REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO
ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET UNIVERSITAIRE
UNIVERSITE OFFICIELLE DE BUKAVU
B.P. 570
/BUKAVU
DEPARTEMENT DE SOCIOLOGIE
INCIDENCES DU HARCELEMENT SEXUEL SUR L'INTEGRATION
PROFESSIONNELLE DES FEMMES DANS LA VILLE DE BUKAVU
Par MANGO KUBOTA Alliance
Mémoire
présenté et défendu en vue
de l'obtention du
diplôme de licence
en
sociologie
EPIGRAPHE
« Sans une femme africaine libre et
responsable, il n'y aura jamais d'homme africain
débout ! »
ETOUNGA
MANGUELLE
DEDICACE
A mon très cher père,
Que ce travail, fruit de ton combat et de tes sacrifices,
soit pour toi une fierté !
A ma bien aimée mère Tabanzane Rose qui m'a
toujours soutenue,
Au professeur Pilo Kamaragi qui m'a appris à
être sociologue,
A toutes les femmes victimes de harcèlement sexuel
dans les milieux de travail.
REMERCIEMENTS
Au terme de notre cursus universitaire, nos sentiments de
gratitude et de reconnaissance s'élèvent vers toutes les
personnes physiques et morales qui ont porté une pierre à
l'édification de notre être individuel et social.
« Optimas gratias ago » à
l'Université Officielle de Bukavu, spécialement à nos
formateurs de la faculté des Sciences Sociales, Politiques et
Administratives qui ont pris le temps de nous initier à la science
sociologique.
Notre regard est particulièrement tourné vers le
Professeur PILO KAMARAGI, directeur du présent mémoire, et vers
l'assistant BAKENGA SHAFALI, notre encadreur qui, malgré leurs
multitudes charges, ont bien voulu conduire ce travail.
Il est ensuite dirigé vers les professeurs KAZADI
KIMBU, MASCOTSH NDAY WAMANDE, PAUL KADUNDU et les chefs de travaux PHILIPPE
KAGANDA, feu MATYABO ASAKILA, . . . qui se sont voués à notre
formation.
Nos très sincères remerciements
s'adressent également à nos chers parents ainsi qu'à nos
petits frères et soeurs, Jolie, Fidèle, Arsène, Vanessa,
Esther, dont la tendresse, les conseils et le soutien nous ont permis de mener
à bon port la barque.
Que tous ceux qui nous ont accompagnée et
soutenue durant notre vie académique se sentent particulièrement
touchés par notre profonde gratitude. Nous pensons à nos
grands-parents KUMBA DENIS, KANINGINI BORA, MATATI MANGO, à notre tante
BRIGITTE BITA, au Professeur BONIFACE KANINGINI, à Monsieur ISSOU
MAZAMBI ainsi qu'à toute sa famille, à Messieurs DOMINIQUE
KIBASOMBA, BIFUSA BERNARDIN ainsi qu'à nos amis JOSEPH PAKA, CLAUDE
MPUNGA, FIKIRI JEAN, AMANI FISTON , JOSEPH IKOSA.
Que tous les collègues d'auditoire avec
qui nous avons partagé les joies et peines de la vie académique
se sachent concernés par nos remerciements. Il s'agit principalement de
FIKIRI JACQUES, KWABENE OMARI, PAMBA ZAWADI, MATEMBERA MANEGABE, BALEMBA
MUNGANGA, BATECHI BAHINYU, BUROKO IRENGE, MOIZA MALINE, MWINJA KANINGU.
Enfin, que tous les enseignants du
collège Alfajiri qui ont semé en nous le goût de
l'excellence, tous ceux qui nous portent dans leurs coeurs, trouvent en ces
lignes l'expression de notre profonde reconnaissance !
MANGO KUBOTA ALLIANCE.
