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Le contrôle des armes légères et de petit calibre en afrique de l'ouest

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par Salamane YAMEOGO
Institut de Hautes Etudes Internationales et du Dévelppement (IHEID) - Master en Etudes du Développement 2009
  

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    INSTITUT DE HAUTES ETUDES INTERNATIONALES ET DU DEVELOPPEMENT

    LE CONTRÔLE DES TRANSFERTS DES ARMES LEGERES

    ET DE PETIT CALIBRE EN AFRIQUE DE L'OUEST

    MEMOIRE

    Présenté en vue de l'obtention du diplôme de

    Master en études du développement (MDev)

    par

    Salamane YAMEOGO

    (Burkina Faso)

    Genève

    2009

    DEDICACE

    Je dédie ce Mémoire aux millions de victimes

    des Armes Légères et de Petit Calibre à travers le monde.

    REMERCIEMENTS

    A mon Directeur de Mémoire, Professeur Keith KRAUSE pour son engagement à m'encadrer, ses conseils, ses encouragements et sa patience;

    A mon Juré, Dr. Glenn McDonald pour son soutien, ses corrections et ses remarques qui ont permis à l'édification de ce Mémoire;

    Aux Professeurs de l'Institut des Hautes Etudes Internationales et du Développement (IHEID) qui ont contribute à ma formation;

    A ma maman et à mes frères et soeurs pour leur soutien incommensurable;

    A Estelle KOFFI pour son aide précieuse;

    A Aboubakar OUEDRAOGO et Aboubacar DAKUYO pour leurs conseils et leur disponibilité;

    A toute la Communauté Burkinabè à Genève;

    Aux members des l'Eglises Evangélique de Plains Palais et Worship House International;

    A toutes les personnes qui de près ou de loin ont contribué à l'aboutissement du présent Mémoire.

    SIGLES ET ABREVIATIONS

    ALPC : Armes Légères et de Petit Calibre

    CICR : Comité International de la Croix Rouge

    MALAO : Mouvement de Lutte contre les Armes légères en Afrique de l'Ouest

    RASALAO : Réseau d'Action sur les Armes Légères en Afrique de l'Ouest

    IANSA : International Action Network on Small Arms

    ONU : Organisation des Nations Unies

    CEDEAO : Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest

    ECOWAS : Economic Community Of West African States

    SADC : Southern African Development Community

    PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement

    OMS : Organisation Mondiale de la Santé

    SOMMAIRE

    INTRODUCTION GENERALE

    CHAPITRE I : LE SYSTÈME OUEST-AFRICAIN DE CONTRÔLE

    DE TRANSFERT DES ALPC

    SECTION II : LES MENACES DE LA CIRCULATION INCONTRÔLEE

    DES ALPC

    SECTION II : LE CADRE NORMATIF ET INSTITUTIONNEL

    CHAPITRE II : L'EVALUATION DU SYSTÈME OUEST-AFRICAIN

    DE CONTRÔLE DE TRANSFERT DES ALPC

    SECTION I : L'EVALUATION SOUS L'ANGLE DE LA COHERENCE

    ET DE LA PERTINENCE

    SECTION II : L'ÉVALUATION SOUS L'ANGLE  TRIPARTITE DE

    L'EFFICACITÉ, L'EFFECTIVITÉ ET DE L'EFFICIENCE

    CHAPITRE III : LA NECESSITE DE CONTENIR LES LIMITES DU SYSTÈME

    OUEST- AFRICAIN DE CONTRÔLE DE TRANSFERT DES ALPC

    SECTION I : LES LIMITES AU SYSTÈME OUEST-AFRICAIN DE

    CONTRÔLE DE TRANSFERTS DES ALPC

    SECTION II : LES STRATEGIES POUR UN MEILLEUR

    CONTRÔLE DES ALPC

    CONCLUSION GENERALE

    INTRODUCTION GENERALE

    La problématique des Armes Légères et de Petit Calibre (ALPC) a accédé véritablement au rang de paradigme depuis les années 90 avec l'apparition du concept de « micro-désarmement » (Nations Unies 1995, 60-65) qui s'est mué en « désarmement concret » (Small Arms Servey 2002, 282). Ces termes font référence à une gamme de mesures : la maîtrise des armements, en particulier les ALPC, les mesures de confiance, la démobilisation et la réinsertion des ex-combattants, le déminage, la reconversion (...), l'élimination, la limitation de la fabrication, de l'achat et du transfert, la collecte et la destruction de ces armes en situation post-conflit. En effet, alors que la fin de la guerre froide a quelque peu favorisé une diminution de la prépondérance des armes de destruction massive, l'accentuation des conflits intra-étatiques d'un type nouveau (Boutros Ghali 1995), et en général de la privatisation de la violence (Badie 1999) a accru l'importance des ALPC comme enjeu de sécurité internationale. L'existence de stocks d'ALPC de grande ampleur et peu contrôlés, leur abondance en circulation et la facilité à les dissimuler, les transporter, les utiliser et les entretenir permettent aux acteurs non étatiques d'y avoir accès et d'en faire leurs instruments de prédilection. Cependant, en dépit, de l'utilisation légitime de ces armes pour la sécurité et la défense nationales et/individuelles, et l'acquisition ou la rétention de ces armes lorsque les gouvernements ne parviennent pas à garantir la sécurité physique de leurs citoyens (Arms Servey 2001, 1), la prolifération des ALPC pose des problèmes quasi insolubles pour la sécurité des États et est une menace permanente pour les populations (Small Arms Servey 2001, 215). Pis, estimées aujourd'hui à 875 millions dans le monde dont 650 millions détenues par les civils, soit approximativement 75% du total connu (Small Arms Servey 2007, 39), la propagation et l'usage des ALPC causent au moins 500.000 victimes chaque année et au moins 1000 victimes par jour au plan mondial (Beullac et Krempel 2006, 4). En Afrique de l'Ouest, on estime à huit (8) millions d'ALPC en circulation (Lorthois 2007, 254). Lesquelles armes auraient causé au moins trois (3) millions de victimes (Bouko 2006). Somme toute, la circulation incontrôlée et l'emploi abusif des ALPC constituent une matrice de multiples menaces : violence armée, guerre et insécurité internationales, insécurité humaine, sous développement économique, pillage des ressources naturelles, violation des droits humains et du droit humanitaire, prolongement du terrorisme (Beullac et Krempel 2006, Ibid.). Par ailleurs, le volet du contrôle des transferts des ALPC sur lequel va porter la présente étude relative à l'Afrique de l'ouest est important. Mais avant, que renferment les termes de contrôle, de transferts et d'ALPC ? S'agissant du contrôle, il convient d'emblée de la distinguer du concept de désarmement. Même si ces deux termes sont parfois employés de façon interchangeable, ils indiquent des visions de politique internationale distincte. Dans son ouvrage « Control of the arms race » (1961), Hedley Bull définit le désarmement comme une réduction ou une abolition des armements (Bull 1961). Lesquelles réduction ou abolition pouvant s'opérer de diverses façons : unilatérale ou multilatérale, générale ou locale, complète ou partielle, contrôlée ou incontrôlée. Le contrôle des armes implique une restriction à l'échelle internationale de la politique d'armement, que ce soit dans le respect du niveau des armements, leur caractère, leur déploiement ou leur usage. John Spanier et Joseph Nogee, dans leur étude « The politics of disarmament » (1962), donnent d'autres définitions : le désarmement se réfère à l'abolition complète ou la destruction partielle des ressources de guerre humaines et matérielles, tandis que le contrôle des armes s'applique aux restrictions à imposer à l'utilisation des armes nucléaires (Spanier et Nogee 1962). La restriction de ces deux auteurs sur les armes nucléaires est assez stricte en ce sens que le contrôle des armes existait avant la création du nucléaire en témoigne l'évolution de la question. Aussi, les deux concepts de contrôle et de désarmement ont-ils pour corollaire le fait qu'ils proposent des visions différentes des causes de la guerre. Selon la théorie du désarmement, les armements sont la cause de la guerre. L'objectif final du désarmement est l'abolition complète des armes et donc, la transformation, d'une certaine façon, des relations internationales. La théorie du contrôle des armes reconnaît que les armements peuvent jouer un rôle dans le renforcement des tensions entre factions belligérantes, mais elle identifie plutôt les tensions politiques entre adversaires comme étant la cause majeure du conflit. Les armes peuvent être une source de stabilité et de sécurité si elles sont gérées de manière adéquate (Baylis and Cohen 2002, 184-186). Concernant le transfert, c'est une redistribution de la possession d'ALPC, que ce soit de facto ou de jure, d'un acteur à un autre. Ce qui suppose au moins deux acteurs principaux : l'initiateur et le bénéficiaire (Small Arms Servey 2002, 111). On distingue différents types de transferts : légal, illicite, autorisé, non autorisé, intentionnel et non intentionnel (Small Arms Servey 2002, Ibid.). Généralement, le transfert d'arme peut être décomposé en trois étapes: D'abord, l'étape pré-licence : prévoyant des formalités sur papier jusqu'à l'octroi de la licence d'import/export, basée principalement sur des considérations politiques et commerciales. Ensuite, l'étape de transfert physique : l'exportation, l'expédition effective via des points de transit éventuels, l'importation des armes, toute la chaîne d'envoi étant basée sur le transport et les contrôles douaniers. Enfin, l'étape d'utilisation (finale) : l'usage des armes en accord avec les conditions d'utilisation finale d'origine qui incluent également le « re-transfert » ou la destruction (Berkol 2007). Quant au concept d'ALPC, il est diversement défini. Toutefois, les définitions onusiennes et ouest africaines paraissent convenir ici eu égard à leurs caractères extensifs et convergents. Pour les deux organisations (ONU et CEDEAO), les armes de petit calibre sont des armes destinées à l'usage individuel. Elles comprennent entre autres les revolvers et pistolets à chargement automatique, les fusils et les carabines, les mitraillettes, les fusils d'assaut et des mitrailleuses légères (Small Arms Servey 2002, 10 et Ecowas 2006, 9).  Les armes légères sont les armes destinées à l'usage de plusieurs personnes travaillant en équipe. Elles comprennent entre autres les mitrailleuses lourdes, les lance-grenades portables, amovibles et sur affût, les canons antiaériens portatifs, les canons antichars portatifs, les fusils sans recul, les lance-missiles et lance-roquettes antichars portatifs, les lance-missiles antiaériens portatifs et les mortiers de calibre inférieur à 100 millimètres (Small Arms Servey 2002, 10 et Ecowas 2006, 8).

    En tout état de cause, la question du transfert des armes, englobant certainement les ALPC est cruciale. Elle a connu une évolution dès le XVIIIè siècle jusqu'à nos jours. Cette question a aussi fait et continue de faire l'objet de controverses au sein de la doctrine et des acteurs internationaux. Enfin, depuis la chute du mur de Berlin, l'aspect spécifique du contrôle de transfert des ALPC demeure indispensable. S'agissant de l'évolution de la question, il convient de noter que déjà au XVIIIe siècle, la question de la limitation des armements a été une préoccupation sur le plan international : les propositions non acceptées du prince Kaunitz de l'Autriche à la Prusse entre 1766 et 1767 et des déclarations Franco-britanniques du 27 octobre 1787 (Chappuis 1975, 17-20). Au XIXe siècle, ce sont : le Traité Rush-Bagot en août 1816 entre les Etats Unis d'Amérique (USA) et la Grande-Bretagne; les Traités de paix entre le Pérou et la Bolivie en août et novembre 1831 et les Conférences de paix de la Haye de 1898 et de 1907. Au XXe siècle, on retient entre autres le Traité général de paix et d'amitié approuvé par la Conférence des Etats d'Amérique Centrale du 7 février 1923 (Chappuis 1975, 56). Il en va aussi de la Convention de Genève sur le contrôle international des armes, munitions et matériels de guerre du 17 juin 1925 adoptée dans le cadre de la Société des Nations. Une Convention qui fut long feu (Collet 1989, 13). Sur le plan sous régional, (Afrique de l'Ouest), le besoin de contrôler les armes a été plus ou moins exprimé à travers divers instruments avant 1998: les Traités de Défense et Accords Militaires et d'Assistance avec les ex-puissances colonisatrices (Barry 1997), le Protocole de Non-agression signé à Lagos le 22 avril 1978 (Ecowas 1978) et le Protocole d'Assistance Mutuelle en matière de défense signé à Freetown le 29 mai 1981 (Ecowas 1981). Sur le plan interne des Etats, on a par exemple, les actes du Congrès américain tels que : le « Neutraly Act » du 31 Août 1935 (Collet 1989, 30) et les célèbres clauses « Cash and Carry » suivi de la Loi Prêt Bail « Lend and lease Act » (Collet 1989, 18-19). Quant aux controverses, elles concernent notamment les transferts des armes au profit des groupes non étatiques comme les factions rebelles dans la mesure où l'article 51 de la Charte des Nations Unies garantie le commerce des armes entre les acteurs étatiques. Relativement au cas des insurgés, le débat est constant. Selon la doctrine traditionnelle, il est licite d'apporter un soutien militaire telle que la vente d'ALPC à un Etat en conflit armé. A contrario, il est illicite de transférer des armes aux groupes insurgés car l'Etat est la seule personnalité internationalement reconnue. Un second courant considère qu'il est aussi bien illicite de fournir des armes aux groupes rebelles, qu'à l'Etat. C'est une exigence du principe de non intervention dans les affaires internes des Etats. Le dernier courant argue qu'il est licite de fournir des armes non seulement à l'Etat mais également aux rebelles (Vincineau 1984, 13). Ces controverses existent aujourd'hui surtout au sujet des livraisons des armes aux acteurs non étatiques. Sous couvert de l'article 51 de la Charte de Nations Unies sur la légitime défense étatique et collective et de l'article 2§4 sur l'égalité souveraine des Etats et la non ingérence dans les affaires intérieurs, certains Etats considèrent le commerce des armes comme un instrument de politique étrangère. Par exemple, pour Bill Clinton, « les transferts d'armes conventionnelles sont un instrument légitime de la politique étrangère américaine au service des actions de soutien mené par le gouvernement américain lorsqu'il nous est impossible d'aider nos amis et alliés contre une agression, de promouvoir la stabilité régionale, et d'accroître la coordination entre les forces américaines et les forces alliées » (Clinton 1998). Selon John Bolton, il n'est pas question que les ventes d'ALPC soient dirigées uniquement vers les gouvernements ou les entités qui les représentent en ce sens que refuser de vendre des armes à un groupe non étatique serait le priver de se défendre envers un gouvernement génocidaire (Bolton 2001). Ces idées tirent leur fondement de la théorie du « National Security Act de 1947 » qui autorise les opérations clandestines, y compris la fourniture des armes excédant un (1) million de dollars (Bagayoko-Penone 2003, 592). Pour les Etats en voie de développement, comme ceux de la CEDEAO, sans réfuter les dispositions de l'article 51 de la Charte de l'ONU, la livraison des ALPC à des acteurs non étatiques n'est ni plus ni moins qu'un soutien à des groupes qui portent atteinte à leur souveraineté. Interdiction est donc faite de transférer des ALPC à des entités non étatiques (Ecowas 2006).

    Le contrôle de transfert des ALPC est spécifique aujourd'hui en ce sens qu'il constitue une dimension importante qui a suscité une attention soutenue de la communauté internationale, des Organisations sous régionales, des Centres Universitaires de Recherche ainsi que de diverses Organisations Non Gouvernementales et des Organisations de la Société Civile (OSC) depuis le début de l'offensive globale contre leur prolifération. Tous ces acteurs restent conscients de la nécessité d'un renforcement du contrôle des échanges des ALPC. Ce raffermissement semble effectivement essentiel puisque le lien entre le commerce légal et le marché illicite est désormais majoritairement connu (Small Arms Servey 2007, 74). Les armes légalement transférées souffrent régulièrement de détournement vers des destinataires qui en font un mauvais usage. (Tremblay 2006, 3). La spécificité du problème de contrôle reste aiguë pour au moins trois perspectives différentes, toutefois complémentaires en réalité. Premièrement, la fabrication et la commercialisation des ALPC entraînent des conséquences sur le plan du désarmement. Leur contrôle et leur limitation favoriseraient un climat de paix, de sécurité et de libération des ressources pour le développement. Deuxièmement, dans la lutte contre la criminalité organisée, la réduction des activités illégales et criminelles liées à la fabrication et au commerce illicites des ALPC permet de faire reculer la violence armée, la corruption ainsi que les crises politiques, militaires, économiques et sociales au sein des Etats et, partant, d'améliorer la capacité des Etats à faire face aux groupes criminels et terroristes tout en remplissant leurs fonctions régaliennes. Troisièmement, du point de vue de la sécurité humaine, la circulation anarchique des ALPC demeure une réelle menace. Leur contrôle limiterait les atteintes à cette sécurité (Alfonso De Alba 2002, 58).

    Pour ce faire, cette nécessité de contrôle est au coeur de la mise en oeuvre d'une série d'instruments, qui comporte au-delà des dispositifs nationaux, un système international régenté par les Nations Unies, et plusieurs systèmes régionaux, plus ou moins élaborés. Au niveau onusien, il s'agit : du Programme d'action de l'ONU sur les ALPC en juillet 2001 (PoA), du Protocole contre la fabrication et le trafic illicites d'armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée entré en vigueur le 3 juillet 2005, de l'Instrument international d'identification et de traçage rapide et fiable des armes légères et de petit calibre illicites adopté en 2005 par l'Assemblée Générale de Nations Unies, de la Déclaration de Genève sur la violence armée et le développement, dite « Déclaration de Genève » (DG) adoptée sous les auspices de la Conférence ministérielle en juin 2006. A ces mécanismes s'ajoutent les différentes Conférences dont celles de 2001, 2005 et 2006 afin d'examiner non seulement l'évolution de la mise en oeuvre du PoA, mais aussi permettre l'adoption d'un Traité International sur les ALPC. Au niveau des différentes sous régions, on retient entre autres : la Convention interaméricaine contre la fabrication et le trafic illicites d'armes à feu, de munitions et autres matériels connexes en 1997, la Loi modèle Arabe sur les armes et les munitions en 2002, le Programme pour prévenir et combattre les trafics illicites d'armes conventionnelles adopté par l'Union Européenne (UE) en juin 1997, le Document de l'OSCE sur les ALPC en novembre 2000, le Code de conduite de l'UE en juin 1998, l'Action Commune de l'UE de Lutte contre l'accumulation déstabilisatrice et la prolifération des ALPC en décembre 1998, l'Arrangement de Wassenaar entré en vigueur en juillet 1996, le Protocole de Nairobi en avril 2006 et la Convention CEDEAO relative aux  Armes Légères et de Petit Calibre, leurs Munitions et autres Matériels connexes en juin 2006 ; laquelle Convention est le résultat du processus de transformation du Moratoire de la CEDEAO sur l'importation, l'exportation et la fabrication des armes légères adopté en 1998 (Berkol 2007, 1). Au niveau CEDEAO, le contrôle des ALPC a pris une assise à travers la proposition de Alpha Omar Konaré d'un Moratoire sur la circulation des armes légères en Afrique de l'Ouest en 1997 (Lodgaard et Ronnfeldt 1998, 17). Cette proposition a reçu un écho favorable. En octobre 1998, la CEDEAO a adopté une Déclaration de Moratoire sur l'importation, l'exportation et la fabrication des armes légères et ce, « considérant que la circulation des armes légères constitue un facteur déstabilisateur pour les Etats membres de la CEDEAO, et une menace pour la sécurité de nos peuples » (Poulton et Ag Youssouf 1999, 325). Ces préoccupations avaient été exprimées aux termes de l'article 41 alinéa 3 (b) du Traité révisé de la CEDEAO de 1993 qui autorisent chaque pays à introduire, maintenir ou appliquer des réductions ou des interdictions concernant « le contrôle des armes, des munitions, et de tous autres équipements militaires et matériels de guerre ». Ces inquiétudes n'ont pas fléchies en ce sens que plusieurs textes ont été adoptés : le Code de Conduite le 10 décembre 1999 en appui au Moratoire, le Protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité à cette même date, suivi du protocole A/SP1/12/01 sur la démocratie et la bonne gouvernance additionnel à ce mécanisme et de la Convention CEDEAO de 2006. Cet arsenal de normes, d'institutions et de programmes touche entre autres domaines le marquage, le traçage, le courtage, la collecte et le contrôle des transferts des ALPC.

    Cependant, malgré l'existence des textes CEDEAO, la pratique reste déviante des normes. Il y a presqu'un contournement généralisé des institutions et les programmes ne font que battre de l'aille. L'Afrique de l'Ouest demeure à ce jour un zone assaillie par les flots d'ALPC (Florquin et Berman 2006) avec à la clé toutes les conséquences innombrables. Cette contradiction saillante entre normes et pratiques force à se poser la question suivante: Comment expliquer le hiatus entre le système de contrôle des transferts des ALPC et la réalité sur le terrain en Afrique de l'Ouest? A cette interrogation, on peut émettre l'hypothèse selon laquelle, les transferts des ALPC seraient encore régis beaucoup par les normes nationales que par les normes communautaires. C'est dire que l'hétérogénéité et l'atomisation (différents textes suivant les pays, l'imbrication des sphères du droit privé et public) des textes est un facteur fondamental des limites des normes et des institutions. A cette hypothèse centrale, il peut se greffer diverses sous-hypothèses : La faiblesse des capacités institutionnelles, humaines et financières auquel s'adjoint le caractère intersectoriel des ALPC rend complexe leur contrôle. De même, les transferts horizontaux et verticaux des ALPC, en faveur des Acteurs armés non étatiques phagocytent l'efficacité du système de contrôle. Il en va de même de la multiplicité des conflits armés en cours ou en voie de résolution qui rend difficile le contrôle des ALPC. Enfin, il ne fait l'ombre d'aucun doute que les actions de lutte sont sacrifiées sur l'autel des intérêts économiques, géopolitico-stratégiques des acteurs sous régionaux et internationaux. Toutefois, si ces différentes hypothèses peuvent toutes tenir la route, il sera développé dans le présent travail deux volets : l'hétérogénéité et l'atomisation normative, la déficience des capacités qui favoriserait le contournement et le tripatouillage des normes. Par ailleurs, prenant en compte les multiples menaces que la prolifération incontrôlée des ALPC fait peser sur les sociétés ouest-africaines, il n'est pas déraisonnable de tenter d'ébaucher des solutions. Alors, quelles dispositions efficientes faut-il prendre pour la réalisation effective du contrôle des transferts des ALPC ? La réflexion sur « Le contrôle des transferts des Armes Légères et de Petit Calibre en Afrique de l'Ouest » est orientée dans la perspective d'examen de ces questions. Ce sujet est à la fois universel, d'une actualité permanente et partant, d'une importance indéniable. L'objectif de ce document est donc de nous faire prendre place au coeur des préoccupations et problématiques touchant aux ALPC. Le souci de l'éradication des ALPC nous incite à plaider pour une réalisation véritable du système de contrôle. Toutefois, le réalisme nous amène aussi à reconnaître l'extrême complexité des problèmes qu'est susceptible de soulever cette préoccupation. Ces problèmes sont divers et sont de nature aussi bien structurelle que conjoncturelle.

    Au cours de cette étude, la méthode de recherche documentaire sera privilégiée. S'agissant de la délimitation, deux aspects sont concernés. Dans le temps, l'année de l'adoption de la Déclaration du Moratoire (1998) est le point de départ et ce, jusqu'à aujourd'hui. Géographiquement, l'Afrique de l'Ouest est la zone d'étude. C'est une région qui a traversé de nombreux conflits armés et plusieurs épisodes de violence armée avec une prolifération insoutenable d'ALPC. Enfin, l'argumentation s'appuiera d'abord sur l'examen du système de contrôle et le contexte d'adoption (Chapitre I). Ensuite, son évaluation (Chapitre II). Ce qui permettra enfin de mettre en évidence les limites du système auxquelles il sied de faire quelques propositions (Chapitre III).

    CHAPITRE I : LE SYSTÈME OUEST-AFRICAIN DE CONTRÔLE

    DE TRANSFERT DES ALPC

    Le contrôler de transfert des ALPC est l'une des priorités de la communauté internationale et des organisations sous régionales.

    Sur le plan international, c'est « Conscients qu'il est urgent de prévenir, de combattre et d'éradiquer la fabrication et le trafic illicites des armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions, étant donné que ces activités sont préjudiciables à la sécurité de chaque État, de chaque région et du monde dans son ensemble, qu'elles constituent une menace pour le bien-être des peuples, pour leur promotion sociale et économique et pour leur droit à vivre en paix » (Nations Unies 2001, 2), que les Etats membres de l'ONU ont adopté en 2001 le Protocole contre la fabrication et le trafic illicites d'armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions (PoA), additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée. C'est également, considérant la faiblesse du PoA qu'une Conférence onusienne a été organisée du 26 juin au 7 juillet 2006, en vue de renforcer l'offensive de la communauté internationale envers la prolifération des ALPC (Tremblay 2006, 1). Sur le plan Ouest-Africain, les préoccupations restent similaires. En effet, c'est « Considérant que la prolifération des armes légères et de petit calibre constitue un facteur déstabilisant pour les Etats membres de la CEDEAO et une menace pour la paix et la sécurité de nos peuples et, Profondément préoccupés par le flux excessif d'armes légères et de petit calibre vers l'Afrique en général et l'Afrique de l'Ouest en particulier et conscients de la nécessité de contrôles effectifs des transferts d'armes par les fournisseurs et les courtiers », que les Etats CEDEAO ont adopté la Convention 2006. Cette dernière devant contribuer à la réalisation des objectifs de la Déclaration du Moratoire en consolider les acquis. Ces préoccupations sont également exprimées dans plusieurs autres textes CEDEAO : Du Traité Révisé à la Convention en passant par le Moratoire, le Code de Conduite, le Mécanisme sur la résolution des conflits et son Protocole additionnel, énormément de dispositions donnent la quintessence de la nécessité de juguler les flux des ALPC.

    Les différents instruments rappellent les multiples menaces liés à la circulation incontrôlée des ALPC. Ce sont principalement les menaces sur la sécurité humaine et le développement (SECTION I). Aussi, comment s'articulent les normes CEDEAO pour le contrôle des ALPC ? (SECTION II).

    SECTION I : LES MENACES DE LA CIRCULATION INCONTRÔLEE

    DES ALPC

    Des transferts d'armes peuvent être indispensables pour répondre aux besoins de sécurité légitime d'un Etat ou pour améliorer les capacités des forces de sécurité car, comme le souligne la Banque Mondiale, la sécurité reste une priorité pour les populations pauvres dans toutes les régions du monde (Conoir et Verna 2005, 486). Cependant, les transferts irresponsables des ALPC peuvent encourager des forces militaires irresponsables et mal entraînées à supprimer les droits humains et entraver le développement démocratique ; faciliter une exploitation brutale des ressources ; contribuer à la dégradation de l'environnement ; et augmenter la violence contre les femmes. La pauvreté peut s'aggraver, les inégalités augmenter, l'accès aux services de base encore plus compromis et des existences menacées (Amnesty International/IANSA/OXFAM, 2004). Ainsi, la circulation incontrôlée des ALPC représente de graves entraves non seulement pour la paix et la sécurité humaine (Small Arms Servey 2002) (§I), mais aussi pour le développement (Small Arms Servey 2003) (§II).

    §I : LA PROLIFÉRATION DES ALPC,

    UNE MENACE POUR LA SÉCURITÉ HUMAINE

    « L'être humain est au coeur de tout. Le concept même de souveraineté nationale a été conçu pour protéger l'individu, qui est la raison d'être de l'Etat, et non le contraire. Il n'est plus acceptable de voir des gouvernements flouer les droits de leurs citoyens sous prétexte de souveraineté ». (Kofi Annan 1999). Ces propos sont la traduction fidèle de la doctrine de la sécurité humaine. La sécurité humaine, aujourd'hui au coeur des stratégies du développement durable et de l'intervention humanitaire, est le résultat de la transition conceptuelle du terme de sécurité.

