INTRODUCTION
« Les citoyens ne se sentent plus en
sécurité dans leurs propres murs, ni même en passant dans
les rues ». Cette missive adressée au maire de la ville
de Londres Par Daniel Defoe depuis 1739 est toujours d'actualité et se
vérifie dans bien de contrées africaines (Wikipédia,
« Violences Urbaines », complément documentaire,
fév.2011).
Un lundi soir du mois de mai 2009 aux environs de 23h, alors
que Mr X revenait d'un voyage, il se fait attaquer par des malfrats devant sa
maison sise à Ablogamé1(*) ; ils lui prennent une somme de 3 800 000F CFA
après lui avoir tiré dessus à coup de balles
réelles. Les trois malfrats habitaient le même quartier que ce
monsieur. Interrogés ultérieurement, ils disaient avoir
cultivés inconsciemment une antipathie à l'encontre de ce dernier
à cause de son indifférence et de son orgueil. Selon leurs
propos, cette antipathie, leur misère, ainsi que leur envie d'avoir
seulement une infime partie de sa richesse et d'en jouir avec leurs pairs
seraient à la base de cet acte pour lequel ils seront condamnés
à perpétuité2(*). Ceci est un simple exemple pour esquisser le
phénomène des violences urbaines connues à Lomé
depuis un temps.
Aujourd'hui, le droit à la sécurité est
proclamé au même titre que le droit au travail, au logement,
à l'éducation ou à la culture et les raisons en sont
multiples : les violences urbaines et le sentiment
d'insécurité. De nos jours, on ne peut pas laisser de place au
hasard concernant la sécurité d'une ville parce que cela
signifierait qu'on ignore la capacité de malfaisance des malfrats et
serait source de multiplication des violences urbaines. Ceci appelle donc
à des investigations plus approfondies, sur ces violences. Ce
phénomène est, généralement, lié à
d'autres facteurs tels que la pauvreté, les inégalités
sociales, l'exode rural, l'urbanisation, la globalisation de l'économie,
l'éducation familiale, etc. Ceux-ci, n'étant pas plus que des
hypothèses, constituent dès lors les pistes d'investigation dans
le processus d'explication des violences urbaines.
L'exemple cité plus haut, peut faire l'objet d'une
analyse enrichissante tant sur la vie de ces malfrats que sur la situation
sociale vectrice de ces comportements. Si ces jeunes étaient
éduqués au travail, aux valeurs de paix et
d'honnêteté ; s'ils avaient le minimum vital, seraient-ils
amenés un jour à poser cet acte ? La culture urbaine ne
promeut plus de nos jours le « vivre ensemble », ni
l'édification du lien social, mais propose plutôt un modèle
identificatoire basé sur l'économie libérale,
elle-même plus axée sur l'individu que sur la collectivité
dans son ensemble. La poursuite des intérêts individuels et de
« la meilleure vie » à tout prix afin de pouvoir se
retrouver au rang de « citadin idéologiquement
reconnu » ne serait-elle pas une raison suffisante pour qu'un
individu s'évertue à explorer toutes les voies, même les
plus ténébreuses possibles - dont font partie les violences
urbaines- pour tirer son épingle du jeu ? Ces jeunes hommes,
majoritairement migrants, venus de leurs villages ou de leurs pays pour
chercher du travail et gagner leur vie ne seraient -ils pas victimes d'une
part, de la rigueur des conditions d'intégration qu'impose la
globalisation de l'économie et la ville ; et d'autres part, des
conditions de vie difficiles dans les quartiers pauvres qui les poussent
à rechercher à tout prix le minimum vital ? Autant de
questions pouvant indiquer une piste de compréhension concernant les
braquages, vols à main armée et kidnappings connus dans la ville
de Lomé.
D'aucuns se demanderont si les violences urbaines existent
encore vraiment ? Cette question trouve sa réponse dans l'effectif
considérable de la population carcérale qui actuellement est
de1853 prisonniers. Même si beaucoup restent en attente de jugement, la
majorité reconnait les faits qui leurs sont reprochés. Cet
effectif est en évolution constante et selon une courbe exponentielle.
D'ailleurs, les violences urbaines se sont toujours inscrites dans
l'échéancier de l'urbanisation et dans le passage des grandes
villes en métropoles. Au cours de cette étude, en nous penchant
sur le contexte social des incarcérés que nous avons
interrogés, nous avons tenté de retracer le profil des
délinquants, de mesurer l'ampleur de ces actes dits contre-normes et
de prendre connaissance de leurs dynamiques explicatives. D'autre part, notre
intention dans cette étude demeure moins une présentation
exhaustive des actes de délinquance commis à Lomé qu'une
analyse sociale permettant une explication en profondeur des violences urbaines
ainsi que leur prévention.
Il convient donc de définir ce que nous entendons par
« violences urbaines ». « Violence »
tout court et « violences urbaines » pourraient, à
première vue, paraître uniquement différenciées par
le caractère urbain de l'un et celui neutre de l'autre. Mais la
différence va bien au delà. La « violence tout
court », n'est que l'usage abusif de la force dans le but de porter
atteinte aux biens et personnes, quel que soit le cadre (urbain ou non), quels
que soient les auteurs (jeunes défavorisés ou adultes riches et
puissants) et leur organisation (seul ou en bande), et quelle que soit
l'origine (sociale, politique, interethnique,...) de ces violences.
Les violences urbaines, quant à elles, - certes la
définition ne fait pas l'unanimité- peuvent être, dans
notre contexte, reliées à la délinquance au sein des
grandes métropoles. A cette différence près que cette
dernière englobe tous les aspects de la déviance alors que
les violences urbaines ne font référence qu'à certaines
seulement d'entres elles. En effet, la violence urbaine se limite à
l'acte violent comme conséquence de l'individualisme, de
l'urbanité et de la pauvreté rencontrés dans les grandes
villes des pays en voie de développement, alors que la
délinquance a un champ plus étendu, englobant à la fois
les comportements à risque (dopage, bande, etc.), les actes
déviants (homicides, viols, cybercriminalité, piraterie,
cambriolages, etc.). C'est pourquoi notre étude a porté
essentiellement sur les actes de vol à main armée, de braquage,
d'homicide et de kidnapping.
Les violences urbaines, de façon
générale, affectent plusieurs domaines de la vie sociale des
citadins et font, de ce fait, l'objet de débats. La question des droits
de l'Homme, le récent débat sur la peine de mort lancé
par la CNDH et les organisations de la société civile,
l'accentuation de la sécurisation de la ville par la multiplication de
forces de sécurité tant privées que publiques, les
campagnes de lutte contre l'impunité et la prolifération des
armes légères initiées par les ONG de non violence, les
projets de soutien aux inculpés soutenus par l'UE, les centres de
réinsertion de prisonniers etc. ne sont que des tentatives de
réponse, à ce qu'il convient encore d'appeler
« violences urbaines », soit directement soit par voie de
contournement.
Des dispositifs de sécurisation de la ville de
Lomé n'ont donné que des résultats à court terme.
L' « opération araignée » initiée
en 2007sur demande du chef de l'Etat avec un budget de 31 millions de francs
CFA et un effectif de 300 fonctionnaires de la police et de la gendarmerie en
était une. Avec elle, la ville de Lomé fut minutieusement
parcourue, jour et nuit, par de nombreuses patrouilles. Au cours de cette
opération, un réseau téléphonique fut mis en place
avec des numéros verts : les habitants pouvaient alerter
directement les équipes de patrouille et de permanence en cas
d'agression ou de tentative de vol. De surcroît elle a permis
d'éviter, en moins d'un an, plus 2500 délits, selon les
statistiques du ministère de la sécurité. Malgré
les menaces, la capitale togolaise se trouve particulièrement
confrontée au quotidien à des braquages et agressions de toutes
sortes perpétrées par des délinquants 3(*).
Ayant ainsi défini la violence urbaine, soulignons que
ces actes de violence s'opèrent dans le plus grand secret possible et ne
sont mis en exergue que lorsque les auteurs sont arrêtés par la
police ou la gendarmerie. Les victimes, il en existe ! et, pourtant, peu
sont les délinquants dont les infractions sont
révélées par la télévision ou les radios. Ce
caractère de la violence urbaine la rend plus difficilement
connaissable.
S'il est vrai que dans la mentalité du
délinquant « rien à perdre, nos jours sont
comptés par d'autres qui ont du temps pour ça; nous, on ne les
compte pas, on les dépense. » (Pedrazzini, 2005 :
35) et que la violence est intrinsèquement liée à
l'évolution de la société et est le fruit de
l'urbanisation et de la globalisation de l'économie, il n'est pas moins
évident que c'est un phénomène persistant et que
l'approche répressive n'y apporte qu'une solution très
approximative et provisoire. Une solution qui voudrait être durable
devrait pouvoir s'attaquer aux racines mêmes du phénomène.
La mentalité qui, pour une grande part, dépend de
l'itinéraire social de l'individu en est une. La lecture de
l'expérience de villes ayant accédé à un niveau de
développement et de croissance urbaine tant économique que
démographique élevés, faisant d'elles des
métropoles en matière de croissance des violences urbaines et de
l'insécurité, comme le Nigéria et l'Afrique du Sud, pose
au sociologue une interrogation sur le devenir de la ville de
Lomé ; celle-ci, en effet, s'inscrit dans un processus
d'urbanisation et de modernisation très rapide et
très étendu, marqué par des zones de pauvreté.
L'urbanisation et les violences qu'elle engendre, posent aussi
la question de l'exode rural et il convient d'en approfondir l'essence. Selon
l'OMS, en 2015, plus de la moitié de la population du globe vivra dans
une ville (OMS, 2001 :1). Et si densité urbaine était
synonyme d'accroissement des violences urbaines - ce que la
réalité rend évident de nos jours - il est clair que les
villes courent vers un effritement accru du tissu social ;
particulièrement dans les villes du tiers monde comme Lomé. Pour
certains experts, il faut dès lors, faire tout le possible pour contenir
la croissance de ces villes puisque ce sont évidemment en premier lieu
les quartiers les plus pauvres des villes les plus pauvres qui s'accroissent et
menacent d'exploser - et pas seulement sur le plan démographique.
(Pedrazzini, 2005 : 50).
Notre étude n'a, pas pour objet de faire un diagnostic
de l'atmosphère sociale de la ville de Lomé, ni de
détailler les diverses formes de violences urbaines y existant, ni non
plus d'identifier les zones à risque. De plus, les violences que nous
étudions ne sont pas celles liées aux crises politiques ou aux
conflits interethniques, mais celles connues en temps normal, c'est-à
dire en période où rien n'est à déplorer au sein du
climat socio politique. Elle se veut plutôt une analyse des causes de
ces violences. Pour y arriver nous nous sommes concentrés sur les
auteurs des actes cités plus haut et qui sont les délits les plus
fréquemment perpétrés. Le point de départ concret
de cette recherche étant les braquages successifs d'un même groupe
de malfaiteurs armés ayant alarmé tous les citadins entre
Novembre 2009 à Mars 2010. La théorie du contrôle social
sera mise à profit pour expliquer la persistance des violences urbaines
dans la ville de Lomé et tester l'efficacité des institutions
chargées de l'inculcation des valeurs et normes sociales à la
population juvénile essentiellement vulnérable à ce
phénomène.
Ainsi donc, nous présentons dans la première
partie de notre étude le cadre théorique et conceptuel, physique
et humain ainsi que l'approche méthodologique de la recherche. Dans la
deuxième partie nous traitons, dans un premier volet, l'analyse des
résultats auxquels nous avons aboutit à la fin de nos
investigations, dans un second volet l'interprétation de ces
résultats et nous avons fini par les propositions afférentes aux
constatations que nous avons faites.
PREMIERE PARTIE :
LES CADRES DE REFERENCE DE L'ETUDE
CHAPITRE PREMIER: CADRES THEORIQUE ET CONCEPTUEL DE LA
RECHERCHE
I.1. CADRE THÉORIQUE DE LA
RECHERCHE
I.1.1. Justification du choix du thème de
l'étude
Aucune ville ne peut être, de nos jours, parfaitement
décrite sans qu'on ait parlé de sa violence, quelle qu'elle soit.
Les populations de Lomé, la capitale togolaise, centre
économique, politique et administratif, redoutent la recrudescence des
violences révélées ces derniers temps. La peur
d'être la prochaine victime d'une agression hante la majorité des
citadins surtout ceux de certains quartiers dits dangereux. A certains moments
de la journée, et à certaines périodes de la vie politique
du pays, l'esprit d'insécurité atteint son paroxysme dans la
société et les citoyens s'interrogent perpétuellement sur
les moyens adéquats à mettre en oeuvre pour éviter les
retombés de ces comportements déviants déstabilisant le
paysage social.
Les politiques en réponse à ces
inquiétudes resserrent leurs tactiques de contre-offensive. On a ainsi
vu les effectifs des forces de sécurité augmenter pour durcir la
répression et protéger la population en scellant tous les
quartiers de Lomé par les services spéciaux de la police et de la
gendarmerie rassemblés à cet effet dans
« l'Opération araignée ». Les services
privés de sécurité naissent pour assurer la protection de
ceux que Pedrazzini, appelle-les « ayant économiquement
droit » (Pedrazzini, 2005 : 128) ; une
inégalité qui n'est pas la moindre dans les conflits urbains. La
population vulnérable, elle aussi de son côté, ne
ménage aucun effort en mettant à contribution ses moyens, si
modeste qu'ils soient, pour diminuer les vols et les délits à
leur encontre : les mûrs des clôtures sont surmontés de
tessons de bouteilles ou de fleurs piquantes, les portails renforcés et
cadenassés avec des heures de fermetures précises et la
sollicitation des gardiens de nuit pour les ménages organisés ou
plus ou moins nantis...etc. ; telles sont les dispositions le plus souvent
rencontrées dans les maisons de Lomé
Toutes ces dispositions n'empêchent, cependant, pas les
violences urbaines de prendre de l'ampleur et de faire des victimes aussi
variées que sont aussi les secteurs d'activité de la ville. Si
nous considérons les crimes enregistrés chaque année par
la police et la gendarmerie, on se dirait sans hésiter qu'il existe un
dysfonctionnement au point de vue sécuritaire. D'énormes
incidences sur la vie socioéconomique de la population de Lomé,
particulièrement celle touchée par ces agressions criminelles
sont ainsi déplorées. Le climat économique essentiellement
et directement touché par ces violences urbaines devient de plus en plus
incertain : « on ne sait plus en qui avoir confiance, on ne
sait comment être sûr d'être sécurisé
soi-même et nos marchandises, on ne sait quand ces bandits nous
envahiraient. Ils sont de plus en plus nombreux et partagent notre cadre de
vie »4(*).
Il devient nécessaire, pour en cerner l'essence, d'étudier
l'interrelation pouvant exister entre le climat socio-économique des
cadres sociaux de provenance des malfaiteurs et leur attitude violente,
rechercher les facteurs latents pouvant exister en amont de ces descentes
délictueuses afin de parvenir à comprendre comment ces violences,
actes vulgairement expliqués, peuvent être le produit de certains
facteurs historiquement et socialement définis.
Les vols à mains armées, les
kidnappings, les braquages et cambriolages, les homicides, actes dits
« violences urbaines » dans notre étude, rythment
de façon répétitive l'actualité de nos villes,
certes en des intervalles de temps plus ou moins longs, mais de façon
illimitée. Cette situation de plus en plus alarmante préoccupe
plus d'un et explique l'intérêt des médias et des presses
écrites qui, dans leurs articles ne cessent de
révéler des évènements ponctuels d'actes d'atteinte
à l'intégrité des citadins et/ ou de leurs biens tout en y
apportant des analyses. Plusieurs chercheurs tels que Sebastian Roché
(1998, 2002), Yves Pedrazzini (2005), Marc-Antoine Pérouse de Montclos
(1997), Yves Michaud(1996), pour ne citer que ceux là, se sont longtemps
attelés à l'étude de la particularité des violences
urbaines surtout dans les villes du tiers monde.
Plusieurs mémoires et thèses ont essayé
d'élucider, un tant soi peu, un aspect du phénomène
particulièrement dans la ville de Lomé en abordant, par exemple,
la violence conjugale (Ali, F., juin 2009), la cybercriminalité (Tuh,
2009), les causes sociales de la délinquance juvénile en milieu
urbain (Ajavon, 2008), la violence routière (Kanda, 2006), les violences
scolaires (Aboubakar, 2006) et le mémoire d'obtention de diplôme
d'études approfondies (DEA) qui traite des « causes de la
violence dans les villes africaines ; Étude des déviances
sociales en milieu urbain : cas de Lomé au TOGO » (
Dao Dao, 2006). Dans notre étude abordant particulièrement les
violences urbaines d'aspect criminel portant atteinte à
l'intégrité des personnes et des biens, il nous paraît
important d'analyser et de vérifier l'existence d'une chaîne de
causalité entre les violences urbaines et les contextes sociaux
passés ou présents de leurs auteurs ; démarche
importante pour envisager des solutions efficaces et efficientes au
phénomène.
Avec la même préoccupation, les autorités
compétentes cherchent, à répondre de façon efficace
à la question de l'évolution du phénomène.
Même si quelque part « le crime est normal parce qu'une
société qui en serait exempte serait tout à fait
impossible » (Durkheim, 1968 : 67), sa recrudescence est
déplorée. Cependant, il apparaît que les dispositions
jusqu'ici prises se sont révélées inefficaces ou du moins
insuffisantes. Il importe alors d'adopter une méthodologie plus
pragmatique pour pouvoir espérer aboutir aux résultats
probants.
Tout comme en médecine où on ne peut prescrire
de traitements sans analyses préalables, on ne peut, non plus, en
sciences sociales, prétendre résoudre un problème sans une
étude préalable de ses causes. Dans l'étude d'un fait
social comme la violence en milieu urbain, ce qui retiendrait plus l'attention
d'un sociologue qui « a la particularité, qui n'a rien
d'un privilège, d'être celui qui a pour tâche de dire les
choses du monde social, et de les dire autant que possible comme elles sont
... » (Javeau, 2007 : 05) c'est, non seulement, le
système social associé à la perpétration des actes
de violence mais aussi et surtout le rapport à établir entre les
auteurs de ces violences et les groupes dans lesquels ils sont
insérés. Bref, l'atmosphère sociale des déviants
puisqu'en milieu social il n'y a pas d'actes isolés; tous sont
liés par des représentations et des perceptions mais aussi des
idéologies qu'on appellerait les « fondements de l'action
sociale » (Rocher, 2002: 22). En envisageant chercher les
facteurs explicatifs des violences urbaines, nous pensons donner un outil
d'actualité indispensable à la conception des réponses
idoines. Le décideur politique ou l'autorité compétente
saura, dès lors, vers où orienter ses énergies pour
parvenir aux résultats escomptés.
I.1.2. Problématique
La nature des relations humaines en milieu urbain subit, de
nos jours, des mutations. Elle ne cesse de devenir de plus en plus belliqueuse.
L'incertitude du lendemain constitue un réel problème pour les
citoyens de tous les pays à cause de l'instabilité de la vie
sociale due à la récurrence des violences de tout genre faisant
des milliers de morts chaque année. De toutes nouvelles formes
d'enfreintes aux lois sociales précisément aux libertés
humaines font leur apparition simultanément aux innovations
technologiques connues dans le monde entier. L'humanité tout
entière est incluse dans ce contexte de violences urbaines et
l'actualité est une preuve tangible de ces bouleversements sociaux
dû tant aux fragmentations socio spatiales qu'aux conflits
d`idéologies et d'intérêt. Les rapports sur les violences
urbaines dans le monde sont de plus en plus alarmants et plusieurs auteurs
prennent à témoin la croissance urbaine, la mondialisation, le
modèle de l'économie libérale la pauvreté et
l'immigration qui ont une évolution similaire à elles dans
plusieurs contrées. Selon le rapport des nations unies sur la violence
et la santé publié en 2002, on estime qu'en l'an 2000, 1,6
millions de personnes sont mortes dans le monde des suites de violences auto
infligées, interpersonnelles ou collectives dont plus de 90% de ces
décès survenus dans des pays à faible ou revenu moyen.
Près du tiers de ces décès étaient dus aux
homicides et le cinquième des suites de guerre. De ce même
rapport, dans toutes les régions du monde, les décès
représentent la partie émergée de l'iceberg en ce qui
concerne la violence (OMS, 2002). Les agressions physiques et sexuelles sont
quotidiennes, même si l'on ne dispose pas d'estimations nationales et
internationales précises en la matière. Cependant des
statistiques ont montré que l'Afrique a le plus grand taux d'homicide
dans le monde : 20 homicides pour 100.000 habitants pour l'Afrique, 5,4
pour l'Europe, 6,5 pour l'Amérique du Nord et 25,9 pour
l'Amérique du Sud1.
Selon certaines études, les violences urbaines, ont
abordé une courbe en J depuis quelques années
simultanément au développement urbain (
Pérouse
de Montclos, M., 2002). De ce fait aucun pays n'est épargné
de la montée excessive des violences urbaines5(*) surtout que le virage structurel
des villes après les indépendances et à ces ères de
mondialisation concerne tout le continent. Notons à titre
évènementiel le libéralisme triomphant des années
1980 et la politique d'ajustement structurel de la Banque mondiale qui ont, par
ailleurs, imposé à l'Afrique une privatisation de
l'économie qui, somme toute, n'a fait que consacrer le recul d'un Etat
déliquescent. Dans ce contexte, il ne faut pas s'étonner que la
violence des villes empire et s'accompagne d'un recours grandissant aux
pratiques d'autodéfense.
Dans les villes africaines, les délits violents sont
endémiques et, en bien des endroits, la situation s'aggrave. Le taux
d'homicide à Kinshasa serait de 112 pour 100.000 habitants. La police
nigériane enregistre depuis 20 ans une augmentation constante du nombre
de meurtres et tentatives de meurtre. Le nombre d'attaques à main
armée est également très élevé en Afrique.
