INSTITUT DE HAUTES ETUDES INTERNATIONALES ET DU
DEVELOPPEMENT
LE CONTRÔLE DES TRANSFERTS DES ARMES
LEGERES
ET DE PETIT CALIBRE EN AFRIQUE DE L'OUEST
MEMOIRE
Présenté en vue de l'obtention du
diplôme de
Master en études du développement
(MDev)
par
Salamane YAMEOGO
(Burkina Faso)
Genève
2009
DEDICACE
Je dédie ce Mémoire aux millions de victimes
des Armes Légères et de
Petit Calibre à travers le monde.
REMERCIEMENTS
A mon Directeur de Mémoire, Professeur Keith KRAUSE
pour son engagement à m'encadrer, ses conseils, ses encouragements et sa
patience;
A mon Juré, Dr. Glenn McDonald pour son soutien, ses
corrections et ses remarques qui ont permis à l'édification de ce
Mémoire;
Aux Professeurs de l'Institut des Hautes Etudes
Internationales et du Développement (IHEID) qui ont contribute à
ma formation;
A ma maman et à mes frères et soeurs pour leur
soutien incommensurable;
A Estelle KOFFI pour son aide précieuse;
A Aboubakar OUEDRAOGO et Aboubacar DAKUYO pour leurs conseils
et leur disponibilité;
A toute la Communauté Burkinabè à
Genève;
Aux members des l'Eglises Evangélique de Plains Palais
et Worship House International;
A toutes les personnes qui de près ou de loin ont
contribué à l'aboutissement du présent Mémoire.
SIGLES ET ABREVIATIONS
ALPC : Armes Légères et de
Petit Calibre
CICR : Comité International de la
Croix Rouge
MALAO : Mouvement de Lutte contre les
Armes légères en Afrique de l'Ouest
RASALAO : Réseau d'Action sur les
Armes Légères en Afrique de l'Ouest
IANSA : International Action Network on
Small Arms
ONU : Organisation des Nations Unies
CEDEAO : Communauté Economique
des Etats de l'Afrique de l'Ouest
ECOWAS : Economic Community Of West
African States
SADC : Southern African Development
Community
PNUD : Programme des Nations Unies pour
le Développement
OMS : Organisation Mondiale de la
Santé
SOMMAIRE
INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE I : LE SYSTÈME OUEST-AFRICAIN DE
CONTRÔLE
DE TRANSFERT DES
ALPC
SECTION II : LES MENACES DE LA CIRCULATION
INCONTRÔLEE
DES ALPC
SECTION II : LE CADRE NORMATIF ET
INSTITUTIONNEL
CHAPITRE II : L'EVALUATION DU SYSTÈME
OUEST-AFRICAIN
DE CONTRÔLE DE
TRANSFERT DES ALPC
SECTION I : L'EVALUATION SOUS L'ANGLE DE LA
COHERENCE
ET DE LA
PERTINENCE
SECTION II : L'ÉVALUATION SOUS
L'ANGLE TRIPARTITE DE
L'EFFICACITÉ,
L'EFFECTIVITÉ ET DE L'EFFICIENCE
CHAPITRE III : LA NECESSITE DE CONTENIR LES
LIMITES DU SYSTÈME
OUEST- AFRICAIN DE
CONTRÔLE DE TRANSFERT DES ALPC
SECTION I : LES LIMITES AU SYSTÈME
OUEST-AFRICAIN DE
CONTRÔLE DE
TRANSFERTS DES ALPC
SECTION II : LES STRATEGIES POUR UN MEILLEUR
CONTRÔLE DES
ALPC
CONCLUSION GENERALE
INTRODUCTION GENERALE
La problématique des Armes Légères et de
Petit Calibre (ALPC) a accédé véritablement au rang de
paradigme depuis les années 90 avec l'apparition du concept de
« micro-désarmement » (Nations Unies 1995,
60-65) qui s'est mué en « désarmement
concret » (Small Arms Servey 2002, 282). Ces termes font
référence à une gamme de mesures : la
maîtrise des armements, en particulier les ALPC, les mesures de
confiance, la démobilisation et la réinsertion des
ex-combattants, le déminage, la reconversion (...),
l'élimination, la limitation de la fabrication, de l'achat et du
transfert, la collecte et la destruction de ces armes en situation
post-conflit. En effet, alors que la fin de la guerre froide a quelque peu
favorisé une diminution de la prépondérance des armes de
destruction massive, l'accentuation des conflits intra-étatiques d'un
type nouveau (Boutros Ghali 1995), et en général de la
privatisation de la violence (Badie 1999) a accru l'importance des ALPC comme
enjeu de sécurité internationale. L'existence de stocks d'ALPC de
grande ampleur et peu contrôlés, leur abondance en circulation et
la facilité à les dissimuler, les transporter, les utiliser et
les entretenir permettent aux acteurs non étatiques d'y avoir
accès et d'en faire leurs instruments de prédilection. Cependant,
en dépit, de l'utilisation légitime de ces armes pour la
sécurité et la défense nationales et/individuelles, et
l'acquisition ou la rétention de ces armes lorsque les gouvernements ne
parviennent pas à garantir la sécurité physique de leurs
citoyens (Arms Servey 2001, 1), la prolifération des ALPC pose des
problèmes quasi insolubles pour la sécurité des
États et est une menace permanente pour les populations (Small Arms
Servey 2001, 215). Pis, estimées aujourd'hui à 875 millions dans
le monde dont 650 millions détenues par les civils, soit
approximativement 75% du total connu (Small Arms Servey 2007, 39), la
propagation et l'usage des ALPC causent au moins 500.000 victimes chaque
année et au moins 1000 victimes par jour au plan mondial (Beullac et
Krempel 2006, 4). En Afrique de l'Ouest, on estime à huit (8) millions
d'ALPC en circulation (Lorthois 2007, 254). Lesquelles armes auraient
causé au moins trois (3) millions de victimes (Bouko 2006). Somme toute,
la circulation incontrôlée et l'emploi abusif des ALPC constituent
une matrice de multiples menaces : violence armée, guerre et
insécurité internationales, insécurité humaine,
sous développement économique, pillage des ressources naturelles,
violation des droits humains et du droit humanitaire, prolongement du
terrorisme (Beullac et Krempel 2006, Ibid.). Par ailleurs, le volet du
contrôle des transferts des ALPC sur lequel va porter la présente
étude relative à l'Afrique de l'ouest est important. Mais avant,
que renferment les termes de contrôle, de transferts et d'ALPC ?
S'agissant du contrôle, il convient d'emblée de la distinguer du
concept de désarmement. Même si ces deux termes sont parfois
employés de façon interchangeable, ils indiquent des visions de
politique internationale distincte. Dans son ouvrage « Control of the
arms race » (1961), Hedley Bull définit le désarmement
comme une réduction ou une abolition des armements (Bull 1961).
Lesquelles réduction ou abolition pouvant s'opérer de diverses
façons : unilatérale ou multilatérale,
générale ou locale, complète ou partielle,
contrôlée ou incontrôlée. Le contrôle des
armes implique une restriction à l'échelle internationale de la
politique d'armement, que ce soit dans le respect du niveau des armements, leur
caractère, leur déploiement ou leur usage. John Spanier et Joseph
Nogee, dans leur étude « The politics of disarmament
» (1962), donnent d'autres définitions : le désarmement
se réfère à l'abolition complète ou la destruction
partielle des ressources de guerre humaines et matérielles, tandis que
le contrôle des armes s'applique aux restrictions à imposer
à l'utilisation des armes nucléaires (Spanier et Nogee 1962). La
restriction de ces deux auteurs sur les armes nucléaires est assez
stricte en ce sens que le contrôle des armes existait avant la
création du nucléaire en témoigne l'évolution de la
question. Aussi, les deux concepts de contrôle et de désarmement
ont-ils pour corollaire le fait qu'ils proposent des visions différentes
des causes de la guerre. Selon la théorie du désarmement, les
armements sont la cause de la guerre. L'objectif final du désarmement
est l'abolition complète des armes et donc, la transformation, d'une
certaine façon, des relations internationales. La théorie du
contrôle des armes reconnaît que les armements peuvent jouer un
rôle dans le renforcement des tensions entre factions
belligérantes, mais elle identifie plutôt les tensions politiques
entre adversaires comme étant la cause majeure du conflit. Les armes
peuvent être une source de stabilité et de sécurité
si elles sont gérées de manière adéquate (Baylis
and Cohen 2002, 184-186). Concernant le transfert, c'est une redistribution de
la possession d'ALPC, que ce soit de facto ou de jure, d'un acteur à un
autre. Ce qui suppose au moins deux acteurs principaux : l'initiateur et
le bénéficiaire (Small Arms Servey 2002, 111). On distingue
différents types de transferts : légal, illicite,
autorisé, non autorisé, intentionnel et non intentionnel (Small
Arms Servey 2002, Ibid.). Généralement, le transfert d'arme peut
être décomposé en trois étapes: D'abord,
l'étape pré-licence : prévoyant des formalités sur
papier jusqu'à l'octroi de la licence d'import/export, basée
principalement sur des considérations politiques et commerciales.
Ensuite, l'étape de transfert physique : l'exportation,
l'expédition effective via des points de transit éventuels,
l'importation des armes, toute la chaîne d'envoi étant
basée sur le transport et les contrôles douaniers. Enfin,
l'étape d'utilisation (finale) : l'usage des armes en accord avec les
conditions d'utilisation finale d'origine qui incluent également le
« re-transfert » ou la destruction (Berkol 2007). Quant au concept
d'ALPC, il est diversement défini. Toutefois, les définitions
onusiennes et ouest africaines paraissent convenir ici eu égard à
leurs caractères extensifs et convergents. Pour les deux organisations
(ONU et CEDEAO), les armes de petit calibre sont des armes destinées
à l'usage individuel. Elles comprennent entre autres les revolvers et
pistolets à chargement automatique, les fusils et les carabines, les
mitraillettes, les fusils d'assaut et des mitrailleuses légères
(Small Arms Servey 2002, 10 et Ecowas 2006, 9). Les armes
légères sont les armes destinées à l'usage de
plusieurs personnes travaillant en équipe. Elles comprennent entre
autres les mitrailleuses lourdes, les lance-grenades portables, amovibles et
sur affût, les canons antiaériens portatifs, les canons antichars
portatifs, les fusils sans recul, les lance-missiles et lance-roquettes
antichars portatifs, les lance-missiles antiaériens portatifs et les
mortiers de calibre inférieur à 100 millimètres (Small
Arms Servey 2002, 10 et Ecowas 2006, 8).
En tout état de cause, la question du transfert des
armes, englobant certainement les ALPC est cruciale. Elle a connu une
évolution dès le XVIIIè siècle jusqu'à nos
jours. Cette question a aussi fait et continue de faire l'objet de
controverses au sein de la doctrine et des acteurs internationaux. Enfin,
depuis la chute du mur de Berlin, l'aspect spécifique du contrôle
de transfert des ALPC demeure indispensable. S'agissant de l'évolution
de la question, il convient de noter que déjà au XVIIIe
siècle, la question de la limitation des armements a été
une préoccupation sur le plan international : les propositions non
acceptées du prince Kaunitz de l'Autriche à la Prusse entre 1766
et 1767 et des déclarations Franco-britanniques du 27 octobre 1787
(Chappuis 1975, 17-20). Au XIXe siècle, ce sont : le Traité
Rush-Bagot en août 1816 entre les Etats Unis d'Amérique (USA) et
la Grande-Bretagne; les Traités de paix entre le Pérou et la
Bolivie en août et novembre 1831 et les Conférences de paix
de la Haye de 1898 et de 1907. Au XXe siècle, on retient entre autres le
Traité général de paix et d'amitié approuvé
par la Conférence des Etats d'Amérique Centrale du 7
février 1923 (Chappuis 1975, 56). Il en va aussi de la Convention de
Genève sur le contrôle international des armes, munitions et
matériels de guerre du 17 juin 1925 adoptée dans le cadre de la
Société des Nations. Une Convention qui fut long feu (Collet
1989, 13). Sur le plan sous régional, (Afrique de l'Ouest), le besoin de
contrôler les armes a été plus ou moins exprimé
à travers divers instruments avant 1998: les Traités de
Défense et Accords Militaires et d'Assistance avec les ex-puissances
colonisatrices (Barry 1997), le Protocole de Non-agression signé
à Lagos le 22 avril 1978 (Ecowas 1978) et le Protocole d'Assistance
Mutuelle en matière de défense signé à Freetown le
29 mai 1981 (Ecowas 1981). Sur le plan interne des Etats, on a par exemple, les
actes du Congrès américain tels que : le
« Neutraly Act » du 31 Août 1935 (Collet
1989, 30) et les célèbres clauses « Cash and
Carry » suivi de la Loi Prêt Bail « Lend and
lease Act » (Collet 1989, 18-19). Quant aux controverses, elles
concernent notamment les transferts des armes au profit des groupes non
étatiques comme les factions rebelles dans la mesure où l'article
51 de la Charte des Nations Unies garantie le commerce des armes entre les
acteurs étatiques. Relativement au cas des insurgés, le
débat est constant. Selon la doctrine traditionnelle, il est licite
d'apporter un soutien militaire telle que la vente d'ALPC à un Etat en
conflit armé. A contrario, il est illicite de transférer des
armes aux groupes insurgés car l'Etat est la seule personnalité
internationalement reconnue. Un second courant considère qu'il est aussi
bien illicite de fournir des armes aux groupes rebelles, qu'à l'Etat.
C'est une exigence du principe de non intervention dans les affaires internes
des Etats. Le dernier courant argue qu'il est licite de fournir des armes non
seulement à l'Etat mais également aux rebelles (Vincineau 1984,
13). Ces controverses existent aujourd'hui surtout au sujet des livraisons des
armes aux acteurs non étatiques. Sous couvert de l'article 51 de la
Charte de Nations Unies sur la légitime défense étatique
et collective et de l'article 2§4 sur l'égalité souveraine
des Etats et la non ingérence dans les affaires intérieurs,
certains Etats considèrent le commerce des armes comme un instrument de
politique étrangère. Par exemple, pour Bill Clinton, «
les transferts d'armes conventionnelles sont un instrument légitime de
la politique étrangère américaine au service des actions
de soutien mené par le gouvernement américain lorsqu'il nous est
impossible d'aider nos amis et alliés contre une agression, de
promouvoir la stabilité régionale, et d'accroître la
coordination entre les forces américaines et les forces alliées
» (Clinton 1998). Selon John Bolton, il n'est pas question que les
ventes d'ALPC soient dirigées uniquement vers les gouvernements ou les
entités qui les représentent en ce sens que refuser de vendre des
armes à un groupe non étatique serait le priver de se
défendre envers un gouvernement génocidaire (Bolton 2001). Ces
idées tirent leur fondement de la théorie du
« National Security Act de 1947 » qui autorise les
opérations clandestines, y compris la fourniture des armes
excédant un (1) million de dollars (Bagayoko-Penone 2003, 592). Pour les
Etats en voie de développement, comme ceux de la CEDEAO, sans
réfuter les dispositions de l'article 51 de la Charte de l'ONU, la
livraison des ALPC à des acteurs non étatiques n'est ni plus ni
moins qu'un soutien à des groupes qui portent atteinte à leur
souveraineté. Interdiction est donc faite de transférer des ALPC
à des entités non étatiques (Ecowas 2006).
Le contrôle de transfert des ALPC est spécifique
aujourd'hui en ce sens qu'il constitue une dimension importante qui a
suscité une attention soutenue de la communauté internationale,
des Organisations sous régionales, des Centres Universitaires de
Recherche ainsi que de diverses Organisations Non Gouvernementales et des
Organisations de la Société Civile (OSC) depuis le début
de l'offensive globale contre leur prolifération. Tous ces acteurs
restent conscients de la nécessité d'un renforcement du
contrôle des échanges des ALPC. Ce raffermissement semble
effectivement essentiel puisque le lien entre le commerce légal et le
marché illicite est désormais majoritairement connu (Small Arms
Servey 2007, 74). Les armes légalement transférées
souffrent régulièrement de détournement vers des
destinataires qui en font un mauvais usage. (Tremblay 2006, 3). La
spécificité du problème de contrôle reste aiguë
pour au moins trois perspectives différentes, toutefois
complémentaires en réalité. Premièrement, la
fabrication et la commercialisation des ALPC entraînent des
conséquences sur le plan du désarmement. Leur contrôle et
leur limitation favoriseraient un climat de paix, de sécurité et
de libération des ressources pour le développement.
Deuxièmement, dans la lutte contre la criminalité
organisée, la réduction des activités illégales et
criminelles liées à la fabrication et au commerce illicites des
ALPC permet de faire reculer la violence armée, la corruption ainsi que
les crises politiques, militaires, économiques et sociales au sein des
Etats et, partant, d'améliorer la capacité des Etats à
faire face aux groupes criminels et terroristes tout en remplissant leurs
fonctions régaliennes. Troisièmement, du point de vue de la
sécurité humaine, la circulation anarchique des ALPC demeure une
réelle menace. Leur contrôle limiterait les atteintes à
cette sécurité (Alfonso De Alba 2002, 58).
Pour ce faire, cette nécessité de contrôle
est au coeur de la mise en oeuvre d'une série d'instruments, qui
comporte au-delà des dispositifs nationaux, un système
international régenté par les Nations Unies, et plusieurs
systèmes régionaux, plus ou moins élaborés. Au
niveau onusien, il s'agit : du Programme d'action de l'ONU sur les ALPC en
juillet 2001 (PoA), du Protocole contre la fabrication et le trafic illicites
d'armes à feu, de leurs pièces, éléments et
munitions, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la
criminalité transnationale organisée entré en vigueur le 3
juillet 2005, de l'Instrument international d'identification et de
traçage rapide et fiable des armes légères et de petit
calibre illicites adopté en 2005 par l'Assemblée
Générale de Nations Unies, de la Déclaration de
Genève sur la violence armée et le développement,
dite « Déclaration de Genève » (DG)
adoptée sous les auspices de la Conférence ministérielle
en juin 2006. A ces mécanismes s'ajoutent les différentes
Conférences dont celles de 2001, 2005 et 2006 afin d'examiner non
seulement l'évolution de la mise en oeuvre du PoA, mais aussi permettre
l'adoption d'un Traité International sur les ALPC. Au niveau des
différentes sous régions, on retient entre autres : la
Convention interaméricaine contre la fabrication et le trafic illicites
d'armes à feu, de munitions et autres matériels connexes en 1997,
la Loi modèle Arabe sur les armes et les munitions en 2002, le
Programme pour prévenir et combattre les trafics illicites d'armes
conventionnelles adopté par l'Union Européenne (UE) en juin 1997,
le Document de l'OSCE sur les ALPC en novembre 2000, le Code de conduite de
l'UE en juin 1998, l'Action Commune de l'UE de Lutte contre l'accumulation
déstabilisatrice et la prolifération des ALPC en décembre
1998, l'Arrangement de Wassenaar entré en vigueur en juillet 1996, le
Protocole de Nairobi en avril 2006 et la Convention CEDEAO relative aux
Armes Légères et de Petit Calibre, leurs Munitions et
autres Matériels connexes en juin 2006 ; laquelle Convention
est le résultat du processus de transformation du Moratoire de la CEDEAO
sur l'importation, l'exportation et la fabrication des armes
légères adopté en 1998 (Berkol 2007, 1). Au niveau CEDEAO,
le contrôle des ALPC a pris une assise à travers la proposition de
Alpha Omar Konaré d'un Moratoire sur la circulation des armes
légères en Afrique de l'Ouest en 1997 (Lodgaard et Ronnfeldt
1998, 17). Cette proposition a reçu un écho favorable. En octobre
1998, la CEDEAO a adopté une Déclaration de Moratoire sur
l'importation, l'exportation et la fabrication des armes légères
et ce, « considérant que la circulation des armes
légères constitue un facteur déstabilisateur pour les
Etats membres de la CEDEAO, et une menace pour la sécurité de nos
peuples » (Poulton et Ag Youssouf 1999, 325). Ces
préoccupations avaient été exprimées aux termes de
l'article 41 alinéa 3 (b) du Traité révisé de la
CEDEAO de 1993 qui autorisent chaque pays à introduire, maintenir ou
appliquer des réductions ou des interdictions concernant
« le contrôle des armes, des munitions, et de tous autres
équipements militaires et matériels de guerre ».
Ces inquiétudes n'ont pas fléchies en ce sens que plusieurs
textes ont été adoptés : le Code de Conduite le 10
décembre 1999 en appui au Moratoire, le Protocole relatif au
mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des
conflits, de maintien de la paix et de la sécurité à cette
même date, suivi du protocole A/SP1/12/01 sur la démocratie et la
bonne gouvernance additionnel à ce mécanisme et de la Convention
CEDEAO de 2006. Cet arsenal de normes, d'institutions et de programmes touche
entre autres domaines le marquage, le traçage, le courtage, la collecte
et le contrôle des transferts des ALPC.
Cependant, malgré l'existence des textes CEDEAO, la
pratique reste déviante des normes. Il y a presqu'un contournement
généralisé des institutions et les programmes ne font que
battre de l'aille. L'Afrique de l'Ouest demeure à ce jour un zone
assaillie par les flots d'ALPC (Florquin et Berman 2006) avec à la
clé toutes les conséquences innombrables. Cette contradiction
saillante entre normes et pratiques force à se poser la question
suivante: Comment expliquer le hiatus entre le système de contrôle
des transferts des ALPC et la réalité sur le terrain en Afrique
de l'Ouest? A cette interrogation, on peut émettre l'hypothèse
selon laquelle, les transferts des ALPC seraient encore régis beaucoup
par les normes nationales que par les normes communautaires. C'est dire que
l'hétérogénéité et l'atomisation
(différents textes suivant les pays, l'imbrication des sphères du
droit privé et public) des textes est un facteur fondamental des limites
des normes et des institutions. A cette hypothèse centrale, il peut se
greffer diverses sous-hypothèses : La faiblesse des
capacités institutionnelles, humaines et financières auquel
s'adjoint le caractère intersectoriel des ALPC rend complexe leur
contrôle. De même, les transferts horizontaux et verticaux des
ALPC, en faveur des Acteurs armés non étatiques phagocytent
l'efficacité du système de contrôle. Il en va de même
de la multiplicité des conflits armés en cours ou en voie de
résolution qui rend difficile le contrôle des ALPC. Enfin, il ne
fait l'ombre d'aucun doute que les actions de lutte sont sacrifiées sur
l'autel des intérêts économiques,
géopolitico-stratégiques des acteurs sous régionaux et
internationaux. Toutefois, si ces différentes hypothèses peuvent
toutes tenir la route, il sera développé dans le présent
travail deux volets : l'hétérogénéité
et l'atomisation normative, la déficience des capacités qui
favoriserait le contournement et le tripatouillage des normes. Par ailleurs,
prenant en compte les multiples menaces que la prolifération
incontrôlée des ALPC fait peser sur les sociétés
ouest-africaines, il n'est pas déraisonnable de tenter d'ébaucher
des solutions. Alors, quelles dispositions efficientes faut-il prendre pour la
réalisation effective du contrôle des transferts des ALPC ?
La réflexion sur « Le contrôle des
transferts des Armes Légères et de Petit Calibre en Afrique de
l'Ouest » est orientée
dans la perspective d'examen de ces questions. Ce sujet est à la fois
universel, d'une actualité permanente et partant, d'une importance
indéniable. L'objectif de ce document est donc de nous faire
prendre place au coeur des préoccupations et
problématiques touchant aux ALPC. Le souci de l'éradication des
ALPC nous incite à plaider pour une réalisation véritable
du système de contrôle. Toutefois, le réalisme nous
amène aussi à reconnaître l'extrême complexité
des problèmes qu'est susceptible de soulever cette préoccupation.
Ces problèmes sont divers et sont de nature aussi bien structurelle que
conjoncturelle.
Au cours de cette étude, la méthode de recherche
documentaire sera privilégiée. S'agissant de la
délimitation, deux aspects sont concernés. Dans le temps,
l'année de l'adoption de la Déclaration du Moratoire (1998) est
le point de départ et ce, jusqu'à aujourd'hui.
Géographiquement, l'Afrique de l'Ouest est la zone d'étude. C'est
une région qui a traversé de nombreux conflits armés et
plusieurs épisodes de violence armée avec une
prolifération insoutenable d'ALPC. Enfin, l'argumentation
s'appuiera d'abord sur l'examen du système de contrôle et le
contexte d'adoption (Chapitre I). Ensuite, son
évaluation (Chapitre II). Ce qui permettra enfin de
mettre en évidence les limites du système auxquelles il sied de
faire quelques propositions (Chapitre III).
CHAPITRE I : LE SYSTÈME OUEST-AFRICAIN DE
CONTRÔLE
DE TRANSFERT DES ALPC
Le contrôler de transfert des ALPC est l'une des
priorités de la communauté internationale et des organisations
sous régionales.
Sur le plan international, c'est « Conscients
qu'il est urgent de prévenir, de combattre et d'éradiquer la
fabrication et le trafic illicites des armes à feu, de leurs
pièces, éléments et munitions, étant donné
que ces activités sont préjudiciables à la
sécurité de chaque État, de chaque région et du
monde dans son ensemble, qu'elles constituent une menace pour le
bien-être des peuples, pour leur promotion sociale et économique
et pour leur droit à vivre en paix » (Nations Unies 2001,
2), que les Etats membres de l'ONU ont adopté en 2001 le Protocole
contre la fabrication et le trafic illicites d'armes à feu, de leurs
pièces, éléments et munitions (PoA), additionnel à
la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale
organisée. C'est également, considérant la faiblesse du
PoA qu'une Conférence onusienne a été
organisée du 26 juin au 7 juillet 2006, en vue de renforcer l'offensive
de la communauté internationale envers la prolifération des ALPC
(Tremblay 2006, 1). Sur le plan Ouest-Africain, les préoccupations
restent similaires. En effet, c'est « Considérant
que la prolifération des armes légères et de
petit calibre constitue un facteur déstabilisant pour les Etats membres
de la CEDEAO et une menace pour la paix et la sécurité de nos
peuples et, Profondément
préoccupés par le flux excessif d'armes
légères et de petit calibre vers l'Afrique en
général et l'Afrique de l'Ouest en particulier et conscients de
la nécessité de contrôles effectifs des transferts d'armes
par les fournisseurs et les courtiers », que les Etats CEDEAO
ont adopté la Convention 2006. Cette dernière devant contribuer
à la réalisation des objectifs de la Déclaration du
Moratoire en consolider les acquis. Ces préoccupations sont
également exprimées dans plusieurs autres textes CEDEAO : Du
Traité Révisé à la Convention en passant par le
Moratoire, le Code de Conduite, le Mécanisme sur la résolution
des conflits et son Protocole additionnel, énormément de
dispositions donnent la quintessence de la nécessité de juguler
les flux des ALPC.
Les différents instruments rappellent les multiples
menaces liés à la circulation incontrôlée des ALPC.
Ce sont principalement les menaces sur la sécurité humaine et le
développement (SECTION I). Aussi, comment s'articulent
les normes CEDEAO pour le contrôle des ALPC ? (SECTION
II).
SECTION I : LES MENACES DE LA CIRCULATION
INCONTRÔLEE
DES ALPC
Des transferts d'armes peuvent être
indispensables pour répondre aux besoins de sécurité
légitime d'un Etat ou pour améliorer les capacités des
forces de sécurité car, comme le souligne la Banque Mondiale, la
sécurité reste une priorité pour les populations pauvres
dans toutes les régions du monde (Conoir et Verna 2005, 486).
Cependant, les transferts irresponsables des ALPC peuvent encourager des
forces militaires irresponsables et mal entraînées à
supprimer les droits humains et entraver le développement
démocratique ; faciliter une exploitation brutale des
ressources ; contribuer à la dégradation de
l'environnement ; et augmenter la violence contre les femmes. La
pauvreté peut s'aggraver, les inégalités augmenter,
l'accès aux services de base encore plus compromis et des existences
menacées (Amnesty International/IANSA/OXFAM, 2004). Ainsi, la
circulation incontrôlée des ALPC représente de graves
entraves non seulement pour la paix et la sécurité humaine
(Small Arms Servey 2002) (§I), mais aussi pour le
développement (Small Arms Servey 2003) (§II).
§I : LA PROLIFÉRATION DES ALPC,
UNE MENACE POUR LA SÉCURITÉ HUMAINE
« L'être humain est au
coeur de tout. Le concept même de souveraineté nationale a
été conçu pour protéger l'individu, qui est la
raison d'être de l'Etat, et non le contraire. Il n'est plus acceptable de
voir des gouvernements flouer les droits de leurs citoyens sous prétexte
de souveraineté ». (Kofi Annan 1999).
Ces propos sont la traduction fidèle de la doctrine de la
sécurité humaine. La sécurité humaine, aujourd'hui
au coeur des stratégies du développement durable et de
l'intervention humanitaire, est le résultat de la transition
conceptuelle du terme de sécurité.