    Pendant longtemps, la sécurité a été le pré-carré des théories réalistes, néo-réalistes, rationalistes pour lesquelles, elle serait axée sur trois composantes essentielles : l'Etat, le principal agent et bénéficiaire de la sécurité ; la menace à la sécurité provient surtout des autres Etats et les réponses aux menaces sont surtout de type diplomatico-stratégique (Rioux 2001, 11). Aujourd'hui, la sécurité n'est plus campée sur l'Etat, sur les domaines militaires et nucléaires. Depuis les années 1960-1970 avec les réflexions de Galtung sur la paix dans « Peace, War and Defense : Studies in Peace Research » (Galtung 1976) au Rapport sur le Développement humain du Programme des Nations Unies pour le Développement (Nations Unies 1994), qui a officiellement utilisé le concept de sécurité humaine, en passant par John Burton dans « World Society » en 1972, Lester Russell Brown dans « Redefining National Security » en 1977, Booth Ken dans « Security and Emancipation » et les développement des constructivistes, (Nicholas 1989), et bien d'autres auteurs comme Keith Krause dans « Approche critique et constructiviste des études de sécurité », le concept de sécurité a connu une réelle mutation pour prendre en compte l'individu. Désormais, il est fortement question de sécurité humaine que Charles-Philippe David et Jean-François Rioux qualifient de « portée universelle, fondée sur l'interdépendance, centrée sur la prévention et axée sur les individus » (David et Rioux 2001, 21). Elle inclue  la sécurité personnelle, politique, collective, économique, alimentaire, environnementale et sanitaire (David et Rioux 2001, Ibid.). Cette approche large tirée de la définition du PNUD n'inclut pas expressément le phénomène des ALPC qui est de plus en plus considéré comme une réelle menace pour la sécurité humaine. Toutefois, sous un angle restreint, la sécurité humaine serait axée sur les personnes, intégrant beaucoup plus de menaces, mais limitée aux plus violentes comme les mines terrestres, les ALPC, la violence et les conflits intra étatiques. Cette définition donne des limites précises à la notion de sécurité humaine. Aussi, une approche sociologique de la sécurité humaine convient-elle d'être retenue car c'est sous cet angle qu'on peut mieux comprendre la problématique des ALPC. Comme le souligne Keith Krause, les ALPC peuvent être assimilées au problème du contrôle des armements, de la criminalité, de la santé publique, de l'humanitaire et des droits de l'homme ou du développement socio-économique (Krause 1997). Elles sont en majorité la source de violence armée (Déclaration de Genève 2008). Mais comment les ALPC peuvent constituer une menace pour la sécurité humaine en Afrique de l'Ouest? Quels éléments plausibles de démonstration existent-ils ? Deux idées sont à développer ici : l'atteinte à la sécurité humaine pendant les conflits armés et/ou pendant les crises socio-politiques et l'atteinte à la sécurité humaine en période post conflit.

    Pour l'atteinte à la sécurité humaine pendant les conflits armés et/ou dans les situations de crises socio-politiques, il s'agit des morts, des impacts de la guerre sur les personnes vulnérables comme le phénomène des enfants soldats, des déplacés et des réfugiés y compris d'autres formes de violence. Pour Francis Langumba Kelli, les ALPC sont : «  les principales armes utilisées dans les querelles intra et inter communautaires, les guerres locales, les insurrections armées, les activités rebelles armées et le terrorisme dans toute la sous-région. Chaque pays ouest-africain a été confronté à la violence généralisée qu'engendre ce type d'armes. Les ALPC ont alimenté en Côte d'Ivoire, en Guinée-Bissau, au Libéria, au Mali, au Niger, au Sénégal, en Sierra Leone et au Togo, des conflits qui se chevauchent (...) dans lesquels ces armes jouent un rôle central et déstabilisateur. Cela a entraîné, la mort ou le déplacement de millions de personnes et la destruction d'un nombre incommensurable de biens. Des ALPC ont été utilisées pour commettre des violations atroces des droits de l'homme, favoriser la mauvaise gouvernance, ébranler les constitutions, faire des coups d'État, créer et alimenter un sentiment général de peur, d'insécurité et d'instabilité» (Kelli 2008, 6). Au titre des personnes tuées et fortement blessées, par exemple en Sierra Leone, l'emploi de ces engins ont fait entre 50.000 et 75.000 morts, 30.000 amputés. Au Libéria, la guerre civile a fait entre cent et deux cent milles morts. Plusieurs milliers de personnes mutilées en particulier par amputation des mains (Kelli 2008, 9). Quant aux violences sexuelles, entre 215000 et 257000 femmes ont fait l'objet de violes en Sierra Leone (Ploughshares 2002). Pour ces deux formes d'atteinte à la sécurité humaine, Julia Freedson souligne qu'au cours de la décennie écoulée, « plus de deux millions d'enfants ont été tués et plus de six millions ont été handicapés de façon permanente ou ont été sérieusement blessés dans les conflits armés ». (Freedson 2002, 42). Parmi les victimes de guerre, les civils atteignent 80% à 90% dont une grande majorité étant des femmes et des enfants tués par les ALPC (Freedson 2002, Ibid.). En 2008, Anatole Ayissi a mené une enquête à Monrovia (Libéria) au terme de laquelle, il a recensé 58 viols et 44 vols à main armée en mars et 52 viols et 55 vols à main armée en avril. Les propriétaires sont agressés chez eux, dépouillés de leurs biens, leurs femmes et filles ensuite violées, sous la menace d'ALPC. En dehors de ces cas, il faut ajouter que les rébellions touaregs en cours dans quelques régions du Mali, du Niger et de la Mauritanie ont fait depuis 1990 plus de 5.000 victimes décédées sans compter les blessures et autres formes de violence. Le conflit ivoirien dont les soubresauts remontent à décembre 1999 a fait plus de 300 morts et plus de 600 blessés (Bouko 2006).

    De plus, dans ces situations de conflits armés, les enfants y compris les adolescents, les personnes âgées et les femmes sont les plus vulnérables. Les enfants sont généralement enrôlés. Ceux sont aussi bien des potentielles victimes mais aussi des auteurs de multiples formes de violence. Le nombre actuel des enfants soldats dans le monde vacille entre 250.000 et 300.000 répartis dans plus de 30 pays. Le sort des enfants dans les conflits armés est de 2.000.000 de morts, 5.000.000 d'infirmes et environ 12.000.000 se retrouvent dans la rue (Bouko 2006). Ces éléments impitoyables sont aussi mis à nu par Edward Zwick dans son film « Blood Diamond » (Zwick 2006). En Sierra Leone, près de 4 soldats rebelles sur 5 ont moins de 14 ans et on dénombre 20.000 enfants soldats dont certains de moins de 9 ans (Florquin et Berman 2006). Une enquête menée par le Small Arms Servey au Libéria et en Sierra Leone a montré qu'un « pourcentage considérable de sondés provenant de la Sierra Leone et du Liberia a admis avoir été impliqué dans des pillages (56% en Sierra Leone), des massacres de civils (17% au Liberia), des incendies de maisons (19% en Sierra Leone), des viols (18% en Sierra Leone) et des enlèvements (10% en Sierra Leone). Toutefois, les enfants n'ont donné aucune révélation quant à leur participation à des atrocités et à des pillages (Florquin et Berman 2006, 204). Le graphique extrait de cette enquête met en évidence les atteintes à la sécurité humaine par des enfants soldats au Libéria et en Sierra Leone :

    ALPC, ENFANTS SOLDATS ET INSECURITE HUMAINE : Source. Florquin et Berman 2006, 204.

    Quant aux personnes déplacées, on estime qu'en Afrique de l'Ouest, il y a plus de deux millions de personnes déplacées et de réfugiés (Florquin et Berman 2006, 181-220). En outre, la circulation illicite des ALPC donne lieu à des problèmes de braquage et de vols qualifiés dans de nombreux pays de la sous-région. Aussi enregistre t-on le plus souvent le phénomène du mercenariat et de coup d'Etat (Bouko 2006). Enfin, la circulation non contrôlée et illicite des ALPC constitue la source de divers autres menaces pour la sécurité humaine: entraves aux interventions humanitaires, véritable problème de santé publique (Small Arms Servey 2002, 155-201 ; Meddings 2005) ; atteinte sérieuse à la dignité humaine, aux droits fondamentaux et source sans conteste de violence armée (Florquin et Berman 2006), connexion étroite avec l'éclatement de la guerre, de la violence et des guérillas urbaines et autres menaces asymétriques, comme le souligne aussi bien le Small Arms Servey dans ses Rapports de 2005 et 2007 « Weapon at war » et « Guns and the City » que Beullac et Krempel. C'est un baromètre de la faillite des Etats. Ces armes blessent, traumatisent et tuent.

    En outre, l'usage des ALPC en situation post-conflit constitue une menace véritable pour la sécurité humaine. Dans le cas ouest-africain, avec l'accalmie des conflits armés depuis ces cinq dernières années, c'est l'emploi de ces engins dans la violence armée quotidienne qui constitue la réelle préoccupation. Comme le soulignait déjà David Medding en 1997, même plusieurs mois après la fin d'un conflit, les souffrances des civils continuent et les morts liées aux ALPC ne diminuent en moyenne que de 20 à 40% (Medding 1997). Suite à un conflit armé, les ALPC sont recyclés pour être réutilisés dans d'autres conflits ou dans la criminalité au plan local ou encore vendus à d'autres Etats. Et cela en raison de la facilité à les obtenir et à les dissimiler. Toutes choses qui facilitent aussi la participation de milices civiles non entraînées, de combattants insoumis et de mercenaires incontrôlés. La disponibilité des armes aux mains des Etats non démocratiques favorise l'exacerbation de la peur et l'étouffement de l'opposition politique. Par ailleurs, ces armes sont également usées dans des pays ne connaissant pas un conflit armé par des acteurs non étatiques pour contrôler les richesses. Par exemple, au Nigéria, l'État de Delta, une région riche en pétrole, connaît, depuis 2003, un conflit impliquant des milices lourdement armées qui sont motivées notamment par l'intérêt économique que représente le pétrole brut volé. Ces groupes utilisent toute une série d'armes sophistiquées, comme des fusils automatiques et semi-automatiques, ainsi que des armes plus classiques, pour lancer des attaques meurtrières et paralyser des installations gazières et pétrolières. Ils ont fait de nombreux morts parmi les agents de sécurité, endommagé les infrastructures et installations pétrolières et arrêté la production de pétrole. Ils ont également pris en otages des travailleurs étrangers de l'industrie pétrolière. Les violences ont fait des centaines de morts, provoqué le déplacement de plusieurs milliers de personnes et détruit des centaines de propriétés (Kelli 2008, 10). Il y a eu également dans la région nord du Nigeria en fin juillet 2009, des affrontements sanglants entre les forces de défense et de sécurité qui auraient fait entre 300 et 600 morts (Agence France Presse 2009).

    En somme, selon la Déclaration de Genève, les conflits dont la majorité est menée au moyen d'ALPC ont des impacts directs et indirects sur les populations. Ces armes ont causé 18,124% de victimes directes entre 2004 et 2007 en Afrique de l'Ouest et 48,997 de victimes directes en Afrique (DG 2008, 16). Par exemple en République Démocratique du Congo (RDC), environs 90% (soit approximativement 4,8 millions) des 5,4 millions de morts pendant la guerre entre août 1998 et avril 2007 sont de victimes indirectes. Celles-ci sont causées par les maladies infectieuses, la malnutrition, la mortalité infantile due aux maladies liées à l'eau et l'environnement de vie (DG 2008, 31). Par ailleurs, autant la circulation désordonnée des ALPC conjuguée avec leur usage irresponsable est à l'origine des atteintes à la sécurité humaine, autant ce foisonnement porte préjudice au développement.

    §II : LA PROLIFÉRATION DES ALPC, UNE MENACE POUR LE

    DÉVELOPPEMENT

    Les rapports entre l'armement et le développement impliquent de très longs développements théoriques. Pour certains auteurs comme John Maynard Keynes, repris par la production d'armement conjuguée avec l'augmentation des dépenses militaires sont des atouts favorables à un essor économique. L'idée défendue est que l'économie des armes permanente à travers les dépenses militaires exerce une influence positive sur les profits, la technologie capitaliste et la demande de travail (Fontanel et Guilhaudis 1986, 17-33 et Daloz 2001, 1-23). Cependant, John Kenneth Galbraith dans « Economie Hétérodoxe » (Galbraith 2007) en tant qu'économiste de la paix, invalide la théorie du militarisme excessif. C'est Jacques Fontanel qui résume la quintessence des arguments de Galbraith. Selon lui, dit-il « le secteur militaire illustre parfaitement le pouvoir des technostructures. Celles-ci sont partiellement autonomes échappant à tout contrôle démocratique. Le pouvoir militaire, dans les pays en développement, mais aussi dans les pays développés, est en contradiction avec la démocratie et le développement économique. Même si les dépenses militaires peuvent influencer positivement l'économie à court terme, à long terme, elles représentent un gaspillage qui entrave le développement économique des régions pauvres et favorise l'émergence de conflits sanglants qui ne profitent qu'à certains ». En conséquence, Galbraith plaide pour le désarmement et pour la réduction de l'aide militaire aux pays en développement. Il en va de même la Charte onusienne aux termes de l'article 26 : « Afin de favoriser l'établissement et le maintien de la paix et de la sécurité internationales en ne détournant vers les armements que le minimum des ressources humaines et économiques du monde, le Conseil de sécurité est chargé, avec l'assistance du Comité d'état-major prévu à l'article 47, d'élaborer des plans qui seront soumis aux Membres de l'Organisation en vue d'établir un système de réglementation des armements ». (Nations Unies 1945).

    Peu importe les arguments, en Afrique de l'Ouest, il est de notoriété publique que la prolifération des ALPC porte un coup d'arrêt aux programmes de développement. Les menaces sont d'une part au niveau micro-économique et d'autre part, au niveau macro-économique.

    Au plan micro-économique, la disponibilité des ALPC mine le développement micro-économique en incitant certains individus à investir, non dans l'éducation, mais bien dans le développement de leurs activités criminelles et combattantes. La disponibilité des armes fragmente, en outre, les réseaux sociaux préexistants étant donné que les personnes se sentent isolées et de plus réticentes à quitter leur logis. La disponibilité et l'utilisation largement répandues des ALPC perturbent la production agricole, les réseaux de transport et le trafic commercial (Muggah Berman 2001) et contribuent donc à des pénuries alimentaires prolongées, à la flambée des prix du marché et à la nécessité des programmes alimentaires d'urgence. Dans les Etats dits fragiles comme la Guinée Bissau, le Libéria, la Sierra Leone, la Guinée et la Côte d'Ivoire et presque les autres Etats d'Afrique de l'ouest, la violence et les conflits armés au moyen de ces armes, «  pèsent lourdement sur le bien-être économique et le développement régional. Dans cette sous-région, la plupart des victimes de la violence armée sont des hommes jeunes, qui représentent le potentiel économique le plus important. Les armes font plus de blessures non mortelles que de morts, mais ces blessures ont un coût qui pèse sur la productivité et les dépenses de santé et ce sont, dans la plupart des cas, les particuliers, les foyers et les communautés qui subissent ces coûts » (Kelli 2008, 10). Le foisonnement de ces armes crée un climat de peur, de manque de confiance et amoindrit l'essor économique. Cette situation, dit Kelli «  empêche les gens de faire des affaires ; elle freine le commerce et les investissements étrangers. La violence a des répercussions considérables sur le tourisme. Cela touche aussi les services publics : la prolifération des armes dans la sous-région gêne l'accès à des infrastructures et services essentiels comme les centres de soins, les écoles et les marchés. Il existe un lien très fort entre la violence par les armes et la dégradation des services publics. Les services gouvernementaux et les programmes d'aide doivent être réduits ou supprimés à cause de l'insécurité. Les taux de scolarisation et d'alphabétisation ont reculé, tout comme ceux de vaccination, tandis qu'augmentaient la mortalité infantile et maternelle. Au fil des années, cela représente une perte considérable du point de vue de la productivité et de la richesse. Ce sont des décennies de développement et de progrès qui sont annulées ». Par exemple, selon le Rapport Mondial sur le Développement Humain 2005, la violence armée, rurale ou routière empêche la production agricole et la réduction de la famine : les campagnes et les zones rurales ou règne l'insécurité sont désertées et les activités agricoles abandonnées. C'est le cas de la Casamance au Sénégal et de nombreuses régions en Cote d'Ivoire, au Liberia et en Sierra Leone. Elle limite aussi la commercialisation des produits agricoles et, par conséquent, l'augmentation du revenu monétaire des paysans, ce qui limite encore plus les progrès dans la lutte contre la pauvreté. Les analyses d'experts montrent, par exemple, que pendant la guerre civile en Sierra Leone, environ 500 000 familles agricoles ont été déplacées, la production de riz (la principale culture de base) à chute, au cours de la guerre civile de 1991 à 2000, à 20 % du niveau d'avant-guerre (PNUD 2005). En outre, la violence faite aux femmes et aux filles et aux jeunes gens compromet gravement la réalisation de l'Objectif 1 du Millénaire qui est la réduction de la pauvreté et de la faim d'ci 2015.

    Au niveau macro-économique, comme le souligne le Rapport 2001 du Small Arms Servey, la prolifération des ALPC décourage non seulement les investissements étrangers et directs, mais aussi l'épargne interne, car les personnes perdent confiance dans les perspectives de croissance de leur pays. Le conflit, la criminalité et la violence conjugale, poursuit-il, hypothèquent également les perspectives de développement économique en affectant le taux de scolarisation et la productivité générale (Small Arms Servey 2001, 250). Par exemple, en Côte d'Ivoire, le domaine des enseignements a subit des difficultés depuis la guerre de 2002. Ainsi, le taux de scolarisation brut des enfants est passé de 10 % en 1960 à 73 % en 2002. Cependant avec la guerre, on observe la baisse du taux brut de scolarisation (de 73 % en 2002 on est passé à 69 % en 2008). Il y a également l'enrôlement des élèves dans la rébellion ; l'apparition des enfants soldats évalués à environ 4 000 par la Croix Rouge ; la déscolarisation massive (2 000 jeunes filles de 12 à 16 ans sont livrées à la prostitution dans l'Ouest de la Côte d'Ivoire) et l'insuffisance du personnel de l'éducation dû à leur départ massif vers l'administration générale (Doumbia 2008).

    Aussi, le climat d'insécurité crée t-il une situation de méfiance entre les acteurs étatiques et non étatiques favorise de nouveau la conservation ou l'achat d'armes. Ce qui crée des impacts indirects sur le développement. En effet, il y aura une réaffectation des ressources consacrées au bien-être ou au commerce vers l'expansion des forces de sécurité ou l'acquisition de services de sécurité privatisés. Pour aggraver encore la situation, tout gouvernement impliqué dans de tels conflits sera tenté d'accélérer l'exploitation de ressources disponibles - pétrole, minéraux, bois, afin de payer la facture des armes. Des groupes d'insurgés ou des seigneurs de guerre locaux, s'ils le peuvent, feront de même. Des programmes de développement sont détournés ou supprimés au profit des groupes criminels. Les situations de conflit armé et de violence sont non seulement inséparables au développement mais aussi liées à la pauvreté.

    Dans leur étude « Les milliards manquants de l'Afrique : Les flux d'armes internationaux et le coût des conflits », Oxfam International, IANSA et Saferworld, ont évalué le coût économique des conflits armés pour le développement de l'Afrique. Pour ces organismes. « Environ 300 milliards de dollars ont été perdus, depuis 1990, en Algérie, en Angola, au Burundi, en République centrafricaine, au Tchad, en République démocratique du Congo (RDC), en République du Congo, en Côte d'Ivoire, au Djibouti, en Érythrée, en Éthiopie, au Ghana, en Guinée, en Guinée-Bissau, au Libéria, au Niger, au Nigeria, au Rwanda, au Sénégal, en Sierra Leone, en Afrique du Sud, au Soudan et en Ouganda ». Ce qui est paradoxale, c'est que la même étude montre que « Cette somme correspond à l'aide internationale des principaux donateurs au cours de cette même période ». Selon la recherche, les pertes de l'Afrique dues aux guerres, guerres civiles et insurrections s'élèvent à environ 18 milliards de dollars par an. Les conflits armés réduisent, en moyenne, l'économie africaine de 15%. Et ce chiffre est probablement sous-estimé. Les coûts réels de la violence armée seraient bien plus élevés. Les coûts proviennent de bon nombre de facteurs. Il y a les coûts directs évidents de la violence armée - coûts médicaux, dépenses militaires, destruction des infrastructures et soins apportés aux personnes déplacées - qui détournent l'argent utilisé à des fins plus productives. Les coûts indirects qui résultent d'opportunités perdues sont encore plus élevés. L'activité économique faiblit ou s'immobilise. Les revenus qui découlent des ressources naturelles de valeur finissent dans les poches d'individus, plutôt que de profiter au pays. Ce dernier souffre d'inflation, de dettes et de la diminution des investissements, tandis que les populations souffrent du chômage, du manque de services publics et de traumatismes. De plus en plus de personnes, en particulier des femmes et des enfants, meurent des conséquences des conflits, plutôt qu'à cause des conflits en eux-mêmes. Les recherches menées dans le cadre de ce rapport ont montré que le coût des conflits armés pour le développement de l'Afrique s'élève à 284 milliards de dollars depuis 1990 - un chiffre choquant. (Oxfam International, IANSA et Saferworld 2007). La circulation incontrôlée des armes prend en otage les plans de développement. Contrairement aux approches selon lesquelles le développement de l'armement rimerait avec essor économique, ici les armes, sans être directement contre le développement, sapent en tout cas les programmes de développement.

    En somme, que ce soit au titre de la sécurité humaine qu'au titre du développement, le peu de contrôle des ALPC et leur emploi abusif sont néfastes pour la société. La prolifération des ALPC n'est pas seulement une question de sécurité ; c'est aussi une question de droits de l'homme et de développement. La prolifération des ALPC prolonge les conflits et les exacerbe. Elle met en danger les Casques bleus et les travailleurs humanitaires. Elle nuit au respect du droit international humanitaire. Elle menace les gouvernements légitimes mais peu solides et profite au terrorisme et à la criminalité organisée (Small Arms Servey 2001, 2). C'est donc à juste titre que la CEDEAO a mis sur pied des normes et des institutions afin de mieux contrôler les flux de ces engins de mort qui ne font que mettre en péril toute la région. Cependant que renferme l'architecture de ce cadre normatif et institutionnel ?

    SECTION II : LE CADRE NORMATIF ET INSTITUTIONNEL

    La mise sur pied d'un cadre normatif et institutionnel par les Etats membres CEDEAO n'est pas sans justification. La sous région a connu plus d'une décennie de guerres multiples : interétatiques par exemple Burkina-Mali et internes comme celui du Libéria, de la Sierra Leone, de la Guinée Bissau, de la Côte d'Ivoire. Elle a été marquée par de nombreux coups d'Etat. Depuis 1960, pas moins de 40 coups d'Etats ont été commis (Souaré 2007). Plusieurs pays ont traversé de graves crises militaires et sociales (Guinée, le Burkina Faso) ; d'autres continuent de traverser les mêmes crises tels que le Nigéria avec les rebellions dans les zones minières et pétrolifères, le Sénégal avec la crise de la Casamance qui n'est pas totalement résolue. La sous région est aussi un axe de trafics de drogue, d'êtres humains, d'armes et du crime organisé (UNODC 2009). Le problème des ALPC n'est pas détachable de tous ces maux. En somme, la question des ALPC est un véritable problème de sécurité, de développement, de santé publique et de pillages de ressources. C'est plus que jamais un problème de société tant au niveau CEDEAO qu'au plan international. C'est pour cette raison que la CEDEAO a pris des mesures pour y faire face. La CEDEAO a franchit le pas en 1998 en adoptant la Déclaration de Moratoire sur les armes légères. Cette volonté est suivie du Code de Conduite et de la Convention de 2006. Toutefois, vu que les normes et les règles ont besoin d'être matérialisées, des institutions ont également été mis en place concomitamment aux normes car les institutions constituent les assises architecturales émanant des cadres normatifs, légaux et coutumiers, dépersonnalisés et durables. A ce titre, nous allons nous appesantir d'une part, sur le cadre normatif CEDEAO sur les ALPC (§I) et, d'autre part sur le cadre institutionnel (§II).

    §I : LE CADRE NORMATIF

    De 1998 à 2006, la politique CEDEAO de contrôle des ALPC a été régentée par diverses normes aussi bien au plan régional qu'au plan des Etats pris individuellement.

    S'agissant de l'architecture normative régionale, trois textes fondamentaux méritent d'être examiner avec un accent particulier à mettre sur la Convention vue qu'elle est le couronnement normatif de la lutte contre les ALPC.

    L'idée de modification du Moratoire en Convention a été premièrement lancée par l'actuel président du Ghana John Evans Atta Mills les 23 et 24 septembre 1999 à Accra au cours d'un atelier piloté par les Nations Unies sur les modalités d'établissement d'un registre des armes et d'une base de données en Afrique (Lorthois 2007, 256). Le besoin de cette modification s'est consolidé suite aux conclusions du rapport d'évaluation de Moratoire mettant à nu ses insuffisances comme la porosité des frontières, le caractère non contraignant du Moratoire qui ne permet pas une réelle vérification des flux des ALPC. A ces critiques s'ajoutent les recommandations des conférences de Bamako en 2000 et de Niamey en 2005 qui insistaient sur la nécessité d'harmoniser les législations nationales (Lorthois 2007, Ibid.). Le 31 janvier 2003, la Conférence des Chefs d'Etats et de Gouvernement (CCEG) a donné son aval pour la transformation du Moratoire en Convention en mandatant le Secrétaire Exécutif (SE) à cette tâche. Le SE a alors organisé des réunions de travail et sollicité des experts comme Ilhan Berkol et Sola Ogunbanwo qui ont aidé à la rédaction du texte de la Convention. Lequel texte a été adopté par la CCEG de la CEDEAO le 14 juin 2006 à Abuja. Cette Convention est un texte d'emblée plus volumineux par rapport au Moratoire. Contrairement à celle-ci qui compose 17 alinéas sans chapitre, celle-là comprend un préambule de 26 alinéas, 7 chapitres et 32 articles. Toutefois, en quoi cette Convention est-elle différente du Moratoire ? Comment se traduit sa particularité ?

    Plusieurs éléments la distinguent des textes antérieurs sur le contrôle des ALPC tant au niveau sous-régionale qu'international. La Convention est d'abord perçue comme la consolidation des acquis du Moratoire ensuite comme un instrument nouveau et assez contraignant.

    S'agissant de la consolidation des acquis du Moratoire, le préambule est clairement indicatif en ce que les alinéas 18 et 19 traduisent les multiples déterminations des Etats de la CEDEAO « à réaliser les objectifs contenus dans la Déclaration du Moratoire (...) et du Code de conduite pour la mise en oeuvre du Moratoire (...), à consolider les acquis du Moratoire et de son Code de Conduite et à prendre en compte leurs faiblesses en vue de les améliorer » (Ecowas 2006). En outre, l'approche conceptuelle des ALPC et de leur transfert est précise, étendue et plus contraignante. Au terme ALPC, il est adjoint les « munitions et autres matériels connexes ». En opposé au Moratoire qui était focalisé sur les armes légères, sans définition précise, la Convention les définit clairement. De même, les munitions et les matériels connexes sont désormais partie intégrante des ALPC. Aussi, contrairement à l'usage des termes d'importation, d'exportation et de fabrication dans le Moratoire, la Convention se veut-elle approfondie et extensive dans l'article 1§9 lorsqu'elle intègre les termes de transit, de transbordement et surtout de « tout autre mouvement ». En outre, une autre avancée est l'élargissement des acteurs impliqués dans les transferts des ALPC comme les Acteurs Non Etatiques au profit desquels les Etats Membres interdisent, sans exception, tout transfert. Sauf si ce transfert est autorisé par l'Etat Membre importateur. Les « Acteurs Non Etatiques » sont selon l'article 1 alinéa 10 « tous acteurs autres que les Etats et qui comprennent les mercenaires, les milices armées, les groupes armés rebelles et les compagnies privées de sécurité ». Cette interdiction est affirmation de la conception westphalien de l'Etat. Une disposition qui sera difficilement applicable car ces « Acteurs Non Etatiques » de plus en plus travaillent au compte de certains Etats ou même quand ils sont contre l'Etat, la déliquescence de l'Etat aujourd'hui rend presque impossible une réelle application de cette disposition. En tout état de cause, le transférer ou des ALPC à des Acteurs non étatiques notamment aux groupes rebelles est un point d'achoppement entre certains pays du tiers monde comme les Etats CEDEAO et d'autres pays fournisseurs d'ALPC par exemple les Etats Unis d'Amérique (USA). Pour les premiers, les livraisons de ces armes sont une violation de leur souveraineté étant donné que ces groupes rebelles sont à l'intérieur des Etats et s'érigent contre ces Etats. Pour les USA, le soutien apporté aux groupes dissidents est soutenable face à des gouvernements dictatoriaux et oppressifs. C'est la position fortement défendue par John Bolton, alors représentant américain au Conseil de Sécurité à l'ONU (Berkol 2002, Sabel 2008).

