SECTION II : La nationalité d'origine jure
soli
Par jus soli ou droit du sol on
entend le droit de l'enfant d'avoir la nationalité du pays ou il est
né sans prendre en considération son origine.
Cependant, ce principe n'est pas absolu, en droit
français ou en droit maghrébin par exemple, la naissance sur le
territoire n'est pas suffisante pour que l'enfant se voie attribué la
nationalité d'origine jure soli, néanmoins, d'autres conditions
sont toujours exigées par le législateur de chaque Etat.
Autrement dit, la naissance sur le territoire ne suffit
normalement pas à faire attribuer la nationalité, elle n'agit
exclusivement que dans le cas où elle serait le seuiet unique facteur
susceptible d'être pris en compte afin d'empêcher
l'apatridie128.
Néanmoins, la naissance sur le territoire reste le
facteur principal, tandis que les autres conditions ne sont qu'accessoires, et
c'est pour cette raison que nous allons traiter de la notion de territoire en
premier paragraphe, avant de s'attaquer aux modalités d'attribution de
ce type de nationalité d'origine en second paragraphe.
128 LOUSOURN (Ivan) et BOUREL (PIERRE), « Droit
international privé », 6ème édition, Dalloz,
Paris, 1999, page 636.
II. A. La territorialité des lois relatives
à la nationalité en France et au Maghreb
En droit international public, le territoire est
considéré comme étant un élément constitutif
de l'Etat.
Le territoire est soigneusement délimité par les
frontières au- delà desquelles l'exercice des compétences
gouvernementales disparaît puisqu'elles rencontrent une autre
souveraineté nationale129 .
Le Maroc et la Tunisie ont été inclus sous
protectorat de la France, tandis que l'Algérie était radicalement
considérée comme un département français, et durant
cette période, les Marocains ne se sont pas vus attribuer de plein droit
la nationalité française du fait de l'instauration du
protectorat.
Si les textes de loi de droit commun se sont appliqués
au Maroc, des textes spéciaux ont édicté des conditions
particulières pour l'acquisition de la nationalité
française au Maroc. Ces textes ont prévu l'acquisition de la
nationalité française pour les personnes d'origine
étrangere (c'est à dire ni françaises ni marocaines)
nées au Maroc au temps du protectorat d'un parent lui-même
né au Maroc durant cette période (exception faite des
ressortissants britanniques nés avant le 1er janvier
1938)130.
Au Maroc comme en Tunisie, une législation spéciale
a été en vigueur dans des domaines limités.
La législation de droit commun s'est donc
appliquée dans ces anciens protectorats comme dans tout Etat
étranger pour les cas d'attribution, d'acquisition ou de perte de la
nationalité française, qui ne rentraient pas dans les
prévisions des textes spéciaux.
129 Ob.cit.
130 Ministère de la justice, «La
nationalité française, textes et documents », la
documentation française, Paris, 1985, 1989, page 244.
Aux termes de l'article 5 du code de la nationalité
marocaine, l'expression «au Maroc » doit s'entendre non seulement du
territoire marocain, mais encore des eaux territoriales marocaines, et des
navires et aéronefs de nationalité marocaine131. Cette
disposition n'a pas d'équivalent dans le code de la nationalité
française et s'inspire de l'article 6 du code de la nationalité
tunisienne. Elle a surtout pour but d'affirmer la souveraineté
marocaine132.
Le territoire terrestre marocain est d'une superficie de
710850 km2, le Maroc a le privilege de s'ouvrir d'une part sur l'Atlantique
à l'ouest avec 2934 Km de côte, et d'autre part sur la
méditerranée au nord avec 512 Km de côte, ce vaste
territoire partage des frontières avec l'Algérie à l'est
et au sud, avec la Mauritanie133 .
Par ailleurs, et à l'image des autres pays d'Afrique,
les frontières constituent des « bombes à retardement,
un cadeau empoisonné légué par le colonisateur
»134 , mais le Maroc est le pays qui a été
le plus dépecé à l'époque du protectorat et qui
fait face à des positions gouvernementales, au soubassement colonial
avec l'Espagne, ou à des rivalités géopolitiques
régionales avec l'Algérie.
