Section 2 : Externalisation de la fonction d'audit
interne
Une fois la décision d'externaliser la fonction
d'audit interne prise, il convient de passer à un certain nombre
d'étapes qui sont également importantes.
Les questions suivantes nous semblent encore peu
évoquées dans la littérature.
- Comment établir un cahier des charges, choisir un
prestataire, dépouiller les offres ?
- Comment rédiger le contrat
d'externalisation ?
- Comment gérer la relation à long
terme ?
Un mauvais choix du prestataire, un contrat incomplet, une
mauvaise gestion de la relation contractuelle, un manque de surveillance dans
le suivi..., cela comporte des risques pour le prestataire (risque de
défaillance par exemple) et pour l'entreprise qui externalise (risque de
sous-performance, risque de dépendance,
d'irréversibilité...). Ainsi, essayons nous d'aborder les
éléments majeurs de la mise en place de l'externalisation d'une
fonction d'entreprise :
1- Le temps de préparation
2- La dimension sociale
3- Le cahier des charges
4- Le choix des prestataires
5- Le contrat d'externalisation
6- La mise en oeuvre
7- Le suivi
(5) MEDEF, Management de l'externalisation-Guide
Européen
8- Le co-pilotage du suivi
2.1-Le temps de préparation
Mener à bien une démarche d'externalisation est
un projet complexe qui lie étroitement des métiers, des acteurs
et des enjeux sociaux, économiques et stratégiques.
Le temps est un élément déterminant dans
une opération d'externalisation. Temps de mise en place de la
démarche, temps de rédaction du cahier des charges, temps de
réponse accordé aux prestataires pressentis, temps de
sélection des prestataires, temps de conclusion du contrat, sont des
aspects majeurs qui conditionnent la réussite du projet.
L'urgence va à l'encontre d'une externalisation
réussie. Nous avons observé des opérations
d'externalisation échouer, en grande partie à cause d'une
étape d'élaboration contractuelle effectuée dans
l'urgence.
En général, la préparation d'une
démarche d'externalisation n'est pas inférieure à 9 mois,
c'est le minimum. Le prestataire doit prendre le temps de plonger dans
l'univers du client pour comprendre l'utilité qu'il attend du
service.
Le cadre contractuel sera l'illustration de la
réflexion menée en étroite relation entre le prestataire
et son client.
De la même façon, l'externalisation de plusieurs
services ou fonction ne s'effectuera pas en même temps. Le délai
entre la signature du premier contrat et du dernier contrat d'externalisation
sera lui-même de plusieurs mois.
Enfin, un contrat d'externalisation s'inscrit dans une
durée pluriannuelle, 24 mois au minimum. Mais nous observons
plutôt des contrats de 2 à 4 ans en moyenne, avec une tendance
à l'augmentation de la durée des contrats.
C'est le cas des pays anglo-saxons.
2.2-La dimension sociale
Les problèmes sociaux sont en règle
générale sous-estimés dans les démarches
d'externalisation. Une raison avancée est l'accent souvent mis sur le
technique, le concept de service, le juridique, sans prendre toute la dimension
de l'impact d'un changement sur les hommes et les organisations en place.
La dimension sociale doit être intégrée
au démarrage de la réflexion sur l'externalisation, et ce, quels
que soient les fonctions ou les services concernés, quelle que soit la
forme d'externalisation retenue avec ou sans transfert de personnel.
Une externalisation sans transfert de personnel n'est pas
plus aisée à manager. Elle entraîne nécessairement
un reclassement interne, un départ volontaire négocié,
voire un soutien à la création d'entreprise et donc des
changements organisationnels et humains internes importants.
Le succès de l'opération repose en grande
partie sur la qualité de la préparation sociale. Le prestataire
peut apporter son expertise et aider le client dans cette phase de
communication et de préparation du projet.
Qu'il y est transfert ou non de personnel, celui-ci doit
être informé de la démarche conformément au code du
travail. Mais cela ne suffit pas. La mise en oeuvre d'un plan de communication
interne est dès lors nécessaire.
La communication sur l'esprit, les modalités et les
finalités réelles du projet doit être bien menée par
la direction générale et la direction des ressources humaines.
Cette dernière aura un rôle majeur dans la gestion du projet
d'externalisation. La transparence doit être totale dès le
démarrage du projet, une fois la décision d'externaliser
prise.
2.3-Le cahier des charges
Positionner l'externalisation au plan stratégique
requiert de s'appuyer sur un contrat global.
Plus un cahier des charges sera détaillé, plus
un prestataire sera en capacité d'y répondre avec la souplesse,
la recherche de personnalisation et la crédibilité
souhaitées. L'environnement de l'entreprise et le contexte de
l'externalisation doivent être clairement exprimés dans le cahier
des charges.
