Politique environnementale et développement durable en Cote d'Ivoire( Télécharger le fichier original )par Brou Germain Alexis Edoh KOMENAN Université Catholique de l'Afrique de l'Ouest/Unité Universitaire d'Abidjan - Maitrise 2009 |
Paragraphe 1 : Les institutions internationalesFace aux alertes progressives sur les premières manifestations négatives de modèles économiques fondés sur la production tous azimuts et la consommation de masse, l'Organisation des Nations Unies (ONU) a de plus en plus accordé de l'intérêt à la protection de la planète, par l'élaboration d'un cadre juridique global d'action (A) et une attention plus aiguë aux questions du réchauffement climatique et de la pollution (B). Même s'il faut reconnaître que cela ne s'est pas fait sur la base d'un credo commun qui aurait pu être exprimé dans la charte des Nations Unies12(*). A. Le cadre juridique global d'actionLe système des Nations unies, fondé sur les cendres de la seconde guerre mondiale se compose, fait connu, de divers cadres de concertation pour l'élaboration de réponses aux différents enjeux politiques locaux et internationaux, et ce sur des bases garantissant un certain nombre de principes juridiques. Si, le monde sortant de guerre, il fallait satisfaire aux urgences socio-économiques du moment et aux pressions décolonialistes, les questions environnementales, en revanche, n'occupèrent que très exceptionnellement le devant de la scène13(*). Cependant, la prise de conscience se manifesta notamment à travers la conférence sur le développement organisée par l'ONU en 1972, avec l'apparition du concept d'écodéveloppement14(*), et surtout à travers le célèbre rapport Brundtland, réalisé pour le compte de la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (CNUCED), qui popularisa le concept de développement durable. Ces travaux ont tiré la sonnette d'alarme et propulsé le thème écologie sur le devant des scènes politiques. Avec le colloque mondial organisé en 1977 par le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) sur l'avancée du désert15(*), les contours sont ainsi tracés pour des actions concrètes au niveau des Etats : interliaison de la justice sociale, du développement économique et de la préservation de l'environnement16(*). Ainsi, les premiers protocoles et conventions, celles portant sur la régulation de la chasse à la baleine et aux grands cétacés (Washington, D.C.,1946), sur la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel (Paris,1972), sur les zones humides d'importance internationale particulièrement comme habitat de la sauvagine (Ramsar,1971), seront suivies par d'autres : la Convention sur le commerce international des espèces en danger de la faune et de la flore sauvages ou Convention on International Trade in Endangered Species of Wild Fauna and Flora, CITES (Washington, D.C.,1973) ; la Convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage (Bonn,1979) ; la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (Montego Bay,1982) ; le Protocole portant sur la réduction et l'élimination de l'excédent de chlorofluorocarbures (Montréal,1987) ; les conventions sur le changement climatique et sur la diversité biologique ainsi que les déclarations sur l'environnement et le développement et sur les forêts, série de textes découlant du Sommet de la Terre, au Brésil (Rio de Janeiro,1992) ; la Convention sur la lutte contre la désertification dans les pays gravement touchés par la sécheresse ou/et la désertification, en particulier en Afrique (Paris,1994) ; la troisième conférence des Nations Unies sur les changements climatiques ayant abouti au Protocole de Kyoto, au Japon (Kyoto,1997). Quant aux conférences, elles ne continuèrent pas moins de se tenir, soit dans le sillage thématique des précédents travaux, soit dans l'optique d'une réflexion sur de nouveaux sujets. En 1995 eurent lieu les conférences sur le développement social, à Copenhague, sur les changements climatiques, à Berlin, et sur la protection de la couche d'ozone, à Vienne. D'autres suivirent. Au plan régional, pour ce qui concerne l'Afrique, la Charte africaine des droits de l'Homme et des peuples, fondement juridique de l'ex- Organisation de l'Unité Africaine (OUA), adoptée à Nairobi le 28 juin 1981 s'est révélé être « le premier instrument international en matière de droits de l'Homme à énoncer clairement le droit à un environnement17(*). » Dans la sous-région ouest-africaine, des initiatives comme la Commission de coordination des Parcs et Réserves des pays du Conseil de l'Entente et la Commission tripartite Côte d'Ivoire, Guinée, Libéria pour l'ensemble des réserves des Monts Nimba, sont à mettre à l'actif des gouvernements concernés18(*). Deux questions prennent particulièrement de l'importance. Ce sont le réchauffement climatique et la pollution. B. Les questions du réchauffement climatique et de la pollution Parmi les thèmes majeurs examinés lors des rencontres internationales figure le réchauffement climatique. L'élévation de la température de la planète, source d'inquiétantes évolutions des processus naturels terrestres, de même que la détérioration de la couche d'ozone stratosphérique, phénomènes majoritairement imputables aux activités humaines19(*), sont à la base d'une valse de réunions dont la plus importante s'est tenue à Kyoto au Japon, en 1997. Cette réunion a débouché sur l'adoption du protocole du même nom. Se situant dans le sillage de la Convention Cadre sur les changements climatiques, adoptée en 1992 à Rio, il engage la communauté internationale à réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 5,2 % d'ici à 