Jusqu'en 1973- 1974, le problème du Sahara était
un problème de lutte de libération mené par le peuple
marocain, mais en 1975, le pouvoir a appelé à une marche verte,
c'est à dire sans armes, ce à quoi les partis politiques
légaux ont répondu par un oui ferme et agissant. Or, cet
agissement n'a résolu le problème qu'en partie.
Par ailleurs, l'enfant né sur ce territoire de mere
marocaine et de pere apatride ou inconnu est marocain, ce qui signifie que le
Sahara fait sans aucun doute partie intégrante de notre territoire.
Au sujet de ces fractions du territoire marocain (Ceuta et
Mellilia les îles Jafarines, Penon de Vêlez, et Penon d'Al
Houssaima), notre pays a gelé pendant longtemps la
131 On emploi aussi le terme «immatriculés au Maroc
»
132 GUIHO, (Pierre), «La nationalité marocaine
», collection de la faculté des Sciences juridiques,
Economiques et Sociales de Université de Rabat, édition La
Porte
/Librairie de Medecis, Rabat / Paris, 1961, page 26.
133 Situation et carte du Maroc, www.marocains.biz , le
17/03/04.
134 Op.cit, MOULAY RCHID.
ratification de l'accord d'Ifrane avec l'Algérie et
revendique ces portions du territoire.
Le Maroc fait face diplomatiquement et militairement à des
prétentions en dépit de la récupération du Sahara,
et de l'unanimité nationale faite autour de cette cause.
Bien qu'un membre fondateur de l'OUA, le Maroc s'en est
retiré le 12 novembre 1984, apres l'admission de la prétendue
RASD, en attendant que triomphe la sagesse. Ainsi, par << territoire
marocain >>, il faut considérer non seulement le territoire sous
souveraineté nationale au moment de la mise en vigueur du code de la
nationalité de 1958, mais aussi Tarfaya, Sidi Ifni
récupéré en 1961 et le Sahara en 1975.
Toutefois, en droit français, le terme
<<territoire français >> signifie la France
métropolitaine ou, en d'autres termes, la France continentale et la
Corse, en premier lieu, et en second lieu, les territoires et
départements d'outre mer, des collectivités territoriales de
Mayotte et saint- Pierre- et- Miquelon.
En dehors des <<vieilles colonies >> :
Algérie, Antilles et réunion, auxquelles le code de la
nationalité de 1945 comme les lois de 1889 et de 1927 s'appliquaient de
plein droit, les autres territoires et possessions françaises
étaient soumis conformément à l'article 10 du code au
principe de la spécialité des lois en matière de
nationalité.
Rappelons dans ce cadre que la France est pour sa part
présente dans la collectivité de Mayotte, aux terres Australes,
et Antarctiques françaises, sur les îles Eparses du canal de
Mozambique (Glorieuses, Jean De Nova, Europa et Bassas de india), sur le
récif de Tromelin et enfin, la Réunion qui a le statut de
territoire d'outre mer (T.O.M) -comme la Guadeloupe et la Martinique- depuis la
loi fondamentale du 19 mars 1946.135 Dans ces territoires dit
d'outre mer, placés sous la souveraineté de la France,
antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 9
janvier 1973, l'attribution, l'acquisition ou la perte de la nationalité
française étaient régies par des dispositions
135 Oraison (André), << A propos de la
décolonisation de l'île de la réunion >>, in
Revue de droit international de sciences diplomatiques et politiques (The
international law revue), C.L HEINBACH, Lausanne, n° 1, janvier- avril
1998, pp 1- 34.
spéciales sauf en ce qui concerne l'Algérie et les
actuels T.O.M où la législation de droit commun a toujours
été applicable.
Dans ces territoires, la législation spéciale a
suivi dans l'ensemble l'évolution de la législation de droit
commun, mais avec certaines adaptations et principalement des restrictions en
ce qui concerne l'attribution ou l'acquisition de la nationalité
française par la naissance et la résidence dans ces
territoires136.
136 La nationalité française, textes et documents
officiels, page 127.