Le travail clé se situe bien dans la rédaction
du cahier des charges et dans le choix des rédacteurs. Toute la
qualité de la préparation se trouvera dans le cahier des charges
qui doit intégrer la souplesse nécessaire à la
coproduction recherchée.
2.3.1-Rédaction du cahier des
charges
Les acteurs prestataires et client, voire tiers doivent agir
de concert pour formuler le cahier des charges, résultat de la
réflexion interne sur l'externalisation (objectifs, raisons,
échéancier, moyens, résultats). Le client fera au moins
figurer dans le cahier des charges, outre la description des services attendus,
la qualité attendue des prestations, sous réserve d'adaptation
ultérieure avec le prestataire. Le choix d'un conseil extérieur
doit s'appuyer non seulement sur les références d'intervention en
la matière, mais aussi sur sa compréhension forte des
réalités internes de l'entreprise (sociales et
stratégiques).
2.4-Le choix des prestataires
Après analyse des enjeux de l'externalisation et de la
situation de la fonction à externaliser, l'entreprise établit un
cahier des charges à partir des informations recueillies. Ensuite, elle
lance un appel d'offres auprès d'un certain nombre de candidats
susceptibles de répondre à son besoin. Ce type d'appel d'offres
peut être restreint à un certain nombre d'entreprise ou public si
tout intéressé peut y répondre.
Le choix du prestataire est réalisé sur la base
du coût de la prestation, sur sa capacité à répondre
aux contraintes techniques du client et sur sa capacité à
gérer les éventuels transferts de personnels. De plus, la
pérennité du prestataire est une dimension importante du fait de
la difficulté à gérer la réversibilité du
contrat d'externalisation. C'est la raison pour laquelle les principaux acteurs
du marché d'externalisation de la fonction d'audit interne sont
affiliés à des réseaux internationaux.
2.4.1-Critères de choix des
clients
Se lancer dans une démarche d'externalisation implique
de dépasser la logique dominante de l'effet prix pour mieux se
concentrer sur des critères qualitatifs. Cela ne signifie naturellement
pas occulter la question du coût du service mais bien de
l'intégrer dans une approche globale, de mise en cohérence des
enjeux stratégiques et sociaux étroitement liés.
La réduction de la base de coût et la
variabilité de certaines charges sont des effets importants, mais de
court terme. En comparaison, l'apport de capital intellectuel apporté
par un prestataire, si celui-ci est bien dans son rôle, dépasse
l'effet prix.
Le processus du prestataire doit être totalement
intégré à celui du client pour améliorer le
service. On passe d'une logique de « savoir-faire »
à celle du « savoir-faire faire ».
L'importance de la qualité de la veille est
très importante pour identifier et cibler les prestataires (documents
spécialisés, salons, etc.) pour gagner en efficacité.
2.4.2-L'effet capital humain
Par capital humain, nous entendons les facteurs
créateurs de compétitivité pour l'entreprise en termes de
recrutement des collaborateurs, de motivation des équipes, de management
par les compétences, de souplesse d'organisation, de partage des
connaissances chez le prestataire, de valeurs partagées par tous.
Le développement des activités
externalisées de l'entreprise doit s'appuyer sur une gestion nouvelle
des hommes, des métiers et des compétences.
2.4.3-L'effet taille
La différenciation peut jouer par la taille de la
structure. Une PME devrait se montrer rassurée par un prestataire de
taille globalement équivalente dans une relation de PME à PME.
Ceci est aussi valable pour une relation de grand compte à grand compte.
A contrario, la différence de taille des interlocuteurs, pour exemple
client grand compte et prestataire PME, pose inévitablement le
problème des rapports de forces des deux acteurs, et de la
hiérarchisation des critères de choix. Une culture de service
partagée permet de gommer cette difficulté.
2.5-Le contrat d'externalisation
L'externalisation est une opération
stratégique. Elle comporte des risques liés à
l'évolution relationnelle et au changement de l'environnement. Le
contrat doit être abordé avec beaucoup de soin. Le contrat
illustre la réflexion en amont sur la stratégie
d'externalisation, les moyens à engager et les résultats
attendus.
La visibilité du projet d'externalisation doit
être apportée aux deux partenaires par le contrat, dans un souci
d'équilibre des forces des acteurs dans la relation de service. Une des
conditions de succès du projet d'externalisation réside dans la
capacité des deux partenaires à faire évoluer cette
relation sans difficultés.