37% des habitants de Nairobi indiquent avoir été victime de
délits. Dans certaines villes au Mozambique, le chiffre
s'élève à 27 % et en République démocratique
du Congo (RDC), à 21 % (Baker, B, 2010 : 01). L'Afrique du Sud et
le Nigeria, qui comptent les mégalopoles les plus importantes et les
plus turbulentes du sous-continent, sont représentatives de ces
phénomènes ; une forte corrélation étant mise
en évidence entre la taille des villes et le phénomène.
Quelle que soit l'exactitude des statistiques sur la criminalité en
Afrique, la perception de l'intensification du danger produit une angoisse
généralisée. Au Nigéria, à Lagos, 70 % des
personnes interrogées au cours d'une enquête municipale
craignaient d'être victimes de délits graves. (Id, 2010 :
02). À Nairobi, plus de la moitié des habitants
s'inquiètent « tout le temps » ou « très souvent
» de la criminalité. Une étude de la Banque mondiale a
montré que, en Zambie, le degré de la crainte de la
criminalité affecte les décisions d'activité
professionnelle des enseignants. Selon les comptes-rendus empiriques des
habitants urbains un peu partout en Afrique, les taux de criminalité
urbaine ont connu une augmentation rapide ces deux dernières
décennies, intensifiant un sentiment de crainte qui entrave le commerce,
délite le capital social et freine les activités ordinaires d'une
ville. Les délits violents constituent une menace quotidienne pour de
nombreux résidents des zones urbaines du continent.
En effet, La violence urbaine est multiforme. Du banditisme
armé à la délinquance juvénile en passant par la
psychopathologie quotidienne du citadin stressé, une seule
dénomination est assignée. Aussi faut-il reconnaître que
leur perpétration dépend du contexte sociopolitique du
pays ; le banditisme armé étant plus répandu dans les
pays en guerre ou ayant connu un passé conflictuel ayant
occasionné la constitution des rebellions et/ou des fuites d'armes qui
ultérieurement peuvent être utilisés à des fins
simplement criminelles.
Des enquêtes ont montré qu'en 2005, le
pourcentage de ménages urbains possédant des armes à feu
est de 18,3 % en Afrique du Sud, 22,1 % en Namibie, 31,1 % en RDC et 56,3 % au
Burundi (Ibid, 2010 : 02); ce qui pouvait amener à craindre ce qui
serait des bandes clandestines et des criminels anonymes. Ayant presque les
mêmes caractéristiques dans tous les pays, les violences urbaines
(braquages, vols à mains armées, homicides, kidnappings) que nous
envisageons appréhender prennent, néanmoins, des
fréquences et des formes variées selon les pays.
Au Togo, l'histoire des violences urbaines remonte aux
lendemains des indépendances et surtout aux troubles socio politiques de
1990. De cette époque à nos jours, elles prennent de l'ampleur et
connaissent de nouvelles formes conditionnées par la
réalité sociale des moments. Cette recrudescence des violences
pousse certains à penser que « ...dans nos
sociétés, on ne punit pas assez » (Roché,
2003 : 178) ; reste à savoir si la punition répond le
mieux à ce problème! La montée excessive des violences au
Togo aboutit à plusieurs autres préoccupations d'ordre politique
et économique. Le taux de criminalité élevé sape
également la confiance et le respect envers le gouvernement, ce qui
handicape sa capacité de leadership et la participation des citoyens. De
plus, ces appréhensions dissuadent l'investissement intérieur et
international, ce qui affecte d'autant plus les perspectives
économiques. Les vols à mains armées affectant des grands
hommes d'affaires et commerçants, des braquages des entreprises et
kidnappings constituent les manifestations des violences que nous voulons
étudier dans la ville de Lomé. Toutes ces formes de violences ont
une apparition récente dans la ville de Lomé puisque leur mise
en exergue ne s'est illustrée qu'à l'horizon 2009. En voici
quelques cas de figures :
-Le 12 Octobre 2009, en fin de matinée, l'Agence
Togo-cellulaire d'Adidogomé (quartier
périphérique du centre ville) a été braquée
par 5 individus armés de mitrailleurs qui ont tué les vigiles
assurant la sécurité et emportant avec eux une somme de 9
millions constituant les recettes que l'Agence devrait normalement rendre ce
même jour à la direction générale. L'agence a
été fermée pendant au moins une semaine, certaines
revendeuses des alentours ont aussi freiné leur activité et
celles qui continuaient malgré tout disaient être sur le
qui-vive.6(*)
-Le 05 mai 2010, une styliste sénégalaise a
été séquestrée depuis l'aéroport
international Gnassingbe Eyadéma par des individus demandant une
rançon d'une dizaine de millions.7(*)
-Dans la nuit de vendredi 21 janvier 2011 aux environs de 21
heures, le véhicule de l'Ambassadeur des USA au Togo, Patricia Hawkins a
fait l'objet d'une tentative de braquage perpétré par deux
individus appartenant à un gang (Le Changement, 2011: 03). Pour ne citer
que ceux là. Un travail minutieux de recensement est effectué
depuis 2005 par les services de renseignements des unités de la police
et de la gendarmerie. Il révèle :
Au niveau de la gendarmerie :
En 2005: 3738 délits relevés
En 2006: 4215 délits constatés
En 2007: 4261 délits identifiés
Premier semestre 2008: 2288 délits signalés.
Au niveau de la police :
En 2005: 4569 délits
En 2006: 4352 délits
En 2007: 4725 délits soit une augmentation de plus de
373 par rapport à l'année 20068(*).
Ces chiffres illustrent si bien la recrudescence des
violences, nécessitant une approche plus pragmatique dans la recherche
des solutions. Toutes ces situations font que les Loméens
perçoivent leur ville de plus en plus violente, mais ne savent plus
exactement quelles sont les violences qui leur font peur. Au sentiment
d'insécurité s'ajoute l'impression douloureuse de ne plus pouvoir
identifier avec exactitude «l'ennemi» et «l'agresseur». Il
s'ensuit un affaiblissement des défenses traditionnelles du
système social à savoir les valeurs de solidarité et les
liens sociaux communautaires déjà relativisés par les
sociabilités individualistes de mise dans les villes en
général ; des métropoles en particulier. Nous faisons
l'hypothèse que cette hégémonie de la métropole, ce
processus d'ultra-urbanisation - processus dans lequel Lomé est inscrit-
ne peut se poursuivre sans qu'une violence soit exercée contre le
territoire et contre ses habitants, sans que cette urbanisation ne finisse donc
par être, en soi, une violence exercée contre la nature, l'espace,
les sociétés, les individus. Ensuite il parait juste de penser
que si certains, parmi ces individus, sont violents, ce n'est qu'en
réaction à cette violence de l'urbanisation, violence de la
société urbaine, violence du territoire morcelé, violence
de l'économie de l'inégalité, violence de la
ségrégation (Pedrazzini, 2005 : 69). Bien entendu, il ne
s'agit pas de banaliser la violence urbaine sous prétexte qu'elle ne
serait qu'une réponse à la violence de l'urbanisation, mais
plutôt de montrer que ces deux types de violence ne sauraient être
abordés séparément.
Toute cette incertitude que sous-tendent les relations
urbaines à l'ère de la globalisation et de l'urbanisation-
affranchies du modèle identificatoire des sociétés
africaines- amène à poser certaines questions fondamentales y
afférentes en vue d'appréhender les vraies causes qui poussent la
population juvénile, potentiellement vulnérable à ce
fléau, à s'adonner à ces actes contre-normes. En partant
du principe que «...c'est le contrôle social qui conduit
à la déviance» (Picca, 1996: 17), les institutions
étatiques impliquées dans la sécurité civile
(police, gendarmerie) sont, d'une part, remises en cause pour leur
inefficacité et leur inopérationnalité; quand bien
même celles-ci se sont vues constituées, en 2007, en dispositif
spécial dit « opération araignée »
formé de 300 agents de la police et de la gendarmerie chargé de
la sécurisation de la population de la ville de Lomé9(*). Il faut donc un policier pour
3210 hts. D'autre part, ce sont les questions relatives à la croissance
démographique, à la pauvreté et à
l'éducation qui font l'objet d'investigations scientifiques en vue d'
« agir sur les vrais causes, et non sur les conséquences
les plus visibles » (Pedrazzini, 2005: 222). De surcroît
des sociétés privées de gardiennage engageant près
de 5400 agents, ont germé pour combler les insuffisances de la police
nationale qui, dans tous les pays du continent, est jugée avoir
« un manque d'intérêt pour les pauvres et un manque
de ressources » (Baker, 2010 : 03). Ainsi donc, des travaux
de recherches entreprises sur les autres aspects de la violence urbaine
(violences politiques, émeutes, vandalisme, violences routières)
ou la délinquance (trafics, cybercriminalité, prostitution) dans
la ville de Lomé ont en général aboutit aux
résultats relatifs à la pauvreté, au chômage,
à la prolifération des armes, et aux frustrations dues a la
réalité politique du pays.
Aucune note de satisfaction n'est, cependant, à
signaler et la recrudescence des violences urbaines se fait ressentir. Il se
pose, dès lors, la question des approches adoptées dans la
recherche des solutions aux problèmes liés au
phénomène à Lomé. Les interpellations de la police
et de la gendarmerie en sont une preuve tangible. Notre approche dans
l'étude des violences urbaines (braquages, kidnappings, vols à
mains armées et cambriolage) dans la ville de Lomé permet de
comprendre le problème non pas en analysant les conséquences mais
en essayant d'appréhender plus profondément au niveau personnel,
en suivant le parcours social des auteurs de ces actes, ce qui peut expliquer
leur tendance à l'acte délictueux. Notre travail sera moins un
outil de réglementation des cadres et fléaux sociaux pouvant
être vecteurs ou incitateurs des violences urbaines qu'un instrument
à l'usage des institutions chargées de la socialisation des
citadins et néo-citadins. Nos investigations seront cadrées
dès lors par des questions inhérentes à notre
problématique.
Dans le contexte de la ville de Lomé où la
population est majoritairement jeune, l'effritement des institutions sociales
chargées de l'inculcation des valeurs morales à la masse
juvénile ne serait-elle pas à la base de la recrudescence des
violences urbaines perpétrées à Lomé? Les
délits des criminels ne seraient-ils pas causés en amont par
la défaillance de l'éducation familiale reçue par ces
derniers? La précarité de la vie et le stress quotidien connus
des banlieues ne sont-ils pas des facteurs potentiels de la violence des
populations qui y vivent ? Quels peuvent être les
impacts de la désintégration d'un néo citadin dans la
ville de Lomé ? Telles sont les questions qui cadrent nos
recherches, conduisant ainsi à émettre des hypothèses.
I.1.3. Les hypothèses de la
recherche
Nous en distinguons deux sortes : une principale et
plusieurs opérationnelles. Dans cette étude nous avons retenu
trois (3) hypothèses opérationelles.
I.1.3.1. L'hypothèse principale
Les violences urbaines (braquage, kidnappings, vols à
main armée) connues dans la ville de Lomé sont causées par
la fragilisation des normes sociales induite par le modernisme et
encouragée par l'inefficacité ou l'absence des institutions
chargées du contrôle social de la population juvénile.
I.1.3.2. Les hypothèses secondaires
1. La non-acquisition des valeurs morales, surtout à
cause des antécédents familiaux, est très
déterminante dans l'explication des comportements anormaux des auteurs
de violences.
2. La précarité de la vie et le stress
quotidien connus dans les banlieues incitent les jeunes qui y vivent
ainsi à la violence.
3. La difficulté d'intégration des migrants non
diplômés et non qualifiés, dans les secteurs
d'activités urbaines, est un facteur des violences urbaines
I.1.4. Les objectifs de la
recherche
Deux types d'objectifs sont retenus dans ce travail. Un
objectif principal et des objectifs spécifiques.
I.1.4.1. L'objectif principal
Cette étude vise à analyser les causes de la
violence urbaine dans la ville de Lomé
I.1.4.2. Les objectifs spécifiques
1-Etudier l'évolution des violences urbaines à
Lomé
2-Déceler les causes sociales des violences urbaines
3-Identifier les catégories de citadins auteurs des
violences urbaines à Lomé.
I.1.5. Etude thématique et critique de la
littérature
Il ne se crée plus, généralement, de
« tout nouveau thème » à cette époque
de la science en générale et des sciences humaines en
particulier. Tous les aspects faisant l'objet de recherches dans nos
disciplines ont une fois, été déjà abordés
par nos prédécesseurs ; seulement sous un angle restrictif
ou généralisateur... Ces recherches aboutissent à des
approches théoriques et des paradigmes après de longues
vérifications faites dans des méthodes rigoureuses et lucides.
Nous ne saurons écarter ces résultats dans notre étude qui
se veut non seulement un travail d'élucidation, mais aussi
d'argumentation.
I.1.5.1-Recension des écrits
empiriques
I.1.5.1.1. Acculturation, globalisation et
violences urbaines
La ville est constituée de ses immeubles, sa population
plus qu'hétérogène, son mode de fonctionnement, ses
espaces verts, ses hôtels. Et toutes ses infrastructures font le plus
souvent interface dans sa définition pour cacher ses autres facettes. On
ne peut, surtout en Afrique, définir une ville sans parler de sa
violence, des banlieues des plus défavorisés et des
inégalités sociales qui, de facto, y sont récurrentes
surtout avec la marche vers l'urbanisation.
Le phénomène des violences urbaines a une
histoire propre dans nos sociétés africaines et fait, le plus
souvent, l'objet d'un débat autour des facteurs que,
différemment, les chercheurs lient à sa recrudescence
actuelle.
Des questions sur son origine trouvent des réponses
multiples mais pour Emile Durkheim, le crime est un phénomène
normal et est intrinsèquement lié au fonctionnement social de
toute collectivité (Durkheim, 1968 : 67). Toutefois, il nous donne
encore de savoir que « si le crime est normal, c'est à
condition d'être haï » (Durkheim, 1894 :07)
Yves Brillon, dans son étude sur l'acculturation, les
déviances et la criminalité en Afrique noire a ressorti des
facteurs entrant dans l'explication des violences urbaines partant de la
caractéristique fondamentale des sociétés africaines
qu'est la solidarité. Selon lui, les violences urbaines ont leur racine
principale dans les grandes mutations subies par les sociétés
contemporaines et contraignantes à l'adoption de nouvelles donnes qui,
d'une manière et d'une autre sont contradictoires à celles qui
prévalaient dans les collectivités africaines d'antan. Dès
lors, l'autorité familiale de nos sociétés
traditionnelles qui se chargeait du contrôle social des membres de la
famille et de la collectivité par la transmission des valeurs, des
règles et de leur suivi ont perdu leur substance par l'acculturation due
au modernisme.
Ces liens familiaux, en effet, arrivaient à contenir la
délinquance juvénile dans le contexte des sociétés
traditionnelles puisque l'anonymat10(*) des métropoles n'y existait pas et chaque
membre du groupe était le gardien de son frère. En d'autres
termes, les infractions commises par chaque membre attiraient le
châtiment sur tout le groupe. « La solidarité des
familles et des individus et leurs responsabilités collectives obligeait
chacun à jouer un rôle préventif efficace »
(id, 1987 : 389). Les violences auraient pris de l'ampleur, selon lui, du
moment où sont apparues des sociétés
« réservées » dont certains individus en sont
les exclus conduisant à l'individualisme et l'anonymat ; bref, la
ville moderne. Santucci confirmait cette idée en ces termes :
«... les délits sont commis par des hommes qui ne sont
plus intégrés dans les cadres sociaux et
professionnels cohérents... » (Santucci, cité par
Roché, 1998 : 28).
L'accroissement des inégalités,
l'élargissement et l'approfondissement des exclusions sont de plus en
plus reliés à la mondialisation et à son caractère
néo-libéral. Exclusion par la pauvreté et la misère
liée aux inégalités de revenus. Exclusion du travail et
des statuts sociaux liés au travail stable. Exclusion par la
difficulté d'accès au logement. Exclusion culturelle de la
reproduction sociale des "élites". L'exclusion massive dont les
mégapoles sont le théâtre et qui brouille les
identités. Les représentations classiques (communautaires,
religieuses, nationales, sociales) ne rendent plus compte du rapport de
l'individu au groupe Les violences urbaines sont, dès lors à
comprendre à l'intérieur d'un système socio spatial
dynamique dont les éléments structurant sont l'économie
libérale globalisée et la ville comme environnement
hégémonique. Les éléments plus
spécifiquement sociaux, qui naissent des deux précités,
tels que la croissance des inégalités, la criminalisation de la
pauvreté, la fragmentation du territoire et l'assujettissement de la
démocratie à la sécurité se combinent, selon
Roché, pour dessiner un « projet de société
assez sauvage et préoccupant. » (Roché,
2003 : 117).
Lebailly, poursuivant dans la même optique,
déplore le changement du modèle identificatoire basé
autrefois sur le mythe du progrès social par celui actuellement
proposé par le libéralisme économique puisque ce dernier
valorise l'individu qui gagne et possède le plus possible et il invite
à une réalisation des plaisirs immédiats dans la
sphère privée des satisfactions matérielles et intimes.
Pour lui, dans sa version ultralibérale, l'Etat (qui régule les
relations, redistribue la richesse produite et assure la sécurité
de tous) représente une entrave à la liberté individuelle
d'entreprendre. L'individualisme est prônée et la liberté
individuelle valorisée ; ce qui ouvre les portes aux tendances
profondes de l'homme : la recherche de la jouissance et de la
toute-puissance.... Chacun a alors le sentiment que la loi ne fait plus la
loi, que tout semble possible et permis. (Lebailly,
2002 :52) « C'est dans le droit d'ignorer l'autre que
le recours à la violence, cessant d'être désappris,
naturellement revient au galop » (Segalen, Cité
par Lebally, 2002 : 52). Ce modèle est, dès lors à la
base de la fragilisation de valeurs collectives et tend à inverser le
pacte fondateur en encourageant le désir à faire loi étant
donné que le lien social n'est possible qu'à condition de
renoncer à sa toute puissance. Hors, actuellement, la survalorisation de
la liberté individuelle et de la marchandise invite les jeunes à
jouir par tous les moyens, jouir sans limite et conduit donc au passage
à l'acte. Ce modèle n'offre pas de perspectives accessibles et
surtout positives pour les jeunes des cités reléguées et
il fragilise l'autorité des professionnels. (Id, 2002 : 53)
L'individu violent est, dirions-nous, cet être affranchi
du contrôle social traditionnel et en conflit perpétuel avec les
règles de l'ensemble de la vie sociale de rigueur dont l'infraction lui
confère l'étiquette de déviant. Une explication
actualisée de cette déviance doit ainsi prendre en compte tous
les aspects entrant dans cette vie collective (Dao Dao, 2006 : 58).
Michaud, dans ce contexte évoque l'influence de la mondialisation de
l'économie et des échanges commerciaux ou financiers qui, selon
lui, vont de pair avec la mondialisation des conflits désormais dits
conflit Globlocal11(*)
(Michaud, 1996 : 30-31). Crise de société,
précarité et pauvreté ne peuvent, dès lors
être dissociées des causes de la déviance sociale selon ces
auteurs. D'autres oeuvres ont étudié de façon plus ample
les violences urbaines en abordant plus en détail la place de l'Etat et
du gouvernement dans la gestion des violences urbaines.
I.1.5.1.2. Etat, gouvernement et violences
urbaines
Dans les sociétés contemporaines - surtout
africaines - en quête d'une réelle démocratie, les crises
sociales et politiques se font toujours ressentir dans la gestion des
ressources tant humaines qu'économiques ou naturelles de la nation par
l'Etat. Les grands soulèvements populaires occasionnant des destructions
matérielles énormes et des meurtres révèlent un
mécontentement général causé en amont par les
choix du pouvoir en place. De toutes ces situations de dysfonctionnements
structurels ressortent des questions d'autorité, de priorité et
de bonne gestion des biens publics et de modèle de valeurs
prônées par le gouvernement en place. C'est autant de
réalités face auxquelles les populations ne restent presque pas
indifférentes surtout que l'accès aux biens communs fait une
minorité de privilégiés et une masse marginalisée.
La révolte quelle qu'elle soit est, dès lors, la solution la
plus adoptée pour répondre aux décisions gouvernementales
ne coïncidant pas, le plus souvent, avec les besoins
socio-économiques des populations.
Picca, ayant étudié ces problèmes propose
qu'il soit plus pris en compte l'ensemble des réactions individuelles
conduisant à une opinion publique surtout quand la population est bien
informée. Il démontre implicitement l'importance d'une
information complète et objective de l'opinion (Picca, 1996 : 08).
Pedrazzini va dans le même sens en disant : « quand
tout paraît fermé, la vision du pauvre ouvre des pistes pour une
pacification des territoires urbains. » (Pedrazzini, 2005 :
14). Il propose ainsi, pour résoudre le problème de violence dans
les villes, que les autorités en place engagent des discussions avec
ceux que les pouvoirs diabolisent afin de prendre, un tant soi peu en compte
leur besoins et réduire de là, le faussé
inégalitaire existant entre les citadins ; la finalité
étant la pacification des territoires. La violence vit de
l'absence de démocratie, de la violation des droits fondamentaux et de
la mauvaise gouvernance ou, du moins, d'une « gouvernance d'en
haut ». « On dit souvent qu'une culture de la violence
peut s'enraciner. C'est absolument
indéniable ».12(*).