Pendant longtemps, la sécurité a
été le pré-carré des théories
réalistes, néo-réalistes, rationalistes pour lesquelles,
elle serait axée sur trois composantes essentielles : l'Etat,
le principal agent et bénéficiaire de la
sécurité ; la menace à la
sécurité provient surtout des autres Etats et les réponses
aux menaces sont surtout de type diplomatico-stratégique (Rioux 2001,
11). Aujourd'hui, la sécurité n'est plus campée sur
l'Etat, sur les domaines militaires et nucléaires. Depuis les
années 1960-1970 avec les réflexions de Galtung sur la paix dans
« Peace, War and Defense : Studies in Peace
Research » (Galtung 1976) au Rapport sur le Développement
humain du Programme des Nations Unies pour le Développement (Nations
Unies 1994), qui a officiellement utilisé le concept de
sécurité humaine, en passant par John Burton dans
« World Society » en 1972, Lester Russell Brown
dans « Redefining National Security » en 1977,
Booth Ken dans « Security and Emancipation » et
les développement des constructivistes, (Nicholas 1989), et bien
d'autres auteurs comme Keith Krause dans « Approche critique et
constructiviste des études de sécurité »,
le concept de sécurité a connu une réelle mutation pour
prendre en compte l'individu. Désormais, il est fortement question de
sécurité humaine que Charles-Philippe David et
Jean-François Rioux qualifient de « portée
universelle, fondée sur l'interdépendance, centrée sur la
prévention et axée sur les individus » (David et
Rioux 2001, 21). Elle inclue la sécurité personnelle,
politique, collective, économique, alimentaire, environnementale et
sanitaire (David et Rioux 2001, Ibid.). Cette approche large tirée de la
définition du PNUD n'inclut pas expressément le
phénomène des ALPC qui est de plus en plus
considéré comme une réelle menace pour la
sécurité humaine. Toutefois, sous un angle restreint, la
sécurité humaine serait axée sur les personnes,
intégrant beaucoup plus de menaces, mais limitée aux plus
violentes comme les mines terrestres, les ALPC, la violence et les conflits
intra étatiques. Cette définition donne des limites
précises à la notion de sécurité humaine. Aussi,
une approche sociologique de la sécurité humaine convient-elle
d'être retenue car c'est sous cet angle qu'on peut mieux comprendre la
problématique des ALPC. Comme le souligne Keith Krause, les ALPC peuvent
être assimilées au problème du contrôle des
armements, de la criminalité, de la santé publique, de
l'humanitaire et des droits de l'homme ou du développement
socio-économique (Krause 1997). Elles sont en majorité la source
de violence armée (Déclaration de Genève 2008). Mais
comment les ALPC peuvent constituer une menace pour la sécurité
humaine en Afrique de l'Ouest? Quels éléments plausibles de
démonstration existent-ils ? Deux idées sont à
développer ici : l'atteinte à la sécurité
humaine pendant les conflits armés et/ou pendant les crises
socio-politiques et l'atteinte à la sécurité humaine en
période post conflit.
Pour l'atteinte à la sécurité humaine
pendant les conflits armés et/ou dans les situations de crises
socio-politiques, il s'agit des morts, des impacts de la guerre sur les
personnes vulnérables comme le phénomène des enfants
soldats, des déplacés et des réfugiés y compris
d'autres formes de violence. Pour Francis Langumba Kelli, les ALPC
sont : « les principales armes utilisées dans les
querelles intra et inter communautaires, les guerres locales, les insurrections
armées, les activités rebelles armées et le terrorisme
dans toute la sous-région. Chaque pays ouest-africain a
été confronté à la violence
généralisée qu'engendre ce type d'armes. Les ALPC ont
alimenté en Côte d'Ivoire, en Guinée-Bissau, au
Libéria, au Mali, au Niger, au Sénégal, en Sierra Leone et
au Togo, des conflits qui se chevauchent (...) dans lesquels ces armes jouent
un rôle central et déstabilisateur. Cela a entraîné,
la mort ou le déplacement de millions de personnes et la destruction
d'un nombre incommensurable de biens. Des ALPC ont été
utilisées pour commettre des violations atroces des droits de l'homme,
favoriser la mauvaise gouvernance, ébranler les constitutions, faire des
coups d'État, créer et alimenter un sentiment
général de peur, d'insécurité et
d'instabilité» (Kelli 2008, 6). Au titre des personnes
tuées et fortement blessées, par exemple en Sierra Leone,
l'emploi de ces engins ont fait entre 50.000 et 75.000 morts, 30.000
amputés. Au Libéria, la guerre civile a fait entre cent et deux
cent milles morts. Plusieurs milliers de personnes mutilées en
particulier par amputation des mains (Kelli 2008, 9). Quant aux violences
sexuelles, entre 215000 et 257000 femmes ont fait l'objet de violes en
Sierra Leone (Ploughshares 2002). Pour ces deux formes d'atteinte à la
sécurité humaine, Julia Freedson souligne qu'au cours de la
décennie écoulée, « plus de deux millions
d'enfants ont été tués et plus de six millions ont
été handicapés de façon permanente ou ont
été sérieusement blessés dans les conflits
armés ». (Freedson 2002, 42). Parmi les victimes de
guerre, les civils atteignent 80% à 90% dont une grande majorité
étant des femmes et des enfants tués par les ALPC (Freedson 2002,
Ibid.). En 2008, Anatole Ayissi a mené une enquête à
Monrovia (Libéria) au terme de laquelle, il a recensé 58 viols
et 44 vols à main armée en mars et 52 viols et 55 vols à
main armée en avril. Les propriétaires sont agressés chez
eux, dépouillés de leurs biens, leurs femmes et filles ensuite
violées, sous la menace d'ALPC. En dehors de ces cas, il faut ajouter
que les rébellions touaregs en cours dans quelques régions du
Mali, du Niger et de la Mauritanie ont fait depuis 1990 plus de 5.000 victimes
décédées sans compter les blessures et autres formes de
violence. Le conflit ivoirien dont les soubresauts remontent à
décembre 1999 a fait plus de 300 morts et plus de 600 blessés
(Bouko 2006).
De plus, dans ces situations de conflits armés, les
enfants y compris les adolescents, les personnes âgées et les
femmes sont les plus vulnérables. Les enfants sont
généralement enrôlés. Ceux sont aussi bien des
potentielles victimes mais aussi des auteurs de multiples formes de violence.
Le nombre actuel des enfants soldats dans le monde vacille entre 250.000 et
300.000 répartis dans plus de 30 pays. Le sort des enfants dans les
conflits armés est de 2.000.000 de morts, 5.000.000 d'infirmes et
environ 12.000.000 se retrouvent dans la rue (Bouko 2006). Ces
éléments impitoyables sont aussi mis à nu par Edward Zwick
dans son film « Blood Diamond » (Zwick 2006). En
Sierra Leone, près de 4 soldats rebelles sur 5 ont moins de 14 ans et on
dénombre 20.000 enfants soldats dont certains de moins de 9 ans
(Florquin et Berman 2006). Une enquête menée par le Small Arms
Servey au Libéria et en Sierra Leone a montré qu'un
« pourcentage considérable de sondés provenant de la
Sierra Leone et du Liberia a admis avoir été impliqué dans
des pillages (56% en Sierra Leone), des massacres de civils (17% au Liberia),
des incendies de maisons (19% en Sierra Leone), des viols (18% en Sierra Leone)
et des enlèvements (10% en Sierra Leone). Toutefois, les enfants n'ont
donné aucune révélation quant à leur participation
à des atrocités et à des pillages (Florquin et Berman
2006, 204). Le graphique extrait de cette enquête met en évidence
les atteintes à la sécurité humaine par des enfants
soldats au Libéria et en Sierra Leone :
ALPC, ENFANTS SOLDATS ET INSECURITE HUMAINE : Source.
Florquin et Berman 2006, 204.
Quant aux personnes déplacées, on estime qu'en
Afrique de l'Ouest, il y a plus de deux millions de personnes
déplacées et de réfugiés (Florquin et Berman 2006,
181-220). En outre, la circulation illicite des ALPC donne lieu à des
problèmes de braquage et de vols qualifiés dans de nombreux pays
de la sous-région. Aussi enregistre t-on le plus souvent le
phénomène du mercenariat et de coup d'Etat (Bouko 2006). Enfin,
la circulation non contrôlée et illicite des ALPC constitue la
source de divers autres menaces pour la sécurité humaine:
entraves aux interventions humanitaires, véritable problème de
santé publique (Small Arms Servey 2002, 155-201 ; Meddings
2005) ; atteinte sérieuse à la dignité humaine, aux
droits fondamentaux et source sans conteste de violence armée (Florquin
et Berman 2006), connexion étroite avec l'éclatement de la
guerre, de la violence et des guérillas urbaines et autres menaces
asymétriques, comme le souligne aussi bien le Small Arms Servey dans
ses Rapports de 2005 et 2007 « Weapon at war » et
« Guns and the City » que Beullac et Krempel.
C'est un baromètre de la faillite des Etats. Ces armes blessent,
traumatisent et tuent.
En outre, l'usage des ALPC en situation post-conflit constitue
une menace véritable pour la sécurité humaine. Dans le cas
ouest-africain, avec l'accalmie des conflits armés depuis ces cinq
dernières années, c'est l'emploi de ces engins dans la violence
armée quotidienne qui constitue la réelle préoccupation.
Comme le soulignait déjà David Medding en 1997, même
plusieurs mois après la fin d'un conflit, les souffrances des civils
continuent et les morts liées aux ALPC ne diminuent en moyenne que de 20
à 40% (Medding 1997). Suite à un conflit armé, les ALPC
sont recyclés pour être réutilisés dans d'autres
conflits ou dans la criminalité au plan local ou encore vendus à
d'autres Etats. Et cela en raison de la facilité à les obtenir et
à les dissimiler. Toutes choses qui facilitent aussi la participation de
milices civiles non entraînées, de combattants insoumis et de
mercenaires incontrôlés. La disponibilité des armes aux
mains des Etats non démocratiques favorise l'exacerbation de la peur et
l'étouffement de l'opposition politique. Par ailleurs, ces armes sont
également usées dans des pays ne connaissant pas un conflit
armé par des acteurs non étatiques pour contrôler les
richesses. Par exemple, au Nigéria, l'État de Delta, une
région riche en pétrole, connaît, depuis 2003, un conflit
impliquant des milices lourdement armées qui sont motivées
notamment par l'intérêt économique que représente le
pétrole brut volé. Ces groupes utilisent toute une série
d'armes sophistiquées, comme des fusils automatiques et
semi-automatiques, ainsi que des armes plus classiques, pour lancer des
attaques meurtrières et paralyser des installations gazières et
pétrolières. Ils ont fait de nombreux morts parmi les agents de
sécurité, endommagé les infrastructures et installations
pétrolières et arrêté la production de
pétrole. Ils ont également pris en otages des travailleurs
étrangers de l'industrie pétrolière. Les violences ont
fait des centaines de morts, provoqué le déplacement de plusieurs
milliers de personnes et détruit des centaines de
propriétés (Kelli 2008, 10). Il y a eu également dans la
région nord du Nigeria en fin juillet 2009, des affrontements sanglants
entre les forces de défense et de sécurité qui auraient
fait entre 300 et 600 morts (Agence France Presse 2009).
En somme, selon la Déclaration de Genève, les
conflits dont la majorité est menée au moyen d'ALPC ont des
impacts directs et indirects sur les populations. Ces armes ont causé
18,124% de victimes directes entre 2004 et 2007 en Afrique de l'Ouest et 48,997
de victimes directes en Afrique (DG 2008, 16). Par exemple en République
Démocratique du Congo (RDC), environs 90% (soit approximativement 4,8
millions) des 5,4 millions de morts pendant la guerre entre août 1998 et
avril 2007 sont de victimes indirectes. Celles-ci sont causées par les
maladies infectieuses, la malnutrition, la mortalité infantile due aux
maladies liées à l'eau et l'environnement de vie (DG 2008, 31).
Par ailleurs, autant la circulation désordonnée des ALPC
conjuguée avec leur usage irresponsable est à l'origine des
atteintes à la sécurité humaine, autant ce foisonnement
porte préjudice au développement.
§II : LA PROLIFÉRATION DES ALPC, UNE MENACE
POUR LE
DÉVELOPPEMENT
Les rapports entre l'armement et le développement
impliquent de très longs développements théoriques. Pour
certains auteurs comme John Maynard Keynes, repris par la production d'armement
conjuguée avec l'augmentation des dépenses militaires sont des
atouts favorables à un essor économique. L'idée
défendue est que l'économie des armes permanente à
travers les dépenses militaires exerce une influence positive sur les
profits, la technologie capitaliste et la demande de travail (Fontanel et
Guilhaudis 1986, 17-33 et Daloz 2001, 1-23). Cependant, John Kenneth Galbraith
dans « Economie Hétérodoxe »
(Galbraith 2007) en tant qu'économiste de la paix, invalide la
théorie du militarisme excessif. C'est Jacques Fontanel qui
résume la quintessence des arguments de Galbraith. Selon lui, dit-il
« le secteur militaire illustre parfaitement le pouvoir des
technostructures. Celles-ci sont partiellement autonomes échappant
à tout contrôle démocratique. Le pouvoir militaire, dans
les pays en développement, mais aussi dans les pays
développés, est en contradiction avec la démocratie et le
développement économique. Même si les dépenses
militaires peuvent influencer positivement l'économie à court
terme, à long terme, elles représentent un gaspillage qui entrave
le développement économique des régions pauvres et
favorise l'émergence de conflits sanglants qui ne profitent qu'à
certains ». En conséquence, Galbraith plaide pour le
désarmement et pour la réduction de l'aide militaire aux pays en
développement. Il en va de même la Charte onusienne aux termes de
l'article 26 : « Afin de favoriser l'établissement et
le maintien de la paix et de la sécurité internationales en ne
détournant vers les armements que le minimum des ressources humaines et
économiques du monde, le Conseil de sécurité est
chargé, avec l'assistance du Comité d'état-major
prévu à l'article 47, d'élaborer des plans qui seront
soumis aux Membres de l'Organisation en vue d'établir un système
de réglementation des armements ». (Nations Unies 1945).
Peu importe les arguments, en Afrique de l'Ouest, il est de
notoriété publique que la prolifération des ALPC porte un
coup d'arrêt aux programmes de développement. Les menaces sont
d'une part au niveau micro-économique et d'autre part, au niveau
macro-économique.
Au plan micro-économique, la disponibilité des
ALPC mine le développement micro-économique en incitant certains
individus à investir, non dans l'éducation, mais bien dans le
développement de leurs activités criminelles et combattantes. La
disponibilité des armes fragmente, en outre, les réseaux sociaux
préexistants étant donné que les personnes se sentent
isolées et de plus réticentes à quitter leur logis. La
disponibilité et l'utilisation largement répandues des ALPC
perturbent la production agricole, les réseaux de transport et le trafic
commercial (Muggah Berman 2001) et contribuent donc à des
pénuries alimentaires prolongées, à la flambée des
prix du marché et à la nécessité des programmes
alimentaires d'urgence. Dans les Etats dits fragiles comme la Guinée
Bissau, le Libéria, la Sierra Leone, la Guinée et la Côte
d'Ivoire et presque les autres Etats d'Afrique de l'ouest, la violence et les
conflits armés au moyen de ces armes, « pèsent
lourdement sur le bien-être économique et le développement
régional. Dans cette sous-région, la plupart des victimes de la
violence armée sont des hommes jeunes, qui représentent le
potentiel économique le plus important. Les armes font plus de blessures
non mortelles que de morts, mais ces blessures ont un coût qui
pèse sur la productivité et les dépenses de santé
et ce sont, dans la plupart des cas, les particuliers, les foyers et les
communautés qui subissent ces coûts » (Kelli 2008,
10). Le foisonnement de ces armes crée un climat de peur, de manque de
confiance et amoindrit l'essor économique. Cette situation, dit Kelli
« empêche les gens de faire des affaires ; elle freine le
commerce et les investissements étrangers. La violence a des
répercussions considérables sur le tourisme. Cela touche aussi
les services publics : la prolifération des armes dans la
sous-région gêne l'accès à des infrastructures et
services essentiels comme les centres de soins, les écoles et les
marchés. Il existe un lien très fort entre la violence par les
armes et la dégradation des services publics. Les services
gouvernementaux et les programmes d'aide doivent être réduits ou
supprimés à cause de l'insécurité. Les taux de
scolarisation et d'alphabétisation ont reculé, tout comme ceux de
vaccination, tandis qu'augmentaient la mortalité infantile et
maternelle. Au fil des années, cela représente une perte
considérable du point de vue de la productivité et de la
richesse. Ce sont des décennies de développement et de
progrès qui sont annulées ». Par exemple, selon
le Rapport Mondial sur le Développement Humain 2005, la violence
armée, rurale ou routière empêche la production
agricole et la réduction de la famine : les campagnes et les zones
rurales ou règne l'insécurité sont désertées
et les activités agricoles abandonnées. C'est le cas de la
Casamance au Sénégal et de nombreuses régions en Cote
d'Ivoire, au Liberia et en Sierra Leone. Elle limite aussi la commercialisation
des produits agricoles et, par conséquent, l'augmentation du revenu
monétaire des paysans, ce qui limite encore plus les progrès dans
la lutte contre la pauvreté. Les analyses d'experts montrent, par
exemple, que pendant la guerre civile en Sierra Leone, environ 500 000 familles
agricoles ont été déplacées, la production de riz
(la principale culture de base) à chute, au cours de la guerre civile de
1991 à 2000, à 20 % du niveau d'avant-guerre (PNUD 2005). En
outre, la violence faite aux femmes et aux filles et aux jeunes gens compromet
gravement la réalisation de l'Objectif 1 du Millénaire qui est la
réduction de la pauvreté et de la faim d'ci 2015.
Au niveau macro-économique, comme le souligne le
Rapport 2001 du Small Arms Servey, la prolifération des ALPC
décourage non seulement les investissements étrangers et directs,
mais aussi l'épargne interne, car les personnes perdent confiance dans
les perspectives de croissance de leur pays. Le conflit, la criminalité
et la violence conjugale, poursuit-il, hypothèquent également les
perspectives de développement économique en affectant le taux de
scolarisation et la productivité générale (Small Arms
Servey 2001, 250). Par exemple, en Côte d'Ivoire, le domaine des
enseignements a subit des difficultés depuis la guerre de 2002. Ainsi,
le taux de scolarisation brut des enfants est passé de 10 % en 1960
à 73 % en 2002. Cependant avec la guerre, on observe la baisse du taux
brut de scolarisation (de 73 % en 2002 on est passé à 69 %
en 2008). Il y a également l'enrôlement des élèves
dans la rébellion ; l'apparition des enfants soldats
évalués à environ 4 000 par la Croix Rouge ; la
déscolarisation massive (2 000 jeunes filles de 12 à 16 ans
sont livrées à la prostitution dans l'Ouest de la Côte
d'Ivoire) et l'insuffisance du personnel de l'éducation dû
à leur départ massif vers l'administration générale
(Doumbia 2008).
Aussi, le climat d'insécurité crée t-il
une situation de méfiance entre les acteurs étatiques et non
étatiques favorise de nouveau la conservation ou l'achat d'armes. Ce qui
crée des impacts indirects sur le développement. En effet, il y
aura une réaffectation des ressources consacrées au
bien-être ou au commerce vers l'expansion des forces de
sécurité ou l'acquisition de services de sécurité
privatisés. Pour aggraver encore la situation, tout gouvernement
impliqué dans de tels conflits sera tenté
d'accélérer l'exploitation de ressources disponibles -
pétrole, minéraux, bois, afin de payer la facture des armes. Des
groupes d'insurgés ou des seigneurs de guerre locaux, s'ils le peuvent,
feront de même. Des programmes de développement sont
détournés ou supprimés au profit des groupes criminels.
Les situations de conflit armé et de violence sont non seulement
inséparables au développement mais aussi liées à la
pauvreté.
Dans leur étude « Les
milliards manquants de l'Afrique : Les flux d'armes internationaux et le
coût des conflits », Oxfam International, IANSA et
Saferworld, ont évalué le coût économique des
conflits armés pour le développement de l'Afrique. Pour ces
organismes. « Environ 300 milliards de dollars ont
été perdus, depuis 1990, en Algérie, en Angola, au
Burundi, en République centrafricaine, au Tchad, en République
démocratique du Congo (RDC), en République du Congo, en
Côte d'Ivoire, au Djibouti, en Érythrée, en
Éthiopie, au Ghana, en Guinée, en Guinée-Bissau, au
Libéria, au Niger, au Nigeria, au Rwanda, au Sénégal, en
Sierra Leone, en Afrique du Sud, au Soudan et en Ouganda ». Ce
qui est paradoxale, c'est que la même étude montre que
« Cette somme correspond à l'aide internationale des
principaux donateurs au cours de cette même
période ». Selon la recherche, les pertes de l'Afrique
dues aux guerres, guerres civiles et insurrections s'élèvent
à environ 18 milliards de dollars par an. Les conflits armés
réduisent, en moyenne, l'économie africaine de 15%. Et ce chiffre
est probablement sous-estimé. Les coûts réels de la
violence armée seraient bien plus élevés. Les coûts
proviennent de bon nombre de facteurs. Il y a les coûts directs
évidents de la violence armée - coûts médicaux,
dépenses militaires, destruction des infrastructures et soins
apportés aux personnes déplacées - qui détournent
l'argent utilisé à des fins plus productives. Les coûts
indirects qui résultent d'opportunités perdues sont encore plus
élevés. L'activité économique faiblit ou
s'immobilise. Les revenus qui découlent des ressources naturelles de
valeur finissent dans les poches d'individus, plutôt que de profiter au
pays. Ce dernier souffre d'inflation, de dettes et de la diminution des
investissements, tandis que les populations souffrent du chômage, du
manque de services publics et de traumatismes. De plus en plus de personnes, en
particulier des femmes et des enfants, meurent des conséquences des
conflits, plutôt qu'à cause des conflits en eux-mêmes. Les
recherches menées dans le cadre de ce rapport ont montré que le
coût des conflits armés pour le développement de l'Afrique
s'élève à 284 milliards de dollars depuis 1990 - un
chiffre choquant. (Oxfam International, IANSA et Saferworld 2007). La
circulation incontrôlée des armes prend en otage les plans de
développement. Contrairement aux approches selon lesquelles le
développement de l'armement rimerait avec essor économique, ici
les armes, sans être directement contre le développement, sapent
en tout cas les programmes de développement.
En somme, que ce soit au titre de la sécurité
humaine qu'au titre du développement, le peu de contrôle des ALPC
et leur emploi abusif sont néfastes pour la société. La
prolifération des ALPC n'est pas seulement une question de
sécurité ; c'est aussi une question de droits de l'homme et
de développement. La prolifération des ALPC prolonge les conflits
et les exacerbe. Elle met en danger les Casques bleus et les travailleurs
humanitaires. Elle nuit au respect du droit international humanitaire. Elle
menace les gouvernements légitimes mais peu solides et profite au
terrorisme et à la criminalité organisée (Small Arms
Servey 2001, 2). C'est donc à juste titre que la CEDEAO a mis sur pied
des normes et des institutions afin de mieux contrôler les flux de ces
engins de mort qui ne font que mettre en péril toute la région.
Cependant que renferme l'architecture de ce cadre normatif et
institutionnel ?
SECTION II : LE CADRE NORMATIF ET
INSTITUTIONNEL
La mise sur pied d'un cadre normatif et
institutionnel par les Etats membres CEDEAO n'est pas sans justification. La
sous région a connu plus d'une décennie de guerres
multiples : interétatiques par exemple Burkina-Mali et internes
comme celui du Libéria, de la Sierra Leone, de la Guinée Bissau,
de la Côte d'Ivoire. Elle a été marquée par de
nombreux coups d'Etat. Depuis 1960, pas moins de 40 coups d'Etats ont
été commis (Souaré 2007). Plusieurs pays ont
traversé de graves crises militaires et sociales (Guinée, le
Burkina Faso) ; d'autres continuent de traverser les mêmes crises
tels que le Nigéria avec les rebellions dans les zones minières
et pétrolifères, le Sénégal avec la crise de la
Casamance qui n'est pas totalement résolue. La sous région est
aussi un axe de trafics de drogue, d'êtres humains, d'armes et du crime
organisé (UNODC 2009). Le problème des ALPC n'est pas
détachable de tous ces maux. En somme, la question des ALPC est un
véritable problème de sécurité, de
développement, de santé publique et de pillages de ressources.
C'est plus que jamais un problème de société tant au
niveau CEDEAO qu'au plan international. C'est pour cette raison que la CEDEAO a
pris des mesures pour y faire face. La CEDEAO a franchit le pas en 1998 en
adoptant la Déclaration de Moratoire sur les armes
légères. Cette volonté est suivie du Code de Conduite et
de la Convention de 2006. Toutefois, vu que les normes et les règles ont
besoin d'être matérialisées, des institutions ont
également été mis en place concomitamment aux normes car
les institutions constituent les assises architecturales émanant des
cadres normatifs, légaux et coutumiers, dépersonnalisés et
durables. A ce titre, nous allons nous appesantir d'une part, sur le cadre
normatif CEDEAO sur les ALPC (§I) et, d'autre part sur le
cadre institutionnel (§II).
§I : LE CADRE NORMATIF
De 1998 à 2006, la politique CEDEAO de contrôle
des ALPC a été régentée par diverses normes aussi
bien au plan régional qu'au plan des Etats pris individuellement.
S'agissant de l'architecture normative régionale, trois
textes fondamentaux méritent d'être examiner avec un accent
particulier à mettre sur la Convention vue qu'elle est le couronnement
normatif de la lutte contre les ALPC.
L'idée de modification du Moratoire en Convention a
été premièrement lancée par l'actuel
président du Ghana John Evans Atta Mills les 23 et 24 septembre 1999
à Accra au cours d'un atelier piloté par les Nations Unies sur
les modalités d'établissement d'un registre des armes et d'une
base de données en Afrique (Lorthois 2007, 256). Le besoin de cette
modification s'est consolidé suite aux conclusions du rapport
d'évaluation de Moratoire mettant à nu ses insuffisances comme la
porosité des frontières, le caractère non contraignant du
Moratoire qui ne permet pas une réelle vérification des flux des
ALPC. A ces critiques s'ajoutent les recommandations des conférences de
Bamako en 2000 et de Niamey en 2005 qui insistaient sur la
nécessité d'harmoniser les législations nationales
(Lorthois 2007, Ibid.). Le 31 janvier 2003, la Conférence des Chefs
d'Etats et de Gouvernement (CCEG) a donné son aval pour la
transformation du Moratoire en Convention en mandatant le Secrétaire
Exécutif (SE) à cette tâche. Le SE a alors organisé
des réunions de travail et sollicité des experts comme Ilhan
Berkol et Sola Ogunbanwo qui ont aidé à la rédaction du
texte de la Convention. Lequel texte a été adopté par la
CCEG de la CEDEAO le 14 juin 2006 à Abuja. Cette Convention est un
texte d'emblée plus volumineux par rapport au Moratoire. Contrairement
à celle-ci qui compose 17 alinéas sans chapitre, celle-là
comprend un préambule de 26 alinéas, 7 chapitres et 32 articles.
Toutefois, en quoi cette Convention est-elle différente du
Moratoire ? Comment se traduit sa particularité ?
Plusieurs éléments la distinguent des textes
antérieurs sur le contrôle des ALPC tant au niveau
sous-régionale qu'international. La Convention est d'abord perçue
comme la consolidation des acquis du Moratoire ensuite comme un instrument
nouveau et assez contraignant.
S'agissant de la consolidation des acquis du Moratoire, le
préambule est clairement indicatif en ce que les alinéas 18 et 19
traduisent les multiples déterminations des Etats de la CEDEAO
« à réaliser les objectifs contenus dans la
Déclaration du Moratoire (...) et du Code de conduite pour la mise en
oeuvre du Moratoire (...), à consolider les acquis du Moratoire et de
son Code de Conduite et à prendre en compte leurs faiblesses en vue de
les améliorer » (Ecowas 2006). En outre,
l'approche conceptuelle des ALPC et de leur transfert est précise,
étendue et plus contraignante. Au terme ALPC, il est adjoint les
« munitions et autres matériels connexes ».
En opposé au Moratoire qui était focalisé sur les armes
légères, sans définition précise, la Convention les
définit clairement. De même, les munitions et les matériels
connexes sont désormais partie intégrante des ALPC.
Aussi, contrairement à l'usage des termes d'importation,
d'exportation et de fabrication dans le Moratoire, la Convention se veut-elle
approfondie et extensive dans l'article 1§9 lorsqu'elle intègre les
termes de transit, de transbordement et surtout de « tout autre
mouvement ». En outre, une autre avancée est
l'élargissement des acteurs impliqués dans les transferts des
ALPC comme les Acteurs Non Etatiques au profit desquels les Etats Membres
interdisent, sans exception, tout transfert. Sauf si ce transfert est
autorisé par l'Etat Membre importateur. Les « Acteurs Non
Etatiques » sont selon l'article 1 alinéa 10
« tous acteurs autres que les Etats et qui comprennent les
mercenaires, les milices armées, les groupes armés rebelles et
les compagnies privées de sécurité ». Cette
interdiction est affirmation de la conception westphalien de l'Etat. Une
disposition qui sera difficilement applicable car ces « Acteurs Non
Etatiques » de plus en plus travaillent au compte de certains Etats
ou même quand ils sont contre l'Etat, la déliquescence de l'Etat
aujourd'hui rend presque impossible une réelle application de cette
disposition. En tout état de cause, le transférer ou des ALPC
à des Acteurs non étatiques notamment aux groupes rebelles est un
point d'achoppement entre certains pays du tiers monde comme les Etats CEDEAO
et d'autres pays fournisseurs d'ALPC par exemple les Etats Unis
d'Amérique (USA). Pour les premiers, les livraisons de ces armes sont
une violation de leur souveraineté étant donné que ces
groupes rebelles sont à l'intérieur des Etats et s'érigent
contre ces Etats. Pour les USA, le soutien apporté aux groupes
dissidents est soutenable face à des gouvernements dictatoriaux et
oppressifs. C'est la position fortement défendue par John Bolton, alors
représentant américain au Conseil de Sécurité
à l'ONU (Berkol 2002, Sabel 2008).