SIGLES ET ABREVIATIONS
1. BIT : BUREAU INTERNATIONAL DU TRAVAIL
2. CRONGD : CONSEIL REGIONAL DES ORGANISATIONS NON
GOUVERNEMENTALES DE DEVELOPPEMENT
3. DEA : DIPLOME D'ETUDES APPROFONDIES
4. FSSPA : FACULTE DES SCIENCES SOCIALES, POLITIQUES ET
ADMINISTRATIVES
5. ISDR : INSTITUT SUPERIEUR DE DEVELOPPEMENT
RURAL
6. ISP : INSTITUT SUPERIEUR PEDAGOGIQUE
7. IRSA : INSTITUT DE RECHERCHE SOCIALES ET
ANTHROPOLOGIQUES
8. ISTM : INSTITUT SUPERIEUR DES TECHNIQUES
MEDICALES
9. ONG : ORGANISATION NON GOUVERNEMENTALE
10. Op.cit : Opere Citatum
11. P.U.F : PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE
12. R.D.C : REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO
13. T.F.C : TRAVAIL DE FIN DE CYCLE
14. UCB : UNIVERSITE CATHOLIQUE DE BUKAVU
15. UEA : UNIVERSITE EVANGELIQUE EN AFRIQUE
16. UNIKIS : UNIVERSITE DE KISANGANI
17. U.O : UNIVERSITE OUVERTE
18. U.O.B : UNIVERSITE OFFICIELLE DE BUKAVU
5.
PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES DE L'ETUDE
La thématique du harcèlement sexuel à
l'endroit des femmes en milieux professionnels ouvre à une
problématique à la fois théorique et praxéologique
sur leur participation et intégration au travail.
Elle pose la question des facteurs humains, des
conditionnements psychologiques et sociaux, de l'environnement social du
travail, de la sécurité et de la protection, bref, des conditions
générales de travail, clé de voûte de
l'intégration professionnelle des femmes.
Les débats sur la femme, sur ses rôles et place
dans la question de l'emploi, articulent les principaux problèmes
à l'intégration professionnelle des femmes en terme de
ségrégation du marché du travail, de plafond de verre pour
les plus hautes fonctions, de l'inégalité de salaire, de la
difficile articulation des tâches domestiques et de la vie
professionnelle, de sous représentation des femmes sur les
marchés de l'emploi dues en grande partie à l'insuffisance du
niveau d'instruction pour un grand nombre, à la pesanteur des valeurs
culturelles,...
En matière de sécurité et de protection
au travail, l'accent est mis sur la réglementation des heures de
travail, l'interdiction du travail de nuit, le congé de
maternité, l'atmosphère sur le lieu de travail,...
Mais au delà des problèmes les plus
fréquemment évoqués, subsiste celui du harcèlement
sexuel, souvent ignoré, auquel sont pourtant contraintes de faire face
de milliers de femmes au travail, et entrave la carrière professionnelle
d'un bon nombre d'entre elles.
En 1983 déjà, la commission Canadienne des
droits de l'homme attestait que « 90% des femmes qui travaillent hors
du foyer subiront du harcèlement sexuel à un moment ou à
un autre de leur vie de travail, que 49% des femmes qui sont sur le
marché du travail ont déjà subi des attentions sexuelles
non désirées ».1(*)
En Allemagne, l'organisation internationale du travail fait
état de « 93% des femmes ayant souffert de
harcèlement sexuel au cours de leur vie
professionnelle ».2(*)
Des sondages effectués en France révèlent
que « 20% des femmes indiquent avoir été
confrontées dans le milieu de travail, à une sollicitation
indésirable d'ordre sexuel, 12% ont subi ou subissent un chantage
à l'emploi, 48% ont eu à affronter un climat d'ensemble
déplaisant (propos et gestes douteux,...), le harceleur étant
souvent le supérieur hiérarchique et 3% de la population active
se reconnait harceleur ».3(*)
« La marche mondiale des femmes »
quant à elle, indique qu'au Burkinafaso, « 65% des femmes
sont sexuellement harcelées en milieux de travail contre 35% d'hommes.
Ces victimes sont employées de maison, secrétaires,
infirmières, enseignantes, maires, préfets, hauts commissaires,
ministres, députés, chefs d'entreprises,... »4(*)
En RDC, particulièrement dans la ville de Bukavu, le
harcèlement sexuel est un phénomène sur lequel les
chercheurs ne sont pas suffisamment penchés.
La division provinciale de l'inspection du travail (ville de
Bukavu), affirme avoir eu à trancher au cours de deux dernières
années (2007 et 2008) six cas de rupture abusive du contrat de travail
pour cause de refus de subir des actes de harcèlement sexuel.
Le ministre de la condition féminine et famille, note
également à ce sujet, que « dans le contexte de la
précarité économique congolais, il y a beaucoup de
travailleuses qui, parfois cèdent au harcèlement sexuel d'un
supérieur ou d'un collègue pour assurer leur
place ».5(*)
Recouvrant un ensemble composite d'éléments
(avances, attentions importunes, contacts physiques imposés, propos dont
l'objet est de provoquer sexuellement le salarié,...), le
harcèlement sexuel s'étend en toute impunité dans les ONG,
entreprises privées, administrations publiques, sévit aussi bien
dans la sphère politique que dans le monde des medias, dans les
commissariats, dans l'enseignement,... perpétré le plus souvent
par les employeurs, les supérieurs hiérarchiques, mais
également par les collègues, les clients,...