De toutes les formes de violence connues dans les villes
africaines, les plus grandes et plus meurtrières sont celles ayant un
antécédent politique. Elles sont le fruit de la participation
politique mitigée et déformée par les politiques pour
arriver à leurs fins personnelles. Elles sont d'autres parts à la
base de multiples oppositions dans les agglomérations urbaines causant
à intervalle de temps de multiples tensions ; les raisons
ponctuelles évoquées pendant les heurts interpersonnels
n'étant, la plupart des temps, que l'achèvement des oppositions
politiques. C'est ce que Mandela Nelson exprimait en affirmant que
lorsque les autorités approuvent le recours à la violence par
leurs propres actes, la violence envahit toute la
société13(*) . Picca soulève dans
son oeuvre l'impact de certaines formes de violences difficilement perceptibles
commanditées par les « délinquants officiels et
cachés »14(*) sur la véracité des
statistiques au ministère de l'intérieur. En effet, ces crimes
relèvent des opérations top secret, n'apparaissant cependant pas
dans les procès verbaux des registres de la police (Picca, 1996 :
53). Il urge de trouver ainsi une voie de contournement pouvant être au
dessus des systèmes juridictionnels nationaux.
Aux problèmes de la partialité des responsables
de la justice et de la police nationale et de la recrudescence des violences,
la mondialisation vient à la rescousse par la communauté
internationale (le système des Nations Unies et ses organismes) qui,
selon l'analyse de Michaud, donne plus de crédibilité aux
poursuites judiciaires. Au premier niveau, l'adhésion aux principes de
fonctionnement des organismes internationaux est une solution efficace. Elle
entraine la nécessité de respecter au moins de manière
superficielle ou pour la forme les chartes et résolutions de ces
organismes. Avec cette conséquence que ce respect constitue la
première étape de l'entrée dans une chaîne
d'obligation. Des principes allant du contrôle de la fabrication des
armes à leur commercialisation peuvent dès lors naître avec
pour effet de réglementer ce marché dangereux aux populations
surtout urbaines (Michaud, 1996 : 35).
Cette problématique soulevée dans la
violence apprivoisée de Michaud Yves présente une autre
facette qu'est la souveraineté de l'Etat. Quelles limites à
cette dernière ? Contrairement à la pensée politique
classique il se doit que les chartes les accords et les conventions
conçus d'un point de vue supérieur à celui de l'Etat
soient respectés afin de permettre la mise en place des droits des
gens aux dépens de la souveraineté de L'Etat. Ceci permettra une
réelle justice et un système pénal crédible par
l'instauration d'un gouvernement par des fonctionnaires de l'universel et des
juges transnationaux capable d'interpeller les délinquants officiels et
cachés au tribunal pénal international. Le respect des
conventions quelles qu'elles soient permettent une lisibilité des
problèmes sociaux nationaux sur le plan mondial et vice-versa.
I.1.5.1.3. Pauvreté, forces de
sécurité et violence urbaine
De toutes les raisons évoquées pour expliquer
les violences urbaines, la plus récurrente dans nos
sociétés est la pauvreté. Elle constitue dès lors
un à priori dans la définition des facteurs pouvant intervenir
dans la définition des violences urbaines. Cependant cette
pauvreté ne peut à elle seule expliquer la violence d'un individu
d'autant plus qu'elle n'est pas seulement l'apanage des démunis mais
aussi des « hommes anormaux » si l'on peut percevoir la
violence urbaine comme étant le signe d'une déficience morale des
individus impliqués dans ces actes.
Dans son oeuvre intitulée la Violence des
villes, Pedrazzini s'est intéressé de la présentation
du squelette des violences urbaines dans les pays de l'Afrique francophone
subsaharienne sans pourtant s'attarder sur la particularité de chaque
ville. Les faubourgs, encore nommés banlieues ou bidonvilles dans nos
villes contemporaines, sont désignés comme étant le lieu
par excellence où se concentrent les pauvres désoeuvrés,
exclus et victimes des inégalités. Il montre dans son oeuvre tout
en essayant de donner une définition plus équitable des
violences, comment au fil des temps il est devenu facile de coller
l'étiquette de « méchant » d'outsider, de
bandit, d'illégal, de gangster, etc. au pauvre délabré en
donnant comme excuse son mode de vie précaire qu'on rattache souvent
à sa mentalité. Comme le disait Saint Marc-Girardin,
« Les barbares qui menacent la société ne sont pas
dans la Caucase (.....) Ils sont dans les faubourgs de nos villes
manufacturières » (Depaule et Al, 2006 :12).
Certes, la pauvreté explique la violence de certains individus, mais
réellement, tous les pauvres ne sont pas méchants comme le
pensent certains qui n'hésitent même pas à mettre toutes
les stratégies en oeuvre pour s'en éloigner. Il est d'ailleurs
démontré que ces pauvres, dans la plupart des cas, n'ont que
l'arme de la violence devant toutes les pressions du moment.
« La violence des bidonvilles, la violence des
pauvres, celle des gangs qui la contrôlent aussi, après tout, ne
sont pas le produit des actions de ces gangs, moins encore de ces habitants. Ce
sont au contraire, comme les mers lunaires les cratères
dévastés que forment, en les frappant de plein fouet, ces
comètes que sont la globalisation, l'économie
néolibérale, l'urbanisation non durable, la
pauvreté ». (Pedrazzini, 2005 : 13) d'où
l'hypothèse selon laquelle, tout comme les personnes victimes des
violences urbaines, les auteurs sont eux aussi victimes des exigences du monde
urbains dans lequel ils vivent et qui ne leur donne pas de choix en raison de
leur situation socioéconomique moins enviable.
Les actes de violence dans les villes ont une forme
duale : la forme individuelle et la forme collective ; mais il existe
une forme intermédiaire qui prend le nom de bande quand il s'agit d'un
groupe permanemment constituée avec des meneurs d'équipe. Maryse
en étudiant les bandes de jeunes-généralement fauteurs de
troubles et d'autres agressions a remarqué que Beaucoup des membres de
la bande avaient expérimenté, à l'âge où
d'autres jeunes abordent à peine les responsabilités de la vie
adulte, des situations de grandes violences dans et hors du milieu familial.
(....) d'autres avaient connu la grande pauvreté, contraints de
survivre seuls à treize ou quatorze ans, s'abritant dans des caves,
chapardant pour manger, essayant d'échapper à la police des
mineurs et aux juges (Maryse, 1997 : 19).
De la sorte, l'attachement à une bande
découlerait d'un état de désespoir créé par
l'absence ou la défaillance de l'intégration sociale- source de
pauvreté- et la violence exprimée par ces jeunes n'est que
l'extériorisation des injustices et des grandes amertumes dont ils ont
été victime, ou témoins, et camouflées en eux. Ces
conséquences ayant dès lors pour cause première le manque
d'attention de la part des gouvernants à l'endroit des populations
défavorisées recherchant un moyen pour s'intégrer et
survivre. Mais selon Fenech la meilleure des préventions restent la
certitude de la répression. « Une prévention sans
répression n'a guère plus de sens qu'une répression sans
prévention » disait-il. (Fenech, 2001 :13).
La problématique des violences urbaines dans nos pays
est plus que jamais liée aux caractères, à la composition,
à la formation et au déploiement des forces de
sécurité étatiques. La plupart des violences commises sur
les personnes ou leurs biens sont dues soit à l'absence des forces de
sécurité, soit à leur inefficacité, ou à
leur complicité. Tout ceci fait dire que la montée de la violence
obère les capacités de la police en Afrique. Cette police qui
généralement souffre de plusieurs maux : manque de ressources,
d'entraînement, de responsabilisation véritable et de la
méfiance des communautés locales, ce qui les empêche de
faire face efficacement aux défis sécuritaires.« au
delà de la question des moyens, si la police ne se reforme pas
profondément, elle court le risque d'être
discréditée » (Roché, 2003: 241).
Au-delà de tous ces aspects précités, le
nombre d'agent de police par habitant dans les populations africaines est
déplorée par une grande pléiade d'auteurs qui pensent
qu'il devient impérieux d'encourager l'effectivité de la police
de proximité. Elle aura le privilège, selon eux, de permettre de
bénéficier de l'appui et des connaissances des populations
locales, lui apportant accessibilité et efficacité. Les
partenariats entre la police nationale et la police de proximité
présentent donc un moyen, jusque-là peu reconnu, permettant
d'élargir sensiblement la couverture sécuritaire des zones
urbaines en Afrique, à court terme et de façon abordable15(*). Le Professeur Bruce
Baker16(*) a publié
un article titré « Forces non étatiques de maintien
de l'ordre : élargir les paramètres pour faire face à la
violence urbaine en Afrique», dans lequel on peut voir le nombre des
forces de sécurité par habitant dans certains pays d'Afrique.
Ratios estimatifs des agents de police par habitant, en
Afrique (Recherche effectuée par l'auteur)
Guinée Bissau
|
1 : 2.403
|
Libéria
|
1 : 857
|
Ouganda
|
1 : 1.839
|
Nigeria
|
1 : 722
|
Rwanda
|
1 : 1.454
|
Sierra Leone
|
1 : 625
|
Cf. (O-1 USAF) 346-500; Jamaïque 1: 400 ; Angleterre et Pays
de Galles 1: 402 ; Inde 1: 625 ; Indonésie 1: 1.145
Ces chiffres montrent si bien combien le système
sécuritaire est défaillant, du moins par rapport à
l'effectif et nécessitant dès lors une réflexion plus
poussée sur la garnison sécuritaire des villes africaines.
L'autre aspect le plus souvent soulevé est celui
opposant la justice à la police. En effet l'indulgence de la justice
provoque un profond malaise. La police en éprouve un profond
découragement et se demande à quoi bon prendre tous ces risques
face à des jeunes malfaiteurs sûrs de leur quasi-impunité.
« A peine relâchés, ils les retrouvent dans leurs
quartiers, encore plus arrogants et plus déterminés à en
découdre ». (Fenech, 2001 :72). Il continue, il
serait temps de moins se préoccuper des causes du crime et de
s'intéresser davantage au criminel lui-même, de le
considérer comme un individu capable de faire des libres choix, y
compris celui de sombrer dans la délinquance sauvage mais en
contrepartie d'en supporter toutes les conséquences (Id, 2001:
16). Au même titre du découragement, il y a la question de la
rémunération des forces de sécurités qui est
à poser et il convient de s'y pencher profondément puisque la
pauvreté n'est plus seulement l'apanage des criminels dont les actions
sont à parer mais aussi des forces de sécurité.
Tous ces aspects liés à la pauvreté et
aux forces de sécurité ne sont pas négligeables dans
l'explication de la montée des violences urbaines car ils constituent
les facteurs potentiels de l'explication du phénomène.Dans cette
étude des violences urbaines, nous nous appuierons aussi et surtout sur
les approches théoriques élaborées et défendues par
les grands chercheurs spécialisés dans le domaine.
I.1.5.2- Cadre de référence
théorique
Le problème des violences urbaines, longtemps
énoncé par maints chercheurs dans leurs oeuvres, trouve moult
réponses et interprétations à travers diverses approches
théoriques et cadres conceptuels. Cette multiplicité
d'interprétations est à l'image de la versatilité du
phénomène social vu et étudié par les grands
chercheurs.
I.1.5.2.1- La théorie du contrôle
social
Durkheim E. en expliquant le suicide par la déviance
semble avoir jeté les bases de la théorie du contrôle
social qu'ultérieurement Travis Hirschi (1969) concevra pour expliquer
les violences urbaines. On part ici du fait que l'adhésion aux normes ou
règles sociales dépend essentiellement des liens sociaux.
L'agresseur ou le criminel n'est donc qu'un individu détaché de
la société conventionnelle rejetant les normes et valeurs admises
comme légitimes. Dans cette optique, tous les individus qui se
soumettent aux standards sociaux le font donc parce que leur intégration
sociale les y contraint. L'intégration sociale étant fonction de
l'intensité des liens sociaux entretenus avec les membres de la
société, le crime serait de facto la résultante de leur
affaiblissement. Pour Fischer, les diverses formes
d'insécurité « reflètent un effritement
des normes sociales et un essoufflement des modèles institutionnels pour
un certain nombre de jeunes » (Fischer, 2003 : 161). La
famille, les groupes de pairs et les institutions d'éducation dont le
rôle principal est la socialisation et l'intégration sont donc,
dans une certaine mesure, dysfonctionnels.
La théorie du contrôle a fait l'objet de
nombreuses confirmations. En ce qui concerne le « contrôle
direct » (détenu par les agents de contrôle social dans
l'application des règles conventionnelles, à savoir
l'édiction de règles opposées à la violence
urbaine, la vigilance concernant le respect effectif des règles, les
sanctions ou encouragements en cas de conduites inappropriées ou
adéquate) (Bègue, 2003 : 87), il apparait que des
éléments comme la présence des règles et leur
application effective ou la surveillance des adultes par rapport aux
activités des adolescents diminuent la violence des individus. Parlant
de l'enjeu de la conformité, on remarque que plus les adolescents se
sentent liés à leurs parents ou à l'école, moins
leur conduite criminelle est élevée. Par ailleurs, (Roché,
2001 : 191) a montré quant à lui que plus les sujets jugent
bénigne une conduite déviante, plus ils ont une propension
à en être auteurs. De nombreux travaux montrent par ailleurs que
la violence urbaine est liée à une perception plus
défavorable des autorités. Il faut aussi prendre en compte
l'importance des opportunités délictueuses dans la
réalisation de conduites déviantes. On dira alors que la violence
urbaine sera probable dès que les différents types de
contrôle décrits plus haut sont faibles et que les situations la
rendent plus facile. La police et la justice en viennent à être,
dès lors, remises en cause. Ce qui pousse Fenech à dire :
« que la justice et la police commencent par remplir leurs
missions respectives sans se laisser endormir par le chant des sirènes
et sans d'emblée excuser le criminel sous le prétexte que sa
mère se prostituait ou que son père était
alcoolique » (Fenech, 2001 : 31). Il énonce ainsi la
méthode de la tolérance zéro qui consiste à punir-
à la mesure du délit- tous les criminels sans en racoler un
bémol. Selon lui, seule cette méthode est à même de
contenir la violence des jeunes. Ici, c'est non seulement la police et la
justice- institutions Etatiques de contrôle social - qu'il convient
d'évaluer de part leurs pratiques et marges de manoeuvre, mais aussi la
famille, l'école et les groupes sociaux urbains.
Comme c'était montré plus haut, pour les
théoriciens du contrôle social, tout attachement conduit à
la conformité sociale de l'individu. Souvent, quand les parents ou les
amis sont engagés dans ces mauvaises conduites sociales et que
l'individu leur est attaché, il tend à faire de même. Ce
phénomène est central pour la théorie de l'apprentissage
social dont on va maintenant présenter les grandes lignes.
I.1.5.2-2. La théorie de l'apprentissage
social
Pour les tenants de la théorie de l'apprentissage
social la violence urbaine n'est pas d'abord la résultante d'un manque
de contrôle mais plutôt la conséquence d'une association
avec des modèles délinquants induisant l'acquisition de
conduites allant contre les normes ; donc déviantes. (Roché
et Al, 2003 : 87). Les principes de base de la théorie de
l'apprentissage social sont élaborés par Sutherland à la
fin des années 1930, puis reformulés par Akers (1985) sur la base
des quatre concepts majeurs que sont l'association différentielle, les
définitions, le renforcement différentiel et l'imitation.
L'association différentielle désigne
le processus par lequel l'individu est exposé, par ses relations
diverses et ses fréquentations, à des idéologies
favorables ou non à la déviance ou la conformité. L'impact
des ces expositions à la déviance sera d'autant plus fort que
celles-ci se produiront en premier et dureront plus longtemps, se produiront
régulièrement et impliqueront de personnes proches.
C'est-à-dire quand le côtoiement s'est fait dès le bas
âge et que les valeurs criminelles sont plutôt prônées
par les anciennes générations censées redresser les
nouvelles. En réalité, la criminalité est
véritablement apprise auprès des pairs criminels et se
développe à leur contact.
Les définitions sont les attitudes ou les
significations auxquelles l'individu est tenu de se familiariser une fois qu'il
s'identifie au groupe. Ces significations peuvent concerner les idéaux
délinquants, les valeurs ou autres pratiques inhérentes à
la vie des contre-normes. Par exemple la possession d'une arme, la
négligence du crime ou encore les techniques de neutralisation telles
que :
Le déni de responsabilité : affirmer que
l'on est obligé par la misère à commettre tel ou tel crime
ou que l'on a blessé quelqu'un en état d'ivresse.
Le déni du mal causé :
Considérer que voler dans une grande surface n'est pas du vol ou que l'
« emprunt » d'un véhicule peut être
justifiable puisque le propriétaire est assuré contre le vol. La
condamnation des accusateurs : juger que les autorités sont
hypocrites, considérer que la société est corrompue etc.
(Roché, 2003 : 88)
En ce qui concerne les définitions, il a
été amplement constaté que plus un acte est
considéré comme grave ou inacceptable, moins il est susceptible
d'être réalisé. La représentation des institutions
chargées du contrôle social est également liées
à la violence des individus : plus un individu est violent plus sa
perception de la police ou du système judiciaire est négative
(id, 2003 : 89). Ces représentations, comme toute autre, sont
partagées au cours d'interactions existant entre les individus.
Le renforcement différentiel : l'individu
qui adopte des attitudes délinquantes fait des calculs. Les
conséquences probables de ces actions étant bien connues,
l'individu prend des décisions en s'y référant, en
mesurant l'ampleur des investigations contre-normes qu'il va entreprendre.
Cette conduite, quand elle est suivie d'effets plaisants pour l'individu est ce
que les théoriciens de l'apprentissage social appellent un
« renforcement positif ». Celle qui s'en suit de
retombées déplaisantes s'appelle le « renforcement
négatif ».
Des facteurs de personnalité interviennent
également. Pour certaines personnes, la prise de risque associée
à un délit est valorisée en elle-même et constitue
un bénéfice, tandis que pour d'autres, elle n'en vaut pas la
peine. Ce qui assure la pérennité de conduites apprises est
appelé l' « Auto-renforcement », qui amène
l'individu à s'infliger des sanctions ou se complaire psychologiquement
lorsqu'il émet des conduites différentes ou conformes aux normes
intériorisées. Le renforcement différentiel se
présente donc comme une composante pertinente dans le
développement des conduites criminelles. Il faut toutefois garder
à l'esprit qu'il n'est efficient que lorsqu'il émane des sujets
ou groupes respectés par l'individu.
Enfin, l'acquisition des aptitudes ou de définitions
délinquantes peut n'être que le résultat de l'observation
des effets des comportements des autres sur eux même ou leur entourage
(appelé apprentissage vicariant). Par exemple, une personne qui pose un
acte qui est couronné de succès sera plus encline à
être imitée par la suite. Tous les modèles n'ont pas la
même efficience. Ils sont suivis et imités en fonction de leur
cohérence, de leur attractivité ou leur statut, de leur
ressemblance à l'observateur (Roché, 2003 : 89)
Les mass-médias en l'occurrence la
télévision puissants agents de socialisation, ont aidé
à la clarification des conditions dans lesquelles un modèle
donné exercera une influence maximale. Bègue Laurent
disait que l'exposition à des scènes violentes a un impact
réel, quoique modeste, sur les comportements d'agression et les
conduites délinquantes. Il est important de décrypter les
mécanismes à l'oeuvre dans ces phénomènes
(Id, 2003 : 139). Il ne suffit pas de voir passivement un modèle
pour en reproduire le contenu. En réalité, quatre niveaux de
traitement président à l'apprentissage par observation : le
degré d'attention, le degré de rétention, la reproduction
comportementale en tant que telle, qui pourra s'effectuer en fonction des
compétences de l'observateur et la motivation à reproduire le
modèle qui provient directement des renforcements évoqués
plus haut.
Les deux approches précédentes,
c'est-à-dire la théorie de l'apprentissage social et la
théorie du contrôle social, sont le plus souvent dites dominantes
dans l'explication des violences urbaines. Elles convergent sur plusieurs
points mais ne sont pas, de ce fait, entièrement réductibles
l'une à l'autre. Une troisième approche les complète en
mettant l'accent sur l'influence d'expériences négatives et de
tensions vécues par l'individu dans le déclenchement de la
délinquance.
I-1.5.2-3. La Théorie des
tensions
L'explication des violences urbaines est, ici, donnée
par la frustration des individus. Les conduites violentes sont, dans cette
approche, principalement perçues comme motivées par le
désir de réduire un état affectif
désagréable lié par exemple à une provocation, un
échec ou une privation. Selon les approches classiques de la tension, la
violence urbaine est une « dissociation entre les aspirations
culturellement prescrites et les voies socialement structurées pour
réaliser ces aspirations » (Roché, 2003 :
91). Ceci fait revenir le terme d'échec qui paraît sans doute
déterminant dans l'explication de ces comportements sociaux dû aux
frustrations.
En effet, la théorie générale de la
tension (TGT) s'intéresse à diverses sources de tension,
notamment l'échec dans l'atteinte d'un but immédiat ou
éloigné. De façon naturelle, tout projet humain, toute
prévision individuelle qui connaît des obstacles sociaux fait
naître un sentiment de trahison en face des présumés
impliqués dans cet échec. Le désir de vengeance et de
règlement de compte ou des ressentiments envers soi-même peuvent
conduire à des actes de violence ou de délinquance de
façon générale. La pression familiale, la perte d'un
« stimulus positif » (deuil, déménagement) ou
la confrontation à un « stimulus négatif »
(être provoqué ou insulté, abusé, puni physiquement,
ou faire l'expérience de conflits en famille ou à l'école)
conduisent à commettre des délits. L'exemple le plus palpable
dans nos sociétés africaines concerne les violences post
électorales qui découlent de l'insatisfaction des partisans de
tel ou tel parti politique. Selon la TGT, l'expérience de la tension
déclenche des émotions comme la colère, la frustration,
mais aussi la dépression ou l'anxiété qui peuvent aboutir,
notamment lorsqu'elles sont répétées, à des
conduites de retrait. De ce fait, l'impact de la tension n'est pas
mécanique mais il est modulé par l'interprétation de la
situation qui l'accompagne. Selon Agnew, trois stratégies cognitives
permettent de diminuer considérablement l'effet de la tension : la
dévaluation du but visé (minimiser la valeur du but), la
minimisation du besoin éprouvé, (se convaincre qu'il n'est pas
important d'y parvenir) ou l'autodépréciation (penser qu'on ne
mérite pas d'atteindre le but visé). La tension
éprouvée peut être également diminuée par le
recours à des stratégies non délinquantes (écouter
de la musique, se relaxer, faire du sport) mais aussi par ce que Lagrange
(2001) désigne par l' « esquive » à savoir
l'usage de drogue (Id, 2003 : 91).
