§II : L'EFFECTIVITE DU SYSTEME
Le critère d'effectivité à l'instar des
critères précédents est partie intégrante du
vocabulaire des courants sociologiques, réalistes et juridiques. Cet
usage a crée un continuum dans les analyses des normes et des politiques
publiques. Les juristes ne se content plus à examiner la règle
sans prendre en compte l'aspect effectivité. C'est ce que
écrivent Ost et Van de Kerchove « on comprend que, dans
ces conditions, aux examens de légalité classique, se soient
ajoutées les procédures d'évaluation, comme si
l'intérêt se déplaçait progressivement de la
régularité de la source de la règle (source-oriented test)
en direction de la nature de ses effets (effectiveness-oriented
tes) » (Ost et Van de Kerchove 2002, 329). La simple
édiction de la norme qui lui conférait son caractère
d'effectivité et de légitimité n'est plus de mise. Il faut
continuellement « à grands efforts d'enquêtes et
d'expertises, et moyennant une correction continue » (Ost et Van
de Kerchove 2002, Ibid.) pour que la norme puisse s'imposer.
Cependant, il reste peu aisé de définir le concept
d'effectivité car c'est une notion extrêmement complexe,
faussement simple - et l'engouement dont elle jouit aujourd'hui ne contribue
pas à clarifier ses enjeux. Mais de façon générale,
l'effectivité s'entend de la capacité de la règle à
orienter le comportement de ses destinataires dans le sens souhaité par
son éditeur. Pour Paul Amselek, est effective la règle
utilisée par ses destinataires comme modèle pour orienter leur
pratique (Amselek 1964, 257). Le changement de comportement, autrement dit la
réceptivité de la norme, est l'un des indicateurs fondamentaux
de l'effectivité d'une norme ou d'une politique publique comme
l'écrivent Hans Kelsen (1962, 13) et Charles De Visscher (1967, 18).
Toutefois, la réceptivité ne peut à elle seule justifier
de l'effectivité ou pas d'une norme. Par conséquent, sur la base
de quels indicateurs peut-on mesurer l'effectivité d'une norme ou d'une
politique publique ? Ce sont les auteurs en droit de l'homme et en droit
international de l'environnement qui développent longuement ces
indicateurs. Il s'agit entre autres de Véronique Champeil-Desplats,
Danièle Lochak dans leur ouvrage « A la recherche de
l'effectivité des droits de l'homme » et de Sandrine
Maljean-Dubois dans son ouvrage « La mise en oeuvre du droit
international de l'environnement », (Lochak et Champeil-Desplats
2008 et Sandrine Maljean-Dubois 2003). Sandrine Maljean-Dubois souligne que le
droit international de l'environnement peut-être qualifié
d'effectif si : 1. assure la protection de l'environnement ; 2.
Conduit au respect des règles et standards posés ; 3.
Conduit à la modification du comportement humain souhaité ;
4. Est transposé aux différents niveaux institutionnels
(régional, national et local) par l'adoption de lois,
règlements et la conduite de certaines activités
administratives ; 5. A un impact de part sa seule existence
indépendamment de l'adoption de mesures spécifiques.
Quoique le sujet traité dans le présent cas soit
loin du domaine de l'environnement, il reste convenable de soumettre le cadre
normatif ouest-africain sur les ALPC à ces indicateurs.
