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Université Pierre Mendès France
Faculté de Droit de Grenoble
Master II recherche Droit public Spécialité
Administration publique, Droit et Développement
territorial (2010-2011)
Une Administration publique performante : un
défi pour l'Etat haïtien à la croisée d'une
exigence des citoyens et d'une incitation des
acteurs internationaux
Le cas de la modernisation de la Fonction
publique
Mémoire préparé et soutenu par Destin
JEAN En vue de l'obtention du grade de master Droit public
Sous la direction de Monsieur Jean Charles FROMENT
Professeur des Universités
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II
Une Administration publique performante : un
défi pour l'Etat haïtien à la croisée d'une
exigence des citoyens et d'une incitation des acteurs
internationaux
Le cas de la modernisation de la Fonction
publique
Listes des principales abréviations
III
BID : Banque Interaméricaine de Développement
BIRD : Banque Internationale pour la Reconstruction et le
Développement
BM : Banque Mondiale
CCI : Cadre de Coopération Intérimaire
CIRH : Commission Intérimaire pour la Reconstruction
d'Haïti
CS/CCA : Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux
Administratif
DSNCRP : Document de la Stratégie Nationale pour la
Croissance et la Réduction
de la Pauvreté
FMI : Fonds Monétaire International
MEF : Ministère de l'Economie et des Finances
MPCE : Ministère de la Planification et de la
Coopération Externe
ONU : Organisation des Nations Unies
PDNA : Post Disaster Needs and Assessment
PNUD : Programme des Nations Unies pour le
Développement
UE : Union Européenne
ULCC : Unité de Lutte Contre la Corruption
USAID : United States Agency for International Development
IV
REMERCIEMENTS
Mes plus sincères remerciements sont adressés
· A ma mere, madame Raymonde CALIXTE, qui m'a tout
donné. ;
· A mon directeur de mémoire, le professeur
Jean-Charles FROMENT, qui m'a accompagné dans le cadre de la
production de ce travail de recherche académique ;
· A tous les professeurs du Master qui m'ont permis de
jouir d'une formation à la hauteur de mes attentes ;
· A monsieur Yves LASSARD, Maitre de conférences
en Histoire du droit à Grenoble II et responsable de la
Coopération entre la Faculté de Droit de Port-au-Prince et la
Faculté de Droit de Grenoble ;
· A l'Agence Universitaire de la Francophonie (AUF) qui,
par son soutien financier, m'a permis de suivre cette formation ;
· A Ronaldo JOANIS, mon mousquetaire et complice pendant
mes études spécialisées à Grenoble II.
Sommaire
Première partie
L'administration publique haïtienne : état des
lieux non satisfait et processus de reforme en vue de sa performance
CHAPITRE 1 Le constat de la crise
d'efficience de l'Administration publique haïtienne
SECTION I.- L'Administration publique
haïtienne entre le poids de la tradition et les attentes des citoyens et
des acteurs internationaux.
SECTION II.- Des insuffisances de la Fonction publique
et des fonctionnaires
CHAPITRE 2 La modernisation de la Fonction
publique comme levier de performance de l'Administration publique
SECTION I.- Des tentatives de réforme de
la Fonction publique : Vers un nouveau modèle de management public ?
SECTION II.- Le bilan mitigé des
différentes tentatives de réforme de la Fonction Publique
VI
DEUXIEME PARTIE L'Etat haïtien face
à l'obligation et aux contraintes de l'optimisation effective de la
Fonction publique : quelle issue ?
CHAPITRE 3 L'Etat haïtien face aux
enjeux et défis de la modernisation effective de la
Fonction Publique
SECTION I.- Le non-dépassement du
préalable « quelle Fonction publique pour quel modèle d'Etat
? »
SECTION II.- Les obstacles de
l'instabilité politique et la faiblesse du système judiciaire
haïtien face au phénomène de la corruption
CHAPITRE 4 La modernisation effective de la
Fonction publique comme un levier de performance de l'Administration : un
défi relevable
SECTION I.- Un investissement coordonné
et soutenu des différents acteurs dans l'attractivité de la
Fonction publique
SECTION II.- Une modernisation de la Fonction
publique orientée vers la satisfaction ultime de l'usager ou client des
services publics
CONCLUSION
SOURCES BIBLIOGRAPHIQUES
1
INTRODUCTION GENERALE
La Constitution haïtienne de 1987 s'inscrit dans une
perspective de rupture avec le système politique d'avant le 07
février 1986, marquant la chute du régime de dictature des
Duvalier. C'est la consécration formelle d'un renoncement au statu
quo ante dans le système politique haïtien. En ce sens, la
Constitution de 1987 se veut le reflet des aspirations du peuple à la
démocratie et à une meilleure gouvernance publique. Par
conséquent, l'adoption de la Constitution du 29 mars 1987 constitue
l'engagement solennel d'Haïti d'entrer dans un processus de
démocratisation et de promouvoir une nouvelle forme de gouvernance. Il
va sans dire qu'une telle démarche s'inscrit, entre autres, dans une
dynamique de restauration de l'autorité et de la
crédibilité de l'Etat et vise la protection des libertés
fondamentales, une participation de plus en plus accrue du citoyen dans les
arènes de décisions publiques, la transparence, la
responsabilisation des serviteurs publics et l'obligation de rendre compte dans
la gestion publique en vue de l'efficience de l'action publique et donc du
mieux-être collectif de la Communauté politique1.
Compte tenu de ce qui précède, il paraissait
tout à fait logique, après la chute du régime des
DUVALIER, d'engager de vastes chantiers de réformes dans le secteur
public haïtien. C'est le cas de dire que la nouvelle architecture
institutionnelle de l'Etat telle que tracée dans ses grandes lignes par
la Constitution du 29 mars 1987 était en porte-à-faux à
l'existant en termes de pratiques politico-administratives
héritées du statu quo ante.
A tire indicatif, l'Administration publique, instrument par
lequel l'Etat remplit ses missions de service à la population, fut
rapidement dans le collimateur des citoyens Haïtiens
exaspérés réclamant un changement de paradigme dans le
modèle de gestion de la Fonction publique en vue des services publics de
qualité et accessibles à tous. D'où, la réforme de
l'Administration et de la Fonction publique fut très tôt l'un des
voeux, voire une exigence
1 C'est la philosophie dégagée dans
le préambule de la Constitution de 1987 : « Le peuple
haïtien proclame la présente Constitution pour garantir ses droits
inaliénables et imprescriptibles à la vie, à la
liberté et à la poursuite du bonheur ; pour constituer une Nation
haïtienne socialement juste, économiquement libre... ; pour
rétablir un Etat stable et fort... ; pour implanter la
démocratie... ; pour assurer la séparation et la
répartition harmonieuse des pouvoirs de l'Etat au service des
intérêts fondamentaux et prioritaires de la Nation ; pour
instaurer un régime gouvernemental basé sur les libertés
fondamentales~la participation de toute la population aux grandes
décisions engageant la vie nationale [~].
d'une large partie de la population haïtienne. Cette
exigence trouve sa traduction dans le rejet du régime de dictature des
DUVALIER par la voie insurrectionnelle ; dans la révolution juridique
intervenue par l'abrogation totale d'une Constitution et l'adoption d'une
nouvelle, celle du 29 mars 1987 ; et enfin dans l'utilisation d'une kyrielle de
formes de répertoire d'action collective, comme des manifestations de
rue, des sit-in (...) en vue de la présentation des cahiers de
charge aux pouvoirs publics.
En effet, la réforme des services publics et de la
Fonction publique devrait sortir le secteur public haïtien de sa
défaillance dans l'accomplissement de ses missions et objectifs envers
les citoyens. Donc, l'idée c'est d'avoir une Administration publique
performante, tournée vers la satisfaction des usagers des services
publics. En revanche, comment réformer et mettre en oeuvre le nouveau
système politico-administratif institué par la nouvelle
Constitution après une tradition séculaire de dictature, de
présidentialisme et de culte de la personnalité ? Comment ce
volontarisme d'insuffler une nouvelle ère dans les services publics et
la Fonction publique peut-il renverser une culture administrative vieille de
plusieurs décennies ?
Si, comme nous venons de le voir, la question de la
modernisation des services publics et de la Fonction publique en vue de la
performance est l'un des axes majeurs des réformes institutionnelles en
Haïti depuis après la chute du régime des DUVALIER ; l'Etat
haïtien s'est vite vu accompagner par la Communauté internationale,
particulièrement les institutions internationales de financement et
celles de coopération et d'aide au développement dans cette
quête de modernisation en vue de la performance. D'ailleurs, fort
souvent, les engagements concrets et formels des différents
gouvernements successifs de réformer l'Administration et la Fonction
publique en vue de la performance sont pris sous l'impulsion des acteurs
internationaux ; quand lesdits engagements ne constituent pas purement et
simplement une conditionnalité de l'aide internationale dont le pays ne
peut s'en passer vu sa dépendance financière de plus en plus
accrue vis-à-vis de la communauté internationale.
Par ailleurs, dans le cadre de ce travail de recherche
académique, par souci de délimiter notre objet d'étude,
nous nous intéressons plus spécifiquement aux enjeux et
défis d'une Administration publique haïtienne performante au
carrefour de l'exigence des citoyens
3
et de l'incitation des acteurs internationaux, tout en maintenant
le cap sur le volet de la modernisation de la Fonction publique comme levier de
cette quête de performance.
A. PROBLEMATIQUE ET CADRE THEORIQUE
A bien comprendre la dynamique de cette quête de
performance au niveau de l'Administration publique par le levier de la
modernisation de la Fonction publique, l'Etat haïtien se trouve au
carrefour d'une double exigence : une pression en interne, exercée par
les citoyens exigeant la performance en vue des services publics de
qualité et accessibles à tous ; et une pression internationale
incitant l'Etat à la performance dans un contexte de raréfaction
des ressources ou de dépendance financière ou encore de crises
financières.
Ainsi, dans le cadre de la coopération d'aide au
développement, maints acteurs internationaux interviennent, depuis la
décennie des années 1980 et plus systématiquement depuis
19942, sous forme d'appui technique et financier dans le chantier de
la réforme institutionnelle en Haïti dont la réforme
administrative est l'un des volets d'importance. Toutefois, les
différents acteurs internationaux impliqués dans l'incitation de
l'Etat en vue de la modernisation de la Fonction publique pour une
Administration publique performante en Haïti, parlent-ils d'une même
voix ? Leur vision de cette réforme, rencontre-t-elle celle de la
population qui exige des services publics de qualité et accessibles
à tous? L'Etat, n'est-il pas poussé à se réformer
dans des orientations stratégiques différentes ?
En effet, selon Séverine BELLINA, Dominique DARBON,
Stein Sundstol ERIKSEN et Ole Jacob SENDING : « de nos jours, les
Etats sont confrontés à des exigences de légitimation,
tant sur le plan intérieur qu'international. D'une part, on attend d'eux
qu'ils agissent d'une manière qui correspond aux souhaits et aux
priorités de leur population. De l'autre, ils sont confrontés
à une série d'exigences extérieures (de la part d'autres
Etats, d'organisations internationales, des donateurs, etc.). Le dilemme de
nombreux Etats en
2 Epoque correspondant au moment dit de « retour
à l'ordre constitutionnel » symbolisé par le retour physique
le 15 octobre 1994 du Président exilé Jean-Bertrand Aristide en
Haïti et reprenant ipso facto les rênes du pouvoir.
5
situation de fragilité est que les attentes de leurs
citoyens ne correspondent pas à celles des acteurs extérieurs
impliqués3 ». D'où, la théorie de la
« double contrainte ».
En réalité, cet appui technique et financier des
acteurs internationaux de la réforme s'inscrit dans le cadre des
programmes de renforcement institutionnel des pays en transition
démocratique, engagés par les institutions de financement et de
coopération ou d'aide au développement ; lequel renforcement
institutionnel s'inscrit dans un cadre plus global de reconceptualisation
actuelle de l'Etat, surtout dans les pays pauvres, par les acteurs
internationaux. C'est qu'ils établissent des liens de causalité
entre bonne gouvernance et développement4. Elles se situent
par rapport à la question de la « conditionnalité
gouvernance démocratique et développement » et s'entendent
sur le principe d'antériorité de la gouvernance
démocratique par rapport au développement, comme pour prendre
position dans « le dilemme de l'oeuf et de la poule5 ».
C'est comme imposer des réformes des institutions publiques pour la mise
en oeuvre d'un environnement institutionnel propre à favoriser une
meilleure canalisation de l'aide et donc le décollage économique.
La finalité de leur implication dans la modernisation de la Fonction
publique est d'obédience économique.
Thierry Delpeuch6 explique assez clairement cette
dimension des enjeux du marché de la coopération internationale
en matière d'aide au développement. Comment alors comprendre cet
accompagnement desdites institutions internationales au prisme de la
théorie de la modernisation et de celle qui la conteste, en
l'occurrence, la théorie de la dépendance ? Les
administrés, entendons par là les citoyens Haïtiens dans
leurs rapports avec l'Administration, ont certes à gagner d'une
modernisation de la Fonction publique en vue de la performance de
l'Administration publique haïtienne et d'ailleurs ils l'exigent. En
revanche, quels devraient être la nature, l'orientation et le sens de
cette modernisation de la Fonction publique, compte tenu les
réalités politiques, socio-économiques locales et les
attentes des citoyens Haïtiens ?
3 Séverine BELLINA, Dominique DARBON, Stein
Sundstol ERIKSEN et Ole Jacob SENDING. « L'Etat en quête de
légitimité - Sortir collectivement des situations de
fragilité », Editions Charles Léopold Mayer, Paris,
2010, page 79.
4 Quoique pour Agnès Pouillaude, par
exemple, ce lien de causalité reste supposé plutôt que
prouvé, en raison du caractère normatif et idéologique de
la « bonne gouvernance » comme modèle de développement.
Agnès Pouillaude in « la `bonne' gouvernance, dernier
né des modèles de développement. aperçu de la
mauritanie ».
5 Expert ICONZI ; Gizèle BELEM ; Corrine
GENDRON. Conditionnalité gouvernance démocratique et
développement, « dilemme de l'oeuf et de la poule » ou
problème de définition ?, page 37.
6 Thierry Delpeuch « La coopération
internationale au prisme du courant de recherche « droit et
développement » », Droit et société 1/2006
(n°62), p. 119-175.
URL :
www.cairn.info/revue-droit-et-societe-2006-1-page-119.htm.
En fait, selon le Programme des Nations Unies pour le
Développement (PNUD) : « L'histoire récente de la
réforme de l'État en Haïti dans ses deux grandes composantes
de réforme administrative et de décentralisation remonte à
l'adoption de la Constitution de 1987 et figure à l'agenda politique
depuis le retour à l'ordre constitutionnel de 1994. Ce processus a
évolué au rythme des crises sociopolitiques et institutionnelles
qui ont jalonné cette période
de la vie nationale. C'est en décembre 1997, sous le
premier quinquennat du Président RenéPréval,
qu'une action d'envergure - la création de la Commission nationale
à la réforme
administrative (CNRA) - a été entreprise.
Cette action a eu pour effet de traduire la volonté du gouvernement
d'alors de doter le pays d'une administration à la hauteur des grands
défis auxquels il devait faire face7".
Nous faisons remarquer que le processus de modernisation de la
Fonction publique remonte même au début de la décennie 1980
avec la crise financière et donc la pression corolaire des institutions
de Bretton Woods en vue d'engager des réformes d'ajustements
structurels. En revanche, nous pouvons quand même accorder qu'il y a eu
effectivement une nouvelle émergence de la question de la modernisation
dans l'agenda institutionnel gouvernemental au retour d'ARISTIDE en 1994.
Depuis, une multitude de stratégies et programmes de
réformes administratives sont adoptés dans différents
documents préparés avec l'appui technique et financier des
acteurs internationaux et présentés par les gouvernements
successifs haïtiens à la Communauté internationale aux fins
d'accompagnement technique et financier pour leur mise en oeuvre. A titre
d'exemples, nous pouvons citer le « Programme d'appui à
l'Administration publique haïtienne, été 2007 ", « Le
Plan d'action stratégique pour la réforme administrative globale
en Haïti, novembre 1998 ", « Le Programme-cadre de la réforme
de l'Etat, 2007-2012 ", etc.
Aussi, les questions de la gouvernance démocratique ou
plus globalement de la bonne gouvernance et de la modernisation de la Fonction
publique en vue de performance de l'Administration publique ont-elles
été soulevées dans maints documents-cadre à l'aide
internationale, préparés par l'Etat haïtien avec la
Communauté internationale et soumis aux bailleurs et aux institutions de
financement. Nous pouvons citer : le « Cadre de
coopération
7 Site officiel du PNUD/Haïti :
http://www.ht.undp.org/public/publicationdetails.php?idpublication=31
La page est consultée le 15 février 2011.
intérimaire, 2004-2006), « Le Document de
stratégie nationale pour la croissance et la réduction de la
pauvreté, 2008-2010 », « Le Plan d'action pour le
développement et le relèvement d'Haïti, Mars 2010 »,
etc.
De plus, tour à tour, plusieurs mesures plus
concrètes ont été adoptées en vue
l'opérationnalisation et l'effectivité de la modernisation. C'est
dans cette perspective que l' « Ecole nationale d'Administration
et de politiques publiques d'Haïti (ENAPP) » a
été créée, quoiqu'elle n'existe que de nom,
jusqu'à aujourd'hui. Un « Office de Management et des
Ressources humaines (OMRH) », chargé du pilotage
opérationnel des activités de la réforme a
été créé. « Le Conseil
supérieur de l'Administration et de la Fonction publique (CSAFP)
», responsable du pilotage stratégique de la modernisation
du service public et de la Fonction publique a vu le jour. Bien avant, une
« Commission nationale de la Réforme administrative et de
la Fonction publique (CNRAFP) » a été aussi
créée, mais n'existe plus aujourd'hui.
En termes de production juridique, trois décrets
d'importance ont été émis :
1) Décret du 17 mai 2005 portant organisation de
l'Administration centrale de l'Etat
2) Décret du 17 mai 2005 portant révision du
Statut général de la Fonction publique
3) Décret du 23 novembre 2005 établissant
l'organisation et le fonctionnement de la Cour Supérieure des Comptes et
du Contentieux Administratif désigné sous le sigle CSCCA.
Aujourd'hui, où est-on avec le processus modernisation
de la Fonction publique en vue de la performance de l'Administration publique ?
Quels sont les échecs, les réussites et les défis encore
à relever ? Existe-t-il un suivi ou une cohérence entre ces
différentes mesures de modernisation ? L'engagement étranger en
Haïti, ne va-t-il pas en même temps tantôt dans le sens du
renforcement des institutions publiques et tantôt dans la canalisation de
la gouvernance en direction de la société civile ? Si tel est le
cas, ces deux démarches sont-elles complémentaires ou peut-on y
voir une double démarche de renforcement institutionnel d'un nouvel Etat
en construction et celle de son affaiblissement corrélatif ?
7
Les différents acteurs de différents horizons
impliqués d'une façon ou d'une autre dans la production d'efforts
ou la fourniture de moyens techniques ou financiers visant à
améliorer la qualité des services publics, la modernisation de la
Fonction publique et la performance de l'Administration s'accordent à
reconnaitre que les résultats obtenus jusqu'ici sont souvent en
deçà des défis à relever. D'où une
évaluation convergente et concluante de l'action publique dans ce
domaine. Existe-t-il des variables explicatives endogènes à cet
état des lieux non satisfaisant ou du moins est-on en face d'une
approche inappropriée de la question de la modernisation de
l'Administration publique dans le cas d'Haïti par le marché
international de la coopération technique ou par les acteurs
internationaux plus globalement?
En fait, en plus du nouveau paradigme politico-administratif
institué par la Constitution de 1987, le phénomène de la
globalisation et l'évolution constante des besoins de la
société font de la question de la modernisation du secteur public
haïtien une nécessité. L'un des piliers incontestable de
cette modernisation demeure la réforme de la Fonction publique. Que peut
être le paradigme le plus pertinent de cette réforme de la
Fonction publique pour un pays pauvre et en transition démocratique
comme Haïti?
Ce questionnement montre bien l'intérêt et la
pertinence du concept de performance qui englobe à la
fois la double dimension de l'efficacité et l'efficience,
c'est-à-dire arriver à atteindre les objectifs fixés, dans
le sens ultime de la satisfaction des usagers des services publics, avec le peu
de moyens disponibles dans un souci d'optimisation des ressources.
Le processus de modernisation de la Fonction publique en vue
de la performance de l'Administration, est-ce un mouvement de réforme
d'inspiration managériale ou selon le modèle bureaucratique
wébérien ou encore a-t-on choisi au cas par cas ou bien des
instruments du New public management ou bien de s'inscrire dans une
logique bureaucratique à la Weber dans sa conception avancée,
sachant que ces deux modèles ne sont pas indépassables ? Quel
prisme a été privilégié jusqu'ici par l'Etat
haïtien et/ou les acteurs internationaux ? Ces derniers et la population,
ont-ils la même représentation de la performance de
l'Administration ?
A dire vrai, l'Administration publique fait montre de beaucoup
difficultés à se libérer du poids de la tradition. Les
« vieux démons » comme la corruption, le favoritisme, le
népotisme, le trafic d'influence, la crise de l'accessibilité et
de la qualité des services publics continuent
9
encore de rythmer le quotidien des services publics et de la
Fonction publique en Haïti. Or, l'insurrection populaire occasionnant la
chute du régime des DUVALIER et l'adoption de la nouvelle Constitution
de 1987 ont cristallisé les aspirations du citoyen Haïtien à
des services publics de qualité et accessibles. De plus, les acteurs
internationaux ne sont pas moins dans l'attente d'une nouvelle gouvernance
administrative. La dépendance financière d'Haïti c'est en
quelque sorte le prétexte de leur intervention et la recherche de
l'efficacité de l'aide fonde la légitimité de leurs
pressions.
Cette crise d'efficacité est en quelque sorte
liée, en grosso modo, aux insuffisances de la Fonction publique
et des Fonctionnaires en raison des faiblesses de qualification des agents
publics, de la quasi-absence de l'attractivité de la Fonction publique
et du phénomène récurrent de la fuite des cadres
générée par l'absence de politique de fidélisation
du personnel. Le modèle de gestion de la Fonction publique n'est pas
fondé sur le management par objectifs. Qui plus est, l'Etat, sur la
suggestion des acteurs internationaux de la réforme, développe et
entretient une certaine représentation du Fonctionnaire qui est en
quelque sorte antinomique à toute dynamique de performance de la
Fonction publique, c'est la conception de « Fonctionnaire-poids ».
Cette conception du Fonctionnaire amène l'Etat à
l'envisager comme un fardeau pour le trésor public dans un contexte
raréfaction des ressources financières, au lieu d'être vu
comme une ressource et qui pourrait potentiellement pourtant, par sa
créativité et à condition d'être qualifié,
compétent et valorisé, être le socle de l'optimisation des
maigres ressources disponibles dans la perspective de l'efficience de l'action
publique.
Face au constat de la crise d'efficience de l'Administration
publique haïtienne, un processus de modernisation de la Fonction publique
comme levier de performance de l'Administration est engagé. Quels sont
les enjeux du processus de la modernisation de la Fonction publique par rapport
à la réforme globale de l'Etat et de la gestion publique ?
Quelles sont les réussites et les échecs des différentes
tentatives de réformes engagées dans la Fonction publique ? Dans
le cadre de la modernisation de la Fonction publique, les efforts de
professionnalisation et de formation réalisés, ne sont-ils pas
annulés par les politiques récurrentes de réduction du
personnel ? Quels sont les impacts du séisme du 12 janvier sur le
processus de la réforme de la Fonction publique ?
L'Etat haïtien fait face à un ensemble d'enjeux et
de défis en vue d'une optimisation effective de la Fonction publique. La
problématique de la philosophie « quelle Fonction publique pour
quel modèle d'Etat » reste un préalable difficile à
dépasser. Les acteurs internationaux de la réforme sont
omniprésents, influents et leur démarche participe d'une certaine
reconceptualisation de l'Etat. Or, il existe une quasi-absence d'appropriation
des projets de réformes par la société haïtienne.
Quelles pourraient être, dans ces conditions, les
conséquences des aléas de l'alternance politique sur le processus
de réforme engagé ? Si la performance de l'Administration doit
être tournée vers la satisfaction ultime des citoyens
Haïtiens, la question de la modernisation de la Fonction publique, ne
devrait-elle pas être d'abord un projet de société ?
Existe-t-il une uniformité ou une dichotomie entre la conception des
acteurs internationaux et celle des citoyens Haïtiens de la modernisation
de la Fonction publique ? Comment l'Etat haïtien, dans le contexte de sa
dépendance, peut-il prétendre assurer une coordination et
canalisation de l'accompagnent des acteurs internationaux quand ces derniers
n'ont pas nécessairement les mêmes motivations ? Qu'en est --il du
poids de la dynamique de l'instabilité politique sur le processus de
modernisation ? Pour assurer l'implémentation de la culture du
résultat dans la Fonction publique, comment contrer le
phénomène de la culture de la corruption si nous en sommes aussi
à parler d'une culture de l'impunité ?
En définitive, à l'ère des NTIC,
l'Administration électronique parait, en principe, comme un levier
majeur de la performance des Fonctionnaires dans la prestation des services.
L'usage interne des NTIC dans les services publics est susceptible
d'améliorer, entre autres, leur fonctionnement interne. L'usage externe
des NTIC est aussi susceptible de révolutionner les rapports entre
l'Administration et les citoyens dans le sens de la qualité. Comment
cependant épargner les enjeux liés à la fracture
numérique entre les populations des villes et des campagnes, entre les
riches et les pauvres, etc. ? Quels sont enfin les avantages et les
limites d'une « e-administration » confrontée aux défis
de la pauvreté ?
En somme, d'une façon ou d'une autre, à
l'ère de l'économie du savoir et dans un pays à
démocratie émergeante et à faibles ressources humaines et
financières comme Haïti ; un pays où l'on se demande
à bon droit si la majeure partie de la population n'est pas en droit de
presque tout attendre de l'Etat, vu ses conditions socio-économiques
précaires,
10
l'Administration publique se doit d'être performante.
D'autant que l'Etat se trouve à la croisée d'une exigence des
citoyens et d'une incitation des acteurs internationaux en vue de la
performance. Qui plus est, il paraît impensable de concevoir une
Administration publique efficace et efficiente, donc performante, surtout dans
le contexte haïtien tel que décrit plus haut, sans un
investissement sur le terme dans l'attractivité de la Fonction publique
et une rénovation, axée sur la fidélisation, du
modèle de management des Fonctionnaires, véritables ressources
humaines du secteur public et qui constituent le poumon de l'Administration.
Or, c'est ce qui paraît le moins évident dans la dynamique de la
modernisation engagée. Ainsi, est-ce le cas de dire que l'Etat
haïtien se trouve face à un devoir relevant d'un défi qu'il
est pourtant contraint de relever. D'où toute la pertinence,
l'actualité et l'intérêt de notre
QUESTION DE DEPART
Les enjeux et défis auxquels se heurte l'Etat,
dans le cadre de sa réforme de la gestion publique,
particulièrement le levier de la modernisation de la Fonction publique
en vue d'une Administration publique performante, sont-ils insurmontables
?
B. HYPOTHESES DE RECHERCHE
Une réforme de la gestion publique par le
levier de la modernisation de la Fonction publique en vue d'une Administration
publique axée sur la performance est une obligation de l'Etat, mais
rel~ve d'un défi tant les enjeux et insuffisances sont énormes.
Les contraintes sont dues à des facteurs endogènes et
exogènes. Néanmoins, ces enjeux et défis ne sont
guère insurmontables moyennant une continuité dans la
volonté politique de rendre effective la modernisation ; une politique
soutenue sur l'attractivité de la Fonction publique ; une coordination
et une canalisation de l'accompagnement des acteurs internationaux de la
réforme ; un processus participatif et multi-niveau dans une dynamique
de co-production de la réforme par le réseau des acteurs
engagés dans le processus de modernisation, tout en s'assurant,
qu'en tout état de cause, tout projet de
modernisation de la Fonction publique soit d'abord un
projet de société en vue de sa viabilité.
C. CADRE METHODOLOGIQUE
Nous éviterons d'emblée une approche purement
juridiste de la question. Tout en privilégiant le soubassement
théorique et les méthodes d'analyse propres au Droit public ; la
sociologie politique, l'analyse des politiques publiques, l'histoire des
institutions publiques haïtiennes, entre autres, pourront aussi nous
permettre de saisir l'objet d'étude dans toute sa complexité.
Vu notre objet d'étude, nous entendons faire usage de
la méthode structuraliste et nous ferons une approche
à la fois inductive et déductive pour la vérification de
l'hypothèse qui pourra être ou bien confirmée ou bien
infirmée, sinon nuancée.
Cela nous aura permis de démontrer que la
problématique de la modernisation de la Fonction publique en vue d'une
Administration publique haïtienne axée sur la performance, dans le
cadre plus global de la réforme du secteur public en Haïti, pour
être abordée dans toute sa complexité, est liée,
entre autres, à la problématique de la dépendance
financière de l'Etat haïtien vis-à-vis de la
communauté internationale, à son déficit de
crédibilité et son autorité écornée, au fait
que la Fonction publique soit de moins en moins attractive, à son statut
d'Etat à démocratie émergente avec une transition
démocratique mouvementée par les soubresauts de la dynamique de
l'instabilité politique, à une population de plus en plus
exigeante et à une tradition séculaire de pratiques anciennes en
déphasage au nouveau paradigme politico-administratif institué
par la Constitution de 1987. En conséquence, c'est un tout complexe, il
faut une approche plutôt systémique de la question pour pouvoir
saisir la problématique dans ses tenants et aboutissants.
De plus, comme instrument de collecte de l'information, nous
adoptons l'observation documentaire. Cette technique
nous aura permis d'une part de recueillir les données nécessaires
à notre recherche et d'autre part de les analyser et les confronter
systématiquement. Donc, nous recueillerons divers types de documents
dont des manuels
généraux, des encyclopédies, des
précis et traités, des ouvrages et périodiques
spécialisés, des documents officiels et des sites Internet
officiels et/ou spécialisés, tout en prenant soin d'en
vérifier l'authenticité réelle, condition sine qua non
d'une recherche documentaire digne de ce nom.
Le sérieux et la crédibilité de notre
travail de recherche académique a été pour nous une
préoccupation constante. Dans cette optique, des renvois aux
références bibliographiques ont été
systématiques. Pour cela, nous avons utilisé l'exemple de
références « à l'ancienne » et l'exemple de
références avec la « formule codée
».8
D. ANNONCE DU PLAN
En vue de la rédaction et la présentation de ce
travail de recherche académique, nous adoptons la structure binaire. Une
cadre rédactionnel en deux parties, chaque partie comportant 2
chapitres. Les chapitres sont à leur tour divisés en sections et
ces dernières en paragraphes et/ou sous paragraphes.
La première partie est ainsi intitulée :
« / 5 GP inisAU:AionCSDblIEDICK:ïANIM :
état des lieux non satisfaisant et processus de réforme en vue de
sa performance ».
Dans le cadre de cette première partie, nous abordons
la problématique de la crise d'efficience de l'Administration publique
haïtienne (chapitre premier). Face à ce constat de crise, l'Etat
haïtien, sous la double pression des citoyens et des acteurs
internationaux, engage un processus de modernisation de la Fonction publique
comme levier de performance de l'Administration publique (chapitre 2).
Par ailleurs, cette modernisation de la Fonction publique en
vue de la performance de l'Administration publique est bel et bien une
obligation de l'Etat, mais releve aussi d'un défi
12
8 Michel Beaud. L'art de la thèse, La
Découverte, Paris, 5ème éd., 2006, pages 129
à 134.
tant les enjeux et insuffisances sont énormes. Les
contraintes sont dues à la fois à des facteurs endogenes et
exogènes. D'où, l'intitulé de la deuxième partie de
notre travail de recherche :
« L'Etat haïtien face à l'obligation et
aux contraintes de l'optimisation effective de la Fonction publique : quelle
issue ?