Sur le plan juridique, le contrat est le seul noeud formel de
la relation de deux parties. Ainsi, il est extrêmement important
d'identifier et de préciser tous les périmètres et les
clauses dès le départ, afin d'éviter les conflits durant
le déroulement du contrat.
· Les
périmètres
Il s'agit d'un élément essentiel car il
détermine l'objet et le prix. Indépendamment des aspects
organisationnels et des spécificités de chaque entreprise, la
fonction d'audit interne comporte en général les
périmètres centraux tels le contrôle interne, la gestion
des risques, les tableaux de bord...
Il est dans l'intérêt des deux parties que le
périmètre soit clair et précis dans le contrat initial.
Mais il peut évoluer par la suite :
- soit à la demande du client
- soit à la demande du prestataire dans le cadre de son
obligation d'amélioration permanente ou de difficulté d'ordre
technique
- soit suite au changement de réglementation
L'évolution des paramètres est souvent source
de conflit dans la relation contractuelle car le client et le prestataire ont
des intérêts contradictoires. Le client exige du prestataire de
remplir ses obligations et de faire évoluer sa mission au mieux des
intérêts du client. Le prestataire a pour intérêt que
chaque évolution soit payante et que le degré de
dépendance du client devienne important. Ainsi, il est important de
prévoir dans quel cas l'évolution est automatique, à la
charge du prestataire et dans quel cas elle nécessite la
négociation et le partage d'investissement.
· Les responsabilités
Une autre source de conflit repose sur une mauvaise
répartition ou une détermination ambiguë des
responsabilités de chaque partie. Le partage du travail dépend du
contexte de l'entreprise qui externalise, de ses besoins et des moyens mis en
oeuvre, des compétences disponibles du prestataire.
Généralement, le prestataire s'occupe de l'ensemble de la
production et assure la conformité des pièces. L'entreprise qui
externalise doit garder sous sa responsabilité l'ensemble des
tâches de validation.
Liste des tâches
|
Qui ?
|
Quoi ?
|
Comment ?
(Moyens de transmission)
|
Quand ?
(Périodicité)
|
|
Réaliser par le prestataire ou
Réaliser par le client
|
-Informations collectées
-Informations produites
-Informations différées
|
Par courrier, par mail, par fax...
|
A réception
Quotidienne
Hebdomadaire
Mensuelle
Trimestrielle
Annuelle
|
Tableau 2 : Récapitulatif des
responsabilités dans un contrat d'externalisation
· Les clauses
Elles sont le coeur du contrat. Selon le contexte, la
particularité de l'entreprise, elles peuvent varier. Toute fois,
certaines clauses comme le délai, le prix, la mesure, le suivi, la
sortie restent les éléments de base du contrat d'externalisation
de la fonction d'audit interne. Il doit prévoir la volumétrie de
l'opération d'externalisation. Les évolutions de ce volume en
parallèle avec l'évolution de l'enveloppe financière
doivent aussi être prises en compte. En raison du caractère
réglementé de l'audit interne, le délai, la qualité
des prestations et la sécurité sont des clauses primordiales. Les
délais doivent être précisés aussi bien pour la
transmission d'informations que pour la restitution. Le suivi de la prestation
est assuré par des clauses de mesure de la qualité auxquelles
sont assorties d'éventuelles pénalités à la charge
du prestataire client.
Les clauses de réversibilité doivent
apparaître de façon à anticiper l'arrivée à
terme du contrat et les éventuels litiges qui n'auraient pas
été résolus à l'amiable entre les deux parties.
Il n'existe pas de « contrat type »
d'externalisation. Nous présentons ci-dessous un exemple de la structure
du contrat d`externalisation de la fonction d'audit interne.
Objet du contrat
|
Moyens mis en oeuvre par le cabinet
Obligations
Durée
|
Durée et exécution du contrat
|
Durée
Exécution des prestations
Comité de pilotage
|
Conditions financières
|
Prix
Révision des prix
Indexation
Facturation et modalités de paiement
|
Sécurité et confidentialité des
opérations
|
Sécurité de l'exploitation informatique et
sauvegarde des données
Confidentialité
Archivage
|
Autres dispositions
|
Responsabilité du cabinet
Force majeure
Convention de non-sollicitation du personnel
Cession
Résiliation
Réversibilité
Engagement de service
|
Tableau 3 : Exemple de la structure d'un
contrat d'externalisation
2.5.1-La nature de l'engagement du client et du
prestataire
La logique de résultat doit de plus en plus être
mise en exergue dans le contrat d'externalisation. Les modalités
d'appréciation doivent être définies clairement par le
prestataire et le client.