Travaillant le plus souvent sous la responsabilité des
supérieurs de sexe masculin, les femmes subissent très souvent
les « assauts » de ces derniers qui profitent de leur
position hiérarchique pour s'arroger le droit de posséder le
corps de leurs employées.
De ce fait, la société conçoit le
harcèlement sexuel comme l'expression d'un pouvoir. Elle le
tolère donc et l'accommode. Pourtant, le harcèlement sexuel
engendre des conséquences néfastes pour les victimes.
Loin d'être un fait social isolé, le
harcèlement sexuel, comme tout phénomène social, est la
résultante des rapports sociaux déterminés : rapports
sociaux de sexe, rapports socio-économiques, rapports de pouvoir, ...
entre les acteurs.
Maryse Jaspard retient que pour les femmes, la situation
matrimoniale, la profession, le statut d'emploi, notamment les statuts
précaires et même l'âge, sont autant de facteurs qui
aggravent le risque de harcèlement sexuel.
« La majorité des femmes qui mènent
de front vie conjugale et professionnelle sont moins exposées au risque
de subir les violences au travail que les femmes seules. Ces dernières,
qu'elles soient célibataires ou divorcées, subissent de
harcèlement à caractère sexuel. Cumulant les
désavantages liés à leur statut, les femmes en situation
de monoparentalité sont plus affectées par ces formes de
harcèlement, l'image fantastique de la femme
libérée confondant autonomie et disponibilité
sexuelle.
Les femmes jeunes et célibataires cumulent ainsi tous
les facteurs de risque.
Certaines catégories professionnelles sont
particulièrement exposées : agents de
sécurité, policières, gendarmes, d'une façon
générale, les femmes en charge d'emplois traditionnellement
réservés aux hommes, comme les conductrices d'engins, les
manutentionnaires.
Des
professions « féminines »comme celle
d'infirmières sont très exposées ; correspondant au
théâtre plus ou moins érotisé de l'imaginaire
collectif, les femmes qui prodiguent des soins ou des services, notamment
à domicile, en font souvent les frais ».6(*)
« Les atteintes et agressions sexuelles augmentent
pour les femmes astreintes au travail de nuit et celles aux quelles une tenue
de travail est imposée, servitude souvent destinée à
mettre en valeur, à des fins commerciales les attributs de la
féminité. Paradoxalement, dans ces cas, les harceleurs sont moins
souvent les clients, pourtant censés être la cible de la
séduction que les supérieurs hiérarchiques qui
manifestement abusent de leur pouvoir sur une employée
sélectionnée en partie grâce à son physique
avenant ».7(*)
La précarité de l'emploi, constitue
également un terreau fertile du harcèlement sexuel au travail.
Comme le démontrent Maryse Jaspard,
Hélène Ryckmans et même Ramata Soré, les emplois
précaires entretiennent pour les femmes, les facteurs favorables au
risque de subir de harcèlement à caractère sexuel, d'y
céder, en échange d'embauche, de stabilité ou de promotion
dans le travail,...
Caractérisé par la répétition et
même l'existence des menaces, le harcèlement sexuel peut
« empoisonner » le climat social de travail, créer
un environnement de travail hostile et générer des
dysfonctionnements pour les victimes.
L'angoisse, la dépression, le stress, le manque de
concentration, la démotivation, la sensation de marginalité et
d'insécurité,... qui s'en suivent, traduisent à
première vue l'énormité des conséquences
psychologiques pour les victimes. Les prix à payer en cas de refus de
subir des actes de harcèlement sexuel sont généralement
des évaluations injustes, des mauvaises références, un
dossier professionnel altéré, le refus de promotion ou de
formation, des pertes de revenus, l'insécurité financière,
un congédiement, l'obligation de quitter son emploi, et même le
refus de possibilité d'emploi,...
La loi congolaise réprime le harcèlement sexuel.