L'influence de la tension varie en fonction de l'individu
concerné. Certains individus sont plus vulnérables que d'autres
à l'effet de la tension conduisant à la violence. Ceux qui ne
disposent pas de ressources leur permettant de gérer leur tension de
façon légitime (ressources intellectuelles, relationnelles ou
financières suffisantes peuvent contribuer à éviter un
conflit), et ceux qui ont de faibles soutiens conventionnels susceptibles de
les assister dans la résolution des problèmes qu'ils rencontrent.
Il est important de préciser les conditions dans lesquelles
l'expérience d'une tension est susceptible d'être suivie de
conduites criminelles. Agnew, (2001b) précise donc que le risque de
conduite délinquantes consécutives à la tension est
modulé par quatre caractéristiques associées à
cette tension : le risque augmente lorsque la tension est perçue
comme injuste, est intense, est associée à un faible
contrôle social et crée des pressions ou incitations à
s'engager dans une résolution violente de la tension.
La première caractéristique est le sentiment
d'injustice associé à la tension : une tension perçue
comme injuste aura de plus fortes probabilités de mener à des
violences urbaines. L'effet du sentiment d'injustice subi sur
l'expérience de la colère, elle-même reliée aux
agressions, est largement attesté par de nombreux travaux (Berkowitz,
1993 ; Miller, 2001 ; Tedeschi & Felson, 1994). Une étude
de Scherer (1997) réalisée dans 37 pays a montré que la
colère est l'émotion la plus fortement associée à
l'injustice. La colère, du fait qu'elle perturbe les processus cognitifs
permettant de traiter de manière non agressive les conflits, a un effet
sur l'agression. Le sentiment de culpabilité, par contre, associé
à une conduite violente est atténué quand l'individu pense
véritablement que l'injustice est lui-même modulé par des
éléments comme le caractère intentionnel ou non de l'acte
stressant.
La seconde caractéristique se réfère
à l'amplitude perçue de la tension : plus une tension est
forte et plus elle est susceptible de conduire à la violence qu'une
tension légère car son effet sur l'individu sera à mesure
de diminuer sa capacité à gérer cette tension.
De ces théories précédentes, nous pouvons
dégager une approche de la recherche en définissant un cadre de
référence.
I.1.5- 3. Cadre de
référence
Les violences urbaines, que nous nous proposons
d'étudier pour en ressortir les facteurs explicatifs à
Lomé, peuvent être perçues sous plusieurs angles selon les
types de violences rencontrées. Les violences urbaines ne sont-elle pas
toutes celles qui se perpétuent dans un cadre urbain ? Cette
question peut porter à confusion si nous n'arrivons pas à faire
la part des choses.
Nous compteront parmi les violences que nous allons
étudier : les vols à mains armées, les braquages, les
homicides et les kidnappings. Certes, elles peuvent se dessiner en dehors de la
ville mais toujours avec une coloration de la culture délinquante connue
dans les villes. Par contre, celles dont l'essence est incluse dans une
représentation purement ethnique ou des revendications culturelles
telles que les crimes nées d'oppositions interethniques, par exemple, ne
peuvent être associées aux violences urbaines. Cette clarification
est importante pour la mesure et l'orientation des propos que nous aurons
à tenir dans notre étude étant donné que toutes les
violences ne peuvent être comprises de la même manière.
Ainsi donc, Il apparaît la nécessité de se
baser sur les approches théoriques qui sont, d'abord, des sentiers
distincts ayant un seul et unique but : aboutir à la
compréhension d'un phénomène et en donner les diverses
caractéristiques. Certes, les théories du contrôle social,
de l'apprentissage et des tensions paraissent toutes importantes dans cette
étude des violences urbaines dans la ville de Lomé, mais nous
choisirons la Théorie du contrôle social pour mieux
élucider nos investigations.
La réalité sociale n'étant qu'un
agencement des faits interdépendants, tout fait social trouve ses germes
dans un autre fait social. Comme l'affirmait Emile Durkheim « la
cause déterminante d'un fait social doit être recherchée
dans les faits sociaux antécédents ». Si le
rôle des vieilles générations- celui de transmettre et de
suivre les règles sociales aux jeunes- n'est pas assumé et que
l'individualisme prend le dessus dans ce monde avide de forts liens familiaux,
des valeurs du vivre ensemble, les raisons de la déviance sociale
demeurent le manque de contrôle social. Nous chercherons, en se basant
sur la théorie du contrôle social, les conditions sociales
surtout familiales des individus accusés pour des actes de violence
urbaines afin d'aboutir à leur explication sociale (raisons sociales de
la violence) Ce n'est qu'à ce prix que l'étude du
phénomène pourra se frayer une porte de sortie. Nous verrons
ainsi, si réellement il y a, à Lomé, des criminelles
victimes de la fragilisation des liens sociaux donc du manque de contrôle
social.
I.1.6. Cadre conceptuel de la
recherche
I.1.6.1. Définition des concepts
opératoires
Un concept est
« ...un véritable outil de travail qui
permet de pénétrer au delà de l'immédiat sensible,
le problème social à un degré supérieur
d'objectivité. Il n'est pas le phénomène lui-même,
mais une abstraction, un moyen de connaissance qui organise la
réalité en retenant les caractères distinctifs et
significatifs du phénomène. » (Gurvitch, G.,
1995 : 23).
L'expression violences urbaines en appelle à d'autres
qui permettent d'éclaircir de façon plus approfondie le
phénomène. Nous ne pouvons donc nous passer de les
élucider afin que tout lecteur de ce document puisse cerner les contours
des aspects abordés dans l'étude du phénomène.
Durkheim E., en disait ceci : « la première
démarche du sociologue doit être de définir les choses dont
il traite, afin que l'on sache et qu'il sache bien de quoi il est
question. » (Durkheim, 1995 : 23) c'est à cette
tâche que nous nous attelons en choisissant de définir les
termes suivants : la déviance, les déviances sociales, la
délinquance, normes, la violence, les violences urbaines, le
délit et le contrôle social.
I.1.6.1. 1.La déviance
Selon le dictionnaire de la Sociologie la déviance est
l'ensemble des comportements (individuels ou collectifs) qui, s'écartant
de la norme, créent un dysfonctionnement et donnent lieu à une
sanction (Ferréol, 2004 : 45). Cependant, les
réalités des valeurs varient dans le temps et dans l'espace et de
ce fait, un comportement qualifié de déviant dans un groupe
social peut ne pas l'être ailleurs. Toutefois, la relativité
culturelle ne doit pas nous faire perdre de vue l'essentiel : l'acte
déviant, nous rappelle Durkheim, correspond à une
« blessure de la conscience collective » et se
rencontre dans toutes les sociétés quels que soient leurs
degrés de développement. Dans notre étude nous appellerons
déviants tous les individus qui transgressent les lois sociales se
résumant par le respect du droit d'autrui et des normes
institutionnelles. Ces individus agissent généralement par calcul
et non par ignorance.
I.1.6.1. 2.La déviance
sociale
Plus générale, elle concerne les enfreintes aux
normes admises dans une société donnée. C'est l'opposition
par rapport aux attentes comportementales de la société. Toutes
les sociétés émettent des normes pour pouvoir pallier
certaines défaillances humaines ramenées à notre contexte
par toutes les formes de violences précitées. Le déviant
social est en quelque sorte celui qui enfreint à l'une de ces normes.
I.1.6.1.3. La délinquance
Terme apparu dans la Sociologie américaine vers la fin
des années 1950. Elle désigne une attitude contrevenante à
une norme sociale. Elle implique toutes les pratiques allant à
l'encontre des normes admises dans les sociétés. La prostitution,
la cybercriminalité, les trafics etc. Sont des comportements dits
délinquants. Le lexique de sociologie le défini comme
étant l'ensemble des comportements délictueux punis par la loi.
(2007 : 70)
I.1.6.1. 4. La norme sociale
Règles ou modèles, de conduites propres à
un groupe ou à une société donnée, appris et
partagé, légitimé par des valeurs et dont la non
observance entraîne des sanctions. Les normes définissent le
comportement approprié ou attendu dans la vie sociale. Selon le Lexique
de Sociologie, la norme sociale est un principe ou modèle de conduite
propre à un groupe social ou à une société. Les
normes sociales sont conformes à ce qui est communément admis et
légitimé par le système de valeurs propre à chaque
société et ou à chaque groupe social. (Lexique de
Sociologie, 2007 : 204) Dans notre étude les normes sont celles
établies par la juridiction suprême inculquées par
l'éducation civique et les familles et dont les sanctions sont
prévues par le code pénal.
I.1.6.1. 5. La violence
Les notions de violence, d'agression et d'incivilité
sont apparues à des époques différentes de l'histoire et
leur signification a évolué dans le temps en fonction des valeurs
mais aussi des connaissances. La perception de la violence change d'une
période à une autre et varie d'un pays à l'autre. La
violence est un terme dont l'appréhension demeure relative au contexte
et au paradigme scientifique adopté. Pour Lebailly, la violence est
« une atteinte contre un symbole, une chose ou une personne avec
un usage abusif de la force »( Lebailly, 2002 : 19) Dans
notre étude, nous associons le terme violence à toutes les
attitudes d'air agressif, brutal, et visant à faire une pression pour
faire faire quelque chose à un individu contre son gré ou en vue
d'atteindre une fin donnée. Tout comme le montre la définition
sortie de l'étymologie du terme : « recours
à la force physique en vue de porter atteinte à
l'intégrité des biens ou des personnes »
(Férréol, 1995 : 216), il y a plusieurs formes de
violences : les violences conjugales, les violences scolaires, les
violences sexuelles, les violences symboliques, les violences urbaines etc.
I.1.6.1.6. Les violences urbaines
La définition de l'expression « violences
urbaines » ne fait pas l'unanimité. Certains auteurs
l'assignent aux actes d'atteinte contre les institutions commis dans le cadre
d'actions collectives et non pas des actes de déviance et trouvent
exagéré le fait d'y intégrer les incivilités. Pour
Le Guennec N., c'est une manière abusive d'utiliser la notion de
violence urbaine que d'y intégrer les actes de délinquance. Pour
d'autres, elles ne sont pas seulement atteintes aux institutions mais
concernent aussi l'atteinte à l'intégrité des personnes et
de leurs biens. C'est ce que pense
Sophie
Body-Gendrot, pour qui le terme « violence
urbaine » désigne « des actions faiblement
organisées de jeunes agissant collectivement contre des biens et des
personnes, en général liées aux institutions, sur des
territoires disqualifiés ou
défavorisés » ( Sciences Humaines
n°89,
1998 : 6).
Tout compte fait, certains chercheurs comme Fischer et
Pedrazzini pensent que le terme violence urbaine désigne une forme
particulière de violence sociale commise essentiellement par des jeunes
délinquants issus de quartiers défavorisés et agissant
soit seuls, soit plus généralement en bande plus ou moins
organisées (Fischer, 2000 : 159) et c'est leur définition
qui nous paraît correspondre au contexte dans lequel nous ferons notre
étude C'est-à-dire la ville de Lomé. Nous ferons, dans
notre étude, plus allusion aux braquages, vols à mains
armées aux homicides et aux kidnappings perpétrés dans la
ville de Lomé et seuls ces actes seront cachés derrière
l'expression violences urbaines.
I.1.6.1.7. Un
délit
C'est un acte dommageable, illicite, intentionnel ou non qui
engage la responsabilité de son auteur. Selon le lexique des termes
Juridiques (LTJ) le délit est une infraction dont l'auteur est
punissable de peines correctionnelles. En sociologie, le délit est aussi
dénommé criminalité réelle.
I.1.6.1.8. Le contrôle
social
Selon le dictionnaire de Sociologie, Proche de la domination
(au sens de Weber), c'est l'ensemble des moyens dont dispose un groupe (la
majorité) pour faire en sorte que les membres qui le composent se
conforment aux normes et aux règles qu'il a édictées. La
relation entre l'autorité légitime et ceux qui y sont soumis est
asymétrique. (Férréol, 2004 : 65) Il désigne
aussi les institutions chargées de l'exécution ou le respect des
lois sociales et de l'application des sanctions en cas de contrevenance.
CHAPITRE DEUXIEME : CADRE PHYSIQUE ET HUMAINS, ET
APPROCHE METHODOLOGIQUE DE LA RECHERCHE
II.1. Données géographiques,
démographiques et économiques.
II.1.1. Données
géographiques
II.1.1.1.Situation géographique
La ville de Lomé est située à
l'extrême sud-ouest du TOGO, dans la région maritime. Elle est
limitée au Nord par le quartier Agoè Nyivé, au
Sud par l'Océan Atlantique, à l'Est par la raffinerie de
pétrole et à l'Ouest par la République du GHANA. La ville
de Lomé s'étend sur une superficie de 333 Km² dont 33% de
zones lagunaires selon les données de l'Unité de Recherche
Démographique (URD).
En 1995, Lomé avait été
subdivisée en cinq arrondissements au service de 76 quartiers selon le
document « Gestion administrative du territoire national
N°30/ ML/ du 20/09/95 de la Mairie de Lomé.
II.1.2. Données démographiques
culturelles et religieuses
Depuis1981, l'État Togolais n'a plus organisé de
recensement général de la population pour des raisons
économiques. Toutes les informations relatives à la
démographie du TOGO, Pour ce faire, relèvent des estimations.
Nous nous sommes alors basé sur des données approximatives dans
ce travail.
Selon ces estimations, la commune de LOME comptait 750.000
habitants en 1995. Aujourd'hui, la Direction Générale de la
Statistique et de la Comptabilité Nationale (DGSCN), section
démographie, évalue la population de Lomé à 963000
habitants avec 70% de jeunes de moins de 30 ans. Et cette jeunesse de la
population de Lomé s'explique par le fort taux d'accroissement naturel
de la population (6%) et le phénomène migratoire. Elle constitue
un grand foyer culturel à cause de la multitude d'ethnies qui s'y
retrouve et qui, en temps ponctuels, font l'objet de découverte et
d'appréciation.
II.2. Démarche méthodologique et
difficultés de la recherche
Selon Kakplan A., « le propre de la
méthodologie est d'aider à comprendre au sens le plus large non
les résultats de la recherche scientifique, mais le processus de
recherche lui-même » (Grawitz, 2001 : 15). En
sciences sociales, toutes les investigations ont pour outils des
méthodes de recherche qui balaient soit l'aspect qualitatif soit
l'aspect quantitatif. Il y a de ces recherches qui nécessitent les deux
approches pour des buts bien déterminés et c'est le cas de notre
étude portant sur les violences urbaines et dont l'approfondissement
nécessite l'usage des outils tant quantitatifs que qualitatifs. Il est
donc ici question de présenter les techniques utilisées pour la
recherche et d'en montrer l'importance pour l'aboutissement de l'étude.
Dans le cadre de notre étude, nous avons deux principales sources de
données :
-La recherche documentaire et
-Les enquêtes de terrain
II.2.1. Les techniques d'échantillonnage
II.2.1.1. L'univers de
l'enquête
Une enquête étant « la
quête d'informations réalisée par interrogation
systématique de sujets d'une population
déterminée » (Nda, 2006 : 81) l'univers est
l'espace dans le lequel est choisi les enquêtés. Notre recherche,
compte tenu du libellé de notre thème, se fera dans la population
carcérale de la prison civile de Lomé. La prison civile de
Lomé a vu le jour depuis les années 60 et était au
préalable mis sous tutelle du ministère de l'intérieur
pour servir de lieu de détention des auteurs des délits.
Actuellement sous direction de la DAPR qui à son tour est sous tutelle
du ministère de la justice accueille les prisonniers
déférés des commissariats de police de toute la
région Maritime. Cette prison est directement dirigée par un
régisseur assisté par des militaires assurant la
sécurité des lieux et des services tels que le service social, un
petit dispensaire, la restauration et un secrétariat.
Le cadre de vie de ces détenus est un ensemble
compartimenté en 49 cellules, un centre artisanal situé à
l'extérieur du lieu de détention, le tout dans une grande
Clôture construite sur une superficie d'environs 1 hectare. L'univers est
constitué d'hommes et de femmes de diverses caractéristiques
socio culturelles détenus séparément par genre et qui ont
une organisation interne tout comme les sociétés dans lesquelles
nous vivons avec une différence qu'est le manque de liberté de va
et vient dont nous disposons. Par ailleurs, ils constituent des réseaux
qui leur permettent de défendre les intérêts de l'ensemble
du réseau ou de l'un des membres du réseau quand ils sont
menacés par d'autres détenus. Les principales nationalités
représentées dans cette population carcérale sont :
Nigériane, Béninoise, Ghanéenne Burkinabé et
Togolaise.
Avec une population carcérale de 1853 prisonniers
répartis dans 49 cellules, elle est dirigée au premier niveau par
une administration ayant à sa tête un régisseur. Notre
univers contient de ce fait toutes les représentations tant ethniques,
sociopolitiques, économique que culturelles. Nous aurons dès lors
une population à même d'être représentative d'une
plus grande.
II.2.1.2. La population cible
Aucun citadin ne peut être écarté quand
on parle de la violence urbaine. Cependant, la population cible de notre
étude est issu de l'ensemble des détenus de
Lomé c'est-à-dire ceux qui ont déjà eu
à poser des actes criminels tels que les braquages, les homicides, les
vols à mains armées ou kidnapping. Nous recherchons dans leurs
interventions les raisons fondamentales qui seraient à la base de ces
attitudes de leur part. Nous basant sur les estimations de 201117(*), nous pourrons évaluer
la population cible à 1 853 personnes de sexe et de catégories
confondues dont 614 prévenus18(*), 389 condamnés19(*), 488 inculpés20(*). Faute de moyens, notre questionnaire ne sera
adressé qu'à certains individus déjà ciblés.
Sera interrogé, tout individu homme ou femme ayant vécu à
Lomé, détenu à la prison civile de Lomé pour les
délits précités, et acceptant donner son opinion sur les
violences urbaines dans notre capitale. Sont exclus de notre population cible
les détenus déférés des commissariats
extérieurs à Lomé ou n'ayant pas vécu à
Lomé.
II.2.1.3. Échantillonnage
L'échantillonnage est la méthode par laquelle
on extrait de la population mère une plus petite et plus
représentative en vue d'y sortir des informations à
généraliser ; ceci à cause des coûts
exorbitants que pourra occasionner une enquête exhaustive. Comme le
diraient Ghiglione et Matalon (1995) « il est très rare
qu'on puisse étudier exhaustivement une population, ce serait si long et
si coûteux que c'est pratiquement impossible ». Partant de
la technique d'observation extensive, Notre échantillonnage sera
probabiliste et prendra donc en compte toutes les catégories de
prisonniers détenus pour violence urbaine dans la ville de Lomé
déjà identifiés dans la prison civile afin que les
informations à recueillir soient fiables et puissent être
généralisées .10% soit 6 questionnaires seront
adressés aux femmes et 90% soit 56 aux hommes. Cette différence
à cause de la passivité manifeste des femmes.
Echantillon = population mère x
échelles
Population mère = 1853
Echelle = 1/30
Echantillon = 1853 /30
Echantillon = 62 individus
Cependant, en raison de l'intervalle de temps qui nous a
été accordé et les difficultés liées
à la sortie des prisonniers d'une part et, d'autres parts, de la non
correspondance de certains détenus à nos critères, nous
n'avons pu valider que 58 questionnaires. C'est sur la base de ces 58 que nous
baserons toutes nos interprétations.
II.2.2. Les techniques de collecte de
données
II.2.2.1. Recherche documentaire
C'est un travail incontournable et perpétuel dans le
processus de recherches en sciences sociales. La recherche documentaire comble
les manquements de l'enquête par interview ou par questionnaire en
donnant des informations de toutes formes que les autres techniques ne peuvent
aborder. A la quête des informations tant sur le contexte
socio-économique et spatial que sur les violences urbaines proprement
dites de Lomé, il s'est avéré impérieux de
parcourir les ouvrages d'ordres généraux, les rapports des
institutions impliquées dans un aspect du phénomène
étudié, les revues et périodiques, de même que les
oeuvres traitant proprement du thème dont nous voulons approfondir les
implications sociales. Que ce soit les informations sur les estimations sur les
formes de violence, leur manifestations, les contextes de perpétration,
les indicateurs démographiques, les populations vulnérables ou
encore sur les approches théoriques et méthodologiques, ces
documents sont d'une très grande importance.
Nous avons pu, dans le cadre de notre recherche,
visiter bien de bibliothèques tant publiques que
privées ; ce qui nous a été d'un grand avantage.
Cependant, cette documentation se trouve être
limitée à cause du manque d'intérêt pour des sujets
controversés comme celui de la violence pour les chercheurs africains.
Ceci dit, les écrits sur la violence urbaine sont plus ceux relatifs aux
sociétés occidentales ou que des chercheurs occidentaux
réalisent dans nos sociétés. Étant donné que
les réalités sociales sont très diverses d'une
société à une autre, on ne peut s'approprier les cadres
justificatifs, par exemple, de la violence en France, de peur de s'engager dans
des replaçassions contradictoires de contextes méconnus dans nos
société. Toutefois, utiliserions-nous les techniques d'approches,
les théories qui sont moins d'une ampleur locale, et les exemples
concrets de cas pour élucider nos propos sans ignorer l'analyse des
contenus de ces ouvrages qui nous ont été très
bénéfiques.
