Conclusion chapitre VI
Plusieurs façons de traverser la Saône existent
mais le pont de pierre semble en être la principale notamment parce qu'il
constitue la voie privilégiée pour le transport de marchandises
et qu'il est plus aisé de l'emprunter que de franchir la rivière
en bateau. Il s'agit de la seule structure fixe et permanente à cet
usage. De plus, il permet de relier les deux parties principales de la ville,
les deux coeurs économiques de Lyon, mais il permet aussi aux individus,
comme aux biens, de facilement circuler dans la ville. La présence d'un
unique pont sur la Saône explique la concentration des enjeux de
circulation sur lui, enjeux qui dépassent largement le cadre de la
gestion de la Saône même si le pont est un des
éléments les plus probants de l'adaptation d'une
communauté urbaine à la présence d'une rivière qui
scinde son territoire en deux.
Comme l'analyse des pouvoirs qui s'exercent sur la Saône
et les structures qui en dépendent l'avait montré, le pont est un
enjeu juridictionnel convoité par les deux principales autorités
lyonnaises, celle des seigneurs-comtes et celle des échevins. Il ne fait
aucun doute que le pouvoir du consulat s'affirme sur l'édifice puisque
les décisions de justice sont prises à son avantage
c'est-à-dire que les choix urbanistiques qu'il prend, auxquels
l'archevêque et les chanoines-comtes s'opposent, sont
entérinées par les instances judiciaires. De plus, la charge de
l'entretien du pont, comme de la voirie et des infrastructures en
général, dépend clairement du pouvoir consulaire. Les
réparations du pont de Saône semblent de faible ampleur au cours
du XVIe siècle ; il s'agit essentiellement de travaux
d'entretien. La préoccupation principale des échevins lyonnais
est d'assurer la fluidité de la circulation sur le pont. Ainsi, à
l'instar de son action dans tout le cadre urbain, le consulat lutte contre les
éléments qui peuvent constituer un obstacle au trafic et tente,
progressivement, d'affirmer la limite entre l'espace public et l'espace
privé.
Conclusion de la troisième partie
Deux catégories principales d'infrastructures fluviales
ont été présentées ; les ports, c'est-à-dire
les espaces qui font le lien entre la navigation et les activités
terrestres, et les dispositifs permettant de traverser la rivière,
particulièrement le pont de pierre. Les ports lyonnais installés
le long des rives de la Saône sont nombreux et répartis de
façon régulière. Les constructions, entre la fin du
XVe siècle et les années 1560 soit pendant la
période d'essor économique de la ville, complètent les
structures préétablies et permettent à la ville de Lyon de
disposer de nombreux lieux d'accostage et d'embarquement. Les phases de
réparations, quant à elles, ne sont pas négligeables mais
sont tout de même sporadiques au cours du XVIe siècle.
C'est également le cas des travaux d'entretien du seul pont permanent de
la Saône, peu nombreux et de faible ampleur. Olivier Zeller explique, au
sujet de la voirie dans les villes de la période moderne, que les «
modifications [...] ne s'effectuaient qu'au rythme d'actions ponctuelles, [...]
les remodelages de réseaux viaires étaient
généralement limités »63. Cette analyse
correspond effectivement à l'évolution des infrastructures
à Lyon.
Le consulat est à l'origine de l'essentiel des travaux
à usage collectif réalisés à proximité de la
rivière de Saône. Cependant, il ne s'acquitte pas
systématiquement de leur financement. En effet, les échevins
cherchent régulièrement des fonds extérieurs, et
privés, pour assumer les dépenses de construction et de
réparation, prétextant que les particuliers résidant
à proximité des lieux aménagés doivent participer,
parfois sous la contrainte, parce qu'ils tirent un plus grand
bénéfice qu'autrui des travaux effectués. A l'inverse, la
notion d'espace « public » est de plus en plus utilisée et les
échevins tentent d'en limiter l'appropriation par des particuliers, tout
en n'excluant pas que certains d'entre eux contribuent donc à son
entretien. Il semble pour autant délicat d'affirmer que le
63 ZELLER, Olivier, "La ville moderne", in
PINOL, Jean-Luc (dir.), Histoire de l'Europe urbaine, de
l'Antiquité au XVIIIe siècle, Tome 1, Paris, Editions du
Seuil, Collection L'Univers historique, 2003, page 853.
consulat se désintéresse des infrastructures
fluviales. En effet, certaines préoccupations se dégagent et sont
toutes liées, ne serait-ce qu'indirectement, à l'entretien et
à la gestion des ports et du pont. De façon logique, le consulat
est préoccupé par l'état des ports car ils sont
nécessaires aux échanges économiques et sont les liaisons
entre la voie d'eau et le réseau terrestre de transport de marchandises.
Enfin, le pont de Saône, seul accès d'une partie de la ville
à l'autre particulièrement pour les charrettes et les chevaux,
est un axe fondamental de circulation dans la ville. Les autorités
politiques locales, notamment le consulat, s'efforcent donc de faciliter le
trafic sur celui-ci. Il semble cependant que l'intérêt
porté au trafic sur la rivière de Saône et ses berges au
XVIe siècle ne constitue que les prémices d'une
préoccupation grandissante au siècle suivant64.
64 BAYARD, CAYEZ, PELLETIER, ROSSIAUD, Histoire
de Lyon..., op. cit., page 355.
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