2.6-La mise en oeuvre
· Dimension technique
La dimension technique est essentielle car l'externalisation
vise à rendre le service d'audit interne plus réceptif, plus
flexible et donc plus économique par une recherche permanente de
standardisation des outils et des pratiques à l'échelle d'un
groupe ou d'un réseau. Le prestataire doit donc être en mesure, de
suivre le contrôle interne de l'entreprise, de l'améliorer de
sorte qu'il soit adapté aux besoins actuels et futurs.
· Dimension humaine
Dans la mesure où il y a transfert de personnels,
l'externalisation permet à ceux-ci de bénéficier d'une
meilleure compétence. Ils deviennent des salariés du
prestataire.
Néanmoins, le changement organisationnel provoque des
effets négatifs (risque social). Afin de mener à bien la phase de
transition et d'exploitation opérationnelle, l'entreprise qui
externalise a intérêt à préparer des actions telles
que : l'anticipation, la communication auprès du personnel
concerné ; l'implication de la direction...
2.7-Le suivi
Généralement, le suivi de la prestation est
réalisé au travers des réunions d'un comité de
pilotage permettant de confronter les difficultés rencontrées par
le client et le prestataire. Ces réunions se font sur la base de
synthèses de deux parties : les indicateurs de performance du
prestataire pour la réalisation de la mission qui lui a
été confiée et ceux du client pour la réalisation
des engagements qu'il a pu prendre d'assurer une transmission correcte des
informations nécessaires au travail de son prestataire. Les
comités de pilotage ont pour mission de mesurer la performance actuelle,
de fixer la performance future, de moduler la volumétrie de la
prestation, de renégocier les honoraires...
Le comité de pilotage qui réunit les
représentants des deux parties, est un lieu d'échange afin que le
contrat d'externalisation ne soit pas seulement un contrat d'objectifs, mais
surtout un contrat collaboratif.
Le suivi doit s'appuyer sur une organisation rigoureuse et
clairement annoncée en interne :
- la mise en place d'un système destiné au
pilotage de la totalité des opérations d'externalisation
engagées ;
- la désignation des responsables externalisation par
contrats ;
- la mise en place de relais correspondants par services ou
par fonctions.
Les objectifs de la cellule externalisation doivent
intégrer outre le respect des termes des contrats, la dimension
d'évolution des prestations dans la durée du contrat.
L'externalisation confère une relation de type
maîtrise d'ouvrage. Ainsi, le client doit garder en interne un regard
critique et une maîtrise du projet. Mais la latitude doit être
donnée au prestataire de proposer, de manager, en rapport avec la
logique de résultats de la démarche. Parler de co-pilotage
revient à mettre en commun deux approches, distinctes au départ,
avec un même objectif pour le prestataire et le client.
2.7.1-La mesure du service
Une vraie difficulté dans le service réside
dans la mesure : « Mesurer quoi ? Comment ? Par
qui ? ». Cela est dû à
l'immatérialité des activités. Tout le travail conjoint du
prestataire et du client sera de déterminer avec précision les
critères de choix d'un service bien orchestré.
Les outils de mesure seront personnalisés selon
l'entreprise ou la fonction externalisée.
Le suivi de la prestation est à l'image de tout projet
d'externalisation. Le reporting doit remonter aux organes de direction, de
manière régulière, sous la forme d'un tableau de bord de
synthèse.
2.8-Le co-pilotage du suivi
2.8.1-L'organisation
L'efficacité de l'organisation en charge du suivi de
l'externalisation est une clé essentielle de la réussite de la
démarche. L'externalisation n'induit pas une perte de contrôle de
la prestation chez le client dans la mesure où celui-ci assure un relais
interne. La mise en oeuvre de groupes de travail mixtes prestataires/client
sera réalisée au plan opérationnel et au plan de la
direction générale.
Dans les cas d'externalisation multiples de fonctions ou
services, une structure centrale de fonctionnement souple devra piloter chez le
client les contrats d'externalisation.
La qualité de l'organisation mise en place va sans
aucun doute influer grandement sur le niveau de service offert.
2.8.2-L'animation du co-pilotage
- Comité de pilotage
- Comité de suivi
- Réunions étapes des opérationnels
(prestataire et client)
La coopération entre le prestataire et son client doit
être active. Pour cela, le fonctionnement doit s'appuyer sur un
management souple des deux entités (prestataire et client). La
qualité du reporting sera essentielle pour le succès de la
démarche.
TROISIEME PARTIE
LES ENJEUX DE L'EXTERNALISATION DE LA FONCTION D'AUDIT
INTERNE
L'externalisation est un mouvement stratégique
(Quélin et Barthélémy 2002). Elle comporte des avantages
et des dangers aussi bien pour l'entreprise ayant optée pour
l'externalisation que pour le prestataire.
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