.
Conte n°28 "Le prince de la pluie"
Anga grouille de jeunes gens. Mais aucun d'eux n'est
entièrement pur de corps et d'esprit.
- J'en connais bien un, dit un gentil conseiller en se
caressant la barbe. C'était un homme qui était originaire du
même village que le père de Devi et connaissait son histoire et
celle de son fils. Il la raconta au roi et aux autres conseillers.
- Je crains cependant que le père n'accepte jamais
que nous ramenions son fils à Anga, dit-il,
découragé.
Il réfléchit un instant. Soudain, son visage
s'éclaira.
- Je connais le moyen de faire venir ce jeune homme
à Anga, dit-il en riant. Avez-vous donc oublié que j'ai une
fille ? Elle est la plus belle du pays et, en plus, elle est
intelligente. Si je lui explique l'affaire, elle fera de son mieux et je ne
doute pas un instant qu'elle ne parvienne à persuader ce jeune
garçon de l'accompagner.
Aussitôt dit, aussitôt fait. Le roi parla
immédiatement à sa fille qui trouva très amusant
l'idée de séduire un gentil garçon avec l'accord de son
père.
- Est-il très beau ? Demanda-t-elle avec
curiosité.
- Tu le verras toi-même, répondit le roi avec
impatience. Tu n'as pas à l'épouser de toute
façon.
La princesse préféra ne pas répondre
et commença immédiatement à préparer ses valises
pour ce long voyage.
Conte n° 29 "Les trois Soeurs et
Itrimoubé"
Elles appelèrent Ifara et lui dirent de
s'habiller pour sortir avec elles. La première personne qu'elles
rencontrèrent fut une vieille femme.
- Oh ! Bonne mère, crièrent les deux
soeurs, quelle est la plus jolie de nous trois ?
La vieille répondit : « Ramatoua
n'est pas mal, Raïvou non plus, mais c'est Ifara qui est la plus
belle ».
Alors Ramatoua enleva à sa jeune soeur sa robe de
dessus. Elles rencontrèrent un vieillard et lui dirent :
- Oh ! Bonhomme, quelle est la plus jolie de nous
trois ?
Le vieillard fit la même réponse que la
vieille femme, et Raïvou dépouilla Ifara de sa robe de
dessous.
Ensuite elles rencontrèrent Itrimoubé, un
monstre moitié homme, moitié taureau, avec une longue queue
pointue.
- Voici Itrimoubé, dirent les deux soeurs, et elles
lui crièrent : « Itrimoubé, quelle est la plus
jolie de nous trois ? Itrimoubé poussa un grognement et
répondit : « ça n'est pas difficile à dire,
c'est Ifara ».
En somme, nous pouvons dire que presque tous les contes
subsahariens comportent des parties dialoguées. Nous nous proposons
à présent de voir si les contes Egyptiens présentent aussi
des dialogues.
Les extraits de conte qui vont suivre nous donne force de
confirmer que pareillement aux contes subsahariens, les dialogues
parsèment les contes Egyptiens.
Conte n° 1 "La légende des deux
frères "
Le cadet lui dit : « Debout !
Donne moi les semences, que je les rapporte aux champs en courant, car mon
frère aîné m'a dit en m'envoyant : point de
paresse ! » Sans se déranger, la femme
lui dit : « Va, ouvre la bûche de terre battue et
emporte ce qu'il te plaira, mais je ne veux pas interrompre ma coiffure pour te
servir » Le garçon pénétra dans
l'étable, choisit une énorme jarre (car son intention
était de prendre beaucoup de grains), la remplit de blé et d'orge
et sortit, ployant sous le faix. Elle lui dit « Ton
épaule est bien chargée. Quelle quantité as-tu
prise. Il répondit : « Orge :
trois mesures ; froment : deux mesures. Total : Cinq.
Voilà ce que supporte mon épaule ». Elle
reprit : « Tu as bien du courage, chaque jour je
constate que tu deviens de plus en plus fort » Elle le
regardait en l'admirant. Soudain, elle se leva et lui dit :
« Tu es plus fort que ton frère aîné.
J'aurais dû t'épouser
Conte n° 3 "Le duel de Vérité et de
Mensonge"
Il aperçut le boeuf laissé par l'adolescent,
un boeuf très, très beau d'apparence, et dit à son
berger : « Que l'on me donne ce boeuf afin que je
le mange ! »
Mais le berger lui dit : « Il n'est
pas à moi, je ne saurais donc te le donner ». Alors
Mensonge lui dit : « Vois, tous mes boeufs,
ils sont tous en ta possession, donne l'un d'eux au propriétaire de
celui-là ». Le jeune homme entendit que Mensonge
s'était emparé boeuf. Il vint aussitôt à
l'endroit où se tenait le berger et lui dit de son:
« Où est mon boeuf ? Je ne le vois plus au milieu des
tiens » le berger répondit :
« Tous les boeufs, tous sont pour toi, emmène celui que tu
désires » Le jeune homme dit :
« Existe-il un boeuf aussi grand que le mien ? Quand il se
tenait debout dans l'ïle d'Amon, la touffe de sa queue reposait parmi les
papyrus, tandis que l'une de ses cornes était sur la colline de
l'occident, l'autre sur la colline de l'orient, le Nil en sa crue étant
la place de son repos, et soixante veaux étaient mis au monde pour lui
quotidiennement ». Le berger lui dit : « Est-il un
boeuf aussi grand que celui dont tu parles ?
Conte n° 4 "L'amitié des deux
chacals"
Le lion fort surpris ne put s'empêcher de leur
demander :
- Eh bien, pourriez-vous m'expliquer par quel prodige vous
ne vous êtes pas enfui à mon approche ? Etes-vous
inconscients ? Ne voyez-vous pas que je suis affamé et à la
recherche de nourriture ?
L'un des deux chacals prit la parole et dit :
- Pour sûr, Ô Seigneur ! Nous sommes
forts conscients de cet état de fait. Nous avons vu que tu étais
en chasse et que tu allais te jeter sur nous et nous dévorer. Nous avons
cependant décidé de ne pas fuir. Quoi que nous fassions, aussi
vite que nous puissions courir, tu nous rattraperais. Nous avons donc
décidée de ne pas fuir. Nous préférons que tu ne
sois pas épuisé au moment où tu décideras de nous
dévorer. Nous préférons mourir rapidement et non souffrir
par une mort lente.
Conte n° 5 "La femme adultère"
Des jours après cela, comme il y avait un pavillon
de plaisance dans le jardin d'Oubaoner, le vilain dit à
l'épouse de celui-ci : « N'y a-t-il pas un
pavillon ? Allons donc y passer un moment ». La femme
parla donc à l'intendant qui était chargé de l'entretien
du jardin : « Fais préparer le pavillon de
plaisance » Puis elle s'y rendit et y passa le jour à
boire...l'homme vil descendit dans l'étang.
Conte n° 6 "La boucle de la rameuse"
Sa Majesté dit : « Pourquoi
ne ramez-vous plus ? » Elles
répondirent : « C'est que notre commandant s'est
arrêtée ». Sa Majesté dit alors à
celle-ci : « Pourquoi ne veux-tu plus
ramer ? » Elle répondit :
« Ma boucle d'oreille faite de turquoise neuve est tombée
dans l'eau »
Sa majesté : « Je te la
remplacerai »
La jeune fille : « C'est celle-ci
que j'aime et non sa semblable »
Sa Majesté dit alors :
« Que l'on amène jusqu'à moi le prêtre
lecteur en chef Djadjaemankh, mon frère, j'ai agi conformément
à ce que tu m'as dit, et le coeur de ma Majesté s'est diverti
à contempler ces rameuses. Mais la boucle d'oreille, faite de turquoise
neuve appartenant au commandant est tombée dans l'eau ; celle-ci
s'est arrêtée, ne voulant plus ramer. Le trouble a gagné
ses compagnes de rang. Je lui ai dit : « Pourquoi ne veux-tu
plus ramer ?
Conte n° 8 "Le prince
prédestiné"
Ils lui dirent en manière de
conversation :
« D'où viens-tu, bon jeune
homme ? Il leur dit :
« Moi, je suis fils d'un soldat des chars du
pays d'Egypte. Ma mère mourut, mon père prit une autre femme.
Quand survinrent les enfants, elle se mit à me haïr, et je me suis
enfui devant elle ».
Ils le serrèrent dans leurs bras, ils le couvrirent
de baisers. Or, après que beaucoup de jours eurent passé
là-dessus, il dit aux princes :
« Que faites-vous donc
ici ? » Ils lui dirent :
« Nous passons notre temps à faire
ceci : Nous nous envolons et celui qui atteindra la fenêtre de la
fille du prince de Naharinna, on la lui donnera pour femme ». Il
leur dit : « S'il vous plait, je conjurerai mes jambes et
j'irai m'envoler avec vous ».
Nous pouvons dire au regard de ce qui précède
que les dialogues qui entrecoupent les contes de notre corpus font que
l'univers fictif, merveilleux et fantastique de ces derniers se rapproche de
plus en plus du vécu quotidien des hommes. Outre ce style direct, les
contes laissent apercevoir les proverbes.
I-2-2 L'usage des proverbes
L'emploi du proverbe est un procédé expressif
très récurrent dans la vie traditionnelle africaine. Avant toute
illustration dans notre corpus, il semble opportun que nous nous attardions
momentanément sur quelques définitions du proverbe.
Etymologiquement le mot proverbe vient du latin
"proverbium " qui désigne un court énoncé
exprimant un conseil populaire, une vérité de bon sens ou
d'expérience et qui est devenu d'usage commun. Cette
définition du petit Larousse (2003) n'est pas fondamentalement
différente de celles de Jacques Chevrier et Jean Vignes. Le premier
affirme : « Les proverbes sont les expressions des
vérités naturelles »22(*). Quant au second, le proverbe
est : « Une forme populaire brève, qui énonce
de façon métaphorique une vérité
d'expérience ou un conseil de sagesse »23(*).
Des définitions qui précèdent nous
pouvons retenir que le proverbe se caractérise par sa
brièveté, sa popularité, par son langage imagé et
métaphorique. Au demeurant nous pouvons dire que le proverbe est un
message social qui décrit certaines situations de la vie en vue de les
amender. Joseph-Marie Awouma dira à ce sujet que
« les proverbes expliquent et justifient
certaines formes particulières, certains traits caractéristiques
de la structure sociale et les formes de mentalités propres à
chaque groupe d'individus »24(*).
L'intégration du proverbe dans le conte négro
africain se fait généralement de trois manières :
- Au début du conte, sous forme d'une formule
introductive qui donne d'entrée de jeu l'idée essentielle
à retenir.
- Au milieu du conte, où il peut avoir, selon que
l'auditoire est attentif ou distrait, deux fonctions à savoir :
accélérer ou ralentir le cours des évènements.
- A la fin du conte où il acquiert le statut d'une
vérité ou de la philosophie du groupe.
Dans les contes subsahariens nous pouvons relever plusieurs
proverbes. C'est le cas du conte n° 19 où l'on peut lire la phrase
proverbiale suivante : « pour traverser la mer orageuse de
la vie, point n'est besoin de barbarie. Ne méconnaissons aucun des
moyens simples qui peuvent se trouver à notre
portée ».
Le conte n° 20 a également une expression
proverbiale : « Quelque brève que puisse être
notre vie, il nous faut du bien-être. Mais l'on ne recherche pas
autrement celui-ci que dans la réserve et la
dignité ».
A l'instar des contes subsahariens, les contes Egyptiens sont
aussi riches en proverbes. C'est l'exemple des contes n° 1 et n°7 qui
laissent respectivement apparaître les proverbes suivants :
« Une bouchée de perséa réconforte le
coeur ».
« Le bonheur ne préserve pas des
méchants ni des envieux »
Les proverbes qui précèdent montrent à
suffisance, comme l'atteste Françoise Tsoungui,que :
« Le conte est alors au service du proverbe car
il figure soit au début soit à la fin du conte pour l' illustrer
ou l'expliquer. »25(*)
Outre les proverbes, l'univers du conte négro-africain
est dominé par d'autres manifestations esthétiques qui
obéissent aux réalités traditionnelles qui les
sous-tendent.
D'après la classification de Jacques Fame Ndongo nous
avons : l'anthropomorphisation, la zoomorphisation, la réification
et la mythification. Poursuivant son argumentaire il nous rappelle ceci :
« Tous les contes légendes, mythes,
chantefables, berceuses etc s'inscrivent dans cette structure
esthétiques »26(*).
I-2-3-
L'anthropomorphisation
L'anthropomorphisation est l'un des procédés
stylistique dont raffole la tradition orale. On peut la définir comme la
tendance à attribuer aux objets naturels, aux animaux et aux
créations mythiques des manières d'être et d'agir propres
aux humains. Se situant dans la même perspective Pierre Ngijol Ngijol a
pu écrire : « L'anthropomorphisation consiste
à donner des attributs humains aux divers éléments de la
nature »27(*).
Dans le conte négro-africain l'anthropomorphisation est
palpable à travers tous les personnages non humains qui se comportent
comme des hommes. C'est ainsi qu'on peut les voir communiquer oralement entre
eux ou avec les hommes, consulter les devins pour prédire leur avenir,
cultiver les champs, aller au marché vendre les recettes,
s'équiper des fétiches pour mener à bien leur projet ou
pour se protéger. On peut aussi les voir organiser des palabres pour
trancher les litiges, se réunir pour désigner ou voter un
chef.
Dans les contes Subsahariens nous pouvons dénombrer
plusieurs cas d'anthropomorphisation, à titre illustratif nous avons des
extraits des contes : numeros 9, 13, 14, 18, 19, 21, 23, 25 ,29 et 30 que
nous rappelons
Conte n° 9 "Le prince". Dans ce conte on
s'aperçoit que les animaux jouissaient de la faculté de pouvoir
communiquer par la parole qui pourtant à l'instar de la raison l'apanage
de l'homme. C'est ainsi qu'on a ces dialogues entre le charognard et le prince
d'une part, le chaton et le chiot d'autre part.
Extrait n° 1 dialogue entre le charognard et le jeune
prince
"Le petit charognard dit : « Ferme les
yeux ! » Et quand le prince les ouvre à nouveau, il
se voit dans un endroit inconnu, au milieu d'un troupeau, de charognards qui
l'accueillent comme un roi. Après l'avoir salué, ils se retirent
en le laissant avec son petit charognard qui lui dit :
Mon père et ma mère
vont venir te saluer et te demander ce que tu veux ! Ne leur
réponds pas que tu veux de l'argent ou de l'or, mais dis à mon
père que tu veux ce qu'il a au doigt et à ma mère de
souffler à ton oreille.
Le jeune prince dit : « J'ai
compris ! »
Dans cet extrait nous avons des charognards qui accueillent le
prince comme un roi et le saluent. Nous remarquons aussi que le père du
charognard a des doigts.
Extrait n°2
"Un jour, le chaton dit au chiot :
« Si tu peux me faire traverser le fleuve, j'irai aider notre
maître ! ».
« Si c'est pour traverser le fleuve, il n'y a
pas de problème ! »
Arrivés au bord du fleuve, le chiot dit au
chaton : « Accroche-toi à mon dos, je vais te
faire traverser ! ».
Conte n° 10 "Le cultivateur,sa femme et les
génies dans ce récit nous avons un dialogue entre les
génies.
Le petit génie s'assit. Quelque temps
après, le vieux est inquiet et envoie l'aîné voir ce que
fait son frère. Il part trouver son petit frère assis et lui
dit : « Kunkelen, le vieux t'a envoyé chercher
du feu et tu es venu t'asseoir ? »
Le petit frère lui répond :
« C'est cette femme bavarde qui veut me raser »
Le grand frère dit : « Elle
va me raser aussi »
Conte n° 13 "Le lièvre et l'hyène"
Dans ce conte, le lièvre, l'hyène, le lion et le
sanglier parlent"
Extrait :
Le lièvre, dans sa ruse, revint dire à
l'hyène :
« Commère l'hyène, comme tu
n'entres pas dans la forêt, donne-moi ton panier. Assieds-toi sous
l'arbre à karité. J'irai chercher les termites pour
toi » Il rapporta le panier à l'hyène et
lui dit : « Retournons à la maison »
Pendant qu'ils rentraient, arrivés au trou à l'ouverture
étroite, le lion arriva à toute vitesse en
colère.
Le lion dit : « Compère
lièvre, je ne vois plus mon petit, c'est pourquoi je suis à votre
poursuite. »
Le lièvre dit : « Grand
oncle, si j'avais quelque chose de bon à la maison, je l'apporterai
à ton petit en brousse au lieu de vouloir l'emporter à la
maison » "
Conte n° 14" L'ingratitude"( Dialogue
entre l'homme et les animaux `singe, lion et serpent)
Extrait :
Il rencontre le singe qui lui demande :
« N'est-ce pas toi qui nous a aidés
à sortir du puits, l'autre jour ? » L'homme lui
répondit : « C'est bien moi ».
Quelques jours plus tard, notre homme sort de chez lui, pour parcourir
la brousse à la recherche de nourriture. Il croise le lion qui
lui demande :
« N'est-ce pas toi qui nous a aidés
à sortir du puits l'autre jour ? » L'homme lui
répond : « C'est bien moi. Un serpent
passait par là. Il entendit notre homme et s'approcha :
« N'est-ce pas toi qui nous a aidés
à sortir du puits l'autre jour ? » L'homme lui
répondit : « C'est bien
moi ! » Le serpent reprend :
« Je vais te donner un remède, une feuille magique. A
l'aide de cette feuille, tu iras ressusciter le fils du chef de village que je
vais aller mordre mortellement tout de suite. Toi, pour l'instant,
n'arrête pas de crier ceci : Chez nous, un serpent ne peut pas nous
faire de mal. S'il mord l'un d'entre nous, notre médicament le
protège ou le ressuscitera. »
Conte
n°18".Mesut-le-lièvre épouse la
fille du roi "Dans ce conte l'anthropomorphisation
est très patente. Elle commence par un dialogue entre le lion et une
lionne au sujet du mariage de sa fille.
- Je vous ai réunis pour vous dire que je vais
marier Ntùtùre, ma première fille ici présente,
vendredi de la semaine prochaine. Son mari cumulera en lui d'étonnantes
qualités : le courage, l'intelligence et une force
d'athlète.
- Décidément, sire, fit la favorite, vous
n'arrêtez jamais de nous surprendre. Avez-vous déjà choisi
l'homme avec qui elle convolera en justes noces ?
- A la suite de ce dialogue nous constatons que le
lion veut envoyer sa fille en mariage. Il est fort possible qu'on assiste
à un mariage entre un homme et une lionne. Par ailleurs, nous
avons des animaux qui font de la musique« Les musiciens se
mirent à égrener des rhapsodies bien
rythmées », des animaux qui montent sur les chevaux
« Mesùt le lièvre arrive de la cour sur un cheval
bien chargé », des animaux qui ont des paupières,
qui adressent des sourires, qui ont des boucles et des mains.
« Les paupières mi-closes, la bouche entr'ouverte, elle
sourit à Mesùt et lui donna la main ». De
même nous avons des animaux qui s'équipent des fétiches.
« Mes fétiches et mes ancêtres à qui j'ai
offert des sacrifices m'ont rassuré » Et presque tous les
animaux ont des noms, c'est le cas de Mesùt le lièvre, Meshe-la
biche, Nsuen- l'éléphant, Ngùe- la panthère,
Nyet-le buffle, Rigbaa- l'hippopotame ou encore Kùkùnda- le
Caméléon.
Conte n° 19 " La destitution de
Memvu-le-chien". Dialogue entre un chasseur et les crocodiles
- Soyez le bienvenu, Sire ! Qui que vous soyez et
quel que soit ce que vous cherchez, que la paix soit avec vous. Vous êtes
le plus distingué des visiteurs de ce bois.
- La paix seulement, répondit le chasseur.
- Nous vous en prions, visiteur éminent, voyez
notre misère. Mes enfants et moi sommes perdus du fait de la
sécheresse. Sauvez-nous et nous vous en saurons gré. Vous aurez
une récompense, la plus belle et la plus grande qui soit. Songez
seulement qu'aucun animal vertébré tétrapode ne vous a
jamais tenu un tel langage.
- Visiblement, vous pâtissez des conséquences
fâcheuses de cette étrange sécheresse. Que puis-je donc
pour vous ?
- Conduisez- nous Sire, au bord du grand fleuve nous
sommes au bord du gouffre fatal, voyez ! Nous pourrions nous jeter
à l'eau et nous abreuver ainsi à cette source de la vie.
- Avec cette sécheresse, ce fleuve n'a-t-il pas
tari ? Demanda le chasseur.
- Hum...Non, je ne crois pas ! Répondit le
crocodile. Son débit est souvent tel qu'aucune sécheresse ne
saurait l'ébranler.
Conte n° 21".La dette de Kimanga" Dans
ce conte, les animaux peuvent s'emprunter de l'argent, ils vont au champ et au
marché. « Ecoute-ton ami Kùpù-le cochon est
bien fortuné il a toujours la bourse pleine. Pourquoi ne pas lui
demander de nous prêter une petite somme que nous lui rembourserons
après l'arrivée des premières pluies. Nous aurons alors
récolté nos ignames et leur vente nous permettra de lui
rembourser son dû », ils peuvent être à un
mariage « Tiens, je me souviens, ....il ne rentrera pas tôt
aujourd'hui parce qu'il a été invité au mariage d'un noble
qui vit à quatre rivière d'ici » Ou encore
s'habiller et utiliser une pierre à écraser
« Penchée sur sa pierre, dame Kimanga continua à
écraser son maïs ignorant Kùpù qui s'enflamma
davantage » « Sur ces entrefaites Kimanga fit son
entrée avec des habits mouillés et sales à la grande
surprise de kùpù ».
Conte n° 23 "Et le ciel recula" .
Monologue du ciel :
Que ferai-je pour manifester mon
mécontentement ? Dit-il à nouveau dans un roulement
sourd.
- Tomber de toute ma puissance sur cette femme et
l'écraser ? Cela ne convient pas à ma grandeur. Je ferais
mieux tout simplement de me mettre désormais hors de la portée
des humains.
Conte n° 25" Le roi qui voulait
marier sa fille" : Un écureuil engrosse un humain
" Arrivé à l'écureuil,
l'assemblée rigolait parce qu'il n'avait pas l'air d'être capable
de séduire et d'enceinter la belle princesse. Malgré les
quolibets de la foule, l'écureuil entonne la chanson et aussitôt,
le "Nan djou" qui écoutait avec attention, se lève et va
"toïtotoï" vers son père. Un long silence se fit dans la foule
stupéfaite.
Conte n° 26 "Les trois antilopes" Dans
ce conte on peut relever deux cas d'anthropomorphisation. Le premier cas est
le monologue de l'esprit des eaux, qui habitait la fontaine à laquelle
les antilopes venaient s'abreuver. Exaspéré, il leur dit :
« Je suis las de vos lamentations. Je vous promets de transformer
en antilope mâle le premier animal qui viendra boire à ma
fontaine. Ainsi, vous serez trois ». Le second cas est une
plainte des antilopes. « Nos antilopes recommencèrent
à se plaindre : « Nous ne voulons pas
d'homme ! »
Conte n° 29 " Les trois soeurs
et Itrimoubé" On a dans ce conte des oiseaux qui parlent.
" Non, dit le corbeau, je ne t'emporterai pas ; tu n'aurais pas
dû raconter que je mangeais des arachides vertes.
- Non, dit le milan, je ne t'emporterai pas. Tu
n'aurais pas dû raconter que je mangeais les rats morts.
- Reaou ! reou ! reou ! Viens, jeune fille,
roucoule le pigeon bleu. J'aime à prendre pitié de ceux qui
souffrent.
Conte n° 30 "L'histoire de Raboutity"
Dans ce conte nous avons dix cas d'anthropomorphisation où les animaux
et les choses parlent.
- C'est vrai, je suis fort, dit l'arbre, mais le vent me
plie et me casse.
- Je suis fort, dit le vent ; mais le mur se dresse
et je ne peux plus passer.
- Je suis fort, dit le mur mais le rat ronge le mortier et
fait un trou.
- Je suis fort, dit le rat mais le chat me mange.
- Je suis fort, dit le chat mais la corde
m'étrangle.
- Je suis forte, dit la corde mais le couteau
m'étrangle.
- Je suis fort, dit le couteau mais le feu me
brûle
- Je suis fort, dit le feu mais l'eau
m'éteint.
- Je suis forte, dit l'eau mais le bateau flotte sur
moi.
- Je suis fort, dit le bateau mais si je donne contre un
rocher, il me brise
- Je suis fort, dit le rocher mais le crabe me
perce.
- Je suis fort, dit le crabe mais l'homme m'attrape et
m'arrache les pattes.
En somme, qu'il y ait des animaux, des génies, des
choses qui dialoguent entre eux ou avec des humains. Des animaux qui engrossent
des humains ou encore des choses qui monologuent, l'anthropomorphisation est
bel et bien présente dans les contes Subsahariens.
A l'instar des contes subsahariens, les contes Egyptiens font
appel à l'anthropomorphisation. En effet, un coup d'oeil global sur ces
contes met en évidence plusieurs cas d'anthropomorphisation. Nous avons
pu identifier quatre contes où elle apparaît clairement, ce sont
les contes :1, 3, 4 et 8.
Conte n° 1 "La légende des deux
frères" Dans ce conte on rencontre plusieurs occurrences
d'anthropomorphisation. A titre illustratif nous en retiendrons six. La
première est celle des vaches qui mettent en garde Bata le
cadet : « «La vache de tête, dès son
entrée, dit à son gardien : " Voici ton grand
frère qui te guette, derrière la porte, avec son couteau pour te
tuer. Sauve-toi" Il entendit ce qu'elle disait et la seconde,
entrant à son tour, répéta la même chose :
« Attention ! Ton frère est derrière la porte,
qui attend pour te tuer avec son couteau »
Le second cas est la plainte que le cadet formule à
Râ-harakhty, le soleil. Ce dernier reçoit la plainte et
réagit immédiatement. « Mon bon maître, c'est
toi qui fais la différence entre le juste et l'injuste ! Et
Râ-harakhty entendit sa plainte, et il fit apparaître une eau
immense entre lui et son grand frère. »
Au troisième cas nous avons des dieux et
Râ-harahty qui parlent : « Les neuf dieux
parlèrent la Femme d'Anoup, ton grand frère ? Tous
ensemble pour dire : "Oh, Bata, n'es-tu pas seul ici
pour avoir quitté ton pays à cause de Voici :
il a tué sa femme et tu es vengé. Râ- harakhty dit à
Khnoum le modeleur de corps d'enfants : Oh ! Fabrique une femme
à Bata, afin qu'il ne reste pas seul. ».
Le quatrième est une prédiction des
déesses « Les sept hâthors vinrent la voir et
prédirent d'une seule bouche :
"Elle mourra par le glaive".
Au cinquième cas, nous avons un fleuve qui parle et un
arbre qui a un physique humain. « Le fleuve cria : " Que je
m'empare d'elle !" et l'acacia livra une tresse de ses
cheveux »
Le dernier cas est un dialogue entre le favorite du roi et un
taureau. « Le taureau en se promenant entra au harem et
s'arrêta devant la favorite, et se mit à lui parler, disant :
"Vois, moi, je vis tout de même" elle dit : "Toi, qui es-tu
donc ? " "Moi, dit-il, je suis Bata. Tu savais bien quand tu as dit
à Pharaon, de faire abattre l'acacia, que c'était me mettre mal
et m'empêcher de vivre, mais moi, je vis tout de même, je suis
taureau". »
Conte n° 3 "Le duel de Vérité et de
Mensonge". On a dans ce conte deux notions à savoir
Vérité et Mensonge. Ils ont des attributs d'humains. C'est ainsi
qu'ils peuvent parler : « Vérité leur
dit : "Non, ne me saisissez pas...trouver une autre à ma
place » [....] Mensonge lui dit : « Vois, tous mes
boeufs, ils sont tous en ta possession, donne l'un d'eux au propriétaire
de celui-là », faire l'amour. « Il
(vérité) coucha avec elle, et il la connu comme homme viril peut
connaître une femme ; et cette nuit même elle conçut un
petit garçon », posséder des corps
« On frappera Mensonge de cent coups, et cinq blessures lui
seront infligées, ses deux yeux seront crevés et il sera
placé en qualité de portier dans la maison de
vérité ».
Conte n°4 " L'amitié
des deux chacals" .Un chacal et un lion dialoguent :
« Le lion qui avait écouté avec attention les
paroles du chacal lui dit : "- Le roi des animaux n'est pas en
colère d'entendre des paroles sincères. Il sait reconnaître
le courage et l'audace de ses sujets. Il se doit d'être grand et
généreux envers ses sujets sans défense.
Conte n° 8" Le prince
prédestiné" .Dans ce conte, deux cas
d'anthropomorphisation sont visibles. Le premier est une prédiction des
déesses :« Quand les hathors vinrent pour lui
prédire un destin, elles dirent : Qu'il meure par le
crocodile ou par le serpent, voire par le chien ». Le second est
un dialogue entre le prince et le crocodile. « Le crocodile
dit de nouveau : Veux-tu me jurer de tuer le
géant ? Le Prince lui
répondit : « Pourquoi tuerais-je celui qui
a veillé sur moi ? ».
En guise de conclusion de notre chapitre inaugural, nous
dirons que sur le plan de la manifestation et des procédés
stylistiques, les contes Subsahariens et Egyptiens convergent. Les traits qui
les caractérisent sont variés et multiples. Nous verrons dans le
chapitre qui va suivre si leur programmation narrative pourra les
éloigner ou les rapprocher davantage.
CHAPITRE II : LES
STRUCTURES NARRATIVES
Il ne serait pas superflu de rappeler que le conte se
résume à un récit épisodique entrecoupé de
séquences. Il consiste en une narration d'événements le
plus souvent merveilleux et fortement marqués par la fiction. Son
caractère épisodique et séquentiel s'illustre dans cette
définition de Jean Cauvin :
« Le conte apparaît comme un récit
organisé dans lequel, à une situation de départ
répond une situation finale différente, après de
nombreuses péripéties »28(*)
On peut retenir de ces mots de Cauvin que la nature
chronologique d'un conte implique nécessairement qu'un
événement advient, se développe et s'achève. Nombre
de chercheurs notamment Adam, Greimas, Larivaille et propp se sont
penchés sur la question de l'intrigue et de la structuration du
récit. Pour notre étude nous nous limiterons aux analyses de
Greimas et de Paulme. La première partie de ce chapitre portera sur
l'analyse sémiotique de Greimas et consistera à étudier
les schémas fonctionnels et actanciels. Dans la seconde partie nous nous
attarderons sur la typologie des contes telle que définie par Paulme.
Notre souci dans ce chapitre est d'examiner comparativement à la
lumière des travaux de Greimas et de Paulme les contes Subsahariens et
Egyptiens afin de ressortir si possible leur convergence et divergence
structurelle.
II-1- L'analyse
sémiotique de Greimas
La structure narrative est d'après Greimas celle qui
présente les relations unissant les personnages à travers leurs
actions et constituant la narration. C'est la structure supérieure au
plan de l'imminence ; pour lui,
« L'analyse sémiotique est l'analyse des
signes donnant une signification à la structure du
récit »29(*).
Il prend en compte deux types de schémas : le
schéma fonctionnel et le schéma actanciel.
II-2- Le schéma
fonctionnel
D'une manière générale, le schéma
fonctionnel résume les moments fondamentaux ou importants du
récit. Dans ce schéma, le récit se définit
fondamentalement comme étant la transformation d'un état initial
ou situation initiale en un autre état final ou situation finale. Cette
transformation est elle-même constituée :
- D'un élément modificateur ou complication qui
permet d'enclencher l'histoire et de sortir d'un état qui pourrait
durer.
- De l'enchaînement des actions ou dynamique. Dans cette
dernière partie, nous avons une série d'épreuves dont les
plus essentielles sont :
- L'épreuve qualifiante (E1) : elle est
celle par laquelle le héros se signale comme étant
différent des autres personnages en obtenant l'objet ou la
qualité qui lui permettrait de vaincre.
- L'épreuve principale (E2) : Elle
présente l'action primordiale que doit réaliser le héros
pour obtenir l'objet de sa quête.
- L'épreuve glorifiante (E3) qui est
l'occasion offerte au héros de vaincre le faux héros afin
d'obtenir une consécration ou une récompense.
- Le schéma fonctionnel peut etre résumé
par le tableau suivant :
Situation initiale
SI
|
Evénement modificateur
M
|
Epreuve qualifiante
E1
|
Epreuve principale
E2
|
Epreuve glorifiant
E3
|
Situation finale
|
II-2-1- Le schéma
actanciel
D'après la terminologie de Greimas, la notion d'actant
renvoie à tout personnage fictif, qui participe ou joue un rôle
essentiel dans l'organisation du récit. Le schéma actanciel se
résume dont en une structure qui s'appuie sur ce que font les
personnages en tant que force agissante. Dans tout récit qui comporte
une quête ; les actants sont au membre de six : le destinateur,
le héros, l'adjuvant, l'apposant, l'objet et le destinataire.
Le destinateur ou donateur :
C'est tout personnage concret ou abstrait qui incite le sujet opérateur
à aller vers l'objet de valeur.
Le destinataire ou
bénéficiaire : c'est tout ceux à qui
l'objet de quête procure une certaine jouissance
L'objet : C'est le bien
recherché ou visé par le sujet, il dépend
généralement des besoins des personnages.
Le héros ou sujet : il
représente celui qui va à la quête, à la recherche
ou à la conquête de l'objet de valeur. Dans certains cas il peut
être en même temps le destinataire.
L'adjuvant : c'est tout
personnage qui aide le sujet dans la quête de l'objet.
L'opposant : comme son nom
l'indique désigne l'ensemble des personnages ou des concepts que le
sujet rencontre comme obstacle dans sa quête de l'objet.
Les relations entre les différents actants peuvent se
schématiser de la manière suivante.
Axe de communication
Destinateur
Objet
Destinataire
Axe de l'action
Adjuvant
Sujet
Opposant
Axe du désir
Nous constatons que les actants s'entrecroisent deux à
deux. Dans l'axe de la communication ou du savoir, nous avons le destinateur et
le destinataire qui font agir le sujet en le chargeant de la quête.
Dans l'axe de l'action ou du pouvoir, l'adjuvant aide le sujet
dans sa quête de l'objet, tandis que l'opposant l'empêche de
parvenir à son but.
Il faut noter d'une part que le schéma actanciel n'est
applicable qu'aux récits qui comportent une quête, et d'autre part
qu'un actant peut jouer plusieurs rôles actanciels. A titre d'exemple, un
héros peut être à la fois sujet et destinataire.
Inversement, plusieurs actants peuvent jouer un seul rôle actanciel.
II-3 - Analyse
sémiotique des contes Négro-africains
D'entrée de jeu nous tenons à préciser
que la théorie de Greimas n'est pas applicable à tous les contes
Négro-africains de notre corpus ; par conséquent, nous nous
limiterons à l'analyse des contes que nous avons jugé valables
pour cette théorie.
Conte n°9" Le
prince"
Résumé. Un roi vivait dans
l'opulence avec sa femme et son fils unique. Quelques années
après sa mort, tous ses biens furent dilapidés. Le jeune prince
fut donc obligé de chasser pour nourrir sa mère et ses trois amis
(un petit charognard, un petit chat et un petit chien). Un jour, il revint de
la chasse bredouille. Face à cette situation, le petit charognard
décida de venir en aide au jeune prince et c'est ainsi qu'ils
allèrent au royaume des charognards où le jeune prince fut
accueilli comme un roi. Après avoir respecté les consignes du
petit charognard, il reçut de la part du père charognard une
bague magique et redevint riche. Malheureusement pour lui, le griot du village
voisin usa d'une ruse et s'empara de la bague. Le jeune prince et sa femme
furent arrêtés et sa famille retomba dans la misère.
Grâce à l'aide d'une souris, le petit chat et le petit chien
volèrent la bague magique. Redevenu riche et populaire le jeune prince
fit arrêter tous les gens du village voisin.
Schéma fonctionnel
SI
|
M1
|
Transformations
|
SF1
|
E1
|
E2
|
E3
|
Un roi riche mène une vie paisible avec sa femme et son
fils
|
Le roi meurt et ses biens sont dilapidés
|
Début de la disette ; le jeune prince chasse pour
pouvoir nourrir sa famille
|
Le jeune prince fait une mauvaise chasse et le petit charognard
décide de l'aider
|
Au village du petit charognard le jeune prince reçoit du
père charognard une bague magique
|
Le jeune prince devient riche et sa renommé se
répand partout.
|
M2
|
E1
|
E2
|
E3
|
SF2
|
Le griot du village voisin est jaloux de la richesse du jeune
prince
|
Le jeune prince et sa femme sont arrêtés, retour
à la misère.
|
Le petit chat et le petit chien réussissent à voler
la bague et font revenir le prince à la maison
|
Le jeune prince pêche un silure et retrouve la bague
|
Le jeune prince redevient riche et les gens du roi voisin sont
ligotés.
|
Schéma actanciel
Destinateur
La famine
Objet
Richesse
Destinataire
Le jeune prince et sa famille
Adjuvants
La mère du prince, le petit chat, le petit chien, la
petite souris,
Le père charognard,
La bague magique,
La femme du prince
Sujet
Le jeune prince
Opposants
Le griot du village voisin,
Le roi voisin,
Les gens du village voisin,
La femme du prince, le silure.
Conte n°10" Le cultivateur, sa
femme et les génies"
Résumé. Un cultivateur alla
comme de coutume à la quête des termites pour nourrir ses poules.
A son absence, sa femme alluma le feu pour la cuisson. Malheureusement pour
elle, la fumée attira l'attention d'un vieux génie qui
décida d'envoyer son fils aller quérir du feu. Mais au lieu de
lui donner du feu, la femme lui proposa plutôt un rasage qui,
visiblement, fut à l'origine des problèmes du couple. Car ce
n'était plus seulement le plus jeune génie mais toute la famille
qui voulait être rasée. Voyant leur cour remplie de génies,
le cultivateur et sa femme s'enfuirent et les génies s'emparèrent
de tout ce qu'ils trouvèrent au champ.
Schéma fonctionnel
SI
|
M
|
Transformations
|
SF
|
E1
|
E2
|
E3
|
Le cultivateur et sa femme mènent une vie paisible, ils
ont un champ et quelques animaux domestiques
|
La femme allume le feu pour la cuisine
|
Le vieux génie envoie son fils chercher du feu
|
La femme propose au petit génie de le raser et tous les
génies veulent se raser.
|
Le cultivateur et sa femme abandonnent tout et s'enfuient
|
Les génies deviennent les nouveaux propriétaires du
champ.
|
Conte n° 11" les
coépouses"
Résumé. Un homme qui vivait
avec son épouse décida de prendre une deuxième femme.
Travailleuse, respectueuse, souriante et disponible, la deuxième
épouse devint la préférée de son mari. La
première femme qui se sentit oublier devint extrêmement jalouse et
décida de mettre fin aux jours de sa coépouse devenue sa rivale
et par conséquent un obstacle à son bonheur. Cette envie
démoniaque et machiavélique se matérialisa enfin le jour
où, étant à l'abri d'une pluie, dans un tronc d'arbre, la
première femme ordonna à l'arbre de se fermer sur sa
coépouse et son fils. Le mari informa tout le village de la disparition
de sa femme et de son fils. Le village alla sans succès à la
recherche de la femme. Un jour, un chasseur se cacha et écouta la
première femme se moquer de sa coépouse. Informé, l'homme
menaça sa première femme qui avoua son forfait et fit ressortir
sa coépouse et son fils.
De ce conte, découle le schéma qui suit,
Schéma fonctionnel
SI
|
M1
|
Transformations
|
SF
|
E1
|
E2
|
E3
|
Le cultivateur vit avec sa femme, ils mènent une vie
paisible
|
Le cultivateur prend une deuxième femme
|
La deuxième femme devient la préférée
de son mari et bénéficie de toutes les faveurs
|
La 1ère femme est jalouse et enferme sa rivale
dans un tronc d'arbre
|
Menacée de mort par son mari, la 1ère
femme passe aux aveux
|
Le tronc d'arbre s'ouvre, la 2ème femme et son
fils sont libérés
|
Schéma actantiel
Destinateur
La polygamie
Objet
La 2nde femme
Destinataire
Le cultivateur
Adjuvants
La famille,
Les gens du village, le chasseur,
La 2nde femme
Sujet
Le cultivateur
Opposant
La première femme
Conte n°13 : "Le lièvre et
l'hyène "
Résumé. Le lièvre et
l'hyène allaient à la quête des termites pour leurs
pintadeaux. En cour de route, le lièvre montra à l'hyène
un trou où il pourrait se réfugier en cas de danger. Au lieu de
se réjouir, l'hyène se moqua plutôt du lièvre qui
décida de laver l'affront. Pour ce faire, il assomma un lionceau et le
mit dans le panier de l'hyène. Pendant qu'ils retournèrent
à la maison, le lion constata la disparition de son fils et se mit
à leur poursuite. Les deux vidèrent leur panier et le lionceau se
trouvait mort dans celui de l'hyène qui s'engouffrait aussitôt
dans le trou que lui avait montré le lièvre. Le roi de la
forêt convoqua tous les animaux sauvages afin qu'ils puissent l'aider
à attraper l'hyène. Mais dans sa ruse, le lièvre parvint
à faire tirer l'hyène d'affaire.
Schéma fonctionnel
SI
|
M
|
Transformations
|
SF
|
E1
|
E2
|
E3
|
Le lièvre et l'hyène vont à la quête
des termites pour leurs pintadeaux
|
L'hyène intrigue le lièvre avec des propos que ce
dernier a du mal à digérer
|
Li lièvre assomme le lionceau et le met dans le panier de
l'hyène
|
Les deux paniers sont renversés et le lionceau se trouve
mort dans celui de l'hyène
|
Le lion convoque tous les animaux pour l'aider à capturer
l'hyène
|
Grâce à la ruse du lièvre, l'hyène
échappe aux animaux.
|
Conte n° 14 : "
L'ingratitude"
Résumé. Un homme visiblement
très affamé alla en brousse à la quête de la
nourriture. Chemin faisant, il découvrit au fond d'un puits un homme, un
singe, un lion et un serpent. A l'aide de longues lianes, il les sortit du
puits, tous lui dirent merci et promirent de ne jamais oublier ce qu'il avait
fait pour eux. Quelques jours plu tard alors que la famine sévissait, le
singe et le lion vinrent en aide à l'homme en lui donnant respectivement
une grande quantité de gousses de néré et du gibier.
Quelques temps après, l'homme avait besoin d'aide. Il décida
d'aller en terrain conquit en demander à l'homme qu'il avait sorti du
puits. Contre toute attente, ce dernier le fit arrêter et ligoter par le
chef sous le prétexte qu'il était un homme mauvais. Fort
heureusement pour lui, le serpent qu'il avait libéré du puits
passa et lui vint en aide en lui donnant le remède qui devait
guérir le fils du chef que le serpent alla mordre. Grâce au
remède que lui avait donné le serpent, l'homme parvint à
guérir le fils du chef et en guise de récompense, il demanda le
cerveau de l'homme ingrat qu'il avait sorti du puits.
Schéma fonctionnel
SI
|
M
|
Transformations
|
SF
|
E1
|
E2
|
E3
|
L'homme va en brousse à la quête de la
nourriture.
|
L'homme découvre au fond d'un puits, un homme, un singe,
un lion et un serpent
|
A l'aide des lianes, l'homme parvient à les faire sortir
du puits.
|
L'homme a faim, le singe et le lion lui viennent en aide. Mais
l'homme ingrat le fait arrêté.
|
Le serpent aide l'homme en lui donnant le médicament qui
va ressusciter le fils du chef.
|
L'homme ressuscite le fils du chef et demande la cervelle de
l'ingrat en guise de récompense.
|
Schéma actantiel
Destinateur
La famine
Objet
La nourriture
Destinataire
L'homme
Adjuvants
Le singe,
Le lion
Le serpent
La vieille femme
Sujet
L'homme
Opposant
L'homme ingrat
Conte n° 15 : La femme de
Mesha'atsang
Conte n° 15 "La femme de
Mesha'atsang"
Résumé. Le jeune danseur
Mesha'atsang, allait à la pêche. En cours de route, il rencontra
une vieille femme qu'il aida à transporter son lourd fagot de bois.
Cette dernière lui donna comme consigne d'éviter de jeter sa
ligne dans la marre limpide et de pêcher dans la marre boueuse. Mais
Mesh'aatsang fit le contraire et lança sa ligne dans la marre limpide
où il pêcha une vieille femme qui s'autoproclama son épouse
et s'installa chez lui. Un jour de danse, il tomba amoureux d'une belle jeune
fille qui était en réalité sa vieille femme qui
s'était débarrassée de sa vieille peau. Il la demanda en
mariage mais elle refusa. Il alla consulter un magicien qui lui donna l'astuce
qui devait empêcher la belle de revêtir sa peau de vieille femme.
L'astuce fonctionna à merveille. La jeune fille rentra chez Mesha'atsang
et joua à la muette. Lorsqu'il vit qu'elle était restée
muette depuis plus d'un an, il retourna chez le magicien qui lui donna une
autre astuce qu'il appliqua avec succès et la jeune fille se mit
à parler.
Schéma fonctionnel
SI
|
M
|
Transformations
|
SF
|
E1
|
E2
|
E3
|
Le danseur Mesha'atsang mène une vie de
célibataire
|
Rencontre avec la vieille femme qu'il aide
|
Désobéissance au conseil de la vieille mère
et pêche d'une vieille femme
|
La jeune fille perd sa peau de vieille femme et refuse de parler
|
Mesha'atsang applique les consignes du magicien à la
lettre
|
Mesha'atshang et sa femme se remettent à parler
|
Destinateur
Le célibat
Objet
La femme
Destinataire
Mesha'atshang
Adjuvants
La vieille femme
Le magicien
Les hommes placés sous le baobab
Les habitants de la maison
ll
Sujet
Mesha'atsang
Opposants
La femme de Mesha'atsang
Schéma actantiel
Conte n° 16" Le fils de
Nkan"
Résumé. Un homme nommé
Nkan avait trois épouses Kooko à Nkan, Gang à Nkan et
Itiitii à Nkan. Il ordonna à ces dernières qui
étaient toutes enceintes de n'accoucher que des filles. Alors qu'il alla
au champ avec son esclave, il entendit une voix qui l'informa que ses trois
femmes avaient accouché chacune d'une fille. Il porta les enfants et les
rendit à leur mère et prit l'enfant d'Itiitii à Nkan qui
était un garçon et le jeta dans un tas de fourmis. Kpong
l'antilope qui vit la scène sauva l'enfant et le soigna. Quand l'enfant
fut grand, Nkan voulut le reprendre. Le village organisa une réunion
pour que l'enfant choisisse entre l'antilope Kpong et Nkan celui qu'il
considérait comme son père. L'antilope fut choisie et Nkan eu
honte d'avoir commis ce crime.
Schéma fonctionnel
SI
|
M
|
Transformations
|
SF
|
E1
|
E2
|
E3
|
Nkan vit avec ses trois femmes, elles sont toutes enceintes
|
Nkan leur ordonne de ne pas accoucher de garçon
|
Itiitii à Nkan accouche d'un garçon
|
Nkan attrape son fils et va le jeter dans un tas de fourmis,
Kpong sauve l'enfant
|
L'enfant doit choisir entre Nkan et Kpong celui qu'il
reconnaît comme son père
|
Kpong est reconnu comme étant le père.
|
Schéma actantiel
Destinateur
La cruauté de Nkan
Objet
La vie
Destinataire
Le fils de Nkan
Adjuvants
Itütü à Nkan
Npong l'antilope,
La mère de Kpong
Sujet
Le fils de Nkan
Opposant
Nkan
Conte n° 17 Les épouses de
Kalak
Conte n°17 " Les épouses
de Kalak"
Résumé. Un homme appelé
Kalak avait deux épouses. La première s'appelait Kooko et avait
des enfants ; la seconde s'appelait Gang, et bien qu'étant
stérile, elle était la favorite de Kalak et vivait dans la
même maison que lui. Tandis que kooko était logée dans la
savane. Les gens du village trouvèrent cette situation absurde et
proposèrent à Kalak de feindre de mourir pour qu'on
découvre celle qui l'aime vraiment. Pour ce faire chacune devait remplir
deux marmites de ses larmes. Kalak fit le mort. Gang pleura la première
et ne remplit aucune marmite. kooko pleura à son tour et remplit ses
deux marmites. Revenu à la vie, Kalak répudia Gang, prit kooko et
la logea près de lui.
Schéma fonctionnel
SI
|
M
|
Transformations
|
SF
|
E1
|
E2
|
E3
|
Kalak vit avec ses épouses kooko et Gang
|
Gang la stérile vit dans la maison de Kalak alors que
Kooko la mère d'enfants est logée dans la savane
|
Kalak doit feindre de mourir afin de voir celle qui l'aime
|
Kooko remplit ses deux marmites ; Gang ne remplit aucune
marmite
|
Kalak revient à vie
|
Kalak répudie Gang et loge kooko près de lui.
|
Schéma actanciel
Destinateur
Les habitants du village
Objet
L'amour
Destinataire
Les habitants du village, Kalak
Adjuvants
Les habitants du village
Sujet
Kalak
Opposant
Gang la favorite
Conte n° 18 : "
Mesùt le lièvre épouse la fille du roi"
Résumé. Le roi des animaux
avait une première fille ravissante et belle nommée
Ntùtùere. Un jour, il rassembla ses femmes et ses enfants et leur
annonça qu'il allait donner Ntùtùéré en
mariage. Il organisa une compétition à deux épreuves. Le
vainqueur devait épouser la fille. La première épreuve
consistait à aspirer la poudre de piment sans éternuer ;
à la seconde épreuve, les pieds du prétendant devaient se
noyer dans un ruissellement de sueurs qui émanaient de ses
trémoussements. Le signal fut donné, quoique encouragée
par de nombreux spectateurs, aucun des prétendants ne parvint à
braver la première épreuve. Au tour de Mesût, il usa de sa
hardiesse pour gagner les deux épreuves. Cet exploit fut salué
par la foule comme promis. Le roi donna la main de sa fille à
Mesùt. Mécontents, les autres prétendants tendirent un
guet-apens à mésùt, mais malheureusement pour eux, ce
dernier avait sentit le roussi et une fois de plus grâce à sa ruse
il parvint à déjouer ses détracteurs qui se
dispersèrent un à un.
Schéma fonctionnel
SI
|
M
|
Transformations
|
SF
|
E1
|
E2
|
E3
|
Le roi mène une vie paisible avec sa famille ;
Mesùt est célibataire
|
Le roi décide de donner sa fille Ntùtùere en
mariage
|
Une compétition est organisée, le vainqueur doit
épouser Ntùtùére
|
Aucun prétendant ne parvient à braver une
épreuve
|
Grâce à sa ruse, Mesùt réussit
à braver les deux épreuves
|
Tita Mesùt épouse Ntùtùère.
|
Destinateur
Le célibat
Objet
La main de Ntùtùéré
Destinataire
Mesùt le lièvre
Adjuvants
La ruse de mesùt, le roi des animaux,
Ntùtùéré
Sujet
Mesùt
Opposants
Les autres prétendants
Schéma actanciel
Conte n° 19 : "
Mesùt le lièvre sauve un chasseur"
Résumé. Une terrible
sécheresse s'était abattue dans le royaume des animaux. Conscient
que cette situation affaiblirait les animaux, un chasseur s'arma de son fusil
et alla à la quête du gibier. En pleine forêt, un crocodile
et ses petits l'abordèrent et le supplièrent de les ramener dans
le fleuve. Voyant l'état piteux des animaux, le chasseur compatit et les
ramena dans le fleuve. Mais une fois dans le fleuve, les crocodiles voulurent
dévorer le chasseur. Pendant qu'ils discutaient, le cheval et
l'âne arbitrèrent en faveur du crocodile. Lorsque Mesùt le
lièvre arriva, il demanda que la scène soit reprise depuis le
début et c'est ainsi que le chasseur empaqueta de nouveau les crocodiles
et les ramena où il les avait trouvé. Une fois sur les lieux, le
lièvre rappela à l'homme ce qu'il était venu faire en
forêt. Ce dernier comprit et tua le crocodile et ses enfants.
Schéma fonctionnel
|
SI
|
M
|
Transformations
|
SF
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E1
|
E2
|
E3
|
La sécheresse s'abat sur le royaume des animaux
|
Un chasseur va à la quête du gibier
|
Il rencontre une famille de crocodiles affamés et
assoiffés
|
Les crocodiles demandent de l'aide au chasseur
|
Le chasseur compatit et aide les crocodiles
|
Le chasseur ramène les crocodiles dans le fleuve
|
Episode II
|
Le chasseur et les crocodiles sont dans le fleuve
|
Les crocodiles veulent dévorer le chasseur
|
L'âne et le cheval tranchent en faveur du crocodile
|
Mesùt le lièvre demande que la scène soit
reconstituée depuis le début
|
Le chasseur ramène les crocodiles à la terre
sèche
|
Le chasseur abat les crocodiles
|
Destinateur
La famine
Objet
Le gibier
Destinataire
Le chasseur
Adjuvants
Mesùt le lièvre
Sujet
Le chasseur
Opposants
Le crocodile et ses enfants, le cheval, l'âne
Schéma actanciel
Conte n° 20 : " La
destitution de Memvù le chien"
Résumé. Les animaux de la
forêt avaient besoin d'un chef, ils tinrent un conseil et à
l'unanimité désignèrent le chien comme étant leur
chef. Jaloux de la nomination du chien, Mesùt le lièvre
décida de le renverser. Pour mener à bien ce projet, le
lièvre mit dans son sac un paquet de crabes grillés et un os. A
son tour de révérences au chien, il encensa ce dernier et jeta un
crabe et un os au sol ; le chien perdit l'esprit et se précipita
sur l'os. Les animaux trouvèrent cette attitude indigne pour un
chef ; ils le destituèrent et le lièvre devint le nouveau
chef
Schéma fonctionnel
|
SI1
|
M1
|
Transformations
|
SF
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E1
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E2
|
E3
|
Le royaume des animaux est acéphale
|
Les animaux veulent un chef
|
Ils tiennent un conseil afin de désigner un chef
|
Tous les animaux jettent leur dévolu sur le chien
|
Le chien devient roi
|
Le lièvre est envieux de la place du chien
|
Episode II
|
Le lièvre est jaloux de la désignation du chien
comme chef
|
Le lièvre veut renverser le chien
|
Le lièvre lance devant le chien un os et un crabe
|
Le chien perd l'esprit et se précipite sur les os
|
Le chien est détrôné
|
Le lièvre remplace le chien au trône
|
Schéma actanciel
Destinateur
La nomination du chien comme chef
Objet
Le trône
Destinataire
Le lièvre
Adjuvants
Les autres animaux de la forêt, le paquet de crabes, l'os
Sujet
Le lièvre
Opposant
Le chien
Conte n°21 : "la dette de kimanga la
tortue "
Résumé. Kimanga la tortue et
sa femme vivaient dans la misère. Inspiré par sa femme
Il alla un jour supplier kupu le porc de lui emprunter de l
argent qu'il promit de rembourser dès l'apparition des premières
pluies. Kupu fut très touché et remit au couple kimanga la somme
dont ils avaient besoin. Dès lors le couple fit bombance, quelques mois
plu tard les premières pluies arrivèrent et Kimanga se trouva
dans l'incapacité de rembourser sa dette. Face à cette situation,
il décida d'abuser de son créancier en trouvant une supercherie.