Dans le code du travail, il constitue une faute lourde de la part de
l'employeur donnant à la victime la possibilité de rompre
légalement son contrat de travail. Mais, en l'absence de protection
juridique et sociale assurée, la femme se retrouve dans la crainte et la
difficulté de dénonciation du harcèlement sexuel subi. La
peur de perdre son travail et d'exposer sa vie privée y est pour
beaucoup. Et face au harcèlement sexuel, la femme de Bukavu, se trouve
alors en face d'alternatives qui sont toutes non sans
conséquences : la dénonciation, avec le risque de perdre le
travail, le refus de céder aux actes de harcèlement sexuel avec
les menaces, les tensions, la détérioration des conditions de
travail,... qui s'en suivent, l'abandon du travail avec les conséquences
économiques non négligeables, la soumission, avec des
conséquences économiques psychologiques,, sociales et même
des risques sanitaires,...
La problématique qui gravite autour de ce
phénomène est aussi vaste que complexe. Nos ambitions, loin d'en
présenter tous les détails, essaient d'en cerner les principaux
aspects qui permettent une lecture et une interprétation sociologique
dans le contexte de la ville de Bukavu.
Les questions qui sous -tendent cette problématique
sont posées en ces termes :
- Quels sont les facteurs favorisant le
phénomène de harcèlement sexuel sur les femmes dans les
milieux professionnels de Bukavu ?
- Quelles en sont les incidences sur l'intégration
professionnelle des femmes ?
- Quels seraient les mécanismes à mettre en
place pour la lutte contre la pratique de harcèlement sexuel sur les
femmes dans les milieux professionnels de Bukavu ?
I.1.1. Le harcèlement sexuel, quid ?
La construction sociale des champs
sémantique et conceptuel d'un comportement, d'une attitude, d'une
conduite, est essentiellement le produit d'un contexte culturel et historique,
les cultures donnant des significations spécifiques aux comportements
des individus.
Se produisant dans des contextes historiques et
culturels différents, avec des manifestations particulières, la
définition du harcèlement sexuel et de ses actes constitutifs
n'est donc pas universelle. Elle diffère d'une société
à une autre et d'une époque à une autre.
Le système juridique est l'une des
arènes principales dans lesquelles la catégorie du
harcèlement sexuel a été produite, en interaction avec
d'autres institutions telles que les médias, le monde de l'entreprise et
des acteurs sociaux (associations féminines, hommes et femmes
politiques, syndicalistes,...), qui contribuent aussi à négocier
et à mettre en pratique cette catégorie, qui émerge en
prépondérance dans les milieux de travail.
Deux grandes tendances sont observables dans la
conception du harcèlement sexuel. D'une part, il tend à
être défini comme une violence sexuelle inscrite dans un rapport
hiérarchique entre patrons et salariés, et donc, comme une
violence interpersonnelle constitutive d'un abus de pouvoir dans le cadre d'une
relation hiérarchique; d'autre part il est pris comme l'expression d'une
violence sexiste, c'est-à-dire, relevant d'une discrimination
perpétrée en raison du sexe biologique de la personne, en
l'occurrence, le sexe féminin, allusion n'étant nullement faite
à l'existence ou à l'inexistence des relations
hiérarchiques.
En RDC, le harcèlement sexuel est essentiellement
placé dans le registre des violences sexuelles inscrit dans un rapport
hiérarchique notamment, mais non exclusivement.
La violence sexuelle elle, est entendue comme
« l'acte de contraindre une personne aux rapports sexuels en lui
causant des préjudices physiques ou moraux ».3(*)4
Les différentes définitions proposées par
divers auteurs et organisations, permettent de rendre compte de la
diversité d'approches du harcèlement sexuel et de donner une
image globale du concept.
Au sens de la loi congolaise, on entend par
harcèlement sexuel, le fait, pour quiconque, d'adopter un comportement
persistant envers autrui, se traduisant par des paroles, des gestes, soit en
lui donnant des ordres ou en lui proférant des menaces ou en imposant
des contraintes, soit en exerçant des pressions graves, soit en abusant
de l'autorité que lui confèrent ses fonctions en vue d'obtenir de
lui des faveurs de nature sexuelle. (Cfr loi n°06/018 du 20/7/2006
modifiant et complétant le décret du 30/01/1940 portant code
pénal congolais, article 174d).
Cette loi ne définit pas néanmoins ce qu'il faut
entendre par faveurs de nature sexuelle. Cette notion est relativisable, au
regard des cultures qui donnent des significations particulières aux
comportements sexuels.