Une autre particularité de la Convention se au niveau
de ce que Sylvie Lorthois qualifie de « système
d'exemption précisé » (Lorthois 2006, 260). Par
comparaison au Moratoire, la Convention est fortement explicite sur les
situations de refus de transfert. L'article 6 précise les
critères d'exemption pour autoriser le transfert : par exemple,
l'existence de documents attestant de l'autorisation d'importation,
d'exportation, de transit, de transbordement ; l'obligation que les armes
soient marquées ; la transmission des informations au
Secrétariat Exécutif de la CEDEAO. Toutes les conditions sont
donc réunies dans cet article pour le respect des droits humains et du
droit humanitaire international, des embargos, de la Charte de l'ONU et tout
autre traité ou décision que les Etats membres sont tenus de
respecter (Berkol 2007). Aux termes de cet article, il ressort qu'en dehors du
refus de transferts en matière d'informations incomplètes, les
exemptions ne sont pas acceptées dans plusieurs cas entre autres:
Violation des embargos sur les armes ; violation des principes
d'égalité souveraine des Etats, du non usage de la force et la
non ingérence dans les affaires intérieures d'un autre
Etat ; violation du droit international humanitaire ou l'atteinte aux
droits et libertés des personnes et des populations, ou dans un but
d'oppression perpétrer des violations graves du droit international
humanitaire, un génocide ou de crimes contre l'humanité ;
aggravation de la situation intérieure dans le pays de destination
finale, de manière à provoquer ou prolonger des conflits
armés, ou en aggravant les tensions existantes ; l'encouragement, le
soutien et la réalisation des actes terroristes ou à d'autres
fins que les besoins de défense et de sécurité
légitimes dans le pays bénéficiaire ; l'utilisation
pour commettre des crimes violents ou organisés ou pour faciliter la
perpétration de tels crimes ; la mise en danger de la
sécurité, de la paix et de la stabilité régionales,
à faire obstacle au développement durable ou à impliquer
des pratiques de corruption à quelque stade du transfert que ce soit (du
transfert au récipiendaire, en passant par les courtiers ou les
intermédiaires). En plus, un transfert ne sera pas autorisé
« si les armes sont susceptibles d'être
détournées dans le pays de transit ou d'importation vers un usage
ou des utilisateurs non autorisés ou vers le commerce illicite, ou
encore réexportées ». Le dernier alinéa
complète les éléments formels et procéduraux en
confiant au Secrétariat Exécutif la mission de
vérification du respect des exemptions et des demandes des Etats
membres. Les Etats Membres fournissent les éléments de preuve
pour appliquer les critères d'exemption et pour motiver le refus d'une
demande d'exemption introduite par un Etat Membre. En dernier ressort, il
revient au Conseil de Médiation et de Sécurité de la
CEDEAO de trancher en cas de divergence comme le Code de Conduite le
prônait aux termes de son article 9§2.
Cependant, le système d'exemption, plus précis
soit-il n'est pas exempte de critiques. Formellement, il revient aux Etats de
définir les armes pour lesquelles ils demandent l'application du
système des exemptions. Ce qui reste une porte ouverte aux abus. Surtout
en période de guerre, il est peu évident qu'un Etat accepte se
soumettre à ce régime. Même en situation post-conflit, les
autorités étatiques invoqueront la nécessité de se
réarmer et donc, c'est une autre brèche qui est porté
à ce système car en pareil cas, les Etats sont réticents
à fournir des informations. Deux cas peuvent être relevés
dans ce cas : Les flux des ALPC entre la Guinée et les autres pays
du fleuve Mano et les transferts des ALPC entre la Côte d'Ivoire et ces
même pays. Ainsi, la Guinée a été pendant longtemps
la base arrière des groupes rebelles du Libéria. Des camps
d'entrainement, des réseaux d'approvisionnement en armes ont
été signalés et dénoncés. Par exemple, selon
Claudio Gramizzi, « Le régime
d'Abidjan aurait procédé à une vaste campagne d'achat
d'armes à partir de l'éclatement de la rébellion
armée en septembre 2002. Parmi le matériel acheté pour
l'équipement des Forces Armées Nationales de Côte d'Ivoire,
on retrouverait notamment des VAB (véhicules de l'avant blindés),
des véhicules blindées « Caspires », des
véhicules blindés SAMIL 4x4 et MAMBA, 200 camions de transport de
troupes, plusieurs chars T-55, des missiles sol-air, deux bombardiers, des
hélicoptères pour transport des troupes, des
hélicoptères Puma 300 et Gazelle, au moins quatre
hélicoptères de combat Mi-24, deux hélicoptères
MI-8, deux avions de chasse Sukhoï 25, plusieurs produits d'artillerie
lourde, des obusiers automoteurs 122mm et environ 5.000 obus de même
calibre, des mortiers 81/82mm, une trentaine de canons de 20 et 23mm, plusieurs
dizaines de canons de 20mm et 90mm, des mortiers de 80mm, des milliers de
grenades à main des grenades à fragmentation et
anti-véhicules pour bazookas, plus de 3.000 lance-roquettes, 100
mitrailleuses lourdes, plusieurs dizaines de fusils de précision
Dragunow, plusieurs milliers de fusils d'assaut (dont des Kalachnikovs et des
56-1) et des quantités importantes de munitions (notamment pour
pistolet-mitrailleur, fusils d'assaut et mitrailleuses) ».(
Gramizzi 2004).
Concernant les changements, un des éléments
caractéristiques est le contrôle et non l'interdiction de la
fabrication des ALPC. Contrairement au Moratoire qui interdisait la
fabrication, les articles 7 et 8 de la Convention posent le principe du
contrôle strict de la fabrication des ALPC : en réglementant les
activités des fabricants locaux avec une politique de réduction
et de limitation ; en rassemblant les informations sur la production
industrielle là où elle existe ; en soumettant l'activité
de fabrication à des préalables liés à la
fourniture d'informations précises au Secrétariat Exécutif
de la CEDEAO. Ce changement s'explique par le fait que les Etats membres se
sont rendu compte que la fabrication locale est non seulement en expansion,
mais de plus en plus difficile à contrôler. Une autre raison tient
au fait qu'aucun Etat ne voudrait se braquer contre ses propres citoyens de
façon brusque. Le commerce des ALPC artisanales est une source de
revenus pour les fabricants locaux et des armuriers. Elles sont mais aussi
des sources de sécurisation de bon nombre de citoyens. La fabrication
est un domaine aux enjeux majeurs pour chaque Etat. La fabrication des ALPC est
associée aux contingences coutumières et culturelles de certaines
communautés ouest-africaines depuis plusieurs années. Ainsi,
mieux vaut composer avec ses acteurs afin d'éviter leur radicalisation
et la clandestinité. Comme le souligne Ilhan Berkol, « Le
fait d'autoriser cette activité sous le contrôle de l'Etat
permettrait de mettre à jour un certain nombre de fabricants et de
suivre leur pratique en conformité avec les exigences de la Convention
(article 8). Les données seront donc rassemblées au niveau
national et transmises au Secrétariat exécutif de la
CEDEAO ». (Berkol 2007, 4).
D'autres changements sont entre autres :
« l'instauration d'un suivi et d'un contrôle de la mise en
oeuvre de la Convention » selon les termes de Sylvie
Lorthois pour renforcer les capacités institutionnelles; la
possibilité pour un Etat membre qui soupçonne un Etat de violer
la Convention de porter plainte auprès du Secrétariat
Exécutif. Un outil exceptionnel est accordé à un ou
plusieurs individus de porter plainte contre un Etat devant la Cour de Justice
de la CEDEAO. Ces possibilités tant accordées aux Etats qu'aux
personnes privées témoignent de la force contraignante de la
Convention. Une autre force réside dans le rôle des Groupes
d'Experts Indépendants prévus à l'article 28§1 qui
sont autorisés à mener des enquêtes pour s'assurer de
l'application ou la violation de la Convention. Il existe d'autres empruntes de
forces certaines en faveur du contrôle des ALPC. Il en va ainsi du
contrôle des armes aux mains des civils pour lequel l'article 14
prévoit en ces alinéas 1 et 2 que : « 1.
les Etats Membres interdisent la détention, l'usage et le commerce des
armes légères par les civils. 2. les Etats membres
réglementent la détention, l'usage et le commerce des armes de
petit calibre par les civils ». Cependant, des permis de
détention d'armes par les particuliers restent de mise avec quelques cas
de refus dans les alinéas 3 et 4 si le demandeur :
« n'a pas l'âge minimum requis ; n'a pas un casier
judiciaire vierge et n'a pas fait l'objet d'une enquête de
moralité ; n'a pas de preuve suffisante légitimant la
détention, le port ou l'utilisation pour chaque arme de petit calibre ;
ne prouve pas qu'il a suivi une formation en matière de
sécurité et qu'il possède des connaissances relatives
à la législation sur les armes légères et de petit
calibre ;ne prouve pas que l'arme sera stockée dans un endroit
sécurisé, et séparément de ses
munitions ». Cette situation est assimilable aux articles 3 du
Protocole de Nairobi et 5 du Protocole de la Communauté de
Développement d'Afrique Australe ou SADC, (Southern African Development
Community). Les articles 16 et 17 font référence respectivement
à la « gestion et sécurisation des stocks »
et à la « collecte et destruction » des surplus
d'ALPC. L'échange d'informations, le marquage (article 18), le
traçage (article 19), le courtage (article 20), l'harmonisation des
législations nationales (article 21), le renforcement des
contrôles frontaliers (article 22) à cause de la porosité
des frontières, les programmes d'éducation publique et de
sensibilisation (article 23) sont autant de dispositions conférant une
réelle force et contrainte aux termes de la Convention.
Au niveau interne des Etats, l'article 21 qui prévoit
l'harmonisation des mesures législatives est de plus en plus mis en
oeuvre dans plusieurs Etats. Vue la pluralité des textes nationaux et de
leur incohérences avec les textes communautaires, cette harmonisation
s'avère nécessaire. Au Burkina Faso par exemple, le droit positif
burkinabè, comme le montre Luc Marius Ibriga et Salamane Yameogo dans
l'étude « Afrique de l'Ouest : L'harmonisation des
législations nationales sur les armes légères :
Burkina Faso » comprend un arsenal de textes législatifs
et réglementaires relatifs aux ALPC. À ce titre on peut citer :
Ordonnance n° 1 du 20 janvier 1981 portant régime de l'importation
et de la fabrication des poudres, armes à feu, cartouches de chasse et
munitions de guerre au Burkina Faso ; 2. Décret n°
2001-268/PRES/PM/SECU/MATD/MEF/DEF/MEE/MJPDH du 08 juin 2001 portant
régime des armes et munitions civiles au Burkina Faso ; 3.
Décret n° 2001-635/PRES/PM du 14 novembre 2001 modifiant le
décret n° 2001- 005/PRES/PM/MAET du 24 janvier 2001 portant
création au Burkina Faso d'une Haute Autorité du contrôle
des importations d'armes et de leur utilisation ; 4. Décret n° 2002
280/PRES/PM/SECU/MATD/MFB/DEF/MECV/MJ du 26 juin 2002 modifiant le
décret n° 2001-268 PRES/PM/SECU/MATD/MFB/DEF/MEE/MJPDH du 08 juin
2001 portant régime des armes et munitions civiles au Burkina
Faso ; 5. Arrêté 404 FD du 2 novembre 1962 fixant les
conditions d'application de l'article 160 du code des douanes
complété par d'autres Arrêtés et le Raabo 19
CNR.PRES.MET.MATS du 26 novembre 1985 portant limitation de l'importation des
cartouches de chasse au Burkina Faso ; 6. Arrêté conjoint
n° 2002-023/SECU/MATD/DEF du 11 mars 2002 portant détermination des
formes et des conditions de délivrance de l'autorisation d'achat d'armes
à feu, du permis de détention, du permis de port d'armes à
feu et d'agrément de fabricant ou de commerçant d'armes à
feu et de munitions civiles ; 7. Loi n° 43-96 ADP du 13 novembre 1996
portant Code pénal modifiée par la loi n° 6-2004 AN du 6
avril 2004 contient en son titre II, chapitre IV (articles 537 540) des
dispositions relatives aux sanctions applicables en cas de détention
illégale d'armes à feu ou de munitions; 8. Décret n°
2006 74/PRES/PM/MAECR/DEF/SECU portant composition, attributions, organisation
et fonctionnement de la Commission nationale de lutte contre la
prolifération des armes légères (CNLPAL) ; 9.
Décret n° 2001-167/PRES/PM/DEF du 25 avril 2001 portant
création de la Commission nationale de lutte contre la
prolifération des armes légères. (Ibriga et Yameogo 2007,
8). Cette diversité existe également au Mali, au Niger au
Sénégal comme le souligne Hélène N. V. Cissé
dans son étude : « Afrique de l'Ouest :
L'harmonisation des législations nationales sur les armes
légères, critères de convergence appliqués au
Sénégal, au Mali et au Niger ».
Etat actuel des législations nationales du Mali, du
Niger et du Sénégal sur les armes.
Source :
http://www.smallarmssurvey.org/files/portal/spotlight/country/afr_pdf/africa-senegal-mali-niger-2005.pdf
Le cadre normatif est un couplage des textes communautaires
et nationaux. Il est fortement probable que des disparités, des
incohérences soient entre ces différents textes. En tout
état de cause, c'est l'ensemble de ces normes et règles entre
autres, qui organisent les stratégies ouest-africaines de contrôle
des ALPC. Mais qu'en est-il des institutions accompagnant ces normes ?
§II : LE CADRE INSTITUTIONNEL
L'application des normes a requis la création
d'instruments de mise en oeuvre au titre desquelles on compte le Programme de
Coopération et d'Assistance pour la Sécurité et le
Développement (PCASED), remplacé par le Programme de
Contrôle des Armes Légères de la CEDEAO (ECOSAP) auxquels
s'ajoutent le Groupe des Armes Légères (GAL) et les Commissions
Nationales de lutte contre les ALPC que treize Etats sur quinze ont
installé.
Le PCASED est une structure mise en place par le PNUD en 1999
pour favoriser l'effectivité du Moratoire CEDEAO. Située
à Bamako, elle était liée au Bureau des Services de
Projet des Nations Unies (UNOPS) en coopération avec le
Département des Affaires Economiques et Sociales des Nations Unies
(UNDESA). Cette structure se devait d'éradiquer le flux des ALPC,
accompagner et renforcer les « acquis » du
Moratoire à travers « des initiatives de
préventions des conflits et de renforcement de la paix et aider à
créer un environnement sécurisé favorisant le
développement durable » en Afrique de l'Ouest
(Chaïbou et Yattara 2005, 7). A ce canevas général,
d'autres missions lui étaient assignées : promotion d'une
culture de la paix, la formation des forces armées et de
sécurité, la révision et l'harmonisation des
législations et procédures administratives nationales. A cette
institution CEDEAO s'ajoutent les Commissions Nationales ayant pour objectifs
majeurs de lutter contre la prolifération des ALPC au plan interne de
chaque Etat. Composées de personnels militaires et civils, elles
devaient de réaliser des programmes d'information, de sensibilisation
des populations, de collecter et de détruire les ALPC. Elles sont les
bras armés et civils du PCASED.
Au terme de quinquennat d'existence, malgré leurs
réalisations, il est apparu des carences non négligeables tant
concernant le PCASED que s'agissant des Commissions Nationales. Ces
institutions n'ont pas été opérationnelles. Ces
initiatives n'ont pas permis de comprendre le sens et la portée tant du
Moratoire que du Code de Conduite. Une certaine hostilité a même
été ressentie envers ces institutions comme le
traduisent les propos d'une autorité ouest-africaine,
rapportés par Mohamed Coulibaly: « Si vous pensez que
nous vous communiquerons nos données sur les quantités d'armes
détenues par nos forces de défense et de sécurité,
vous vous tromper. Aucune transparence n'exige de vous révéler
des secrets-défense ». (Coulibaly 2004, 7). Si ces
propos semblent amoindrir la mise en oeuvre du Moratoire, ils ne doivent pas
être récuser car pour un Etat respectueux de sa
sécurité et de sa défense comme cela a cours dans toutes
les parties du monde, il n'y a aucune valable à ce qu'il livre les
informations relatives à son capital d'armement et des forces
armées et de sécurité. Quelque que soit la structure qui
la demande, le stockage des informations sur le degré de l'armement d'un
Etat, encore moins d'une Communauté d'Etats comme la CEDEAO reste pour
le moment peu acceptable. Il ressort dans tous les cas que les institutions
d'accompagnement du Moratoire ont été peu efficaces. Selon le
rapport du Secrétaire Général des Nations Unies du 12 Mars
2004 : « « le Moratoire s'est heurté à
des obstacles majeurs : le manque de volonté politique dans certains
pays, les lacunes des institutions nationales chargées de la
sécurité ; les violations du Moratoire par certains États
membres de la CEDEAO et d'autres pays et entités qui ont continué
à fournir des armes légères à l'Afrique de l'Ouest
au mépris de son Code de conduite ; les guerres civiles menées
actuellement qui créent une demande supplémentaire ; le manque
d'information au sein du public de la sous-région au sujet du Moratoire
et le manque des ressources financières ». Ce lot
d'insuffisances ont sans doute impulsé la mise sur pied de l'ECOSAP et
aussi du GAL. Mais quelles sont leurs particularités par rapport aux
anciennes structures ? Comme l'écrivent Albert Chaïbou et
Sadou Yattara, l'ECOSAP sert à renforcer les capacités de
mise en oeuvre du Moratoire à l'échelon national, en appuyant les
commissions nationales et, à l'échelon régional en
apportant un appui en matière d'effectifs au GAL. C'est un programme de
la CEDEAO administré en tant que programme régional par le
PNUD/Bureau Régional Afrique (BRA) et exécuté par les
commissions nationales, les organismes liés et la société
civile (Chaïbou et Yattara 2005, 14). Ce programme s'appuie sur les
réalisations de PCASED et tente de combler ses carences. ECOSAP est un
centre de gouvernance des programmes des structures publiques et civiles aussi
bien au niveau régional qu'au niveau interne des Etats. Il vient en aide
en ressources financières, techniques et humaines aux initiatives des
acteurs de la société civile et du secteur des forces
armées de défense et de sécurité nationales. Ce
programme est intiment attaché au GAL ; lequel sera au bout
l'instance sous-régionale de planification des politiques et
d'interaction politique avec les pays membres. Elle va servir à terme
avec les Commissions Nationales de véritable fer de lance dans toutes
les politiques CEDEAO en matière de contrôle des ALPC. ECOSAP est
doté de ressources humaines de hautes compétences. Le personnel
d'ECOSAP est constitué de : un directeur de programme, quatre
spécialistes techniques (répartis en 4 groupes
géographiques), deux adjoints de programme, un fonctionnaire des
finances, administration et du personnel d'appui. Les experts techniques des
armes légères et les conseillers techniques d'ECOSAP se chargent
des programmes par groupe de pays membres de la CEDEAO. La répartition
en groupes correspond à celle du bureau régional pour l'Afrique
du PNUD, afin de tirer parti des synergies dans l'appui au programme. Les
groupes constitués sont les suivants : Groupe de la RCI :
Côte d'Ivoire, Burkina Faso, Mali et Ghana ; Groupe de l'Union du fleuve
Mano : Guinée, Liberia, Sierra Leone, Côte d'Ivoire ; Groupe
Sénégambie : Sénégal, Gambie, Guinée-
Bissau, Cap-Vert ; Groupe du Nigeria : Nigeria, Bénin, Niger, Togo. Ce
découpage correspond presqu'à la répartition des zones
d'observation et de suivi du système d'observation de la paix et de la
sécurité sous-régionales (pré-alerte) qui comprend
aux termes de l'article 23 du Protocole relatif au Mécanisme de
Prévention, de Gestion, de Règlement des conflits, de Maintien de
la Paix et de la Sécurité. Ces zones sont : 1. Cap-Vert,
Gambie, Guinée-Bissau, Mauritanie et Sénégal ; 2.
Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Mali et Niger ; 3. Ghana,
Guinée, Liberia et Sierra Leone et 4. Bénin et Nigeria.
En outre deux comités vont accompagneront ces
structures : Le Comité directeur. Il sera créé un
comité directeur regroupant la CEDEAO, le PNUD, le bureau du
représentant spécial du secrétaire général
pour l'Afrique de l'Ouest et les autres participants au programme.
Présidé par le secrétaire exécutif de la CEDEAO, ce
comité directeur se réunira tous les six mois pour fixer les
orientations générales du programme en matière de
politiques et de questions techniques et administratives. - Comité
consultatif Il sera créé un comité consultatif
chargé d'appuyer les activités de plaidoyer, l'instauration de
partenariats stratégiques, la mobilisation des ressources et la
création d'un réseau international pour le programme. Ce
comité serait également chargé de tracer des perspectives
concernant le règlement du problème des armes
légères dans la sous-région. Il se réunira tous les
ans et fera un rapport à l'attention de la CEDEAO ainsi qu'au programme.
(Chaïbou et Yattara 2005, 16). Ces comités ne sont pas encore
installés.
Pour doter les moyens d'actions réelles, la Convention
a consacré une gamme de dispositions relatives aux
« Arrangements Institutionnels et de Mise en
OEuvre » au chapitre IV. Ainsi, L'article 28 dispose que :
« 1. Afin d'assurer le suivi et l'évaluation de la mise en
oeuvre de la présente Convention, le Secrétaire Exécutif
nomme un Groupe d'experts indépendants qui l'appuie. Le Groupe d'experts
indépendants soumet un rapport au Secrétaire Exécutif. 2.
Les Etats Membres mettent à la disposition du Groupe d'experts
indépendants à la demande du Secrétaire Exécutif,
toutes informations sur les demandes d'exemption qu'ils détiennent. 3.
Le Groupe d'experts indépendants peut rechercher toute autre information
qu'il juge utile à son travail, en relation avec les Etats Membres et en
s'appuyant sur la coopération avec les Etats Membres aux arrangements
Wassenaar, avec l'Union Européenne et avec les fournisseurs d'armes ; 4.
Chaque Etat Membre soumet un rapport annuel au Secrétaire
exécutif de la CEDEAO sur ses activités relatives aux armes
légères et de petit calibre de même que sur d'autres
matières en relation avec la présente Convention,
conformément au modèle de rapport élaboré par le
Secrétaire exécutif.5. Une conférence de toutes les
Parties à la présente Convention sera convoquée par le
Dépositaire dans les meilleurs délais après
l'entrée en vigueur de ladite Convention. La Conférence des Chefs
d'Etat et de Gouvernement des Etats Membres est chargée d'examiner la
mise en oeuvre de la présente Convention et aura des mandats
additionnels selon les décisions entreprises par les Etats Membres.
D'autres conférences des Etats Membres seront tenues en tant que de
besoin ». C'est l'ensemble de ces institutions qui servent et
qui serviront de cadre de réalisation des objectifs CEDEAO en
matière de contrôle des ALPC. Mais quel est le degré de
leur effectivité et de leur efficacité ? Quels sont les
résultats obtenus au regard des objectifs fixés dans les textes
et des moyens d'actions accordés aux institutions ? Ces
interrogations trouveront leur réponse dans la suite du présent
travail qui va faire une évaluation du système CEDEAO.
CHAPITRE II : L'EVALUATION DU SYSTÈME
DE CONTRÔLE DES ALPC
Au moins dix années se sont écoulées
depuis l'adoption de la Déclaration du Moratoire sur les armes
légères à celle de la Convention en passant par le Code de
Conduite, le Mécanisme sur la résolution des conflits et de la
sécurité ainsi que son Protocole additionnel. Cependant, le
phénomène proliférateur des ALPC semble en expansion
malgré les quelques actions effectuées. Cette situation n'est pas
sans susciter des préoccupations d'où l'intérêt
d'une évaluation du système de contrôle des ALPC.
L'évaluation est « une appréciation
régulière, aussi systématique et impartiale que possible,
de la pertinence, l'efficacité, l'efficience, les effets et la
durabilité d'une politique, programme, projet, Commission ou
unité organisationnelle dans le contexte d'objectifs
énoncés. Elle peut comprendre aussi une évaluation des
effets non intentionnels » (UICN 2001, 2). De façon
concise, l'évaluation, c'est la production d'un jugement de valeur
concernant une politique publique en visant à mesurer les effets de la
politique évaluée. Une politique publique entendue
comme « un enchaînement de décisions ou
d'activités, intentionnellement cohérentes, prises par
différents acteurs, publics et parfois privés, dont les
ressources, les attaches institutionnelles et les intérêts
varient, en vue de résoudre de manière ciblée un
problème défini politiquement comme collectif. Cet ensemble de
décisions et d'activités donne lieu à des actes
formalisés, de nature plus ou moins contraignante, visant à
modifier le comportement de groupes sociaux supposés à l'origine
du problème collectif à résoudre (groupes cibles), dans
l'intérêt de groupes sociaux qui subissent les effets
négatifs dudit problème (bénéficiaire) »
(Knoepfel, Larrue et Varone 2001, 29). Une politique publique peut
être doublement évaluée : sur le plan quantitatif,
l'évaluation vise à mesurer les effets de l'action publique en
comparant ses résultats aux objectifs assignés et aux moyens mis
en oeuvre, notamment à l'aide d'indicateurs de performance. Sur le plan
qualitatif, elle porte un jugement sur la pertinence des objectifs et donc,
probablement, peut conduire à en réviser le choix.
L'évaluation peut prendre multiples formes comme l'évaluation ex
ante, l'audit, le suivi-évaluation, l'évaluation finale et
l'évaluation rétrospective ou ex post (Charnoz et Severino 2007,
94). En somme, l'évaluation se fait à travers plusieurs
critères fondamentaux : Cohérence, pertinence,
efficacité, effectivité, efficience et impact. Le système
ouest-africain de contrôle des ALPC sera évalué à
partir de ces critères ; lesquels critères sont
agencés dans le schéma qui suit :
La chaine de l'évaluation du système
CEDEAO de contrôle de transferts des ALPC.
Ainsi, il sera étudié d'abord la cohérence
et la pertinence (Section I), ensuite l'effectivité,
l'efficacité et l'efficience en montrant les impacts (Section
II).
SECTION I : L'EVALUATION SOUS L'ANGLE DE LA
COHERENCE ET DE LA
PERTINENCE
Le système CEDEAO de contrôle des ALPC est une
politique publique et, comme telle, elle mérite d'être
évaluer après la mise sur pied de nombreux programmes. Cette
évaluation touche aussi bien à sa cohérence ;
laquelle cohérence sera évaluée d'une part sous le plan
normatif (§I) et, d'autre part sous le plan
institutionnel (§II). Il sera examiné ici en
dernier ressort la pertinence du système (§III).
§I : LA COHERENCE SOUS L'ANGLE DES MOYENS
NORMATIFS
D'emblée, il sied de clarifier les concepts et le cadre
d'application du critère de cohérence. Pour ce faire, le
critère de cohérence s'intéresse à la conception et
à la mise en oeuvre d'une politique publique. Il s'agit de savoir si les
différents objectifs sont cohérents entre eux et si
également les moyens juridiques et institutionnels (humains et
financiers) mis en place sont adaptés à ces objectifs. Ainsi, il
est question d'analyser les orientations stratégiques CEDEAO de
contrôle des ALPC par rapport aux finalités. Par exemple, les
actions du PCASED, et aujourd'hui, de l'ECOSAP ont-elles été
mises en place de façon complémentaires et cohérentes avec
les autres dispositifs tels que les Commissions Nationales ? De
même, est-ce que les normes communautaires sont en corrélation
avec les normes nationales ? Il sera successivement examiné d'abord
la cohérence des objectifs entre eux, ensuite l'adaptation des moyens
juridiques avec les objectifs fixés et enfin l'adéquation entre
les moyens institutionnels (humains financiers) avec les objectifs
arrêtés. Relativement à la cohérence entre les
objectifs, il convient de noter que du moratoire à la Convention, les
objectifs paraissent adaptés au problème des ALPC. L'article 2 de
la Convention dispose que : « 1.
Prévenir et combattre l'accumulation excessive et
déstabilisatrice des armes légères et de petit calibre
dans l'espace CEDEAO ; 2. Pérenniser la lutte pour le
contrôle des armes légères et de petit calibre dans la
CEDEAO ; 3. Consolider les acquis du Moratoire sur
l'importation, l'exportation et la fabrication des armes légères
et de son Code de conduite ; 4. Promouvoir la confiance entre
les Etats Membres grâce à une action concertée et
transparente dans le contrôle des armes légères et de petit
calibre dans la CEDEAO ; 5. Renforcer les capacités
institutionnelles et opérationnelles du Secrétariat
exécutif de la CEDEAO et des Etats Membres dans la lutte contre la
prolifération des armes légères et de petit calibre, de
leurs munitions et autres matériels connexes ; 6.
Promouvoir l'échange d'informations et la coopération entre les
Etats Membres ». Les objectifs de l'ECOSAP ne sont pas non plus
en décalage avec ceux du PCASED, du Code de Code de Conduite et de la
Convention. L'ancêtre de l'ECOSAP comporte plusieurs domaines
d'activités dont: le développement d'une culture de
paix ; la formation des forces armées et de sécurité.
Quant au Code de Conduite, on retient quelques objectifs comme :
favoriser l'échange d'informations ; la certification des
exemptions ; la délivrance des certificats de possession d'armes
pour les visiteurs dans la zone d'application du moratoire (articles 6 à
10 du code) ; la coopération intra et inter-étatique ;
le renforcement des contrôles aux frontières ; la collecte et
la destruction des excédents d'armes (article 11 à 13). ECOSAP a
pour objectif fondamental de contribuer au renforcement des capacités
des acteurs étatiques dans leurs approches et leurs stratégies de
lutte contre le foisonnement des ALPC. ECOSAP apporte également son
soutien technique aux programmes de lutte. Au regard du problème, les
objectifs lui conviennent. Au niveau d'autres régions, les
textes de l'Union Européenne, les Protocole de Nairobi et de la SADC,
fixent les objectifs similaires. Il en de même au niveau onusien.