    Une autre particularité de la Convention se au niveau de ce que Sylvie Lorthois qualifie de « système d'exemption précisé » (Lorthois 2006, 260). Par comparaison au Moratoire, la Convention est fortement explicite sur les situations de refus de transfert. L'article 6 précise les critères d'exemption pour autoriser le transfert : par exemple, l'existence de documents attestant de l'autorisation d'importation, d'exportation, de transit, de transbordement ; l'obligation que les armes soient marquées ; la transmission des informations au Secrétariat Exécutif de la CEDEAO. Toutes les conditions sont donc réunies dans cet article pour le respect des droits humains et du droit humanitaire international, des embargos, de la Charte de l'ONU et tout autre traité ou décision que les Etats membres sont tenus de respecter (Berkol 2007). Aux termes de cet article, il ressort qu'en dehors du refus de transferts en matière d'informations incomplètes, les exemptions ne sont pas acceptées dans plusieurs cas entre autres: Violation des embargos sur les armes ; violation des principes d'égalité souveraine des Etats, du non usage de la force et la non ingérence dans les affaires intérieures d'un autre Etat ; violation du droit international humanitaire ou l'atteinte aux droits et libertés des personnes et des populations, ou dans un but d'oppression perpétrer des violations graves du droit international humanitaire, un génocide ou de crimes contre l'humanité ; aggravation de la situation intérieure dans le pays de destination finale, de manière à provoquer ou prolonger des conflits armés, ou en aggravant les tensions existantes ; l'encouragement, le soutien et la réalisation des actes terroristes ou à d'autres fins que les besoins de défense et de sécurité légitimes dans le pays bénéficiaire ; l'utilisation pour commettre des crimes violents ou organisés ou pour faciliter la perpétration de tels crimes ; la mise en danger de la sécurité, de la paix et de la stabilité régionales, à faire obstacle au développement durable ou à impliquer des pratiques de corruption à quelque stade du transfert que ce soit (du transfert au récipiendaire, en passant par les courtiers ou les intermédiaires). En plus, un transfert ne sera pas autorisé « si les armes sont susceptibles d'être détournées dans le pays de transit ou d'importation vers un usage ou des utilisateurs non autorisés ou vers le commerce illicite, ou encore réexportées ». Le dernier alinéa complète les éléments formels et procéduraux en confiant au Secrétariat Exécutif la mission de vérification du respect des exemptions et des demandes des Etats membres. Les Etats Membres fournissent les éléments de preuve pour appliquer les critères d'exemption et pour motiver le refus d'une demande d'exemption introduite par un Etat Membre. En dernier ressort, il revient au Conseil de Médiation et de Sécurité de la CEDEAO de trancher en cas de divergence comme le Code de Conduite le prônait aux termes de son article 9§2.

    Cependant, le système d'exemption, plus précis soit-il n'est pas exempte de critiques. Formellement, il revient aux Etats de définir les armes pour lesquelles ils demandent l'application du système des exemptions. Ce qui reste une porte ouverte aux abus. Surtout en période de guerre, il est peu évident qu'un Etat accepte se soumettre à ce régime. Même en situation post-conflit, les autorités étatiques invoqueront la nécessité de se réarmer et donc, c'est une autre brèche qui est porté à ce système car en pareil cas, les Etats sont réticents à fournir des informations. Deux cas peuvent être relevés dans ce cas : Les flux des ALPC entre la Guinée et les autres pays du fleuve Mano et les transferts des ALPC entre la Côte d'Ivoire et ces même pays. Ainsi, la Guinée a été pendant longtemps la base arrière des groupes rebelles du Libéria. Des camps d'entrainement, des réseaux d'approvisionnement en armes ont été signalés et dénoncés. Par exemple, selon Claudio Gramizzi, « Le régime d'Abidjan aurait procédé à une vaste campagne d'achat d'armes à partir de l'éclatement de la rébellion armée en septembre 2002. Parmi le matériel acheté pour l'équipement des Forces Armées Nationales de Côte d'Ivoire, on retrouverait notamment des VAB (véhicules de l'avant blindés), des véhicules blindées « Caspires », des véhicules blindés SAMIL 4x4 et MAMBA, 200 camions de transport de troupes, plusieurs chars T-55, des missiles sol-air, deux bombardiers, des hélicoptères pour transport des troupes, des hélicoptères Puma 300 et Gazelle, au moins quatre hélicoptères de combat Mi-24, deux hélicoptères MI-8, deux avions de chasse Sukhoï 25, plusieurs produits d'artillerie lourde, des obusiers automoteurs 122mm et environ 5.000 obus de même calibre, des mortiers 81/82mm, une trentaine de canons de 20 et 23mm, plusieurs dizaines de canons de 20mm et 90mm, des mortiers de 80mm, des milliers de grenades à main des grenades à fragmentation et anti-véhicules pour bazookas, plus de 3.000 lance-roquettes, 100 mitrailleuses lourdes, plusieurs dizaines de fusils de précision Dragunow, plusieurs milliers de fusils d'assaut (dont des Kalachnikovs et des 56-1) et des quantités importantes de munitions (notamment pour pistolet-mitrailleur, fusils d'assaut et mitrailleuses) ».( Gramizzi 2004).

    Concernant les changements, un des éléments caractéristiques est le contrôle et non l'interdiction de la fabrication des ALPC. Contrairement au Moratoire qui interdisait la fabrication, les articles 7 et 8 de la Convention posent le principe du contrôle strict de la fabrication des ALPC : en réglementant les activités des fabricants locaux avec une politique de réduction et de limitation ; en rassemblant les informations sur la production industrielle là où elle existe ; en soumettant l'activité de fabrication à des préalables liés à la fourniture d'informations précises au Secrétariat Exécutif de la CEDEAO. Ce changement s'explique par le fait que les Etats membres se sont rendu compte que la fabrication locale est non seulement en expansion, mais de plus en plus difficile à contrôler. Une autre raison tient au fait qu'aucun Etat ne voudrait se braquer contre ses propres citoyens de façon brusque. Le commerce des ALPC artisanales est une source de revenus pour les fabricants locaux et des armuriers. Elles sont mais aussi des sources de sécurisation de bon nombre de citoyens. La fabrication est un domaine aux enjeux majeurs pour chaque Etat. La fabrication des ALPC est associée aux contingences coutumières et culturelles de certaines communautés ouest-africaines depuis plusieurs années. Ainsi, mieux vaut composer avec ses acteurs afin d'éviter leur radicalisation et la clandestinité. Comme le souligne Ilhan Berkol, « Le fait d'autoriser cette activité sous le contrôle de l'Etat permettrait de mettre à jour un certain nombre de fabricants et de suivre leur pratique en conformité avec les exigences de la Convention (article 8). Les données seront donc rassemblées au niveau national et transmises au Secrétariat exécutif de la CEDEAO ». (Berkol 2007, 4).

    D'autres changements sont entre autres : « l'instauration d'un suivi et d'un contrôle de la mise en oeuvre de la Convention » selon les termes de Sylvie Lorthois pour renforcer les capacités institutionnelles; la possibilité pour un Etat membre qui soupçonne un Etat de violer la Convention de porter plainte auprès du Secrétariat Exécutif. Un outil exceptionnel est accordé à un ou plusieurs individus de porter plainte contre un Etat devant la Cour de Justice de la CEDEAO. Ces possibilités tant accordées aux Etats qu'aux personnes privées témoignent de la force contraignante de la Convention. Une autre force réside dans le rôle des Groupes d'Experts Indépendants prévus à l'article 28§1 qui sont autorisés à mener des enquêtes pour s'assurer de l'application ou la violation de la Convention. Il existe d'autres empruntes de forces certaines en faveur du contrôle des ALPC. Il en va ainsi du contrôle des armes aux mains des civils pour lequel l'article 14 prévoit en ces alinéas 1 et 2 que : « 1. les Etats Membres interdisent la détention, l'usage et le commerce des armes légères par les civils. 2. les Etats membres réglementent la détention, l'usage et le commerce des armes de petit calibre par les civils ». Cependant, des permis de détention d'armes par les particuliers restent de mise avec quelques cas de refus dans les alinéas 3 et 4 si le demandeur : « n'a pas l'âge minimum requis ; n'a pas un casier judiciaire vierge et n'a pas fait l'objet d'une enquête de moralité ; n'a pas de preuve suffisante légitimant la détention, le port ou l'utilisation pour chaque arme de petit calibre ; ne prouve pas qu'il a suivi une formation en matière de sécurité et qu'il possède des connaissances relatives à la législation sur les armes légères et de petit calibre ;ne prouve pas que l'arme sera stockée dans un endroit sécurisé, et séparément de ses munitions ». Cette situation est assimilable aux articles 3 du Protocole de Nairobi et 5 du Protocole de la Communauté de Développement d'Afrique Australe ou SADC, (Southern African Development Community). Les articles 16 et 17 font référence respectivement à la « gestion et sécurisation des stocks » et à la « collecte et destruction » des surplus d'ALPC. L'échange d'informations, le marquage (article 18), le traçage (article 19), le courtage (article 20), l'harmonisation des législations nationales (article 21), le renforcement des contrôles frontaliers (article 22) à cause de la porosité des frontières, les programmes d'éducation publique et de sensibilisation (article 23) sont autant de dispositions conférant une réelle force et contrainte aux termes de la Convention.

    Au niveau interne des Etats, l'article 21 qui prévoit l'harmonisation des mesures législatives est de plus en plus mis en oeuvre dans plusieurs Etats. Vue la pluralité des textes nationaux et de leur incohérences avec les textes communautaires, cette harmonisation s'avère nécessaire. Au Burkina Faso par exemple, le droit positif burkinabè, comme le montre Luc Marius Ibriga et Salamane Yameogo dans l'étude « Afrique de l'Ouest : L'harmonisation des législations nationales sur les armes légères : Burkina Faso » comprend un arsenal de textes législatifs et réglementaires relatifs aux ALPC. À ce titre on peut citer : Ordonnance n° 1 du 20 janvier 1981 portant régime de l'importation et de la fabrication des poudres, armes à feu, cartouches de chasse et munitions de guerre au Burkina Faso ; 2. Décret n° 2001-268/PRES/PM/SECU/MATD/MEF/DEF/MEE/MJPDH du 08 juin 2001 portant régime des armes et munitions civiles au Burkina Faso ; 3. Décret n° 2001-635/PRES/PM du 14 novembre 2001 modifiant le décret n° 2001- 005/PRES/PM/MAET du 24 janvier 2001 portant création au Burkina Faso d'une Haute Autorité du contrôle des importations d'armes et de leur utilisation ; 4. Décret n° 2002 280/PRES/PM/SECU/MATD/MFB/DEF/MECV/MJ du 26 juin 2002 modifiant le décret n° 2001-268 PRES/PM/SECU/MATD/MFB/DEF/MEE/MJPDH du 08 juin 2001 portant régime des armes et munitions civiles au Burkina Faso ; 5. Arrêté 404 FD du 2 novembre 1962 fixant les conditions d'application de l'article 160 du code des douanes complété par d'autres Arrêtés et le Raabo 19 CNR.PRES.MET.MATS du 26 novembre 1985 portant limitation de l'importation des cartouches de chasse au Burkina Faso ; 6. Arrêté conjoint n° 2002-023/SECU/MATD/DEF du 11 mars 2002 portant détermination des formes et des conditions de délivrance de l'autorisation d'achat d'armes à feu, du permis de détention, du permis de port d'armes à feu et d'agrément de fabricant ou de commerçant d'armes à feu et de munitions civiles ; 7. Loi n° 43-96 ADP du 13 novembre 1996 portant Code pénal modifiée par la loi n° 6-2004 AN du 6 avril 2004 contient en son titre II, chapitre IV (articles 537 540) des dispositions relatives aux sanctions applicables en cas de détention illégale d'armes à feu ou de munitions; 8. Décret n° 2006 74/PRES/PM/MAECR/DEF/SECU portant composition, attributions, organisation et fonctionnement de la Commission nationale de lutte contre la prolifération des armes légères (CNLPAL) ; 9. Décret n° 2001-167/PRES/PM/DEF du 25 avril 2001 portant création de la Commission nationale de lutte contre la prolifération des armes légères. (Ibriga et Yameogo 2007, 8). Cette diversité existe également au Mali, au Niger au Sénégal comme le souligne Hélène N. V. Cissé dans son étude : « Afrique de l'Ouest : L'harmonisation des législations nationales sur les armes légères, critères de convergence appliqués au Sénégal, au Mali et au Niger ».

    Etat actuel des législations nationales du Mali, du Niger et du Sénégal sur les armes. Source : http://www.smallarmssurvey.org/files/portal/spotlight/country/afr_pdf/africa-senegal-mali-niger-2005.pdf

    Le cadre normatif est un couplage des textes communautaires et nationaux. Il est fortement probable que des disparités, des incohérences soient entre ces différents textes. En tout état de cause, c'est l'ensemble de ces normes et règles entre autres, qui organisent les stratégies ouest-africaines de contrôle des ALPC. Mais qu'en est-il des institutions accompagnant ces normes ?

    §II : LE CADRE INSTITUTIONNEL

    L'application des normes a requis la création d'instruments de mise en oeuvre au titre desquelles on compte le Programme de Coopération et d'Assistance pour la Sécurité et le Développement (PCASED), remplacé par le Programme de Contrôle des Armes Légères de la CEDEAO (ECOSAP) auxquels s'ajoutent le Groupe des Armes Légères (GAL) et les Commissions Nationales de lutte contre les ALPC que treize Etats sur quinze ont installé.

    Le PCASED est une structure mise en place par le PNUD en 1999 pour favoriser l'effectivité du Moratoire CEDEAO. Située à Bamako, elle était liée au Bureau des Services de Projet des Nations Unies (UNOPS) en coopération avec le Département des Affaires Economiques et Sociales des Nations Unies (UNDESA). Cette structure se devait d'éradiquer  le flux des ALPC, accompagner et renforcer les « acquis » du Moratoire à travers « des initiatives de préventions des conflits et de renforcement de la paix et aider à créer un environnement sécurisé favorisant le développement durable » en Afrique de l'Ouest (Chaïbou et Yattara 2005, 7). A ce canevas général, d'autres missions lui étaient assignées : promotion d'une culture de la paix, la formation des forces armées et de sécurité, la révision et l'harmonisation des législations et procédures administratives nationales. A cette institution CEDEAO s'ajoutent les Commissions Nationales ayant pour objectifs majeurs de lutter contre la prolifération des ALPC au plan interne de chaque Etat. Composées de personnels militaires et civils, elles devaient de réaliser des programmes d'information, de sensibilisation des populations, de collecter et de détruire les ALPC. Elles sont les bras armés et civils du PCASED.

    Au terme de quinquennat d'existence, malgré leurs réalisations, il est apparu des carences non négligeables tant concernant le PCASED que s'agissant des Commissions Nationales. Ces institutions n'ont pas été opérationnelles. Ces initiatives n'ont pas permis de comprendre le sens et la portée tant du Moratoire que du Code de Conduite. Une certaine hostilité a même été ressentie envers ces institutions comme le traduisent les propos d'une autorité ouest-africaine, rapportés par Mohamed Coulibaly: «  Si vous pensez que nous vous communiquerons nos données sur les quantités d'armes détenues par nos forces de défense et de sécurité, vous vous tromper. Aucune transparence n'exige de vous révéler des secrets-défense ». (Coulibaly 2004, 7). Si ces propos semblent amoindrir la mise en oeuvre du Moratoire, ils ne doivent pas être récuser car pour un Etat respectueux de sa sécurité et de sa défense comme cela a cours dans toutes les parties du monde, il n'y a aucune valable à ce qu'il livre les informations relatives à son capital d'armement et des forces armées et de sécurité. Quelque que soit la structure qui la demande, le stockage des informations sur le degré de l'armement d'un Etat, encore moins d'une Communauté d'Etats comme la CEDEAO reste pour le moment peu acceptable. Il ressort dans tous les cas que les institutions d'accompagnement du Moratoire ont été peu efficaces. Selon le rapport du Secrétaire Général des Nations Unies du 12 Mars 2004 : « « le Moratoire s'est heurté à des obstacles majeurs : le manque de volonté politique dans certains pays, les lacunes des institutions nationales chargées de la sécurité ; les violations du Moratoire par certains États membres de la CEDEAO et d'autres pays et entités qui ont continué à fournir des armes légères à l'Afrique de l'Ouest au mépris de son Code de conduite ; les guerres civiles menées actuellement qui créent une demande supplémentaire ; le manque d'information au sein du public de la sous-région au sujet du Moratoire et le manque des ressources financières ». Ce lot d'insuffisances ont sans doute impulsé la mise sur pied de l'ECOSAP et aussi du GAL. Mais quelles sont leurs particularités par rapport aux anciennes structures ? Comme l'écrivent Albert Chaïbou et Sadou Yattara, l'ECOSAP sert à  renforcer les capacités de mise en oeuvre du Moratoire à l'échelon national, en appuyant les commissions nationales et, à l'échelon régional en apportant un appui en matière d'effectifs au GAL. C'est un programme de la CEDEAO administré en tant que programme régional par le PNUD/Bureau Régional Afrique (BRA) et exécuté par les commissions nationales, les organismes liés et la société civile (Chaïbou et Yattara 2005, 14). Ce programme s'appuie sur les réalisations de PCASED et tente de combler ses carences. ECOSAP est un centre de gouvernance des programmes des structures publiques et civiles aussi bien au niveau régional qu'au niveau interne des Etats. Il vient en aide en ressources financières, techniques et humaines aux initiatives des acteurs de la société civile et du secteur des forces armées de défense et de sécurité nationales. Ce programme est intiment attaché au GAL ; lequel sera au bout l'instance sous-régionale de planification des politiques et d'interaction politique avec les pays membres. Elle va servir à terme avec les Commissions Nationales de véritable fer de lance dans toutes les politiques CEDEAO en matière de contrôle des ALPC. ECOSAP est doté de ressources humaines de hautes compétences. Le personnel d'ECOSAP est constitué de : un directeur de programme, quatre spécialistes techniques (répartis en 4 groupes géographiques), deux adjoints de programme, un fonctionnaire des finances, administration et du personnel d'appui. Les experts techniques des armes légères et les conseillers techniques d'ECOSAP se chargent des programmes par groupe de pays membres de la CEDEAO. La répartition en groupes correspond à celle du bureau régional pour l'Afrique du PNUD, afin de tirer parti des synergies dans l'appui au programme. Les groupes constitués sont les suivants : Groupe de la RCI : Côte d'Ivoire, Burkina Faso, Mali et Ghana ; Groupe de l'Union du fleuve Mano : Guinée, Liberia, Sierra Leone, Côte d'Ivoire ; Groupe Sénégambie : Sénégal, Gambie, Guinée- Bissau, Cap-Vert ; Groupe du Nigeria : Nigeria, Bénin, Niger, Togo. Ce découpage correspond presqu'à la répartition des zones d'observation et de suivi du système d'observation de la paix et de la sécurité sous-régionales (pré-alerte) qui comprend aux termes de l'article 23 du Protocole relatif au Mécanisme de Prévention, de Gestion, de Règlement des conflits, de Maintien de la Paix et de la Sécurité. Ces zones sont : 1. Cap-Vert, Gambie, Guinée-Bissau, Mauritanie et Sénégal ; 2. Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Mali et Niger ; 3. Ghana, Guinée, Liberia et Sierra Leone et 4. Bénin et Nigeria.

    En outre deux comités vont accompagneront ces structures : Le Comité directeur. Il sera créé un comité directeur regroupant la CEDEAO, le PNUD, le bureau du représentant spécial du secrétaire général pour l'Afrique de l'Ouest et les autres participants au programme. Présidé par le secrétaire exécutif de la CEDEAO, ce comité directeur se réunira tous les six mois pour fixer les orientations générales du programme en matière de politiques et de questions techniques et administratives. - Comité consultatif Il sera créé un comité consultatif chargé d'appuyer les activités de plaidoyer, l'instauration de partenariats stratégiques, la mobilisation des ressources et la création d'un réseau international pour le programme. Ce comité serait également chargé de tracer des perspectives concernant le règlement du problème des armes légères dans la sous-région. Il se réunira tous les ans et fera un rapport à l'attention de la CEDEAO ainsi qu'au programme. (Chaïbou et Yattara 2005, 16). Ces comités ne sont pas encore installés.

    Pour doter les moyens d'actions réelles, la Convention a consacré une gamme de dispositions relatives aux « Arrangements Institutionnels et de Mise en OEuvre » au chapitre IV. Ainsi, L'article 28 dispose que : « 1. Afin d'assurer le suivi et l'évaluation de la mise en oeuvre de la présente Convention, le Secrétaire Exécutif nomme un Groupe d'experts indépendants qui l'appuie. Le Groupe d'experts indépendants soumet un rapport au Secrétaire Exécutif. 2. Les Etats Membres mettent à la disposition du Groupe d'experts indépendants à la demande du Secrétaire Exécutif, toutes informations sur les demandes d'exemption qu'ils détiennent. 3. Le Groupe d'experts indépendants peut rechercher toute autre information qu'il juge utile à son travail, en relation avec les Etats Membres et en s'appuyant sur la coopération avec les Etats Membres aux arrangements Wassenaar, avec l'Union Européenne et avec les fournisseurs d'armes ; 4. Chaque Etat Membre soumet un rapport annuel au Secrétaire exécutif de la CEDEAO sur ses activités relatives aux armes légères et de petit calibre de même que sur d'autres matières en relation avec la présente Convention, conformément au modèle de rapport élaboré par le Secrétaire exécutif.5. Une conférence de toutes les Parties à la présente Convention sera convoquée par le Dépositaire dans les meilleurs délais après l'entrée en vigueur de ladite Convention. La Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement des Etats Membres est chargée d'examiner la mise en oeuvre de la présente Convention et aura des mandats additionnels selon les décisions entreprises par les Etats Membres. D'autres conférences des Etats Membres seront tenues en tant que de besoin ». C'est l'ensemble de ces institutions qui servent et qui serviront de cadre de réalisation des objectifs CEDEAO en matière de contrôle des ALPC. Mais quel est le degré de leur effectivité et de leur efficacité ? Quels sont les résultats obtenus au regard des objectifs fixés dans les textes et des moyens d'actions accordés aux institutions ? Ces interrogations trouveront leur réponse dans la suite du présent travail qui va faire une évaluation du système CEDEAO.

    CHAPITRE II : L'EVALUATION DU SYSTÈME

    DE CONTRÔLE DES ALPC

    Au moins dix années se sont écoulées depuis l'adoption de la Déclaration du Moratoire sur les armes légères à celle de la Convention en passant par le Code de Conduite, le Mécanisme sur la résolution des conflits et de la sécurité ainsi que son Protocole additionnel. Cependant, le phénomène proliférateur des ALPC semble en expansion malgré les quelques actions effectuées. Cette situation n'est pas sans susciter des préoccupations d'où l'intérêt d'une évaluation du système de contrôle des ALPC. L'évaluation est «  une appréciation régulière, aussi systématique et impartiale que possible, de la pertinence, l'efficacité, l'efficience, les effets et la durabilité d'une politique, programme, projet, Commission ou unité organisationnelle dans le contexte d'objectifs énoncés. Elle peut comprendre aussi une évaluation des effets non intentionnels » (UICN 2001, 2). De façon concise, l'évaluation, c'est la production d'un jugement de valeur concernant une politique publique en visant à mesurer les effets de la politique évaluée. Une politique publique entendue comme « un enchaînement de décisions ou d'activités, intentionnellement cohérentes, prises par différents acteurs, publics et parfois privés, dont les ressources, les attaches institutionnelles et les intérêts varient, en vue de résoudre de manière ciblée un problème défini politiquement comme collectif. Cet ensemble de décisions et d'activités donne lieu à des actes formalisés, de nature plus ou moins contraignante, visant à modifier le comportement de groupes sociaux supposés à l'origine du problème collectif à résoudre (groupes cibles), dans l'intérêt de groupes sociaux qui subissent les effets négatifs dudit problème (bénéficiaire) » (Knoepfel, Larrue et Varone 2001, 29). Une politique publique peut être doublement évaluée : sur le plan quantitatif, l'évaluation vise à mesurer les effets de l'action publique en comparant ses résultats aux objectifs assignés et aux moyens mis en oeuvre, notamment à l'aide d'indicateurs de performance. Sur le plan qualitatif, elle porte un jugement sur la pertinence des objectifs et donc, probablement, peut conduire à en réviser le choix. L'évaluation peut prendre multiples formes comme l'évaluation ex ante, l'audit, le suivi-évaluation, l'évaluation finale et l'évaluation rétrospective ou ex post (Charnoz et Severino 2007, 94). En somme, l'évaluation se fait à travers plusieurs critères fondamentaux : Cohérence, pertinence, efficacité, effectivité, efficience et impact. Le système ouest-africain de contrôle des ALPC sera évalué à partir de ces critères ; lesquels critères sont agencés dans le schéma qui suit :

    La chaine de l'évaluation du système CEDEAO de contrôle de transferts des ALPC.

    Ainsi, il sera étudié d'abord la cohérence et la pertinence (Section I), ensuite l'effectivité, l'efficacité et l'efficience en montrant les impacts (Section II).

    SECTION I : L'EVALUATION SOUS L'ANGLE DE LA COHERENCE ET DE LA

    PERTINENCE

    Le système CEDEAO de contrôle des ALPC est une politique publique et, comme telle, elle mérite d'être évaluer après la mise sur pied de nombreux programmes. Cette évaluation touche aussi bien à sa cohérence ; laquelle cohérence sera évaluée d'une part sous le plan normatif (§I) et, d'autre part sous le plan institutionnel (§II). Il sera examiné ici en dernier ressort la pertinence du système (§III).

    §I : LA COHERENCE SOUS L'ANGLE DES MOYENS NORMATIFS

    D'emblée, il sied de clarifier les concepts et le cadre d'application du critère de cohérence. Pour ce faire, le critère de cohérence s'intéresse à la conception et à la mise en oeuvre d'une politique publique. Il s'agit de savoir si les différents objectifs sont cohérents entre eux et si également les moyens juridiques et institutionnels (humains et financiers) mis en place sont adaptés à ces objectifs. Ainsi, il est question d'analyser les orientations stratégiques CEDEAO de contrôle des ALPC par rapport aux finalités. Par exemple, les actions du PCASED, et aujourd'hui, de l'ECOSAP ont-elles été mises en place de façon complémentaires et cohérentes avec les autres dispositifs tels que les Commissions Nationales ? De même, est-ce que les normes communautaires sont en corrélation avec les normes nationales ? Il sera successivement examiné d'abord la cohérence des objectifs entre eux, ensuite l'adaptation des moyens juridiques avec les objectifs fixés et enfin l'adéquation entre les moyens institutionnels (humains financiers) avec les objectifs arrêtés. Relativement à la cohérence entre les objectifs, il convient de noter que du moratoire à la Convention, les objectifs paraissent adaptés au problème des ALPC. L'article 2 de la Convention dispose que : « 1. Prévenir et combattre l'accumulation excessive et déstabilisatrice des armes légères et de petit calibre dans l'espace CEDEAO ; 2. Pérenniser la lutte pour le contrôle des armes légères et de petit calibre dans la CEDEAO ; 3. Consolider les acquis du Moratoire sur l'importation, l'exportation et la fabrication des armes légères et de son Code de conduite ; 4. Promouvoir la confiance entre les Etats Membres grâce à une action concertée et transparente dans le contrôle des armes légères et de petit calibre dans la CEDEAO ; 5. Renforcer les capacités institutionnelles et opérationnelles du Secrétariat exécutif de la CEDEAO et des Etats Membres dans la lutte contre la prolifération des armes légères et de petit calibre, de leurs munitions et autres matériels connexes ; 6. Promouvoir l'échange d'informations et la coopération entre les Etats Membres ». Les objectifs de l'ECOSAP ne sont pas non plus en décalage avec ceux du PCASED, du Code de Code de Conduite et de la Convention. L'ancêtre de l'ECOSAP comporte plusieurs domaines d'activités dont: le développement d'une culture de paix ; la formation des forces armées et de sécurité. Quant au Code de Conduite, on retient quelques objectifs comme : favoriser l'échange d'informations ; la certification des exemptions ; la délivrance des certificats de possession d'armes pour les visiteurs dans la zone d'application du moratoire (articles 6 à 10 du code) ; la coopération intra et inter-étatique ; le renforcement des contrôles aux frontières ; la collecte et la destruction des excédents d'armes (article 11 à 13). ECOSAP a pour objectif fondamental de contribuer au renforcement des capacités des acteurs étatiques dans leurs approches et leurs stratégies de lutte contre le foisonnement des ALPC. ECOSAP apporte également son soutien technique aux programmes de lutte. Au regard du problème, les objectifs lui conviennent. Au niveau d'autres régions, les textes de l'Union Européenne, les Protocole de Nairobi et de la SADC, fixent les objectifs similaires. Il en de même au niveau onusien.