Disons avec Fréderic Domont, que
l'expression « Faveurs de nature sexuelle » renvoie
à « tout acte de nature sexuelle et notamment les simples
contacts physiques destinés à assouvir un fantasme d'ordre
sexuel, voire à accentuer ou provoquer le désir sexuel, pouvant
englober outre les contacts physiques imposés, les propos dont l'objet
est de provoquer sexuellement la personne pour qu'elle soit enclin à
accorder des faveurs de nature sexuelle».3(*)5
L'expression « abusant de son autorité, vise
également, en milieux professionnels, soit des salariés de
l'entreprise, de l'organisation, de l'institution,... sans lien
hiérarchique avec la victime mais qui ont sur elle une autorité
par leurs fonctions, comme par exemple le responsable du personnel ou un
représentant syndical, soit des personnes extérieures à
l'entreprise, mais qui sont susceptibles d'influencer largement la victime (un
client important de l'entreprise par exemple),...
La commission ontarienne des droits de la personne
définit le harcèlement sexuel, comme « Toute
attention de nature sexuelle non désirée, y compris le
harcèlement sexuel envers les femmes par ce qu'elles sont des femmes
justement».3(*)6 Elle
établit qu'il y a harcèlement sexuel quand :
- « Quelqu'un fait des remarques ou des gestes de
nature sexuelle importuns à votre égard ;
- Votre patron, votre locateur ou une personne en situation
d'autorité se sert de sa position pour vous faire des remarques, ou des
avances sexuelles non désirées ;
- Une personne vous propose d'avoir des rapports sexuels en
vous promettant une meilleure note, une promotion ou un avantage
quelconque ;
- Une personne en situation d'autorité vous refuse
quelque chose d'important, vous punit ou vous menace parce que vous refusez ses
avances sexuelles ou que vous portez plainte contre elle en raison de remarques
ou de comportements à caractère sexuel importuns».3(*)7
Pour Ramata Soré, le harcèlement sexuel
est « toute attitude consistant à incommoder une personne de
manière répétitive en lui faisant des propositions d'ordre
sexuel, notamment par paroles, actes, gestes, invitations, suggestions,...Elles
sont souvent l'oeuvre d'un supérieur envers son
employé ».3(*)8
La sociologue française Maryse Jaspard retient
au sujet du harcèlement sexuel, qu'il englobe, « quelques fois
des mots, des attitudes, mais surtout des actes, des pratiques sexuelles
infligés à une personne qui les refuse. Pour les imposer,
l'agresseur utilise la force physique, les brutalités, voire les
tortures, les menaces de tous ordres, ou encore la persuasion ou le chantage
affectif ; enfin, il peut abuser de son pouvoir lorsqu'il est en position
d'autorité».3(*)9
Selon les contextes culturels, l'expression du
harcèlement sexuel peut revêtir diverses formes notamment, des
mots, images, des objets dégradants, des contacts physiques, des
demandes d'ordre sexuel, des plaisanteries obscènes, remarques sur la
silhouette ou commentaires sur le comportement, avances grivoises, expressions
aux quelles s'ajoutent des modes de communication non verbales très
clairs comme dévisager, « déshabiller du
regard », siffler, mettre en évidence des images ou objets
pornographiques, pratiquer une gestuelle à connotation sexuelle,
pelotage non désiré, voyeurisme, exhibitionnisme, ... avec
objectif sexuel.
Il ressort des considérations
précédentes, que ce n'est pas la nature de l'acte qui
définit le harcèlement sexuel. C'est plutôt l'imposition de
l'acte, par quelque moyen que ce soit, à une personne qui n'y consent
pas. Il en ressort également que les principales caractéristiques
du harcèlement sexuel sont : la répétition,
l'existence des contreparties, des promesses, des menaces, des relations
d'autorité ou de dépendance, d'un objectif sexuel,...Ces
caractéristiques ne sont pas néanmoins exclusives.
Le concept de harcèlement sexuel entretient des
relations avec plusieurs autres concepts avec lesquels il est parfois
amalgamé. La confusion entre harcèlement sexuel et relations
sentimentales notamment le flirt en milieux professionnels, entre
harcèlement sexuel et viol, est fréquente.
Le harcèlement sexuel est différent des
relations sentimentales, du flirt principalement. Celles-ci sont
fréquentes en milieux professionnels, mais contrairement au
harcèlement sexuel, les relations sentimentales sont mutuelles et
voulues, alors que le harcèlement sexuel est par définition,
imposé à la victime.