Cette précision étant faite, la question
fondamentale est l'établissement des moyens normatifs en rapport avec
les objectifs. En effet, vu que le micro-désarmement concret s'effectue
au sein des Etats membres notamment sur le terrain, il est important de mettre
en parallèle les normes communautaires et les législations
nationales. Cette comparaison mettra en exergue les convergences et les
divergences normatives. Les législations nationales de quatre pays
seront autopsiées. Ce sont le Burkina Faso, le Mali, le Niger et le
Sénégal. Ce choix tient au faite que les études actuelles
de terrain sur l'harmonisation des législations nationales ont
concerné ces quatre Etats. Aucune recherche n'a été faite
dans les quatorze autres Etats CEDEAO. Aussi, une remarque qui ne reste pas
insensible est que les législations des pays comme le Ghana, le Liberia,
le Nigeria, la Guinée Bissau, le Cap Vert sont très peu connues.
Les autres Etats comme, le Benin la Côte d'Ivoire, la Gambie, la
Guinée, le Togo ne sont pas différents de ces derniers. Pour ces
quatre Etats, un dénominateur commun historique les lie. Ex-colonies
françaises, ils ont été tous régis par des textes
communs avant les indépendances. Les textes de l'Afrique Occidentale
Française (AOF) sont assez épars. Ce sont notamment : Le
décret du 4 avril 1925 fixant le régime des armes et munitions en
AOF, modifié par les décrets du 16 juin 1931 et du 8 octobre
1938 ; le décret du 25 mai 1912 interdisant le port d'armes
offensives secrètes ou cachées (les armes offensives
secrètes et cachées concernaient les armes blanches
traditionnelles des autochtones) autres que les armes à feu dans toute
l'étendue de l'AOF ; le décret du 18 avril 1939 fixant le
régime des matériels de guerre, armes et munitions ; le
décret du 19 novembre 1947 portant interdiction de la fabrication des
armes perfectionnées et des armes de traite (les armes de traite
étaient les fusils à pierre et fusils à piston) en
AOF ; l'arrêté général du 20 avril 1957 fixant
pour chaque territoire de la fédération, un contingent annuel
d'importation d'armes de chasse.
Après les indépendances, une panoplie de textes
législatifs et règlementaires ont été
adoptés. Toutefois, aucun Etat ouest-africain (aussi bien ceux en dehors
des quatre ici concerné que ces derniers) n'a encore une
législation taillée à la mesure des textes CEDEAO. Les
recommandations d'harmonisation des législations sont pour l'heure au
placard au profit des discours et les déclarations de bonnes intentions.
Sans doute avec raison : par exemple en Côte, l'issue incertaine du
processus de paix conduit les acteurs, surtout les autorités
gouvernementales à observer la prudence et la méfiance. Ce qui
est certain, c'est que personne ne veut prendre des initiatives pour un
contrôle des ALPC au risque de se lier par des règles qu'on a soit
prises. De même au Nigéria, en raison des rebellions à
répétition, ni les autorités des Etats
fédérés ni celles de l'Etat central ne veulent s'engager
dans l'adoption de mesures contraignantes pour contrôler les flux des
ALPC. On préfère peut-être laisser des brèches afin
d'éventuels approvisionnements en ALPC. Il y a un manque de confiance
aussi bien entre les acteurs étatiques des différents pays
membres CEDEAO mais également entre les groupes rebelles et les acteurs
non étatiques en général et les autorités des
Etats CEDEAO. Du reste, il existe un ensemble de textes législatifs et
réglementaires propres à chaque Etat. Lesquels textes ont des
domaines d'application, des classifications des armes et des principes
directeurs peu convergents. Et lorsque ces différentes sont mises en
rapport avec les textes CEDEAO, les clashs sont clairs.
Une analyse comparative est nécessaire car de multiples
incohérences existent sur les activités de commerce et
d'entreposage des armes, les questions de marquage, de courtage, de
traçage, de la gestion des stocks et des sanctions en cas de violation
des normes. Ces différences sont d'une part entre les dispositions des
textes communautaires et les pays et d'autre part, entre les pays pris
séparément. Cependant, il sera étudié quelques
points saillants : la classification des armes, les principes directeurs,
les conditions d'acquisition, d'exportation, d'importation, de cession, de
transfert et de détention.
S'agissant de la classification des armes, il y a une
différence éclatante au sein des législations des quatre
pays. L'éclatante divergence existe entre celles-ci et les termes
retenus par les textes communautaires. Au Burkina Faso, c'est le terme d'arme
à feu qui est retenu. Ainsi, aux termes de l'article 4 du Décret
n°2001-268 portant régime des armes et munitions civiles au Burkina
Faso « une arme à feu est toute arme d'épaule ou de
poing, perfectionnée ou non, capable d'employer la force explosive de la
poudre. Une arme d'épaule civile est une arme à feu que l'on
épaule pour tirer, utilisée pour la chasse au gibier, la chasse
sportive ou lors des manifestations foraines, et non classée comme arme
de guerre. Une arme de poing civile est une arme à feu qui se tient par
une poignée de pistolet, qui ne peut être épaulée,
et non classée comme une arme de guerre. Une arme à feu
perfectionnée est toute arme à feu à feu de fabrication
industrielle ou artisanale, utilisant des munitions de type de type
industrielle moderne. Une arme à feu non perfectionnée est toute
arme à feu, de fabrication artisanale, n'offrant aucune
possibilité d'utilisation de munitions de type moderne, notamment les
armes à pierre ou à piston ». Cette
définition classificatrice ressemble à la législation
Nigérienne. Cette dernière distingue deux (2) catégories
d'armes : les armes perfectionnées considérées comme
les armes à air comprimé ayant une portée de tir
égale ou supérieure à dix (10) mètres avec une
précision et une efficacité suffisante pour abattre de petit
animaux ; les armes à feu non perfectionnées ou armes de
traite sont les fusils à pierre les fusils à piston. Entre ces
deux pays, les différences se situent entre les compléments de
définition sur les armes d'épaule et de poing civile au niveau
Burkinabè et l'absence de définition au niveau Nigérien.
La dissemblance est plus grande avec le Mali qui opère une distinction
en quatre catégories. La Loi n°60-4 du 7 juin modifiée par
la Loi n°04/50 du 12 novembre 2004 prévoit que : les armes
blanches sont les armes tranchantes (lances, sabres, poignards, flèches,
couteaux en forme de poignard stylet) ; les armes contondantes sont par
exemple les coups de poing américains, matraques, casse-tête,
massues, cannes, épées, machettes ; les armes à feu
à canon lisse comprenant les fusils de chasse perfectionnées
d'importation et de fabrication artisanale, les fusils de traite tels que les
fusils à pierre et fusils à piston), les armes à feu
à canon rayé comme la carabine de chasse ou de salon et enfin les
armes de défense englobant les pistolets, les revolvers). Contrairement
aux deux premiers Etats, la législation est plus prolixe et
étoffée. Elle fait un peu référence au concept
d'armes de petit calibre dans la Convention CEDEAO. Le Sénégal
est encore plus détaillé avec un classement en sept
catégories. Pour la Loi n°66-03 du 18 janvier 1966, on
dénombre : les armes à feu et leurs munitions ainsi que le
matériel les accompagnants ou servant à leur transport. Ce sont
les armes fabriquées pour la guerre terrestre, naval, aérien, les
matériels de protection contre les gaz de combat ; les armes
à feu de défense et leurs munitions ; les armes de chasse et
leur munitions ; les armes à feu de tir et de foire et leurs
munitions, les armes blanches ; les armes à feu de traite et les
armes et les munitions de collection. Se voulant plus exhaustive, la
législation Sénégalaise est fortement proche de la
Convention CEDEAO sur les concepts d'ALPC, des munitions et des
matériels connexes. Il n'est pas exclue que cette législation ait
fortement pesée dans les processus d'élaboration des textes
communautaires. En dehors de ce rapprochement Sénégalais et du
cas Malien, les deux autres pays sont loin dans la convergence. Aucune
référence n'est faite au concept d'ALPC dans aucune des
législations. Le Burkina et le Niger sont mieux sur les
références des armes de défense aux mains des forces de
sécurité et militaires. Tout simplement, les normes
communautaires sont bien loin de prendre effet au sein des Etats car de telles
divergences ne militent pas en faveur de l'effectivité encore moins de
l'efficacité des stratégies ouest-africaines de contrôle
des ALPC.
Un autre point saillant se situe au niveau des principes
directeurs. Au Mali et au Sénégal, l'achat, la détention
et le port des armes de guerre sont formellement interdits aux particuliers
alors qu'au Burkina Faso et au Niger, l'interdiction reste limité. Ces
limites concernent l'âge la santé mentale du demandeur, les
procédures administratives auprès du ministère de la
sécurité et le bien fondé des motifs à se procurer
une arme (Cissé 2005 ; Ibriga et Yameogo 2007). La Convention
dispose à son article 14 alinéas 1, 2 et 3 que :
« 1. les Etats Membres interdisent la
détention, l'usage et le commerce des armes légères par
les civils. 2. les Etats membres réglementent la
détention, l'usage et le commerce des armes de petit calibre par les
civils. 3. des autorisations peuvent être
octroyées en vue de permettre la détention individuelle d'une ou
plusieurs armes de petit calibre et leurs munitions, conformément
à la législation nationale de chaque Etat Membre. Les
requêtes pour de telles autorisations doivent être traitées
par les autorités nationales compétentes. Les candidats doivent
rencontrer en personne l'autorité compétente. Le
Secrétaire Exécutif de la CEDEAO définit les
procédures d'autorisation qu'il communique aux autorités
nationales compétentes ». Ici, il y a une
incompréhension dans le texte de la Convention elle-même quand
elle emploie les termes « interdisent » et
« règlementent » dans le même
article. Ce qui est une faille. Soit on interdit soit on règlemente. On
ne peut faire les deux en même temps pour le même public. Ce qui
conviendrait d'expliciter, c'est qu'on peut interdire la détention de
certaines armes militaires à des civils et réglementer la
détention des autres catégories d'armes par les civils. Dans ce
cas aussi, la Convention et les textes nationaux devraient indiquer des
catégories d'armes concernées. En rapport avec les principes
directeurs des quatre pays, il y a une incohérence criarde. Par
ailleurs, en adoptant le critère d'interdiction, il paraît peu
probable que cela soit réel sur le terrain. La notion aussi d'arme de
guerre reste équivoque. Qu'appelle t-on arme de guerre ?
Aujourd'hui, la guerre n'est pas forcément faite avec les armes
perfectionnées. Quant à l'insécurité humaine, on
n'a pas besoin d'une arme aussi sophistiquée pour violer les droits
humains et mettre en péril la stabilité, la
sécurité et la paix. Il n'y a donc pas de raison à que
certains pays établissent une distinction entre armes
perfectionnées ou pas. C'est une limite néfaste pour la collecte
et le contrôle des ALPC. La production artisanale demeure une porte de
sortie de prolifération des armes. Les règles méritent
d'être renforcées. En tout état de cause, la
volonté commune des autorités étatiques reste la vigilance
sur les conditions d'acquisition, d'importation, de cession, de transferts la
détention et le port des armes par les particuliers. En
conformité à la Convention, plusieurs conditionnalités
sont soumises aux particuliers. Il s'agit de l'âge minima, la bonne
santé mentale, l'absence de condamnation judiciaire pour délit et
crime, l'acquisition d'un permis de détention ou de port.
Spécialement, la détention des armes dites de défense sont
accordées pour certaines personnes exerçant des fonctions
particulières comme le cas des magistrats au Burkina Faso. En
réalité, toutes ces distinctions sont battues en brèche
par les faits. Dans tous ces pays, les armes, surtout les armes blanches et
« non perfectionnées » sont aux mains des
particuliers comme le souligne sur le Mali et le Sénégal. Pour
Hélène Cissé, « La détention et le
port des armes blanches revêtent souvent un caractère culturel
profondément enraciné chez certaines ethnies (peulh) et
correspondent à des besoins vitaux de protection liés aux
activités des éleveurs, bergers et agriculteurs. Malheureusement
on constate de plus en plus la propension à utiliser les armes blanches
dans les actes d'agression, de braquage et de vols de bétail dans les
zones rurales et dans les conflits intra-étatiques. De plus en plus
d'armes de fabrication artisanale locale parfois très
sophistiquées et meurtrières sont saisies à l'occasion des
braquages par les Forces de sécurité au moment des
arrestations » (Cissé 2005, 12).
Pour les cessions d'armes, elles ne sont possibles
qu'après deux ans de détention par le cédant au Mali et au
Niger. Le Sénégal et le Burkina Faso sont muets sur ces points.
Tous les pays restent contraignants sur les conditions de transfert des
munitions entre les particuliers. Les populations intéressées
doivent remplir les conditions précitées, mais aussi se doter de
permis octroyés par les autorités compétentes. Il est
aussi interdit d'hériter des armes d'un De cujus. Mais, cette
règle est presque impossible à appliquer en ce sens qu'une grande
partie des décès ne sont pas authentifiés par les services
administratifs. Il est quasi-impossible de se rendre compte du
décès d'une personne détentrice d'armes. Aussi, le partage
de l'héritage étant presque familial, l'administration reste en
dehors de tous ces processus. Dans certaines sociétés
patriarcales, c'est le fils ainé qui hérite presque de la
totalité des biens de son père. Donc, l'administration n'est
informée de rien. Ce sont autant de limites pratiques étant
donné que les populations locales détiennent des armes à
l'insu des services publics. Les importations d'armes au profit des visiteurs
sont encadrées comme le recommande la Convention à l'article 15.
Les personnes intéressées doivent se munir d'un permis d'achat et
d'importation afin de bénéficier d'un permis de port d'arme de
son pays de destination.
Les principes de transparence et d'échange
d'information relativement à la mise en place des banques de
données et de registres, le Burkina éprouve encore des
difficultés. Aucune disposition n'y fait référence et
aucun organe sérieux n'est à mesure de fournir des informations
dans ce domaine (Ibriga et Yameogo 2007, 14). C'est un parcours de combattant
que de vouloir établir ces listes comme c'est le cas au Burkina Faso
ainsi le dit l'ex-secrétaire de la Commission nationale :
« Après notre installation, et après la relecture
du décret portant création de la commission nationale nous avons
pris attache avec l'association des armuriers du Burkina qui était
incontournable dans la lutte contre la prolifération des armes. Nous
avons dès lors demandé aux premiers responsables de cette
association de nous fournir la liste exhaustive des fabricants locaux d'armes
dans notre pays. Cette liste nous a été dressée et pour
confirmer cela, nous avons organisé un atelier pour prendre langue avec
eux à travers les responsables régionaux. Il est ressorti de nos
discussions que près de 99% des armuriers de notre pays ne sont pas
inscrits sur le fichier en question. Cela s'explique du fait que c'est une
activité qui pour la plupart s'exerce dans
l'illégalité » (Yameogo 2007). Par
contre, le Mali, le Niger et le Sénégal ont centralisé
des registres pour l'enregistrement des sorties et des entrées des
armes. Ainsi, les fabricants et les commerçants des armes doivent tenir
un registre côté et paraphé par les représentants de
l'Etat. Lesquels registres devant comporter les informations sur : les
armes et munitions importées ou fabriquées, les
éléments entrant dans la fabrication des munitions pour les
armes, les registres des stocks d'armes (Cissé 2005, 16). A cela
s'ajoute les registres nationaux et locaux tenus par les ministères en
charge de la sécurité intérieure et les
représentants locaux de l'Etat. Lesquels registres sont presque non
établis comme c'est le cas du Burkina Faso Toutefois, ces informations
sont généralement gardées secret défense pour ces
Etats. Il est peu probable que ces informations soient exactement fournies au
Secrétariat de la CEDEAO quand on sait que la CEDEAO est traversé
par des tensions interétatiques et des conflits de personnes
sous-tendant les dynamiques conflictuelles (Bagayoko-Pénone 2003, 563).
Cette analyse terminée, il convient de s'appesantir sur l'examen de la
cohérence entre les objectifs et les moyens opérationnels.
§II : LA COHERENCE SOUS L'ANGLE DES MOYENS
OPERATIONELS
Pour cette partie, l'analyse est consacrée à la
cohérence des moyens communautaires au plan institutionnel et humain en
rapport avec les moyens similaires au niveau des Etats eu égard aux
objectifs fixés. Le contrôle des ALPC est la résultante de
la coopération entre les différentes institutions. Par exemple
entre les organes communautaires et les commissions nationales et ces
dernières avec les ministères en charge de la
sécurité et de la défense ou toute autre institution
nationale. Les moyens opérationnels qui leur sont alloués
sont-ils suffisants et adéquats ?
Dans la poursuite de ces objectifs, le PACASED et l'ECOSAP
aujourd'hui ont entrepris des actions. Grâce aux appuis techniques et
financiers du PCASED, tous les pays sauf le Libéria ont pu installer
leurs Commissions nationales. En outre, des séminaires et des campagnes
de sensibilisations sur la promotion de la culture de la paix ont
été organisés non seulement à l'endroit des
autorités politiques, militaires et de sécurité mais aussi
à l'intention des acteurs de la société civile. Des
programmes scolaires et universitaires sur la culture de la paix sont
élaborés. Mais ces programmes sont pour l'heure non
exécutés dans ces quatre pays. S'agissant de la collecte et de
la destruction des ALPC, on estime à trente cinq milles le nombre des
armes collectées et détruites après les campagnes
effectuées au Mali, au Niger et au Libéria (Chaïbou et
Yattara 2005). A cela s'ajoutent les formations accordées aux cadres des
ministères de défense et de sécurité, la
publication par l'Institut des Nations Unies pour la Recherche sur le
Désarment (UNIDIR) en juillet 2003 du Manuel de formation des forces
armées et de sécurité. Des négociations ont
été menées avec les Etats fournisseurs d'ALPC pour
demander à ce que ceux-ci respectent les textes CEDEAO. En plus de ces
actions, on retient entre autres : le forum pour la paix en juillet 1999
à Monrovia au Libéria ; le projet de transformation des
résidus des armes en instruments agricoles par l'Agence Allemande se
coopération technique internationale (GTZ). Mais, comme le dit l'adage
« l'arbre ne peut cacher la forêt », les carences
sont innombrables. Au niveau des moyens humains, les Commissions sont en
manque comme en Côte d'Ivoire et au Nigéria (Sallé et
Poulton 2008). Et même quand elles sont installées, les moyens
matériels font énormément défaut (Chaïbou et
Yattara 2005, 7-10). Toute chose qui n'est pas à faciliter les actions
sur le terrain. En addition, il convient d'analyser les relations entre les
organes communautaires et les commissions nationales. Dans cette analyse, il
sied de décrypter les relations entre ces Commissions et les organes
internes en matière de défense et de sécurité.
Généralement, les Commissions sont composées de
représentants des Ministères de la défense, de
l'intérieur et de la sécurité, de la justice, des affaires
étrangères et de la société civile. Elles doivent
faire aux autorités toutes propositions utiles en vue de la lutte contre
la prolifération des armes légères, entreprendre des
actions de sensibilisation, collaborer avec d'autres commissions d'États
membres pour échanger leurs expériences, intéresser les
institutions bilatérales ou multilatérales à leur travail,
assister les autorités politiques dans l'exécution de leur
obligation internationale de lutte contre la prolifération des ALPC.
Dans ces missions, il devait avoir une collaboration transparente entre ces
Commissions et les instances supranationales, mais les informations au sein des
Etats restent secrètes. Les Commissions manquent bien souvent des moyens
logistiques. Le personnel n'est parfois aguerri ou spécialisé
dans le domaine des ALPC. Sans compter qu'elles ne disposent pas de budget
autonome et suffisant pour mener à bien leur tâche. Quant aux
rapports entre les mêmes commissions et les ministères de la
sécurité et de défense et autres organes internes, la
situation n'est pas non plus rose. Les ministères restent muets et
considèrent comme des injonctions les demandes et les recommandations de
ces structures. Avec l'explosion du crime organisé et du banditisme, les
ministères optent généralement pour le traitement de ces
questions comme étant des préoccupations nationales. Peu
d'informations sur les saisies des armes filtrent entre les mailles de ces
institutions qui restent aujourd'hui comme des ministères
stratégiques et sous le contrôle presque total des Etats.
L'opacité devient la règle, la transparence l'exception. On
crée même d'autres structures a priori en faveur des Commissions,
mais en réalité ne sont pas loin d'être en porte à
faux avec elles. Au Burkina Faso par exemple, en plus de la Commission, il a
été mis en place par le décret n°2001-005 du 24
janvier 2001, une Haute autorité du contrôle des importations
d'armes et de leur utilisation. Cette structure rattachée au Premier
ministère et est dirigée par un secrétaire permanent.
L'article 9 prévoit que le secrétariat permanent
représente la Haute Autorité dans ses relations avec les
tiers ; initie et entretient les rencontres d'échanges
d'informations et d'expérience avec les États tiers et les
organisations intergouvernementales concernées ou
intéressées. Ce rôle paraît coïncider avec celui
de la Commission nationale car c'est à cette dernière que revient
la tâche de coordination des actions sur les armes avec les instances
CEDEAO. Un autre élément ambigu est que c'est le premier ministre
qui fixe le fonctionnement et l'organisation de la Haute Autorité et de
la Commission par arrêté. L'autonomie de la Commission semble
affaiblie vue qu'elle est sous la coupole du premier ministre. Quant à
la Haute Autorité, elle pourrait servir d'instance satellite strictement
stratégique pour les affaires d'armement. En cela, elle pourrait ravir
les tâches de collaboration et d'échange d'information entre la
Commission et la CEDEAO. Par ailleurs, les différentes Commissions
organisent des séances de rencontre pour évaluer le travail
accompli par chacune sur le terrain. Ce qui est à encourager car des
enseignements et des stratégies seront à partager entre elles.
Ainsi, les autorités des Commissions nationales du Ghana, du Nigeria et
du Sénégal se sont rencontrées (Ebo et Mazal 2007).
Le 29 juin 2009, les Commissions nationales de
lutte contre la prolifération des ALPC du Burkina Faso, du Niger, du
Sénégal et du Mali sont réunies dans la capitale malienne
pour procéder à la revue des activités du dernier
semestre, déterminer les activités prioritaires et les conditions
de leur mise en oeuvre pour le semestre suivant. Toutefois, ces
actions ne peuvent être durable que les moyens financiers sont suffisants
car comme le dit l'adage : l'argent est le nerf de la guerre.
Malheureusement, c'est à ce niveau que le
véritable problème se pose en plus du déficit en moyens
humains et matériels. Les financements et la dotation en moyens humains
des institutions supra et infra nationales sont insuffisants. Cet état
de fait est habilement résumé en janvier 2006 par Paul Badji
l'ambassadeur, représentant permanent du Sénégal
auprès des Nations Unies, à l'occasion du débat
général du comité préparatoire de la
Conférence des Nations Unies chargée d'examiner l'application du
Programme d'Action en sur les armes légères et tous ses aspects.
Entre autres, il souligne le manque de moyens financiers ; l'insuffisance
des ressources humaines bien formées ; la faiblesse de la
coopération internationale dans les domaines du financement, du
renforcement des capacités, de l'échange d'information et
d'expérience ; la faiblesse du niveau de contrôle du flux
d'exportations d'ALPC venant des pays producteurs (New York 2006, 8). Par
exemple, le processus d'élaboration a été en grande partie
financé par les Etats extérieurs comme : Le PNUD ; par
la Décision 2004/833/PESC du 2 décembre 2004 du Conseil de l'UE,
il a été octroyé à la CEDEAO 515.000 euros pour le
processus de transformation du Moratoire en Convention, le Canada, la Suisse.
Des soutiens quelques contradictoires. Les pays de l'EU comme la France, la
Belgique, l'Allemagne sont des grands exportateurs d'armes. Le Canada et la
Suisse pareillement. On est emmené à douter des intentions
réelles de ces pays. Et comme le dit un adage africain,
« quand on dort sur la natte de son voisin, on dort à
même le sol ». Cela pour signifier que tant la CEDEAO ne
va se doter de véritables capacités, ses programmes de
contrôle des ALPC seront dépendants. Les financements sont
liés aux intérêts stratégiques des pays donateurs.
La réalisation d'ECOSAP a été possible grâce aux
financements : La Commission de la CEDEAO, le Bureau Régional du
PNUD, la Commission Européenne, la France, l'Espagne, la Norvège,
la Suède, la Finlande, le Japon et la Nouvelle Zélande. Prenant
le cas de l'ECOSAP, Albert Chaïbou et Sadou Yattara mentionnent que :
« ECOSAP suppose une certaine coopération entre la partie
offre et la partie demande dans la problématique des armes
légères. Or, l'offre est souvent le fait d'entrepreneurs
guidés par la seule logique du profit. Bon nombre de leurs
activités sont illégales ou criminelles. D'autres fournisseurs,
légaux et/ ou illégaux, sont en réalité des
États. Une coopération peut certes s'instaurer avec certains
fournisseurs légaux mais la diffusion des armes ne s'arrêterait
pas pour autant, parce que la demande ne diminue guère dans les
sociétés en développement qui sont souvent victimes des
conflits et parce qu'il est généralement impossible de
contrôler le marché international illicite des armes
légères. L'opposition d'acteurs internationaux qui ne manquent
pas de moyens (la NRA aux États-Unis, par exemple) à la
réglementation des ventes et des transferts d'armes
légères, bien qu'étant un risque lointain, pourrait quand
même poser des problèmes lorsqu'il s'agit de trouver des solutions
véritablement durables » (Chaïbou et Yattara 2004, 16).
En définitive, on peut dire que les objectifs restent
nobles et ambitieuses. Toutefois, les moyens mis en jeu sont moins
satisfaisants pour parvenir aux buts fixés. Il ya aussi l'absence
réelle de volonté politique. Parler d'une incohérence
serait excessive, mais il y a une réelle déficience entre les
objectifs et les instruments d'exécution.
§III : LA PERTINENCE DU SYSTÈME
Le critère de pertinence renvoie à l'idée
qu'une « une politique se justifie très
généralement par l'identification d'un problème de
société auquel les pouvoirs publics se sentent tenus de faire
face. Une politique sera dite pertinente si ses objectifs explicites sont
adaptés à la nature du (des) problème(s) qu'elle est
censée résoudre ou prendre en charge. La pertinence des objectifs
et des actions par rapport aux besoins et aux enjeux territoriaux
révélés par le diagnostic initial (ORIV 2007, 1).
Sous un volet développementaliste, Olivier Charnoz et Jean-Michel
Severino la pertinence renvoie au bien fondé de la finalité
du projet (de la norme ou de la politique) et à la cohérence de
sa démarche. S'est-il attaché à un problème
prioritaire ? Y répond t-il mieux que d'autres actions
envisageables ? (Charnoz et Severino 2007, 95). La norme ou la politique
publique doit répondre à une demande, à un problème
de société.
Au regard de ces définitions, il n'est pas
déraisonnable de dire que les normes et les stratégies de
contrôle de transferts des ALPC en Afrique de l'Ouest sont pluriellement
pertinentes. La prolifération des ALPC est sans équivoque un
problème de société. Tous les acteurs publics et
privés ouest-africains et ceux du monde entier sont unanimes que la
prolifération incontrôlée des ALPC représente le lit
des problèmes d'insécurité humaine, de sous
développement, d'atteinte aux droits humains, au droit international
humanitaire. Et comme le rappelait Momodou Lamin Sadat Jobe, Secrétaire
d'État aux affaires étrangères de la Gambie en 2001
à la Conférence onusienne sur le Programme d'Action, trois ans
après l'adoption de la Déclaration du Moratoire,
« La grande disponibilité des armes légères
est une vive source de préoccupation pour ma délégation.
Les armes de petit calibre et les armes légères ont des effets
déstabilisateurs considérables sur les sociétés.
Sur le continent africain qui connaît aujourd'hui une multitude de
conflits, la disponibilité d'armes de petit calibre et d'armes
légères ne fait qu'aggraver et exacerber ces conflits. Dans des
sociétés qui font face à des problèmes sociaux,
où sévissent la pauvreté et la délinquance, la
présence d'armes légères contribue aux problèmes
par l'incidence négative qu'elles ont sur le plan psychologique et
physique ainsi que par leurs conséquences sociales. Le problème
des armes légères et des armes de petit calibre représente
un défi considérable qui se pose à tous les niveaux de la
société et qui va au-delà des conflits entre États
ou à l'intérieur des États, mais englobe également
le banditisme et la délinquance. Les sociétés qui ont
connu des conflits ou qui sortent de conflits connaissent des
difficultés beaucoup plus considérables, en raison de la
présence des armes légères » (Nations Unies
2001). Mieux, tous les textes CEDEAO en matière de
sécurité, de contrôle des ALPC et de résolution des
conflits ont été adoptés à l'unanimité. La
preuve que le phénomène des ALPC est véritablement un
problème de société auquel il faut s'attaquer. Cette
unanimité déborde le cadre ouest-africain.
En octobre 2008, les Etats membres de l'ONU ont adopté
par 166 voix pour et une contre (États-Unis), le texte relatif au
commerce illicite des armes légères et de petit calibre (Nations
Unies, AG/DSI/3378). L'Assemblée Générale encouragerait
les États à mettre en oeuvre les recommandations formulées
dans le rapport du Groupe d'experts gouvernementaux chargé d'examiner
les nouvelles mesures à prendre pour renforcer la coopération
internationale en vue de prévenir, combattre et éliminer le
courtage illicite des armes légères. La Conférence du
désarmement dans son Rapport A/C.1/63/L.47 d'octobre 2008 a
rappelé la nécessité du contrôle des ALPC dans
la mesure où ces armes sont sources de la violence armée. Les
objectifs depuis l'apparition des stratégies ouest-africaines restent
convergentes. Le Moratoire, le Code de Conduite ainsi leur instrument
d'application le PCASED, la Convention et l'ECOSAP poursuivent grosso modo la
même vision : Eradiquer le flot d'ALPC qui nuit à la
stabilité, à la sécurité et à la paix. Par
conséquent, le critère de pertinence est validé.