Le jour-j arriva, Kimanga se transforma en pierre sur laquelle sa femme
écrasait le maïs, lorsque kùpù arriva chez ce
dernier, son absence et l'attitude insolente de sa femme l'amenèrent
à arracher la pierre à écraser et la jeter loin dans les
champs. Dame Kimanga se mit à pleurer en réclamant sa pierre
à kùpù ; kimanga revint des champs et exigea à
kùpù de retrouver la pierre de sa femme afin d'être
rembourser, kùpù fouilla partout et ne retrouva pas la pierre
Schéma fonctionnel
SI
|
M
|
Transformations
|
SF
|
E1
|
E2
|
E3
|
Kimanga la tortue et sa femme vivent dans la misère
|
Kùpù le porc emprunte de l'argent à kimanga
|
Kimanga et sa femme font bombance
|
Les premières pluies arrivent mais kimanga n'a pas
l'argent de kùpù
|
Kùpù jette dans les champs kimanga pris pour une
pierre.
|
Kùpù ne sera jamais remboursé.
|
Conte n° 22 : " L'origine
du divorce"
Résumé. Un homme et sa femme
menaient une vie heureuse. Un jour, la femme demanda à son mari de
l'aider à chasser les gorilles qui pillaient la récolte, ce
dernier refusa. Face à ce refus, la femme décida d'aller seule
à la chasse aux gorilles, pour ce faire, elle s'arma du carquois et de
l'arc de son mari. De retour des champs où elle avait réussi
à tuer le chef des gorilles, la femme annonça son exploit
à son mari. Mais elle fut surprise par la réaction de ce dernier
qui au lieu de la féliciter lui intima d'aller illico presto
récupérer sa flèche. Elle fut donc obligée d'aller
au village des gorilles où elle pleura la mort du chef plus que les
gorilles et parvint à récupérer la flèche de son
mari. De retour à la maison, elle remit la flèche à son
mari et le quitta.
Schéma fonctionnel
SI
|
M
|
Transformations
|
SF
|
E1
|
E2
|
E3
|
L'homme et sa femme sont mariés et mènent une vie
paisible
|
L'homme refuse d'aider sa femme à chasser les gorilles
qui pillent la récolte
|
Face au refus de son mari, la femme décide de chasser
elle-même les gorilles
|
La femme tue le chef des gorilles mais son mari lui demande
d'aller récupérer sa flèche.
|
La femme s'en va au village des gorilles afin de ramener la
flèche
|
La femme ramène la flèche et divorce
|
Destinateur
L'homme
Objet
La flèche
Destinataire
L'homme
Adjuvants
Les gorilles
Sujet
La femme
Opposant
L'homme
Schéma actanciel
Conte n°23. " Et le ciel
recula"
Résumé. Le ciel et la terre
étaient des voisins et de très bons amis qui se concertaient
parfois pour la prise des décisions à l'endroit des hommes. Un
jour, une jeune femme décida de cuire une pâte de maïs pour
le repas familial, après la cuisson, elle versa quelques calebasses
d'eau dans la marmite, rinça et versa le contenu très haut de
toutes ses forces. Malheureusement pour elle, l'eau s'éleva et cogna la
voûte céleste qui se mit aussitôt en colère et gronda
de plusieurs coups de tonnerre. Pour manifester sa colère, le ciel pensa
à deux solutions ; tomber de toute sa puissance sur la femme et
l'écraser ou se mettre hors de portée des hommes. Il adopta la
deuxième solution et se retira très loin de la terre et
décida de ne plus descendre à sa proximité
Schéma fonctionnel
SI
|
M
|
Transformations
|
SF
|
E1
|
E2
|
E3
|
Le ciel et la terre vivent à proximité l'un de
l'autre, ils sont de très bons amis
|
Une jeune femme décide de faire la cuisson familiale
|
Après la cuisson, elle rince la marmite et verse le
contenu
|
L'eau s'élève très haut et cogne la
voûte céleste
|
Le ciel se met en colère et ne veut plus se mettre
à la portée des hommes
|
Le ciel se retire loin de la terre
|
Conte n° 24 : "Pourquoi y -a-t-il tant
d'idiots de par le monde ? "
Résumé. Trois jeunes hommes qui
vivaient dans un village furent chassés de celui-ci pour leur
bêtise. Ils se dirent qu'en réunissant leurs trois têtes
stupides ils aboutirent à quelque chose de bon. Un jour, ils
arrivèrent devant la cabane d'un vieil homme qui avait trois filles
aussi bêtes que les trois idiots ; le vieil homme décida de
les mettre à l'épreuve. Au premier il demanda d'aller à la
pêche, au second d'aller dans les fourrés tresser les cordes et au
troisième d'aller cueillir les noix de coco. Le premier pêcha les
poissons qu'il rejeta dans l'eau pour retourner à la maison boire de
l'eau, le second tressa un tas de cordes afin d'attacher le tas de corde, le
troisième monta sur le cocotier. A la fin, aucun d'eux ne parvint
à braver son épreuve, le vieil homme comprit qu'il n'y avait
absolument rien à étendre d'eux, il leur donna ses trois filles
en mariage et les chassa du village. Les idiots vécurent comme ils
purent ; se multiplièrent et se répandirent dans le
monde.
Schéma fonctionnel
SI
|
M
|
Transformations
|
SF
|
E1
|
E2
|
E3
|
Les trois idiots sont chassés du village pour leur
bêtise
|
Ils décident de réunir leurs têtes pour
aboutir à quelque chose de positif
|
Ils rencontrent un vieil homme qui décide de les mettre
à l'épreuve
|
Aucun des idiots ne brave son épreuve
|
Le vieil homme leur donne ses trois filles idiotes et les chasse
du village
|
Les idiots se multiplient, et se répandent dans tout le
monde.
|
Conte n° 25 : " le roi qui
voulait marier sa fille"
Résumé. Un roi qui voulait
marier sa fille à un gendre de son choix, l'enferma dans une case sans
porte afin qu'elle ne puisse pas tomber amoureuse de n'importe qui. Les
prétendants arrivèrent mais aucun ne fut au goût du roi, un
jour, les servantes entendirent des pleurs d'un nouveau né qui venaient
de la case de la jeune fille. Elles informèrent le roi qui devint fou
furieux, il fit ramener la fille qui, leur avoua qu'elle ne connaissait ni le
visage, ni le nom de celui qui l'avait mise enceinte, face à cette
situation, le roi convoqua une assemblée afin que le géniteur
soit identifié. Tous les hommes et animaux convoqués devaient
chanter le "Nandjou" devant l'enfant et ce dernier devait désigner son
père en marchant vers lui. Tous passèrent mais l'enfant ne se
leva pas, au tour de l'écureuil, toute l'assemblée se moqua de
lui, mais à peine avait-il entonné le "Nandjou" que l'enfant se
leva et se dirigea vers lui. Tout le monde fut médusé,
l'écureuil en profita et disparu dans la forêt avec son fils.
Schéma fonctionnel
SI
|
M
|
Transformations
|
SF
|
E1
|
E2
|
E3
|
Le roi a une belle fille qu'il veut marier à quelqu'un de
son choix
|
Le roi enferme sa fille afin qu'elle ne tombe pas amoureuse de
n'importe qui
|
La princesse accouche d'un garçon
|
Le roi convoque une grande assemblée pour découvrir
le père de l'enfant
|
L'enfant désigne l'écureuil comme étant son
géniteur
|
|
Schéma actanciel
Destinateur L'amour
Objet
L'enfant
Destinataire
L'écureuil
Adjuvants
La fille du roi, le fils de l'écureuil
Sujet
L'écureuil
Opposants
Le roi, l'assemblée
Conte n°26. " Les trois
antilopes"
Résumé. Un troupeau d'antilopes
se réduisait à deux femelles, naturellement incapable de se
reproduire, elles se plaignirent sans succès. Un jour, l'esprit des eaux
visiblement las de ses plaintes promit de les aider en transformant en
mâle le premier animal qui viendrait s'abreuver à la fontaine,
mais contre toute attente, c'est plutôt un homme et son fils qui
s'amenèrent. Le fils bu le premier et se transforma immédiatement
en antilope mâle, impuissant devant ce qui venait d'arriver, le
père donna comme recommandation de fuir les hommes et les
éléphants et de se joindre aux antilopes. Sur ce, le nouvel
antilope rattrapa les antilopes femelles et ils commencèrent à se
multiplier.
Schéma fonctionnel
SI
|
M
|
Transformations
|
SF
|
E1
|
E2
|
E3
|
Le troupeau d'antilopes se réduit à deux
femelles qui ne peuvent pas se reproduire
|
Les deux antilopes se plaignent sans succès
|
L'esprit des eaux promet de les aider
|
Un homme et son fils ont soif et veulent s'abreuver à
la fontaine
|
Le jeune homme boit en premier et se transforme en antilope
mâle
|
Le troupeau d'antilopes a un mâle et ils se multiplient
|
Conte n° 27 : " Comment le
tambour est arrivé sur la terre. "
Résumé Une corde reliait le
ciel et la terre, l'unique tambour qui existait au monde était au ciel
et tous ceux qui désiraient danser se retrouvaient au ciel et faisaient
la fête. Un jour, le renard qui était manifestement un
fêtard monta au ciel pour se joindre à une fête, à la
fin de la fête, il trouva qu'il était judicieux d'avoir le tambour
sur terre afin d'éviter des heures de grimpes sur la corde, il
décida de ramener le tambour sur terre. Quand tout le monde fut endormi,
il attacha le tambour à sa queue et entreprit la descente la descente le
long de la corde, malheureusement pour lui, Dieu constata la disparition du
tambour, il regarda vers le bas et vit le tambour attaché à la
queue du renard, furieux, il prit un couteau et coupa la corde. Le tambour
resta sur terre et il n'y eut plus de lien entre le ciel et la terre.
Schéma fonctionnel
SI
|
M
|
Transformations
|
SF
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E1
|
E2
|
E3
|
Le tambour est au ciel, une corde relie le ciel à la terre
|
Le renard monte au ciel et se joint à une fête.
|
Le renard décide de ramener le tambour sur terre
|
Le renard attache le tambour à sa queue et descend le long
de la corde
|
Dieu aperçoit le renard avec le tambour et coupe la corde
|
Le tambour est sur terre et il n'y a plus de lien entre le ciel
et la terre.
|
Schéma actanciel
Destinateur
Le ciel ( DIEU)
Objet
Le tambour
Destinataire
Le renard
Adjuvants
La corde qui lie le ciel à la terre
Sujet
Le renard
Opposant
Dieu
Conte n° 28 "Le prince de la pluie"
Résumé. après la mort de
son épouse, un homme décida d'aller vivre au fond de la
forêt avec son fils Devi. Ce dernier grandit en solitaire en assimilant
tous les rouages de la vie que lui apprit son père ; lorsqu'il eut
dis huit ans, une sécheresse s'abattit à Anga un village voisin.
La famine, les rivières et les champs asséchés
amenèrent le roi à convoquer ses sages afin qu'ils puissent
ensemble trouver une solution capable de ramener de l'eau au village. Les sages
firent plusieurs propositions mais, celle que le roi trouva mieux
indiquée pour la situation était celle qui consistait à
faire venir à Anga un jeune homme pur, intact, qui n'a jamais fait de
mal et qui n'a que de bonnes intentions. Seul Devi répondait à ce
profil de jeune homme. Conscient que le père de Devi refuserait qu'on
ramène son fils à Anga, le chef envoya sa fille dans la foret.
Une fois en forêt la princesse rencontra Devi, le jeune homme tomba sous
le charme d'Eleni et accepta de l'accompagner à Anga, à peine
avait-il posé les pieds à Anga que la pluie revint dans tout le
village. Le roi qui voulut le remercier avec un sac d'or constata que les deux
jeunes étaient déjà amoureux l'un de l'autre, il organisa
un grand mariage et fit venir le père de Devi qui accepta de vivre avec
le jeune couple dans le château que le roi avait construit pour eux.
Schéma fonctionnel
SI
|
M
|
Transformations
|
SF
|
E1
|
E2
|
E3
|
Devi et son père vivent dans une cabane et au fond des
forêts éthiopienne
|
Une sécheresse épouvantable s'abat sur le royaume
d'Anga
|
Devi est le seul jeune pur capable de faire revenir la pluie
à Anga
|
Le roi envoit sa fille Eleni en mission pour séduire et
faire vénir Devi à Anga
|
Devi arrive à Anga et la pluie revient
|
Devi et Eleni se marient.
|
Conte n° 29 : "les trois soeurs et
Itrimoubé"
Résumé. Un homme, sa femme et
ses trois filles Ramatoua, Raïvou et Ifara menaient une vie paisible. Un
jour, Ifara la plus jeune et la plus belle raconta à ses soeurs qu'elle
avait rêvé que le fils du soleil l'avait demandé en
mariage, consciente qu'un jour ce rêve pouvait se réaliser, ses
soeurs décidèrent de l'éliminer. C'est ainsi qu'elles
l'amenèrent à voler les ignames dans le champ du monstre
Itrimoubé, le monstre l'attrapa et décida de l'avaler mais elle
le poussa à accepter qu'elle devienne son épouse, en le faisant,
Itrimoubé avait sa petite idée dans la tête, il voulait
l'engraissé afin qu'elle soit dodue et bonne à rôtir. Fort
heureusement pour Ifara, la petite souris à qui elle avait donné
un peu de riz lui remit un oeuf, un balai et un bâton, grâce
à ces objets magiques elle parvient à vaincre Itrimoubé,
après cet exploit elle fut ramenée chez ses parents par un pigeon
bleu. Lorsqu'ils apprirent ce qui s'était passé, ils
chassèrent les deux ainées et vécurent heureux avec
Ifara.
Schéma fonctionnel.
SI
|
M
|
Transformations
|
SF
|
E1
|
E2
|
E3
|
Vie paisible en famille.
|
Ifara fait un reve,ses soeurs ainées ont peur qu'il se
réalise et décident de l'éliminer.
|
Itrimoubé attrape Ifara et décide de l'avaler.
|
Grâce à l'aide d'une petite souris,Ifara
s'évade de chez Itrimoubé
|
Itrimoubé meurt et un pigeon bleu ramène Ifara
à la maison
|
Les parents chassent les deux aînées et vivent
heureux avec Ifara
|
Destinateur
Ses soeurs
Objet
Vie paisible
Destinataire
Les parents, Ifara
Adjuvants
La petite souris, le pigeon bleu, l'oeuf, le balai, le
bâton, l'esclave, les parents d'Ifara
Sujet
Ifara
Opposants
Ramatoua, Raïvou, Itrimoubé
Le corbeau, le milan
Schéma actanciel
Conte n° 12 La jeune fille et le lion
Conte n°12. " La jeune fille et
le lion".
Résumé. Une jeune fille
nommée Warimangan était la gardienne de leur champs. Un vieux
lion qui avait constaté que cette dernière était toujours
seule aux champs, décida de la dévorer. Un jour, il s'approcha de
la jeune fille, la salua mais au lieu de répondre, la fille se mit
à chanter une chanson dont le contenu faisait peur au lion qui s'enfuie
aussitôt, la même situation se répéta pendant
plusieurs jours. Warimangan qui n'avait jamais fait part de cette situation
décida à en parler à ses parents, informé, son papa
promit de tuer le lion, le lendemain il l'accompagna aux champs, mais lorsqu'il
vit la fureur du lion, il demanda à sa fille de chanter comme
d'habitude. De retour à la maison, le mari raconta à sa femme ce
qui s'était passé ; le lendemain, cette dernière
s'arma d'une lance et accompagna sa fille aux champs, le lion les vit arriver,
s'approcha d'elles et salua comme de coutume, quand il voulut bondit sur la
jeune fille, sa mère lui planta la lance dans le coeur, le lion tomba
raide mort.
Schéma fonctionnel
SI
|
M
|
Transformations
|
SF
|
E1
|
E2
|
E3
|
Les parents de Warimangan l'envoient garder les champs
|
Le lion observe qu'elle est toujours seule et veut la
dévorer
|
Warimangan chante et le lion s'enfuit
|
Le papa décide d'aller aux champs tuer le lion mais la
fureur du lion lui fait peur
|
La mère s'arme de sa lance et accompagne sa fille aux
champs
|
Grâce à sa lance, la mère de Warimangan abat
le lion.
|
A la suite de cette étude, deux observations
s'imposent. La première observation c'est qu'à l'exception du
conte n° 30 "l'histoire de Raboutity", tous les contes
Négro-africains présentent un schéma fonctionnel et les
contes où nous avons une quête présentent en plus du
schéma fonctionnel un schéma actanciel. Nous pouvons noter
à la seconde observation que le milieu physique visible à travers
les cours d'eaux, les champs, la forêt, la savane...et certaines
activités telles que la chasse, la pêche, la cueillette sont des
éléments qui montrent à suffisance que l'action de ces
contes se passe en milieu rural et dans la plupart des cas le jour.
A présent la tâche qui nous incombe est de voir
si les contes Egyptiens peuvent aussi faire l'objet d'une étude
narrative.
II-4 - Analyse des contes
Egyptiéns
Pareillement aux contes Négro-africains, les contes
Egyptiens peuvent faire l'objet d'une analyse structurelle dans la mesure
où tous ces contes obéissent à la logique de Denise Paulme
selon laquelle : « Toute structure narrative comporte une
série de situations ; le passage d'une situation à la
suivante étant possible par une modification »30(*).
II-4-1 Schémas
fonctionnels et actanciels des contes Egyptiens
Conte n° 1 : "La légende des deux
frères. "
Résumé. Deux frères qui
s'aimaient comme père et fils vivaient ensemble, Anoup était
l'aîné et Bata le cadet. Un jour alors qu'ils travaillaient au
champ, Anoup demanda à Bata de retourner à la maison, chercher
les semences, une fois à la maison, la femme d'Anoup lui fit des avances
qu'il refusa. Déçue, cette dernière décida de se
venger, pour ce faire, elle attendit le retour de son mari et inventa une
histoire qui poussa Anoup à vouloir tuer son petit, fort heureusement
pour Bata, les vaches l'avertirent du danger qui l'attendait, il s'enfuie et
alla se plaindre chez Râ-harakhty le soleil qui plaida en sa faveur en
faisant apparaître une eau pleine de crocodiles qui devait le
séparer d'Anoup qui s'était mit à sa poursuite. Bata
arracha son coeur et alla s'installer au val de l'acacia, avant son
départ il donna sa version des faits, son frère eut honte d'avoir
été aveuglé par sa femme, il rentra à la maison et
la tua. Un jour, les neuf dieux fabriquèrent une femme à Bata, il
recommanda à cette dernière de ne jamais sortir et lui indiqua
où il avait laissé son coeur. Mais la femme sortit et le fleuve
emporta l'une de ses tresses au lavoir des blanchisseurs du pharaon qui demanda
aussitôt à ce qu'on retrouve celle à qui appartenait la
tresse, c'est ainsi qu'elle fut capturée et devint la
préférée du pharaon et trahit le secret de Bata. Les
hommes du pharaon coupèrent l'acacia et il mourut, Anoup sentit la mort
de son frère et appliqua les consignes que lui avait donné Bata
au moment de leur séparation ; Bata ressuscita et décida de
se venger, il se transforma tour à tour en taureau et en perséa
que sa femme demanda au pharaon d'abattre, il se transforma en fin en copeau,
entra dans la bouche de la femme et devint un enfant. Une fois grand, il devint
le successeur du pharaon et fit condamner sa femme à mort. A sa mort ,
Anoup son frère lui succéda.
Schéma fonctionnel
SI
|
M
|
Transformations
|
SF
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E1
|
E2
|
E3
|
Deux frères, Bata le cadet et Anoup l'aîné et
son épouse vivent en paix
|
La femme d'Anoup fait des avances à Bata
|
La femmes d'Anoup falsifie l'histoire et accuse Bata. Anoup veut
tuer son frère
|
Bata s'enfuit et va se plaindre chez le dieu soleil :
séparation des deux frères par un fleuve
|
Anoup est au courant de la vérité
|
Anoup tue sa femme et reste en deuil de son frère
|
SI2
|
M2
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E1
|
E2
|
E3
|
SF2
|
Bata et sa femme vivent au val de l'acacia. Elle ne doit jamais
sortir de la maison
|
La femme sort pour se balader et l'acacia livre une de ses
tresses au Nil
|
Le pharaon envoie des messagers à la recherche de la femme
de Bata
|
La femme de Bata trahit le secret, on bat l'acacia et Bata
meurt.
|
Anoup applique scrupuleusement les consignes et Bata ressuscite
|
Bata devient pharaon, la femme est mise à mort :
Anoup lui succède à sa mort.
|
Schéma actanciel
Destinateur
Haine de la femme d'Anoup
Objet
Amour fraternel
Destinataire
Anoup, Bata
Adjuvants
Les vaches,
Râ le soleil
Sujet
Bata
Opposant
La femme d'Anoup
Destinateur
La traîtrise de la femme de Bata
Objet
La vengeance
Destinataire
Bata
Adjuvants
Anoup
Sujet
Bata
Opposants
La femme de Bata, le pharaon, les hommes de pharaon
Matrice II
Matrice I
Conte n°2 : " Le conte de
Rhampsinite"
Résumé. Un roi jaloux de sa
fortune demanda à un maçon de lui construire un caveau en pierre
afin qu'il puisse sécuriser son trésor. Très futé,
le maçon laissa un passage secret pour ses fils, à sa mort, ses
deux fils commencèrent le pillage du trésor ; mais
malheureusement pour eux le piège que le roi avait installé se
referma sur l'un d'eux. Soucieux de ne pas se faire identifier, il demanda
à son frère de lui couper la tête. Le roi fit exposer le
corps afin d'attraper quiconque qui viendrait s'attendrir sur le sort du
cadavre, très astucieux, le fils rescapé enivra les gardes et
déroba le corps de son frère. Très courroucé, le
roi chargea sa fille d'attraper le larron, mais le voleur qui avait tout
prévu parvint à s'échapper. Lorsque le roi fut
informé, il s'extasia devant l'intelligence du garçon voleur et
lui donna sa fille en mariage.
Schéma fonctionnel.
SI
|
M1
|
Transformations
|
SF
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E1
|
E2
|
E3
|
Le roi fait construire un caveau pour sécuriser son
trésor : le maçon réalise le caveau mais scelle un
pierre
|
Le maçon révèle le secret de la pierre
scellée à ses fils avant de mourir : les fils entament le
pillage du caveau
|
L'un des fils est prit dans un piège installé par
le roi : il demande à son frère de lui coupé la
tête pour empêcher son identification
|
Le roi fait exposer le corps du voleur afin d'atteindre le coeur
de la mère : le fils rescapé enivre les gardes et
dérobe le corps de son frère.
|
La fille du roi tend un piège pour amener le
rescapé à raconter ses forfaits. Le larron a tout prévu et
parvient à se jouer de la princesse
|
Le roi s'extasie devant l'intelligence du garçon voleur et
lui donne sa fille en mariage.
|
Conte n° 3 : " Le duel de
Vérité et de Mensonge"
Résumé. Mensonge prêta
à son frère Vérité un couteau que ce dernier
égara. Visiblement furieux, Mensonge alla porter plainte à
l'Ennéade qui condamna Vérité à perdre la vue et
à devenir le portier de la maison de mensonge. Quelques jours plus tard,
Vérité fût recueillit par une femme bienveillante avec qui
il eut un enfant. Lorsque l'enfant fut assez grand, il décida de venger
son père. Pour ce faire, il confia son boeuf au berger de Mensonge.
Alors qu'il inspectait son troupeau, Mensonge aperçut le boeuf et
l'emporta, le jeune homme qui n'attendait que cette occasion vint et
traîna Mensonge en justice, il fut à son tour condamné
à avoir les yeux crevés et devint le portier de
vérité.
Schéma fonctionnel
SI
|
M
|
Transformations
|
SF
|
E1
|
E2
|
E3
|
Mensonge réclame à vérité un couteau
qu'il lui a prêté ; Vérité dit qu'il l'a
égaré
|
Mensonge gagne le procès. Vérité est rendu
aveugle et devint le portier de la maison de Mensonge
|
Vérité est recueilli par une femme bienveillante,
il devint son portier et a un enfant avec elle.
|
Vérité raconte à son fils comment il est
devenu aveugle : le fils décide de venger son père
|
Mensonge tombe dans le piège en mangeant le boeuf ;
le fils de Vérité lui porte plainte devant l'Ennéade
|
Mensonge est condamné à avoir les yeux
crevés et devient le portier de la maison de Vérité.
|
Schéma actanciel
Destinateur
La cruauté de Mensonge
Objet
La vengeance
Destinataire
Vérité, le fils de Vérité
Adjuvants
Vérité, la femme bienveillante, le gardien du
troupeau de Mensonge
Sujet
Le fils de Vérité
Opposant
Mensonge
Conte n°4 : "
L'amitié des deux chacals "
Résumé. Dans l'immensité
du désert vivaient deux chacals qui étaient de véritables
amis. Ils se partageaient et faisaient tout ensemble. Un jour, qu'ils
allèrent à la quête de leur pitance, un lion affamé
surgit devant eux contre toute attente, ils ne fuyèrent pas et firent
face au lion. Stupéfait, le lion leur demanda pourquoi ils ne
s'étaient pas enfuir, l'un d'eux prit la parole et fit comprendre au
lion qu'ils voulaient faciliter la tâche au lion en l'épargnant
d'être à bout de force au moment où il voudrait les
dévorer. A l'écoute de ces mots pleins de sagesse, le lion
reconnu la grandeur et le courage des deux chacals et leur accorda sa
protection.
Schéma fonctionnel
SI
|
M
|
Transformations
|
SF
|
E1
|
E2
|
E3
|
Les deux chacals vivent en paix et s'aiment comme deux
frères
|
Les chacals sont à la quête de leur pitance :
un lion affamé surgit devant eux
|
Les chacals ne paniquent pas et font face au lion
|
L'attitude des chacals surprend le lion : il interroge les
chacals
|
La réponse de l'un des chacals est pleine de sagesse
|
Le lion reconnaît leur courage et les accorde sa
protection.
|
Conte n°5 : " La femme
adultère "
Résumé : Oubaoner alla un
jour en mission avec le roi, à son absence, sa femme passa du bon temps
avec un homme. Lorsqu'il revint de mission, son intendant lui raconta tout ce
qui s'était passé à son absence. Pour laver l'affront, il
fabriqua un crocodile magique qui devait saisir l'amant de sa femme au moment
où il sera dans l'étang. Comme prévu, l'homme vil vint et
descendit dans l'étang, le crocodile s'empara de lui. De retour de
mission, Oubaoner invita le roi et lui conta toute l'histoire. Le roi demanda
au crocodile d'aller avec sa proie et fit brûler la femme
adultère.
Schéma fonctionnel
SI
|
M
|
Transformations
|
SF
|
E1
|
E2
|
E3
|
Oubaoner et sa femme vivent en paix : il doit accompagner le
roi en tournée
|
Un homme vil séduit la femme d'Oubaoner et elle commet
l'adultère
|
L'intendant met Oubaoner au courant des événements
qui se sont passés à son absence.
|
Oubaoner fabrique le crocodile magique que son servant va jeter
dans l'étang.
|
Oubaoner invite le roi et lui raconte comment il a
été cocufié.
|
Le roi demande au crocodile d'emporter l'homme et fait
brûler la femme.
|
Destinateur
L'adultère de la femme d'Oubaoner
Objet
La dignité
Destinataire
Oubaoner
Adjuvants
L'intendant d'Oubaoner, le crocodile, le roi
Sujet
Oubaoner
Opposants
La femme d'Oubaoner, l'homme vil
Schéma actanciel
Conte n° 6 : "La boucle de la
rameuse"
Résumé : Un jour, le roi
Snefrou fit appel à Djadjaemankh afin qu'il lui trouve une distraction.
Djadjaemankh proposa au roi d'organiser une partie de bateau, le roi
acquiesça et fit venir vingt rameuses qui se mirent à ramer, le
roi devint heureux. Mais une boucle d'oreille de la commandante tomba dans
l'eau elle s'arrêta et tout l'équipage fit de même, surprit,
le roi s'enquérra de la situation et fit de nouveau appel à
Djadjaemankh qui vida la moitié de l'étang, retrouva la boucle
d'oreille et la remit à son propriétaire, la partie de bateau
continua, le roi et tout le palais furent très heureux.
Schéma fonctionnel
SI
|
M
|
Transformations
|
SF
|
E1
|
E2
|
E3
|
Le roi est mal heureux et est à la quête d'une
distraction
|
Le prêtre lecteur propose une solution au roi
|
Une partie de bateau rameuses est organisée le roi est
heureux
|
La boucle de la commandante tombe dans l'eau et arrêtent de
ramer.
|
Le prêtre en chef retrouve la boucle et les filles se
remettent à ramer
|
Le roi est heureux et récompense le prêtre en
chef.
|
Conte n°7 : " Le pharaon et
le tisserand"
Résumé. Baiti la fille de
Tehouti souffrait d'une fièvre, Khounaré le tisserand compatit en
offrant à son ami des figues qui manifestement avait des vertus
thérapeutiques, quelques jours plu tard, elle recouvra la santé.
Marouitensi l'intendant du pharaon trouva aberrant que de telles fugues soient
remises à une fille de basse classe, il fit arrêté
Khounaré et envoya à son nom le reste de figue au pharaon,
très solidaires les paysans grevèrent et n'envoyèrent
plus de légumes au palais, Marouitensi les fit arrêtés mais
Tebouti qui avait réussi à se cacher, alla se plaindre chez le
pharaon, Khounaré fut libéré et devint le tisserand du
palais. Un jour alors que Baiti venait se présenter comme candidate
à l'apprentissage, son regard croisa celui de Khounaré, les deux
tombèrent amoureux et quelques jours plu tard ils se marièrent
avec la bénédiction du pharaon.
Schéma fonctionnel
SI
|
M
|
Transformations
|
SF
|
E1
|
E2
|
E3
|
Khounaré es célibataire il mène tout de
même un vie paisible
|
Le figuier de Khounaré porte des fruits en plein hiver
|
Grâce aux figues Baiti qui était mourante recouvre
peu à peu la santé
|
Marouitensi est envieux des fruits et fait arrêter
Khounaré
|
Grâce à la solidarité des Fellahs
Khounaré est libéré et devient le tisserand du palais
|
Khounaré et Baiti se marient
|
Schéma actanciel
Destinateur
Le célibat
Objet
Le mariage
Destinataire
Khounaré
Adjuvants
Le dieu Ré Tehouti, les fellahs
Baiti
Le pharaon, la reine
Sujet
Khounaré
Opposant
Marouitensi
Conte n° 8 : " Le prince
prédestiné"
Résumé. Un prince avait
été prédestiné à mourir par le crocodile, le
serpent ou le chien. Devenu grand, il décida d'aller en aventure
affronté son destin, accompagné de son chien, il arriva à
Naharinna où il fut accueillit par des princes de kharou qui voulaient
épouser la fille du prince de Naharinna, le prince s'envola un jour et
atteignit la fenêtre de la princesse qui devint son épouse.
Quelques jours plu tard la jeune fille parvint à tuer le serpent et le
crocodile, les princes de Kharou revinrent à Naharinna pour tuer le
prince, mais ce dernier, sa femme et son chien allèrent se cacher dans
une grotte de la montagne, malheureusement pour eux, lorsque les princes
passèrent à cet endroit, le chien et la princesse moururent sur
le coup, avant sa mort, le prince reconnut que la prédiction des
hathors était exact car c'est le chien qui les avait livré aux
ennemis. La prédiction accomplie, les dieux les accordèrent une
nouvelle vie.
Schéma fonctionnel
SI
|
M
|
Transformations
|
SF
|
E1
|
E2
|
E3
|
Les hathors annoncent que la mort du prince viendra d'un chien,
d'un serpent ou d'un crocodile
|
Le prince refuse l'enfermement et décide d'affronter son
destin
|
Le prince fait le saut victorieux : la princesse lui est
donnée en mariage avec des terres et des troupeaux
|
La jeune femme réussit à mettre en pièces le
serpent et le crocodile
|
Grâce au chien les princes de Kharou frappent le chemin, le
prince et sa femme
|
La prophétie des hathors s'est accomplie : les dieux
les donnent une nouvelle vie.
|
Destinateur
Le célibat
Objet
Le mariage
Destinataire
Le prince
Adjuvants
La princesse
Sujet
Le prince
Opposants
Les fils des princes de kharou
Schéma actanciel
Au regard de ce qui précède, nous pouvons dire
que les schémas fonctionnels et actanciels des contes
Négro-africains et Egyptiens ne présentent pas de
différences notables sur le plan formel. Connaissant les
différents types de contes étudiés en Afrique par la
folkloriste Denise Paulme, on peut être excité à se
demander si les contes Egyptiens peuvent faire l'objet d'une étude
typologique telle que suggérée par Paulme
II-5- La typologie des
contes de Dénise Paulme
Les contes africains présentent en
général des situations qui peuvent être modifiées en
fonction de la typologie du conte, Denise Paulme dans La mère
dévorante s'est proposée d'étudier la classification
typologique des contes et plus précisément des contes africains.
Au terme de cette étude, elle a pu dégager huit types de contes
que l'on peut diviser en deux groupes : les formes simples et les formes
complexes.
II-5-1- Le type ascendant
Dans les contes de type ascendant, le héros est
à l'entame du récit dans une situation de manque, cette situation
s'améliore au fur et à mesure que le récit évolue
et à la fin du récit le manque initial est comblé et le
héros se retrouve dans une situation satisfaisante. Ce type de conte se
schématise ainsi :
Manque ou manque Amélioration manque comblé
II-5-2- Le type descendant
A l'antipode des contes du type ascendant, les contes du type
descendant sont des contes où le héros se trouve dans une
situation insatisfaisante. Le type descendant se schématise ainsi.
Situation satisfaisante dégradation
situation insatisfaisante
II-5-3- Le type cyclique
Les contes du type cyclique sont des contes où l'on
retrouve l'association des types ascendant et descendant. Dans ce type de conte
le héros peut se trouver devant deux cas, dans le premier cas le
héros part d'une situation insatisfaisante et arrive à une
situation satisfaisante, mais le héros peut soit transgressé un
interdit, désobéit à son bienfaiteur et dans ce cas il
peut être puni par sa désobéissance, son instabilité
ou son abus de pouvoir et redescend dans sa situation insatisfaisante. Dans le
second cas le héros est dans une situation satisfaisante. Cette
situation peut se dégrader parce que le héros a
transgressé un interdit, mais cette sanction peut être
levée et à la fin du récit le héros retrouve sa
situation satisfaisante.
Schéma : Situation de manque
Amélioration Situation normale Détérioration
Situation normale.
II-5-4- Les types en spirale
Les contes du type en spirale sont des contes où l'on
retrouve un héros qui fait face à deux situations ascendantes.
Schéma : Manque Amélioration Manque
Comblé Détérioration
Nouvelle amélioration Situation satisfaisante.
II-5-5- Le type en miroir
Dans les contes du type en miroir l'on observe deux
séquences dont la première est ascendante pour le héros
qui, au cours de la quête de son objet de valeur bénéficie
de l'apport d'adjuvant qui l'aident à cause de sa docilité, de sa
générosité ou de sa bonne conduite. La seconde
séquence est descendante par l'anti-héros qui, jaloux de
succès de l'héros va à la quête du même objet
de valeur mais son arrogance, sa mauvaise conduite et son insolence vont
concourir à sa perte.
Schéma :
Héros : Manque Amélioration Manque
Comblé faux héros : situation normale
Détérioration manque.
II-5-6- Le type en sablier
Dans les contes du type en sablier on assiste à la fin
du récit à une permutation de place ou de situation. Les deux
personnages principaux que sont le héros et l'anti-héros sont au
début du récit dans deux situations divergentes, le héros
est dans une situation de manque et l'anti-héros dans une situation
satisfaisante, mais le héros qui se trouve en mauvaise posture au
départ sera substitué par l'anti-héros.
Schéma : héros anti-héros
H1 H2
II-5-7- Le type en
divergence
Les contes du type en divergence peuvent être
assimilables aux types en miroir et en sablier. La nuance qui existe entre ces
contes est que dans les contes en miroir le héros et l'anti-héros
vont à la quête de l'objet de valeur chacun à son tour
tandis que, dans les contes en divergence le héros et
l'anti-héros vont au même moment chacun de son côté
et ne visent pas toujours le même objet. Mais le succès du
héros est conditionné par l'échec de l'anti-héros.
Par ailleurs, dans les contes du type en divergence, on n'assiste pas à
une permutation systématique de places à la fin du récit
comme c'est le cas dans les contes en sablier mais l'on observe tout de
même une situation ascendante pour le héros et descendante pour
l'anti-héros.
II - 6- Analyse typologique
des contes Négro-africains
Dans notre corpus, à l'exception du conte n° 30
"l'histoire de Raboutity", tous les contes
Négro-Africains obéissent à la typologie des contes
proposée par Denise Paulme, il s'agit plus exactement des types
ascendant, descendant, cyclique, en spirale, en sablier, et en divergence.
Relèvent du type ascendant les contes
n°s : n° 12 " La jeune fille et le lion"
à la situation initiale la jeune Warimangan est
régulièrement épouvantée et menacée de mort
par un lion féroce. A la situation finale le lion est tué. La
mort du lion est une libération pour la jeune fille qui n'aura plus
à vivre le cauchemar que lui faisait vivre le lion.
n° 15 "La femme de Mesha'atsang" au
début du récit Mesha'atsang est célibataire , à la
fin il a une épouse.
n° 16 "le fils de Nkan" à
l'entame du conte, le fils est jeté dans un tas de fournis par son
géniteur qui veut le tuer, fort heureusement pour lui est sauvé
par l'antilope naine, à la fin du récit l'enfant est grand et
renie son géniteur et choisit comme père l'antilope.
n° 17 "Les épouses de Kalak" dans
ce récit Kalak est au début dans une situation de doute parce
qu'il ne sait pas laquelle de ses épouses l'aime vraiment. A la fin
du conte il est dans une situation de certitude dans la mesure où il
sait desormais celle qui l'aime.
n° 18 "Metsùt- le- lièvre
épouse la fille du roi".
Mesût le lièvre va utiliser sa ruse pour
épouser la fille du roi. Homme célibataire au début du
récit, homme marié à la fin.
n° 19 "Mesùt le lièvre sauve un
chasseur"
Grâce à l'intelligence de Mesùt le
lièvre le chasseur qui était à la quête du gibier
réussit à abattre le crocodile et ses enfants.
n°21 "La dette de kimanga la tortue"
Endettée, la tortue va utiliser son intelligence pour
se désendetter sans rien payer à son créancier.
n° 24 "Pourquoi y a-t-il tant d'idiots de par le
monde"
Au début du conte les idiots sont célibataires ,
à la fin ils sont mariés et ont des enfants.
n°26 "les trois antilopes "
Incapables de se reproduire à l'entame du
récit, les antilopes sont à la fin du conte innombrables.
n° 27 "Comment le tambour est arrivé sur
la terre"
Absence de tambour sur terre au début du conte,
présence d'un tambour à la fin.
n° 28 "Le prince de la pluie "
Le personnage principal le prince est au début du
récit pauvre et célibataire, à la fin du récit il
est marié et riche.
Relèvent du type descendant les contes
n°s :
n° 10 "le cultivateur , sa femme et les
génies" Le cultivateur et sa femme sont au départ dans
une situation satisfaisante ils ont des champs des moutons, des chèvres,
des poules et des pintades. A la fin, ils s'enfuient et laissent tout aux
génies.
n° 22 "l'origine du divorce" Au
début du récit l'homme et la femme sont mariés et
mènent une vie heureuse, à la fin du récit la femme quitte
son mari.
n° 24 "Et le ciel recula" Le ciel et la
terre vivent une relation de bon voisinage, ils sont des amis qui se partagent
tout, mais la maladresse d'une femme va mettre fin à cette
amitié, ainsi, la situation de proximité du départ s'est
dégradée pour laisser place à la distanciation.
Appartiennent au type en spirale les
contes n°s :
n° 9 "Le prince"
Le prince qui est le personnage principal de ce conte vit avec
son père et sa mère dans l'opulence, ils ne les manque rien
d'essentiel (situation satisfaissante). Mais à la mort de son
père, ils dilapident tous les biens et la misère commence
(dégradation). Grâce à l'aide de son ami le petit
charognard ils redeviennent riche (amélioration). Sa femme le trahit, le
roi voisin récupère la bague magique et le fait prisonnier
(nouvelle détérioration). Le petit chat le libère et
récupère la bague magique, le prince redevient riche (situation
finale satisfaisante et semblable à la situation initiale).
n° 14 "L'ingratitude"
L'homme le héros du conte est au début dans une
situation d'affamée (manque) quelques temps après le singe et le
lion qu'il avait sauvé lui donnent des provisions (manque
comblé). Les provisions finissent et il va ç la quête de
nourriture mais l'homme ingrat le fait arrêté (dégradation)
grâce au serpent il est libéré et aura ce qu'il
désire (situation satisfaisante) relèvent du type cyclique les
contes n°s :
n° 11 "Les coépouses" Au
début du récit la situation du polygame est enviable, il a ses
deux femmes, ils vivent en paix et la joie règne dans la famille
(situation normale). Mais la jalousie de la première l'amène
à enfermer sa coépouse et son fils dans un arbre (situation
dégradante pour le polygame qui perd sa femme et son fils). Fort
heureusement pour lui un chasseur surprend la première femme, cette
dernière passe aux aveux et libère sa coépouse (retour
à la situation normale).
n° 29 "Les trois soeurs et
Itrimoubé"
La jeune Ifara le personnage central de ce récit
mène une vie paisible, il ne lui manque rien d'essentiel, elle vit avec
son père, sa mère et ses deux grandes soeurs (situation
satisfaisante). Mais sa beauté va rendre ses grandes soeurs jalouses,
elles vont entraîner Ifara dans les filets du monstre Itrimoubé
qui la fera prisonnière (situation dégradante). Grâce
à une petite souris et un pigeon elle retourne chez eux et mène
une vie heureuse avec ses parents. (Situation finale semblable à la
situation initiale)
Relèvent du type sablier les contes n°s:
n° 20 "La destitution de Memvù le
chien"
Au début du récit le chien est en bonne posture
pour être le chef des animaux, il le devient après un conseil
(situation satisfaisante). A rebours du chien, le lièvre est au
départ dans une situation de manque car il aspirait au trône mais
c'est le chien qui a été désigné. Force lui est
donné de recouvrir à un stratagème qui lui fera
bénéficier des égards des autres animaux qui le
préféreront au chien. A la fin du récit on assiste
à une permutation de place entre le chien et le lièvre.
n° 25 "Le roi qui voulait marier sa
fille"
Au début du récit le roi est dans une situation
satisfaisante, il est un roi respecté qui a une belle fille qu'il
propose en mariage. Par contre, l'écureuil au début du conte est
dans une situation de manque car il n'a pas d'enfant. Mais grâce à
la sottise du roi qui se croyait malin en enfermant sa fille, l'écureuil
va engrosser cette dernière et deviendra papa. La paternité de
l'écureuil sera pour le roi une très grande humiliation
(détérioration).Ainsi, le roi qui était au départ
heureux se trouve à la fin malheureux et l'écureuil qui
était dans une situation de manque est à la fin dans une
situation satisfaisante.
Appartient au type divergence le conte n° 13
"le lièvre et l'hyène "
Les deux personnages principaux, lièvre et
l'hyène vont ensemble à la quête des termites (situation de
manque pour les deux) en cours de route l'hyène se moque du
lièvre qui décide de se venger en mettant le lionceau dans le
panier de l'hyène. A la fin du récit l'hyène est
pourchassée par les animaux tandis que le lièvre à son
panier de termites, on assiste donc à une situation ascendante pour le
lièvre à la fin et descendante pour l'hyène.
A l'instar des contes Négro-africains, les contes
Egyptiens peuvent faire l'objet d'une étude typologique.
II-7- Classification
typologique des contes Egyptiens
A l'exception du conte n° 4 "l'amitié des
deux chacals" où l'on assiste à une situation
satisfaisante du début à la fin du récit sans qu'il ait
transformation, tous les contes Egyptiens appartiennent à une typologie,
il s'agit notamment des types ascendant, descendant, cyclique, en spirale et en
sablier.
Relèvent du type ascendant les contes
n°s :
n° 2 "Le conte de Rhampsinité"
Dans ce récit le fils du maçon est au départ
célibataire mais grâce à sa ruse il va à la fin du
récit épousé la fille du roi.
n° 7 "Le pharaon et le tisserand" Comme
le conte précédant, le tisserand est au début du
récit célibataire mais grâce à sa bonté il
épousera Baiti à la fin du conte.
n° 8 "Le prince
prédestiné" Le personnage principal de ce conte, le
prince est comme les deux héros précédents
célibataire à la situation initiale, il va braver une
épreuve et épousera la fille du prince de Naharinna.
Appartient au type descendant le conte
n°5 "La femme adultère" contrairement aux
trois contes précédents, Oubaoner le personnage principal de ce
récit est au début marié. Mais il va vivre une double
dégradation, il sera cocufié par un homme vil et à la fin
du récit le roi fera brûlé sa femme.
Relève du type en spirale le conte n° 1
"La légende des deux frères" Baiti le
héros mène au début une vie paisible avec son grand
frère (situation normale). La femme de son grand frère l'accuse,
son frère veut sa mort (dégradation). Il s'enfuit et s'installe
au val de l'acacia, les dieux lui donne une femme (amélioration). Sa
femme lui désobéit et le trahit (nouvelle
détérioration). A la fin du récit il devient pharaon, se
venge et vit avec son frère (retour à la situation satisfaisante
du départ).
Relève du type cyclique le conte n° 6
"La boucle de la rameuse"
A l'entame du récit le roi n'a pas de distraction
(manque). Il organise une partie de bateau (manque comblé). La boucle de
la commandante tombe dans l'eau et les rameuses arrêtent de ramer
(dégradation). Le prêtre lecteur retrouve la boucle et elles se
remettent à ramer (situation finale satisfaisante).
Relève du type en sablier le conte n° 3
"Le duel de Vérité et de Mensonge"
Dans ce conte on assiste à une permutation de place
entre le héros vérité et l'anti-héros mensonge. Au
début du récit vérité est dans une situation
insatisfaisante, il est aveuglé et est portier devant la maison de
mensonge. A la fin du récit, c'est mensonge qui est aveuglé et
devient le portier de vérité.
Au regard de cette étude typologique, nous
constatons que dans les contes des types ascendant et descendant on assiste
à une seule transformation qui peut être une amélioration
ou une dégradation. Ce qui n'est pas forcément le cas pour les
autres typologies où l'on peut avoir au moins deux transformations.
Après cette étude sémiotique et
morphologique des contes Négro-africains et Egyptiens, il semble
important que nous poursuivions notre travail en analysant les personnages et
leur action.
CHAPITRE III : ETUDE
DU FONCTIONNEMENT DES PERSONNAGES
Traitant des personnages dans l'ouvrage
intitulé le personnel du roman, Philipe Hamon affirme :
« Le personnage est une unité diffuse de signification
construite progressivement par le récit, support des conservations et
des transformations sémantiques du récit, il est constitué
de la somme des informations données sur ce qu'il est et sur ce qu'il
fait »31(*)
Le mot « personnage » vient du
latin « personna » qui signifie masque ou
rôle. Les personnages constituent le maillon indispensable dans
l'organisation des histoires, ils déterminent les actions, les
subissent, les relient et leur donne du sens. D'une certaine façon dira
Yves Routier : « Toute histoire est histoire des
personnages »32(*). Beaucoup d'études ont été
faites sur le concept de personnage, plusieurs analystes ont proposé
différentes dénominations pour désigner toute force
agissante, tout ce qui joue un rôle dans une fiction. Vladimir Propp, qui
trouvait déjà le concept flou le substituait par celui de
`fonction', Todorov quant à lui a choisi la notion
d' « agent ». Claude Bremond pour sa part
propose à la fois « agent et patient ». Et
Greimas, à son tour réduira la notion de personnage à
celle d' « actant » c'est-à-dire
à une force agissante. Tous ces théoriciens incluent dans leur
classification. Les êtres humains, les animaux, les êtres
célestes, les choses animées ou inanimées qui jouent un
rôle dans une oeuvre imaginaire.
Au nombre des analyses faites sur la notion de personnage,
celle de Philippe Hamon semble mieux convenir à notre objet. Elle nous
permettra de voir si une étude analogue à celle faite sur les
personnages des contes negro africains est possible avec les contes Egyptiens
anciens
III-1 La distinction et
l'hierachisation des personnages de Philippe Hamon
En s'inspirant de l'analyse structurale, Philippe Hamon
développera la sémiologie du personnage, pour lui le personnage
est perçu non seulement comme un signe, mais aussi comme une association
de signes à l'intérieur d'un texte. En tant que signe, le
personnage se rapproche du morphème linguistique en ne se donnant pas
d'emblée à l'analyse mais en se construisant. Il
développera sa méthode autour de deux axes, d'abord le personnage
perçu comme un « être »,
l'étiquette du personnage, ses dénominations.
« Etudier un personnage c'est pouvoir le nommer. Agir
pour le personnage c'est aussi et d'abord pouvoir épeler, interpeller,
appeler et nommer les autres personnages du récit. Lire, c'est pouvoir
fixer son attention et sa mémoire sur des points stables du
texte, les noms propres. »33(*) On peut également saisir le personnage
à partir de son portrait. Pour lui, « Le portrait qui est
expansion, qui se présente sous la forme d'une description,
joue également un rôle important dans la construction de l'effet
personnage »34(*)
Au terme de ses recherches, Philippe Hamon proposera six
paramètres, simples et maniables pour distinguer et hiérarchiser
les personnages, il s'agit notamment :
De la qualification différentielle qui
s'intéresse à la quantité des qualifications
assignées à chaque personnage et aux aspects de leur
manifestation, il s'agit donc de voir si les personnages sont plus ou moins
anthropomorphes, s'ils ont des signes particuliers ou non. S'ils apparaissent
sous un jour plus ou moins favorable sur le plan physique, psychologique et
social.
La distribution différentielle s'attache
à déterminer les aspects quantitatifs tels que la
fréquence et la durée des apparitions des personnages : ils
apparaissent plus ou moins longtemps, avec un rôle et des effets plus ou
moins importants.
L'autonomie différentielle renvoie au type de
combinaison des personnages entre eux. Il s'agit concrètement des
fréquences d'apparition, des déplacements, et de la
multiplicité des relations qu'un personnage entretient avec d'autres,
ainsi, un personnage pourra apparaître seul ou accompagné et
entrer en contact avec d'autres protagonistes.
La fonction différentielle porte sur le faire
des personnages : leur rôle dans l'action, plus ou moins important,
porteur de réussite ou non.
La pré désignation conventionnelle
combine le faire et l'être des personnages. En référence
à un genre donné. Ici l'importance et le statut du personnage
peuvent être codifiés par des marques génériques
traditionnelles : tel trait physique, telle action. Du coup, dès la
première apparition d'un personnage, le lecteur familier du genre peut
le catégoriser.
Le commentaire explicite porte quant à lui, sur le
discours que tient le narrateur à propos d'un personnage. Il indique le
statut du personnage ou la manière de le catégoriser.
III-1-1- La
hiérarchisation des personnages des contes Négro-africains
La hiérarchisation des personnages consistera à
la distinction des personnages en deux grandes catégories : les
personnages principaux et les personnages secondaires.
III-1-1-1 Les personnages
principaux
Les personnages principaux sont les socles de l'intrigue,
c'est eux qui provoquent et clôturent presque tous les
événements qui meublent les contes. Pour rester fidèle
à la démarche que nous avons entreprise à l'entame de
notre travail, nous les analyserons successivement dans leur conte.
Dans le conte Négro-africain n°9
" Le prince" , le personnage
principal est incontestablement le prince. C'est un personnage anonyme dont le
narrateur ne prend pas la peine de dresser de manière évidente le
portrait physique et moral. Sur le plan physique tout ce que nous savons de lui
c'est qu'il est jeune « le jeune prince », bien
que cela ne soit pas explicite, quelques passages du conte nous montrent qu'il
est généreux, altruiste et courageux. Pour s'en convaincre, il
n'y a qu'à examiner quelques passages du conte.
Premier extrait :
Le jeune prince leur demande :
« Pourquoi maltraitez-vous ces petits animaux ?
Laissez-les ! »
Les enfants lui demandent :
« C'est parce que nous sommes des petits que tu nous dis
ça ? Laissez-les ! »
Le prince leur dit : « Je vais
vous les acheter. »
Les enfants acceptent. Le prince donne une poignée
d'or à chacun, prend les bêtes et revient à la
maison.
Deuxième extrait :
Le papa meurt (...) ils ont fini de dépenser l'or
et l'argent que le roi a laissé. La souffrance frappe à leur
porte, mais personne ne les approche ni ne les considère. Le prince
fabrique un lance-pierre pour nourrir sa mère et ses animaux. Chaque
jour, il part tuer des oiseaux ; un pour le chaton, un pour le petit
chien, un pour sa mère, et le cinquième pour lui-même. S'il
tue quatre, il en donne un à chaque animal et partage le
quatrième entre lui et sa mère qui dorment à jeun, mais
chaque fois sa mère se met à se plaindre.
Ces extraits qui précèdent montrent à
suffisance la générosité et le courage du jeune prince qui
après la mort de son papa descend de son piédestal de prince pour
devenir un vulgaire chasseur afin de nourrir sa famille. C'est sans aucun doute
ces qualités qui font qu'à la fin du récit le prince
retrouve son prestige et son statut d'antan à savoir la richesse.
Dans le conte n° 10 "Le cultivateur, sa
femme et les génies "
C'est un personnage anonyme dont le conteur n'a pas
jugé opportun de faire son portrait physique et moral. Ce que nous
savons avec certitude c'est que sur le plan civil c'est une femme
mariée à un cultivateur et est une ménagère. Sur le
plan moral nous apprenons par le plus petit des génies qu'elle est une
femme qui parle beaucoup : « Quelques temps après, le
vieux est inquiet et envoie l'aîné voir ce que fait son
frère. Il part trouver son petit frère assis et lui
dit : « kunkelen, le vieux t'a envoyé chercher du
feu et tu es venu t'asseoir ? »
Le petit frère lui
répond : « C'est cette femme bavarde qui veut me
raser ».
C'est sans doute parce que cette femme est bavarde que les
génies s'emparent du champ sinon elle aurait tout simplement
donné du feu au petit génie qui serait reparti aussitôt
mais son bavardage l'a amenée à dire une bêtise, à
faire une promesse qu'elle ne pouvait pas tenir et par la suite elle se trouve
dans la situation fâcheuse qui aura des conséquences
négatives qui causeront d'énormes préjudices ( un moral et
un matériel) au cultivateur. Sur le plan moral, la présence des
génies dans la cour va plonger le cultivateur dans un état de
stupeur :
« Quelque temps après, le mari revient et
voit sa cour remplie de génies. Pris de peur, il ne s'approche pas.
Il reste à distance et demande à sa femme :
« Pourquoi ces génies sont-ils dans la
cour ? » [...] le mari lui jette le couteau qui était
dans sa poche, laisse les termites et s'enfuit ».
Sur le plan matériel, le cultivateur va perdre tous ses
biens
« Quand les génies s'aperçoivent
que les propriétaires du champ ont pris la fuite, ils prennent tout ce
qu'ils trouvent : moutons, chèvres, poules, pintades. Ils les tuent
et les mangent. »
Par ailleurs, ce préjudice matériel subi par le
cultivateur va s'étendre à tous les habitants de cette
région soucieux d' avoir un champ. L'extrait qui va suivre est
significatif à ce sujet :
"Depuis ce jour, quand quelqu'un demande un champ, le chef
de terre exige soit un mouton, soit une chèvre, soit une poule ou une
pintade pour l'offrir aux génies. C'est cette femme qui a
provoqué cela : habituer les génies à manger les
animaux".
Dans le conte n°11 "les
coépouses" Le personnage principal est le mari des
coépouses, une fois de plus nous avons à faire à un
personnage anonyme dont nous n'avons le portrait moral et physique qu'à
travers quelques indices donnés par le narrateur. Sur le plan social
nous savons que c'est un polygame de deux femmes : « un
homme qui avait une femme. Un beau jour, il décida d'en prendre une
deuxième ». Son activité principale c'est les
travaux champêtres : « Un beau matin, leur
époux les devança au champ. [...] Et voici qu'un jour, en allant
au champ apporter le repas à son mari ». Si sur le plan
physique nous n'avons aucun indice, nous avons en revanche quelques indices qui
nous amènent à penser qu'il s'agit d'un homme très
coléreux capable de tuer : « Depuis ce jour elle fut
soupçonnée. Son mari lui demanda de nouveau :
« Où as-tu laissé ta
coépouse ? ».