D'autres parts, nous avons eu à consulter les documents
fondamentaux des procès verbaux de certains commissariats de police de
même que les comptes rendu des plénières à la cours
d'assise et les autres compartiments qui lui sont liés. Les
périodiques et les presses donnent le fil des événements
au fuir et à mesure qu'ils se produisent et pallient, un tant soit peu
le manque de documents scientifiques sur les violences urbaines à
Lomé. Ainsi donc, leur exploitation nous a permis de nous diriger vers
les cibles les plus idoines dans la recherche des réponses au mal que
nous voulons étudier.
Les mémoires traitant de notre sujet, très
infimes qu'ils soient ont permis de pallier, un tant soit peu le manque
d'oeuvres scientifiques digne de ce nom traitant spécifiquement des
violences urbaines.
II.2.2.2. La
pré-enquête
Elle était en quelque sorte une prospection sur les
contours de la question à partir des affirmations et même des
témoignages des uns et des autres. Cette pré-enquête
était dirigée vers tous ceux que nous avons croisé,
surtout les forces de sécurité, et c'est ce qui nous à
conduit à choisir le monde carcéral comme étant la
population cible de nos enquêtes. Elle nous a permis, d'autre
part, de concevoir les outils de recherche comme les guides d'entretien, les
questionnaires et d'identifier les points sensibles de notre thème.
Le second volet de cette pré-enquête était
le test du questionnaire que nous avons conçu. En effet, nous avons pu
avoir accès à la prison un Dimanche pour la messe à la fin
de laquelle nous avons pu nous entretenir avec certains détenus
responsables de la communauté religieuse, ce qui nous a permis de
corriger les défaillances du questionnaire brut.
II.2.2.3. L'enquête proprement dite
L'enquête dans les sciences sociale est un outil
incontestable tant d'acquisition de nouvelles connaissances que de
découverte de nouvelles réalités en vue de leur
élucidation et leur explication. Elle permet du coup de pouvoir arriver
aux sources explicatives d'un phénomène qu'on choisi
d'étudier. Elle procède par questionnement à l'aide des
questionnaires ou des guides d'entretien selon la méthode adoptée
(qualitative ou quantitative). Dans notre travail nous avons utilisé les
deux méthodes à cause de leur
complémentarité : le questionnaire qui était
destiné aux prisonniers et le guide d'entretien pour les juges
d'instruction et les commissaires.
Avant de pouvoir avoir accès à notre univers
d'enquête, à cause de la particularité de ce dernier, il
nous a fallu attendre des autorisations qui devraient successivement passer du
ministère de la justice à la DAPR pour enfin arriver au
régisseur qui est le premier référent à la prison
civile de Lomé. L'enquête s'est faite dans la prison civile de
Lomé et les détenus qui devraient répondre à nos
questions étaient ceux qui avaient commis des délits. Ces
prisonniers étaient identifiés par leurs confrères proches
de l'administration de la prison et qui nous les faisaient parvenir à la
salle d'entretien.
II.2.3. Techniques de collecte de
données
II.2.3.1. Approches qualitatives
Elles ont la caractéristique principale d'aider
à aller dans les détails de la question traitée afin d'en
cerner les contours. Elles permettent de ce fait d'avoir beaucoup de
données avec la possibilité de poser des questions quand des
réponses sont floues ou de relancer autrement des questions quand
celles-ci sont évitées. Nous avons opté pour les
entretiens dirigés à cause de la précision du thème
sur lequel nous faisons les investigations. Nous utiliserons dès lors un
guide d'entretien.
II.2.3.1.1.Le guide d'entretien et son
administration
Dans notre étude nous avons eu des entretiens avec des
commissaires de polices et certains juges ; ce qui nous a permis de cerner
un peu plus à fond la problématique des causes des violences
urbaines dans la ville de Lomé. Nous avons choisi ce type d'entretien
à cause de l'insuffisance du questionnaire adressé aux
prisonniers qui ne sont pas les seuls directement concernés par les
questions que soulèvent la problématique des violences urbaines.
L'angoisse, la gêne ou le bégaiement sont autant d'indicateurs qui
nous ont aidé dans l'interprétation des résultats. Comme
dit plus haut, ils s'avéraient insuffisant et nécessitait une
adoption des approches quantitatives afin d'évaluer les points de vue.
D'où l'usage du questionnaire.
II.2.3.2. Approches quantitatives
Elles permettent d'avoir des données chiffrées
à la fin de l`enquête et de pouvoir facilement atteindre une
grande population. De surcroit le dépouillement permet d'évaluer
les impressions et les opinions.
II.2.3.2.1. Élaboration du questionnaire et son
administration
Le questionnaire, que nous avons utilisé pour
l'étude, parcours des questions pouvant vérifier la
véracité ou l'illusion de nos hypothèses, allant de
l'identification des enquêtés au mot de fin. Ce questionnaire est
formé des questions fermées, ouvertes et semi-fermées en
fonction de la précision que l'on recherche pour telle ou telle
question Il est subdivisé en 2 grandes sections :
Section I/ Identification des enquêtés
Section II/ Contexte social et emprisonnement
Compte tenu de
l'hétérogénéité de notre échantillon
dont les unités ne sont pas tous censées comprendre la langue
française, nous avons opté pour l'administration indirecte des
questionnaires. Nous avons, d'autre part, choisi ce type d'administration
à cause de la sensibilité des questions que soulèvent les
violences urbaines surtout avec ceux qui en sont les auteurs et surtout
à cause de la non-évidence des réponses que ceux-ci
donneront à nos questions. Les travaux préalables avec la DAPR et
le régisseur de la prison ont permis de déceler les
détenus à faire passer pour l'entretien. Il s'agissait des
prisonniers détenus de la ville de Lomé, homme ou femme tout
âge confondu, pour vol qualifié, homicide, kidnapping ou
braquage. C'est exclusivement ces derniers qui ont eu droit à nos
questions
Le monde carcéral étant constitué de
plusieurs ethnies et de différentes nationalités, nous avons eu
l'avantage de parler au moins quatre langues. Le questionnaire était
donc traduit en langue locale, si besoin y est, pour l'enquêté qui
aurait toujours besoin de bien comprendre le fond des questions. Nous avons,
ainsi donc, eu pendant le passage du questionnaire, à parler le
Français, l'anglais, l'Ewé et le Kabyè.
Notre enquête a duré quatre jours à la
prison civile de Lomé où les responsables avaient mis à
notre disposition une salle munie d'une table et de deux chaises pour
l'administration du questionnaire. Les détenus concernés
étaient désignés par les responsables de détenus
qui en avaient une parfaite connaissance. C'était aussi des prisonniers
chargés de la sécurité qui faisaient passer un à
un leurs frères détenus dans la salle où nous les
questionnâmes. Nous avons eu à travailler les matinées
comme les après-midi conformément au réglementaire de la
prison pendant une semaine.
II.2.4. Variables et indicateurs
II .2.4.1. Variables
Les variables sont, en sociologie, les aspects soumis à
l'étude dans le but de cerner leur influence sur un
phénomène donné. Grawitz en donnait cette
définition : une variable est « tout caractère
soumis à une analyse sociologique dont les valeurs ne sont pas
forcément numériques » (2000 : 416). Nous en
distinguons 2 sortes : les variables dépendantes et les variables
indépendantes.
II.2.4.1.1. Les variables indépendantes
La famille (Inculcation des valeurs
morales) :
Première cellule sociale, elle est la première
à inculquer les premières valeurs à tout individu par
d'abord la socialisation primaire et le suivi éducatif.
L'éducation familiale requiert une très grande importance et
est, dès lors prédéterminante dans les attitudes de tout
individu. La situation familiale des individus entre de ce fait dans les
facteurs pouvant expliquer des comportements criminels des individus dans la
ville de Lomé.
La migration des non diplômés ou non
qualifiés :
La migration est définie comme le déplacement
d'un groupe d'individus d'une région à une autre à une
période donnée de leur existence. Elle crée dès
lors des zones de plus en plus peuplées en raison des enjeux
économiques, climatiques ou politiques favorables qu'offre la
région d'accueil. Dans le cadre de notre étude, nous nous
intéressons à l'exode rural des populations vers Lomé.
C'est l'un des facteurs du boom démographique et des
inégalités connus dans notre capitale augmentant au même
moment le taux des sans emplois et de frustrés.
La désintégration des
migrants :
Il est frustrant de vivre dans un cadre social où l'on
n'est pas intégré. Or la majorité des jeunes quittant les
régions rurales pour Lomé sont des non-diplômés et
non qualifiés en quête d'un statut social meilleur, des individus
en marge de la vie du monde moderne de la ville. Avec l'individualisme accru
des villes, Ils se retrouvent très vulnérables aux maux sociaux
à cause de leur marginalisation. Nous avons évalué par les
études le taux d'individus ayant connu ces conditions avant leur
incarcération.
II.2.4.1.2. Variable dépendante
Dans notre étude, la seule variable dépendante
retenue est la recrudescence des violences urbaines. Nous nous
référons, en ce sens, aux incivilités telles que, les vols
à mains armées, les cambriolages et séquestrations
etc.
II.2.4.2. Indicateurs
Les indicateurs sont les données observables qui
permettent d'appréhender les différents aspects d'un
phénomène. Rongere en donnait la définition suivante
« un indicateur est une donnée
observable par laquelle on pourra appréhender les différentes
dimensions analysées en constatant dans la réalité, la
présence ou l'absence de tel ou tel attribut, l'état de telle
variable » (Rongere, 1970 : 20).
Dans le cadre de notre étude, nous avons
identifié comme indicateurs des variables précités les
aspects suivants:
II.2.4.2.1. Indicateurs de la variable
dépendante
II.2.4.2.1.1.L' augmentation des services
privés de sécurité des maisons et des
entreprises
Depuis l'horizon 2005 les services de sécurité
ont commencé par prendre de l'ampleur dans la ville de Lomé
à cause de la sollicitation croissante des populations. Elles engagent
aujourd'hui plus de 5000 jeunes hommes et femmes formées pour la
sécurisation des maisons, des entreprises et magasins contre un paiement
mensuel dans la plupart des cas. La sollicitation grandissante du service de
ces sociétés démontrent qu'il existe un esprit
d'insécurité dans les citadins ; sentiment
nécessairement causé par des évènements tragiques
dont ils ont été déjà victimes ou dont ils ont
entendu parler. L'augmentation des services privés de
sécurité est un indicateur indéniable de l'existence
effective des violences urbaines dans la ville de Lomé.
II.2.4.2.1.2. Les taux de vols à mains
armées, de kidnappings, et de cambriolages enregistrés au niveau
des commissariats de police.
On ne pourra pas parler de preuve de l'augmentation des
violences urbaines dans la ville de Lomé sans recourir aux statistiques
des services spécialisés. Les chiffres détenus par le
ministère de la justice en sont des preuves tangibles et constituent de
ce fait un indicateur des violences urbaines dans la ville de Lomé.
II.2.4.2.1.1.L'élévation des
clôture coiffées de taisons de bouteille ou fil de fer
barbelés.
Système traditionnel de sécurisation
des maisons, c'est une attitude qui dessine l''impression ou
plus encore la conviction du passage éventuel des malfrats. C'est plus
que suffisant pour dire en conclusion que les violences urbaines dans la ville
de Lomé ne constituent pas une réalité révolue mais
bien d'actualité.
II.2.4.2.2. Indicateurs des variables
indépendantes
II.2.4.2.2.1.Le nombre d'incarcérés
(perte ou absence des valeurs morales)
Le nombre grandissant des détenus à la prison
n'est guère plus parlant. Il démontre une grande
défaillance de l'éducation familiale qui est jusqu'alors la seule
à pouvoir pourvoir efficacement à l'acquisition des valeurs
morales allant à l'encontre des comportements pouvant conduire à
l'incarcération d'un individu. C'est l'éducation familiale, dans
une certaine mesure, qui distingue les détenus et ceux qui ne le sont
pas sans ignorer la marge de ceux qui pourraient être innocemment
détenus. N'empêche qu'il soit un grand indicateur de la
défaillance de l'éducation familiale.
II.2.4.2.2.2. Les taux des incarcérés
venant des banlieues de la ville de Lomé
Le stress des banlieues de la ville de Lomé urbaines
pris dans notre étude comme variables explicative est mis en exergue par
la grande représentativité des auteurs des violences urbaines
provenant des quartiers, le plus souvent dits ghettos, de la ville de
Lomé dans le monde carcérale de la prison civile de
Lomé.
II.2.4.2.2.3.L'extension excessive de la ville de
Lomé par les quartiers périphériques
L'exode rural étant le facteur
prépondérant du boom démographique des villes africaines
à part l'accroissement naturel, il est aussi déterminant dans
l'extension géographique de Lomé et porte en amont les maux
sociaux de la ville comme le chômage et la délinquance à
cause de la masse juvénile non instruite et non qualifiée qui
vient chercher la meilleure vie dans la capitale.
II.2.5. Les difficultés de
l'enquête
Mis à part, les difficultés traditionnelles
d'une enquête allant de la limite de moyens financiers au
caractère intrinsèque d'une enquête, nous avons eu à
connaître des difficultés particulières dans la
réalisation de notre enquête. En premier lieu l'acquisition des
autorisations et en second lieu les difficultés liées à
l'administration des questionnaires et à l'accord de l'entretien par les
commissaires et juges d'instruction.
En effet l'accès à la prison civile de
Lomé étant soumis à la présentation d'une
autorisation dûment signées du directeur de la DAPR à qui
on aurait préalablement présenté une autorisation
signé du ministre de la justice, il nous a fallu accepter les reports
répétés des rendez-vous et l'indisponibilité des
responsables à tous les trois niveaux c'est-à-dire au
ministère de la justice, à la direction de l'administration
pénitentiaire et de la réinsertion et à la prison
même. Les même difficultés et parcours pour avoir
accès aux procès verbaux de la DPJ en passant par le
ministère de la sécurité, la Sureté, le
commissariat central avant d'arriver à la DPJ toujours avec les
rendez-vous presque jamais tenus.
L'autre grande difficulté était liée
à ceux que nous étions censé interroger : les auteurs
des vols à mains armées, braquages, homicides et kidnapping
reconnu comme dangereux à la société d'où mis en
détention. Le risque d'être victime de la colère de ces
derniers lors de l'entretien nous a donc imposé une stratégie
très rigoureuse et convaincante. Cependant il nous a été
très difficile d'interroger certaines personnes dont l'aspect
extérieur donnait une image agressive et considérablement
effrayante. Les questions soulevées par notre questionnaire étant
aussi sensible il nous a fallu faire l'attentif durant toutes les entrevues et
éviter les accusations fallacieuses pour qu'ils ne s'énervent
pas. De tout ceci, l'introduction que nous faisions à chaque
enquêté nous a été d'un grand bien puisqu'elle nous
a permis de mettre en confiance ces derniers sauf certains d'entre aux qui
étaient resté irréductibles.
Il est à noter aussi la difficulté que nous
avons eu avec les femmes qui difficilement avaient accepté sortir
participer à l'entrevue et après, de répondre à nos
questions ; tout ceci coiffé par l'étalement des
problèmes quotidiens connus à la prison avec le visage plein
d'espoir en nous, espoirs rapidement démentis par nos mots de fin.
Tout compte fait, il nous a été d'une grande
expérience que de pouvoir réaliser notre enquête dans cet
univers tant redouté par beaucoup et que certains nous avaient
carrément déconseillé.
DEUXIEME PARTIE :
PRESENTATION ET ANALYSE DES DONNEES, INTERPRETATION DES
RESULTATS
CHAPITRE TROISIEME :
PRESENTATION ET ANALYSE DES DONNEES
III.1. IDENTIFICATION DES
ENQUÊTÉS.
Tableau I : Répartition des
enquêtés par sexe
Sexe
Masculin
Féminin
TOTAL OBS.
Nombre
Fréq.
53
91,4%
5
8,6%
58
100%
Source : Etude des violences urbaines à la prison
civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.
De l'analyse de ce tableau on peut retenir la faible
propension du genre féminin à la violence puisque notre
population cible était composée de53 hommes soit 91.4% de
l'échantillon et de 5 femmes, soit 8.6% de l'échantillon.
Tableau II : Répartition des
enquêtés par la situation matrimoniale
Source : Etude des violences urbaines à la prison
civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.
On retient de ce tableau une grande
représentativité des célibataires et des mariés
avec des enfants dans la population carcérale de la prison civile de
Lomé. En effet, comme le montre le tableau ci-dessus, l'ensemble des
détenus que nous avons interrogé est composé de 11
célibataires soit 19% de l'échantillon, de 2 veufs (ves) soit
3.4% de l'échantillon, d'une infime représentation ( 1
enquêté par catégorie) des mariés sans enfants et
de veufs (ves) avec enfants ayant la même proportion de 1.7% , les
mariés avec enfants sont les plus nombreux à être
rencontrés à la prison civile ; 43 d'entre eux ont
répondu à nos questions soit 74.1% de notre échantillon.
Tableau III : Répartition des
enquêtés par âge
Source : Etude des violences urbaines à la prison
civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.
La grande proportion des inculpés pour violence est
composée de jeunes et les adolescents, par contre, sont très peu
représentés. Ainsi, Les détenus qui sont
âgés de 25 à 35 ans et ceux âgés de 35 ans et
plus sont représentés dans une même proportion
égale à 44.8% de notre échantillon soit 26 individus par
tranche d'âge. Le monde carcéral de la prison civile de
Lomé contient, par contre, peu d'adolescents, notre échantillon
ne contenait que 6 jeunes âgés de 15 à 25 ans soit
10.3%.
Tableau IV : Répartition des
enquêtés par le niveau d'instruction
Source : Etude des violences urbaines à la prison
civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.
Les chiffres de ce tableau illustrent le faible niveau de
scolarisation des détenus de la prison civile de Lomé. La
majorité n'ayant fait que le primaire. Le tableau révèle
que ces derniers occupent une proportion de 36.2% soit
21enquêtés. Ils sont suivis des détenus n'ayant fait que le
secondaire ; ceux-ci étant 19 soit 32.6% de l'échantillon.
Les enquêtés n'ayant pas mis pied à l'école
représentaient 19% de l'échantillon soit 11 personne et ceux
ayant atteint le supérieur sont 5 soit 8.6% de l'échantillon.
Ceux qui ne sont pas du tout scolarisé, ceux étant instruits
jusqu'à l'université et enfin ceux qui ont arrêté
les études au lycée occupent successivement les proportions
suivantes : 32.8%, 19%, 8.6% et 3.4%.
Tableau V : Répartition des
enquêté par le métier appris.
Source : Etude des violences urbaines à la prison
civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.
La majorité de nos enquêtés avaient appris
un métier du secteur secondaire et une part non négligeable de
notre échantillon était occupée par les
non-qualifiés. Ce tableau révèle que les détenus
ayant appris d'autres métiers que ceux prévus par notre
questionnaire (soudure, artiste, couture, football, marketing etc.) occupent
ensemble une proportion de 51.7% soit 30 individus. Ils sont suivis par les
non-qualifiés qui étaient à 29.3% de notre
échantillon soit 17 enquêtés. On a eu à interroger
7détenus ayant appris la mécanique soit 12.1% de
l'échantillon et ceux ayant appris la menuiserie et la maçonnerie
se partagent la même fréquence qui est de 3.4%.
Tableau VI : Répartition des
enquêtés selon l'exercice ou pas du métier
appris
Source : Etude des violences urbaines à la prison
civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.
Ce tableau montre que les incarcérés pour les
actes de violence urbaines sont dans une grande majorité soit sans
qualification et sans activité soit n'exercent pas leur métier
appris. Les chiffres révèlent dès lors que 39.7% des
enquêtés soit 23 individus exerçaient leur métier
contrairement aux 18 autres détenus (31%) qui n'exerçaient pas le
métier qu'ils ont appris. Les 29.3% restant n'étaient pas
censés répondre à cette question étant donné
qu'ils n'avaient appris aucun métier.
Tableau VII : Répartition des
enquêtés par activité lucrative exercée autre que le
métier appris
Source : Etude des violences urbaines à la prison
civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.
De toutes les modalités prévues concernant le
métier, il s'est avéré que le commerce
était l'activité la plus exercée par les
détenus qui étaient soumis à notre questionnaire. Il
concernait 41.4% de notre échantillon soit 24 enquêtés.
Ceux qui exerçaient d'autres activités lucratives en plus leur
métier et ceux qui n'avaient que ces activités lucratives pour
survivre représentaient 34.5% de l'échantillon soit 20
individus interrogés. Les jeunes s'adonnant au business au port autonome
de Lomé étaient 8 soit 13.8% de
l'échantillon, les Zémidjan (Taxi moto) 3.4% (2 individus) et
ceux ne faisant rien 6.9% (4 individus).
Tableau VIII : Répartition des
enquêtés par quartier de provenance
Quartier de provenance
Ablogamé
Bè
Hanoukopé
Kodjoviakopé
Nyékonakpoe
Banlieues
TOTAL OBS.
Nb. cit.
Fréq.
2
3,4%
7
12,1%
1
1,7%
2
3,4%
1
1,7%
45
77,6%
58
100%
Source : Etude des violences urbaines à la prison
civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.
On remarque par ce tableau que la majorité des
incarcérés pour acte de violences à la prison civile de
Lomé viennent des quartiers périphériques (banlieues) dit
« nouveaux quartiers ». Sept individus des 58
interrogées venaient de Bè (12.1%), 2
d'Ablogamé (3.4%), 2 de Kodjoviakopé (3.4%), 1
d'Hanoukopé (1.7%) et 1 aussi de
Nyékonakpoè (1.7%). Les 45 restants viennent des
quartiers périphériques de la ville dont la majorité
d'Agoè, d'Avédji et une infime partie de Tokoin
hôpital. Ils occupent à eux seuls 77.6% de
l'échantillon.
Tableau IX : Répartition des
enquêtés selon la nationalité
Source : Etude des violences urbaines à la prison
civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.