Cependant, quelques fausses notes ramollissent cette
pertinence. La lenteur dans la signature de la Convention donne à penser
que le problème des ALPC préoccupe peu les Etats. Comment
comprendre que depuis 2006, ce soit cinq Etats (Mali, Niger, Burkina Faso,
Sénégal et Sierra Leone) qui ont ratifié la
Convention ? Parmi ces cinq pays, le Sénégal n'a pas encore
déposé les instruments de ratification au Secrétariat de
la CEDEAO ? Seule la Sierra Leone, un Etat ayant connu la guerre, fait
partie du peloton des Etats qui ont ratifié la Convention. Il y a une
certaine réticence dans la mesure où dix autres Etats n'ont pas
encore franchit le pas de la ratification. Comme le souligne Michel
Sallé et Robin-Edward Poulton, les Etats sont d'accord sur le fait que
les ALPC sont un problème de société, mais ce
problème n'est pas traité comme une réelle priorité
(Sallé et Poulton 2008, 3). C'est cette nonchalance qui
discrédite les initiatives ouest-africaines en dépit des efforts
consentis. Toutefois, comment peut-on évaluer l'effectivité,
l'efficacité et l'efficience ?
SECTION II : L'ÉVALUATION SOUS
L'ANGLE TRIPARTITE DE
L'EFFICACITÉ,
L'EFFECTIVITÉ ET DE L'EFFICIENCE
La tension entre une norme et/ou une politique publique et le
fait du comportement de leurs destinataires, tel qu'il apparaît dans la
réalité pose le problème de l'efficacité, de
l'effectivité et de l'efficience de cette norme et/ou de cette
politique publique. D'où l'intérêt d'une évaluation.
Le système CEDEAO n'est pas en dehors de ce hiatus entre les cadres
normatifs et stratégiques. Il s'avère de faire une
évaluation du système de contrôle des ALPC sous l'angle
tripartite « effectivité, efficacité et
efficience ». Mais, il faut d'emblée des précisions
conceptuelles. Les termes « effectivité, efficacité
et efficience » sont compris aussi bien sous l'angle juridique
que sous l'angle développementaliste. Vue la diversité des
objectifs et des programmes, la présente étude porte sur l'ECOSAP
et les Commissions nationales. Ainsi, l'efficacité
(§I), l'effectivité (§II) et
l'efficience (§III) du système seront
analysées. Ce qui va permettre de toucher du doigt les critères
d'impacts et d'utilité.
§I : L'EFFICACITE DU SYSTÈME
La notion d'efficacité n'est pas unanimement
définie. Tant en sciences administratives, juridiques et politiques que
dans les domaines d'études du développement, un certain flou
demeure. Les réflexions sont abondantes : Kelsen 1962 ;
Knoepfel 1995; Auer, Malinverni et Hottelier 2000; Ost et Van de Kerchove
2002 ; Charnoz et Severino 2007. Mais, une certaine convergence semble
lier ces différentes disciplines. Dans un langage courant,
l'efficacité, selon le dictionnaire le « Petit
Robert », fait référence à la
capacité de produire le maximum de résultats avec le minimum
d'efforts ou de dépenses. Usuellement, c'est le fait de produire l'effet
attendu. Sans se livrer à des développements théoriques
assez longs, il est ici retenu la nomenclature de la doctrine
helvétique, d'ailleurs dominante, qui définit l'efficacité
non seulement distinctement de l'effectivité et de l'efficience mais
aussi en opérant une approche pas fortement opposée entre
l'efficacité de la norme et de la politique publique. Pour ces auteurs,
l'efficacité, au sens étroit, est la capacité d'une
mesure d'atteindre les objectifs visés par la loi ou la politique
publique. Elle se mesure par rapport aux résultats «
outcomes », c'est-à-dire à l'ensemble des effets
qui sont causalement imputables à une politique publique
déterminée (Flückiger 2001, 94). Une politique ou une norme
sont efficaces si les résultats correspondent à
leurs objectifs. A contrario, elle est inefficace, même si elle
offre de nombreuses prestations, même si elle provoque de nombreux
impacts, lorsqu'elle qu'elle se traduit, contre toute attente, par de
piètres résultats (Flückiger 2001, 95).
Selon Hans Kelsen, une norme est efficace de part sa simple existence.
Mais, la norme est ici définie sur un plan purement juridique. C'est une
règle de droit. Et, en tant que telle, les auteurs comme Suarez, Austin
ou Kelsen assimilent purement et simplement l'efficacité de la
règle à son existence. Ainsi, une règle valide est une
règle qui existe, celle qui s'attache à son devoir d'être
juridique (Kelsen 1962, 13). Aussi, l'existence de la règle entraine
t-elle son obéissance. On aboutit à : Règle
valide=règle qui existe=règle devant être obéie. Il
se crée un cordon juridique entre validité et
obligatoriété. En tout état de cause, l'efficacité
laisse entrevoir des impacts.
Depuis la mise en oeuvre des plans de lutte contre la
prolifération des ALPC, des actions ont été menées
par les services publics et les ComNat avec des résultats visibles dans
certains pays. Au Bénin, au Burkina Faso et au Cap Vert, les
résultats sont peu connus. De toute évidence, ils paraissent
maigres et sont en déca des attentes. Au Bénin, par exemple, les
Réseaux d'Information Régionaux Intégrés (IRIN) des
Nations Unies ont signalé qu'en 2000, le pays a intercepté un
transport de 1000 cartouches de munitions entre le Burkina Faso et le Nigeria
et arrêté le chef d'un réseau impliqué dans le
trafic d'armes de petit calibre (Florquin et Berman 2006, 225). Cette prise est
très infime quand on sait que le Bénin est une aire prisée
des transites des ALPC et qu'il existe une forte concentration de producteurs
locaux d'armes légères dans le nord du Bénin notamment
à Parakou (Bouko 2006). La criminalité due à la
circulation anarchique des ALPC avait poussé le Nigéria a
fermé sa frontière avec le Bénin de façon
unilatérale.
Au Burkina Faso, la recrudescence des attaques à main
armée au moyen des ALPC sur les principaux axes routiers est
fréquente. Pour y faire face, la ComNat a organisé au niveau
national des ateliers et des sorties de sensibilisation à la relecture
des textes législatifs relatifs aux armes. Au plan sous régional,
le Burkina Faso a participé à des réunions et des
ateliers ; le pays a aussi abrité un atelier du Programme de
Contrôle des Armes Légères de la CEDEAO et organisé
conjointement avec le Mali une opération sur le terrain. Mais les
résultats ont été très maigres comme le reconnait
le Colonel Paul Yameogo (Yameogo 2007, 1). Des antennes régionales de la
ComNat n'ont cependant pu être installées en raison du manque de
ressources financières. Ni les services de sécurité et de
défense ni la ComNat ne fournit de résultats sur les ALPC
récupérées pendant les opérations sur le terrain.
Ici aussi, c'est un secret de Polichinelle de dire que les résultats
sont insignifiants quand on sait que depuis la période
révolutionnaire énormément d'armes pullulent dans le pays
sans oublier les fuites d'armes en raison des coups d'Etat
répétés, des conflits armés comme en Côte
d'Ivoire et les fabricants locaux. Au Cap Vert, aucun chiffre n'est fournit
quant à la saisie d'ALPC alors que le pays reste une plaque tournante
des trafics et de contrebande de stupéfiants tels que le cannabis, la
cocaïne, l'héroïne en provenance d'Amérique Latine vers
l'Afrique de l'Ouest et l'Europe (UNODC 2009).
La situation est toute autre dans les Etats qui ont connu un
conflit armé comme les pays de l'Union du Fleuve Mano. En
Guinée, suite aux attaques des mouvements des dissidents
guinéens/Rassemblement des Forces Démocratiques de Guinée
(RFDG) et du Front Révolutionnaire Uni (RUF) de la Sierra Leone, en 2000
et 2001, le défunt président Guinéen Lansana Conté
a fait appel à des jeunes pour renforcer l'armée
guinéenne. Ainsi, entre 7.000 et 30.000 jeunes volontaires ont
été recrutés dans les régions
(Guéckédou, Kissidougou, Faranah, Dabola, Mamou, Kindia,
Forecariah, N'Zérékoré) menacées par les incursions
rebelles et enrôlés dans l'armée nationale. Cependant, les
efforts de récupérations des armes aux mains de ces volontaires
sont restés maigres. Dans la localité de Guéckédou
sur une estimation de 2380 volontaires dont 70% reconnait avoir
été armé et pris part aux combat, le Ministère de
la Sécuité souligne avoir saisi 222 armes en 2001-2003. La
Brigade criminelle guinéenne a saisi 52 fusils de chasse artisanaux
entre 2001 et 2003 (Florquin et Berman 2006, 279). Avec l'appui des USA, les
autorités guinéennes ont détruit 21.906 armes de petit
calibre et armes légères obsolètes de même que
89.889 cartouches de munitions entre le 26 septembre le 11 novembre 2003. Parmi
celles-ci, on trouvait des AK-47, des armes antichars portables et 278 missiles
sol-air Strella-2 (Florquine et Berman 2006, 280).
D'énormes défis restent à surmonter par
rapport aux jeunes enrôlés de façon ; surtout avec le
coup d'Etat de décembre 2008, on est en droit de penser que les armes
vont disparaître dans la nature et que peu d'opération de
désarmement seront effectif sans compter qu'en cette période de
régime militaire, les armes se retrouveront dans la rue à cause
des vols et de certains détournements. En tout état de cause, le
pays représente une zone à risque pour la circulation
incontrôlée des ALPC. A cela s'ajoute les flots de
réfugiés dans le pays. Selon les chiffres du second rapport du
Bureau de la Coordination des Affaires Humanitaires des Nations Unies en 2003,
la Guinée a accueilli plus d'un million de réfugiés au
cours des dix dernières années en provenance des conflits
armés de la Guinée- Bissau, du Liberia, de la Sierra Leone et de
la Côte d'Ivoire. Lesquels camps sont militarisés. Selon Hilary
O'Connor, repris par Florquin et Berman, en septembre 2004, il y avait plus de
280.000 réfugiés en Guinée dont 60% vivaient en dehors des
camps, 140.000 étaient des Libériens, 30.000 venaient de Sierra
Leone, 7.000 de Côte d'Ivoire et plus de 100.000 étaient des
Guinéens rentrés du Liberia et de la Côte d'Ivoire qui
fuyaient les combats dans ces pays (Florquin et Berman 2006, 282).
En Guinée Bissau, le stock des armes est assez
élevé. Selon les experts, environ 20.000 ALPC (fusils d'assaut
AK-47, et des fusils de chasse) issues des stocks de la guerre
d'indépendance en 1974 seraient toujours en circulation. La guerre
civile a été marquée par la distribution d'armes aux
différentes factions (20.000 combattants) et aux civils (10.000 selon
les estimations). Toutefois, en 2005, ce sont 7.182 ex-combattants qui ont
participé au programme de Démobilisation, de Réinsertion
et de Réintégration organisé par l'Organisation
Internationale pour la Migration (OIM). Sur ce nombre, 2406 ont terminé
le programme tandis que 2031 combattants supplémentaires devraient
être en principe réintégrés au plus tard juin 2005
(Florquin et Berman 2006, 291). Quant à la ComNat, elle a
réalisé quelques programmes de collecte d'armes. Mais, dans toute
cette situation, le véritable hic est qu'aucun programme de
désarmement n'a été effectué dans ce pays en
dépit de ce flux dangereux des armes. Le pire c'est que le pays est
fortement militarisé et, que les conflits sanglants persistent aussi
bien entre les leaders politiques eux-mêmes qu'entre les leaders
militaires et encore entre les hommes politiques et l'armée en
témoignent les assassinats à répétition. Rien
n'est sûr qu'après les élections présidentielles, le
pays connaîtra une réelle accalmie qui puisse favoriser la mise en
oeuvre d'un vrai programme de désarmement. Le Libéria, avec une
période d'au moins dix ans de guerre civile, est un territoire
inondé d'armes. A la suite de la prise du pouvoir par le Front
Patriotique National du Libéria (FPNL) de Charles Taylor qui a mis fin
au règne de Samuel Doé après huit ans de guerre civile,
plusieurs factions dissidentes ont affrontées le FPNL. Ce dernier a
aussi crée des milices armées. Plusieurs belligérants se
sont opposés : Libériens Unis pour la Réconciliation
et la Démocratie (LURD), Mouvement pour la Démocratie au
Libéria (MODEL), Milices et Paramilitaires de l'ex-gouvernement du
Libéria (GdL). Ce qui est certain, c'est que les deux camps (Loyalistes
et Rebelles) qui se sont affrontés ont employé des armes qui ne
sont pas encore hors d'état de nuire en dépit des quelques
programmes de désarmement. Ainsi, le 26 juillet 1999 à Monrovia,
le Bureau des Nations Unies pour les Services de Projet (UNOPS), basé
à Bamako, a organisé la destruction d'environ 25.000 armes et de
près de deux millions de munitions. Appelée « Flamme de
l'espoir», la cérémonie a été
supervisée par le Centre régional de l'ONU pour la paix et le
désarmement en Afrique situé à Lomé, le Bureau des
Nations Unies au Liberia (UNOL) et le PCASED. Les armes appartenaient à
diverses factions en guerre dans le pays jusqu'en 1997 et ont été
remises volontairement par les combattants ou saisies par l'ECOMOG, la force
armée de maintien de la paix de la CEDEAO, ou par l'UNOMIL (Mission
d'observation de l'ONU au Liberia). Elles ont été
découpées à la scie électrique puis jetées
dans un four (Wéry, Nkundabagenzi et Berghezan 2001,
36). Un second programme DDRR s'est déroulé entre avril et
octobre 2005. Selon l'ONU, ce sont « 102.193 ex-combattants ont
été désarmés et un total de 27.804 armes et
7.129.198 cartouches 54 a été recueilli. Parmi celles-ci, on
comptait 20.458 fusils et mitraillettes, 690 mitrailleuses, 641 pistolets,
1.829 RPG et 178 mortiers » (Florquin et Berman 2006, 303).
Mais, les inquiétudes ne sont pas dissipées. Le armes lourdes
n'étaient pas restituées et étaient, au contraire,
introduites illégalement dans d'autres pays voisins du Liberia,
notamment en Côte d'Ivoire où la rémunération
offerte dans les programmes de réintégration devait
dépasser trois fois ce qui était proposé au Liberia 900
USD contre 300 USD (Florquin et Berman 2006, 304). En dehors de ces
préoccupations, il reste que malgré la satisfaction qu'on peut
tirer de ces opérations, des armes n'ont pas été rendues.
Aussi, les soubresauts conflictuels dans les pays environs pourraient engendrer
des réarmements silencieux et illicites.
Au même titre que le Libéria, la Sierra Leone a
connu un conflit armé avec une pluralité d'acteurs : le RUF
avec environ 20.000 combattants, Civil Defense Force (CDF) avec au moins 37.000
membres, l'Armed Forces Revolutionary Council dont le nombre reste
imprécis et le West Side Boys (WSB). Ces différents groupes ont
subtilisé les armes des forces gouvernementales et des équipes du
maintien de la paix de l'ONU. Le RUF a particulièrement
bénéficié des soutiens en provenance de la Bulgarie, de la
Côte d'ivoire, du Burkina Faso, de la Guinée, de la Lybie, de la
Slovaquie et de l'Ukraine (Leger 2007). A la guerre civile en janvier 2002, on
estime à plus de 47.000 ex-combattants ont été
démobilisée et désarmés. Selon Florquin et Berman
« entre septembre 1998 et janvier 2002, quelque 25.000 armes de
petit calibre, 1.000 armes légères et près d'un million de
cartouches de munitions ont été collectées au cours de la
procédure DDR. Toutefois, le programme, qui visait essentiellement la
récupération d'armes d'assaut, n'a pas pu récupérer
de nombreux fusils de chasse artisanaux de la CDF. Un Programme communautaire
de collecte et de destruction d'armes (CACD), qui s'est concentré sur
des armes exclues du programme DDR, comme les pistolets et les fusils de
chasse, a permis de récupérer quelque 9.660 armes et 17.000
cartouches de munitions entre décembre 2001 et mars 2002. (...). Au 31
décembre 2004, le ramassage d'armes avait été soit
achevé, soit était encore en cours dans 17 chefferies, 1.892
armes au total ayant été ramassées. A ce jour, la plupart
des fusils de chasse et des munitions non explosées (UXO) a
été récupérée. Sur le nombre relativement
restreint de fusils d'assaut collectés (une quarantaine au total,
semble-t-il), la plupart sont des G3 et des AK-4724 » (Florquin
et Berman 2006, 373). D'autres programmes impliquant toutes les chefferies ont
été initié pour éradiquer la circulation des ALPC.
En dehors de ces pays, le Mali, le Niger et le Togo ont saisie
des armes. Au Mali entre décembre 2000 et juin 2003, en la faveur du
programme « Armes pour le Développement » 850 armes,
12.548 cartouches de munitions et 230 grenades ont été
collectées et détruites (Florquin et Berman 2006, 313 ;
Barry 2005). Au Niger, après la cérémonie
« Flamme de la Paix » du 25 septembre 2000
où 1243 armes rendues par les ex-rebelles ont été
détruites, consacrant ainsi le retour de la paix à l'issue des
Accords de paix avec l'ex- résistance armée, le Niger, pour
marquer son adhésion aux objectifs de la Conférence des Nations
Unies de juillet 2001, a organisé cinq (5) mini-flammes de la paix.
C'est ainsi que les armes suivantes ont été détruites dans
les localités ci-après : Diffa, 100 armes le 20 juillet
2001 ; Agadez, 100 armes le 27 juillet 2001 ; Agadez, 100 armes le 09
octobre 2002 ; N'Guigmi (Diffa), 103 armes le 17 mars 2003 ; N'Guigmi
(Diffa), 67 armes le 05 mars 2004 et N'Guigmi (Diffa), 33 armes le 24
Août 2004. Les destructions ci-dessus citées n'ont concerné
que deux (2) Régions sur les huit (8) que compte le pays. Depuis 2004,
il n'y a pas eu de destruction. Cependant, la collecte continue grâce
à l'action des Forces de défense et de sécurité
ainsi qu'aux missions de sensibilisation de la Commission Nationale pour la
Collecte et le Contrôle des Armes illicites (CNCCAI) à l'endroit
des populations pour qu'elles remettent volontairement les armes illicites
qu'elles détiennent (Kassouma 2008, 10-11). Quant aux autorités
togolaises, elles ont saisi 649.563 cartouches de munitions et 22.293 armes
à feu, des fusils de chasses importés et artisanaux pour
l'essentiel, mais aussi 643 fusils d'assaut militaires (Florquin et Berman
2006, 381). A l'instar des autres Etats, la production locale des ALPC est
croissante notamment la partie occidentale et frontalière avec le Ghana
comme Badou, Bassar, Dogomba, Komkomba et Kpalime ainsi que dans le nord
à Pagala et au Sud à Notsé (Florquin et Berman Ibid.). Ces
armes dont on n'a pas encore la maîtrise sont sans doute mises en vente
et pourraient servir dans d'éventuels violences étant
donné que le Togo reste précaire du point de vue politique en
témoigne le putsch manqué en juin 2009.
Au regard de ces résultats, deux points saillants
méritent d'être notés. La quasi-absence de l'ECOSAP et son
ainé le PCASED ainsi que des ComNat dans les actions menées.
C'est de cette invisibilité que découle la seconde idée
qui laisse penser au manque d'efficacité de ces structures.
La caractéristique principale est que ces institutions
sont en seconde zone aussi bien pour les opérations de
désarmement que pour le contrôle des armes. Mais quelles sont les
défaillances ? Avant l'ECOSAP, il avait été
reproché au PCASED plusieurs carences entre autres : l'absence de
capacité organisationnelle et dynamique, les faiblesses
financières. Ces mêmes limites ont été
reprochées aux ComNat.
Quant l'ECOSAP, les critiques similaires ont été
répétées en 2008 par Michel Sallé et Robin-Edward
Poulton. Il s'agit entre autres de l'absence d'organisation dans les
activités, du non respect du temps et du calendrier de travail, le
gaspillage des ressources, le recrutement de personnes non
spécialisées pour la conduite des programmes, la carence de
communication entre ECOSAP et les NatCom ainsi qu'entre ECOSAP et le GAL, la
Commission de la Sécurité CEDEAO. A ces failles s'ajoutent
l'inertie des instances dirigeantes de la CEDEAO dans l'application des
programmes, la mobilisation des ressources financières (Sallé et
Poulton 2008). Quand on sait que plusieurs Etats ne payent pas leurs
cotisations. La santé financière de cette vaste communauté
comme on le constate est mauvaise. Les conséquences de ces mauvaises
rentrées des cotisations, c'est qu'elles pèsent lourdement sur le
fonctionnement des instruments de l'intégration et par conséquent
sur les programmes de lutte contre les ALPC. La plupart des Etats membres
accusent des arriérés importants au titre de leurs contributions
financières aux budgets et fonds des institutions de la
communauté. En ce qui concerne le budget du Secrétariat
exécutif, cinq pays seulement, à savoir le Bénin, le
Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, le Mali et le Nigeria sont à jour
de leurs contributions financières auprès du Secrétariat
exécutif. Les arriérés s'élèvent à la
date du 30 septembre 2000, à la somme de 35,2 millions de dollars
répartis comme suit : Liberia: 20 ans d'arriérés
(11,5 millions $ US) ; la Mauritanie avant son retrait: 16 ans
d'arriérés (6,4 millions $ US) ; la Gambie: 11 ans
d'arriérés (2,9 millions $ US) ; la Sierra-Léone: 11
ans (3,7 millions $ US) ; le Cap Vert: 10 ans d'arriérés
(2,5 millions $ US) ; la Guinée-Bissau: 10 ans
d'arriérés (2,8 millions $ US) ; le Niger: 6 ans
d'arriérés (2,1 millions $ US) ; la Guinée: 5 ans
d'arriérés (2,06 millions $ US) ; le Sénégal:
3 ans d'arriérés (1, 29 millions $ US) et le Ghana: 2 ans
d'arriérés (1,97 $ US) ( Douka 2007). Il est clair que si le
budget CEDEAO était suffisant, elle pourrait contribuer de
manière importante aux programmes de désarmement et renflouer les
budgets des ComNat au sein des Etats. Cela éviterait quelque peu la
dépendance vis-à-vis des financements externes.
Cet état de fait conduit tous les Etats à
tendre la main à l'extérieur mettant du coup en péril tout
le système de contrôle des ALPC. Comme le dit l'adage,
« La charité bien ordonnée commence par
soi-même », les Etats doivent se rappeler qu'avant de
tendre la main aux autres pays notamment occidentaux et aux organisations
internationales, ils se doivent d'honorer le paiement de leurs cotisations car
c'est en faisant cela que les stratégies de lutte contre les ALPC seront
effectives et efficientes.
§II : L'EFFECTIVITE DU SYSTEME
Le critère d'effectivité à l'instar des
critères précédents est partie intégrante du
vocabulaire des courants sociologiques, réalistes et juridiques. Cet
usage a crée un continuum dans les analyses des normes et des politiques
publiques. Les juristes ne se content plus à examiner la règle
sans prendre en compte l'aspect effectivité. C'est ce que
écrivent Ost et Van de Kerchove « on comprend que, dans
ces conditions, aux examens de légalité classique, se soient
ajoutées les procédures d'évaluation, comme si
l'intérêt se déplaçait progressivement de la
régularité de la source de la règle (source-oriented test)
en direction de la nature de ses effets (effectiveness-oriented
tes) » (Ost et Van de Kerchove 2002, 329). La simple
édiction de la norme qui lui conférait son caractère
d'effectivité et de légitimité n'est plus de mise. Il faut
continuellement « à grands efforts d'enquêtes et
d'expertises, et moyennant une correction continue » (Ost et Van
de Kerchove 2002, Ibid.) pour que la norme puisse s'imposer.
Cependant, il reste peu aisé de définir le concept
d'effectivité car c'est une notion extrêmement complexe,
faussement simple - et l'engouement dont elle jouit aujourd'hui ne contribue
pas à clarifier ses enjeux. Mais de façon générale,
l'effectivité s'entend de la capacité de la règle à
orienter le comportement de ses destinataires dans le sens souhaité par
son éditeur. Pour Paul Amselek, est effective la règle
utilisée par ses destinataires comme modèle pour orienter leur
pratique (Amselek 1964, 257). Le changement de comportement, autrement dit la
réceptivité de la norme, est l'un des indicateurs fondamentaux
de l'effectivité d'une norme ou d'une politique publique comme
l'écrivent Hans Kelsen (1962, 13) et Charles De Visscher (1967, 18).
Toutefois, la réceptivité ne peut à elle seule justifier
de l'effectivité ou pas d'une norme. Par conséquent, sur la base
de quels indicateurs peut-on mesurer l'effectivité d'une norme ou d'une
politique publique ? Ce sont les auteurs en droit de l'homme et en droit
international de l'environnement qui développent longuement ces
indicateurs. Il s'agit entre autres de Véronique Champeil-Desplats,
Danièle Lochak dans leur ouvrage « A la recherche de
l'effectivité des droits de l'homme » et de Sandrine
Maljean-Dubois dans son ouvrage « La mise en oeuvre du droit
international de l'environnement », (Lochak et Champeil-Desplats
2008 et Sandrine Maljean-Dubois 2003). Sandrine Maljean-Dubois souligne que le
droit international de l'environnement peut-être qualifié
d'effectif si : 1. assure la protection de l'environnement ; 2.
Conduit au respect des règles et standards posés ; 3.
Conduit à la modification du comportement humain souhaité ;
4. Est transposé aux différents niveaux institutionnels
(régional, national et local) par l'adoption de lois,
règlements et la conduite de certaines activités
administratives ; 5. A un impact de part sa seule existence
indépendamment de l'adoption de mesures spécifiques.
Quoique le sujet traité dans le présent cas soit
loin du domaine de l'environnement, il reste convenable de soumettre le cadre
normatif ouest-africain sur les ALPC à ces indicateurs.
Le premier indicateur revient à se demander si le cadre
normatif permet la protection des populations contre les effets
néfastes liés à la prolifération des ALPC : la
sécurité humaine. Cet indicateur n'est pas satisfait dans tous
les pays ouest-africains, l'insécurité humaine est monnaie
courante. Les dernières attaques de la capitale Lagos du Mouvement
d'Emancipation du Delta du Niger (Mend) le 13 juillet 2009 au Nigeria qui
fait au moins cinq morts (TV5 Afrique 13 juillet 2009); les enlèvements
de touristes, d'agents humanitaires comme le cas du Mali, du Niger ; les
braquages à mains armées, le banditisme de grand chemin. Le
climat général reste précaire. Dans le rapport
présenté par l'Office des Nations Unies contre la Drogue et le
Crime (ONUDC) le 13 juillet 2009, Antonio Maria-Costa, directeur de l'ONUDC
souligne que « le trafic d'autres produits comme les cigarettes,
les armes et les faux médicaments, représente une menace pour la
sécurité de la région. Le trafic de drogue et le crime
organisé pillent l'Afrique de l'Ouest, détruisent les
gouvernements, l'environnement, les droits de l'homme et la
santé » (UNUDC 2009). Pour Saïd Djinnit,
représentant spécial de l'ONU pour l'Afrique de l'Ouest,
« le trafic de drogue, le crime organisé et les coups
d'Etat militaires menacent la paix et la sécurité en Afrique de
l'Ouest » (UNUDC 2009). En conséquence, cet indicateur
n'est pas remplit. L'indicateur « conduit au respect des
règles et standards posés » convient bien au
présent cas. Dans le domaine de contrôle des ALPC, le constant est
qu'il y a un non respect des règles et standards posés aussi bien
de la part des gouvernants que de la part des gouvernés. Les exemples de
trafics illicites d'armes, de détournements et de réexportations
d'armes, de contournement des règles sont légion (Leger 2007,
Tonquedec, 2006, Small Arms Servey 2006 et 2007). La production artisanale n'a
point cessé, pis elle prend de l'ampleur au mépris de
règles (Florquin et Berman 2006). L'indicateur « conduit
à la modification du comportement humain » est pareil aux
deux cas précédents. Les mesures ouest-africaines sont loin
d'avoir été incorporées par les destinataires. La
violation des normes est remarquable. Les populations violent autant leurs
règles internes que les normes sous régionales.
L'indicateur de la « transposition des normes
aux différents niveaux institutionnels (régional, national et
local) par l'adoption de lois, règlements et la conduite de
certaines activités administratives ».Plus de trois ans
après son adoption, la Convention pas encore entrée en vigueur.
Dix Etats l'ont pas encore ratifié : le Benin et le Ghana et le
Libéria se sont engagés à la ratifier, la Guinée et
le Togo ont entamé les procédures de ratification, la Gambie n'a
pas tenu son engagement de 2007 selon elle ratifierait la Convention, le Cap
Vert et la Guinée Bissau n'ont montré aucune volonté
à ce sujet, aucun progrès n'a été remarqué
en Côte d'Ivoire et au Nigeria (Sallé et Poulton 2008, 38). Au
plan interne des Etats, le Mali a aux termes de la Loi 04/50 du 12 novembre
2004 modifié la Loi n°60-4AL/RS du 7 juin 1960 sur les armes. Mais
le problème reste que cette nouvelle loi ne s'applique pas
« aux armes et munitions de guerre qui constituent l'armement
règlementaire de l'armée, de la gendarmerie, de la police et de
toute autre force publique. Elle ne concerne pas non plus les armes et
munitions dont doivent être régulièrement munies les
officiers de réserve à charge pour ceux-ci de justifier de leur
qualité » (Cissé 2005, 5). Ce qui peut poser des
difficultés en ce sens que de nombreuses armes passent entre les mains
des forces de l'ordre public aux mains des réseaux mafieux. Depuis
l'adoption de la Convention, il n'y a donc pas eu de changements notables des
législations internes pour se conformer aux dispositions du cadre
communautaire. Par conséquent, ce critère reste insatisfait.