Il menaça de la tuer si elle n'avouait pas. Elle
eut peur, et finit par avouer. "
Dans le conte n° 12 "La jeune fille et le
lion" Le personnage principal est incontestablement la jeune fille
qui a pour nom Warimangan. Sur le plan physique nous savons qu'elle est jeune,
bien que cela ne soit pas préciser, nous pouvons dire que sur le plan
moral nous avons à faire à une jeune fille très
courageuse, qui malgré son âge, et son sexe est une gardienne des
champs et plus précisément des champs où l'on rencontre
beaucoup d'animaux sauvages : « Ses parents l'envoyaient
garder les champs. Leurs champs étaient loin du village dans un endroit
où il y avait beaucoup d'animaux sauvages ». Mais la
présence de ces animaux sauvages n'ébranle pas le courage de la
jeune Warimangan qui va contre toute attente s'opposer au roi de la
forêt. En effet, un lion qui avait remarqué que la jeune fille
venait seule aux champs décide un jour de la dévorer, il
s'avance vers la fille. Malheureusement pour lui c'était sans compter
avec le courage de celle-ci qui resta indifférente devant la fureur du
lion, et comme par dédain, elle se mit à chanter une chanson qui
fit fuir ce dernier. « Le lion en entendant cette chanson, prit
peur et s'enfuit très loin ». La victoire de la jeune
fille sur le lion montre à suffisance que nous avons à faire
à une fille plus courageuse que son papa. « Le lion
était maintenant tout près de la fille, et son papa voyant la
fureur du vieux lion eu peur, et dit à sa fille Warimangan de
répondre comme d'habitude ».
Conte n° 13 "le lièvre et
l'hyène" Dans ce conte nous avons affaire à deux
personnages principaux : le lièvre de l'hyène, sur le plan
social les deux compères sont des éleveurs, ils pratiquent
surtout l'élevage des pintades.
Sur le plan physique nous n'avons que le portrait du
lièvre qui est fait par son ami l'hyène :
« Compère lièvre avec tes gros yeux-là et
tes longues oreilles-là ». Ces mots de l'hyène
nous décrivent la dimension physique du lièvre qui a de gros yeux
et des longues oreilles. Sur le plan moral, le lièvre apparaît
comme quelqu'un de réservé qui n'aime pas discuter mais agit
plutôt c'est pourquoi face aux propos moqueurs de l'hyène il
affirme : « Je n'aime pas les longues
discussions ». En outre le lièvre a pour
caractéristique fondamentale la ruse, grâce à cette
qualité, il va dans un premier temps pour se venger des insultes et du
préjudice moral que lui a fait subir l'hyène assommer le fils du
lion et le mettre dans le panier de l'hyène :
"Le lièvre dans sa ruse revint dire à
l'hyène : "Commère hyène, comme tu n'entres pas dans
la forêt, donne-moi ton panier.
Assieds-toi sous l'arbre à karité.
J'irai chercher les termites pour toi.
Il prit alors son panier, le panier de
l'hyène.
Il alla assommer le lionceau, le mit dans
Le panier de l'hyène et l'enfouit sous les
termites.
En posant cet acte le lièvre qui avait tout
planifié savait que le lion constatera l'absence de son fils et se
mettra à leur trousse et quand ce dernier les aura rattrapés, il
videra son panier et demandera à ce que l'hyène fasse autant.
Tout se passa exactement comme lièvre avait prévu, fort
heureusement pour l'hyène le trou que lui avait montré le
lièvre auparavant se trouvait juste à côté et quand
le lion bondit pour le saisir, elle s'y engouffre.
Dans un second temps, le lièvre va user de sa ruse pour
aider l'hyène à échapper aux animaux convoqués par
le lion pour sa capture.
Au rebours du lièvre qui est une personne calme qui
n'aime pas discuter, l'hyène, est une personne qui bavarde beaucoup et
aime les discussions. Bref, l'hyène est une cancanière ou comme
le dit si bien lièvre une commère. La leçon ou plus
précisément la vengeance du lièvre que l'hyène a
subie l'amènera à changer de comportement c'est sans doute ce qui
amène le conteur à dire que : « depuis ce
jour-là elle n'aime plus beaucoup discuter, l'hyène n'aime plus
beaucoup discuter ».
Dans le conte n° 14 "l'ingratitude ", le
personnage principal est un personnage anonyme, la seule information que le
conte nous donne c'est qu'il est de sexe mâle, il est un homme. Le fait
que le narrateur prend la peine de l'appeler un homme et non pas un jeune homme
peut nous amener à penser qu'il s'agit d'un monsieur qui a un certain
âge et qui est peut-être marié. Sur le plan social il s'agit
d'un chômeur car il n'est mentionné nulle part dans le conte un
métier ou une fonction quelconque qu'il exerce, c'est sans doute parce
qu'il est chômeur qu'il est obligé d'aller en brousse à la
quête de fruits sauvages pour pouvoir se nourrir. Sur le plan moral nous
avons à faire à un homme très généreux, et
magnanime qui sait venir en aide aux nécessiteux. C'est cette
qualité louable qui l'amène à venir en aide au lion, au
singe, au serpent et à l'homme. En effet, il va pendant l'une de ses
promenades trouver au fond d'un puits les derniers cités, et sans qu'ils
ne lui demandent de les sortir du puits, il va chercher les lianes et les
sortira du puits :
Il se penche pour voir s'il y avait de l'eau, et il
découvre, au fond du puits, un homme entouré d'un lion, d'un
singe et d'un serpent. Il décide de les sortir de là.
Conte 15 "La femme de Mesha'atsang" dans ce
conte le personnage principal c'est indubitablement Mesha'atsang. C'est un
homme célibataire qui est à la recherche d'une femme, sur le plan
social il est un danseur professionnel qui a pour passe temps favori la
pêche. Sur le plan moral Mesha'atsang est un homme très gentil qui
ne manque jamais l'occasion de venir en aide aux nécessiteux, c'est sans
doute parce qu'il est généreux que le narrateur précise
avec insistance : « qu'il avait un très bon
coeur ». Il va ensuite présenter une situation où
ce dernier va mettre sa générosité en exergue.
Il partit un jour à la pêche et trouva
Sur sa route une vieille femme.
Mère, dit-il, donne-moi ton fagot de
Bois, je t'accompagne à la maison.
Il prit le fagot de bois, le porta sur
La tête et accompagna la vieille
Chez elle.
Conte n° 16 "Le fils de Nkan". Le
personnage principal de ce conte est Nkan. C'est un polygame de trois femmes.
Kooko, Gang et Itïitïi, sur le plan social c'est un cultivateur. Sur
le plan moral monsieur Nkan est un homme méchant, cruel et criminel
à la limite, pour illustrer sa cruauté, le narrateur va insister
sur deux exemples. Dans le premier Nkan coupe les oreilles de son
esclave : Le petit esclave dit :
- Maître, voilà qu'on t'appelle
- Ah non ! Cesse de dire des folies
Il lui coupa une oreille et la mit dans son sac.
- Maître, lui dit encore le petit esclave,
même cette fois tu n'as pas entendu ?
- Tu continues à me casser les oreilles ?
Il lui coupa l'autre oreille et la mit dans son sac.
Le second exemple est sa volonté manifeste de tuer son
fils : « Voyant qu'il était de sexe mâle, Nkan le
prit lèboed ! et alla le jeter dans un tas de fourmis et
rentra »
Conte n° 17 "Les épouses de
Kalak"
Dans ce conte le personnage principal c'est Kalak, c'est un
polygame de deux femmes : Kooko et Gang. L'absence des indices sur sa
profession et sa dimension morale ne nous permettent pas de nous aventurer dans
des hypothèses qui peuvent nous amener à avoir une idée
sur ce qu'il fait. Toutefois ,étant donné le mode de production
en cours dans sa région nous pouvons dire qu'il est certainement un
cultivateur.
Conte n° 18 "Mesùt-le- Lièvre
épouse la fille du roi "
Le personnage principal dans ce conte c'est Mesùt,
c'est un célibataire à la recherche d'une épouse. Sur le
plan moral, Mesùt est un homme courageux, intelligent, audacieux et
très rusé. Ces qualités dont jouir Mesùt
bénéficient d'une triple apparition dans le conte. La
première apparition c'est lorsque, Mesùt réussit à
braver la première épreuve destinée aux prétendants
de Ntutuéré et qui, consisterait à aspirer un gobelet de
piment réduit en poudre sans éternuer, très rusé,
Mesùt va faire imiter les éternuements des
prédécesseurs sous forme de moquerie. En le faisant, il va
éternuer sans que l'assemblée ne s'en rende compte.
"Voyez comme ils me regardent, ces pauvres animaux. Je me
demande ce qu'ils me veulent. Tiens, je me rappelle ! Ils croient que je
vais jeter l'éponge comme eux.... Eux qui, depuis trois heures,
éternuent à se faire sauter le crâne.
Atchoum ! Atchoum ! Atchoum !
Atchoum !
Seconde apparition : Mesùt réussit la
deuxième épreuve où il fallait que le vainqueur se
trémousse jusqu'à ce que ses pieds se noient dans un torrent de
sueurs émanant des trépignements. Très ingénieux,
Mesùt va se faire coudre un boubou dans lequel il va cacher de l'eau
lorsqu'il entreprendra ses trépignements, l'eau se mettra à
couler à flots au point d'inquiéter le roi.
"Un grand jour comme celui-ci mérite d'être
fêté parce que notre roi donne sa fille en mariage : il
mérite faste et solennité. Moi, je danse toute ma joie en ce
grand jour ... Kpata...Kpata...Kpata...
L'au coulait alors, drue.
- Quel torrent ! Cria le roi
émerveillé. Nous serons inondés à ce rythme.
Troisième apparition : Mesùt qui a
toujours le sens de l'anticipation demande au roi de lui procurer une grande
outre, et grâce à cette outre, il parviendra à
échapper à l'embuscade que lui avait tendu les autres
prétendants, qui, dans leur manque de fair play estimaient que
Mesùt ne méritait pas la sublime Ntùtùre. Mais
hélas pour eux, Mesùt avait flairé le danger et entra dans
l'outre avec sa femme et roula vers son village en mettant en garde ses ennemis
d'être sur leur garde car Mesùt arrivait.
- Soyez vigilants ! Je sors du palais à
l'instant. Mesùt arrive de la cour avec sa femme, sur un cheval bien
chargé. Je suis venu juste pour vous mettre la puce à l'oreille
et vous demander de l'attendre de pied ferme.
Ainsi roulait-il vers son village se jouant de tous ceux qui
lui tendaient des embuscades.
Conte n° 19 "Mesùt le lièvre sauve un
chasseur"
Dans ce conte nous avons affaire à deux personnages
principaux : le crocodile et le chasseur.
Le premier cité est sur le plan moral un personnage qui
incarne la duplicité à travers son caractère dualiste qui
l'amène selon la situation dans laquelle il se trouve à
être bon ou méchant. Le crocodile bon est celui qui se trouve dans
une situation piteuse où il a besoin d'assistance, à ce moment
précis il devient inoffensif, courtois, poli et très doux. Ces
qualités louables se vérifieront lorsque le crocodile et ses
enfants auront besoin du concours du chasseur pour retourner dans le fleuve,
dans sa douceur apparente il va encenser le chasseur en ces termes :
- Soyer le bienvenu, sire ! qui que vous soyez et
quel que soit ce que vous cherchez, que la paix soit avec vous. Vous êtes
le plus distingué des visiteurs de ce bois.
- Nous vous en prions, visiteur éminent, voyez
notre misère. Mes enfants et moi sommes perdus du fait de la
sécheresse. Sauvez-nous et nous vous en saurons gré. Vous aurez
une récompense, la plus belle et la plus grande qui soit. Songez
seulement qu'aucun animal vertébré tétrapode ne vous a
jamais tenu un tel langage.
Face à ce discours pathétique à
même de transformer un orage en un agneau ou comme le dit le conteur
capable de « jeter le désarroi dans l'âme la plus
endurcie », le chasseur va abandonner sa casquette de chasseur pour
porter celle d'un assistant social et tel un sapeur pompier il va affronter
tous les obstacles qui se trouveront sur son chemin et déposera le
crocodile et ses enfants au milieu du fleuve. Mais une fois dans le fleuve, le
crocodile sympa, poli, doux et larmoyant va subitement se métamorphoser
en un crocodile ingrat arrogant, hautain et méprisant et dans sa morgue
il dira au chasseur qui attendait qu'il lui exprime sa gratitude :
- Misérable homme que tu es ! Eh bien !
Tu n'as plus qu'à agir en homme ! Est-ce que tu peux imaginer le
nombre de jours que j'ai passé avec mes enfants sans avoir quelque chose
à me mettre sous le croc ?
- Silence ! Ici et maintenant, mes enfants et moi
avons faim, très faim.
Nonobstant le déplaisir du cheval et de l'âne qui
réduisent le chasseur à leur maître au point de
l'étiqueter de méchant pour le premier « c'est un
être très méchant. Regarde mon corps tout couvert de
contusions et de blessures. Il monte sur moi et me fouette chaque fois sans
raison. » Et de monstre pour le second « Joues-tu
avec ce monstre placé devant toi ? ...voyez je suis
criblé de cicatrices et de cors. C'est lui qui est la cause de toutes
mes misères. Il est clair que tant qu'il vivra, la gent animale ne
s'épanouira point ». Le chasseur est dans ce conte un
homme qui a un bon coeur, un homme généreux, altruiste qui ne
supporte pas de voir un être vivant en détresse. Ce sont ces
qualités qui le pousseront à venir en aide au crocodile et ses
enfants en les conduisant au fleuve. Toutefois, on peut se demander si ce
caractère bonasse du chasseur n'est pas plutôt de la
naïveté, de la crédulité car comme le rappelle le
conteur, c'est : « Fort de l'idée que ces bêtes
affaiblies et décontenancées seraient une proie
facile » que ce chasseur pourtant très habile
décide d'aller à la quête du gibier. Mais une fois sur les
lieux, il va oublier ce qui l'a amené en forêt et jouer le
rôle d'un membre de la croix rouge en ramenant le crocodile et ses
enfants dans le fleuve, fort heureusement pour lui Mesùt le
lièvre qui passait par là le sauvera d'une mort certaine et ce
n'est que dans l'extrait qui va suivre que le lièvre amènera le
chasseur à se rappeler ce qu'il était venu faire en forêt.
- Qu'es-tu donc venu chercher ici demanda Tita
Mesùt au chasseur ?
- Je me rendais à la chasse
- Et qu'allais-tu chercher ?
- Du gibier.
- Oh ! mon brave homme, je suis étonné
que tu te fasses du mouron. Qu'as-tu devant toi ? l'homme est la seule
créature à pouvoir accéder à la réflexion,
et vous voulez vous laisser accroire par une bête, fût-elle
gigantesque ?
Machinalement le chasseur défit son fusil et tira
plusieurs coups, tuant le crocodile et ses enfants.
Conte n° 20 "La destitution de Memvù le
chien"
Comme dans le conte précédent, nous avons dans
ce conte affaire à deux personnages principaux à savoir
Memvù le chien et Mesùt le lièvre. Sur le plan moral tous
deux ont des qualités et des défauts. Memvù le chien a
pour qualité fondamentale son impartialité, qualité
idéale pour un chef, c'est donc à juste titre qu'il est
désigné chef par les autres animaux qui, en le désignant
étaient conscients du fait que le chef est celui qui est parfois
appelé à juger les litiges qui opposent les animaux, et pour
qu'il ait une véritable justice, il faut que le chef soit impartial.
Mais hélas pour le chien, il présente des défauts qui
camouflent ses qualités, parmi ceux-ci on peut relever la gourmandise,
le museau léger bref Memvù est un goinfre et c'est tous ces
défauts qui seront à l'origine de sa destitution car si tous les
animaux étaient d'avis que leur chef devait être impartial, ils
étaient aussi tous d'avis que leur chef ne devait pas avoir le museau
léger c'est pourquoi lorsque le chien fait un bond sur les restes de
crabes et d'os que le lièvre avait lancé devant lui, les animaux
stupéfiés déclarent à l'unisson :
« Non...un roi ne doit pas avoir le museau léger !
C'est ridicule ! Nous ne méritons point un tel
roi ».
Mesùt le lièvre a pour défaut la
jalousie, il jalouse le chien parce que ce dernier a été
désigné le roi des animaux, ce sentiment qui pousse souvent les
envieux à utiliser tous les moyens même les plus
illégitimes pour parvenir à leurs fins va amener le lièvre
à ourdir une trame qui conduira à la destitution de Memvù.
Bien qu'il soit un envieux, nous devons tout de même relever que le
lièvre pour parvenir à ses fins utilise la ruse. Dans la ruse, le
lièvre va attendre son tour de révérences au roi pour
faire un dithyrambe en ces termes :
- Majesté, roi des rois, paix ! Ta face est
plus vulnérable que la cime des montagnes ! Ton noble front
renferme sans doute une idée propre à révolutionner les
peuples qui tournent le dos au soleil ! Tu n'es certes pas le plus
géant de tous les êtres, mais tu es l'élu de la
nature.
Très flatté par ses louanges, le chien ne
doutera de rien et baissera la garde, le lièvre qui savait à
l'avance que le chien est un goinfre en profitera pour l'appâter en
lançant devant le roi un crabe et un os. L'effet escompté par le
lièvre se produira, le chien bondira sur ces restes sans se douter que
ce geste sera fatal pour lui, il sera destitué de ses fonctions de roi
au profit du lièvre.
Conte n° 21 "La dette de Kimanga la
tortue"
Dans ce conte nous avons à faire à deux
personnages principaux : Kimanga la tortue et kùpù le porc.
Ces deux personnages ont des portraits moraux antithétiques, le premier
à savoir Kimanga est un gaspilleur ou un dépensier dans la mesure
où il dépense sans penser à demain. En effet, Kimanga et
sa femme vivaient dans la misère jusqu'au jour où
Kùpù leur a emprunté un peu d'argent, au lieu de mener une
vie modeste en faisant des économies et en continuant de vaquer à
ses travaux champêtres, Kimanga et sa femme ne vont pas songer à
faire leur grenier. Bien au contraire, ils vont se mettre à faire
bombance en oubliant que ce n'était que de l'argent emprunté
qu'ils devaient rembourser dans un délai qu'ils avaient eux-mêmes
fixé et c'est ainsi que l'échéance arrivera et Kimanga ne
pourra pas rembourser son créancier.
Kimanga est un homme ingrat dans la mesure où il refuse
de rembourser l'argent que lui avait emprunté Kùpù quand
il vivait dans la misère avec son épouse. Mais au lieu d'exprimer
sa gratitude à l'endroit de celui qui leur a sans doute éviter
une mort certaine « A cette allure nous allons crever avant les
pluies ». Il va plutôt penser à un plan
machiavélique qui lui permettra de ne pas rembourser sa dette. Et c'est
ainsi qu'il abusera de Kùpù et ne remboursera jamais sa dette,
cette situation sera condamnée par tous les animaux et leur inspirera de
la méfiance à l'égard de Kimanga :
Depuis ce temps toute la gent animale se méfie de
Kimanga la Tortue et personne n'entretient plus avec lui des rapports amicaux.
Son acte d'ingratitude fut condamné par tous et l'on se demanda pourquoi
cet obscur personnage avait un coeur de pierre et toujours prompt a rendre le
bien par le mal.
Nonobstant ses deux défauts à savoir le
gaspillage et l'ingratitude, Kimanga demeure un personnage très
rusé, quoique cette ruse soit orientée vers le mal, elle demeure
une ruse qui lui a permis de ne plus rembourser sa dette. Après avoir
fait bombance avec l'argent qu'il avait emprunté, ce dernier qui n'avait
pas fait son grenier se trouvait dans l'incapacité de rembourser sa
dette. Face à cette situation, il va décider d'abuser de la
générosité de son bienfaiteur. Pour ce faire, il va user
d'une ruse qui consistait à remplacer la pierre à écraser
de sa femme par sa carapace et lorsque Kùpù arriva et constata
son absence, il se mit en colère et ramassa la pierre à
écraser et le jeta dans la brousse. Revenu des champs où il
venait d'être jeté, Kimanga demanda à Kùpù de
remettre la pierre à écraser de sa femme afin d'être
remboursé. Kùpù alla dans les champs mais ne retrouva pas
la pierre à écraser et c'est ainsi que Kimanga ne remboursa plus
jamais sa dette. A l'opposé de Kimanga qui est un homme miséreux
et ingrat, Kùpù est un homme bien fortuné, un homme qui a
une bourse pleine et vit dans l'opulence. C'est sans doute pourquoi il est
sollicité par le couple Kimanga pour un prêt d'argent. Outre cette
richesse matérielle, Kùpù est sur le plan moral un homme
généreux, très sensible et compatissant face à la
misère des autres. C'est cette qualité qui le pousse à
faire un prêt à Kimanga. Mais à côté de ces
qualités louables, Kùpù a un vilain défaut qui est
la brutalité.
Conte n° 22 :
" L'Origine du
divorce ".Le personnage principal de ce conte
est une femme anonyme, sur le plan professionnel c'est une cultivatrice qui
cultive « un grand champ de maïs qui s'étend à
l'infini. Sur le plan civil c'est une femme mariée à un chasseur.
Si le narrateur accorde peu d'importance à la dimension physique de la
femme, il attache en revanche une attention particulière à sa
dimension morale et il insiste notamment sur son courage.
Dans le conte nous avons deux situations où ce courage
est mit en exergue. Le premier acte de bravoure de la femme intervient lorsque
son mari refuse de l'aider à chasser les gorilles qui pillaient
régulièrement ses récoltes, face à ce refus, elle
décide d'aller elle-même à la chasse aux gorilles. Le
narrateur nous apprend ce qu'il suit :
Elle emporta au champ le carquois et l'arc de son mari
pendant que celui-ci dormait. Arrivée là-bas, elle se mit
à l'affût, bien cachée derrière un buisson. Peu de
temps après, tout un groupe de singes arriva pour prendre le petit
déjeuner. La femme sorti une flèche du carquois et la
décrocha sur le plus gros d'entre eux, leur chef, qui s'écroula.
Les gorilles s'enfuient en emportant le corps inanimé de leur
chef.
Le second acte de bravoure c'est lorsqu'elle s'en va seule
à la quête de la flèche de son mari au village des gorilles
manifestement en colère après, l'assassinat de leur chef.
Nonobstant son crime et le fait que « Des centaines de gorilles
immenses et féroces s'étaient réunis pour pleurer autour
du corps de leur chef mort », la femme pénétra
dans le village des gorilles où elle séjourna pendant quelques
jours et parvint à récupérer la flèche de son mari.
Si cette femme peut être citée comme exemple de bravoure, nous
pouvons tout de même regretter son caractère de femme très
intransigeante, intolérante et impitoyable dans la mesure où elle
n'accordera pas une seconde chance à son mari et préférera
divorcer c'est sans doute cette intransigeance qui amène le narrateur
à nous rappeler : qu' « une fois rentrée
chez elle, elle donna la flèche à son mari et décida de le
quitter. »
Conte n° 23 : "Et le ciel
recula "Le personnage principal de ce conte est
incontestablement le ciel. La seule précision que nous avons de ce
personnage et qui, puisse faire l'objet d'un commentaire c'est sa dimension
morale, qui, est celle d'une personne impitoyable, intolérante et
très coléreuse. En effet, dans le conte le ciel nous laisse voir
à travers sa conduite qu'il est un être impitoyable dans la mesure
où il décide de prendre une décision sans appel à
l'endroit de tous les hommes alors qu'il a été victime d'un
malheureux accident causé par inadvertance et par maladresse d'une jeune
femme qui, après avoir fini de cuire sa pâte à maïs
avait versé de l'eau qui s'éleva et alla cogner la voûte
céleste. Au lieu de considérer cet acte comme une maladresse ou
un acte indélibéré, le ciel se fâcha et
décida de s'éloigner de la terre, l'extrait qui va suivre est
à ce sujet très significatif.
Malencontreusement elle remua la marmite en tout
sens ; puis, d'un geste distrait, elle lança le contenu bien haut
de toutes ses forces.
Malheur ! L'eau s'éleva si haut qu'elle s'en
vint cogner la voûte céleste.
Le ciel, bien entendu, se mit en colère. Il gronda
de plusieurs coups de tonnerre sans qu'il fasse réellement de l'orage.
Mais cela ne suffit point à l'apaiser
- Que ferais-je pour manifester mon
mécontentement ? Dit-il à nouveau, dans un roulement
sourd.
- Tomber de toute ma puissance sur cette femme ? Cela
ne convient pas à ma grandeur : je ferais mieux tout simplement de
me mettre désormais hors de portée des humains.
Conte n° 24 : "Pourquoi y a-t-il tant
d'idiots de par le monde ? ".Dans ce conte,
nous avons affaire à trois personnages principaux anonymes. Si nous
n'avons aucune précision sur leurs dimensions physiques, nous savons
néanmoins qu'ils ont au moins un dénominateur commun : ils
sont fondamentalement idiots ; et, cette idiotie semble être
à l'origine de tous leurs malheurs car ils sont visiblement membres
d'une société de gens très intelligents qui les a
marginalisés et les a chassés du village :
« trois idiots qu'on avait chassés pour leur bêtise
se retrouvèrent à une croisée de chemins ».
C'est sans doute pour justifier leur exclusion de leur village respectif que le
narrateur nous raconte quelques situations où les trois idiots ont fait
valoir leur idiotie durant les épreuves que leur avait proposés
un vieux pour tester leur degré de sottise.
"Le vieux répliqua, je vais vous mettre à
l'épreuve. (...), il demanda au premier idiot : va à la
pêche ! Et au deuxième "va dans les fourrés et tresse
des cordes" puis au troisième "apporte-moi les noix ! (...) Le
premier s'arrêta au bord d'une mare et se mit à pêcher.
Quand son carrelet fut plein, il eut tout d'un coup soif. Il rejeta tout le
poisson dans l'eau et rentra boire à la maison.
Le vieux lui demanda :
"Où sont les poissons ?
Je les ai rejetés à l'eau. La soif m'a pris
et j'ai dû vite rentrer pour me désaltérer
Le vieux se fâcha : "Et tu ne pouvais pas boire
à la mare ? "
"Tiens, je n'y ai pas pensé"
Pendant ce temps, le second idiot avait tressé un
tas de cordes et se préparait à rentrer. Il s'aperçut
qu'il n'avait pas de corde pour les attacher. Alors, il courut en chercher
à la maison (...)
"Et pourquoi n'as-tu pas attaché ton tas avec l'une
des cordes ?
"Tiens, je n'y ai pas pensé"
Le troisième idiot grimpa sur un cocotier et montra
les noix de coco à son bâton :
"Tu vas jeter par terre ces noix compris ? "
Il descendit et commença à lancer le
bâton sur le cocotier, mais il ne fit tomber aucune noix. (...)
"Puisque tu étais sur le cocotier, pourquoi n'as-tu
pas cueilli les noix à la main ? "
"tiens, je n'y ai pas pensé :
Le vieux comprit qu'il n'arriverait à rien avec les
trois sots. (...) et les chassa tous.
Conte n°25. "Le roi qui voulait marier sa
fille . "Le personnage principal de ce conte est
un roi d'un village anonyme. Son titre de roi nous laisse deviner qu'il a au
moins une femme puisqu'il n'existe pas de roi célibataire en Afrique.
Sur le plan moral il s'agit d'un personnage très exigeant et qui se
croit très futé ; il est exigeant parce qu'il ne veut marier
sa fille qu'à quelqu'un de son choix et trouve des défauts
à tous les prétendants qui se présentent :
"Les prétendants arrivaient de toutes les
contrées pour essayer d'obtenir la main de la merveilleuse princesse. Le
roi n'en trouvait aucun à son goût. L'un était trop pauvre,
bien que fils de roi : "Va-t-en pantalon troué. L'autre trop
vilain : "Il est laid, on dirait un grain de riz", le suivant trop rustre
"regarde moi ce garçon ! " et ainsi de suite. Une année
passa et le roi n'avait toujours pas trouvé son gendre.
Ce roi se croit très futé parce que de la bouche
du narrateur nous apprenons que :
« Pour pouvoir la marier avec quelqu'un de son
choix, il décida de l'enfermer dans une case sans porte. Ainsi ,il
était sure qu'elle ne tomberait pas amoureuse de n'importe. »
Mais, ce qui arrive le plus souvent à ceux qui se croit
trop malin lui arriva et c'est ainsi qu'à la place d'un beau père
très heureux pour avoir choisi son gendre, nous aurons à la fin
un grand-père malheureux parce que tourné en dérision par
un petit écureuil qui avait réussi à engrosser sa fille
malgré toutes les précautions qui avaient été
prises par le roi pour éviter cette situation qu'il trouvait humiliante
et déshonorante pour la famille royale.
Conte n° 26. "Les trois antilopes". Dans
ce conte, nous avons deux personnages principaux qui sont des antilopes. Sur le
plan psychologique elles sont des geignardes mais, leurs geignements ne sont
pas toujours fantaisistes, ils sont parfois justifiés dans la mesure
où ces deux antilopes sont des femmes et nourrissent comme le plupart
des femmes l'envie d'être mère. Or, pour ce faire elles ont besoin
d'un mâle ; c'est dont à juste titre qu'elles se plaignent
continuellement à l'esprit des eaux qui finit par les combler en leur
donnant un mâle.
"Ces plaintes incessante agaçaient prodigieusement
l'esprit des eaux, qui habitait la fontaine à laquelle les antilopes
venaient s'abreuver. Exaspéré il leur dit :
Je suis las de vos lamentations. Je vous,
promets de transformer en antilope mâle le premier animal qui viendra
boire à ma fontaine ainsi, vous serez trois. "
Conte n° 27. " Comment le
tambour est arrivé sur la terre " .Le
personnage principal de ce conte c'est incontestablement le renard. La seule
information que le narrateur nous laisse voir c'est qu'il adore danser qu'il
trouve que monter chaque fois au ciel quand il a envie de danser est un
véritable labeur et décide de ramener le tambour sur terre afin
de pouvoir danser chaque fois qu'il jugera bon de le faire.
« Pourquoi faut-il laisser le tambour au
ciel ? Il serait bon de l'avoir sur terre, à portée de
main ! Cela éviterait de devoir grimper pendant des heures sur la
corde. Il n'a qu'une envie, emporter le tambour avec lui ».
Conte n° 28" Le prince de la
pluie" . Le personnage principal de ce récit est un jeune
homme appelé Devi. C'est un orphelin de mère qui a perdu sa maman
le jour de sa naissance. Il vit avec son papa dans une forêt
éthiopienne. Le narrateur du conte décrit ce personnage d'une
manière presque scientifique car le portrait de ce jeune homme se
confond à une véritable carte d'identité où l'on
peut lire :
Non : Devi
Sexe : Masculin
Age : dix huit ans
Signes particuliers : cheveux bruns et bouclés.
A la suite de cette description scientifique, l'on peut
ajouter sa beauté. « un garçon aux cheveux bruns et
bouclés, (...) beau et aussi aimable »
Sur le plan moral c'est un jeune homme poli, obéissant
et courageux. C'est sans aucun doute ces qualités louables qui feront de
lui le futur gendre du roi du royaume d'Anga.
Conte n° 29 "Les trois soeurs et
Itrimoubé" : Le personnage principal de ce conte c'est la
jeune Ifara, elle est la benjamine de sa famille. Sur le plan physique, le
narrateur nous apprend que c'est une jeune fille jolie, mais cette joliesse
sera à l'origine de tous ses malheurs car ses soeurs aînées
Raïvou et Ramatou seront jalouses d'elle et tenteront de la tuer afin
qu'elle ne puisse pas épouser un grand chef.
Sur le plan moral, le corbeau et le milan qu'Ifara voulait
encenser parce qu'elle se trouvait en danger nous rapportent qu'elle est une
fille bavarde ils disent respectivement : « tu n'aurais pas
dû raconter que je mangeais des arachides vertes ! », et
« tu n'aurais pas dû raconter que je mangeais les rats
morts ». Le narrateur renchérit en disant que :
« la pauvre Ifara regrettait bien d'avoir été si
bavarde. » Par ailleurs, la jeune fille est une flatteuse par
occasion. Et, elle le démontre lorsqu'elle ne parvient plus à
trouver son chemin pour retourner chez elle. Elle tentera d'encenser à
travers une chanson tous les oiseaux qu'elle trouvera sur son passage afin que
l'un d'eux puisse la ramener vers le puits de son père, à
l'endroit du milan elle chantera :
"Mon beau milan, mon beau milan"
"Je lisserai tes plumes grises"
"Si tu veux m'emporter avec toi"
Vers le puits de mon père. "
Conte n° 30 : "L'histoire de
Raboutity " . Le personnage principal de ce
conte a pour nom Raboutity, mais nous n'avons aucune précision sur sa
dimension morale et physique, nous ne savons par exemple pas s'il est vieux ou
jeune, marié ou célibataire et quelle est sa profession.
III-1-2 Les personnages
principaux des contes Egyptiens
Conte n°1 "La légende des
frères" Le personnage de ce récit est un jeune homme
nommé Bata, il est le benjamin d'une famille de deux enfants c'est un
homme laborieux et très viril ; le narrateur nous apprend que c'est
lui qui
fabriquait les vêtements et qui menait le
bétail aux champs, lui qui moissonnait et qui labourait, lui qui faisait
tout le travail qu'il fallait accomplir aux champs (...) était un bel
enfant viril et il n'existait pas son pareil dans le pays tout entier. La force
d'un dieu était en lui .
Bata était par ailleurs un grand guerrier et
possédait des pouvoirs magiques. Il était un grand guerrier
parce qu'il avait réussi à vaincre une troupe de soldats du
pharaon qui venait le tuer : « Les hommes qui étaient
allés vers la terre étrangère (...) seuls ne revinrent pas
ceux qui étaient allés au val de l'Acacia : Bata les avaient
tués ; il n'en avait épargné qu'un pour venir faire
son rapport à sa majesté ». Il avait des pouvoirs
magiques parce qu'il pouvait se métamorphoser quand il voulait, c'est
ainsi qu'il se métamorphosera en taureau, en persea et en copeau :
« J'arracherai mon coeur par magie (...), je vais devenir un
grand taureau, »
Conte n° 2 : "Le conte de
Rhampsinite" Le personnage central de ce conte est un jeune homme
anonyme, fils d'un maçon ; il est célibataire. Sur le plan
moral c'est un personnage très rusé, il le prouvera à deux
reprises. D'abord quand il se joue des gardes et parvient à
récupérer le corps sans tête de son frère ;
ensuite lorsqu'il se moque de la princesse qui voulait l'attraper
« le larron lui laissa prendre le bras d'un mort qu'il avait
caché, et tandis qu'elle l'empoignait ferme, il fila. Elle se trouva
trompée, car il eut le loisir de sortir et de s'enfuir bien
vite ». Cette qualité fera de lui le futur gendre du
roi : « Quand la chose fut rapportée au roi, il
s'étonna, émerveillé de l'astuce et de la hardiesse de cet
homme (...) il le jugea un oiseau rare, et lui donna sa fille en mariage comme
au plus malin des hommes ».
Conte n° 3 : "Le duel de
Vérité et de Mensonge" Dans ce récit nous avons
deux personnages principaux à savoir Vérité et Mensonge.
Ce sont deux frères.
Le premier est très beau « rien
n'était comparable à sa beauté dans tout le
pays », mais paradoxalement célibataire. Sur le plan
matériel, le fait qu'il ait plus de deux servants nous amène
à penser qu'il est un homme riche ; pour avoir égaré
le couteau de son frère Mensonge, il sera rendu aveugle et deviendra le
portier de ce dernier. Par contre nous n'avons aucune précision sur la
dimension physique de Mensonge ; néanmoins, nous savons qu'il est
propriétaire d'un pâturage et d'un troupeau de boeufs. Sur le plan
moral, c'est un homme très méchant et sans doute jaloux de la
beauté de son frère et il le prouvera lorsqu'il demandera
à l'Ennéade de crever les yeux de son frère
Vérité et de le jeter en pâturage aux lions :
« Saisissez-vous de votre maître, et qu'il soit jeté
à un lion féroce et des lionnes nombreuses ». Mais
ce qui arrive généralement aux méchants lui arrivera,
lorsque le fils de Vérité décidera de venger son
père, Mensonge sera à son tour puni et deviendra le portier de
Vérité :
« On frappera Mensonge de cent coups, et cinq
blessures lui seront infligées ; ses deux yeux seront crevés
et il sera placé en qualité de portier dans la maison de
vérité ».
Conte n° 4 : "
L'amitié des deux chacals" Comme dans le conte
précédent, nous avons dans ce récit deux personnages
principaux ; ce sont deux chacals. Ils ne sont pas des frères, mais
de très bons amis qui vivent une amitié très
sincère, ils sont très soudés et font tout
ensemble :
Ils ne frayaient avec aucun autre animal (...)
Ensemble, ils recherchaient leur nourriture. Ensemble ils buvaient et
mangeaient. Ensemble ils se rafraîchissaient à l'ombre des
mêmes rares arbres de désert.
Conte n° 5 : " La femme
adultère" Le personnage principal de ce récit est un
prêtre lecteur en chef nommé Oubaoner. C'est un homme bien, mais
cocu qui a épousé une femme volage qui n'hésite pas
à le tromper chaque fois qu'il est en tournée avec le roi. Fort
heureusement pour lui, son intendant le mettra au courant de tout ce qui se
passe chez lui à son absence ; et, avec l'aide du roi il lavera
l'affront : son bourreau sera donné en pâture à un
crocodile et sa femme sera brûlée :
Le prètre-lecteur en chef conta (...) ce qu'avait
commis cet homme vit dans sa maison avec sa femme. Sa majesté die au
crocodile « Emporte ce qui est désormais ton
bien ! »
Et le crocodile redescendit dans le fond de
l'étang, et l'on ne su jamais où il était allé avec
sa prise. (...) Puis le roi fit saisir l'épouse d'Oubaoner, il
fit brûler et ses cendres furent jetées dans le
fleuve
Conte n° 6. "La boucle de la rameuse" Le
personnage principal de ce conte c'est un roi nommé Snefou, il est sans
aucun doute marié. C'est un passionné des sports nautiques et un
homme friand de belles femmes.
Je vais assurément organiser une partie de bateau.
Que l'on m'apporte vingt rames (...) aussi vingt femmes, dont le corps soit des
plus beaux, que soit belle aussi leur poitrine, et bien tressée leur
chevelure, des femmes que l'accouchement n'a point encore
ouvertes .
Conte n°7 : " Le pharaon et
le tisserand" Le personnage principal de ce récit a pour nom
Khounaré, c'est un pauvre tisserand célibataire qui aime son
travail et ne se plaint pas de sa condition matérielle. Sur le plan
moral c'est un homme très généreux qui n'hésite pas
à venir en aide aux nécessiteux. « Sans
connaître la jeune femme, Khounaré sentit de la compassion pour
elle et son père. Il chercha rapidement ce qu'il pourrait trouver pour
leur apporter son aide. » Il est par ailleurs, un homme
très modeste ; cette modestie est palpable lorsqu'il refusera la
proposition alléchante que lui fera le pharaon pour rester au
près de ses amis.
"Pharaon lui rend la justice, puis lui demande de quitter
son figuier et ses clients paysans pour consacrer son art au tissage des
parures royales.
Humblement, Khounaré remercie Sésostris de
cet honneur mais avoue qu'il préfère rester auprès du
figuier qui lui a procuré la joie d'offrir du bonheur à
d'autres ; il désire aussi continuer d'être à la
disposition de ceux qui se sont mobilisés pour le
délivrer !
Conte n° 8 : "Le prince
prédestiné" . Le personnage principal de ce récit
est un prince, il est l'unique garçon à ses parents, à sa
naissance les hathors lui prédisent un destin où il mourra par le
chien, le serpent ou le crocodile.
« Quand les hathors vinrent pour lui destiner un
destin, elles dirent : qu'il meure par le crocodile, ou par le serpent,
voire par le chien ».
Très courageux, il décide de quitter la maison
familial pour affronter son destin, et c'est ainsi qu'il se rendra à
Naharinna où il sera obligé d'être un menteur
circonstanciel afin d'être accepté par ses pairs princes venus de
Syrie pour participer à un concours dont le vainqueur épousera la
fille du prince de Naharinna. Il sera vainqueur de l'épreuve et
épousera la fille.
Au terme de cette étude sur les personnages principaux,
nous pouvons dire qu'ils se caractérisent tout le long de ces contes par
des portraits physiques et psychologiques différents, ils sont
tantôt anonymes. Lorsqu'on observe le parcours de ces personnages de
premier plan, on se rend compte qu'à côté d'eux
évoluent des personnages d'arrière plan ou personnages
secondaires.
III- 2 Les personnages
secondaires
Les personnages secondaires ou d'arrière plan sont
généralement ceux qui entourent les personnages principaux,
à travers leurs actions, ils peuvent freiner ou aider le héros
dans son action. Nous ne nous attarderons pas sur leurs portraits physiques et
psychologiques, notre préoccupation sera de voir les différents
rapports qu'ils entretiennent avec les personnages principaux ou plus
précisément, il s'agira de voir s'ils sont des adjuvants ou des
opposants aux héros.
III-2-1- Les personnages
secondaires des contes Négro-africains
Conte n° 9. Les personnages secondaires de ce conte sont
incontestablement le petit charognard, le petit chien et le petit chat, tous
ont été sauvés par le prince alors qu'ils étaient
maltraités par trois enfants : « Le jeune prince leur
demande : « Pourquoi maltraitez-vous ces petits
animaux ? Laissez-les ! ». Ces trois personnages sont
des adjuvants du prince, et ils le démontreront lorsqu'ils exprimeront
leur gratitude à son endroit en lui venant en aide chaque fois qu'il
sera en difficulté. Le premier acte de gratitude interviendra lorsque le
prince reviendra de la chasse bredouille : « Ce jour-là,
le petit charognard dit à ses compagnons : « Aujourd'hui,
notre tuteur a le coeur triste car il n'a rien pour nous, mais je vais
l'aider » Il part dire au prince : « Aujourd'hui,
je vais t'aider, je vais te conduire chez moi, dans mon
village. » Une fois au village du petit charognard, le
père de ce dernier remettra au prince une bague magique qui exaucera
tous ses souhaits : « Avec cette bague, le jeune prince
devient très riche et sa renommée se répand partout. Il
est envié, on se demande où il a reçu toute cette
richesse. »
Le second acte de gratitude c'est lorsque la bague magique du
prince tombe entre les mains du roi voisin et le prince est fait
prisonnier : « Un jour, le chaton dit au chiot :
« Si tu peux me faire traverser le fleuve, j'irai aider notre
maître » (...) sur l'autre rive, le chaton
dit : « Quand tu me verras revenir en vitesse, sois
prêt à retourner, car j'aurai la bague » (...)
Après avoir semé leurs poursuivants, le chaton demande à
la bague de ramener son maître à la maison »
Conte n° 10 Les personnages secondaires de ce
récit ce sont les génies qui vivent à côté du
champ du cultivateur. Ces génies peuvent être
considérés comme des opposants au couple de cultivateurs dans la
mesure où leur présence fait peur au couple qui leur abandonne le
champ avec tous les fruits de leur labeur de plusieurs années de travail
de longue haleine.
« Pris de peur, (...) Le mari parti, la femme
cherche un moyen de s'enfuir à son tour. Elle se lève, fait
semblant de ramasser du bois mort, s'éloigne petit à petit et
disparaît, prenant la fuite pour rejoindre son mari. Quand les
génies s'aperçoivent que les propriétaires du champ ont
pris fuite, ils prennent tout ce qu'ils trouvent : moutons,
chèvres, poules, pintades. Ils les tuent et les mangent.
Conte n° 11 : Les personnages secondaires de ce
récit sont les deux femmes du cultivateur. Ces coépouses sont
pour le cultivateur une ambivalence : la seconde est un adjuvant et la
première une opposante. La seconde peut être
considérée comme adjuvant parce que de la bouche du narrateur,
nous apprenons que « C'était une femme toute souriante et
pleine de zèle, disponible, respectueuse » qui
« fut la joie de son mari, (...) de toue la famille et
même du quartier et du village ». A rebours de la
seconde femme qui faisait la joie du cultivateur, la première femme
était très méchante et voulait à tout prix
empêcher son mari d'être heureux avec sa coépouse et c'est
ainsi qu'elle tentera d'éliminer sa coépouse :
« Elle chercha tous les moyens possibles pour tuer cette
dernière qui l'empêchait d'être heureuse et d'avoir
l'amour de son mari ».
Conte n° 12 : Dans ce récit, le personnage
secondaire c'est le lion. Ce lion constitue un obstacle pour la jeune
Warimangan car cette dernière est tous les jours abordée par
celui qui nourrit l'ambition de la croquer « Le lion a
observé que Warimanga venait toute seule chaque jour garder les champs,
alors il décida de la croquer ».
Conte n° 13 : le personnage secondaire de ce conte
est comme dans le conte précédent le lion. Il représente
pour nos deux héros à savoir le lièvre et l'hyène
un personnage ambivalent. S'il est sympa et courtois avec le lièvre, il
est en revanche très agressif et violent envers l'hyène et
n'hésitera pas à le dévorer lorsqu'il apercevra le corps
de son fils dans le panier de l'hyène. Fort heureusement pour ce dernier
il réussira à s'engouffrer dans un trou :
« quand le lion bondit pour saisir l'hyène, le
trou à ouverture étroite l'hyène, s'y engouffra
aisément
Conte n° 14 : les personnages secondaires de ce
récit sont, un homme, un lion, un singe et un serpent ; tous ont
été sortis d'un puits par le héros. Mais, seuls les
animaux qui peuvent être considérés à juste titre
comme les adjuvants exprimeront leur gratitude au héros le moment venu.
Le singe est le premier à entrer en scène, en effet, il croisera
un jour son sauveur dans la brousse en quête de fruits sauvages et
décidera de lui venir en aide. Ce faisant, il demandera à tous
ses congénères de l'aider dans cette besogne honorable :
"Le singe appelle alors ses Congénères qui
arrivent nombreux. Il leur dit : « Cet homme m'a sauvé la
vie. Allez chercher les fruits du néré, et apportez-moi tout ce
que vous aurez trouvé. ». Ils partirent
aussitôt. Ils apportèrent une telle quantité de gousses de
néré, que notre homme n'a pas réussi à emporter le
tout à la maison. »
Quelques jours plus tard, ce sera au tour du lion d'être
reconnaissant. Pour ce faire, il ordonnera aux animaux sauvages de lui ramener
du gibier pour son bienfaiteur :
"Ecoutez bien ma parole. C'est un ordre que je vous donne.
Retournez en brousse, et rapportez- moi sans tarder du gibier. Peu de temps
après, les animaux sauvages reviennent avec une quantité de
gibier. Et voici notre homme, tout heureux, qui retourne à la maison
ployant sous le poids du gibier"
Le serpent sera le dernier à venir en aide au
héros ; il le fera lorsque ce dernier sera attaché au sommet
d'une colline, il lui remettra un remède pour soigner les morsures du
serpent ; il ira ensuite mordre à mort le fils du chef que le
héros viendra ressusciter avec le médicament que lui avait remi
le serpent, et grâce à cet acte, il bénéficiera de
toutes les faveurs du chef. Contrairement aux animaux, l'homme sera un opposant
au héros. Les animaux l'avait déjà pressentis lorsqu'ils
mettaient en garde le héros en ces termes :
« Attention, surtout ne laisse pas cet homme sortir du
puits ». Mais le héros avait pris cette mise en garde
à la légère, il ne réalisera son bien fondé
que le jour où il se présenta devant l'homme pour lui demander de
l'aide, mais à sa grande stupéfaction, l'homme demandera à
son chef du village d'arrêter le héros et de le condamner à
mort sous le fallacieux prétexte que ce dernier apportait le malheur
dans tous les villages où il mettait les pieds :
"Il croise l'homme qu'il avait sauvé du puits. Mais
le regard haineux de celui-ci en dit long sur ces intentions ! Cet homme
connaissait bien le chef du village. Il va le trouver pour lui
dire : « Prends garde à toi. Un étranger vient
d'entrer dans ton village. C'est un homme mauvais. Chaque fois qu'il entre dans
un village, ce n'est que malheurs et destructions pour tous les
villageois. Le seul remède : il faut l'attraper, le ligoter et
l'abandonner sur une haute colline. "
Conte n° 15 : Le personnage secondaire de ce conte
c'est incontestablement la femme de Mesha'atsang. Elle représente pour
ce dernier une ambivalence ; elle est considérée comme un
adjuvant pour ce dernier lorsqu'elle se débarrasse de sa carapace de
vieille femme pour arborer celle d'une jeune fille, dans cet état,
Mesha'atsang est l'homme le plus heureux de la terre parce qu'il trouve sa
femme très belle.
"La vielle femme alla enlever sa peau de vieille femme et
devint une belle jeune fille. Voyant que son mari avait beaucoup
dansé, elle alla l'embrasser. L'homme en fut très heureux.
"
Mais, cette femme devient une opposante au bonheur de
Mesha'atsang lorsqu'elle se métamorphose en vieille femme ; il
devient nerveux et n'a plus qu'une seule envie : la chasser de chez
lui :
"La nuit la vieille dit à son mari de lui faire du
feu pour se réchauffer car ses pians lui faisait mal. Il se mit à
la menacer. Lorsqu'il voulut monter sur le lit, la vieille monta
également sur le même lit. L'homme descendit et se coucha à
même le sol. Il était bien dérangé (...) je ne sais
qu'elle conduite tenir pour éloigner cette vieille femme de chez
moi"
Conte n° 16 : Dans ce récit le personnage
secondaire c'est le fils de Nkan; il peut être considéré
pour ce dernier comme un opposant dans la mesure où la naissance d'un
fils vient l'empêcher d'être le seul homme à la maison, or
Nkan n'a pas envie de partager son pouvoir avec quiconque, c'est pourquoi il
demandera à toutes ses femmes de n'accoucher que des filles :
« Il leur ordonna de n'accoucher que des filles et non des
garçons ». C'est dans cette logique qu'il tentera de tuer
son rival de fils pour qu'il n'y ait jamais partage de pouvoir :
« Itiitii apporte l'enfant. Voyant qu'il était de sexe
mâle, Nkan le prit lè boed ! Alla le jeter dans un
tas de fourmis et rentra ».
Par ailleurs, le fils de Nkan peut être
considéré comme un opposant à Nkan lorsqu'il le rend
honteux devant tout le village en le reniant et en montrant l'antilope naine
comme étant son père.
Conte n° 17 : Les personnages secondaires de ce
conte sont les deux épouses de Kalak à savoir Kooko et Gang. La
première est un adjuvant pour Kalak, et la seconde une opposante. Kooko
est adjuvant parce qu'elle est la seule à se lamenter et à
remplir deux marmites de ses larmes lorsqu'elle trouve son mari raide mort. A
l'opposé de Kooko, GANG, ne pleure pas mais songe plutôt à
retourner chez eux à Bebis :
"Ngekekekeke je rentre à Bebis
Qu'il meurt, je rentre à Bebis
Qu'il vive, je rentre à Bebis.
Conte n° 18 : Dans ce récit le personnage
secondaire c'est le roi. C'est un adjuvant de Mesùt le lièvre
car, c'est lui qui fera sortir ce dernier de sa situation de célibataire
en proposant sa fille en mariage à celui qui réussira à
braver les épreuves qu'il proposera. Mesùt sort vainqueur du
concours et sans hésiter, le roi tient sa promesse en donnant avec
fierté et sans autre condition la main de sa fille à Mesùt
qui devient par la même occasion le porte flambeau du royaume.
" Mesùt portait encore plus haut les
destinées du grand royaume en s'unissant pour le meilleur et pour le
pire à la fille du roi"
Conte n° 19 : personnage secondaire, Mesùt le
lièvre. Il présente une ambivalence pour les deux personnages
principaux à savoir le chasseur et le crocodile. Pour le chasseur
Mesùt est un adjuvant puisque c'est lui qui le sauve des griffes d'une
famille de crocodiles affamés dont le chasseur avait pourtant
sauvé les vies en les ramenant dans le fleuve. Par contre, Mesût
est pour le crocodile un opposant en ce sens que c'est lui qui va dans un
premier temps sauver le chasseur de ses griffes, et dans un second temps, il va
attirer l'attention du chasseur en lui rappelant que le crocodile est un gibier
et par conséquent mérite d'être abattu, et c'est ainsi que
le chasseur va abattre le crocodile et ses enfants.
"Machinalement, le chasseur défit son fusil et tira
plusieurs coups, tuant le crocodile et ses enfants. "
Conte n° 20 : Les personnages secondaires de ce
récit sont les autres animaux de la forêt. Ils adopteront à
l'endroit de Memvù le chien deux attitudes contradictoires. Dans un
premier ils seront élogieux à son endroit et iront jusqu'à
le nommé chef « Tous les animaux (...)
consentirent à admettre que Memvù seul méritait le
trône ». Dans un second temps, ils trouveront qu'il a un
museau trop léger pour mériter d'être chef :
"Non ! Criaient les bêtes (...) un roi ne doit
pas avoir le museau léger ! C'est très ridicule !
Nous ne méritons point un tel roi ! "
Conte n° 21 : Ce conte a pour personnage secondaire
la femme de Kimanga. Elle joue naturellement le rôle d'adjuvant pour son
mari Kimanga en l'aidant dans sa ruse qui consistait à se substituer
à la pierre à écraser de sa femme. Cette dernière
jouera bien son rôle en poussant à bout kùpù qui,
dans sa colère ramassera sa pierre à écraser ou plus
précisément son mari et jettera en brousse, elle va par la suite
éclater en sanglots en réclamant sa pierre à
Kùpù
"Kùpù se jeta sur la femme et lui arracha
d'entres les mains la pierre avec laquelle elle écrasait le maïs et
la jeta loin dans les champs. Alors l'épouse de Kimanga se mit à
pleurer à chaudes larmes appelant son mari au secours tout en
suppliant Kùpù de lui restituer sa pierre à
écraser "
Kimanga bien entendu volera au secours de sa femme en exigeant
à Kùpù de restituer la pierre à écraser de
sa femme afin d'être rembourser.
Si la femme de kimanga est l'adjuvant de ce dernier, elle
devient donc ipso facto une opposante à Kùpù parce que
c'est grâce à sa complicité que Kimanga ne remboursera plus
jamais son argent.
Conte n° 22 : Le personnage secondaire de ce
récit c'est le mari de la femme courageuse. C'est manifestement un
opposant à la femme, et il ne tardera pas à le démontrer
à plusieurs reprises. A titre illustratif, nous pouvons relever son
refus d'aider sa femme à chasser les gorilles qui dévastent son
champ de maïs :
"Un jour, il fut sollicité par sa femme pour
chasser les gorilles qui endommageaient le champ. Mais il refusa, disant que
s'il surveillait un coin, les gorilles allaient saccager de l'autre
côté. "
A la suite de ce refus nous pouvons aussi noter l'attitude
qu'il adopte à l'égard de sa femme lorsqu'elle vient lui annoncer
qu'elle a abattu le chef de la meute de gorilles qui dévastaient son
champ de maïs. Au lieu de la féliciter, il se mettra plutôt
en colère et sommera sa femme d'aller illico récupérer sa
flèche :
"De retour au village, la femme alla annoncer à son
mari qu'elle s'était occupée elle-même des bêtes qui
ravageaient sa récolte. Au lieu de la féliciter, l'homme se mit
en colère sous prétexte qu'elle avait perdu sa
flèche. Elle fut donc obligée de retourner sur ses pas pour
la récupérer"
Conte n° 23 : Ce récit a pour personnage
secondaire une jeune femme. Elle peut être considérée comme
un obstacle au ciel, en effet c'est elle qui provoquera le ciel en versant
l'eau qui viendra cogner la voûte céleste. « Elle
lança le contenu bien haut qu'elle s'en vint cogner la
voûte céleste. » Le ciel se sentira offensé,
se mettra en colère et décidera de se retirer loin de la
terre.
Conte n° 24 : Dans ce conte le personnage secondaire
est un vieil homme. C'est un adjuvant pour les trois idiots qui ont
été marginalisés et chassés de leur village ;
Malgré leur sottise, il leur accueillera et donnera à chacun une
femme : " Ils arrivèrent devant une cabane où
sortir un vieil homme (...). On nous a chassé de chez nous pour
notre bêtise.
Le vieux répliqua : « Alors
entrez. » (...) Il leur donna ses trois filles pour femme.