Le premier indicateur revient à se demander si le cadre
normatif permet la protection des populations contre les effets
néfastes liés à la prolifération des ALPC : la
sécurité humaine. Cet indicateur n'est pas satisfait dans tous
les pays ouest-africains, l'insécurité humaine est monnaie
courante. Les dernières attaques de la capitale Lagos du Mouvement
d'Emancipation du Delta du Niger (Mend) le 13 juillet 2009 au Nigeria qui
fait au moins cinq morts (TV5 Afrique 13 juillet 2009); les enlèvements
de touristes, d'agents humanitaires comme le cas du Mali, du Niger ; les
braquages à mains armées, le banditisme de grand chemin. Le
climat général reste précaire. Dans le rapport
présenté par l'Office des Nations Unies contre la Drogue et le
Crime (ONUDC) le 13 juillet 2009, Antonio Maria-Costa, directeur de l'ONUDC
souligne que « le trafic d'autres produits comme les cigarettes,
les armes et les faux médicaments, représente une menace pour la
sécurité de la région. Le trafic de drogue et le crime
organisé pillent l'Afrique de l'Ouest, détruisent les
gouvernements, l'environnement, les droits de l'homme et la
santé » (UNUDC 2009). Pour Saïd Djinnit,
représentant spécial de l'ONU pour l'Afrique de l'Ouest,
« le trafic de drogue, le crime organisé et les coups
d'Etat militaires menacent la paix et la sécurité en Afrique de
l'Ouest » (UNUDC 2009). En conséquence, cet indicateur
n'est pas remplit. L'indicateur « conduit au respect des
règles et standards posés » convient bien au
présent cas. Dans le domaine de contrôle des ALPC, le constant est
qu'il y a un non respect des règles et standards posés aussi bien
de la part des gouvernants que de la part des gouvernés. Les exemples de
trafics illicites d'armes, de détournements et de réexportations
d'armes, de contournement des règles sont légion (Leger 2007,
Tonquedec, 2006, Small Arms Servey 2006 et 2007). La production artisanale n'a
point cessé, pis elle prend de l'ampleur au mépris de
règles (Florquin et Berman 2006). L'indicateur « conduit
à la modification du comportement humain » est pareil aux
deux cas précédents. Les mesures ouest-africaines sont loin
d'avoir été incorporées par les destinataires. La
violation des normes est remarquable. Les populations violent autant leurs
règles internes que les normes sous régionales.
L'indicateur de la « transposition des normes
aux différents niveaux institutionnels (régional, national et
local) par l'adoption de lois, règlements et la conduite de
certaines activités administratives ».Plus de trois ans
après son adoption, la Convention pas encore entrée en vigueur.
Dix Etats l'ont pas encore ratifié : le Benin et le Ghana et le
Libéria se sont engagés à la ratifier, la Guinée et
le Togo ont entamé les procédures de ratification, la Gambie n'a
pas tenu son engagement de 2007 selon elle ratifierait la Convention, le Cap
Vert et la Guinée Bissau n'ont montré aucune volonté
à ce sujet, aucun progrès n'a été remarqué
en Côte d'Ivoire et au Nigeria (Sallé et Poulton 2008, 38). Au
plan interne des Etats, le Mali a aux termes de la Loi 04/50 du 12 novembre
2004 modifié la Loi n°60-4AL/RS du 7 juin 1960 sur les armes. Mais
le problème reste que cette nouvelle loi ne s'applique pas
« aux armes et munitions de guerre qui constituent l'armement
règlementaire de l'armée, de la gendarmerie, de la police et de
toute autre force publique. Elle ne concerne pas non plus les armes et
munitions dont doivent être régulièrement munies les
officiers de réserve à charge pour ceux-ci de justifier de leur
qualité » (Cissé 2005, 5). Ce qui peut poser des
difficultés en ce sens que de nombreuses armes passent entre les mains
des forces de l'ordre public aux mains des réseaux mafieux. Depuis
l'adoption de la Convention, il n'y a donc pas eu de changements notables des
législations internes pour se conformer aux dispositions du cadre
communautaire. Par conséquent, ce critère reste insatisfait.
Quant à l'indicateur de « impact de part
sa seule existence indépendamment de l'adoption de mesures
spécifiques », l'insatisfaction reste pareille. Parlant
de l'ECOSAP, Sallé et Poulton écrivent que c'est un
système non performant à double point de vue: inadéquation
dans l'organisation et dans la coopération intra-institution. A ceci
s'adjoint le déficit de communication, le manque de programmes bien
ficelé pour les activités. L'organisation diplomatique et le
manque d'engagement font également défaut.
En somme, l'application de ces critères permet de
conclure en une faible effectivité du système de contrôle.
Mais, quel est le degré d'efficience du système ?
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