Quant à l'indicateur de « impact de part
sa seule existence indépendamment de l'adoption de mesures
spécifiques », l'insatisfaction reste pareille. Parlant
de l'ECOSAP, Sallé et Poulton écrivent que c'est un
système non performant à double point de vue: inadéquation
dans l'organisation et dans la coopération intra-institution. A ceci
s'adjoint le déficit de communication, le manque de programmes bien
ficelé pour les activités. L'organisation diplomatique et le
manque d'engagement font également défaut.
En somme, l'application de ces critères permet de
conclure en une faible effectivité du système de contrôle.
Mais, quel est le degré d'efficience du système ?
§III : L'EFFICIENCE DU SYSTEME
De l'efficacité à l'effectivité, il est
important de distinguer l'efficience. Similairement au critère
d'efficacité, celui d'efficience est diversement employé. Il est
généralement entendu au sens économique et se trouve au
coeur des analyses du courant « Law and
Economics » ; lequel courant applique les méthodes
de la science économique à l'étude du droit afin de
mesurer les conséquences économiques des stratégies
juridiques (Ost et Kerchove 2002, 331). L'efficience à la
différence de l'effectivité et de l'efficacité mesure le
coût engagé pour atteindre, par la règle choisie, le but
visé (Uusitalo 1989, 194-201). Ainsi, une règle efficiente est
une règle qui permet d'atteindre l'objet fixé à moindre
coût. En politique publique, l'efficience se mesure en se
référant aux objectifs généraux. Lesquels objectifs
généraux se traduisent dans des programmes opérationnels
et en actions qui disposent de ressources, mesurées par des moyens
affectés. L'efficience mesure le rapport entre : les moyens
affectés et les réalisations (Hadjab 2008, 18).
Dans le même sens, Olivier Charnoz et Jean Michel
Severino définissent l'efficience comme « le rapport entre les
résultats et les coûts du projet » (Charnoz et Severino
2007, 96). Ces différents arguments peuvent être
représentés comme selon le schéma suivant:
Source : Farid HADJAB, « L'évaluation
des politiques publiques : Définitions, préparations,
conditions, exemples ».
http://www.auvergnepro.fr/IMG/pdf_Intervention_FHadjab_06oct08.pdf
Ainsi, peut-on affirmer que le système CEDEAO est
efficient ou non en appliquant ce principe ? Généralement,
un manque d'efficience peut avoir sa source dans un excès de moyens
(projets surdimensionnés ou, à l'inverse, dans la pénurie
de certaines ressources qui limite l'emploi d'autres ressources. Il peut
résulter d'un manque de clarté dans les responsabilités
respectives des partenaires, ou d'une mauvaise articulation des
activités, redondantes ou opposées. L'efficience
transparaît dans le respect des délais, des coûts et du
cahier des charges fixés (Charnoz et Severino 2007, 96).
Dans sa mise en oeuvre, ECOSAP a
bénéficié de soutiens en ressources financières.
Les budgets de 2006-2008 sont respectivement 7.160.000$ US et 8.326.000$ US
(Sallé et Poulton 2008, 51-52).Par conséquent, il convient de
souligner que les soutiens financiers au PCASED et à l'ECOSAP ont
été et sont encore les fondements de la création des
ComNat dans les treize Etats. Les quelques activités effectuées
sur le terrain sont également le résultat des ressources qui leur
ont été allouées. Par conséquent, la
création des institutions est en soit un élément
d'efficience car c'est grâce aux financements que ces institutions ont
été créées. Les ressources financières ont
également favorisé le recrutement de personnel, l'achat de
véhicules pour les ComNat en 2007, l'achat de matériels de bureau
(Mai Moctar Kassouma 2008). Toutes les actions évoquées dans les
critères d'efficacité et d'effectivité sont autant des
actifs. ECOSAP ne venant pas du néant, il s'agira fortifier et de
combler les lacunes du PCASED. C'est ce qu'explique Joseph-Byll Cataria, le
représentant résident du PNUD à Bamako à
l'ouverture du lancement du projet ECOSAP le 6 juin 2006. Il note que :
« Heureusement, nous ne partons pas de zéro dans cette
entreprise. Le nouveau ECOSAP est le résultat des consultations
étroites et de partenariat rapproché entre le secrétariat
exécutif de la CEDEAO, le PNUD et les partenaires au
développement. Il est également bâtit sur les
résultats de PCASED y compris les leçons apprises,
particulièrement en ce qui concerne les facteurs qui ont milité
contre une mise en oeuvre effective sur le terrain. Le programme ECOSAP
fournira un large éventail d'appui technique et financier pour renforcer
la capacité des Commissions Nationales au sein des états membres
de la CEDEAO. Au niveau régional, le programme renforcera la
capacité conceptuelle et de coordination de la toute nouvelle
Unité Armes Légères au sein du secrétariat de la
CEDEAO. Cet appui viendra en complément des efforts actuellement
consentis par le Secrétariat Exécutif de la CEDEAO en vue de
bâtir sa propre capacité à concevoir et à
exécuter, de manière efficiente et durable, ses propres
initiatives de paix et de sécurité » (Cataria
2006). Mais, il est capital de voir comment l'emploi des ressources a permis
d'avoir des résultats. Michel Sallé et Robin-Edward Poulton ont
évalué grosso modo le l'organisation et le fonctionnement des
ComNat qui sont les relais internes d'ECOSAP qui convient exactement
ici :
PAYS /COUNTRIES
|
Legal Status
|
Institutional Capacities
|
Operational Capacities
|
Management and Coordination
|
Overall Assessement
|
Office Space
|
Personal and Compo sition
|
National Workshop and Public dialogue
|
Stocpile Management Works shop
|
National Small Arms Fiel Servey
|
Discussion In focus Groups
|
Review of SALW Impacts
|
Socio-Economic Study of SALW Impacts
|
Pratical Disarmament
|
Supply of Equipment
|
Training
|
Relations with others Institutions, Frequency on
Meetings
|
Benin
|
A
|
A
|
A
|
B
|
B
|
A
|
B
|
C
|
C
|
C
|
A
|
B
|
B
|
B+
|
Burkina Faso
|
A
|
A
|
B
|
A
|
C
|
C
|
C
|
C
|
C
|
C
|
A
|
B
|
B
|
C+
|
Cap Vert
|
C
|
B
|
B
|
A
|
B
|
A
|
D
|
B
|
B
|
C
|
B
|
B
|
C
|
C+
|
Côte D'Ivoire
|
C
|
D
|
D
|
C
|
C
|
C
|
C
|
C
|
C
|
C
|
B
|
B
|
B
|
D
|
Gambie
|
B
|
C
|
C
|
A
|
B
|
C
|
C
|
C
|
C
|
C
|
B
|
B
|
B
|
C
|
Ghana
|
B
|
B
|
B
|
C
|
C
|
C
|
C
|
C
|
C
|
C
|
B
|
B
|
B
|
C
|
Guinée
|
A
|
B
|
B
|
A
|
A
|
C
|
B
|
C
|
C
|
B
|
B
|
B
|
A
|
B-
|
Guinée Bissau
|
A
|
A
|
B
|
A
|
B
|
A
|
B
|
C
|
C
|
C
|
B
|
B
|
B
|
B
|
Liberia
|
B
|
B
|
B
|
A
|
|
B
|
C
|
C
|
C
|
C
|
B
|
B
|
A
|
B-
|
Mali
|
A
|
A
|
B
|
A
|
B
|
A
|
B
|
C
|
C
|
C
|
B
|
B
|
A
|
B+
|
Niger
|
A
|
B
|
C
|
A
|
A
|
B
|
B
|
B
|
B
|
C
|
B
|
B
|
A
|
B++
|
Nigeria
|
C
|
D
|
C
|
C
|
C
|
C
|
C
|
B
|
B
|
C
|
B
|
B
|
B
|
D+
|
Sénégal
|
A
|
B
|
B
|
A
|
C
|
C
|
C
|
C
|
C
|
C
|
B
|
B
|
A
|
B
|
Sierra Leone
|
C
|
C
|
C
|
A
|
C
|
C
|
C
|
C
|
C
|
C
|
B
|
B
|
B
|
C+
|
Togo
|
A
|
A
|
A
|
A
|
B
|
A
|
C
|
B
|
C
|
C
|
B
|
B
|
A
|
B+
|
Source : Michel, Sallé et Robin-Edward,
Poulton. 2008. « Mid-term Evaluation of ECOSAP : ECOWAS Small
Arms Project.
A= Exceptionnel avec quelques limites à
parfaire ; B= Bien, mais avec des problèmes non
significatifs ; C= Plusieurs problèmes à
résoudre ; D= Enormément de difficultés.
A la lecture de cette grille, au moins cinq commentaires
ressortent : La situation normative ; les capacités
institutionnelles ; les capacités opérationnelles ; le
management et la coordination et l'évaluation d'ensemble de
l'efficience.
Premièrement, le cadre législatif et
réglementaire interne : le Benin, le Burkina Faso, la
Guinée, la Guinée Bissau, le Mali, le Niger, le
Sénégal et le Togo sont mieux notés. C'est dire qu'en
principe leurs normes devraient leur permettre de faire face à la
problématique des ALPC. La remarque, c'est que quatre pays parmi
ceux-ci (Burkina Faso, Mali, Niger et Sénégal) ont
déjà ratifié la Convention. La Gambie, le Ghana et le
Libéria sont sous la classe B équivalent à la notation
bien avec quelques difficultés. Quant au Cap Vert, la Côte
d'Ivoire, le Nigeria et la Sierra Leone, ils sont dans la catégorie. Ce
qui suppose l'existence de divers problèmes législatifs et
règlementaires comme la disparité des règles internes et
leur incompatibilité avec les normes CEDEAO.
Deuxièmement, les capacités
institutionnelles : d'une part, la disponibilité des espaces
administratifs, la Côte d'Ivoire et le Nigeria n'ont pas encore de
bureaux. Le bureau nigérian a été fermé en juillet
2008. La Côte d'ivoire n'a jamais eu de local indépendant
consacré à la lutte contre les ALPC (Sallé et Poulton
2008, 20). Cinq pays ont des locaux. Le reste des Etats ont souvent leurs
bureaux inclus dans les locaux de la présidence comme au Niger, à
la primature ou au ministère de la défense. De telles situations
pourraient limiter la marge de manoeuvre des ComNat. L'indépendance
organisationnelle et dynamique est assez contrôlée surtout que le
problème des ALPC reste considéré comme une affaire de
politique étatique. Les ComNat dans de tels cas peuvent subir des
pressions ou être instrumentalisées. Pour ce qui concerne le
personnel et sa composition, la Gambie, le Niger, le Nigeria et la Sierra Leone
rencontre des difficultés notoires. Généralement, il
s'agit de manque de personnes ressources et spécialistes dans le
domaine, de l'absence de la diversité comme la présence de
civils. Huit autres Etats se sont dotés de ressources humaines, mais des
difficultés demeurent. Il s'agit du déficit de formation du
personnel, du non respect de la diversité genre, militaire-civil et
l'absence des acteurs de la société civile. Ici aussi, la
Côte d'Ivoire n'est pas au diapason.
Troisièmement, les capacités
opérationnelles : Un point très remarqué tient au
faite que malgré les quelques succès de désarmement
relevés dans les réflexions de l'efficacité,
énormément de difficultés existent. Ainsi, en
matière de désarmement sur le terrain tous les Etats CEDEAO ont
des problèmes. Les capacités opérationnelles de
désarmement sont insuffisantes car tous les pays en dehors de la
Guinée sont sous la classe C équivalant au chiffre 2 qui montre
la présence de plusieurs difficultés à résoudre.
Le cas de la Guinée pourrait reculer négativement avec la prise
du pouvoir par l'armée. Les préoccupations de désarmement
pourraient être reléguées au second plan. Aussi, dans tous
les Etats CEDEAO, le volet formation du personnel sur le terrain ainsi que des
acteurs locaux n'est-il pas non plus reluisant. Tous les pays écopent de
la classe B équivalent au chiffre 3. Ce qui traduit l'existence de
problèmes même si ces derniers ne sont pas un handicap majeur
à l'organisation et au fonctionnement des ComNat. Sur l'aspect
formation, le problème de la langue de travail reste aigu. La plupart
des représentants des pays lusophones et anglophones comme le Cap Vert,
le Nigeria, le Ghana, la Sierra Leone ne parlent pas français et les
représentants des pays francophones comme le Benin, le Burkina Faso, le
Mali, le Niger et Côte d'Ivoire ne parlent pas couramment anglais alors
que la majorité de la documentation est en anglais. C'est un des
écueils qui devrait être corrigé lors du recrutement du
personnel car le bilinguisme est important dans le domaine du contrôle
des ALPC dominé par des schémas globaux de réflexions, de
prise de décisions et de coopération. En plus, concernant, les
ressources matériels, en dehors du Burkina Faso et du Bénin se
situant dans la grille A correspondant au chiffre 4 qui équivaut
à la disponibilité de telles ressources, tous les autres pays
connaissent quelques difficultés. Ils sont
référencés dans la classe B=3 traduisant la
présence d'obstacles. Lesquels obstacles pourraient être
l'équipement de matériels de bureau comme les ordinateurs, les
imprimantes, les photocopieuses, la connexion Internet, la disponibilité
d'un local adéquat devant abriter le personnel. En ce qui concerne les
études de terrain et d'impacts socio-économiques du
phénomène des ALPC, la majorité des Etats n'ont pas de
compétences à l'exception du Cap Vert, du Niger et du Nigeria qui
s'en sortent un peu quoique des difficultés restent perceptibles au
regard du tableau. Tous les douze autres pays rencontrent d'énormes
problèmes et sont classés dans la grille C correspondant au
chiffre 2. Relativement au contrôle interne des flux des ALPC, neuf Etats
comme le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, la Gambie, la Gambie, la
Guinée, le Libéria, le Nigeria, le Sénégal et le
Togo rencontrent des difficultés. Généralement, ce sont
entre la résistance des populations locales, la corruption et le laxisme
des agents chargés d'appliquer les règles.
Quatrièmement, le management et la
coordination : dans le domaine du management et de la coordination des
relations avec les autres institutions CEDEAO ou nationales et les rencontres
de travail, il y a des difficultés telles que le non respect des
calendriers de travail, la faiblesse du réseau d'information et de
communication entre les différents structures compétentes.
Cinquièmement, l'évaluation d'ensemble de
l'efficience : deux ComNat dont celles de la Côte d'Ivoire et du
Nigeria sont au bas de l'échelle avec D=1 comme
référence : La Côte d'Ivoire avec D et le Nigeria avec
D+. Le D étant moins reluisant que le D+. En Côte, il y a eu aucun
processus d'installation de ComNat alors qu'au Nigeria, la ComNat a
été installé en 2001, mais elle a perdu ses locaux en 2008
(Sallé et Poulton 2008). Cette situation pouvant être liée
aux crises non encore résolues. La suspicion reste de mise entre les
différents acteurs. Ce qui pourrait expliquer le manque d'efficience des
programmes CEDEAO sur le micro-désarmement en Côte d'Ivoire. Pour
le Nigeria, il convient de noter que c'est un pays producteur d'ALPC. C'est un
levier économique jalousement défendu. En outre, cinq ComNat ont
rencontrent quelques difficultés et sont classées dans la
catégorie C ou C+. Ce sont entre autre les problèmes de
capacité organisationnelle et dynamique, de manque de personnel, du
déficit de formation du personnel. Quatre ComNat sont dans la
catégorie B et B- équivalent à une notation assez bien.
Les difficultés qu'elles rencontrent en général sont
similaires aux précédentes. Enfin, quatre ComNat sortent du lot
dans l'évaluation d'ensemble. Parmi celles-ci, deux Etats dont le Mali
et le Niger ont ratifié la Convention.
De cette évaluation, il semble ressortir parfois
quelques contrastes à chaque étape. La disponibilité des
locaux ne favorise pas forcément une efficience sur le terrain comme le
cas du Burkina Faso tout comme l'absence de locaux n'handicap l'efficience
comme le cas du Niger.
Quant à l'impact du système, il faut souligner
que le processus de contrôle est bien en cours. Même si les
résultats sont en deçà de l'attente vue les huits millions
d'ALPC encore en circulation dans la région, le processus avance tant
bien que mal. Le changement des comportements, l'intégration et
l'appropriation des politiques de contrôle des ALPC reste alors un
travail de longue haleine. Enfin sur l'utilité du système qui
permet de mesurer les répercussions générales par rapport
aux enjeux, il convient de souligner que malgré les efforts accomplis,
la tâche reste ardue. Certes, le système CEDEAO reste utile, mais
d'autres efforts non des moindres sont à fournir.
En définitive, ce chapitre a permis de faire une
évaluation du système CEDEAO de contrôle des ALPC. Il
ressort des actifs à mettre sur le compte de ces stratégies.
Toutefois, le passif reste énorme et le chemin est encore long pour
endiguer ce phénomène. Et, pour réellement faire face
à cette problématique, il est nécessaire de s'attaquer aux
nombreuses limites.
CHAPITRE III : LA NECESSITE DE CONTENIR LES
LIMITES
POUR UN REEL
CONTRÔLE DES ALPC
Les réflexions antérieures ont
décelés des acquis tant au plan normatif et institutionnels dans
les politiques CEDEAO de contrôle de transferts des ALPC. En termes de
comparaison, la CEDEAO est même en avance par rapport aux régions
d'Asie Centrale et Orientale où les systèmes de lutte des ALPC
sont encore lacunaires et gangrénés par les conflits latents et
ouverts aussi bien intra-étatiques qu'interétatiques
(Kytömäki 2005). Partout dans le monde, peu d'Etats parviennent
à contrôler les flux des ALPC. C'est un domaine complexe. Ainsi,
il serait déraisonnable de flécher le système
ouest-africain sans montrer ces aspects positifs. Le faire reviendrait à
jeter le bébé avec l'eau du bain. Mais, les acquis ne doivent pas
être pris pour une satisfaction complète car de ce qui
précède, il ressort des handicapes non des moindres. Ces limites
sont tant normatives et institutionnelles qu'extra normatives et
institutionnelles (SECTION I). Par ailleurs, s'il est bien de
relever ces limites, il est encore mieux de faire des propositions,
peut-être audacieuses, pour un contrôle réel des transferts
des ALPC (SECTION II).
SECTION I : LES LIMITES AU SYSTÈME DE
CONTRÔLE
DE TRANSFERTS DES ALPC
Quelques soient les progrès
législatifs, institutionnels et pratiques, le système CEDEAO
comporte des limites qui méritent d'être analysées. Ces
limites sont d'une part d'ordre normatifs et institutionnels (§I)
et, d'autre part d'ordre extra-normatifs et institutionnels
(§II).
§I : LES LIMITES NORMATIVES ET INSTITUTIONNELLES
Au titre des limites normatives et institutionnelles, deux
idées centrales sont à mettre en exergue : les sources
normatives sont caractérisées par la fragmentation et
l'imbrication. Les institutions souffrent aussi de manque de capacité.
Le transfert des ALPC est à multiples facettes dans son
objet, ses acteurs et/ou ses finalités. Il se prête mal à
une règlementation générale qui prenne en compte tous ses
aspects surtout que cette activité est au coeur des enjeux
économiques, militaires, politiques et stratégiques. De fait,
l'atomisation de ses bases normatives est plausible à la simple
observation. Il y a aussi bien au plan vertical qu'horizontal une fragmentation
matérielle et spatiale des règles.
D'une part, la pluralité des règles sur le
transfert des ALPC est le miroir de la diversité de l'objet, des sujets
et des techniques. La diversité des règles reflète la
diversité de l'objet d'une manière mécanique. Il n'est pas
facile de parvenir à une règlementation générale
des ALPC dès lors que l'objet à règlementer est
diversement défini. La Convention CEDEAO intègre les munitions et
les matériels connexes au titre des ALPC au même titre que le
Protocole onusien de 2001. Cependant, la définition des armes à
feu retenue par l'ONU et celle de l'Organisation des États
américains (OEA) sont différentes (Alfonso De Alba 2002, 57-60).
Un autre différence est que la CEDEAO ne considère pas les armes
comme les autres marchandises ainsi que le prévoit l'article 45 du
Traité Révisé CEDEAO alors que très souvent, les
gouvernements insistent pour que les ALPC soient considérées
comme n'importe quel autre produit commercial et s'opposent à un
contrôle strict argumentant que le commerce des ALPC relève d'une
politique souveraine et étrangère des Etats (Berkol 2007). Par
exemple, Au sein de la CEDEAO, aucun pays n'a encore intégré la
définition communautaire dans sa législation. Il ressort une
panoplie de définition, de classification, de principes directeurs. Une
autre distinction majeure qui complexifie l'objet concerne les transferts des
ALPC en faveur des Acteurs Non Etatiques. L'opposition reste forte entre les
USA et les pays en voie de développement. La CEDEAO interdit
formellement les transferts vers les Acteurs Non Etatiques aux termes de
l'article 3 alinéa 2 alors que les USA par exemple sont opposés
à ce principe.
La diversité des règles est le reflet de la
diversité des sujets. Les transferts des ALPC n'est le seul fait des
personnes de droit privé pratiquant
« l'aventure » (Yakemtchouk 1979, 71). Ces
transferts sont à la charge de divers Etats et plusieurs
sociétés multinationales. Les Etats peuvent être
exportateurs, importateurs ou les deux à la fois, en guerre ou neutres,
alliés ou non alliés et surtout dotés ou des industries
d'armement. Des armes peuvent être achetées par un Etat A qui les
réexporte au moyen des moyens matériels d'un Etat B en faveur
d'un autre Etat C. Cette diversité de situations augmente les
divergences d'intérêts et constitue autant d'embûches pour
le contrôle des ALPC. Le commerce des armes revêt des implications
politiques, économiques stratégiques que les pouvoirs publics ne
veulent en aucune manière abandonner aux mains des
sociétés privés. Les grands Etats exportateurs mondiaux
sont devenus eux-mêmes des industriels par l'entremise des
nationalisations et de prises de participations majoritaires. En France par
exemple, la majorité du domaine de l'armement est chapoté par les
pouvoirs publics depuis les nationalisations de 1937. La diversification des
sources juridiques est issue des regroupements de sociétés.
Lesquelles signent des accords de coproduction, des consortiums. Depuis 1990,
sous la pression des groupes militaires et économico-industriels, il
s'est crée en Europe plusieurs regroupements : 1990, Matra Marconi
Space (Matra, GEC-Marconi); en 1991, Eurocopter ( DASA, Aérospatiale);
en 1994, Thomson Dasa Armement (Thomson-Brandt Armement, Wirksystem); en 1996,
Thomson Marconi Sonar (Thomson-Csf, GEC-Marconi); en 1996, Matra BAe Dynamics
(Matra, BAe); en 1998, Alenia Marconi Systems (Finmeccanica, GEC-Marconi)
(Masson 2009, 2). Du coup, « la fiscalité, le calcul des
profits, le régime des droits de propriété industriels et
surtout la procédure des exportations varient par conséquent au
gré de la localisation de ces consortiums » (Martinez
1984, 149).
Enfin, la diversité des règles reflète
la diversité des techniques juridiques d'une façon
évidente. L'acquisition des ALPC peut s'effectuer suivant diverses
formules, depuis la vente de la matière première jusqu'à
la coproduction avec la possibilité intermédiaire et
fréquente d'une production sous licence. C'est une totale parcellisation
des règles commerciales et contractuelles.
Ces fragmentations juridiques auxquelles les règles
bilatérales entre Etats viennent complexifier le contrôle des
transferts des ALPC. Le flou est renforcé dès lors que
l'harmonisation des législations ouest n'est pas effective. Aussi, ces
armes circulent entre diverses mains. Elles sont portatives et ont un cycle de
vie souvent long et complexe. Les règles de droit ne comblant pas tous
ces éléments, il est évident que les hiatus existent.
D'autre part, l'imbrication des sources normatives des ALPC
tient au fait que le commerce des ALPC résulte des compromis entre les
pouvoirs publics et privés. Activités qui engagent l'Etat, les
importations et les exportations des ALPC demeurent en majorité le fait
de sociétés de droit privé. Ce qui engendre une
imbrication des règlementations internationales et internes, publiques
et privées. Cette situation est assez forte avec le foisonnement des
sociétés de sécurité privée et la
privatisation de la violence. C'est ce que résume fidèlement
Jean-Michel Martinez lorsqu'il écrit « L'universel des
problèmes posés, par le commerce des armes, s'imbrique ainsi avec
le régional de certains solutions et la liberté de principe, pour
les transactions, cherche un compromis avec des prohibitions
diverses » (Martinez 1984, 150). Grosso modo, le
phénomène s'observe à deux niveaux : l'imbrication
des règles posées et l'imbrication des champs d'action
définis. Ces points ont déjà fait l'objet de
réflexions au titre des critères de cohérences de normes
concernant la CEDEAO. Mais, cette évidence se trouve aussi dans les pays
exportateurs d'armes. Le dénominateur commun reste que « le
commerce des armes est soumis à un jeu juridique qui se joue en double
mixte. Le droit international s'interprète avec le droit interne et le
droit privé avec le droit public ». (Martinez 1984, Ibid.).
Par exemple si le gouvernement Malien fait une commande d'armes à une
entreprise Suisse d'armement. Cette dernière étant régie
par la « Loi fédérale sur les entreprises
d'armement de la Confédération (LEAC) du 10
octobre 1997 » qui reconnaît la mixité juridique.
Ces mêmes armes peuvent être livrées par une
société de droit privé basée en France au profit du
Mali. C'est les législations Malienne, Suisse (mélangeant
peut-être le droit public et privé Suisse), Française
(mélangeant peut-être le droit public et privé
Français) en passant par les normes CEDEAO qui sont en jeu. Ces
transactions sont coiffées par des règles de droit international
car même si les exportations et les importations des ALPC sont pour
l'essentiel régentées par les droits internes, le droit
international conditionne la passation du contrat de fournitures et parfois
aussi son application. Ce phénomène est plus observables dans les
transactions des avions de combats, des chars et autres types d'armement plus
lourds. Un autre exemple d'imbrication du droit administratif pour l'octroi des
autorisations, du droit douanier pour le contrôle aux frontières
et le droit fiscal qui soumet les stocks à des
prélèvements.
La diversité des règles aussi bien au sein des
pays producteurs et vendeurs qu'au sein des pays acheteurs, alors même
que ces différents Etats ont élaborés des normes
communautaires auxquelles ils sont sensés se soumettre, n'est pas
aisée à saisir pour le commun des mortels. C'est le cas de l'UE
et de la CEDEAO. En réalité, ces disparités rendent le
contrôle des transferts des ALPC difficile (Marinez 1984) quoiqu'une fois
la Convention en vigueur tous les Etats CEDEAO devraient se soumettre au cadre
général règlementant les transferts des ALPC et du droit
international public. Les difficultés deviennent plus ardues dès
lors qu'il s'agit des transferts gris, illicite ou la production artisanale des
ALPC. Lesquels transferts sont faits par le contournement ou la violation des
normes. En tout état de cause, les limites ne sont pas seulement
normatives, elles sont aussi institutionnelles.
Concernant les limites institutionnelles, il est
évident que les institutions CEDEAO sont en carence de
capacités : capacité organisationnelle et capacité
dynamique. Le concept anglais de « capability », qui
tire son origine du latin « capacitas » et
« capax » convient au terme de capacité en
français. Il renvoie selon le Robert de poche soit à
l'idée de la contenance soit à celle de l'aptitude, de
l'habileté, de la faculté, de la force ou du pouvoir de
réaliser quelque chose de même qu'à la qualité de
quelqu'un qui est en état de comprendre ou de faire quelque chose
(Robert de poche 2009, 102). Le concept de capacité remplit l'espace
qui existe entre l'intention et le résultat, en prenant pour acquis que
le résultat est conforme à l'intention initiale. Du reste, si le
concept de capacité convient parfaitement à la description d'un
individu, nous pouvons toutefois l'employer au niveau organisationnel pour
décrire l'habileté ou l'aptitude d'une organisation pour
réaliser ses activités (Renard et St-Amant 2005, 3).
Plusieurs auteurs en management, administration publique ont
traité de la capacité organisationnelle d'une entreprise, d'une
organisation ou d'une institution. Selon Laurent Renard et de Gilles E-
St-Amant la capacité organisationnelle est :
« l'habilité ou l'aptitude de l'organisation pour
réaliser ses activités productives de manière efficiente
et efficace par le déploiement, la combinaison et la coordination de ses
ressources et compétences à travers différents processus
créateurs de valeur, selon les objectifs qu'elle avait définis
précédemment, c'est-à-dire en prenant pour acquis que le
résultat est conforme à l'intention initiale ou à tout
changement dans cette intention » (Renard et St-Amant 2005, 8).
Quant à la capacité dynamique, ces mêmes auteurs la
définissent comme : « tout processus
composé d'un ensemble d'activités identifiables, qui permet la
transformation d'une capacité organisationnelle ou la création
d'une nouvelle capacité à travers l'investissement dans les
ressources et l'apprentissage de nouveaux savoir agir pour soit réagir
aux transformations de l'environnement ou bien pour les initier (adaptation ou
transformation). La capacité dynamique est liée à la
nécessité de gérer organisationnellement une
capacité organisationnelle et en corollaire les savoir agir de
l'organisation » (Renard et St-Amant 2005, 14).