    Cette précision étant faite, la question fondamentale est l'établissement des moyens normatifs en rapport avec les objectifs. En effet, vu que le micro-désarmement concret s'effectue au sein des Etats membres notamment sur le terrain, il est important de mettre en parallèle les normes communautaires et les législations nationales. Cette comparaison mettra en exergue les convergences et les divergences normatives. Les législations nationales de quatre pays seront autopsiées. Ce sont le Burkina Faso, le Mali, le Niger et le Sénégal. Ce choix tient au faite que les études actuelles de terrain sur l'harmonisation des législations nationales ont concerné ces quatre Etats. Aucune recherche n'a été faite dans les quatorze autres Etats CEDEAO. Aussi, une remarque qui ne reste pas insensible est que les législations des pays comme le Ghana, le Liberia, le Nigeria, la Guinée Bissau, le Cap Vert sont très peu connues. Les autres Etats comme, le Benin la Côte d'Ivoire, la Gambie, la Guinée, le Togo ne sont pas différents de ces derniers. Pour ces quatre Etats, un dénominateur commun historique les lie. Ex-colonies françaises, ils ont été tous régis par des textes communs avant les indépendances. Les textes de l'Afrique Occidentale Française (AOF) sont assez épars. Ce sont notamment : Le décret du 4 avril 1925 fixant le régime des armes et munitions en AOF, modifié par les décrets du 16 juin 1931 et du 8 octobre 1938 ; le décret du 25 mai 1912 interdisant le port d'armes offensives secrètes ou cachées (les armes offensives secrètes et cachées concernaient les armes blanches traditionnelles des autochtones) autres que les armes à feu dans toute l'étendue de l'AOF ; le décret du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions ; le décret du 19 novembre 1947 portant interdiction de la fabrication des armes perfectionnées et des armes de traite (les armes de traite étaient les fusils à pierre et fusils à piston) en AOF ; l'arrêté général du 20 avril 1957 fixant pour chaque territoire de la fédération, un contingent annuel d'importation d'armes de chasse.

    Après les indépendances, une panoplie de textes législatifs et règlementaires ont été adoptés. Toutefois, aucun Etat ouest-africain (aussi bien ceux en dehors des quatre ici concerné que ces derniers) n'a encore une législation taillée à la mesure des textes CEDEAO. Les recommandations d'harmonisation des législations sont pour l'heure au placard au profit des discours et les déclarations de bonnes intentions. Sans doute avec raison : par exemple en Côte, l'issue incertaine du processus de paix conduit les acteurs, surtout les autorités gouvernementales à observer la prudence et la méfiance. Ce qui est certain, c'est que personne ne veut prendre des initiatives pour un contrôle des ALPC au risque de se lier par des règles qu'on a soit prises. De même au Nigéria, en raison des rebellions à répétition, ni les autorités des Etats fédérés ni celles de l'Etat central ne veulent s'engager dans l'adoption de mesures contraignantes pour contrôler les flux des ALPC. On préfère peut-être laisser des brèches afin d'éventuels approvisionnements en ALPC. Il y a un manque de confiance aussi bien entre les acteurs étatiques des différents pays membres CEDEAO mais également entre les groupes rebelles et les acteurs non étatiques en général et les autorités des Etats CEDEAO. Du reste, il existe un ensemble de textes législatifs et réglementaires propres à chaque Etat. Lesquels textes ont des domaines d'application, des classifications des armes et des principes directeurs peu convergents. Et lorsque ces différentes sont mises en rapport avec les textes CEDEAO, les clashs sont clairs.

    Une analyse comparative est nécessaire car de multiples incohérences existent sur les activités de commerce et d'entreposage des armes, les questions de marquage, de courtage, de traçage, de la gestion des stocks et des sanctions en cas de violation des normes. Ces différences sont d'une part entre les dispositions des textes communautaires et les pays et d'autre part, entre les pays pris séparément. Cependant, il sera étudié quelques points saillants : la classification des armes, les principes directeurs, les conditions d'acquisition, d'exportation, d'importation, de cession, de transfert et de détention.

    S'agissant de la classification des armes, il y a une différence éclatante au sein des législations des quatre pays. L'éclatante divergence existe entre celles-ci et les termes retenus par les textes communautaires. Au Burkina Faso, c'est le terme d'arme à feu qui est retenu. Ainsi, aux termes de l'article 4 du Décret n°2001-268 portant régime des armes et munitions civiles au Burkina Faso « une arme à feu est toute arme d'épaule ou de poing, perfectionnée ou non, capable d'employer la force explosive de la poudre. Une arme d'épaule civile est une arme à feu que l'on épaule pour tirer, utilisée pour la chasse au gibier, la chasse sportive ou lors des manifestations foraines, et non classée comme arme de guerre. Une arme de poing civile est une arme à feu qui se tient par une poignée de pistolet, qui ne peut être épaulée, et non classée comme une arme de guerre. Une arme à feu perfectionnée est toute arme à feu à feu de fabrication industrielle ou artisanale, utilisant des munitions de type de type industrielle moderne. Une arme à feu non perfectionnée est toute arme à feu, de fabrication artisanale, n'offrant aucune possibilité d'utilisation de munitions de type moderne, notamment les armes à pierre ou à piston ». Cette définition classificatrice ressemble à la législation Nigérienne. Cette dernière distingue deux (2) catégories d'armes : les armes perfectionnées considérées comme les armes à air comprimé ayant une portée de tir égale ou supérieure à dix (10) mètres avec une précision et une efficacité suffisante pour abattre de petit animaux ; les armes à feu non perfectionnées ou armes de traite sont les fusils à pierre les fusils à piston. Entre ces deux pays, les différences se situent entre les compléments de définition sur les armes d'épaule et de poing civile au niveau Burkinabè et l'absence de définition au niveau Nigérien. La dissemblance est plus grande avec le Mali qui opère une distinction en quatre catégories. La Loi n°60-4 du 7 juin modifiée par la Loi n°04/50 du 12 novembre 2004 prévoit que : les armes blanches sont les armes tranchantes (lances, sabres, poignards, flèches, couteaux en forme de poignard stylet) ; les armes contondantes sont par exemple les coups de poing américains, matraques, casse-tête, massues, cannes, épées, machettes ; les armes à feu à canon lisse comprenant les fusils de chasse perfectionnées d'importation et de fabrication artisanale, les fusils de traite tels que les fusils à pierre et fusils à piston), les armes à feu à canon rayé comme la carabine de chasse ou de salon et enfin les armes de défense englobant les pistolets, les revolvers). Contrairement aux deux premiers Etats, la législation est plus prolixe et étoffée. Elle fait un peu référence au concept d'armes de petit calibre dans la Convention CEDEAO. Le Sénégal est encore plus détaillé avec un classement en sept catégories. Pour la Loi n°66-03 du 18 janvier 1966, on dénombre : les armes à feu et leurs munitions ainsi que le matériel les accompagnants ou servant à leur transport. Ce sont les armes fabriquées pour la guerre terrestre, naval, aérien, les matériels de protection contre les gaz de combat ; les armes à feu de défense et leurs munitions ; les armes de chasse et leur munitions ; les armes à feu de tir et de foire et leurs munitions, les armes blanches ; les armes à feu de traite et les armes et les munitions de collection. Se voulant plus exhaustive, la législation Sénégalaise est fortement proche de la Convention CEDEAO sur les concepts d'ALPC, des munitions et des matériels connexes. Il n'est pas exclue que cette législation ait fortement pesée dans les processus d'élaboration des textes communautaires. En dehors de ce rapprochement Sénégalais et du cas Malien, les deux autres pays sont loin dans la convergence. Aucune référence n'est faite au concept d'ALPC dans aucune des législations. Le Burkina et le Niger sont mieux sur les références des armes de défense aux mains des forces de sécurité et militaires. Tout simplement, les normes communautaires sont bien loin de prendre effet au sein des Etats car de telles divergences ne militent pas en faveur de l'effectivité encore moins de l'efficacité des stratégies ouest-africaines de contrôle des ALPC.

    Un autre point saillant se situe au niveau des principes directeurs. Au Mali et au Sénégal, l'achat, la détention et le port des armes de guerre sont formellement interdits aux particuliers alors qu'au Burkina Faso et au Niger, l'interdiction reste limité. Ces limites concernent l'âge la santé mentale du demandeur, les procédures administratives auprès du ministère de la sécurité et le bien fondé des motifs à se procurer une arme (Cissé 2005 ; Ibriga et Yameogo 2007). La Convention dispose à son article 14 alinéas 1, 2 et 3 que : « 1. les Etats Membres interdisent la détention, l'usage et le commerce des armes légères par les civils. 2. les Etats membres réglementent la détention, l'usage et le commerce des armes de petit calibre par les civils. 3. des autorisations peuvent être octroyées en vue de permettre la détention individuelle d'une ou plusieurs armes de petit calibre et leurs munitions, conformément à la législation nationale de chaque Etat Membre. Les requêtes pour de telles autorisations doivent être traitées par les autorités nationales compétentes. Les candidats doivent rencontrer en personne l'autorité compétente. Le Secrétaire Exécutif de la CEDEAO définit les procédures d'autorisation qu'il communique aux autorités nationales compétentes ». Ici, il y a une incompréhension dans le texte de la Convention elle-même quand elle emploie les termes « interdisent » et « règlementent » dans le même article. Ce qui est une faille. Soit on interdit soit on règlemente. On ne peut faire les deux en même temps pour le même public. Ce qui conviendrait d'expliciter, c'est qu'on peut interdire la détention de certaines armes militaires à des civils et réglementer la détention des autres catégories d'armes par les civils. Dans ce cas aussi, la Convention et les textes nationaux devraient indiquer des catégories d'armes concernées. En rapport avec les principes directeurs des quatre pays, il y a une incohérence criarde. Par ailleurs, en adoptant le critère d'interdiction, il paraît peu probable que cela soit réel sur le terrain. La notion aussi d'arme de guerre reste équivoque. Qu'appelle t-on arme de guerre ? Aujourd'hui, la guerre n'est pas forcément faite avec les armes perfectionnées. Quant à l'insécurité humaine, on n'a pas besoin d'une arme aussi sophistiquée pour violer les droits humains et mettre en péril la stabilité, la sécurité et la paix. Il n'y a donc pas de raison à que certains pays établissent une distinction entre armes perfectionnées ou pas. C'est une limite néfaste pour la collecte et le contrôle des ALPC. La production artisanale demeure une porte de sortie de prolifération des armes. Les règles méritent d'être renforcées. En tout état de cause, la volonté commune des autorités étatiques reste la vigilance sur les conditions d'acquisition, d'importation, de cession, de transferts la détention et le port des armes par les particuliers. En conformité à la Convention, plusieurs conditionnalités sont soumises aux particuliers. Il s'agit de l'âge minima, la bonne santé mentale, l'absence de condamnation judiciaire pour délit et crime, l'acquisition d'un permis de détention ou de port. Spécialement, la détention des armes dites de défense sont accordées pour certaines personnes exerçant des fonctions particulières comme le cas des magistrats au Burkina Faso. En réalité, toutes ces distinctions sont battues en brèche par les faits. Dans tous ces pays, les armes, surtout les armes blanches et « non perfectionnées » sont aux mains des particuliers comme le souligne sur le Mali et le Sénégal. Pour Hélène Cissé, « La détention et le port des armes blanches revêtent souvent un caractère culturel profondément enraciné chez certaines ethnies (peulh) et correspondent à des besoins vitaux de protection liés aux activités des éleveurs, bergers et agriculteurs. Malheureusement on constate de plus en plus la propension à utiliser les armes blanches dans les actes d'agression, de braquage et de vols de bétail dans les zones rurales et dans les conflits intra-étatiques. De plus en plus d'armes de fabrication artisanale locale parfois très sophistiquées et meurtrières sont saisies à l'occasion des braquages par les Forces de sécurité au moment des arrestations » (Cissé 2005, 12).

    Pour les cessions d'armes, elles ne sont possibles qu'après deux ans de détention par le cédant au Mali et au Niger. Le Sénégal et le Burkina Faso sont muets sur ces points. Tous les pays restent contraignants sur les conditions de transfert des munitions entre les particuliers. Les populations intéressées doivent remplir les conditions précitées, mais aussi se doter de permis octroyés par les autorités compétentes. Il est aussi interdit d'hériter des armes d'un De cujus. Mais, cette règle est presque impossible à appliquer en ce sens qu'une grande partie des décès ne sont pas authentifiés par les services administratifs. Il est quasi-impossible de se rendre compte du décès d'une personne détentrice d'armes. Aussi, le partage de l'héritage étant presque familial, l'administration reste en dehors de tous ces processus. Dans certaines sociétés patriarcales, c'est le fils ainé qui hérite presque de la totalité des biens de son père. Donc, l'administration n'est informée de rien. Ce sont autant de limites pratiques étant donné que les populations locales détiennent des armes à l'insu des services publics. Les importations d'armes au profit des visiteurs sont encadrées comme le recommande la Convention à l'article 15. Les personnes intéressées doivent se munir d'un permis d'achat et d'importation afin de bénéficier d'un permis de port d'arme de son pays de destination.

    Les principes de transparence et d'échange d'information relativement à la mise en place des banques de données et de registres, le Burkina éprouve encore des difficultés. Aucune disposition n'y fait référence et aucun organe sérieux n'est à mesure de fournir des informations dans ce domaine (Ibriga et Yameogo 2007, 14). C'est un parcours de combattant que de vouloir établir ces listes comme c'est le cas au Burkina Faso ainsi le dit l'ex-secrétaire de la Commission nationale : « Après notre installation, et après la relecture du décret portant création de la commission nationale nous avons pris attache avec l'association des armuriers du Burkina qui était incontournable dans la lutte contre la prolifération des armes. Nous avons dès lors demandé aux premiers responsables de cette association de nous fournir la liste exhaustive des fabricants locaux d'armes dans notre pays. Cette liste nous a été dressée et pour confirmer cela, nous avons organisé un atelier pour prendre langue avec eux à travers les responsables régionaux. Il est ressorti de nos discussions que près de 99% des armuriers de notre pays ne sont pas inscrits sur le fichier en question. Cela s'explique du fait que c'est une activité qui pour la plupart s'exerce dans l'illégalité » (Yameogo 2007). Par contre, le Mali, le Niger et le Sénégal ont centralisé des registres pour l'enregistrement des sorties et des entrées des armes. Ainsi, les fabricants et les commerçants des armes doivent tenir un registre côté et paraphé par les représentants de l'Etat. Lesquels registres devant comporter les informations sur : les armes et munitions importées ou fabriquées, les éléments entrant dans la fabrication des munitions pour les armes, les registres des stocks d'armes (Cissé 2005, 16). A cela s'ajoute les registres nationaux et locaux tenus par les ministères en charge de la sécurité intérieure et les représentants locaux de l'Etat. Lesquels registres sont presque non établis comme c'est le cas du Burkina Faso Toutefois, ces informations sont généralement gardées secret défense pour ces Etats. Il est peu probable que ces informations soient exactement fournies au Secrétariat de la CEDEAO quand on sait que la CEDEAO est traversé par des tensions interétatiques et des conflits de personnes sous-tendant les dynamiques conflictuelles (Bagayoko-Pénone 2003, 563). Cette analyse terminée, il convient de s'appesantir sur l'examen de la cohérence entre les objectifs et les moyens opérationnels.

    §II : LA COHERENCE SOUS L'ANGLE DES MOYENS OPERATIONELS

    Pour cette partie, l'analyse est consacrée à la cohérence des moyens communautaires au plan institutionnel et humain en rapport avec les moyens similaires au niveau des Etats eu égard aux objectifs fixés. Le contrôle des ALPC est la résultante de la coopération entre les différentes institutions. Par exemple entre les organes communautaires et les commissions nationales et ces dernières avec les ministères en charge de la sécurité et de la défense ou toute autre institution nationale. Les moyens opérationnels qui leur sont alloués sont-ils suffisants et adéquats ?

    Dans la poursuite de ces objectifs, le PACASED et l'ECOSAP aujourd'hui ont entrepris des actions. Grâce aux appuis techniques et financiers du PCASED, tous les pays sauf le Libéria ont pu installer leurs Commissions nationales. En outre, des séminaires et des campagnes de sensibilisations sur la promotion de la culture de la paix ont été organisés non seulement à l'endroit des autorités politiques, militaires et de sécurité mais aussi à l'intention des acteurs de la société civile. Des programmes scolaires et universitaires sur la culture de la paix sont élaborés. Mais ces programmes sont pour l'heure non exécutés dans ces quatre pays. S'agissant de la collecte et de la destruction des ALPC, on estime à trente cinq milles le nombre des armes collectées et détruites après les campagnes effectuées au Mali, au Niger et au Libéria (Chaïbou et Yattara 2005). A cela s'ajoutent les formations accordées aux cadres des ministères de défense et de sécurité, la publication par l'Institut des Nations Unies pour la Recherche sur le Désarment (UNIDIR) en juillet 2003 du Manuel de formation des forces armées et de sécurité. Des négociations ont été menées avec les Etats fournisseurs d'ALPC pour demander à ce que ceux-ci respectent les textes CEDEAO. En plus de ces actions, on retient entre autres : le forum pour la paix en juillet 1999 à Monrovia au Libéria ; le projet de transformation des résidus des armes en instruments agricoles par l'Agence Allemande se coopération technique internationale (GTZ). Mais, comme le dit l'adage « l'arbre ne peut cacher la forêt », les carences sont innombrables. Au niveau des moyens humains, les Commissions sont en manque comme en Côte d'Ivoire et au Nigéria (Sallé et Poulton 2008). Et même quand elles sont installées, les moyens matériels font énormément défaut (Chaïbou et Yattara 2005, 7-10). Toute chose qui n'est pas à faciliter les actions sur le terrain. En addition, il convient d'analyser les relations entre les organes communautaires et les commissions nationales. Dans cette analyse, il sied de décrypter les relations entre ces Commissions et les organes internes en matière de défense et de sécurité. Généralement, les Commissions sont composées de représentants des Ministères de la défense, de l'intérieur et de la sécurité, de la justice, des affaires étrangères et de la société civile. Elles doivent faire aux autorités toutes propositions utiles en vue de la lutte contre la prolifération des armes légères, entreprendre des actions de sensibilisation, collaborer avec d'autres commissions d'États membres pour échanger leurs expériences, intéresser les institutions bilatérales ou multilatérales à leur travail, assister les autorités politiques dans l'exécution de leur obligation internationale de lutte contre la prolifération des ALPC. Dans ces missions, il devait avoir une collaboration transparente entre ces Commissions et les instances supranationales, mais les informations au sein des Etats restent secrètes. Les Commissions manquent bien souvent des moyens logistiques. Le personnel n'est parfois aguerri ou spécialisé dans le domaine des ALPC. Sans compter qu'elles ne disposent pas de budget autonome et suffisant pour mener à bien leur tâche. Quant aux rapports entre les mêmes commissions et les ministères de la sécurité et de défense et autres organes internes, la situation n'est pas non plus rose. Les ministères restent muets et considèrent comme des injonctions les demandes et les recommandations de ces structures. Avec l'explosion du crime organisé et du banditisme, les ministères optent généralement pour le traitement de ces questions comme étant des préoccupations nationales. Peu d'informations sur les saisies des armes filtrent entre les mailles de ces institutions qui restent aujourd'hui comme des ministères stratégiques et sous le contrôle presque total des Etats. L'opacité devient la règle, la transparence l'exception. On crée même d'autres structures a priori en faveur des Commissions, mais en réalité ne sont pas loin d'être en porte à faux avec elles. Au Burkina Faso par exemple, en plus de la Commission, il a été mis en place par le décret n°2001-005 du 24 janvier 2001, une Haute autorité du contrôle des importations d'armes et de leur utilisation. Cette structure rattachée au Premier ministère et est dirigée par un secrétaire permanent. L'article 9 prévoit que le secrétariat permanent représente la Haute Autorité dans ses relations avec les tiers ; initie et entretient les rencontres d'échanges d'informations et d'expérience avec les États tiers et les organisations intergouvernementales concernées ou intéressées. Ce rôle paraît coïncider avec celui de la Commission nationale car c'est à cette dernière que revient la tâche de coordination des actions sur les armes avec les instances CEDEAO. Un autre élément ambigu est que c'est le premier ministre qui fixe le fonctionnement et l'organisation de la Haute Autorité et de la Commission par arrêté. L'autonomie de la Commission semble affaiblie vue qu'elle est sous la coupole du premier ministre. Quant à la Haute Autorité, elle pourrait servir d'instance satellite strictement stratégique pour les affaires d'armement. En cela, elle pourrait ravir les tâches de collaboration et d'échange d'information entre la Commission et la CEDEAO. Par ailleurs, les différentes Commissions organisent des séances de rencontre pour évaluer le travail accompli par chacune sur le terrain. Ce qui est à encourager car des enseignements et des stratégies seront à partager entre elles. Ainsi, les autorités des Commissions nationales du Ghana, du Nigeria et du Sénégal se sont rencontrées (Ebo et Mazal 2007). Le 29 juin 2009, les Commissions nationales de lutte contre la prolifération des ALPC du Burkina Faso, du Niger, du Sénégal et du Mali sont réunies dans la capitale malienne pour procéder à la revue des activités du dernier semestre, déterminer les activités prioritaires et les conditions de leur mise en oeuvre pour le semestre suivant. Toutefois, ces actions ne peuvent être durable que les moyens financiers sont suffisants car comme le dit l'adage : l'argent est le nerf de la guerre.

    Malheureusement, c'est à ce niveau que le véritable problème se pose en plus du déficit en moyens humains et matériels. Les financements et la dotation en moyens humains des institutions supra et infra nationales sont insuffisants. Cet état de fait est habilement résumé en janvier 2006 par Paul Badji l'ambassadeur, représentant permanent du Sénégal auprès des Nations Unies, à l'occasion du débat général du comité préparatoire de la Conférence des Nations Unies chargée d'examiner l'application du Programme d'Action en sur les armes légères et tous ses aspects. Entre autres, il souligne le manque de moyens financiers ; l'insuffisance des ressources humaines bien formées ; la faiblesse de la coopération internationale dans les domaines du financement, du renforcement des capacités, de l'échange d'information et d'expérience ; la faiblesse du niveau de contrôle du flux d'exportations d'ALPC venant des pays producteurs (New York 2006, 8). Par exemple, le processus d'élaboration a été en grande partie financé par les Etats extérieurs comme : Le PNUD ; par la Décision 2004/833/PESC du 2 décembre 2004 du Conseil de l'UE, il a été octroyé à la CEDEAO 515.000 euros pour le processus de transformation du Moratoire en Convention, le Canada, la Suisse. Des soutiens quelques contradictoires. Les pays de l'EU comme la France, la Belgique, l'Allemagne sont des grands exportateurs d'armes. Le Canada et la Suisse pareillement. On est emmené à douter des intentions réelles de ces pays. Et comme le dit un adage africain, « quand on dort sur la natte de son voisin, on dort à même le sol ». Cela pour signifier que tant la CEDEAO ne va se doter de véritables capacités, ses programmes de contrôle des ALPC seront dépendants. Les financements sont liés aux intérêts stratégiques des pays donateurs. La réalisation d'ECOSAP a été possible grâce aux financements : La Commission de la CEDEAO, le Bureau Régional du PNUD, la Commission Européenne, la France, l'Espagne, la Norvège, la Suède, la Finlande, le Japon et la Nouvelle Zélande. Prenant le cas de l'ECOSAP, Albert Chaïbou et Sadou Yattara mentionnent que : « ECOSAP suppose une certaine coopération entre la partie offre et la partie demande dans la problématique des armes légères. Or, l'offre est souvent le fait d'entrepreneurs guidés par la seule logique du profit. Bon nombre de leurs activités sont illégales ou criminelles. D'autres fournisseurs, légaux et/ ou illégaux, sont en réalité des États. Une coopération peut certes s'instaurer avec certains fournisseurs légaux mais la diffusion des armes ne s'arrêterait pas pour autant, parce que la demande ne diminue guère dans les sociétés en développement qui sont souvent victimes des conflits et parce qu'il est généralement impossible de contrôler le marché international illicite des armes légères. L'opposition d'acteurs internationaux qui ne manquent pas de moyens (la NRA aux États-Unis, par exemple) à la réglementation des ventes et des transferts d'armes légères, bien qu'étant un risque lointain, pourrait quand même poser des problèmes lorsqu'il s'agit de trouver des solutions véritablement durables » (Chaïbou et Yattara 2004, 16).

    En définitive, on peut dire que les objectifs restent nobles et ambitieuses. Toutefois, les moyens mis en jeu sont moins satisfaisants pour parvenir aux buts fixés. Il ya aussi l'absence réelle de volonté politique. Parler d'une incohérence serait excessive, mais il y a une réelle déficience entre les objectifs et les instruments d'exécution.

    §III : LA PERTINENCE DU SYSTÈME

    Le critère de pertinence renvoie à l'idée qu'une « une politique se justifie très généralement par l'identification d'un problème de société auquel les pouvoirs publics se sentent tenus de faire face. Une politique sera dite pertinente si ses objectifs explicites sont adaptés à la nature du (des) problème(s) qu'elle est censée résoudre ou prendre en charge. La pertinence des objectifs et des actions par rapport aux besoins et aux enjeux territoriaux révélés par le diagnostic initial (ORIV 2007, 1). Sous un volet développementaliste, Olivier Charnoz et Jean-Michel Severino  la pertinence renvoie au bien fondé de la finalité du projet (de la norme ou de la politique) et à la cohérence de sa démarche. S'est-il attaché à un problème prioritaire ? Y répond t-il mieux que d'autres actions envisageables ? (Charnoz et Severino 2007, 95). La norme ou la politique publique doit répondre à une demande, à un problème de société.

    Au regard de ces définitions, il n'est pas déraisonnable de dire que les normes et les stratégies de contrôle de transferts des ALPC en Afrique de l'Ouest sont pluriellement pertinentes. La prolifération des ALPC est sans équivoque un problème de société. Tous les acteurs publics et privés ouest-africains et ceux du monde entier sont unanimes que la prolifération incontrôlée des ALPC représente le lit des problèmes d'insécurité humaine, de sous développement, d'atteinte aux droits humains, au droit international humanitaire. Et comme le rappelait Momodou Lamin Sadat Jobe, Secrétaire d'État aux affaires étrangères de la Gambie en 2001 à la Conférence onusienne sur le Programme d'Action, trois ans après l'adoption de la Déclaration du Moratoire, « La grande disponibilité des armes légères est une vive source de préoccupation pour ma délégation. Les armes de petit calibre et les armes légères ont des effets déstabilisateurs considérables sur les sociétés. Sur le continent africain qui connaît aujourd'hui une multitude de conflits, la disponibilité d'armes de petit calibre et d'armes légères ne fait qu'aggraver et exacerber ces conflits. Dans des sociétés qui font face à des problèmes sociaux, où sévissent la pauvreté et la délinquance, la présence d'armes légères contribue aux problèmes par l'incidence négative qu'elles ont sur le plan psychologique et physique ainsi que par leurs conséquences sociales. Le problème des armes légères et des armes de petit calibre représente un défi considérable qui se pose à tous les niveaux de la société et qui va au-delà des conflits entre États ou à l'intérieur des États, mais englobe également le banditisme et la délinquance. Les sociétés qui ont connu des conflits ou qui sortent de conflits connaissent des difficultés beaucoup plus considérables, en raison de la présence des armes légères » (Nations Unies 2001). Mieux, tous les textes CEDEAO en matière de sécurité, de contrôle des ALPC et de résolution des conflits ont été adoptés à l'unanimité. La preuve que le phénomène des ALPC est véritablement un problème de société auquel il faut s'attaquer. Cette unanimité déborde le cadre ouest-africain.

    En octobre 2008, les Etats membres de l'ONU ont adopté par 166 voix pour et une contre (États-Unis), le texte relatif au commerce illicite des armes légères et de petit calibre (Nations Unies, AG/DSI/3378). L'Assemblée Générale encouragerait les États à mettre en oeuvre les recommandations formulées dans le rapport du Groupe d'experts gouvernementaux chargé d'examiner les nouvelles mesures à prendre pour renforcer la coopération internationale en vue de prévenir, combattre et éliminer le courtage illicite des armes légères. La Conférence du désarmement dans son Rapport A/C.1/63/L.47 d'octobre 2008 a rappelé la nécessité du contrôle des ALPC dans la mesure où ces armes sont sources de la violence armée. Les objectifs depuis l'apparition des stratégies ouest-africaines restent convergentes. Le Moratoire, le Code de Conduite ainsi leur instrument d'application le PCASED, la Convention et l'ECOSAP poursuivent grosso modo la même vision : Eradiquer le flot d'ALPC qui nuit à la stabilité, à la sécurité et à la paix. Par conséquent, le critère de pertinence est validé.