Conte n°25 : Le personnage secondaire de ce
récit c'est incontestablement l'écureuil. Il fera subir au roi et
à la famille royale un préjudice moral énorme et sans
précédent. En effet, l'écureuil va réaliser un
exploit inédit en engrossant la fille du roi alors qu'elle était
enfermée dans une case sans issue afin qu'aucun homme ne l'approche. Et
comme si cela ne suffisait pas, il va à la barbe du roi et de toute son
armée récupérer son fils et s'enfuira dans la forêt
« Avant, que les gardes du roi n'aient réalisé ce
qui se passait, l'écureuil prend son fils et disparaît dans les
arbres »
Conte n° 26 : Ce conte a pour personnage secondaire
l'Esprit des eaux. Il est celui qui aidera les deux antilopes femelles à
se reproduire en leur donnant un mâle comme troisième
compagnons : « L'Esprit des eaux exaspéré leur
dit : « Je suis las de vos lamentations je vous promets de
transformer en antilope mâle le premier animal qui viendra boire à
ma fontaine (...) Bientôt, les deux Femelles eurent des
petits »
Conte n° 27 : Le personnage secondaire de ce conte
c'est Dieu. Sans le savoir, il sera un adjuvant pour le renard qui avait un
désir ardent d'avoir le tambour sur terre afin d'éviter ce labeur
qui consistait à monter chaque fois au ciel quand il avait envie de
danser. Dieu lui facilitera la tâche en coupant la corde qui liait le
ciel à la terre, par cet acte Dieu abandonnait par la même
occasion le tambour sur terre.
« Dieu s'aperçoit que le tambour a
disparu. Il le cherche partout et, quand il regarde en bas, il voit renard, le
tambour attaché à la queue. Il prend un couteau et coupe la
corde. C'est depuis ce temps ) qu'il y a des tambours sur la terre
pour danser et faire la fête.
Conte n° 28 : Ce récit a pour personnage
sécondaire Eleni la fille du roi d'Anga. Elle est pour Dévi une
personne exceptionnelle, elle le comble de joie, il l'aime au point où
sa seule présence fait de lui l'homme le plus heureux de la terre et
lorsqu'elle n'est pas à ses côtés il devient logiquement
malheureux :
"Sans la princesse, il se sentait terriblement seul (...)
Elle put enfin se montrer. Devi était fou de joie. Il la serra dans ses
bras et lui offrit toutes sortes de friandises. Ils se remirent à
jouer ensemble.
Fort heureusement pour Dévi, Eleni est aussi folle
amoureuse de lui et elle ne tardera pas à le démontrer en passant
aux aveux et en proposant à Dévi de l'épouser :
"Si tu veux, tu pourras m'épouser. Je t'aime et je
vois que tu m'aimes aussi. Tu deviendras riche et
célèbre"
Finalement, les deux tourtereaux se marieront à la
grande satisfaction des deux beaux-pères.
"Le roi était fou de joie (...) lorsqu'il vit
comment sa fille et le jeune garçon se regardèrent, il
accorda à Dévi la main de sa fille (...) le mariage fut
célébré en grande pompe dans tout le pays. Le roi envoya
chercher le père de Dévi et lorsque celui-ci vit combien
son fils était heureux avec la princesse, il embrassa sa
nouvelle belle-fille et souhaita aux jeunes mariés tout le bonheur du
monde".
Conte n° 29 : Nous avons dans ce récit trois
personnages secondaires à savoir : les deux grandes soeurs d'Ifara,
Ramatou et Raïvou et le monstre Itrimoubé. Tous sont des obstacles
à l'épanouissement de la jeune Ifara. Les deux premières
sont jalouses de sa beauté et la crainte de la voir se marier à
un homme riche les amènera à la détester au point
où elles tenteront de l'éliminer :
"Elles dirent : "Elle est certainement bien plus
jolie que nous, et qui sait si un grand chef ne viendra pas
l'épouser ? Il nous faut chercher un moyen de nous
débarrasser d'elle"
Pour réaliser leur sale besogne, elles vont envoyer
Ifara voler les ignames dans le champ d'Itrimoubé, ce dernier
l'attrapera et l'emmènera dans sa hutte et l'engraissera pour qu'elle
soit bonne à manger. « A présent, je t'y
prends ; c'est toi qui voles mes ignames ; je vais t'avaler. (...) Il
l'emmènera dans sa hutte mais son idée était de
l'engraisser pour la manger ensuite. "
Malheureusement pour ces criminels, Ifara sera sauvée
par une petite souris qui l'aidera à s'évader et, un pigeon la
ramènera chez ses parents qui la croyaient déjà morte.
III-2-2 Les personnages
secondaires des contes Egyptiens
Conte n° 1 : Le personnage secondaire de ce
récit c'est Anoup l'aîné de Bata, c'est un homme
marié que Bata considère comme un père. Il vivra en paix,
en amour et en harmonie avec son cadet jusqu'au jour où sa femme
discréditera son petit en tenant des déclarations
mensongères dans lesquelles elle affirmera que ce dernier lui fait des
avances en insistant sur le fait que c'est lui qui méritait d'être
son époux. Face à ces propos diaboliques, Anoup ne chercha pas
à vérifier l'information, mais ;
"Se montra comme un guépard du midi, il affila son
couteau et prit bien en main. Il se tint derrière la porte de
son étable pour tuer son frère cadet, lorsque celui-ci ferait
rentrer ses bêtes dans l'étable. "
La vérité finissant toujours par triompher, il
finira par écouter la version originale des faits relatée par son
petit frère, il sera très troublé et décidera de
laver l'affront en tuant celle qui avait détruit l'amour fraternel qui
existait entre lui et son frère cadet :
"Ainsi tandis qu'on m'accusait d'avoir dit une mauvaise
parole, tu n'as pensé à aucune des choses que j'ai
faites pour toi ! Ah ! Dire que tu es capable de te cacher, ton
poignard à la main, pour me tuer en traître. Quelle
trahison ! Quelle infamie (...) va t'en à la maison, la
main sur la tête, le front souillé de deuil. Arrivé
à la maison, il tua sa femme, la jeta aux chiens et demeura en
deuil de son frère cadet"
Quelques années plus tard Anoup respectera les
consignes que lui avait prescrit Bata avant sa mort, Bata ressuscitera et
l'amour et l'harmonie qui existait entre les deux frères
renaîtra : Bata deviendra roi et à sa mort Anoup lui
succedera :
"Anoup saisit la tasse d'eau fraîche où
était le coeur de son frère cadet ; celui-ci but ; et
son coeur fut remis en place te Bata redevint comme autrefois. Chacun d'eux
embrassa l'autre et ils parlèrent ensemble comme deux
compagnons, (...). Bata fut vingt ans roi d'Egypte, puis il quitta la vie et
son grand frère occupa sa place. "
Conte n° 2 : Dans ce récit, le personnage
secondaire est un roi nommé Rhampsinite. Au début du conte il est
pour le héros un véritable obstacle dans la mesure où il
l'empêchera de voler le trésor en toute quiétude en
plaçant un piège dans le caveau à trésor, le
héros détestera d'avantage le roi lorsque le piège
attrapera son frère et comme si cela ne suffisait pas, le roi mettra
tous les moyens en jeu afin que le héros soit arrêté. Mais
la hardiesse du héros amènera le roi à de meilleurs
sentiments et ce dernier finira par lui donner sa fille en mariage.
"Quand la chose fut rapportée au roi, il
s'étonna, émerveillé de l'astuce et de la hardiesse de cet
homme (...). Il le jugea un oiseau rare, et lui donna sa fille en mariage.
"
Conte n° 3 : Le personnage secondaire de ce conte
c'est incontestablement le fils de Vérité. Il est à ce
titre un adjuvant pour son père et un opposant pour Mensonge. En effet,
lorsque le fils de Vérité apprend que c'est Mensonge qui a rendu
son père aveugle, il décide de le venger. Pour ce faire, il va
confier son taureau au berger de Mensonge, Mensonge mangera ce taureau et le
fils de Vérité lui portera plainte à l'Ennéade
divine et exigera que les yeux de Mensonge soient crevés :
"Je suis le fils de Vérité et je suis venu
afin de le venger (...). Le jeune homme à son tour fit un serment pour
le roi disant : « Aussi vrai que dure Amon, aussi vrai que dure
le royal régent, puisse-t-on retrouver vérité en
vie... ! On frappera Mensonge de cent coups, et cinq blessures
lui seront infligées ; ses deux yeux seront crevés et il
sera placé en qualité de portier dans la maison de
Vérité. "
Conte n°5. La femme d'Oubaoner est le personnage
secondaire de ce conte. Elle est visiblement une femme aux cuisses très
légères qui n'hésitera pas à faire subir a son mari
un préjudice moral énorme en se laissant séduire par un
homme qu'elle connaissait à peine. Et c'est ainsi qu'elle va chaque fois
que l'occasion se présentera demander à l'intendant du jardin de
préparer le pavillon de plaisance où elle va à plusieurs
reprises tromper son mari avec son séducteur :
"La femme d'Oubaoner dit à l'intendant
chargé de l'entretien du jardin : « fais préparer
le pavillon de plaisance qui est près de l'étang, car je vais
venir m'y reposer ». Le pavillon fut alors pourvu de toutes belles
et bonnes choses. Ils s'y rendirent et y passèrent un jour
heureux. Ceci en compagnie de l'homme Vil. "
Malheureusement pour cette femme adultère, l'intendant
trouvera cela très déshonorant et insultant pour son mari. C'est
pourquoi il informera son maître de ces événements.
Oubaoner fera part de cette histoire au roi ; ce dernier fera
arrêter la femme d'Oubaoner afin qu'elle soit brûlée.
"Le roi fit saisir l'épouse d'Oubaoner (...) il la
fit brûler et ses cendres furent jetées dans le fleuve. "
Conte n° 6. Les personnages secondaires de ce
récit ce sont les rameuses. Elles peuvent être
considérées à juste titre comme des adjuvants au roi
Snefrou dans la mesure où ce sont elles qui parviennent à rendre
le roi heureux alors que ce dernier était très malheureux parce
qu'il ne parvenait pas à trouver une distraction capable de
l'égarer, mais dès que les rameuses entamèrent leur partie
de bateau, le roi retrouvera son sourire :
"Les voilà donc qui se mettent à ramer de
ci, de là, et le coeur de sa majesté était heureux de les
voir ainsi. "
Conte n° 7. Le pharaon Sésostris est le personnage
secondaire de ce conte. Il se montre très aimable à l'endroit du
paysan Khounaré, cet amour est palpable lorsqu'il libère le
paysan de prison alors qu'il avait été injustement
condamné par son intendant le méchant Marouitensi. Le pharaon ne
s'arrêtera pas à cette libération, il va proposer au paysan
de venir vivre au palais afin d'être le tisserand du palais :
"Pharaon lui rend justice, puis lui demande de
quitter son figuier et ses clients paysans pour consacrer son art
au tissage des parures royales"
Conte n° 8. Dans ce récit c'est la femme du jeune
prince qui est le personnage secondaire. Elle est pour lui un adjuvant
très indispensable qui sera prête à se faire hara kiri pour
le sauver, nous pouvons dans cette logique relever trois cas. Le premier cas
c'est lorsqu'elle décide de se suicider si son père n'accepte pas
qu'elle soit l'épouse du jeune prince alors que ce dernier est le
vainqueur de l'épreuve que son père avait proposé aux
prétendants :
"Elle jura par Dieu disant : par la vie de Phrâ
Harmakhis ! Si on me l'arrache, je ne mangerai plus, je ne boirai
plus, je mourrai sur l'heure. "
Le second cas c'est lorsqu'elle réussit à tuer
deux des destins auxquels le prince est soumis :
"Quand un serpent sortit de son trou pour mordre le
prince, (...) La femme le mit en pièces avec des coups de sa hache.
"
Le dernier cas que nous pouvons relever c'est quand elle
parvient avec l'aide du géant à tuer le crocodile qui
représentait le deuxième destin auquel était
destiné le prince.
"Elle sortit des roseaux, et, voici, comme le crocodile
ouvrait la gueule, elle le frappa de sa hache. "
Au terme de cette étude sur les personnages des contes
négro-africains et Egyptiens anciens nous pouvons faire deux
remarques.
La première remarque est que presque tous les
règnes sont représentés. Il s'agit notamment : du
règne humain plus nombreux qui comprend tous les hommes, les femmes et
les enfants. Le règne animal tout aussi abondant qui rassemble entre
autres le lièvre, la tortue, le lion, l'hyène, etc.
L'univers des idées, moins nombreuse, mais aucunement
négligeable, qui comprend les deux ennemis de toujours que sont
Vérité et Mensonge.
Outre ces êtres terrestres nous avons une
quatrième famille qui regroupe les êtres surnaturels. Elle est
représentée par les génies, le ciel et les dieux.
La deuxième remarque est que le portrait physique est
le plus souvent l'objet d'une brève esquisse, tandis que le portrait
moral est développé avec force détails. Un tel constat
nous pousse à penser que c'est le portrait moral qui est d'une grande
importance dans les contes dans la mesure où il est un tremplin facile
qui permet de nous faire comprendre que les contes sont à travers les
thèmes qu'ils développent des oeuvres pleines de significations.
CHAPITRE IV- STRUCTURES
DISCURSIVES DES CONTES NEGRO-AFRICAINS ET EGYPTIENS ANCIENS
Au Chapitre précédent, nous avons conclu que la
domination écrasante du portrait moral sur le portrait physique
était dû au faite que les personnages des contes Egyptiens et
Négro-africains sont des symboles. Comme tels, ils traduisent une
certaine conception de la société africaine, à ce sujet
Denise Paulme dira :
« Le Conte africain est une production commune
du groupe social, il est dans une large mesure le reflet de la
société traditionnelle ; ainsi, convient-il dans son analyse
et son interprétation de tenir compte du vécu et des
croyances, des peuples, de leur vision du monde et des
choses »35(*)
Dans cet ultime chapitre consacré à
l'étude des structures discursives que Greimas définit comme
étant :
"Des structures qui reposent sur des concepts fondamentaux
dont l'opposition donne une signification symbolique à la narration. Ce
sont les structures les plus profondes au plan de l'immanence.
"36(*)
Nous analyserons les thèmes et les significations des
contes Négro-africains et Egyptiens anciens.
IV-1- Etude
thématique
Sur le plan thématique, nous examinerons les
thèmes communs et les thèmes spécifiques aux contes
Négro africains et Egyptiens anciens
VI-1-1 Les thèmes
communs
Les thèmes communs aux contes Négro-africains et
Egyptiens sont nombreux, mais nous nous limiterons aux thèmes
suivants : l'amour, le mariage, la mort, la polygamie, la royauté
et la ruse.
IV-1-2- Le mariage
Dans sa définition première, le mariage est
l'union entre deux personnes de sexes différents, c'est-à-dire
entre un homme et une femme. C'est un acte social qui revêt une multitude
de conceptions et de formes, selon les époques et les
sociétés.
Chez les Egyptiens anciens, le mariage n'était pas
obligé. L'Egyptienne était libre de se marier avec qui elle
voulait. Loin d'être une institution, le mariage était un acte
purement social qui engageait deux personnes qui avaient elles-mêmes
décidé de se mettre ensemble, il n'y avait ni rituel religieux,
ni contrainte administrative, mais la volonté de deux personnes qui
s'étaient librement choisies. La filiation en Egypte pharaonique
étant matriarcale, on se mariait non pour se faire un nom, mais pour
être chez-soi, loin des dissensions et des désordres.Même un
parent n'avait pas le droit de choisir le conjoint de sa fille, encore moins de
lui interdire de se marier lorsqu'elle l'avait décidé. A ce
propos, Christiane Desroches Noblecourt dira que le mariage était
considéré comme :
"L'idéal social et rien ne devait pouvoir entraver
son déroulement harmonieux pourvu que les deux auteurs de ce simple
"agrément mutuel " suivent la voie de Maôt, donnée
fondamentale de la conscience humaine"37(*)
Quoique le mariage ne soit pas obligé, la sagesse
égyptienne recommandait néanmoins aux jeunes de se marier, afin
d'avoir des enfants et de remplir leurs maisons.
A l'opposé, le mariage était chez les
Négro-africains une nécessité vitale pour l'homme comme
pour la femme, car c'est dans le mariage qu'on pouvait contribuer au
développement du clan, en faisant des enfants. En sus, le mariage
assurait la pérennisation du nom de la famille.
Par ailleurs, cette union qui liait l'homme à la femme
s'étendait au sein des deux familles, et parfois de deux tribus ou
villages. Le mariage chez les négro-africains n'était donc pas
une affaire qui concernait seulement deux personnes résultant comme
dirait H Deschamps des « inclinations du
coeur »38(*)
Il n'avait rien en commun avec l'union d'un male et d'une
femelle poussés par l'instinct ; c'était autre chose de
plus, beau, de plus agréable, comme : « Une
mathématique nouvelle où Un et Un ne feraient pas Deux
mais Un meilleur et plus complet »39(*)
Dans une telle société où le mariage
était presque une obligation tant pour l'homme que pour la femme, les
célibataires étaient considérés de facto comme des
inadaptés sociaux, des paresseux et parfois comme des sous-hommes. C'est
sans doute sur cette conception du célibataire que Dominique ZAHAN
revient lorsqu'il écrit :
Il est notoire qu'en Afrique le célibat ne jouit
d'aucune valeur et qu'à part les solitaires rituels ou les individus
délaissés, hommes et femmes choisissent le mariage comme la
formule par excellence de l'idéal humain en ce monde. Ceci est si
vrai et si profondément ancré dans l'esprit des Africains que le
célibataire, s'il en existait en dehors des cas particuliers
déjà mentionnés, ils ne trouveraient aucune excuse
à leurs yeux. Ils seraient traités avec mépris, voire
chassés de la famille et de la société. Le célibat
constitue pour le Noir un dérèglement incompréhensible de
l'ordre social et religieux40(*)
Le thème du mariage est récurrent dans 8 contes
du corpus, il s'agit notamment de 4 contes Egyptiens anciens ,les numeros 1,2,7
et 8. Et 4 contes Négro- africains : les contes n°s 15,19,24
et 28.
Dans le conte n°1 Tâ-Harakhty demande à
Khnoum, le modeleur des corps d'enfants de donner une femme à Bata
"Oh ! Fabrique une femme à Bata, afin qu'il ne reste pas
seul".
Conte n° : Le roi Rhampsinite tient à sa
promesse en donnant sa fille en mariage au larron."Il le jugea un oiseau
rare, et il lui donna sa fille en mariage."
Conte n°7,on assiste à une union entre
Khounaré le paysan et Baiti « Après leur union
bénie par les prêtres de la cour sous la bienveillante
protection de sesostris, les deux nouveaux époux se retirent et se
recueillent main dans la main. »
Conte n°8. Le jeune prince épouse la princesse de
Naharinna « Le chef lui donna sa fille pour
femme ».
Conte n° 15, jadis célibataire, Mesha'atsang a
desormais une épouse « Arrivée chez lui, la veille
descendit à terre et resta là comme sa femme »
Conte n°19. Mesut épouse la fille du roi
"Mesùt portait encore plus haut les destinées du grand
royaume en s'unissant pour le meilleur et pour le pire à la fille du
roi"
Conte n° 24. Malgré leur sottise, les trois
idiots se marient « Le vieux comprit qu'il n'arriverait à
rien avec les trois sots. Il leur donna ses trois filles pour
femmes. »
Conte n° 28. Devi épouse Eleni :
« Lorsqu'il vit comment sa fille et le jeune garçon se
regardaient, il accorda à Devi la main de sa fille ».
La lecture des contes qui précèdent nous
amène à faire deux constats. Le premier constat c'est le nombre
élevé de prétendants qui accourent lorsqu'une fille est
proposée en mariage ; c'est le cas des contes n° 19 et n°
18.
Dans le conte N° 19 nous pouvons noté au moins
neuf prétendants : Meshe la biche, Nsùen -
l'Eléphant, Ngùe-la panthère, Nyet le Buffle, Rigbaa-
l'Hippopotame, Kùkùnda le Caméléon et les autres
animaux. . Tous ces prétendants investissent tout ce qu'ils ont
pour pouvoir épouser la fille du roi. A ce sujet, le narrateur nous
rappelle que :
Chez les prétendants, les préparatifs
étaient multiples dans leur immensité. Dans les champs, dans les
villages, sur les routes, dans les fleuves et rivières, les
déploiements étaient merveilleux. (...) Il faut dire que tous les
prétendants s'en remettaient aux devins et aux gestionnaires du
sacré.
Dans le conte n° 8, nous avons des prétendants qui
ont fait le déplacement de la Syrie pour l'Egypte afin de participer
à un concours dont le vainqueur épousera la princesse de
Naharinna.
Le second constat c'est les différentes épreuves
que doivent braver les prétendants. A titre illustratif, dans le conte
n° 19 nous avons deux épreuves que propose le roi aux
différents prétendants.
J'organiserai une compétition qui comportera
plusieurs épreuves ardues. Celui qui en sortira victorieux
épousera Ntùtùere. (...) La première épreuve
consistait à aspirer un gobelet de piment réduit en poudre sans
éternuer. Pour la deuxième et dernière épreuve, il
fallait que les pieds du prétendant se noient dans le ruissellement de
sueurs émanant des trémoussements endiablés.
Dans le conte n° 8, le prince de Naharinna avait fait
construire une maison de plusieurs étages, le vainqueur de
l'épreuve devait atteindre la fenêtre de la princesse qui se
trouvait sans doute au dernier étage :
Le prince de Naharinna (...) lui ayant construit une
maison dont les soixante-dix fenêtres étaient
éloignées du sol de soixante-dix coudées. (...) et il leur
dit : Celui qui atteindra la fenêtre de ma fille, elle lui sera
donnée pour femme.
Ces deux constats qui précèdent nous inspirent
deux commentaires. Le premier c'est que pour ces prétendants, le mariage
devient une obligation, une nécessité vitale, ils rejoignent ici
les points de vue de Joseph Mboui et de DESROCHES NOBLECOURT. Pour le premier,
« Quiconque ne se marie pas n'est qu'un
paresseux »41(*). Pour la seconde : « Un homme
est considéré en proportion du nombre de ses
enfants »42(*).
Le second commentaire c'est que le mariage n'est pas un jeu,
n'est pas l'affaire des aventuriers, mais des hommes capables d'assumer les
responsabilités du foyer, capables de s'occuper et de veiller sur une
femme. C'est pourquoi ne peut obtenir la main d'une femme que celui qui est
sorti vainqueur d'un concours qui vise à tester la maturité d'un
homme.
IV-1-3 L'amour
Le mot amour est diversement apprécié. Le petit
Larousse illustré le définit comme un sentiment très
intense, sentiment englobant la tendresse et l'attirance physique entre deux
personnes. A. Camus le définit comme étant « Un
mélange de désir, de tendresse et d'intelligence qui me lie
à tel être »43(*). Pour Denis de Rougemont :
Tout amour véritable est une relation,
réciproque [...] cette relation s'établit tout d'abord à
l'intérieur de chaque personne entre l'individu, qui est l'objet
naturel, et la vocation qu'il reçoit, sujet nouveau, et tel est l'amour
de soi-même. Elle s'établit ensuite à l'intérieur du
couple, entre les deux sujets objets que constituent les deux personnes
mariées. Elle s'établit enfin entre le couple et la
communauté humaine. Telle est la plénitude de
l'amour. 44(*)
Il découle de ces définitions qu'éprouver
l'amour pour quelqu'un, c'est avoir une très belle histoire sentimentale
avec celui-ci, c'est avoir de la dévotion, du dévouement qui
souvent se rapproche de l'idéalisation ou de la divinisation de l'autre.
L'amour est en définitive le fait d'avoir un goût prononcé,
une passion pour quelque chose, quelqu'un de charmant, d'adorable, qu'il soit
du même sexe ou non.
Dans notre corpus l'amour est diversement exprimé et
orienté. Nous nous attarderons sur :
L'amour des humains pour les animaux, l'amour des pères
pour leurs enfants, et l'amour d'un homme pour une femme et vice versa.
Le premier type d'amour est visible dans le conte n° 9 "
Le prince" dans ce récit nous pouvons voir l'amour sans réserve
et sans condition du jeune prince pour les animaux que sont : un petit
chaton, un petit chien et un petit charognard.
Alors qu'il était en promenade, le petit prince va
acheter à prix d'or trois petits animaux. Dès lors, il
s'attachera à ces bêtes et veillera à ce qu'elles ne
manquent de rien, pour manifester son amour à l'endroit de ces nouveaux
amis, le prince va se sacrifier et sacrifier sa mère pour qu'ils ne
dorment pas affamé. A ce sujet, le narrateur témoigne que :
Chaque jour, il part tuer des oiseaux : un pour le
chaton, un pour le petit charognard, un pour le petit chien, un pour sa
mère, et le cinquième pour lui-même. S'il en tue quatre, il
en donne un à chaque animal et partage le quatrième entre lui et
sa mère. Si le partage est impossible, c'est lui et sa mère qui
dorment à jeun.
L'amour d'un père pour son fils est palpable dans le
conte n° 28. Dans ce conte on peut lire : « Le
père de Devi était un homme bon et doux qui aimait beaucoup son
fils ».
Le troisième type d'amour qui existe dans notre corpus
est le plus flagrant, on peut l'observer dans les contes n°s
1,7,8,11,28.
Dans le conte n° 1, nous avons deux cas où l'homme
aime sa femme. Le premier cas c'est celui de Baiti qui aime
énormément sa femme :
Khnoum lui modela, pour demeurer avec lui, une compagne,
la plus belle de toutes les femmes sur la terre entière. [...] Bata
l'aimait, l'aimait beaucoup. Elle restait dans sa maison, tandis que tous les
jours, il chassait les bêtes du désert pour les déposer
à ses pieds.
Le second cas est celui du pharaon à l'endroit de sa
nouvelle femme :
Sa majesté fit alors partir beaucoup d'hommes et
d'archers, et même des gens avec des chars de guerre pour ramener la
créature. (...) Ils la ramenèrent en Egypte et on se
réjouit de la voir dans la terre entière. Sa majesté
l'aima beaucoup, beaucoup, et elle devint sa grande favorite.
Conte n° 7, dans ce récit il existe un amour
réciproque entre Khounaré et Baiti :
"là, les deux jeunes gens inconnus l'un pour
l'autre, (...) succombèrent à un coup de foudre amoureux
réciproque.
Dans le onte n° 8, la princesse de Naharinna est
prête à mourir pour l'homme qu'elle aime.
"Si on le tue, au coucher du soleil, je serai morte ;
je ne passerai pas une heure de vie, plutôt que de rester
séparée de lui. "
Conte n° 11 , amour du cultivateur pour sa seconde
épouse : « Elle eut sa première grossesse et
enfanta un garçon. Cela fit la joie de son mari, et l'amour grandissait
au jour le jour. "
Dans le conte n° 28, nous pouvons rélever deux
cas d'amour ; le premier cas est celui du père de Devi à
l'endroit de sa femme, cet amour se traduit par son refus de vivre en
société après le décès de sa femme.
"Autrefois, l'homme avait été marié
mais sa femme était morte en donnant le jour à leur fils. Son
chagrin avait été tellement grand qu'il décida de ne plus
vivre parmi les hommes.
Le second cas est l'amour réciproque qui existe entre
Devi et Eléni, cette dernière déclare :
« Si tu veux, tu pourras m'épouser (...)
je t'aime et je vois que tu m'aimes aussi. Tu deviendras riche et
célèbre »
IV-1-4 La mort
.
L'homme dira M. Heidegger est : « Un
être pour la mort »45(*). Le petit Larousse définit la mort comme la
cessation définitive de la vie d'un être humain, d'un animal et,
par extension de tout organisme biologique.46(*)
Chez les Négro-africains, la mort est une :
Séparation des constituants du moi suivi
d'une destruction immédiate ou progressive, totale ou partielle de
certains éléments tandis que les autres sont promus à un
nouveau destin. Ainsi si elle apparaît comme destruction du tout dans son
unité et son harmonie, elle n'est jamais destruction de tout ; en
ce sens on a pu y voir un passage, une mutation, un changement d'état ou
de statut 47(*)
Loin d'être un anéantissement total, la mort chez
les Négro-africains se présente comme une occasion de rachat
offerte à l'humanité par Dieu. Ainsi, grâce à la
mort, l'homme peut passer de sa finitude temporelle à la
félicité éternelle. Pour y parvenir, il doit trouver au
cours de son existence un terrain d'affirmation de soi qui lui permet de savoir
exactement qui il est, qui il doit être afin d'être satisfait de sa
destinée.
Cette conception de la mort chez les négro-africains
est similaire à celle des Egyptiens anciens. En effet, JC GOYON qui
s'est intéressé à l'approche définitionnelle de la
mort « aw »48(*) chez les Egyptiens anciens nous rappelle que
Lorsque la mort survient, les éléments
constitutifs de la personne relevant du divin à savoir le Ba, le Ka, le
Khu et le Ren, retournent vers le cosmos et la divinité dont ils
émanent.
D'après certains récits Cosmogoniques
égyptiens, la mort est présente dans l'univers égyptien
dès l'aube de la création. Pendant la période de
cohabitation entre les dieux et les hommes, la mort fut introduite parmi le
genre humain. En général, pour la divinité, après
une longue vie sur terre, le repos éternel se faisait par un voyage vers
l'univers. Ce voyage était compris comme le couronnement de l'existence
terrestre. Au lieu qu'elle s'oppose à la vie, la mort était
l'apogée glorieux des difficultés terrestres, la condition
apodictique. En ce sens nous pouvons dire avec G. KOLPAKTCHY qu'elle
était : « Une porte de communication entre notre
monde - visible et l'autre monde »49(*)
En gros, nous pouvons dire que chez les Négro-africains
et les Egyptiens anciens, la mort n'était pas comprise comme un
anéantissement total, mais une voie de transition vers l'au-delà.
Ainsi, l'homme passe après la mort à une période de
réadaptation et d'intégration auprès de Dieu et des
ancêtres. Dès lors, la mort devient un aspect
complémentaire de la vie terrestre, c'est sans doute ce qui justifie sa
présence dans les Contes négro-africains et égyptiens.
La mort est évoquée dans 10 contes du Corpus. Il
`agit notamment des contes : n°1 "La légende des deux
frères "dans ce récit, Bata le héros meurt et
ressuscite quatre fois. Après avoir passé vingt ans au pouvoir,
il quittera définitivement la terre la cinquième fois en laissant
son frère Anoup au trône : « Bata fut vingt ans
roi d'Egypte, puis il quitta la vie et son grand frère occupa sa place
le jour de ses funérailles ». Outre la mort de Bata, nous
pouvons évoquer les morts de la femme d'Anoup tuée par ce
dernier. « Le front souillé de poussière en signe
de deuil. Arrivé à la maison, il tua sa femme, la jeta aux chiens
et demeura en deuil de son frère », des soldats
tués par Bata au val de l'acacia :
"« Seuls ne revinrent pas ceux qui
étaient allés au val de l'acacia : Bata les avaient
tués » ; ou encore la mort du pharaon
« Et, après beaucoup d'années, sa majesté
s'envola vers le ciel ».
Dans le conte n°2 "Le conte de
Rhampsinite" nous avons la mort du maçon qui a construit le
caveau dans lequel le roi garde son trésor :
« Après leur avoir bien recommandé de prendre
certaines précautions, qui feraient d'eux en secret les grands
trésoriers du roi, il passa de vie à
trépas ». Après celle du maçon, nous avons
celle de son fils qui, prit dans le piège qu'avait placé le roi,
demande à son frère de lui trancher la tête afin que le roi
ne le reconnaisse pas :
Se rendant bien compte du danger où il
était, il appela vite son frère, lui montra sa piteuse situation
et lui conseilla d'entrer dans le caveau pour lui trancher la tête, afin
qu'il devint impossible de le reconnaître et que son frère ne
fût pas compromis et perdu avec lui
Dans le conte n°5 "La femme
adultère" Nous avons la mort de la femme adultère et de
son amant l'homme Vil.
Dans le conte n°8 "Le prince
prédestiné", on peut noter la mort de la femme du prince
qui meurt parce qu'elle voulait protéger son mari.
La femme se jeta devant son mari pour le
protéger mais voici, une lance la frappa et elle tomba morte devant
lui. Et le jeune homme tua l'un des princes de son épée, et le
chien tua un autre de ses dents
Après celle de la femme, suivront celle du chien et du
prince : « le jeune homme ouvrit les yeux et il vit sa femme
étendue par terre, à côté de lui, comme morte, et
le cadavre de son chien (...). Il retomba comme mort ». Fort
heureusement pour eux, les sept Hathors les ressusciteront :
« Les sept Hathor s'avancèrent et elles dirent : le
destin est accompli : maintenant qu'ils reviennent à la vie !
Et ils revinrent à la vie sur l'heure. »
Dans le conte n°9, "Le prince" Nous
avons la mort du père du prince : « Quelques temps
après, le papa meurt et le petit reste avec ses bêtes et sa
mère »
Conte n°12, "La jeune fille et le lion"
dans ce récit il s'agit de la mort du lion qui voulait dévorer la
jeune Warimangan : « Au moment où le vieux lion
voulait s'abattre sur la fille, sa mère lui planta sa lance dans le
coeur, et le vieux lion mourut »
Dans le conte n°19, le chasseur abat le crocodile et ses
enfants : « Machinalement il défit son fusil et tira
plusieurs coups, tuant le crocodile et ses enfants »
Dans le conte n°22, les gorilles pleurent leur chef
tué par la femme. « Des centaines de gorilles immenses et
féroces s'étaient réunis pour pleurer autour du corps de
leur chef mort ».
Conte n° 28, évocation, de la mort de la
mère de Dévi : « Autrefois, l'homme avait
été marié sa femme était morte en donnant le jour
à son fils ».
Dans le conte n°29, Itrimoubé le monstre meurt
pendant qu'il essayait d'attraper la jeune Ifara : « Ifara
fut si effrayée qu'elle lâcha la corde et Itrimoubé tomba
juste sur sa sagaie, où il s'empala ».
IV-1-5 La royauté
Une étude approfondie des sociétés
Négro-africaines précoloniales et Egyptienne ancienne dans leur
organisation politique établit un parallélisme entre ces deux
sociétés. Cheikh ANTA DIOP qui s'est longtemps penché sur
la question nous présente l'organisation sociale suivante :
50(*)
EGYPTE
- Le roi
- Les prêtres, les guerriers et fonctionnaires,
- Les ouvriers spécialisés,
- Les paysans
AFRIQUE NOIRE
- Le roi
- Les prêtres, les guerriers et fonctionnaires,
- Les ouvriers spécialisés,
- Les paysans
Il découle de ce qui précède qu'à
la tête de chaque structure sociale se trouvait un roi. Ces deux peuples
reconnaissaient en leur souverain une nature divine, chez les Egyptiens anciens
par exemple, le pharaon était considéré comme l'essence
même des dieux, il était le représentant visible et en
chair de dieu sur terre, le seul interlocuteur possible entre l'univers des
dieux et celui des hommes, deux mondes intimement liés. Claire Lalouette
affirme à ce sujet que :
Réclamé par le peuple, choisi par la
divinité, le souverain était, par son origine même,
l'intermédiaire naturel entre le dieu et les humains, un divin
médiateur 51(*)
Cette corrélation qui existait entre dieu et le pharaon
sera davantage clarifiée par Pierre Grandet lorsqu'il insistera
que :
La dignité royale quelle que soit l'origine
personnelle de celui qui la revêt à un moment précis de
l'histoire, tire sa source d'une délégation au pharaon par le
dieu soleil Rê, créateur [...] du pouvoir de commander qui est un
attribut divin (...) Le roi d'Egypte n'est donc que ce dieu, auquel celui-ci a
confié sa création comme un Seigneur confierait sa terre à
un intendant pour qu'il l'administre en son nom, au mieux de ses
intérêt52(*)
Par ailleurs le roi dans les deux cas détenait tous les
pouvoirs politiques, militaires, juridiques de leur pays, des biens, des
hommes, c'est sans doute ce qui justifie le fait que le centre administratif
était au palais. Le palais jouait le rôle de magasin,
d'atélier, de dépôt de vivres, de siège des
institutions et de lieu de résidence du roi et de sa famille. En sus,
les monarques étaient les garants et les chefs de l'organisation, de
leur administration méticuleusement organisée selon le
système fortement hiérarchisé distribuant les fonctions
aux divers échelons.
Sur le plan militaire, C. Traunecker nous rappelle que :
« Le roi était avant tout un chef militaire soumis aux
dieux »53(*) . A ce titre, les monarques avaient le devoir de
repousser les forces du mal, de protéger le pays contre les invasions
étrangères. Ils devaient au besoin être belliqueux et
dépasser le cadre de protecteur pour épouser celui de
conquérant dont la mission était d'étendre la puissance de
leurs différents royaumes au-delà de leur frontière.
Sur le plan judiciaire, les monarques étaient
considérés comme des garants de l'harmonie dans le pays, ils
arbitraient les conflits, veillaient au respect des lois, des us et coutumes et
luttaient contre les abus. Ils devaient également promulguer de nouveaux
décrets quand le besoin se posait et diriger l'appareil dissuasif et
répressif. En gros, dans les sociétés
négro-africaines et Egyptiennes anciennes, le roi devait afficher une
attitude dominée par la sagesse, il devait être un savant à
qui rien n'est sensé échapper, généreux,
tolérant, altruiste et le pardon devait guider sa conduite. S'agissant
du roi, G. Posener dira que :
Sa bonté n'a pas de limite ; il assure
le bonheur de ses sujets, il protège le faible et fait régner la
justice 54(*)
La présence d'un roi est manifeste dans 14 contes du
corpus, il s'agit plus précisément de 8 contes Egyptiens
anciens et 6 contes Négro - africains.
n° 1 : « Le nouveau pharaon
dit : "Qu'on m'amène les grands officiers de sa
majesté »
n°2 : « Lorsque le caveau fut
achevé, le roi y fit entasser toutes les richesses de son trésor,
satisfait de le croire bien en sécurité ».
n°3 « Alors Mensonge fit un serment pour le
roi- puisse-t-il vivre, être prospère et en bonne
santé »
n°4 « Le roi des animaux n'est pas en
colère d'entendre des paroles sincères. »
n°5 « Le roi de Haute et de Basse Egypte,
Nebka, juste de voix, se mit en route »
n°6 « Le roi Snefrou parcourait toutes les
pièces de son palais, à la recherche de quelque distraction et ne
la trouvait point »
n° 7 « Chaque matin le pharaon
Sésostris recevait les plaintes de ses sujets et rendait la
justice »
n°8 : « Il y avait une fois un roi,
à qui il ne naissait pas d'enfant mâle »
n°9 « Mais le papa, le roi, s'y oppose en
disant à sa femme : « Il ne faut jamais chasser un enfant
à cause de ce qu'il ramène de sa promenade »
n° 14 « Le roi suit aussitôt ces
conseils. Et notre homme se retrouve sur la colline qui domine le
village »
n° 18 « Le roi fit remettre une grande
outre à Tita Mesùt qui la fendit et la confectionna à sa
manière »
n° 20 « De temps immémorial, tous
les animaux tinrent conseil pour désigner leur roi »
n°25 « Dans un village vivait un roi qui
avait une fille très belle »
n° 28 « Le roi était au
désespoir. Il avait convoqué plusieurs sages afin de le
conseiller ».
IV-1-6- La ruse
La ruse est loin d'être un mot figé ou univoque,
d'où ces définitions du Robert :
Moyen, procédé habile qu'on emploie pour
abuser, pour tromper : artifice, astuce, détour fourberie,
habileté, machination, manoeuvre, stratagème, subterfuge, truc
[...] intrigue, méandre, attrape-nigaud, piège [...] ficelle,
chausse-trappe, embûche, rets [...] échappatoire, faux-fuyant,
adresse, cautèle, finesse, malice, perfidie, roublardise, rouerie,
subtilité.
Pour Balandier et al :
La ruse, c'est bien plus que la ruse [...]. Ce double jeu
de l'intelligence mise au service d'un désir, qui se dissimule, modifie
l'usage que nous avons de l'univers classique... La ruse en somme s'oppose
à la violence, comme la persuasion et la philosophie à la force,
ou le droit à la vendetta, et la parole au sang échangé de
la jurée. Ruse du marin, du paysan, du soldat, de l'aventurier, du
marginal, du croyant, de l'ouvrier contre les forces cosmiques, mythologiques
et sociales qui veulent à tout prix se maintenir dans l'ordre
institué.
Les insectes, les mollusques, les animaux connaissent le
camouflage comme les guerriers. Mais la ruse est au-delà. Elle investit
dans le possible, le virtuel le non encore accompli55(*)
Des définitions qui précèdent, la ruse
semble être l'arme fatale des faibles ou des personnes à qui Dieu
a refusé de donner un corps imposant et une force physique
impressionnante. Généralement, on note chez ces personnes une
aptitude, une disposition naturelle, surtout plus intellectuelle que physique
qui leur permet parfois de s'en sortir devant des situations où la force
physique présente des limites.
Ainsi, le rusé est d'après les mots de Bernard
DADIE celui qui :
a dans sa tête plus d'un tour et sur sa langue des
phrases à le sortir de l'embarras. Il aime les situations difficiles,
les obstacles qui accroissent ses facultés, décuplent son
intelligence, fouettent son ingéniosité.56(*)
Les opérations de ruse se déploient dans huit
contes du corpus, pour être plus précis, il s'agit des
contes Egyptiens anciens n°s 1 et 3,et des contes Négro -
africains n°s 13,18,19 et 23.
Dans le conte n°2 nous avons trois marques
d'intelligence. La première consistera à faire une concession
à la mort pour un plus grand bénéfice de vie, elle sera
l'oeuvre de l'un des fils du maçon qui, prit au piège tendu par
le roi demandera à son frère de lui trancher la tête afin
qu'on ne puisse pas l'identifier. En exigeant que sa tête soit
tranchée, le jeune homme était conscient qu'à partir de sa
tête, le roi pouvait attraper son frère et peut-être toute
sa famille et leur exiger de lui rétrocéder son trésor
volé.
La seconde marque d'intelligence sera d'endormir les gardiens
de la morgue, pour récupérer le corps d'un fils, d'un
frère et lui assurer l'enterrement nécessaire. Rappelons
qu'après avoir découvert le corps sans tête du larron, le
roi avait demandé de faire :
Pendre le corps du mort sur la muraille de la ville,
de la faire surveiller et de charger les gardes d'arrêter et de lui
amener toute personne, homme ou femme, qu'ils verraient pleurer auprès
du pendu ou s'apitoyer sur le sort du mort sans tête
La mère du défunt qui tenait absolument à
avoir le corps de son fils afin de l'enterrer dignement, sommera le
frère du défunt d'aller récupérer le corps de son
fils. En cas de refus, elle promettait de le dénoncer au roi comme
étant le voleur de son trésor. Face à cette condition, le
jeune homme sera obligé de mettre en exergue son intelligence afin de
contourner cet obstacle qu'étaient les gardes. Après moult
réflexions, il décidera d'enivrer les soldats.
Le narrateur nous rapporte que pour ce faire :
Il fit mettre le bât sur certains ânes
qu'il se procura, les chargea d'outres en peau de chèvre pleines de vin,
puis les chassa devant lui. Arrivé auprès des gardes,
c'est-à-dire à l'endroit où était le pendu, il
délia deux ou trois de ces outres en peau de chèvre, et devant le
vin qui coulait à terre, se mit à pousser de grandes
exclamations, à se donner de grands coups sur la tête, et à
avoir l'air bien empêtré d'un homme qui ne sait par quel bout
commencer pour réparer le désastre ni vers lequel de ses
ânes il doit se tourner en premier.
Les gardes, voyant se répandre à terre cette
grande quantité de vin, coururent au secours, se disant que recueillir
ce vin perdu serait pour eux autant de gagné. [...] Quand ils eurent
tout bu, ils étaient tous ivres morts, le sommeil les prit et ils
s'endormirent sur place, sans pouvoir bouger. Le marchand attendit, jusque bien
avant dans la nuit, puis alla dépendre le corps de son
frère.
Le troisième signe d'intelligence sera d'affronter avec
succès les jeux meurtriers de la parole. En effet, très
courroucé par le vol du corps pendu, le roi qui tenait à tout
prix à attraper le larron chargera sa fille d'attirer tous ceux qui
passeront vers le palais et les amener à dire ce qu'ils avaient
déjà fait de plus prudent et de méchant dans leur vie. La
princesse avait pour mission spéciale de saisir celui qui par
mégarde ou par vantardise raconterait le tour du larron. Très
rusé, le larron cachera sous son habit le bras d'un mort, une fois
devant la fille, il contera tous ses forfaits en insistant notamment sur la
tête de son frère qu'il avait coupée et les soldats qu'il
avait enivré avant de prendre le corps de son frère. Après
ce récit, la princesse empoigna la main du larron, mais elle fut
surprise de voir qu'à la place de la main du larron elle tenait
plutôt celle d'un mort.
Dans le récit n°3, la finauderie est l'oeuvre du
fils de Vérité qui décidera de venger son père qui
a été aveuglé par Mensonge. Conscient que ce dernier est
un homme avide, le jeune profondément retors va confier son boeuf au
berger de Mensonge. Après quelques mois, Mensonge qui venait inspecter
son troupeau :
"Aperçut le boeuf laissé par l'adolescent,
un boeuf très, très beau d'apparence, et dit à son
berger : « Que l'on me donne ce boeuf afin que je le
mange"
Malgré l'avertissement de son berger, Mensonge mangera
le boeuf du fils de Vérité, lorsque ce dernier qui attendait avec
impatience ce moment fut informé, il vint immédiatement
réclamé son boeuf au berger qui lui proposa de choisir le boeuf
qu'il désire dans le troupeau de boeufs de Mensonge. Mais le jeune homme
rétorqua :
Existe-t-il un boeuf aussi grand que le mien ? Quand
il se tenait debout dans l'île d'Amon, la touffe de sa queue reposait
parmi les papyrus, tandis que l'une de ses cornes était la colline de
l'occident, l'autre sur la colline de l'orient, le Nil en sa crue étant
la place de son repos, et soixante veaux étaient mis au monde pour lui
quotidiennement.
Mensonge qui ne croyait pas en l'existence d'un tel boeuf fut
traîné en justice par le jeune homme. La sentence escomptée
et souhaitée par ce dernier tomba : « On frappera
Mensonge de cent coups, et cinq coups, et cinq blessures lui seront
infligées ; ses deux yeux seront crevés et il sera
placé en qualité de portier dans la maison de
Vérité ».
Dans le conte n° 13, nous avons le lièvre qui,
après s'être vengé en enfermant un lionceau dans le panier
de son amie l'hyène, décide de la faire sortir des griffes du
lion. Très matois, le lièvre parviendra à faire sortir
l'hyène indemne de cette situation où elle se croyait
définitivement perdue. Les extraits qui suivent sont à ce propos
très illustratifs.
Quand les animaux de la brousse furent rassemblés, le
lièvre dans sa ruse s'adressa au lion en disant :
Grand oncle, laissons le calao creuser le trou. Son bec
est une pioche. Le lièvre dans sa ruse dit aux animaux de la
brousse : « Laissez moi déblayer la terre pour voir la
direction du trou et je sortirai vous la montrer. Quand le lièvre
déblayait la terre, il remit à l'hyène un couteau
tranchant : "Prends ce couteau Hyène. Quand le calao reviendra
piocher tranche lui le bec.
Quand le calao alla piocher la terre, l'hyène lui
trancha le bec.
Le lièvre dans sa ruse dit aux animaux de la
brousse : « Ce trou-là est mauvais ; voyez comme il
l'a coupé le bec de mon grand frère calao. Maintenant faisons
appel au sanglier pour creuser. Les défenses du sanglier sont des
pioches.
Le lièvre dans sa ruse se leva de nouveau et dit
aux animaux de la brousse : "Laissez-moi déblayer la terre pour
voir la direction du trou et je sortirai vous la montrer.
Quand le lièvre déblayait la terre, il remit
du sel à l'hyène : "Prends ce sel, hyène. Quand le
sanglier viendra pour piocher, tu lui souffleras dans les yeux le sel
mâché.
Et quand le sanglier se mit à piocher,
l'hyène lui souffla dans les yeux le sel mâché" Le sanglier
se mit à grogner.
Le sanglier dit : « Compère
lièvre souffle dans mes yeux » Le lièvre dit :
« Sanglier mes joues ne sont pas assez volumineuses. Demande
plutôt au Grand oncle de le faire. Ce sera mieux.
Dès que le lion a soufflé, il reçoit
un morceau de sel dans la bouche. Et le lion murmurait de plaisir. Le lion
dit : « Sanglier, tes larmes sont sucrées !, tes
larmes sont très bonnes. »
Le lièvre dans sa ruse dit :
« Pourtant, Grand oncle ses larmes ne sont pas si bonnes. La graisse
de son entrejambe, si tu goûtais à cela, tu passerais tout ton
temps parmi les sangliers ». Le lion dit alors : `Sanglier, la
graisse de ton entrejambe, il faut m'en donner un peu ». Le Sanglier
poussa un cri de frayeur, et il s'échappa. Les animaux se mirent
à sa poursuite.
Le lièvre dans sa ruse, encore clopin clopan alla
dire à l'hyène : « Voilà, Hyène,
comme les animaux de la brousse sont partis, sortons et rentrons à la
maison.
Dans le récit n° 18, le Mesùt le
lièvre nous gratifie de deux marques de sa roublardise. En effet, le roi
des animaux avait décidé de donner sa fille en mariage au
vainqueur de deux épreuves. La première épreuve consistait
en l'aspiration d'un gobelet de piment en poudre sans éternuer ;
pour la seconde, le vainqueur devait danser jusqu'à ce que ses pieds
soient noyés dans une rivière de sueur. Très rusé,
le lièvre va à la première épreuve réaliser
l'exploit d'aspirer le gobelet de piment et d'éternuer sans que la foule
ne se rende compte qu'effectivement il est entrain d'extérnuer. Pour
réaliser une telle prouesse il va narguer ses adversaires en
disant :
Voyez comme ils me regardent, ces pauvres animaux. Je me
demande ce qu'ils me veulent. Tiens je me rappelle ! Ils croient que je
vais jeter l'éponge comme eux...eux qui, depuis trois heures,
éternuent à se faire sauter le crâne...Atchoum !
Atchoum ! Atchoum ! Atchoum ! Atchoum !
A la seconde épreuve, Mesùt le lièvre
réalisera une autre performance, à la différence de la
première qui était une improvisation ; il se fera coudre un
sac de peau dans lequel il cachera de l'eau. Le conteur nous informe
qu'il :
Dansait, sautant, pressant vivement à
l'intérieur de sa tunique le sac en peau et criant à
tue-tête :
- Un grand jour comme celui-ci mérite d'être
fêté parce que notre roi donne sa fille en mariage : il
mérite faste et solennité. Moi, je danse toute ma joie en ce
grand jour...Kpata...Kpata, Kpata...L'eau coulait alors, drue.
Et c'est ainsi que, très émerveillé et
soucieux d'une probable inondation, le roi demanda à Mesût
d'arrêter de danser et lui donna la main de sa fille comme il l'avait
promi.
Dans le récit n° 19, Mesùt le lièvre
va comme dans le conte précédent nous faire la
démonstration de l'une de ses astuces dont lui seul a le secret. Cette
fois-ci ça ne sera pas pour son propre compte, mais pour la cause d'un
chasseur qui a sauvé la vie à un crocodile et ses enfants en les
ramenant dans le fleuve. En guise de remerciements, le crocodile
décidera de manger le chasseur. Après les points de vue de
l'âne et du cheval qui plaideront en faveur du crocodile, Mesut arrivera
à son tour au fleuve, au lieu de trancher immédiatement comme
l'ont fait ses prédécesseurs, il demandera un peu plus
d'explication avant d'intervenir dans l'affaire :
Cette histoire me paraît invraisemblable. Je
n'arrive pas à m'imaginer qu'un poulet de cet acabit ait pu
traîner tout seul un crocodile aussi misanthrope et ses enfants depuis
les collines qui sont à quatre rivières d'ici jusqu'à ce
grand fleuve. Non, c'est impossible ! (...) Je n'en crois pas mes
oreilles. Vous n'avez qu'à tout recommencer.
Le dénouement de l'histoire est connu, le chasseur
empaquettera de nouveau le crocodile et ses enfants et les ramènera
à la terre sèche où il les avait trouvés. Une fois
sur les lieux, Mesût va amener le chasseur à se rappeler que le
crocodile est un gibier et c'est ainsi qu'il va tuer le crocodile et ses
enfants.
Mesùt le lièvre, va une fois de plus dans le
récit n° 20 nous étaler ses talents de madré, cette
fois-ci c'est Memvù le chien qui en fera les frais. Lorsque nommé
chef des animaux, Mesùt le lièvre lui fera un coup d'état
en l'affriandant avec un os à son tour de révérences.
Conscient que le chien est très friand des os, il
jettera un os devant le chien. Ce dernier va faire table rase de son titre de
chef et va bondir sur les restes d'os. Scandalisés par cet acte indigne
d'un roi, les animaux vont le destituer et il sera remplacé par
Mesùt.
Dans le conte n°21, Kimanga la tortue va emprunter de
l'argent à Kùpù le porc en jurant de lui rembourser
à l'arrivée des premières pluies. Mais, le moment venu,
Kimanga qui avait passé tout son temps à faire bombance avec sa
femme n'avait plus un radis. Très futé il va se substituer
à la pierre à écraser de sa femme ; cette
dernière fera tout pour le mettre en colère, dans son courroux il
ramassera la pierre à écraser de la dame, et jettera dans les
champs. La femme de Kimanga éclata en sanglots en demandant à
kùpù de lui restituer sa pierre sur ces entrefaites, Kimanga qui
était la pierre jetée dans les champs entrera et demandera
à Kùpù de restituer la pierre à écraser de
sa femme afin d'être remboursé ; Kùpù cherchera
en vain la pierre et c'est ainsi que Kimanga ne lui remboursera plus jamais son
argent.
IV-1-7- La polygamie
La polygamie se définit comme étant la situation
d'un homme qui a plusieurs femmes. C'était une pratique acceptée
et encouragée chez les Négro-africains. Pour justifier la
nécessité de la polygamie, les anciens évoquaient
notamment quatre arguments à savoir :
- Les femmes étaient plus nombreuses que les hommes, la
polygamie permet à un grand nombre de femmes de se marier et de jouir
d'une sécurité matériélle, physique et morale
qu'elles n'auraient pas si elles étaient célibataire.
- La polygamie réduit l'immoralité dans ce sens
qu'avec elle, les hommes ne sont pas aussi infidèles qu'ils le seraient
s'ils n'étaient mariés qu'à une seule femme. Elle
réduit par ailleurs le nombre d'enfants illégitimes.
- Elle peut empêcher les guerres ou les querelles
tribales quand les femmes et le mari sont des tribus différentes.
- La loi étant instaurée par les hommes et
taillées à leur mesure, leur satisfaction sexuelle est totale
grâce à leurs nombreuses épouses.
La polygamie est flagrante dans les contes :
Dans le conte n°1 "La légende des deux
frères", dans ce récit le pharaon a plusieurs femmes,
nous ne savons pas avec exactitude le nombre, ce que nous savons en revanche
c'est que parmi ses femmes il a une préférée ou
favorite : « Sa majesté l'aima beaucoup, et elle
devint sa grande favorite »
Dans le conte n°11 "Les
coépouses" : le titre est déjà très
illustratif dans ce conte où nous avons un homme qui était
pourtant monogame sans problème mais il décidera sans
évoquer une quelconque raison de prendre une seconde femme :
« Un beau jour, il décida d'en prendre une
deuxième. »
Dans le conte n°16 "Le fils de Nkan",
dans ce conte, Monsieur Nkan a trois femmes : « Un homme
nommé Nkan avait trois femmes : Kooko à Nkan, Gang à
Nkan et Itütü à Nkan ».