Avec le viol, le harcèlement sexuel entretient des
liens étroits. Le harcèlement sexuel permet de rendre compte
d'une diversité de comportements sexuels notamment des relations
sexuelles non consommées tandis que le viol se définit d'une
façon générale comme toute pénétration
sexuelle non désirée. Toutefois, les études ont
démontré les mécanismes de bascule du harcèlement
sexuel au viol. Le harcèlement sexuel peut conduire à l'agression
sexuelle caractérisée, voire au viol, mais pas
nécessairement.
II.6. la situation des femmes sur le marché du travail
à Bukavu.
Malgré diverses déclarations et l'existence des
textes consacrant l'égalité des sexes, particulièrement
l'égalité selon le genre inhérente à la
participation au marché du travail, la réalité des faits
reste paradoxale à Bukavu.
La ségrégation du marché du travail, les
disparités de statut, de l'emploi, des salaires contribuant à la
« féminisation des travailleurs pauvres », des
disparités en terme de probabilité d'accès au salariat
plutôt qu'au travail indépendant ou à l'inactivité,
d'accès aux plus hautes instances politiques, administratives,
économiques, sociales,...la vulnérabilité et la
précarité des femmes sur le marché du travail,...semblent
en effet se jouer des lois imposant formellement l'égalité.
Beaucoup de femmes restent encore confinées dans des
travaux peu rémunérées, souvent dans l'économie
informelle, sans quasiment de protection juridique, peu ou pas de protection
sociale et une forte précarité. De ce fait, la propension des
femmes à participer au salariat reste beaucoup plus faible que pour les
hommes.
Plusieurs facteurs apparaissent déterminants dans le
renforcement des inégalités entre les hommes et les femmes sur le
marché du travail « Bukavien ».
La crise économique a en effet accru des tensions sur
le marché du travail, exacerbé la concurrence pour accéder
aux emplois disponibles et raréfié les actifs productifs.
Non seulement les femmes ont les opportunités de gain
plus limitées, mais également elles doivent surmonter des
handicaps supplémentaires pour accéder au marché du
travail notamment l'illettrisme, l'absence ou l'insuffisance de formation
scolaire et /ou professionnelle, l'incidence des considérations
traditionnelles, le jugement porté par des acteurs et institutions
participant au fonctionnement du marché du travail, les assignations au
travail domestique issues de la structuration de la vie privée,...
Les dotations en capital humain des femmes, la structure du
marché de travail et l'incidence de la société
traditionnelle structurent la carrière professionnelle des femmes et
favorise des points sur le marché de travail, beaucoup plus
vulnérables en termes de statut d'emploi que ceux des hommes.
A cet égard, l'ampleur du taux de chômage
féminin suggère l'exclusion du marché de travail
inhérente à des contraintes économiques et sociales
génératrices de manque en termes de gain et de
considération sociale et privée.
Le rapport de l'office national de l'emploi
révèle des disparités de l'emploi entre les hommes et les
femmes.
Ils enregistrent en effet à ce jour, environs 3391
demandeurs d'emploi dans la ville de Bukavu dont 3102 hommes contre 289 femmes,
soit 91,5% d'hommes inscrits sur la liste des demandeurs d'emploi contre 8,5%
des femmes.
Et au niveau des contrats de travail visés de
l'année 2007 à l'année 2008, il ressort un total de 2396
dont 2095 pour les hommes et 301 pour les femmes, soit respectivement 87,4% et
12,6%.
Il ressort également d'un rapport effectué par
la division provinciale de la condition féminine et famille sur le
statut de la femme congolaise en 2008, des inégalités criantes
d'accès aux postes de responsabilité dans la province du Sud-Kivu
et dans la ville de Bukavu principalement.