Ce sont ces capacités organisationnelle et dynamique
qui font défaut aux institutions CEDEAO en matière de
contrôle des ALPC ; et ce aussi bien les institutions communautaires
que les institutions nationales. Au niveau des domaines de l'armée et
des services de police, il règne dans presque tous les pays un certain
manque d'organisation interne pour coordonner les activités sur le
terrain. Les armées ouest-africaines et même africaines sont en
déficit de capacité organisationnelle. Elles sont
généralement contrôlées politiquement et
traversées par les réseaux de corruption, de clientélisme,
de patrimonialisation et de personnalisation du pouvoir. Les divisions au sein
des forces armées et de sécurité témoignent de la
cacophonie qui y règne. La « politique du
ventre » au sens de François Bayart avec son lot de
conflits internes ne sont pas en faveur d'un réel contrôle des
ALPC. Les 21 et 22 décembre 2006, au Burkina Faso, les militaires et les
policiers se sont affrontés avec des armes lourdes en plein centre ville
de la capitale Ouagadougou faisant d'énormes dégâts
matériels et des pertes en vie humaines. Les conflits entre les
régiments présidentiels et les autres corps militaires et
policiers sont monnaie courante surtout que le syndrome des coups d'Etats a
refait surface : les cas de la Guinée le 23 Décembre 2008,
du Togo en avril 2009 ; les assassinats : le cas de Bernardo Vierra
en mars 2009. Ceci montre que l'organisation au sein des services en charge
d'aider les Commissions nationales est traversée de conflits latents
et/ou ouverts rendant les règles d'organisation internes presque
impossible. Au sein de Commissions nationales, le remplacement des dirigeants
conduit chaque fois à une reprise d'organisation interne. C'est le cas
au Burkina Faso, au Sénégal, en Gambie. Une étude de
terrain menée par le Centre Canadien et de Coopération
Internationale (CECI) en 2006 dans les localités de Koina en Gambie, de
Samine au Sénégal, de Koumbia en Guinée et de Bigene en
Guinée-Bissau ont permis de déceler les failles suivantes :
Les critères de sélection et termes de références
des membres du Comité local et des acteurs de sensibilisation ne sont
pas assez discutés et compris au sein des communautés ; les
Comités de pilotage ne se réunissent pas selon la
fréquence souhaitée ; il y a des difficultés de
communication et de coordination entre l'ONG locale et le point focal ; la
méconnaissance des législations nationales ; l'animation
insuffisante des ONG locales et les points focaux sur les projets locaux ;
la discontinuité dans les descentes de terrain ; les acteurs locaux
ne sont pas encore suffisamment outillés sur les stratégies des
projet s locaux de lutte contre les ALPC ; les heurts et les
incompréhensions parfois entre partenaires sur le terrain ;
l'insuffisance de l'information des autorités sur l'état
d'avancement des programmes sur le terrain auprès des populations
locales et la non définition des modalités de collecte,
stockage et de destruction des ALPC. Les capacités organisationnelles et
dynamiques sont faibles. Par conséquent, les limites institutionnelles
sont à renforcer au risque de ne pas pouvoir contrôler les flux
d'ALPC. Aussi, existe-t-il des limites extra-normatives et institutionnelles.
§II : LES LIMITES EXTRA NORMATIVES ET
INSTITUTIONNELLES
« La signature, l'adhésion ou la
ratification d'un traité par un Etat n'empêche pas ce même
Etat d'agir dans la logique inverse du traité qu'il a
signé » (Valvarede 2004, 35). Cette citation
traduit parfaitement toute les imprévus qui entourent la
problématique des ALPC. Le marché des ALPC est entouré
d'énormes risques et incertitudes. Selon le Small Arms Servey, il peut
« être représenté sous la forme de deux
cercles se chevauchant. Les transferts autorisés sont les transferts
autorisés par au moins un gouvernement. Les transferts irresponsables,
également appelés transferts sur le marché gris, sont des
transferts autorisés par un gouvernement, mais qui sont d'une
légalité douteuse, du moins du point de vue du droit
international (risque important d'utilisation abusive) ou irresponsables
à tout autre égard (risque important de détournement vers
des destinataires non autorisés). Les transferts illégaux sont
synonymes de transferts sur le marché noir. Les deux expressions font
référence aux transferts qui ne sont autorisés par aucun
gouvernement. Les transferts illicites englobent les transferts irresponsables
et les transferts illégaux (marché gris/noir). Les transferts
secrets sont les transferts dans lesquels les gouvernements dissimulent leur
participation - souvent, mais pas toujours, parce qu'ils sont
illicites » (Small Arms Servey 2007, 74).
Rapport 2007: Small Arms Servey 2007, 74
Cette figure est le reflet fidèle du champ des
transferts des ALPC. Une géographie des flux des armements donne une vue
claire des enjeux hors normes du commerce des armes, des ruses entre les Etats,
des secrets, de l'opacité, des duperies et de la matérialisation
du principe « gagnant-gagnant » qui gravitent autour du
champ commercial hautement protégé et piégé par les
complexes militaro-industriels et économico-politiques. Divers obstacles
battent en brèche les systèmes normatifs et intentionnels qui
sont sensés assurer le contrôle de transferts des ALPC : les
complexes militaro-industriels et économico-industriels ; les
circuits rampants des marchés légaux aux marchés illicites
et gris, les transferts irresponsables, les fabrications locales des armes.
L'exemple de l'entreprise Carlyle met à nu à
la fois le lien entre l'industrie et le militaire, mais également le
poids, voire même l'instrumentalisation, du politique au profit des
logiques commerciales et financières. Carlyle est un des premiers
investisseurs privés au monde avec la gestion de dix huit (18) milliards
US. Elle est particulièrement implantée dans le secteur de
l'armement (ainsi que dans les domaines de la haute technologie, du spatial,
les nanotechnologies, la sécurité informatisée, les
télécommunications). Cette puissance financière
créée en 1987 est par exemple le principal actionnaire de
l'United Defense Industries, un des premiers fournisseurs du Pentagone
notamment pour les missiles, mais finance également de nombreuses autres
entreprises ayant pour clients les gouvernements et administrations. D'ailleurs
la société Carlyle le dit elle-même dans une de ces
brochures : « Nous investissons dans des opportunités
créées dans les industries fortement affectées
par des changements de politique gouvernementale » (d'après
l'article « L'empire Carlyle » (Le Monde 2004). En d'autres termes,
les profits sont étroitement dépendants de la politique. Mais, le
cas Carlyle présente une singularité qui montre que la collusion
peut aller encore plus en avant. Ainsi, l'ancien président Georges Bush
a occupé de 1993 à 2003 un poste de conseiller au sein de la
firme ; tandis que son fils, G.W.Bush, avant dernier président des
Etats-Unis, avait vu Carlyle lui trouver un poste d'administrateur dans une
société en 1990. Un rapprochement entre des hommes de pouvoir
politique et l'industrie militaire dans laquelle ils ont des
intérêts particuliers qui fait dire à certains observateurs
non partisans que Georges Bush père a gagné de l'argent provenant
d'entreprises privées travaillant pour le gouvernement que dirige son
fils (ce dernier pourrait bien tirer plus tard les bénéfices des
investissements de son père et de la politique qu'il a mené).
D'autres personnalités majeures de la politique internationales
travaillent ou ont travaillé au sein de Carlyle. Parmi eux, Frank
Carlucci, ancien directeur de la CIA, conseiller à la
sécurité nationale et secrétaire à la
défense de Donald Reagan (et ami proche de Donald Rumsfeld), l'ancien
premier ministre britannique John Major, l'ancien premier ministre de
Corée du Sud Park Tae Joon, l'ancien président philippin Fidel
Ramos, le prince saoudien al-Walid, l'actuel secrétaire d'Etat des
Etats-Unis Colin Powell, un de ses prédécesseurs, James Baker
III, Caspar Weinbarger, ancien secrétaire à la défense, la
fille de l'ancienne secrétaire d'Etat Madeleine Albright, des membres de
la famille de Ben Laden. (Valvarede 2004, 19-20). Si cet exemple repris
à Benjamin Valvared ne permet pas d'affirmer que la sève du
favoritisme a circuler entre les leaders militaires, politiques et
économiques, il n'est pas déraisonnable de penser les
accointances n'ont pas manqué entre eux quoique la présomption
d'innocence reste à promouvoir. Les pareils accointances sont de mises
dans l'arène de la « France-Afrique » selon les
termes de François Xavier Verschave. L'exemple de l'Agolagathe montre
aussi les difficiles détachements entre les champs militaires,
industriels, politiques et économiques lié au commerce des armes
auquel les ALPC n'échappent pas.
Les circuits rampants des ALPC peuvent être
considérés comme ceux qui partent des circuits légaux vers
les marchés illicites ou gris comme le présente la figure
suivante :
Production légale
Privé (Entreprises,
particuliers)
Gouvernement
(Forces armées, forces de l'ordre, gardes royales)
Privé
(Entreprises, particuliers)
Gouvernement
(Forces armées, forces de l'ordre, gardes royales)
Paramilitaire
(Milice, groupes d'autodéfense)
Acteur non gouvernementale
(Rebelle)
Crime
(Organisé, non organisé)
Privé
(Entreprises, particuliers)
Gouvernement
(Forces armées, forces de l'ordre, gardes royales)
Crime
(Organisé, non organisé)
Acteur non gouvernementale
(Rebelle)
Paramilitaire
(Milice, groupes d'autodéfense)
Chaîne des possibilités relatives au
transfert d'armes : Small Arms Servey 2002, 110
Le circuit légal est la principale source des
transferts des ALPC. On estime que 80 à 90% du commerce mondial des ALPC
s'effectue légalement. Les principaux acquéreurs sont les Etats
et des particuliers en vue des besoins de défense, de
sécurité ou de loisir (Small Arms Servey 2002, 109). Un certain
nombre d'Etats s'efforcent d'être transparents au fil des années.
Par exemple en 2008, les Etats les plus transparents dans les exportations
étaient : les Etats-Unis, l'Italie, la Suisse, la France, la
République Slovaque et le Royaume-Uni. Par contre, les moins
transparents sont l'Iran et la Corée du Nord, qui réalisent tous
deux un score de zéro (Small Arm Servey 2008, 114). En 2009 en revanche,
c'est la Suisse, suivie par la Grande Bretagne, l'Allemagne, la Norvège,
les Pays-Bas, la Serbie, les USA, le Danemark, la Roumanie, la Slovaquie, et la
Suède qui sont les onze (11) qui sont les plus transparents sur un total
de quarante cinq pays répertoriés (Small Arms Servey 2009,
49-50). On voit que certains grands producteurs comme la France, la Chine, la
Russie, l'Iran, le Brésil, le Japon, l'Afrique du Sud sont loin
d'être transparents. Un signe encourageant, c'est quelques pays d'Europe
sont de plus en plus transparent. Il s'agit entre autres de la Serbie, de la
Roumanie, de la Slovaquie (Small Arms Servey 2009, 49), jadis
considérés non seulement comme le terroir des grands stocks
d'ALPC après la guerre froide, mais aussi les exportateurs d'ALPC vers
les acteurs non étatiques en Afrique de l'Ouest (Leger 2007). D'autres
pays comme la Bulgarie et l'Ukraine exportant des ALPC vers l'Afrique de
l'Ouest (Berman 2001 ; Leger 2007) sont moins transparents (Small Arms
Servey 2009, 50).
En tout état de cause, les armes légalement
exportées ou importées tombent aux mains de réseaux
beaucoup peu désirables. Les armes sont soit détournés
librement par les bénéficiaires officiels vers des milices, des
groupes rebelles comme le montre la figure ci-dessus. L'affaire Gérard.
Desnoe racontée par Laurent Léger dans son ouvrage
« Trafics d'armes : Enquête sur les marchands de
mort » est une illustration parfaite. En effet, en
1999, Gérard. D. se rend en Roumanie mandaté par C. B., homme
d'Etat ouest-africain pour acheter des armes : 100000 cartouches, dix
lanceurs de missiles et quelques dizaines d'autres engins de guerre. G. D.
dispose d'un certificat de non-réexportation signé du chef
d'état-major particulier de C.B. Ces armes vont être
livrées par une société basée dans un paradis
fiscal Chypre ou Panama dit G. D. qui défend avoir accomplit sa
tâche pour le compte d'un Etat. Les armes d'une valeur de trente cinq
(35) tonnes ont été livrées au pays en question en mars
1999. Mais, ces armes on été affrétées au
Libéria alors sous embargo onusien. Epinglé par les Nations
Unies, G.D. se dit victime car en aucun moment, « Jamais je n'ai
moi-même acquis les matériels pour les revendre via une quelconque
société off-shore » (Leger 2007, 265). Cet auteur
mentionne aussi que selon plusieurs rapports onusiens, le Burkina Faso est un
pivot dans les livraisons des armes au Libéria et en Sierra Leone.
D'autres exemples comme l'affaire Minin, l'affaire Victor Bout
témoignent des contournements des règles dans les transferts
d'armes. En réalité, ces pays comme le Burkina Faso, la
Côte d'Ivoire, la Guinée et autres ne sont que les boucs
émissaires de nations beaucoup plus puissantes. Quand l'affaire G. D. a
mis sur la table du Conseil de Sécurité de l'ONU et son nom a
été mis sur liste noire, un bras de fer est né entre
certains Etats. G. D. par ce que Laurent Léger appelle
« une curieuse mission de la DGSE ». En octobre
2004, François D., le conseil de G. D. raconte «
Après un rendez-vous avec la délégation française
de l'ONU, à New York, je me suis arrêté pour
déjeuner rapidement, puis ai pris le chemin de mon hôtel, le
Radisson, situé sur Lexington Avenue, à quelques centaines de
mètres de là. Soudain, deux types en costumes foncé
m'arrêtent et me demandent en anglais si je suis le conseil de G. D. On
vous conseille de laisser tomber ce dossier, me disent-ils. Tout ça
s'est passé en quelques secondes, sans violence physique. Je n'ai
jamais su ce qu'il y avait derrière, mais, personne n'avait
été informée de mon rendez-vous ce jour là avec la
représente de la délégation
française » (Leger 2007, 273). En 2005, G. D.
reçoit la visite de deux agents se présentant comme de la DGSE
qui lui disent : « Pas la peine d'approcher les
Américains ou les Anglais, seule la France peut vous aider »
(Leger 2007, Ibid.). En mars 2005, la Grande Bretagne demande au Conseil
de Sécurité de rayer le nom de G.D. de la liste noire. La France
en fait autant, mais deux Etats refusent la radiation. En début 2006,
puis en juin 2006, G. D. saisit le Conseil de Sécurité, un Etat
s'oppose à ce que son nom soit ôté de la liste noire.
Contre toute attente, le procureur du Tribunal pour la Sierra Leone, en charge
du dossier de Charles Taylor, destitué et arrêté entre
temps assure à G.D. « qu'aucune charge relevant de la
compétence du Tribunal, crime contre l'humanité ou crime commis
sur le territoire de la Sierra Leone depuis 1996, ne lui serait
reprochée » (Leger 2007, 274). Avec toute la distance
scientifique que l'on peut prendre et avec les règles de
présomption d'innocence qu'on peut évoquer, cette affaire montre
comment les transferts des armes peuvent tripatouiller ou mépriser la
règle juridique, sensé appliquer la sanction pour assouvir les
intérêts des nations. L'Afrique de l'Ouest en particulier le
Burkina Faso n'est pas le seul Etat à indexer.
Les USA soutiennent ouvertement les livraisons des armes aux
groupes rebelles et, ce de façon clandestines au titre du
« National Security Act de 1947 ». La section 505
de cette loi impose que la CIA et les autres agences engagées dans de
telles activités fassent notification aux Comités du
Congrès, chargés de superviser les activités de
renseignement, de toute livraison d'armes excédant un million de
dollars. Sous ce chapeau des armes ont été livrées en
ex-Zaïre, en Angola au Nicaragua (Bagayoko 2003, 592). En avril 2009,
selon des informations parvenues à Amnesty International, le Wehr Elbe,
un cargo allemand affrété et contrôlé d'un point de
vue légal par le commandement du transport maritime militaire des
États-Unis est arrivé au port israélien d'Ashdod, à
40 km au nord de Gaza par la route, et a déchargé sa
cargaison composée semble-t-il de plus de 300 containeurs. Le Wehr
Elbe a quitté les États-Unis à destination d'Israël
le 20 décembre 2008, une semaine avant que ne débutent les
attaques israéliennes contre Gaza, avec une cargaison de
989 containeurs de munitions, de 6 mètres de long chacun, pour
un poids total estimé à 14 000 tonnes.
« D'un point de vue légal et moral, le gouvernement de
Barack Obama aurait dû mettre fin aux livraisons d'armes
américaines, à la lumière des nombreux
éléments attestant que les forces israéliennes se sont
récemment servies d'équipements militaires et de munitions de ce
type pour commettre des crimes de guerre, a affirmé Brian Wood.
Fournir des armes dans ces circonstances est contraire aux dispositions du
droit américain. » Interrogé au sujet du Wehr
Elbe, un porte-parole du Pentagone a confirmé à Amnesty
International que « le déchargement de toute la cargaison
de munitions américaines s'est achevé avec succès à
Ashdod [Israël] le 22 mars ». (Amnesty
Internationale 2009). L'approvisionnement gouvernemental à des acteurs
non étatiques ont été légion surtout pendant la
guerre froide (Small Arms Servey 2002, 129). En réalité, les
interconnexions dans les transferts des ALPC sont fortes. C'est ce que Jean de
Tonquedec et Jérôme Marchand souligne dans leur ouvrage
« Marchand d'armes ». Ce qui reste évident,
c'est que le début des circuits est généralement
légal. Les détournements, les vols, les opérations
d'assistance sont les canaux de transit entre le marché légal et
les marchés gris et illicite des armes. Concernant le cas des vols,
l'exemple malien convient ici : « Les arsenaux des forces
rebelles se composaient pour l'essentiel d'armes subtilisées et
prélevées dans les réserves de l'armée malienne.
Cette affirmation est étayée par le fait que les armes des
groupes étaient principalement d'origine russe et chinoise (...) en
provenance des soutiens soviétiques en faveur des autorités
maliennes au cours des années 70 et 80 selon Charles Heyman, cité
par Nicolas Florquin et Eric G. Berman. En conséquence, des armes telles
que le fusil d'assaut belge FN CAL, et son successeur, le FN FNC, que les
rebelles avaient achetés en faibles quantités en Mauritanie, ne
furent guère utilisées, car elles fonctionnaient avec des
munitions de type OTAN (calibre de 5.56 x 45 mm). De telles munitions
étaient inhabituelles au Mali - et dès lors, difficiles à
trouver. L'armée malienne aurait également fourni des armes aux
unités d'autodéfense créées en réponse
à la rébellion touareg, embryon du futur MPGK selon Kalifa Keita
1998, 20, cité par Nicolas Florquin et Eric G. Berman. A l'instar de
leur pendant touareg, elles comptaient en leurs rangs des soldats
déserteurs de l'armée malienne selon Lecocq Baz, 2004, toujours
cité par Nicolas Florquin et Eric G. Berman, qui avaient emporté
leurs armes (Poulton et Ag Youssouf, 1998, 71; Keita, 1998, 20 et
Baqué 1995). De plus, certains soldats ont également vendu leurs
armes à des combattants du MPGK au cours de la
rébellion » (Florquin et Berman 2006, 50-57). En
conséquence, les sources des ALPC sont plusieurs comme le traduit la
figure ci-dessous.
Gouvernements frappés d'embargo
Groupes paramilitaires non autorisés
Gouvernement (forces armées, forces de l'ordre, gardes
royales)
Acteurs non gouvernementaux
Groupes paramilitaires autorisés
Eléments criminels (Organisés,
non organisés)
Utilisateurs privés autorisés
(Entreprises, particuliers)
Utilisateurs privés non autorisés (Entreprises,
particuliers
Transferts possibles du marché légal
aux marchés illicites : Small Arms Servey 2002, 129
En outre, il y a les transferts proprement illicites, non
autorisés et irresponsables soit à l'endroit d'un Etat
généralement sous embargo comme le cas du Libéria et de la
Sierra Leone, soit à l'endroit des acteurs non étatiques dont les
groupes rebelles. C'est le commerce de fourmi (Small Arms Servey 2002, 135).
C'est ce dernier point qui est à démontrer ici. L'exemple de
Victor Bout que Laurent Léger surnomme le « Bill
Gates » des trafics est assez troublant et plausible. C'est lui qui a
entre autres transporté les troupes françaises de Turquoise,
vendu des armes aux groupes rebelles de Charles Taylor, en Somalie
(Léger 2007, 69-88). Au Nigéria, une des sources des armes qui
alimente l'insécurité et la violence armée est illicite.
Ainsi, « « un leader de groupe affirme que des armes
sont fournies par les navires amarrés au large des côtes de l'Etat
de Rivers et peuvent être achetées par quiconque peut se les
offrir. Warri, la capitale de l'Etat du Delta, est également connue
comme une importante plaque tournante du trafic d'armes. Les contrebandiers de
Guinée-Bissau, du Gabon et du Cameroun utiliseraient des hors-bords pour
rejoindre les bateaux amarrés au large et acheter des armes qu'ils
revendent ensuite à leurs communautés respectives à Warri,
où elles sont souvent passées en contrebande ailleurs »
selon Obasi Nnamdi K. en 2002, repris par Florquin et Eric G. Berman 2006
(Florquin et Berman 2006, 25). Ces éléments montrent les voies
difficilement repérables propres aux flux des armes. Autant les circuits
légaux sont nombreux, les circuits illicites ne sont des moindres.
Ces flux illicites sont nourris par la production artisanale
des ALPC soit pour des raisons purement économiques soit pour des
raisons culturelles.
Un fabricant traditionnel au Mali :
Source : Journal, L'Opinion du 6 septembre 2007
www.lefaso.net
Economiquement, ces armes servent de levier économique
jalousement gardé par les producteurs des pays pauvres. Au Burkina
Faso, ils sont nombreux à tirer leur pitance quotidienne de
l'activité commerciale des armes. C'est le cas du vieux Karamoko
TRAORE. La soixantaine bien sonnée,
« papa » comme l'appellent affectueusement ses
proches tire ses revenus de la fabrication, la vente et des réparations
des armes « Les armes chez moi, c'est une histoire de famille.
Mon père a appris avec son père, j'ai appris avec lui,
aujourd'hui mon fils aîné est prêt pour me remplacer. C'est
un héritage qui se transmet de père en fils »
(L'Opinion 2007). Cependant à cause de la règlementation qui
devient de plus en plus stricte sur les conditions d'obtention de permis
d'achat d'armes, Karamoko Traoré est amère dans ses propos :
« L'Etat est bête quoi. S'il croit que ce montant va nous
dissuader, il se trompe. Si c'est trop cher, on va se cacher pour fabriquer. Et
je vous dis, même au temps des colons, il y avait deux gardes-cercles en
poste devant notre concession familiale pour contrôler mon
grand-père puisque la fabrication était interdite. Ça ne
l'a pas empêché de faire son travail. A chaque fois que le colon
entendait le marteau taper sur l'enclume, il débarquait et constatait
que c'était une pédale de vélo qu'on réparait, mais
ce qu'il ne savait pas c'est que c'était une arme. J'ai même perdu
un oncle dans les geôles du colon mais ça n'a pas
arrêté notre travail, bien au contraire »
(L'Opinion 2007). Au Ghana par exemple, la fabrication locale des ALPC a pris
une envergure inquiétante. Selon Emmanuel Kwesi Aning dans son
étude « Les dessous de la fabrication artisanale des armes
au Ghana », « Le Ghana, par sa tradition
armurière séculaire et bien ancrée dans la
société, est un pays particulièrement préoccupant.
Les armes fabriquées au Ghana sont aujourd'hui réputées
dans la région pour leurs prix concurrentiels, leur efficacité et
leur accessibilité - ce qui fait craindre qu'elles pourraient un jour
représenter une source d'armement significative pour les groupes
armés. En effet, certains forgerons locaux possèdent aujourd'hui
les compétences requises pour reproduire des fusils d'assaut AK-47
importés » (Aming 2006, 79).
Ces armes sont de plus en plus nombreuses et
impliquent plusieurs acteurs dans le processus de fabrication comme les
forgerons, les serruriers, les menuisiers, les façonneurs, les
mécaniciens et les intermédiaires. Le vrai problème est la
fabrication locale est souvent faite sous les yeux des forces de l'ordre et de
sécurité. Un silence quasi-total règne et les fabricants
assouvissent leur besogne sans être grandement inquiétés
même si les ALPC sont devenues un problème politique important
depuis la prise du pouvoir par le New Patriotic Party (NPP) en 2001. Mais, avec
le changement survenu en 2009, rien n'indique que ce problème sera mis
au banc de touche par John Atta Mills qui déjà en septembre 1999
avait exigé la création des registres des ALPC. En
réalité, les réseaux gravitant autour de cette industrie
florissante sont nombreux et les raisons avancées pour motiver cette
technique du « laissez-faire » sont aussi
pluriels. Les implications familiales (par exemple, les guildes dans la
région de la Volta), rituelles (par exemple, les fêtes aboakyir et
akwanbo, dans la région du Centre), guerrières (par exemple, les
Ashanti et Dagomba dans la région du Nord) et historiques (par exemple,
dans les régions d'Ashanti, du Centre et de la Volta) de la production
d'armes artisanales décrites précédemment montrent de
quelle manière cette activité prohibée a joué un
rôle significatif dans la culture ghanéenne depuis l'ère
pré-coloniale. Par conséquent, l'industrie armurière est
liée à une philosophie culturelle (Aming 2006, 98). Toutefois,
une étude plus approfondie serait nécessaire pour comprendre les
raisons réelles des soutiens tacites des communautés et de
certains pouvoirs publics. En tout état de cause, la production
artisanale reste forte. Par exemple, selon Aming « De fin 2000
à mi-2001, les premières estimations évaluent la
capacité de production entre 35.000 et 40.000 unités. Ce
résultat repose sur les informations disponibles pour seulement cinq des
dix régions et a été calculé en fonction de la
capacité de production estimée des 500 armuriers actifs dans les
70 villes que l'on sait impliquées dans la production d'armes (...). Les
nouvelles informations recueillies au cours de la présente étude
tendent à suggérer que la capacité de production pourrait
même présenter une envergure nettement plus importante. Il est
établi aujourd'hui que plus de 2.500 armuriers sont capables de produire
des armes dans les seules régions d'Ashanti et de Brong Ahafo. Ce
chiffre ne tient pas compte de leurs apprentis, qui sont également
capables de fabriquer des armes sous supervision. Les interviews sur le terrain
semblent indiquer que chaque armurier est capable de produire environ 80 armes
par an. Sur la base de cette information, on estime à 200.000 le nombre
d'armes illicites que le Ghana pourrait potentiellement produire chaque
année. En raison des disparités de la production et de la
demande, la production réelle reste toutefois inconnue. Au cours des 10
à 15 dernières années, le profit est devenu une source de
motivation, même si les armuriers qui l'admettent sont rares. Les
interviews tendent à suggérer que l'activité criminelle,
les exportations et la protection personnelle incitent à une
rentabilité accrue » (Aming 2006, 83). Aujourd'hui, il
est estimé à 75.000 le nombre d'ALPC en circulation au Ghana
selon Kelli.
En définitive, la production locale semble rivaliser
avec les armes perfectionnées comme le montre le digramme
ci-après qui répertorie les deux dimensions en Afrique de
l'Ouest :
ALP= Armes Légères Perfectionnées
AFL= Armes de Fabrication Locale
Source : Dramane Bouko 2006 : La circulation
des armes légères et de petit calibre en Afrique de l'ouest:
contribution à une étude au programme de désarmement.
Sommes toutes, ces circonstances qui contournent les normes et
les institutions sont des obstacles sérieux au contrôle des
transferts des ALPC en Afrique de l'Ouest en particulier et dans le monde en
général. Il paraît impossible de contrôler les
transferts des ALPC. Cependant, cette conception ne devrait pas
prévaloir, car comme le rappelle un colonel des services secrets
français : « Si on veut, en dix huit mois, on peut
balayer toutes les filières » (Léger 2007,32).
Mais, ne disposant pas des moyens de cet homme, il convient de proposer
d'autres voies qui puissent contenir les flux et les reflux des ALPC. C'est ce
à quoi les prochaines réflexions vont s'atteler.
SECTION II : LES STRATEGIES POUR UN MEILLEUR
CONTRÔLE DES ALPC
Diverses stratégies pour le contrôle des ALPC
ont été proposées : le traçage, le marquage,
la non-réexportation, le courtage, le baromètre de transparence.
En dehors de ces cas, les développements précédents
permettent d'énoncer d'autres suggestions telles que le renforcement des
capacités, la formation des acteurs impliqués dans la lutte
contre la prolifération des ALPC, le renforcement et l'application des
sanctions, la nécessité d'harmoniser les législations, pas
seulement au niveau ouest africain mais sur un plan international. Cette liste
n'est pas exhaustive.
Mais, ce qui paraît quelque peu surprenant, c'est qu'il
n'existe pas de canaux d'information au profit de l'opinion publique, il y a
aussi une certaine carence du volet éducation en matière de
micro-désarmement. Ici, une autre proposition sans doute nouvelle est de
créer un mécanisme d'évaluation entre les pairs au niveau
ouest-africain, peut-être au niveau mondial. Ceux deux suggestions
tiennent à diverses raisons. Pour le volet information et
éducation, il est très important que l'information permettra
à l'opinion publique d'avoir une idée claire du domaine du
commerce des ALPC qui en général reste peu connu.
L'éducation permettra aux populations de s'imprégner des
conséquences des ALPC aussi bien dans leur propre environnement que dans
le monde en général. Ce qui pourrait déclencher une
certaine prise de conscience et susciter un intérêt de la part de
la majorité de la population.