Dans le conte n°17 "Les épouses de
Kalak" dans ce récit, le titre nous informe d'entrée de
jeu que Monsieur Kalak est polygame et plus précisément de deux
femmes : « Un homme appelé Kalak avait deux
femmes : Kooko et Gang »
Dans le conte n° 18 "Mesùt- le-
lièvre épouse la fille du roi" Le beau père de
Mesùt a plusieurs femmes : « Le roi rassembla tous
ses enfants et toutes ses femmes ». Comme dans le récit
"La légende des deux frères" le roi a parmi ses femmes une
favorite : « Décidément Sire fit la favorite,
vous n'arrêtez jamais de nous surprendre. »
IV-2- Les thèmes
spécifiques
Il s'agit des thèmes spécifiques aux contes
Egyptiens anciens, dans le cadre de notre étude, nous nous restreindrons
au modernisme.
Les contes Négro-africains de notre corpus remontent
à l'époque précoloniale dans un environnement naturel
(champs, savanes, forêts) où les populations exercent des
activités essentiellement agricoles telles que la chasse, la
pêche, les travaux champêtres.
A contrario, les contes Egyptiens anciens tout en gardant un
fond Négro-africain confirment la thèse selon laquelle l'Egypte
est le berceau de la civilisation moderne. Ce modernisme est manifeste sur le
plan environnemental, technologique et culturel.
VI-2-1- L'urbanisme
Sur le plan environnemental, on peut remarquer la
présence des villes dans les contes Conte n°2 :
« Il ordonna qu'on fit publier par toutes les villes de son
royaume. »
Conte n°3 : « Tu garderas pour moi ce
boeuf jusqu'à ce que je sois de retour de la ville. »
En se basant sur le paysage, la ville est une
réalité du monde moderne dont le cadre géographique est
différent de la campagne. Sur le plan des activités c'est une
agglomération urbaine où les hommes exercent surtout des
activités non agricoles.
VI-2-2- L'industrie
Sur le plan technologique, on note la présence des
industries agro-alimentaires telles que les boulangeries où l'on
fabrique les pains (conte n° 1, n° 3, n°5) et les brasseries
où l'on fabrique les bières (contes n° 3, n° 6). Et de
l'industrie hippomobile à l'instar des chars qui sont définis
comme des voitures rurales à quatre roues et sans ressorts ou encore
comme des voitures décorées, portant des personnages, des
masques, figurant des scènes. (Conte n°1 « Sa
majesté (...) monta sur son char vermeil pour sortir du
palais »,conte n° 8 « Les fils des princes
(...) avaient rassemblé leurs fantassins et leurs
chars ».
VI-2-3- L'école
Sur le plan culturel nous avons la présence des
écoles et de l'écriture. (Conte n° 3 : «
Il fut mis à l'école ; là, il apprit à
écrire ». Par ailleurs, on peut noter la présence
des scribes qui étaient dans l'ancienne Egypte les fonctionnaires
chargés de la rédaction des actes administratifs, religieux ou
juridiques. (Conte n° 1 « On alla chercher les scribes
sorciers du pharaon ».
IV-3 -Signification des
contes Egyptiens anciens et Négro - africains.
IV-3-1 La signification
ludique
Chez les Négro-africains le moment unanime,
indispensable et approprié pour la narration des contes c'est la
soirée. Ce moment laisse entrevoir de manière très
explicite que pour ces populations, le conte est avant tout une distraction. En
effet, après une journée de travaux champêtres pour les uns
et de pêche ou de chasse pour les autres, les populations se
réunissent généralement en soirée et organisent des
séances de contes. Le choix du conte pour égayer les
soirées vient du fait que le conte est caractérisé par
l'humour ou l'amusement, et si le narrateur est performant, le public sera
davantage gâté parce que pendant sa prestation, il ajoutera des
mimiques, il grimacera, il essayera d'imiter les animaux ou tout autre
personnage dont il décidera d'entrer dans la peau. C'est sans doute cet
intérêt ludique des contes qui pousse Emmanuel Matatéyou
à déclarer que : « Les soirées de
diction des contes (...) étaient attendues par mes amis et moi parce que
c'étaient des moments de joie »57(*)
Toutefois, cette fonction ludique qui semble être
fondamentale aux yeux des Négro-africains ne doit pas être un
alibi suffisant pour conclure hâtivement avec EQUILBECQ que les contes
négro-africains sont :
"Exclusivement destinées à l'amusement des
auditeurs et n'ont nullement pour but d'enseigner une morale, fût-elle
uniquement pratique, ni de dénoncer les abus sociaux.58(*)
Accordé du crédit à un tel point de vue
ce serait faire preuve de naïveté et de manque de discernement car
dira Dominique Penel « Ces récits, qui apparemment
évoquent des évènement d'un autre monde, traitent en
réalité des questions relatives aux situations réelles et
quotidiennes d'une société »59(*)
IV-3-2- La signification
sociale et morale
Le didactisme moral est l'aspect le plus visible du conte
négro-africain. De manière général, il n'y a aucun
conte chez eux qui ne diffuse explicitement ou implicitement un enseignement
moral. Comme l'affirme Roland Colin, les contes africains sont une série
de récits dont « Le but premier est de poser les valeurs,
de la morale sociale »60(*)
Il n'y a rien de plus pratique qu'une illustration de la vie
morale par les contes. Le conteur montre généralement les
conséquences d'un vice donné en le faisant, il amène
l'auditoire ou le public à en tirer un enseignement.
Des deux contes "L'ingratitude" et
"Mesùt le lièvre sauve un chasseur", la
leçon est la suivante : la récompense d'une bonne action
doit être une bonne action. Si l'on fait l'inverse, la sanction est
essentiellement négative. L'homme que le promeneur solitaire avait fait
sortir du puits et qui en guise de merci avait demandé que son
bienfaiteur soit arrêté et égorgé, sera tué
et sa cervelle sera remise à son bienfaiteur. De même le crocodile
et sa famille que le chasseur avait ramenés à la rivière
alors qu'ils étaient mourants dans la forêt seront tués
à la fin du récit pour n'avoir pas reconnu les bienfaits du
chasseur.
Dans le conte n° 7 "Le pharaon et le
tisserand" le méchant Marouitensi, le chef des pourvoyeurs du
pharaon sera chassé par le pharaon et remplacé par Tehouti parce
qu'il avait injustement condamné les paysans.
Chez les négo-africains, une épouse
infidèle était automatiquement répudiée par son
mari car l'adultère était un acte dangereux et plein de
mépris. La femme adultère était sévèrement
punie car la loi appelait l'adultère le grand crime ou la grande faute.
Dans certains pays, avant la décision de l'époux, l'épouse
adultère prenait la clé des champs ou bien avant de la
répudier, on mettait d'abord du piment dans son vagin, le long du dos,
des seins, dans les yeux et dans les narines. Au sujet de la punition de la
femme adultère en Afrique, Bernabé Bilongo écrit :
« En cas d'adultère on écartelait la femme et on
lui introduisait du piment dans le vagin »61(*)
En Egypte pharaonique le châtiment de la femme
adultère était plus rude parce que la femme était
considérée comme la tentatrice par excellence capable de
corrompre un homme faible et innocent c'est pour cela que les textes des sages
recommandaient toujours aux jeunes de ne pas approcher une femme mariée.
L'exemple du conte n°1 légende des deux
frères" est à ce titre absolument évocateur. Dans
ce récit la femme d'Anoup tente de séduire son beau-frère
Bata en ces mots :
Tu as bien du courage, chaque jour je constate que tu
deviens de plus en plus fort. Elle le regardait en l'admirant. Soudain elle se
leva et lui dit : "Tu es plus fort que ton frère aîné.
J'aurais dû t'épouser.
Le conte africain étant un conte qui influence la
société africaine par son contenu didactique, le roi ordonnera
dans le conte n° 5 "La femme adultère" que la femme
adultère soit brûlée et ses cendres versées dans le
fleuve. La mort de l'homme vil et de la femme d'Oubaoner est une mise en garde
au public contre toute tentative d'adultère.
A côté de ces quelques vices que la
société africaine abhorre et condamne, le conte prône la
préservation et la cristallisation de certaines valeurs chères
aux négro-africains telles que le respect des aînées que
l'on observe dans le conte n° 1, l'hospitalité qui est loué
dans le conte n° 24, l'amitié dans le conte n° 4 et surtout la
solidarité qui est manifeste sans le conte n° 7 où l'on voit
des paysans très solidaires à l'endroit du tisserand
Khounaré :
Ils se réunirent et bâtirent un projet pour
sauver Khounaré. Ils décidèrent de s'asseoir à
terre devant l'entrée du palais ; l'intendant constata avec fureur
qu'on ne livrait plus ni fruits ni légumes pour son maître. Les
paysans se laissèrent traîner par les soldats dans la
poussière de l'esplanade, mais ne reprirent pas le chemin de leur champ
ou jardin. Bientôt, sur l'ordre de Marouitensi gonflé de rage,
les manifestants solidaires furent à leur tour enfermés dans les
cachots. "
Ces exemples qui précèdent montrent qu'il n'y a
rien de gratuit dans les contes négro-africains. Tout est orienté
vers la cohésion morale du groupe. Le conteur est loin d'être un
partisan de l'art pour l'art parnassien, mais est comme le dit Jean Paul Sartre
celui qui :
« Se met au service d'une position de l'esprit
plus ou moins révolutionnaire par rapport à une structure
traditionnelle de la société »62(*)
IV-3-3- La signification
politique
La littérature orale étant une
littérature populaire qui reflète la société, le
conteur devient ipso facto un éveilleur de conscience qui se met au
service de son peuple pour dénoncer tous les abus et toutes les
injustices dont sont victimes le bas peuple. Le conte devient pour ainsi dire
la tribune idéale où le peuple règle ses comptes en se
vengeant de ses oppresseurs sur le plan de l'imaginaire en les ridiculisant et
en les tournant en dérision. C'est le cas dans les contes n° 25
Le roi qui voulait épouser sa fille" et le
n° 2 "Le conte de Rhampsinite". Dans le conte n°25 le roi se
prête à une épreuve d'autoritarisme et de tyrannie, dans un
élan conservateur excessif, il décide de priver sa fille de
liberté de choix d'un époux et lorsque les prétendants
arrivent, il les arrosent d'injures. « Va-t-en pantalon troué
"l'autre trop vilain : "Il est laid, on dirait grain de riz" "regarde moi
ce gawou".
Malheureusement pour lui, c'est un écureuil qui va
faire subir à la famille royale sa plus grande humiliation en engrossant
la fille du roi malgré toutes les précautions prises par le
roi.
Dans le conte n° 2 c'est un jeune homme très
rusé qui va se moquer du roi en volant son trésor et en rendant
ivres les gardes du palais.
A travers ces deux contes on peut lire en filigrane une
invitation au peuple de ne plus se laisser jamais leurrer par ceux qui sont
habiletés à veiller sur son épanouissement et sur son
droit. Ceci résonne haut d'autant plus que le roi est censé
être au service de sa population. Tous les hommes étant
égaux, le conte a pour objet de rappeler aux puissants que les
excès d'autorité finissent toujours par se retourner contre eux.
En tournant en dérision ces puissants, le conte suscite dans le public
le sens de la réflexion critique, le goût des interrogations
fructueuses et la volonté d'analyser les problèmes, de les
transcender et comprendre le fonctionnement de la société dans
laquelle il évolue. En définitive on peut dire que le conte joue
un rôle primordial dans la régulation des rapports entre les
membres d'une société.
IV-3-4- La signification
cognitive ou intellectuelle
L'une des fonctions fondamentales du conte sur laquelle les
sociétés négro-africaines sont unanimes, c'est sa fonction
cognitive dans la mesure où il y a dans la plupart des contes une
volonté d'expliquer d'une manière convaincante ce qui est parfois
scientifiquement inexplicable. C'est le cas des contes qui nous propose des
explications étiologiques édifiantes sur certains faits qui nous
entoure. Dans notre corpus, huit contes sont des contes étiologiques. Il
s'agit plus précisément des contes.
n°2 "Le conte de Rhampsinite" qui nous
informe quant à l'origine de la malice chez les Egyptiens qui se
considèrent comme étant les plus malicieux de la planète
où la malice a vu le jour. A la fin du récit on peut lire :
« n'avait-il pas, en effet, donné la preuve de la malice
des Egyptiens qui en remontent à toutes les nations ».
n° 11 "Les Coépouses " est
un récit qui nous explique pourquoi les fesses de la femme sont plus
grosses que celles de l'homme.
n° 12 "La jeune fille et le lion" finit
par : « Ainsi prend fin cette histoire sur l'origine du
courage de la femme »
n° 22 "L'origine du divorce" nous
informe sur ce qui a provoqué le divorce entre l'homme et la
femme : « Une fois rentrée chez elle, elle donna la
flèche à son mari et décida de le quitter. Ainsi
par eux, arriva le premier divorce. »
n°23 "Et le ciel recula" est une
tentative d'explication sur la distance qui existe entre le ciel et la terre.
« C'est ainsi que par l'inadvertance d'une
femme, la face du monde fut irrémédiablement
changée. »
n°24 "Pourquoi y a-t-il tant d'idiots de par le
monde ? " Explique la présence des idiots dans tout le
monde : « Les idiots et leurs femmes construisirent une
cabane et vécurent tant bien que mal. Ils eurent des enfants aussi
bêtes qu'eux, les cabanes se multiplièrent et les idiots se
répandirent dans le monde entier »
n° 27 "Comment le tambour est arrivé sur
la terre" nous renseigne sur l'origine du tambour sur la terre.
« C'est depuis ce temps là qu'il y a des
tambours sur la terre pour danser et faire la fête ».
n° 21"La dette de Kimanga" nous explique
pourquoi le porc remue la terre avec son groin, pour ce conte, le porc est
à la recherche de la pierre à écraser de la femme de la
tortue qu'il avait jeté dans les champs :
« jusqu'aujourd'hui Kùpù-le cochon
cherche toujours la pierre à écraser de la femme de Kimanga avec
son groin. »
Des analyses qui précèdent nous pouvons dire que
le conte ne se réduit pas essentiellement à sa fonction ludique,
à côté on peut relever d'autres fonctions telles que les
fonctions sociologiques, politiques ou encore intellectuelles. C'est fort de ce
constat que Joseph Dong Aroga dira que : « La pratique du
contage participe donc de l'éducation en même temps qu'elle est
recréation. » 63(*)
Tout en charmant et en amusant, les contes permettent la
transmission de la culture, l'apprentissage de la langue et l'initiation
à l'éloquence.
CONCLUSION
Le présent travail qui a fait l'objet de notre
étude était libellé « Les
contes Egyptiens anciens et les contes de l'Afrique
subsaharienne : essai d'une analyse
comparée » .La problématique centrale de
notre travail était de savoir si les contes pouvaient nous permettre
d'établir une parenté culturelle entre l'Egypte ancienne et
l'Afrique noire.
Parvenus au terme de notre analyse, nous ne saurions nous
vanter d'avoir exposé tous les éléments communs aux
contes Egyptiens anciens et négro-africains .Toutefois, notre
travail nous a permis de confirmer l'hypothèse selon laquelle les contes
Egyptiens anciens et négro-africains trahissent les rapports de
parenté indéniables entre les deux civilisations. Aussi, notre
tache qui consistait à exposer les éléments de
ressemblances et de divergences entre ces contes s'est faite en quatre
chapitres.
Au premier chapitre, il était question
d'analyser comparativement la manifestation et les procédés
stylistiques des contes Egyptiens anciens et négro-africains. Nous
sommes partis des formules et des figures de style qu'affectionnent les
conteurs négro-africains pour ressortir les similitudes et les
divergences qui existent entre ces contes. Pour ce qui est des similitudes,
en dépit de la longueur des formules initiales et finales des contes
n°5 « la femme
adultère » et n°6 «
la boucle de la rameuse »,nous pouvons dire que
presque tous les contes Egyptiens anciens et négro-africains ont des
formules. En sus de ces formules ces contes ont en commun les
répétitions qui sont palpables dans les contes la
légende des deux frères, le duel de Vérité et de
mensonge, l'amitié des deux chacals, le prince prédestiné,
pourquoi-y'a-t-il tant d'idiots de par le monde ? Les trois soeurs et
Itrimoubé, l'histoire de Raboutity, le cultivateur sa femme et les
génies, l'ingratitude et le fils de Nkan. En ce qui concerne
les procédés stylistiques nous avons relevés que le
discours direct qui se traduit par l'absence de la première personne du
singulier et du pluriel et les dialogues parsèment ces contes. Outre le
discours direct et les dialogues, nous avons dans ces contes la présence
des proverbes et l'anthropomorphisation où nous avons des animaux et des
notions « Vérité
et Mensonge » qui ont des attributs humains.
Au-delà de ces similitudes qui
précèdent apparaît néanmoins un point de divergence,
il s'agit notamment de l'absence des chants dans les contes Egyptiens
anciens.
Au second chapitre de notre exposé, nous
nous sommes évertués à analyser les structures narratives
des contes Egyptiens anciens et négro-africains .Partant des analyses de
Greimas, nous avons procédé a une analyse sémiotique qui
nous a permis de remarquer que ces contes présentent les mêmes
structures à savoir : une introduction, un corps du conte, et une
conclusion. A la suite de cette structure nous avons pu ressortir les
schémas fonctionnels et actanciels, en ce qui concerne les
schémas fonctionnels ; nous avons observé que pareillement
aux contes négro-africains, les contes Egyptiens anciens
présentent une situation initiale, un évènement
modificateur ou perturbateur, des épreuves et une situation finale. Pour
ce qui est des schémas actanciels, notre étude nous a permis de
constater qu'à l'instar des contes négro- africains, les contes
Egyptiens anciens comportent une quête ou le héros qui va à
la quête de l'objet de valeur a des adjuvants qui l'aident dans sa
quête et des opposants qui ont pour ambition de freiner le héros
dans son action.
Après avoir procédé à
l'analyse sémiotique de ces contes, nous avons mis en exergue les
différents types de contes africains tel que proposés par Denis
Paulme. De manière plus précise nous nous sommes attelés
à ressortir les huit types de contes regroupés en formes simples
et complexes. De cette analyse typologique il est ressorti qu'à
l'exception du type en divergence qui est spécifique au conte
« le lièvre et l'hyène ».
Les contes négro-africains et Egyptiens anciens ont en commun les types
ascendant, descendant, cyclique, en spirale et en sablier.
Au troisième chapitre de notre analyse il
était question d'étudier le fonctionnement des personnages des
contes du corpus. Pour mener à bien cette étude nous nous sommes
servis des analyses de Philippe Hamon qui a proposé une
hiérarchisation des personnages en personnages principaux et
personnages secondaires. Nous avons pu noter que cette hiérarchisation
apparaît dans ces contes dans la mesure où nous avons dans tous
les contes au moins un personnage principal. Ce personnage principal ou
héros est dans ces contes le point de départ et d'arrivée
de tous les évènements qui composent l'intrigue. A coté
de ces personnages nous avons relevé des personnages secondaires
divisés en deux catégories, d'un coté il y'a les adjuvants
qui aident le héros à obtenir l'objet de sa quête et, de
l'autre les opposants qui sont des obstacles à l'épanouissement
du héros.
Outre cette hiérarchisation des personnages nous avons
observé d'une part que dans ces contes, les conteurs ne font qu'une
brève évocation du portrait physique tandis que le portrait moral
fait l'objet d'une analyse plus soutenue. Cette carence nous laisse penser que
le fondamental pour ce genre de récit est de présenter une
peinture intérieure prompt à émouvoir l'auditoire. C'est
sans doute dans cette logique que Mohamadou Kane a
déclaré
Qu'on peut déceler la permanence de la technique
du conte populaire dans l'absence d'un portrait physique (...) Le conte se
contente de « silhouetter » son personnage qu'il campe plus
au moral qu'au physique. En général, l'orientation didactique
commande ce portrait qui, quelque esquisse que ce soit, doit traduire
l'âme du personnage
Et d'autre part qu'en plus du règne humain nous
avons les règnes animaux, notionnels, célestes et surnaturels.
Au quatrième et dernier chapitre il s'agissait
d'analyser les structures discursives des contes du corpus. Nous sommes partis
d'une étude thématique pour ressortir les thèmes communs
et les thèmes spécifiques aux contes Egyptiens anciens et
négro-africains. Nous avons pu identifier 6 thèmes communs
à savoir l'amour , le mariage, la mort, la polygamie, la
royauté et la ruse. Ces thèmes communs nous ont permis de mettre
en évidence une ressemblance très apparente qui nous pousse
à remarquer que la culture Egyptienne ancienne survie encore en Afrique
noire. En ce qui concerne les thèmes spécifiques, nous nous
sommes limités à l'urbanisme, l'industrie et l'école. Nous
avons signalé que les contes négro-africains de notre corpus
étaient issus d'un environnement traditionnel qui n'avait pas encore
connu l'influence de la modernité qui a commencé avec la
colonisation. A l'opposé, les contes Egyptiens sont dans un
environnement moderne parce que l'Egypte est le berceau de la civilisation
moderne.
A la suite de cette étude thématique nous
avons analysés les significations de ces contes, nous avons notamment
relevés 4 significations à savoir les significations ludique,
sociologique, politique et cognitive ; notre étude nous aura permis
de constater que ces significations sont communes aux contes
négro-africains et Egyptiens anciens.
En définitive, à la question de savoir si
les contes peuvent nous permettre d'établir un continuum culturel entre
l'Egypte ancienne et l'Afrique noire, nous sommes aboutir au résultat
suivant :
Sur le plan de la manifestation et des
procédés stylistiques nous remarquons qu'à l'exception des
chants qui sont spécifiques aux contes négro-africains, les
contes Egyptiens anciens et négro-africains ont en commun les formules,
les répétitions, le discours direct, l'usage des proverbes et
l'anthropomorphisation.
Sur le plan des structures narratives, ces contes ont en
commun les schémas fonctionnel et actanciel ; outre ces
schémas ils ont en commun les typologies ascendantes, descendante,
cyclique, en spirale et en sablier. A ce niveau la seule différence que
nous avons observée est l'absence du type en divergence dans les contes
Egyptiens anciens.
En ce qui concerne les personnages, nous avons remarqué
que l'étude menée sur les personnages des contes
négro-africains est identique à celle menée sur les
personnages des contes Egyptiens anciens.
Pour ce qui est des structures discursives, nous avons
noté que ces contes ont en commun les thèmes de l'amour, du
mariage, de la mort, de la polygamie, de la royauté et de la ruse.
Sur le plan thématique la seule différence
était la spécificité des thèmes de l'urbanisme , de
l'école et de l'industrie dans les contes Egyptiens anciens. Par
ailleurs, ces contes ont en commun les significations ludique, sociologique,
politique et cognitive.
Le présent résultat nous permet de constater
que les points de ressemblances entre les contes Egyptiens anciens et
négro-africains sont plus évidents que les différences. Le
primat indéniable de ces ressemblances nous amène à
conclure que l'Egypte ancienne berceau de la civilisation moderne survit
toujours en Afrique Noire.
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théoriques et pratiques, Yaoundé, 1985.
PAULME Denise, La mère
dévorante, essai sur la morphologie des contes africains,
Paris, Gallimard, 1980.
PROPP Vladimir, La morphologie des
contes, Paris, Le point, 1977.
TSOUNGUI Françoise, Clés
pour le conte africain, Paris, Edicef, 1988.
III- Articles
MBOW A., « Préface
à l'histoire générale de
l'Afrique », vol. 1, Paris, Jeune
Afrique stock /Unesco, 1980.
OUM NDIGI Pierre, « Le bassa,
l'Egyptien pharaonique et le copte. Premiers jalons
révélateurs d'une parenté
insoupçonnée», Ankh revue des civilisations africaines
n° 2 mars 1993.
SARR NISSIRE M., «Le sens des
lamentations funèbres en Egypte pharaonique et en Afrique
noire : le cas des Djerti» Cahier caribéens
d'Egyptologie, n° 7-8, février- mars
2005.
IV- Thèses et mémoires
IV- Thèses
AWOUMA Joseph-Marie, Littérature
Orale et Comportements Sociaux, étude littéraire et
socio- culturelle des proverbes Bulu, Thèse de doctorat
3ème cycle, Paris, 1970.
FAME NDONGO Jacques, l'Esthétique
du texte artistique traditionnel et son fonctionnement à travers
l'écriture romanesque négro-africain, Thèse de
doctorat d'Etat, Paris, 1984.
MBOUI Joseph, Essai sur la vie domestique
des bassa du Sud Cameroun, Thèse pour le doctorat ès
lettres, Bordeaux, 1971.
OUM NDIGI Pierre, les Bassa du Cameroun
et l'antiquité pharaonique égypto-nubienne :
recherche historique et linguistique comparative sur leurs rapports
culturels à la lumière de l'égyptologie, Thèse
de doctorat, Université Lumière Lyon II, Institut
d'égyptologie Victor Loret, France, 1997.
IV-2 Mémoires
KAMGA, L'écriture de la ruse dans
les contes, les nouveaux contes d'Amadou Koumba de Birago Diop et les
contes de Nuits et de Jours aux Antilles de INA CESAIRE, Mémoire de
maîtrise, Université de Yaoundé I, 2008.
OKALA EBODE Joseph Thierry, La succession
royale chez les anciens Egyptiens et chez les Bamouns,
Mémoire de Maitrise, Université de Yaoundé I, 2004.
V- Sites internet
- htpp://www.webzinemaker- com/index-php3.
- Htpp://mythesgrec.ibelgique-com/egypte-htm.
- Htpp://feeclochette. Chez-com/ ailleurs/chacals.htm.
- Htpp://sironimo-free.fr/L
- Htpp://aesope-org/contenu/chrysoteme/public/page2.shtml.
-
Htpp://www.mediterranée-antique.info/masaspero/contes/contes_109.htm
- Htpp://www.abcburkina.net/ancien/contes/conte-gouin-htm.
- Htpp://www. rezoivoir.net/litteratures/contes/html.
- Htpp://www.monburkina.com/index-php/pdf/contes.
ANNEXES
LE CORPUS
Contes n°
|
Titre des contes
|
Sources
|
Pays d'origine
|
1
|
La légende des deux frères
|
http:// www.webzinemaker.com/philo-/ index.php3
|
Egypte
|
2
|
Le conte de Rhampsinite
|
Htt:// mythesgrec-ibelgique.com/egypte.htm
|
3
|
Le duel de Vérité et de Mensonge
|
Textes sacrés et textes profanes de l'ancienne Egypte
II,traductions et commentaires par Claire
Lalouette,connaissance de l'orient,Gallimard
|
4
|
L'amitié des deux chacals
|
http:// feeclochette.chez.com/Ailleurs/chacals.htm
|
5
|
La femme adultère
|
Textes sacrés et textes profanes de l'ancienne Egypte
II,traductions et commentaires par Claire Lalouette,connaissance
de l'orient,Gallimard
|
6
|
La boucle de la rameuse
|
Textes sacrés et textes profanes de l'ancienne Egypte
II, mythes, contes et poesies traductions et commentaires par
Claire Lalouette,et préface de Pierre Grimal p.175-177
|
7
|
Le pharaon et le tisserand
|
Htt:// aesope.org/contenu/chrisoteme/public/page2.shtml
|
8
|
Le prince prédestiné
|
http://www.méditerannée-antique.info/maspero/contes-109.htm
|
9
|
Le prince
|
http://www.abcburkina.net/ancien/contes-gouin-14.htm
|
Burkina
Faso
|
10
|
Le cultivateur, sa femme et les génies
|
o.p cit
|
11
|
Les coépouses
|
o.p cit
|
12
|
La jeune fille et le lion
|
o.p cit
|
13
|
Le lièvre et l'hyène
|
o.p cit
|
14
|
L'ingratitude
|
o.p cit
|
15
|
La femme de Mésha'atsang
|
DONG AROGA, Joseph, Au clair de lune : les
contes du cameroun, P.U.Y,2001,p.p 124-128.
|
Cameroun
|
16
|
Le fils de Nkan
|
o.p cit, p.p 15-19.
|
17
|
Les épouses de Kalak
|
o.p cit,p.p 114-116.
|
18
|
Mesùt-le-lièvre épouse la fille du roi
|
MATATEYOU, Emmanuel, Les merveilleux récits de
titaki P.U.Y,2001,p.p 7-15.
|
19
|
Mesùt-le-lièvre sauve un chasseur
|
Op cit, p.p 16-23.
|
20
|
La destitution de Memvù-le-chien
|
Op cit, p.p 30-32.
|
21
|
La dette de Kimanga-la-tortue
|
Op cit, p.p 42-47.
|
22
|
L'origine du divorce
|
http:// www.rezoivoire.net/Litteratures/contes/6/
|
Cote-d'Ivoire
|
23
|
Et le ciel recula
|
Op cit
|
24
|
Pourquoi y'a-t-il tant d'idiots de par le monde ?
|
Op cit
|
25
|
Le roi qui voulait marier sa fille
|
Op cit
|
26
|
Les trois antilopes
|
Op cit
|
27
|
Comment le tambour est arrivé sur la terre
|
Op cit
|
Ethiopie
|
28
|
Le prince de la pluie
|
htTP:// feeclochette.chez.com/ailleurs/pluie.htm
|
29
|
Les trois soeurs et Itrimoubé
|
Op cit
|
Madagascar
|
30
|
L'histoire de Raboutity
|
Op cit
|
Conte n° 1 : La légende des deux
frères
Il y avait, dit-on, deux frères nés d'une seule
mère et d'un seul père. Anoup (Anoupou = Anubis) était le
nom de l'aîné, tandis que Bata (Baîti / Bêti / Bouti)
était le nom du plus jeune. Anoup avait une maison, ainsi qu'une femme,
tandis que son frère cadet vivait avec lui comme s'il eût
été son fils ; c'est lui, le cadet, qui fabriquait les
vêtements et qui menait le bétail aux champs, lui qui moissonnait
et qui labourait, lui qui faisait tout le travail qu'il fallait accomplir aux
champs. Car son frère cadet était un bel enfant viril et il
n'existait pas son pareil dans le pays tout entier : la force d'un dieu
était en lui.
Et tous les jours il revenait des champs, marchant
derrière ses vaches, chargé d'un lourd fardeau d'herbes
coupée, comme on fait au retour des champs pour la nourriture des
bêtes pendant la nuit. Il déposait ce faix devant son
frère, qui était assis avec sa femme, puis il allait dans son
étable, avec las vaches, boire, manger et dormir. Et quand la terre
s'éclairait et qu'un autre jour était venu, il faisait cuire les
pains et les déposait devant son aîné. Et celui-ci lui
donnait sa part de pain pour aller aux champs. Il emmenait alors les vaches au
pâturage, les poussant devant lui. Et tandis qu'il allait derrière
les vaches, elles lui disaient "Elle est bonne, l'herbe en tel endroit." Il
écouatit ce qu'elles disaient, il les menait au bon herbage qu'elles
souhaitaient. Et alors les vaches qui étaient avec lui devenaient
belles, et bien grasses, et elles avaient de petits veaux.
Et une fois, à la saison du labourage, son frère
aîné lui dit : "Prépare notre attelage pour nous mettre
à labourer. Toi, va-t'en aux champs porter les semences et nous nous
mettrons à labourer demain matin."
Ainsi parla-t-il et le cadet fit toutes les choses que son
grand frère lui avait recommandées. Lorsque la terre
s'éclaira et qu'un autre jour fut, ils allèrent aux champs avec
leur attelage pour labourer et ils n'abandonnèrent pas leur tâche
de toute la journée, et le travail &?rendit leur coeur joyeux.
Et après bien des jours ainsi employés, ils
étaient encore aux champs en train de manier la houe ; le grand
frère appela son frère cadet en lui disant : "Cours au village et
apporte-nous les semences. !"
Le cadet retourna à la maison ; il y trouva la femme de
son frère en train de se faire coiffer ; on refaisait les innombrables
petites nattes sérrées, qu'il fallait plusieurs heures pour
arranger sur sa tête, et qu'elle gardait ensuite pendant longtemps.
Le cadet lui dit : "Debout ! Donne moi les semences, que je
les rapporte aux champs en courant, car mon frère aîné m'a
dit en m'envoyant : point de paresse ! "
Sans se déranger, la femme lui dit : "Va, ouvre la
huche de terre battue et emporte ce qu'il te plaire, mais je ne veux pas
interrompre ma coiffure pour te servir." Le garçon pénétra
dans l'étable, choisit une énorme jarre (car son intention
était de prendre beaucoup de grains), la remplit de blé et d'orge
et sortit, ployant sous le faix. Elle lui dit : "Ton épaule est bien
chargée. Quelle quantité as-tu prise ?" Il répondit :
"Orge : trois mesure ; froment : deux mesures. Total : cinq. Voilà ce
que supporte mon épaule (=276 kg)." Elle reprit : "Tu as bien du
courage, chaque jour je constate que tu deviens de plus en plus fort." Elle le
regardait en l'admirant. Soudain, elle se leva et lui dit : "Tu es plus fort
que ton frère aîné. J'aurais dû t'épouser
!"
Le garçon, enragé comme un guépard du midi parce
qu'elle avait l'air de critiquer son mari, se fâcha contre elle, l'accusa
de tenir de vilains propos et elle eut peur, et la voilà qui se mit
à chercher un moyen de se débarrasser de lui.
Il rechargea son fardeau et s'en alla aux champs. Quand il eut
rejoint son grand frère, ils se remirent au travail.
Sur le moment du soir, tandis que l'aîné
retournait à la maison, le frère cadet raccompagnait les bestiaux
à l'étable et rapportait les outils. Comme la femme avait peur
à cause des propos qu'elle avait tenus, elle prit de la graisse, un
chiffon et imita sur sa prope peau les meurtrissures qu'on porte après
avoir été roué de coups par un malfaiteur. En arrivant
à la maison, selon son habitude de chaque jour, le mari trouva sa femme
gisante et dolente ; elle ne lui versa point de l'eau sur les mains selon son
habitude de chaque jour ; elle ne fit pas la lumière devant lui, mais la
maison était sombre et elle gisait, toute souillée.
Son mari lui dit : "Qu'est-il donc arrivé ?" et
voilà qu'elle lui dit : "C'est ton frère cadet. Lorsqu'il est
venu prendre les semences pour toi, me trouvant assise toute seule, il s'est
mis à dire du mal de toi, et à dire que j'aurais dû
l'épouser, lui ! et moi je ne l'écoutai point. je lui dit : "Ton
grand frère n'est-il pas pour toi comme un père ?" Il eut peur,
il me roua de coups pour que je ne te fasse point de rapport. Si tu permets
qu'il vive, je me tuerai ; car si, en revenant le soir, il apprend que je me
suis plainte de ses vilaines paroles, qu'est ce qu'il fera ?"
Le grand frère se monta comme un guépard du midi
(= "en colère"), il affila son couteau et le prit bien en main. Il se
tint derrière la porte de son étable pour tuer son frère
cadet, lorsque celui-ci ferait rentrer ses bêtes dans l'étable. Et
quand, le soleil couché, le frère cadet arriva selon son habitude
de chaque jour, son fardeau d'herbes sur le dos, poussant les vaches devant
lui, la vache de tête, dès son entrée, dit à son
gardien : "Voici ton grand frère qui te guette, derrière la
porte, avec son couetau, pour te tuer. Sauve-toi ! " Il entendit ce qu'elle
disait et la seconde, entrant à son tour, répéta la
même chose : "Attention ! Ton frère est derrière la porte,
qui attend pour te tuer avec son couteau !" Il se baissa et ragarde par-dessous
la porte de l'étable ; il aperçut les pieds de son frère
aîné qui se tenait derrière, son couteau à la main.
Il posa là son fardeau d'herbes et se mit à courrir de toutes ses
jambes, et son frère partit à sa poursuite, le couteau à
la main.
Le frère cadet invoqua Râ-Harakhty, le soleil,
disant : "Mon bon maître, c'est toi qui fait la différence entre
le juste et l'injuste !" Et Râ-Harakhty entendit sa plainte, et il fit
apparaître une eau immense entre lui et son grand frère, une eau
pleine de crocodiles ; l'un se trouvait d'un côté, l'autre de
l'autre. Le grand frère par deux fois lança sa main pour le
frapper, mais il ne put l'atteindre. De l'autre rive, le cadet le héla
et lui dit : "Reste là jusqu'à ce que la terre s'éclaire.
Quand le disque solaire s'élévera, je plaiderai avec toi devant
lui afin de rétablir la vérité, mais je ne serai plus avec
toi, jamais, je ne serai plus dans les lieux où tu seras, j'irai au val
de l'Accacia, sur les côtes du Liban ! "
Quand la terre s'éclaira et qu'un second jour fut,
Râ Harakhty (le aoleil) s'étant levé, chacun d'eut apercut
l'autre. Le garçon adresse la parole à son grand frère,
lui disant : "Pourquoi viens tu derrière moi pour me tuer en
traître, sans avoir entendu ce que ma bouche avait à dire ? Je
suis ton frère et tu es comme mon père, n'est-il pas vrai ? Or,
quand tu m'as envoyé chercher les semences, ta femme m'a dit : "Tu es
plus fort que ton frère aîné." Je n'ai pas répondu
et cela a été pervéti pour toi en autre chose" Et il jura
par Râ-Harakhty, diasnt : "Dire que tu es capable de te cacher, ton
poignard à la main, pour me tuer en traître. Quelle trahison !
quelle infâmie !" Il prit une serpe à couper les roseaux, s'en
donna un grand coup qui le blessa, puis s'affaissa et s'évanouit. le
grand frère maudit son prope coeur, et il resta là à
pleurer ; il s'élanca, mais il ne put passer sur la rive où
était son frère cadet, à cause des
crocodiles.
Alors le frère cadet le héla et lui dit :
"Ainsi tandis qu'on m'accusait d'avoir dit une mauvaise parole, tu n'as
pensé à aucune des choses que j'ai faites pour toi ! Ah ! Va t'en
à la maison, soigne toi-même tes bêtes, car je ne
demeurerais plus à l'endroit où tu es, j'irai au Val de l'Acacia.
Et voici ce qui arrivera. J'arracherai mon coeur par magie et je le placerai
sur le sommet de la fleur de l'accacia. Et lorsqu'on coupera l'accacia et que
mon coeur sera tombé à terre, tu viendras le chercher. Quand il
te faudra passer sept années à le chercher, ne te rebute pas ;
mais une fois que tu l'aura trouvé, mets-le dans un vase d'eau
fraîche et je vivrai de nouveau pour rendre le mal qu'on m'aura fait. Or
si la bière contenue dans la cruche qu'on met dans ta main jette de
l'écume, ou si le vin se trouble lorsqu'on te donnera une cruche de vin,
tu sauras qu'il m'arrive quelque chose. ne tarde pas à te mettre en
route tout de suite après, parce que j'aurai besoin de toi."
Et il s'en alla au Val de l'Accacia.
Et son grand frère s'en retourna à la maison, la
main sur la tête, le front souillé de poussière en signe de
deuil. Arrivé à la maison, il tua sa femme, la jeta aux chiens et
demeura en deuil de son frère cadet.
Longtemps, beaucoup de jours après, le frère
cadet vécut au Val de l'Acacia. Devenu " un corps sans âme ", il
passait la journée à chasser les bêtes du désert et
la nuit il dormait sous l'acacia au sommet de la fleur duquel était
placé son coeur. Et il construisit de sa main, dans le Val de l'Acacia,
une ferme bien aménagée pour avoir un toit sous sa tête et
une maison où habiter.
Un jour, comme il sortait de sa maison, il
rencontra l'Enneade, les neuf dieux qui s'en allaient régler les
affaires de l'Egypte. Les neuf dieux parlèrent tous ensemble pour dire :
"Oh, Bata, n'es tu pas seul ici pour avoir quitté ton pays à
cause de la femme d'Anoup, ton grand frère ? Voici : il a tué sa
femme et tu es vengé."Leur coeur souffrit pour lui en le voyant vivre
solitaire, et Râ-Harakhty dit à Khnoum, le modeleur de corps
d'enfants : "Oh ! Fabrique une femme à Bata, afin qu'il ne reste pas
seul."
Khnoum lui modela, pour demeurer avec lui, une compagne, la
plus belle de toutes les femmes sur la terre-Entière. Les septs
hâthors vinrent la voir et prédirent d'une seule bouche : "Elle
mourra par le glaive." Bata l'aimait, l'aimait beaucoup. Elle restait dans sa
maison, tandis que, tout le jour, il chassait les bêtes du désert
pour les déposer à ses pieds. Il lui dit : "Ne vas pas dehors, de
peur que le Nil ne te saisisse, tu n'échapperais pas, car tu n'es qu'une
femme. Quant à moi, mon coeur est posé au sommet de la fleur de
l'acacia et si un autre le trouve, il me faudra me battre avec lui." Et il lui
confia donc tout ce qui concernait son coeur.
Et après beaucoup
de jours encore, Baté étant allé à la chasse selon
son habitude de chaque jour, comme la femme était sortie pour se
promener sous l'acacia qui ombrageait sa maison, voici : elle aperçut le
Nil envoyer ses vagues vers elle ; elle se mit à courir et se
réfugia dans sa maison. Le fleuve cria : "Que je m'empare d'elle !" et
l'acacia livra une tresse de ses cheveux.
Cette tresse, le Nil l'emporta
jusqu'en Egypte ; il la déposa au lavoir des blanchisseurs du Pharaon et
l'on gronda les blanchisseurs, disant : "Il y a une odeur de pommade dans le
linge de Pharaon." Et de jour en jour on les réprimanda de plus belle,
et ils ne savaient plus ce qu'ils faisaient, jusqu'à ce qu'enfin le chef
des blanchisseurs de Pharaon vînt au lavoir, car son coeur était
dégoûté des reproches qu'on lui faisait chaque jour. Il
s'arrêta, il se tint devant le lavoir juste en face de la boucle de
cheveux qui flottait dans l'eau. Il fit descendre quelqu'un et on la lui
apporta. Trouvant qu'elle sentait bon, il la porta au Pharaon. On alla chercher
les scribes sorciers du Pharaons et ils dirent au maître :"Cette boucle
de cheveux appartient à une fille de Harakhty qui est d'essence divine.
Puisque c'est un hommage qui te vient d'une terre étrangère,
envoie des messagers vers toutes les terres étrangères pour
chercher cette créature, et envoie beaucoup d'hommes avec le messager
qui ira au Val de l'Acacia pour la ramener." Et Sa Majesté
déclara : "c'est parfais, parfais.", et on fit partir les massagers.
Et après beaucoup de jours encore, les hommes q&?ui
étaient allées vers la Terre-Etrangère vinrent faire leur
rapport à Sa Majesté ; seuls ne revinrent pas ceux qui
étaient allés au Val de l'Acacia : Bata les avaient tués ;
il n'en avait épargné qu'un pour venir faire son rapport à
Sa Majesté. Sa Majesté fit alors partir beaucoup d'hommes et
d'archers, et même des gens avec des chers de guerre pour ramener la
créature, et il y avait même une femme pour lui tenir companie et
l'aider à se parer. Ils la ramenèrent en Egypte et on se
réjouit de la voir dans la Terre-Entière. Sa Majesté
l'aima beaucoup, beaucoup, et elle devint sa grande Favorite. On la fit parler
de son mari et elle dit à Sa Majesté : "Qu'on coupe l'acacia et
mon mari sera détruit !" On envoya des hommes et des archers avec leurs
outils pour abattre l'acacia ; ils coupèrent la fleur sur laquelle
était le coeur de Bata, et il tomba mort en cette heure
malencontreuse.
Quand le second jour éclaira la terre
après que l'acacia eut été coupé, Anoup, le grand
frère de Bata, entra dans sa maison et s'assit après avoir
lavé ses mains ; on lui servit une cruche de bière et
voilà que la bière jeta de l'écume ; on lui en donna une
autre de vin et voilà que le vin se troubla et devint lie. Il saisit ses
sandales, son bêton, ses vêtements et ses armes et se mit en marche
vers le Val de l'Acacia. Il entra dans la maison de son frère cadet et
il trouva son frère étendu mort sur le cadre de son lit. Il s'en
alla aussitôt pour chercher le coeur de son frère sous l'acacia
à l'abri duquel le frère couchait le soir ; il chercha, il
chercha trois années, se consumant à chercher sans rien trouver.
Il entamait la quatrième année lorsque, obéissant au
désir de son coeur de retourner en Egypte, il se dit : "Je partirai
demain." Et quand un nouveau jour éclaira la terre, il alla sous
l'acacia et passa la journée à chercher encore. Au soir, au
moment de rentrer, comme il cherchit encore du regard autour de lui, il trouva
une graine qu'il emporta. Et voici, c'était le coeur de son frère
cadet. Il apporta une tasse&? d'eau fraîche, y jeta la graine et
s'assit selon son habitude de chaque jour. Et lorsque la nuit vint, le coeur
ayant absorbé l'eau, Bata tressaillit de tous ses membres et se mit
à regarder fixement son grand frère. Anoup saisit la tasse d'eau
fraiche où était le coeur de son frère cadet ; celui ci
but; et son coeur fut remis en place et bata redevint comme autrefois.
Chacun d'eux embrassa l'autre et il parlèrent ensemble
comme deux compagnons, puis bata dit à son frère
aîné : "Voici, je vais devenir un grand taureau, un taureau
sacré Apis : poil noir, tache blanche en triangle sur le front, un
vautour aux ailes déployées sur le dos, l'image d'un
scarabée sur la langue et tous les poils de la queue doubles. Toi, tu
t'assiéras sur mon dos, quand le soleil se lévera, et lorsque
nous serons au lieu où est ma femme, je prendrai ma revanche. Toi,
conduis moi à l'endroit sacré et on te fera bonne chère,
on te chargera d'argent et d'or pour m'avoir amené au Pharaon, car je
serai un grand miracle et on se réjouira dans la Terre-Entière,
et puis tu t'en iras chez toi."
Et quand le jour suivant éclaira la terre, bata se
changea en la forme d'un taureau, comme il l'avait dit. A l'aube, Anoup son
grand frère, s'assit sur son dos, et il arriva à l'endroit
désigné. On fit connaître le taureau à Sa
Majesté, elle l'examina, elle reconnut tous les signes ; elle eut de la
joie, beaucoup, beaucoup, elle lui fit une grande fête, disant : "C'est
un miracle qui se produit !" et on se réjouit à cause de lui dans
la Terre-Entière. Le grand frère fut chargé d'or et
d'argent et alla s'établir dans son village. Quant au taureau, il fut
installé avec beaucoup de serviteurs et beaucoup de biens, car le
Pharaon l'aimait beaucoup, beaucoup.
Et bien des jours après cela, le taureau en se
promenant entra au harem et s'arrêta devant la favorite, et se mit
à lui parler, disant : "Vois, moi, je vis tout de même." Elle dit
: "Toi, qui es tu donc ?" "Moi, dit-il, je suis Bata. Tu savais bien, quand tu
as dit&à Pharaon de faire abattre l'acacia, que c'était me
mettre à mal et m'empêcher de vivre, mais moi, je vis tout de
même, je suis taureau." Il sortit du harem et la favorite du Pharaon eut
peur de ce que lui avait dit son mari.
Sa Majesté, étant
venue passer un jour heureux avec elle, l'admit à sa table et fut bon
pour elle et plein d'attentions polies. Elle dit à sa Majesté :
"Jure moi par Amon Râ et dis : Ce que tu demanderas, je te l'accorderai."
Il consentit et elle parla ainsi : "qu'il me soit donné de manger le
foie de ce taureau." On s'affligea beaucoup de ce qu'elle disait, et la cour de
Pharaon en fut malade, parce que le taureau était sacré. Mais
quand le jour suivant éclaira la terre, on proclama une grande
fête d'offrandes et de sacrifices en l'honneur du taureau et l'on envoya
l'un des bouchers en chef de sa Majesté pour égorger le
taureau.
Or, après que le boucher l'eut égorgé,
tandis qu'il pesait sur les épaules des gens qui l'emportaient, il
laissa tomber deux gouttes de sang près du double perron de sa
Majesté. l'une tomba d'un côté de la grande porte de
Pharaon, l'autre en face, et il en sortit deux grands perséas, chacun de
toute beauté, ces beaux arbres à fruit merveilleux, dont le
proverbe dit : "Une bouchée de perséa réconforte le
coeur."
Vite, on alla dire à sa Majesté : "Il y a un
grand prodige pour sa Majesté : deux grand perséas ont
poussé auprés de la grande porte du palais royal." Et on se
réjouit à cause d'eux dans la terre-Entière et on leur fit
des offrandes comme à des arbres sacrés.
Et beaucoup de jours après, Sa Majesté se para
du diadème de lapis-lazuli, suspendit à son cou des guirlandes de
toutes sortes de fleurs et monta sur son char vermeil pour sortir du palais et
voir les perséas merveilleux.
La favorite sortit sur son char à deux chevaux,
à la suite du Pharaon. Sa majesté s'assit sous l'un des
perséas et la favorite sous l'autre, en face. Quand elle fut assise, le
perséa parla à sa femme : "Ah, perfide ! Je suis Bata et je vis,
maltraité par toi. Tu savais bien que faire couper l'acacia par Pharaon,
c'était me mettre à mal ; tu savais bien que faire égorger
le taureau, c'était me tuer."
Et après beaucoup de jours encore, comme la favorite
était assise à la table de Sa Majesté, et que Sa
Majesté était bien disposé envers elle, elle dit à
Sa Majesté : "Prête moi serment par Amon-Râ, disant : Ce que
tu demanderas, je te le donnerai. Parle !" Il accorda ce qu'elle voulait. Elle
dit : "Fais abattre ces deux perséas et qu'on m'en fabrique de beaux
coffres ! " Ce fut entendu et Sa Majesté envoya des charpentiers habiles
qui coupèrent les perséas de Pharaon tandis que la favorite se
tenait là, à regarder faire. Et voilàa que tout à
coup, un copeau s'envola et entra dans la bouche de la favorite. Les
charpentiers fabriquèrent les coffres et on fit tout ce qu'elle
voulut.
Et beaucoup de jours après, elle mit au monde un enfant
mâle et on alla dire à Sa Majesté : "Il t'est né un
fils !" On l'apporta, on lui donna des nourrices et des remueuses, et des
berceuses. On se réjouit dans la Terre-Entière. Vous devinez que
ce fils n'était autre que Bata.
On fit un jour de fête en
son honneur. Sa Majesté l'aima beaucoup, beaucoup, sur l'heure, et on le
salua fils royal, prince de Kaoushou, et plus tard Sa Majesté le fit
prince héritier de la Terre-Entière.
Et après
beaucoup d'années, Sa majesté s'envola vers le ciel. Le nouveau
Pharaon dit : "Qu'on m'amène les grands officiers de Sa majesté,
que je leur fasse connaître mon histoire." On lui amena son ancienne
femme, il la jugea devant eux et les conseillers de la cour approuvèrent
son jugement ; on lui amena son grand frère et il le fils prince
héritier de la terre-Entière. Bata fut vingt ans roi d'Egypte,
puis il quitta la vie et son grand frère occupa sa place le jour de ses
funérailles.Conte n°2 : le conte de
Rhampsinite
Le roi Rhampsinite possédait un trésor
considérable, si grand que, parmi ses successeurs, non seulement pas un
ne l'a dépassé, mais aucun n'a pu accumuler, de bien loin, autant
de richesses. Soucieux de mettre ce trésor à l'abri des voleurs
et pour le tenir en sûreté, il fit bâtir un caveau en pierre
de taille, situé sur le côté du palais et de telle
façon qu'une des murailles se trouvait en bordure et accessible du
dehors. Le maçon qui construisit le caveau s'arrangea pour placer dans
ce mur une pierre bien taillée et bien ajustée, si adroitement
que deux hommes ordinaires, ou même un seul d'une force au-dessus de la
moyenne, pouvaient, sans trop d'effort, la saisir, la tirer et l'ôter de
sa place. Lorsque le caveau fut achevé, le roi y fit entasser toutes les
richesses de son trésor, satisfait de le croire bien en
sécurité. A quelque temps de là, le maçon, sentant
approcher la fin de sa vie, fit appeler ses enfants, qui étaient deux
fils, et leur révéla comment il avait pourvu à leur avenir
en usant d'artifice, et comment le caveau du roi avait été
construit de manière à leur permettre de vivre dans
l'abondance.
Et après leur avoir clairement expliqué le moyen
d'ôter la pierre, et de la remettre ensuite en place, après leur
avoir bien recommandé de prendre certaines précautions, qui
feraient d'eux en secret les grands trésoriers du roi, il passa de sa
vie à trépas. Les enfants, bien entendu, ne tardèrent
guère à se mettre en besogne. Ils allèrent de nuit
rôder autour du palais du roi, reconnurent aisément la pierre,
l'ôtèrent de sa place et emportèrent une bonne somme
d'argent. Mais le sort voulut que le roi vint inspecter son caveau ; il fut
tout étonné de constater que le niveau de l'or dans ses coffres
avait fortement baissé. Il ne savait qui accuser ni qui
soupçonner, le sceau apposé par lui-même sur la porte
était intact et bien entier, le caveau exactement clos et fermé.
Après y être retourné deux ou trois fois, il constata que
le contenu des coffres ne cessait pas de diminuer. Alors, pour empêcher
les larrons d'agir si librement et de retourner tranquillement chez eux
ensuite, il fit fabriquer des pièges et les fit installer auprès
des coffres qui contenaient son trésor.
Les voleurs arrivèrent une belle nuit selon leur
coutume et l'un deux se glissa dans le caveau ; mais soudain, comme il
approchait d'un coffre, il se trouva pris au piège. Se rendant bien
compte du danger où il était, il appela vite son frère,
lui montra sa piteuse situation et lui conseilla d'entrer dans le caveau pour
lui trancher la tête, afin qu'il devint impossible de le
reconnaître et que son frère ne fût pas compromis et perdu
avec lui. Le frère pensa que le conseil était sage, et il
l'exécuta sur-le-champ. Puis il remit la pierre en place et s'en
retourna chez lui, en emportant la tête. Quand le jour reparut, le roi
entra dans son caveau
Le voilà fort effrayé de voir le corps du larron
pris au piège et sans tête, sans qu'il y eût nulle part
trace d'entrée ni de sortie. Ne sachant comment se tirer de pareille
aventure, le roi imagina de faire pendre le corps du mort sur la muraille de la
ville, de la faire surveiller et de charger les gardes d'arrêter et de
lui amener toute personne, homme ou femme, qu'ils verraient pleurer
auprès du pendu ou s'apitoyer sur le sort du mort sans tête.
Lorsqu'elle vit le corps qui était ainsi
troussé, haut et court, la mère, en proie à une grande
douleur, ordonna à son fils, le survivant, d'avoir à lui apporter
le corps de son frère. Elle le menaça, s'il se refusait à
obéir, d'aller trouver le roi et de lui révéler qui
pillait son trésor. Le fils, qui connaissait sa mère et qui
savait qu'elle prenait les choses à coeur, et que rien ne la ferait
changer, quelque remontrance qu'il lui fît, réfléchit et
finit par inventer une ruse. Il fit mettre le bât (selle rudimentaire de
bête de somme) sur certains ânes qu'il se procura, les chargea
d'outres en peau de chèvre, pleines de vin, puis les chassa devant lui.
Arrivé auprès des gardes, c'est-à-dire à l'endroit
où était le pendu, il délia deux ou trois de ces outres en
peau de chèvre, et devant le vin qui coulait à terre, se mit
à pousser de grandes exclamations, à se donner de grands coups
sur la tête, et à avoir l'air bien empêtré d'un homme
qui ne sait par quel bout commencer pour réparer le désastre, ni
vers lequel de ses ânes il doit se tourner en premier.
Les gardes, voyant se répandre à terre cette
grande quantité de vin, coururent au secours, se disant que recueillir
ce vin perdu serait pour eux autant de gagné. Le marchand,
derrière les ânes, se mit à leur dire des injures et fit
semblant d'être fort en colère. Les gardes furent donc bien polis
avec lui, et complaisant ; peu à peu, il s'apaisa et modéra sa
colère, et à la fin il détourna ses ânes du chemin
pour rafistoler et recharger. La conversation continua de part et d'autre ; de
petits propos en petits propos, un des gardes jeta au marchand une bonne
plaisanterie dont celui-ci ne fit que rire et même, il finit par leur
adjuger une outre de vin. Ils ne tardèrent pas à s'asseoir
là et à se mettre à boire, et le marchand leur tint
compagnie, et vu leur bonne volonté et leur soif, il leur donna encore
le reste de son chargement, et ils burent le contenu de toutes les outres de
peau de chèvre, pleines de vin. Quand ils eurent tout bu, ils
étaient tous ivres-morts, le sommeil les prit et ils s'endormirent sur
place, sans pouvoir bouger.