Dans le cadre de cette deuxième partie, nous essayons
d'abord de camper l'Etat haïtien face aux enjeux croisés et
défis de la modernisation effective de la Fonction publique (chapitre
3). Ensuite, nous essayons de démontrer que la modernisation effective
de la Fonction publique comme un levier de performance de l'Administration
constitue, certes, un défi, mais relevable (chapitre 4).
14
PREMIERE PARTIE
/ Ifi Q) KILIMMIRQ SXEINXIIKIMMIKE : état des
lieux non satisfaisant et processus de réforme en vue de sa
performance
Dans le cadre de cette premiere partie, nous abordons la
problématique de la crise d'efficience de l'Administration publique
haïtienne (chapitre premier).
Face à ce constat de crise, l'Etat haïtien, sous
la double pression des citoyens et des acteurs internationaux, engage un
processus de modernisation de la Fonction publique comme levier de performance
de l'Administration publique (chapitre 2).
Chapitre premier
Le constat de la crise d'efficience de l'Administration
publique haïtienne
En son article 234, la Constitution haïtienne du 29 mars
1987, actuellement en vigueur en Haïti, dispose : «
L'Administration publique haïtienne est l'instrument par lequel l'Etat
concrétise ses missions et objectifs. Pour garantir sa
rentabilité, elle doit être gérée avec
honnêteté et efficacité ». Il s'ensuit que les
constituants de 1987 reconnaissent en l'Administration publique un moyen par
lequel l'Etat, entité juridique abstraite, peut se manifester, en
matérialisant ses missions et objectifs qui trouvent leur traduction
dans les politiques publiques. Dans cet ordre d'idées, l'Administration
publique, entre autres, permet de prendre contact avec l'Etat, de le voir agir
dans le sens de la promotion du bien commun et de l'intérêt
général. Aussi, dans la disposition sus-évoquée,
les constituants de 1987 introduisent-ils la notion de rentabilité de
l'Administration publique. Pour eux, une gestion honnête et efficace est
une condition sine qua non de garantie de cette rentabilité.
Par ailleurs, quel sens accordé à cette notion de
rentabilité de l'Administration publique introduite dans la Constitution
haïtienne de 1987 ? Est-ce une conception propre à la sphère
entrepreneuriale traduisant une logique commerciale de l'Etat basée sur
la recherche de l'efficacité au service du profit ?
En effet, la tradition séculaire de la conception de
l'Etat dans l'histoire de la sociologie politique de la République
d'Haïti9 et la philosophie même de la Constitution de
1987, dégagée dans son préambule10, nous
autorisent à privilégier de préférence une autre
acception possible de la notion de rentabilité, car cette
dernière peut aussi vouloir signifier le caractère de ce qui
donne des résultats11. Donc, la préconisation et
l'institution d'une gestion honnête et efficace seraient le gage d'une
Administration publique qui donne des résultats. De plus, il va sans
dire que dans un pays à faibles moyens financiers, matériels et
humains comme Haïti, pour que l'Administration donne des résultats,
il aura fallu faire plus avec peu de moyens.
9 (...) Le modèle républicain est
associé à l'idée d'un « bien commun » autour
duquel la société doit s'organiser (~). Phrase tirée
du Lexique de science politique, page 470.
10 La Constitution de 1987 fait l'apologie de la
philosophie libérale en termes de protection des libertés
publiques, mais elle prône aussi la justice sociale et fonde l'action de
l'Etat sur l'idée de l'intérêt général.
11 Le Robert micro - Dictionnaire de la langue
française, page 1147.
16
D'où la notion de l'efficience de l'action
administrative. Or, c'est pour autant en raison de la quasi-incapacité
de l'Administration publique haïtienne à donner des
résultats avec de faibles moyens que l'administré se plaint
quotidiennement. En outre, c'est aussi la même cause du désarroi
des acteurs internationaux intervenant dans le renforcement des
capacités nationales en Haïti qui se plaignent de la lourdeur de
l'Administration, de la corruption qui la gangrene, de sa centralisation
à outrance et de la faiblesse de la qualification des agents publics
appelés à s'assurer de l'opérationnalisation de certains
projets.
D'une part, nous essayerons de démontrer les
difficultés de l'Administration publique à se libérer du
poids de la tradition en vue de répondre aux attentes des citoyens et
des acteurs internationaux (section I). D'autre part, nous ferons ressortir des
insuffisances de la Fonction publique, en principe, piece maîtresse de
toute politique d'optimisation de l'Administration publique (section II).
Section I
L'Administration publique haïtienne entre le poids
de la tradition et les attentes des citoyens et des acteurs
internationaux
En dépit de la révolution politique du 07
février 1986 qui allait trouver sa traduction la plus concrète
dans l'adoption, à une majorité écrasante, de la
Constitution du 29 mars 1987 par référendum, l'Administration
publique haïtienne se montre encore incapable d'être au diapason
avec la philosophie générale du nouveau système politique
institué dans la nouvelle Constitution. Donc, c'est le cas de dire que
les vieux démons de l'Administration publique continuent de gêner
son optimisation, voire son bon fonctionnement en vue de la satisfaction des
administrés (§ 1). Or, le contexte de l'adoption de ladite
Constitution fait ressortir l'évidence de la légitimité
des attentes des citoyens haïtiens au regard de la bonne qualité de
leur rapport avec l'Administration et des services fournis. De plus, la
dépendance financiere de plus en plus accrue d'Haïti
vis-à-vis de la Communauté internationale explique ses recours
incessants à l'aide en vue de mettre en oeuvre des politiques publiques
au bénéfice des
citoyens. D'où aussi la légitimité des
pressions des acteurs internationaux en vue d'une Administration qui soit
à même de donner des résultats (§ 2).
§ 1.- Les « vieux démons
aa GI l'AGP RaMAKO SXFAIqXeIKDANIM
Des qu'il s'agit de qualifier l'Administration publique en
Haïti, les épithetes ne manquent pas. C'est ainsi que Gary Olius,
dans un article intitulé : « Haïti : Une Administration
publique drôlement efficace... »12, soumis à
Alter Presse le 06 décembre 2007 et publié le mardi 11
décembre de la même année, dresse une caricature de
l'Administration publique haïtienne qui, selon lui, serait efficace
à sa façon, quoi qu'on en dise. En fait, dans son article, il a
avancé : « A force de répétitions, il est devenu
banal de dire que l'administration publique haïtienne est inefficace.
Pourtant, ce que plus d'un qualifient tout de go d'inefficacité peut,
sous un autre angle, être considéré comme une preuve
incontestable d'efficacité. Tout dépend de la position relative
de l'observateur ou de l'acteur qui émet le jugement et aussi du
modèle conceptuel qui lui sert de référence...
». En grosso modo, il a développé l'idée que
la satisfaction des usagers n'est aucunement la préoccupation premiere
de l'Administration publique haïtienne ; constat fait sur la base des
réalités vécues quotidiennement dans le pays. Ce qui lui a
amené a développé le concept de citoyen-proie
d'Haïti par rapport à un soi-disant citoyen-roi de
l'Amérique du nord qu'il décrit. Tout cela pour dire que
l'Administration publique haïtienne reste et demeure cohérente avec
elle-même et son propre modèle de référence.
En effet, d'aucuns diraient que cet observateur des
réalités quotidiennes de l'Administration publique haïtienne
dans ses rapports avec les citoyens se montre à la limite sarcastique
dans ses propos. Face à cette position, nous accordons volontiers que
l'observateur en question frise une certaine exagération dans sa
radiographie de l'Administration publique. Toutefois, nous croyons utile de
souligner au passage qu'il n'y-a pas que le milieu universitaire à
être aussi hostile au mode de fonctionnement de l'Administration publique
en Haïti. Ainsi, les représentants des Pouvoirs publics, donc
ceux-
12 Page consultée sur la toile de Alter
Presse, le 02 juillet 2011. L'URL de la page :
http://www.alterpresse.org/spip.php?article6736
18
là mêmes qui sont, entre autres, chargés
de s'assurer de son bon fonctionnement, ne se montrent-ils pas plus
cléments envers l'Administration publique des qu'il s'agit de la
présenter. On a déjà entendu plus d'une fois en Haïti
des chefs de Gouvernement et de l'Etat lancer des flèches en direction
de l'Administration publique qu'ils traitent de tous les maux. Ils vont
jusqu'à reconnaitre, au-delà du simple discours politique, dans
des textes normatifs, que l'Administration publique est corrompue. C'est
d'ailleurs dans cette perspective que l'on peut lire dans les visas et
considérants de l'arrêté présidentiel portant
création de l'ULCC, la phrase que voici : «Considérant
que la corruption constitue l'une des principales entraves au bon
fonctionnement de l'Administration Publique et un frein au développement
économique et social du pays... ».13
S'il en est ainsi de la vision du milieu universitaire et de
celle des représentants des Pouvoirs publics, qu'en est-il alors des
usagers de cette Administration victimes tous les jours de son
mal-fonctionnement ?
En fait, dans une édition de
Télescope14, Louis Côté, professeur
à l'Ecole nationale d'Administration publique du Québec et
directeur de l'Observatoire de l'Administration publique, apporte un
éclairage théorique, dans son éditorial de ladite revue,
à cette difficulté de l'Administration publique haïtienne
à se transformer. Il affirme d'emblée, dans ses propos
introductifs, que des chercheurs, « à l'issue de leur analyse,
concluent que les organisations du secteur public éprouveraient, plus
que celles du secteur privé, de la difficulté à se
transformer. Ce qui lui amène à se demander : «
s'il existerait donc une fatalité qui ferait que, dans les
administrations publiques, le changement... ne changerait rien ». Il
a toutefois vite rappelé qu'il n'en croit rien, tout en reconnaissant la
complexité de la démarche.
Somme toute, en dehors de certaines qualifications ou
explications théoriques que l'on pourrait apporter pour désigner
ou expliquer la persistance de ce mode de fonctionnement
13 Arrêté portant création de
l'Unité de lutte contre la corruption, adopté sur le rapport du
Ministre de l'économie et des finances et après
délibóation en Conseil des Ministres, par le Président
provisoire de la République, en l'occurrence Me Boniface Alexandre ;
donné au Palais national, à P-A-P, le 08 septembre 2004, An
201ème de l'Indépendance. Le texte complet est
disponible en ligne sur le site officiel de l'ancien Premier Ministre
Gérard Latortue sur le lien suivant :
http://gerardlatortue.org/bpm/pdf/decrets/ulcc.pdf
La page est consultée le 09 juillet 2011.
14 TELESCOPE, Revue d'analyse comparée en
Administration publique, vol. 14, No 3, automne 2008, page III,
intitulé: «La gestion du changement stratégique dans les
organisations publiques ». Le texte est disponible sur le lien :
http://www.enap.ca/OBSERVATOIRE/docs/Telescope/Volumes12-15/Telv14n3_changement.pdf
La page est consultée le 09 juillet 2011.
traditionnel de l'Administration publique, nous nous
demandons, à partir de notre propre analyse de la question, si la
principale manifestation de ce quasi-dysfonctionnement de l'Administration
publique haïtienne ne serait pas la double crise de l'accessibilité
et de la qualité des services publics (A), expliquée en partie
par le phénomène quotidien de la corruption et du
népotisme (B).
A. /a crise de l'accessibilité et de la
qualité des services publics
Il est de notoriété publique en Haïti que
les services publics offerts à la population par l'Administration
publique sont tant soit peu accessibles, dépendamment de la
région d'habitation de l'administré, de son niveau dans
l'échelle sociale, de sa situation économique et voire ses
accointances personnelles ou son appartenance à une certaine classe
sociale. De telle sorte qu'il y-aurait en Haïti, implicitement, des
citoyens haïtiens qui le seraient plus que d'autres, à
côté d'une certaine catégorie considérée
comme des citoyens de seconde zone. Quant à la qualité des
services offerts, le niveau reste globalement faible, tout en observant la
même variabilité dans les traitements en fonction des facteurs
décrits plus haut.
Que l'on parle du service public de l'éducation ou de
la justice, de l'eau potable, de l'électricité, de la
santé ou encore plus globalement des démarches administratives
quotidiennes auprès des services publics en vue de payer ses redevances
vis-à-vis du fisc ou en vue de l'obtention, par exemple, d'une piece
d'identité ou de tout autre document administratif à toutes fins
utiles, le constat reste le même. Quand le service public n'est pas
simplement inexistant dans la zone d'habitation du citoyen, il y a
quasi-constamment un traitement à géométrie variable de
l'usager qui vient mettre à mal le principe de l'égalité
devant le service public, principe pourtant sacramentel en droit administratif
et aussi à valeur constitutionnelle en Haïti.
Cette double crise de l'accessibilité et de la
qualité des services publics tient en majeure partie à cette
problématique de l'Etat-Nation en Haïti ; un pays dans lequel
certaines catégories de citoyens ne se reconnaissent pas dans une
certaine catégorie de compatriotes, qu'elles considerent comme des
étrangers dans leur propre pays ; un pays sans ethnie, mais
émietté et cloisonné. D'aucuns diraient plusieurs pays
à l'intérieur du même pays avec des
20
citoyens peu ou prou conscients d'une certaine
hiérarchie dans leur degré de citoyenneté. D'où le
concept de « pays en dehors » développé par
Gérard Barthélémy, économiste et anthropologue
français, spécialiste d'Haïti.15
Qui plus est, l'on se demande à bon droit si cette
vision de la société haïtienne ou du moins cette forme de
contrat social n'est pas consacrée, fût-ce implicitement, voire
nourrie au plus haut sommet de l'Etat, eu égard au peu de sacrifices
consentis par les différents gouvernements successifs en vue de
révolutionner, réellement, ce système d'ostracisme.
Par souci d'objectivité, nous reconnaissons volontiers
qu'il y a d'autres variables explicatives aux phénomènes
d'inaccessibilité et de la mauvaise qualité des services publics
en Haïti, mais les déterminants identifiés plus haut y sont
pour beaucoup. Le citoyen ordinaire de la capitale, Port-au-Prince, où
quasiment tout l'appareil administratif de l'Etat est centralisé, se
plaint, entre autres, quotidiennement devant les différents services de
l'Administration de la lenteur dans le traitement de ses dossiers, de longues
files d'attente sans espérer accéder au service, de
l'inégalité de traitement et de l'accueil qui dénote fort
bien l'irrespect de la dimension humaine de l'usager. Ainsi, est-ce monnaie
courante d'observer, déjà à la capitale où tout est
centralisé, des citoyens se lever et prendre la rue à une heure
indue afin d'arriver parmi les premiers devant un service de l'Administration
à quatre heures (4h00) du matin, quand ce n'est pas plus tôt,
espérant pouvoir remplir ses obligations fiscales ou réclamer un
document administratif quelconque. Si tel est le cas du citoyen vivant à
la capitale, quid du citoyen vivant dans les provinces,
c'est-à-dire en dehors de la capitale où souvent il faut
parcourir des dizaines et parfois des centaines de kilomètres pour
trouver une trace matérielle de l'existence de l'Etat?
C'est dans cette optique, que les naissances ne sont pas
toujours déclarées, que le paysanhabitant met certaines fois
plusieurs jours pour venir à la capitale retirer un passeport ou toutes
autres pièces d'identité et/ou documents administratifs pour
servir et valoir ce que de droit.
C'est le cas de dire que l'Administration d'Etat, via
les services centraux et les services locaux de l'Etat, est loin
d'être une Administration de service dans laquelle servir et
satisfaire
15 Dans son ouvrage intitulé : «
L'Univers rural haïtien : Le pays en dehors », publié
en 1990 chez l'Harmattan.
l'administré seraient des priorités. Cet
état de fait relève d'une tradition dans l'Administration
publique haïtienne. Par conséquent, la crise de
l'accessibilité et de la qualité des services offerts par
l'Administration ne date pas d'hier. C'est une somme de pratiques
politicoadministratives séculaires, voire ancestrales, qui se trouvent
aux antipodes de la culture des résultats, de la logique de la
performance et qui continuent de ternir l'image ou du moins traduire la
réalité quotidienne de l'Administration dans ses rapports avec
les citoyens. Ce constat est aussi vrai pour l'Administration centrale,
l'Administration déconcentrée et les organismes autonomes qui
rentrent dans le cadre de ce qu'il convient d'appeler, suivant l'expression
juridique consacrée, la décentralisation fonctionnelle ou encore
la décentralisation par services.
Par ailleurs, cet état des lieux non satisfaisant
trouve, entre autres, ses explications dans d'autres phénomènes,
comme ceux de la corruption, du favoritisme ou du népotisme, que l'on
peut observer au quotidien en observant l'Administration publique.
B. La corruption, le favoritisme et le
népotisme
En Haïti, on entend parler de corruption à
longueur de journée presque dans tous les secteurs d'activité de
la société. Ce qui revient à dire qu'une Administration
publique saine serait surprenante et tiendrait même à la limite du
défi dans un environnement global pareil. Ajouter à cela, la
conception assez partagée de l'Etat comme une vache à lait
où l'on peut rapidement s'enrichir, moyennant certaines acrobaties et la
résolution de se débarrasser de toute éthique.
A titre indicatif, Amary Joseph Noël, professeur
d'Université en Haïti, a commencé une lettre ouverte au
Président de la République d'Haïti élu, Michel Joseph
Martelly, dont l'objet est : « Conseil au nouveau Chef d'Etat
d'Haïti », par la phrase que voici : « L'un des efforts
à réaliser par le nouveau gouvernement, c'est de mettre un frein
au sport le plus en vogue dans l'Administration publique haïtienne: LA
CORRUPTION16. »
16 Document posté le 11 mars 2011 sur le blog
de Jean Sénat Fleury, ancien Juge et directeur des études
à l'Ecole de la Magistrature. Il est disponible sur lien suivant:
22
Dans la même veine, on a entendu plus d'une fois des
autorités politiques haïtiennes dénoncer publiquement la
corruption qui gangrène le secteur public, particulièrement
l'Administration publique. Ainsi, pouvait-on entendre, dans un discours public
du Président de la République René Préval, la
phrase suivante : «Des efforts ont été consentis dans la
lutte contre la corruption ; je peux vous dire que la lutte contre la
corruption est la plus difficile, parce que la corruption est forte, ses
racines sont profondes... »17
De son côté, l'ONG, Transparency
International, dans le cadre de sa publication annuelle, depuis 1995, de
l'indice de perception de la corruption dans le secteur public de la
majeure partie des pays de la planète, classe Haïti
146ème/ 178 pays avec un indice de 2.2 sur 10 en
201018, après l'avoir classé 168ème/
180 pays avec un indice de 1.8 sur 10 en 200919 et
177ème/180 pays juste après l'Afghanistan et juste
avant l'Irak avec un indice 1.4 sur 10 en 2008.20
Autant dire que la preuve de la corruption au niveau de
l'Administration publique haïtienne n'est plus à établir.
Néanmoins, cette dernière est loin d'être un
phénomène isolé. En plus de l'indépendance fictive
du Pouvoir judiciaire vis-à-vis du pouvoir politique et son
délaissement, expliquant la perpétuation de la corruption restant
fort souvent impunie, les conditions réelles d'accès à
l'emploi public, en général, expliquent aussi en grande partie le
phénomène.
En fait, la Constitution et les lois de la République
définissent assez clairement les conditions d'accès aux emplois
publics, mais dans la pratique de tous les jours, le favoritisme et le
népotisme paraissent valoir encore leur pesant d'or aux yeux de plus
d'un. Comment alors demander à un agent public de se penser en serviteur
de l'Etat ou de l'usager quand il ne
http://www.jsf-post.com/2011/03/01/conseils-au-nouveau-chef-d%E2%80%99etat-d%E2%80%99haiti/
La page est consultée le 23 juillet 2011.
17 Posté sur la toile de Alter Presse,
le jeudi 03 janvier 2008 sur le lien suivant :
http://www.alterpresse.org/spip.php?article6809
La page est consultée le 23 juillet 2011.
18 Données disponibles sur le site web de
transparency International, sur le lien :
http://www.transparency.org/policy_research/surveys_indices/cpi/2010/results
La page est consultée le 23 juillet 2011.
19 Données statistiques disponibles sur le site
web de Transparency International sur le lien suivant :
http://www.transparency.org/policy_research/surveys_indices/cpi/2009/cpi_2009_table
La page est consultée le 23 juillet 2011.
20 Données statistiques disponibles sur le site
web de Transparency International à partir du lien suivant :
http://www.transparency.org/news_room/in_focus/2008/cpi2008/cpi_2008_table
La page est consultée le 23 juillet 2011.
doit pas sa fonction au mérite, mais plutôt
à une faveur, ou à ses accointances, ou à son zèle
de militant politique, ou encore à ses liaisons amoureuses ou son lien
de parenté avec une personnalité bien placée ? Le
problème réel tient du fait que la plupart des agents
appelés à travailler dans l'Administration publique, n'y rentrent
pas par conviction, et encore moins en fonction de leur mérite ; ils
sont généralement casés dans l'Administration pour
« gagner leur pain quotidien », pour « brasser
» ou « défendre leur vie », comme on se
complait à les répéter dans les milieux du secteur public
en Haïti. En un mot, la mission première de cette catégorie
d'agents publics c'est de se servir eux-mêmes au détriment du
Trésor public et aux dépens de l'usager du service public.
En revanche, si ces vieilles pratiques du secteur public
haïtien continuent encore de rythmer le quotidien de l'Administration
publique, le citoyen a toutefois de bonnes raisons de se croire en droit de
réclamer des services publics de qualité. De plus, les bailleurs
de fonds internationaux, de leur côté, ne sont pas moins
légitimes à exiger une Administration publique saine et efficace,
vu que le pays arrive à un carrefour dans sa descente où il ne
peut plus, semble-t-il, sortir de l'assistanat dans lequel il s'enlise de plus
en plus.
§ 2. - Le contexte de l'adoption de la Constitution
de 1987 et la dépendance financi~re d'Haïti
On se complait généralement à le
répéter : « La tradition a la vie dure ». Des
pratiques vieilles de plusieurs décennies dans une Administration
publique, telle que présentée plus haut avec toute la
complexité des enjeux qui entourent ce mode de fonctionnement, ne
peuvent pas certes être changées par décret ; nous
l'admettons volontiers. D'ailleurs, le rejet systématique de la
population haïtienne du statu quo ante le 07 février 1986
qui allait être formellement traduit par l'adoption définitive de
la nouvelle Constitution de 1987 et le constat de la perpétuation des
mêmes vieilles pratiques, plus de 20 ans après, dans
l'Administration publique haïtienne montre bien que la panne n'a pas
été franchie.
En revanche, une Administration publique saine et efficiente
était, entre autres, le voeu de la population haïtienne qui ne
supportait plus que des agents publics se servent eux-mêmes au lieu
servir dignement et efficacement l'usager des services publics (A).
24
De plus, le fait qu'Haïti soit de plus en plus tributaire
de l'aide internationale donne une certaine légitimité aux
bailleurs de fonds internationaux d'exiger eux aussi, de leur côté
et à leur façon, une Administration publique saine et efficace
(B).
A. Des aspirations légitimes du citoyen à des
services publics de qualité
Le régime de dictature des DUVALIER21 ayant
régné pendant une trentaine d'années en Haïti
effrayait une bonne partie de la population et a également laissé
derrière lui des souvenirs troublants eu égard à la
banalisation de la protection des libertés publiques et de
l'annihilation de la participation active du citoyen haïtien à la
vie publique de son pays.22 Il s'agissait bien d'un système
politique qui niait la liberté et la légitimité du citoyen
à prendre, par la voie qu'il choisit, une part active à l'action
publique dans son pays. Comment alors un pareil régime pourrait-il
placer le citoyen au centre de ses préoccupations ? Comment vouloir
prétendre travailler à la satisfaction d'un citoyen muselé
? L'Etat, par le biais de son Administration publique, peut-il satisfaire le
citoyen qui ne jouit pas du droit d'opinion, voire la liberté
d'expression ?
Par ailleurs, le 07 février 1986, marquant la chute du
régime des DUVALIER, suite à une insurrection populaire, a
cristallisé le ras-le-bol de la majeure partie de la population
haïtienne qui ne voulait plus de ce système oppressif. Un peu plus
d'un an après, soit le 29 mars 1987, l'adoption, par
référendum, à la quasi-unanimité d'une nouvelle
Constitution, portant bien évidemment abrogation totale de l'ancienne,
matérialise une révolution juridico-
21 Temps politique en Haïti, allant de 1957
à 1986, marqué par la présidence à vie du Docteur
François DUVALIER dit Papa Doc (1957-1971) et son fils Jean-Claude
DUVALIER dit Baby Doc (1971-1986).
22 Dans un rapport de 64 pages publié en
date du 04 avril 2011 par Human Rights Watch, organisme de
défense des droits humains, intitulé : « Haïti, un
rendez-vous avec l'histoire. Les poursuites contre Jean-Claude DUVALIER »,
l'organisation fait un rappel de la nécessité de mener
à bien une enquête et des poursuites suites aux graves violations
des droits humains commises sous la dictature de DUVALIER. Ledit rapport est
disponible sur le lien suivant :
http://www.hrw.org/fr/reports/2011/04/14/ha-ti-un-rendez-vous-avec-l-histoire-0
De plus dans un communiqué publié le 14 avril
2011 sur le site officiel de Alter Presse, on a pu lire la
déclaration suivante de Reed Brody, conseiller juridique auprès
de HUMAN Rights Wacth : «Le procès de Duvalier
pourrait s'avérer être l'affaire criminelle la plus marquante de
toute l'histoire d'Haïti ». Le communiqué est disponible
sur le lien suivant :
http://www.alterpresse.org/spip.php?article10911
Les deux pages sont consultées le 22 juillet 2011.
politique d'importance. Le peuple, comme constituant
originaire, a fait la preuve qu'il veut que soit institué un
régime empreint de la philosophie politique libérale avec bien
évidemment la logique d'un Etat serviteur plutôt qu'oppresseur.
Or, l'Administration publique reste et demeure l'un des moyens pratiques dont
l'Etat dispose pour servir ses citoyens. Par voie de conséquence, les
aspirations du citoyen haïtien à des services publics de
qualité dans le schéma du nouveau système
politico-administratif institué par la Constitution de 1987 sont pour le
moins légitimes.
Le droit du citoyen à des services publics de
qualité et accessibles est un acquis démocratique payé au
prix fort. D'ores, l'Etat, en dépit de ses limites en ressources
humaines qualifiées, ses limites d'ordre économique,
technologique, infrastructurel ou autres, se doit de garantir et de permettre
la réalisation de ce droit. C'est une responsabilité qui lui
incombe et dont il ne peut se décliner même sous le
prétexte que la réalisation de cette mission tiendrait du
défi.
En effet, généralement, l'un des
éléments essentiels de cette notion de service public de
qualité reste et demeure la constance dans l'amélioration de
l'information et de l'accueil de l'usager en vue de sa satisfaction. Sur ce
point, nous l'avons déjà abordé plus haut, les conditions
sont loin d'être réunies pour parler d'éventuelle
satisfaction des usagers de l'Administration publique haïtienne.
Néanmoins, un acquis important relativement à un aspect de cette
question permet d'avancer que la tradition, aussi pesante soit-elle, ne peut
pas toujours faire échec aux attentes légitimes des citoyens dans
leur rapport avec l'Administration. Cet acquis consiste au fait qu'un usager
peut aujourd'hui s'adresser en créole23, la seule langue
parlée et comprise par la quasi-totalité des Haïtiens,
à un Agent d'un service public pour s'informer ou régler une
démarche administrative quelconque.
Là encore, faut-il bien y apporter une sourdine, car
dans l'idiosyncrasie de bon nombre d'agents de l'Administration publique
haïtienne, comme c'est d'ailleurs le reflet de la perception dans une
bonne partie de la société, le Français reste et demeure
une langue supérieure au Créole, de telle sorte que même si
vous avez la latitude de vous exprimer en
23 La Constitution de 1987 a consacré le
Créole comme langue officielle au même titre que le
français. Jusque-là le français, parlée par une
minorité de privilégiés dans la population, était
considérée comme la seule langue de l'Administration publique. De
son côté, le Créole, parlé et compris par la
quasi-totalité des Haïtiens, n'avait pas droit de cité. Cela
traduit bien la volonté affichée de l'Etat, dans le statu quo
ante, de ne pas servir une catégorie d'usagers ou de les exclure
purement et simplement.
26
Créole, vous avez quand même intérêt
à le faire plutôt en Français, si vous êtes en
mesure, car ainsi êtes-vous susceptible d'être traité avec
plus d'attention et d'égard, voire avant un autre usager ne pouvant
s'exprimer qu'en Créole et qui était arrivé au service
bien avant. Donc, le principe « Premier arrivé, premier servi
» ne vaut plus son pesant d'or.
En somme, compte de ce qui précède, vous aurez
compris qu'en dépit des aspirations légitimes du citoyen et des
acquis fragiles, beaucoup reste à faire en vue de transformer
l'Administration publique haïtienne afin de la rendre capable d'offrir des
services publics de qualité. Ces efforts auront contribué
à la satisfaction des usagers et aussi à crédibiliser
l'Etat haïtien aux yeux des acteurs internationaux dont les pressions en
vue d'une Administration saine et performante sont pour le moins
légitimes.
B. De la légitimité des pressions des
acteurs internationaux en vue d'une Administration publique
efficace
La dépendance financière d'Haïti
vis-à-vis de la communauté internationale va croissante. Le pays
produit de moins en moins de richesses pour assurer son propre
développement ; parallèlement la libéralisation des
échanges commerciaux accélère la pauvreté et la
dépendance.24
En outre, la dépendance financière du pays
vis-à-vis de la Communauté internationale se traduit aussi assez
concrètement dans le budget national du pays25. Si, en
principe, « le budget
24 Sur le site web du CADTM, Comité pour
l'annulation de la dette du Tiers-Monde, Sophie Perchellet, dans sa
contribution ( Haïti sous ajustement
structurel) dans un article collectif intitulé :
« Construire ou reconstruire Haïti ? », dresse un
tableau sombre de la détérioration, aux dépens
d'Haïti, des termes de l'échange commerciale depuis le tournant
néolibéral accentué à partir de 1986. Il donne des
explications à la dégradation de la pauvreté et de la
dépendance vis-à-vis de la Communauté internationale. La
page est disponible sur le lien suivant :
http://www.cadtm.org/Construire-ou-reconstruire-Haiti,6647
L'article est publié le 12 septembre 2010 et la page est
consultée le 20 juillet 2011.
Les données statistiques de la Banque Mondiale sur
Haïti viennent en renfort à cette analyse de Mme S. Perchellet.
http://donnees.banquemondiale.org/pays/haiti
Page consultée à la même date.
25 Pour l'exercice fiscal 2010-2011, le budget
national de 106, 3 milliards de gourdes (1 dollar US = 41 gourdes)
dépend à hauteur de 70% des contributions de la Communauté
internationale. Dans un bulletin publié en date du 14 décembre
2010 sur le site web de radio Signal FM, on a pu lire les explications
suivantes du Ministre de l'économie et des finances, Ronald Baudin,
relativement au retard observé dans l'élaboration dudit budget :
«Normalement, ce budget qui accuse un certain retard dans son
élaboration aurait dû être adopté avant le 1er
octobre. Mais à cause de certaines contraintes, notamment les
négociations sur l'appui budgétaire avec les
28
de l'Etat traduit des choix politiques
»26, on aura vitement compris, de ce fait, le poids de la
Communauté internationale dans l'orientation des politiques publiques
adoptées dans divers domaines en Haïti, puisque cette
dernière apporte en général sous forme de dons ou de
prêts les 2/3 du budget. A l'inverse, si cet apport fait défaut,
l'Administration publique est susceptible d'être paralysée. Dans
des conditions pareilles, la Communauté internationale,
particulièrement les institutions financières internationales et
les autres bailleurs de fonds dans le cadre de la coopération
bilatérale et/ou multilatérale se doivent de s'assurer d'une
gestion efficace des fonds alloués et de la performance des politiques
mises en oeuvre. Or, comment parvenir à cet objectif sans une
Administration publique efficiente ?
La performance de l'Administration publique devient une
condition sine qua non de l'efficacité de l'aide internationale
dont dépend en majeure partie la mise en oeuvre effective des politiques
publiques dans divers domaines de la vie nationale. D'où les
interventions multiples et multiformes des acteurs internationaux en vue de
rendre l'Administration publique efficiente.
Ainsi, pourrait-on se demander, à bon droit, si la
quête de performance de l'Administration publique haïtienne par les
acteurs internationaux aurait la même finalité que les exigences
des citoyens haïtiens, par souci d'altruisme. En d'autres termes, les
acteurs internationaux, cherchent-ils uniquement à rendre
l'Administration publique haïtienne capable de mettre en oeuvre des
politiques publiques qu'ils ont orientées dans leurs propres
intérêts ou cherchent-ils à renforcer effectivement les
capacités de l'Administration publique du pays à mieux servir les
usagers avec peu de moyens et quels serait alors le mobile de leur action ?
En somme nous avons vu que le poids de la tradition au niveau
de l'Administration publique haïtienne vient faire échec aux
attentes des citoyens et des acteurs internationaux en dépit de la
légitimité, pour des raisons différentes, desdites
attentes. Par ailleurs, ce constat de crise de performance de l'Administration
publique haïtienne se révèle aussi et surtout
particulièrement par les insuffisances de la Fonction publique et des
fonctionnaires.
partenaires de la communauté internationale qui ont
duré plus que prévu, c'est avec deux mois et demi de retard que
nous présentons ce budget ». Cf :
http://www.signalfmhaiti.com/index.php?option=com_content&view=article&id=3153:haitiexercice-fiscal2010-2011-le-budget-annuel-depasse-les-100-milliards-de-gourdes-pour-la-premiere-fois&catid=34:politique
Cette page est consultée le 03 août 2011.
26 Lexique des sciences politiques, page
42.
Section II
Des insuffisances de la Fonction publique et des
fonctionnaires
Dans une allocution du greffier du Conseil privé et
secrétaire du Cabinet conseil canadien des chefs d'entreprise (CCCE),
lors du sommet national sur les politiques, publiée le 26 septembre
2006, nous avons pu lire les lignes que voici : «.. Je crois qu'il
existe une étroite corrélation entre des politiques publiques
judicieuses et une excellente Fonction publique. La Fonction publique peut
avoir un point de vue à long terme sur les défis en
matière de politique que doit relever un pays et investir dans l'analyse
pour présenter aux gouvernements un éventail complet de
possibilités d'action. »27
Par ailleurs, dans une note intitulée : «
Donner aux fonctionnaires haïtiens les moyens de servir leur
concitoyens », publiée sur le portail officiel de l'Agence
canadienne de développement international (ACDI), nous avons pu
lire les phrases que voici : « La Fonction publique est la pierre
d'assise de l'Administration d'un pays. Si la Fonction publique
s'écroule, un gouvernement entier peut se retrouver paralysé.
»28
Tenant compte de ce qui précède et sachant que
bon nombre de carences liées à la Fonction publique et aux
fonctionnaires en Haïti ne datent pas d'aujourd'hui29, nous
pouvons affirmer que la crise d'efficience observée dans
l'Administration publique nationale en Haïti est liée entre autres
et surtout en grande partie aux insuffisances chroniques observées dans
la Fonction publique de l'Etat et chez l'ensemble des agents publics permanents
de l'Etat.
27 Cf :
http://www.pco-bcp.gc.ca/index.asp?lang=fra&Page=clerk-greffier&Sub=archives&Doc=20060926-
fra.htm La page est consultée le 06 août 2011.
28 Note écrite dans le contexte
post-séisme (un séisme de magnitude 7.3 sur l'échelle de
Richter a eu lieu en Haïti le 12 janvier 2010), rappelant, entre autres,
que pas moins de 17% des fonctionnaires ont trouvé la mort à
l'occasion dudit séisme. La note rappelle, in fine : «
Être fonctionnaire dans les conditions actuelles en Haïti, c'est
plus qu'un emploi, c'est un acte de citoyenneté. »
Cf :
http://www.acdi-cida.gc.ca/acdi-cida/ACDI-CIDA.nsf/fra/FRA-52713958-N5S
La page est modifiée le 29 juin 2011 et consultée
le 06 août 2011.
29 Nous en voulons pour preuve l'intitulé du
sujet de la these de doctorat du professeur Haïtien, Monferrier Dorval :
« La problématique de la Fonction publique en Haïti
», thèse dirigée par Jean-Claude Ricci, soutenue le 08
juillet 1992 à Marseille, Université Aix-Marseille III.
Dans un premier temps, nous aborderons la problématique
de la qualification des fonctionnaires et de l'attractivité de la
Fonction publique (§ 1), pour ensuite exposer, sans aucune
prétention d'être exhaustif, la crise de la responsabilisation et
du management des ressources humaines de l'Etat (§ 2).
§ 1.- Le problème de la carence de
qualification des fonctionnaires et de la « faiblesse » de
l'attractivité de la Fonction publique
Suivant, respectivement, les articles 8 et 9 du décret
portant révision du Statut général de la Fonction
publique30 : « Est fonctionnaire tout agent public de
nationalité haïtienne nommé à un emploi permanent
à temps complet et titularisé dans un grade de la
hiérarchie administrative. " et «La Fonction publique
regroupe l'ensemble des agents publics ayant la qualité de
fonctionnaires. "
D'emblée, nous précisons que dans le cadre de
nos analyses, nous limitons ici notre objet d'étude aux agents publics
titulaires des emplois permanents de l'Administration publique nationale, en
l'occurrence les fonctionnaires de l'Etat, stricto sensu, à
l'exclusion des titulaires des emplois non permanents, en l'occurrence les
contractuels, correspondant à un besoin saisonnier ou occasionnel,
suivant les propres termes des articles 2 et 6 du décret
précité. De même, il va sans dire que ces réflexions
ne se portent pas sur les problématiques de la Fonction publique
territoriale.31
Une fois notre champ d'analyses et de réflexions
précisé, d'ores, nous présentons en premier lieu la
question de la complexité du problème de la qualification des
fonctionnaires (A) et en second lieu le problème de
l'attractivité de la Fonction publique et celui corrélatif de la
fuite des cadres (B). Néanmoins, les deux problèmes sont
liés ; c'est comme le dilemme de l'oeuf et de la poule. A titre
indicatif, on peut se demander à bon droit si l'un n'engendre pas
l'autre et vice versa.
30 Donné au Palais national, à
Port-au-Prince, le 17 mai 2005, An 202ème de
l'Indépendance, par Me Boniface Alexandre, sur le rapport du Premier
Ministre et après délibération en Conseil des
Ministres.
31 Le Statut général de la Fonction
publique territoriale fait l'objet d'un autre décret adopté au
Palais national, à Port-au-Prince, le 1er février
2006, An 203ème de l'Indépendance, par Me Boniface
Alexandre, Président Provisoire de la République, sur le rapport
du Ministre de l'intérieur et après délibération en
Conseil des Ministres.
30
A. La complexité du problème du «
faible » niveau de qualification des fonctionnaires
Aux termes de l'article 236-2 de la Constitution
haïtienne du 29 mars 1987, actuellement en vigueur en Haïti, il est
spécifié, expresis verbis : « La Fonction
publique est une carrière. Aucun fonctionnaire ne peut être
engagé que par voie de concours ou autres conditions prescrites par la
Constitution et par la loi... ».
Pour sa part, le décret portant révision du
Statut général de la Fonction publique32,
précisant les conditions d'accès à la Fonction publique,
dispose, respectivement, en ses articles 50, 51 et 52 : « Le
recrutement vise la sélection sur concours des candidats à la
Fonction publique apte à exercer certaines fonctions. » ; «
Les concours dans la Fonction publique peuvent être internes ou externes.
Ils sont organisés soit sur épreuve, soit sur titre, selon la
nature des emplois à pourvoir. » ; « Les modalités de
concours dans la Fonction publique sont établies par arrêté
du Premier Ministre ».
Par voie de conséquence, il est clair que les
conditions d'accès à la Fonction publique sont juridiquement
encadrées en Haïti. De plus, le professeur Enex Jean-Charles
rappelle que le concours, comme mode de recrutement des fonctionnaires, «
représente une garantie fondamentale du principe d'égale
admissibilité à la Fonction publique.
»33.
En revanche, entre les prescrits du corpus juridique
haïtien relativement à l'accessibilité et au recrutement des
fonctionnaires et les pratiques observées au niveau de l'Administration
publique, la panne n'est pas toujours franchie.
D'abord, dans un pays où la proportion des personnes
ayant atteint le niveau universitaire n'est que de 1.1%34, il parait
évident que les ressources humaines qualifiées soient, en
principe, rares. Qui plus est, le niveau de la quasi-totalité des
universités en Haïti ne dépasse
32 Op. cit.
33 ENEX, Jean-Charles. Manuel de droit
administratif haïtien, page 299.
34 Suivant les données statistiques de
l'Institut haïtien de statistique et d'informatique (IHSI),
l'équivalent de l'INSEE (Institut national de la statistique et des
études économiques) en France. Ces données sont mises
à jour sur le site web de l'IHSI en date du 14 aoüt 2011 et la page
est consultée à la même date.
Cf :
http://www.ihsi.ht/rgph
resultat ensemble education.htm#
pas la licence générale35, mis
à part le fait que, de surcroît, les cursus offerts par les
différentes facultés ne sont pas toujours actualisés et
adaptés aux nouveaux besoins du marché et de la
société en général.
Ensuite, ajouter à tout cela, les pratiques de
copinage, pantouflage, militantisme, trafic d'influence et clientélisme
au niveau de l'Administration publique en Haïti. Dans ces conditions,
c'est le cas de le dire, le problème de la qualification des
fonctionnaires est, pour le moins, complexe. Certes, il existe une Ecole
nationale d'Administration financière (ENAF) dont la
réouverture n'a eu lieu qu'en octobre 2005 et qui offre surtout un
programme de formation en deux ans de technicien en finances publiques.
Néanmoins, cette école dont la pauvreté du cursus parait
évidente et gérée par le Ministère de
l'économie et des finances est amplement insuffisante pour fournir
à l'Administration publique des cadres qualifiés avec une
formation adaptée en vue de sa performance malgré le peu de
moyens ; ce qui requiert un fort niveau d'inventivité36.
De plus, vu la complexité de ce problème, telle
que exposée plus haut, même une grande école de la trempe
de l'ENA (Ecole nationale d'Administration) en France ou encore de
l'ENAP (Ecole nationale d'Administration publique) au Canada
ne suffirait pas en Haïti, semble-t-il, pour faire face à cette
crise chronique de manque de qualification des agents publics permanents de
l'Etat, puisque le problème est aussi lié à de vieilles
pratiques sociopolitiques et administratives.
En effet, le RNDDH (Réseau national de
défense des droits humains), dans un rapport publié en
juillet 2011, intitulé : « 37Haïti
Corruption : Le RNDDH appelle à la fin du
35 Bac+4 et mémoire de licence avec soutenance
; ce qui correspond, en grosso modo, au Master 1 français dans
le système LMD.
36 C'est d'ailleurs dans cette optique qu'un
programme de maîtrise en Administration publique, baptisé : «
Projet d'appui au renforcement de la gestion publique du pays (PARGEP)
a été inauguré, sous le Gouvernement de Madame
Michèle Duvivier Pierre-Louis, au campus universitaire de l'Institut
de la francophonie pour la gestion de la caraïbe (IFGCar) avec
l'appui du Gouvernement canadien, via l'ENAP du Québec, en juin 2009.
La note est publiée sur le site web du journal Le
Nouvelliste en date du 03 juin 2009. La page est consultée le 10
août 2011.
Cf :
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=70909&PubDate=2009-06-11
37 Curieusement, tous les parlementaires dont les
noms ont été cités se sont présentés aux
récentes élections sous la bannière de la plateforme
Inite (Unité, en français) de l'ancien président
René Préval et du sénateur Joseph Lambert. Douze d'entre
eux ont été réélus. Or, c'est le Gouvernement sous
la présidence de René Préval qui est encore sur place,
gérant les affaires courantes, vu que les deux Premiers ministres
choisis par le nouveau Président de la République, Michel Joseph
Martelly, n'ont pas été ratifiés par le Parlement.
32
gaspillage et du copinage au sein de l'Administration
publique »38, dénonce, entre autres, la constance
du copinage comme caractéristique de l'Administration publique
haïtienne. Le cas dénoncé ici est celui de parlementaires
qui seraient gracieusement rémunérés par le
Ministère de l'intérieur en qualité de « consultants
», alors que suivant les prescrits de la Constitution haïtienne de
1987, le mandat parlementaire est incompatible avec toute autre fonction
rétribuée par l'Etat, nonobstant celle
d'enseignant.39
D'aucuns pourraient toujours arguer qu'il s'agit ici d'un cas
touchant des contractuels. Cependant, nous devons faire remarquer que ces
genres de situation ne sont pas étrangers à la Fonction publique
proprement dite, car les informations sur les places vacantes, donc sur les
concours en vue d'accéder à la Fonction publique ne font pas
toujours l'objet de publication. Cette situation a pour effet de limiter ou de
relativiser le but recherché dans l'institution du concours, par la
Constitution, comme mode principal d'accession à la Fonction
publique.
Cet ensemble, ajouté au problème de
l'attractivité de la Fonction publique et celui de la fuite des cadres
(B), explique, en partie, la complexité de la carence de qualification
dans la Fonction publique.
B. Le problème de la « faiblesse ~ de
l'attractivité de la Fonction publique et la fuite des
cadres
Dans un monde de plus en plus globalisé, à
l'ère de l'économie du savoir, les ressources humaines les mieux
instruites, de par le monde, sont recherchées, parce que, entre autres,
garantes de l'avantage compétitif. D'où, l'importance des
leviers, la qualité de l'emploi par exemple, visant à renforcer
l'attractivité des entreprises productrices de biens et services. Ainsi,
le secteur public rentre-t-il en concurrence avec le secteur privé en
vue de garder ou d'attirer les ressources humaines les mieux qualifiées
et compétentes en vue de la performance.
Cette information a été recueillie sur le site web
du journal Le Nouvelliste. Sa substance a été
publiée en date du 29 juillet 2011 et nous avons consulté la page
le 10 août 2011.
Cf :
http://www.lenouvelliste.com/articles.print/1/95458
38 Cf :
http://www.rnddh.org/IMG/pdf/RNDDH_CORRUPTION_1.pdf
Pages 1 et suivants. Le lien est consulté le 10 août
2011.
39 Cf : article 129-1 de la Constitution.
Par contre, ce qui fausse la concurrence dans ce domaine entre
le public et le privé c'est le manque de moyens financiers
observé dans le camp du public, surtout dans les pays en voie de
développement. Puisque l'Etat, en principe, n'est pas animé par
l'idéal du profit, comme le sont les entreprises du secteur
privé, il fait face souvent à de sérieuses
difficultés de pouvoir toujours offrir la même qualité de
l'emploi que le secteur privé pourrait bien offrir pour se payer les
meilleurs cadres D'où l'attrait du secteur privé par rapport au
secteur public.
C'est dans cette perspective qu'en Haïti, on assiste
désespérément à un exode massif des cerveaux vers
l'étranger, comme le témoigne un rapport de la Banque Mondiale
révélant que huit Haïtiens et Jamaïcains sur dix (8/10)
détenant un diplôme universitaire vivent hors de leur
pays.40 Cette migration internationale du capital humain
qualifié d'Haïti ne laisse certainement pas intacte la Fonction
publique, à telle enseigne que la Banque interaméricaine de
développement (BID) a approuvé dix millions (10) de dollars US
à Haïti pour un programme destiné à attirer les
cadres de la Diaspora vers le secteur public. C'est une « action
visant à lutter contre la fuite des cerveaux, à développer
la Fonction publique et à améliorer l'efficacité du
Gouvernement », suivant les propres termes du communiqué de
presse de la BID.41
Par ailleurs, le secteur privé haïtien, les
organisations internationales (O.I.) et non gouvernementales (ONG) ravissent
à la Fonction publique bien des cadres qualifiés42.
En effet, selon les résultats de l'Enquête
Diagnostique sur la Gouvernance43: « Seuls 5.2% des
agents du secteur public ont estimé que leur salaire était
suffisant ou très suffisant
».
40 Information trouvée dans un
communiqué publié sur le site web de la Banque Mondiale le 25
octobre 2005. La page est consultée le 10 août 2011. Cf
:
http://go.worldbank.org/7J357LTEE0
Le rapport s'intitule : « Migration internationale,
rapatriement de fonds et fuite des cerveaux » et publié en
2005.
41 Cf : Site web de la Banque
interaméricaine de développement. Communiqué de presse
publié le 13 décembre 2006. La page est consultée le 10
août 2011.
http://www.iadb.org/fr/infos/communiques-de-presse/2006-12-13/la-bid-approuve-10-millions-a-haiti-pour-unprogramme-destine-a-attirer-les-cadres-de-la-diaspora-vers-le-secteur-public,3527.html
42 Suivant un rapport conjoint de l'Organisation de
Coopération et de Développement économiques (OCDE) et de
l'Agence canadienne de Développement international (ACDI),
intitulé : « Suivi des principes d'engagement international
dans les Etats fragiles et les institutions précaires », les
deux acteurs partagent leur appréhension par rapport aux écarts
importants de rémunération entre les salaires de la Fonction
publique et ceux des acteurs internationaux. Ils ont pu constater que cela
entraine une fuite des cerveaux vers les agences internationales.
Cf : Le dit rapport est disponible sur le site web de
l'OCDE sur le lien suivant :
http://www.oecd.org/dataoecd/39/7/44654672.pdf
Le rapport est publié en 2010 ; page 9. Cette page est
consultée le 10 août 2011.
34
Les doléances spécifiques concernent surtout le
faible niveau de salaire, les retards de salaire et les maigres avantages
sociaux. Comment alors, dans une telle situation, l'Etat, peut-il arriver
à fidéliser ses Fonctionnaires afin de les garder au service de
l'intérêt général ?
Si les Fonctionnaires qui sont censés
déjà au service de l'Etat ne sont pas satisfaits de leurs
conditions de travail et accusent une certaine proportion à laisser la
Fonction publique à la premiere occasion, comment alors s'attendre
à ce que les cadres les mieux qualifiés du secteur privé
ou de la diaspora ou encore les jeunes frais émoulus de
l'Université se bousculent pour accéder à cette Fonction
publique ?
§ 2. La conception de « Fonctionnaire-poids
» entretenue par le secteur public et la quasi-absence du management par
objectifs
Suivant l'architecture budgétaire adoptée par
Haïti, le budget national est divisé en budget de fonctionnement et
budget d'investissement. Pour l'exercice fiscal 2008-2009, le budget de
fonctionnement de l'Etat haïtien s'élève à 100
milliards de gourdes (1€=60G, avril 2008), alors que les recettes de
l'Etat ne pouvait pas atteindre 40 milliards de gourdes. Donc le manque
à gagner d'environ 60 milliards de gourdes est apporté par la
Communauté internationale et représente à peu près
60% du budget de fonctionnement. Quant au budget d'investissement, n'en parlons
même pas ; il dépend quasiment à 100% de l'aide
externe.44
Dans ce contexte de raréfaction des ressources
financières et de telle dépendance vis-à-vis de l'aide et
des acteurs internationaux, la maitrise de la masse salariale au niveau du
secteur public haïtien devient un enjeu de taille. Ainsi, sous la pression
des acteurs internationaux, particulièrement les institutions
financières internationales, la politique salariale dans la Fonction
publique est pensée dans une perspective d'austérité.
43 Le rapport final, publié en janvier 2007,
s'intitule : « Gouvernance et Corruption en Haïti ». La
collecte et l'analyse des données sont assurées par le Bureau de
Recherche en Informatique et en Développement économique et
social (BRIDES). L'étude est commandée par l'Unité de
Lutte contre la Corruption (ULCC) avec l'assistance technique de l'Institut de
la Banque Mondiale (IBM). Rapport, page 73.
Cf : Ledit rapport est disponible sur le lien suivant :
http://siteresources.worldbank.org/INTHAITI/Resources/RAPPORT.pdf
44 Les chiffres sont tirés du site officiel de
« Afriquechos », dans une note publiée le 12
février 2011 par Ferdinand Mayega, intitulée : «
Haïti : La diaspora propose un plan de développement durable
».
http://www.afriquechos.ch/spip.php?article5052
. La page est consultée le 1er Août 2011.
Qui plus est, cette situation génère la
construction de tout un discours sur la nécessité de rationaliser
les dépenses publiques. L'un des pans de cette politique de
rationalisation consiste, sous l'incitation des acteurs de l'extérieur,
en l'adoption de politiques de réduction d'effectif dans la Fonction
publique. D'où la conception de « Fonctionnaire-poids »
développée par le secteur public haïtien.
Nous pouvons essayer de définir notre notion de «
Fonctionnaire-poids » comme « le fait pour l'Agent public permanent
de l'Etat d'être perçu, par le secteur public lui-même et
sur la suggestion des acteurs financiers internationaux, comme un fardeau pour
le trésor public dans un contexte raréfaction des ressources
financières, au lieu d'être vu comme une ressource et qui pourrait
potentiellement pourtant, par sa créativité et à condition
d'être qualifié, compétent et valorisé, être
le socle de l'optimisation des maigres ressources disponibles dans la
perspective de l'efficience de l'action publique. »
A ce moment, l'Administration publique disposant en principe de
trois (3) catégories de ressources, à savoir :
a) Les ressources juridiques
b) Les ressources matérielles
c) Les ressources humaines
ne tient, toutes proportions gardées, presque plus. Le
volet « ressources humaines » est transformé en fardeau
financier. L'accent est mis sur le coüt qu'il représente pour le
trésor public, sans même pouvoir se rendre compte effectivement du
rapport coüt/apport, car il n'est pas valorisé et son est beaucoup
plus qualitatif que quantitatif.
Une telle conception ou représentation des
Fonctionnaires par le secteur public luimême, sur la suggestion des
acteurs financiers internationaux, empêche d'abord la valorisation des
Fonctionnaires dans une dynamique de la recherche de la meilleure
qualité de service public possible au meilleur coût. Ensuite, le
Fonctionnaire à son tour devient démotivé. D'où des
insuffisances de rendement des Fonctionnaires.
En effet, cette suggestion des acteurs financiers
internationaux en période de crise et surtout de dépendance
financière participe aussi d'une certaine démarche de
36
reconceptualisation de l'Etat à partir d'un sous-bassement
théorique néolibéral. Donc c'est loin d'être
neutre.
Par ailleurs, depuis particulièrement la
décennie des années 1980 marquée par la crise
financière mondiale et l'incitation des institutions de Bretton Woods
à adopter des mesures d'ajustement structurel, l'Etat haïtien a
comme privilégié cette approche du Fonctionnaire. Entre-temps,
Haïti est le pays de la région de la Caraïbe ayant le plus
faible taux de pression fiscale, soit un taux de 10%.45 Quelle
politique publique a été mise place pour contrer les
phénomènes d'évasion fiscale et de fraude fiscale ?
Parallèlement, les méthodes de gestion publique
en Haïti n'offrent pas les conditions d'un modèle de management par
objectifs dans la Fonction publique. D'où la quasi-absence d'indicateurs
de performance des politiques publiques mises en oeuvre et donc de
l'évaluation de cette performance. Les insuffisances de la Fonction
publique et les Fonctionnaires en Haïti participent aussi de cette
logique. C'est le cas de dire qu'Haïti reste encore au stade de
l'Administration de moyens au sens où il s'agit de gérer des
crédits. Le pays n'a pas encore passé à la phase de
l'Administration de résultat, au sens où chaque gestionnaire
devra atteindre les résultats fixés.46
45 Cf. : Selon un article de Djems
Olivier, intitulé : « Le CRI lance le débat sur les
obligations fiscales des ONG », publié sur le site web du
journal Le nouvelliste en date du 24 mai 2011. La page est
consultée le 23 août 2011.
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=&ArticleID=92862
46 J.M. GORGUE. « La culture du
résultat », opere citato, page 3. L'auteur y développe
la notion d'Administration de résultat et celle d'Administration de
moyens.
Chapitre 2
La modernisation de la Fonction publique comme levier de
performance de l'S Q)i4istratio4 SXElique
Dans ce chapitre, nous faisons, d'une part, état des
tentatives de réformes de la Fonction publique en Haïti depuis la
décennie des années 1980 à nos jours tout en essayant
d'analyser et de chercher à comprendre la logique guidant lesdites
réformes et les éventuelles mutations dans le modèle du
management public (section I). Ensuite, nous essayons de dresser un bilan
desdites réformes engagées (section II).
Section I
Des tentatives de réforme de la Fonction publique
: Vers un nouveau modèle de management public ?
Dans cette section, nous faisons, dans un premier temps, une
présentation du cadre juridique et institutionnel de la réforme
à travers le temps tout en analysant les mutations observées
(§ 1). Dans un second temps, nous analysons les enjeux du processus de
réforme de la Fonction publique par rapport à la réforme
globale de l'Etat et de la gestion publique (§ 2).
§ 1. Le cadre légal et institutionnel de la
réforme : Entre tâtonnements et mutations
Le processus de réforme de la Fonction publique en
Haïti ne date pas seulement d'aujourd'hui. Il est certes mené,
entre autres, au rythme des crises sociopolitiques et institutionnelles qui
jalonnent l'histoire du pays, mais force est quand même de constater que
de différentes initiatives dans ce sens peuvent être
observées sous presque tous les gouvernements qui se sont
succédé depuis au moins la décennie 80. Quand un
gouvernement,
38
de jure ou de facto, ne prend pas directement
des mesures concrètes en vue de la réforme, on relève au
moins dans le discours politique qu'il tient la nécessité de
cette réforme.
La Commission administrative de 1981, qui avait
déjà existé depuis plusieurs années, selon le
professeur Enex JEAN-CHARLES47, a été
réorganisée par le décret du 08 avril 1981. Ce fut un
organe consultatif du Pouvoir Exécutif en matière de
réforme administrative et sa fonction fondamentale a été,
entre autres, de préparer des programmes de réforme portant sur
la réorganisation, l'adaptation de l'Administration publique et
l'organisation de la Fonction publique.
Les productions de cette commission chargée de
préparer la réforme au début des années 80's ont
surtout permis un avancement significatif, entre autres, au niveau de
l'adaptation et de la précision du cadre légal de l'organisation
et du fonctionnement de l'Administration publique et de la Fonction publique.
Pour ainsi dire, c'est suite aux travaux de ladite commission qu'ont
été adoptées la loi du 06 septembre 1982
définissant l'Administration publique nationale, la loi du 19 septembre
1982 établissant le statut général des agents de la
Fonction publique et le décret du 04 novembre 1983 portant organisation
et fonctionnement de la Cour supérieure des Comptes et du Contentieux
administratif (CSC/CA)48. Sauf leurs dispositions contraires
à la Constitution du 29 mars 1987 qui leur est postérieure et
supérieure dans la hiérarchie des normes juridiques, ces
instruments juridiques demeuraient jusqu'à tout récemment encore
en vigueur et servaient évidemment de guides à l'Administration
publique et à la Fonction publique.
Néanmoins, mise à part cette avancée
significative au niveau du corpus juridique à proprement
parler, nous n'avons pas pu déceler des actions concretes
d'opérationnalisation en vue du déclenchement d'une
réforme effective de la Fonction publique.
47 JEAN-CHARLES, Enex. Manuel de droit
administratif haïtien, page 290.
48 Aux termes, respectivement, des articles 200, 200-1
et 200-2 de la Constitution haïtienne de 1987, la CSC/CA :
« .est une juridiction financière,
administrative, indépendante et autonome. Elle est chargée du
contrôle administratif et juridictionnel des recettes et des
dépenses de l'Etat, de la vérification de la comptabilité
des entreprises d'Etat ainsi que de celles des collectivités
territoriales ».
« ~ connait des litiges mettant en cause l'Etat et les
collectivités territoriales, l'Administration et les fonctionnaires
publics, les services publics et les administrés ».
« Ses décisions ne sont susceptibles d'aucun
recours, sauf le pourvoi en cassation ».
Donc, il va sans dire que c'est une institution qui allait
être consacrée par la Constitution de 1987.
Par ailleurs, le 07 février 1986, suite à une
insurrection populaire, le Président à vie Jean-Claude DUVALIER a
dü laisser le pouvoir et prendre le chemin de l'exil. C'est le
début du processus de démocratisation de la société
haïtienne et de la vie politique en Haïti. C'est aussi l'âge
d'or de l'apologie des réformes de toutes sortes au sein de la
communauté politique. L'image de l'Etat est complètement
dégradée, les citoyens Haïtiens, par différents modes
d'expression populaires et différentes formes de l'action collective,
montrent clairement leur enthousiasme à vouloir participer dans la vie
politique de leur pays. Ils réclament, entre autres,
transparence et efficacité dans la
gestion de la chose publique.
D'où l'importance de légitimer ou
peut-être relégitimer l'Etat en vue de la gouvernabilité du
pays. Or, dans ce sens, l'Administration publique c'est l'un des points de
rencontre privilégiés entre l'Etat et les citoyens. Par voie de
conséquence, la Fonction publique regorgeait de figures de
personnalités qui, aux yeux de la population dans cette période
d'euphorie collective, symbolisaient le statu quo ante. Ainsi, le
peuple, dans sa majorité, réclamait aussi dans cette
période, à qui veut l'entendre, la chasse aux «
sorcières » au niveau de la Fonction publique.
Les différentes revendications les plus sensées
de la population haïtienne ont été prises en compte
déjà au niveau de la Constitution de 1987. Par contre, il a fallu
attendre l'avènement de la 45ème Législature et
l'arrivée au pouvoir du Président Jean-Bertrand ARISTIDE pour
l'adoption d'une loi, celle du 07 mars 1991, autorisant le Pouvoir
Exécutif à prendre toutes les mesures nécessaires en vue
de la réforme effective de l'Administration publique en
général, ce en application d'une disposition transitoire de la
nouvelle Constitution de 1987 retrouvée à l'article 295 et dont
le libellé est le suivant : « Dans les six mois à partir
de l'entrée en fonction du premier Président élu sous
l'empire de la Constitution de 1987, le Pouvoir Exécutif est
autorisé à procéder à toutes les réformes
jugées nécessaires dans l'Administration publique en
général et dans la Magistrature. »
Six mois après l'adoption de ladite loi d'application,
le pouvoir en place a été renversé par un putsch
militaire. Il a fallu encore attendre le retour au pouvoir du
Président de la République déchu, Jean-Bertrand ARISTIDE
pour la relance de la réforme au niveau de l'Administration publique en
général et la Fonction publique en particulier. Ainsi, dans les
années 1994-1995 a-t-on pu assister à la mise en oeuvre de
politiques de réduction du nombre
40
des Fonctionnaires de l'Etat. Le décret du 28 mars 1995
assouplissant les conditions d'éligibilité à la pension
civile de retraite vient, sinon accélérer, du moins mieux
encadrer juridiquement cette démarche.
En effet, selon le professeur Enex JEAN-CHARLES, pendant la
décennie précédant 1995, « la plupart des
réformes entreprises dans la Fonction publique ont visé
essentiellement à réduire le nombre de
Fonctionnaires49 ». Pour notre part, nous pouvons ajouter
que cette tendance se confirme même au-delà des années
95's. Nous en voulons pour preuve au moins la loi du 09 avril 1997 portant sur
le départ volontaire et la mise en retraite anticipée, le
décret du 21 avril 1998 portant sur le même objet tous deux
adoptés en vue de la réforme de la Fonction publique. C'est que
pendant toute cette période dite de « retour à l'ordre
constitutionnel » et celle qui l'a suivi, la vision de la
réforme de la Fonction publique se matérialisait fondamentalement
en des programmes d'encouragement au départ volontaire et à la
retraite anticipée en vue de réduire la taille de Fonction
publique.
Par ailleurs, en décembre 1996, sous le Gouvernement du
Premier Ministre Rosny SMARTH, le Président de la République
d'Haïti, René PREVAL, a créé par arrêté
présidentiel la Commission nationale à la réforme
administrative (CNRA) dont l'une des missions essentielles « est la
réalisation d'un diagnostic complet de l'Administration et de la
Fonction publique et d'en faire des propositions de
réforme.50 »
En 2001, le changement de gouvernement a provoqué une
discontinuité des travaux de ladite commission. Néanmoins une
cellule de travail a été créée au sein de la
Primature, le Bureau du Premier Ministre en Haïti, en vue d'assurer la
consolidation des acquis et sauvegarder les études et propositions
faites par la CNRA. Selon le Bureau du PNUD en Haïti, « les
tentatives de mise en oeuvre des propositions ont toutes
échouées 51». Ainsi, durant l'année
2003, les études et propositions de la CNRA ont été revues
et soumises à nouveau au Pouvoir Exécutif via le projet
« Modernisation de l'Etat et Décentralisation » avec l'aide du
PNUD.
49 Manuel de droit administratif haïtien, op.
cit., page 292.
50 Assistance préparatoire à la
réforme administrative et à la décentralisation 2007-2008,
document préparé par le Bureau du PNUD en Haïti,
signé en date du 16 juillet 2007 par Anne-Marie CLUCKERS, Directeur du
Bureau.
51 Op. cit. page 5.
Vu les évènements de turbulence politiques de
l'époque, cette démarche n'a pas eu le temps de produire ses
effets. Donc, suite à la chute du Président de la
République Jean-Bertrand ARISTIDE, le Gouvernement de transition, ayant
à sa tête le Premier Ministre Gérard LATORTUE de concert
avec le Président provisoire de la République, en l'occurrence Me
Boniface ALEXANDRE, tablant sur les travaux de la CNRA, a adopté un
ensemble de décrets donnant ainsi un nouveau cadre légal à
la réforme administrative dont le décret du 17 mai 2005 portant
organisation de l'Administration centrale de l'Etat et celui adopté
à la même date portant révision du Statut
général de la Fonction publique. Ce dernier offre un nouveau
cadre statutaire à tous les Fonctionnaires de l'Etat et reflète,
entre autres, la politique de l'Etat en ce qui concerne la gestion des agents
publics permanents de l'Etat en application de la Constitution de 1987 qui
institue une Fonction publique sur le modèle de la carrière.
Après le retour à la normalité
constitutionnelle qui coïncidait avec l'élection d'un
Président de la République élu, René PREVAL, et
l'avènement d'une nouvelle Législature au Parlement, la
48ème, la question de la réforme de la Fonction
publique revenait encore dans l'agenda institutionnel. En fait, selon le
gouvernement d'alors ayant à sa tête le Premier Ministre Jacques
Edouard ALEXIS, la réforme de l'Etat, donc nécessairement celle
de la Fonction publique, a été au centre des priorités
gouvernementales depuis les engagements pris devant la Communauté
internationale lors de la Conférence internationale pour le
développement économique et social et d'Haïti (CIDESH I)
tenue à Port-au-Prince le 25 juillet 2006 et la Conférence de
suivi de Madrid (CIDESH II) tenue en novembre de la même année.
En réalité, deux institutions clés ont
été créées en février 2007 en vue de cette
réforme de l'Administration et de la Fonction publique. Il s'agit d'une
part, du Conseil supérieur de l'Administration et de la Fonction
publique (CSAFP), responsable du pilotage stratégique de la
modernisation du service public et de la Fonction publique et d'autre part,
l'Office de Management et des Ressources humaines (OMRH), chargé du
pilotage opérationnel des activités de la réforme.
Selon le Bureau du PNUD en Haïti : « La
création de l'OMRH marque la fin des travaux directement
effectués par le PNUD pour soumission à la Primature comme ce fut
le
cas depuis 2003 ».52 Par voie de
conséquence, Le document intitulé : « Assistance
préparatoire à la Réforme administrative et à la
Décentralisation », préparé par le Bureau du
PNUD en Haïti, contient le plan d'action du PNUD pour l'année
2007-2008. Il fait suite « aux différentes actions du PNUD dans
ce domaine depuis 1995 et vient, entre autres, en appui aux activités de
l'OMRH, créé pour la mise en oeuvre de la réforme
».53 En grosso modo, son objectif est de soutenir
les différentes initiatives du Gouvernement en la matière,
notamment le renforcement des capacités de l'OMRH à conduire la
réforme.
A l'heure actuelle, le document de référence de
la réforme administrative en Haïti demeure le «
Programme-cadre de réforme de l'Etat 2007-2012 -- Modernisation
administrative et décentralisation54 » dont l'un
des six (6) volets est réservé à la réforme de la
Fonction publique. L'Etat haïtien reconnait à la page 27 du
document que « la modernisation des structures administratives
ne se conçoit pas sans celles de la Fonction publique, puisque la
ressource humaine se situe au coeur mrme des processus de changements
organisationnels. Autant dire qu'il n'y-aura pas d'Administration publique
célère, efficace, performante, sans une Fonction publique de
qualité. »
Or, à la page 15 du document en question le
Gouvernement haïtien d'alors a aussi fait le constat d'une «
Fonction publique extrêmement fragilisée et faiblement
tournée vers la modernité ». Le problème le plus
criant identifié c'est la gestion des ressources humaines, ce qui
s'explique par des faiblesses au niveau du modele de management en vigueur.
D'où un obstacle majeur à une possible Administration publique
performante.
Tenant compte de tout ce qui précède, nous
pouvons alors affirmer que le cadre légal et institutionnel du processus
de réforme de la Fonction publique en Haïti est tributaire non pas
nécessairement des aléas politiques liés à
l'alternance politique, ce qui serait à la limite d'une certaine
normalité dans un système démocratique à pluralisme
idéologique et
52 Op. cit., page 8.
53 Ibidem, page 2.
42
54 Ce document a été
élaboré et publié par le Gouvernement haïtien ayant
à sa tête le Premier Ministre Jacques Edouard ALEXIS avec l'appui
technique et financier du PNUD à travers le projet d'assistance
préparatoire à la réforme administrative et à la
décentralisation (APRAD). Toutefois, suite au séisme du 12
janvier 2010 en Haïti, le Gouvernement haïtien opte pour la relance
dudit programme, mais après adaptation. Cette position du Gouvernement
haïtien d'alors est tirée dans le document préparé
par l'Etat haïtien, intitulé : « Plan d'action pour le
relèvement et le développement d'Haïti -- Les grands
chantiers pour l'avenir », à la page 43,
présenté à la Communauté internationale en mars
2010, soit deux mois après le séisme.
fonctionnant à plein régime ; mais plutôt
des crises politiques et institutionnelles à répétition
provoquées et/ou expliquées par l'instabilité politique
qui caractérise la vie politique en Haïti depuis, pour la
période contemporaine, le départ en exil du Président de
la République à vie Jean-Claude DUVALIER et l'entrée du
pays dans la voie de la démocratisation.
Cette influence « négative » des aléas
politiques sur le processus de réforme de la Fonction publique
engagé depuis fort longtemps déjà en Haïti fait que
l'on soit aujourd'hui encore au stade de tâtonnement en termes d'une
vision ou d'une philosophie claire et commune de cette réforme.
Ajouter à cela, nous pouvons aussi déceler un
problème de lisibilité de l'action publique dans le domaine de la
réforme de la Fonction publique. Cette carence de lisibilité est
liée, entre autres, au fait que l'Etat haïtien ainsi que les
partenaires internationaux intervenant dans ce processus de réforme en
Haïti procèdent toujours par package. D'où, en
dépit de la reconnaissance, par l'Etat haïtien comme il a
été indiqué plus haut, de l'importance de la
réforme de la Fonction publique comme une condition sine qua non
d'une Administration publique performante, les travaux, actions concretes
et études y afférent s'apparentent à des actes de
saupoudrage tant le processus est noyé dans le processus de la
réforme globale du secteur public en Haïti.
§2. Le processus de réforme de la Fonction
publique noyé dans le processus de la réforme globale du secteur
public ?
La réforme du secteur public haïtien est un vaste
chantier. C'est aussi l'un des domaines le plus privilégié de la
politique extérieure de la République d'Haïti depuis
plusieurs décennies déjà. Donc, il est rare de trouver une
action ou un projet de coopération bilatérale ou
multilatérale qui fait obstruction de cette question de réforme
qui fait partie d'ailleurs du vocabulaire quotidien des autorités
politiques haïtiennes et des acteurs internationaux engagés en
Haïti.
En outre, la majeure partie de la population haïtienne,
exaspérée et déçue dans sa quête d'un
changement du modèle de la gouvernance politique ne cesse de continuer
quand même à
44
réclamer aussi la réforme de l'Etat.
D'où, nous pouvons nous demander à bon droit si à la fois
les citoyens, l'Etat et la Communauté internationale ont la même
représentation de cette réforme. En d'autres termes, ces trois
(3) groupes d'acteurs, mettent-ils la même signification derrière
le mot réforme qui s'apparente de plus en plus dans l'opinion publique
à un simple slogan tant il a été utilisé, voire
galvaudé, sans nécessairement produire les effets
escomptés ?
Les tentatives de réforme de l'Etat en Haïti
depuis la décennie 80, sont initiées dans la perspective des
programmes d'ajustement structurel encouragés, voire incités
principalement par les institutions de Bretton Woods, en l'occurrence le Fonds
monétaire international (FMI) et la Banque mondiale ; dans l'optique de
la bonne gouvernance ou encore de la gouvernance démocratique
appuyée par la Banque interaméricaine de développement
(BID) et le Programme des Nations-Unies pour le Développement (PNUD).
De plus, d'autres partenaires extérieurs, dans le cadre
de la coopération bilatérale, exigent des remaniements au niveau
du secteur public en contrepartie de dons ou comme conditionnalité de
l'aide au développement. En addition aux apports financiers, certaines
fois, des institutions internationales et d'autres partenaires
extérieurs interviennent plus directement sous forme d'assistance ou
d'appui technique par le biais des études, voire de placement d'experts
internationaux dans des ministères comme c'est souvent le cas du
Ministère de l'économie et des Finances ou celui de la
Planification et de la Coopération externe, par exemple.
En réalité, Haïti reste encore au stade de
démocratie émergente, c'est un pays en transition
démocratique et dont tous les indicateurs économiques et de
développement humain montrent bien qu'il est l'un des Etats les plus
pauvres au monde et le plus pauvre de l'hémisphere
occidental55. Donc, il s'agit d'un pays où les
problèmes politiques et socioéconomiques sont perceptibles
même par l'homme de la rue. On ne sait pas nécessairement s'il
s'agit d'un pays à reconstruire, à construire ou à
refonder tant les questions de ses orientations stratégiques dans le
domaine du développement économique, du développement
humain, de la politique extérieure, de la qualité des rapports
entre les différentes classes sociales, voire celui de la réforme
de l'Etat n'ont jamais eu le temps d'être
55 Dans le Rapport sur le Développement humain
2010 du PNUD, Haïti est classée 145ème sur 169
pays. Cf.
http://www.undp.org/publications/hdr2010/fr/HDR_2010_FR_Summary.pdf
Publié le 04 novembre 2010 et consulté le 18
août 2011.
discutées par les différents acteurs
représentatifs des multiples secteurs vitaux du pays en vue d'essayer de
dégager un consensus sur un minimum vital en vue du décollage du
pays.
Dans ces conditions, il va sans dire que le pays est «
malade » dans toutes ses composantes. Il suffit de vouloir s'attaquer
à un problème de la société haïtienne pour se
rendre compte de ses multiples connexions avec d'autres problèmes
existants, tant ils sont nombreux et interconnectés. D'où, ce qui
amène certains à surnommer Haïti « le pays à
problèmes » ou encore une «entité chaotique
ingouvernable56 ».
Par voie de conséquence, d'un côté,
d'aucuns pourraient faire valoir que cette transversalité ou
interconnexion des problèmes commanderait qu'ils soient tous
attaqués en même temps pour pouvoir espérer des solutions
durables. D'un autre côté, d'autres intervenants pourraient
invoquer, toutes proportions gardées et en sens inverse, la
théorie des dominos pour expliquer que si l'on résout certains
problèmes dans quelques domaines de la vie nationale au niveau de la
société haïtienne cela aura certainement des
externalités positives sur d'autres secteurs. Par conséquent,
d'autres problèmes pourraient aussi disparaitre sous l'effet domino, au
sens positif du terme.
Dans l'un ou l'autre cas, on est bel et bien face à des
acteurs en quête de la méthode ou de l'approche la plus pertinente
en vue d'une décision « rationnelle » qui aura permis de
résoudre des problèmes qui émergent ou ayant
émergé dans la communauté politique.
En l'espèce, pour le cas de la réforme du
secteur public en Haïti, nous ne pouvons pas oser affirmer, avec
véhémence et sans risque de nous tromper, que tel modèle a
été choisi plutôt que tel autre. Comme c'est d'ailleurs le
cas dans presque tous les pays en voie de développement et aussi
dépendants qu'Haïti financièrement, les acteurs
internationaux sont toujours impliqués à fond dans les processus
de réforme engagés en Haïti. Ainsi, étant
donné
56 Dans un article publié dans le journal
« Le Monde », intitulé : « Haïti ou la
permanence du malheur » paru dans l'édition du 29 janvier
2003, en prélude du Bicentenaire de l'Indépendance de la
République d'Haïti, Jean-Michel Caroit reprend les propos de
l'historien haïtien, Michel Soukar qui dit constater qu'Haïti est en
passe de se convertir en « entité chaotique ingouvernable
».
En réalité, nous doutons fort que l'expression
soit une invention de Michel Soukar, car depuis plus d'une décennie on
pouvait entendre cette expression sur les lèvres de plus d'un en
Haïti. Néanmoins, j'avoue n'avoir pas pu trouver son auteur
initial.
L'article en entier a été repris sur le site de
« Haïti Democracy Project ».
Cf.
http://www.haitipolicy.org/content/554.htm?PHPSESSID=6321cf5e7fe78
La page est consultée le 18 août 2011.
46
que les mêmes acteurs internationaux changent-ils de
méthodes ou d'approches suivant le temps et les aléas
géopolitiques et économiques ; considérant que les
partenaires extérieurs d'Haïti ne sont pas toujours les mêmes
; étant donné qu'en dernier lieu les orientations politiques et
idéologiques des différents gouvernements qui se sont
lancés dans le processus de la réforme du secteur public en
Haïti ne sont non pas les mêmes en tout temps, l'Etat haïtien
n'est jamais sür de pouvoir garder, voire contrôler une ligne
conceptuelle et directrice de la réforme sur le long terme.
Par ailleurs, vu que le pays est au bord de la «
banqueroute57 », il reçoit d'aides ou de promesses de
prêts, de dons venant de partout et parfois de toutes formes. Puisque ces
prêts, aides ou dons viennent de multiples acteurs internationaux ayant
des intérêts qui ne se convergent pas nécessairement et
visent généralement des réformes dans le secteur public ou
encore sont conditionnés par la mise en oeuvre concomitante de telles
réformes, il devient alors difficile de trouver une cohérence,
voire une rationalité certaine dans le choix des modèles ou
approches de cette réforme.
En revanche, à défaut de cette cohérence
dont nous parlons plus haut, nous pouvons quand même observer depuis
plusieurs décennies que maints programmes, études ou projets
adoptés dans le cadre du processus de la réforme du secteur
public en Haïti, comportent presque toujours une multitude de volets dont
celui de la modernisation de la Fonction publique. Donc, la question de la
modernisation ou la réforme de la Fonction publique n'est pas une
problématique traitée distinctement par les différents
acteurs représentatifs de différents secteurs vitaux de la
nationale en coordination avec les partenaires internationaux dans la
perspective d'une Administration performante visant la satisfaction ultime des
usagers
57 Certains estiment qu'Haïti est
déjà dans l'abîme. C'est le cas de Castro DESROCHES, dans
un article intitulé : « Michel Martelly ou le triomphe de la
médiocratie », qui estime : «Haïti est capable
du meilleur et du pire. Ayant atteint le fond de l'abîme, elle est
condamné à rebondir. Le sursaut national contre l'inacceptable
est la seule voie de salut ».
L'article est publié le jeudi 07 avril 2011 sur le site
web de « Haïti Nation ». Il est consulté le 15
août de la même année et disponible à partir du lien
suivant :
http://haiti-nation.com/index.php?option=com_content&view=article&id=773:michel-martelly-ou-le-triomphede-la-mediocratie&catid=35:libre-tribune&Itemid=78
Un autre observateur fait remarquer que « le
problème fondamental avec l'Etat marron autoritaire faible haïtien
est que l'abîme qu'il crée se creuse quotidiennement ».
Cette phrase est tirée d'un article de Leslie Péan,
intitulé : « Haïti : La crise du choléra n'est pas
un coup de tonnerre dans un ciel bleu », publié sur le site de
Alter Presse, en date du 28 octobre 2010. Il est consulté le 15
aoüt 2011 et disponible à partir de l'URL suivant :
http://www.alterpresse.org/spip.php?article10193
des services publics. Ladite question fait quasiment toujours
partie d'un grand package mis en branle dans le processus de la
réforme.
Le fait qu'il en soit ainsi, les différents acteurs
nationaux et internationaux impliqués dans le processus de cette
réforme, ne diluent-ils pas la problématique de la réforme
de la Fonction publique que l'Etat haïtien reconnait même être
au coeur, sinon l'essence d'une Administration publique haïtienne
performante ? L'Etat haïtien, peut-il avoir les moyens de sa politique en
s'engageant dans des réformes à la limite « fourre-tout
» ? Ne serait-il pas plus aisé de définir un nouveau
modèle cohérent de management public au niveau de la Fonction
publique de l'Etat haïtien en vue d'une Administration publique
performante à partir d'une approche systémique pour éviter
des actions disparates, mais aussi plus ciblée permettant d'aborder la
question de la Fonction publique dans ses tenants et aboutissants ?
Section II
Le bilan mitigé des différentes tentatives
de réforme de la Fonction publique
Primo, dans le cadre de cette section de notre
travail de recherche académique, nous essayons d'analyser et de
caractériser les « avancées » et les «
échecs » des tentatives de réformes engagées au
niveau de la Fonction publique dans une perspective dialectique (§ 1).
Secundo, nous analysons les retombées du séisme du 12
janvier 2010 sur le processus de la réforme engagée (§
2).
§ 1.- Des efforts de structuration et de
professionnalisation contrebalancés par la déperdition
technique
Dans le cadre de ce paragraphe de notre mémoire de
Master, nous essayons d'analyser le problème de cohérence
existant dans la philosophie des politiques publiques adoptées dans le
cadre de la réforme de la Fonction publique.
48
A. La tentative de dépolitisation de l'accqs
à la Fonction publique et l'effort de mise à niveau des
Fonctionnaires
D'emblée, la Constitution haïtienne du 29 mars
1987 actuellement en vigueur en Haïti, dispose, en son article 236-1 :
« La loi réglemente la Fonction publique sur la base de
l'aptitude, du mérite et de la discipline. Elle garantit la
sécurité de l'emploi. ». En plus, il est
précisé à l'article 236-2 : « La Fonction
publique est une carrière. Aucun Fonctionnaire ne peut être
engagé que par voie de concours ou autres conditions prescrites par la
Constitution et par la loi, ni être révoqué que pour des
causes spécifiquement déterminées par la loi. Cette
révocation doit être prononcée dans tous les cas par le
contentieux administratif ».
Pour sa part, le décret du 17 mai 2005 portant
révision du Statut général de la Fonction publique en
Haïti dispose en son article 47 : « L'accès à la
Fonction publique se base essentiellement sur le mérite sans aucune
discrimination de couleur, de race, de sexe, ni d'opinions politiques et
religieuse ». Plus loin, à l'article 50, ledit décret
dispose : « Le recrutement vise la sélection sur concours des
candidats à la Fonction publique apte à exercer certaines
fonctions ».
Tenant compte de ce qui précède, nous pouvons
donc affirmer que sur le plan strictement juridique, le phénomène
de politisation de l'accès à la Fonction publique ne jouit
d'aucune reconnaissance ou consécration. En revanche, il se
révèle encore difficile d'annihiler cette pratique dans la
culture politico-administrative en Haïti. D'où des
disparités entre la norme juridique et la réalité
quotidiennement observée ; ce qui constitue donc un problème
auquel il a fallu s'attaquer dans la perspective de la modernisation de la
Fonction publique.
Ainsi, parmi les mérites des différentes
initiatives adoptées dans le cadre du processus de réforme de la
Fonction publique en Haïti figurent la tentative de dépolitisation
de l'accès à la Fonction publique et un effort mise à
niveau des Fonctionnaires notamment par la formation, le recyclage et le
perfectionnement des cadres. Loin de nous l'idée de penser qu'il s'agit
d'un acquis vu les maigres réalisations et la persistance du
phénomène chronique de copinage dans ce domaine. Toutefois,
même quand cela est resté au stade de tentative, nous pouvons
quand même affirmer que cette généralisation de l'apologie
de dépolitisation de la Fonction publique
ou tout au moins de l'accès à la Fonction
publique réduit, dans une certaine mesure, les velléités
de sa politisation.
En ce qui a trait à la formation, au perfectionnement
et au recyclage des agents publics permanents de l'Etat, des efforts ont
été consentis en termes de création d'écoles
d'Administration comme, par exemple, l'Ecole nationale d'Administration et de
Politiques publiques (ENAPP) créée par le décret du 17 mai
2005 portant révision du statut général de la Fonction
publique. Cette dernière est placée sous la tutelle du Conseil
supérieur de l'Administration et de la Fonction publique et sa mission
est de préparer les hauts cadres de la Fonction publique. Elle est
chargée de la formation initiale et continue des Fonctionnaires et
autres agents publics en plus de produire de la recherche appliquée sur
le système politicoadministratif haïtien et de la fonction de
conseil auprès des différents services de l'Administration
publique.
En outre, dans le cadre de la coopération
bilatérale, le Canada notamment, par le biais de l'Ecole nationale
d'Administration publique (ENAP), participe activement dans cet effort de
formation des Fonctionnaires Haïtiens.
Au niveau du « Programme-cadre de réforme de
l'Etat 2007-2012 Modernisation administrative et Décentralisation »
il a été rappelé à la page 16 que «
le profil de la Fonction publique est encore loin de répondre aux
objectifs d'une Administration moderne et efficace. Il y a lieu de noter
d'abord la tendance au sureffectif des ressources humaines faiblement
qualifiées dans la catégorie de personnel dit d'appui
(techniciens et assimilés, personnel de soutien, tandis que le personnel
professionnel est insuffisamment représenté (...) De même
on note que le niveau moyen de qualification tend aussi à baisser (...)
par exemple il n'est pas rare de constater que des membres du personnel
d'encadrement (directeur général, directeur, chef de service)
soient ignorants des différents concepts et approches de management
utilisés de par le monde quel que soit le nombre d'années
d'expérience. »
Plus loin, il a été aussi rappelé que «
le recrutement des Fonctionnaires, par exemple, se fait pour l'essentiel
sur recommandation et non sur la base de concours »58. En
revanche,
58 idem, page 18.
50
l'OMRH59, le nouveau cadre institutionnel de
gestion des ressources humaines, est chargé, en grosso modo, du
recrutement des agents de la Fonction publique sur la base de concours et en
fonction des besoins exprimés par les différents services de
l'Administration, de s'assurer de l'égalité des chances dans la
Fonction publique, de rationnaliser et d'harmoniser le recours aux agents
contractuels, en vertu du principe sacramentel d'égal accès des
citoyens à la Fonction publique de leur pays, il s'assurera que les
personnes à mobilité réduite (handicapées) puissent
accéder eux aussi à la Fonction publique, etc.
En outre, dans le cadre de la valorisation des ressources
humaines par la formation et le perfectionnement, l'OMRH se voit aussi
attribué la mission d'élaborer des plans annuels de formation et
de perfectionnement des cadres.
Par ailleurs, dans la perspective de modernisation de la
gestion des ressources humaines, un fichier central des Fonctionnaires a
été établi c'est « le fichier central
intégré de gestion des ressources humaines de la Fonction
publique ». Ce projet a pu se réaliser grâce au
financement du trésor public et de la Banque Mondiale et a
été lancé officiellement le jeudi 09 avril 2009 par Madame
le Premier Ministre, Michèle Duvivier PIERRE-LOUIS en présence
des personnalités du Gouvernement, des partenaires de la
coopération internationale, acteurs du secteur privé des affaires
et de la société civile, des acteurs du secteur parapublic et des
cadres de la Fonction publique.
En effet, selon une dépêche du Réseau
alternatif haïtien d'information (Alter Presse), le chef du
Gouvernement d'alors « a inscrit la mise en service du fichier central
des Fonctionnaires dans le cadre de l'engagement de l'Exécutif de mettre
la réforme de l'Etat au premier rang de l'agenda gouvernemental et en
faire un champ d'intervention prioritaire (...) ladite réforme inclut le
renforcement et la professionnalisation de la Fonction publique60
».
59 « Cet office est de toute évidence une
initiative visant à confier au Premier Ministre la gestion de la
Fonction publique jadis dévolue au Ministère de l'Administration
et de la Fonction publique ». Information tirée à la
page 28 du Programme-cadre de réforme de l'Etat 2007-2012 Modernisation
administrative et Décentralisation.
60 Cf. : Site web officiel de Alter
Presse, publiée en date du 10 avril 2009 et disponible à
partir de l'URL suivant :
http://www.alterpresse.org/spip.php?article8244
La page est consultée le 11 août 2011.
Pour sa part, le Coordonnateur général de
l'OMRH, en l'occurrence Francis GRATIA, avance : «
L'élaboration du fichier central constitue un pas important vers la
modernisation de la Fonction publique. Cela favorisera une meilleure gestion du
personnel en vue d'améliorer les services offerts par l'Etat
haïtien à la population (...) Le fichier central permettra aux
décideurs d'avoir des informations exactes sur la répartition
sectorielles des effectifs, de maîtriser en permanence la taille de la
Fonction publique, sa structure, son coût et d'élaborer des
politiques de gestion des ressources humaines... »61.
Il y a donc un effort quasi-constant de dépolitisation,
donc de professionnalisation de l'accès à la Fonction publique et
un effort de mise à niveau des Fonctionnaires et autres agents publics
de l'Etat62. Néanmoins, l'Administration publique fait aussi
face à une crise de déperdition technique, liée à
la fuite des cerveaux vers le secteur privé ou l'étranger, mais
aussi aux programmes d'encouragement de départ anticipé à
la retraite dans le cadre de la mise en oeuvre des plans d'ajustements
structurels (PAS) notamment.
B. Le phénomène du «
désossement » de la Fonction publique
Dans le cadre de la mise en branle des programmes
d'ajustements structurels en Haïti, à partir de la décennie
80, consistant en des accords passés avec le Fonds monétaire
international (FMI) visant notamment l'assainissement des finances publiques et
le retour à l'équilibre de la balance des paiements ou plus
globalement le rétablissement de la stabilité du cadre
macro-économique afin d'éviter des cessations de paiements dans
le contexte global de la crise financière, une attention
particulière a été aussi accordée à la
réforme de la Fonction publique consistant essentiellement à la
réduction à grande échelle des agents publics au nom de la
prétendue performance du secteur public.
61 Cf : Le quotidien haïtien Le
Nouvelliste, dans un article publié le 22 avril 2009,
intitulé : « Un fichier central pour la modernisation de la
gestion des ressources humaines de l'Etat. ». Disponible en ligne
à partir de l'URL :
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=69542
La page est consultée le 11 août 2011.
62 Nicolas POYAU présente dans son ouvrage
intitulé : « Rebâtir l'Etat haïtien »,
pages 175 et suivants, la problématique de la politisation de
l'Administration publique et insiste sur la nécessité de former
des cadres pour la Fonction publique.
52
A titre indicatif, en 1996 le Gouvernement haïtien signe
avec le FMI un accord dénommé : « Facilité
d'ajustement structurel renforcée (FASR)». Outre la
privatisation de neuf entreprises publiques, cet accord prévoit la
réduction de l'emploi dans le secteur public. C'est dans cette
perspective que la loi de 1998 sur le départ volontaire et la retraite
anticipée dans la Fonction publique a été adoptée.
« Dans le cadre du programme, un objectif a été
fixé : le départ d'au moins 5000 agents de la Fonction publique
(soit environ 10% des employés de l'Etat) avant fin septembre 1998. En
définitive, à la mi-décembre 1998, 5400 agents ont
quitté la Fonction publique. »63
En effet, ce phénomène assez récurrent
dans les entreprises de réforme de la Fonction publique en Haïti
peut laisser un sentiment d'inquiétude permanente chez les
Fonctionnaires eu égard à la leur carrière dans
l'Administration. Comme de fait, en plus de cette hémorragie
provoquée par la mise en oeuvre de ces genres de programmes dans un pays
n'ayant même pas atteint 50 000 Fonctionnaires pour à peu
près 10 millions habitants, bon nombre d'entre eux laissent la Fonction
publique pour se réfugier à l'étranger ou plus rarement
dans le secteur privé.
Par ailleurs, parmi les 8 grands points du diagnostic de
l'Administration publique haïtienne présentés dans le
Plan d'aide des Nations-Unies pour l'Aide au Développement (UNDAF)
2009-2011, il est fait état d' « une grande
déperdition technique avec le départ des cadres les plus
qualifiés »64.
De plus, dans le Plan cadre de la réforme de l'Etat
2007-2012, soulignant un phénomène plus global et sans lien
direct avec la réforme de la Fonction publique en tant que telle, le
Gouvernement haïtien a fait remarquer que « les années
d'instabilité politique connues par le
63 Cf : Site web du Comité pour
l'annulation de la dette du Tiers-Monde, document intitulé :
« Fiche Haïti », préparé par Damien
MILLET, Sophie PERCHELLET, Pauline IMBACH, publié le 12 mars 2010 et
disponible à partir de l'URL suivant :
http://www.cadtm.org/Fiche-Haiti
La page est consultée le 16 août 2011.
64 Cf : Ce programme est
préparé en novembre 2008 par le Gouvernement haïtien et le
système des NationsUnies. Il est revêtu de la signature de Jean
Max BELLERIVE, Ministre de la Planification et de la Coopóation externe
d'Haïti, et de Joël BOUTROUE, Représentant spécial
adjoint du Secrétaire général,
Coordonnateurrésident et Coordonnateur-humanitaire du système des
Nations-Unies en République d'Haïti. L'information est
trouvée à la page 10 du document.
pays ont provoqué une déperdition importante de
cadres techniques qui a entrainé une baisse considérable des
capacités managériales et opérationnelles des institutions
publiques »65.
En réalité, le phénomène de
l'instabilité politique en Haïti est loin d'être la seule
variable explicative à cette déperdition importante de cadres
techniques observée. Nous pourrions même affirmer, dans une
certaine mesure, que la cause première de cette déperdition
devrait plutôt être recherchée dans les politiques de
réduction de l'effectif des agents de la Fonction publique en vue de
satisfaire les exigences des bailleurs de fonds internationaux, notamment les
institutions de Bretton Woods. Au nom de quelle performance peut-on subtilement
contraindre un pays comme Haïti de vider son Administration par la mise en
oeuvre systématique de politiques de réduction des ressources
humaines de la Fonction publique, alors que lesdites ressources sont quasiment
le socle même de l'Administration publique ? A l'ère de
l'économie du savoir ou encore du capitalisme cognitif, peut-on rendre
un Administration publique performante sans sa substance, en l'occurrence, ses
Fonctionnaires ?
Tenant compte de tout ce qui précède, nous
sommes amenés à nous demander, à bon droit, si les efforts
de structuration et de professionnalisation par la tentative de
dépolitisation de la Fonction publique et la formation des
Fonctionnaires ne sont pas volatilisés ou du moins neutralisés
par le phénomène concomitant du « désossement »
de la Fonction publique.
Ajouter à tout cela, les effets néfastes du
séisme du 12 janvier 2010 sur ce processus de réforme. C'est en
quelque sorte un phénomène physique qui vient se mêler,
voire complexifier davantage un processus qui est loin déjà
d'être simple et facile à faire aboutir.
§ 2.- Des effets du séisme du 12 janvier 2010
sur le processus de la réforme de la Fonction publique
Dans ce paragraphe de notre travail, nous insistons sur les
conséquences du séisme obligeant les acteurs nationaux, mais
surtout internationaux de la réforme de la Fonction publique en
Haïti à se focaliser sur les moyens d'action publique à
mettre en oeuvre en vue de faire face à la crise humanitaire et les
problèmes publics dont elle facilite l'émergence. D'oü
65 L'information est tirée de la page 14 du document.
54
un ralentissement dans la mise en oeuvre des mesures
annoncées dans le cadre de ladite réforme risquant de
compromettre certaines « avancées ».
A. La priorité accordée à la
question humanitaire et le renforcement du secteur des ONG aux dépends
de l'Etat
Le cataclysme du 12 janvier 2010 en Haïti, l'une des
pires catastrophes de l'histoire récente de l'humanité, a
occasionné l'avènement en Haïti des représentants de
pays n'ayant aucun rapport diplomatique avec l'Etat haïtien. Il est de
certains pays qui devenaient subitement aidants dont même les
Haïtiens les mieux avisés ignoraient jusque-là leur nom. On
dirait que la Croix Rouge de presque toutes les contrées du monde
était représentée en Haïti. Bon nombre de
représentants d'institutions de bienfaisance, d'Organisations non
gouvernementales (ONG) d'horizons divers ont foulé le sol haïtien
pour apporter leur soutien aux haïtiens survivants. C'est le cas de dire
que toute la Communauté internationale, dans ses multiples facettes,
était au « chevet » d'Haïti en vue d'exercer leur droit,
voire remplir leur devoir humanitaire.
Dans une perspective purement opportuniste ou adoptant une
attitude psychologique positive, d'aucuns pourraient faire valoir que ce
séisme de magnitude 7.3 sur l'échelle de Richter ayant
causé des dégâts inestimables en Haïti pourrait bien
constituer pour le pays une fenêtre d'opportunité, tant il
existait bel et bien, juste au lendemain du séisme, un certain
élan de la Communauté internationale à aider à
Haïti à sortir du bourbier dans lequel elle se trouve et tant tout
était finalement mis à plat et que se présentait
l'occasion de tout reconstruire, voire tout refonder sur de nouvelles bases.
Sans nécessairement prendre d'emblée le
contre-pied d'une telle approche, nous estimons tout de même que la
priorité accordée à la question humanitaire et le
renforcement corrélatif du secteur des ONG suite au séisme du 12
janvier en Haïti viennent sinon hypothéquer, du moins affaiblir le
processus de réforme de la Fonction publique en ce sens que toutes les
ressources et énergies sont désormais concentrées sur
l'aide urgente à apporter en vue de la survie des miraculés du
séisme, particulièrement les plus démunis dont les tentes
de ceux-là ayant eu le privilege d'en trouver jonchent les avenues de
toutes les places publiques de la
capitale, quand ce n'est pas sur un fonds de terre appartenant
à un particulier et qui a été ou bien mis volontairement
à leur disposition ou bien tout simplement envahi par effraction au cas
où il y aurait eu de clôture ou de tous autres dispositifs de
fermeture.
. En réalité, vu l'état du pays au
lendemain du séisme du 12 janvier et même aujourd'hui encore ;
considérant la faiblesse corrélative et le manque de moyens des
institutions publiques haïtiennes, il ne paraît pas évident
qu'il pourrait en être autrement. L'instinct de survie commande
l'être humain à se préoccuper d'abord de sa
sécurité physique et de sa faim. D'ailleurs, dans la
théorie de la pyramide des besoins élaborée par le
psychologue Abraham MASLOW, les besoins physiologiques (manger, boire, dormir,
respirer) se retrouvent au bas de la pyramide. Donc, selon MASLOW, ils sont les
premiers besoins à satisfaire. Comment alors demander, dans un pays
où la survie de la majorité de la population est en jeu, de
barrer la route aux ONG, voire de décourager toute action humanitaire
?
Dans de pareilles conditions, l'on pourrait même se
demander si Haïti n'est pas encore en plein dans la catastrophe
humanitaire tant les besoins urgents, donc de survie, sont d'une ampleur
certaine.
En revanche, la présence même d'une multitude
d'ONG en Haïti traduit, en quelque sorte, des défaillances des
pouvoirs publics. Certains classent même Haïti parmi les Etats
faillis (failed state). Qui plus est, l'Etat ne contrôle
même pas efficacement l'action des ONG comme cela devrait être le
cas selon la législation haïtienne. Les ONG fonctionnent donc comme
des structures parallèles aux côtés des pouvoirs publics.
Elles prétendent venir en appui aux autorités publiques
haïtiennes, mais la quasi-absence de la coordination de leurs actions
créée, entre autres, des situations de double emploi, de conflits
d'influence avec des autorités publiques nationales ou locales et
d'illisibilité de l'action publique dans un même champ
déterminé.
Par ailleurs, en raison de toutes ces défaillances des
autorités publiques haïtiennes, l'action ou le travail humanitaire
en Haïti trouve un terrain fertile en vue de sa transformation en «
marché » humanitaire, le terme marché entendu dans son
acception capitaliste. Ainsi, les ONG ont-elles besoin de se pérenniser
au lieu d'effectuer sur une période relativement courte
56
des actions ponctuelles en termes de renforcement des
capacités des autorités sur place par une approche de
transmission intelligente et adaptée d'expériences, de
connaissances ou de moyens. Elles sont donc dans une logique de quête
perpétuelle de justification de leur présence ; elles
s'inscrivent dans une logique de concurrence entre elles et parfois avec les
autorités publiques sur place.
Il se trouve qu'entre temps, les ONG deviennent plus
qu'autrefois les principaux canaux de l'aide internationale. Elles
détiennent les cordons de la bourse, sous prétexte de
soupçons de cas corruption au niveau du secteur public, or le
contrôle desdites ONG laisse à désirer.
Par voie de conséquence, le déploiement
exponentiel d'ONG en Haïti, accéléré suite au
séisme du 12 janvier 2010 au nom de la crise humanitaire sans
précédent en Haïti et dans l'histoire récente de
l'humanité, répond certes à un certain besoin, mais
entraine néanmoins un affaiblissement corrélatif de l'Etat et des
pouvoirs publics locaux. Ainsi, comment pourrait-on s'attendre à ce que
le processus de la réforme de la Fonction publique n'en subit pas un
contrecoup ? Réformer la Fonction publique haïtienne en vue de sa
modernisation, c'est remplir une condition essentielle et sine qua non
de la performance de l'Administration publique. Or, cette démarche
de renforcement de l'Administration publique en vue de sa performance au
bénéfice de la satisfaction des usagers traduirait une certaine
performance de l'Etat. Dans ces conditions, cette finalité, se
colle-t-elle avec la logique du « marché » humanitaire ? Les
acteurs internationaux dits partenaires d'Haïti, peuvent-ils effectivement
renforcer, de manière concomitante, les ONG et l'Etat ? Dans ces
conditions, le renforcement des ONG, n'est-il pas inversement proportionnel
à celui de l'Etat ?
En addition à la problématique de la question
humanitaire posée plus haut, nous pouvons aussi signaler que le
séisme du 12 janvier a aussi entrainé un affaiblissement du
rendement de la Fonction publique.
B. Affaiblissement du rendement de la Fonction publique
lié à la perte en ressources humaines et à la
démotivation des survivants
Pour toutes les raisons déjà
évoquées dans le cadre de travail de recherche académique,
le rendement de la Fonction publique laissait déjà à
désirer bien avant le séisme du 12 janvier 2010 emportant avec
lui un nombre incalculable de vies humaines dont des Fonctionnaires.
En effet, dans le cadre d'une conférence de presse
tenue à Port-au-Prince le mercredi 12 janvier 2011, soit un an jour pour
jour après la tragédie du 12 janvier 2010, le Premier Ministre
Jean-Max BELLERIVE a fait remarquer que le séisme avait
occasionné la mort de 17% des Fonctionnaires.66
Si nous pouvons nous fier à cette donnée
statistique, c'est le cas de dire que les chiffres parlent d'eux-mêmes.
Dans un contexte de raréfaction des ressources humaines où 80%
des cadres Haïtiens vivent à l'étranger selon une
étude de la Banque Mondiale, la disparition brutale de 17% des agents
publics permanents de l'Etat peut être présentée comme une
« hémorragie » d'une Fonction publique déjà en
« coma ».
En outre, vu le nombre important de victimes causées
par le séisme par rapport au poids démographique total, presque
chaque Haïtien a perdu des amis et/ou des parents victimes du
séisme. C'est alors le désarroi collectif, sachant que
culturellement l'Haïtien reste attaché à ses parents et ne
partagent pas sociologiquement avec les occidentaux la conception de la famille
nucléaire, en ce sens que quand l'Haïtien parle de sa famille, il
fait référence généralement à sa famille
élargie et des liens émotionnels forts sont
généralement noués avec même les tantes, oncles,
cousins, neveux, etc.
Par voie de conséquence, presque chaque Haïtien
avait à pleurer plusieurs morts dans cette situation tragique. Ayant
bien en tête que le Fonctionnaire est avant tout un Haïtien, car la
nationalité haïtienne est l'un des critères d'accès
à la Fonction publique, donc il n'échappe pas à cette
situation. D'autant que la majorité des Fonctionnaires survivants sont
amenés à revenir travailler sous des tentes, mais dans
l'emplacement des anciens locaux des services
66 Cf : « Haïti, un
séisme, un an et 316 000 morts », AFP, publié le 12
janvier 2011, la page est consultée le 31 août 2011 et disponible
à partir de l'URL :
http://www.7sur7.be/7s7/fr/6176/Seisme-Haiti/article/detail/1207360/2011/01/12/Haiti-un-seisme-un-an-et-316-
000-morts.dhtml
58
publics qu'ils ont vu effondrés avec leurs collegues ou
amis. D'où des dégâts psychologiques non quantifiables. Il
s'agit bien ici d'une source de démotivation pour le Fonctionnaire qui
est susceptible de causer un affaiblissement de son rendement.
Dans la foulée, le séisme a provoqué une
grave crise de logement, particulièrement à Port-au-Prince. En
réalité, le problème de l'accès à un
logement décent à Port-au-Prince, depuis bien avant le
séisme, reste un problème complexe. Il est certes symptomatique
d'une certaine fracture sociale, mais en fait il s'agit bien d'un
problème à causes multiples que l'on retrouve d'ailleurs
généralement dans l'agenda politique des pouvoirs publics. C'est
le cas de dire que le séisme du 12 janvier 2010 ne fait que complexifier
la problématique du logement dans la capitale. C'est un
phénomène physique qui vient impacter sur un
phénomène social multiple et complexe.
Puisque même des bâtiments publics respectant
certaines normes de construction ont été effondrés, les
maisons d'habitation qui sont censées être bâties suivant
des normes plus souples ou carrément en dehors de toute norme de
construction pouvaient difficilement tenir. D'où la question de loger
les centaines de milliers de sinistrés allait s'imposer et parait
aujourd'hui encore comme un grave problème public67 qui a
fait l'objet d'une émergence instantanée dans l'agenda
institutionnel des différents pouvoirs publics en Haïti.
En outre, les Fonctionnaires ne sont pas
épargnés de situation plus ou moins
généralisée. Donc, comment demander à un
Fonctionnaire de servir efficacement l'intérêt
général quand il n'a plus de logement pour abriter sa famille ?
Un Fonctionnaire, peut-il être motivé à travailler sous des
tentes durant la journée sous un soleil de plomb, pour ensuite retrouver
son campement de fortune le soir ?
En fait, bon nombre de Fonctionnaires, parmi ceux qui le
pouvaient, ont laissé le pays laissant ainsi les Fonctionnaires restants
plus démotivés et la Fonction publique plus affaiblie.
67 « Pour qu'un problème devienne public il ne
suffit pas, en effet, que des acteurs se mobilisent pour construire se
problème, il faut aussi que le problème soit pris en charge dans
le cadre des arènes publiques, ce qui permet sa mise sur agenda ».
Cf : P. HASSENTEUFEL. « Sociologie politique : l'acion publique
», Armand Colin, Paris 2009, page 41.
DEUXIEME PARTIE
L'Etat haïtien face à l'obligation et aux
contraintes de l'optimisation effective de la Fonction publique : quelle
issue ?
La modernisation de la Fonction publique en vue de la
performance de l'Administration publique est bel et bien une obligation de
l'Etat. D'ailleurs, il est à la fois coincé par les citoyens et
les acteurs internationaux. Cependant, cette mission relève aussi d'un
défi tant les enjeux et insuffisances sont énormes. Les
contraintes sont dues à la fois à des facteurs endogènes
et exogènes.
Dans le cadre de cette deuxième partie, nous essayons
d'abord de camper l'Etat haïtien face aux enjeux croisés et
défis de la modernisation effective de la Fonction publique (chapitre
3). Ensuite, nous essayons de démontrer que la modernisation effective
de la Fonction publique comme un levier de performance de l'Administration
constitue, certes, un défi, mais relevable
60
CHAPITRE 3
L'Etat haïtien face aux enjeux et défis de la
modernisation effective de la Fonction publique
Dans le cadre de ce chapitre de notre travail de recherche
académique, nous essayons de présenter le couple de la
complexité des enjeux et défis d'une optimisation effective de la
Fonction publique en Haïti. Primo, nous présentons la
problématique de la philosophie « quelle Fonction publique pour
quel modèle d'Etat ? » comme un préalable difficile à
dépasser (section I). Secundo, nous présentons les
contrecoups de la dynamique de l'instabilité politique et des
défaillances chroniques de la Justice haïtienne comme obstacles
parallèles à la réforme de la Fonction publique (section
II).
SECTION I
Le non-dépassement du préalable «
quelle Fonction publique pour quel mod~le d'Etat ? »
Dans le cadre de cette section de notre travail de recherche,
nous faisons ressortir l'omniprésence des acteurs internationaux de la
réforme dans les tentatives de reconceptualisation de l'Etat en
Haïti (§ 1), tout en instant sur la problématique de la
quasi-absence d'appropriation des projets de réforme par la
société haïtienne au prisme d'une interface des aléas
politiques (§2).
§ 1. Le poids des acteurs internationaux dans les
tentatives de reconceptualisation de l'Etat en
Haïti
Dans le cadre de ce paragraphe, nous essayons, d'abord, de
démontrer que les suggestions de réforme de la Fonction publique
faites par les acteurs internationaux de la réforme,
particulièrement les institutions financières internationales,
participent d'une certaine démarche de reconceptualisation de l'Etat
avec un soubassement théorique d'orientation néolibérale
et sur le fondement de la préconisation d'un certain modèle de
gouvernance pour arriver à la finalité économique (A).
Ensuite, dans une perspective dialectique, nous faisons des questionnements sur
l'existence d'une éventuelle uniformité ou dichotomie entre la
conception des acteurs internationaux et celle des citoyens Haïtiens de la
modernisation de la Fonction publique (B).
A. La primauté de l'argument économique
et l'apologie d'un mod~le de gouvernance
Selon Bonnie CAMBELL, professeure d'économie politique
à la Faculté de Science politique et de Droit de
l'Université du Québec à Montréal, «
quinze années d'ajustement structurel ont amené les organismes de
financement internationaux et notamment la Banque Mondiale à intervenir
de plus en plus profondément dans le tissu social et économique
des sociétés où ils étaient présents. La
réforme des institutions est considérée comme une
précondition pour garantir le succès des réformes
économiques ».68
La professeure tire son argument dans un rapport conduit par
des experts de la Banque Mondiale sur l'Afrique au sud du Sahara. Ledit rapport
examine 29 pays engagés sur la voie de l'ajustement structurel depuis le
milieu des années 1980. En fait, elle a cité ce passage du
68 B. CAMBELL. « Débats actuels sur
la reconceptualisation de l'Etat par les organismes de financement
multilatéraux et l'USAID », article publié dans la
revue Politique africaine - Besoin d'Etat, no 61,
mars 1996, page 9.
62
rapport : « Le succès de ces réformes
(d'ajustement) suppose une transformation radicale du rôle de l'Etat
».69
De plus, elle rappelle plus loin qu' « il est
suggéré de plus en plus que le redressement de la situation en
Afrique implique une redéfinition des relations entre bailleurs de fonds
et gouvernements. Plus spécifiquement, l'assistance technique devra
être réorientée et mieux gérée afin de donner
la priorité au renforcement institutionnel, capacity building.
En d'autres termes, le véhicule qui contribuera aux
réformes institutionnelles devra été
amélioré afin de garantir le succès des réformes
économiques ».70
En réalité, la situation d'Haïti dans ses
rapports avec les organismes internationaux de financement est loin
d'être différente de celle des pays d'Afrique. L'argument du
développement économique reste la finalité de leur action
visant la reconceptualisation de l'Etat en Haïti. Ils sont convaincus que
le succès des réformes économique ne peut être
garanti sans la mise en place d'un certain modèle de direction et
gestion publiques. Donc ils promeuvent des réformes institutionnelles
mettant en avant la bonne gouvernance ou en encore la
gouvernance démocratique comme préalable au
développement économique.
En revanche, selon les professeurs Expert ICONZI,
Gisèle BELEM et Corinne GENDRON, présentant la bonne gouvernance
en tant que fin et moyen du développement : «... la bonne
gouvernance ne saurait être ni un préalable ni une
conséquence absolue du développement. Inscrite dans une
réinterprétation du développement, elle en constitue
à la fois une fin et un moyen (...). En faire une conditionnalité
de l'aide au développement des pays les moins avancés, autant que
la renier à leurs peuples en en faisant une conséquence absolue,
constituent toutes deux des aberrations qui nuisent au développement
humain durable. »71
Pour ce qui nous intéresse plus spécifiquement
dans le cadre de notre objet d'étude, le phénomène de la
mondialisation et surtout la dépendance financière d'Haïti
vis-à-vis desdits organismes internationaux l'empêchent
d'être maitre de la conception et de l'orientation de
69 Banque Mondiale, « L'ajustement en Afrique
: réformes, résultats et le chemin à parcourir »,
1994, p. 257- 258, cité par B. CAMBELL, ibid., page 9.
70 Ibid , page 10.
71 « Conditionnalité gouvernance
démocratique et développement, (dilemme de l'oeuf et de la poule)
ou problème de définition ? », Op. cit., page 44.
son modèle d'Etat. Or le modèle de management de
la Fonction publique et la philosophie de sa modernisation participent d'une
certaine conception de l'Etat. Comment l'Etat haïtien peutil donc arriver
à dépasser le préalable « quelle Fonction publique
pour quel modèle d'Etat ? » dans le cadre de son projet de
modernisation de la Fonction publique ? Se met-il à l'écoute de
ses citoyens via la philosophie de l'Etat dégagée dans la
Constitution du 29 mars 1987 adoptée dans le contexte de la chute du
régime des DUVALIER, ou encore, est-il tiré par le haut par ses
partenaires financiers internationaux se trouvant obligé d'adopter une
philosophie de modernisation dont il n'est pas le maitre ? Y a-t-il
effectivement une dichotomie entre la conception de modernisation de la
Fonction publique portée par desdits partenaires internationaux et cette
philosophie de l'Etat consacrée dans la Constitution de 1987 dont la
population haïtienne est le constituant originaire ? Que reste-t-il du
principe de l'autodétermination face au phénomène de la
mondialisation financière et celui de la dépendance
économique d'Haïti ?
En effet, selon le lexique de science politique,
l'autodétermination c'est un « principe suivant lequel un peuple
doit avoir le droit de déterminer sa propre forme de gouvernement,
indépendamment de toute puissance étrangère...
»72.
Pour sa part, le lexique des termes juridiques
définit l'autodétermination comme « le fait pour un
peuple de choisir librement (par referendum) s'il entend ou non être
souverain et constituer un Etat, déterminer son système politique
et économique ».73
Tenant compte de ce qui précède, tous les
peuples de tous les Etats du monde peuvent en quelque sorte prétendre,
sans aucune influence étrangère, pouvoir eux-mêmes
définir leur propre système économique et leurs propres
méthodes de gouvernement. C'est aussi une conséquence du principe
de l'égalité souveraine des Etats qui constitue l'un des
fondements de l'organisation des Nations-Unies74. Ainsi, si tous les
Etats sont-ils égaux en souveraineté, comment certains d'entre
eux pourraient-ils prétendre devoir déterminer ou réguler
le système politique ou économique d'autres Etats à leur
place ?
72 NAY, Olivier (sous la direction de). Lexique de
science politique - Vie et institutions politiques, Dalloz, Paris, 2008,
page 26.
73 GUINCHARD, Serge ; DEBARD, Thierry (sous la
direction). Lexique des termes juridiques, Dalloz, Paris,
18ème édition, 2011, page 82.
74 L'article 2, Paragraphe 1 de la Charte de
Nations-Unies énonce : « L'organisaion est fondée sur le
principe de l'égalité de tous ses Etats membres ».
64
B. Les citoyens Haïtiens et les acteurs
internationaux, ont-ils la même représentation de la modernisation
de la Fonction publique ?
Voilà une question que l'on ne se pose pas souvent,
mais qui est loin d'être anodine tant elle est plein d'enjeux multiples.
Il n'est certes pas évident de cerner la représentation de
l'ensemble des citoyens Haïtiens de la modernisation de la Fonction
publique, vu le poids des obstacles épistémologiques et/ou
épistémophiliques possibles. Il n'en est pas autrement pour les
acteurs internationaux impliqués dans le processus de cette
modernisation, vu leur nombre assez important, le problème de la
coordination de leur action et leurs motivations qui sont susceptibles
d'être différentes. Cette
hétérogénéité des citoyens Haïtiens et
des acteurs internationaux ne suggère pas d'emblée que nous
collions une représentation exacte et uniforme ou unifiée de la
modernisation de la Fonction publique aux Haïtiens ou aux acteurs
internationaux de la réforme.
En revanche, comme il a été rappelé
d'ailleurs dans le cadre de ce travail, l'implication desdits acteurs
internationaux dans le processus de la modernisation de la Fonction publique
participe à la fois d'une certaine conception de l'Etat, de sa place
dans la gestion et la prestation des services publics ; de la rénovation
du management de la Fonction publique à l'aide de réformes
d'inspiration managériale, etc. De plus, l'essence de leurs
préoccupations et motivations à inciter, voire exiger, ladite
modernisation est souvent d'obédience économique. Ils finissent
par se dire que les réformes économiques en vue, entre autres, du
développement et de la soutenabilité de la croissance ne peuvent
pas se détacher de réformes politiques et institutionnelles
s'inscrivant bien sür dans le cadre de certains référentiels
clés s'ils veulent gagner en efficacité. Donc, in fine,
l'enjeu, pour eux, est beaucoup plus d'ordre économique que
politique75.
Ainsi, l'ordonnance extérieure est-elle de moderniser
la Fonction publique, parce que prioritairement les finances publiques sont en
période de vaches maigres; le monde est dans un contexte de crise
financière ; il faut bien gérer l'aide internationale, etc.
Donc, tout en essayant de maintenir un discours sur la qualité des
services publics offerts aux usagers
75 En réalité, cette approche parait
plus pertinente dans le cas des institutions de Bretton Woods, en l'occurrence
la Banque Mondiale (BM) et le Fonds Monétaire International (FMI), et
les organismes de financement multilatéraux en général que
dans le cas de la coopération bilatérale.
comme pour suggérer à l'opinion publique
nationale leur préoccupation à ce que ces derniers jouissent des
services publics de qualité, l'enjeu fondamental reste le critère
du coût des services publics et non celui de la
qualité.
Il s'ensuit que quand les acteurs internationaux, dits
partenaires d'Haïti, particulièrement les institutions
internationales de financement impliqués dans la réforme du
secteur public haïtien parlent de modernisation de la Fonction publique,
on assiste généralement et prioritairement à la mise en
oeuvre de politiques de réduction massive du nombre des Fonctionnaires
de l'Etat sous le prétexte de la masse salariale de la Fonction publique
occupant un pourcentage trop important des dépenses publiques.
D'où, l'Etat se voit incité, par lesdits acteurs
internationaux, d'engager des réformes dites de modernisation de la
Fonction publique, généralement comme conditionnalité de
l'aide internationale, qui ne sont pas sans incidences sociales,
particulièrement une remontée du chômage, sur la population
haïtienne.
En revanche, le rapport des citoyens, de leur
côté, avec l'Etat s'inscrit plutôt dans une autre dynamique.
En effet, l'une des raisons d'être de l'Etat c'est de favoriser
continuellement le mieux-être de ses citoyens. Ainsi, ces derniers sont
en droit d'exiger de l'Etat des services publics de qualité, accessibles
et de proximité. C'est d'ailleurs l'une des revendications des masses
populaires haïtiennes au lendemain de la chute du régime des
DUVALIER. Depuis, le peuple haïtien, via notamment les émissions de
libre tribune d'ailleurs tres nombreuses en Haïti, ne cesse de
réclamer à qui veut l'entendre la modernisation des institutions
publiques et de la Fonction publique.
Par voie de conséquence, nous pouvons en déduire
que les citoyens Haïtiens, faisant référence à la
modernisation de la Fonction publique, se préoccupent de la
qualité des services publics offerts par l'Etat. Ils exigent de l'Etat
des services publics de qualité et il revient à ce dernier de
satisfaire cette exigence de ses citoyens.
Ainsi, ne pouvons-nous pas nous demander si les citoyens
Haïtiens et les acteurs internationaux exigeant la modernisation de la
Fonction publique, mettent la même chose derrière le terme de
modernisation de la Fonction publique ? Le critère de la qualité
retenu par les citoyens Haïtiens et le critère du coût retenu
par les institutions internationales de
66
financement, participent-ils d'une conception
intégrée de la modernisation de la Fonction publique ?
En définitive, l'enjeu majeur pour l'Etat haïtien
auprès de ses citoyens dans le cadre dans le cadre de la modernisation
de la Fonction publique c'est de pouvoir offrir des services publics de
qualité, accessibles et de proximité. Les citoyens Haïtiens
n'ont pas à se préoccuper du coüt de la satisfaction d'une
telle exigence. Or, l'enjeu majeur pour l'Etat haïtien auprès des
acteurs internationaux, particulièrement les institutions
internationales de financement, c'est de pouvoir rationnaliser les
dépenses publiques et veiller, en l'espèce, au coüt de la
Fonction publique, particulièrement la masse salariale. D'où une
certaine propension de la part desdites institutions à ordonner à
l'Etat haïtien une Fonction publique chétive. Comment l'Etat
haïtien peut-il alors satisfaire à la fois ses citoyens et les
institutions internationales de financement ? Vu les faibles moyens financiers
dont dispose Haïti, peut-elle se passer desdites institutions
internationales et se préoccuper à satisfaire uniquement ses
citoyens ? L'Etat haïtien, peut-il réussir le saut qualitatif du
meilleur rapport qualité/prix comme pour satisfaire à la fois ses
citoyens qui pèsent sur la qualité et ses partenaires
internationaux qui pèsent plutôt sur le coût, mais tout en
tenant un discours sur la qualité ?
§ 2. La faible participation des acteurs de
différents secteurs de la vie nationale dans la conception des
programmes et les aléas de l'alternance politique
Un projet de modernisation de la Fonction publique de l'Etat
en Haïti est en principe avant tout une question d'ordre national. Si les
autorités publiques haïtiennes se disent en train de moderniser la
Fonction publique, pour qui le feraient-elles sinon au nom et pour le compte du
peuple haïtien de qui elles tirent leur légitimité?
Si la Fonction publique se modernise c'est pour mieux
répondre aux exigences de la modernité et pour pouvoir faire face
aux nouveaux besoins et exigences des citoyens liés à
l'évolution de la société. Comment alors prétendre
faire ladite modernisation pour les besoins de la société, mais
sans les différents secteurs de cette dernière ?
La majorité politique au pouvoir garde en principe le
leadership du processus de modernisation. Toutefois, elle ne saurait nier, dans
son modèle de prise de décision politique, la multiplicité
des acteurs représentatifs de différents secteurs de la vie
nationale. Un projet de modernisation de la Fonction publique conçu sur
la base d'un processus participatif aura permis de contourner les aléas
de l'alternance politique qui pourraient mettre à mal le processus
engagé.
Pourtant, force est de constater, dans la pratique, une faible
participation des acteurs nationaux autres que le pouvoir en place dans la
conception des programmes de modernisation. Les partis politiques, le secteur
privé des affaires, la paysannerie, l'Université, la presse,
l'Eglise, les associations et organisations de la société civile,
entre autres, n'ont quasiment pas voix au chapitre dans la conception et
l'élaboration de tels programmes.
D'aucuns pourraient toujours avancer qu'il n'est pas
évident de demander à un gouvernement de consulter tous les
secteurs ayant une certaine représentativité au niveau de la
société sur la question de la modernisation de la Fonction
publique. A ceux-là nous répondons que la majorité
politique en place, en dépit de sa légitimité
électorale et du fait que l'on soit dans un régime
représentatif, ne peut pas prétendre connaitre et définir
à elle seule les intérêts multiples de toute la
communauté politique. Elle est certes le garant de
l'intérêt général, tant elle est au pouvoir, mais
cela n'en fait pas de lui le seul juge.
D'ailleurs, il existe une crise du débat public en
Haïti. La culture de l'obligation pour le pouvoir politique d'expliquer
ses actions, de rendre compte à ses mandants n'est pas encore bien
assise dans le pays. Ce déficit de communication de l'action des
pouvoirs publics ne favorise pas les conditions d'un débat public ouvert
sur les grands themes de la vie nationale. Il n'est même pas rare de
constater, en Haïti, un Président de la République ou un
Chef du Gouvernement se déplacer officiellement en direction de
l'étranger sans rendre compte de l'objet de son voyage à la
population. La plupart des fois, ce sont les media étrangers qui
informent indirectement les média haïtiens de l'objet du voyage,
comme étant donné qu'il est difficile pour l'un ou l'autre de
rentrer officiellement dans un pays étranger sans que la presse dudit
pays ne soit au courant de l'objet de la visite.
Puisque les programmes de modernisation de la Fonction
publique mis en oeuvre accusent un déficit de participation dans leur
conception et élaboration, cela risque de laisser la
68
perception qu'il s'agit de la politique d'une simple
majorité au pouvoir et qui ne trouve pas son écho dans la
société, car décidés par le pouvoir en place et les
acteurs internationaux sans la consultation des secteurs vitaux de la Nation.
Or, depuis la chute du régime des DUVALIER, la population haïtienne
réclame une Fonction publique moderne, saine et efficace.
C'est d'ailleurs pour nous l'occasion de rappeler que les
différents gouvernements qui se sont succédé à la
tête de l'Etat n'ont pas su prouver qu'ils ont le sens de la
continuité de l'Etat, « principe selon lequel un gouvernement
ne peut répudier les obligations souscrites par son
prédécesseur ».76
De plus, en dehors du fait que les représentants de la
classe politique haïtienne n'ont pas tous nécessairement la culture
de parti, Haïti reste et demeure un pays de multipartisme,
c'està-dire un « système oil plusieurs partis politiques
se disputent le pouvoir, ce qui oblige généralement à
former des gouvernements de coalition plus ou moins stables
».77
Donc, le modèle haïtien dans ce domaine est loin
d'être proche du bipartisme partisan britannique ou du bipartisme
américain. Il n'est même pas voisin du multipartisme
français en ce sens que le pouvoir politique en France,
généralement, est tantôt exercé par la gauche,
représentée par le Parti Socialiste (PS) et tantôt par la
droite, représentée par l'Union pour un Mouvement Populaire
(UMP). Or, en Haïti, les partis politiques sont très nombreux, mais
non structurés. La majeure partie d'entre eux ne sont même pas
connus du grand public. La plupart d'entre eux n'existent que de nom. Ils sont
comme des groupuscules sans influence véritable sur l'échiquier
politique.
L'actualité politique récente d'Haïti vient
d'ailleurs corroborer ce propos en ce sens que l'actuel Président de la
République d'Haïti, Michel Joseph Martelly, est directement issu du
monde de la musique et aujourd'hui parachuté à la magistrature
suprême de l'Etat.
Par voie de conséquence, à un moment
donné de la vie nationale, n'importe quelle personnalité sans
lien avec les partis politiques peut arriver au plus haut sommet de l'Etat et
tenir les rênes du pouvoir. Si Haïti était dans une situation
de bipartisme, voire de
76 Lexique des termes juridiques, op. cit.,
page 209.
77 Ibid., page 534.
multipartisme, mais avec deux ou trois grands partis ou
courants idéologiques, l'enjeu de la non appropriation des programmes de
modernisation de la Fonction publique serait moins grand par rapport aux
aléas de l'alternance politique, car les principaux acteurs qui
potentiellement seraient mieux placés pour interrompre le processus de
modernisation ou le faire changer d'orientation idéologique suite
à la prise du pouvoir seraient mieux identifiables. Or, comme il a
été maintes fois démontré, c'est loin d'être
le cas.
Ainsi, est-ce le cas de dire que, dans ces conditions, si la
société dans son ensemble ne s'approprie pas les programmes de
modernisation de la Fonction publique dans leur philosophie et leur
finalité en participant librement et pleinement à la
définition de la question « quelle Fonction publique pour quel
modèle d'Etat ? », il y a fort à parier que la
réalisation effective du projet de modernisation de la Fonction
publique, tant attendue par le peuple haïtien en vue de sa satisfaction de
la qualité des services publics offerts, soit un véritable
défi pour l'Etat haïtien eu égard aux aléas de
l'alternance politique.
Par ailleurs, comment vouloir réformer la Fonction
publique sans les Fonctionnaires, sachant que ces derniers peuvent
potentiellement phagocyter les tentatives de modernisation s'ils ne
s'approprient pas le projet.
SECTION II
Les obstacles de l'instabilité politique et la
faiblesse du système judiciaire haïtien face au
phénomène de la corruption
Primo, nous présentons la dynamique de
l'instabilité politique comme une pierre d'achoppement à la bonne
marche du processus de modernisation de la Fonction publique (§ 1).
Secundo, nous essayons de démontrer que la culture de la
corruption dans la Fonction publique constitue un frein à la
réforme, mais aussi protégée par la culture de
l'impunité (§ 2).
70
§ 1. L'instabilité politique comme entrave au
processus de modernisation de la Fonction publique
Depuis la chute de la dictature des DUVALIER le 07
février 1986, Haïti s'enlise dans une instabilité politique
dont il a du mal à s'en sortir. Le nouveau système
politicoadministratif institué par la Constitution de 1987 est fortement
marqué par la discontinuité institutionnelle.
A contrario, la continuité institutionnelle
voudrait dire mettre effectivement en place les institutions
créées par la Constitution, leur donner les moyens de leur
fonctionnement, les renouveler à temps en vue de leur permettre de
fonctionner sans être saccadées par les soubresauts politiques.
L'actualité politique en Haïti ces derniers mois
regorge bien d'exemples relatant ce phénomène récurrent de
la vie politique en Haïti. En effet, selon la Constitution en vigueur en
Haïti78, des élections présidentielles devraient
avoir lieu le dernier dimanche du mois de novembre 2010 en vue du remplacement
du Président de la République René Préval le 07
février 2011. Lesdites élections ont été
effectivement tenues à cette date, mais elles ont abouti dans le chaos.
Avant la mi-journée, les bulletins de vote des citoyens jonchaient le
pavé et pouvaient être ramassés à la pelle. Cela a
introduit une nouvelle crise politique qui dure jusqu'à aujourd'hui, car
après quatre (4) mois de prestation de serment, le nouveau
Président de la République, Michel Joseph MARTELLY, n'arrive
toujours pas à faire accepter un Premier Ministre par le Parlement en
vue de doter le pays d'un Gouvernement.
Ces genres de situations sont loin d'être des exceptions
dans la pratique politique haïtienne. L'instabilité politique
manifestée par des cas de coup d'Etat, d'insurrection populaire,
l'incapacité ou le manque de volonté de renouveler les
assemblées du Parlement ou de réaliser toutes autres
élections selon le cycle électoral fixé par la
Constitution, l'incapacité
78 Cf : Constitution haïtienne du 29
mars 1986, articles 134-1 : « La durée du mandat
présidentiel est de cinq (5) ans. Cette période commence et se
termine le 07 février suivant la date des élections »
et 134-2 : « Les élections présidentielles ont lieu
le dernier dimanche de novembre de la cinquième année du mandat
présidentiel ».
de doter le pays d'un Gouvernement débouchant sur des
crises et vides institutionnels paraît devenir la règle dans le
cadre de la pratique du régime institué par la Constitution de
1987.79
Selon Marie Josée CLAVET, dans un article publié
dans « Perspective Monde » de l'université Sherbrooke
: « Le 07 février 2006, les Haïtiens se
présentaient massivement aux urnes, tôt le matin, pour
élire un nouveau président ainsi qu'un nouveau Parlement (1).
Mais la date du 7 février marquait aussi une autre journée
importante dans l'histoire de l'île d'Haïti; celle de l'exil de
l'ex- Président Jean-Claude Duvalier, le 7 février 1986. Ce
départ mettait fin à 28 ans de dictature imposée par la
famille Duvalier et laissait place à vingt années
d'instabilité politique. »80
A la chute du Président à vie de la
République d'Haïti, Jean-Claude DUVALIER, le 07 février 1986
suite à une insurrection populaire, le Conseil National de Gouvernement
(CNG) a pris le relai du pouvoir et s'est vu attribué, entre autres, la
mission essentielle de mettre tout en oeuvre de manière à
s'assurer qu'une nouvelle Constitution soit adoptée par voie de
référendum en vue d'une nouvelle réglementation de la vie
politique et organiser rapidement des élections en vue du renouvellement
du personnel politique.
Finalement, la nouvelle Constitution n'a été
soumise à référendum pour être adoptée que le
29 mars 198781 et elle a été tardivement
publiée le mardi 28 avril 1987 par le CNG,82 soit un peu plus
d'un an après la chute du régime antérieur. Toutefois,
l'instabilité politique empêche au pays de fonctionner dans le
normalité institutionnelle. Le nouveau système
politico-administratif qui devrait s'implanter par la mise en oeuvre de la
nouvelle Constitution n'a pas pu atteindre son stade de maturité et les
réformes administratives préconisées à l'article
295 des dispositions transitoires de la Constitution de 1987 n'ont pas pu
aboutir :
« Dans les six mois à partir de
l'entrée en fonction du Premier Président élu sous
l'empire de la Constitution de 1987, le pouvoir Exécutif est
autorisé à procéder à toutes
79 En témoignent le livre de Claude Moïse
intitulé : « Une Constitution dans la tourmente » et
celui de Pierre Raymond Dumas intitulé : « La transition qui
n'en finit pas ».
80 « Vingt ans d'instabilité politique :
Haïti et la fin du régime DUVALIER », publié le 12
février 2006 sur le site web de Perspective Monde de
l'Université Sherbrooke. La page est consultée le 29 aoüt
2011.
Cf :
http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMAnalyse?codeAnalyse=127
81 Le Nouvelliste du lundi 30 mars 1987,
no 32 965, page 1. Plus de 99% de OUI au référendum
sur la Constitution.
82. L'article 298 de la Constitution dispose que la
nouvelle Constitution devrait être publiée dans la quinzaine de sa
ratification par voie référendaire.
72
réformes jugées nécessaires dans
l'Administration publique en général et dans la Magistrature
».
Sous l'égide de la Constitution de 1987, la premiere
tentative d'organisation d'élections générales a eu lieu
le 29 novembre 1987. Ces élections n'ont pas abouti.83 De
nouvelles élections ont été organisées le 17
janvier 1988 et ont permis l'accession au pouvoir du professeur Leslie
François Saint Roc MANIGAT. Ces élections ont accusé un
faible taux de participation de la population et ont été, pour le
moins, largement contestées par une bonne partie de la classe
politique.84
En dépit des contestations enregistrées portant
sur l'organisation et l'issue desdites élections, ces dernières
ont eu le mérite de donner au pays le Premier Président
élu sous l'empire de la nouvelle Constitution. Donc, c'est ce Pouvoir
Exécutif ayant à sa tête le Président de la
République Leslie Manigat qui devrait procéder, selon les
dispositions constitutionnelles transitoires, aux premières
réformes jugées nécessaires dans l'Administration publique
dont la modernisation de la Fonction publique. Néanmoins,
l'instabilité politique allait tout gacher. Le Président de la
République, Leslie F. MANIGAT, et la 44ème
Législature n'ont pas tenu six mois, car emportés par un coup
d'Etat du Général Henri NAMPHY en juin 1988.85
En septembre de la même année, le pays a connu un
nouveau coup d'Etat. Il s'agit en réalité d'un coup d'Etat dans
le coup d'Etat, dirigé cette fois-ci par le Général
Prosper AVRIL.86 Parallèlement, de juin 1988 à janvier
1991, le pays a fonctionné sans le Parlement. Comment alors amorcer,
voire réussir un processus de modernisation de la Fonction publique dans
le contexte de crises et vides institutionnels et de coups d'Etat en cascade
?
83 Cf : Le Nouvelliste du lundi 30
novembre 1987, no 33 142 (29 novembre : dimanche d'horreur et de
terreur). Ce, en dépit du fait que le Général REGALA a
promis que l'armée aura garanti l'ordre au cours des opérations
électorales (Le Nouvelliste du vendredi 27 novembre 1987,
no 33 141). Le CNG dissoud le Conseil Electoral Provisoire (CEP).
Cf : Le Moniteur du dimanche 29 novembre 1987, no 97.
84 Cf : Le Nouvelliste du lundi 18 janvier
1988, no 33 175 (faible taux de participation aux élections
du 17 janvier.
85 Cf : Le Nouvelliste du mardi 21 juin
1988, no 33 289 : « Dans la nuit de dimanche,
l'Armée renverse le Président Leslie Manigat et constitue un
Gouvernement militaire ». Le Moniteur du lundi 20 juin 1988,
no 54 : « Proclamation du Lieutenant-Général Henri
NAMPHY, Président du Gouvernement militaire et décret portant
dissolution du Sénat et de la Chambre ».
86 Cf : Le Nouvelliste du mardi 20 septembre
1988, no 33 352 : « Proclamation du Gouvernement militaire,
Lieutenant-Général Prosper AVRIL, Président
».
Dans le cadre du processus de réforme de
l'Administration et de la Fonction publique, un Ministère de
l'Administration et de la Fonction publique (MAFP) a été
créé en 1989.87 Un décret du 10 mai de la
même année portait organisation dudit Ministère
situé au coeur des structures de gestion de la Fonction publique pour
l'époque considérée.
Ledit ministère « formule la politique du
Gouvernement en matière d'administration générale et de
développement des ressources humaines de la Fonction publique. Il veille
à la stricte observance des lois et à l'application de toutes les
décisions du Gouvernement relatives à l'Administration et
à la Fonction publique. Il conçoit et exécute en accord
avec les services publics des programmes de perfectionnement des personnels. Il
est également chargé de veiller à l'application du Statut
général de la Fonction publique ».88
Plus loin, le professeur Enex JEAN-CHARLES a aussi fait
remarquer : « Cependant, sans abrogation formelle du décret du
10 février 1989, la quasi-totalité des services du MAFP ne
fonctionne pas en réalité. Depuis plusieurs années, aucun
ministre ou autre responsable chargé de la gestion de l'ensemble de la
Fonction publique n'a été nommé. »89
En réalité, il existe aujourd'hui une structure
de gestion de l'ensemble de la Fonction publique en Haïti, c'est l'OMRH.
C'est que la toute dernière édition du livre du professeur E.
JEAN-CHARLES remonte à 2002, or il a fallu attendre l'année 2007
pour la création de l'OMRH, une structure non gérée par un
quelconque Ministère de l'Administration et de la Fonction publique,
mais plutôt casée à la Primature et placée sous
l'autorité immédiate du Premier Ministre.
Donc, il va sans dire que le Ministère de
l'Administration et de la Fonction publique est une structure, entre autres, de
gestion de la Fonction publique créée en pleine crise politique
dans le cadre du processus de réforme de l'Administration et de la
Fonction publique. Aussi, cette structure n'a-t-elle pas eu le temps de
produire ses effets en raison de crises politiques postérieures. C'est
le cas de dire que l'instabilité politique vient presque toujours, par
intermittence, entrecouper les tentatives de mise en oeuvre du processus de
modernisation de la Fonction publique.
87 Décret du 10 février 1989 portant
création du Ministère de l'Administration et de la Fonction
publique.
88 E. JEAN-CHARLES, Manuel de droit administratif
haïtien, op. cit., page 288.
89 Idem, page 289.
74
En outre, le 16 décembre 1990, de nouvelles
élections générales ont été
organisées dans le pays. Elles ont permis l'accession au pouvoir du
Président de la République Jean-Bertrand ARISTIDE et
l'avènement de la 45ème
Législature.90 Le nouveau Président élu a
entré en fonction le 07 février 1991, soit la date de sa
prestation de serment. En application de l'article 295 sus-évoqué
de la Constitution du 29 mars 1987, le Parlement, sous l'initiative du Pouvoir
Exécutif, a voté la loi du 07 mars 1991 autorisant le Pouvoir
Exécutif à procéder à toutes réformes
jugées nécessaires dans l'Administration publique en
général et dans la Magistrature.
En revanche, les mesures adoptées sous l'empire de
ladite loi n'ont pas eu le temps de produire leurs effets et ne peuvent donc
pas être évaluées, car le 30 septembre 1991, soit une
période de sept (7) mois après l'investiture du Président
ARISTIDE, un coup d'Etat militaire l'a contraint de prendre le chemin de
l'exil. La 45ème Législature est restée en
place, mais on l'aura compris, cette dernière est restée pendant
longtemps inopérante. Selon le professeur E. JEAN-CHARLES : «
Les nouveaux dirigeants issus du coup d'Etat ont remis en question toutes
les mesures prises dans le cadre de la loi du 07 mars 1991
».91
En 1997, la question de la réforme administrative
refait surface dans l'agenda politique avec la création de la Commission
nationale à Réforme administrative (CNRA). L'une de ses
attributions fut de réaliser un diagnostic complet de l'Administration
et de la Fonction publique et d'en faire des propositions de réforme. La
loi du 09 avril 1997 portant sur le départ volontaire et la mise en
retraite anticipée a chargé la CNRA d'une mission de coordination
de la mise en oeuvre du processus de réforme de la Fonction publique.
En 2001, les travaux de la CNRA ont été
discontinués. Son mandat a pris fin définitivement le 31 mars
2002. En effet, le 07 février 2001, il y a eu passation de pouvoir entre
le Président de la République René PREVAL et le nouveau
Président réélu Jean Bertrand ARISITDE. Est-ce encore le
déficit du sens de la continuité de l'Etat qui se pose ?
En dépit de la cessation du fonctionnement de la CNRA,
les propositions de cette dernière ont été à
nouveau revues et soumises au Gouvernement en 2003, sous la pression du PNUD
dans le cadre du projet Modernisation de l'Etat et
Décentralisation.
90 Cf : Le Nouvelliste du vendredi 14 au
dimanche 16 décembre 1990, no 33 959.
91 Ibidem, page 292.
En revanche, le 29 février 2004, une crise politique
née des élections contestées du 21 mai et du 26 novembre
2000 a finalement emporté la 47ème Législature
et le Président Jean Bertrand ARISITDE et ce dernier a pris le chemin de
l'exil.
De mars 2004 à avril 2006, le pays a de nouveau
fonctionné sans le Parlement. Le Président de la Cour de
Cassation, Me Boniface ALEXANDRE, a passé plus de 90 jours à
occuper provisoirement la fonction présidentielle.92 De son
côté, le Premier Ministre Gérard LATORTUE a
fonctionné sans le Parlement pour contrôler l'action de son
Gouvernement.93
Toutefois, s'appuyant sur les travaux déjà
réalisés par la CNRA, le gouvernement de transition a
adopté un ensemble de décrets dont celui du 17 mai 2005 portant
révision du Statut général de la Fonction publique donnant
ainsi un nouveau cadre légal à la réforme.
Paradoxalement, les acteurs internationaux de la
réforme de l'Administration et de la Fonction publique en Haïti, se
montraient aussi timides pour appuyer la mise en oeuvre effective des multiples
décrets adoptés par le gouvernement de transition, sachant que ce
dernier ne jouissait pas de la légitimité démocratique,
car n'étant pas issu des élections. Donc, il a fallu le retour au
pouvoir, par la voie des urnes, du Président de la République
René PREVAL en 2006 pour une appréciation des mesures
adoptées.
En 2007, dans le cadre de l'aménagement du nouveau
cadre institutionnel de la réforme le gouvernement PREVAL - ALEXIS a
créé et mis en place d'un côté, le Conseil
Supérieur de l'Administration et de la Fonction publique (CSAFP),
responsable du pilotage stratégique de la modernisation du service
public et de la Fonction publique ; d'un autre côté, l'Office de
Management et des Ressources Humaines (OMRH), chargé du pilotage
opérationnel des activités de la réforme.
92 Selon la Constitution de 1987, article 149 :
« En cas de vacance de la Présidence de la République
pour quelque cause que ce soit, le Président de la Cour de Cassation de
la République ou, à son défaut, le viceprésident de
cette Cour ou à défaut de celui-ci, le Juge le plus ancien et
ainsi de suite par ordre d'ancienneté, est investi provisoirement de la
fonction de Président de la République par l'Assemblée
Nationale dûment convoquée par le Premier Ministre. Le scrutin
pour l'élection du nouveau Président pour un mandat de cinq ans a
lieu 45 jours au moins et quatre-vingt-dix jours au plus après
l'ouverture de la vacance, conformément à la Constitution et
à la loi électorale.
Me ALEXANDRE a passé un peu plus de deux ans au
pouvoir, suite à un accord politique, celui du 04 avril 2004, entre les
acteurs de la société civile, des partis politiques de la classe
politique haïtienne et des partenaires de la Communauté
internationale, particulièrement la France, le Canada et les
Etats-Unis.
93 Article 156 de la Constitution du 29 mars 1987 :
«Le Gouvernement conduit la politique de la Nation. Il est responsable
devant le Parlement dans les conditions prévues par la Constitution.
»
76
En somme, c'est le cas dire que l'instabilité
politique, phénomène récurrent de la vie politique en
Haïti, constitue une contrainte de taille de l'optimisation effective de
la Fonction publique à laquelle l'Etat haïtien fait face, car elle
constitue une entrave au processus de modernisation de la Fonction publique.
Néanmoins, le phénomène de la corruption dans la Fonction
publique n'en est pas moins compromettant.
§ 2. La culture de la corruption dans la Fonction
publique : un obstacle au processus de modernisation et un phénom~ne
entretenu par la culture de l'impunité
Selon une définition du Lexique de Science
politique, l'impunité c'est le «fait d'échapper
à toute punition, pour des raisons de circonstances ou de droit. Les
raisons de circonstances peuvent tenir aussi bien au défaut de preuves
qu'à l'absence de volonté de poursuivre ou de sanctionner. Les
raisons de droit sont liées à l'existence d'une
immunité... »94
Par ailleurs, la notion de corruption est ainsi définie
dans le Lexique des termes juridiques : « Comportement
pénalement incriminé par lequel sont sollicités,
agréées ou reçus des offres, promesses, dons ou
présents, à des fins d'accomplissement ou d'obtention de faveurs
ou d'avantages particuliers. La corruption est dite passive lorsqu'elle est le
fait du corrompu, elle est dite active lorsqu'elle est le fait du corrupteur
».95
Dans un article soumis à Alter Presse le 23
avril 2004 et publié le lundi 25 avril 2005, intitulé : «
Impunité et corruption en Haïti : une affaire d'Etat »,
la journaliste Haïtienne Nancy ROC, a avancé : «
Depuis 1911, la corruption est devenue une institution indispensable au
fonctionnement de l'Etat marron. Entre les individus et la
société, un ensemble de normes se sont établies au fil des
ans, tissant les réseaux de clientélisme et de patronage, de
faveurs et de redevances. La corruption financière qui se traduit par
une absence de gestion efficiente des finances publiques a tissé une
toile d'araignée dans
94 Opere citato, page 252.
95 Opere citato, pages 230 et 231.
l'Administration publique dans laquelle l'absence de
règles claires et précises est la norme
».96
En Haïti, il est courant d'entendre, de la part des
autorités de la Police ou de la Justice, la formule «
l'enquête se poursuit ». Cela devient comme une litanie
tant il y a de crimes contre le trésor public ou de toute autre nature
et tant les personnes à qui ces crimes sont imputables restent impunies.
En effet, les enquêtes sur les cas de corruption dans la Fonction
publique se poursuivent quasiment toujours sans la garantie de leur
aboutissement. Finalement, la formule est devenue un mot de passe desdites
autorités quand les travailleurs de la Presse, dans le cadre des
conférences de presse, interview, émissions ou autres, posent des
questions sur le traitement de cas spécifiques de corruption.
Selon l'article 2 du décret du 23 novembre 2005 portant
révision de l'organisation et le fonctionnement de la Cour
Supérieur des Comptes et du Contentieux Administratif (CSC/CA) : «
La CSC/CA est une institution indépendante qui a pour mission de
juger les actes de l'Administration publique, les comptes des ordonnateurs et
comptables de deniers public et d'assister le Parlement et l'Exécutif
dans le contrôle de l'exécution des lois et dispositions
réglementaires concernant le budget et la comptabilité publique
».
Selon les dispositions de l'article 18 du décret en
question : « Lorsqu'une décision dégage la
responsabilité financière d'un Comptable Public de droit ou de
fait, l'acte juridique prend le titre d'Arrêt de Quitus ou de
Décharge. Cet acte emporte de plein droit radiation des
inscriptions hypothécaires prises sur leurs biens et libération
des montants déposés en garantie de leurs gestions.
»
En revanche, aux termes de l'article 19 dudit décret,
il est mentionné : « La décision qui engage la
responsabilité financière du Comptable de droit ou de fait soit
en constatant des malversations, des détournements, des vols ou des
concussions soit en relevant des actes préjudiciables au Trésor
Public ou aux intérêts financiers des Collectivités
Territoriales ou des Organismes autonomes prend le titre d'Arrêt
de Débet. »
96 Cf : Site web de Alter Presse,
URL complet :
http://www.alterpresse.org/spip.php?article2452
la page est consultée le 20 août 2011.
78
Or, force est de constater le bilan surprenant, pour ce qui
est de l'objet traité ici, de la CSC/CA pendant plusieurs
décennies d'existence déjà. En effet, ladite Cour a rendu
trois (3) arrêts de débet en cinquante (50) ans, comme le
témoigne cet article de Sherline Chanlatte DUPLAN et Samuel BAUCICAUT,
intitulé : « Haïti : trois arrêt de débet en
50 ans », publié dans les colonnes du journal Le
Nouvelliste en date du 21 septembre 2007.97 Qui punit les
Fonctionnaires corrompus ?
En réalité, les pratiques, entre autres, des
pots-de-vin, de copinage, de trafic d'influence, de népotisme, de
favoritisme, d'harcèlement sexuel, de la contrebande, d'encouragement du
phénomène de raquetteurs devant les services publics, restent un
secret de polichinelle en Haïti. Ces pratiques rythment la
réalité quotidienne des Administrations publiques
haïtiennes. A qui de telles pratiques incriminées par la
législation haïtienne sontelles imputables et où ses
responsables sont-ils punis ?
C'est le cas de dire que la corruption dans la Fonction
publique en Haïti devient une culture tant elle est
intériorisée, bien ancrée dans les moeurs et entretenue
par la culture de l'impunité. Cette dernière est à son
tour expliquée par la faiblesse du système judiciaire
haïtien. En fait, un système judiciaire indépendant du
pouvoir politique, doté des moyens de garantie de cette
indépendance et immunisé contre les convoitises des corrupteurs
est un gage de l'administration d'une justice saine et équitable. Or,
Haïti n'en est pas encore là ; le pays reste encore du chemin
à parcourir.
Certes, constitutionnellement, le Pouvoir Judiciaire est
placé dans une logique d'horizontalité par rapport aux deux
Pouvoirs politiques, en l'occurrence Le Pouvoir Législatif et le Pouvoir
Exécutif constituant ainsi les trois grands Pouvoirs de l'Etat ;
d'ailleurs le principe de la Séparation des Pouvoirs est consacré
à l'article ... de la Constitution. Cependant, entre la norme et la
réalité, la panne n'est pas franchie. La question de
l'indépendance des Juges reste encore problématique, en ce sens
qu'ils sont au carrefour des convoitises des corrupteurs, des pressions du
personnel politique et leurs désillusions découlant de leur
traitement en parent pauvre par les différents régimes
successifs. Comment alors sortir de cette ornière en vue de la
modernisation effective de la fonction
97 CI : Site web du journal Le Nouvelliste. URL
de la page :
http://www.lenouvelliste.com/articleforprint.php?PubID=1&ArticleID=48831
Elle est consultée le 30 août 2011.
publique ? Si les Fonctionnaires sont rassurés de
pouvoir s'échapper d'une hypothétique sentence de la Justice,
pourquoi seraient-ils obligés d'éviter de se tremper dans la
corruption ? Comment l'Etat pourrait-il donc moderniser la fonction publique
sans garantir l'indépendance effective du Pouvoir Judiciaire et le
traitement adéquat des Juges ?
80
Chapitre 4
La modernisation effective de la Fonction publique comme
un levier de performance de l'Administration : un défi
relevable
Dans le dernier chapitre de notre travail de recherche
académique, nous essayons de démontrer qu'une modernisation de la
Fonction publique comme axe de la performance de l'Administration publique
constitue, certes, un défi pour l'Etat haïtien à la
croisée des enjeux multiples, mais tout en essayant aussi de
démontrer que ce défi n'est pas indépassable, moyennant
certaines conditions.
En effet, nous faisons dans un premier un plaidoyer pour un
investissement coordonné et soutenu des multiples acteurs nationaux et
internationaux de la réforme dans l'attractivité de la Fonction
publique sous le leadership de la majorité politique au pouvoir (section
1). Dans un second temps, nous insistons sur la nécessité que
cette modernisation de la Fonction publique, dans sa philosophie, soit
orientée vers la satisfaction ultime des usagers des services publics
(section 2).
SECTION I
Un investissement coordonné et soutenu des
différents acteurs dans l'attractivité de la Fonction
publique
Oui pour un investissement coordonné
et soutenu des différents acteurs de la réforme dans
l'attractivité de la Fonction publique, parce qu'une Fonction publique
attractive est un préalable nécessaire à la performance
(§ 1). Toutefois, malgré l'apologie de ce processus participatif et
multi-niveau dans une dynamique de co-production de la réforme par le
réseau des partenaires engagés, nous proposons aussi que la
question de la modernisation de la Fonction publique soit d'abord, en tout
état de cause, un projet de société (§ 2).
§ 1. Une Fonction publique attractive : un
préalable nécessaire à la performance
Dans ce paragraphe, nous présentons d'abord la
stratégie de la fidélisation des Fonctionnaires comme fondement
du modèle de gestion des ressources humaines dans la perspective de sa
rénovation (A). Ensuite, nous essayons de démontrer la
nécessité de lancer une « opération de charme »
en direction des cadres Haïtiens de la diaspora dans la perspective d'une
gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (B).
A. La rénovation du modèle de gestion des
ressources humaines : vers la fidélisation des
Fonctionnaires
La Constitution haïtienne de 1987 en ses articles 234 et
suivants et le décret du 17 mai 2005 portant révision du Statut
Général de la Fonction publique posent les jalons d'un
modèle de management de la Fonction publique. Ce modèle de
gestion est basé sur le mérite, la formation continue et le
perfectionnement des cadres, l'évaluation des résultats, la
liberté syndicale des Fonctionnaires, l'honnêteté et
l'efficacité, la protection de la carrière, etc.
L'OMRH, placé sous l'autorité du Premier
Ministre et chargé de la gestion globale de la Fonction publique,
dispose des vis-à-vis dans les différents départements
ministériels. C'est le « Réseau des directeurs de
ressources humaines » dans les ministères et organismes
déconcentrés avec lequel l'OMRH discute de la mise n application
des directives sur la gestion des agents de la Fonction publique.
En revanche, force est de constater l'écart existant
entre les normes juridiques et les pratiques de tous les jours dans la Fonction
publique haïtienne. C'est que la réforme de l'Etat et des
institutions ne peut pas se résumer à une réforme du Droit
en Haïti. Cela doit nécessairement passer par une révolution
de notre rapport au Droit, à la norme juridique. La culture du Droit
devra être inculquée aux autorités politiques
représentantes de l'Etat et aux citoyens, afin que la loi cesse
d'être adoptée pour être violée sans que cela
n'interpelle personne.
82
Par ailleurs, les auteurs du Programme-cadre de la
Réforme de l'Etat disent noter des faiblesses importantes dans le
système de management de la Fonction publique en vigueur. Selon eux :
« l'approche de gestion du personnel est encore de type traditionnel
par le fait d'abord que les principes et instruments de gestion prévus
dans la Constitution (Titre VIII) et dans le décret portant
révision du Statut Général de la Fonction publique sont
faiblement utilisés. Le recrutement des Fonctionnaires, par exemple, se
fait pour l'essentiel sur recommandation et non sur base de concours (...).
Aucun processus d'évaluation de la performance n'est en application,
encore moins de politique salariale associée à des avantages
sociaux capable d'assurer la rétention du personnel au service de l'Etat
».98
D'où, l'importance, d'abord, de mettre en oeuvre de
manière effective les prescrits de la Constitution relatifs à la
Fonction publique et les dispositions du décret sur le Statut
général de la Fonction publique. C'est que la Constitution et le
cadre statutaire de la Fonction publique offrent déjà des moyens
de révolutionner des « mauvaises » pratiques de gestion du
personnel. Il aura fallu juste ajouter un accent managérial au processus
de rénovation du modèle de management de la Fonction publique en
faisant, entre autres, une gestion plus personnalisée, en assouplissant
les règles et les procédures en vue de la performance.
Le professeur Annie BARTOLI parlent de l'existence de trois
logiques différentes pour la gestion des agents publics de l'Etat :
> L'approche administrative, qui
renvoie à des logiques réactives, basées sur un principe
d'évolution limitée au sein de contraintes ;
> L'approche gestionnaire,
nettement plus pro-active, mais considérant le personnel comme une
source de coût ;
> L'approche
managériale, d'essence stratégique et
participative, au sein de laquelle le personnel est vu comme une «
ressource » et le système organisationnel comme un cadre fait de
marges de manoeuvre.99
98 Op. cit., page 16.
99 BARTOLI, Annie. « Management dans les
organisations publics », Dunod, Paris, 2ème
édition, 2009, page 162. Signalant d'ailleurs l'existence d'une
situation similaire en France, le professeur BARTOLI rappelle, à la page
153 de son livre : « Dans ce contexte, les membres de l'encadrement
(généralement au sein des catégories A et B, selon le
découpages des Fonctions publiques) sont davantage
considérés comme des applicateurs de règles, dans le cadre
de grilles et dispositifs pré-établis, que comme de gestionnaires
de personnels et encore moins comme des managers ».
Dans la Fonction publique haïtienne, la logique dominante
pour la gestion des ressources humaines reste l'approche administration pour
rester dans la typologie proposée par le professeur BARTOLI. Donc, tout
en plaidant pour une démarche intégrée, nous
privilégions, toutes proportions gardées, l'approche
managériale dans le cadre de la rénovation du modèle de
gestion des Fonctionnaires.
Ensuite, l'une des missions essentielles à laquelle
l'Etat haïtien pourrait s'atteler c'est de fonder son modèle de
management de la Fonction publique sur la fidélisation des
Fonctionnaires, car le phénomène de la fuite des cadres tend
à être hors de proportion. Si rendre la Fonction publique
attractive aura pour effet d'attirer les cadres les mieux formés,
expérimentés et les jeunes frais émoulus de
l'Université vers ladite Fonction publique, la fidélisation des
Fonctionnaires participe de la stratégie de rétention des
ressources humaines chargées du service public administratif.
Pour arriver à une Administration publique offrant des
services publics de qualité, l'Etat doit pouvoir compter sur une
Fonction publique forte, professionnelle, libre, motivée, voire
engagée. Or, il lui arrive d'entreprendre des programmes dits de
modernisation de la Fonction publique qui sont aux antipodes de cette logique.
D'où, l'un des défis de taille pour l'Etat haïtien quant
à la fidélisation des Fonctionnaires dans un contexte mondial
où différentes grandes entreprises du secteur privé,
cherchant à augmenter leurs parts de marché, dénichent,
courtisent et fidélisent les ressources humaines les mieux
qualifiés sur le fondement de la théorie du capital
humain100. Comment donc l'Etat haïtien, faisant
déjà face à une situation de raréfaction des
ressources humaines haïtiennes les mieux qualifiées pour diverses
raisons, peut-il se permettre de ne pas axer son modèle de gestion des
Fonctionnaires sur la stratégie de la fidélisation ?
En effet, la stratégie de la fidélisation des
Fonctionnaires peut comporter un volet symbolique et un volet
matériel.
100 CLERK, Denis. Alternatives Economiques,
no 105, 1993, page 3. Théorie développée
par l'Américain Prix Nobel (1974) Théodore W. Schultz et le Prix
Nobel Gary Becker (1992). Cette théorie analyse l'apport de la formation
à la croissance économique.
84
En ce qui a trait au volet symbolique de la stratégie
de fidélisation, il repose sur un ensemble de valeurs à
intégrer dans le secteur public. Une fois que ces valeurs auront
été incarnées par le service public et la Fonction
publique, le regard porté sur les Fonctionnaires aura changé.
Aujourd'hui, non seulement les Fonctionnaires Haïtiens sont perçus
même par l'Etat comme un poids, mais en plus de lourdes soupçons
de corruption pèsent sur leur dos.101
Dans un tel contexte de suspicion
généralisée, il n'est plus difficile pour une personne
extérieure à la Fonction publique de percevoir le Fonctionnaire
comme un potentiel corrompu, sinon un corrompu tout court, dilapidant les
caisses publiques ou se livrant à toutes autres formes de corruption. Or
une telle perception ou représentation des Fonctionnaires est moralement
préjudiciable à la personne du Fonctionnaire. En ayant conscience
de cela, comment peut-il vouloir s'accrocher à cette Fonction publique ?
D'où la nécessité de changer ce regard porté sur
les Fonctionnaires en intégrant un ensemble de valeurs nouvelles dans la
Fonction publique.
La transparence, la performance, la compétence,
l'égalité, la responsabilité, l'impartialité et le
respect sont, entre autres, les valeurs à intégrer dans la
Fonction publique dans le cadre de la rénovation du modèle de
gestion des Fonctionnaires. A titre indicatif, une Fonction publique dont la
porte d'entrée s'ouvre aux méritants est un vecteur de
fierté des Fonctionnaires. D'où aussi un motif de sa
fidélisation à cette Fonction publique.
Pour ce qui est du volet matériel de la
stratégie de la fidélisation, il reposera sur une politique
salariale axée sur une gestion personnalisée de la performance du
Fonctionnaire, sans toutefois sortir de la grille de salaire des
Fonctionnaires. Cela aura pour effet d'inciter les Fonctionnaires à
être performants. L'Etat pourrait en ce sens envisager de rentrer en
concurrence avec le secteur privé sur le plan de la politique salariale
ou plus globalement du
101 ULCC, Transparency International, les organisations de la
société civile et même les autorités politiques
dénoncent à longueur de journée des cas de corruption dans
la Fonction publique. Le Président de la République Michel Joseph
Martelly, avant même son investiture, annonçait déjà
les couleurs : « Un poste dans la Fonction publique vient avec une
paire de menottes ». Le Premier Ministre désigné,
Daniel Rouzier a corroboré en ajoutant : « Certains luxes ne
sont pas normaux dans des pays pauvres, surtout quand on occupe un poste dans
la fonction publique. S'il quelqu'un veut faire de l'argent qu'il rejoigne le
secteur privé et investisse son argent, et ne pas se servir dans les
poches des contribuables ».
Cf : Le Nouvelliste, dépêche titré :
« Un poste dans la Fonction publique vient avec une paire de menottes
», publié le 25 mai 2011, la page est consultée le 25
août 2011.
URL :
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=92978&PubDate=2011-05-25
traitement des ressources humaines en vue de fidéliser les
Fonctionnaires, comme les entreprises du secteur privé fidélisent
leurs employés qualifiés pour rester compétitives.
B. Une gestion prévisionnelle des emplois et
compétences et une opération de « charme » en direction
des cadres Haïtiens de la diaspora
Le professeur BARTOLI souligne que selon une enquête
réalisée en France en 1993 auprès de 120 managers publics
: « 73% des répondants considéraient la gestion
prévisionnelle comme l'un des domaines de GRH tout
à fait compatibles avec la spécificitédes missions du
secteur public ou para-public. La logique prévisionnelle, qui consiste
à
préparer le futur en cherchant à le
prévoir (ou à le créer) serait donc possible pour la
gestion des ressources humaines de ces organisations, dépassant
ainsi les traditionnelles actions à court terme et les cadres
budgétaires annuels. Au plan quantitatif, il s'agissait de raisonner
à moyen terme sur des effectifs par structure d'emploi, et
d'intégrer les conséquences qualitatives de ces
prévisions, notamment en termes de politique d'emploi ou de formation
».102
Par ailleurs, selon les auteurs du Programme-cadre de la
réforme de l'Etat 2007- 2012 : «une politique de gestion
prévisionnelle des ressources humaines, dont certains des instruments -
comme un fichier de personnel, un diagnostic des besoins de formation, une
politique de recrutement ou une politique de formation continue - font
défaut, n'existe pas dans la quasi-totalité des administrations
publiques »103.
En revanche, dans le Statut général de la
Fonction publique, il est indiqué à l'article 29 : «
Dans le cadre des fonctions de gestion prévisionnelle des ressources
humaines, l'Office du Management et des Ressources Humaines, sous
l'autorité du Conseil Supérieur de l'Administration et de la
Fonction publique, organise des concours en vue du recrutement des
Fonctionnaires ».
102 BARTOLI A. ; TOUILLER G., « Les managers publics
face aux défis de leur organisations », Document de recherche,
no 9223, CERIM, automne 1993, cité par Annie BARTOLI,
in « Management dans les organisations publiques », op. cit.,
page 163.
103 Op. cit., page 7.
86
En réalité, l'organisation des concours en vue
du recrutement des Fonctionnaires n'est pas le seul instrument de gestion
prévisionnelle des emplois et des compétences dans le
modèle de management des ressources humaines retenu par le nouveau cadre
statutaire de 2005. A l'article 35 du Statut général de la
Fonction publique, il est précisé que « l'Etat peut
assurer la formation initiale des fonctionnaires et encourage le
développement des professions dans l'Administration Publique à
travers des filières professionnelles transversales et sectorielles
». A l'article 36, il est aussi précisé que la
formation des Fonctionnaires peut même être organisée
à l'étranger, considérant sans doute les faiblesses des
cursus offerts par les universités haïtiennes. De plus, il est
créé à l'article 37 du Statut en question une Ecole
Nationale d'Administration et de politiques publiques (ENAPP). De plus il est
aussi indiqué que l'Etat facilite l'octroi de bourses d'études
pour les Fonctionnaires. Ces derniers pourront jouir de cours et stages de
formation ou de perfectionnement.
En outre, les articles 40, 41 et 45 dudit Statut paraissent aller
encore plus loin. En effet, ils sont respectivement ainsi libellés :
> « L'Etat assure également la formation
continue et le perfectionnement des
fonctionnaires en cours de carrière en fonction de
lévolution d'une filière
professionnelle et des nouvelles technologies à
appliquer dans
l'Administration Publique ».
> « En fonction de leur vocation et de la
spécialisation des tâches à accomplir, des écoles de
formation propres à certains Ministères ou à d'autres
institutions publiques peuvent être créées par la loi
».
> « Les Ministères et institutions
publiques dont les personnels sont régis par le présent
Décret, en collaboration avec l'Office du Management et des Ressources
Humaines, établiront un plan .de formation et de perfectionnement
périodique de leurs personnels ».
C'est le cas dire que l'approche de gestion
prévisionnelle des emplois et des compétences est
déjà prescrite dans le cadre statutaire de la Fonction publique
de l'Etat en Haïti. Toutefois, il reste pour l'Etat haïtien de
relever le défi de sa mise en oeuvre effective.
De plus, comme il a été relaté dans une
étude de la Banque Mondiale, déjà citée dans ce
travail, plus de 80% des cadres Haïtiens vivent à
l'étranger. Dans un tel contexte de
raréfaction des ressources humaines qualifiées,
il va sans dire qu'il existe bien des compétences dont l'Etat a besoin
dans le cadre de la modernisation des services publics et de la Fonction
publique qui ne sont pourtant pas disponibles en Haïti. D'où la
nécessité de lancer ce que nous appelons une opération
« de charme » en direction des cadres Haïtiens de la Diaspora en
vue de les attirer et les intégrer dans la Fonction publique
haïtienne. Ils apporteraient, en raison de leurs qualifications,
compétences et expériences une véritable valeur
ajoutée à la Fonction publique en vue de sa performance.
En grosso modo, il aura fallu, certes, arriver
déjà à une mise en application effective du Statut
général de la Fonction publique offrant un cadre de gestion
prévisionnelle des emplois et des compétences assez
standardisé. Néanmoins, en dépit de cette mise en oeuvre
effective du cadre statutaire, l'Etat fera encore face à la
rareté des ressources humaines qualifiées. D'où
l'importance de « courtiser » les cadres Haïtiens vivant
à l'extérieur du pays en vue de leur intégration ou
réintégration dans la Fonction publique tout en s'assurant de la
mise en oeuvre effective d'une politique de leur rétention au service de
l'Etat dans la perspective d'une optimisation soutenue de la Fonction
publique.
§ 2. La modernisation de la Fonction publique : vers
un projet de société
A l'intérieur de ce paragraphe, nous essayons d'abord
de démontrer que la participation multi-niveau des multiples acteurs de
la vie nationale dans la réforme engagée constitue un gage
d'appropriation de la réforme par la société
haïtienne (A). Toutefois, il est tout aussi nécessaire pour l'Etat
haïtien de coordonner et de canaliser l'accompagnement des acteurs
internationaux de la réforme, en de la difficulté vraisemblable
d'une pareille mission (B).
A. La participation multi-niveau des multiples acteurs de
la vie nationale dans la réforme : un gage d'appropriation
Dans le Programme-cadre de la réforme de l'Etat
2007-2012, il est explicitement indiqué à la page 17 que les
dirigeants politiques détiennent le monopole de la conception et du
88
pilotage de la modernisation de l'Administration publique. En
effet, nous avons pu lire la phrase que voici : « Pour que
l'Administration publique haïtienne devienne un instrument de
développement du pays, il est impératif qu'elle se modernise. La
définition et le pilotage de ce processus de modernisation sont
l'apanage des seuls dirigeants politiques. »
Les dirigeants politiques, sont-ils les seuls
dépositaires de la légitimité de décider et d'agir
au nom et pour le compte de toute la communauté politique ? Comment
peuvent-ils, en voulant décider seuls de l'orientation, de la
définition et du pilotage du processus de modernisation, atteindre les
objectifs fixés ? N'est-ce pas déjà illusoire pour les
dirigeants politiques de prétendre pouvoir imposer d'en haut leur unique
entendement de ladite modernisation à la société toute
entière ? Une réforme des services publics et de la Fonction
publique, ne participe-t-elle pas aussi, dans une certaine mesure, d'une
réforme des valeurs au sein de la société ? Si oui,
comment vouloir réformer une société d'en haut,
c'est-à-dire sans l'acceptation et la participation de cette
société ? De plus, la définition et le pilotage de ce
processus de modernisation, peuvent-ils effectivement l'apanage des seuls
dirigeants politiques Haïtiens dans le contexte de la dépendance
financière croissante d'Haïti et celui de la mondialisation qui
suppose Interdépendance et ) (X[
[dJéH<DQIes ?
En tout état de cause, jusqu'ici, les
différentes tentatives de réformes des services publics et de la
Fonction publique en Haïti depuis les années 1980 ont
été faites sous l'instigation ou la pression ou encore
l'incitation des partenaires internationaux d'Haïti,
particulièrement les institutions financières internationales.
Les différents Gouvernements successifs décident,
généralement, d'engager le secteur public dans un processus de
réforme, parce qu'il s'agit avant tout d'une conditionnalité de
l'aide internationale sollicitée. Comme étant donné le
pays devient de plus en plus dépendant financièrement, lesdits
partenaires internationaux d'Haïti deviennent de plus en plus influents
dans le processus de modernisation engagée.
En définitive, l'Etat haïtien, dans le cadre de la
modernisation des services publics et de la Fonction publique, se trouve dans
une situation de double contrainte. Il est redevable à la fois de sa
légitimité nationale et de sa légitimité
internationale. Les citoyens Haïtiens exigent que la Fonction publique
soit modernisée et les acteurs internationaux intervenant en Haïti
font la même exigence, à la différence que pour leur part,
cette exigence est indirecte ou voilée. Par voie de conséquence,
les dirigeants politiques Haïtiens ne sauraient prétendre
détenir le
monopole du pouvoir de la définition et du pilotage de
la modernisation, car leur action doit rencontrer à la fois
l'adhésion des citoyens Haïtiens et desdits acteurs internationaux
dont les motivations ne vont pas nécessairement dans le même sens.
D'où, le dilemme de la cohabitation des sources de
légitimité.
« De nos jours, les Etats sont confrontés
à des exigences de légitimation, tant sur le plan
intérieur qu'international. D'une part, on attend d'eux qu'ils agissent
d'une manière quicorresponde aux souhaits et aux
priorités de leur population. De l'autre, ils sont confrontés
à
une série d'exigences extérieures (de la
part d'autres Etats, d'organisations internationales, des donateurs, etc.). Le
dilemme de nombreux Etats en situation de fragilité est que les attentes
de leurs citoyens ne correspondent pas à celles des acteurs
extérieurs impliqués ».104
En réalité, en dépit de ce dilemme de la
cohabitation des sources de légitimité, l'Etat haïtien peut
se donner les moyens de transformer la question de la modernisation de la
Fonction publique prioritairement en un projet de société. Ici,
nous entendons par projet de société, un intérêt
national autour duquel se réunissent les multiples acteurs de la vie
nationale, qu'ils soient du gouvernement ou de la société civile,
sur la base d'un processus participatif en vue de sa « meilleure »
appropriation. En l'espèce, la participation multi-niveau des multiples
acteurs de la vie nationale dans le processus de la réforme de la
Fonction publique est un gage d'appropriation.
La modernisation de la Fonction publique en Haïti est
avant tout une affaire haïtienne, c'est-à-dire une question
d'intérêt national. Si les différentes élites du
pays se réunissent en consortium sous le leadership du pouvoir en place
autour du projet de la modernisation de la Fonction publique et arrivent
à dépasser le préalable « quelle Fonction publique
pour quel modèle d'Etat ? », il y a fort à parier que ledit
projet soit par la suite une réussite.
Nous avons déjà exposé dans le cadre de
ce travail de recherche des défis et enjeux de l'effectivité de
la réforme liés, entre autres, à l'instabilité
politique et aux aléas de l'alternance politique. Le risque qu'une
nouvelle majorité politique abandonne un processus de modernisation de
la Fonction publique déjà engagé par une autre
majorité d'orientation idéologique différente aura
été amoindri si cette nouvelle majorité fraichement
arrivée au
104BELINA ; DARBON ; ERIKSEN ; SENDING. «
L'Etat en quête de légitimité - Sortir collectivement des
situations de fragilité », op. cit., page 79.
90
pouvoir était partie prenante des pourparlers ayant
donné lieu à l'orientation stratégique et la
définition dudit processus. Les méthodes de faire pourront encore
être différentes, mais le processus de modernisation en soi sera
difficilement remis en question. C'est le cas de dire qu'il ne s'agit plus
à ce moment de l'affaire d'une simple majorité politique, mais
plutôt d'une question d'intérêt national ayant
impliqué les multiples composantes de la société ; donc un
projet de société.
Certes, dans le contexte mondial en profonde mutation, les
notions de souveraineté nationale, du droit des peuples à
disposer d'eux-mêmes (la théorie de l'autodétermination),
le principe de l'égalité souveraine des Etats tendent de plus en
plus à perdre leur sens premier dans le contexte de la mondialisation
où l'interdépendance et les échanges de tous ordres
deviennent des règles cardinales du fonctionnement réel de ce
monde en mutation.
En fait, même les pays les plus développés
subissent des influences d'autres pays ou des mécanismes
d'intégration régionaux, voire des institutions
financières internationales dans le cadre des réformes du secteur
public qu'ils engagent. Ces influences vont tantôt dans le sens
stratégique et tantôt dans le sens idéologique.
Malgré ce qui précède, l'Etat
haïtien peut encore rapatrier l'initiative de la réforme de la
Fonction publique. Il ne pourra pas, dans ce contexte d'interdépendance
et de celui de sa dépendance financière, s'échapper des
influences de l'extérieur desquelles même les pays les plus
puissants ne sont pas libérés. Toutefois, même étant
incité par les acteurs internationaux, l'Etat haïtien se doit de
rencontrer l'adhésion de la majeure partie de la population
haïtienne sur l'orientation à donner à la réforme.
C'est une condition sine qua non de l'appropriation du projet par la
société et donc de sa réussite.
Toutefois, l'argent et l'expertise des acteurs internationaux
sont indispensables pour Haïti dans un contexte de raréfaction des
ressources financières et des ressources humaines qualifiées.
D'où la nécessité de coordonner et de canaliser
l'accompagnement des acteurs internationaux impliqués dans le processus
de la modernisation, dans une logique d'intégration plutôt que de
rejet.
B. La coordination et la canalisation de l'accompagnement
des acteurs internationaux de la réforme : une mission difficile mais
nécessaire
En effet, au lieu de subir des réformes dans une
dynamique Top-Down, l'Etat haïtien, une fois s'assurer de
l'appropriation de la définition et de l'orientation stratégique
de la modernisation de la Fonction publique par la société
haïtienne acquise à partir de la stratégie d'un processus
décisionnel participatif, peut sur le fondement de cette partage de
vision au niveau national, essayer de coordonner et de canaliser
l'accompagnement des acteurs internationaux de la réforme. Il s'agit
certes d'une mission difficile, mais oh combien nécessaire en vue de la
lisibilité, de la cohérence et de l'efficacité de l'action
publique dans ce domaine.
Il ne s'agit pas de faire de la modernisation de la Fonction
publique un projet de société sans le bénéfice de
l'apport financier et expertal des acteurs internationaux. Mais l'Etat
haïtien devra s'assurer de pouvoir présenter ledit projet de
société aux acteurs internationaux en vue de leur accompagnement
technique et financier sans compromettre les orientations stratégiques
et philosophiques de la réforme qui auront été
décidées collectivement au plan national. De plus, une maitrise
des enjeux des conditionnalités de cet accompagnement aura permis
d'éviter leurs potentielles conséquences néfastes pour les
générations présentes et futures.
A titre indicatif, nous avons vu au deuxième chapitre
de ce travail le bilan mitigé des différentes tentatives de
réformes de la Fonction publique. Certes, entre autres, des efforts ont
été réalisés en termes de professionnalisation des
Fonctionnaires, mais les politiques de réduction massive des
Fonctionnaires engagées sous l'impulsion des institutions de Bretton
Woods comme conditionnalités de l'aide au développement ont
occasionné une hémorragie des ressources humaines et ont
influé « négativement » sur l'attractivité de la
Fonction publique.
Sachant qu'ils peuvent être mis à pied suite
à une « injonction » des partenaires internationaux
détenant les cordons de la bourse, les Fonctionnaires ne se sentent plus
protégés par le principe de la garantie de l'emploi qui est l'un
des principes statutaires
92
fondamentaux du système de la Fonction publique de
carrière consacré par la Constitution de 1987. Comme
conséquence, ceux qui le peuvent quittent la Fonction publique à
destination de l'étranger ou des organisations internationales ou encore
plus rarement du secteur privé. D'où la difficulté pour
l'Etat haïtien d'assurer la rétention des Fonctionnaires à
son service. Pourtant, il s'agit bien de Fonctionnaires à la
professionnalisation desquels il a contribué dans le cadre du processus
de la modernisation de la Fonction publique. Cela n'encourage pas non plus les
jeunes professionnels frais émoulus de l'Université à
s'engager dans cette Fonction publique au service de l'Etat.
De plus, de telles politiques sont peu valorisantes à
l'égard des ressources humaines se mettant par résignation, ou
par conviction au service d'Etat en ce sens qu'elles sont perçues comme
un poids sur le dos de l'Etat, alors qu'elles peuvent être plutôt
un atout pour l'Etat si elles sont valorisées en les offrant de «
belles » perspectives de carrière et par une gestion de la Fonction
publique personnalisée et responsabilisante.
Tenant compte de tout ce qui précède, il va sans
dire que l'Etat haïtien se doit de devenir maitre des réformes
engagées dans la Fonction publique en vue de leurs effectivité et
cohérence, en s'appuyant sur les orientations stratégiques
dégagées dans le consortium national des élites
haïtiennes sur le projet de la modernisation et en canalisant
l'accompagnement des acteurs internationaux.
En effet, il existe plusieurs partenaires internationaux
d'Haïti impliqués dans ce processus de la modernisation de la
Fonction publique. Cependant, nous pouvons risquer avancer que les institutions
financières internationales comme le FMI et la Banque Mondiale par
l'entremise de la Banque internationale pour la reconstruction et le
développement (BIRD), mais surtout l'Association internationale de
développement (IDA) dont les prêts sont réservés aux
pays les moins développés, sont les acteurs internationaux les
plus influents de la réforme. Cette influence s'explique par le
degré de la dépendance financière d'Haïti
vis-à-vis desdites institutions. D'où aussi la difficulté
pour Haïti de prétendre pouvoir orienter et canaliser leur
accompagnement.
En outre, d'autres organisations internationales comme la
Banque Interaméricaine de Développement (BID), l'Union
Européenne (UE) ou encore le Programme des Nations-Unies pour le
Développement (PNUD) interviennent aussi dans le champ de la
réforme des services publics et de la Fonction publique en
Haïti.
Selon le projet « Assistance préparatoire
à la réforme administrative 2007-2008 ", depuis 2004
marquant l'avènement du gouvernement de transition, les interventions de
la BID et de la Banque Mondiale trouvent leurs sources dans le cadre du Cadre
de Coopération Intérimaire (CCI). L'une des préoccupations
du Gouvernement PREVAL-ALEXIS ayant succédé au gouvernement de
transition était donc « de ramener les bailleurs à la
table pour des prises de position sur le Document cadre de la réforme de
l'Administration publique haïtienne et de la décentralisation
".105
Selon le même document : « L'Union
européenne est aussi intéressée par la réforme. Une
première mission exploratoire a eu lieu en avril 2007. Il s'agissait
pour l'UE de déterminer quelle forme prendrait son assistance à
la réforme. Notons tout de suite que cette assistance a
été, comme pour la BID et la Banque Mondiale,
développée hors du document cadre de la réforme. Une
deuxième mission forte d'une quinzaine d'experts travaille actuellement
au niveau du Bureau du Premier Ministre et des ministères sectoriels ;
l'objectif étant de doter ces institutions de plan de travail pour
l'année fiscale 2007-2008 ".106 C'est le «
Programme d'appui à l'Administration publique haïtienne " dans
le contexte de relance de l'efficacité administrative et de
consolidation de l'action gouvernementale.
Il n'y a donc que le PNUD à agir sur le fondement du
Programme-cadre de la réforme de l'Etat 2007-2012.
Notons aussi que des partenaires de la coopération
bilatérale, comme le Canada, interviennent aussi dans le champ de la
réforme. Le Canada, particulièrement le Québec, agit sous
le label du « Projet d'appui au renforcement de la gestion publique en
Haïti (PARGEP) ".107
105 Cf : « Assistance préparatoire à la
réforme administrative 2007-2008 ", opere citato, page 7.
106 Idem, page 7.
107 « Le Projet d'appui au renforcement de la gestion
publique en Haïti (PARGEP) est le fruit de la volonté
de collaboration tripartite manifestée par les gouvernements du
Québec, du Canada et d'Haïti. La contribution du
94
Comment l'Etat haïtien arrive-t-il à coordonner et
canaliser toutes ces interventions des acteurs internationaux de la
réforme ? Notons que s'il parait difficile pour l'Etat haïtien
d'orienter l'aide technique et financière des institutions
financières internationales comme la BID, la Banque Mondiale ou le FMI
en raison de la rigidité du principe des conditionnalités, il le
parait moins dans le cas du PNUD ou des actions menées dans le cadre de
la coopération bilatérale. D'où l'intérêt de
l'Etat d'essayer d'abord de coordonner et de canaliser l'accompagnement de ces
derniers acteurs internationaux.
SECTION II
Une modernisation de la Fonction publique orientée
vers la satisfaction ultime de l'usager ou client des services
publics
Dans cette section de notre travail, nous insistons sur la
nécessité que cette modernisation de la Fonction publique, dans
sa philosophie, soit orientée vers la satisfaction ultime des usagers
des services publics.
D'abord, nous essayons de démontrer qu'une Fonction
publique renforcée et efficiente est un vecteur de relégitimation
de l'Etat après des citoyens (§ 1). Ensuite, nous proposons une
Administration électronique comme levier majeur de la performance des
Fonctionnaires dans la prestation des services (§ 1).
gouvernement du Canada, par l'entremise de l'Agence
canadienne de développement international (ACDI), est de 4,85 millions
de dollars et l'investissement du Québec de 1,5 million de dollars
». Cf : Site officiel du PARGEP faisant la description du projet.
L'URL de la page consultée le 30 aoüt 2011 :
http://www.pargep.enap.ca/fr/Accueil.aspx?sortcode=1.1.2.2
95
Université Pierre Mendès-France --Faculté
de Droit de Grenoble -M2ADT -Mémoire de Master de Destin JEAN.
§ 1. Une Fonction publique renforcée et efficiente : un
facteur de relégitimation de l'Etat auprès des
citoyens
Ici, nous présentons d'abord l'implémentation de
la culture du résultat dans la Fonction publique comme de
responsabiliser les Fonctionnaires en vue de la performance (A). Ensuite, nous
essayons de démontrer que la logique de résultat à
insuffler dans la Fonction publique est antinomique à la culture de la
corruption (B).
A. La responsabilisation des Fonctionnaires par
l'implémentation de la « culture du résultat
»
Tout en rappelant d'emblée que « les
Etats-Unis et la Grande Bretagne ont pris de l'avance sur la France en ce
domaine », le professeur Jean-Marie GOGUE avance que c'est «
à la suite de la promulgation des décrets d'application de la
loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, que le terme «
culture du résultat » est apparu pour la première fois dans
la Presse ».108
Plus loin, le professeur GOGUE avance : « En France,
des méthodes de management directement inspirées de cette «
culture du résultat » existent depuis une vingtaine d'années
dans la plupart des grandes entreprises du secteur privé, et même
parfois du secteur public. C'est ainsi qu'on a vu fleurir dans les
années 80 des « contrats d'objectifs » et des « primes de
résultat » calquées sur celles des entreprises
américaines »109.
Pour leur part, Stéphanie CHATELAIN-PONROY et Samuel
SPONEM tous deux maitres de conférences au Conservatoire National des
Arts et Métiers, « L'un des objectifs principaux de la LOLF est
de faire prendre aux administrations une orientation nouvelle en les incitant
à passer d'une « culture de moyens » à une «
culture de résultats ». A travers elle, la France rejoint donc de
nombreux pays de l'OCDE qui ont fait de la gestion par les résultats la
pierre angulaire de leurs systèmes de gestion publique. Cette promotion
de la « culture du résultat » traduit la volonté du
législateur d'améliorer l'efficacité (c'est-à-dire
la capacité à atteindre
108 GOGUE, Jean-Marie. « La culture du
résultat », 2008, page 2, document libre en format PDF sur
Internet et disponible à partir de l'URL :
http://www.fr-deming.org/CultResultat.pdf
La page est consultée le 30 août 2011.
109 Idem, page 3.
96
les objectifs fixés) et l'efficience (la
capacité à minimiser les ressources employées pour
atteindre les objectifs) de l'État en mettant en oeuvre une gestion
axée sur les résultats, c'està-dire un mode
d'administration qui établisse un lien entre la dépense publique
et l'atteinte d'un résultat concret afin de mesurer la performance d'une
politique (ou d'un programme). Le contrôle traditionnel a priori, qui
mettait l'accent sur l'approbation des opérations, avant engagement, par
un contrôleur extérieur, est alors remplacé par un
contrôle a posteriori sur les résultats
»110.
En effet, la gestion par la « culture du résultat
» suppose à la fois des objectifs, des moyens et des
résultats. Le professeur Annie BARTOLI ajoute que cela implique trois
(3) logiques : une logique d'efficacité, une logique d'efficience et une
logique de budgétisation. C'est ce qu'elle appelle le triangle
de la performance ;111 sachant que «
l'efficacité concerne le rapport entre le résultat obtenu et
l'objectif à atteindre »112, «
l'efficience concerne le rapport entre le résultat obtenu et les
moyens engagés »113 et le troisième volet du
triangle de la performance, c'est-à-dire la budgétisation «
qui correspond à une programmation de moyens au regard d'objectifs,
et au suivi de leur application ».114
Tenant compte de ce qui précède, nous pouvons
affirmer que l'une des difficultés de l'implémentation de la
« culture du résultat » dans la Fonction publique en
Haïti réside dans l'absence de ce « triangle de
performance ». Particulièrement, le cadre budgétaire
reste encore de type traditionnel ; il est fondé sur le principe d'une
budgétisation par ministères et par la nature de dépenses,
c'est-à-dire en dépenses de personnel et dépenses de
fonctionnement. Par voie de conséquence, il est difficile de lire les
moyens financiers consacrés aux politiques publiques mises en oeuvre et
les objectifs poursuivis ; ce qui ne responsabilisent aussi peu les
Fonctionnaires.
En outre, en dépit de l'article 222 de la Constitution
disposant que « les procédures relatives à la
préparation du budget et à son exécution sont
déterminées par la loi », il n'existe aucune loi ou
texte réglementaire en Haïti organisant la présentation des
lois de
110 PONROY ; SPONEM. « Culture du résultat et
pilotage par les indicateurs dans le secteur public », in
« Management : Enjeux de demain », Bernard
Pras (coord.), édition 2009, pages 163 à 171.
111 BARTOLI. « Management dans les organisations
publiques », op.cit., page 106.
112 Idem, page 107.
113 Ibidem, page 109.
114 Ibidem, page 111.
98
finances. Seule la Constitution offre un certain cadre avec
évidemment le niveau de généralité inhérent
à une Constitution qui n'a pas en principe vocation à entrer dans
les détails.
Ainsi, l'article 111-2 de la Constitution donne l'apanage de
l'initiative législative en matière de lois de finances au
Pouvoir Exécutif, tout en spécifiant que les projets
présentés à cet égard doivent être
votés d'abord par la Chambre des Députés.
De plus, au niveau du Titre VII de la Constitution traitant
des finances publiques, il est indiqué à l'article 217 : «
...L'Exécutif, assisté d'un Conseil départemental,
élabore la loi qui fixe la portion et la nature des revenus
attribués aux collectivités territoriales ».
Pour sa part, l'article 223 dispose : « Le
contrôle de l'exécution de la loi sur le budget et sur la
comptabilité publique est assuré par la Cour Supérieure
des Comptes et du Contentieux administratif et par l'office du budget
».
Enfin, l'article 233 est ainsi libellé : « En
vue d'exercer un contrôle sérieux et permanent des dépenses
publiques, il est élu au scrutin secret, au début de chaque
session ordinaire, une commission parlementaire de quinze (15) membres dont
neuf Députés et six Sénateurs chargée de rapporter
sur la gestion des Ministres pour permettre aux deux Assemblées de leur
donner décharge. Cette commission peut s'adjoindre des
spécialistes pour l'aider dans son contrôle ».
En conséquence de tout ce qui précède,
nous pouvons avancer que dans le cadre du contrôle de l'exécution
des dépenses et des recettes de l`Etat en Haïti, l'accent est mis
sur l'approbation ou la vérification des opérations plutôt
que sur le contrôle des résultats ; d'ailleurs les dépenses
ne correspondent pas à des objectifs précis. Or, les lois de
finances sont effectivement plus lisibles et transparentes quand elles
associent les dépenses à des politiques publiques
spécifiques ventilées en programmes. Non seulement cela participe
de la lisibilité et de l'efficacité de l'action publique, cela
facilite aussi l'implémentation de la « culture du résultat
» dans la Fonction publique, par l'introduction d'indicateurs de
performance.
Il y a donc nécessité de réformer la
gestion publique afin de fixer des objectifs à tous les Fonctionnaires.
Dans le cadre de cette nouvelle gestion axée sur les résultats,
chaque dépense publique correspondra à l'atteinte d'un
résultat concret. D'où la possibilité de mesurer,
à
l'aide de critères d'évaluation fiables,
l'efficacité des politiques publiques mises en oeuvres et le
degré de performance des Fonctionnaires dans la réalisation des
objectifs préalablement fixés. Un manager public à
tête d'un programme a l'obligation de résultat ou tout au moins
l'obligation de rendre compte de sa gestion. Il y va de l'efficience des
politiques publiques et de la responsabilisation des Fonctionnaires.
B. La culture de la corruption : un
phénomène à endiguer
Il a été démontré dans le chapitre
premier de ce travail de recherche académique, que la corruption fait
partie de ce que nous avons appelé les « vieux démons »
de l'Administration publique haïtienne. En fait, parler de culture de la
corruption est loin d'être excessif. Elle a eu tellement le temps de
s'enraciner dans les moeurs, voire intériorisée, parce ce que
transmise de génération en génération comme une
pédagogie au sein de la Fonction publique qu'elle devient maintenant une
gangrène.
En revanche, pour que la Fonction publique soit efficiente et
constitue donc un vecteur de relégitimation de l'Etat auprès des
citoyens, elle doit être saine. L'éradication de la corruption
facilitera le changement du regard peu valorisant porté de
l'extérieur sur l'ensemble des Fonctionnaires à la fois par les
citoyens, les acteurs internationaux impliqués dans le processus de
modernisation de la Fonction publique, voire les autorités politiques
rappelant à chaque fois que la situation se présente que la
Fonction publique est corrompue jusqu'au cou. A titre indicatif, nous avons
déjà rapporté dans le cadre de ce travail de recherche les
propos du nouveau Président de la République Michel Joseph
MARTELLY indiquant qu'un poste dans la Fonction publique vient avec une paire
de menottes.
En définitive, il s'agit d'un phénomène
à endiguer à défaut de pouvoir l'annihiler. La Fonction
publique ne peut pas être à la fois efficiente et corrompue. Il
s'agit de deux hypotheses s'excluant mutuellement. Or l'objectif à
rechercher dans le cadre du processus de modernisation de la Fonction publique
c'est l'efficience orientée vers la satisfaction des usagers des
services publics offerts par l'Administration. Comment alors responsabiliser
les Fonctionnaires Haïtiens dans un environnement social et comportemental
laissant tant de place à la corruption ?
Puisque la logique de la « culture du résultat
» est antinomique à la pédagogie de la corruption, l'Etat
haïtien n'a qu'à mettre en branle les instruments juridiques et les
moyens institutionnels dont il dispose en vue de contrer le
phénomène.
En effet, la corruption, sous toutes ses formes, reste et
demeure une infraction à la loi pénale, car la législation
pénale haïtienne définit et incrimine l'acte de corruption.
Donc les corrupteurs et les corrompus ne pourront pas tirer l'argument du
principe cardinal en droit pénal « nullum crimen nulla poena
sine lege »115 pour échapper à la justice.
En réalité, il existe tout un arsenal juridique de lutte contre
la corruption, de la Constitution de 1987 aux décrets et lois portant
sur la question, en passant par les instruments juridiques internationaux
signés et ratifiés par Haïti et qui engagent donc la
responsabilité de l'Etat sur le plan international.
Les tribunaux ordinaires, de la Cour Supérieure des
Comptes et du Contentieux administratif, l'Unité de lutte contre la
corruption (ULCC) dont la devise c'est : «
Intégrité, Moralité, Transparence
», sont autant de leviers institutionnels dans le cadre de la
lutte contre la corruption.
En fait, l'ULCC est un organisme autonome placé sous la
tutelle du Ministère de l'Economie et des Finances et coiffé par
un Conseil d'Administration interministériel présidé par
le Ministre de tutelle, assisté de deux autres Ministres : celui du
Ministère de la Justice et de la Sécurité publique et
celui du Ministère de l'Intérieur et des Collectivités
territoriales.
Elle est créée en septembre 2004116
avec la mission de travailler à combattre la corruption et ses
manifestations sous toutes les formes, au sein de l'Administration publique
haïtienne en particulier et dans la vie publique en
général.
L'article 4 du décret portant sa création fixe son
mandat :
> «Définir une stratégie de lutte
contre la corruption avec une large participation du secteur public et des
organisations de la société civile. Une fois cette
stratégie
115 Pas de crime, pas de peine sans loi.
116 Décret du 08 septembre 2004 portant création
d'un organisme autonome à caractère administratif
dénommé : Unité de Lutte contre la Corruption,
publié au Moniteur du 13 septembre 2004.
100
définie, l'unité doit assurer le suivi de sa
mise en application et sa révision selon l'évolution du contexte
économique, financier, social et politique du pays ;
> Compiler les textes relatifs au
phénomène de la corruption dans la législation
haïtienne, proposer des amendements et élaborer une loi sur la
corruption en vue de favoriser une meilleure transparence et un bon
fonctionnement de l'Administration publique en général et des
agents de la Fonction publique en particulier ;
> Mettre en place un code d'éthique et proposer
un pacte d'intégrité devant encourager l'engagement des tiers
à renoncer à la corruption ou à tout autre comportement
contraire à l'éthique dans les appels d'offres pour
marchés publics et l'exécution des contrats de services ;
> Assurer l'application de la Convention
Interaméricaine contre la corruption et s'attaquer en priorité
aux points de corruption les plus décriés, y compris les contrats
portant sur les grands projets d'infrastructures à entreprendre pour le
compte de l'Etat haïtien ;
> Mettre en place un système d'informations
intégré et de suivi ainsi qu'un système d'alerte
permanente ».
A la vérité le mandat de l'ULCC parait
ambitieux. Toutefois, l'Etat haïtien se devra aussi de clarifier les
normes juridiques et d'être cohérent dans les institutions qu'il
met en place. Quelle logique préside ce mandat accordé à
l'ULCC de proposer des amendements et d'élaborer une loi sur la
corruption, sachant que le Pouvoir Législatif est le seul organe
chargé d'élaborer et de voter la loi en Haïti ? Existe-t-il
une harmonisation entre le mandat de l'ULCC et les compétences de la
CSC/CA ?
En effet, la lutte contre la corruption sera efficace dans la
mesure où le principe de l'indépendance du Pouvoir Judicaire
prend son plein effet. Il aura fallu aussi mettre à la disposition de la
justice les moyens matériels nécessaires à
l'efficacité de son action et traiter les Juges de telle sorte qu'ils
soient « immunisés » contre les convoitises des
corrupteurs.
La moralisation de la vie publique ne peut se penser sans la
moralisation des détenteurs de pouvoirs publics ou agissant au nom et
pour le compte de la puissance publique,
102
en l'espèce les Fonctionnaires. Or, l'Etat, peut-il miser
sur la morale publique pour contrer le phénomène de la corruption
vieux de plus d'un siècle ?
C'est la clarification et l'harmonisation des règles,
des procédures et des institutions qui pourront générer
l'efficacité dans cette bataille contre la corruption et non la
création de structures sinon parallèles du moins non
intégrées dans une logique d'ensemble.
§ 2. La « e-administration » : un levier
majeur de la performance des Fonctionnaires dans la prestation des
services
La « e-administration » ou l'Administration
électronique ou l'Administration en ligne ou encore la
télé-Administration se définit comme l'utilisation des
technologies de l'Information et de la Communication dans les administrations.
Selon l'OCDE, l'Administration électronique se définit comme
« l'usage des Technologies de l'Information et de la Communication en
particulier de l'Internet en tant qu'outil visant à mettre en place une
Administration de meilleure qualité ».117
A l'ère des Nouvelles Technologies de l'information et
de la Communication (NTIC), l'Internet peut se révéler un outil
d'optimisation des services publics et un levier majeur de la performance des
Fonctionnaires. L'utilisation des NTIC dans l'Administration publique en
Haïti peut offrir des avantages à la fois sur le plan interne que
sur le plan externe (A).
Toutefois, comment l'Etat haïtien peut-il arriver
à réaliser cette innovation dans l'Administration publique dans
le contexte du sous-développement ? L'Etat, peut-il réussir
à introduire dans l'Administration publique des instruments de la
modernité dans un
environnement général sous-équipé et
peu préparé à entrer dans cette ère de
modernité ? D'oüla démarche de confrontation de la «
e-administration » aux défis de la pauvreté.
117 « Etudes de l'OCDE sur l'Administration
électronique - L'Administration électronique : un
impératif », Editions de l'OCDE, 2004.
Dans ce paragraphe, nous faisons ressortir l'apologie de
l'usage interne et de l'usage externe des TIC dans les services publics (A),
tout en essayant de démontrer les limites d'une éventuelle
Administration électronique en Haïti par rapport aux enjeux de la
pauvreté (B).
A. L'usage interne et externe des Technologies de
l'Information et de la Communication (TIC)
En réalité, l'informatisation du travail
administratif ou encore l'électronisation de l'Administration a
été déjà présentée par les pouvoirs
publics en Haïti comme un levier majeur de la réforme des services
publics et de la Fonction publique.
Pour nous en convaincre, le Premier Ministre Jacques Edouard
ALEXIS, dans son AvantPropos présenté in limine dans le
document présentant le « Programme-cadre de la réforme
de l'Etat 2007-2008 », a mentionné parmi les objectifs
assignés à cette réforme l'importance
d' « exploiter les possibilités immenses
offertes par l'utilisation et la généralisation des Nouvelles
Technologies de l'Information et de la Communication ».118
D'ailleurs, l'électronisation de l'Administration c'est l'un des six
volets du Programme-cadre aux côtés de la réforme de
l'Administration centrale, de la réforme de la Fonction publique, de la
déconcentration des services publique, de la décentralisation et
de la modernisation du cadre physique des services publics.
Dans l'axe 6 dudit programme, intitulé : «
Mise en place d'un système d'e-gouvernance », nous pouvons
lire : « Get axe programmatique vise à renforcer les
capacités de l'Administration à exploiter les capacités
des TIC ainsi que les pratiques modernes de gestion qui s'y rattachent. Il
envisage de mettre en place un système de gestion de l'information
appelé à rendre l'action publique plus visible, plus
transparente, plus cohérente et un système de gestion des
ressources matérielles, humaines et financières conduisant
à plus d'efficacité et d'efficience ».119
118 Op. cit., page 6.
119 Op. cit., page 37.
En revanche, est-ce un phénomène de mode comme
pour dire qu'Haïti veut entrer dans la société de
l'information? Où on est-on effectivement avec ce processus
d'électronisation de l'Administration publique ? Quelles peuvent
être les avantages internes et externes de l'utilisation des NTIC dans
les services publics et la Fonction publique ?
Selon le professeur Annie BARTOLI : « Deux voies de
c-administration se développement de façon
complémentaire :
> L'usage interne des TIC au service de l'organisation et
des méthodes de travail ; > L'usage externe des TIC qui
traduit la mise en relation sous forme électronique de l'organisation
publique et de ses publics »120.
Tout en rappelant que l'accent est surtout mis dans la
communication politique, voire les media sur la seconde voie, elle fait
ressortir l'importance de la première voie : « La mise en place
d'intranet, les échanges électroniques internes, l'usage de plus
en plus fréquent de progiciels dans les activités des agents
publics, et plus largement l'utilisation de diverses technologies de mise en
relation, constituent une transformation profonde des modes de travail des
organisations de ce secteur. Comme pour l'entreprise, cela suppose un pilotage
du changement et une gestion des nouvelles compétences requises, dans le
cadre d'une politique cohérente. Faute de quoi, l'organisation tombe
dans un travers techniciste, avec l'illusion de l'outil miracle, alors que les
problèmes organisationnels et stratégiques demeurent, voire
empirent... ».121
En grosso modo, l'usage interne des TIC dans les
Administrations vise à améliorer leur fonctionnement interne
moyennant un pilotage programmé de cette transformation et des
ressources humaines qualifiées disponibles.
L'usage interne des TIC dans la Fonction publique en
Haïti aura facilité, entre autres, les échanges entre les
Fonctionnaires d'un même corps par le développement de forums en
vue de partager des expériences, des difficultés et des enjeux
dans le cadre de leurs travaux quotidiens au sein des services publics. Vu que
les meilleurs cadres de la Fonction publique
120« Management dans les organisations publiques »,
op. cit., page 383. 121 Idem, page 384.
104
106
veulent rester à la capitale à cause d'une
quasi-absence d'infrastructures dans les zones de provinces, en attendant de
pallier ce problème, l'Etat haïtien gagnerait vraisemblablement
gros à les garder à la capitale tout en s'assurant qu'ils peuvent
téléconseiller ou partager en ligne leurs acquis de
l'expérience professionnelle, via ces dispositifs, à des
collègues moins qualifiés et expérimentés de
certaines villes de provinces. Par suite, l'une des conséquences
immédiate d'une telle démarche aura été
l'amélioration de la productivité122 des agents de la
Fonction publique en vue de la satisfaction des usagers des services
publics.
Par ailleurs, le professeur BARTOLI définit l'usage
externe des TIC, la « seconde voie », comme : « la mise en
relation de la puissance publique et de ses usagers par le biais des TIC (...).
Il vise à rapprocher l'organisation publique du citoyen et à
atténuer, voire à effacer, la barrière bureaucratique
aveugle qui s'était traditionnellement mise en place entre eux
».123
Selon une recherche menée par D. M. West, « en
utilisant les services en ligne, les citoyens ont une perception plus positive
de la performance et de la qualité des services publics
»124.
Pour sa part, le professeur Henri OBERDORFF,
réfléchissant sur les téléservices125 en
France avance : « Le recours à l'Administration
électronique, pour les relations entre administration et
administrés, représente un progrès majeur, sans se
substituer à l'Administration de proximité, par les avantages
qu'elle procure aux administrés, comme par
122 En réalité, ici, le concept
Productivité est utilisé dans le sens d'un
indicateur de performance. Selon Valentin K. DOVONON : « La
productivité est la production réalisée en un temps
donné (heure, jour, semaine, mois, etc.) par un individu, un groupe
d'individus ou une institution donnée (..). Toutefois, dans
l'Administration publique, c'est l'esprit qui se cache derrière la
productivité qu'il convient d'adopter : les données à
mesurer ne se prêtent pas souvent à un comptage
systématique, et l'appréciation risque d'être plutôt
qualitative que quantitative. Le principe de la productivité,
adopté dans son esprit, pourrait consister à ce que l'agent,
appelé à exécuter une tâche, l'exécute avec
diligence et minutie ». Cf : DOVONON, Valentin K. «
Méthode de la nouvelle gestion publique : responsabilité,
accessibilité, productivité, résultats et clients, etc.
», CAFRAD, Tanger, 2001, pages 6 et 7.
123 A. BARTOLI. « Management dans les organisations
publiques », op. cit., page 384.
124 WEST, Darrel M. « E-government and transformation
of service delivery and citizen attitudes », University of Brown,
Taubman Center for Public Policy an American Institutions, USA, 2001,
cité par Annie BARTOLI in « Management dans les organisations
publiques », op. cit., page 383.
125 Selon l'ordonnance no 2005-1516 du 08
décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre
les usagers et les autorités administratives et entre les
autorités administratives, est qualifié de
téléservice : « Tout système d'information
permettant aux usagers de procéder par voie électronique à
des démarches ou formalités administratives ».
exempI e : l'ouverture permanente des
téléservices, la dispense de déplacement physique vers I
es administrations, I e gain de temps et I e gain financier
».126
L'usage externe des TIC dans les administrations publiques
haïtiennes aura été susceptible d'apporter une
transformation profonde dans la qualité de la relation entre les
services publics et les usagers, moyennant que l'Etat haïtien s'engage et
s'implique du même coüt à réduire sinon minimiser la
fracture ou le fossé numérique entre les différentes
couches de la population.
Le problème de l'inaccessibilité des services
administratifs, par exemple, aura été atténué.
Combien de citoyens ayant déjà trouvé la mort sur les
routes dangereuses de certaines contrées en laissant une ville de
province pour entrer à Port-au-Prince, la capitale, en vue de retirer un
document administratif qu'ils pourraient juste faire sortir eux-mêmes
chez eux à partir du portail électronique du service
concerné?
L'usage de la téléprocédure peut aussi
contribuer à rendre les Administrations plus transparentes et donc
permettre aux citoyens de prendre confiance dans le secteur public. Le
téléservice, la mise en ligne, entre autres, d'informations et de
documents administratifs, des instruments juridiques, la réduction des
délais d'attentes de traitement des dossiers, la réduction de la
corruption, l'élimination des déplacements de guichet en guichet
sont autant d'avantages que peut offrir une Administration
électronique.
Toutefois, l'Etat haïtien se devra aussi de
réformer son corpus juridique afin d'encadrer juridiquement
cette innovation dans la gestion publique. L'enjeu c'est que le document
administratif obtenu en ligne doit avoir la même valeur juridique que
s'il était retiré dans les locaux du service. Sinon,
l'Administration électronique commencerait à perdre de son
sens.
Mise à part cette mise en garde relative à la
nécessité d'aménager la législation haïtienne,
l'Etat haïtien, peut-il effectivement entrer dans cette ère de
modernité face aux défis de la pauvreté ?
126 OBERDORFF, Henri. « La démocratie à
l'ère numérique », Presses Universitaires de Grenoble,
2010, page 83.
B. La « e-administration » confrontée
aux défis de la pauvreté : avantages et limites
Selon un rapport publié par les Nations-Unies en 2005
sur le degré de préparation des pays à l'e-gouvernement,
Haïti est placée en 166ème position sur 191 Etats. Ce
rapport montre en réalité le degré de difficultés
auquel l'Etat pourrait faire face s'il se déciderait à engager la
modernisation de l'Administration par le levier des NTIC. Cependant, dans
quelle mesure les indicateurs utilisés dans ledit rapport sont fiables ?
N'est-il pas plus profitable et plus réalisable pour l'Etat haïtien
d'entrer dans cette ère de modernité que de s'engager à
instituer une Administration forte, déconcentrée, mais
basée uniquement sur la papaserie administrative ?
En effet, les auteurs du Programme-cadre de la
réforme de l'Etat 2007-2012 rappellent pour leur part qu'entre 2005
et 2007 le pays a connu entretemps un boom dans le domaine de la
téléphonie mobile et de l'Internet en
général127 comme pour rappeler qu'une sourdine devrait
maintenant être apportée à la teneur dudit rapport
concernant Haïti eu égard aux progrès technologiques
enregistrés.
A vrai dire, il est évident qu'avec l'avènement
des compagnies de téléphonie mobile comme la Haïtel, la
ComCell et surtout la Digicel le monde de la téléphonie a connu
une révolution en Haïti. Aujourd'hui, plus de trois Haïtiens,
soit environ 1/3 de la population totale, possèdent un
téléphone portable.128 Cependant, il est tout aussi
exact que la majeure partie de ces téléphones ne fonctionnent pas
la plupart du temps rien parce qu'ils ne peuvent pas être
rechargés en raison de l'absence chronique
d'électricité.
En tout état de cause et minimalement,
l'électronisation de l'Administration suppose l'utilisation dans les
services publics d'ordinateurs de pointe et l'Internet. Or, cela suppose aussi
de manière sous-jacente que le pays soit au moins
électrifié.
La fracture ou encore le fossé numérique entre
les populations de villes et des campagnes, entre les riches et les pauvres
peut contribuer à augmenter la fracture sociale, dans la mesure
où une partie privilégiée de la population pouvant manier
un ordinateur ou ayant accès à
127 Op. cit., page 37.
128 Le Nouvelliste, « Lancement du fonds
incitatif de paiement par téléphone », publié le
16 juin 2010. La page est consultée le 30 aoüt 2011 et disponible
à partir de l'URL :
http://www.lenouvelliste.com/articles.print/1/80544
l'électricité et à l'Internet peut jouir
des services en ligne, alors que le reste de la population est condamnée
à rester en dehors de cette ère de modernité. N'est-ce pas
contraire à l'esprit du principe d'égalité d'accès
aux services publics ?
Face à cette problématique de l'Administration
électronique confrontée aux défis de la pauvreté en
Haïti, nous proposons que l'Etat s'engage dans la logique du nivellement
par le haut, c'est-à-dire d'entrer dans l'ère de modernité
en dépit des enjeux et des faiblesses qu'il aura à pallier au fur
et à mesure. Nous risquons aussi affirmer que l'Administration
électronique, en dépit de la pauvreté chronique en
Haïti, peut aider à changer l'image de l'Administration et à
rendre son action plus efficace, car les Fonctionnaires seraient plus
productifs.
Un citoyen ne disposant pas encore d'un ordinateur
branché ou ne pouvant pas s'en servir peut à la limite se rendre
dans un cybercafé dans les parages afin de jouir de l'Administration
électronique. Si cela a certes des enjeux, il peut aussi
générer des externalités positives en termes de
création de PME comme les cybercafés. En outre, l'Etat
haïtien pourrait aussi envisager de placer sur certains points où
il y a une forte pression démographiques des automates à partir
desquels les citoyens ou entreprises peuvent tirer leurs documents
administratifs, remplir des formulaires, prendre des rendez-vous,
etc.
108
EN GUISE DE CONCLUSION
Nous n'avons pas jugé utile de faire une conclusion
générale dans le cadre de ce travail de recherche, vu que dans
notre quatrième chapitre nous avons fait, en quelque sorte, la
présentation de propositions d'orientations stratégiques, d'une
philosophie, voire d'une pédagogie de la réforme, tout en
essayant aussi de faire ressortir les enjeux et limites de nos propositions,
par souci d'objectivité et dans l'esprit de laisser le débat
ouvert.
110
Sources bibliographiques
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administratif
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Spécial # 7).
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51ème année, No 75 A.
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http://www.ht.undp.org/_assets/fichier/projet/20.pdf
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intérimaire (CCI, 2004- 2006) :
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Réduction de la Pauvreté (DSNCRP) 2008- 2010 (pages 96
à 102 traitant de la stratégie de renforcement des
capacités de l'Etat qui constitue l'un des axes majeurs d'intervention)
:
v Haïti PDNA du Tremblement de Terre -Evaluation
des dommages, des pertes et des besoins généraux et
sectoriels. Annexe du Plan d'action pour le Développement et le
relèvement national :
v Les Objectifs du Millénaire pour le
Développement (OMD) :
v Plan d'Action pour le Développement et le
Rel~vement d'Haïti -Les Grands Chantiers pour l'avenir. C'est le
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haïtien à la Communauté internationale suite au
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réforme administrative globale en Haïti (novembre 1998):
http://haiticci.undg.org/uploads/03La%20Reforme%20Administrative%20en%20Ha
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EUNIDA sont intervenus auprès de ministères haïtiens dans un
contexte de relance de
l'efficacité administrative et de consolidation de
l'action gouvernementale.) :
http://www.france-expertise-internationale.eu/IMG/pdf/Haiti.pdf
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(2007-2012, selon le Gouvernement haïtien c'est le cadre de
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systeme des Nations-Unies aux priorités nationales définies dans
le DSNCRP 2008-2010 du Gouvernement haïtien. Les pages 23 et suivants
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via la thématique « Gouvernance démocratique
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*Conférence internationales des donateurs pour un nouvel
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http://www.haiticonference.org/french/
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: http://www.unjf.fr/
*Révision générale des politiques publiques
(RGPP) :
http://www.rgpp.modernisation.gouv.fr/
*Direction générale de la modernisation de l'Etat
(DGME) :
http://www.modernisation.gouv.fr/index.php
*OEA/Haïti :
http://www.oas.org/fr/etats_membres/haiti/
*Mission des Nation-Unies pour la stabilisation en Haïti
: http://www.haitispecialenvoy.org/ *Bureau de l'envoyé
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http://www.haitispecialenvoy.org/ *Ministère de la Planification et
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http://ulcc.gouv.ht/
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http://www.parlementhaitien.ht/
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* Ministère de l'économie et des finances :
http://www.mefhaiti.gouv.ht/ *PNUD - Haïti :
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* Bureau du Représentant résident du FMI en
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https://www.imf.org/external/country/HTI/rr/fra/index.htm
* La BID en Haïti :
http://www.iadb.org/fr/pays/haiti/haiti-et-la-bid,1008.html
* Banque mondiale -- Haïti - Projets :
http://web.worldbank.org/WBSITE/EXTERNAL/ACCUEILEXTN/PAYSEXTN/LACINFRE
NCHEXT/HAITIINFRENCHEXTN/0,,contentMDK:20225663'pagePK:1497618'piPK:217
854'theSitePK:461315,00.html
* USAID/ Haïti :
http://www.usaid.gov/ht/
* Délégation de l'Union européenne en Haiti:
http://ec.europa.eu/delegations/haiti/index_fr.htm
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Ministre du Gouvernement de transition 2004-2006 :
http://www.gerardlatortue.org/
118
Table des matières
INTRODUCTION GENERALE 1
A. PROBLEMATIQUE ET CADRE THEORIQUE 3
B. HYPOTHESES DE RECHERCHE 10
C. CADRE METHODOLOGIQUE 11
D. ANNONCE DU PLAN 12
PREMIERE PARTIE 14
L'Administration publique haïtienne : état
des lieux non satisfaisant et processus de réforme en vue de sa
performance 14
Chapitre premier 15
Le constat de la crise d'efficience de l'Administration
publique haïtienne . 15
Section I 16
L'Administration publique haïtienne entre le poids
de la tradition et les attentes des citoyens et des acteurs internationaux
16
§ 1.- Les « vieux démons a de
l'Administration publique haïtienne . 17
A. La crise de l'accessibilité et de la
qualité des services publics 19
B. La corruption, le favoritisme et le népotisme
21
§ 2. - Le contexte de l'adoption de la Constitution
de 1987 et la dépendance financi~re d'Haïti
23
A. Des aspirations légitimes du citoyen à
des services publics de qualité 24
B. De la légitimité des pressions des
acteurs internationaux en vue d'une Administration publique efficace
26
Section II 28
Des insuffisances de la Fonction publique et des
fonctionnaires 28
§ 1.- Le problème de la carence de
qualification des fonctionnaires et de la « faiblesse » de
l'attractivité de la Fonction publique . 29
A. La complexité du problème du «
faible » niveau de qualification des fonctionnaires 30
B. Le problème de la « faiblesse
~a de l'attractivité de la Fonction publique et la fuite des
cadres 32
§ 2. La conception de « Fonctionnaire-poids
» entretenue par le secteur public et la quasi-absence du management par
objectifs 34
Chapitre 2 37
La modernisation de la Fonction publique comme levier de
performance de l'Administration publique 37
Section I 37
Des tentatives de réforme de la Fonction publique
: Vers un nouveau modèle de management public 9
37
§ 1. Le cadre légal et institutionnel de la
réforme : Entre tâtonnements et mutations 37
§2. Le processus de réforme de la Fonction
publique noyé dans le processus de la réforme globale du secteur
public 9 43
Section II 47
Le bilan mitigé des différentes tentatives
de réforme de la Fonction publique 47
A. La tentative de dépolitisation de l'accts
à la Fonction publique et l'effort de mise à niveau des
Fonctionnaires 48
B. Le phénomène du «
désossement » de la Fonction publique 51
§ 2.- Des effets du séisme du 12 janvier 2010
sur le processus de la réforme de la Fonction publique 53
A. La priorité accordée à la
question humanitaire et le renforcement du secteur des ONG aux dépends
de l'Etat . 54
B. Affaiblissement du rendement de la Fonction publique
lié à la perte en ressources humaines et à la
démotivation des survivants 57
DEUXIEME PARTIE 59
L'Etat haïtien face à l'obligation et aux
contraintes de l'optimisation effective de la Fonction publique : quelle issue
9 59
L'Etat haïtien face aux enjeux et défis de la
modernisation effective de la Fonction publique 60
SECTION I 60
Le non-dépassement du préalable «
quelle Fonction publique pour quel mod~le d'Etat 9 » 60
§ 1. Le poids des acteurs internationaux dans les
tentatives de reconceptualisation de l'Etat en Haïti . 61
A. La primauté de l'argument économique et
l'apologie d'un modele de gouvernance 61
B. Les citoyens Haïtiens et les acteurs
internationaux, ont ils la même représentation de la
modernisation de la Fonction publique ? . 64
§ 2. La faible participation des acteurs de
différents secteurs de la vie nationale dans la
conception des programmes et les aléas de
l'alternance politique 66
SECTION II .. 69
Les obstacles de l'instabilité politique et la
faiblesse du systeme judiciaire haïtien face au phénomène de
la corruption . 69
§ 1. L'instabilité politique comme entrave
au processus de modernisation de la Fonction publique . 70
§ 2. La culture de la corruption dans la Fonction
publique : un obstacle au processus de
modernisation et un phénomene entretenu par la
culture de l'impunité 76
Chapitre 4 80
La modernisation effective de la Fonction publique comme
un levier de performance de
l'Administration : un défi relevable..
80
SECTION I . 80
Un investissement coordonné et soutenu des
différents acteurs dans l'attractivité de la Fonction publique .
80
§ 1. Une Fonction publique attractive : un
préalable nécessaire à la performance . 81
A. La rénovation du m odèle de gestion des
ressources humaines : vers la fidélisation des
Fonctionnaires .. 81
B. U ne gestion prévisionnelle des emplois et
compétences et une opération de « charme »
en
direction des cadres Haïtiens de la diaspora
85
§ 2. La m odernisation de la Fonction publique :
vers un projet de société . 87
A. La participation multi-niveau des multiples acteurs
de la vie nationale dans la réforme :
un gage d'appropriation 87
B. La coordination et la canalisation de
l'accompagnement des acteurs internationaux de la réforme : une mission
difficile mais nécessaire . 91
SECTION II .. 94
120
Une modernisation de la Fonction publique orientée
vers la satisfaction ultime de l'usager ou client des services publics .
94
§ 1. Une Fonction publique renforcée et
efficiente : un facteur de relégitimation de l'Etat auprès des
citoyens . 95
A. La responsabilisation des Fonctionnaires par
l'implémentation de la « culture du résultat »
95
B. La culture de la corruption : un
phénomène à endiguer . 98
§ 2. La « e-administration » : un levier
majeur de la performance des Fonctionnaires dans la prestation des services .
101
A. L'usage interne et externe des Technologies de
l'Information et de la Communication (TIC) . 102
B. La « e-administration » confrontée
aux défis de la pauvreté : avantages et limites . 106
EN GUISE DE CONCLUSION 108
Sources bibliographiques . 109
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