Quant à l'adoption du mécanisme, c'est
l'idée qu'un tel système puisse accompagner la Convention dans sa
mise en oeuvre. Son existence permettrait peut-être de limiter les
faiblesses de la Convention comme dans le cas du Moratoire. Ainsi, il sera
successivement analysé le contrôle des ALPC par l'information et
l'éducation (§I) et la création d'un
mécanisme ouest-africain d'évaluation entre les pairs en
matière de contrôle des ALPC (§II).
§I : LE CONTRÔLE DES ALPC PAR L'INFORMATION
ET L'EDUCACTION
« Le projet de désarmer
semble utopique, le but impossible à atteindre ! Cependant
même si cela est vrai, l'important, je crois, est la circulation de
l'information dans ce domaine. Informer est une nécessité pour
tenir au courant et faire prendre conscience à un large
public » (Lepetit 1985, 23). Cette affirmation est une des
stratégies incontournables pour contenir le commerce des ALPC sur tous
les plans. L'information est une des clefs de la lutte contre la
prolifération des ALPC sans aucun conteste. Aujourd'hui,
la maîtrise des flux de l'information, entrants et
sortants, immatériels et éphémères, est un pilier
de toute politique à explorer et à mettre au profit des acteurs
sur le terrain. Méconnaître cet aspect fondamental du management
public équivaut à vouer toute politique publique et toute action
à l'échec. Le rôle des Nouvelles Technologies de
l'Information et de la Communication devrait être
considéré. Il n'est pas forcement besoin d'attendre des
véhicules tout terrain pour passer l'information. Les chaînes de
télévision nationale et les chaines privées sont
nombreuses dans les pays. Il suffit de faire passer une publicité avant
ou après le journal télévisé, entre les
séries télé, les matchs de football et de toute autre
circonstance sportive. Cette publicité devra montrer les impacts de la
prolifération des ALPC sur leur vie. Des débats
télévisés sont aussi à promouvoir sur les questions
des ALPC. D'autres canaux d'information comme les chaînes de radios sont
multiples, et existant presque partout dans les grandes villes des Etats. Il
suffit de faire passer des publicités dans les langues locales. Les
cybers café sont aussi des moyens de communication par exemple en
mettant sur les pages de garde les informations qui puissent interpeler
l'internaute. On pourrait aussi impliquer les artistes musiciens dans leurs
oeuvres musicales et les artisans dans la création d'objet d'art qui
montrent les méfaits des armes. Tout ceci devrait être soutenu par
les acteurs du développement, les Etats, les Organisation de la
Société Civile. Il n'est pas exclu de mettre en place des
numéros verts et gratuits pour que les populations informent les forces
de l'ordre et de sécurité des violences liées aux armes.
Pour la vulgarisation de l'information, un contrôle stricte sur les
photos les publicités à diffuser est nécessaire afin
d'éviter les instrumentalisations. Le citoyen le plus reculé dans
sa campagne devrait être impliqué. Ces informations et ces
interpellations vont faire naître une certaine confiance car le domaine
des armes est peu connu et la plupart des populations ne veulent pas s'y
mêler de peur des représailles et de l'insécurité.
Par la confiance et l'union, de véritables fronts publics anti-armement
apparaîtront. Les pouvoirs publics seraient dans ces conditions de jouer
le jeu de la transparence pour éviter de se faire épingler par
leurs citoyens.
En outre, l'éducation reste toute aussi importante que
l'information. Selon les Nations Unies, « Au XXe siècle,
la science et la technologie ont transformé le monde. Elles ont
entraîné une amélioration de la qualité de la vie,
mais ont rendu les guerres plus meurtrières. Des armes de destruction
massive - biologiques, chimiques et nucléaires - et leurs vecteurs ont
vu le jour, cependant que des armements conventionnels toujours plus
sophistiqués étaient produits et que leur utilisation se
généralisait. Les conflits armés demeurent sources
d'horreur et de destruction. C'est pourquoi l'éducation et la formation
en matière de désarmement et de non-prolifération n'ont
jamais été aussi nécessaires. En vérité, les
concepts de sécurité et de menace ont évolué, tout
comme la perception qu'en a le grand public, aussi est-il urgent d'entamer une
réflexion nouvelle, axée sur les objectifs du désarmement
et de la non prolifération » (Nations Unies A/57/124
2002). Les Nations Unies ont aussi adopté d'autres résolutions
pour promouvoir l'éducation de la culture de la paix. Il en va ainsi
des résolutions A/RES/53/243 (1999) et A/RES/57/6 (2002) de
l'Assemblée générale des Nations Unies sur une culture de
la paix.
Ainsi, l'éducation est l'un des piliers fondamentaux
pour lutter contre la prolifération des ALPC. Autant, les populations
sont aujourd'hui impliquées dans la lutte contre le changement
climatique à travers des cours dispensés dans les écoles,
les grandes écoles et les universités, autant des programmes de
désarmement devraient être intégrés dans les
disciplines à enseigner. La CEDEAO a pensé à cette
technique, mais jusqu'à ce jour aucun programme complet en
matière de désarmement n'a été incorporé
dans les enseignements des établissements ouest-africains.
L'étude onusienne reprise par Marín-Bosch est riche
d'enseignement et devrait être mis en oeuvre sans tarder. L'étude
évoque pour commencer l'adaptation de l'éducation et de la
formation en matière de désarmement et de
non-prolifération aux réalités contemporaines. Ensuite,
elle évalue les acquis d'expérience dans ce domaine et explique
l'importance de l'éducation et de la formation à tous les niveaux
- les familles, les écoles, les universités, les médias,
les communautés, les ONG, les gouvernements, les parlements et les
organisations internationales. La même étude indique ensuite des
moyens d'utiliser les nouvelles méthodes pédagogiques, en
particulier la révolution dans le domaine des technologies de
l'information et de la communication, puis décrit l'utilisation de
l'éducation et de la formation en matière de désarmement
et de non-prolifération à l'appui de la consolidation de la paix
en situation d'après conflit. Elle souligne enfin l'importance de la
coordination entre l'ONU et les organisations internationales dotées de
compétences particulières en matière de
désarmement, de non-prolifération ou d'éducation
(Marín-Bosch 2004, 53). Un cours de tronc commun et obligatoire sur les
questions de la prolifération des ALPC et de toutes leurs implications
dans les communautés à travers la sous région et dans les
autres parties du monde serait fortement intéressant pour les
étudiants. Le plus souvent, la carence en la matière reste la
règle. Les débats sont tournés autour de
considérations subjectives sans fondements théoriques et
pratiques. Les étudiants surtout en relations internationales et
stratégiques, études du développement, en science
politique, en diplomatie, en matière de défense devraient
être familiers avec de telles questions au plan africain et au plan
ouest-africain. En définitive, la promotion de ces outils est
indispensable pour un meilleur contrôle des armes. Les questions de
prolifération des ALPC sont assez importantes pour être seulement
traitées par les politiques. L'opinion publique devrait s'y
intéresser et apporter sa contribution. Mais cela sera possible si
l'information et l'éducation sont au menu des actions effectuées
actuellement.
En tout état de cause, il est évident que les
Etats doivent renforcer leur rôle sécurité au profit des
citoyens. Il est peu probable que dans une situation d'Etat fragile et en
faillite, on demande aux populations d'abandonner leurs armes car dans cette
catégorie d'Etat, le pouvoir central n'est à mesure de garantir
la sécurité des populations sur l'ensemble de son territoire. Et,
ce qui se passe dans certains pays ouest-africain en proie aux crises sociales,
militaires ou en situation post conflit dans laquelle la sécurité
peine à reprendre son envol. C'est exemple la Guinée Bissau, le
Libéria et la Côte d'Ivoire (Châtaigner et Magro 2007 ;
Muggah 2009). Une des limites de l'éducation et de l'information reste
la question des Etats fragiles et en faillite dans l'espace CEDEAO. Il faut
pour se faire mettre les citoyens en confiance. L'Etat devant par ailleurs
jouer son rôle de garantie de la sécurité de ses
populations faute de quoi, les armes seront toujours au menu des citoyens.
Aussi, en dehors de l'information et de l'éducation, il serait
souhaitable que la CEDEAO adopte en accompagnement de la Convention un
Mécanisme d'Evaluation entre les pairs en matière de
contrôle des ALPC.
§II : LA CREATION D'UN MECANISME OUEST-AFRICAIN
D'EVALUATION
ENTRE LES PAIRS EN MATIERE DE CONTRÔLE DES
ALPC
Tout comme la CEDEAO a adopté le
protocole sur la bonne gouvernance additionnel, au mécanisme de
prévention, de gestion, de règlement des conflits et sur la
sécurité, ainsi que le Code de Conduite en renforcement de la
Déclaration du Moratoire sur les armes légères, il ne
serait pas déraisonnable que les Etats membres mettent en place un
Mécanisme Ouest-Africain d'Evaluation entre les Pairs en matière
de contrôle des ALPC (MOAEPCA). Ce qui serait intéressant, c'est
qu'une fois un tel mécanisme serait créé, son exemple
pourrait être emprunté au niveau des Commissions nationales
(NatCom) ou ComNat) dans leurs stratégies de lutte contre la
prolifération des ALPC. Cet exemple pourrait s'étendre à
d'autres régions du monde et aux Organisations de la
Société Civile. Un tel mécanisme peut s'inspirer du MAEP
au niveau Africain déjà existant. Mais, quels seront
l'architecture, le fonctionnement, les buts, les principes et les processus
d'évaluation ? Pour les réponses à toutes ces
questions, il convient de rédiger une mouture de protocole en quelques
articles en s'inspirant du MAEP, mais en proposant des pistes parfois
nouvelles.
LE MECANISME OUEST-AFRICAIN D'EVALUATION ENTRE
PAIRS
EN MATIERE DE CONTRÔLE DES ALPC
(MOAEPCA)
1. La nature du MOAEPCA
Le Mécanisme Ouest-Africain d'Evaluation entre Pairs en
matière de contrôle des ALPC est un instrument, juridiquement non
contraignant, auquel adhérent volontairement les Etats membres de la
CEDEAO en tant que mécanisme Ouest-Africain d'auto-évaluation. Le
MOAEPCA est un instrument mutuellement accepté pour leur
auto-évaluation.
2. Mandat du MOAEPCA
Le mandat du Mécanisme Ouest-Africain d'Evaluation
entre Pairs en matière de Contrôle des ALPC consiste à
s'assurer que les politiques et pratiques des Etats parties sont conformes non
seulement à la gouvernance du secteur de la sécurité mais
aussi au domaine de contrôle des ALPC en particulier.
3. Objectif du MOAEPCA
L'objectif principal du MOAEPCA est d'encourager l'adoption de
politiques, normes et pratiques en vue de promouvoir le contrôle des
ALPC, informer les couches sociales à tous les niveaux des
conséquences des ALPC et ce grâce au partage des
expériences et au renforcement des meilleures pratiques et des acquis, y
compris l'identification des lacunes et l'évaluation des besoins dans le
domaine du renforcement des capacités.
4. Principes du MOAEPCA
Toute évaluation entreprise dans le cadre du
Mécanisme doit se faire sur la base des compétences techniques et
doit être crédible et libre de toute manipulation politique. Tels
doivent être les principes directeurs du Mécanisme.
5. Financement du Mécanisme d'évaluation
entre pairs
Le Mécanisme sera financé par des contributions
des Etats membres parties.
6. Participation au processus
MOAEPCA
Tous les Etats membres de la CEDEAO peuvent participer au
processus après une notification au Secrétariat de la CEDEAO. Par
cette notification, les Etats membres concernés s'engagent à se
soumettre à des évaluations périodiques entre pairs,
à faciliter ces évaluations et à être guidés
à cet égard par les paramètres convenus pour le
contrôle des ALPC.
7. Structure en matière de leadership et de
gestion du MOAEPCA
Il est proposé que les activités du MOAEPCA
soient dirigées et gérées par un Groupe de sept (7)
éminentes personnalités spécialistes des questions des
armements. Au moins deux membres doivent être des membres des
Organisations de la Société Civile oeuvrant dans les domaines de
la promotion de la paix, de la sécurité, du
micro-désarmement. Au moins deux femmes doivent être faire partie
des membres. Les membres du Groupe doivent jouir d'une grande
intégrité morale et n'avoir pas fait l'objet de poursuites
judiciaires et/ou pénales aussi bien dans son pays d'origine qu'au plan
international.
8. La désignation des Membres du Groupe
MOAEPCA
Les membres du Groupe seront proposés par les Etats
parties, puis présélectionnés par un comité
ministériel. Leur désignation sera faite par les Chefs d'Etat et
de gouvernement des Etats parties. Outre les critères cités
ci-dessus, les Chefs d'Etat et de gouvernement veilleront à ce que le
Groupe dispose des compétences techniques appropriées dans les
domaines des armements. La composition du Groupe reflétera
également l'équilibre régional, l'égalité
entre les hommes et les femmes, et la diversité culturelle.
9. Le mandat des membres du Groupe
MOAEPCA
Le mandat des membres du Groupe sera d'une durée de
quatre ans au maximum renouvelable une seule fois. Leur remplacement se fera
sur la base de la rotation et en année pair.
10. La désignation du président du
Groupe du MOAEPCA
Un des membres du Groupe sera voté comme
président par les autres membres sans injonctions des Chefs d'Etat et de
gouvernement des Etats parties. Le mandat du président sera de deux (2)
ans non renouvelables. Les critères de nomination au poste de
président seront les mêmes que ceux des membres du Groupe. Une
fois désignés, les membres sont inamovibles et ne rendent compte
qu'à la CEDEAO et non à son Etat d'origine.
11. Les missions et les attributions du Groupe
du MOAEPCA
Le Groupe assurera la supervision du processus
d'évaluation et veillera particulièrement à
l'intégrité du processus. Ses missions et ses attributions seront
définies dans un règlement intérieur mis en place par ses
membres après le quitus du Secrétariat. La Charte garantira
l'indépendance, l'objectivité et l'intégrité du
Groupe.
12. La coopération entre le Groupe MOAEPCA et
le Secrétariat Exécutif CEDEAOA.
Le Groupe collabore avec le Secrétariat Exécutif
et la Commission politique et de sécurité de la CEDEAO.
Lesquelles instances lui apportent les capacités techniques
appropriées pour accomplir le travail analytique nécessaire pour
le processus d'évaluation entre pairs et se conformer aux principes du
MOAEPCA. Le Secrétariat sera chargé de : mettre en place une base
de données sur la situation sécuritaire, politique et
économique dans tous les Etats parties ; élaborer les documents
de base pour les équipes d'évaluation entre pairs ; proposer les
indicateurs de performance et suivre la performance de chaque pays.
13. Périodicité et types
d'évaluation entre pairs
Lors de l'adhésion formelle au processus
d'évaluation entre pairs, chaque Etat doit élaborer clairement un
programme d'action assorti d'un calendrier précis pour la mise en oeuvre
de la Convention sur les ALPC y compris les évaluations
périodiques.
14. Les types d'évaluation
Il y aura quatre types d'évaluation :
La première évaluation effectuée dans un
pays est l'évaluation de base qui se fait dans les dix-huit mois suivant
d'adhésion d'un pays au processus du MOAEPCA ;
Il y a ensuite des évaluations périodiques qui
se font tous les deux ou quatre ans. En outre, un pays membre peut, pour des
raisons personnelles, demander une évaluation n'entrant pas dans le
cadre des évaluations périodiques normalement prévues. Des
signes précoces d'une crise sociale, politico-militaire et
économique persistante dans un Etat membre sont aussi un motif suffisant
pour entreprendre une évaluation. Les Chefs d'Etat et de gouvernement
des Etats parties pourraient demander une telle évaluation dans le souci
d'aider le gouvernement concerné.
15. Le processus du MAEP
Le processus est axé sur l'évaluation
périodique des politiques et pratiques des Etats parties pour s'assurer
des progrès enregistrés dans la réalisation des objectifs
convenus dans la Convention sur les ALPC.
16. Phases du processus d'évaluation entre
pairs
Phase 1 : Une étude sur le
contrôle des ALPC doit être effectuée sur la base des
documents actualisés préparés par le MOAEPCA et des autres
documents fournis par les institutions nationales, sous-régionales et
internationales et, y compris les documents d'au moins trois OSC en
activité dans le pays en question et deux ONG hors du territoire.
Phase 2 : L'équipe d'évaluation
se rend dans le pays concerné où elle mène ses
activités par ordre de priorité en commençant par des
consultations approfondies avec le gouvernement, les hauts responsables, les
partis politiques, les parlementaires et les représentants des
organisations de la société civile (y compris les médias,
les intellectuels, les syndicats, les entreprises, les associations
professionnelles).
Phase 3 : Elaboration du rapport de
l'équipe. Ce rapport est élaboré sur la base des
éléments d'information préparés par le MOAEPCA et
des informations recueillies sur place auprès de sources officielles et
non officielles au cours des consultations approfondies et de l'interaction
avec toutes les parties prenantes. Le rapport est élaboré en
tenant compte des engagements pris dans le domaine de la gouvernance
sécuritaire et au terme du programme d'action.
17. La coopération avec le pays concerné
avant la finalisation du rapport
Le projet de rapport de l'équipe est tout d'abord
discuté avec le gouvernement concerné. Ces discussions
permettront de vérifier la fiabilité des informations et de
donner au gouvernement l'occasion de réagir aux enquêtes de
l'équipe et d'exprimer ses propres vues sur la manière dont les
lacunes identifiées devraient être comblées. Les
commentaires et observations du gouvernement seront annexés au rapport
de l'équipe.
18. La clarification des problèmes
identifiés
Le rapport de l'équipe devra clarifier un certain
nombre d'aspects concernant les problèmes identifiés. Le
gouvernement a-t-il fait preuve d'une réelle volonté politique
de prendre les décisions et les mesures qui s'imposent pour
résoudre ces problèmes ? Quelles ressources faut-il mobiliser
pour prendre des mesures correctives ? Quel est le pourcentage des ressources
à fournir par le gouvernement et quel est le pourcentage à
fournir par des sources extérieures ? Au regard des ressources requises,
combien de temps durera le processus de rectification ?
19. L'adoption finale du rapport
L'examen et l'adoption du rapport final se fait par les Chefs
d'Etat et de gouvernement des Etats parties.
20. L'assistance au pays
évalué
Si le gouvernement du pays concerné fait montre d'une
volonté tangible de combler les lacunes identifiées, il incombera
alors aux Etats parties de fournir l'assistance requise, dans la limite de
leurs moyens, et d'inviter les gouvernements et les institutions donateurs
à fournir également une assistance au pays concerné.
Cependant, si le gouvernement concerné ne fait pas preuve d'une
volonté politique notable, les Etats parties devraient tout d'abord
s'efforcer d'engager un dialogue constructif, en offrant une assistance
technique et toute autre assistance appropriée. Si le dialogue n'aboutit
pas à un résultat satisfaisant, les Chefs d'Etat et de
gouvernement des Etats parties peuvent alors informer le gouvernement
concerné de leur intention collective de prendre des mesures
appropriées, à l'expiration d'un délai
déterminé. Ce délai doit permettre au gouvernement
d'identifier les lacunes dans le cadre d'un dialogue constructif. Tout compte
fait, de telles mesures ne doivent être utilisées qu'en dernier
recours.
21. La publication du rapport
Après son examen par les Chefs d'Etat et de
gouvernement des Etats parties, le rapport devrait être
présenté officiellement et publiquement aux structures
sous-régionales, telle la Commission CEDEAO et aux OSC afin de leur
permettre de suivre les actions du gouvernement en question.
22. Durée de l'évaluation entre
pairs
Le processus d'évaluation dans un pays ne devrait pas
durer plus de 6 mois, à compter de la date du début de la phase 1
jusqu'à la date à laquelle le rapport est soumis aux Chefs d'Etat
et de gouvernement, pour examen.
23. La redynamisation du MOAEPCA
Pour redynamiser le MOAEPCA, la Conférence des Etats
parties procédera à sa révision une fois tous les cinq
ans.
Cette esquisse, en grande partie reprise du Mécanisme
Africain d'Evaluation par les Pairs (MAEP) au niveau africain pourrait
permettre d'avoir un regard sur les actions internes des Etats. Le seul
problème reste son acceptation par les Etats si d'aventure une telle
idée est proposée. Par ailleurs, il est clair qu'un tel
mécanisme a ses avantages et mais également a des limites.
D'abord, le MAOEPCA sera un cadre d'auto-évaluation, d'auto-critique,
d'échange, de partage de compétences, de capacités
organisationnelle et dynamique entre tous les acteurs, surtout grâce au
quota en faveur du genre (au moins deux femmes), de la diversité des
membres (au moins trois membres venant des OSC). C'est ensuite un cadre
d'information pour les Etats, les instances sous régionales et
organisations nationales. De part la diffusion de l'information, les citoyens
vont peut-être s'intéresser à la problématique des
ALPC. Enfin, vue son caractère inclusif et participatif, chaque acteur
pourra se regarder dans le miroir des ses actions et faire une auto-critique
permanente afin de figurer parmi les meilleurs élèves. Les
limites sont entre autres la pénurie de ressources humaines,
financières et infrastructurelles, la stagnation des populations locales
dans la misère, l'insécurité physique et intellectuelle
souvent en cours dans les Etats peu démocratiques, les incessantes
implications des armées africaines dans les sphères politiques,
la molle séparation des pouvoirs dans bon de pays où la justice
demeure sous la coupole du pouvoir politique, le pouvoir législatif
s'apparentant parfois à une assemblée de personnes sans
ressources intellectuelles (assez d'analphabètes) et souvent
traversée par les maux de corruption et de clientélisme. En tout
état de cause, la volonté politique reste la voie cruciale pour
un contrôle efficace, effectif et efficient des transferts des ALPC. Les
acteurs de la société civile devraient également conjuguer
leurs énergies entre elles et les joindre aux actions des institutions
publiques pour endiguer ce fléau.
CONCLUSION GENRALE
Au terme de cette étude, plusieurs enseignements
peuvent être tirés. D'abord, cette étude a permis primo de
faire une analyse d'ensemble sur le système ouest-africain de lutte
contre la prolifération des ALPC, notamment le volet spécifique
du contrôle de transfert. C'est alors que dans un premier chapitre, il a
été montré d'une part les menaces que la
prolifération représente des ALPC et, d'autre part, le cadre
normatif et institutionnel mis en place pour répondre à la
question. Secundo, elle a permis d'évaluer le système de
contrôle des ALPC dans son ensemble à travers les critères
de cohérence, de pertinence, d'efficacité, d'effectivité,
d'efficience, d'impact et d'utilité. Tertio, elle a favorisé la
mise en évidence des limites tant normatives et institutionnelles
qu'extra normatives et institutionnelles. Lesquelles limites ne sont pas
à favoriser un véritable contrôle des transferts d'armes.
Pour terminer, il a été proposé deux solutions
fondamentales : la lutte contre la prolifération des ALPC par
l'information et l'éducation et la mise en place d'un Mécanisme
Ouest-Africain d'Evaluation entre les Pairs en matière de contrôle
des ALPC.
Ensuite, l'étude a démontré que les flux
incontrôlés des ALPC représentent un véritable
problème de société. L'accumulation anarchique et l'emploi
abusif de ces engins de mort sont une menace pour la paix et la
sécurité internationales, pour la sécurité humaine,
pour le développement et pour la réalisation des objectifs du
Millénaire. L'Afrique de l'Ouest n'est pas en dehors de toutes ces
menaces. Pour ce faire, la communauté internationale, à travers
les Nations Unies travaille tant bien que mal pour un contrôle efficace,
effectif et efficience des ALPC. La CEDEAO a mis sur pied une Convention pour
règlementer ce sujet. Diverses institutions aussi bien supra nationales
que nationales conjuguent leurs synergies pour non seulement
débarrassé la sous région du flot d'ALPC en circulation,
mais également pour assurer un meilleur contrôle des transferts de
ces armes. Dans ce cas, plusieurs programmes ont été
réalisé et d'autres en cours d'exécution
généralement avec le projet ECOSAP et les ComNat. Aussi,
plusieurs OSC sont mobilisées pour apporter leur contribution à
un plus contrôle des flux des ALPC. Ainsi, plusieurs centaines d'ALPC ont
été collectées et détruites dans presque tous les
pays CEDEAO. Les Etats se mobilisent plus ou moins pour apporter leur soutien,
bien qu'en grande partie formelle aux initiatives sur le terrain. De
manière générale, il se dégage une mobilisation
sous régionale face à ce problème.
Aussi, l'étude examiné l'hypothèse et
les sous hypothèses de départ. Ce qui a aboutit au fait que
réellement le système CEDEAO souffre d'un manque d'harmonisation
des normes. Les normes nationales prédominent sur les normes
communautaires en matière de contrôle des armes. Il y a une
disparité, une fragmentation et des incohérences normatives. Le
domaine des armes reste pour l'heure fortement régi par les textes
internes des Etats membres. De même, il est été mis en
exergue les difficultés liées à la faiblesse de ressources
humaines, financières et matérielles. A cette faiblesse s'ajoute
les failles de capacité organisationnelle et dynamique. A la
confirmation de cette hypothèse, l'examen des limites extra normatives
et institutionnelles a mis en évidence l'existence de facteurs qui
mettent à mal le système déjà en difficulté.
Parmi ces facteurs, on retient le commerce illicite des ALPC. Lequel commerce
bénéficie de relais difficilement repérables et
contrôlables. L'opacité qui entoure ce commerce rend complexe les
initiatives de contrôle de transfert des ALPC aussi bien au niveau
horizontale c'est-à-dire entre les Etats de la sous région vers
d'autres Etats ou groupes armés mais aussi au niveau vertical
c'est-à-dire les transferts des ALPC de pays hors CEDEAO vers les pays
CEDEAO ou vers des groupes armés. Ainsi, toutes les hypothèses
ont été confirmées.
En définitive, il convient de retenir que la CEDEAO a
réalisé quelques progrès qu'on ne peut pas nier. En
adoptant la Convention en 2006, c'est un message fort dans le processus de
longue haleine de contrôle des flux des ALPC. Comme le dit, un proverbe
Bambara, « on ne creuse pas un puits en un seul
jour ». Toutefois, il faut retenir que d'énormes efforts
restent à fournir pour y parvenir.
Dans tous les cas, il faut espérer que ces mesures
prises puissent conduire à réaliser le voeu cher qui est le
contrôle réel de transfert des ALPC et, en général
la lutte contre la prolifération des ALPC. Par ailleurs, on pourrait se
demander si les conséquences de la crise économique et
financière internationale ne va pas influencer le contrôle des
ALPC ? Si cette crise accentue la pauvreté, on peut se demander si
cela ne va renforcer les fabrications illégales et artisanales des ALPC,
le commerce clandestin et partant l'inondation de la sous de flot d'ALPC. La
pauvreté issue de cette crise va peut-être favoriser la reprise de
conflits armés et des violences ; lesquels sont les lits de
prolifération d'armes car il n'y a pas de guerre sans arme. Somme toute,
ces interrogations mériteraient d'être approfondies.
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TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION GENERALE
....................................................................1-7
CHAPITRE I : LE SYSTÈME OUEST-AFRICAIN DE
CONTRÔLE
DE TRANSFERT DES
ALPC.......................................................8
SECTION II : LES MENACES DE LA CIRCULATION
INCONTRÔLEE
DES
ALPC..................................................................................9
§I : LA PROLIFÉRATION DES
ALPC, UNE MENACE POUR
LA SÉCURITÉ
HUMAINE...........................................................9-13
§II : LA
PROLIFÉRATION DES ALPC, UNE MENACE POUR
LE
DEVELOPPEMENT.............................................................14-17
SECTION II : LE CADRE NORMATIF ET
INSTITUTIONNEL...................18
§I : LE CADRE
NORMATIF.............................................................18-25
§II : LE CADRE
INSTITUTIONNEL................................................25-28
CHAPITRE II : L'EVALUATION DU SYSTÈME
OUEST-AFRICAIN
DE CONTRÔLE DE
TRANSFERT DES ALPC............................29
SECTION I : L'EVALUATION SOUS L'ANGLE DE LA
COHERENCE
ET DE LA
PERTINENCE.................................................30
§I : LA COHERENCE SOUS L'ANGLE DES
MOYENS NORMATIFS....30-36
§II : LA COHERENCE SOUS
L'ANGLE DES MOYENS OPERATIONELS.37-40
§III : LA
PERTINENCE................................................................40-41
SECTION II : L'ÉVALUATION SOUS
L'ANGLE TRIPARTITE DE
L'EFFICACITÉ,
L'EFFECTIVITÉ ET DE L'EFFICIENCE.....42
§I :
L'EFFICACITÉ.....................................................................42-48
§II :
L'EFFECTIVITÉ.....................................................................48-51
§III :
L'EFFICIENCE.....................................................................51-57
CHAPITRE III : LA NECESSITE DE CONTENIR LES
LIMITES DU SYSTÈME
OUEST- AFRICAIN DE
CONTRÔLE DE TRANSFERT DES ALPC.58
SECTION I : LES LIMITES AU SYSTÈME
OUEST-AFRICAIN DE
CONTRÔLE DE
TRANSFERTS DES ALPC.........................58
§I : LES LIMITES NORMATIVES
ET INSTITUTIONNELLES..............58-62
§II : LES LIMITES EXTRA
NORMATIVES ET INSTITUTIONNELLES..63-73
SECTION II : LES STRATEGIES POUR UN MEILLEUR
CONTRÔLE DES
ALPC...................................................73
§I : LE CONTRÔLE DES
ALPC PAR L'INFORMATION
ET
L'EDUCATION...................................................................74-76
§II : LA CREATION D'UN
MECANISME OUEST-AFRICAIN
D'EVALUATION ENTRE LES PAIRS
EN MATIERE DE
CONTRÔLE DES
ALPC..........................................................77-82
CONCLUSION
GENERALE........................................................................83-84
BIBLIOGRAPHIE......................................................................................85-93
TABLE DES
MATIERES............................................................................94-95
ANNEXE.................................................................................................96