2012. La ratification de ce protocole étant le signe de la volonté, du moins de la décision des Etats de s'y engager. Cependant, en onze ans de durée, 156 Etats sur les 192 initialement concernés ont ratifié le protocole, dont la Côte d'Ivoire. Parmi ces cent cinquante-six pays, les pays développés engagés sont au nombre de vingt-deux. L'exemple de prise de conscience écologique est beau, considéré institutionnellement. Mais les choses ont maille à partir politiquement, tant il est vrai que les réductions des émissions de gaz nocifs sont restées insignifiantes, particulièrement pour de grands pays industrialisés qui sont aussi les leaders de l'économie mondiale. Avec en prime les Etats-Unis d'Amérique. Pour doper le processus s'est tenue du 3 au 15 décembre 2007 la Conférence de Bali, en Indonésie. Il s'agissait de préparer la suite du Protocole de Kyoto en élaborant un nouvel accord relatif à la réduction des GES, et ce par l'implication sérieuse des Etats grands pollueurs de la planète notamment les Etats-Unis, la Chine, l'Australie et l'Inde. L'autre objectif était de pouvoir préparer une feuille de route conduisant à un nouvel accord sur le climat au terme de l'an 2009. Ce cadre de concertation, le treizième du genre organisé par l'ONU sur le changement climatique, a fait grincer des dents à quelques grands pays pollueurs. Ainsi, « s'il est indéniable que la porte reste grande ouverte sur la possibilité de réunir dans deux ans encore les nations industrialisées pour parler toujours de la réduction des émissions des gaz à effet de serre, il demeure tout aussi vrai que l'on a jusqu'ici pas réussi à faire efficacement fléchir tous les gros pollueurs. Avec en prime les Etats-Unis (...) Et des pays émergents comme l'Inde et la Chine, (...) en passe de se hisser au rang des plus gros pollueurs, ne se sont guère sentis intéressés par des objectifs chiffrés qui n'ont, du reste, pu être obtenus. Au motif plutôt qu'ils n'étaient pas prêts à admettre des mesures qui gêneraient l'élan amorcé par leur expansion économique actuelle.20(*)» Un autre sujet environnemental sensible est le traitement des déchets, qui constituent un important fardeau toxique pour la Terre. En matière de pollution, diverses conventions ont été adoptées pour fonder le cadre global d'action relatif à la classification, à l'utilisation, au transport et à la gestion des déchets. C'est notamment l'objet de la Convention de Bâle et de la Convention de Marpol. Selon l'économiste écologique Lester Brown, un « pas important a été franchi en décembre 2000, lorsque les délégués de cent vingt-deux pays se sont rencontrés à Stockholm pour approuver un accord interdisant douze des produits chimiques les plus toxiques actuellement en usage (...) Une fois que cinquante pays auront ratifié le traité, ce qui devrait prendre au moins trois ans, la mise en oeuvre commencera21(*).» La Côte d'Ivoire est partie à plusieurs protocoles et conventions environnementales aussi bien au niveau mondial qu'au niveau continental et sous-régional. Et les Nations unies montrent, à travers les cadres politiques que sont le PNUE, le PNUD et le Mécanisme pour un Développement Propre (MDP) prévu par le Protocole de Kyoto, qu'elles ont fait un pas significatif pour l'intégration de la donne environnementale dans leur vision du monde. Les acteurs de la société civile de par le monde auront été leurs décisifs leviers. * 12 La charte des Nations Unies pose l'idéal nouveau qui doit animer les nations du monde après la triste expérience des guerres mondiales. Elle définit en outre les objectifs à atteindre en vue de la réalisation de cet idéal : droit à la vie, droits de l'homme, liberté et égalité des hommes, des nations. Cependant, fait significatif, on note l'absence de principe consacré à l'environnement. Lacune éthique et politique grave dont les conséquences sont plus que manifestes de nos jours. * 13 Convention internationale sur la régulation des baleines. Washington D.C., 1946. 57 Etats signataires. * 14 Ensemble de principes énoncés par Ignacy SACHS, auteur de l'ouvrage L'écodéveloppement : stratégies pour le XXIe siècle, Collection Alternatives économiques, éditions Sepros. Paris, 1997. * 15 Conférence des Nations Unies sur la désertification. Nairobi (Kenya), 1977. * 16 Ce sont les trois piliers sur lesquels repose le développement durable, selon le Rapport Brundtland. * 17 Abraham GADJI, « Droit de l'homme à l'environnement. Saisissez le tribunal en cas de dégradation de votre cadre de vie », in Cahier économie & environnement, p. VIII, du quotidien de presse Fraternité Matin, n° 12462 du Lundi 22 mai 2006. * 18 Francis LAUGINIE, Conservation de la nature et aires protégées en Côte d'Ivoire, éditions CEDA/NEI Abidjan et Afrique Nature, p. 395. * 19 Entre autres impacts environnementaux des activités humaines, le Groupe intergouvernemental pour l'évolution des climats (GIEC) estime, dans son dernier rapport publié en 2007, l'augmentation globale des GES entre 1970 et 2004 due à ces activités à 70%. Une autre démonstration du groupe d'étude parle de « plus de 90% de chances », relativement au rôle de l'homme dans le réchauffement planétaire. Quant au problème de la détérioration de la couche d'ozone, il est à la base de l'élaboration du protocole de Montréal (1987). * 20 Moussa TOURE, « Emission des GES. Des réductions encore insignifiantes », in Fraternité Matin, n° 13002 du Jeudi 13 mars 2008, p. 3. * 21 Lester R. BROWN, Eco-économie. Une autre croissance est possible, écologique et durable, éditions du Seuil, 2003, p. 201. |
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