II .B. Les modalités d'attribution des
nationalités d'origine par le droit du sol France et dans les trois pays
du Maghreb
Parmi les codes des trois pays du Maghreb, le code de la
nationalité tunisienne, est le seul à marquer d'une
manière particulière les effets du droit du sol pour
l'attribution de la nationalité à titre originaire en dehors des
cas des enfants trouvés ou dont les parents sont inconnus.
Effectivement, le code en question attribue la
nationalité tunisienne, d'une part, à l'enfant né en
Tunisie de parents apatrides résidant sur le sol tunisien depuis 5 ans
au moins ; et d'autre part, à l'enfant né en Tunisie et dont le
père et le grand-père paternel sont nés sur ce
territoire.
Pour le cas du Maroc, l'article 7 du code de sa
nationalité prévoit des cas rares et limités en la
matière. En effet, cet article, comme on l'a déjà
mentionné, ne prévoit que certains cas d'octroi de ce type de
nationalité, alors que la jurisprudence du protectorat
considérait que la nationalité marocaine ne pouvait en aucun cas
être attribuée jure- soli, c'est donc une innovation en ce sens
que l'article en question dispose qu'est marocain l'enfant né au Maroc
de mere marocaine et de pere apatride ou inconnu, ainsi que l'enfant né
au Maroc de parents inconnus.
S'agissant du premier cas, qui est celui de «l'enfant
né de mère marocaine et de père apatride », il
faut remarquer que l'enfant né d'une mere de nationalité
marocaine et de pere sans nationalité n'est marocain que s'il est
né sur le territoire marocain. La différence semble difficile
à justifier, ce cas suppose deux hypothèses ; celle du
père marocain et celle du père étranger ; mais si l'enfant
est né à l'étranger, il est peu probable que le
père inconnu soit marocain137.
Quant au second cas prévu par l'article 7, qui est
celui de «l'enfant né au Maroc de parents inconnus
», dans ce cas, le texte suppose que les deux parents soient
inconnus ; il ne sera donc pas applicable si l'un des parents seulement est
inconnu. Cette disposition n'est pas nouvelle à l'égard des
enfants élevés en milieu musulman
137 Op.cit.
ou israélite, qui étaient déjà
considérés comme marocains. Par contre, les enfants de parents
inconnus élevés en milieu «européen », qui
étaient jusqu'à présent considérés comme
apatrides, reçoivent désormais la nationalité marocaine.
Il en résulte en vertu de l'article 3 du code qu'ils se trouvent soumis
au statut personnel et successoral régissant les Marocains
musulmans138 .
En fait, par l'application du droit du sol, le code de la
nationalité marocaine ne vise pas l'assimilation des populations
établies depuis une longue durée sur notre territoire, comme
c'est le cas de la loi française qui vise inclure, voir assimiler les
populations immigrées sous sa nationalité, la naissance
successive de plusieurs générations au Maroc ne confère
pas la nationalité marocaine d'origine ; elle ouvre seulement la
possibilité d'acquérir cette nationalité sous
réserve d'un contrôle gouvernemental en vertu de l'article 9 du
code de 1958.
Néanmoins, en prévoyant la faculté
d'attribution jure soli, notre code ne vise que réduire les cas
d'apatridie en vertu des traités et accords internationaux dans lesquels
le Maroc s'est engagé des l'aube de la récupération de son
indépendance.
Le code algérien quant à lui adopte les solutions
du code marocain en ce qui concerne l'enfant né de mere
algérienne et de pere inconnu ou apatride.
Par ailleurs, les enfants nés en Algérie d'une
mere algérienne et d'un pere étranger, le code algérien
leur attribue la nationalité algérienne à titre
originaire, si le père étranger est lui-même né en
Algérie. Or ces enfants peuvent répudier cette nationalité
dans le délai de deux ans qui précédent leur
majorité.
La législation française, quant à elle
accorde une assez large place au droit du sol, cela s'explique par la situation
démographique et économique de ce pays, qui est largement
différente de la notre.
En France, il n'est pas souhaitable que les enfants
d'immigrés fixés définitivement en France demeurent en
dehors de la communauté française. Or, la prise en
138 Op.cit. GUIHO, (Pierre), page 25.
considération du jus soli traduit sur le plan
juridique, un phénomène maintes fois constaté, à
savoir qu'ils respirent le même air, souffrent les mêmes
intempéries, bénéficient des mêmes institutions, des
mêmes services publiques et dont les intérêt se croisent, la
solidarité et les affinités qui créent la
nationalité commune.