Le marchand attendit, jusque bien avant dans la nuit, puis
alla dépendre le corps de son frère et, se moquant des gardes
à son tour, il leur rasa à tous la barbe de la joue droite. Puis,
il chargea le corps de son frère sur les ânes, les poussa du
côté du logis, et rentra, ayant obéi aux ordres de sa
mère. Le lendemain, lorsque le roi fut averti de ce qui s'était
passé et qu'il sut comment le corps du larron avait été
habilement dérobé, il fut grandement vexé. Voulant
à tout prix retrouver celui qui l'avait si finement joué, il
chargea une des princesses, sa fille, réputée pour son esprit
malin, de rechercher le coupable. Il fut entendu qu'elle attirerait les
passants au palais pour bavarder avec eux et qu'elle s'arrangerait pour leur
faire dire, en les poussant à se vanter, ce que chacun d'eux avait fait
en sa vie de plus prudent et de plus méchant ; et si l'un d'eux
racontait le tour du larron, vite, elle devait le saisir et ne pas le laisser
partir. Le princesse obéit, mais le larron, entendant raconter tout
ça, voulut encore jouer au plus fin avec le roi.
Et qu'est-ce qu'il inventa? Il coupa le bras d'un mort
récent, et le cachant sous sa robe, il s'achemina vers le palais. Il
rendit visite à la princesse et les voilà en grande conversation.
Bien entendu, elle lui posa la même question qu'aux autres :" Contez-moi
donc ce que vous avez fait dans votre vie, de plus malin et de plus
méchant?" Il lui conta donc comment son crime le plus énorme
avait été de trancher la tête de son frère pris au
piège dans le caveau du roi, et que son action la plus malicieuse avait
été d'enivrer les gardes afin de pouvoir dépendre le corps
de son frère. La princesse, dès qu'elle eut compris à qui
elle avait affaire, tendit la main. Mais le larron lui laissa prendre le bras
du mort qu'il avait tenu caché, et tandis qu'elle l'empoignait ferme, il
fila. Elle se trouva trompée, car il eut le loisir de sortir et de
s'enfuir bien vite.
Quand la chose fut rapportée au roi, il
s'étonna, émerveillé de l'astuce et de la hardiesse de cet
homme. Il ordonna qu'on fît publier par toutes les villes de son royaume
qu'il pardonnait à ce personnage, et que s'il voulait venir se
présenter à lui, il lui donnerait de grands biens. Le larron eut
confiance en la publication faite au nom du roi et il s'en vint vers lui se
déclarer. Quand le roi le vit, il le jugea un oiseau rare, et il lui
donna sa fille en mariage comme au plus malin des hommes. N'avait-il pas, en
effet, donné la preuve de la malice des Egyptiens qui en remontrent
à toutes les nations
Conte n° 3 Le duel de Vérité et
Mensonge.
Mensonge réclame à son frère
Vérité un couteau merveilleux qu'il lui a prêté ;
Vérité ayant égaré celui-ci, Mensonge veut se faire
rendre justice par le tribunal de la divine Ennéade.... Mensonge dit
à l'Ennéade des dieux : Que l'on amène ici
Vérité, et que ses yeux soient rendus aveugles et qu'il devienne
désormais le portier de ma maison .L'Ennéade agit
conformément à tout ce qu'il avait dit. De nombreux jours,
après cela, Mensonge ayant levé les yeux pour regarder constata
les qualités de Vérité son frère. Alors, il dit
à deux des serviteurs de Vérité : Saisissez-vous de votre
maître, et qu'il soit jeté à un lion féroce et des
lionnes nombreuses...Ils le saisirent donc, mais tandis qu'ils le soulevaient,
Vérité leur dit : Non, ne me saisissez pas... trouvez une autre
à ma place...Il semble que la substitution ait pu avoir lieu ; le texte
est très endommagé. Après que de nombreux jours encore se
furent écoulés, une femme sortit de sa maison avec des servantes
; celles-ci aperçurent Vérité, étendu au pied de la
colline ; rien n'était comparable à sa beauté dans le pays
tout entier. Elles se rendirent alors au lieu où se tenait la femme, lui
disant : Viens donc avec nous afin de voir un aveugle qui a été
déposé au pied de la colline ; qu'on l'amène et qu'il
devienne le portier de notre maison. La femme dit alors :Qu'on aille donc le
chercher afin que je le voie. Une servante partit et le ramena. Lorsque la
femme le regarda, elle ressentit très vivement le désir de lui,
car elle avait remarqué qu'il était beau dans tout son corps.
Durant la nuit, il coucha avec elle, et il la connu comme un homme viril peut
connaître une femme ; et cette nuit même elle conçut un
petit garçon. Après de nombreux jours ensuite, elle accoucha d'un
fils qui n'avait pas son semblable dans le pays tout entier ; il était
grand et il avait la façon et la forme d'un dieu. Il fut mis à
l'école ; là, il apprit à écrire, excellemment, et
il pratiqua tous les exercices virils, de telle sorte qu'il l'emportait sur ses
compagnons plus âgés, qui étaient dans l'école avec
lui. Un jour, ceux-ci lui dirent :De qui es-tu le fils ? Tu n'as pas de
père ! Ils le rendaient malheureux et le tourmentaient :Tu n'as pas de
père !Aussi l'adolescent parla à sa mère :Quel est donc le
nom de mon père ? Je voudrais le dire à mes camarades, qui me
parlent ainsi : "Où est ton père ?" Ces paroles me tourmentant.
Sa mère lui dit :Tu vois cet aveugle assis près de la porte :
c'est ton père. Elle dit cela en s'adressant à lui. Alors il
s'exclama :Il faudrait commander la réunion des membres de ta famille,
et que l'on appelât aussi un crocodile. L'adolescent alla chercher son
père, le fit asseoir sur une chaise, mit un tabouret sous ses pieds ; il
plaça devant lui des pains, afin qu'il pût manger, et fit en sorte
aussi qu'il se désaltérât. Puis il parla ainsi à son
père : Quel est celui qui t'a rendu aveugle, afin que moi je lui fasse
réponse? Son père lui répondit :C'est mon frère qui
m'a aveuglé.et il conta à son fils tout ce qui était
arrivé ; celui-ci partit alors pour venger son père. Il emporta
dix pains, un bâton, une paire de sandales, une outre et une
épée ; il emmena aussi un boeuf de belle apparence. Il se mit en
route vers le lieu où se trouvait le gardien du troupeau de Mensonge, et
dit au berger : Prends pour toi ces dix pains, avec ce bâton, cette
outre, cette épée et cette paire de sandales, et tu garderas pour
moi ce boeuf jusqu'à ce que je sois de retour de la ville. Après
de nombreux jours encore, le boeuf du fils de Vérité ayant
passé plusieurs mois avec le berger de Mensonge, celui-ci s'en vint aux
champs pour inspecter son troupeau de boeufs. Il aperçut le boeuf
laissé par l'adolescent, un boeuf très, très beau
d'apparence, et dit à son berger :Que l'on me donne ce boeuf afin que je
le mange !Mais le berger lui dit :Il n'est pas à moi, je ne saurai donc
te le donner. Alors Mensonge lui dit : Vois, tous mes boeufs, ils sont tous en
ta possession, donne l'un d'eux au propriétaire de celui-là. Le
jeune homme entendit dire que Mensonge s'était emparé de son
boeuf. Il vint aussitôt à l'endroit où se tenait le berger
et lui dit :Où est mon boeuf ? Je ne le vois plus au milieu des tiens.
Le berger répondit :Tous les boeufs, tous sont pour toi ; emmène
celui que tu désires. Le jeune homme dit :Existe-t-il un boeuf aussi
grand que le mien? Quand il se tenait debout dans l'île d'Amon, la touffe
de sa queue reposait parmi les papyrus, tandis que l'une de ses cornes
était sur la colline de l'Occident, l'autre sur la colline de l'Orient,
le Nil en sa crue étant la place de son repos, et soixante veaux
étaient mis au monde pour lui quotidiennement. Le berger lui dit :Est-il
un boeuf aussi grand que celui dont tu parles? Alors le jeune homme se saisit
de lui et il l'entraîna jusqu'au lieu où résidait Mensonge,
et il traîna celui-ci jusqu'au tribunal, en présence de
l'Ennéade divine. Les dieux dirent au jeune homme :Ce ne peut être
vrai. Nous n'avons jamais vu un boeuf aussi grand que celui dont tu parles.
L'adolescent répondit :Mais existe-t-il un couteau de la taille de celui
qui fut en question? Un couteau dont la colline d'Iar constituerait la lame,
les arbres de Coptos le manche, la tombe du dieu en serait la gaine, et les
troupeaux de Karoy la ceinture. Il dit encore à l'Ennéade divine
:Départagez par un jugement Vérité et Mensonge. Je suis le
Fils de Vérité et suis venu afin de le venger. Alors Mensonge fit
un serment pour le roi - puisse-t-il vivre, être prospère et en
bonne santé! - disant :Aussi vrai que dure Amon, aussi vrai que dure le
royal régent, puisse-t-on retrouver Vérité en vie! Le
jeune homme à son tour fit un serment pour le roi - puisse-t-il vivre,
être prospère et en bonne santé ! -Aussi vrai que dure
Amon, aussi vrai que dure le royal régent, puisse-t-on retrouver
Vérité en vie...!On frappera Mensonge de cent coups, et cinq
blessures lui seront infligées ; ses deux yeux seront crevés et
il sera placé en qualité de portier dans la Maison de
Vérité. Ainsi l'adolescent vengea-t-il son père et fut
résolu le litige entre Vérité et Mensonge
Conte n° 4 l'amitié des deux
chacals
Il y a fort longtemps, vivaient dans l'immensité du
désert deux chacals qui s'aimaient d'une amitié sincère,
un peu comme s'aiment deux frères. Ils s'entraidaient et chacun pouvait
compter sur l'autre en cas de coup dur. Ils partageaient les mêmes peines
mais aussi les mêmes joies. Ils ne frayaient avec aucun autre animal
préférant passer tout leur temps ensemble. Ensemble, ils
recherchaient leur nourriture. Ensemble ils buvaient et mangeaient. Ensemble
ils se rafraîchissaient à l'ombre des mêmes rares arbres du
désert lorsque le soleil les tourmentait de ses rayons trop ardents. Or
un jour, alors qu'ils étaient à la recherche de nourriture, l'un
à côté de l'autre, sur un terrain aride et
brûlé de soleil, ils virent surgissant devant eux un lion
affamé qui était lui aussi à la recherche d'une proie.
Plutôt que de fuir, les deux amis s'immobilisèrent et firent face
à l'ennemi avec opiniâtreté. Le lion fort surpris ne put
s'empêcher de leur demander : - Eh bien, pourriez-vous m'expliquer par
quel prodige vous ne vous êtes pas enfui à mon approche ?
Etes-vous inconscients ? Ne voyez-vous pas que je suis affamé et
à la recherche de nourriture ? L'un des deux chacals prit la parole et
dit :- Pour sûr, ô seigneur ! Nous sommes fort conscients de cet
état de fait. Nous avons vu que tu étais en chasse et que tu
allais te jeter sur nous et nous dévorer. Nous avons cependant
décidé de ne pas fuir. Quoi que nous fassions, aussi vite que
nous puissions courir, tu nous rattraperais. Nous avons donc
décidé de ne pas fuir. Nous préférons que tu ne
sois pas épuisé au moment où tu décideras de nous
dévorer. Nous préférons mourir rapidement et non souffrir
par une mort lente. Le lion qui avait écouté avec attention les
paroles du chacal lui dit : - Le roi des animaux n'est pas en colère
d'entendre des paroles sincères. Il sait reconnaître le courage et
l'audace de ses sujets. Il se doit d'être grand et généreux
envers ses sujets sans défense. Sur ce, le roi du désert disparut
et depuis ce jour là il accorda la paix aux chacals.
Conte n° 5 : La Femme Adultère
Alors le fils du roi, Khephren, se leva pour parler et
dit : « je vais raconter à Ta Majesté une histoire
merveilleuse qui est arrivée au temps de ton père, le roi Nebka,
juste de voix, un jour qu'il procédait vers le temple de Ptah à
Ankh-Taoui. Lorsque Sa Majesté se rendait en ce lieu, il demandait que
l'accompagnât le prêtre-lecteur en chef Oubaoner. Or la femme de
celui-ci... (Deux lignes ont disparu. Elles devaient décrire la
séduction de l'épouse d'Oubaoner par un homme vil)
Elle fit porter à cet homme un coffre rempli de
vêtements... et il s'en vint alors en compagnie de la servante. Des jours
après cela, comme il y avait un pavillon de plaisance dans le jardin d'
Oubaoner, le vilain dit à l'épouse de
celui-ci : « N'a-t-il pas un pavillon ? Allons donc y
passer un moment ». La femme parla donc à l'intendant qui
était chargé de l'entretien du jardin : « fais
préparer le pavillon de plaisance ». Puis elle s'y rendit et y
passa le jour à boire ; ...l'homme vil descendit dans
l'étang...
Après que la terre se fut de nouveau
éclairée, un second jour étant venu... (Nouveau
passage assez mutilé. On comprend que l'intendant du jardin
prévient son maître Oubaoner de ces
évènements). Celui-ci lui dit : « apporte-moi
mon coffret de bois d'ébène et d'or. Et il fabriqua un crocodile
de cire, de sept pouces de long. Il récita sur lui une formule
magique : « Quiconque viendra pour se baigner dans mon
étang, saisis-le et notamment ...cet homme vil ». Puis il le
donna au serviteur en lui disant : « après que cet homme
de peu sera descendu dans l'étang, selon sa coutume de chaque jour,
alors tu jetteras le crocodile derrière lui ». Le serviteur
s'en revint, emportant avec lui l :e crocodile de cire.
La femme d'Oubaoner dit à l'intendant chargé de
l'entretien du jardin : « Fais préparer le pavillon de
plaisance qui est près de l'étang, car je vais venir m'y
reposer ». Le pavillon fut alors pourvu de toutes sortes de belles
et bonnes choses. Ils s'y rendirent et y passèrent un jour heureux -
ceci en compagnie de l'homme vil. Lorsque la nuit fut venue, celui-ci suivit sa
coutume et descendit dans l'étang. Alors le serviteur jeta le crocodile
de cire, derrière lui, dans l'eau. L'animal devint soudain un crocodile
de sept coudées qui se saisit du vilain.
Oubaoner demeura avec la Majesté du roi de Haute et
Basse Egypte, Nebka juste de voix, pendant sept jours, tandis que le vilain
était au fond de l'étang, sans pouvoir respirer. Après ces
sept jours, le roi de Haute et Basse Egypte, Nebka, juste de voix, se mit en
route... Le prêtre-lecteur en chef, Oubaoner se plaça devant lui
et lui dit : « Que ta Majesté vienne voir une merveille
survenue en son temps ! le roi alla avec Oubaoner ; celui-ci
héla le crocodile, lui disant : « Amène
jusqu'à moi le vilain... ». Alors la Majesté du roi de
Haute et Basse Egypte, juste de voix, dit : « Assurément,
ce crocodile est terrible ». Oubaoner se baissa, saisit l'animal, qui
redevint dans sa main un crocodile de cire. Le prêtre-lecteur en chef
conta alors au roi de Haute et Basse Egypte, Nebka, juste de voix, ce qu'avait
commis cet homme vil dans sa propre maison avec sa femme, Sa Majesté dit
le crocodile : « Emporte ce qui est désormais ton
bien ! ». Et le crocodile redescendit dans le fond de
l'étang, et l'on ne sut jamais où il était allé
avec sa prise.
Puis le roi de Haute et Basse Egypte, Nebka juste de voix,
fit saisir l'épouse d'Oubaoner, qui fut conduite sur un terrain sis au
nord de la résidence royale. Il la fit brûler et ses cendres
furent jetées dans le fleuve.
Vois ceci est une histoire merveilleuse qui fut accomplie au
temps de ton père, le roi de Haute et Basse Egypte, Kheops, juste de
voix, dit : « Que l'on donne en offrande mille pains, cent
cruches de bière, un boeuf et deux mesures d'encens au roi de Haute et
Basse Egypte, Nebka, juste de voix. En même temps, que l'on donne un
pain, une cruche de bière, un morceau de viande et une mesure d'encens
au prêtre-lecteur en chef Oubaoner, car j'ai pu constater un exemple de
son savoir magique ». Et l'on agit conformément à tout
ce que Sa Majesté avait ordonné.
Alors Baouefrê se leva pour parler et dit : " Je vais
faire que Ta Majesté puisse avoir connaissance d'une autre histoire
merveilleuse, qui est arrivée au temps de ton père, le roi
Snefrou, juste de voix, et qui fut le fait du prêtre-lecteur en chef
Djadjaemankh ... quelque chose qui n'était encore jamais
arrivé...
Un jour, le roi Snefrou parcourait toutes les pièces de
son palais royal, à la recherche de quelque distraction et ne la
trouvait point. Il dit alors : " Allez et amenez jusqu'à moi le
prêtre-lecteur en chef, le rédacteur des livres sacrés,
Djadjaemankh ". Il lui fut amené sur le champ. Sa Majesté lui dit
alors : " J'ai parcouru toutes les pièces du palais royal - qu'il soit
vivant, prospère et en bonne santé ! - à la recherche de
quelque distraction, et ne l'ai point trouvée. " Djadjaemankh lui
répondit : " Que Ta Majesté procède donc vers
l'étang du Palais royal. Là, on équipera pour toi une
barque avec toutes les jolies filles qui appartiennent aux appartements
privés de ton palais. Alors le coeur de Ta Majesté ne cessera de
se divertir, tandis que tu les contempleras en train de ramer de ci, de
là. Tu pourras voir aussi le bonheur des nids que recèle ton
étang, tu verras les champs qui le bordent et ses fourrés heureux
; et ton coeur sera distrait à cause de tout cela ". - (Le roi :) " Je
vais assurément organiser une partie de bateau. Que l'on m'apporte vingt
rames faites de bois d'ébène et recouvertes d'or ; leurs
poignées seront en bois de santal, recouvert d'or fin également.
Qu'on amène aussi vingt femmes, dont le corps soit des plus beaux, que
soit belle aussi leur poitrine, et bien tressée leur chevelure, des
femmes que l'accouchement n'a point encore ouvertes ; qu'on leur donne, en
même temps, vingt résilles, après qu'elles auront
déposé leurs vêtements. " Et l'on agit conformément
à tous les ordres qu'avait prononcés Sa Majesté.
Les voilà donc qui se mettent à ramer de ci, de
là, et le coeur de Sa Majesté était heureux de les voir
ainsi. Soudain, l'une d'entre elles, qui était à l'arrière
du bateau, se mit à tresser sa natte ; et une boucle d'oreille, en forme
de poisson, faite de turquoise neuve, tomba dans l'eau ; alors la jeune fille
ne bougea plus, s'arrêtant même de ramer, et ses compagnes de rang
firent de même. Sa Majesté dit : " Pourquoi ne ramez-vous plus ? "
Elles répondirent : " C'est que notre 'commandant' s'est
arrêtée ". Sa Majesté dit alors à celle-ci : "
Pourquoi ne veux-tu plus ramer ? " Elle répondit : " Ma boucle d'oreille
faite de turquoise neuve est tombée dans l'eau... " Sa Majesté :
" Je te la remplacerai ". La jeune fille : " C'est celle-ci que j'aime et non
sa semblable ". Sa Majesté dit alors : " Que l'on amène
jusqu'à moi le prêtre-lecteur en chef Djadjaemankh " ; il lui fut
amené aussitôt. Sa Majesté lui dit : " Djadjaemankh, mon
frère, j'ai agi conformément à ce que tu m'as dit, et le
coeur de Ma Majesté s'est diverti à contempler ces rameuses. Mais
la boucle d'oreille, faite de turquoise neuve, appartenant au 'commandant', est
tombée dans l'eau ; celle-ci s'est alors arrêtée, ne
voulant plus ramer. Le trouble a gagné ses compagnes de rang. Je lui ai
dit : " Pourquoi ne veux-tu plus ramer ? " Elle m'a répondu : " C'est
que ma boucle d'oreille faite de turquoise neuve est tombée dans l'eau
". Je lui ai dit : " Rame donc. Vois, je te la remplacerai. Mais elle m'a dit
alors qu'elle préférait celle-ci à une autre semblable ".
Alors le prêtre-lecteur en chef, Djadjaemankh,
prononça les formules magiques qui étaient de sa connaissance. Il
put alors placer la moitié de l'eau de l'étang sur l'autre
moitié et il découvrit la boucle d'oreille gisant sur un fragment
de roche ; il la prit et la rendit à sa propriétaire. Quant
à l'eau de l'étang, qui mesurait primitivement douze
coudées de profondeur en son centre, sa profondeur devint de
vingt-quatre coudées après qu'elle eut été
renversée (une moitié placée au-dessus de l'autre). Puis
Djadjaemankh, à nouveau, prononça les formules magiques de sa
connaissance et rétablit l'eau de l'étang en sa situation
antérieure.
Sa Majesté, ensuite, passa un heureux jour en compagnie
de toute la maison royale - puisse-t-elle être vivante, prospère
et en bonne santé !- et il récompensa le prêtre-lecteur en
chef Djadjaemankh au moyen de toutes sortes de belles et bonnes choses.
Vois, ceci est une histoire merveilleuse qui est
arrivée au temps de ton père, le roi de Haute et Basse
Égypte, Snefrou, juste de voix, et qui fut le fait du
prêtre-lecteur en chef, rédacteur des livres sacrés,
Djadjaemankh ".
Alors la Majesté du roi de Haute et Basse
Égypte, Kheops, juste de voix, dit : " Que l'on donne en offrande mille
pains, cent cruches de bière, un boeuf et deux mesures d'encens à
la Majesté du roi de Haute et Basse Égypte, Snefrou, juste de
voix. En même temps, que l'on donne un pain, une cruche de bière
et une mesure d'encens au prêtre-lecteur en chef, rédacteur des
livres sacrés, Djadjaemankh, car j'ai pu constater un exemple de son
savoir magique ". Et l'on agit conformément à tout ce que Sa
Majesté avait ordonné.
Conte n°7 le Pharaon et le tisserand
Près du Palais ou chaque matin
le Pharaon Sesostris recevait les plaintes de ses sujets et rendait la justice,
vivait un pauvre tisserand, du nom de Khounare . Il travaillait tout le jour a
l'ombre de son figuier, avec entrain et sérieux
Mais l'étoffe de chanvre qu'il tissait
était rude et sa faim si grande qu'il acceptait de vendre ce tissu aux
paysans pour une "bouchée de pain ". Pour autant il ne se plaignait
jamais de son sort : bien au contraire il louait les dieux de lui obtenir
régulièrement de la besogne et de lui préserver jeunesse
et sante pour vivre pleinement la condition assignée par le destin.
Or, en plein hiver, il remarqua pour la
première fois que son figuier portait des fruits. Il en compta dix,
disséminés dans la ramure : aussitôt il remercia le dieu
Ré de ce cadeau inattendu et se remit a sa tache quotidienne sans se
troubler ni se divertir d'un pareil événement.
L'un des jours suivants, Tehouti, fils
d'Asari , paysan du domaine de Pharaon , habituellement un peu plus attentif au
courage et au talent de Khounare que la plupart des autres clients du tisserand
, s'arrêta prés du figuier ; comme a chaque fois qu'il venait
commander une toile , il s'interrogea sur l'efficacité de la
dernière crue du Nil pour la récolte annuelle des
céréales.
Pendant cette conversation, le tisserand
remarqua vite l'air plus soucieux que d'ordinaire de son client ; il s'enquit
alors de la cause d'un visage aussi sombre ; l'autre se confia aussitôt,
comme soulage de pouvoir partager sa détresse : son unique fille, Baiti
, était son seul soutien pour cultiver son champ et tenir sa maison ,
depuis le décès déjà lointain de son épouse,
et voila qu'elle se mourait d'une mauvaise fièvre , après avoir
pris froid dans un vent plus glacial que de coutume.
Sans connaitre la jeune femme, Khounare
sentit de la compassion pour elle et son père. Il chercha rapidement ce
qu'il pourrait trouver pour leur apporter son aide; machinalement, il tourna la
tête vers le feuillage de son figuier et vit que l'une des dix figues
découvertes la semaine précédente semblait mure à
point.
Immédiatement, il se
lève, la cueille et la tend au paysan : " Offre-la a ta fille, afin
qu'elle goute quelques derniers plaisirs avant de mourir. Et si elle vit encore
par la grâce de Thot dont la magie divine permet les guérisons,
reviens demain en chercher une autre qui devrait a son tour être parvenue
a maturité".
Heureux et reconnaissant du cadeau, le fellah
s'en fut sans tarder. De retour chez lui, il déchira
précautionneusement de menus lambeaux du fruit précieux pour les
glisser au fur et a mesure entre les lèvres desséchées de
sa fille, inconsciente, qui n'avait plus mange depuis quatre jours et
régurgitait l'eau pure dont Tehouti avait tente de la
désaltérer; sans se décourager, il poussa entre les dents
qui claquaient mécaniquement chaque morceau de chair violette et
parfumée, avec l'espoir qu'il fondrait pour
régénérer le corps exsangue de la mourante. A la
deuxième bouchée, les violents frissons qui tordaient la
malheureuse cessèrent soudain.
Le fellah continua l'opération,
puis resta debout, immobile, a veiller sa chère fille en invoquant le
secours d'Horus, roi des vivants; il suppliait aussi le père de ce
dernier, Osiris, souverain des morts, d'attendre encore avant d'attirer Baiti
dans son royaume. Ces prières parurent exaucées puisque la
malade, après une légère déglutition, poussa un
profond soupir et tomba dans le sommeil.
Le lendemain des l'aube, Tehouti courut
auprès de Khounare, qui se réjouit du mieux-être procure
par la première figue.
De jour en jour et de figue en figue ,
l'état de la jeune fille ne cessa de s'améliorer : sa respiration
fut régulière et paisible , libérée du râle
rauque de l'agonie, le deuxième jour; le troisième, elle murmura
" mon père " en ouvrant les yeux avec un sourire; elle retrouva des
couleurs généralisées le quatrième ; le
cinquième, elle put tendre la main vers celle de son père en
balbutiant merci; elle mastiqua le fruit avec gourmandise le sixième
jour et le septième, elle attend le fellah assise sur sa couche, toute
rose et les yeux vifs : elle lui ouvre les bras, puis glisse elle-même
derrière ses dents la septième figue, plus charnue et plus
parfumée que les précédentes, avant de déclarer la
bouche pleine qu'elle se sent revivre, prête a se lever....
Oui, mais voila, depuis le quatrième
jour, devant l'amélioration de la sante de sa fille, le paysan n'avait
pu taire sa joie ni sa reconnaissance pour le tisserand : il en avait parle a
ses voisins les plus proches, qui a leur tour avaient transmis les bonnes
nouvelles des qu'elles leur parvenaient.
Hélas, le bonheur ne
préserve pas des méchants ni des envieux ! Le chef des
pourvoyeurs de Pharaon, Marouitensi, eut vent de cette convalescence et de la
possession par un vulgaire tisserand de dix figues prodiguant leur pulpe
juteuse et sucrée en plein hiver : " Comment ? Ce gueux n'a même
pas propose ces fruits au Pharaon, selon la bienséance ? Il les a gardes
pour une souillon, une fille de basse classe ! Quel sacrilège ! La
dégustation exceptionnelle revenait de plein droit a Sésostris et
a son entourage.»
Khounare fut donc arrête et
jeté dans une geôle souterraine, tandis que les trois magnifiques
figues restant sur l'arbre étaient cueillies et portées a Pharaon
au nom de l'intendant Marouitensi, qui, en remerciement de son cadeau original
et apprécie, reçut une bourse bien remplie.
Pourtant, tous n'oublièrent pas
le tisserand : Tehouti et ses voisins constatant son absence anormale et la
disparition des trois dernières figues, interrogèrent en vain les
soldats de garde; alors ils se réunirent et bâtirent un projet
pour sauver Khounare. Ils décidèrent de s'asseoir a terre devant
l'entrée du palais; l'intendant constata avec fureur qu'on ne livrait
plus ni fruits ni légumes pour son maitre. Les paysans se
laissèrent trainer par les soldats dans la poussière de
l'esplanade, mais ne reprirent pas le chemin de leur champ ou jardin.
Bientôt, sur l'ordre de Marouitensi gonfle de rage, les manifestants
solidaires furent a leur tour enfermes dans des cachots, sauf Tehouti qu'un
pressentiment avait pousse a se plaquer contre le mur extérieur du
palais, a l'écart de ses compagnons, dissimule par l'obscurité de
la nuit tombante.
Le matin suivant, anonyme parmi les sujets
venus réclamer justice au Pharaon, Tehouti pénètre dans le
palais et, des que son tour survient, se prosterne devant le trône,
raconte brièvement son histoire avant de présenter sa
requête : que les fellahs et Khounare recouvrent leur
liberté.
Quelques instants plus tard, devant
tous les amis du tisserand, Pharaon lui rend justice, puis lui demande de
quitter son figuier et ses clients paysans pour consacrer son art au tissage
des parures royales.
Humblement, Khounare remercie Sesostris de cet honneur
mais avoue qu'il préfère rester auprès de son figuier qui
lui a procure la joie d'offrir du bonheur a d'autres; il désire aussi
continuer d'être a la disposition de ceux qui se sont mobilises pour le
délivrer.
Alors la Reine se penche a l'oreille de
son époux: elle suggère un compromis, aussitôt approuve par
Pharaon et accepte par le tisserand. On bâtirait une enceinte autour du
figuier miraculeux et dans cet enclos sacre, un oratoire dédie a Re;
Khounare en serait le gardien, abrite avec son métier a tisser dans une
confortable maison de briques crues, avec terrasse; en échange,
l'artisan devrait se rendre la première moitie de chaque mois au palais
ou lui serait réservée une grande salle, pour y réaliser
les commandes de la Cour, généreusement
rémunérées, et former des apprentis après avoir
sélectionné les plus doués des adolescents pauvres de la
région.
Ainsi fut fait.
Entre temps, Tehouti le fidele fut
nomme chef des pourvoyeurs a la place du brutal et peu scrupuleux
Marouitensi.
Or, quand on publia l'avis de
recrutement pour l'apprentissage, Baiti voulut se présenter. Les yeux
rehausses d'un trait de khol noir, les formes juvéniles
valorisées par un fourreau de lin blanc a larges bretelles et
l'âme confortée par l'amulette en forme de scarabée dont le
bleu brillait sur sa gorge, elle chemina vers le palais...... et Khounare. La,
les deux jeunes gens, inconnus l'un pour l'autre, mais déjà lies
par la générosité de l'un et la maladie de l'autre,
succombèrent a un coup de foudre amoureux réciproque.
Apres leur union bénie par les
prêtres de la Cour sous la bienveillante protection de Sesostris, les
deux nouveaux époux se retirent et se recueillent main dans la main sous
le figuier. Machinalement, ils lèvent la tête et remarquent que,
de nouveau, l'arbre porte des fruits: ils en comptent vingt.
Conte n°8 : Le Prince prédestiné
Il y avait une fois un roi
E:\LE PRINCE
PREDESTINE.htm - _edn1, à qui il ne naissait pas d'enfant
mâle. Son coeur en fut tout attristé ; il demanda un garçon
aux dieux de son temps et ils décrétèrent de lui en faire
naître un. Il coucha avec sa femme pendant la nuit, et alors elle
conçut ; accomplis les mois de la naissance, voici que naquit un enfant
mâle. Quand les Hathors
E:\LE PRINCE
PREDESTINE.htm - _edn2 vinrent pour lui destiner un destin, elles
dirent : Qu'il meure par le crocodile, ou par le serpent, voire par le chien !
Quand les gens qui étaient avec l'enfant l'entendirent, ils
l'allèrent dire à Sa Majesté, v. s. f., et Sa
Majesté, v. s. f., en eut le coeur tout attristé. Sa
Majesté, v. s. f., lui fit construire une maison de pierre sur la
montagne, garnie d'hommes, et de toutes les bonnes choses du logis du roi, v.
s. f., car l'enfant n'en sortait pas. Et quand l'enfant fut grand, il monta sur
la terrasse
E:\LE PRINCE
PREDESTINE.htm - _edn3 de sa maison, et il aperçut un
lévrier qui marchait derrière un homme qui allait sur la route.
Il dit à son page qui était avec lui : Qu'est-ce qui marche
derrière l'homme qui chemine sur la route ? Le page lui dit : C'est un
lévrier ! L'enfant lui dit : Qu'on m'en apporte un tout pareil ! Le page
l'alla redire à Sa Majesté, v. s. f., et Sa Majesté, v. s.
f., ,dit : Qu'on lui amène un jeune chien courant, de peur que son coeur
ne s'afflige ! Et, voici, on lui amena le lévrier.
Et, après que les jours eurent passé
là-dessus, quand l'enfant eut pris de l'âge en tous ses membres,
il envoya un message à son père, disant : Allons ! pourquoi
être comme les fainéants ? Puisque je suis destiné à
trois destinées fâcheuses, quand même j'agirais selon ma
volonté, Dieu n'en fera pas moins ce qui lui tient au coeur ! On
écouta tout ce qu'il disait, on lui donna toute sorte d'armes, on lui
donna aussi son lévrier pour le suivre, on le transporta à la
côté orientale
E:\LE PRINCE
PREDESTINE.htm - _edn4, on lui dit : Ah ! va où tu
désires ! Son lévrier était avec lui ; il s'en alla donc,
selon son caprice, à travers le pays, vivant des prémices de tout
le gibier du pays. Arrivé pour s'envoler
E:\LE PRINCE
PREDESTINE.htm - _edn5 vers le prince de Naharinna
E:\LE PRINCE
PREDESTINE.htm - _edn6, voici, il n'était point né
d'enfant au prince de Naharinna, mais seulement une fille. Or, lui ayant
construit une maison dont les soixante-dix fenêtres étaient
éloignées du sol de soixante-dix coudées, il se fit amener
tous les enfants des princes du pays de Kharou
E:\LE PRINCE
PREDESTINE.htm - _edn7, et il leur dit : Celui qui atteindra la
fenêtre de ma fille, elle lui sera donnée pour femme !
Or, beaucoup de jours après que ces
événements furent accomplis, tandis que les princes de Syrie
étaient à leur occupation de chaque jour, le prince
d'Égypte étant venu à passer à l'endroit où
ils étaient, ils conduisirent le prince à leur maison, ils le
mirent au bain, ils donnèrent la provende à ses chevaux, ils
firent toutes sortes de choses pour le prince : ils le parfumèrent, ils
lui oignirent les pieds, ils lui donnèrent ide leurs pains, ils lui
dirent en manière de conversation : D'où viens-tu, bon jeune
homme ? Il leur dit : Moi, je suis fils d'un soldat des chars
E:\LE PRINCE
PREDESTINE.htm - _edn8 du pays d'Égypte. Ma mère mourut,
mon père prit une autre femme. Quand survinrent des enfants, elle se mit
à me haïr, et je me suis enfui devant elle. Ils le serrèrent
dans leurs bras, ils le couvrirent de baisers. Or, après que beaucoup de
jours eurent passé là-dessus, il dit aux princes : Que
faites-vous donc ici ? Ils lui dirent : Nous passons notre temps à faire
ceci : nous nous envolons, et celui qui atteindra la fenêtre de la fille
du prince de Naharinna, on la lui donnera pour femme. Il leur dit : S'il vous
plaît, je conjurerai mes jambes et j'irai m'envoler avec vous. Ils
allèrent s'envoler comme c'était leur occupation de chaque jour,
et le prince se tint éloigné pour voir, et la figure de la fille
du chef de Naharinna se tourna vers lui. Or, après que les jours eurent
passé là-dessus, le prince s'en alla pour s'envoler avec les
enfants des chefs, et il s'envola, et il atteignit la fenêtre de la fille
du chef de Naharinna ; elle le baisa et elle l'embrassa dans tous ses
membres.
On s'en alla pour réjouir le coeur du père de la
princesse, et on lui dit : Un homme a atteint la fenêtre de ta fille. Le
prince interrogea le messager, disant : Le fils duquel des princes ? On lui dit
: Le fils d'un soldat des chars, venu en fugitif du pays d'Égypte pour
échapper à sa belle-mère, quand elle eut des enfants. Le
prince de Naharinna se mit très fort en colère. Il dit : Est-ce
que moi je donnerai ma fille au transfuge du pays d'Égypte ? Qu'il s'en
retourne ! On alla dire au prince : Retourne-t-en au lieu d'où tu es
venu. Mais la princesse le saisit, et elle jura par Dieu, disant : Par la vie
de Phrâ Harmakhis
E:\LE PRINCE
PREDESTINE.htm - _edn9 ! si on me l'arrache, je ne mangerai plus,
je ne boirai plus, je mourrai sur l'heure. Le messager alla pour
répéter tous les discours qu'elle avait tenus à son
père ; et le prince envoya des gens pour tuer le jeune homme, tandis
qu'il était dans sa maison. La princesse leur dit : Par la vie de
Phrâ ! Si on le tue, au coucher du soleil, je serai morte ; je ne
passerai pas une heure de vie, plutôt que de rester séparée
de lui ! On l'alla dire à son père. Le prince fit amener le jeune
homme avec la princesse. Le jeune homme fut saisi de terreur, quand il vint
devant le prince, mais celui-ci l'embrassa, il le couvrit de baisers, il lui
dit : Conte-moi qui tu es, car voici, tu es pour moi un fils ! Le jeune
homme dit : Moi, je suis l'enfant d'un soldat des chars du pays
d'Égypte. Ma mère mourut, mon père prit une autre femme.
Elle se mit à me haïr, et moi je me suis enfui devant elle. Le chef
lui donna sa fille pour femme ; il lui donna une maison, des vassaux, des
champs, aussi des bestiaux, et toute sorte de bonnes choses
E:\LE PRINCE
PREDESTINE.htm - _edn10.
Or, après que les jours eurent passé
là-dessus, le jeune homme dit à sa femme : Je suis
prédestiné à trois destins, le crocodile, le serpent, le
chien. Elle lui dit : Qu'on tue le chien qui court avant toi. Il lui dit :
« S'il te plaît, je ne tuerai pas mon chien que j'ai
élevé quand il était petit ! Elle craignit pour son mari
beaucoup, beaucoup, et elle ne le laissa plus sortir seul. Or, il arriva qu'on
désira voyager : on conduisit le prince vers la terre d'Égypte,
pour s'y promener à travers le pays
E:\LE PRINCE
PREDESTINE.htm - _edn11. Or voici, le crocodile du fleuve sortit du
fleuve
E:\LE PRINCE
PREDESTINE.htm - _edn12, et il vint au milieu du bourg où
était le prince. On l'enferma dans un logis où il y avait un
géant. Le géant ne laissait point sortir le crocodile, mais quand
le crocodile dormait, le géant sortait pour se promener ; puis quand le
soleil se levait, le géant rentrait dans le logis, et cela tous les
jours, pendant un intervalle de deux mois de jours
E:\LE PRINCE
PREDESTINE.htm - _edn13. Et, après que les jours eurent
passé là-dessus, le prince resta pour se divertir dans sa maison.
Quand la nuit vint, le prince se coucha sur son lit et le sommeil s'empara de
ses membres. Sa femme emplit un vase de lait et le plaça à
côté d'elle. Quand un serpent sortit de son trou pour mordre le
prince, voici, sa femme se mit à veiller sur son mari minutieusement.
Alors les servantes donnèrent du lait au serpent
E:\LE PRINCE
PREDESTINE.htm - _edn14 ; il en but, il s'enivra, il resta
couché le ventre en l'air, et la femme le mit en pièces avec des
coups de sa hache. On éveilla le mari, qui fut saisi
d'étonnement, -et elle lui -dit : Vois ! ton dieu t'a donné
un de tes sorts entre tes mains ; il te donnera les autres. Il présenta
des offrandes au dieu, il l'adora et il exalta sa puissance tous les jours de
sa vie.
Et après que les jours eurent passé
là-dessus, le prince sortit pour se promener dans le voisinage de son
domaine ; et comme il ne sortait jamais seul, voici son chien était
derrière lui. Son chien prit le champ pour poursuivre du gibier, et lui
il se mit à courir derrière son chien. Quand il fut arrivé
au fleuve, il descendit vers le bord du fleuve à la suite de son chien,
et alors sortit le crocodile et l'entraîna vers l'endroit où
était le géant. Celui-ci sortit et sauva le prince, alors le
crocodile, il dit au prince : Ah, moi, je suis ton destin qui te poursuit ;
quoique tu fasses, tu seras ramené sur mon chemin (?) à moi, toi
et le géant. Or, vois, je vais te laisser aller : si le... tu sauras que
mes enchantements ont triomphé et que le géant est tué ;
et si tu vois que le géant est tué, tu verras ta mort
E:\LE PRINCE
PREDESTINE.htm - _edn15 !
Et quand la terre se fut éclairée et qu'un
second jour fut, lorsque vint...
La prophétie du crocodile est trop mutilée pour
que je puisse en garantir le sens exact. On devine seulement que le monstre
pose à son adversaire une sorte de dilemme fatal : ou le prince remplira
une certaine condition et alors il vaincra le crocodile, ou il ne la remplira
pas et alors il verra sa mort. M. Ebers a restitué cet épisode
d'une manière assez différente
E:\LE PRINCE
PREDESTINE.htm - _edn16. Il a supposé que le géant
n'avait pas pu délivrer le prince, mais que le crocodile proposait
à celui-ci de lui faire grâce sous de certaines conditions.
Tu vas me jurer de tuer le géant ; si tu t'y refuses,
tu verras la mort. Et quand la terre se fut éclairée et qu'un
second jour fut, le chien survint et vit que son maître était au
pouvoir du crocodile. Le crocodile dit de nouveau : Veux-tu me jurer de tuer le
géant ? Le prince lui répondit : Pourquoi tuerais-je celui qui a
veillé sur moi ? Le crocodile lui dit : Alors que ton destin
s'accomplisse ! Si, au coucher du Soleil, tu ne me prêtes point le
serment que j'exige, tu verras ta mort. Le chien ayant entendu ces paroles,
courut à la maison et il trouva la fille du prince de Naharinna dans les
larmes, car son mari n'avait pas reparu depuis la veille. Quand elle vit le
chien seul, sans son maître, elle pleura à haute voix et elle se
déchira la poitrine, mais le chien la saisit par la robe et il l'attira
vers la porte comme pour l'inviter à sortir. Elle se leva, elle prit la
hache avec laquelle elle avait tué le serpent, et elle suivit le chien
jusqu'à l'endroit de la rive où se tenait le géant. Alors
elle se cacha dans les roseaux et elle ne but ni ne mangea, mais elle ne fit
que prier les dieux pour son mari. Quand le soir fut arrivé, le
crocodile dit de nouveau : Veux-tu me jurer de tuer le géant, sinon je
te porte à la rive et tu verras ta mort. Et il répondit :
Pourquoi tuerais-je celui qui a veillé sur moi ? Alors le crocodile
l'emmena vers l'endroit où se tenait la femme, et elle sortit des
roseaux, et, voici, comme le crocodile ouvrait la gueule, elle le frappa de sa
hache et le géant se jeta sur lui et l'acheva. Alors elle embrassa le
prince et elle lui dit : Vois, ton dieu t'a donné le second de tes sorts
entre tes mains il te donnera le troisième. Il présenta des
offrandes au dieu, il l'adora et il exalta sa puissance tous les jours de sa
vie.
Et après que les jours eurent passé
là-dessus, les ennemis pénétrèrent dans le pays.
Car les fils des princes du pays de Kharou, furieux de voir la princesse aux
mains d'un aventurier, avaient rassemblé leurs fantassins et leurs
chars, ils avaient anéanti l'armée du chef de Naharinna, et ils
avaient fait le chef prisonnier. Comme ils ne trouvaient pas la princesse et
son mari, ils dirent au vieux chef : Où est ta fille et ce fils d'un
soldat des chars du pays d'Égypte à qui tu l'as donnée
pour femme ? Il leur répondit : Il est parti avec elle pour chasser les
bêtes du pays, comment saurais-je où ils sont ? Alors ils
délibérèrent et ils se dirent les uns aux autres : «
Partageons-nous en petites bandes et allons de çà et de là
par le monde entier, et celui qui les trouvera, qu'il tue le jeune homme et
qu'il fasse de la femme ce qu'il lui plaira. Et ils s'en allèrent les
uns à l'Est, les autres à l'Ouest, au Nord, au Sud, et ceux qui
étaient allés au Sud parvinrent au pays d'Égypte, à
la même ville où le jeune homme était avec la fille du chef
de Naharinna. Mais le géant les vit, il courut vers le jeune homme et il
lui dit : Voici, sept fils des princes du pays de Kharou approchent pour
te chercher. S'ils te trouvent, ils te tueront et ils feront de ta femme ce
qu'il leur plaira. Ils sont trop nombreux pour qu'on puisse leur
résister : fuis devant eux, et moi, je retournerai chez mes
frères. Alors le prince appela sa femme, il prit son chien avec lui, et
tous ils se cachèrent dans une grotte de la montagne. Ils y
étaient depuis deux jours et deux nuits, quand les fils des princes de
Kharou arrivèrent avec beaucoup dé soldats et ils
passèrent devant la bouche de la caverne, sans qu'aucun d'eux
aperçût le prince ; mais comme le dernier d'entre eux approchait,
le chien sortit contre lui et il se mit à aboyer. Les fils des princes,
de Kharou le reconnurent, et ils revinrent sur leurs pas pour
pénétrer dans la caverne. La femme se jeta devant son mari pour
le protéger, mais voici, une lance la frappa et elle tomba morte devant
lui. Et le jeune homme tua l'un des princes de son épée, et le
chien en tua un autre de ses dents, mais ceux qui restaient les
frappèrent de leurs lances et ils tombèrent à terre sans
connaissance. Alors les princes traînèrent les corps hors de la
caverne et ils les laissèrent étendus sur le sol pour être
mangés : des bêtes sauvages et des oiseaux de proie, et ils
partirent pour aller rejoindre leurs compagnons : et, pour partager avec eux
les terres du chef de Naharinna.
Et voici, quand le dernier des princes se fut retiré,
le jeune homme ouvrit les yeux et il vit sa femme étendue par terre,
à côté de lui, comme morte, et le cadavre de son chien.
Alors il gémit et il dit : En vérité les dieux
accomplissent immuablement ce qu'ils ont décrété par
avance. Les Hathors avaient décidé, dès mon enfance, que
je périrais par le chien, et voici, leur arrêt a été
exécuté ; car c'est le chien qui m'a livré à mes
ennemis. Je suis prêt à mourir, car, sans ces deux êtres qui
gisent à côté de moi, la vie m'est insupportable. Et il
leva les mains, au ciel et s'écria : Je n'ai point péché
contre vous, ô dieux ! C'est pourquoi accordez-moi une sépulture
heureuse en ce monde et la voix juste devant les juges de l'Amentît. Il
retomba comme mort, mais les dieux avaient entendu sa voix, et la neuvaine des
dieux vint vers lui et Râ-Harmakhis dit à ses compagnons : Le
destin s'est accompli, maintenant donnons une vie nouvelle à ces deux
époux, car il convient de récompenser dignement le
dévouement dont ils ont fait preuve l'un pour l'autre. Et la mère
des dieux approuva de la tête les paroles de Râ-Harmakhis et elle
dit : Un tel dévouement mérite une très grande
récompense. Les autres dieux en dirent autant, puis les sept Hathors
s'avancèrent et elles dirent : Le destin est accompli : maintenant
qu'ils reviennent à la vie ! Et ils revinrent à la vie sur
l'heure.
Conte n° 9 : le Prince
Il y a bien longtemps, dans un village vivait un homme riche
qui avait un fils unique. En revenant de se promener dans le village, le jeune
prince aperçoit trois enfants qui jouent chacun avec un petit
animal : un petit charognard, un petit chien et un petit chat. Le jeune
prince leur demande : « Pourquoi maltraitez-vous ces petits
animaux? Laissez-les ! »
Les enfants lui demandent : « C'est parce que
nous sommes des petits que tu nous dis ça ? »
Le prince leur dit : « Je vais vous les
acheter. »
Les enfants acceptent. Le prince donne une poignée d'or
à chacun, prend les bêtes et revient à la maison. Sa maman
veut le chasser à cause de ces bêtes, mais le papa, le roi, s'y
oppose en disant à sa femme : « Il ne faut jamais chasser
un enfant à cause de ce qu'il ramène de sa
promenade ! »
Quelques temps après, le papa meurt et le petit reste
avec ses bêtes et sa mère. Au bout de quelques années, ils
ont fini de dépenser l'or et l'argent que le roi leur a laissés.
La souffrance frappe à leur porte, mais personne ne les approche ni ne
les considère. Le prince fabrique un lance-pierre pour nourrir sa
mère et ses animaux. Chaque jour, il part tuer des oiseaux : un
pour le chaton, un pour le petit charognard, un pour le petit chien, un pour sa
mère, et le cinquième pour lui-même. S'il en tue quatre, il
en donne un à chaque animal et partage le quatrième entre lui et
sa mère. Si le partage est impossible, c'est lui et sa mère qui
dorment à jeun, mais chaque fois sa mère se met à se
plaindre.
Un jour, le prince fait une mauvaise chasse et ne rapporte
même pas un oiseau. Il revient s'asseoir et regarde ses petits animaux;
il ne sait que faire ni où trouver à leur donner à manger.
Ce jour-là, le petit charognard dit à ses compagnons :
« Aujourd'hui, notre tuteur a le coeur triste car il n'a rien pour
nous, mais je vais l'aider. » Il part dire au prince :
« Aujourd'hui, je vais t'aider, je vais te conduire chez moi, dans
mon village. » Le prince est d'accord et va avertir sa mère
qui lui dit : « Qu'est-ce que j'ai à voir avec tes
promenades inutiles ? »
Le petit charognard dit : « Ferme les
yeux ! » Et quand le prince les ouvre à nouveau, il se
voit dans un endroit inconnu, au milieu d'un troupeau de charognards qui
l'accueillent comme un roi. Après l'avoir salué, ils se retirent
en le laissant avec son petit charognard qui lui dit : « Mon
père et ma mère vont venir te saluer et te demander ce que tu
veux ! Ne leur réponds pas que tu veux de l'argent ou de l'or, mais
dis à mon père que tu veux ce qu'il a au doigt et à ma
mère de souffler à ton oreille ! »
Le jeune prince dit : « J'ai
compris ! » Ainsi dit, ainsi fait. Il reçoit ce qu'il a
demandé : une bague magique. Il lui suffit de dire ce dont il a
besoin et son souhait est exaucé. Avec cette bague, le jeune prince
devient très riche et sa renommée se répand partout. Il
est envié, on se demande où il a reçu toute cette
richesse.
Poussé par sa femme, le griot du roi voisin va le
trahir.
Un jour, ce griot dit à son roi : « Je
vais voir ce qui se passe et où ce jeune a reçu toute cette
richesse. Il entre dans la cour du jeune en son absence pour le louer. Sa femme
le reçoit, tout en soulignant que son mari est absent. Le griot lui dit
qu'elle n'est pas digne d'être la femme d'un si grand personnage et il
réussit à la convaincre de lui donner la bague magique de son
mari. Revenu chez son roi, il lui montre la bague. Le roi lui dit :
« C'est tout ce que tu as ramené ? Qu'est-ce que cela
peut faire ? »
Le griot dit : « Tu verras ce que ça
peut faire ! » Il demande de l'or à la bague et la maison
du roi en est aussitôt remplie. Le roi lui prend la bague et fait
chercher le prince et sa femme, mais le prince bien ligoté. Le roi garde
la femme et envoie le prince, toujours ligoté, au milieu de ses
esclaves. Mais la femme intercède auprès du roi pour que son mari
soit détaché et redevienne libre.
Quant à la mère du prince, le chiot et le
chaton, ils restent seuls, toujours dans la misère, tandis que le griot,
son roi et les gens de son peuple sont toujours en fête. Le roi a fait
construire une maison à étage pour lui et la femme du prince. Il
a suspendu au mur la bague magique, au-dessus de leur lit.
Un jour, le chaton dit au chiot : « Si tu peux
me faire traverser le fleuve, j'irai aider notre
maître ! » (Il y a un fleuve qui sépare les deux
peuples).
« Si c'est pour traverser le fleuve, il n'y a pas de
problème ! »
Arrivés au bord du fleuve, le chiot dit au
chaton : « Accroche-toi à mon dos, je vais te faire
traverser ! »
Le chiot fait monter le chaton et les voilà dans l'eau.
Sur l'autre rive, le chaton dit : « Comme toi, le chien, tu n'es
pas aimé des hommes, reste à l'écart et attends-moi. Quand
tu me verras revenir en vitesse, sois prêt à retourner, car
j'aurai la bague. »
Le chien se met à l'ombre d'un arbre à
l'entrée du village pendant que le chaton part tout seul. Le chaton
entre dans la cour, dépasse les gens qui festoient, monte à
l'étage et s'assoit à côté de la femme. Le roi
demande : « D'où vient ce chat ? » La
femme dit : « C'est l'odeur des souris qui l'attire, et comme il
y en a beaucoup... »
Le roi, la femme et ses parents les plus proches
étaient ensemble. Ça buvait, ça riait, ça mangeait,
partout c'était la joie. Tout à coup, en voyant une souris, le
chaton lui parle dans son langage et lui demande de l'aider à
décrocher la bague. La souris sait qu'avec le chat, il n'y a pas
d'amusement : elle s'empare de la bague et la dépose vite aux pieds
de son roi à elle. Une fois la bague remise, la souris s'enfuit dans son
trou. Notre ami chat prend la fuite à son tour en direction de son
compagnon chien. Le chiot, en le voyant revenir en vitesse, se tient prêt
pour le retour. Une fois le chaton sur son dos, ils repartent comme une
flèche. Au village du roi, c'est la pagaille
: « Arrêtez le chat, il a avalé la souris avec la
bague ! » Tout le peuple se met à leur poursuite. Ceux qui
savent tirer à l'arc l'utilisent, mais en vain. Ils n'arrivent pas
à les atteindre parce que la fête a pouvoir sur eux.
Après avoir semé leurs poursuivants, le chaton
demande à la bague de ramener son maître à la maison et
c'est fait.
Ayant presque atteint l'autre rive, le chiot s'arrête et
dit : « Arrivé à la maison, que vas-tu dire ?
Que c'est toi qui es allé récupérer la
bague ? »
Le chat dit : « Ami, que veux-tu
insinuer ? » Le chien dit : « Remets-moi la
bague ! »
Sans dire un mot, il la lui remet et ils continuent leur
traversée. A quelques pas de la rive, le chiot est mordu par un silure
et, voulant crier, laisse tomber la bague dans l'eau. Arrivé sur la
rive, il dit au chat que la bague est tombée dans l'eau. Le chat, ne
pouvant rien faire, lui dit : « Tout cela est de ta faute;
qu'est-ce qu'on va dire maintenant ? On a souffert pour rien ! »
Ils continuent leur chemin. A la maison, ils racontent leur mésaventure
au prince et à la vieille qui les félicitent.
Le prince leur dit : « Allons vider le fleuve.
En route pour le fleuve, il prend un hameçon. Arrivé, il
dit : « Petit charognard, je t'ai acheté, je t'ai nourri;
toi, tu m'as donné une bague, mais elle est tombée dans le
fleuve. Si tu m'as donné une bague avec bon coeur, fais que je la
repêche et si un caïman ou un poisson l'a avalée, qu'il soit
au bout de mon hameçon ! »
Une fois l'hameçon dans l'eau, le silure l'attrape. Le
prince lui ouvre le ventre, récupère sa bague et le rejette
à l'eau en disant à ses amis : « Nous allons
gagner une viande meilleure que celle du silure. » La joie est
revenue à la maison. Le prince a demandé à la bague de
ligoter tous les gens du roi et de les lui amener, et ce fut fait ainsi.
Depuis ce temps, le chien et le chat vivent avec les humains
et on dit qu'il ne faut pas envier le bien d'autrui.
Conte n°10 Le cultivateur, sa femme et les
génies
Il y a longtemps, un cultivateur travaillait dans son
champ.
Un matin, l'homme part, comme d'habitude, à la
recherche de termites pour ses poules. Sa femme allume le feu pour la cuisine.