    Cependant, quelques fausses notes ramollissent cette pertinence. La lenteur dans la signature de la Convention donne à penser que le problème des ALPC préoccupe peu les Etats. Comment comprendre que depuis 2006, ce soit cinq Etats (Mali, Niger, Burkina Faso, Sénégal et Sierra Leone) qui ont ratifié la Convention ? Parmi ces cinq pays, le Sénégal n'a pas encore déposé les instruments de ratification au Secrétariat de la CEDEAO ? Seule la Sierra Leone, un Etat ayant connu la guerre, fait partie du peloton des Etats qui ont ratifié la Convention. Il y a une certaine réticence dans la mesure où dix autres Etats n'ont pas encore franchit le pas de la ratification. Comme le souligne Michel Sallé et Robin-Edward Poulton, les Etats sont d'accord sur le fait que les ALPC sont un problème de société, mais ce problème n'est pas traité comme une réelle priorité (Sallé et Poulton 2008, 3). C'est cette nonchalance qui discrédite les initiatives ouest-africaines en dépit des efforts consentis. Toutefois, comment peut-on évaluer l'effectivité, l'efficacité et l'efficience ?

    SECTION II : L'ÉVALUATION SOUS L'ANGLE  TRIPARTITE DE

    L'EFFICACITÉ, L'EFFECTIVITÉ ET DE L'EFFICIENCE

    La tension entre une norme et/ou une politique publique et le fait du comportement de leurs destinataires, tel qu'il apparaît dans la réalité pose le problème de l'efficacité, de l'effectivité et de l'efficience de cette norme et/ou de cette politique publique. D'où l'intérêt d'une évaluation. Le système CEDEAO n'est pas en dehors de ce hiatus entre les cadres normatifs et stratégiques. Il s'avère de faire une évaluation du système de contrôle des ALPC sous l'angle tripartite « effectivité, efficacité et efficience ». Mais, il faut d'emblée des précisions conceptuelles. Les termes « effectivité, efficacité et efficience » sont compris aussi bien sous l'angle juridique que sous l'angle développementaliste. Vue la diversité des objectifs et des programmes, la présente étude porte sur l'ECOSAP et les Commissions nationales. Ainsi, l'efficacité (§I), l'effectivité (§II) et l'efficience (§III) du système seront analysées. Ce qui va permettre de toucher du doigt les critères d'impacts et d'utilité.

    §I : L'EFFICACITE DU SYSTÈME

    La notion d'efficacité n'est pas unanimement définie. Tant en sciences administratives, juridiques et politiques que dans les domaines d'études du développement, un certain flou demeure. Les réflexions sont abondantes : Kelsen 1962 ; Knoepfel 1995; Auer, Malinverni et Hottelier 2000; Ost et Van de Kerchove 2002 ; Charnoz et Severino 2007. Mais, une certaine convergence semble lier ces différentes disciplines. Dans un langage courant, l'efficacité, selon le dictionnaire le « Petit Robert », fait référence à la capacité de produire le maximum de résultats avec le minimum d'efforts ou de dépenses. Usuellement, c'est le fait de produire l'effet attendu. Sans se livrer à des développements théoriques assez longs, il est ici retenu la nomenclature de la doctrine helvétique, d'ailleurs dominante, qui définit l'efficacité non seulement distinctement de l'effectivité et de l'efficience mais aussi en opérant une approche pas fortement opposée entre l'efficacité de la norme et de la politique publique. Pour ces auteurs, l'efficacité, au sens étroit, est la capacité d'une mesure d'atteindre les objectifs visés par la loi ou la politique publique. Elle se mesure par rapport aux résultats « outcomes », c'est-à-dire à l'ensemble des effets qui sont causalement imputables à une politique publique déterminée (Flückiger 2001, 94). Une politique ou une norme sont efficaces si les résultats correspondent à leurs objectifs. A contrario, elle est inefficace, même si elle offre de nombreuses prestations, même si elle provoque de nombreux impacts, lorsqu'elle qu'elle se traduit, contre toute attente, par de piètres résultats (Flückiger 2001, 95). Selon Hans Kelsen, une norme est efficace de part sa simple existence. Mais, la norme est ici définie sur un plan purement juridique. C'est une règle de droit. Et, en tant que telle, les auteurs comme Suarez, Austin ou Kelsen assimilent purement et simplement l'efficacité de la règle à son existence. Ainsi, une règle valide est une règle qui existe, celle qui s'attache à son devoir d'être juridique (Kelsen 1962, 13). Aussi, l'existence de la règle entraine t-elle son obéissance. On aboutit à : Règle valide=règle qui existe=règle devant être obéie. Il se crée un cordon juridique entre validité et obligatoriété. En tout état de cause, l'efficacité laisse entrevoir des impacts.

    Depuis la mise en oeuvre des plans de lutte contre la prolifération des ALPC, des actions ont été menées par les services publics et les ComNat avec des résultats visibles dans certains pays. Au Bénin, au Burkina Faso et au Cap Vert, les résultats sont peu connus. De toute évidence, ils paraissent maigres et sont en déca des attentes. Au Bénin, par exemple, les Réseaux d'Information Régionaux Intégrés (IRIN) des Nations Unies ont signalé qu'en 2000, le pays a intercepté un transport de 1000 cartouches de munitions entre le Burkina Faso et le Nigeria et arrêté le chef d'un réseau impliqué dans le trafic d'armes de petit calibre (Florquin et Berman 2006, 225). Cette prise est très infime quand on sait que le Bénin est une aire prisée des transites des ALPC et qu'il existe une forte concentration de producteurs locaux d'armes légères dans le nord du Bénin notamment à Parakou (Bouko 2006). La criminalité due à la circulation anarchique des ALPC avait poussé le Nigéria a fermé sa frontière avec le Bénin de façon unilatérale.

    Au Burkina Faso, la recrudescence des attaques à main armée au moyen des ALPC sur les principaux axes routiers est fréquente. Pour y faire face, la ComNat a organisé au niveau national des ateliers et des sorties de sensibilisation à la relecture des textes législatifs relatifs aux armes. Au plan sous régional, le Burkina Faso a participé à des réunions et des ateliers ; le pays a aussi abrité un atelier du Programme de Contrôle des Armes Légères de la CEDEAO et organisé conjointement avec le Mali une opération sur le terrain. Mais les résultats ont été très maigres comme le reconnait le Colonel Paul Yameogo (Yameogo 2007, 1). Des antennes régionales de la ComNat n'ont cependant pu être installées en raison du manque de ressources financières. Ni les services de sécurité et de défense ni la ComNat ne fournit de résultats sur les ALPC récupérées pendant les opérations sur le terrain. Ici aussi, c'est un secret de Polichinelle de dire que les résultats sont insignifiants quand on sait que depuis la période révolutionnaire énormément d'armes pullulent dans le pays sans oublier les fuites d'armes en raison des coups d'Etat répétés, des conflits armés comme en Côte d'Ivoire et les fabricants locaux. Au Cap Vert, aucun chiffre n'est fournit quant à la saisie d'ALPC alors que le pays reste une plaque tournante des trafics et de contrebande de stupéfiants tels que le cannabis, la cocaïne, l'héroïne en provenance d'Amérique Latine vers l'Afrique de l'Ouest et l'Europe (UNODC 2009).

    La situation est toute autre dans les Etats qui ont connu un conflit armé comme les pays de l'Union du Fleuve Mano. En Guinée, suite aux attaques des mouvements des dissidents guinéens/Rassemblement des Forces Démocratiques de Guinée (RFDG) et du Front Révolutionnaire Uni (RUF) de la Sierra Leone, en 2000 et 2001, le défunt président Guinéen Lansana Conté a fait appel à des jeunes pour renforcer l'armée guinéenne. Ainsi, entre 7.000 et 30.000 jeunes volontaires ont été recrutés dans les régions (Guéckédou, Kissidougou, Faranah, Dabola, Mamou, Kindia, Forecariah, N'Zérékoré) menacées par les incursions rebelles et enrôlés dans l'armée nationale. Cependant, les efforts de récupérations des armes aux mains de ces volontaires sont restés maigres. Dans la localité de Guéckédou sur une estimation de 2380 volontaires dont 70% reconnait avoir été armé et pris part aux combat, le Ministère de la Sécuité souligne avoir saisi 222 armes en 2001-2003. La Brigade criminelle guinéenne a saisi 52 fusils de chasse artisanaux entre 2001 et 2003 (Florquin et Berman 2006, 279). Avec l'appui des USA, les autorités guinéennes ont détruit 21.906 armes de petit calibre et armes légères obsolètes de même que 89.889 cartouches de munitions entre le 26 septembre le 11 novembre 2003. Parmi celles-ci, on trouvait des AK-47, des armes antichars portables et 278 missiles sol-air Strella-2 (Florquine et Berman 2006, 280).

    D'énormes défis restent à surmonter par rapport aux jeunes enrôlés de façon ; surtout avec le coup d'Etat de décembre 2008, on est en droit de penser que les armes vont disparaître dans la nature et que peu d'opération de désarmement seront effectif sans compter qu'en cette période de régime militaire, les armes se retrouveront dans la rue à cause des vols et de certains détournements. En tout état de cause, le pays représente une zone à risque pour la circulation incontrôlée des ALPC. A cela s'ajoute les flots de réfugiés dans le pays. Selon les chiffres du second rapport du Bureau de la Coordination des Affaires Humanitaires des Nations Unies en 2003, la Guinée a accueilli plus d'un million de réfugiés au cours des dix dernières années en provenance des conflits armés de la Guinée- Bissau, du Liberia, de la Sierra Leone et de la Côte d'Ivoire. Lesquels camps sont militarisés. Selon Hilary O'Connor, repris par Florquin et Berman, en septembre 2004, il y avait plus de 280.000 réfugiés en Guinée dont 60% vivaient en dehors des camps, 140.000 étaient des Libériens, 30.000 venaient de Sierra Leone, 7.000 de Côte d'Ivoire et plus de 100.000 étaient des Guinéens rentrés du Liberia et de la Côte d'Ivoire qui fuyaient les combats dans ces pays (Florquin et Berman 2006, 282).

    En Guinée Bissau, le stock des armes est assez élevé. Selon les experts, environ 20.000 ALPC (fusils d'assaut AK-47, et des fusils de chasse) issues des stocks de la guerre d'indépendance en 1974 seraient toujours en circulation. La guerre civile a été marquée par la distribution d'armes aux différentes factions (20.000 combattants) et aux civils (10.000 selon les estimations). Toutefois, en 2005, ce sont 7.182 ex-combattants qui ont participé au programme de Démobilisation, de Réinsertion et de Réintégration organisé par l'Organisation Internationale pour la Migration (OIM). Sur ce nombre, 2406 ont terminé le programme tandis que 2031 combattants supplémentaires devraient être en principe réintégrés au plus tard juin 2005 (Florquin et Berman 2006, 291). Quant à la ComNat, elle a réalisé quelques programmes de collecte d'armes. Mais, dans toute cette situation, le véritable hic est qu'aucun programme de désarmement n'a été effectué dans ce pays en dépit de ce flux dangereux des armes. Le pire c'est que le pays est fortement militarisé et, que les conflits sanglants persistent aussi bien entre les leaders politiques eux-mêmes qu'entre les leaders militaires et encore entre les hommes politiques et l'armée en témoignent les assassinats à répétition. Rien n'est sûr qu'après les élections présidentielles, le pays connaîtra une réelle accalmie qui puisse favoriser la mise en oeuvre d'un vrai programme de désarmement. Le Libéria, avec une période d'au moins dix ans de guerre civile, est un territoire inondé d'armes. A la suite de la prise du pouvoir par le Front Patriotique National du Libéria (FPNL) de Charles Taylor qui a mis fin au règne de Samuel Doé après huit ans de guerre civile, plusieurs factions dissidentes ont affrontées le FPNL. Ce dernier a aussi crée des milices armées. Plusieurs belligérants se sont opposés : Libériens Unis pour la Réconciliation et la Démocratie (LURD), Mouvement pour la Démocratie au Libéria (MODEL), Milices et Paramilitaires de l'ex-gouvernement du Libéria (GdL). Ce qui est certain, c'est que les deux camps (Loyalistes et Rebelles) qui se sont affrontés ont employé des armes qui ne sont pas encore hors d'état de nuire en dépit des quelques programmes de désarmement. Ainsi, le 26 juillet 1999 à Monrovia, le Bureau des Nations Unies pour les Services de Projet (UNOPS), basé à Bamako, a organisé la destruction d'environ 25.000 armes et de près de deux millions de munitions. Appelée « Flamme de l'espoir», la cérémonie a été supervisée par le Centre régional de l'ONU pour la paix et le désarmement en Afrique situé à Lomé, le Bureau des Nations Unies au Liberia (UNOL) et le PCASED. Les armes appartenaient à diverses factions en guerre dans le pays jusqu'en 1997 et ont été remises volontairement par les combattants ou saisies par l'ECOMOG, la force armée de maintien de la paix de la CEDEAO, ou par l'UNOMIL (Mission d'observation de l'ONU au Liberia). Elles ont été découpées à la scie électrique puis jetées dans un four (Wéry, Nkundabagenzi et Berghezan 2001, 36). Un second programme DDRR s'est déroulé entre avril et octobre 2005. Selon l'ONU, ce sont « 102.193 ex-combattants ont été désarmés et un total de 27.804 armes et 7.129.198 cartouches 54 a été recueilli. Parmi celles-ci, on comptait 20.458 fusils et mitraillettes, 690 mitrailleuses, 641 pistolets, 1.829 RPG et 178 mortiers » (Florquin et Berman 2006, 303). Mais, les inquiétudes ne sont pas dissipées. Le armes lourdes n'étaient pas restituées et étaient, au contraire, introduites illégalement dans d'autres pays voisins du Liberia, notamment en Côte d'Ivoire où la rémunération offerte dans les programmes de réintégration devait dépasser trois fois ce qui était proposé au Liberia 900 USD contre 300 USD (Florquin et Berman 2006, 304). En dehors de ces préoccupations, il reste que malgré la satisfaction qu'on peut tirer de ces opérations, des armes n'ont pas été rendues. Aussi, les soubresauts conflictuels dans les pays environs pourraient engendrer des réarmements silencieux et illicites.

    Au même titre que le Libéria, la Sierra Leone a connu un conflit armé avec une pluralité d'acteurs : le RUF avec environ 20.000 combattants, Civil Defense Force (CDF) avec au moins 37.000 membres, l'Armed Forces Revolutionary Council dont le nombre reste imprécis et le West Side Boys (WSB). Ces différents groupes ont subtilisé les armes des forces gouvernementales et des équipes du maintien de la paix de l'ONU. Le RUF a particulièrement bénéficié des soutiens en provenance de la Bulgarie, de la Côte d'ivoire, du Burkina Faso, de la Guinée, de la Lybie, de la Slovaquie et de l'Ukraine (Leger 2007). A la guerre civile en janvier 2002, on estime à plus de 47.000 ex-combattants ont été démobilisée et désarmés. Selon Florquin et Berman « entre septembre 1998 et janvier 2002, quelque 25.000 armes de petit calibre, 1.000 armes légères et près d'un million de cartouches de munitions ont été collectées au cours de la procédure DDR. Toutefois, le programme, qui visait essentiellement la récupération d'armes d'assaut, n'a pas pu récupérer de nombreux fusils de chasse artisanaux de la CDF. Un Programme communautaire de collecte et de destruction d'armes (CACD), qui s'est concentré sur des armes exclues du programme DDR, comme les pistolets et les fusils de chasse, a permis de récupérer quelque 9.660 armes et 17.000 cartouches de munitions entre décembre 2001 et mars 2002. (...). Au 31 décembre 2004, le ramassage d'armes avait été soit achevé, soit était encore en cours dans 17 chefferies, 1.892 armes au total ayant été ramassées. A ce jour, la plupart des fusils de chasse et des munitions non explosées (UXO) a été récupérée. Sur le nombre relativement restreint de fusils d'assaut collectés (une quarantaine au total, semble-t-il), la plupart sont des G3 et des AK-4724 » (Florquin et Berman 2006, 373). D'autres programmes impliquant toutes les chefferies ont été initié pour éradiquer la circulation des ALPC.

    En dehors de ces pays, le Mali, le Niger et le Togo ont saisie des armes. Au Mali entre décembre 2000 et juin 2003, en la faveur du programme « Armes pour le Développement » 850 armes, 12.548 cartouches de munitions et 230 grenades ont été collectées et détruites (Florquin et Berman 2006, 313 ; Barry 2005). Au Niger, après la cérémonie « Flamme de la Paix » du 25 septembre 2000 où 1243 armes rendues par les ex-rebelles ont été détruites, consacrant ainsi le retour de la paix à l'issue des Accords de paix avec l'ex- résistance armée, le Niger, pour marquer son adhésion aux objectifs de la Conférence des Nations Unies de juillet 2001, a organisé cinq (5) mini-flammes de la paix. C'est ainsi que les armes suivantes ont été détruites dans les localités ci-après : Diffa, 100 armes le 20 juillet 2001 ; Agadez, 100 armes le 27 juillet 2001 ; Agadez, 100 armes le 09 octobre 2002 ; N'Guigmi (Diffa), 103 armes le 17 mars 2003 ; N'Guigmi (Diffa), 67 armes le 05 mars 2004 et N'Guigmi (Diffa), 33 armes le 24 Août 2004. Les destructions ci-dessus citées n'ont concerné que deux (2) Régions sur les huit (8) que compte le pays. Depuis 2004, il n'y a pas eu de destruction. Cependant, la collecte continue grâce à l'action des Forces de défense et de sécurité ainsi qu'aux missions de sensibilisation de la Commission Nationale pour la Collecte et le Contrôle des Armes illicites (CNCCAI) à l'endroit des populations pour qu'elles remettent volontairement les armes illicites qu'elles détiennent (Kassouma 2008, 10-11). Quant aux autorités togolaises, elles ont saisi 649.563 cartouches de munitions et 22.293 armes à feu, des fusils de chasses importés et artisanaux pour l'essentiel, mais aussi 643 fusils d'assaut militaires (Florquin et Berman 2006, 381). A l'instar des autres Etats, la production locale des ALPC est croissante notamment la partie occidentale et frontalière avec le Ghana comme Badou, Bassar, Dogomba, Komkomba et Kpalime ainsi que dans le nord à Pagala et au Sud à Notsé (Florquin et Berman Ibid.). Ces armes dont on n'a pas encore la maîtrise sont sans doute mises en vente et pourraient servir dans d'éventuels violences étant donné que le Togo reste précaire du point de vue politique en témoigne le putsch manqué en juin 2009.

    Au regard de ces résultats, deux points saillants méritent d'être notés. La quasi-absence de l'ECOSAP et son ainé le PCASED ainsi que des ComNat dans les actions menées. C'est de cette invisibilité que découle la seconde idée qui laisse penser au manque d'efficacité de ces structures.

    La caractéristique principale est que ces institutions sont en seconde zone aussi bien pour les opérations de désarmement que pour le contrôle des armes. Mais quelles sont les défaillances ? Avant l'ECOSAP, il avait été reproché au PCASED plusieurs carences entre autres : l'absence de capacité organisationnelle et dynamique, les faiblesses financières. Ces mêmes limites ont été reprochées aux ComNat.

    Quant l'ECOSAP, les critiques similaires ont été répétées en 2008 par Michel Sallé et Robin-Edward Poulton. Il s'agit entre autres de l'absence d'organisation dans les activités, du non respect du temps et du calendrier de travail, le gaspillage des ressources, le recrutement de personnes non spécialisées pour la conduite des programmes, la carence de communication entre ECOSAP et les NatCom ainsi qu'entre ECOSAP et le GAL, la Commission de la Sécurité CEDEAO. A ces failles s'ajoutent l'inertie des instances dirigeantes de la CEDEAO dans l'application des programmes, la mobilisation des ressources financières (Sallé et Poulton 2008). Quand on sait que plusieurs Etats ne payent pas leurs cotisations. La santé financière de cette vaste communauté comme on le constate est mauvaise. Les conséquences de ces mauvaises rentrées des cotisations, c'est qu'elles pèsent lourdement sur le fonctionnement des instruments de l'intégration et par conséquent sur les programmes de lutte contre les ALPC. La plupart des Etats membres accusent des arriérés importants au titre de leurs contributions financières aux budgets et fonds des institutions de la communauté. En ce qui concerne le budget du Secrétariat exécutif, cinq pays seulement, à savoir le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, le Mali et le Nigeria sont à jour de leurs contributions financières auprès du Secrétariat exécutif. Les arriérés s'élèvent à la date du 30 septembre 2000, à la somme de 35,2 millions de dollars répartis comme suit : Liberia: 20 ans d'arriérés (11,5 millions $ US) ; la Mauritanie avant son retrait: 16 ans d'arriérés (6,4 millions $ US) ; la Gambie: 11 ans d'arriérés (2,9 millions $ US) ; la Sierra-Léone: 11 ans (3,7 millions $ US) ; le Cap Vert: 10 ans d'arriérés (2,5 millions $ US) ; la Guinée-Bissau: 10 ans d'arriérés (2,8 millions $ US) ; le Niger: 6 ans d'arriérés (2,1 millions $ US) ; la Guinée: 5 ans d'arriérés (2,06 millions $ US) ; le Sénégal: 3 ans d'arriérés (1, 29 millions $ US) et le Ghana: 2 ans d'arriérés (1,97 $ US) ( Douka 2007). Il est clair que si le budget CEDEAO était suffisant, elle pourrait contribuer de manière importante aux programmes de désarmement et renflouer les budgets des ComNat au sein des Etats. Cela éviterait quelque peu la dépendance vis-à-vis des financements externes.

    Cet état de fait conduit tous les Etats à tendre la main à l'extérieur mettant du coup en péril tout le système de contrôle des ALPC. Comme le dit l'adage, « La charité bien ordonnée commence par soi-même », les Etats doivent se rappeler qu'avant de tendre la main aux autres pays notamment occidentaux et aux organisations internationales, ils se doivent d'honorer le paiement de leurs cotisations car c'est en faisant cela que les stratégies de lutte contre les ALPC seront effectives et efficientes.

    §II : L'EFFECTIVITE DU SYSTEME

    Le critère d'effectivité à l'instar des critères précédents est partie intégrante du vocabulaire des courants sociologiques, réalistes et juridiques. Cet usage a crée un continuum dans les analyses des normes et des politiques publiques. Les juristes ne se content plus à examiner la règle sans prendre en compte l'aspect effectivité. C'est ce que écrivent Ost et Van de Kerchove « on comprend que, dans ces conditions, aux examens de légalité classique, se soient ajoutées les procédures d'évaluation, comme si l'intérêt se déplaçait progressivement de la régularité de la source de la règle (source-oriented test) en direction de la nature de ses effets (effectiveness-oriented tes) » (Ost et Van de Kerchove 2002, 329). La simple édiction de la norme qui lui conférait son caractère d'effectivité et de légitimité n'est plus de mise. Il faut continuellement « à grands efforts d'enquêtes et d'expertises, et moyennant une correction continue » (Ost et Van de Kerchove 2002, Ibid.) pour que la norme puisse s'imposer. Cependant, il reste peu aisé de définir le concept d'effectivité car c'est une notion extrêmement complexe, faussement simple - et l'engouement dont elle jouit aujourd'hui ne contribue pas à clarifier ses enjeux. Mais de façon générale, l'effectivité s'entend de la capacité de la règle à orienter le comportement de ses destinataires dans le sens souhaité par son éditeur. Pour Paul Amselek, est effective la règle utilisée par ses destinataires comme modèle pour orienter leur pratique (Amselek 1964, 257). Le changement de comportement, autrement dit la réceptivité de la norme, est l'un des indicateurs fondamentaux de l'effectivité d'une norme ou d'une politique publique comme l'écrivent Hans Kelsen (1962, 13) et Charles De Visscher (1967, 18). Toutefois, la réceptivité ne peut à elle seule justifier de l'effectivité ou pas d'une norme. Par conséquent, sur la base de quels indicateurs peut-on mesurer l'effectivité d'une norme ou d'une politique publique ? Ce sont les auteurs en droit de l'homme et en droit international de l'environnement qui développent longuement ces indicateurs. Il s'agit entre autres de Véronique Champeil-Desplats, Danièle Lochak dans leur ouvrage « A la recherche de l'effectivité des droits de l'homme » et de Sandrine Maljean-Dubois dans son ouvrage « La mise en oeuvre du droit international de l'environnement », (Lochak et Champeil-Desplats 2008 et Sandrine Maljean-Dubois 2003). Sandrine Maljean-Dubois souligne que le droit international de l'environnement peut-être qualifié d'effectif si : 1. assure la protection de l'environnement ; 2. Conduit au respect des règles et standards posés ; 3. Conduit à la modification du comportement humain souhaité ; 4. Est transposé aux différents niveaux institutionnels (régional, national et local)  par l'adoption de lois, règlements et la conduite de certaines activités administratives ; 5. A un impact de part sa seule existence indépendamment de l'adoption de mesures spécifiques.

    Quoique le sujet traité dans le présent cas soit loin du domaine de l'environnement, il reste convenable de soumettre le cadre normatif ouest-africain sur les ALPC à ces indicateurs.

    Le premier indicateur revient à se demander si le cadre normatif permet la protection des populations contre les effets néfastes liés à la prolifération des ALPC : la sécurité humaine. Cet indicateur n'est pas satisfait dans tous les pays ouest-africains, l'insécurité humaine est monnaie courante. Les dernières attaques de la capitale Lagos du Mouvement d'Emancipation du Delta du Niger (Mend) le 13 juillet 2009 au Nigeria qui fait au moins cinq morts (TV5 Afrique 13 juillet 2009); les enlèvements de touristes, d'agents humanitaires comme le cas du Mali, du Niger ; les braquages à mains armées, le banditisme de grand chemin. Le climat général reste précaire. Dans le rapport présenté par l'Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (ONUDC) le 13 juillet 2009, Antonio Maria-Costa, directeur de l'ONUDC souligne que « le trafic d'autres produits comme les cigarettes, les armes et les faux médicaments, représente une menace pour la sécurité de la région. Le trafic de drogue et le crime organisé pillent l'Afrique de l'Ouest, détruisent les gouvernements, l'environnement, les droits de l'homme et la santé » (UNUDC 2009). Pour Saïd Djinnit, représentant spécial de l'ONU pour l'Afrique de l'Ouest, « le trafic de drogue, le crime organisé et les coups d'Etat militaires menacent la paix et la sécurité en Afrique de l'Ouest » (UNUDC 2009). En conséquence, cet indicateur n'est pas remplit. L'indicateur « conduit au respect des règles et standards posés »  convient bien au présent cas. Dans le domaine de contrôle des ALPC, le constant est qu'il y a un non respect des règles et standards posés aussi bien de la part des gouvernants que de la part des gouvernés. Les exemples de trafics illicites d'armes, de détournements et de réexportations d'armes, de contournement des règles sont légion (Leger 2007, Tonquedec, 2006, Small Arms Servey 2006 et 2007). La production artisanale n'a point cessé, pis elle prend de l'ampleur au mépris de règles (Florquin et Berman 2006). L'indicateur « conduit à la modification du comportement humain » est pareil aux deux cas précédents. Les mesures ouest-africaines sont loin d'avoir été incorporées par les destinataires. La violation des normes est remarquable. Les populations violent autant leurs règles internes que les normes sous régionales.

    L'indicateur de la « transposition des normes aux différents niveaux institutionnels (régional, national et local)  par l'adoption de lois, règlements et la conduite de certaines activités administratives ».Plus de trois ans après son adoption, la Convention pas encore entrée en vigueur. Dix Etats l'ont pas encore ratifié : le Benin et le Ghana et le Libéria se sont engagés à la ratifier, la Guinée et le Togo ont entamé les procédures de ratification, la Gambie n'a pas tenu son engagement de 2007 selon elle ratifierait la Convention, le Cap Vert et la Guinée Bissau n'ont montré aucune volonté à ce sujet, aucun progrès n'a été remarqué en Côte d'Ivoire et au Nigeria (Sallé et Poulton 2008, 38). Au plan interne des Etats, le Mali a aux termes de la Loi 04/50 du 12 novembre 2004 modifié la Loi n°60-4AL/RS du 7 juin 1960 sur les armes. Mais le problème reste que cette nouvelle loi ne s'applique pas « aux armes et munitions de guerre qui constituent l'armement règlementaire de l'armée, de la gendarmerie, de la police et de toute autre force publique. Elle ne concerne pas non plus les armes et munitions dont doivent être régulièrement munies les officiers de réserve à charge pour ceux-ci de justifier de leur qualité » (Cissé 2005, 5). Ce qui peut poser des difficultés en ce sens que de nombreuses armes passent entre les mains des forces de l'ordre public aux mains des réseaux mafieux. Depuis l'adoption de la Convention, il n'y a donc pas eu de changements notables des législations internes pour se conformer aux dispositions du cadre communautaire. Par conséquent, ce critère reste insatisfait.