En examinant le tableau ci-dessus, on remarque une forte
représentation des détenus de nationalité togolaise. Ils
y sont dans une proportion de 70.7% soit 41 individus et sont successivement
suivi par les nigérians (10 individus) dans une proportion de 17.2%, par
les Burkinabé (8.6% soit 5 individus) et enfin par les Béninois
(3.4% soit 2 individus).
Tableau X : Répartition des
enquêtés selon le revenu mensuel
Source : Etude des violences urbaines à la prison
civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.
Ce tableau révèle le faible revenu mensuel des
incarcérés de la prison civile pendant la période
pré-emprisonnement c'est-à-dire quand ils étaient actifs.
En classant nos enquêtés par rapport au revenu mensuel, on s'est
rendu compte que la plus grande partie (48.3% soit 28 individus) gagnait 20
à 50 000 par mois, puis venait la tranche de ceux qui gagnaient de
10 à 20 000 par mois (24.1% soit 14 individus). Ceux qui gagnaient
plus de 10 000 par mois représentaient 19% de notre
échantillon soit 11 individus et ceux, enfin, qui gagnaient 50 000
à 100 000 par mois étaient 5 soit 8.6% de
l'échantillon.
III.2. CONTEXTE SOCIAL ET
EMPRISONNEMENT
Cette partie retrace brièvement les conditions
familiales et sociales dans lesquelles les détenus ont vécu avant
leur emprisonnement. Il s'agit d'analyser ce qui peut dans leur contexte
pré -détention expliquer les comportements délictueux
qui leur sont reprochés par des questions simples. Toutes les dimensions
de leur vie sociale seront mises à profit dans l'analyse que nous feront
ci-dessous à base des réponses que nous avons recueilli.
Tableau XI : Répartition des
enquêtés selon le temps déjà passé en
prison
Source : Etude des violences urbaines à la prison
civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.
La proportion des détenus ayant relativement
duré en prison est grande. Ainsi, les enquêtés ayant
déjà passé entre 1 à 5ans en prison avant notre
entretien occupent 43% de notre échantillon soit 25 individus. De plus
25.9% des enquêtés soit 15 individus ont passé moins d'un
an en prison Ils sont suivis par ceux qui ont fait plus de 5 ans en prison
(24.1% soit 14 individus) et ceux qui en ont passé plus de 11 (6.9%
soit 4 individus).
Tableau XII : Répartition des
enquêtés selon la durée de vie à
Lomé
Source : Etude des violences urbaines à la prison
civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.
On remarque ici que la majorité des
incarcérés n'étaient pas nés à Lomé
donc étaient des migrants. Ce tableau donne une proportion de 34.5% (20
individus) pour les détenus de notre échantillon ayant
vécu plus de 5 ans à Lomé avant leur arrestation et de
32.8% (19individus) pour ceux qui y vivaient depuis leur naissance ainsi que
pour ceux qui n'y ont pas vécu plus de 5ans.
Tableau XIII : Répartition des
enquêtés selon leur condition de vie à
Lomé
Source : Etude des violences urbaines à la prison
civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.
Plusieurs détenus avaient leur parent hors de la ville
de Lomé ; c'est ce qui ressort de l'analyse du tableau. En effet,
40 détenus (69%) avaient leurs parents hors de Lomé. Seuls 18
prisonniers soit 31% vivaient en famille à Lomé.
Tableau XIV : Répartition des
enquêtés selon la durée de vie en famille
Source : Etude des violences urbaines à la prison
civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.
Ce tableau révèle que l'ensemble des
incarcérés composé des orphelins et de ceux qui n'avaient
pas vécu longtemps avec leur parent est plus grand et
représentatif. Dans la répartition des enquêtés, il
apparaît que ceux ayant vécu de 5 à 10 ans en famille
occupent la plus grande proportion. Ils représentent 51% de notre
échantillon soit 30 individus, suivis par ceux qui ont vécu
jusqu'à 11ans et plus au sein de leur famille (37.9% soit 22 individus).
Ceux qui n'ont pas eu plus de 5 ans de vie de famille n'occupent que 1.7% de
notre échantillon. Les enquêtés n'ayant jamais eu cette
opportunité (orphelins, abandonnés dès le bas âge)
occupent pour leur part 8.6% de notre échantillon soit 5 individus.
Tableau XV : Répartition des
enquêtés selon la raison de l'exode vers
Lomé
Raison de la venue à
Lomé
Non réponse
Etudes
Travail
Autres)
TOTAL OBS.
Nb. cit.
Fréq.
17
29,3%
2
3,4%
36
62,1%
3
5,2%
58
100%
Source : Etude des violences urbaines à la prison
civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.
On s'aperçoit par ce tableau que la grande
majorité des incarcérés ont migré vers Lomé
à la recherche du travail. Dès lors, parmi nos
enquêtés, 17 soit 29.3% de l'échantillon avaient une
famille à Lomé et y vivaient. 2 soit 3.4% avaient leurs parents
au village et étaient venus à Lomé pour les études.
36 soit 62,1% par contre étaient venus à Lomé dans les
mêmes conditions familiales que ces derniers mais pour chercher du
travail. 5.2% de notre échantillon étaient venus à
Lomé pour d'autres raisons comme les vacances, les missions etc.
Tableau XVI : Répartition des
enquêtés selon le secteur d'activité des
parents
Les secteurs
|
Nb,cit
|
Fréq,
|
Primaire
|
18
|
31%
|
Secondaire
|
37
|
63,80%
|
Tertiaire
|
3
|
5,20%
|
TOTAL OBS.
|
58
|
100%
|
Source : Etude des violences urbaines à la prison
civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.
La majorité de nos enquêtés avaient leur
parents dans les activités du secteur primaire ou secondaire, comme le
montre l'analyse du tableau. Ainsi, on remarque que 3 de nos
enquêtés soit 5.2% de l'échantillon avaient un
père travaillant dans le secteur tertiaire, 18 soit 31% de
l'échantillon était né d'un père ayant une fonction
du primaire et 63.8% avaient un papa travaillant dans le
secondaire
Tableau XVII : Répartition des
enquêtés selon le lieu de résidence des
parents
Région de résidence des
parents
Lomé
Village
Au pays d'origine
Autres
TOTAL OBS.
Nb. cit.
Fréq.
19
32,8%
22
37,9%
16
27,6%
1
1,7%
58
100%
Source : Etude des violences urbaines à la prison
civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.
Le tableau révèle que 32.8% (soit 19 individus)
des enquêtés avaient leurs parents à Lomé ;
37.9% (soit 22 individus) avaient leurs parents au village ; 27.6% (soit
16 individus) avaient les leurs dans le pays d'origine et 1.7% avaient leurs
parents soit décédés soit inconnus.
Tableau XVIII : Répartition des
enquêtés selon la cohabitation ou non avec les parents avant
l'échéance
Source : Etude des violences urbaines à la prison
civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.
L'analyse du tableau révèle que presque tous
les enquêtés ne vivaient pas avec leur parent avant leur
emprisonnement. Dès lors, 86.2% (soit 50 individus) de nos
enquêtés ne vivaient pas avec leurs parents alors que seulement
13.8% vivaient avec leur parents.
Tableau XIX : Répartition des
enquêtés selon le cadre de vie à
Lomé
Avec qui viviez vous alors
Non réponse
Seul
proches parents
Epoux (se) et enfants
Seul avec les enfants
Autres
TOTAL OBS.
Nb. cit.
Fréq.
8
13,8%
10
17,2%
6
10,3%
25
43,1%
3
5,2%
6
10,3%
58
100%
Source : Etude des violences urbaines à la prison
civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.
Dans notre échantillon, la fréquence des
détenus vivant avec leurs époux (se) et leurs enfants avant
l'emprisonnement est de 43.1% soit 25 individus, celle de ceux qui vivaient
seul était de 17.2% soit 10 individus, celle de ceux qui vivaient avec
des proches parents étaient représentés dans une
proportion de 10.3% soit 6 individus et celle de ceux qui vivaient seuls avec
leurs enfants était de 5.2% soit 3 individus.
Tableau XX : Répartition des
enquêtés selon les conditions familiales dans lesquelles ils ont
vécu dès l'enfance.
Source : Etude des violences urbaines à la prison
civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.
Ce tableau montrant la condition de vies familiale de nos
enquêtes révèle, dans la majorité des cas, une
instabilité des familles desquelles ils sortent. Nos
enquêtés dont les parents étaient divorcés et ceux
ayant vécu dans une famille harmonieuse représentaient
différemment 8.6% de notre échantillon soit 5 individus. 25.9 %
soit 15 individus étaient nés de familles instables et 10.3%
soit 6 individus étaient orphelins avant l'âge de 10 ans. 10.3 %
de l'échantillon soit 6 individus avaient un papa alcoolique et 15.5%
soit 9 individus n'avaient vécu qu'avec leur maman contrairement
à 8.6% soit 5 individus qui autre à un âge plus ou moins
avancé s'était vu obligés de ne vivre qu'avec le papa.
6.9% des enquêtés soit 4 individus n'ont jamais connu leur
parents et n'avaient vécu que dans des orphelinats car étant
abandonnés dès le bas âge.
Tableau XXI : Répartition des
enquêtés selon la personne se chargeant d'assumer
leurs besoins.
Source : Etude des violences urbaines à la prison
civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.
Parmi nos enquêtés, 53 soit 91.4% de notre
échantillon s'occupaient d'eux - même soit seul ou avec en plus la
famille, 6.9% soit 4 individus étaient pris en charge par leur proche -
parent et seulement 1.7% soit un individu était pris en charge par ses
parents.
Tableau XXII : Répartition des
enquêtés selon les délits commis
Délits
Braquage
Homicide
Kidnapping
Vol à main armée
Autres
TOTAL OBS.
Nb. cit.
Fréq.
5
8,6%
11
19,0%
0
0,0%
22
37,9%
20
34,5%
58
100%
Source : Etude des violences urbaines à la prison
civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.
Le tableau montre que parmi les individus
incarcérés, la majorité était accusée de vol
à main armée. Parmi les détenus questionnés, 37.9%
soit 22 individus étaient en prison, accusés pour vol à
main armées, 8.6% soit 5 individus pour braquage, 19% soit 11 individus
pour homicide et 34.5% soit 20 individus pour d'autres délits comme, les
complicités de meurtres, les cambriolages etc. Aucun de nos
enquêté n'était accusé pour kidnapping.
Tableau XXIII : Répartition des
enquêtés selon qu'ils reconnaissent ou non l'accusation
portée contre eux
Source : Etude des violences urbaines à la prison
civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.
55.2% soit 32 des enquêtés de notre
échantillon reconnaissent les actes qu'on leur reproche contrairement
à 44.8% qui ne reconnaissent pas les faits qui leur sont
reprochés
Tableau XXIV : Répartition des
enquêtés selon les conditions dans lesquels ont été
commis les délits.
Source : Etude des violences urbaines à la prison
civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.
44.8% de nos enquêtés ne reconnaissant pas les faits
étaient exemptes de cette questions. Par contre, 24.1% soit 14
individus avaient opéré seuls tandis que ceux qui avaient
opéré en bande représentaient 31% de l'échantillon
soit 18 individus.
Tableau XXV : Répartition des
enquêtés selon le nombre d'opérants.
Source : Etude des violences urbaines à la prison
civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.
Parmi les enquêtés ayant opéré en
bande, 17.2% avaient un effectif allant de 2 à 5 personnes et 5.2%
avaient un effectif dépassant 5 personnes.
Tableau XXVI : Répartition des
enquêtés selon l'usage ou non d'arme
Source : Etude des violences urbaines à la prison
civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.
L'analyse du tableau montre qu'il y a eu usage d'arme dans
24.1% des cas étudiés à la prison ; le cas contraire
dans une proportion de 29.3% soit chez 17 individus. En effet, 27% de
l'échantillon n'étaient pas concernés par la question
étant donné la non- reconnaissance des actes qui leurs sont
reprochés ou d'autres conditions particulières liées
à leur délit.
Tableau XXVII : Répartition des
enquêtés selon la cause de leur acte.
Causes
Non réponse
Amis
pauvreté
Autres
TOTAL OBS.
Nb. cit.
Fréq.
26
44,8%
16
27,6%
7
12,1%
9
15,5%
58
100%
Source : Etude des violences urbaines à la prison
civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.
Dans notre échantillon. 44.8% soit 26 individus
n'étaient pas concernés par cette question ; estimant
n'avoir pas été auteurs des actes pour lesquels ils sont
détenus. 27.6% soit 16 individus par les amis et 12.1% soit 7
individus disaient être conduits aux actes de violence par la
pauvreté. 15.5% soit 9 individus avaient évoqué d'autres
raisons telles que les accidents et la naïveté.
Tableau XXVIII : Répartition des
enquêtés selon le type d'arme utilisé
Type d'arme
Non réponse
Couteau
Fusil
Autres
TOTAL OBS.
Nb. cit.
Fréq.
44
75,9%
3
5,2%
10
17,2%
1
1,7%
58
100%
Source : Etude des violences urbaines à la prison
civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.
75.9% de l'échantillon n'étaient pas
concernés par la question étant donné la non
reconnaissance des actes qui leurs sont reprochés ou d'autres condition
particulières liées à leur délit 17.2% des
enquêtés soit 10 individus avaient utilisé une arme, 5.2%
soit 3 individus un couteau et 1.7% soit 1 individu d'autres choses comme un
bâton, une pierre..
Tableau XXIX : Répartition des
enquêtés selon la condition d'acquisition de
l'arme.
Acquisition de l'arme
Non réponse
Acheter
Volé
Autres
TOTAL OBS.
Nb. cit.
Fréq.
44
75,9%
3
5,2%
0
0,0%
11
19,0%
58
100%
Source : Etude des violences urbaines à la prison
civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.
75.9% de l'échantillon n'étaient pas
concernés par la question étant donné la non
reconnaissance des actes qui leurs sont reprochés ou d'autres conditions
particulières liées à leur délit Parmi les
enquêtés ayant opéré avec l'usage d'une arme, 3 soit
5.2% de l'échantillon l'avaient acheté et 19% l'avaient acquis
dans des conditions peu élucidées.
Graphique I
Répartition des enquêtés
selon le quartier de provenance et le délit commis
Nyékonakpoe
1
Bè
2
2
2
1
Hanoukopé
1
Ablogamé
1
1
Kodjoviakopé
2
Banlieues
15
3
9
18
Vol à main armée
Braquage
Homicide
Kidnapping
Banlieues
0
45
Source : Etude des violences urbaines à la prison
civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.
Les détenus faisant partie de notre échantillon
dont le quartier de provenance est Bè, selon l'analyse de ce tableau ont
perpétré 2 vols à main armée, 2 braquages, 2
homicides et un autre délit non défini. Par contre ceux venant de
Kodjoviakopé, d'Ablogamé et de
Hanoukopé étaient accusés pour vol à main
armée. Ceux venant des banlieues comme Agoè,
Avédji et Kégué ont commis 15 Vol à
main armée 3 braquages 9 homicides et 18 autres délits à
préciser. Le graphique ci-dessus donne une image claire de cette
analyse.
Graphique II
Le secteur d'activité du papa x Niveau
d'instruction
Secteur
primaire
20
12
2
2
11
Secteur
secondaire
1
5
1
1
Secteur
tertiaire
1
2
Primaire
Secondaire
Lycée
Université
Non scolarisé
0
47
Source : Etude des violences urbaines à la prison
civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.
L'analyse de ce graphique montre dans un premier temps la
propension des enfants dont le papa fonctionne dans le secteur primaire
à être malfrat. La majorité de ces derniers n'ont fait que
le cours primaire ou en plus de cela le secondaire et nombreux sont ceux qui ne
sont même pas scolarisés. Les prisonniers dont le papa travaillait
dans le secteur secondaire évoluent un peu plus et atteignent le
collège ; ceux qui arrivent au lycée et à
l'université étant très faiblement
représentés. Les prisonniers dont le papa était
situé dans le secteur tertiaire ont presque tous franchi le cap du cours
primaire et une marge acceptable a aussi atteint l'université.
Graphique III
travail.
Répartition des enquêtés selon
les délits commis et leur caractéristique
d'état
N'ayant pas
appris
De métier
4
1
3
9
Exerçant leur
métier
9
2
5
7
N'exerçant pas
leur métier
9
2
3
4
Vol à main armée
Braquage
Homicide
Kidnapping
Autres
0
23
Source : Etude des violences urbaines à la prison
civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.
Le graphique révèle que les détenus
n'exerçant pas leurs métiers avaient moins commis de
délits (18) que ceux exerçant leur métier (23) ils
représentent successivement 31.1% et 39.7% de l'échantillon. Ceux
par contre qui n'avaient pas appris de métier occupaient une proportion
de 29.3%. En tout, la majorité des prisonnier n'avait appris aucun
métier ou l'avaient appris mais ne l'exerçaient pas.
CHAPITRE QUATRIEME :
INTERPRETATION DES RESULTATS ET SUGGESTIONS
IV.1.INTERPRÉTATION DES
RÉSULTATS.
IV.1.1.les
données quantitatives
IV.1.1.1. Crise de la
famille et des modèles de socialisation
La déchéance humaine sur un plan individuel
révèle une autre plus étendue que ce soit sur le plan
familial ou dans la société globale. C'est une première
lecture que l'on peut faire en se trouvant en face de certains comportements
déviants comme les manifestations de violence urbaine. Notre
démarche explicative prend donc en compte les processus par lesquels les
individus étaient, dès leur bas âges, censés
adhérer à certaines normes et de là se faire des
personnalités acceptées par la société dans son
ensemble. Toutes les institutions sociales d'inculcation de valeurs se voient
alors mises en cause face aux situations de violences des jeunes par
exemple.
En premier lieu, la famille - si elle est
considérée comme la première cellule sociale de tout
individu - est sans aucun doute la terre qui doit nourrir et faire fleurir
l'homme en développement ; un développement qui sera
à l'image du soin qui y a été consacré. Les
premiers pas de tout individu devant être accompagnés d'une
socialisation primaire caractérisée par l'inculcation des
premières attitudes sociales. Un deuxième niveau de socialisation
dit « secondaire » prenant en compte la famille, les
groupes de pairs et la société globale est plus
déterminant encore par rapport aux schèmes comportementaux de
l'individu. En effet, les représentations que ce dernier a de la
société et de ses institutions sont dans une grande mesure
déterminées par cette socialisation secondaire. L'absence ou la
présence dysfonctionnelle ou pathologique de la famille ou de la
société à l'une de ces deux étapes de la vie est
source de désappropriation des valeurs sociales incontournables ;
conduisant irréfutablement à une déviance anomique. Cette
socialisation secondaire se réalise de manière
particulièrement forte dans l'expérience de la scolarisation. Un
individu qui n'aurait pas eu la chance d'être mis à l'école
par ses parents, se retrouverait avec beaucoup de lacunes au moment d'affronter
la vie, et aurait beaucoup de difficultés à le faire sereinement
surtout dans un contexte urbain soumis au modernisme ; puisque,
« l'école prépare les étudiants à
faire, en faisant ce qu'il faut faire pour se faire » (Bourdieu
et Passeron, 1998 : 84). Nous pouvons donc nous référer
à ces deux institutions sociales et leur fonctionnement pour expliquer,
dans une large mesure, les comportements d'un individu.
Ainsi donc, les chiffres dévoilés par
l'enquête réalisée à la prison civile de Lomé
sont d'une importance indéniable puisqu'ils nous éclairent sur le
phénomène des violences urbaines de façon objective. La
propension des détenus à être moins instruits est une
preuve tangible de la défaillance de la famille par rapport à la
scolarisation des enfants alors que ce devrait être une de ses
priorités. Selon le Tableau IV (cf. p.51) plus de la moitié (55%
de l'échantillon) des détenus de la prison de Lomé
n'avaient pas atteint le secondaire et 19% n'avaient même pas
été scolarisés. Si ceux qui ont pu passer le cap du
secondaire représentent seulement 12% des détenus, on peut en
déduire que le fait d'avoir accès à l'école
jusqu'au lycée et plus encore à l'université est un atout
qui règlemente le comportement individuel. Il devient évident,
par ces chiffres, que la majorité de ces malfrats étaient des
individus n'ayant pas atteint un haut niveau d'étude ; des
situations gérées dans une certaine mesure par l'école en
complicité avec les parents. De surcroît, l'analyse du tableau XXX
révèle des chiffres qui montrent qu'en fait, la présence
des parents n'a pas suffit aux détenus pour acquérir les valeurs
sociales puisque: 37.9% des détenus ont pu passer plus de 11
années en famille, 51.7% ont pu passer entre 5 et 10 ans en famille et
seulement 1.7% n'ont eu qu'au plus 5ans à passer avec leurs parents. Il
apparaît ainsi que, même au sein de la famille les valeurs sociales
ne sont acquises qu'au bout de nombreuses années (un enfant qui sort de
sa famille à 11 ans est encore à la merci de beaucoup
d'influences extérieures) et qu'une personnalité ne se forme que
vers l'âge de 19ans. Il apparait également qu'une grande partie
des parents méconnait les valeurs sociales à inculquer aux
enfants ou tout au moins la manière de le faire de façon efficace
et réussie.
Soixante sept virgule deux pour cent de nos
enquêtés ont quitté leurs familles pour la capitale,
soumise à l'évolution et aux modèles nouveaux de
socialisation dictés par l'économie libérale et dont le
fruit est l'individualisme et la recherche effrénée
d'intérêt personnel. Le « vivre ensemble »
connu dans les sociétés rurales n'est plus de mise. Le migrant
doit pouvoir se sortir d'affaire dans une société qui est toute
serrée et gérée par des valeurs toutes nouvelles. Le
développement de la violence serait donc la preuve que quelque chose du
côté de la fonction symbolique vacille. On ira donc chercher, dans
les mutations sociales, dans l'évolution des valeurs et des
modèles identificatoires proposés, dans les processus de
socialisation des jeunes, dans le fonctionnement des institutions, dans
l'évolution du rôle du père, dans les pratiques des
professionnels, ce qui peut contribuer à la fragilisation de la
fonction symbolique du lien social. On dirait donc que « La
violence témoigne autant d'une crise sociétale, dans le sens
qu'elle touche aux raisons d'être ensembles, que d'une crise sociale, car
elle résulte d'évolutions dans nos manières de vivre
ensemble » (Lebailly, 2002 :46).