Le tableau suivant nous fournit plus d'informations à
ce sujet :
Tableau N° 3 Promotion du genre en province du Sud-Kivu
en 2008
N°
|
DESIGNATION
|
HOMMES
|
FEMMES
|
TOTAL
|
1
|
Gouverneur de province
|
1
|
0
|
1
|
2
|
Vice- gouverneur
|
1
|
0
|
1
|
3
|
Ministres provinciaux
|
7
|
3
|
10
|
4
|
Assemblée provinciale
|
33
|
3
|
36
|
5
|
Maire de la ville
|
0
|
1
|
1
|
6
|
Maire adjoint
|
1
|
0
|
1
|
7
|
Bourgmestres titulaires
|
0
|
3
|
3
|
8
|
Bourgmestres adjoints
|
3
|
0
|
3
|
9
|
Administrateurs
|
8
|
0
|
8
|
10
|
Administrateurs assistants
|
5
|
3
|
8
|
11
|
Chefs des divisions provinciales
|
49
|
5
|
54
|
12
|
Entreprises para-étatiques
|
14
|
0
|
14
|
13
|
Magistrature
|
48
|
2
|
50
|
14
|
Instituts supérieurs
|
|
|
|
ISDR
|
30
|
1
|
31
|
ISP
|
40
|
1
|
41
|
15
|
Médecins chefs de zone
|
32
|
2
|
34
|
16
|
Enseignants
|
24.000
|
2600
|
26.600
|
17
|
Officiers supérieurs de la police
|
53
|
1
|
54
|
18
|
Officiers subalternes de la police
|
463
|
17
|
480
|
19
|
Officiers de première classe
|
175
|
11
|
186
|
20
|
Officiers de deuxième classe
|
137
|
3
|
140
|
21
|
Agents de la police
|
2959
|
140
|
3099
|
22
|
Agents de l'administration
|
3691
|
738
|
4429
|
|
TOTAL GENERAL
|
31.750
|
3534
|
35.280
|
Source : Division provinciale de la condition
féminine et famille, « Rapport sur le statut de la femme
congolaise et la proportion du genre par rapport à la femme en
2008 ».
Il ressort de ce tableau que 31 750 hommes occupent des
emplois relativement importants contre 3534 femmes, soit 89,9% contre 10,1%.
L'activité des femmes a acquis beaucoup plus de
visibilité dans le secteur informel qui a atteint des proportions
importantes suite à la dégradation du tissu économique et
des conditions de vie.
Dans ce paysage, les femmes font souvent du commerce et se
spécialisent dans l'alimentation et les vêtements. Elles sont
également très présentes sur le marché
parallèle des changes.
L'entreprenariat féminin s'exerce dans la couture, la
coiffure, la petite restauration, le salage du poison, la fabrication et la
vente de charbon ou de savon,...
Néanmoins, sauf quelques cas rares, la plupart des
femmes oeuvrant dans l'économie informelle restent pauvres et beaucoup
en sont tout simplement au stade de la survie.
L'émergence des associations féminines, des
coopératives témoigne progressivement du souci pour les femmes de
tisser des liens et de trouver des alliés.
Elles mettent par exemple sur pied des tontines ou
« likilimba » où elles cotisent de manière
régulière afin que l'une ou l'autre membre de l'association
puisse trouver des fonds en cas de besoin (démarrer un commerce, payer
l'école des enfants,...)
Bref, la situation des femmes sur le marché du travail
à Bukavu laisse à désirer.
Elle laisse apparaitre des inégalités criantes,
une forte précarité et une vulnérabilité qui
nécessitent encore des efforts considérables de la part du
pouvoir politique en termes de réduction des inégalités
selon le genre, de protection juridique et sociale et
d'accélération de l'éducation des femmes.
BIBLIOGRAPHIE
I. OUVRAGES
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après ?
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29. RYCKMANS, H., les femmes dans la mondialisation.
Réduire les
inégalités,
Bruxelles, Direction générale de la
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2. SORE, R., Harcèlement sexuel, un
délit ignoré, ....banalisé même !,
Sl,
2001.
30. TREMBLAY, M.A., Initiation à la recherche,
dans les sciences
humaines,
Montréal, Mc Graw-Hill éditions, 1968.
31. WIEVORKA, M., La violence. Voies et regard,
Paris, Balland, 2004.
II. ARICLES DES REVUES
1 . ESISO ASIA - AMANI., « Des méthodes
qualitatives d'usage en
Sciences sociales. Problèmes de
choix et limites
d'application »,in Revue
de l'IRSA, n°6, Kisangani,
UNIKIS, Décembre
1999.
2. KAGANDA MULUMEODERHWA., « Violences sexuelles
envers la femme
et instabilité de la
famille en période de guerre en
RDC », in
Analyses sociales, vol., numéro unique,
octobre
2007.
3. MAKHOLO MATHUMU et alii, « Essai d'approche de
l'attitude des
étudiants de l'ISP / Kananga à
l'égard du processus pédagogique
et de la finalité de leurs
études », in CONGO - AFIQUE, n°198,
octobre 1985.
4. NGUB'USIM, R., « Enseignement Congolais et monde
du travail : deux
Convergences
parallèles », in Congo- Afrique, n°388,
octobre 2004.