    Quant à l'indicateur de « impact de part sa seule existence indépendamment de l'adoption de mesures spécifiques », l'insatisfaction reste pareille. Parlant de l'ECOSAP, Sallé et Poulton écrivent que c'est un système non performant à double point de vue: inadéquation dans l'organisation et dans la coopération intra-institution. A ceci s'adjoint le déficit de communication, le manque de programmes bien ficelé pour les activités. L'organisation diplomatique et le manque d'engagement font également défaut.

    En somme, l'application de ces critères permet de conclure en une faible effectivité du système de contrôle. Mais, quel est le degré d'efficience du système ?

    §III : L'EFFICIENCE DU SYSTEME

    De l'efficacité à l'effectivité, il est important de distinguer l'efficience. Similairement au critère d'efficacité, celui d'efficience est diversement employé. Il est généralement entendu au sens économique et se trouve au coeur des analyses du courant « Law and Economics » ; lequel courant applique les méthodes de la science économique à l'étude du droit afin de mesurer les conséquences économiques des stratégies juridiques (Ost et Kerchove 2002, 331). L'efficience à la différence de l'effectivité et de l'efficacité mesure le coût engagé pour atteindre, par la règle choisie, le but visé (Uusitalo 1989, 194-201). Ainsi, une règle efficiente est une règle qui permet d'atteindre l'objet fixé à moindre coût. En politique publique, l'efficience se mesure en se référant aux objectifs généraux. Lesquels objectifs généraux se traduisent dans des programmes opérationnels et en actions qui disposent de ressources, mesurées par des moyens affectés. L'efficience mesure le rapport entre : les moyens affectés et les réalisations (Hadjab 2008, 18).

    Dans le même sens, Olivier Charnoz et Jean Michel Severino définissent l'efficience comme « le rapport entre les résultats et les coûts du projet » (Charnoz et Severino 2007, 96). Ces différents arguments peuvent être représentés comme selon le schéma suivant:

    Source : Farid HADJAB, « L'évaluation des politiques publiques : Définitions, préparations, conditions, exemples ».

    http://www.auvergnepro.fr/IMG/pdf_Intervention_FHadjab_06oct08.pdf

    Ainsi, peut-on affirmer que le système CEDEAO est efficient ou non en appliquant ce principe ? Généralement, un manque d'efficience peut avoir sa source dans un excès de moyens (projets surdimensionnés ou, à l'inverse, dans la pénurie de certaines ressources qui limite l'emploi d'autres ressources. Il peut résulter d'un manque de clarté dans les responsabilités respectives des partenaires, ou d'une mauvaise articulation des activités, redondantes ou opposées. L'efficience transparaît dans le respect des délais, des coûts et du cahier des charges fixés (Charnoz et Severino 2007, 96).

    Dans sa mise en oeuvre, ECOSAP a bénéficié de soutiens en ressources financières. Les budgets de 2006-2008 sont respectivement 7.160.000$ US et 8.326.000$ US (Sallé et Poulton 2008, 51-52).Par conséquent, il convient de souligner que les soutiens financiers au PCASED et à l'ECOSAP ont été et sont encore les fondements de la création des ComNat dans les treize Etats. Les quelques activités effectuées sur le terrain sont également le résultat des ressources qui leur ont été allouées. Par conséquent, la création des institutions est en soit un élément d'efficience car c'est grâce aux financements que ces institutions ont été créées. Les ressources financières ont également favorisé le recrutement de personnel, l'achat de véhicules pour les ComNat en 2007, l'achat de matériels de bureau (Mai Moctar Kassouma 2008). Toutes les actions évoquées dans les critères d'efficacité et d'effectivité sont autant des actifs. ECOSAP ne venant pas du néant, il s'agira fortifier et de combler les lacunes du PCASED. C'est ce qu'explique Joseph-Byll Cataria, le représentant résident du PNUD à Bamako à l'ouverture du lancement du projet ECOSAP le 6 juin 2006. Il note que : « Heureusement, nous ne partons pas de zéro dans cette entreprise. Le nouveau ECOSAP est le résultat des consultations étroites et de partenariat rapproché entre le secrétariat exécutif de la CEDEAO, le PNUD et les partenaires au développement. Il est également bâtit sur les résultats de PCASED y compris les leçons apprises, particulièrement en ce qui concerne les facteurs qui ont milité contre une mise en oeuvre effective sur le terrain. Le programme ECOSAP fournira un large éventail d'appui technique et financier pour renforcer la capacité des Commissions Nationales au sein des états membres de la CEDEAO. Au niveau régional, le programme renforcera la capacité conceptuelle et de coordination de la toute nouvelle Unité Armes Légères au sein du secrétariat de la CEDEAO. Cet appui viendra en complément des efforts actuellement consentis par le Secrétariat Exécutif de la CEDEAO en vue de bâtir sa propre capacité à concevoir et à exécuter, de manière efficiente et durable, ses propres initiatives de paix et de sécurité » (Cataria 2006). Mais, il est capital de voir comment l'emploi des ressources a permis d'avoir des résultats. Michel Sallé et Robin-Edward Poulton ont évalué grosso modo le l'organisation et le fonctionnement des ComNat qui sont les relais internes d'ECOSAP qui convient exactement ici :

    PAYS /COUNTRIES

    Legal Status

    Institutional Capacities

    Operational Capacities

    Management and Coordination

    Overall Assessement

    Office Space

    Personal and Compo sition

    National Workshop and Public dialogue

    Stocpile Management Works shop

    National Small Arms Fiel Servey

    Discussion In focus Groups

    Review of SALW Impacts

    Socio-Economic Study of SALW Impacts

    Pratical Disarmament

    Supply of Equipment

    Training

    Relations with others Institutions, Frequency on Meetings

    Benin

    A

    A

    A

    B

    B

    A

    B

    C

    C

    C

    A

    B

    B

    B+

    Burkina Faso

    A

    A

    B

    A

    C

    C

    C

    C

    C

    C

    A

    B

    B

    C+

    Cap Vert

    C

    B

    B

    A

    B

    A

    D

    B

    B

    C

    B

    B

    C

    C+

    Côte D'Ivoire

    C

    D

    D

    C

    C

    C

    C

    C

    C

    C

    B

    B

    B

    D

    Gambie

    B

    C

    C

    A

    B

    C

    C

    C

    C

    C

    B

    B

    B

    C

    Ghana

    B

    B

    B

    C

    C

    C

    C

    C

    C

    C

    B

    B

    B

    C

    Guinée

    A

    B

    B

    A

    A

    C

    B

    C

    C

    B

    B

    B

    A

    B-

    Guinée Bissau

    A

    A

    B

    A

    B

    A

    B

    C

    C

    C

    B

    B

    B

    B

    Liberia

    B

    B

    B

    A

     

    B

    C

    C

    C

    C

    B

    B

    A

    B-

    Mali

    A

    A

    B

    A

    B

    A

    B

    C

    C

    C

    B

    B

    A

    B+

    Niger

    A

    B

    C

    A

    A

    B

    B

    B

    B

    C

    B

    B

    A

    B++

    Nigeria

    C

    D

    C

    C

    C

    C

    C

    B

    B

    C

    B

    B

    B

    D+

    Sénégal

    A

    B

    B

    A

    C

    C

    C

    C

    C

    C

    B

    B

    A

    B

    Sierra Leone

    C

    C

    C

    A

    C

    C

    C

    C

    C

    C

    B

    B

    B

    C+

    Togo

    A

    A

    A

    A

    B

    A

    C

    B

    C

    C

    B

    B

    A

    B+

    Source : Michel, Sallé et Robin-Edward, Poulton. 2008. « Mid-term Evaluation of ECOSAP : ECOWAS Small Arms Project.

    A= Exceptionnel avec quelques limites à parfaire ; B= Bien, mais avec des problèmes non significatifs ; C= Plusieurs problèmes à résoudre ; D= Enormément de difficultés.

    A la lecture de cette grille, au moins cinq commentaires ressortent : La situation normative ; les capacités institutionnelles ; les capacités opérationnelles ; le management et la coordination et l'évaluation d'ensemble de l'efficience.

    Premièrement, le cadre législatif et réglementaire interne : le Benin, le Burkina Faso, la Guinée, la Guinée Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo sont mieux notés. C'est dire qu'en principe leurs normes devraient leur permettre de faire face à la problématique des ALPC. La remarque, c'est que quatre pays parmi ceux-ci (Burkina Faso, Mali, Niger et Sénégal) ont déjà ratifié la Convention. La Gambie, le Ghana et le Libéria sont sous la classe B équivalent à la notation bien avec quelques difficultés. Quant au Cap Vert, la Côte d'Ivoire, le Nigeria et la Sierra Leone, ils sont dans la catégorie. Ce qui suppose l'existence de divers problèmes législatifs et règlementaires comme la disparité des règles internes et leur incompatibilité avec les normes CEDEAO.

    Deuxièmement, les  capacités institutionnelles : d'une part, la disponibilité des espaces administratifs, la Côte d'Ivoire et le Nigeria n'ont pas encore de bureaux. Le bureau nigérian a été fermé en juillet 2008. La Côte d'ivoire n'a jamais eu de local indépendant consacré à la lutte contre les ALPC (Sallé et Poulton 2008, 20). Cinq pays ont des locaux. Le reste des Etats ont souvent leurs bureaux inclus dans les locaux de la présidence comme au Niger, à la primature ou au ministère de la défense. De telles situations pourraient limiter la marge de manoeuvre des ComNat. L'indépendance organisationnelle et dynamique est assez contrôlée surtout que le problème des ALPC reste considéré comme une affaire de politique étatique. Les ComNat dans de tels cas peuvent subir des pressions ou être instrumentalisées. Pour ce qui concerne le personnel et sa composition, la Gambie, le Niger, le Nigeria et la Sierra Leone rencontre des difficultés notoires. Généralement, il s'agit de manque de personnes ressources et spécialistes dans le domaine, de l'absence de la diversité comme la présence de civils. Huit autres Etats se sont dotés de ressources humaines, mais des difficultés demeurent. Il s'agit du déficit de formation du personnel, du non respect de la diversité genre, militaire-civil et l'absence des acteurs de la société civile. Ici aussi, la Côte d'Ivoire n'est pas au diapason.

    Troisièmement, les capacités opérationnelles : Un point très remarqué tient au faite que malgré les quelques succès de désarmement relevés dans les réflexions de l'efficacité, énormément de difficultés existent. Ainsi, en matière de désarmement sur le terrain tous les Etats CEDEAO ont des problèmes. Les capacités opérationnelles de désarmement sont insuffisantes car tous les pays en dehors de la Guinée sont sous la classe C équivalant au chiffre 2 qui montre la présence de plusieurs difficultés à résoudre. Le cas de la Guinée pourrait reculer négativement avec la prise du pouvoir par l'armée. Les préoccupations de désarmement pourraient être reléguées au second plan. Aussi, dans tous les Etats CEDEAO, le volet formation du personnel sur le terrain ainsi que des acteurs locaux n'est-il pas non plus reluisant. Tous les pays écopent de la classe B équivalent au chiffre 3. Ce qui traduit l'existence de problèmes même si ces derniers ne sont pas un handicap majeur à l'organisation et au fonctionnement des ComNat. Sur l'aspect formation, le problème de la langue de travail reste aigu. La plupart des représentants des pays lusophones et anglophones comme le Cap Vert, le Nigeria, le Ghana, la Sierra Leone ne parlent pas français et les représentants des pays francophones comme le Benin, le Burkina Faso, le Mali, le Niger et Côte d'Ivoire ne parlent pas couramment anglais alors que la majorité de la documentation est en anglais. C'est un des écueils qui devrait être corrigé lors du recrutement du personnel car le bilinguisme est important dans le domaine du contrôle des ALPC dominé par des schémas globaux de réflexions, de prise de décisions et de coopération. En plus, concernant, les ressources matériels, en dehors du Burkina Faso et du Bénin se situant dans la grille A correspondant au chiffre 4 qui équivaut à la disponibilité de telles ressources, tous les autres pays connaissent quelques difficultés. Ils sont référencés dans la classe B=3 traduisant la présence d'obstacles. Lesquels obstacles pourraient être l'équipement de matériels de bureau comme les ordinateurs, les imprimantes, les photocopieuses, la connexion Internet, la disponibilité d'un local adéquat devant abriter le personnel. En ce qui concerne les études de terrain et d'impacts socio-économiques du phénomène des ALPC, la majorité des Etats n'ont pas de compétences à l'exception du Cap Vert, du Niger et du Nigeria qui s'en sortent un peu quoique des difficultés restent perceptibles au regard du tableau. Tous les douze autres pays rencontrent d'énormes problèmes et sont classés dans la grille C correspondant au chiffre 2. Relativement au contrôle interne des flux des ALPC, neuf Etats comme le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, la Gambie, la Gambie, la Guinée, le Libéria, le Nigeria, le Sénégal et le Togo rencontrent des difficultés. Généralement, ce sont entre la résistance des populations locales, la corruption et le laxisme des agents chargés d'appliquer les règles.

    Quatrièmement,  le management et la coordination : dans le domaine du management et de la coordination des relations avec les autres institutions CEDEAO ou nationales et les rencontres de travail, il y a des difficultés telles que le non respect des calendriers de travail, la faiblesse du réseau d'information et de communication entre les différents structures compétentes.

    Cinquièmement, l'évaluation d'ensemble de l'efficience : deux ComNat dont celles de la Côte d'Ivoire et du Nigeria sont au bas de l'échelle avec D=1 comme référence : La Côte d'Ivoire avec D et le Nigeria avec D+. Le D étant moins reluisant que le D+. En Côte, il y a eu aucun processus d'installation de ComNat alors qu'au Nigeria, la ComNat a été installé en 2001, mais elle a perdu ses locaux en 2008 (Sallé et Poulton 2008). Cette situation pouvant être liée aux crises non encore résolues. La suspicion reste de mise entre les différents acteurs. Ce qui pourrait expliquer le manque d'efficience des programmes CEDEAO sur le micro-désarmement en Côte d'Ivoire. Pour le Nigeria, il convient de noter que c'est un pays producteur d'ALPC. C'est un levier économique jalousement défendu. En outre, cinq ComNat ont rencontrent quelques difficultés et sont classées dans la catégorie C ou C+. Ce sont entre autre les problèmes de capacité organisationnelle et dynamique, de manque de personnel, du déficit de formation du personnel. Quatre ComNat sont dans la catégorie B et B- équivalent à une notation assez bien. Les difficultés qu'elles rencontrent en général sont similaires aux précédentes. Enfin, quatre ComNat sortent du lot dans l'évaluation d'ensemble. Parmi celles-ci, deux Etats dont le Mali et le Niger ont ratifié la Convention.

    De cette évaluation, il semble ressortir parfois quelques contrastes à chaque étape. La disponibilité des locaux ne favorise pas forcément une efficience sur le terrain comme le cas du Burkina Faso tout comme l'absence de locaux n'handicap l'efficience comme le cas du Niger.

    Quant à l'impact du système, il faut souligner que le processus de contrôle est bien en cours. Même si les résultats sont en deçà de l'attente vue les huits millions d'ALPC encore en circulation dans la région, le processus avance tant bien que mal. Le changement des comportements, l'intégration et l'appropriation des politiques de contrôle des ALPC reste alors un travail de longue haleine. Enfin sur l'utilité du système qui permet de mesurer les répercussions générales par rapport aux enjeux, il convient de souligner que malgré les efforts accomplis, la tâche reste ardue. Certes, le système CEDEAO reste utile, mais d'autres efforts non des moindres sont à fournir.

    En définitive, ce chapitre a permis de faire une évaluation du système CEDEAO de contrôle des ALPC. Il ressort des actifs à mettre sur le compte de ces stratégies. Toutefois, le passif reste énorme et le chemin est encore long pour endiguer ce phénomène. Et, pour réellement faire face à cette problématique, il est nécessaire de s'attaquer aux nombreuses limites.

    CHAPITRE III : LA NECESSITE DE CONTENIR LES LIMITES

    POUR UN REEL CONTRÔLE DES ALPC

    Les réflexions antérieures ont décelés des acquis tant au plan normatif et institutionnels dans les politiques CEDEAO de contrôle de transferts des ALPC. En termes de comparaison, la CEDEAO est même en avance par rapport aux régions d'Asie Centrale et Orientale où les systèmes de lutte des ALPC sont encore lacunaires et gangrénés par les conflits latents et ouverts aussi bien intra-étatiques qu'interétatiques (Kytömäki 2005). Partout dans le monde, peu d'Etats parviennent à contrôler les flux des ALPC. C'est un domaine complexe. Ainsi, il serait déraisonnable de flécher le système ouest-africain sans montrer ces aspects positifs. Le faire reviendrait à jeter le bébé avec l'eau du bain. Mais, les acquis ne doivent pas être pris pour une satisfaction complète car de ce qui précède, il ressort des handicapes non des moindres. Ces limites sont tant normatives et institutionnelles qu'extra normatives et institutionnelles (SECTION I). Par ailleurs, s'il est bien de relever ces limites, il est encore mieux de faire des propositions, peut-être audacieuses, pour un contrôle réel des transferts des ALPC (SECTION II).

    SECTION I : LES LIMITES AU SYSTÈME DE CONTRÔLE

    DE TRANSFERTS DES ALPC

    Quelques soient les progrès législatifs, institutionnels et pratiques, le système CEDEAO comporte des limites qui méritent d'être analysées. Ces limites sont d'une part d'ordre normatifs et institutionnels (§I) et, d'autre part d'ordre extra-normatifs et institutionnels (§II).

    §I : LES LIMITES NORMATIVES ET INSTITUTIONNELLES

    Au titre des limites normatives et institutionnelles, deux idées centrales sont à mettre en exergue : les sources normatives sont caractérisées par la fragmentation et l'imbrication. Les institutions souffrent aussi de manque de capacité.

    Le transfert des ALPC est à multiples facettes dans son objet, ses acteurs et/ou ses finalités. Il se prête mal à une règlementation générale qui prenne en compte tous ses aspects surtout que cette activité est au coeur des enjeux économiques, militaires, politiques et stratégiques. De fait, l'atomisation de ses bases normatives est plausible à la simple observation. Il y a aussi bien au plan vertical qu'horizontal une fragmentation matérielle et spatiale des règles.

    D'une part, la pluralité des règles sur le transfert des ALPC est le miroir de la diversité de l'objet, des sujets et des techniques. La diversité des règles reflète la diversité de l'objet d'une manière mécanique. Il n'est pas facile de parvenir à une règlementation générale des ALPC dès lors que l'objet à règlementer est diversement défini. La Convention CEDEAO intègre les munitions et les matériels connexes au titre des ALPC au même titre que le Protocole onusien de 2001. Cependant, la définition des armes à feu retenue par l'ONU et celle de l'Organisation des États américains (OEA) sont différentes (Alfonso De Alba 2002, 57-60). Un autre différence est que la CEDEAO ne considère pas les armes comme les autres marchandises ainsi que le prévoit l'article 45 du Traité Révisé CEDEAO alors que très souvent, les gouvernements insistent pour que les ALPC soient considérées comme n'importe quel autre produit commercial et s'opposent à un contrôle strict argumentant que le commerce des ALPC relève d'une politique souveraine et étrangère des Etats (Berkol 2007). Par exemple, Au sein de la CEDEAO, aucun pays n'a encore intégré la définition communautaire dans sa législation. Il ressort une panoplie de définition, de classification, de principes directeurs. Une autre distinction majeure qui complexifie l'objet concerne les transferts des ALPC en faveur des Acteurs Non Etatiques. L'opposition reste forte entre les USA et les pays en voie de développement. La CEDEAO interdit formellement les transferts vers les Acteurs Non Etatiques aux termes de l'article 3 alinéa 2 alors que les USA par exemple sont opposés à ce principe.

    La diversité des règles est le reflet de la diversité des sujets. Les transferts des ALPC n'est le seul fait des personnes de droit privé pratiquant « l'aventure » (Yakemtchouk 1979, 71). Ces transferts sont à la charge de divers Etats et plusieurs sociétés multinationales. Les Etats peuvent être exportateurs, importateurs ou les deux à la fois, en guerre ou neutres, alliés ou non alliés et surtout dotés ou des industries d'armement. Des armes peuvent être achetées par un Etat A qui les réexporte au moyen des moyens matériels d'un Etat B en faveur d'un autre Etat C. Cette diversité de situations augmente les divergences d'intérêts et constitue autant d'embûches pour le contrôle des ALPC. Le commerce des armes revêt des implications politiques, économiques stratégiques que les pouvoirs publics ne veulent en aucune manière abandonner aux mains des sociétés privés. Les grands Etats exportateurs mondiaux sont devenus eux-mêmes des industriels par l'entremise des nationalisations et de prises de participations majoritaires. En France par exemple, la majorité du domaine de l'armement est chapoté par les pouvoirs publics depuis les nationalisations de 1937. La diversification des sources juridiques est issue des regroupements de sociétés. Lesquelles signent des accords de coproduction, des consortiums. Depuis 1990, sous la pression des groupes militaires et économico-industriels, il s'est crée en Europe plusieurs regroupements : 1990, Matra Marconi Space (Matra, GEC-Marconi); en 1991, Eurocopter ( DASA, Aérospatiale); en 1994, Thomson Dasa Armement (Thomson-Brandt Armement, Wirksystem); en 1996, Thomson Marconi Sonar (Thomson-Csf, GEC-Marconi); en 1996, Matra BAe Dynamics (Matra, BAe); en 1998, Alenia Marconi Systems (Finmeccanica, GEC-Marconi) (Masson 2009, 2). Du coup, « la fiscalité, le calcul des profits, le régime des droits de propriété industriels et surtout la procédure des exportations varient par conséquent au gré de la localisation de ces consortiums » (Martinez 1984, 149).

    Enfin, la diversité des règles reflète la diversité des techniques juridiques d'une façon évidente. L'acquisition des ALPC peut s'effectuer suivant diverses formules, depuis la vente de la matière première jusqu'à la coproduction avec la possibilité intermédiaire et fréquente d'une production sous licence. C'est une totale parcellisation des règles commerciales et contractuelles.

    Ces fragmentations juridiques auxquelles les règles bilatérales entre Etats viennent complexifier le contrôle des transferts des ALPC. Le flou est renforcé dès lors que l'harmonisation des législations ouest n'est pas effective. Aussi, ces armes circulent entre diverses mains. Elles sont portatives et ont un cycle de vie souvent long et complexe. Les règles de droit ne comblant pas tous ces éléments, il est évident que les hiatus existent.

    D'autre part, l'imbrication des sources normatives des ALPC tient au fait que le commerce des ALPC résulte des compromis entre les pouvoirs publics et privés. Activités qui engagent l'Etat, les importations et les exportations des ALPC demeurent en majorité le fait de sociétés de droit privé. Ce qui engendre une imbrication des règlementations internationales et internes, publiques et privées. Cette situation est assez forte avec le foisonnement des sociétés de sécurité privée et la privatisation de la violence. C'est ce que résume fidèlement Jean-Michel Martinez lorsqu'il écrit « L'universel des problèmes posés, par le commerce des armes, s'imbrique ainsi avec le régional de certains solutions et la liberté de principe, pour les transactions, cherche un compromis avec des prohibitions diverses » (Martinez 1984, 150). Grosso modo, le phénomène s'observe à deux niveaux : l'imbrication des règles posées et l'imbrication des champs d'action définis. Ces points ont déjà fait l'objet de réflexions au titre des critères de cohérences de normes concernant la CEDEAO. Mais, cette évidence se trouve aussi dans les pays exportateurs d'armes. Le dénominateur commun reste que « le commerce des armes est soumis à un jeu juridique qui se joue en double mixte. Le droit international s'interprète avec le droit interne et le droit privé avec le droit public ». (Martinez 1984, Ibid.). Par exemple si le gouvernement Malien fait une commande d'armes à une entreprise Suisse d'armement. Cette dernière étant régie par la « Loi fédérale sur les entreprises d'armement de la Confédération (LEAC) du 10 octobre 1997 » qui reconnaît la mixité juridique. Ces mêmes armes peuvent être livrées par une société de droit privé basée en France au profit du Mali. C'est les législations Malienne, Suisse (mélangeant peut-être le droit public et privé Suisse), Française (mélangeant peut-être le droit public et privé Français) en passant par les normes CEDEAO qui sont en jeu. Ces transactions sont coiffées par des règles de droit international car même si les exportations et les importations des ALPC sont pour l'essentiel régentées par les droits internes, le droit international conditionne la passation du contrat de fournitures et parfois aussi son application. Ce phénomène est plus observables dans les transactions des avions de combats, des chars et autres types d'armement plus lourds. Un autre exemple d'imbrication du droit administratif pour l'octroi des autorisations, du droit douanier pour le contrôle aux frontières et le droit fiscal qui soumet les stocks à des prélèvements.

    La diversité des règles aussi bien au sein des pays producteurs et vendeurs qu'au sein des pays acheteurs, alors même que ces différents Etats ont élaborés des normes communautaires auxquelles ils sont sensés se soumettre, n'est pas aisée à saisir pour le commun des mortels. C'est le cas de l'UE et de la CEDEAO. En réalité, ces disparités rendent le contrôle des transferts des ALPC difficile (Marinez 1984) quoiqu'une fois la Convention en vigueur tous les Etats CEDEAO devraient se soumettre au cadre général règlementant les transferts des ALPC et du droit international public. Les difficultés deviennent plus ardues dès lors qu'il s'agit des transferts gris, illicite ou la production artisanale des ALPC. Lesquels transferts sont faits par le contournement ou la violation des normes. En tout état de cause, les limites ne sont pas seulement normatives, elles sont aussi institutionnelles.

    Concernant les limites institutionnelles, il est évident que les institutions CEDEAO sont en carence de capacités : capacité organisationnelle et capacité dynamique. Le concept anglais de « capability », qui tire son origine du latin « capacitas » et « capax » convient au terme de capacité en français. Il renvoie selon le Robert de poche soit à l'idée de la contenance soit à celle de l'aptitude, de l'habileté, de la faculté, de la force ou du pouvoir de réaliser quelque chose de même qu'à la qualité de quelqu'un qui est en état de comprendre ou de faire quelque chose (Robert de poche 2009, 102). Le concept de capacité remplit l'espace qui existe entre l'intention et le résultat, en prenant pour acquis que le résultat est conforme à l'intention initiale. Du reste, si le concept de capacité convient parfaitement à la description d'un individu, nous pouvons toutefois l'employer au niveau organisationnel pour décrire l'habileté ou l'aptitude d'une organisation pour réaliser ses activités (Renard et St-Amant 2005, 3).

    Plusieurs auteurs en management, administration publique ont traité de la capacité organisationnelle d'une entreprise, d'une organisation ou d'une institution. Selon Laurent Renard et de Gilles E- St-Amant la capacité organisationnelle est : « l'habilité ou l'aptitude de l'organisation pour réaliser ses activités productives de manière efficiente et efficace par le déploiement, la combinaison et la coordination de ses ressources et compétences à travers différents processus créateurs de valeur, selon les objectifs qu'elle avait définis précédemment, c'est-à-dire en prenant pour acquis que le résultat est conforme à l'intention initiale ou à tout changement dans cette intention » (Renard et St-Amant 2005, 8). Quant à la capacité dynamique, ces mêmes auteurs la définissent comme : « tout processus composé d'un ensemble d'activités identifiables, qui permet la transformation d'une capacité organisationnelle ou la création d'une nouvelle capacité à travers l'investissement dans les ressources et l'apprentissage de nouveaux savoir agir pour soit réagir aux transformations de l'environnement ou bien pour les initier (adaptation ou transformation). La capacité dynamique est liée à la nécessité de gérer organisationnellement une capacité organisationnelle et en corollaire les savoir agir de l'organisation » (Renard et St-Amant 2005, 14).