En somme, la masse urbaine est touchée de plein fouet
par des modèles nouveaux, qui deviennent souvent vecteurs de violence,
auxquels seules les valeurs morales acquises par la socialisation d'abord
familiale et ensuite des groupes de pairs, permettent de résister. On
comprend la prédisposition des jeunes, ayant quitté leurs parents
pour Lomé, aux violences urbaines par rapport à ceux ayant leurs
familles à Lomé. En effet, ces derniers ont eu la chance de
connaître pour longtemps le contrôle et le suivi des parents et
ont, dans une certaine mesure, une conscience éveillée par
rapport aux défis et aux règles du « vivre
ensemble » citadin.
Pourtant, ils sont, en réalité, tous soumis
aux nouvelles valeurs découlant de l'idéologie libérale
que sont : la survalorisation de la liberté individuelle et de la
marchandise. Ce sont ces valeurs qui, selon Lebailly « invitent
les jeunes à jouir par tous les moyens, à jouir sans limites et
conduit donc au passage à l'acte.» (Id : 53). Les 32.5%
d'inculpés ayant leur famille à Lomé
révèlent une réelle fragilisation de l'éducation
familiale au profit des idéologies contemporaines destructrices du lien
social et vectrices de maux sociaux tels que les violences urbaines. Or, seule
la famille-en assumant toutes ses responsabilités telles que la
scolarisation et l'éducation aux valeurs morales- est en mesure de
permettre l'éveil des consciences aux valeurs telles que
l'honnêteté, le travail, le vivre ensemble, le respect de soi et
des autres, etc. Force est donc de reconnaître la grande
faillibilité du modèle identificatoire proposé par
l'idéologie libérale tendant à faires de nos
sociétés des jungles ou seul l'intérêt personnel
compte et est recherché à tous les prix ; situations que les
familles, seules, peuvent corriger en revenant à une inculcation
personnelle des valeurs morales. Notre étude montre combien ces valeurs
sont fragilisées par le modèle identificatoire
néolibéral d'actualité. Ce modèle n'offre pas de
perspective accessibles et surtout positives pour les jeunes des cités
reléguées et fragilise l'autorité des
professionnels. (Ibid. : 53).
IV.1.1.2.
Paupérisation des quartiers et difficultés d'intégration
des jeunes
La prospection des quartiers de la ville de Lomé
révèle des espaces qui évoluent en marge de la vie de
l'ensemble de la capitale ou tout au moins ayant un cours de vie
différent de celui de la majorité des citadins. Il existe en
effet, dans toute la ville, des enclos dominés par la pauvreté et
la relégation: les banlieues encore dites bidonvilles. Il est difficile
de trouver, dans Lomé, des quartiers qui soient totalement exempts de
ces lieux de refuge des jeunes marginalisés s'arrangeant pour affronter
les crises du moment. Ils sont cependant beaucoup plus fréquents et
importants à la périphérie de la ville. Les individus
détenus à la prison civile de Lomé à cause des vols
à main armé, des braquages et des homicides viennent en
majorité de ces quartiers périphériques. 22.4% de notre
échantillon venaient des traditionnels quartiers abritant les
bidonvilles de la ville et 77.6% venaient des quartiers nouveaux tels que
Avédji, Agoè, etc. Ceci montre qu'il existe, dans les
bidonvilles en dehors du centre de la ville de Lomé, des foyers
émergents de violences qu'il faudrait réguler ; la
propension à la violence dans ces quartiers se faisant de plus en plus
récurrente. L'émergence de ces foyers de violence est un signe de
la paupérisation des quartiers de banlieue, un phénomène
qui évolue synchroniquement avec l'élargissement de la ville.
La raison est toute simple ; les néo citadins
n'ayant pas la chance de s'introduire dans les centres-villes saturés,
se trouvent un espace à la périphérie où ils
peuvent néanmoins affirmer leur citadinité grâce aux
va-et-vient qu'ils effectuent entre le centre et la périphérie.
Dans cet espace, ils retrouvent d'autres individus, qui partagent la même
situation de pauvreté et de marginalisation, avec qui ils s'associent en
groupes ou fraternités. On peut dès lors facilement se rendre
compte du danger inhérent à l'extension de la ville si des
mesures accompagnatrices ne sont pas prises afin que les quartiers naissants
à la périphérie soient munis de certaines infrastructures
culturelles, de formation et de santé ; Ces infrastructures
pourraient rééquilibrer, un tant soi peu, le paysage de
pauvreté par lequel ils sont généralement marqués.
C'est ainsi que le sentiment d'inégalité dans la
répartition des biens de la nation pourrait être diminué
dans l'esprit des habitants de ces quartiers. A proprement dire, le sentiment
de pauvreté conduit plus à la violence que la pauvreté en
elle-même. C'est dans cette optique qu'il urge pour les autorités
de prendre des mesures non pas pour faire un monde égalitaire - cela est
impossible- mais pour réduire un tant soi peu l'esprit
d'inégalité dans les populations des bidonvilles.
En effet, la majorité des prisonniers avait appris un
métier, mais, dans une grande proportion, (31.6%), ils ne
l'exerçaient pas. La raison, qui revient sans cesse, est le manque
de moyens pour se procurer le matériel nécessaire à
l'ouverture d'un atelier. Les 29.3% de notre échantillon n'avaient
appris aucun métier et n'avaient pas non plus de qualification. Ces
jeunes sans métier ou sans qualification, s'investissaient dans des
secteurs où ils étaient sûrs de gagner de l'argent brut
rapidement. La recherche effrénée et rapide du gain étant
l'idéal du modèle libéral de la ville, c'est sur lui
qu'ils ont construit leur mode de pensée. Or, ils ne peuvent compter sur
aucun secours extérieur qui puisse les aider à corriger cette
manière d'appréhender la vie citadine étant donné
l'absence de communauté de liens sociaux fort. Ils n'ont l'impression de
ne pouvoir retrouver ces liens que dans les groupes d'amis, et rarement dans
les « amicales »21(*) auxquelles les jeunes ne s'intéressent que
très peu si on compare leur effectif dans ces association à leur
effectif dans la ville de Lomé
Dès lors, abandonnant le métier appris, ils
s'investissent dans les activités informelles ou le commerce ;
champs sur lesquels ils rencontrent des groupes de malfrats
déguisés et découvrent les « valeurs
délinquantes». Parmi les prisonniers questionnés, en effet,
41.4% s'étaient convertis en commerçant et 13.8% faisaient du
business au Port Autonome de Lomé. C'est un signal fort de manque de
cadre pouvant accueillir les jeunes en détresse ; cela montre aussi
la difficulté d'intégration de ces derniers dans les secteurs
plus porteurs que ceux qu'ils connaissent et qui n'arrivent pas à
couvrir leurs besoins.
De surcroit le statut de père ou mère de
famille, accentue, par ricochet, l'état de pauvreté de l'individu
puisqu'il doit subvenir à ses propres besoins mais aussi à ceux
de son conjoint et de ses enfants. 74.1% des prisonniers de notre
échantillon étaient des parents de famille. Pour pouvoir
survivre, ils étaient contraints de compléter leurs ressources
par une économie informelle voire illégale. Même ceux qui
exerçaient leur métier se voyaient obligés, dans une
certaine mesure, de chercher des voies pour résorber la pauvreté
plus que jamais présente dans leur foyer. Des chiffres
inquiètent : En classant nos enquêtés
par rapport au revenu mensuel, nous nous sommes rendu compte qu'une bonne
partie (48.3%) gagnait 20 à 50 000 par mois, 24.1% gagnaient de 10
à 20 000 par mois, 8.6% gagnaient 50 000 à 100 000 et
19% gagnaient plus de 100 000 par mois ; des revenus loin de
couvrir les charges d'une famille d'au moins 3 personnes.
Ces dernières années, la paupérisation
des quartiers de notre capitale s'est généralisée :
les violences urbaines ne sont pas seulement perpétrées par les
jeunes des banlieues de Bè, Hanoukopé, Ablogamé,
Nyékonakpoè et de Kodjoviakopé comme on a l'habitude
de le penser et de le dire, mais aussi et surtout dans les quartiers
périphériques. On peut de ce fait craindre la multiplication
d'autres foyers de violence, dû au manque d'opportunité
d'intégration des jeunes dans ces quartiers. Ces parties de la ville
sont, en effet, souvent vides de projets sociaux visant exclusivement
l'épanouissement des jeunes. Ainsi, 39.7% de nos enquêtés
ont été menés à la violence à cause de la
pauvreté et du manque d'intégration sociale (les 26.7% qui
évoquent le paramètre des amis reconnaissant aussi avoir commis
ces actes à cause de leur pauvreté). Roché, confirmant
cette interprétation, disait ceci : « La nouvelle
délinquance correspond bien au tableau de l'inadaptation, les
délits sont commis par des hommes qui ne sont plus
intégrés dans les cadres sociaux et professionnels
cohérents. Le délinquant est devenu un être coupé de
la communauté, il est l'autre, le différent. »
(Roché, 1998 : 28)
En effet, il nous semble que nous pouvons faire un
rapprochement entre les résultats de notre étude et ceux auxquels
Pedrazzini a abouti dans ses enquêtes dans les régions de
l'Afrique subsahariennes. Celui ci disait : « la violence
affecte surtout les habitants des quartiers pauvres, ce sont cependant les
pauvres qui en sont généralement considérés comme
les producteurs...... » (Pedrazzini, 2005 : 25) Il
continuait en ces termes : « les gens pauvres -qui ne sont
pas de pauvres gens- sont désignés comme des êtres
malfaisants qui menacent la société, et le sont une fois pour
toutes. C'est ainsi que de la pauvreté urbaine contemporaine naissent
les nouvelles classes dangereuses, dont le gang est la figure
emblématiques. » (Id : 35). Ces affirmations
rejoignent très fortement les réalités auxquelles nous
avons pu accéder. Les gangs dits « emblèmes des
nouvelles classes dangereuses » des métropoles commencent
aussi par se profiler à l'horizon. Une bonne partie de nos
enquêtés faisait leur opérations en bandes organisée
et les dépouillements du questionnaire révèlent que 22.4%
de nos enquêtés ont opéré en groupe de plus de deux
personnes. Nous pouvons craindre le pire si rien n'est fait pour freiner la
multiplication de ces sortes de gangs alors que la ville de Lomé atteint
chaque jour un niveau d'urbanisation plus conséquent ; urbanisation
accompagnée d'une croissance démographique et d'une extension
géographique considérables.
Au terme de nos analyses, nous sommes arrivés à
ressortir un cercle de causalité des violences urbaines dans la ville de
Lomé dont voici la schématisation ci-dessous.
Individu Y du
village non ou peu instruit
Individu X de la ville non ou peu
Instruit
IV.1.1.3. Cercle de causalité des violences
urbaines (vol à main armée, braquage, kidnapping, homicide,
cambriolage) dans la ville de Lomé
Délit évité
Exode
rural
Ville : Culture urbaine/ modèle identificatoire
libérale
Culture urbaine
déjà acquise
Absence de qualification
Valeurs DELIT modèle
identificatoire libérale
Etat d'ébriété
Morales
Religion
Opportunité délictueuse
Non maîtrise de soi pauvreté /
compagnies obscènes
pauvreté
Manque de moyens / démission familiale à un
âge adulte du jeune.
Difficulté
d'intégration
Famille/ croissance de besoins/ limite de moyens
Habitation de quartiers populaires et recherche de chaîne
de sociabilité
Pression des parents ou
Fin d'apprentissage/ comparaison revenu- besoins vitaux/ abandon
du métier au profit du commerce ou du business
Proche-parents
Apprentissage de métier
Oisiveté et liberté
Culture délinquante
Adhésion aux gangs
Simulations de métiers
Ce cercle fait une comparaison explicative des lignes de vie
de deux individus, au début différent mais qui se rejoignent
à un niveau où elles se confondent à cause de la force des
conditions poussant à commettre des délits.
Nous avons d'abord un individu Y né dans un
village et n'ayant pas dépassé le cap du primaire (36.2% des cas)
ou du secondaire (32.8% des cas) dans ses études et qui se voit à
un certain âge, obligé de faire le déplacement vers la
capitale, Lomé, en quête d'une vie meilleure. Sans qualification,
il y arrive avec comme seule richesse- cela dépend des cas !- la
force physique et la volonté. Une fois à Lomé, il se loge
dans un quartier où le loyer n'est pas trop cher ou bien loge avec un
frère ou proche-parent. Une fois dans la ville, il s'aperçoit,
d'une part, à quel point la vie est difficile surtout avec
l'individualisme accru ; d'autre part, à quel point on pourrait la
rendre belle- et c'est l'idéal- si on avait l'argent. Il acquiert du
coup les valeurs économique de la ville et commence par vivre en
fonction d'elles. Etant venu sans beaucoup d'argent, il s'investit dans un
secteur d'activité qui ne lui demandera pas trop de moyens, comme
l'apprentissage dans les domaines de la mécanique, soudure,
maçonnerie, etc. - et ceci quand ce dernier a un peu de volonté.
Un autre individu, dans le même cas, aurait plutôt choisi la
facilité et se serait joint à des jeunes feignant vendre de
petits effets et consort, faisant, en fait, partie de réseaux
dominés par l'appât du gain rapide. Tout compte
fait, les deux individus, apprentis ou pas, n'échappent pas aux valeurs
urbaines basée sur l'économie libérale axée,
elle-même, sur l'individualisme. Le manque de « vivre
ensemble » est très spectaculaire mais ils s'y font rapidement
et adoptent ce qui peut les sauver de la souffrance plutôt que ce qui
entretien leurs valeurs lointaines qui ne sont plus d'
« actualité ». Tous les besoins tant
matériels que financiers qu'impose la culture urbaine, le stress
quotidien dû au statut de pauvre, la famille à nourrir, la
nécessité de répondre à la violence de
l'urbanisation et de la banlieue ; autant de raisons affaiblissant
considérablement la résistance de ces jeunes en face
d'opportunités, quelles qu'elles soient, pouvant offrir un revenu
conséquent. La seule condition qui peut leur permettre d'éviter
un acte délictueux est le modèle social auquel ils s'identifient
et au sein duquel ils trouvent leurs principes de vie : Les valeurs
morales longtemps inculquée par ses parents, les pairs ou la religion -
ne pas voler, ne pas tuer par exemple.
Cependant, en l'absence de ces valeurs humaines
reléguées par la culture contemporaine, ces situations
conduiront bon nombre de ces jeunes à abandonner les métiers
qu'ils ont appris au profit des activités dites « de gain
direct » comme le commerce et le
« business », ainsi qu'ils l'appellent dans leur jargon (il
s'agit, en fait, de travaux flous au port et au grand marché).
Influencés par l'ambiance et par les personnes qu'ils rencontrent dans
ce milieu, ces jeunes s'enrôlent progressivement dans les gangs ou,
simplement, abandonnent un gain honnête au profit d'un gain
malhonnête et criminel. L'individu X de la ville rejoint lui aussi le
cercle en situation de crise au moment où il doit faire le même
choix: apprendre un métier ou se débrouiller dans des
activités « de gain direct ». Selon qu'il a une
famille à charge et qu'il a été un peu instruit, il aura
tendance à pencher pour la seconde possibilité. De même
s'il est laissé à lui-même et élevé de
manière trop libre, passant tout son temps en compagnie de jeunes de son
quartier-bidonville d'origine ; c'est le cas des jeunes ayant vécu
dans les anciens quartiers comme Nyékonakpoè,
Hanoukopé, Bè, Ablogamé etc. C'est ainsi que naissent
et prennent forme les violences urbaines dans la ville de Lomé ;
violences qui sont pour eux un moyen de réduire la distance entre
l'appartenance au quartier pauvre et la détention de richesse.
IV.1.2. Données
qualitatives
Pour aller au-delà des mathématiques qui,
certes, demeurent un outil indispensable à l'estimation et la
catégorisation des enquêtés concernés par telle ou
telle variables, il nous a fallu aborder une méthode plus empirique. On
sait que les conclusions tirées à partir des seuls indicateurs
quantitatifs restent toujours soumises à de nombreux aléas, c'est
ainsi que les données qualitatives se sont révélées
importantes, voire indispensables, dans notre étude. Elles
étaient essentiellement fournies par nos entretiens avec les
prisonniers, les juges, les commissaires et policiers, ainsi que certains
opérateurs économiques. Une grande partie des informations
reçues ne concernaient pas notre champ d'étude à
proprement parler mais nous ont aidés à mieux scruter d'autres
aspects du phénomène.
Les premières données qualitatives concernaient
les conditions de libération de certains incarcérés :
plusieurs détenus libérés étaient loin
d'abandonner leurs opérations même si leurs compagnons
demeuraient toujours retenus en prison. D'ici se pose la question du suivi et
des conditions de réinsertion des ex-incarcérés pour
éviter les éternel réincarcérations de mêmes
individus.
Dans les entretiens avec les commissaires, il nous a
été donné de constater que les jeunes délinquants
ne viennent plus seulement de certains quartiers comme avant mais ont tendance
à venir de l'ensemble de la ville de Lomé. D'autre part,
l'implication des Nigérians dans les affaires de grande
criminalité devient récurrente et l'on peut, de ce fait,
s'interroger : cette violence urbaine bien connue dans les
métropoles comme Abuja ne serait-elle pas susceptible de contaminer les
jeunes de la ville de Lomé par ces Nigérians qui de plus en plus
jouent les capitaines par rapport aux jeunes togolais
délinquants ?
Pour les commerçants, les braquages
répétés, les vols à mains armées sont un
véritable casse-tête. Certaines femmes du grand marché
déclaraient avoir perdu plus d'une fois leurs marchandises dans ces
conditions. Elles se sentaient dès lors obligées de payer des
jeunes pour leur sécurité et celle de leurs effets.
Ces données sont les plus importantes. Les autres
touchaient des aspects beaucoup plus secondaires et n'apportaient pas
grand-chose à la compréhension profonde du
phénomène.
SUGGESTIONS
Pour réduire à plus ou moins longue
échéance les violences urbaines de la ville de Lomé, nous
proposons de:
1. Mettre sur pied, à long terme, des centres
culturels locaux pour permettre aux jeunes de mieux s'épanouir dans leur
région et de ne pas avoir toujours les yeux tournés vers la
capitale. On peut aussi promouvoir, à cours terme, dans les
régions rurales et les banlieues, des comités de jeunes
chargés d'organiser des activités culturelle et même
lucrative pour l'épanouissement de ces derniers. Il faut aussi rendre le
processus de décentralisation effectif afin que les fonctions
administratives et symboliques des villes de provinces et des
banlieues soient remises en lumière.
2. Réhabiliter et renforcer l'éducation civique
à l'école primaire. Il faudrait notamment réaxer les cours
par rapport à la vie réelle afin que dès le bas âge
les enfants puissent se structurer et mesurer la gravité et le danger de
certains actes pouvant détruire toute leur vie. Ceci peut
concrètement être fait en revoyant les modules à
développer à tous les niveaux de l'enseignement, pour former non
seulement des intellectuels mais aussi des citoyens imbus des valeurs
éthiques, citoyennes et morales.
3. Planifier des campagnes de formation à la vie
parentale afin que ces derniers sachent ce que c'est qu'être
géniteur ou tuteur d'un individu. Il faudrait aussi leur montrer
comment éduquer leur enfant et quelles valeurs sont indispensables dans
la socialisation d'un individu.
4.Mettre sur pied un cadre d'insertion des jeunes en fin
d'apprentissage ou un fond devant leur permettre d'avoir leurs propres
ateliers et de pouvoir jouir de leur travail.
5.Construire des logements sociaux (HLM) dans des quartiers
centraux de la ville pouvant accueillir les jeunes migrants afin de faciliter
leur intégration à la vie active urbaine par la réduction
des coûts de loyer et de transport ainsi que par une formation morale et
sociale de compensation, avec des modules comme le droit, l'éducation
civique et morale, etc.
6. Initier un programme de suivi et de soutien aux enfants des
incarcérés. Les incarcérés ayant des enfants font
plus de 75% de notre échantillon et plus des ¾ ont plus de 2
enfants. Si on se permettait de généraliser ces données
aux 1853 détenus, on s'apercevra que c'est plus de 1200 enfant qui se
retrouvent sans père ou même privés de leurs deux parents.
Cette situation est semblable à celle d'un enfant orphelin surtout si le
parent est condamné à perpétuité. Ce programme
pourrait:
· Prendre en compte la scolarisation des enfants quand
les enquêtes confirment le manque de soutien à ces derniers.
· Permettre aux enfants de visiter leurs parents à
la prison dans un cadre non-traumatisant. (bus pour le déplacement ou
fond de soutien aux déplacements)
7. Encourager l'adhésion des jeunes migrants aux
amicales de ressortissants pour permettre leur intégration rapide avec
un suivi gouvernemental pouvant servir à réglementer les
idéologies qui y sont développées. L'Etat pourrait aussi
accorder des subventions à ces amicales pour des activités
culturelles et éducatives dans la ville et dans leurs régions
d'origine pour que les jeunes soient attirés et intégrés.
Toutefois, l'adhésion à ces amicales devant prendre en compte les
facteurs temps et espaces doivent être modernisées. Si un des
facteurs explicatifs fondamentaux des violences urbaines est la perte des
valeurs de collectivité et du « vivre ensemble »
communautaire, il n'ya pas de doute quant aux richesses que peuvent faire
naître les amicales et aux problèmes auxquels elles peuvent
répondre.