5. PAUGAM, S., « Formes d'intégration
professionnelle et attitudes
Syndicales et politiques », in
Revue française de sociologie,
Vol 40, n°4, 1999.
III. TRAVAUX ACADEMIQUES
1. DOMONT, F., Le sexe, élément de
dignité du salarié, mémoire de DEA,
Université de Lille 2, Faculté des
sciences juridiques, politiques
et Sociales, Année Universitaire
2000 -2001, inédit.
2. KADUNDU, P., Société civile et
pauvreté. Le cas de Bukavu en
République Démocratique du Congo.
Contribution à une Socio - anthropologie de la ville
africaine, thèse de doctorat, Institut catholique de Paris,
faculté des sciences sociales et économiques, Novembre 2005,
inédit.
3. MAMADOU GANDO, Devenir professionnel des
diplômés du système
Universitaire guinéen :
étude exploratoire à partir des
diplômés de
l'Université de Conakry, mémoire de
DEA, Université de
Montréal, 2005-2006, inédit.
4. MASUMBUKO BIRHASHWIRA., Essai d'analyse de la dynamique
de
Création des ONG : cas des
ONG aspirant au
CRONGD/ Sud - Kivu, TFC, ISDR -
Bukavu, 1996.
IV. NOTES DE COURS
1. MASCOTH NDAY WA MANDE., Cours de sociologie du
travail, U.O.B,
FSSPA, Département de
sociologie, G3, 2005-2006,
Inédit.
2. MATYABO ASAKILA., Cours de méthode de recherche
en sciences
sociales, CUB, FSSPA, G2,
2004-2005, inédit.
3. PILO KAMARAGI., Cours d'éthique et
déontologie professionnelle,
UOB, FSSPA, L2 sociologie, 2007-2008,
inédit.
V. RAPPORTS ET AUTRES PUBLICATIONS
1. ACTION ONTARIENNE CONTRE LA VIOLENCE FAITE AUX FEMMES,
« Le harcèlement sexuel en milieux
de travail », Rapport
annuel 2004.
2. COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE,
« Attentions sexuelles non
sollicitées et harcèlement
Sexuel : Résultat d'un sondage
auprès des canadiens »,
Ottawa, Approvisionnement et services canada,
1983.
3. DIVISION PROVINCIALE DE L'INTERIEUR ET DECENTRALISATION,
« Tableau synoptique de la
population congolaise et étrangère par communes et
territoires », premier trimestre 2008.
4. MINISTERE DU PLAN ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE, BUREAU
DES STATISTIQUES, « Registre des
statistiques de la
population du Sud - Kivu », 2000.
5. MINISTERE DU PLAN ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE,
« Document de stratégie pour
la réduction de la
pauvreté »,
Février, 2004.
6. MINISTERE DE LA CONDITION FEMININE ET FAMILLE,
« Réunion
de consultation dans la Région des grands
lacs africains
sur l'autodétermination des femmes, du
30 Mai au 1er juin
2005 ».
* 1 COMMISSION CANADIENNE DES
DROITS DE LA PERSONNE, Attentions sexuelles non sollicitées et
Harcèlement sexuel : Résultat d'un sondage auprès des
Canadiens, Ottawa, Approvisionnement et services Canada, 1983,
P .5.
* 2 H.RYCK MANS,
Op.cit, P.63.
* 3 F.DOMONT, op.cit,
p .16.
* 4 RAMATA SORE,
Harcèlement sexuel, un délit ignoré,... banalisé
même !, sl, 2001 p.10.
* 5 MINISTERE DE LA CONDITION
FEMININE ET FAMILLE, « Réunion de consultation dans la
région de grands lacs africains sur l'autodétermination des
femmes, du 30 Mai au 1er juin 2005. », p.4.
* 6 M. JASPARD,
op.cit, p.73.
* 7 Idem, p.75.
* 34 KAGANGA MULUME-ODERHWA,
« Violences sexuelles envers la femme et instabilité de la
famille en période de guerre en RDC », in Analyses
sociales, vol.X, numéro unique, octobre 2007, p.135.
* 35 F. DOMONT,
op.cit, p.21.
* 36 ACTION ONTARIENNE
CONTRE LA VIOLENCE FAITE AUX FEMMES, Le harcèlement sexuel en
milieux de travail, rapport annuel, 2004, p.1.
* 37 Idem.
* 38 RAMATA SORE,
op.cit, p.3.
* 39 M. JASPARD,
op.cit, p.62.
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