    Ce sont ces capacités organisationnelle et dynamique qui font défaut aux institutions CEDEAO en matière de contrôle des ALPC ; et ce aussi bien les institutions communautaires que les institutions nationales. Au niveau des domaines de l'armée et des services de police, il règne dans presque tous les pays un certain manque d'organisation interne pour coordonner les activités sur le terrain. Les armées ouest-africaines et même africaines sont en déficit de capacité organisationnelle. Elles sont généralement contrôlées politiquement et traversées par les réseaux de corruption, de clientélisme, de patrimonialisation et de personnalisation du pouvoir. Les divisions au sein des forces armées et de sécurité témoignent de la cacophonie qui y règne. La « politique du ventre » au sens de François Bayart avec son lot de conflits internes ne sont pas en faveur d'un réel contrôle des ALPC. Les 21 et 22 décembre 2006, au Burkina Faso, les militaires et les policiers se sont affrontés avec des armes lourdes en plein centre ville de la capitale Ouagadougou faisant d'énormes dégâts matériels et des pertes en vie humaines. Les conflits entre les régiments présidentiels et les autres corps militaires et policiers sont monnaie courante surtout que le syndrome des coups d'Etats a refait surface : les cas de la Guinée le 23 Décembre 2008, du Togo en avril 2009 ; les assassinats : le cas de Bernardo Vierra en mars 2009. Ceci montre que l'organisation au sein des services en charge d'aider les Commissions nationales est traversée de conflits latents et/ou ouverts rendant les règles d'organisation internes presque impossible. Au sein de Commissions nationales, le remplacement des dirigeants conduit chaque fois à une reprise d'organisation interne. C'est le cas au Burkina Faso, au Sénégal, en Gambie. Une étude de terrain menée par le Centre Canadien et de Coopération Internationale (CECI) en 2006 dans les localités de Koina en Gambie, de Samine au Sénégal, de Koumbia en Guinée et de Bigene en Guinée-Bissau ont permis de déceler les failles suivantes : Les critères de sélection et termes de références des membres du Comité local et des acteurs de sensibilisation ne sont pas assez discutés et compris au sein des communautés ; les Comités de pilotage ne se réunissent pas selon la fréquence souhaitée ; il y a des difficultés de communication et de coordination entre l'ONG locale et le point focal ; la méconnaissance des législations nationales ; l'animation insuffisante des ONG locales et les points focaux sur les projets locaux ; la discontinuité dans les descentes de terrain ; les acteurs locaux ne sont pas encore suffisamment outillés sur les stratégies des projet s locaux de lutte contre les ALPC ; les heurts et les incompréhensions parfois entre partenaires sur le terrain ; l'insuffisance de l'information des autorités sur l'état d'avancement des programmes sur le terrain auprès des populations locales et la non définition des modalités de collecte, stockage et de destruction des ALPC. Les capacités organisationnelles et dynamiques sont faibles. Par conséquent, les limites institutionnelles sont à renforcer au risque de ne pas pouvoir contrôler les flux d'ALPC. Aussi, existe-t-il des limites extra-normatives et institutionnelles.

    §II : LES LIMITES EXTRA NORMATIVES ET INSTITUTIONNELLES

    « La signature, l'adhésion ou la ratification d'un traité par un Etat n'empêche pas ce même Etat d'agir dans la logique inverse du traité qu'il a signé » (Valvarede 2004, 35). Cette citation traduit parfaitement toute les imprévus qui entourent la problématique des ALPC. Le marché des ALPC est entouré d'énormes risques et incertitudes. Selon le Small Arms Servey, il peut « être représenté sous la forme de deux cercles se chevauchant. Les transferts autorisés sont les transferts autorisés par au moins un gouvernement. Les transferts irresponsables, également appelés transferts sur le marché gris, sont des transferts autorisés par un gouvernement, mais qui sont d'une légalité douteuse, du moins du point de vue du droit international (risque important d'utilisation abusive) ou irresponsables à tout autre égard (risque important de détournement vers des destinataires non autorisés). Les transferts illégaux sont synonymes de transferts sur le marché noir. Les deux expressions font référence aux transferts qui ne sont autorisés par aucun gouvernement. Les transferts illicites englobent les transferts irresponsables et les transferts illégaux (marché gris/noir). Les transferts secrets sont les transferts dans lesquels les gouvernements dissimulent leur participation - souvent, mais pas toujours, parce qu'ils sont illicites » (Small Arms Servey 2007, 74).

    Rapport 2007: Small Arms Servey 2007, 74

    Cette figure est le reflet fidèle du champ des transferts des ALPC. Une géographie des flux des armements donne une vue claire des enjeux hors normes du commerce des armes, des ruses entre les Etats, des secrets, de l'opacité, des duperies et de la matérialisation du principe « gagnant-gagnant » qui gravitent autour du champ commercial hautement protégé et piégé par les complexes militaro-industriels et économico-politiques. Divers obstacles battent en brèche les systèmes normatifs et intentionnels qui sont sensés assurer le contrôle de transferts des ALPC : les complexes militaro-industriels et économico-industriels ; les circuits rampants des marchés légaux aux marchés illicites et gris, les transferts irresponsables, les fabrications locales des armes.

    L'exemple de l'entreprise Carlyle met à nu à la fois le lien entre l'industrie et le militaire, mais également le poids, voire même l'instrumentalisation, du politique au profit des logiques commerciales et financières. Carlyle est un des premiers investisseurs privés au monde avec la gestion de dix huit (18) milliards US. Elle est particulièrement implantée dans le secteur de l'armement (ainsi que dans les domaines de la haute technologie, du spatial, les nanotechnologies, la sécurité informatisée, les télécommunications). Cette puissance financière créée en 1987 est par exemple le principal actionnaire de l'United Defense Industries, un des premiers fournisseurs du Pentagone notamment pour les missiles, mais finance également de nombreuses autres entreprises ayant pour clients les gouvernements et administrations. D'ailleurs la société Carlyle le dit elle-même dans une de ces brochures : « Nous investissons dans des opportunités créées dans les industries fortement affectées par des changements de politique gouvernementale » (d'après l'article « L'empire Carlyle » (Le Monde 2004). En d'autres termes, les profits sont étroitement dépendants de la politique. Mais, le cas Carlyle présente une singularité qui montre que la collusion peut aller encore plus en avant. Ainsi, l'ancien président Georges Bush a occupé de 1993 à 2003 un poste de conseiller au sein de la firme ; tandis que son fils, G.W.Bush, avant dernier président des Etats-Unis, avait vu Carlyle lui trouver un poste d'administrateur dans une société en 1990. Un rapprochement entre des hommes de pouvoir politique et l'industrie militaire dans laquelle ils ont des intérêts particuliers qui fait dire à certains observateurs non partisans que Georges Bush père a gagné de l'argent provenant d'entreprises privées travaillant pour le gouvernement que dirige son fils (ce dernier pourrait bien tirer plus tard les bénéfices des investissements de son père et de la politique qu'il a mené). D'autres personnalités majeures de la politique internationales travaillent ou ont travaillé au sein de Carlyle. Parmi eux, Frank Carlucci, ancien directeur de la CIA, conseiller à la sécurité nationale et secrétaire à la défense de Donald Reagan (et ami proche de Donald Rumsfeld), l'ancien premier ministre britannique John Major, l'ancien premier ministre de Corée du Sud Park Tae Joon, l'ancien président philippin Fidel Ramos, le prince saoudien al-Walid, l'actuel secrétaire d'Etat des Etats-Unis Colin Powell, un de ses prédécesseurs, James Baker III, Caspar Weinbarger, ancien secrétaire à la défense, la fille de l'ancienne secrétaire d'Etat Madeleine Albright, des membres de la famille de Ben Laden. (Valvarede 2004, 19-20). Si cet exemple repris à Benjamin Valvared ne permet pas d'affirmer que la sève du favoritisme a circuler entre les leaders militaires, politiques et économiques, il n'est pas déraisonnable de penser les accointances n'ont pas manqué entre eux quoique la présomption d'innocence reste à promouvoir. Les pareils accointances sont de mises dans l'arène de la « France-Afrique » selon les termes de François Xavier Verschave. L'exemple de l'Agolagathe montre aussi les difficiles détachements entre les champs militaires, industriels, politiques et économiques lié au commerce des armes auquel les ALPC n'échappent pas.

    Les circuits rampants des ALPC peuvent être considérés comme ceux qui partent des circuits légaux vers les marchés illicites ou gris comme le présente la figure suivante :

    Production légale

    Privé (Entreprises, particuliers)

    Gouvernement

    (Forces armées, forces de l'ordre, gardes royales)

    Privé

    (Entreprises, particuliers)

    Gouvernement

    (Forces armées, forces de l'ordre, gardes royales)

    Paramilitaire

    (Milice, groupes d'autodéfense)

    Acteur non gouvernementale

    (Rebelle)

    Crime

    (Organisé, non organisé)

    Privé

    (Entreprises, particuliers)

    Gouvernement

    (Forces armées, forces de l'ordre, gardes royales)

    Crime

    (Organisé, non organisé)

    Acteur non gouvernementale

    (Rebelle)

    Paramilitaire

    (Milice, groupes d'autodéfense)

    Chaîne des possibilités relatives au transfert d'armes : Small Arms Servey 2002, 110

    Le circuit légal est la principale source des transferts des ALPC. On estime que 80 à 90% du commerce mondial des ALPC s'effectue légalement. Les principaux acquéreurs sont les Etats et des particuliers en vue des besoins de défense, de sécurité ou de loisir (Small Arms Servey 2002, 109). Un certain nombre d'Etats s'efforcent d'être transparents au fil des années. Par exemple en 2008, les Etats les plus transparents dans les exportations étaient : les Etats-Unis, l'Italie, la Suisse, la France, la République Slovaque et le Royaume-Uni. Par contre, les moins transparents sont l'Iran et la Corée du Nord, qui réalisent tous deux un score de zéro (Small Arm Servey 2008, 114). En 2009 en revanche, c'est la Suisse, suivie par la Grande Bretagne, l'Allemagne, la Norvège, les Pays-Bas, la Serbie, les USA, le Danemark, la Roumanie, la Slovaquie, et la Suède qui sont les onze (11) qui sont les plus transparents sur un total de quarante cinq pays répertoriés (Small Arms Servey 2009, 49-50). On voit que certains grands producteurs comme la France, la Chine, la Russie, l'Iran, le Brésil, le Japon, l'Afrique du Sud sont loin d'être transparents. Un signe encourageant, c'est quelques pays d'Europe sont de plus en plus transparent. Il s'agit entre autres de la Serbie, de la Roumanie, de la Slovaquie (Small Arms Servey 2009, 49), jadis considérés non seulement comme le terroir des grands stocks d'ALPC après la guerre froide, mais aussi les exportateurs d'ALPC vers les acteurs non étatiques en Afrique de l'Ouest (Leger 2007). D'autres pays comme la Bulgarie et l'Ukraine exportant des ALPC vers l'Afrique de l'Ouest (Berman 2001 ; Leger 2007) sont moins transparents (Small Arms Servey 2009, 50).

    En tout état de cause, les armes légalement exportées ou importées tombent aux mains de réseaux beaucoup peu désirables. Les armes sont soit détournés librement par les bénéficiaires officiels vers des milices, des groupes rebelles comme le montre la figure ci-dessus. L'affaire Gérard. Desnoe racontée par Laurent Léger dans son ouvrage « Trafics d'armes : Enquête sur les marchands de mort » est une illustration parfaite. En effet, en 1999, Gérard. D. se rend en Roumanie mandaté par C. B., homme d'Etat ouest-africain pour acheter des armes : 100000 cartouches, dix lanceurs de missiles et quelques dizaines d'autres engins de guerre. G. D. dispose d'un certificat de non-réexportation signé du chef d'état-major particulier de C.B. Ces armes vont être livrées par une société basée dans un paradis fiscal Chypre ou Panama dit G. D. qui défend avoir accomplit sa tâche pour le compte d'un Etat. Les armes d'une valeur de trente cinq (35) tonnes ont été livrées au pays en question en mars 1999. Mais, ces armes on été affrétées au Libéria alors sous embargo onusien. Epinglé par les Nations Unies, G.D. se dit victime car en aucun moment, « Jamais je n'ai moi-même acquis les matériels pour les revendre via une quelconque société off-shore » (Leger 2007, 265). Cet auteur mentionne aussi que selon plusieurs rapports onusiens, le Burkina Faso est un pivot dans les livraisons des armes au Libéria et en Sierra Leone. D'autres exemples comme l'affaire Minin, l'affaire Victor Bout témoignent des contournements des règles dans les transferts d'armes. En réalité, ces pays comme le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, la Guinée et autres ne sont que les boucs émissaires de nations beaucoup plus puissantes. Quand l'affaire G. D. a mis sur la table du Conseil de Sécurité de l'ONU et son nom a été mis sur liste noire, un bras de fer est né entre certains Etats. G. D. par ce que Laurent Léger appelle « une curieuse mission de la DGSE ». En octobre 2004, François D., le conseil de G. D. raconte «  Après un rendez-vous avec la délégation française de l'ONU, à New York, je me suis arrêté pour déjeuner rapidement, puis ai pris le chemin de mon hôtel, le Radisson, situé sur Lexington Avenue, à quelques centaines de mètres de là. Soudain, deux types en costumes foncé m'arrêtent et me demandent en anglais si je suis le conseil de G. D. On vous conseille de laisser tomber ce dossier, me disent-ils. Tout ça s'est passé en quelques secondes, sans violence physique. Je n'ai jamais su ce qu'il y avait derrière, mais, personne n'avait été informée de mon rendez-vous ce jour là avec la représente de la délégation française » (Leger 2007, 273). En 2005, G. D. reçoit la visite de deux agents se présentant comme de la DGSE qui lui disent : «  Pas la peine d'approcher les Américains ou les Anglais, seule la France peut vous aider » (Leger 2007, Ibid.). En mars 2005, la Grande Bretagne demande au Conseil de Sécurité de rayer le nom de G.D. de la liste noire. La France en fait autant, mais deux Etats refusent la radiation. En début 2006, puis en juin 2006, G. D. saisit le Conseil de Sécurité, un Etat s'oppose à ce que son nom soit ôté de la liste noire. Contre toute attente, le procureur du Tribunal pour la Sierra Leone, en charge du dossier de Charles Taylor, destitué et arrêté entre temps assure à G.D. « qu'aucune charge relevant de la compétence du Tribunal, crime contre l'humanité ou crime commis sur le territoire de la Sierra Leone depuis 1996, ne lui serait reprochée » (Leger 2007, 274). Avec toute la distance scientifique que l'on peut prendre et avec les règles de présomption d'innocence qu'on peut évoquer, cette affaire montre comment les transferts des armes peuvent tripatouiller ou mépriser la règle juridique, sensé appliquer la sanction pour assouvir les intérêts des nations. L'Afrique de l'Ouest en particulier le Burkina Faso n'est pas le seul Etat à indexer.

    Les USA soutiennent ouvertement les livraisons des armes aux groupes rebelles et, ce de façon clandestines au titre du « National Security Act de 1947 ». La section 505 de cette loi impose que la CIA et les autres agences engagées dans de telles activités fassent notification aux Comités du Congrès, chargés de superviser les activités de renseignement, de toute livraison d'armes excédant un million de dollars. Sous ce chapeau des armes ont été livrées en ex-Zaïre, en Angola au Nicaragua (Bagayoko 2003, 592). En avril 2009, selon des informations parvenues à Amnesty International, le Wehr Elbe, un cargo allemand affrété et contrôlé d'un point de vue légal par le commandement du transport maritime militaire des États-Unis est arrivé au port israélien d'Ashdod, à 40 km au nord de Gaza par la route, et a déchargé sa cargaison composée semble-t-il de plus de 300 containeurs. Le Wehr Elbe a quitté les États-Unis à destination d'Israël le 20 décembre 2008, une semaine avant que ne débutent les attaques israéliennes contre Gaza, avec une cargaison de 989 containeurs de munitions, de 6 mètres de long chacun, pour un poids total estimé à 14 000 tonnes. « D'un point de vue légal et moral, le gouvernement de Barack Obama aurait dû mettre fin aux livraisons d'armes américaines, à la lumière des nombreux éléments attestant que les forces israéliennes se sont récemment servies d'équipements militaires et de munitions de ce type pour commettre des crimes de guerre, a affirmé Brian Wood. Fournir des armes dans ces circonstances est contraire aux dispositions du droit américain. » Interrogé au sujet du Wehr Elbe, un porte-parole du Pentagone a confirmé à Amnesty International que « le déchargement de toute la cargaison de munitions américaines s'est achevé avec succès à Ashdod [Israël] le 22 mars ». (Amnesty Internationale 2009). L'approvisionnement gouvernemental à des acteurs non étatiques ont été légion surtout pendant la guerre froide (Small Arms Servey 2002, 129). En réalité, les interconnexions dans les transferts des ALPC sont fortes. C'est ce que Jean de Tonquedec et Jérôme Marchand souligne dans leur ouvrage « Marchand d'armes ». Ce qui reste évident, c'est que le début des circuits est généralement légal. Les détournements, les vols, les opérations d'assistance sont les canaux de transit entre le marché légal et les marchés gris et illicite des armes. Concernant le cas des vols, l'exemple malien convient ici : « Les arsenaux des forces rebelles se composaient pour l'essentiel d'armes subtilisées et prélevées dans les réserves de l'armée malienne. Cette affirmation est étayée par le fait que les armes des groupes étaient principalement d'origine russe et chinoise (...) en provenance des soutiens soviétiques en faveur des autorités maliennes au cours des années 70 et 80 selon Charles Heyman, cité par Nicolas Florquin et Eric G. Berman. En conséquence, des armes telles que le fusil d'assaut belge FN CAL, et son successeur, le FN FNC, que les rebelles avaient achetés en faibles quantités en Mauritanie, ne furent guère utilisées, car elles fonctionnaient avec des munitions de type OTAN (calibre de 5.56 x 45 mm). De telles munitions étaient inhabituelles au Mali - et dès lors, difficiles à trouver. L'armée malienne aurait également fourni des armes aux unités d'autodéfense créées en réponse à la rébellion touareg, embryon du futur MPGK selon Kalifa Keita 1998, 20, cité par Nicolas Florquin et Eric G. Berman. A l'instar de leur pendant touareg, elles comptaient en leurs rangs des soldats déserteurs de l'armée malienne selon Lecocq Baz, 2004, toujours cité par Nicolas Florquin et Eric G. Berman, qui avaient emporté leurs armes (Poulton et Ag Youssouf, 1998, 71; Keita, 1998, 20 et Baqué 1995). De plus, certains soldats ont également vendu leurs armes à des combattants du MPGK au cours de la rébellion » (Florquin et Berman 2006, 50-57). En conséquence, les sources des ALPC sont plusieurs comme le traduit la figure ci-dessous.

    Gouvernements frappés d'embargo

    Groupes paramilitaires non autorisés

    Gouvernement (forces armées, forces de l'ordre, gardes royales)

    Acteurs non gouvernementaux

    Groupes paramilitaires autorisés

    Eléments criminels (Organisés,

    non organisés)

    Utilisateurs privés autorisés

    (Entreprises, particuliers)

    Utilisateurs privés non autorisés (Entreprises, particuliers

    Transferts possibles du marché légal aux marchés illicites : Small Arms Servey 2002, 129

    En outre, il y a les transferts proprement illicites, non autorisés et irresponsables soit à l'endroit d'un Etat généralement sous embargo comme le cas du Libéria et de la Sierra Leone, soit à l'endroit des acteurs non étatiques dont les groupes rebelles. C'est le commerce de fourmi (Small Arms Servey 2002, 135). C'est ce dernier point qui est à démontrer ici. L'exemple de Victor Bout que Laurent Léger surnomme le « Bill Gates » des trafics est assez troublant et plausible. C'est lui qui a entre autres transporté les troupes françaises de Turquoise, vendu des armes aux groupes rebelles de Charles Taylor, en Somalie (Léger 2007, 69-88). Au Nigéria, une des sources des armes qui alimente l'insécurité et la violence armée est illicite. Ainsi, « « un leader de groupe affirme que des armes sont fournies par les navires amarrés au large des côtes de l'Etat de Rivers et peuvent être achetées par quiconque peut se les offrir. Warri, la capitale de l'Etat du Delta, est également connue comme une importante plaque tournante du trafic d'armes. Les contrebandiers de Guinée-Bissau, du Gabon et du Cameroun utiliseraient des hors-bords pour rejoindre les bateaux amarrés au large et acheter des armes qu'ils revendent ensuite à leurs communautés respectives à Warri, où elles sont souvent passées en contrebande ailleurs » selon Obasi Nnamdi K. en 2002, repris par Florquin et Eric G. Berman 2006 (Florquin et Berman 2006, 25). Ces éléments montrent les voies difficilement repérables propres aux flux des armes. Autant les circuits légaux sont nombreux, les circuits illicites ne sont des moindres.

    Ces flux illicites sont nourris par la production artisanale des ALPC soit pour des raisons purement économiques soit pour des raisons culturelles.

    Un fabricant traditionnel au Mali : Source : Journal, L'Opinion du 6 septembre 2007 www.lefaso.net

    Economiquement, ces armes servent de levier économique jalousement gardé par les producteurs des pays pauvres. Au Burkina Faso, ils sont nombreux à tirer leur pitance quotidienne de l'activité commerciale des armes. C'est le cas du vieux Karamoko TRAORE. La soixantaine bien sonnée, « papa » comme l'appellent affectueusement ses proches tire ses revenus de la fabrication, la vente et des réparations des armes « Les armes chez moi, c'est une histoire de famille. Mon père a appris avec son père, j'ai appris avec lui, aujourd'hui mon fils aîné est prêt pour me remplacer. C'est un héritage qui se transmet de père en fils » (L'Opinion 2007). Cependant à cause de la règlementation qui devient de plus en plus stricte sur les conditions d'obtention de permis d'achat d'armes, Karamoko Traoré est amère dans ses propos : « L'Etat est bête quoi. S'il croit que ce montant va nous dissuader, il se trompe. Si c'est trop cher, on va se cacher pour fabriquer. Et je vous dis, même au temps des colons, il y avait deux gardes-cercles en poste devant notre concession familiale pour contrôler mon grand-père puisque la fabrication était interdite. Ça ne l'a pas empêché de faire son travail. A chaque fois que le colon entendait le marteau taper sur l'enclume, il débarquait et constatait que c'était une pédale de vélo qu'on réparait, mais ce qu'il ne savait pas c'est que c'était une arme. J'ai même perdu un oncle dans les geôles du colon mais ça n'a pas arrêté notre travail, bien au contraire » (L'Opinion 2007). Au Ghana par exemple, la fabrication locale des ALPC a pris une envergure inquiétante. Selon Emmanuel Kwesi Aning dans son étude « Les dessous de la fabrication artisanale des armes au Ghana », «  Le Ghana, par sa tradition armurière séculaire et bien ancrée dans la société, est un pays particulièrement préoccupant. Les armes fabriquées au Ghana sont aujourd'hui réputées dans la région pour leurs prix concurrentiels, leur efficacité et leur accessibilité - ce qui fait craindre qu'elles pourraient un jour représenter une source d'armement significative pour les groupes armés. En effet, certains forgerons locaux possèdent aujourd'hui les compétences requises pour reproduire des fusils d'assaut AK-47 importés » (Aming 2006, 79).

    Ces armes sont de plus en plus nombreuses et impliquent plusieurs acteurs dans le processus de fabrication comme les forgerons, les serruriers, les menuisiers, les façonneurs, les mécaniciens et les intermédiaires. Le vrai problème est la fabrication locale est souvent faite sous les yeux des forces de l'ordre et de sécurité. Un silence quasi-total règne et les fabricants assouvissent leur besogne sans être grandement inquiétés même si les ALPC sont devenues un problème politique important depuis la prise du pouvoir par le New Patriotic Party (NPP) en 2001. Mais, avec le changement survenu en 2009, rien n'indique que ce problème sera mis au banc de touche par John Atta Mills qui déjà en septembre 1999 avait exigé la création des registres des ALPC. En réalité, les réseaux gravitant autour de cette industrie florissante sont nombreux et les raisons avancées pour motiver cette technique du « laissez-faire » sont aussi pluriels. Les implications familiales (par exemple, les guildes dans la région de la Volta), rituelles (par exemple, les fêtes aboakyir et akwanbo, dans la région du Centre), guerrières (par exemple, les Ashanti et Dagomba dans la région du Nord) et historiques (par exemple, dans les régions d'Ashanti, du Centre et de la Volta) de la production d'armes artisanales décrites précédemment montrent de quelle manière cette activité prohibée a joué un rôle significatif dans la culture ghanéenne depuis l'ère pré-coloniale. Par conséquent, l'industrie armurière est liée à une philosophie culturelle (Aming 2006, 98). Toutefois, une étude plus approfondie serait nécessaire pour comprendre les raisons réelles des soutiens tacites des communautés et de certains pouvoirs publics. En tout état de cause, la production artisanale reste forte. Par exemple, selon Aming « De fin 2000 à mi-2001, les premières estimations évaluent la capacité de production entre 35.000 et 40.000 unités. Ce résultat repose sur les informations disponibles pour seulement cinq des dix régions et a été calculé en fonction de la capacité de production estimée des 500 armuriers actifs dans les 70 villes que l'on sait impliquées dans la production d'armes (...). Les nouvelles informations recueillies au cours de la présente étude tendent à suggérer que la capacité de production pourrait même présenter une envergure nettement plus importante. Il est établi aujourd'hui que plus de 2.500 armuriers sont capables de produire des armes dans les seules régions d'Ashanti et de Brong Ahafo. Ce chiffre ne tient pas compte de leurs apprentis, qui sont également capables de fabriquer des armes sous supervision. Les interviews sur le terrain semblent indiquer que chaque armurier est capable de produire environ 80 armes par an. Sur la base de cette information, on estime à 200.000 le nombre d'armes illicites que le Ghana pourrait potentiellement produire chaque année. En raison des disparités de la production et de la demande, la production réelle reste toutefois inconnue. Au cours des 10 à 15 dernières années, le profit est devenu une source de motivation, même si les armuriers qui l'admettent sont rares. Les interviews tendent à suggérer que l'activité criminelle, les exportations et la protection personnelle incitent à une rentabilité accrue » (Aming 2006, 83). Aujourd'hui, il est estimé à 75.000 le nombre d'ALPC en circulation au Ghana selon Kelli.

    En définitive, la production locale semble rivaliser avec les armes perfectionnées comme le montre le digramme ci-après  qui répertorie les deux dimensions en Afrique de l'Ouest :

    ALP= Armes Légères Perfectionnées

    AFL= Armes de Fabrication Locale

    Source : Dramane Bouko 2006 : La circulation des armes légères et de petit calibre en Afrique de l'ouest: contribution à une étude au programme de désarmement.

    Sommes toutes, ces circonstances qui contournent les normes et les institutions sont des obstacles sérieux au contrôle des transferts des ALPC en Afrique de l'Ouest en particulier et dans le monde en général. Il paraît impossible de contrôler les transferts des ALPC. Cependant, cette conception ne devrait pas prévaloir, car comme le rappelle un colonel des services secrets français : « Si on veut, en dix huit mois, on peut balayer toutes les filières » (Léger 2007,32). Mais, ne disposant pas des moyens de cet homme, il convient de proposer d'autres voies qui puissent contenir les flux et les reflux des ALPC. C'est ce à quoi les prochaines réflexions vont s'atteler.

    SECTION II : LES STRATEGIES POUR UN MEILLEUR CONTRÔLE DES ALPC

    Diverses stratégies pour le contrôle des ALPC ont été proposées : le traçage, le marquage, la non-réexportation, le courtage, le baromètre de transparence. En dehors de ces cas, les développements précédents permettent d'énoncer d'autres suggestions telles que le renforcement des capacités, la formation des acteurs impliqués dans la lutte contre la prolifération des ALPC, le renforcement et l'application des sanctions, la nécessité d'harmoniser les législations, pas seulement au niveau ouest africain mais sur un plan international. Cette liste n'est pas exhaustive.

    Mais, ce qui paraît quelque peu surprenant, c'est qu'il n'existe pas de canaux d'information au profit de l'opinion publique, il y a aussi une certaine carence du volet éducation en matière de micro-désarmement. Ici, une autre proposition sans doute nouvelle est de créer un mécanisme d'évaluation entre les pairs au niveau ouest-africain, peut-être au niveau mondial. Ceux deux suggestions tiennent à diverses raisons. Pour le volet information et éducation, il est très important que l'information permettra à l'opinion publique d'avoir une idée claire du domaine du commerce des ALPC qui en général reste peu connu. L'éducation permettra aux populations de s'imprégner des conséquences des ALPC aussi bien dans leur propre environnement que dans le monde en général. Ce qui pourrait déclencher une certaine prise de conscience et susciter un intérêt de la part de la majorité de la population.

    Quant à l'adoption du mécanisme, c'est l'idée qu'un tel système puisse accompagner la Convention dans sa mise en oeuvre. Son existence permettrait peut-être de limiter les faiblesses de la Convention comme dans le cas du Moratoire. Ainsi, il sera successivement analysé le contrôle des ALPC par l'information et l'éducation (§I) et la création d'un mécanisme ouest-africain d'évaluation entre les pairs en matière de contrôle des ALPC (§II).