Or, une famille de génies vit à côté du champ. En
voyant la fumée de la femme, le vieux génie envoie le plus jeune
chercher du feu.
Ce dernier arrive et demande à prendre du feu. La femme
lui dit : « Attends, quand mon mari sera de retour. Je vais
prendre le rasoir. »
Le petit génie s'assit. Quelque temps après, le
vieux est inquiet et envoie l'aîné voir ce que fait son
frère. Il part trouver son petit frère assis et lui dit :
« Kunkelen, le vieux t'a envoyé chercher du feu et tu es venu
t'asseoir ? »
Le petit frère lui répond :
« C'est cette femme bavarde qui veut me raser ».
Le grand frère dit : « Elle va me raser
aussi. » Et il s'assoit.
Peu après, le vieux, toujours inquiet, envoie son
troisième fils qui trouve ses deux frères assis l'un à
côté de l'autre. Il demande à son frère cadet :
« Kunkelen, le vieux t'a envoyé chercher du feu et tu es venu
t'asseoir ? ».
Le petit frère lui répond :
« C'est cette femme bavarde qui veut me raser ».
Le grand frère répète :
« Elle va me raser aussi. » Il s'assoit à
côté d'eux.
La même chose se répète avec le
quatrième, le cinquième, jusqu'au neuvième fils. Le vieux
vient alors lui-même demander à son plus jeune fils:
« Kunkelen, je t'ai envoyé chercher du feu et tu es venu
t'asseoir ? ».
Le petit lui répond : « C'est cette
femme bavarde qui veut me raser ».
Le vieux dit : « Elle va me raser
aussi. » Il s'assoit à côté de ses fils.
La femme ne sait plus que faire de ces génies qui
l'entourent. Elle cherche à résoudre ce problème. Son mari
n'est pas là, elle est seule. Que faire ? Elle ne peut plus
préparer sa cuisine.
Quelque temps après, le mari revient et voit sa cour
remplie de génies. Pris de peur, il ne s'approche pas. Il reste à
distance et demande à sa femme : « Pourquoi ces
génies sont-ils dans la cour ? »
La femme répond : « Le plus petit est
venu chercher du feu et je lui ai demandé de s'asseoir, lui disant
qu'après ton retour, j'allais le raser. Les autres sont ensuite
arrivés un à un en lui demandant : « Tu es venu
t'asseoir, tu es venu t'asseoir ? »
Le mari lui jette le couteau qui était dans sa poche,
laisse ses termites et s'enfuit. Le mari parti, la femme cherche un moyen de
s'enfuir à son tour. Elle se lève, fait semblant de ramasser du
bois mort, s'éloigne petit à petit et disparaît, prenant la
fuite pour rejoindre son mari. Quand les génies s'aperçoivent que
les propriétaires du champ ont pris la fuite, ils prennent tout ce
qu'ils trouvent : moutons, chèvres, poules, pintades. Ils les tuent
et les mangent.
Depuis ce jour, quand quelqu'un demande un champ, le chef de
terre exige soit un mouton, soit une chèvre, soit une poule ou une
pintade pour l'offrir aux génies.
C'est cette femme qui a provoqué cela : habituer
les génies à manger les animaux.
Conte n° 11 : Les coépouses
Il était une fois, un homme qui avait une femme.
Un beau jour, il décida d'en prendre une
deuxième. L'arrivée de la deuxième femme, fut la joie de
la famille, y compris celle de sa première femme.
Chaque jour, le soleil se lève, et se couche, et la
paix et la joie règnent dans cette famille.
La deuxième femme était la
préférée de son mari, et elle avait toutes ses
faveurs.
Elle eut sa première grossesse et enfanta un garçon.
Cela fut la joie de son mari, et l'amour grandissait au jour le jour.
A cause de son accueil et de son dévouement au travail,
la deuxième femme faisait la joie de toute la famille, et même du
quartier et du village.
C'était une femme toute souriante et pleine de
zèle, disponible, respectueuse. Mais, la jalousie grandissait chaque
jour dans le coeur de sa coépouse. Et voici qu'un jour celle-ci
décida de lui enlever la vie. Mais comment faire ? Elle chercha
tous les moyens possibles pour tuer cette dernière qui l'empêchait
d'être heureuse et d'avoir l'amour de son mari. Ne trouvant pas de
solution, elle décida de continuer sa réflexion. Un beau matin,
leur époux les devança au champ et leur demanda de le rejoindre
lorsque le repas de midi serait prêt.
C'est ainsi dit que, après avoir fini leurs travaux
ménagers, les deux femmes, partirent rejoindre leur époux au
champ pour lui apporter de quoi manger. A mi-chemin, le ciel qui était
couvert de nuages laissa tomber ses premières gouttes. Elles
continuèrent à marcher, mais bientôt se fut la tornade.
N'ayant pas de quoi se protéger pour continuer le chemin, la
première femme proposa d'aller se mettre à l'abri, avec le
bébé, dans un tronc d'arbre mort. Etant à l'abri de la
pluie, la femme aînée proposa à la plus petite d'attendre,
qu'elle-même allait sortir pour s'assurer de l'état de la pluie et
qu'elle reviendrait le lui dire.
Lorsqu'elle sortit, elle se mit à chanter et ordonna au
tronc d'arbre de se fermer ; sous son ordre le tronc se ferma sur la
pauvre femme et son fils.
Quand la première femme arriva au champ, son mari lui
demanda où était restée sa plus jeune femme. Elle
répondit qu'elle ne savait pas. Elle dit à son mari que son bien
aimé l'avait devancé au champ.
Dans sa fureur, l'époux rentra au village, informa la
famille, le quartier, et tout le village de la disparition de sa jeune femme.
Sur-le-champ, le village sortit à la recherche de la jeune femme.
Les jours passèrent, ainsi que les nuits, mais sans
résultat.
Désespérés la population reprit les
activités de chaque jour.Et voici qu'un jour, en allant au champ
apporter le repas à son mari, elle s'arrêta au même lieu, au
pied du tronc d'arbre, et commença à chanter. Un chasseur
l'apercevant de loin s'approche en se cachant pour bien l'observer, et
écouter sa chanson.
Il entendit la femme qui chantait :
« Bonjour, la bien aimée de mon
mari,
Je passe, je vais porter le repas à ton
mari,
Je sais que tu as faim, toi et ton
enfant,
mais que faire,
Il n'y a pas
d'ouverture
pour que je te donne à
manger.
Oh ! , pauvre femme,
Le ciel
s'occupera de toi.
Au revoir, je suis
partie. »
Après avoir chanté, elle chargea sa corbeille et
continua son chemin.Sans tarder, le chasseur se dépêcha d'aller
informer son mari de ce qu'il a vu. Depuis ce jour elle fut
soupçonnée.Son mari lui demanda de nouveau :
« Où as-tu laissé ta
coépouse ».
Il menaça de la tuer si elle n'avouait pas.
Elle eut peur, et finit par avouer la vérité.
Accompagnés de leurs voisins, ils se rendirent au pied du tronc d'arbre
sec.
Elle commença à chanter en disant :
« Arbre, ouvre-toi,
Je te supplie,
ouvre-toi,
Je reconnais mes torts,
ouvre-toi,
je ne recommencerai
plus,
Pardon, ouvre-toi. »
Et la femme du sein de l'arbre,
d'une voie tremblante
répond :
« Ayez pitié de moi.
Je veux voir
le jour.
Sauvez moi et mon enfant.
Nous avons soif, et faim.
Venez
à notre aide. »
Et soudain, le tronc d'arbre s'ouvrit et la pauvre femme et
son enfant sortirent tous affamés. Les termites avaient mangé les
fesses de la pauvre femme. Sans hésiter, ils prirent les deux plats de
tô qui se trouvaient dans les calebasses, et ils remplacèrent les
fesses de la pauvre femme. Et depuis là, la jeune femme redevint
normale.
Voici pour quoi les fesses de la femme sont plus grosses que
celles de l'homme.
Conte n° 12 : La jeune fille et le
lion
Il était une fois, une fille qui s'appelait Warimangan.
Ses parents l'envoyaient garder les champs. Leurs champs étaient loin du
village dans un endroit où il y avait beaucoup d'animaux sauvages. Le
lion a observé que Warimangan venait toute seule chaque jours pour
garder les champs,
alors il décida de la croquer. Un jour que
Warimangan était près de la hutte pour préparer son
repas,
le lion roi de la brousse s'approcha d'elle et la salua en ces
termes :
« Wariman i ni kóngo ! » Warimangan
bonjour ! Warimangan lui répondit en chantant :
1-Warimangan ni kóngo ! Bonjour Warimangan
!
2-Warimangan jembe ni kóngo : Warimangan tambour
jembe bonjour
3-Ne fa tun y'a fó ne ye ; Mon père m'avait
dit
4-Ko na jara faga ne ye, qu'il tuerait un lion pour
moi
5-Jara kameleba faga ne ye un lion très galant pour
moi
6-K'o jeme kunba la ne kun, et faire un tambour avec sa
peau pour moi.
7-O lón, o lón, o lón be bi ye (bis)
c'est ce jour qui est arrivé.
Le lion en entendant cette chanson, prit peur et s'enfuie
très loin.
Le lendemain le même lion revint avec l'intention de
croquer Warimangan.
Le roi de la brousse se tint devant la fille et la salua en
ces termes :
« Wariman i ni kóngo ! » Warimangan
bonjour !
Warimangan lui repondit en chantant :
1-Warimangan ni kóngo ! Bonjour Warimangan
!
2-Warimangan jembe ni kóngo : Warimangan tambour
jembe bonjour
3-Ne fa tun y'a fó ne ye ; Mon père m'avait
dit
4-Ko na jara faga ne ye, qu'il tuerait un lion pour
moi
5-Jara kameleba faga ne ye un lion très galant pour
moi
6-K'o jeme kunba la ne kun, et faire un tambour avec sa
peau pour moi.
7-O lón, o lón, o lón be bi ye (bis)
C'est ce jour qui est arrivé.
Le lion en entendant cette chanson prit peur et s'enfouie
très loin.
Chaque jour les choses se passait ainsi, et la fille n'osait
rien dire à ses parents.
Un jour elle se décida à
en parler à ses parents.
« Papa, chaque fois que je vais au champ un lion
vient me provoquer pour me manger, je chante pour lui en disant que mon
père va le tuer, alors il prend peur et s'enfuie. »
Le papa répondit à sa fille : « Ne
t'inquiète pas, demain nous irons ensemble aux champs et ce vieux lion
je vais le tuer. S'il vient te saluer ne prends même pas la peine de
répondre.
Le lendemain matin, ils partirent tous deux aux champs.
Sans tarder, le vieux lion arriva et salua comme d'habitude,
mais Warimangan ne répondit pas. Le lion salua avec fureur. Warimangan
ne répondit pas. Le lion s'approcha de la hutte et salua en
vociférant : Warmangan ne kongo ! Silence. Le lion était
maintenant tout près de la fille, et son papa voyant la fureur du vieux
lion eu peur, et dit à sa fille Warimangan de répondre comme
d'habitude.
Warimangan répondit au lion comme de coutume en
chantant :
1-Warimangan ni kóngo ! Bonjour Warimangan
!
2-Warimangan jembe ni kóngo : Warimangan tambour
jembe bonjour
3-Ne fa tun y'a fó ne ye ; Mon père m'vait
dit
4-Ko na jara faga ne ye, qu'il tuerait un lion pour
moi
5-Jara kameleba faga ne ye un lion très galant pour
moi
6-K'o jeme kunba la ne kun, et faire un tambour avec sa
peau pour moi.
7-O lón, o lón, o lón be bi ye (bis)
c'est ce jour qui est arrivé.
Le lion en entendant cette chanson prit peur et s'enfouie
très loin.
Le soir venu, Warimangan et son père rentrèrent
à la maison. Le papa raconta à sa femme ce qu'il avait vu.
"Vraiment ce lion est dangereux, on ne peut même pas le regarder de
face.
La mère de Warimangan dit : "c'est bon, moi j'irai voir
ce vieux lion". Le lendemain matin Warimangan partit avec sa
mère. Celle-ci était armée de sa lance. Ils
arrivèrent aux champs.
Ce jour là le vieux lion
était pressé de les voir arriver. Le Lion roi de la brousse
et de la forêt, arriva majestueusement et salua : Warimangan ne
kongo ! pas de réponse. Warimangan ne kongo ! Silence. D'un bon le
lion était tout proche de la fille: Warimangan ne kongo:
silence.
Au moment ou le vieux lion voulait s'abattre sur la
fille, sa mère lui planta sa lance dans le coeur, et le vieux lion
mourut. La mère coupa la queue du lion pour l'emporter au village
comme preuve de son action.
Le soir venu Warimangan et sa mère rentraient au
village. Dieu descendit du ciel et arracha le fer de lance de la femme en
lui laissant un bâton simple, en disant « : Il n'est pas
bon que la femme soit si courageuse , et même plus courageuse que
l'homme. C'est pourquoi je lui retire l'arme en fer, en lui laissant un simple
bâton".
C'est pourquoi la femme bobo n'a que le bâton simple
comme appui, tandis que l'homme a le bâton armé du fer de
lance.
Ainsi prend fin cette histoire sur l'origine du courage de la
femme
Conte n°13 Le lièvre et
l'hyène
1. Un jour, le lièvre alla / trouver
l'hyène : « Allons chercher des termites pour nos
pintadeaux ».
2. Pendant qu'ils partaient / chercher des termites, ils
trouvèrent un trou à ouverture étroite. Le lièvre
dit : `'Hyène / vient voir ce petit trou ; en cas de danger,
Hyène, tu y entreras aisément `'.
3. L'hyène dit : `'Compère lièvre /
avec tes gros yeux-là, avec tes longues oreilles-là / si tu ne
les mets pas ailleurs, quel danger peut me menacer, moi, l'hyène ;
/ avec tes propos insolents-là `'.
4. Le lièvre dit : `'Hyène, / allons
chercher nos termites. Je n'aime pas les longues discussions''.
5. Pendant qu'ils parlaient, / le lièvre entra dans une
forêt. Il trouva un lionceau dans un fourré.
6. Le lièvre, dans sa ruse, / revint dire à
l'hyène : ''Commère hyène, / comme tu n'entres pas
dans la forêt, donne-moi ton panier. / Assieds-toi sous l'arbre à
karité.
J'irai chercher les termites pour toi''.
7. Il prit alors son panier, / le panier de l'hyène. Il
alla assommer le lionceau, / (il le mit dans le panier de l'hyène) et
l'enfouit sous les termites. Il rapporta le panier à l'hyène / et
lui dit : `'Retournons à la maison''.
8. Pendant qu'ils rentraient, / arrivés au trou
à l'ouverture étroite, le lion arriva à toute vitesse en
colère.
9. Le lion dit : `'Compère lièvre, / je ne
vois plus mon petit, c'est pourquoi je suis à votre poursuite.
10. Le lièvre dit : `'Grand Oncle, / si j'avais
quelque chose de bon à la maison Je l'apporterai à ton petit en
brousse / au lieu de vouloir l'emporter à la maison''.11. Il renversa
son panier de termites : / `'Voilà, je n'ai rien dans mon
panier''.
12. `'Demandez aussi à l'hyène ; : on
ne sait jamais !''
13. L'hyène renversa son panier ; / et le lionceau
s'y trouvait, mort.
14. Quand le lion bondit pour saisir l'hyène, / le trou
à ouverture étroite l'hyène s'y engoufra
aisément.
15. Le lion appela : `' Animaux de la brousse, / venez
tous dans la grande plaine''.
16. Quand les animaux de la brousse furent rassemblés,
/ le lièvre dans sa ruse s'adressa au lion en disant : `' Grand
Oncle, / laissons le Calao creuser le trou. Son bec est une pioche''.
17. Le lièvre dans sa ruse / dit aux animaux de la
brousse : ''Laissez-moi déblayer la terre / pour voir la direction
du trouve et je sortirai vous la montrer''.
18. Quand le lièvre déblayait la terre / il
remit à l'hyène un couteau tranchant :
''Prends ce
couteau, Hyène. / Quand le calao reviendra piocher Tranche-lui le
bec''.
19. Quand le calao alla piocher la terre, / l'hyène lui
trancha le bec,
et le calao tomba à la renverse, évanoui.
20. Le lièvre dans sa ruse / dit aux animaux de la
brousse :
''Ce trou-là est mauvais ; / voyez comme il a
coupé le bec de mon grand-frère calao. Maintenant faisons appel
au sanglier pour creuser. / Les défenses du sanglier sont des
pioches''.
21. Le lièvre dans sa ruse / se leva de nouveau et dit
aux animaux de la brousse : / `'Laissez-moi déblayer la terre pour
voir la direction du trou / et je sortirai vous la montrer''.
22. Quand le lièvre déblayait la terre / il
remit du sel à l'hyène : ''Prends ce sel, hyène. /
Quand le sanglier viendra pour piocher, tu lui soufflera dans les yeux le sel
mâché''.
23. Et quand le sanglier se mit à piocher, /
l'hyène lui souffla dans les yeux le sel mâché''.
Le
sanglier se mit alors à grogner.
24. Le sanglier dit : « Compère
lièvre / souffle dans mes yeux''.
25. Le sanglier dit : « Sanglier / mes joues ne
sont pas assez volumineuses.
Demande plutôt au Grand Oncle / de le
faire. Ce sera mieux''.
26. Dès que le lion a soufflé / il reçoit
un morceau de sel dans la bouche.
Et le lion murmurait de plaisir.
27. Le lion dit : `' Sanglier, / tes larmes sont
« sucrées ! »''.
28. Le lion dit : `'Sanglier, / tes larmes sont
très bonnes''.
29. Le lièvre dans sa ruse dit : «
Pourtant, Grand Oncle Ses larmes ne sont pas si bonnes. / La graisse de son
entre-jambe, si tu goutais à cela, / tu passerais tout ton temps parmi
les sangliers' ».
30. Le lion dit alors : « Sanglier, / la
graisse de ton entre-jambe,
il faut m'en donner un peu ».
31. Le sanglier poussa un cri de frayeur, / et il
s'échappa. Les animaux se mirent à sa poursuite ; / les
animaux de la brousse se mirent à sa poursuite.
32. Lelièvre dans sa ruse / encore clopin clopan alla
dire à l'hyène : / « Voilà,
Hyène,
comme les animaux de la brousse sont partis, / sortons et
rentrons à la maison ».
33. Depuis ce jour-là, / elle n'aime plus beaucoup
discuter. L'hyène n'aime plus beaucoup discute
Conte n°14 : L'ingratitude
La famine régnait alors dans tout le pays. Un homme
sort de chez lui, pour aller se promener en brousse. Il arrive au bord d'un
vieux puits. Il se penche pour voir s'il y avait de l'eau, et il
découvre, au fond du puits, un homme entouré d'un lion, d'un
singe et d'un serpent. Il décide de les sortir de là.
Il part chercher de longues lianes. Il attache une
extrémité des lianes à une grosse branche située
près du puits, et il jette l'autre extrémité dans le
puits. Le singe se précipite et sort le premier du puits. Il est
bientôt suivi du lion, puis du serpent. Il ne reste plus que l'homme
à tirer d'affaire. Les animaux sortis du puits conseillent alors notre
promeneur :
« Attention, surtout ne laisse pas cet homme sortir
du puits ! »
Mais notre homme réplique : « Comment
çà ? Je vous ai aidés à sortir, et
j'abandonnerai mon semblable au fond de ce puits ! ». Et il aide
l'homme à sortir du puits. Tous remercient notre promeneur, et lui
promettent qu'ils n'oublieront jamais ce qu'il a fait pour eux.
Quelques jours plus tard, la famine sévissait toujours.
Notre homme décide d'aller à nouveau en brousse, en quête
de fruits sauvages. Il rencontre le singe qui lui demande :
« N'est-ce pas toi qui nous a aidés à sortir du puits,
l'autre jour ? ». L'homme lui répondit :
« C'est bien moi ! ». Alors le singe lui rappelle
qu'il lui avait promis de l'aider quand l'occasion se présenterait. Puis
il invite notre homme à s'asseoir. Le singe appelle alors ses
congénères qui arrivent nombreux. Il leur dit :
« Cet homme m'a sauvé la vie. Allez chercher
les fruits du néré, et apportez-moi tout ce que vous aurez
trouvé. ». Ils partirent aussitôt. Ils
apportèrent une telle quantité de gousses de néré,
que notre homme n'a pas réussi à emporter le tout à la
maison.
Quelques jours plus tard, notre homme sort de chez lui, pour
parcourir la brousse à la recherche de nourriture. Il croise le lion qui
lui demande :
« N'est-ce pas toi qui nous a aidés à
sortir du puits, l'autre jour ? ». L'homme lui
répond : « C'est bien moi ! ». Alors le
lion se met à rugir longuement, et une foule d'animaux sauvages se
rassemble. Le lion leur dit : « Écoutez bien ma parole.
C'est un ordre que je vous donne. Retournez en brousse, et rapportez moi sans
tarder du gibier. »
Peu de temps après, les animaux sauvages reviennent
avec quantité de gibier. Et voici notre homme, tout heureux, qui
retourne à la maison ployant sous le poids du gibier.
Bientôt, il entend parler de l'homme qu'il avait
sauvé. Ce dernier s'était mis au service d'un homme riche et
puissant. Comme la famine sévissait toujours, il se dit qu'il va aller
le trouver pour lui demander son aide.
Il arrive dans le village de cet homme riche et puissant au
moment où la fête battait son plein. Il croise l'homme qu'il avait
sauver du puits. Mais le regard haineux de celui-ci en dit long sur ses
intentions ! Cet homme connaissait bien le chef du village. Il va le
trouver pour lui dire : « Prends garde à toi. Un
étranger vient d'entrer dans ton village. C'est un homme mauvais. Chaque
fois qu'il entre dans un village, ce n'est que malheurs et destructions pour
tous les villageois. Le seul remède : Il faut l'attraper, le
ligoter et l'abandonner sur une haute colline. Trois jours après il
faudra l'égorger et faire une fête en l'honneur des esprits du
village pour écarter le malheur. »
Le roi suit aussitôt ces conseils. Et notre homme se
retrouve sur la colline qui domine le village, sous un soleil brûlant. Il
ne peut pas bouger. Les cordes avec lesquelles il a été
ligoté le font souffrir, et le blessent cruellement. Parfois il
gémit, parfois il hurle de souffrances. Un serpent passait par
là. Il entend notre homme et s'approche : « N'est-ce pas
toi qui nous a aidés à sortir du puits, l'autre
jour ? ». L'homme lui répondit : « C'est
bien moi ! ».
Le serpent reprend : « Je vais te donner un
remède, une feuille magique. A l'aide de cette feuille, tu iras
ressusciter le fils du chef de village que je vais aller mordre mortellement
tout de suite. Toi, pour l'instant, n'arrête pas de crier ceci : `
Chez nous, un serpent ne peut pas nous faire de mal. S'il mord l'un d'entre
nous, notre médicament le protégera ou le
ressuscitera. »
Et le serpent entre au village. Il n'a pas de mal à
trouver le fils du chef qu'il mort à la jambe, et bientôt notre
homme entend les pleurs et les cris qui montent jusqu'à lui depuis la
cour du chef. Au même moment, une vielle femme passe devant lui :
elle rentre de la brousse avec son fagot de bois sur la tête. Elle entend
notre homme qui crie : « Chez nous, un serpent ne peut pas nous
faire de mal. S'il mord l'un d'entre nous, notre médicament le
protégera ou le ressuscitera ».
Quand elle a déposé son fardeau, on lui annonce
la mort du fils du village, mordu par un serpent. Elle va trouver le chef et
lui rapporte les cris de notre homme ligoté et abandonné sur la
colline : « Chez nous, un serpent ne peut pas nous faire de mal.
S'il mord l'un d'entre nous, notre médicament le protégera ou le
ressuscitera. »
Le chef ordonne alors d'aller détacher notre homme, de
lui donner à boire, et de le conduire auprès de son fils.
Bientôt notre homme se trouve auprès de l'enfant du chef,
étendu sur une natte, sans vie. Il pose la feuille que le serpent lui a
donné sur la tête de l'enfant. Celui-ci commence par
éternuer, puis il se relève comme s'il sortait d'un profond
sommeil.
Le chef se tourne alors vers notre homme pour le remercier, et
lui promet de lui offrir tout ce qu'il demandera. Celui-ci, réclame
alors la cervelle de celui qui a menti sur son compte. Ce dernier se trouvait
alors auprès du chef. Celui-ci ordonne aussitôt de le saisir et de
le mettre à mort, pour en donner la cervelle à notre homme. Ce
qui fut fait sur le champ.
Conte n°15 : La Femme de
Mesha'atsang
Il était une fois un certain danseur qui s'appelait
Mesha'Atsang. Il avait très bon coeur. Il partit un jour pour la
pêche et trouva sur sa route une vieille femme. Mère, dit-il ,
donne-moi ton fagot de bois, je t'accompagne à la maison. Il prit le
fagot de bois, le porta sur la tête et accompagna la vieille chez elle.
Fils, lui dit-elle, où vas-tu ? - à la pêche, lui,
répondit Mesha'Atsang - Où ? A la rivière. Non, lui
dit-elle, ne part pas à la rivière, vas plutôt où
j'étais chercher le bois ; il y a deux mares : l'une claire,
l'autre sale. Ne jette pas ta ligne dans celle qui est claire, jette là
plutôt dans la mare boueuse. Il partit, trouva en premier lieu la mare
limpide et il vit beaucoup de poissons. " Comme je vois tant de poissons dans
cette mare, dit-il, je ne vais pas pêcher dans l'autre là-bas"
Il jeta la ligne dans la mare limpide. Les poissons se mirent
à bouffer l'appât. Quand il retira la ligne pour prendre le
poisson, ce qu'il prit, ce n'était pas un poisson mais une vieille femme
toute couverte de pians. Il voulut enlever l'hameçon pour remettre la
vieille dans l'eau mais elle vola et le prit par les épaules. Il tenta
de la projeter loin mais elle se colla à lui.
"Il rentra ainsi à la maison. Arrivé chez lui,
la vieille descendit à terre et resta là comme sa femme. La nuit
la vieille dit à son mari de lui faire du feu pour se réchauffer
car ses pians lui faisaient mal. Il se mit à la menacer. Lorsqu'il
voulut monter sur le lit, la vieille monta également sur le même
lit. L'homme descendit et se coucha à même le sol. Il était
bien dérangé et ne savait quelle conduite tenir.
Vint le jour de la danse. Comme Mesha'Atsang était un
grand danseur, il se mit à danser, il dansa, il dansa. Il y avait
là un baobab. La vieille femme alla enlever sa peau de vieille femme et
devint une belle jeune fille. Voyant que son mari avait beaucoup danser, elle
alla l'embrasser. L'homme en fut très heureux, oubliant que
c'était sa vieille femme qu'il avait laissé à la maison
qui s'était transformé en jeune fille.
La danse finie, les gens se mirent à rentre chacun chez
soi. La belle femme disparut et alla sous le baobab remettre sa mauvaise peau
de vieille femme. Arrivé à la maison Mesha'Atsang se mit
à éprouver de la tristesse dans son coeur : " je viens de
danser là-bas et une belle femme m'a embrassé, se dit-il et cette
vieille chose est venue s'installer chez moi ! " la nuit, la vieille lui
disait : " mon mari fais-moi du feu pour me réchauffer". Il se
mettait à la menacer, lui demandant de ne plus lui adresser la parole.
Mesha'Atsang était très ennuyé par
cette histoire. Il alla consulter un magicien. " Voici, lui dit-il, une
histoire qui m'est arrivée quand je suis allé à la
pêche. Je ne sais pas quelle conduite tenir pour éloigner cette
vieille femme de chez moi. L'autre jour, lorsque je dansais, une belle jeune
femme m'a embrassé. Je lui ai demandé de m'épouser et elle
a refusé". Le magicien lui dit : la jeune femme qui est venue
t'embrasser à la danse est ta vieille qui est à la maison.
Pendant que tu danses, elle s'en va sous le baobab enlève sa peau
habituelle pour revêtir une autre et devenir une très belle jeune
femme. Voici ce qu'il faut : " la prochaine fois qu'il y aura danse au
village, tu placeras des hommes sous le baobab. Avant le début de la
danse elle ira enlever sa peau de vieille femme. Et tandis qu'elle viendra
t'embrasser, ils prendront la peau dont elle s'est dépouillée et
la brûleront. Tu verras comment sera ta femme.
Vint encore le jour de la danse. Mesha se mit à danser.
Sa vieille femme alla sous le baobab, enleva sa peau habituelle et devint une
belle fille. Son mari ayant beaucoup dansé, elle courut l'embrasser
comme la première fois. Les hommes placés par Mesha sous le
baobab brûlèrent la peau que la femme y avait laissée.
La danse finie, les gens se mirent à rentrer. La femme
disparut pour aller revêtir la peau qu'elle avait enlevée. Elle ne
la trouva pas. Elle se tue et ne parla plus. Elle devint complètement
muette. Elle rentra quand même chez son mari Mesha'Atsang. L'homme
s'étonna en son for intérieur disant : le magicien m'a donc
dit la vérité ! Et il était heureux d'avoir une belle
femme. Tentait-il d'adresser la parole à sa femme, elle le repoussait.
Elle ne parlait pas. Il en fut ainsi pendant une année
entière : la femme ne parlait pas.
L'homme retourna chez le magicien et lui dit que les choses
s'étaient passées telles qu'il les avait annoncées, mais
sa femme ne parlait pas. Depuis que sa peau lui a été
volée et détruite, je n'ai pas entendu sa voix. Le magicien lui
dit ce n'est pas difficile. Rentre et fais ce qui suit : laisse les
moutons en pâturage, mets le maïs à sécher sur le
rocher, et un bébé dans la maison. Moi je vais faire pleuvoir.
Quand la pluie se mettra à tomber, que tout le monde s'éloigne et
laisse ta femme seule à la maison. Tu entendras comment ta femme va
recommencer à parler.
L'homme rentra et fit ce que lui avait le magicien. Tous les
habitants de la maison s'éloignèrent laissant la femme seule. La
pluie menaçait et la femme était là. Les moutons
bêlaient en pâturage ; l'eau et la pluie mouillait le
maïs étendu dans la cour ; le bébé pleurait dans
la maison. Lorsque la femme parut elle s'exclama : " oh ! Que vais-je
faire à présent ? le maïs est sur le rocher, les
moutons sont en pâturage, l'enfant pleure dans la maison et il se met
à pleuvoir en plus ! "
Tous les gens qui s'étaient cachés
affluèrent : Hu, disait-on, la femme de Mesha'Atsang a
parlé, la femme de Mesha'Atsang a parlé.
Voila la situation que j'y ai laissée.
Mesha'Atsang et sa femme se mirent à parler.
Conte n°16 : Le Fils de Nkan
Un homme appelé Nkan avait trois femmes : Koolo
à Nkan, Gang à Nkan et Itiitii à Nkan. Il leur ordonna de
n'accoucher que des filles et non des garçons. Elles étaient
toutes enceintes. Il alla un jour au champ accompagné de son petit
esclave. Le champ était très loin du village où les femmes
restèrent.
Koolo à Nkan accoucha d'une fille, Gang à Nkan
accoucha d'une fille, Itiitii à Nkan accoucha d'un garçon. Alors
on se mit à appeler leur époux.
Nkan-eh ! Nkan-eh !
Tes femmes que tu as laissées :
Koolo à Nkan a accouché d'une fille
Gang à Nkan a accouché d'une fille
Itiitii à Nkan a accouché d'un garçon-eh
Le petit esclave lui dit :
- Maître, voilà qu'on appelle
- Ah non ! cesse de dire des folies.
Il lui coupa une oreille et la mit dans son sac. on appela
encore :
Nkan-éh ! Nkan-éh !
Tes femmes que tu as laissées :
Kooko à Nkan a accouché d'une fille
Gang à Nkan a accouché d'une fille
Itiitii à Nkan a accouché d'un
garçon-éh :
- Maître, lui dit encore le petit esclave, même
cette fois tu n'as pas entendu ?
- Tu continues à me casser les oreilles ?
Il lui coupa l'autre oreille et la mit dans son sac.
Alors on appela pour la troisième fois et Nkan
lui-même entendit. Il jeta une mouche dans une oreille du petit esclave
puis dans l'autre. Ses oreilles se reconstituèrent et Nkan reprit le
chemin de retour. Une fois à la maison, il prit place au salon et
appela :
- Kooko à Nkan ! Kooko à Nkan !
- Oui !
- Kooko, apporte-moi l'enfant
- Sur le bras, sur le bras ;
- Que je l'asseye sur le tabouret lè dok,
- Dzai !
Kooko apporta l'enfant. Nkan le vit et le rendit à sa
mère. Il appela de nouveau :
- Ngang à Nkan !
- Oui !
- Apporte-moi l'enfant !
Sur le bras, sur le bras,
Que je l'asseye sur le tabouret lè dok
Et lui applique les cornes sur la cuisse lè tok
Dzai !
Gang apporta l'enfant. Nkan le vit et le rendit à sa
mère. Il appela pour la troisième fois : Itiitii à
Nkan, Itiitii à Nkan !
Oui !
Apporte-moi l'enfant !
Sur le bras, sur le bras
Que je l'asseye sur le tabouret lè tok
Dzai !
Itiitii, apporta l'enfant. "Voyant qu'il était
mâle, Nkan le prit lè boed ! Alla le jeter dans un tas de
fourmis et rentra".
Kpong l'antilope naine était perchée sur un
palmier à huile. Quand il vit la scène il
s'écria :
Mère, mère
Apporte-moi de l'eau tiède
Je suis tombé d'un palmier
Je suis tombé d'un palmier
Il descendit en vitesse, prit l'enfant et se mit à
arracher les hyménoptères. Sa mère apporta d l'eau
tiède, ils lavèrent proprement l'enfant et l'emmenèrent.
L'enfant grandissait, grandissait. Quand il fut assez fort
pour porter de l'eau, il se fabriqua une flûte de roseau. Lorsqu'il
azllait puiser de l'eau, il jouait de façon suivante :
Fooori fori fooori fori
Fori fori fori
Fori fori foriii
Mon père m'avait jeté dans un tas de fourmis
N'eût été Kpong-l'antilope naine
J'aurais perdu la vie
Foo
Lorsque sa mère entendait chanter elle éclatait
en sanglot. Ce comportement du garçon devint pour lui une habitude. Le
coeur du père en fût si touché qu'il voulut reprendre son
enfant. Alors tout le village se réunit dans l'intention de placer le
jeune homme devant Nkan et Kpong pour qu'il choisisse celui des deux qu'il
reconnait comme son père. On prépara et mangea force nourriture.
Nkan et Konpg furent invités à se tenir debout devant
l'assistance et on attendait la venue du garçon. Il y avait grand monde
sur la place quand l'enfant apparut, s tint devant la foule, prit sa
flûte et se mit à en jouer comme de coutume :
Fooori fori fooori fori
Fori fori fori
Fori fori foriii
Mon père m'avait jeté dans un tas de fourmis
N'eût été Kpong-l'antilope naine
J'aurais perdu la vie
Fooo.
Sur ce, il alla embrasser Kpong. Aussitôt toute la place
applaudit car, disait-on, il avait choisi son vrai père. Nkan
était honteux d'avoir jeté son propre fils.
Conte n° 17 Les Epouses De Kalak
Un homme appelé Kalak avait deux femmes : Kooko
et Gang. Tandis que la première était mère de deux
enfants, la seconde était stérile. Celle-ci était pourtant
la favorite. Le mari la gardait près de lui dans sa propre maison alors
qu'il logeait la mère de ses enfants loin dans la savane. Kalak ne
rendait visite à Kooko que pour voir sa progéniture.
Cette situation parut surprenante à ses compatriotes.
Comment est-ce possible, se demandaient-ils, qu'un bigame aille loger la
mère de ses enfants si loin et préfère vivre avec la
stérile ?
On suggéra à Kalak de feindre de mourir afin de
voir celle de ses femmes qui l'aime vraiment. Il acquiesça. Ses
compatriotes lui dirent de chercher quatre marmites 72. Celle des
épouses qui l'aime vraiment devra remplir deux marmites de ses larmes.
Kalak chercha donc quatre marmites et envoya ses femmes au marché pour
y faire des achats.
Rester seul à la maison, il fit le mort. De retour,
ses épouses le trouvèrent sur le ol, raide mort. Les habitants du
village sachant que Kalak n'était pas décédé mais
feignait seulement, y allèrent en nombre important. On dit à Gang
la plus ancienne de s'agenouiller près d'une marmite et d'y pleurer son
mari. Gang alla s'agenouiller et commencer de pleurer :
Ngekeke je rentre à Bebis 73
Qu'il meurt, je rentre à Bebis
Qu'il vive, je rentre à Bebis
Ngekeke je rentre à Bebis 73
Qu'il meurt, je rentre à Bebis
Qu'il vive, je rentre à Bebis
On dit à Kooko de s'agenouiller à son tour sur
une marmite pour pleurer son époux. Elle s'agenouilla et commença
à pleurer :
J'ai épousé Kalak pour l'enfant
Kalak-éh
J'ai épousé Kalak, il m'a logé en pleine
savane
J'ai épousé Kalak pour l'enfant
Kalak-éh
La première marmite fut remplie de larmes jusqu'aux
bords.
On dit à Gang de prendre sa deuxième marmite
pour y pleurer de nouveau son mari. Elle retourna se mettre à genoux et
recommença.
Ngekekeke je rentre à Bebis
Qu'il meurt,je rentre à Bebis
Qu'il vive, je rentre à Bebis
Ngekekeke je rentre à Bebis
Qu'il vive, je rentre à Bebis
Pas une seule larme ne tomba.
Il te reste une marmite à remplir,dit-on Kooko
Elle alla s'agenouiller prés de la marmite et se mit
à pleurer :
J'ai épousé Kalak pour l'enfant
Kalak-éh
J'ai épousé Kalak il m'a logée en pleine
savane
J'ai épousé Kalak il m'a logée en pleine
brousse
J'ai épousé Kalak pour l'enfant
Kalak-éh
La deuxième marmite fut remplie de larmes jusqu'aux
bords. Voyant cela, les gens dirent : « c'est donc
ainsi ? »Kalak revint à la vie et dit à sa
première femme « c'est donc ainsi ? Si je meurs tu
regagnes ton village natal ? Fais donc tes bagages et rentre tout de
suite » Gang fit ses bagages et rentra à Bepei. Kalak prit
Kooko, la logea tout prés de lui et vécut avec elle et ses
enfants.
Conte n° 18 : Mesut-Le Lievre Epouse la
Fille du Roi
Le roi des animaux, un jour, eût un motif de grande
satisfaction. Ntùtùère, sa fille, était ravissante
et belle ; tous les contours de son corps étaient doux, toutes les
courbes séduisantes ; l'Architecte de l'Univers s'était
penché sur son berceau, cela était hors de doute.
Malheureusement, en même temps il eût un sujet de tristesse dont il
se garda seulement de s'assombrir. Il voulait donner cette fille en mariage,
mais à qui ? il ne suffisait pas d'avoir le bonheur
d'épouser cette perle, il fallait encore le mériter.
Le roi rassembla tous ses enfants et toutes ses femmes et
leur informa de cette décision.
- je vous ai réunis pour vous dire que je vais marier
Ntùtùere , ma première fille ici présente, vendredi
de la semaine. Son mari cumulera en lui d'étonnantes
qualités : le courage, l'intelligence et une force
d'athlète.
- Décidemment, Sire, fit la favorite, vous
n'arrêterez jamais de nous surprendre. Avez-vous déjà
choisi l'homme avec qui elle convolera en justes noces ?
- Pas encore, mais ne vous en souciez guère. Vendredi
prochain tout ira comme sur des roulettes.
- Et comment ? interrogea la femme.
- J'organiserais une compétition qui comportera
plusieurs épreuves ardues. Celui qui en sortira victorieux
épousera Ntùtùere. Que tout le royaume soit donc
informé, et que tous les hommes, jeunes ou vieux, accourent ici vendredi
prochain pour tenter leur chance.
Les courtisans déployèrent une grande
activité, et qui à gauche et qui à droite, ils
répandirent la nouvelle à travers tout le royaume. Chez les
prétendants, les préparatifs étaient multiples,
indescriptibles dans leur immensité. Dans les champs, dans les villages,
sur les routes, dans les fleuves et rivières, les déploiements
étaient merveilleux. Le jour venu tous s'étaient levés,
désireux de se distinguer, chacun par ses prouesses ;
La première épreuve consistait à aspirer
un gobelet de piment réduit en poudre sans éternuer. Pour la
deuxième et dernière épreuve, il fallait que les pieds du
prétendant se noient dans le ruisseau de sueurs émanant des
trémoussements endiablés.
Le décor fut planté : une tribune
magnifiquement parée était dressée au fond de la cour. Y
était superbement assis le roi, avec à ses côtés
Ntùtùere richement vêtue, les nobles, les princes ainsi que
d'autres dignitaires venus des royaumes voisins. En face de la tribune, au beau
milieu de la cour, étaient alignés les prétendants. Ils
étaient nombreux, accourus de toutes parts. L'immense désir de
ravir la charmante Ntùtùere les surexcitait, et leur attente,
comme un feu toujours attisé ne devenait que trop brûlante. Une
foule immense et bigarrée composée de badauds, amis et parents
des différents candidats inondait les pourtours de la cour.
Alors le signal fut donné ? Le premier candidat
se présenta sous les encouragements des spectateurs: Ø ce sera
très facile pour moi, pensa t-il. Mes fétiches et mes
ancêtres à qui j'ai offert des sacrifices m'ont
rassuréØ. Il faut dire que tous les prétendants s'en
remettaient aux devins et autres gestionnaires du sacré. Il passa donc,
aspira la poudre de piment et éternua si fort que la foule se mit
à s'esclaffer. Suivirent Meshe -la Biche,
Nsuen-l'éléphant, Nguè-la panthère, Nyet-le Buffle,
Rigbaa-l'Hyppopotame, Kùkunda -le Caméléon et les autres
animaux. La chose ne fut pas bien simple et personne ne put braver cette
étape.
Pendant que cette stagnation donnait lieu à bien des
commentaires et que le suspense agrippait les coeurs, Mesùt
s'avança.
- bien que cette épreuve soit top rude et que personne
ne parvienne à la dompter, pensa t-il, il ne me reste que l'audace. En
quelques manoeuvres habiles, je viderai ce gobelet.
Il fit une révérence devant la tribune royale et
empoigna le gobelet de piment. Il regarda autour de lui, fit une moue et
plongea la main dans le gobelet. Il prit une quantité de piment qu'il
aspira et dans une logorrhée improvisée, il lança à
l'endroit de ses rivaux :
- voyez comme ils me regardent, ces pauvres animaux. Je me
demande ce qu'ils me veulent. Tiens, je me rappelle ! ils croient que je
vais jeter l'éponge comme eux... eux qui, depuis trois heures,
éternuent à se faire sauter le crâne... Atchoum !
Atchoum ! Atchoum ! Atchoum ! Atchoum !
Après cette scène, il replongea la main dans le
gobelet, prit une autre pincée de poudre de piment qu'il aspira en
reprenant les même paroles et les même attitudes. Il
répéta plusieurs fois le geste jusqu'à ce que le gobelet
fût vide. Les autres étaient stupéfaits de surprise, dans
un abîme d'étonnement. Cela assura le triomphe de Mesùt sur
eux.
Il ne lui restait qu'une seule épreuve : comment
allait-il s'y prendre ? Allait -il la franchir ou bien, au contraire
allait-il faire un coup nul ? de toute façon, les autres
prétendants, ceux qui présentaient une carrure herculéenne
tout au moins, lui riaient au nez en le traitant de petit prétentieux.
Le signal fut donné pour l'ultime étape. Les
musiciens se mirent à égrener des rhapsodies bien
rythmées. Mesùt en sortit un boubou très ample de son sac
et l'enfila. A l'intérieur de cette tunique, il avait fait coudre un sac
en peau dans lequel il avait dissimulé de l'eau. Les autres ne se
doutant de rien, Mesùt porta donc sa tunique et se mit à danser.
Il frappait continuellement des pieds contre terre. Il dansait, sautant,
pressant vivement à l'intérieur de sa tunique le sac en peau et
criant à tue-tête.
.
Ungrand jour comme celui-ci mérite d'être
fêté parce que notre roi donne sa fille en mariage ; il
mérite faste et solennité. Moi, je danse toute ma joie en ce
grand jour. Kpata, kpata, kpata...
L'eau coula alors drue.
- quel torrent ! cria le roi émerveillé.
Nous serons inondés à ce rythme !
il n'y avait plus rien à dire. La foule se
réjouit vivement de cet exploit. Le roi se leva et déclara Tita
Mesùt vainqueur. Au bout de la scène se trouvait une jeune fille,
une vierge radieuse : c'était Ntùtùere.
Les paupières mi-closes, la bouche entr'ouverte, elle
sourit à Mesùt et lui donna la main. Au même instant la
cour éclata d'une immense joie.
Tous les échos du pays annoncèrent que
Mesùt portait encore plus haut la destinée du grand royaume en
s'unissant pour le meilleur et le pire à la fille du roi.
Le lendemain, Mesùt et sa femme informèrent le
roi de leur intention de partir.
- nous devons rentrer, ma femme et moi, au village. Je tiens
à présenter Ntùtùere à ma mère avant
qu'elle ne meure.
- Avez-vous quelque souhait ? leur demanda le roi
- Sire, procurez-moi une grande outre, dit Mesùt au
roi.
Le roi fit remettre une grande outre à Tita
Mesùt qui la fendit et la confectionna à sa manière.
L'ouvrage terminé, il y introduisit sa femme, fit ses adieux à la
cour et s'en fut.
Mais les autres malheureux concurrents voyant la radieuse
Ntùtùere filer entre leurs doigts comme du sable,
s'organisèrent sans perdre d temps et, furieux, ils jurèrent de
lui tendre une embuscade habilement préparée et de la ravir.
Mesùt eut l'intuition soudaine qu'il se tramait quelque chose. Il se
fourra dans l'outre avec sa femme, puis roula vers son village. Chaque fois
qu'il rencontrait une bande hostile, il bougonnait du fond de l'outre :
- soyez vigilants ! je sors du palais à l'instant.
Mesùt arrive de la cour avec se femme, sur un cheval bien chargé.
Je suis venu juste pour vous mettre la puce à l'oreille et vous demander
de l'attendre de pied ferme.
Ainsi roulait-il vers son village, se jouant de tous ceux qui
lui tentaient des embuscades
Mesùt arriva enfin devant un cours d'eau. Là se
tenaient, farouches, des animaux qui attendaient impatiemment leur proie. Fous
de rage, ces animaux se saisirent machinalement de la grosse boule, la
lancèrent avec violence de l'autre côté de la rive et se
mirent de nouveau à l'affût.
L'outre de fendit et, comble de surprise, la belle
Ntùtùere en sortit et illumina toute la brousse.
- Oui mais brave, cria Mesùt aux bêtes
sidérées. A moi, il n'est point permis de vous nuire. Laissez
donc que je vous ouvre ma bouche afin que dès maintenant nous puissions
chanter à l'unisson : pour traverser la mer orageuse de la vie,
point n'est besoin de barbarie. Ne méconnaissons aucun des moyens
simples qui peuvent se trouver à notre portée.
Touchés aux vifs les animaux se dispersèrent la
queue entre les jambes.
Conte n°19 : Mesùt-le lièvre
sauve un chasseur
L'histoire de Mesùt-le lièvre
qui sauve un chasseur réclame toutes nos oreilles.
Le royaume des animaux souffrait d'une terrible
sécheresse : aucune goûte d'eau n'était tombée
depuis trente-cinq semaines. Toutes les rivières devinrent
désertes, d'une aridité et d'une désolation dont rien ne
peut donner l'idée. La gent aquatique en vint par conséquent
à perdre la boussole. Ceux qui jusque-là s'étaient
comportés en les maîtres incontestés des eaux
s'épouvantèrent d'une si grave situation. En effet, les
crocodiles, les hippopotames et bien d'autres animaux tinrent conseil sur
conseil sans pouvoir conclure à leur avantage.
Un jour, un habile chasseur, fort de l'idée que ces
bêtes affaiblies et décontenancées seraient une proie
facile, s'arma d'un fusil et gagna la forêt. La canicule dardait de ses
mille rayons poudreux les bois effeuillés.
D'instinct un pauvre crocodile et ses petits coururent
jusqu'auprès du chasseur. Le récit qu'ils lui firent était
de nature à jeter le désarroi dans l'âme la plus
endurcie.
- Soyez le bienvenu, Sire ! Qui que vous soyez et quelque
soit ce vous chercher, que la paix soit avec vous. Vous êtes le plus
distingué des visiteurs de ce bois.
- La paix seulement, répondit le chasseur.
- Nous vous en prions, visiteur éminent, voyez notre
misère. Mes enfants et moi sommes perdus du fait de la
sécheresse. Sauvez-nous et nous vous en serons gré. Vous aurez
une récompense, la plus belle et la plus grande qui soit. Songez
seulement qu'aucun animal vertébré tétrapode ne vous a
jamais tenu un tel langage.
Le chasseur tressaillit de la profonde consternation peinte
sur la gueule du caïman et de l'égarement qui assombrissait le
regard de ses rejetons.
- Visiblement vous pâtissez des conséquences
fâcheuses de cette étrange sécheresse. Que puis-je donc
pour vous ?
- Conduisez-nous, Sire, au bord du grand fleuve, nous sommes
au bord du gouffre fatal, voyez ! Nous pourrions nous jeter à l'eau
et nous abreuver ainsi à cette source de vie.
- Avec cette sécheresse, ce fleuve n'a-t-il pas
tari ? Demanda le chasseur...
- Humm... non je ne cois pas répondit le crocodile. Son
débit est souvent tel qu'une sécheresse ne saurait
l'ébranler.
Sur ce, le chasseur devint éperdument compatissant. Il
empaqueta sans façon le caïman et ses petits et se mit en route.
Il longea les sentiers de cette forêt, sinueux et pleins d'obstacles. Il
n'est point besoin de s'attarder sur les forces de la nature qu'il dompta
ça et là avant de parvenir avec sa lourde charge au bord du
fleuve. Là, le crocodile angoissé, les yeux suppliants,
lança :
- Voulez-vous nous laisser ici au bord du fleuve, Sire ?
Entrez dans l'eau et déposer nous, dit le crocodile. Nous sommes
tellement affaiblis que nous ne saurions parvenir à l'endroit où
le courant d'eau est quelque peu impétueux. Là, vous nous
abandonnerez et pourrez retournez calmement chez vous.
Le chasseur s'exécuta et les délia lorsqu'il
atteignit le milieu du fleuve. Au moment où il voulait s'en aller, le
crocodile l'arrêta et, ironie du sort, se mit à le tutoyer avec
véhémence.
- Veux-tu vraiment rentrer chez toi ?
- Oui ! Oui !
- Es-tu vraiment sérieux quand tu me le dis ?
- Mais oui ! Qu'y a-t-il d'anormal dans ce j'ai
dit ?
A ces mots, le crocodile partit d'un grand éclat de
rire qui fit trembler la forêt ; puis il devint coléreux car
il jugeait que le chasseur le dérangeait avec ses sornettes.
- Misérables homme que tu es ! Eh bien ! Tu
n'as plus qu'à agir en homme ! ... Est-ce que tu peux imaginer le
nombre de jours que j'ai passé avec mes enfants sans avoir quelque chose
à me mettre sous le croc ?
- Tiens ! Ton intention est donc de me tuer ? Est-ce
là ta manière de me remercier pour ce que j'ai fait pour toi et
tes enfants ? Quelle ingratitude !...
- Silence ! Ici et maintenant mes enfants et moi
avons faim, très faim !
En criant ainsi le crocodile s'était
dressé : il se secoua frénétiquement, remua les eaux
de sa singulière queue et de ses pattes atrophiés. Les yeux
rouges et luisants. Le museau plutôt levé vers les nues. Il aurait
apparu à tous que la terre était une assez petite boule sur
laquelle le caïman seul se trouvait en relief.
Pendant qu'ils se disputaient, le cheval arriva tout à
la fois essoufflé et assoiffé. Il se mit à se
désaltérer. Lorsqu'il leva le front, il vit le chasseur aux
prises avec le crocodile et lui demanda :
- Qu'est-ce qui peut bien t'opposer à cette
ordure-là ? C'est un être très méchant.
Regarde mon corps tout couvert de contusions et de blessures. Il monte sur moi
et me fouette chaque fois sans raison. J'ai beau me plier en quatre en tout
lieu et en tout temps, jamais il ne désarme. Je m'évertue
à être fidèle et dévoué mais en retour je ne
reçois qu'outrages et crachats. Quand je vieillis il m'abandonne sans
remords. Me voici devenu une loque. Pourquoi tergiverser, crocodile ?
dévore sans pitié.
Le cheval à peine parti l'âne arriva à son
tour pour se désaltérer. A la vue du chasseur, l'animai tint ces
propos :
- Joues-tu avec ce monstre placé devant toi ?
interrogea l'âne adoptant des attitudes de dédain à
l'endroit de l'homme. Quelle erreur est la tienne ! Voyez je suis
criblé de cicatrices et de cors. C'est lui qui est la cause de toutes
mes misères. Il est vrai que tant qu'il vivra, la gent animale ne
s'épanouira point. Vas-y saute sur lui et dévore-le.
Chaque animal qui passait par là trouvait un subterfuge
plus ou moins convaincant pour incriminer le chasseur et par là
provoquer la foudre du crocodile. C'est alors que Mesùt arriva et fut
mit au courant de querelle qui opposait le crocodile au chasseur.
- Ecoute, fit Mesùt au crocodile, en ce qui me
concerne, ton désir de dévorer le chasseur est légitime.
Mais comme chaque fait de la vie a son contrepoids, triture encore un peu tes
méninges.
- Que veux-tu insinuer ? de manda le crocodile.
- Cette histoire me paraît invraisemblable. Je n'arrive
pas à imaginer qu'un poulet de cet acabit ait pu traîner tout seul
un crocodile aussi misanthrope et ses enfants depuis les collines qui sont
à quatre rivières d'ici jusqu'à ce fleuve. Non, c'est
impossible !
- Ton attitude sceptique est légitime, Tita
Mesùt, mais cela est malheureusement vrai.
- Je n'en crois pas mes oreilles. Vous n'avez qu'à tout
recommencer, si tant est que je puisse trancher ce litige en contentant les
deux parties. Il faut que je voie de mes propre yeux comment ce chasseur va
vous transporter d'ici jusqu'au point de départ.
Sitôt dit, sitôt fait. Le crocodile et ses petits
furent de nouveau empaquetés et conduits vers les rivières
desséchées sous la supervision de Tita Mesùt. Une fois
revenus au lieu de départ, Mesùt demanda au crocodile
- Est-ce ici que ce chasseur t'a trouvé ?
- C'est ici qu'il m'a trouvé, fit naïvement le
crocodile. Et je l'ai supplié de nous venir en aide, mes enfants et
moi.
- Ah bon ! c'est donc ici, à cet endroit
desséché !
- Oui Tita Mesùt, répondit le caïman.
- Qu'es-tu donc venu chercher ici demanda Tita Mesùt
au chasseur ?
- Je me rendais à la chasse.
- Et qu'allais-tu chercher ?
- Du gibier.
- Oh ! mon brave homme, je suis étonné que
tu te fasses du mouron. Qu'as-tu devant toi ? L'homme est la seule
créature à pouvoir accéder à la réflexion,
et vous voulez vous en laisser accroire par une bête, fût-elle
gigantesque ?
Machinalement le chasseur défit son fusil et tira
plusieurs coups, tuant le crocodile et ses enfants.
Devant les corps inertes des crocodiles, le chasseur
contemplait avec son oeil torve l'exploit accompli avec l'aide de
Mesùt.
L'on mesure ici la sottise de celui qui s'abandonne à
l'ingratitude.
Conte n°20 : La Destitution de
Memvu-le-Chien
De temps immémorial, tous les animaux tinrent un
conseil pour désigner leur roi. Même ceux qu'on eût pris
pour les plus monstrueux par leur forme, leur taille, leurs moeurs
étrangères ou leur force, consentirent à admettre que
Memvù seul méritait ce trône. En effet, tous se savaient
misanthropes et rendaient un culte au chien qui resterait impartial dans toutes
les circonstances.