8. Revaloriser le SMIG, l'augmenter si possible et surtout
suivre son application par les employeurs.
9. Valoriser les chefs de quartiers et mettre sur pied des
délégués de jeunes pour chaque quartier. Ceci permettrait
d'augmenter un peu l'intégration des jeunes et le contrôle social
des uns envers les autres guidé par les lois collectives.
CONCLUSION
Au terme de cette étude sur les violences urbaines dans
la ville de Lomé, il convient d'en rappeler brièvement l'enjeu et
le mode de réalisation.
En effet, l'objectif central de la recherche était de
pouvoir donner une explication sociale des violences urbaines dans la ville de
Lomé. Le questionnaire soumis aux prisonniers auteurs des actes que nous
avons choisis d'étudier nous a permis de recueillir des informations sur
leur histoire personnelle et leur conditions sociales
pré -détention. Nous avons ainsi pu établir des
lignes explicatives à partir des hypothèses que nous avions
émises. Les entretiens avec les commissaires, les juges d'instruction et
le régisseur, les recherches documentaires nous ont, en plus, permis de
cerner les stratégies élaborées au niveau de ces
institutions chargées de faire respecter la loi et de veiller à
ce que la sécurité et la justice règnent dans les
populations. Elles nous ont aussi permis de lire l'évolution du
phénomène à l'aide des procès verbaux
archivés au fil des années.
Nous avons ainsi étudié les violences urbaines
avec l'hypothèse centrale selon laquelle la source de ce
phénomène serait la fragilisation des normes sociales induite par
le modernisme et encouragée par l'inefficacité ou l'absence des
institutions chargées du contrôle social de la population
juvénile. Pour cela, il nous a fallu, en nous référant
à la théorie du contrôle social, répondre aux
questions de recherche suivantes :
· Les délits des criminels ne seraient-ils
pas causés en amont par la défaillance de l'éducation
familiale et de la scolarisation?
· La précarité de la vie et le stress
quotidien ne seraient-ils pas des facteurs potentiels de violence urbaine?
· Quels peuvent être les impacts de la
non-intégration d'un néo citadin dans la ville de
Lomé ?
En effet, par cette étude, nous pouvons
désormais répondre à ces trois questions, dans une
certaine mesure, par l'affirmative ; confirmant ainsi nos
hypothèses.
En effet, concernant la défaillance de
l'éducation familiale, il s'est avéré que nos
enquêtés ayant seulement fait le primaire occupent la plus grande
proportion de notre échantillon soit 36.2%. Alors que 51% des
enquêtés de notre échantillon ont vécu entre 5 et 10
ans en famille et aurait donc dû être scolarisé au niveau de
l'école primaire. Le premier niveau de défaillance est donc la
négligence des familles qui ne portent pas assez d'attention à la
scolarisation des enfants. Les résultats confirment, par ailleurs, une
baisse du niveau de l'enseignement. Seulement 8.6% des enquêtés
étaient issus de familles stables du point de vue de la présence
active des parents et 3.4% de l'échantillon reconnaissaient avoir eu
trop de liberté dans leur jeune âge. A ces cas s'ajoutent tous les
autres enquêtés qui étaient soit orphelins,
abandonnés par le papa ou la maman les laissant avec un conjoint. Des
fois, ils sont même abandonnés par les deux parents. C'est bien
là que commence les violences urbaines, quand on n'a pas
été éduqué comme il se doit aux valeurs morales
indispensables pour pouvoir résister aux attraits trompeurs des villes.
L'importance de la famille dans l'explication des violences urbaines devient,
dès lors, irrécusable. D'autre part, il serait important que
l'éducation scolaire devienne une éducation à la vie
puisqu'il y a une marge non-négligeable d'individus ayant
fréquenté mais n'étant pas dépouillés
d'actes violents
La seconde hypothèse aussi s'est vue confirmée
avec un bémol dû au paysage urbain de Lomé. Il est en
effet, assez difficile de percevoir avec exactitude les contours de la
ségrégation spatiale dans une ville aussi étendue et
complexe que Lomé, notamment en raison de la partielle
généralisation de la pauvreté pouvant rendre possible
l'organisation d'un gang dans n'importe quel quartier de la capitale.
Cependant, une grande partie de nos enquêtés (plus de 80%) (Conf.
Tableau VIII) venaient des quartiers de banlieue. La plupart d'entre eux (31 %)
ne pouvait pas exercer le métier qu'ils avaient appris - une bonne
proportion (29.3%) n'ayant d'ailleurs aucune qualification - . Beaucoup d'entre
eux (plus de 55%) gagnaient un salaire insuffisant à couvrir leurs
propres besoins ainsi que dans de nombreux cas (60%), ceux de leur famille.
Nous pouvons donc retenir que la précarité et le stress quotidien
pour trouver des moyens de subsistance, souvent incertains et fragiles, sont
des facteurs importants de violences urbaines ; et que ces facteurs se
retrouvent, dans une importante proportion, dans les quartiers de banlieue.
A priori, le chômage était un facteur explicatif
des violences urbaines. Cependant, si le chômage implique une
qualification en attente d'emploi, l'analyse nous permet
d'affirmer que, dans la ville de Lomé, les violences urbaines restent
relativement non-associables- au chômage puisque plus de 95% des
détenus n'ont pas atteint le lycée, et n'ont donc pas de
qualification professionnelle.
La question de la non-intégration des néo
citadins comme facteur de violences urbaines s'est faite très explicite
à partir des résultats obtenus. La proportion des détenus
ayant quitté leur village sans qualification à la recherche de
l'emploi est, en effet, déterminante. 86.2% des enquêtés
étaient dans ce cas. Nos questions nous ont permis, par ailleurs, de
découvrir que malgré l'apprentissage d'un métier, bon
nombre de ces détenus (70.7%) étaient néanmoins victimes
des assauts de leurs pairs délinquants organisés. Des questions
plus étendues ont permis de s'apercevoir que ces groupes étaient
les premiers à les accueillir. Certains, sous la pression des proches
parents, ont cependant pu commencer un apprentissage; cela ne les pas
empêché pour autant de conserver ces mauvaises compagnies. La
plupart de nos enquêtés n'arrive donc pas à
s'intégrer, ni au niveau du travail, ni au niveau de la mentalité
citadine (en résistant aux aspects trompeurs qui y sont
présents)...déracinés à tous les niveaux,
marginalisés par les autres citadins, ils sont donc plus
vulnérables aux mauvaises influences qu'ils ne manqueront pas de trouver
sur leur chemin. De plus, le rejet et la marginalisation vont les pousser
à se retrouver entre eux, créant ainsi des foyers potentiels de
violences urbaines.
En sommes, cette recherche nous a permis d'appréhender
les causes des violences urbaines dans la ville de Lomé et de porter sur
elles un jugement sociologique. Ainsi, en joignant les parcours et les
conditions sociales des détenus, nous avons pu construire un cercle de
causalité des violences urbaines dans la ville de Lomé. Ce cercle
permet de comprendre la genèse, les causes fondamentales et
concrètes des délits commis par les jeunes en passant du contexte
familial à la vie personnelle. En prenant acte des défaillances
relevées à tous les niveaux de ce cercle, il nous revient de
faire des propositions en vue d'éviter dans un futur proche ou lointain,
la perpétration, du moins régulière, des actes de violence
urbaine dans notre capitale.
Il conviendrait donc de s'interroger sur : la
réinsertion des prisonniers, le suivit des membres de leurs famille
respectives et des relations sociales entretenues par les forces armées
avec les civils dans les recherches futur. Etant donné que celles-ci ont
une place prépondérante dans la gestion des problèmes de
sécurité dans nos sociétés actuelles.
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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maîtrise en Sociologie, Université de Lomé, Juillet
2009.
REFERENCES
ELECTRONIQUES
1. Durkheim, É., Les règles de la
méthode sociologique, Un document produit en version
numérique par Jean-Marie Tremblay, professeur de sociologie
Courriel: jmt_sociologue@videotron.ca
Site web:
http://pages.infinit.net/sociojmt
Dans le cadre de la collection: "Les classiques des sciences sociales" Site
web:
2. Jacky B. et Mirjam De Bruijn, «Violences structurelles et
violences systémiques. La violence ordinaire des rapports sociaux en
Afrique», Le bulletin de l'APAD, n° 27-28, Violences
sociales et exclusions. Le développement social de l'Afrique en
question, [En
3.Nicolas C., « Les criminels des
universitaires », Champ pénal, nouvelle revue
internationale de criminologie, Vol. III | 2006.., Consulté le
13 juillet 2010. URL :
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ligne], mis en ligne le : 20 juin 2008. URL :
http://apad.revues.org/document3673.html. Consulté le 6 juillet 2010
http://www.uqac.uquebec.ca/zone30/Classiques_des_sciences_sociales/index.html
4. «
http://fr.wikipedia.org/wiki/Violences_urbaines »
LISTE DES TABLEAUX
Tableau I : Répartition des enquêtés par
sexe
Tableau II : Répartition des enquêtés
par la situation matrimoniale
Tableau III : Répartition des enquêtés
par âge
Tableau IV : Répartition des enquêtés
par le niveau d'instruction
Tableau V : Répartition des enquêté par
le métier appris
Tableau VI : Répartition des enquêtés
selon l'exercice du métier appris
Tableau VII : Répartition des enquêtés
par activité exercée
Tableau VIII : Répartition des enquêtés
par quartier de provenance
Tableau IX : Répartition des enquêtés
selon la nationalité
Tableau X : Répartition des enquêtés
selon le revenu mensuel
Tableau XI : Répartition des enquêtés
selon le temps déjà passé en prison
Tableau XII : Répartition des enquêtés
selon la durée de vie à Lomé
Tableau XIII : Répartition des enquêtés
selon leur condition de vie à Lomé
Tableau XIV : Répartition des enquêtés
selon la durée de vie en famille
Tableau XV : Répartition des enquêtés
selon la raison de l'exode vers Lomé
Tableau XVI : Répartition des enquêtés
selon la profession des parents
Tableau XVII : Répartition des enquêtés
selon le lieu de résidence des parents
Tableau XVIII : Répartition des enquêtés
selon la cohabitation ou non avec les parents avant l'échéance
Tableau XIX : Répartition des enquêtés
selon le cadre de vie à Lomé
Tableau XX : Répartition des enquêtés
selon les conditions familiales dans lesquels ils
ont vécu dès l'enfance
Tableau XXI : Répartition des enquêtés selon
le responsable de la charge de leurs
Besoins
Tableau XXII : Répartition des enquêtés
selon les délits commis
Tableau XXIII : Répartition des enquêtés
selon leur jugement sur l'accusation qui leur sont porté
Tableau XXIV : Répartition des enquêtés
selon les conditions dans lesquels ont été commis les
délits
Tableau XXV : Répartition des enquêtés
selon le nombre d'opérants
Tableau XXVI : Répartition des enquêtés
selon l'usage ou non d'arme
Tableau XXVII : Répartition des enquêtés
selon la cause de leur acte
Tableau XXVIII : Répartition des
enquêtés selon le type d'arme utilisé
Tableau XXIX : Répartition des enquêtés
selon la condition d'acquisition de l'arme
LISTE
DES GRAPHIQUES
Graphique I: Répartition des enquêtés selon
le quartier de provenance et le délit commis
Graphique II : Répartition des
enquêtés selon le niveau d'instruction et la profession du
papa.
Graphique III : Répartition des enquêtés
selon les délits et les conditions de travail
ANNEXES
Annexe 1 : Outils de
recherche
ETUDE DES VIOLENCES
URBAINES A LOME
Monsieur, madame, nous venons vers vous dans le cadre d'une
enquête scientifique visant à déceler l'ampleur des
violences physiques (vols à main armée, braquages,
séquestrations, cambriolages...etc.) dans la ville de Lomé et les
raisons qui leurs sont liées. A cet effet, nous avons besoins de vos
réponses franches et sincères qui sont d'une grande importance
pour la réussite de cette enquête. Toutefois, nous vous assurons
que l'anonymat de vos réponses sera respecté car elles ne
serviront qu'à des fins scientifiques et c'est la raison même pour
laquelle nous ne demandons pas votre nom et votre adresse.
Ainsi donc, pour éviter les ratures, veuillez bien lire
toutes les variables des réponses proposées avant d'en choisir
une. Vous allez alors encadrer le numéro de la réponse que vous
penser correspondre à ce que vous faites, ce que vous pensez ou ce que
vous voyez.
Nous vous remercions pour votre disponibilité
SECTION I/ IDENTIFICATION
DES ENQUÊTÉS
N°d'ordre
|
Questions &Filtres
|
Réponses & codes
|
Passer à
|
Q101
|
Votre Sexe
|
Masculin...... ......1
Féminin.............2
|
|
Q102
|
Quel est votre âge ?
|
15-25................1
25-35................2
35 et plus............3
|
|
Q103
|
Situation matrimoniale
|
Célibataire..........1
Veuf (Ve)......... ...2
Marié sans enfant.. 3
Marié avec enfant...4
|
|
Q104
|
Niveau d'instruction
|
Non scolarisés.......1
Primaire.............2
Secondaire .........3
Lycée ................4
Université ...........5
|
|
Q105
|
Quelle profession exerciez-vous ?
|
Commerçant........1
Menuisier ...........2
Maçon ...............3
Sans emploi.........4
Autres ...............5
|
|
Q106
|
Quel est votre quartier de provenance ?
|
Nyékonakpoe.......1
Bè.....................2
Hanoukope..........3
Kodjoviakopé.......4
Autres à préciser.....5
|
|
Q107
|
De quelle nationalité êtes-vous ?
|
Togolaise............1
Nigériane............2
Béninoise............3
Autres.................4
|
|
Q108
|
A combien s'élevait votre revenu mensuel ?
|
10 à 20 000...........1
20 à 30 000...........2
35 000 et plus.......3
|
|
II/ CONTEXTE SOCIAL ET
EMPRISONNEMENT
N°d'ordre
|
Questions & Filtres
|
Réponses & codes
|
Passer à
|
Q201
|
Depuis combien de d'années vivez-vous à
Lomé ?
|
-1 à 5ans................1
-5ans et plus.............2
-depuis ma naissance.3
|
|
Q202
|
Vivez-vous dans votre famille à Lomé ?
|
Oui........................1
Non........................2
|
Q204
|
Q203
|
Pourquoi y étiez-vous venu ?
|
-Etudes.......... ..........1
-Travail....................3
|
|
Q204
|
Combien de temps avez-vous vécu avec vos
parents ?
|
Orphelin...................1
1à 5ans....................2
5 à 15 ans.................3
15 ans e plus..............4
|
|
Q205
|
Quel était la profession de votre papa avant votre
emprisonnement ?
|
Enseignant..................1
Cultivateur..................2
Autres .........................3
|
|
Q206
|
Où vivent tes parents ?
|
Lomé...........................1
Village.....................2
Autres..........................3
|
|
Q207
|
Viviez-vous avec vos parents avant
l'échéance ?
|
Oui...............................1
Non..............................2
|
Q210
|
Q208
|
Avec qui viviez-vous alors ?
|
Seul..............................1
Proche parent..............2
Autres..........................4
|
|
Q209
|
Pourquoi ?
|
........................................
|
Guide
|
Q210
|
Qui avait la charge de vos besoins ?
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Parents.......................1
Proche parent.............2
Toi-même ..................3
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Q211
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De quoi êtes-vous accusé ?
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Vol à main armée........1
Braquage...................3
Kidnapping...............4
Autres......................5
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Q212
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Est-ce vrai cette accusation ?
Question à ne pas poser mais réponse
à sous entendre à l'aide de la question suivante
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Oui.............................1
Non............................2
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Q219
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Q213
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Qu'est ce qui vous a poussé à cet acte ?
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Amis.......................1
pauvreté..................2
Autres (préciser)........3
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Q214
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Avez-vous opéré seul ?
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Oui.............................1
Non............................2
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Q216
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Q215
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Combien alors étiez-vous ?
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2 à 5...........................1
5 et plus.................... 2
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Q216
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Avez-vous utilisé une arme ?
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Oui......................1
Non.....................2
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Q219
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Q217
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Quel type d'arme ?
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Couteau.....................1
fusil.............................2
Autres.........................4
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Q218
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Comment l'avez-vous eu ?
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Acheter....................1
Voler.......................2
Autres.........................3
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Q 219
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Depuis combien de temps êtes-vous en prison ?
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1 à 12 mois..............1
1 à 2ans...................2
3 et plus.................3
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GUIDE D'ENTRETIEN POUR LES
COMMISSAIRES DE POLICE
Bonjour monsieur. Nous venons vers vous dans le cadre d'une
recherche visant à comprendre les raisons fondamentales de violences
urbaines à Lomé. Ces violences concernent particulièrement
les vols et agressions, les cambriolages, les séquestrations, actes de
vandalisme et des outrages à agent de sécurité.vos
réponses nous permettront d'arriver à des résultats
crédibles et convainquant.
En tant que responsable de DCPJ quelle évaluation
faites vous des violences connues dans notre capitale ?(les violences à
Lomé augmentent -elles ou au contraire elles tendent à
disparaître................................................................................................
Quelles sont les cas les plus fréquents que vous
rencontrez ?....................................
Y a-t-il des quartiers stratégiques où il vous
arrive d'intervenir
régulièrement ?....................................................................................................................
Dans quelle proportion arrivez-vous à démasquer
les auteurs ces
actes ?....................................................................................................................................
Les données sur les violences que vous conservez sont
-elles régulières où certaines peuvent être
ignorées ou
négligées ?..................................................................
A quelle année remonte le début du stockage des
données relatives aux violences
urbaines ?................................................................................................
Combien d'interpellations faites-vous en moyenne par semaine dans
votre arrondissement ?
Que dites-vous de vos relations avec la population
togolaise ?.....................
Avez -vous un plan pour la sécurité de la ville de
Lomé ?....................................................
Annexes 2 : Documents administratifs ayant permis
l'étude
TABLE DES MATIERES
SOMMAIRE I
DEDICACE II
REMERCIEMENTS III
SIGLES ET ABREVIATIONS IV
INTRODUCTION
- 1 -
PREMIERE PARTIE :
- 7 -
LES CADRES DE REFERENCE DE L'ETUDE
- 7 -
CHAPITRE PREMIER: CADRES THEORIQUE ET
CONCEPTUEL DE LA RECHERCHE
- 8 -
II.1. Données géographiques,
démographiques et économiques.
- 45 -
II.2. Démarche méthodologique
et difficultés de la recherche
- 46 -
II.2.1. Les techniques d'échantillonnage
- 46 -
II.2.3.2. Approches
quantitatives
- 53 -
DEUXIEME PARTIE :
- 60 -
PRESENTATION ET ANALYSE DES DONNEES, INTERPRETATION
DES RESULTATS
- 60 -
CHAPITRE TROISIEME : PRESENTATION ET
ANALYSE DES DONNEES
- 61 -
III.1. IDENTIFICATION DES
ENQUÊTÉS.
- 61 -
CHAPITRE QUATRIEME : INTERPRETATION
DES RESULTATS ET SUGGESTIONS
- 81 -
IV.1.INTERPRÉTATION DES
RÉSULTATS.
- 81 -
SUGGESTIONS
- 93 -
CONCLUSION
- 96 -
LISTE DES GRAPHIQUES
- 105 -
ANNEXES
- 106 -
Annexe 1 : Outils de
recherche
- 107 -
ETUDE DES VIOLENCES URBAINES A LOME
- 108 -
SECTION I/ IDENTIFICATION DES
ENQUÊTÉS
- 108 -
II/ CONTEXTE SOCIAL ET EMPRISONNEMENT
- 109 -
GUIDE D'ENTRETIEN POUR LES COMMISSAIRES DE
POLICE
- 111 -
Annexes 2 : Documents
administratifs ayant permis l'étude
- 112 -
TABLE DES MATIERES
- 116 -
* 1 Banlieue
Est de la ville de Lomé au Togo.
* 2 Entretien
avec un incarcéré de la prison civile de Lomé, mai 2011
* 3 Information
disponible sur http://www.presidencetogo.com
* 4 Entretien avec une
commerçante du grand marché de Lomé.
* 5 Déclaration de
Genève sur la violence armée et le développement, 2004.
* 6 Information disponible sur
le
www.republoqueoftogo.org,
21-09-2010
* 7 Information disponible sur
le
www.republoqueoftogo.org,
21-09-2010
* 8 Information disponible sur
www.presidencetogo.com,
29-02-2011
* 9 Information disponible sur
www.presidencetogo.com,
29-02-2011
* 10 Terme utilisée par
l'historienne Elisabeth de Clavery pour désigner la discrétion
dans la quelle peuvent se poser des actes de toute forme dans la ville
contrairement au village où tout comportement est contrôlé
par la communauté.
*
11 . Terme utilisé par les
analystes américains pour exprimer l'aspect à la fois mondial
(Glob) et local (Local)
* 12 Avant-propos du rapport
mondial sur la violence et la santé, (Mandela, N., 2002.)
* 13 Rapport mondial sur la
violence et la santé, OMS, 2002.
* 14 Désigne les
politiques et les personnalités dont les crimes sont cachés et
impunis
* 15 Bulletin de la
sécurité africaine, N°7, septembre 2010 :01
* 16 Bruce Baker enseigne la
sécurité africaine à Coventry University (Royaume-Uni).
* 17 Direction
Générale de l'administration pénitentiaire et de la
réinsertion
* 18 Prisonniers devant
répondre devant la cour d'appel et en attente d'être
jugés
* 19 Prisonniers
déjà jugés et déclarés coupables des faits
reprochés
* 20 Prisonniers dont les
enquêtes sont en cours
* 21 Rassemblement des
ressortissants d'une localité dans la ville se réunissant
périodiquement pour valoriser leur culture et s'entraider.
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