En droit français ce n'est pas la naissance qui
<<nationalise », c'est la vie dans le milieu français, encore
faut-il que des conditions supplémentaires soient nécessaires
pour que la naissance sur le territoire français soit attributive de la
nationalité d'origine139 .
Effectivement, et aux termes de l'article 19 du code de la
nationalité française «est français
l'enfant né en France de parents inconnus », ces
dispositions sont donc presque identiques à celle de l'article 7 de
notre législation. Ce principe traditionnellement admis a l'avantage
d'éviter l'apatridie, sa portée est néanmoins restreinte
par le caractère provisoire qui lui est reconnu, la législation
française et la notre, prévoient que l'enfant sera
réputé n'avoir jamais eu la nationalité du pays de sa
naissance, si au cours de sa minorité sa filiation est établie
à l'égard d'un étranger, et s'il a conformément
à la loi nationale de cet étranger la nationalité de
celui-ci. Autrement dit, cet enfant acquière la nationalité de
cet étranger et sa nationalité dite <<provisoire »
disparaît rétroactivement au profit de la nationalité de
ses ascendants.
Cette disposition rétroactive ne pote pas atteinte
à la validité des actes passés par
l'intéressé, ni aux droits acquis par les tiers sur la
nationalité apparente antérieurement
possédée140.
D'un autre coté, l'article 19 - 1 du code civil (21 -1
du code de la nationalité) qui a été ajouté au code
de la nationalité de 1945 par la loi du 9 janvier 1973141,
reprend des solutions qui soit avaient été
réitérées du droit français par la réforme
de 1938, soit étaient déjà proposées par les
auteurs.
139 Op.cit.
140 Op.cit.
141 LOUSOUARN (IVON) et BOUREL (Pierre), «Droit
international privé », 6ème édition,
Dalloz, Paris, 1993, page 28
Cependant, alors que la loi de 1989 conférait la
nationalité française d'origine à l'enfant né en
France de parents de nationalité inconnue, l'article 19 - 1 vise le cas
de parents apatrides, ou encore les enfants nés en France de parents
apatrides ou de parents de nationalité étrangère qui ne
peut leurs être transmise.
Quant à l'enfant né en France de parents
étrangers nés en France, la loi du 7 févier 1951 lui donne
la nationalité française tout en lui conservant une
faculté d'option contraire à la majorité142. La
loi du 26 juin 1886 supprime la faculté d'option en cas de simple
naissance en France, elle remplace le régime de déclaration
acquise par celui de l'acquisition automatique sauf option contraire de
l'intéressé.
L'article 23 du code de la nationalité française
prévoit que l'enfant légitime ou naturel, né en France
lorsque l'un des parents au moins y est lui-même né à la
nationalité française. Cette disposition s'applique sans
faculté de répudiation si les deux parents sont nés en
France c'est ce que l'on appelle «le double jus soli >> qui est une
notion inconnue en droit marocain.
Actuellement, la nationalité des enfants nés en
France de parents étrangers est devenue la pomme de discorde entre la
gauche et la droite, la loi du 16 mars 1998 rétablit pour ces enfants la
règle, en vigueur de 1989 à 1993 ayant été
remplacée par l'obligation de manifester sa volonté de devenir
français a rompu avec cette tradition, sans pourtant remettre en cause
le principe du droit du sol, alors que la loi actuellement en vigueur, comme
celle qui l'était avant 1989 prévoit l'acquisition de plein droit
de la nationalité française à la majorité sous
certaines conditions de résidence qui ont été
légèrement assouplies.
Elle permet aussi, à partir de l'age de 13 ans,
d'anticiper cette acquisition par une réclamation de nationalité.
La nouvelle loi retouche également sur un assez grand nombre de points,
et dans un esprit libéral, les dispositions législatives en
vigueur143.
142 NGUYEN VAN YEN (Christian), «Droit de l'immigration
>>, P.U.F, Paris, 1986, page 306.
143 Ob.cit.
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