Or Mesùt-le-Lièvre, si envieux parmi la gent
poilue, lorgnait Memvù-le-Chien d'un mauvais oeil et se mit à
ourdir une trame pour renverser le roi des forêts. Il s'avança
vers le trône pour le rituel cérémonial de
révérences et se plia adroitement en criant :
- majesté, roi des rois, paix ! Ta face est plus
vulnérable que la cime des montagnes ! Ton noble front renferme
sans doute une idée propre à révolutionner les peuples qui
tournent le dos au soleil ! Tu n'es certes pas le plus géant de
tous les êtres mais tu es l'élu de la nature.
Puis il sortit de son sac un paquet de crabes grillés
et un os qu'il se mit à coquer délicatement. A la vue de cet
appât, Memvù-le-Chien perdu l'esprit.
- D'où vient cette odeur appétissante ?
s'exhalerait-elle de ton sac, Mesùt ?
- Mesùt qui savait que Memvù est un goinfre,
lança devant Sa Majesté un crabe et un os. Le roi fit un grand
bon en avant et se précipita sur ces restes. Il ne se doutait pas que
son attitude remplissait toute la cour de stupeur.
- Non ! criaient les bêtes consternées par
ce spectacle déshonorant, un roi ne doit pas avoir le museau
léger ! c'est très ridicule ! Nous ne méritons
point un tel roi !
La honte opprimait Memvù-le-Chien qui prit ses jambes
à son cou.
Le trône étant resté vide,
Mesùt-le-Lièvre fut choisi et acclamé comme régent.
De toutes parts fusaient des gerbes de voix : «Ah ! Ah ! Le
curieux de la chose, lançaient-elles, c'est qu'une vérité
nous est révélée. Quelque brève que puisse
être notre vie, il nous faut du bien-être. Mais l'on ne recherche
pas autrement celui-ci que dans la réserve et la dignité.
Conte n°21 : La Dette de
Kimanga-la-Tortue
En ce temps là Kimanga-la-Tortue et sa femme vivait
dans la misère. Une nuit dame Kimanga fit cette remarque à son
mari :
- A cette allure nous allons tous crever avant les
premières pluies. Il nous faut quelque chose à manger.
Trouve-nous un peu d'argent.
- Quoi ! es-tu folle ?
- Un peu d'argent nous permettra de survivre pendant quelque
temps.
- Mais où allons-nous trouver l'argent donc tu
parles ?
- Ecoute. Ton ami Kùpù-le-Cochon est bien
fortuné ! Il a toujours sa bourse pleine. Pourquoi ne pas lui
demander de nous prêter une petite somme que nous lui rembourserons
après l'arrivée des premières pluies. Nous aurons alors
récolté nos ignames et leur vente nous permettra de lui
rembourser son dû.
- Voilà une idée bien géniale.
- Le lendemain matin dès l'apparition des premiers
rayons de soleil, ils se rendirent chez Kùpù-le-Cochon qui les
reçut avec une certaine fébrilité :
- A l'arrivée des premières pluies, je te jure
mon frère, je te rembourserai sans délai. Tu auras ton dû
dans la totalité. Tu es vraiment un homme de bien. Fais-moi confiance.
Mon épouse ici présente peut te confirmer tout ce que je dis,
rassura Kimanga-la-Tortue.
- Kùpù-le-Cochon, très touché par
les paroles du couple Kimanga leur remit la somme qu'ils avaient
demandée. Une fois rentrés dans leur village, Kimanga et sa femme
se mirent à faire bombance. Tous les jours ils mangeaient comme des
rois. Ce bonheur ne dura pas longtemps. Les premières pluies
étaient déjà là et il fallait rembourser l'argent
de Kùpù.
- Mon mari qu'allons-nous devenir ? comment faire pour
rembourser l'argent de... Tu connais le caractère de notre
créancier.
- Calme-toi ma bonne femme. Ce n'est rien. Je sais comment
nous sortir de là.
- Et comment donc ?
Kimanga expliqua longuement à son épouse la ruse
qu'il avait ourdie pour venir à bout de leur créancier.
Lorsque Kùpù-le-Cochon vint plus tard pour
réclamer son dû, il ne trouva que la femme de Kimanga qui
écrasait le maïs sur une pierre au fond de la case.
- je te salue, femme de Kimanga. Où est ton mari ?
il faut qu'il me remette mon argent aujourd'hui.
- Ecoute, je ne sais pas où il est allé. Vous
les hommes, quand vous sortez, vous ne nous dites pas souvent où vous
allez. Passe un autre jour pour ton argent. Je suis occupée à
préparer le repas du soir et je ne peux te tenir compagnie. Au
revoir.
- Femme ! femme ! femme ! Ecoute-moi bien. Je
suis venu récupérer ce qui m'appartient et ton mari le sait.
- Mais penses-tu que mon mari n'a rien d'autre à
faire ? Ne perd pas ton temps à vociférer ici. Tu perds ton
souffle pour rien. Tiens... je me souviens il ne rentrera pas tôt
aujourd'hui parce qu'il a été invité au mariage d'un noble
qui vit à quatre rivières d'ici.
- Quoi ? ce salaud est allé au mariage alors
que...
- Tu oses traiter mon mari de salaud ? Et toi-même
n'en es-tu pas un ? je suis désolée... tu n'as aucune
dignité, tu es désagréable.
- Répète encore ce que tu vins de dire !
répète !
Penchée sur sa pierre, dame Kimanga continua à
écraser son maïs ignorant Kùpù qui s'enflamma
davantage. Devant ce mutisme, fou de rage, Kùpù se jeta sur la
femme et lui arracha d'entre les mains la pierre avec laquelle elle
écrasait le maïs et la jeta loin dans les champs. Alors
l'épouse de Kimanga se mit à pleurer à chaudes larmes
appelant son mari à son secours tout en suppliant Kùpù de
lui restituer sa pierre à écraser.
Sur ces entrefaites, Kimanga fit son entrée avec des
habits mouillés et sales à la grande surprise de
Kùpù. D'où venait-il ? Des champs où il venait
d'être jeté. La fameuse pierre à écraser
qu'utilisait la femme n'était rien d'autre que Kimanga lui-même.
C'était là la stratégie ourdie par lui pour
échapper à la colère de Nji kùpù qui
était très brutal.
- Je te salue Nji kùpù ! tu as bien fait de
venir nous voir aujourd'hui. Je vais tout de suite te donner ton argent. Mais
pourquoi ma femme pleure t-elle ? Qu'est-ce qui se passe ici ?
A ces mots, son épouse se mit à pleurer de plus
belle et lui raconta dans une voix entrecoupée de sanglots tout ce que
Kùpù lui avait fait subir. Kimanga s'indigna en apprenant
cela.
- Pourquoi as-tu violenté ma femme ? est-ce que tu
crois que je suis incapable de te rembourser ton argent ? Va alors
chercher la pierre de ma femme. Quand tu la lui remettras, je te payerai ton
dû.
- Je reviens dans un instant avec cette maudite pierre, lui
répondit Kùpù ;
Puis il s'enfonça dans la brousse et commença
à fouiller partout la pierre qu'il venait d'y jeter.
Il chercha pendant des semaines, des mois, des années
et jusqu'aujourd'hui Kùpù-le-Cochon cherche toujours la pierre
à écraser de la femme de Kimanga avec son groin.
Depuis ce temps là, toute la gent animale se
méfie de Kimanga-la-Torrtue et personne n'entretient plus avec lui des
rapports amicaux. Son acte d'ingratitude fut condamné par tous et l'on
se demanda pourquoi cet obscur Personnage avait un coeur de pierre et toujours
prompt à rendre le bien par le mal.
Conte n° 22 L'origine du divorce
Il était une fois un homme et une femme qui vivaient
heureux. Lui allait à la chasse et elle cultivait un grand champ de mais
qui s'étendait à l'infini. Malheureusement, un groupe de gorille
venait régulièrement piller la récolte. Un jour, il fut
sollicité par sa femme pour chasser les gorilles qui endommageaient le
champ. Mais il refusa, disant que s'il surveillait un coin les gorilles
allaient saccager de l'autre coté.
Un matin, la femme en eut assez et décida de chasser
elle-même les gorilles de son champ. Elle emporta au champ et le carquois
de son mari pendant que celui-ci dormait. Arrivée là-bas, elle se
mit à l'affût, bien cachée dans un buisson. Peu de temps
après, tout un groupe de singes arriva pour prendre le petit
déjeuner. La femme sorti une flèche du carquois et la
décrocha sur le plus gros d'entre eux, leur chef, qui s'écroula.
Les gorilles s'enfuirent en emportant avec eux le corps inanimé de leur
chef.
De retour au village la femme alla annoncer à son mari
qu'elle s'était elle-même occupée des bêtes qui
ravageaient sa récolte.
Au lieu de la féliciter, l'homme se mit en
colère sous prétexte qu'elle avait perdu sa flèche. Elle
fut donc obligée de retourner sur ses pas pour la
récupérer. Dans son chagrin elle se mit à
chanter :
Tiandé kwoué oho dé kwoué,
tiandé
Ta di tabassoué,tiandé
Bou ayé soun,tiandé
Soun ayé bou, tiandé
Djrou ayé cloui,tiandé
Cloui ayé djrou, tiandé
(L'auditoire reprend ·tiandé·
à la fin de chaque phrase du conteur)
Mince alors !aller chez les gorilles, aller chez les
gorilles, mince alors !
La flèche a atteint quelle partie d'abord ? mince
alors !
La jambe ou le bras ? mince alors !
Le bras ou la jambe ? mince alors !
La tête ou le ventre ? mince alors !
Le ventre ou la tête ? mince alors !
Elle marcha pendant deux jours et une nuit en suivant les
traces des gorilles avant d'arriver à leur village. Des centaines de
gorilles immenses et féroces s'étaient réunis pour pleurer
autour du corps de leur chef mort.
Et la fameuse flèche était encore plantée
dans sa poitrine. Alors, elle se jeta dans la foule et se mit à pleurer
tout en chantant (Tiandé kwoué ) et en faisant de grande
démonstration de douleur. Un peu surpris, les primates lui
demandèrent qui elle était car en ce temps là, les hommes
et les animaux se comprenaient. Elle répondit qu'elle était venue
de très loin dès qu'elle avait appris le décès du
grand singe, qui était son parent éloigné mais
adoré.
Au bout de plusieurs jours, même les enfants du chef
étaient fatigués pleurer mais elle continuait à hurler et
à se rouler par terre dans une mare de pleurs. De sorte que tous les
singes se sentaient gênés qu'une parente éloignée
soit plus chagrinée qu'eux- mêmes ses proches. Alors ils lui
demandèrent si quelque chose pouvait diminuer sa peine. Elle leurs dit
que s'ils pouvaient lui donner la flèche qui était à
l'origine du décès, elle rentrerait chez elle avec un souvenir de
son parent adoré. Ils lui donnèrent la fameuse flèche
avant de la raccompagner aux portes de leur village. Une fois rentrée
chez elle, elle donna la flèche à son mari et décida de le
quitter. Ainsi, par eux, arriva le premier divorce.
Conte n° 23 Et le ciel recula
Il y a longtemps, bien longtemps, avant que nos ancêtres
ne viennent s'établir dans cette contrée, le Ciel et la Terre,
non seulement vivaient en bonne compagnie, mais résidaient à
proximité l'un de l'autre. Ils pouvaient ainsi se concerter lors de
décisions importantes à prendre qui concernaient la survie de
l'humanité aussi bien que des animaux, des plantes, des roches et
minéraux dont le rayonnement apportait tant de bienfaits. Le Ciel
penchait bien souvent son regard bienveillant vers les êtres vivant juste
en dessous de lui. Il se courbait si fort qu'il lui arrivait de frôler la
cime des manguiers et des fromagers. Parfois même, des vieux très
grands de taille, comme ceux qui habitent les bords du fleuve, sentaient un
frisson parcourir leur crâne aux cheveux soigneusement rasés. Ils
savaient alors que le ciel leur témoignait une attention toute
spéciale. Ils en retiraient un sentiment encore plus aigu de leur
importance et de leurs responsabilités. Un jour, une jeune femme,
saisit une jarre de terre cuite et la plaça sur les trois pierres qui
constituaient le foyer. Le bois avait déjà donné de hautes
flammes. A présent, les braises rougeoyaient en sifflant
harmonieusement, comme pour donner le maximum de leur chaleur. La femme
s'activait, maniant avec dextérité la longue spatule de bois qui
servait à remuer le mélange d'eau et de farine fermentée
dans l'eau, afin d'obtenir une pâte homogène, à la surface
bien lisse. Elle réalisait toutes ces opérations en silence. Car
la concentration était nécessaire à une pleine
réussite de cet art demeurant délicat même s'il se
répétait quotidiennement. Après avoir fini de cuire
la pâte de maïs qui constituait l'essentiel du repas familial, la
jeune femme racla soigneusement le fond de la marmite pour la
débarrasser des morceaux qui y restaient attachés. Elle y versa
deux ou trois calebasses d'eau qu'elle prit d'un énorme
récipient, de terre cuite également, placé près du
puits pour contenir la réserve pour la journée.
Malencontreusement, elle remua la marmite en tout sens, puis, d'un geste
distrait, elle lança le contenu bien haut, de toutes ses forces.
Malheur ! L'eau s'éleva si haut qu'elle s'en vint cogner la
voûte céleste. Le Ciel, bien entendu, se mit en
colère. Il gronda de plusieurs coups de tonnerre sans qu'il fasse
réellement de l'orage. Mais cela ne suffit point à l'apaiser.
- Que ferais-je pour manifester mon
mécontentement ? dit-il à nouveau, dans un roulement
sourd.
Tomber de toute ma puissance sur cette femme et
l'écraser ? Cela ne convient pas à ma grandeur. Je ferais
mieux tout simplement de me mettre désormais hors de la portée
des humains. Depuis ce jour, le Ciel se retira loin, bien loin de la
Terre. Il ne consentit plus jamais à descendre jusqu'à une
distance de contact avec les humains. Quelques morceaux de pâte de
maïs flottaient dans l'eau qui le toucha. Ils y restèrent
collés et forment aujourd'hui les étoiles.
C'est ainsi que par l'inadvertance d'une femme la face
du monde fut irrémédiablement changée.
Conte n° 24 : Pourquoi y a-t-il tant
d'idiots de part le monde ?
Autrefois, il y avait beaucoup moins d'idiots qu'aujourd'hui.
Quand il s'en trouvait un quelque part, aussitôt on le chassait du
village. Aujourd'hui, par contre, il faudrait chasser la moitié du
village et encore, cela ne suffirait pas. Mais comment se fait-il qu'il y en
ait tant ? Voici comment les choses se passèrent : Un jour,
trois idiots qu'on avait chassés pour leur bêtise se
retrouvèrent à une croisée de chemins et se dirent :
" Peut-être arriverons-nous à quelque chose d'utile en
réunissant l'intelligence de trois têtes stupides. Et ils
poursuivirent leur chemin ensemble. Peu de temps après, ils
arrivèrent devant une cabane d'où sortit un vieil homme. "
Où allez-vous ? " demanda celui-ci. Les idiots haussèrent
les épaules : " Là où nous porteront nos jambes. On
nous a chassés de chez nous pour notre bêtise. " Le vieux
répliqua : " Alors, entrez. Je vais vous mettre à
l'épreuve. " Il avait trois filles tout aussi bêtes et se montrait
donc compréhensif. Le lendemain, il demanda au premier idiot : " Va
à la pêche ! " Et au deuxième : " Va dans les
fourrés et tresse des cordes ! " Puis au troisième : "
Et toi, apporte-moi des noix de coco ! " Les idiots prirent un carrelet,
une hache et un bâton et se mirent en route. Le premier s'arrêta au
bord d'une mare et se mit à pêcher. Quand son carrelet fut plein,
il eut tout d'un coup soif. Il rejeta tout le poisson dans l'eau et rentra
boire à la maison. Le vieux lui demanda : " Où sont les
poissons ? " " Je les ai rejetés à l'eau. La soif m'a pris
et j'ai dû vite rentrer pour me désaltérer. " Le vieux se
fâcha : " Et tu ne pouvais pas boire à la mare ? " "
Tiens, je n'y ai pas pensé. " Pendant ce temps, le second idiot avait
tressé un tas de cordes et se préparait à rentrer. Il
s'aperçut qu'il n'avait pas de corde pour les attacher. Alors, il courut
en chercher à la maison. Et le vieil homme se fâcha encore :
" Et pourquoi n'as-tu pas attaché ton tas avec l'une des cordes ? "
" Tiens, je n'y ai pas pensé. " Le troisième idiot grimpa sur un
cocotier et montra les noix de coco à son bâton : " Tu vas
jeter par terre ces noix, compris ? " Il descendit et commença
à lancer le bâton sur le cocotier, mais il ne fit tomber aucune
noix. Lui aussi rentra à la maison bredouille et une fois de plus, le
vieux se fâcha : " Puisque tu étais sur le cocotier, pourquoi
n'as-tu pas cueilli les noix à la main ? " " Tiens, je n'y ai pas
pensé. " Le vieux comprit qu'il n'arriverait à rien avec les
trois sots. Il leur donna ses trois filles pour femmes et les chassa tous. Les
idiots et leurs femmes construisirent une cabane et vécurent tant bien
que mal. Ils eurent des enfants aussi bêtes qu'eux, les cabanes se
multiplièrent et les idiots se répandirent dans le monde
entier.
Conte n°25 : Le Roi Qui Voulait Marier
Sa Fille
Dans un village vivait un roi qui avait une fille
très belle. Pour pouvoir la marier avec quelqu'un de son choix, il
décida de l'enfermer dans une case sans porte. Ainsi, il était
sue qu'elle ne tomberait pas amoureuse de n'importe qui. Les servantes lui
donnaient des repas par une minuscule ouverture par laquelle aucun homme
n'aurait pu passer.
Ce printemps là les prétendants arrivaient de
toutes les contrées pour essayer d'obtenir la main de la merveilleuse
princesse. Le roi n'en trouvait pas à son goût. L'un était
trop pauvre, bien que fils de roi : « va-t'en, pantalon
troué » l'autre trop vilain : « il est laid on
dirait grain de riz » ; le suivant trop
rustre « regarde moi ce gawou ! » et ainsi de
suite. Une année passa et le roi n'avait pas toujours trouvé son
gendre.
Un matin, les servantes qui apportaient à manger
à la princesse entendirent des pleurs de nouveau-né venant de la
case. Affolées, elles accoururent chez le roi pour lui annoncer la
mauvaise nouvelle. Le roi les menaça de leur couper la tête pour
avoir porter atteinte à l'intégrité de la dignité
de la famille royale mais il dut se rendre à l'évidence :
tout le pays avait entendu les peurs de son petit-fils et ne parlait plus que
de ça. Il envoya donc les gardes casser le mur de la case et ramener sa
fille pour lui faire avouer le nom de l'infâme séducteur qui
l'avait enceinté. La fille lui répondit qu'elle ne connaissait ni
son nom ni son visage car elle le recevait dans l'obscurité de sa case
sans porte ni fenêtre.
Le roi décida de convoquer une grande
assemblée dans le but de confondre celui qui a fait un enfant à
sa fille bien aimée et de le tuer. Au jour du neuvième mois de
son petit-fils, chacun vient chanter devant l'enfant les paroles suivantes pour
que celui-ci désigne son père en marchant vers lui.
Nan djou oh,
toi to toi,
Nan djou oh,
Toi to toi,
Bo ni ma djou èh,
Mè nan yeh dji oh,
Toi to toi,
Toi to toi,
Toi to toi,
Enfant qui commence à marcher oh,
A pas mal assuré,
Enfant qui commence à marcher oh ,
A pas mal assuré,
Si tu es mon fils ,
Marches et viens vers moi,
A pas mal assuré,
Tous les hommes de la tribu passent sans que l'enfant ne se
manifeste. On fait donc venir ceux des tribus voisines, mais aucun n'est le
père. Finalement le roi se résigne à soumettre les animaux
de la foret à l'épreuve. Dans son orgueil de roi, il fait passer
en premier les animaux les plus forts mais le chant du lion, de
l'éléphant ou du léopard ne font qu'effrayer l'enfant.
Arrivé à l'écureuil, l'assemblée
riait parce qu'il n'avait pas l'air d'être capable de séduire et
d'enceinter la belle princesse. Malgré les quolibets de la foule, il
entonne la chanson et aussitôt, le « Nan djou »,
qui écoutait avec attention, se lève et va « toi
to toi » vers son père. Un long silence se fit dans la foule
stupéfaite. Avant, que les gardes du roi n'aient réalisé
ce qui se passait, l'écureuil prend son fils et disparaît dans les
arbres. En fuyant, le bracelet de l'enfant tombe dans un champ d'arachide.
C'est pourquoi quand on croise un écureuil entrain de fouiller dans un
champ d'arachide, il montre son bras pour dire qu'il cherche le bracelet de
son fils avant de se réfugier dans les arbres. D'autres que les
wobés diraient que l'animal fait un bras d'honneur au
propriétaire du champ dont il vient de manger les graines.
Conte n°26 : Les trois antilopes
Autrefois, il y avait moins de gibier qu'aujourd'hui. Les
antilopes surtout étaient peu nombreuses. En fait, leur troupeau se
résumait à deux femelles, si bien que les antilopes ne pouvaient
pas se reproduire. Très malheureuses, les femelles n'arrêtaient
pas de se plaindre, mais personne ne savait les conseiller ni les aider. Ces
plaintes incessantes agaçaient prodigieusement l'Esprit des Eaux, qui
habitait la fontaine à laquelle les antilopes venaient s'abreuver.
Exaspéré, il leur dit : " Je suis las de vos lamentations.
Je vous promets de transformer en antilope mâle le premier animal qui
viendra boire à ma fontaine. Ainsi, vous serez trois. " Heureuses, les
antilopes se dissimulèrent dans les buissons pour guetter leur futur
compagnon. Voilà qu'un homme suivi de son fils arriva à la
fontaine, et nos antilopes recommencèrent à se plaindre : "
Nous ne voulons pas d'homme ! " L'homme dressa l'oreille : " Quelles
sont ces voix ? " Mais le jeune homme, assoiffé, but à la
fontaine sans plus attendre. Aussitôt, il se transforma en antilope sous
le regard médusé de son père. Celui-ci comprit, cependant,
ce qui venait d'arriver. Il soupira : " Hélas, mon fils ! Si
tu rencontres les hommes, enfuis-toi. Si tu croises les
éléphants, sauve-toi. Mais si tu aperçois les antilopes,
joins-toi à elles. " Sur ces paroles, il s'en alla. Nos deux antilopes
voulurent s'enfuir, mais le nouveau venu les rattrapa. Une nouvelle vie
commença. Bientôt, les deux femelles eurent des petits, et le
premier troupeau se forma. Depuis ce temps, les antilopes se
multiplièrent au point qu'aujourd'hui nul ne saurait les compter.
Conte n°27 : Comment le tambour est
arrivé sur la terre
Il y a très longtemps, une corde reliait le ciel et la
terre. En ce temps- là, toutes les créatures les humains et les
animaux, parlèrent le même langage et se comprenaient.
Ils travaillaient ensemble, ils dansaient ensemble, ils
partageaient tout. Les humains et les bêtes aimaient la musique mais il
n'y avait pas de tambour sur la terre. Le seul tambour de la création
était là-haut, au ciel. Ceux qui avaient envie de danser se
réunissaient chez Dieu pour faire la fête.
Un jour, Renard qui ne pense qu'à danser monte le long
de la corde jusqu'au ciel et se joint à une grande fête. Le
tambour résonne et les danseurs s'en donnent à coeur joie, ils
dansent nuit et jour, jusqu'à épuisement. Renard se
réjouit du bonheur qu'il peut lire sur le visage des danseurs. Il a
pourtant un regret : pourquoi faut-il laisser le tambour au ciel ? Il
serait bon de l'avoir sur la terre, à portée de main ! Cela
éviterait de devoir monter sur la corde. Il n'a qu'une envie, emporter
le tambour avec lui.
Il attend que tout le monde soit parti et, quand il est
tout seul, il attache le tambour à sa queue et descend le long de la
corde. Quand Renard est à mi-chemin entre le ciel et la terre, Dieu
s'aperçoit que le tambour a disparut. Il le cherche partout et, quand il
regarde en bas, il voit Renard le tambour attaché à la queue. La
queue frappe la peau du tambour et la fait résonner. Dieu est en
colère, il ne sait que faire. Soudain, il prend le couteau et coupe la
corde.
C'est depuis ce temps- là qu'il y a des tambours
sur la terre pour danser et faire la fête, c'est depuis ce
temps-là aussi qu'il n'y a plus de lien entre le ciel et la terre.
Conte n°28 : Le prince de la
pluie
Il y a très très longtemps, un homme et son fils
vivaient dans une cabane au fin fond des forêts éthiopiennes,
là où personne ne va presque jamais. Autrefois, l'homme avait
été marié mais sa femme était morte en donnant le
jour à leur fils. Son chagrin avait été tellement grand
qu'il décida de ne plus vivre parmi les hommes. Il voulait vivre
seulement avec son chagrin et son fils Dévi. Un jour, il
s'enfonça profondément dans la forêt et y construisit une
simple cabane pour eux deux. Devi grandit en solitaire. Son père lui
apprit toutes les choses de la vie : à marcher, à parler,
à chasser et à pêcher, mais hélas, Devi ne
rencontrait jamais personne.
Dans ce coin perdu de la forêt, il
pouvait tout au plus apercevoir quelque voyageur égaré. Fort
heureusement, père et fils s'entendaient bien. Le père de Devi
était un homme bon et doux qui aimait beaucoup son fils. Il en
était également très fier, car Devi devenait un beau jeune
homme qui assimilait à merveille tout ce que son père lui
enseignait.
Lorsque Devi eut atteint l'âge de dix-huit ans, une
sécheresse épouvantable s'abattit sur le royaume voisin d'Anga.
La pluie n'était plus tombée suffisamment depuis plus d'un an et
chacun commençait à s'inquiéter. Les fermiers se
plaignaient de leurs champs asséchés et l'eau des rivières
ne suffisait pas à donner à boire à tous les habitants,
les animaux et les cultures du pays. La famine ne tarderait donc pas à
s'abattre sur le pays tout entier. Le roi était au désespoir. Il
avait convoqué plusieurs sages afin de le conseiller. L'un dit :
- Que tous les hommes qui possèdent un âne
aillent chaque jour chercher deux sacs d'eau dans la mer afin d'irriguer les
champs. Un autre répondit
:
- Non, Sire, cela ne se peut, car l'eau de mer nuit aux
plantes. Elles mourront tant à cause du sel qu'à cause de la
sécheresse.
Un autre encore voulait faire sortir tous les animaux du
pays, afin qu'il y ait davantage d'eau potable pour les hommes et les cultures,
mais le roi refusa à nouveau.
Aucune des solutions proposées
n'étaient bonnes. Il fallait tout simplement que de l'eau de pluie
fraîche et limpide tombe du ciel pour que le pays tout entier en ait
à nouveau à suffisance.
- Sire, il n'y a qu'une seule solution, dit un conseiller
âgé et sage. Cherchons un jeune homme pur et intact, un jeune
homme qui n'ait jamais fait de mal et qui n'a que de bonnes intentions.
Ramenons-le à Anga et il pleuvra. Les autres conseillers
approuvèrent d'un signe de tête. Puisque seule de la vraie pluie
pourrait satisfaire le roi, c'était la meilleure des solutions.
Seul
un jeune homme pur saurait contenter les dieux du temps. C'était une
vérité vieille depuis des siècles ; restait à
savoir où le trouver !
Anga grouille de jeunes gens, mais aucun d'eux n'est
entièrement pur de corps et d'esprit.
- J'en connais bien un, dit un
gentil conseiller en se caressant la barbe. C'était un homme qui
était originaire du même village que le père de Devi et
connaissait son histoire et celle de son fils. Il la raconta au roi et aux
autres conseillers.
- Je crains cependant que le père n'accepte jamais
que nous ramenions son fils à Anga, dit-il,
découragé.
Le roi réfléchit un instant. Soudain,
son visage s'éclaira.
- Je connais le moyen de faire venir ce jeune
garçon à Anga, dit-il en riant. Avez-vous donc oublié que
j'ai une fille ? Elle est la plus belle du pays et, en plus, elle est
intelligente. Si je lui explique l'affaire, elle fera de son mieux et je ne
doute pas un instant qu'elle ne parvienne à persuader ce jeune
garçon de l'accompagner.
Aussitôt dit, aussitôt fait. Le roi parla
immédiatement à sa fille qui trouva très amusante
l'idée de séduire un gentil garçon avec l'accord de son
père.
- Est-il très beau? demanda-t-elle avec
curiosité.
- Tu le verras toi-même, répondit le roi avec
impatience. Tu n'as pas à l'épouser de toute façon.
La
princesse préféra ne pas répondre et commença
immédiatement à préparer ses valises pour ce long voyage.
Le conseiller lui expliqua où et dans quelle partie de la forêt
elle devrait chercher le jeune homme.
- Essaie de n'attirer que son attention à lui, car
si son père le remarque, notre ruse échouera! lui dit le
conseiller, alors que la princesse était déjà à
cheval. Il veut seulement vivre tranquillement avec son fils dans la
forêt.
Après un long et pénible voyage, la
princesse arriva enfin à l'orée de la forêt où
vivaient Devi et son père. La princesse descendit de cheval,
revêtit sa plus jolie robe et se faufila à travers la
végétation touffue jusqu'au fin fond de la forêt. Soudain,
elle entendit des voix. Elle se dissimula rapidement derrière un gros
arbre. juste à temps, car le père de Devi était sur le
point d'aller chercher des fruits dans la forêt. Il adressa quelques mots
à son fils.
- Je serai de retour avant le coucher du soleil, lui
entendit dire la princesse. D'ici là, nettoie la cabane et mets une
bouilloire sur le feu.
Sur ces mots, il partit. La princesse patienta quelques
minutes pour plus de sûreté et se dirigea à pas
feutrés vers la cabane. De l'intérieur, on entendait le bruit du
balai qui fouettait le sol. Le jeune garçon était manifestement
obéissant et courageux.
- Bonjour! dit la princesse doucement.
Un garçon aux cheveux bruns et bouclés passa
la tête par l'embrasure de la porte d'un air surpris et fixa sur elle ses
yeux étincelants. Comme il était beau! Elle n'avait jamais vu de
jeune homme aussi beau et aussi aimable. La princesse se sentit rougir
jusqu'à la racine des cheveux. Devi aussi était troublé.
Il n'avait jamais rencontré d'autres personnes et ne connaissait que son
père. Quelle était cette personne bizarre sur le pas de la porte
?
Il regarda d'un air admiratif le fin visage, les longs cheveux
ondulés et les magnifiques vêtements, dont dépassaient deux
petits pieds.
- Qui êtes-vous ? demanda-t-il poliment, car son
père lui avait appris les bonnes manières.
- Mon nom est Eleni
et je viens d'Anga, répondit la princesse timidement. Et vous, qui
êtes-vous ?
Devi se présenta à son tour. Il offrit à
boire et à manger à la princesse et ils parlèrent
tout l'après-midi comme de vieilles connaissances. La
princesse connaissait également toute une série de jeux auxquels
Devi participa volontiers. Ils riaient et se poursuivaient. Ils jouèrent
à cache-cache, à "coucou! qui est là?" et
tressèrent des colliers de fleurs pour garnir leurs cheveux. Le soir
arriva beaucoup trop vite à leur gré.
- Je dois partir, dit la
princesse effrayée, lorsque le soleil eut disparu derrière la
cime des arbres.
Pensez donc ! Le père de Devi ne tarderait pas
à rentrer et il n'apprécierait guère sa visite. Relevant
ses jupes, elle courut chercher refuge à l'abri des arbres.
-
Attends! Mon père ne va pas tarder à rentrer. Tu pourras faire sa
connaissance, lui cria Devi, mais il était déjà trop tard,
la princesse avait déjà disparu à l'ombre des
arbres.
Devi en était tout dérouté. Il aurait bien
suivi la princesse, mais ce n'était pas possible, car son père se
serait fait du mauvais sang. Mais d'un autre côté, sans la
princesse, il se sentait terriblement seul.
Lorsque le père de Devi
entendit ce qui s'était passé, il sut immédiatement que
Devi avait reçu la visite d'une femme.
- Méfie-toi, le mit-il en garde. Si ça
continue, elle t'entraînera avec elle loin d'ici. Qui sait où tu
te retrouveras.
Quelques jours plus tard, le père de Devi dut
à nouveau aller dans la forêt constituer des réserves. Il
mit de nouveau son fils en garde contre la jeune fille, mais sitôt son
père hors de vue, Devi oublia son avertissement. Cela faisait plusieurs
jours que la princesse guettait derrière le grand arbre et elle put
enfin se montrer. Devi était fou de joie. il la serra dans ses bras et
lui offrit toutes sortes de friandises. Ils se remirent à jouer
ensemble. Cet après-midi-là, Eleni lui raconta aussi la terrible
sécheresse qui s'était abattue sur son pays. Elle raconta
également à Devi qu'il était le seul à pouvoir
amener la pluie.
- Mais pour ça, il faut que tu m'accompagnes
à Anga, lui dit-elle doucement. Si tu restes ici, tu ne pourras rien
faire pour notre pays.
Mon père se fera du souci, si je ne suis pas
là à son retour, résista mollement Devi. Je dois attendre
qu'il revienne pour lui expliquer.
Mais Eleni ne voulait rien entendre. Imaginez-vous! Si son
père lui interdisait de l'accompagner, elle aurait fait tout cela pour
rien.
- Si tu le veux, tu pourras m'épouser, dit-elle
pour l'amadouer. Je t'aime et je vois que tu m'aimes aussi. Tu deviendras riche
et célèbre. Dès qu'il pleuvra à Anga, nous
reviendrons chercher ton père et tu pourras t'occuper de lui autant que
tu le voudras, bien mieux que tu ne pourras jamais le faire dans cette cabane.
S'il te plaît, partons. Maintenant !
Le coeur de Devi fondit
lorsqu'il vit les yeux suppliants de la princesse. Il rassembla ses maigres
affaires et suivit la princesse.
Dès que Devi posa le pied dans le royaume d'Anga,
une pluie torrentielle se mit à tomber. Tous les habitants du pays
asséché sortirent de leur maison et, à genoux, ils
remercièrent le ciel de leur envoyer cette eau claire. Les
rivières coulèrent à flots et les plantes
relevèrent la tête, toutes revigorées. Le roi était
fou de joie, car le malheur était conjuré. Il voulut remercier
Devi en lui offrant un grand sac rempli de pièces d'or, mais lorsqu'il
vit comment sa fille et le jeune garçon se regardaient, il accorda
à Devi la main de sa fille. Nulle part ailleurs, il ne trouverait
meilleur gendre.
Le mariage fut célébré en grande
pompe dans tout le pays. Le roi envoya chercher le père de Devi et
lorsque celui-ci vit combien son fils était heureux avec la princesse,
il embrassa sa nouvelle belle-fille et souhaita aux jeunes mariés tout
le bonheur du monde. Devi emmena son père dans le château que le
roi avait fait construire pour le jeune couple.
Depuis ce jour-là, il
n'y eut plus jamais de sécheresse dans le royaume d'Anga qui devint le
pays le plus fertile d'Afrique.
Conte n° 29 : Les trois soeurs et
Itrimoubé
Il y avait une fois un homme et une femme qui avaient trois
filles. La plus jeune, appelée Ifara, la plus était la plus
jolie. Une nuit, Ifara fit un rêve et le lendemain elle le raconta
à ses soeurs.
- J'ai rêvé, dit-elle,
que je voyais le Fils du Soleil descendant sur la terre pour chercher une femme
et, le croiriez-vous ? il me choisit pour être son épouse. Les
deux autres soeurs furent vexées en entendant cela et elles se dirent :
" Elle est certainement bien plus jolie que nous, et qui sait si un grand chef
ne viendra pas pour l'épouser ? Il nous faut chercher un moyen de nous
débarrasser d'elle. Mais voyons d'abord si tout le monde la trouvera la
plus jolie. "
Elles appelèrent Ifara et lui dirent de s'habiller pour
sortir avec elles. La première personne qu'elles rencontrèrent
fut une vieille femme.
- Oh! bonne mère, crièrent
les deux soeurs, quelle est la plus jolie de nous trois
?
La vieille répondit : " Ramatoua n'est pas mal,
Raïvou non plus, mais c'est Ifara qui est la plus belle.
"
Alors Ramatoua enleva à sa jeune soeur sa robe de
dessus.
Elles rencontrèrent un vieillard et lui
dirent :
- Oh ! bonhomme, quelle est la plus jolie de nous trois ?
Le vieillard fit la même
réponse que la vieille femme, et Raïvou dépouilla Kara de sa
robe de dessous.
Ensuite elles rencontrèrent
Itrimoubé, un monstre moitié homme, moitié taureau, avec
une longue queue pointue.
- Voici Itrimoubé, dirent les deux
soeurs, et elles lui crièrent : " Itrimoubé, quelle est la plus
jolie de nous trois ? "
Itrimoubé poussa un grognement et
répondit : " Ça n'est pas difficile à dire, c'est
Ifara. "
Les deux soeurs étaient pleines de
rage, et elles se dirent : " Nous ne pouvons pas la tuer nous-même mais
nous lui ferons cueillir les légumes d'Itrimoubé alors, il sera
en colère, et il la mangera ".
Elles
appelèrent Ifara et lui dirent
:
- Jouons à qui ramassera les
plus gros ignames.
Où faut-il aller ?
dit Ifara.
- Là-bas, dirent ses soeurs en lui montrant champ
d'Itrimoubé. Mais cueille seulement ceux viennent juste de pousser.
Quand Ifara rapporta ses ignames, elle vit qu'ils
étaient beaucoup plus petits que ceux de ses soeurs. Elles se
moquèrent d'elle et lui dirent : " Va vite en chercher d'autres.
"
Quand Ifara fut de retour dans le champ d'ignames, elle
vit arriver Itrimoubé galopant sur ses quatre pieds ; il la saisit
en s'écriant : " A présent, je t'y prends ; c'est toi qui
voles mes ignames; je vais t'avaler. "
- Oh ! non, non, dit la pauvre Ifara pleurant, laissez-moi
plutôt être votre femme, et je vous servirai
- bien.
- Viens, alors, dit
Itrimoubé, et il l'emmena dans sa hutte, mais son idée
était de l'engraisser pour la manger ensuite.
Les deux soeurs furent ravies voir le monstre emmener Ifara.
Elles coururent à leur maison, racontèrent à leurs parents
qu'Ifara avait volé les ignames d'Itrimoubé, et que celui l'avait
mangée. Le père et la mère pleurèrent
amèrement sur le sort de leur chère fille.
Pendant ce temps, Itrimoubé engraissait Ifara; il la
tenait enfermée dans la maison, cousue dans une natte, pendant qu'il
allait chercher toutes sortes de choses pour lui donner à manger, et il
commençait à penser qu'elle était bien dodue et qu'elle
devait être bonne à rôtir.
Un jour qu'Itrimoubé était sorti pour toute la
journée, Ifara vit une petite souris qui lui dit : " Donne-moi un peu de
riz blanc, Ifara, et je te dirai quelque chose. " Ifara lui donna un peu de riz
blanc, et la petite souris lui dit »
- Demain, Itrimoubé va te manger, mais je rongerai le
fil qui tient la natte et tu pourras te sauver. Prends avec toi un oeuf, un
balai, un bâton et un caillou bien roulé et poli, et mets-toi
à courir du côté du sud.
Quand la petite souris eut rongé le fil qui tenait la
natte, Ifara prit un oeuf, un balai, un bâton et une pierre polie, et
elle se sauva bien vite, après avoir mis à sa place un tronc de
bananier et fermé la porte.
Quand Itrimoubé rentra, apportant un grand pot et une
sagaie pour tuer Ifara et la faire bouillir, il trouva la porte fermée.
Il frappa et appela; personne ne répondit.
- Bien, pensa-t-il. Ifara est devenue si grasse qu'elle ne
peut plus bouger !
Il brisa la porte et, courant droit vers
le lit, il enfonça son arme dans le tronc de bananier, croyant tuer
Ifara.
- Comme Ifara est grasse, dit-il, ma sagaie s'enfonce toute
seule ! Il la retira et passa la langue dessus.
- Elle est
toute en graisse et tout à fait insipide. Elle sera peut-être
meilleure rôtie !
Mais, en ouvrant la natte, il vit
le tronc de bananier, et il fut très en colère. Il sortit et huma
l'air vers nord : rien ; il huma l'air vers l'est : rien ; vers l'ouest rien ;
il huma l'air enfin vers le sud : " Ah! cette fois, je la tiens ! "
Il se mit à galoper, et bientôt il atteignit
Ifara.
- Maintenant, je t'aurai ! cria-t-il. Ifara jeta à
terre son balai, criant : " Par ma mère et par mon père, que ce
balai devienne un fourré qu'Itrimoubé ne puisse pas traverser !
"Voilà le balai qui s'allonge, qui grossit, et qui devient un
énorme fourré ! Mais Itrimoubé enfonça sa queue
pointue dans fourré et se fit un chemin et il cria : - Maintenant, je
t'aurai, Ifara !
Ifara jeta l'oeuf à terre, en
criant : " Par mon père et par ma mère, que cet oeuf devient
un étang qu'Itrimoubé ne puisse pas traverser! " L'oeuf se cassa
et devint un étang très profond.
Mais
Itrimoubé se mit à boire l'eau et quand l'étang fut
à sec, il passa et cria :
A présent, je
t'aurai Ifara!
Alors Ifara jeta son bâton à terre, en criant : "
Par mon père et par ma mère, que ce bâton devienne une
forêt qu'Itrimoubé ne puisse pas traverser! "
Le bâton devint une forêt dont toutes les
branches s'entrelaçaient. Mais Itrimoubé coupa les branches avec
sa queue jusqu'à ce qu'il ne restât plus un arbre debout. "
Maintenant, je t'aurai, Ifara! "
Mais Ifara jeta un caillou
roulé à terre en criant : " Par mon père et par ma
mère, que ce caillou devienne une barrière de rochers. " Le
caillou grossit, grandit, et devint un rocher perpendiculaire, et il fut
impossible à Itrimoubé de le gravir. Alors, il cria : " Tire-moi
en haut, Ifara, je ne te ferai point de mal. ".
- Je ne te tirerai pas en haut, si tu ne plantes d'abord ta
sagaie dans la terre ", dit Ifara. Itrimoubé planta sa sagaie dans la
terre, et la bonne Ifara commença à le tirer en haut avec une
corde. Mais, quand il fut près du bord, il cria : " En
vérité, en vérité, je t'aurai à
présent, Ifara !"
Ifara fut si effrayée
qu'elle lâcha la corde et Itrimoubé tomba juste sur sa sagaie,
où il s'empala. Ifara ne savait plus où trouver son chemin et
s'assit en pleurant. Bientôt un corbeau vint se poser près d'elle
et elle lui chanta :
"Joli corbeau, joli corbeau, "Je
lisserai tes plumes noires " Si tu veux m'emporter avec toi " Vers le puits de
mon père. " Non, dit le corbeau, je ne t'emporterai pas ; tu
n'aurais pas dû raconter que je mangeais des arachides vertes!
Il vint ensuite un milan, et elle lui chanta : " Mon beau
milan, mon beau milan
"Je lisserai tes plumes grises" Si tu
veux m'emporter avec toi
" Vers le puits de mon
père. " Non, dit le, milan, je ne t'emporterai pas. Tu n'aurais pas
dû raconter que je mangeais des rats morts.
La pauvre Ifara regrettait bien d'avoir été si
bavarde, et elle pleurait amèrement, quand elle aperçut un joli
pigeon bleu qui roucoulait : " reou, reou, reou " et elle lui
chanta : "Joli pigeon, joli pigeon, " Je lisserai tes plumes bleues,
" Si tu veux m'emporter avec toi " Vers le puits de mon père.
" Reou! reou! reou! Viens, jeune fille, roucoule le pigeon bleu. J'aime
à prendre pitié de ceux qui souffrent. Et il l'emporta vers le
puits de son père et la posa sur un arbre, juste au-dessus de la
source.
Elle n'y était pas depuis longtemps quand leur petite
esclave noire vint puiser de l'eau, et, en se penchant, elle vit comme dans in
miroir le visage d'Ifara dans le puits, et elle crut voir sa propre figure.
- Vraiment! pensa l'esclave, je suis bien trop jolie pour
porter cette vilaine cruche !
Et elle jeta la cruche par
terre et la brisa, pendant qu'Ifara criait :
- Mon père et ma mère dépensent-ils leur
argent à acheter des cruches pour que tu les casses ?
- L'esclave regarda partout autour d'elle, mais ne vit
personne et retourna à la maison.
- Le lendemain matin, elle revint avec une autre cruche et,
voyant la figure d'Ifara dans l'eau, elle cria :
- Non, jamais plus je ne porterai de cruche; je suis bien trop
jolie! et elle cassa encore sa cruche.
- Mais Ifara chanta de nouveau :
- Mon père et ma mère dépensent-ils leur
argent acheter des cruches pour que tu les casses ?
L'esclave regarda de tous les côtés, et, ne
voyant personne, elle courut à la maison, et raconta qu'il avait dans le
puits quelqu'un qui parlait avec la voix d'Ifara. Le père et la
mère se mirent à courir, et quand Ifara les vit elle descendit de
l'arbre, et ils pleurèrent de joie de se retrouver. Les parents d'Ifara
furent s fâchés contre leurs deux aînées qu'ils les
chassèrent de la maison et vécurent heureux avec Ifara.
- Conte n°30 : L'histoire de
Raboutity
Un jour, Raboutity grimpa sur un arbre, mais comme la branche
était pourrie, il tomba et se cassa la jambe. Assis par terre, et tenant
sa jambe cassée entre les mains, il dit :
- L'arbre
a cassé la jambe de Raboutity; il n'y a rien de plus fort que
l'arbre.
- C'est vrai, je suis fort, dit l'arbre, mais le vent me plie
et me casse.
Le vent plie l'arbre; l'arbre casse la jambe
de Raboutity, il n'y a rien de plus fort que le vent.
- C'est vrai, je suis fort, dit le vent; mais le mur se dresse
et je ne peux plus passer.
Le mur arrête le vent; le
vent plie l'arbre; l'arbre casse la jambe de Raboutity; il n'y a rien de plus
fort que le mur.
- C'est vrai, je suis fort, dit le mur; mais le rat ronge le
mortier et fait un trou.
Le rat troue le mur; le mur
arrête le vent; le vent plie l'arbre; l'arbre casse la jambe de
Raboutity; il n'y a rien de plus fort que le rat.
- C'est vrai, je suis fort, dit le rat; mais le chat me
mange.
Le chat mange le rat; le rat troue le mur; le mur
arrête le vent; le vent plie l'arbre; l'arbre casse la jambe de
Raboutity; il n'y a rien de plus fort que le chat.
- C'est vrai, je suis fort, dit le chat; mais la corde
m'étrangle.
La corde étrangle le chat; le
chat mange le rat; le rat troue le mur; le mur arrête le vent; le vent
plie l'arbre; l'arbre casse la jambe de Raboutity; il n'y a rien de plus fort
que la corde.
- C'est vrai, je suis forte, dit la corde; mais le couteau me
coupe.
Le couteau coupe la corde; la corde étrangle
le chat; le chat mange le rat; le rat troue le mur; le mur arrête le
vent; le vent plie l'arbre; l'arbre casse la jambe de Raboutity; il n'y a rien
de plus fort que le couteau.
- C'est vrai, je suis fort, dit le couteau; mais le feu me
brûle.
Le feu brûle le couteau; le couteau
coupe la corde; la corde étrangle le chat; le chat mange le rat, le rat
troue le mur; le mur arrête le vent; le vent plie l'arbre, l'arbre casse
la jambe de Raboutity; il n'y a rien de plus fort que le feu.
- C'est vrai, je suis fort, dit le feu, mais l'eau
m'éteint.
L'eau éteint le feu; le feu
brûle le couteau; le couteau coupe la corde; la corde étrangle le
chat; le chat mange le rat ; le rat troue le mur; le mur arrête le
vent; le vent plie l'arbre; l'arbre casse la jambe de Raboutity; il n'y a rien
de plus fort que l'eau.
- C'est vrai, je suis forte, dit l'eau ; mais le bateau
flotte sur moi.
Le bateau flotte sur l'eau; l'eau
éteint le feu; le feu brûle le couteau; le couteau coupe la corde;
la corde étrangle le chat ; le chat mange le rat; le rat troue le
mur; le mur arrête le vent; le vent plie l'arbre; l'arbre casse la jambe
de Raboutity; il n'y a rien de plus fort que le bateau.
- C'est vrai, je suis fort, dit le bateau, mais si je donne
contre un rocher, il me brise.
Le rocher brise le bateau;
le bateau flotte sur l'eau éteint le feu; le feu brûle le couteau;
le couteau coupe la corde; la corde étrangle le chat; le mange le rat;
le rat troue le mur; le mur arrête le vent; le vent plie l'arbre; l'arbre
casse la jambe de Raboutity; il n'y a rien de plus fort que le rocher.
- C'est vrai, je suis fort, dit le rocher, mais le crabe me
perce.
Le crabe perce le rocher ; le rocher brise le
bateau ; le bateau flotte sur l'eau éteint le feu ; le feu brûle
le couteau; le couteau coupe la corde; la corde étrangle le chat; le
mange le rat; le rat troue le mur; le mur arrête le vent; le vent plie
l'arbre; l'arbre casse la jambe de Raboutity; il n'y a rien de plus fort que le
crabe.
- C'est vrai, je suis fort, dit le crabe, mais l'homme
m'attrape et m'arrache les pattes.
L'homme attrape le
crabe; le crabe perce le rocher; le rocher brise le bateau; le bateau flotte
sur l'eau éteint le feu; le feu brûle le couteau; le couteau coupe
la corde; la corde étrangle le chat; le mange le rat; le rat troue le
mur; le mur arrête le vent; le vent plie l'arbre; l'arbre casse la jambe
de Raboutity; il n'y a rien de plus fort que l'homme.
- C'est vrai, je suis fort, dit l'homme, mais Zanahary, le
dieu malgache, me fait mourir.
Zanahary fait mourir
l'homme; l'homme attrape le crabe; le crabe perce le rocher; le rocher brise le
bateau; le bateau flotte sur l'eau éteint le feu; le feu brûle le
couteau; le couteau coupe la corde; la corde étrangle le chat; le mange
le rat; le rat troue le mur; le mur arrête le vent; le vent plie l'arbre;
l'arbre casse la jambe de Raboutity; le rocher; l'arbre casse la jambe de
Raboutity; rien n'est plus fort que Zanahary.
* 1 Hegel, cours sur la
philosophie de l'histoire professé en 1830 en Allemagne,
cité par Joseph Kizerbo in Histoire de l'Afrique noire d'hier
à demain, Hâtier, Paris, 1978, P.10.
* 1 Jean Cauvin, comprendre
les Contes, Paris, les Classique africaines 1972, P11.
* 2 Vladimir Propp, la
Morphologie des Contes, Paris, le point, 1977, P.112.
* 3 S. Mamby cité par
F.N, Bikoi in le français en seconde, Paris, Edicef,
1999 ,
P. 1O9.
* 4 Cheikh Anta Diop,
Antériorité des civilisations nègres, mythe ou
vérité historique ? Paris, présence Africaine,
1967.
* 5 Cheikh Anta Diop,
Nations Nègres et cultures, paris, présence Africaine,
1955.
* 6 Théophile Obenga,
l'origine commune de l'égyptien ancien, du copte et les langues
négro-africaines modernes, paris harmattan, 1993.
* 7 T. Obenga, la
philosophie africaine de la période pharaonique 2780-330 avant
notre ère (extraits choisis) Paris, harmattan, 1990.
* 8 Aboubakari Lam, lire
à ce propos ses travaux publiés dans la revue ANKH, n°3.
* 9 Mubabinge Bilolo, les
cosmos théologies philosophiques d'Héliopolis d'Hermopolis,
essai de la schématisation et de la systématisation
P.U.A, 1986.
* 10 Oum Ndigui, Thèse
de doctorat, Université Lumière Lyon II, Institut
d'égyptologie Victor Loret, France, 1997.
* 11 Cheikh Anta Diop,
Civilisation ou barbarie, Paris Présence Africaine, 1981, P.
12.
* 12 Am Mbow, cité par
Corine Mitambo, in « Préface » à
l'histoire Générale de l'Afrique, vol 1, Paris, Jeune
Afrique stock/Unesco, 1980, P.2.
* 13 Gerald Gengembre, les
grands courant de la critique littéraire, Paris, Seuil, 1996,
P.60.
* 14 Vladimir Propp,
Morphologie du conte, Paris, Le point, 1977.
* 15 Lévis-strauss,
la vie des masques, Editions Albert Skira 1960.
* 16 Julien Algirdas Greimas,
du sens, Paris seuil, 1970.
Sémantique structurale , Paris Larousse
1966.
18 Yves Chevreuil, La littérature
comparée, Paris, PUF, coll « Que
sais-je ? »1ère édition, 1989.
19 Pierre Brunel et alii, Qu'est-ce la littérature
comparée ? Paris, Armand colin, 1996, P.151.
* 17 P, Ndakan, Le conte
africain et l'éducation, Paris, l'Harmathan, 1984, P183.
* 18 TSOUNGUI,
Françoise, Clefs pour le conte africain et créole,
Paris, CILF, Coll. Fleuve et Flamme ,1986, P.68.
* 19 Paulette,Roulon, Wardo
et l'origine des choses, contes d'origines
gbàyà-Kara, Paris, l'Harmattan, 1977. p.12.
* 20 Martin,Eno
Bélinga, Découverte des chantefables au Cameroun,
Klincksieck, Paris, 1970, P.27.
* 21 Roland, Colin, Les Contes
noirs de l'ouest-africains, Paris présence Africaine, 1957, P.55.
* 22 Jacques Chevrier,
Littérature nègre, Paris, Armand Colin, 1984, P.
193.
* 23 Jean, Vignes,
« Proverbes », in le dictionnaire du
littéraire, P146.
* 24 Joseph-Marie, Awouma,
littérature orale et comportements sociaux, étude
littéraire et socio-culturelle des proverbes Bulu, thèse de
doctorat 3ème cycle, Paris, 1970.
* 25 Françoise,
Tsoungui, Clefs pour le conte africain et créole, Paris, CILF,
1986, coll. Fleuve et flamme, P90.
* 26 Jacques, Fame Ndongo,
L'esthétique du texte artistique traditionnel et son fonctionnement
à travers l'écriture romanesque négro-africain,
thèse de doctorat d'Etat, Paris, 1984, P225.
* 27 Pierre Ngijol Ngijol,
Introduction à la littérature orale du Cameroun, ouvrage
polycopié, Yaoundé, 1992, P26.
* 28 Jean CAUVIN,
Comprendre les contes, Paris, Editions Saint-Paul, 1980, P.8.
* 29 Greimas, cité par
Françoise,TSOUNGUI dans Clé pour le conte africain et
créole, Paris, Edicef, 1988, P 183.
* 30 Denise, Paulme,
citée par P. Ndakan, in Le conte africain et
l'éducation,Paris,l'Harmattan,1984, P 38.
* 31 Philippe Hamon, le
personnel du roman, Genève, Droz 1983, P. 220.
* 32 Yves Reutier,
Introduction à l'analyse du roman, 2ème
édition, Paris Dunod 1996.
* 33 Philippe Hamon,
« Pour un statut sémiologique du
personnage », in poétique, Paris, édition du
seuil, 1979, P. 128 .
* 34 Ibid P.140.
* 35 Denise Paulme, cité
par P. Ndakan dans le conte et
l'éducation,Paris,L'harmattan,1984,p.82.
* 36 Algirdas, Greimas
cité par F. Tsoungui dans clés pour les contes africains et
créoles ,Paris,Edicef,1988,P. 186.
* 37 C, Desroches Noblecourt,
La femme au temps des pharaons, Paris, Collection livre de poche,
Edition stock, 1986, P. 215.
* 38 H, Deschamps, Histoire
générale de l'Afrique noire, de Madagascar et des Archipels,
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