    §I : LE CONTRÔLE DES ALPC PAR L'INFORMATION ET L'EDUCACTION

    « Le projet de désarmer semble utopique, le but impossible à atteindre ! Cependant même si cela est vrai, l'important, je crois, est la circulation de l'information dans ce domaine. Informer est une nécessité pour tenir au courant et faire prendre conscience à un large public » (Lepetit 1985, 23). Cette affirmation est une des stratégies incontournables pour contenir le commerce des ALPC sur tous les plans. L'information est une des clefs de la lutte contre la prolifération des ALPC sans aucun conteste. Aujourd'hui,

    la maîtrise des flux de l'information, entrants et sortants, immatériels et éphémères, est un pilier de toute politique à explorer et à mettre au profit des acteurs sur le terrain. Méconnaître cet aspect fondamental du management public équivaut à vouer toute politique publique et toute action à l'échec. Le rôle des Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication devrait être considéré. Il n'est pas forcement besoin d'attendre des véhicules tout terrain pour passer l'information. Les chaînes de télévision nationale et les chaines privées sont nombreuses dans les pays. Il suffit de faire passer une publicité avant ou après le journal télévisé, entre les séries télé, les matchs de football et de toute autre circonstance sportive. Cette publicité devra montrer les impacts de la prolifération des ALPC sur leur vie. Des débats télévisés sont aussi à promouvoir sur les questions des ALPC. D'autres canaux d'information comme les chaînes de radios sont multiples, et existant presque partout dans les grandes villes des Etats. Il suffit de faire passer des publicités dans les langues locales. Les cybers café sont aussi des moyens de communication par exemple en mettant sur les pages de garde les informations qui puissent interpeler l'internaute. On pourrait aussi impliquer les artistes musiciens dans leurs oeuvres musicales et les artisans dans la création d'objet d'art qui montrent les méfaits des armes. Tout ceci devrait être soutenu par les acteurs du développement, les Etats, les Organisation de la Société Civile. Il n'est pas exclu de mettre en place des numéros verts et gratuits pour que les populations informent les forces de l'ordre et de sécurité des violences liées aux armes. Pour la vulgarisation de l'information, un contrôle stricte sur les photos les publicités à diffuser est nécessaire afin d'éviter les instrumentalisations. Le citoyen le plus reculé dans sa campagne devrait être impliqué. Ces informations et ces interpellations vont faire naître une certaine confiance car le domaine des armes est peu connu et la plupart des populations ne veulent pas s'y mêler de peur des représailles et de l'insécurité. Par la confiance et l'union, de véritables fronts publics anti-armement apparaîtront. Les pouvoirs publics seraient dans ces conditions de jouer le jeu de la transparence pour éviter de se faire épingler par leurs citoyens.

    En outre, l'éducation reste toute aussi importante que l'information. Selon les Nations Unies, « Au XXe siècle, la science et la technologie ont transformé le monde. Elles ont entraîné une amélioration de la qualité de la vie, mais ont rendu les guerres plus meurtrières. Des armes de destruction massive - biologiques, chimiques et nucléaires - et leurs vecteurs ont vu le jour, cependant que des armements conventionnels toujours plus sophistiqués étaient produits et que leur utilisation se généralisait. Les conflits armés demeurent sources d'horreur et de destruction. C'est pourquoi l'éducation et la formation en matière de désarmement et de non-prolifération n'ont jamais été aussi nécessaires. En vérité, les concepts de sécurité et de menace ont évolué, tout comme la perception qu'en a le grand public, aussi est-il urgent d'entamer une réflexion nouvelle, axée sur les objectifs du désarmement et de la non prolifération » (Nations Unies A/57/124 2002). Les Nations Unies ont aussi adopté d'autres résolutions pour promouvoir l'éducation de la culture de la paix. Il en va ainsi des résolutions A/RES/53/243 (1999) et A/RES/57/6 (2002) de l'Assemblée générale des Nations Unies sur une culture de la paix.

    Ainsi, l'éducation est l'un des piliers fondamentaux pour lutter contre la prolifération des ALPC. Autant, les populations sont aujourd'hui impliquées dans la lutte contre le changement climatique à travers des cours dispensés dans les écoles, les grandes écoles et les universités, autant des programmes de désarmement devraient être intégrés dans les disciplines à enseigner. La CEDEAO a pensé à cette technique, mais jusqu'à ce jour aucun programme complet en matière de désarmement n'a été incorporé dans les enseignements des établissements ouest-africains. L'étude onusienne reprise par Marín-Bosch est riche d'enseignement et devrait être mis en oeuvre sans tarder. L'étude évoque pour commencer l'adaptation de l'éducation et de la formation en matière de désarmement et de non-prolifération aux réalités contemporaines. Ensuite, elle évalue les acquis d'expérience dans ce domaine et explique l'importance de l'éducation et de la formation à tous les niveaux - les familles, les écoles, les universités, les médias, les communautés, les ONG, les gouvernements, les parlements et les organisations internationales. La même étude indique ensuite des moyens d'utiliser les nouvelles méthodes pédagogiques, en particulier la révolution dans le domaine des technologies de l'information et de la communication, puis décrit l'utilisation de l'éducation et de la formation en matière de désarmement et de non-prolifération à l'appui de la consolidation de la paix en situation d'après conflit. Elle souligne enfin l'importance de la coordination entre l'ONU et les organisations internationales dotées de compétences particulières en matière de désarmement, de non-prolifération ou d'éducation (Marín-Bosch 2004, 53). Un cours de tronc commun et obligatoire sur les questions de la prolifération des ALPC et de toutes leurs implications dans les communautés à travers la sous région et dans les autres parties du monde serait fortement intéressant pour les étudiants. Le plus souvent, la carence en la matière reste la règle. Les débats sont tournés autour de considérations subjectives sans fondements théoriques et pratiques. Les étudiants surtout en relations internationales et stratégiques, études du développement, en science politique, en diplomatie, en matière de défense devraient être familiers avec de telles questions au plan africain et au plan ouest-africain. En définitive, la promotion de ces outils est indispensable pour un meilleur contrôle des armes. Les questions de prolifération des ALPC sont assez importantes pour être seulement traitées par les politiques. L'opinion publique devrait s'y intéresser et apporter sa contribution. Mais cela sera possible si l'information et l'éducation sont au menu des actions effectuées actuellement.

    En tout état de cause, il est évident que les Etats doivent renforcer leur rôle sécurité au profit des citoyens. Il est peu probable que dans une situation d'Etat fragile et en faillite, on demande aux populations d'abandonner leurs armes car dans cette catégorie d'Etat, le pouvoir central n'est à mesure de garantir la sécurité des populations sur l'ensemble de son territoire. Et, ce qui se passe dans certains pays ouest-africain en proie aux crises sociales, militaires ou en situation post conflit dans laquelle la sécurité peine à reprendre son envol. C'est exemple la Guinée Bissau, le Libéria et la Côte d'Ivoire (Châtaigner et Magro 2007 ; Muggah 2009). Une des limites de l'éducation et de l'information reste la question des Etats fragiles et en faillite dans l'espace CEDEAO. Il faut pour se faire mettre les citoyens en confiance. L'Etat devant par ailleurs jouer son rôle de garantie de la sécurité de ses populations faute de quoi, les armes seront toujours au menu des citoyens. Aussi, en dehors de l'information et de l'éducation, il serait souhaitable que la CEDEAO adopte en accompagnement de la Convention un Mécanisme d'Evaluation entre les pairs en matière de contrôle des ALPC.

    §II : LA CREATION D'UN MECANISME OUEST-AFRICAIN D'EVALUATION

    ENTRE LES PAIRS EN MATIERE DE CONTRÔLE DES ALPC

    Tout comme la CEDEAO a adopté le protocole sur la bonne gouvernance additionnel, au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits et sur la sécurité, ainsi que le Code de Conduite en renforcement de la Déclaration du Moratoire sur les armes légères, il ne serait pas déraisonnable que les Etats membres mettent en place un Mécanisme Ouest-Africain d'Evaluation entre les Pairs en matière de contrôle des ALPC (MOAEPCA). Ce qui serait intéressant, c'est qu'une fois un tel mécanisme serait créé, son exemple pourrait être emprunté au niveau des Commissions nationales (NatCom) ou ComNat) dans leurs stratégies de lutte contre la prolifération des ALPC. Cet exemple pourrait s'étendre à d'autres régions du monde et aux Organisations de la Société Civile. Un tel mécanisme peut s'inspirer du MAEP au niveau Africain déjà existant. Mais, quels seront l'architecture, le fonctionnement, les buts, les principes et les processus d'évaluation ? Pour les réponses à toutes ces questions, il convient de rédiger une mouture de protocole en quelques articles en s'inspirant du MAEP, mais en proposant des pistes parfois nouvelles.

    LE MECANISME OUEST-AFRICAIN D'EVALUATION ENTRE PAIRS

    EN MATIERE DE CONTRÔLE DES ALPC (MOAEPCA)

    1. La nature du MOAEPCA

    Le Mécanisme Ouest-Africain d'Evaluation entre Pairs en matière de contrôle des ALPC est un instrument, juridiquement non contraignant, auquel adhérent volontairement les Etats membres de la CEDEAO en tant que mécanisme Ouest-Africain d'auto-évaluation. Le MOAEPCA est un instrument mutuellement accepté pour leur auto-évaluation.

    2. Mandat du MOAEPCA

    Le mandat du Mécanisme Ouest-Africain d'Evaluation entre Pairs en matière de Contrôle des ALPC consiste à s'assurer que les politiques et pratiques des Etats parties sont conformes non seulement à la gouvernance du secteur de la sécurité mais aussi au domaine de contrôle des ALPC en particulier.

    3. Objectif du MOAEPCA

    L'objectif principal du MOAEPCA est d'encourager l'adoption de politiques, normes et pratiques en vue de promouvoir le contrôle des ALPC, informer les couches sociales à tous les niveaux des conséquences des ALPC et ce grâce au partage des expériences et au renforcement des meilleures pratiques et des acquis, y compris l'identification des lacunes et l'évaluation des besoins dans le domaine du renforcement des capacités.

    4. Principes du MOAEPCA

    Toute évaluation entreprise dans le cadre du Mécanisme doit se faire sur la base des compétences techniques et doit être crédible et libre de toute manipulation politique. Tels doivent être les principes directeurs du Mécanisme.

    5. Financement du Mécanisme d'évaluation entre pairs

    Le Mécanisme sera financé par des contributions des Etats membres parties.

    6. Participation au processus MOAEPCA

    Tous les Etats membres de la CEDEAO peuvent participer au processus après une notification au Secrétariat de la CEDEAO. Par cette notification, les Etats membres concernés s'engagent à se soumettre à des évaluations périodiques entre pairs, à faciliter ces évaluations et à être guidés à cet égard par les paramètres convenus pour le contrôle des ALPC.

    7. Structure en matière de leadership et de gestion du MOAEPCA

    Il est proposé que les activités du MOAEPCA soient dirigées et gérées par un Groupe de sept (7) éminentes personnalités spécialistes des questions des armements. Au moins deux membres doivent être des membres des Organisations de la Société Civile oeuvrant dans les domaines de la promotion de la paix, de la sécurité, du micro-désarmement. Au moins deux femmes doivent être faire partie des membres. Les membres du Groupe doivent jouir d'une grande intégrité morale et n'avoir pas fait l'objet de poursuites judiciaires et/ou pénales aussi bien dans son pays d'origine qu'au plan international.

    8. La désignation des Membres du Groupe MOAEPCA

    Les membres du Groupe seront proposés par les Etats parties, puis présélectionnés par un comité ministériel. Leur désignation sera faite par les Chefs d'Etat et de gouvernement des Etats parties. Outre les critères cités ci-dessus, les Chefs d'Etat et de gouvernement veilleront à ce que le Groupe dispose des compétences techniques appropriées dans les domaines des armements. La composition du Groupe reflétera également l'équilibre régional, l'égalité entre les hommes et les femmes, et la diversité culturelle.

    9. Le mandat des membres du Groupe MOAEPCA

    Le mandat des membres du Groupe sera d'une durée de quatre ans au maximum renouvelable une seule fois. Leur remplacement se fera sur la base de la rotation et en année pair.

    10. La désignation du président du Groupe du MOAEPCA

    Un des membres du Groupe sera voté comme président par les autres membres sans injonctions des Chefs d'Etat et de gouvernement des Etats parties. Le mandat du président sera de deux (2) ans non renouvelables. Les critères de nomination au poste de président seront les mêmes que ceux des membres du Groupe. Une fois désignés, les membres sont inamovibles et ne rendent compte qu'à la CEDEAO et non à son Etat d'origine.

    11. Les missions et les attributions du Groupe du MOAEPCA

    Le Groupe assurera la supervision du processus d'évaluation et veillera particulièrement à l'intégrité du processus. Ses missions et ses attributions seront définies dans un règlement intérieur mis en place par ses membres après le quitus du Secrétariat. La Charte garantira l'indépendance, l'objectivité et l'intégrité du Groupe.

    12. La coopération entre le Groupe MOAEPCA et le Secrétariat Exécutif CEDEAOA.

    Le Groupe collabore avec le Secrétariat Exécutif et la Commission politique et de sécurité de la CEDEAO. Lesquelles instances lui apportent les capacités techniques appropriées pour accomplir le travail analytique nécessaire pour le processus d'évaluation entre pairs et se conformer aux principes du MOAEPCA. Le Secrétariat sera chargé de : mettre en place une base de données sur la situation sécuritaire, politique et économique dans tous les Etats parties ; élaborer les documents de base pour les équipes d'évaluation entre pairs ; proposer les indicateurs de performance et suivre la performance de chaque pays.

    13. Périodicité et types d'évaluation entre pairs

    Lors de l'adhésion formelle au processus d'évaluation entre pairs, chaque Etat doit élaborer clairement un programme d'action assorti d'un calendrier précis pour la mise en oeuvre de la Convention sur les ALPC y compris les évaluations périodiques.

    14. Les types d'évaluation

    Il y aura quatre types d'évaluation :

    La première évaluation effectuée dans un pays est l'évaluation de base qui se fait dans les dix-huit mois suivant d'adhésion d'un pays au processus du MOAEPCA ;

    Il y a ensuite des évaluations périodiques qui se font tous les deux ou quatre ans. En outre, un pays membre peut, pour des raisons personnelles, demander une évaluation n'entrant pas dans le cadre des évaluations périodiques normalement prévues. Des signes précoces d'une crise sociale, politico-militaire et économique persistante dans un Etat membre sont aussi un motif suffisant pour entreprendre une évaluation. Les Chefs d'Etat et de gouvernement des Etats parties pourraient demander une telle évaluation dans le souci d'aider le gouvernement concerné.

    15. Le processus du MAEP

    Le processus est axé sur l'évaluation périodique des politiques et pratiques des Etats parties pour s'assurer des progrès enregistrés dans la réalisation des objectifs convenus dans la Convention sur les ALPC.

    16. Phases du processus d'évaluation entre pairs

    Phase 1 : Une étude sur le contrôle des ALPC doit être effectuée sur la base des documents actualisés préparés par le MOAEPCA et des autres documents fournis par les institutions nationales, sous-régionales et internationales et, y compris les documents d'au moins trois OSC en activité dans le pays en question et deux ONG hors du territoire.

    Phase 2 : L'équipe d'évaluation se rend dans le pays concerné où elle mène ses activités par ordre de priorité en commençant par des consultations approfondies avec le gouvernement, les hauts responsables, les partis politiques, les parlementaires et les représentants des organisations de la société civile (y compris les médias, les intellectuels, les syndicats, les entreprises, les associations professionnelles).

    Phase 3 : Elaboration du rapport de l'équipe. Ce rapport est élaboré sur la base des éléments d'information préparés par le MOAEPCA et des informations recueillies sur place auprès de sources officielles et non officielles au cours des consultations approfondies et de l'interaction avec toutes les parties prenantes. Le rapport est élaboré en tenant compte des engagements pris dans le domaine de la gouvernance sécuritaire et au terme du programme d'action.

    17. La coopération avec le pays concerné avant la finalisation du rapport

    Le projet de rapport de l'équipe est tout d'abord discuté avec le gouvernement concerné. Ces discussions permettront de vérifier la fiabilité des informations et de donner au gouvernement l'occasion de réagir aux enquêtes de l'équipe et d'exprimer ses propres vues sur la manière dont les lacunes identifiées devraient être comblées. Les commentaires et observations du gouvernement seront annexés au rapport de l'équipe.

    18. La clarification des problèmes identifiés

    Le rapport de l'équipe devra clarifier un certain nombre d'aspects concernant les problèmes identifiés. Le gouvernement a-t-il fait preuve d'une réelle volonté politique de prendre les décisions et les mesures qui s'imposent pour résoudre ces problèmes ? Quelles ressources faut-il mobiliser pour prendre des mesures correctives ? Quel est le pourcentage des ressources à fournir par le gouvernement et quel est le pourcentage à fournir par des sources extérieures ? Au regard des ressources requises, combien de temps durera le processus de rectification ?

    19. L'adoption finale du rapport

    L'examen et l'adoption du rapport final se fait par les Chefs d'Etat et de gouvernement des Etats parties.

    20. L'assistance au pays évalué

    Si le gouvernement du pays concerné fait montre d'une volonté tangible de combler les lacunes identifiées, il incombera alors aux Etats parties de fournir l'assistance requise, dans la limite de leurs moyens, et d'inviter les gouvernements et les institutions donateurs à fournir également une assistance au pays concerné. Cependant, si le gouvernement concerné ne fait pas preuve d'une volonté politique notable, les Etats parties devraient tout d'abord s'efforcer d'engager un dialogue constructif, en offrant une assistance technique et toute autre assistance appropriée. Si le dialogue n'aboutit pas à un résultat satisfaisant, les Chefs d'Etat et de gouvernement des Etats parties peuvent alors informer le gouvernement concerné de leur intention collective de prendre des mesures appropriées, à l'expiration d'un délai déterminé. Ce délai doit permettre au gouvernement d'identifier les lacunes dans le cadre d'un dialogue constructif. Tout compte fait, de telles mesures ne doivent être utilisées qu'en dernier recours.

    21. La publication du rapport

    Après son examen par les Chefs d'Etat et de gouvernement des Etats parties, le rapport devrait être présenté officiellement et publiquement aux structures sous-régionales, telle la Commission CEDEAO et aux OSC afin de leur permettre de suivre les actions du gouvernement en question.

    22. Durée de l'évaluation entre pairs

    Le processus d'évaluation dans un pays ne devrait pas durer plus de 6 mois, à compter de la date du début de la phase 1 jusqu'à la date à laquelle le rapport est soumis aux Chefs d'Etat et de gouvernement, pour examen.

    23. La redynamisation du MOAEPCA

    Pour redynamiser le MOAEPCA, la Conférence des Etats parties procédera à sa révision une fois tous les cinq ans.

    Cette esquisse, en grande partie reprise du Mécanisme Africain d'Evaluation par les Pairs (MAEP) au niveau africain pourrait permettre d'avoir un regard sur les actions internes des Etats. Le seul problème reste son acceptation par les Etats si d'aventure une telle idée est proposée. Par ailleurs, il est clair qu'un tel mécanisme a ses avantages et mais également a des limites. D'abord, le MAOEPCA sera un cadre d'auto-évaluation, d'auto-critique, d'échange, de partage de compétences, de capacités organisationnelle et dynamique entre tous les acteurs, surtout grâce au quota en faveur du genre (au moins deux femmes), de la diversité des membres (au moins trois membres venant des OSC). C'est ensuite un cadre d'information pour les Etats, les instances sous régionales et organisations nationales. De part la diffusion de l'information, les citoyens vont peut-être s'intéresser à la problématique des ALPC. Enfin, vue son caractère inclusif et participatif, chaque acteur pourra se regarder dans le miroir des ses actions et faire une auto-critique permanente afin de figurer parmi les meilleurs élèves. Les limites sont entre autres la pénurie de ressources humaines, financières et infrastructurelles, la stagnation des populations locales dans la misère, l'insécurité physique et intellectuelle souvent en cours dans les Etats peu démocratiques, les incessantes implications des armées africaines dans les sphères politiques, la molle séparation des pouvoirs dans bon de pays où la justice demeure sous la coupole du pouvoir politique, le pouvoir législatif s'apparentant parfois à une assemblée de personnes sans ressources intellectuelles (assez d'analphabètes) et souvent traversée par les maux de corruption et de clientélisme. En tout état de cause, la volonté politique reste la voie cruciale pour un contrôle efficace, effectif et efficient des transferts des ALPC. Les acteurs de la société civile devraient également conjuguer leurs énergies entre elles et les joindre aux actions des institutions publiques pour endiguer ce fléau.

    CONCLUSION GENRALE

    Au terme de cette étude, plusieurs enseignements peuvent être tirés. D'abord, cette étude a permis primo de faire une analyse d'ensemble sur le système ouest-africain de lutte contre la prolifération des ALPC, notamment le volet spécifique du contrôle de transfert. C'est alors que dans un premier chapitre, il a été montré d'une part les menaces que la prolifération représente des ALPC et, d'autre part, le cadre normatif et institutionnel mis en place pour répondre à la question. Secundo, elle a permis d'évaluer le système de contrôle des ALPC dans son ensemble à travers les critères de cohérence, de pertinence, d'efficacité, d'effectivité, d'efficience, d'impact et d'utilité. Tertio, elle a favorisé la mise en évidence des limites tant normatives et institutionnelles qu'extra normatives et institutionnelles. Lesquelles limites ne sont pas à favoriser un véritable contrôle des transferts d'armes. Pour terminer, il a été proposé deux solutions fondamentales : la lutte contre la prolifération des ALPC par l'information et l'éducation et la mise en place d'un Mécanisme Ouest-Africain d'Evaluation entre les Pairs en matière de contrôle des ALPC.

    Ensuite, l'étude a démontré que les flux incontrôlés des ALPC représentent un véritable problème de société. L'accumulation anarchique et l'emploi abusif de ces engins de mort sont une menace pour la paix et la sécurité internationales, pour la sécurité humaine, pour le développement et pour la réalisation des objectifs du Millénaire. L'Afrique de l'Ouest n'est pas en dehors de toutes ces menaces. Pour ce faire, la communauté internationale, à travers les Nations Unies travaille tant bien que mal pour un contrôle efficace, effectif et efficience des ALPC. La CEDEAO a mis sur pied une Convention pour règlementer ce sujet. Diverses institutions aussi bien supra nationales que nationales conjuguent leurs synergies pour non seulement débarrassé la sous région du flot d'ALPC en circulation, mais également pour assurer un meilleur contrôle des transferts de ces armes. Dans ce cas, plusieurs programmes ont été réalisé et d'autres en cours d'exécution généralement avec le projet ECOSAP et les ComNat. Aussi, plusieurs OSC sont mobilisées pour apporter leur contribution à un plus contrôle des flux des ALPC. Ainsi, plusieurs centaines d'ALPC ont été collectées et détruites dans presque tous les pays CEDEAO. Les Etats se mobilisent plus ou moins pour apporter leur soutien, bien qu'en grande partie formelle aux initiatives sur le terrain. De manière générale, il se dégage une mobilisation sous régionale face à ce problème.

    Aussi, l'étude examiné l'hypothèse et les sous hypothèses de départ. Ce qui a aboutit au fait que réellement le système CEDEAO souffre d'un manque d'harmonisation des normes. Les normes nationales prédominent sur les normes communautaires en matière de contrôle des armes. Il y a une disparité, une fragmentation et des incohérences normatives. Le domaine des armes reste pour l'heure fortement régi par les textes internes des Etats membres. De même, il est été mis en exergue les difficultés liées à la faiblesse de ressources humaines, financières et matérielles. A cette faiblesse s'ajoute les failles de capacité organisationnelle et dynamique. A la confirmation de cette hypothèse, l'examen des limites extra normatives et institutionnelles a mis en évidence l'existence de facteurs qui mettent à mal le système déjà en difficulté. Parmi ces facteurs, on retient le commerce illicite des ALPC. Lequel commerce bénéficie de relais difficilement repérables et contrôlables. L'opacité qui entoure ce commerce rend complexe les initiatives de contrôle de transfert des ALPC aussi bien au niveau horizontale c'est-à-dire entre les Etats de la sous région vers d'autres Etats ou groupes armés mais aussi au niveau vertical c'est-à-dire les transferts des ALPC de pays hors CEDEAO vers les pays CEDEAO ou vers des groupes armés. Ainsi, toutes les hypothèses ont été confirmées.

    En définitive, il convient de retenir que la CEDEAO a réalisé quelques progrès qu'on ne peut pas nier. En adoptant la Convention en 2006, c'est un message fort dans le processus de longue haleine de contrôle des flux des ALPC. Comme le dit, un proverbe Bambara, « on ne creuse pas un puits en un seul jour ». Toutefois, il faut retenir que d'énormes efforts restent à fournir pour y parvenir.

    Dans tous les cas, il faut espérer que ces mesures prises puissent conduire à réaliser le voeu cher qui est le contrôle réel de transfert des ALPC et, en général la lutte contre la prolifération des ALPC. Par ailleurs, on pourrait se demander si les conséquences de la crise économique et financière internationale ne va pas influencer le contrôle des ALPC ? Si cette crise accentue la pauvreté, on peut se demander si cela ne va renforcer les fabrications illégales et artisanales des ALPC, le commerce clandestin et partant l'inondation de la sous de flot d'ALPC. La pauvreté issue de cette crise va peut-être favoriser la reprise de conflits armés et des violences ; lesquels sont les lits de prolifération d'armes car il n'y a pas de guerre sans arme. Somme toute, ces interrogations mériteraient d'être approfondies.

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    TABLE DES MATIERES

    INTRODUCTION GENERALE ....................................................................1-7

    CHAPITRE I : LE SYSTÈME OUEST-AFRICAIN DE CONTRÔLE

    DE TRANSFERT DES ALPC.......................................................8

    SECTION II : LES MENACES DE LA CIRCULATION INCONTRÔLEE

    DES ALPC..................................................................................9

    §I : LA PROLIFÉRATION DES ALPC, UNE MENACE POUR

    LA SÉCURITÉ HUMAINE...........................................................9-13

    §II : LA PROLIFÉRATION DES ALPC, UNE MENACE POUR

    LE DEVELOPPEMENT.............................................................14-17

    SECTION II : LE CADRE NORMATIF ET INSTITUTIONNEL...................18

    §I : LE CADRE NORMATIF.............................................................18-25

    §II : LE CADRE INSTITUTIONNEL................................................25-28

    CHAPITRE II : L'EVALUATION DU SYSTÈME OUEST-AFRICAIN

    DE CONTRÔLE DE TRANSFERT DES ALPC............................29

    SECTION I : L'EVALUATION SOUS L'ANGLE DE LA COHERENCE

    ET DE LA PERTINENCE.................................................30

    §I : LA COHERENCE SOUS L'ANGLE DES MOYENS NORMATIFS....30-36

    §II : LA COHERENCE SOUS L'ANGLE DES MOYENS OPERATIONELS.37-40

    §III : LA PERTINENCE................................................................40-41

    SECTION II : L'ÉVALUATION SOUS L'ANGLE  TRIPARTITE DE

    L'EFFICACITÉ, L'EFFECTIVITÉ ET DE L'EFFICIENCE.....42

    §I : L'EFFICACITÉ.....................................................................42-48

    §II : L'EFFECTIVITÉ.....................................................................48-51

    §III : L'EFFICIENCE.....................................................................51-57

    CHAPITRE III : LA NECESSITE DE CONTENIR LES LIMITES DU SYSTÈME

    OUEST- AFRICAIN DE CONTRÔLE DE TRANSFERT DES ALPC.58

    SECTION I : LES LIMITES AU SYSTÈME OUEST-AFRICAIN DE

    CONTRÔLE DE TRANSFERTS DES ALPC.........................58

    §I : LES LIMITES NORMATIVES ET INSTITUTIONNELLES..............58-62

    §II : LES LIMITES EXTRA NORMATIVES ET INSTITUTIONNELLES..63-73

    SECTION II : LES STRATEGIES POUR UN MEILLEUR

    CONTRÔLE DES ALPC...................................................73

    §I : LE CONTRÔLE DES ALPC PAR L'INFORMATION

    ET L'EDUCATION...................................................................74-76

    §II : LA CREATION D'UN MECANISME OUEST-AFRICAIN

    D'EVALUATION ENTRE LES PAIRS EN MATIERE DE

    CONTRÔLE DES ALPC..........................................................77-82

    CONCLUSION GENERALE........................................................................83-84

    BIBLIOGRAPHIE......................................................................................85-93

    TABLE DES MATIERES............................................................................94-95

    ANNEXE.................................................................................................96






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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo