SIGLES ET ABREVIATIONS
AGR: Activité Génératrice
de Revenu.
CERAP: CEntre de Recherche et d'Action pour la
Paix
CIE: Compagnie Ivoirienne
d'Electricité
F CFA: Franc de la Communauté
Financière Africaine
GSPM: Groupement des Sapeurs Pompiers
Militaires
IES: Institut d'Ethno- Sociologie
IMST: Institut Moderne Secondaire
Techniques
INP- HB: Institut National Polytechnique
Houphouët Boigny
INSP: Institut National de la Santé
Publique
IRD: Institut de Recherche pour le
Développement
ISCA: Institut Sacré Coeur
d'Adjamé
IST: Institut Supérieur Technique
PAS: Programme d'Ajustement Structurel
PME: Petite et Moyenne Entreprise.
PPTE: Pays Pauvre très
Endetté.
RIA: Réseau Incendie Armée
R+1: Rez- de- chaussée plus un
étage.
R+2: Rez- de- chaussée plus deux
étages.
SDC : Service du Domaine et Construction
SICG: Société Ivoirienne de
Gestion et de Concept.
SM: Service des Marchés
SODECI: Société de Distribution
d'Eau de la Côte d'Ivoire
SOTRA: SOciété de TRansport
Abidjanais
SVRDT: Service de la Voirie Réseaux
Divers et Transport
REMERCIEMENTS
Nous tenons à adresser nos sincères
remerciements d'abord à Monsieur Gadou Dakouri Mathias, Maître-
assistant à l'Université de Cocody, qui malgré ses
nombreuses occupations, a consenti à assurer la direction scientifique
de ce travail. Par sa disponibilité, ses conseils avisés et ses
judicieuses remarques, il nous a évité les embûches du
chercheur débutant.
Dans le même élan de gratitude, nos
pensées vont également à l'endroit de tous les professeurs
de l'Institut d'Ethno- sociologie qui ont contribué à notre
formation.
Nous disons merci à M. N'Goran Gérard, doctorant
à l'IES, ainsi qu'à M. Acho Rodrigue pour leurs conseils et
leurs suggestions.
Nous voudrions également faire part de notre
reconnaissance à Monsieur Yavho Guillaume, Directeur Technique des
services techniques de la mairie d'Adjamé et à ses
collaborateurs, pour leur disposition et les informations utiles qu'ils ont
bien voulues nous donner et surtout pour leur grande sympathie. Nous tenons
aussi à remercier le responsable de la régie des taxes. Un
remerciement particulier à Monsieur Bruno, de la cellule de l'occupation
des places du forum des marchés et du règlement des conflits,
pour ses conseils qui nous ont permis le déroulement heureux de ce
travail. Nous n'oublions pas M. Aïdara de la cellule de construction qui
s'est révélé très attentif à nos besoins.
Nous remercions sincèrement tous nos amis et
condisciples qui nous ont soutenu d'une manière ou d'une autre au cours
de ce travail. Enfin, nous ne saurions terminer ces remerciements sans exprimer
notre gratitude à nos parents pour leur aide matérielle et leur
soutien moral ainsi qu'à toutes les personnes qui de près ou de
loin ont contribué d'une quelconque façon à la mise en
forme de ce travail.
INTRODUCTION
La Côte d'Ivoire, à l'instar des autres pays du
monde, dispose de plusieurs types de marchés dont les marchés de
détail. Ces espaces rapprochent les produits des consommateurs pour
satisfaire les besoins matériels de ceux- ci. En outre, ils permettent
l'insertion professionnelle des couches sociales défavorisées.
Pour mieux s'inscrire dans le plan du développement, et pour
éviter la catastrophe des incendies ainsi que les
phénomènes de vols et d'insalubrité, les autorités
administratives s'activent à construire des marchés de
détail aménagés.
Cependant, malgré cet enjeu crucial,
cette institution connaît de nombreuses difficultés en Côte
d'Ivoire, en l'occurrence le phénomène de désertion. Ce
phénomène a pris de l'ampleur dans toutes les communes de
Côte d'Ivoire, particulièrement à Abidjan.
Afin de permettre une meilleure
compréhension de ce fait social, nous nous proposons de porter notre
étude sur le forum des marchés, situé dans la commune
d'Adjamé. Notre étude s'articule autour de trois axes. Dans la
première partie, il s'agit pour nous d'exposer le cadre théorique
sur lequel s'appuie notre recherche. Nous posons la problématique
après avoir justifié la raison essentielle qui a motivée
notre étude, donné une définition du concept
marché, fait une revue critique des études antérieures et
une enquête exploratoire. Nous émettons par ailleurs une
hypothèse, et des objectifs nous permettant sa vérification.
Au niveau du cadre méthodologique, il s'agit d'abord
pour nous de préciser le cadre théorique et les techniques
d'enquête utilisées pour recueillir les données
nécessaires à la compréhension du phénomène
de désertion. Ensuite, dans la seconde partie, nous passons à la
présentation du champ de l'étude (le forum des marchés).
Cette présentation permet à nos lecteurs d'avoir une idée
du champ de l'étude en vue d'une meilleure compréhension de notre
préoccupation et de notre choix. Enfin, nous présentons les
résultats de notre recherche en nous appuyant sur le cadre
théorique, le modèle d'analyse et les travaux
antérieurs.
PREMIERE PARTIE: CADRE THEORIQUE ET
METHODOLOGIQUE
PREMIERE PARTIE: CADRE THEORIQUE ET
METHODOLOGIQUE
CHAPITRE I: CADRE THEORIQUE
I- JUSTIFICATION DU CHOIX DU SUJET
Notre thème général, le marché, a
un intérêt capital dans le monde entier, et ce depuis
l'avènement de la révolution industrielle. En effet, depuis cette
époque le troc a pratiquement disparu des sociétés au
profit du commerce. Les cultures de rente ont fait place aux cultures de
subsistance dans la plupart des sociétés. Les échanges se
font sur la base de monnaie conventionnelle; d'où la naissance de la
science économique pour étudier le comportement économique
des acteurs présents sur le marché.
Defalvard affirme: «un consensus s'est aujourd'hui
établi pour considérer que le marché et ses
mécanismes dessinent la seule voie d'accès possible au
développement économique»1(*). Le marché devient alors une institution
incontournable qui régit le monde. Car par le biais des échanges
commerciaux, les États se constituent des devises pour asseoir une
politique de développement économique et social.
Le marché de détail revêt de ce fait, un
enjeu très important pour tout pays. Il est le lieu où s'effectue
l'écoulement final des produits, toute production étant
destinée à la consommation. Il rapproche non seulement les
produits des ménages (consommateurs) pour leur fournir le bien-
être matériel, mais aussi favorise la consommation à tous,
à cause des prix accessibles qu'il offre aux ménages à
revenu faible, et les petites quantités de marchandises qu'il leur
procure. En outre, il donne l'occasion aux petits producteurs de faire la
promotion de leurs produits. Il permet égamelement une insertion socio-
professionnelle des personnes sans qualification professionnelle et sans moyens
efficients. C'est le lieu où l'on peut se prendre en charge avec
très peu de moyens.
Lorsque le marché de détail est
aménagé, il offre encore plus d'atouts. Il y a la
possibilité pour les autorités administratives de contrôler
l'hygiène alimentaire, la qualité des produits et les prix sur
ces marchés pour le bonheur des populations.
L'enjeu de disposer d'un marché de détail
aménagé s'avère donc très important et s'impose aux
collectives territoriales, dans un contexte de développement
économique et social. Cependant, malgré cette importance, cette
institution connaît de nombreuses difficultés en Côte
d'Ivoire, en l'occurrence le phénomène de désertion. En
effet, une fois aménagés (construits généralement
en hauteur), les marchés de détail deviennent des investissements
non productifs, car sous fréquentés par les vendeurs. Au
même moment, on assiste à l'occupation anarchique des trottoirs,
quelques fois des chaussées, par ces derniers2(*). Ce phénomène a
pris de l'ampleur dans toutes les communes de Côte d'Ivoire,
spécifiquement à Abidjan .
Le cas de la commune d'Adjamé faisant l'objet de notre
étude a conduit la SOTRA à interrompre son trafic sur l'axe
«collège Nangui Abrougoua- maternité Thérèse
Houphouët Boigny», pour la ligne 143(*), parce que les vendeurs ne font même plus la
différence entre le trottoir et la chaussée. Cette occupation
anarchique aggrave le diagnostic des accidents de circulation, dont les
vendeurs des trottoirs sont surtout les victimes.
L'intérêt de l'étude de ce
phénomène est alors double. D'une part, elle enrichira la
connaissance scientifique. En effet, de nombreuses études ont
été faites dans le domaine du marché,
particulièrement le marché de détail en Côte
d'Ivoire. Cependant, il n'existe pas encore de travaux scientifiques sur le
sujet de désertion des marchés de détail, surtout sous
l'angle que nous voulons l'aborder; à savoir la compréhension du
phénomène de désertion. D'autre part au niveau social,
elle contribuera, avec les travaux antérieurs, à guider les
décideurs dans l'élaboration des projets de construction des
marchés de détail adéquats. Alors la collectivités
territoriale en tirera de meilleurs profits, du fait des taxes qui serviront
à réaliser d'autres infrastructures. En effet, dans un contexte
de système capitalisme libéral ou dans un projet de
développement économique et social, toute mise doit pouvoir
rapporter, sinon elle n'a pas lieu d'être.
II- APPROCHE CONCEPTUELLE
Le terme essentiel que nous proposons de clarifier ici est
celui de marché. Etymologiquement, ce terme est du latin
«mercatus», qui signifie commerce. Selon le dictionnaire de la
langue française, dans le sens premier, c'est le lieu où des
commerçants mettent en vente des marchandises, notamment des produits
d'usage courant, des denrées alimentaires. Il désigne aussi la
réunion des commerçants et des clients qui se rendent dans ce
lieu pour acheter et pour vendre. C'est aussi ce qu'on achète en ce lieu
et, par extension, dans d'autres magasins. Le marché est aussi, en
général, l'arrangement, une tractation quelconque entre plusieurs
personnes.4(*)
Mesure et Sividan le définissent comme étant un
lieu, une institution, ensemble des tractations d'un bien ou personnes aux
humeurs fluctuantes. Ils affirment que l'idée du marché est
toujours inséparable de celle d'échange volontaire entre des
parties. Par ailleurs, ils rappellent les théories de certains
économistes pour aller plus loin dans leurs reflexion.5(*)
Ce terme désigne en économie, l'ensemble des
offres et des demandes d'un bien qui, mis en contact à un moment
déterminé, provoque un échange moyennant un prix. Selon
une série d'éléments, il y aura différentes formes
de marchés: monopole, oligopole, monopsone, concurrence parfaite. Ces
éléments peuvent être: le nombre d'acheteurs et de vendeurs
qui peuvent intervenir dans l'échange, la nature du bien, le
degré d'information des vendeurs et des acheteurs sur les prix et les
biens, la mobilité des vendeurs et des acheteurs6(*).
En sociologie, selon Viviana Zelizer, les marchés sont
«des
ensembles de relations sociales dans lesquelles les acteurs
transfèrent des biens et des services
en établissant des listes
prix-quantité-qualité qui gouvernent ces transferts»7(*). Bourdieu8(*) quant à lui
met en place les notions de champ et d'habitus pour permettre une
meilleure compréhension du marché. Il affirme donc que le
marché ne peut être considéré comme la
résultante d'une simple rencontre rationnelle entre offre et demande
basée exclusivement sur un calcul économique, car les agents mis
en jeu se trouvent dotés de capitaux culturels et économiques
distincts selon leur histoire. Ces derniers définissent autant de
rapports de force et de relation de pouvoir.
Les champs sont selon lui «des espaces structurés
par des relations objectives entre des positions au sein desquelles
interagissent des agents en fonction de leurs habitus, fruits de leurs
expériences passées. Ainsi, c'est par le jeu des habitus et de la
structure du champ que l'on peut comprendre comment les individus sont
amenés à avoir des pratiques, faire des choix sinon rationnels du
moins raisonnables».
Selon Claude Robineau, «le commerce et la monnaie sont
très anciens alors que les marchés, bien que connus au
néolithique, n'ont eu d'importance que tardivement. Les marchés
formateurs de prix, seuls véritables constituants d'un système de
marché, n'existaient pas avant le premier millénaire avant
Jésus- Christ, et il devait y être suppléé par
d'autres types de commerce»9(*).
Ainsi, «le marché s'inscrit, en Afrique
occidentale comme le terme actuel d'une série évolutive qui va
des sociétés sans marché à la société
dominée par le marché de produits et de prix. Une des
distinctions importantes de Bohannan et Dalton est celle entre institution des
marchés en tant que lieux d'échanges et principe de
l'échange par le marché»10(*).
Selon Robineau, la science économique, plus
particulièrement l'économie politique se constitue
sérieusement au XVIIIème siècle, au temps où
l'Europe occidentale passe du capitalisme commercial manufacturier à
l'industrie. Quant à la littérature anthropologique, dit- il,
elle a abordé de façon sérieuse les
phénomènes économiques très tardivement par rapport
à d'autres thèmes, après la seconde guerre
mondiale»11(*).
Aujourd'hui, en Côte d'Ivoire, on désigne par
marché le lieu où des commerçants vendent des
marchandises (produits d'usage courant, produits vestimentaires,
cosmétiques, denrées alimentaires, etc). Il désigne
également l'ensemble des provisions qu'une personne achète pour
la confection d'un repas. C'est aussi les tractations quelconques entres des
personnes.
Dans notre étude, nous désignons par
marché, le lieu où des commerçants vendent des produits
d'usage courant, les denrées alimentaires, etc. Le terme «espaces
commerciaux» que nous employons dans notre sujet spécifie le type
de marché que nous étudions. Il s'agit pour nous, de nous
intéresser aux marchés légaux (dont l'espace a
été offert par les autorités administratives, et souvent
construit par celles- ci). Ce genre de marché,
généralement construit de façon moderne met en relation
quatre (04) types d'acteurs: les vendeurs, les consommateurs, les
autorités administratives et le promoteur. Nous portons notre choix sur
le forum des marchés parce qu'il regroupe ces différents
acteurs.
III- PROBLEMATIQUE
«Le marché s'inscrit dans la typologie des
échanges entre les individus et les groupes: réciprocité,
redistribution, échange généralisé. Cette typologie
est celle des formes d'intégration économique
possible»12(*). En
effet, les communautés humaines ont toujours pratiqué
l'échange, par ricochet l'économie sous différentes formes
selon les sociétés. Ainsi comme le dit Granovetter, «les
actions économiques sont toujours enchâssées dans des
réseaux de relation»13(*). Ces échanges ont évolué dans le
temps. En Afrique, on assiste à trois grandes périodes
d'échanges: les périodes pré- coloniale, coloniale et
post- coloniale.
Pendant la période pré- coloniale, dans la
région méridionale de Madagascar selon Fauroux14(*), l'activité
économique consistait en accumulation de boeufs à travers les
alliances et les activités de prédation.
La consommation reposait sur les biens produits dans le cadre
lignager, mais les rapports extérieurs (minimes) n'étaient pas
à négliger. Ils se présentaient comme des accords entre
éleveurs autochtones et riziculteurs immigrés qui
s'échangeaient les boeufs contre les produits agricoles. Ils se
présentaient également comme des accords de troc entre groupes
voisins qui se livraient à des activités différentes.
En Afrique centrale pré- coloniale, au Congo selon
Robineau,15(*) il y avait
l'économie de subsistance pour les produits abondants. Pratiquée
au niveau des familles, des clans et des lignages, cette économie
était compensée par des échanges entre groupes de
parenté pour les produits rares, grâce aux institutions à
caractère social qui organisaient les transferts de biens: circoncision,
mariage, levée de deuil. Les objets en fer servaient de monnaie pour les
échanges de type endogamiques. Les guerres inter- ethniques et la traite
opérée par certains peuples permettaient d'élargir
occasionnellement le champ des échanges.
En Afrique occidentale, selon Meillassoux,16(*) dans la région Nord du
pays gouro en Côte d'Ivoire, les marchés existaient avant
l'arrivée des colons. Le peuple gouro de la savane effectuait en effet
des échanges avec les malinké et les baoulé. Il
construisait des marchés de façon circonstancielle, où les
marchands ne payaient aucun tribut. Mais, la création d'un marché
donnait des prestiges sociaux et politiques au lignage par lequel il
était créé. La monnaie d'échange était le
sompe.17(*)
Ces échanges avaient pour but l'acquisition de biens
matrimoniaux, et n'avaient aucune valeur marchande, contrairement à ce
qu'ils représentaient pour les dioula.
L'étude de ces sociétés pré-
coloniales est à l'origine d'une controverse entre Polanyi et Robineau.
Polanyi en effet lie le marché, le commerce et la monnaie, alors que
Robineau affirme qu'ils constituent des phénomènes
distincts au regard de l'histoire économique, parce que le commerce et
la monnaie précèdent le marché18(*).
La position de Robineau a été influencée
par la distinction que fait Bohannan et Dalton concernant le marché: le
marché en tant que lieu d'échange et en tant que principe
d'échange.19(*) Si
l'on tient compte en effet de la distinction de Bohannan et Dalton, on se rend
compte que le marché en tant que lieu d'échange n'existait pas au
sein de la région méridionale de Madagascar et au Congo. Mais il
existait en pays Gouro. Cependant, en tant que principe d'échange, le
marché existait au sein de toutes les communautés, car les
échanges avec d'autres groupes se faisaient sur la base de principes qui
devaient être respectés.
A partir de la période coloniale, on va assister
à l'implantation des marchés en tant que lieu d'échange au
sein de toutes les communautés africaines. Cette nouvelle forme
d'économie dans des sociétés africaines est guidée
par le système économique européen (le capitalisme),
à travers l'introduction des cultures de rente. Cela est à
l'origine du bouleversement des structures sociales et des modes
d'échanges.
A cet effet, les travaux de Fauroux à Madagascar
montrent qu'une fois les colons en place, ils cherchèrent à
généraliser les rapports marchands. Pour instaurer donc la
sécurité, ils mettaient en péril le mode d'accumulation
qui reposait sur les vols de boeufs. Une agriculture commerciale a
été développée avec l'introduction de la monnaie
dans les circuits d'échange. Cependant, il souligne que les rapports
marchands ne se sont jamais généralisés dans la
région, à cause de certains facteurs socio- culturels tels que la
non intégration de la logique marchande dans la culture des populations;
les fortes ponctions à l'endroit des autochtones; la persistance de
l'ancien mode d'accumulation de boeufs.
Au Congo, selon Robineau, les colons ont été
les premiers à installer les marchés en construisant des
boutiques. Mais les échanges ont reposé sur le troc
jusqu'à la fin de la première guerre mondiale.
Selon Meillassoux, la pénétration des colons
dans la région Nord du pays gouro en 1906, a bouleversé les
marchés déjà existant, sur le plan politique,
économique, structurel et même institutionnel. On a assisté
à la construction des boutiques détenues par les colons. La vente
des marchandises était désormais taxée.
La généralisation des échanges au sein
de toutes les communautés humaines, débutée en Europe,
accentuée à partir de la révolution industrielle, puis
arrivée en Afrique à partir de la colonisation est donc à
l'origine de la complexité des rapports économiques. Cela a
conduit à l'évolution du concept de marché. On
assiste également à la naissance de la science économique
pour l'étude du comportement économique des agents, et la science
de gestion pour une maximisation du profit résultant de ce comportement
au sein du marché. Les lacunes de ces disciplines ont conduit à
la naissance et à l'évolution de la sociologie économique.
Ainsi, dans une conférence, Steiner fait l'état
d'évolution de cette discipline concernant le marché depuis deux
décennies20(*). En
se penchant sur la méthode d'étude du marché, il se repose
sur trois points essentiels, à savoir le marché comme structure
sociale, les approches relationnelles du marché, théorie
économique et gestion.
Considérant le marché comme une structure
sociale, la nouvelle sociologie économique, selon lui,
s'intéresse à l'origine de celle- ci. Ainsi, pour comprendre
«la construction sociale des marchés», le sociologue
économiste part à la découverte des règles de
fonctionnement, de ses différentes formes et des raisons de leur
évolution.
Le sociologue doit alors montrer les mécanismes de
fonctionnement qui font que le marché existe sous une forme autre que ce
qu'il devait être. Pour aller plus loin, Steiner affirme que le
«fonctionnalisme utilitariste» ne suffit pas pour expliquer une
institution. En effet, même avec les institutions marchandes, dit- il, il
y a des relations sociales et politiques indispensables à la
création et au fonctionnement des marchés.
Bourdieu21(*) et Fligstein22(*) abordent dans le même sens que Steiner. Ils
affirment que l'intervention de l'État est nécessaire pour la
création et le fonctionnement du marché. Cependant, leurs
études portent sur des marchés en tant que principes
d'échanges. En outre ce sont des marchés industriels des pays
industrialisés. Ce postulat peut- il être admis au niveau des
marchés de détail? En d'autres termes, l'intervention de
l'État peut- elle garantir le succès des marchés en tant
que lieu d'échanges, particulièrement les marchés de
détail?
Avant 1963 le marché de Paris se tenait au centre
ville de Paris, à ciel ouvert. Le général De Gaulle le
déplaça à partir de 1963, et fit construire des
supermarchés. Ces supermarchés ne connaissent pas l'enchantement
que connaissait autrefois le marché à ciel ouvert 23(*).
En Côte d'Ivoire, après l'urbanisation, il y a
eu la création des supermarchés- marchés pour
l'approvisionnement du personnel expatriés et les personnes à
«hauts revenus». Les marchés de détail ont
été créés pour la population en majorité
pauvre24(*). Poyau
distingue trois types de marchés de détail en Côte
d'Ivoire. Le «marché central ou grand marché»,
créé à la suite d'une décision étatique ou
municipale. Il bénéficie d'une architecture moderne. Ensuite, le
marché «intermédiaire» qui est mis en place par la
population elle- même. Grâce à son importance sociale et
fonctionnelle, il est toléré, maintenu, puis reconnu. Enfin, le
marché «élémentaire» qui est le petit
marché du quartier. Il est également créé par la
population elle- même.25(*)
Poyau affirme par ailleurs que la fonction des marchés
a muté au regard de leur situation actuelle. En effet, dit- elle, les
marchés étaient autrefois construits à proximité
des gares routières, au centre des villes. Mais cette logique de
centralité et d'aménagement du territoire n'est plus
respectée. Leur localisation est désormais guidée par le
profit, parce qu'ils sont source de revenus importants.
Poyau se limite à la localisation et à la
typologie des marchés, sans évoquer les problèmes
liés à ceux- ci. A cet effet, Terpend et Kouyaté, à
travers l'étude des marchés de gros d'Afrique occidentale,
mettent en évidence les difficultés qu'on y rencontre. Certains
problèmes sur ces marchés étant similaires à ceux
des marchés de détail, nous pouvons citer quelques uns à
leur suite.
Les commerçants sont confrontés à
l'insuffisance du fonds de roulement, ce qui limite leurs achats, et donc leurs
bénéfices. En outre, ils n'ont pas accès aux
crédits bancaires, parce que les garanties demandées par les
banquiers ne sont pas à leur portée.
On constate en outre le taux faible de recouvrement des taxes
à l'endroit des administrateurs de marchés. Cela est dû
à une faiblesse au niveau du recensement des opérateurs et du
calcul de la taxe, au nomadisme de certains vendeurs, etc. Il faut noter aussi
le manque de probité de certains agents chargés de
recouvrement.
Quant aux consommateurs, ils ont des revenus relativement
modestes. Cette situation les conduit à la recherche de produits bon
marché, sans tenir compte des conditions d'hygiène. Cela a
été aggravé par le chômage et le sous- emploi
provoqués par la mise en vigueur du PAS et la dévaluation du
franc CFA. A côté de ceux- ci, notons la faiblesse des
contrôles qualitatifs effectués par l'administration, exposant les
consommateurs à la consommation de produits dangereux, et à des
prix excessifs non justifiés. Il y a également le faible pouvoir
des associations de consommateurs. Un problème aussi significatif au
niveau des consommateurs et des vendeurs est le manque de services de nettoyage
et d'infrastructures sanitaires sur les marchés. Cet état
d'insalubrité entraînent une précarité des
conditions d'hygiène des produits et repousse certains
consommateurs.26(*)
Après avoir mis en évidence les
difficultés, Terpend et Kouyaté ne mentionnent rien sur le taux
de fréquentation de ces marchés, en l'occurrence les
marchés de détail modernes, alors que l'on constate de plus en
plus la sous fréquentation de ceux- ci. En effet, Au delà des
difficultés évoquées plus haut, il y a les incendies qui
sont généralement à l'origine de la construction des
marchés modernes, tels le marché Djê-Konan situé
dans la commune de Koumassi, le grand marché de marcory, le
marché belleville, le grand marché de Treichville, le forum des
marchés situé dans la commune d'Adjamé, le grand
marché de Divo, etc.
A Abidjan, au delà des problèmes
précédemment évoqués, le fort taux de croissance
démographique entraîne le manque d'infrastructures commerciales.
On assiste alors à l'occupation anarchique des trottoirs et pourtours
des marchés par les vendeurs. Cette occupation anarchique aggrave le
constat des accidents de circulation déjà très
fréquents. En effet, en 2008, on a enregistré trois mille huit
cent cinquante sept cas d'accidents de circulation dont trois mille cinq cent
vingt neuf cas avec évacuation. Du 1er Janvier 2009 au 23 juin 2009, on
a enregistré mille trois cent soixante quatorze cas d'accidents de
circulation dont mille cent quatre- vingt- quinze cas avec
évacuation.27(*)
Aussi, pour répondre au besoin d'infrastructures
commerciales, et pour pallier au problème d'insalubrité,
d'incendie, et bien d'autres, les autorités administratives s'engagent
à construire des marchés modernes en hauteur. Cependant, ces
marchés ne résolvent pas les difficultés qui se
présentaient au sein des marchés construits de façon
précaire ou de façon basse. Aux problèmes
déjà existants, il va s'ajouter le phénomène de
désertion de ces espaces par les vendeurs, au profit des trottoirs et
pourtours.
Le cas du forum des marchés situé dans la
commune d'Adjamé est à son paroxysme. Située au centre du
District d'Abidjan, cette commune abrite toutes les gares routières des
villes de l'intérieur du pays et des villes de la sous région,
ainsi que la gare ferroviaire. Elle a le statut de centre commercial à
cause de l'engouement des populations des autres communes qu'elle suscite. Une
zone du quartier «Roxy», situé à cinquante
mètres du quartier «mairie 1» (où est situé le
forum des marchés) est d'ailleurs appelé par certaines personnes
«petit Noé»28(*).
Les trottoirs sont inexistants à Adjamé, car
les vendeurs les ont pris d'assaut. Dans certains lieux tels que le boulevard
Nangui- Abrogoua et l'axe «collège Nagui- Abrogoua -
maternité Thérèse Houphouét Boigny», les
chaussées sont également occupées par les vendeurs. Cet
encombrement des trottoirs par les vendeurs a conduit la SOTRA a interrompre
son trafic sur cet axe afin d'éviter les cas d'accident grave29(*). Les opérations de
déguerpissement effectuées par les autorités
administratives y ont toujours été sans succès.
Le besoin d'infrastructures commerciales et les incendies
à répétition (en 1989 et en 1993) que connaissait le grand
marché d'Adjamé (marché central de la commune
précédemment construit de façon basse) ont donc conduit
les autorités municipales à construire le forum des
marchés à deux niveaux30(*).
Tous les vendeurs cependant n'étaient pas consentants
pour ce projet (les moins nantis), parce qu'ils se voyaient exclus du champ
économique. La municipalité a pris alors l'engagement
d'intégrer tous les vendeurs de l'ancien marché. Ils y seraient
prioritaires. Elle leur a même promis des facilités de paiement
des places. La mairie a procédé à cet effet au recensement
de ces vendeurs. Pour réussir l'oeuvre, la mairie a associé le
ministère de la construction et de l'urbanisme pour le suivi des travaux
de construction, confiés à un promoteur (la SICG).
Pendant les travaux de construction, le promoteur a
demandé aux souscripteurs de verser la somme de 350000 F CFA pour une
table de produits alimentaires; 450000 F CFA pour un box et 1000000 de F CFA
pour un magasin. Ceux qui le pouvaient s'en sont acquittés sans trop de
réticence. L'engouement était si fort que toutes les places ont
été achetées. Certains demandeurs n'ont pu en
trouver31(*). Mais, une
fois le marché achevé et inauguré, les box ont
été progressivement vidés par les vendeurs. Au même
moment, on assiste à l'occupation anarchique des trottoirs et pourtours
par ces derniers, notamment ceux des box.
En effet, le forum des marchés est consacré
à la vente de plusieurs marchandises, et comprend trois types de places:
les magasins ou galeries, les box et les tables pour les produits alimentaires.
Les magasins et les tables de denrées alimentaires sont situés au
rez- de chaussée, et les box sont situés au premier et au
deuxième étage. Tous les magasins sont occupés. Quant aux
places pour les denrées alimentaires, environ vingt cinq pour cent de
l'espace sert d'entrepôt32(*) (pour les bananes et la volaille
généralement), à cause du manque
d'éclairage33(*).
Le premier étage est occupé en moyenne à soixante pour
cent, tandis que le deuxième étage est entièrement
désert34(*).
Ce constat suscite une question fondamentale. Pourquoi le
forum des marchés est-il désert alors que toutes les places y ont
été achetés, et qu'au même moment, l'on assiste
à l'occupation anarchique des trottoirs et pourtours par les vendeurs?
Cette préoccupation fondamentale mérite une clarification en vue
d'appréhender cette réalité sociale.
Pourquoi les vendeurs demeurent- ils à
l'extérieur du forum des marchés, malgré les
opérations de déguerpissement constamment pratiquées, et
en dépit des intempéries et des risques d'accident auxquels ils
sont exposés? En d'autres termes, quelles sont les logiques qui
sous-tendent le comportement et l'attitude des vendeurs du forum des
marchés, au point de résister à toute sorte de pression,
et de s'exposer à des risques d'accident?
En effet, le 25 Février 2007 aux alentours de 8 heures
du matin, un autobus de la SOTRA immatriculé 3717SR81 (7249-8), en
provenance de la gare Nord, et en partance pour Marcory a connu un
«grave» accident. Cela c'est produit sur le boulevard Nangui
Abrogoua, juste au niveau du forum des marchés, lorsque les freins du
véhicule ont lâché. Cet accident a causé la mort de
cinq vendeuses au niveau des trottoirs et plusieurs blessés.35(*)
Comment sont menées les opérations de
déguerpissement?
Toute activité commerciale étant guidée
par la conquête de la clientèle en vue de l'obtention d'une marge
bénéficiaire importante, quelles sont les habitudes
d'approvisionnement de la population qui guident le comportement des vendeurs
du forum des marchés?
Afin de trouver des réponses à ces
interrogations, il convient de fixer les objectifs de recherche.
IV- OBJECTIFS DE RECHERCHE
IV- 1- Objectif général
A travers cette étude, nous voulons comprendre les
raisons qui font que le forum des marchés est désert alors que
toutes les places y ont été achetées, et qu'au même
moment les pourtours et les trottoirs sont engorgés de vendeurs.
IV- 2- Objectifs spécifiques
1- Saisir les logiques qui fondent le comportement et
l'attitude des vendeurs du forum des marchés d'Adjamé.
2- Cerner la façon dont sont pratiquées les
opérations de déguerpissement.
3- Dégager les habitudes d'approvisionnement des
consommateurs.
V- HYPOTHESE ET MODELE D'ANALYSE
V- 1- Hypothèse
La structure architecturale du marché, les conditions
d'attribution des places et les habitudes d'approvisionnement des consommateurs
amènent les vendeurs à s'installer sur les trottoirs et les
pourtours du forum des marchés.
V- 2- Modèle d'analyse
A cette étape, il s'agit pour nous de rendre
opératoires (empiriquement observable) les termes clés de
l'hypothèse qui sont «structure architecturale du
marché» , «conditions d'attribution des places» et
«habitudes d'approvisionnement».
La structure architecturale pose des problèmes tant au
niveau des vendeurs qu'au niveau des consommateurs. Au niveau des
consommateurs, il y a une dimension culturelle. En effet, les ivoiriens ne sont
pas habitués aux constructions en hauteur, par conséquent, ils
pratiquent moins le forum des marchés parce qu'il est construit en R+ 2.
Outre cet aspect, il y a les bousculades liées aux allées
restreintes. Les consommateurs préfèrent donc rester sur les
périphéries (pourtours et trottoirs) pour avoir de l'aisance dans
leurs courses.
Au niveau des vendeurs, leur comportement face à la
structure du marché a une dimension économique. En effet, les
vendeurs se voient être dans un lieu clos qui limitent leur
conquête de la clientèle. Leur comportement est similaire à
celui des commerçants «dioula» pendant la période
pré- coloniale. En fait, à cette époque, les
commerçants dioula se déplaçaient avec les produits vers
les pays gouro et baoulé dans le but de se rapprocher des clients afin
de mieux les traquer. Les commerçants ayant acquis une telle attitude
depuis le début des échanges marchands, se sentent comme dans un
enclos à l'intérieur d'un marché construit en hauteur. Ils
se trouvent «isolés», loin des clients potentiels, d'autant
plus qu'ils considèrent les «passants» comme étant les
meilleurs clients. La conquête des clients amène donc les vendeurs
à s'installer sur les pourtours, voir les trottoirs en bravant toute
sorte d'obstacles et intempérie.
Les conditions d'attribution des places doivent être
comprises comme les moyens à mobiliser (ou les capitaux
nécessaires) pour avoir accès à une ou des places. Elles
revêtent une dimension économique. En effet, lors de l'attribution
des places, les promesses faites par la mairie aux vendeurs (pour les amener
à accepter la construction du forum des marchés), à savoir
la priorité de la demande des places accordée aux vendeurs de
l'ancien marché; permettre le paiement échelonné des
places sans délai à ces derniers, n'ont pas été
respectées. La priorité a plutôt été
accordée aux personnes possédant de puissants capitaux
économiques. Le promoteur a même demandé aux vendeurs de
verser le montant des places pendant la réalisation des travaux. Ainsi,
la plupart des vendeurs de l'ancien marché n'ont pu obtenir de place, et
des non commerçants en ont acheté une grande partie. Les vendeurs
moins nantis de l'ancien marché n'ayant pu obtenir de place à
l'intérieur du marché se sont repliés sur les trottoirs et
les pourtours, et autour d'eux ce sont agrippés les nouveaux venus.
Les habitudes d'approvisionnement des consommateurs
revêtent deux dimensions: une dimension économique et une
dimension culturelle. Le pouvoir d'achat faible des consommateurs les
amène à rechercher constamment les articles bon marché,
sans se soucier de leur qualité. La dimension culturelle est que les
constructions en hauteur ne font pas partie de la culture de l'ivoirien, par
conséquent, il fréquente moins les marchés construits en
hauteur, en l'occurrence le forum des marchés d'Adjamé.
VI- METHODE D'ANALYSE
A ce niveau, il s'agit pour nous de préciser le chemin
que nous voulons emprunter pour parvenir à la connaissance scientifique,
à la vérification de notre hypothèse. A cet effet, nous
optons pour l'individualisme méthodologique.
Agrégation des actions individuelles selon la
formule de Raymond Boudon :
M = M(m[S(M')])
Tout phénomène social M est une fonction
d'agrégation des actions individuelles m
dépendant de la structure de la situation S
dans laquelle se trouvent les acteurs, elle-même affectée par des
données macro sociales M'.
Ce paradigme nous permet donc d'identifier la
structure sociale qu'ont construit les réalisateurs du forum des
marchés, à travers les différentes actions qu'ils ont
menées à chaque niveau du projet.
En outre, nous analysons l'habitude
d'approvisionnement des consommateurs liée à leur histoire et
leur niveau économique. A partir de ces analyses, nous voyons ce que ces
comportements imposent aux vendeurs comme stratégies
commerciales.
CHAPITRE II: CADRE METHODOLOGIQUE
I- DELIMITATION DU CHAMP DE L'ETUDE
I- 1- Champ géographique
Le forum des marchés qui fait l'objet de notre
étude est situé dans la commune d'Adjamé; elle-
même située dans le district d'Abidjan. Cette commune est au
centre du district, et sa position géographique lui donne le statut de
commune gare. En effet, c'est la commune où se trouvent toutes les gares
routières des villes de l'intérieur du pays ainsi que des pays de
la sous région. C'est également la commune qui abrite les
produits vivriers. A partir d'Adjamé se fait la distribution de la
grande partie des denrées alimentaires: plantains, légumes,
fruits, etc. Cette réalité fait de cette commune, un centre
commercial. Ainsi, de l'INSP jusqu'à Williamsville en passant par les
deux cent vingt logements tous les trottoirs sont occupés par les
vendeurs.
Adjamé compte dix- neuf quartiers. Le forum des
marchés est situé dans le quartier mairie 1, en bordure du
boulevard Nangui Abrogoua, à cent mètres de la mairie. Cet espace
est le plus pratiqué en matière de commerce, par
conséquent, la position géographique du forum ne cause aucun
problème d'accès aux consommateurs.
Le forum des marchés a une superficie d'un hectare et
demi soit seize mille onze mètres carré, et une capacité
de treize mille places. C'est un marché à deux niveaux. Le rez-
de- chaussée abrite les magasins et les tables pour denrées
alimentaires. Le premier et le deuxième étage sont
occupés par les box (espace moins vaste qu'un magasin)
réservés à la vente de chaussures, vêtements,
bijoux, produits cosmétique, pagnes, etc.
Il y a aussi les pourtours du forum des marchés ainsi
que les trottoirs du boulevard Nangui- Abrogoua qui interviennent dans notre
champ géographique d'étude. Ce sont les trottoirs situés
de part et d'autre des chaussées du boulevard Nangui Abrogoua, l'espace
entre le centre commercial36(*) et la mairie d'Adjamé.
I-2- Champ sociologique
Cette étape consiste à préciser les
personnes que nous allons interroger, afin de saisir le phénomène
de désertion. Cette étude s'inscrivant dans le paradigme
interactionniste, nous interrogeons des personnes qui sont en rapport avec la
réalité sociale que nous étudions.
Le forum des marchés est consacré à la
vente de plusieurs types de marchandises. En outre, il comprend trois types de
place: les magasins ou galeries, les box et les tables. Nous portons notre
choix sur les box, parce que c'est la partie qui est en général
peu occupée, aussi bien au forum des marchés de la commune
d'Adjamé que dans les marchés aménagés des autres
communes37(*). En effet,
au forum des marchés d'Adjamé, au premier étage, sur
quatre quartiers, il n'y a que le quartier 2 et le quartier 3 qui sont
occupés respectivement à quatre vingt dix- neuf pour cent et
soixante pour cent, le quartier 1 et le quartier 4 sont très peu
occupés. Quant au deuxième étage, il est totalement
désert.
En ce qui concerne les différents types de vendeurs,
nous nous intéressons aux vendeurs de chaussures et de vêtements
de tout genre. Ce type de vendeurs occupent les trottoirs en majorité.
En outre, ils ont été prévus dans le plan de
répartition des places.
Nous interrogeons donc des vendeurs de chaussures ou de
vêtements installés à l'intérieur du forum des
marchés et ceux installés sur les pourtours et les trottoirs du
boulevard Nangui Abrogoua. Ces derniers doivent avoir pratiqué le
commerce dans l'ancien marché ou depuis l'inauguration du forum des
marchés (en 2000), donc avoir au moins huit années
d'expérience de vente au forum des marchés ou sur les pourtours
et trottoirs du boulevard Nangui Abrogoua. Ils doivent aussi être
propriétaires des articles qu'ils vendent. En effet, c'est auprès
de ces personnes que nous pouvons savoir comment le projet a été
accueilli et perçu. Ils aident également à comprendre les
conditions d'attribution des places puisqu'ils seraient souscripteurs depuis le
début.
Les caractéristiques biologiques tels que l'âge
et le sexe ne sont pas prises en compte, car tous les vendeurs poursuivent le
même but quels que soient l'âge et le sexe. Par conséquent,
ils adoptent les mêmes stratégies pour conquérir le client.
Cependant, nous nous intéressons à la religion ainsi qu'à
la nationalité de chacun des enquêtés pour comprendre la
corrélation qui peut exister entre la religion, la nationalité et
des pesanteurs sociales comme le respect des institutions, la recherche de
biens matériels ou le train de vie38(*).
Nous négligeons également les variables
sociologiques telles que la situation matrimoniale, le niveau d'instruction, le
lieu de résidence, etc, car quelques soient les caractéristiques
sociologiques, l'être humain est caractérisé par la
recherche effrénée d'un mieux- être, seul la religion peut
freiner son élan.
Nous interrogeons alors tout vendeur installé à
l'intérieur du forum des marchés comme à
l'extérieur, de sexe féminin ou masculin, propriétaire des
étalages, vendant au forum des marchés depuis au moins huit ans,
et acceptant de se prêter à notre entretien.
En dehors des vendeurs, nous interrogeons les consommateurs
du forum des marchés, afin de comprendre leur habitude
d'approvisionnement et nous permettre ainsi une meilleure compréhension
du comportement des vendeurs. Nous interrogeons toute personne étant de
passage ou faisant des courses au forum des marchés, sans y être
vendeurs.
Nous interrogeons par ailleurs le personnel des services de
la mairie d'Adjamé qui sont intervenus directement dans la construction
et ceux qui interviennent dans la gestion du marché. Nous interrogeons
également le promoteur pour comprendre sa politique de construction et
d'attribution des places, afin de saisir le lien que cela a avec le
comportement des vendeurs.
II- TECHNIQUES DE COLLECTE DES DONNEES
II-1- La recherche documentaire
Notre champ d'étude n'étant pas vierge, nous
avons eu recours aux travaux antérieurs afin de nous imprégner de
l'état d'avancement scientifique de celui- ci.
Cette phase nous a permis d'avoir des connaissances
générales sur le sujet. Elle nous a permis de mieux poser notre
problématique et les hypothèses de recherche.
Vu l'intérêt de cette étape, nous nous
sommes inscrite dans certaines bibliothèques, notamment la
bibliothèque de l'IES et celle de l'IRD. La bibliothèque de l'IES
nous a permis d'avoir accès aux mémoires et aux thèses qui
ont été réalisés dans le domaine du marché.
Nous avons aussi pu consulter des ouvrages de Meillassoux et Robineau. Ils nous
ont permis d'avoir des connaissances générales sur
l'économie des sociétés africaines pré- coloniales.
Certains encore, notamment la thèse de Djédjé et le
mémoire de Aman Koffi Félix nous ont aidé dans la
présentation des résultats. Nous y avons aussi consulté
les encyclopédies et dictionnaires des sciences sociales pour la
définition du concept de marché.
À L' IRD également, en plus des
mémoires qui nous aidé pour l'élaboration de la
problématique et pour la présentation des résultats, nous
avons eu accès au cahier des Sciences Humaines, volume 30, numéro
1- 2, qui contient les travaux de Claude Robineau. qui nous a aidée
à la définition du concept de marché.
Ces bibliothèques ne pouvant nous satisfaire
pleinement, nous avons eu régulièrement recours à
l'internet.
II-2- L'entretien
L'entretien proprement dit a été
précédé de l'enquête exploratoire et de la
pré- enquête.
II- 2- 1- L'enquête exploratoire du
marché et de la mairie
Comme son nom l'indique, c'est
l'étape où nous avons exploré le terrain pour identifier
les différents obstacles auxquels nous serions confrontée, et
nous assurer de la faisabilité de notre étude. Nous avons
également établi un contact avec les acteurs pouvant favoriser le
déroulement aisé de notre étude. En outre, cette phase
nous a permis de nous imprégner des réalités du terrain,
afin de mieux poser la problématique, mieux définir
l'hypothèse de recherche et trouver les indicateurs nous permettant de
construire le modèle d'analyse. Elle s'est déroulée sur
plusieurs jours.
Pour commencer, sur les conseils d'un agent de la cellule
chargée de l'occupation du marché, nous avons adressé une
demande d'autorisation de recherche à Monsieur le maire de la commune
d'Adjamé. L'autorisation accordée, nous avons interrogé
des agents des différents services de la mairie (intervenant dans notre
cadre d'étude) sans difficultés.
II- 2- 2- La pré- enquête des
vendeurs et des consommateurs
Cette phase a été pour nous le moment où
nous avons testé nos guides d'entretien. Nous avons pour ce faire
interrogé huit vendeurs de chaussures et de vêtements afin de
mieux élucider nos questions en vue d'obtenir les réponses
attendues. Les vendeurs interrogés sont répartis comme suit:
trois vendeurs installés à l'intérieur du marché,
deux vendeurs installés sur les pourtours et trois vendeurs
installés sur les trottoirs du boulevard Nangui Abrogoua. A ce niveau,
nous avons déniché un vendeur installé à
l'intérieur du marché dont les informations nous ont aidée
à l'élaboration du guide d'entretien adressé à la
mairie d'Adjamé. Nous avons posé à ce dernier des
questions un peu particulières auxquelles nous n'avons pu trouver de
réponse auprès des autres vendeurs.
Au niveau des consommateurs, nous avons interrogé cinq
personnes. Cela nous a permis de corriger et d'ajouter d'autres questions afin
de saisir le sens de leurs actions.
II- 2- 3- L'entretien proprement dit
La sociologie se basant sur des faits observables, cette
phase nous a permis de saisir le phénomène de la désertion
de façon empirique, à travers un entretien avec des vendeurs, des
consommateurs, le promoteur et des agents des services de la mairie
d'Adjamé.
Nous avons interrogé vingt vendeurs: cinq vendeurs
à l'intérieur du marché, six vendeurs sur les pourtours et
neuf vendeurs installés sur les trottoirs du boulevard Nangui Abrogoua.
Par ailleurs nous avons interrogé dix consommateurs du forum des
marchés en nous positionnant au rez- de- chaussée du
marché.
La logique qui sous- tend notre choix sur le nombre de
vendeurs interrogés pour chaque type de vendeurs est que ceux
installés à l'extérieur du forum des marchés sont
ceux qui peuvent nous aider à une meilleure compréhension du
phénomène de désertion. Cependant, ceux installés
à l'intérieur du forum des marchés enrichissent la
connaissance à travers les raisons qui les maintiennent dans le
marché.
Nos guides d'entretien se composent essentiellement
de questions non directives afin de laisser les enquêtés
donner toutes les informations pouvant nous aider à comprendre leur
comportement. A cet effet, l'entretien avec les vendeurs s'est effectué
sur deux semaines, et celui avec les consommateurs sur cinq jours. Quant
à l'entretien avec les différents services de la mairie, il s'est
déroulé sur deux mois, parce que nous les découvrions au
fur et à mesure que nous avancions dans nos recherches.
Nous ouvrons une lucarne pour dire qu'après
l'entretien avec les vendeurs et les consommateurs, nous avons
procédé à un dépouillement manuel, notre
étude étant essentiellement qualificative.
II- 3- L'observation directe
Cette phase nous a permis d'observer le comportement des
vendeurs et des consommateurs du forum des marchés afin de
vérifier la véracité de leurs dires, ainsi que les
stratégies adoptées par les vendeurs pour conquérir les
clients. Nous avons en outre observé le comportement des
enquêtés des différents services de la mairie que nous
avons interrogés.
Nous avons également visité les marchés
de Koumassi et de Treichville pour voir leur degré d'occupation, ainsi
que les marchés d'Abobo et de Gonzagueville pour comprendre comment ils
fonctionnent.
III- LES DIFFICULTES RENCONTREES
Notre difficulté majeure s'est située au
niveau de l'entretien avec les vendeurs. Nous avons été
confrontée à la réticence de ceux- ci. Pour ce faire, nous
nous sommes par moment constituée en client.
Certains consommateurs non plus ne nous ont pas fait bon
accueil. Mais nous nous sommes armée de courage pour aller jusqu'au
terme de notre entretien. C'est ce qui explique la durée de l'entretien
avec les consommateurs.
Une autre difficulté majeure a été
l'accès aux ouvrages. Malgré notre abonnement dans les
bibliothèques des sciences sociales, nous n'avons pu obtenir tous les
ouvrages nécessaires pour construire notre problématique, en
particulier les ouvrages sur les marchés traditionnels de l'Europe.
Nous avons même consulté les fichiers de la bibliothèque du
CERAP, mais nous n'avons pu trouver de document portant sur les marchés
traditionnels de l'Europe (cela nous aurait permis de faire une comparaison
des marchés traditionnels de l'Europe avec ceux de l'Afrique). Nous nous
sommes alors contentée d'un documentaire sur le marché de Paris,
présenté par France 24 pour donner un aperçu de
celui- ci. Ce même problème nous a amenée à avoir
régulièrement recours à l'internet.
DEUXIEME PARTIE: ORGANISATION ET FONCTIONNEMENT DU
FORUM DES MARCHES
DEUXIEME PARTIE: ORGANISATION ET FONCTIONNEMENT DU
FORUM DES MARCHES
I- PRESENTATION DE LA COMMUNE D'ADJAME
I- 1- Historique de la commune
d'Adjamé
Adjamé est un quartier du District
d'Abidjan, et le nom signifie "la rencontre" ou "le centre" en tchaman.
Adjamé est la capitale des bidjan peuple originaire d'Abidjan
composé de: Adjamé, Attécoubé, Agban, Anoumanbo
(actuellement dans la commune de Marcory), Locodjro, bidjan Santè et
Bidjan Cocoly (actuel Cocody). La signification Bidjan tire son origine du
fait que ce peuple installé dans une zone verdoyante pratiquait la
cueillette des plantes qu'on appelle "m'bi".
Nangui Abrogoua était l'un des chefs Ebrié
(Tchaman - peuple ivoirien autochtone vivant au bord de la lagune du même
nom). Né vers 1848 et mort vers 1938 à Abidjan, Nangui Abrogoua
était un chef terrien vivant sur la presqu'île de Boulay , mais
originaire du village d'Adjamé. Il a joué un rôle important
dans les négociations avec les colons français pour les droits
terriens du peuple Djemian. Les djemian (aussi appelé Agbou djemian,
Koutoukou djemian) sont un peuple valeureux, travailleur, guerrier. Ils se sont
déplacés successivement de l'actuel Zoo d'Abidjan, aux rives de
l'actuelle commune du Plateau en passant par l'emplacement actuel du stade
Félix Houphouët-Boigny enfin à s'établir
définitivement au coeur de la commune d'Adjamé jusqu'à ce
jour.
Nangui Abrogoua était un chef de famille, père
d'une vingtaine d'enfants et membre de la génération Dougbo.
Aujourd'hui encore l'un de ses petits-enfants assure la fonction de chef de la
communauté djemian. L'un des grands boulevard du District d'Abidjan
porte son nom39(*).
Par ailleurs, c'est à Adjamé que se situe la
plus vieille souche abidjanaise. Tandis que les colons s'installaient au
plateau, les premiers migrants, venus travailler sur le chantier de la voie
ferrée, construisirent leurs cases à proximité du village
d'Adjamé. Cette commune est aujourd'hui un centre de négoce
intense où les commerçants malinké, libanais,
mauritaniens, etc, se sont rapidement installés. Elle est
également le lieu de la plus importante gare routière du pays
à partir de laquelle les lignes des autocars irriguent tout le pays
ainsi que les pays voisins.
I- 2- Situation géographique de la
commune d'Adjamé
Comme à l'origine, ce qui explique son nom, la commune
d'Adjamé est située au centre du district d'Abidjan. Elle est
limitée par les communes du plateau, Attécoubé, Cocody et
Abobo. Elle a une superficie de mille deux cent dix hectares, et une population
de deux cent cinquante mille habitants la nuit. Mais la journée, elle
abrite plus de deux millions de personnes, en raison de sa vocation commerciale
et de sa situation géographique40(*). Aussi, elle abrite la majorité des gares de
l'intérieur et de la sous région. Elle compte officiellement neuf
marchés dont le plus grand est le forum des marchés. Cependant,
le commerce s'est développé dans toutes les contrées sans
exception.
Cette commune abrite généralement les
personnes à faible revenu, car les prix des habitations y sont
très abordables, en raison de leur construction (des «cours
communes»41(*),
généralement).
I- 3- Les dirigeants de la commune
d'Adjamé
A l'instar de toutes les communes, la commune d'Adjamé
est sous l'autorité d'un maire. Plusieurs maires se sont
succédés à la tête de celle- ci depuis 1980, et
l'actuel est Youssouf Sylla. Celui qui l'a précédé est
Amondji Pierre qui fut lui aussi précédé par
Dembélé Lacina.
I- 4- Les réalisations de la commune
d'Adjamé
D'importantes infrastructures ont été
réalisées au sein de cette commune, malgré les nombreuses
difficultés qu'elle connaît.
elle comprend:
I- 4- 1- Une
Université
L'Université d'Abobo- Adjamé est issue des trois
centres universitaires, qui étaient affiliés à
l'Université nationale de Côte d'Ivoire (1971), dont l'origine
remonte à la création du Centre d'enseignement supérieur
d'Abidjan en 1958. Il est dirigé par Étienne Ehouan
ÉHILÉ.
I- 4- 2- L'INSP
L'INSP est situé à environ cinquante
mètres de la mairie d'Adjamé, à proximité de la
commune du plateau. Il constitue l'un des instituts de santé de dernier
recours du District d'Abidjan.
I- 4- 3- Des
établissements scolaires
Au nombre des établissements scolaires de la commune
d'Adjamé, nous notons le lycée moderne d'Adjamé, au
départ collège moderne. Il y a aussi le lycée moderne
Harris et le lycée moderne Nangui Abrogoua. Les élèves
affectés dans ces différents établissements sont issus de
diverses communes. En dehors des établissements secondaires publics de
l'enseignement, il y a des établissements privés tels que l'IMST,
l'IST, le collège Victor Hugo, le collège Victor Schoelcher,
ISCA, etc. Notons également les écoles primaires publiques et
privées.
I- 5- Les difficultés de la commune
d'Adjamé
Les problèmes majeurs que l'on rencontre dans la
commune d'Adjamé sont: l'occupation anarchique des trottoirs par les
vendeurs, l'insécurité et l'insalubrité.
I- 5- 1- L'occupation anarchique des
trottoirs
La circulation est pénible dans la commune
d'Adjamé, quelque soit la voie empruntée. Cela est dû
à l'insuffisance d'infrastructure routière, mais aussi au fait
que les trottoirs et les pourtours soient occupés de façon
anarchique par les vendeurs. Le boulevard Nangui Abrogoua compte quatre
Chaussées et deux trottoirs. Deux chaussées au centre sont
réservées à la circulation des autobus et une
chaussée à chaque extrémité réservée
à la circulation des autres véhicules. Cependant, la circulation
est presqu'impossible sur les deux chaussées de
l'extrémité, tant les vendeurs les ont assaillies. Ils sont
installés de part et d'autre des chaussées, gênant souvent
la circulation des autobus et empêchant celle des autres
véhicules42(*).
A la Renault, en plus de l'occupation anarchique des
trottoirs par les vendeurs, il y a la circulation imprudente des chauffeurs de
«gbaka»43(*).
Ces deux phénomènes associés peuvent conduire le voyageur
ou l'automobiliste à y passer une heure, au lieu de cinq minute environ.
Ce scénario est similaire sur toutes les voies de la commune
d'Adjamé.
I- 5-2-
L'insécurité
Des personnes sont souvent agressées et
dépouillées de leurs biens à Adjamé. Cela
amène les personnes à haut revenu à ne pas la
fréquenter. Cependant, à cause du fait que les prix des articles
y sont très abordables par rapport aux autres communes du District, et
à cause du niveau de vie généralement faible de la
population, les marchés d'Adjamé connaissent un grand
engouement.
I- 5- 3-
L'insalubrité
L'autre mal dont souffre la commune d'Adjamé est
l'insalubrité. Adjamé est l'une des communes du District
d'Abidjan réputée pour son état d'insalubrité, en
raison de son statut commercial.
II- PRESENTATION DU FORUM DES MARCHES
II- 1- Historique du forum des
marchés
Le lieu qui abrite le forum des marchés abritait le
grand marché d'Adjamé. La volonté de reconstruire ce
marché est venue des suites des incendies à
répétition que connaissait le grand marché. En effet, en
1989 et en 1993, le grand marché d'Adjamé a connu des incendies
qui ont fait le malheur des vendeurs. Les constructions s'étant
dégradées, et pour éviter de telles catastrophes, Monsieur
Dembélé Lacina, alors maire prend l'initiative de le
reconstruire. Les travaux de construction ont commencé après son
mandat, en 1997 sous le mandat de Monsieur Amondji Pierre, qui signa le contrat
de construction avec la SICG.
II- 2- Situation géographique du forum des
marchés
Le forum ses marchés est situé dans le quartier
«mairie 1» de la commune d'Adjamé. Il a une superficie de
seize mille onze mètres carré. Il est situé en face du
commissariat du troisième arrondissement, à cinquante
mètres de la mairie d'Adjamé en venant de la commune du Plateau,
en bordure du boulevard Nangui Abrogoua.
II- 3- Description du forum des
marchés
Le forum des marchés constitue le plus important des
neuf marchés de la commune d'Adjamé. Il est construit en deux
étages44(*) avec
une capacité de treize mille places. Il est composé de trois
types de places: les magasins ou galeries, les box et les tables des
denrées alimentaires. Le premier et le deuxième étage sont
divisés en quartier, au nombre de neuf. Chaque quartier est
divisé en parcelle, au nombre de quatorze, comprenant en moyenne quatre-
vingt cinq box. Le premier étage a une superficie totale d'environ seize
mille mètre carré. Il comprend cinq quartiers occupés en
moyenne à soixante pour cent. Le deuxième étage quant
à lui a quatorze mille mètre carré de superficie, et
comprend quatre quartiers entièrement déserts.
Au rez- de- chaussée, nous avons une aire de vente de
seize mille mètres carré qui abrite les magasins et les tables
de denrées alimentaires. Cet espace abrite également des locaux
poubelles, des bureaux de la SICG, quatre banques, une pharmacie.
Le forum des marchés présente huit
entrées au niveau du premier étage, celles- ci font une ouverture
sur le deuxième étage.
L'effectif du public susceptible d'être admis
étant estimé à quinze mille personnes,
l'établissement est à classer en première catégorie
de type M, conformément à l'article 19 du décret n°
79-12 du 10 Janvier 1979, relatif à la protection contre les risques
d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public et
de l'article GN1 de l'arrêté n° 292/ SAPC du 10
Décembre 1985, portant règlement de sécurité dans
les établissements recevant du public (disposition
générale)45(*).
II- 4- Fonctionnement
Le premier responsable du forum des marchés
d'Adjamé est le maire (Youssouf Sylla). Il est aidé dans sa
tâche par son Secrétaire Général. Afin de mener
à bien la création et la gestion de cette importante
infrastructure, plusieurs services ont été mobilisés et
créés. Il y a ainsi les services techniques qui regroupent
divers services, la régie des taxes, le service qui veille à
l'occupation des places et au règlement des litiges (relatifs aux
acquéreurs des places du forum des marchés), et un cabinet
juridique. Le service qui s'occupe de l'occupation des places et du
règlement des litiges a été créé
après le retrait de le gestion du marché au promoteur. La
régie des taxes également a commencé à encaisser
les taxes du forum des marchés après constatation du non
reversement de la quote part de la mairie. Ces deux services sont donc
circonstanciels.
Au delà de ces différents services, il y a la
commission nationale qui veille à la sécurité du forum
des marchés à cause de son importance structurale.
II- 4- 1- Le département
des services techniques
C'est un département qui
regroupe en son sein sept services. Il a à sa tête le Directeur
Technique, dont les attributions (au nombre de dix) sont
déterminées sous l'autorité du Secrétaire
Général. Les différents services ont chacun un responsable
et des collaborateurs. Nous avons ainsi:
II- 4- 1- 1-
Le service de la gestion du personnel et du
matériel des services techniques
Il a pour missions essentielles l'identification de tout le
personnel, le mouvement du personnel (congé et permutation), ainsi que
le contrôle de présence. Par ailleurs, il contrôle les
rapports d'activités de tous les services, il sanctionne; mais aussi
récompense le personnel. En outre, il gère le secrétariat,
les fournitures de bureaux, les courriers, le gardiennage, l'entretien des
locaux.
II- 4-
1- 2- Le service parc- autos et abris
Il comprend deux cellules: la cellule parc- autos et la
cellule abris
II- 4- 1- 2-
1- La cellule parc- autos
Elle a pour fonctions essentielles le recensement de tous les
véhicules. Elle s'occupe aussi de leur situation administrative et de
leur affectation. Elle contrôle également l'utilisation des
véhicules, ainsi que leur suivi et leur entretien. Elle se charge par
ailleurs de la location du car de la commune.
II- 4-
1- 2- 2- La cellule abris
Cette dernière se charge de la programmation de la
location des abris, de l'entretien et de la pose.
II- 4-
1- 3- Le service du domaine et construction
Ce service est également divisé en deux
cellules: la cellule du domaine et la cellule de la construction.
II- 4-
1- 3- 1- La cellule du domaine
Elle se charge de la recherche et de la mise à jour
des plans (urbanisme, cadastre,...). Elle contrôle les lotissements et
les occupations illicites. Elle recense et confectionne les dossiers des
terrains de la commune. Elle s'occupe également de la documentation et
de la relation avec le ministère de tutelle.
II- 4- 1-
3- 2- La cellule construction
Elle s'occupe de l'étude des projets avec
établissement de dossiers techniques. Elle établit la relation
avec le ministère de tutelle, suit et contrôle les travaux de
construction de la mairie. Pour les travaux des tiers, elle vérifie
l'autorisation de construire et délivre les visas. Elle assure aussi les
pénalités (mise en demeure, démolition, etc.), ainsi que
la protection civile.
II- 4- 1- 4- Le service voirie
réseaux divers et transport
Ce service comprend aussi deux cellules: la cellule voirie
réseaux divers et la cellule transport
II- 4- 1-
4- 1- La cellule voirie réseaux divers
Elle comprend douze agents. Son rôle est d'identifier
et de recenser les voies (plans de voirie). Elle étudie les projets,
suit et contrôle les travaux. Par ailleurs, elle assure l'entretien
routier et le désencombrement des voies. Elle entretien également
les réseaux d'assainissement (eaux usées) en relation avec la
SODECI, et est aussi en relation avec la CIE pour l'éclairage public.
II- 4- 1- 4-
2- La cellule transport
Elle comprend en son sein six agents, délivre
l'autorisation des titres; créé, gère et contrôle
les gares. Elle est aussi en relation avec le ministère du transport et
les syndicats des transporteurs.
II- 4- 1- 5- Le service
d'hygiène
Il est subdivisé en quatre cellules: Nord, Sud, Est,
Ouest; ayant toutes le même rôle. Elles ont chacune pour mission
l'information, la sensibilisation et l'éducation de la population. Elles
contrôlent l'hygiène du milieu; suivent l'hygiène
alimentaire et établissent des fichiers. Elles contrôlent
également les hôtels et les infirmeries. Elles effectuent des
opérations de désinsectisation et de dératisation.
II- 4- 1- 6- Le service des
marchés
Il a pour rôle l'identification, le recensement,
l'entretien et le contrôle sanitaires des marchés.
II- 4- 1- 7- Le service parcs et
jardins
Il est chargé de la création et de l'entretien
des jardins.
Chacun de ces services et cellules rédige un rapport
d'activités chaque mois.
Parmi ceux- ci, il y a trois qui interviennent directement
dans le fonctionnement du forum des marchés, et qui ont fait l'objet de
nos visites. Ce sont: le service du domaine et construction, le service de la
voirie réseaux divers et transport, et le service des marchés.
II- 4- 2- Le service qui veille à l'occupation
des places et du règlement
des conflits
Il a pour responsable l'attaché du cabinet du maire.
Sa mission essentielle est de veiller à l'occupation des places et du
règlement des litiges entre les acquéreurs. Le contrat
signé entre la mairie et les souscripteurs stipule que les
acquéreurs qui ne mettront pas leur place en exploitation se les verront
retirer. Ce service est sous l'autorité de l'attaché du cabinet
du maire qui travaille avec des collaborateurs au nombre de quatre.
II- 4- 3- La régie des taxes
C'est une cellule des services financiers de la mairie
d'Adjamé. Elle est sous l'autorité de la direction
financière, cette dernière est elle- même sous
l'autorité du Secrétaire Général. La cellule
régie des taxes a pour responsable le régisseur qui travaille
avec des collaborateurs qui sont les collecteurs et les contrôleurs ou
incitateurs.
Les contrôleurs et les collecteurs ont chacun à
leur tête un chef qui est en collaboration directe avec le
régisseur. Il existe deux types de collecteurs: les collecteurs de
bureau et ceux de terrain. Les collecteurs de bureau se chargent de la vente
des timbres communaux; tandis que les collecteurs de terrain placent les
tickets de droit de place sur les étables46(*). Chaque collecteur de terrain a une zone où il
travaille. Cette zone n'est pas figée, le collecteur peut être
muté du jour au lendemain dans une autre zone.
Quant aux contrôleurs, ils ont la charge d'aller sur le
terrain rencontrer les vendeurs pour les inciter à payer les taxes et
les impôts.
Les occupants des magasins paient l'impôt forfaitaire
mensuel allant de 6500 à 19000 F CFA, en fonction de l'importance de
l'activité. Cette somme est versée directement à la
mairie. Au delà de 19000 F CFA, le vendeur paye la somme aux
impôts. Ils sont aussi soumis aux loyers qu'ils versent à la
SICG.
Les vendeurs des légumes paient des taxes
journalières de 150 F CFA par table. Les occupants des box paient 200 F
CFA par box. Au delà de cette somme, ceux qui ont érigé
plusieurs box en magasin sont soumis à l'impôt forfaitaire comme
les occupants des magasins, avec les mêmes modalités de
paiement.
Les vendeurs des trottoirs et pourtours paient des taxes
journalières de 150 F CFA par table d'un mètre. Cette somme
également varie en fonction de l'importance de l'activité.
Pendant les semaines de foire organisées par le
district d'Abidjan, les vendeurs des trottoirs paient quotidiennement 500 F ou
1000 F CFA comme taxe au district, selon l'importance de l'activité. Au
niveau de la mairie, ils versent la somme qu'elle gagne chaque jour grâce
à l'activité commerciale sur les trottoirs. Ainsi, ils ne lui
paient plus la taxe journalière.
II- 4- 4- Le service
juridique
Il a pour rôle le règlement des conflits entre
la mairie et les tierces personnes (morales ou physiques). Il s'occupe de tout
ce qui est juridique telle la conclusion des contrats de la mairie avec les
tiers.
II- 4- 5- La commission
nationale
Elle est dirigée par le colonel Issoufou Dao. Son
rôle est de veiller à la sécurité des
marchés, des boites de nuits, des maquis, des restaurants. Son personnel
est composé d'un représentant de chaque ministère, ainsi
que des membres du forum des marchés d'Adjamé. Elle a tenu une
réunion concernant le forum des marchés où des
décisions fermes ont été prises pour la bonne marche du
forum des marchés47(*).
ORGANIGRAMME DES SERVICES INTERVENANTS DANS LA
CONSTRUCTION ET LA GESTION DU FORUM DES MARCHÉS
MAIRE
SECRETAIRE GENERAL
DIRECTEUR ATTACHE DU
DIRECTEUR
TECHNIQUE CABINET DU MAIRE
FINANCIER
SVRDT SM SDC
REGISSEUR
Collaborateurs Collaborateurs
Collaborateurs Collaborateurs
Collaborateurs
II- 5- Les difficultés au niveau du forum
des marchés
Les difficultés sont nombreuses et de
plusieurs ordres. Cependant, nous évoquons ici les plus
importantes.
II- 5- 1- Au niveau de
l'occupation
Le forum des marchés est sous exploité par les
vendeurs. Le deuxième étage est entièrement désert.
Le premier étage est occupé à environ soixante pour cent.
Paradoxalement, on assiste à une occupation anarchique des pourtours du
marché et des trottoirs du boulevard Nangui Abrogoua, au point où
la circulation devient difficile, voire impossible à certains
endroits.
II- 5- 2- Au niveau de
l'insalubrité
L'on constate un état d'insalubrité
totale (puanteur, présence de lixiviat issu de la décomposition
des tas d'ordures). La terrasse du rez- de- chaussée est
dégradée, à telle enseigne que les consommateurs se
retrouvent dans la boue lorsqu'ils font leurs emplettes, pendant la saison
pluvieuse.
Il y a aussi la mauvaise conservation des produits
de pêche due au manque de chambre froides. L'insuffisance des blocs
latrines entraîne une surexploitation. Notons aussi le mauvais entretien
de ces latrines et l'absence de postes de lavage de mains et de distributeurs
de savons dans les toilettes. Cela expose le public à des risques
sanitaires (dermatoses, diarrhées, fièvre typhoïde,
choléra, etc.).
Les canalisations qui doivent permettre de drainer
les eaux de ruissellement vers les réseaux souterrains d'eaux pluviales
sont inexistants; ainsi que les canalisations d'évacuation des eaux
usées. Le plancher est toujours humide et glissant, surtout dans les
zones de poissonneries et boucheries. Par ailleurs, les box du deuxième
étage, inoccupés depuis l'ouverture du marché servent de
toilette. L'on y respire des odeurs nauséabondes résultant de
l'urine, des excréments d'homme et de souris. Ce lieu est toujours
jonché de dépôts insalubres.
II- 5- 3- Au niveau de
l'insécurité
Les faits sont innombrables à ce niveau
également. On note l'insuffisance des bouches d'incendie et leur
inaccessibilité aux engins des services publics de secours et de lutte
contre l'incendie. Il est aussi à signaler l'insuffisance de robinets
d'incendie armés, et la non conformité de l'installation de
réseau RIA.
Les robinets armés ne sont plus fonctionnels, et les
deux suppresseurs sont en panne. Notons également l'absence de moyens
d'extinction de premier secours (extincteurs), et l'absence de dispositifs
sonores permettant de prévenir le personnel de sécurité
incendie. Il y a aussi l'insuffisance d'agents de sécurité
incendie dans l'établissement (cinq au lieu de quinze prévus dans
le dossier du permis de construire). Il n'existe pas de liaison
téléphonique directe avec les sapeurs pompiers.
II- 5- 4- Au niveau de
l'accès
Les quatre voies isolant le marché des
constructions voisines sont encombrées. Elles sont obstruées par
l'occupation anarchique des vendeurs et des dépôts d'ordures
ménagères. Le rez- de chaussée et toutes les allées
de circulation sont également encombrés par les
vendeurs48(*). Les
escaliers sont insuffisants en nombre et en largeur. Des revêtements
horizontaux (chape et carrelage) posés par les commerçants
réduisent les circulations. Le rez - de- chaussée est
surpeuplé pendant que le deuxième étage est laissé
à l'abandon.
II- 5- 5- Au niveau de l'état
du bâtiment
Les planchers qui n'ont pas reçu de revêtement
fini se dégradent. La terrasse du rez- de- chaussée et des deux
étages sont dans un état de dégradation avancée.
III- LE PROMOTEUR, LES COMMERÇANTS ET LES
CONSOMMATEURS
III- 1- Le promoteur
La SICG est la société promotrice qui a
construit le forum des marchés. Elle a également
construit le grand marché de Marcory où est situé son
siège. Elle a à sa tête un directeur général,
assisté de ses collaborateurs. Ses locaux sont dotés d'outils
informatiques. Cependant, elle ne dispose pas de secrétaire, ni
d'archives. La SICG dispose aussi des locaux annexes au forum des
marchés d'Adjamé, mais dépourvu d'outils informatiques.
III- 2- Les commerçants
Les commerçants du forum des marchés sont issus
de diverses communes du District d'Abidjan: Attécoubé,
Adjamé, Abobo, Treichville, etc. Ils sont en majorité des
dioula49(*), en
général d'origine étrangère (Mali, Niger,
Guinée Conakry). Ils sont majoritairement analphabètes, et
vendent les tenues vestimentaires, les denrées alimentaires, les
ustensiles de cuisine, les produits cosmétiques, etc. Ils sont
présents aussi bien à l'intérieur du forum des
marchés que sur les pourtours et les trottoirs du boulevard Nangui
Abrogoua. Notons que les vendeurs des tenues vestimentaires sont plus nombreux
au niveau des trottoirs et pourtours.
III- 3- Les consommateurs
Les consommateurs du forum des marchés sont issus de
toutes les communes du District d'Abidjan, tout comme les vendeurs. Ce sont des
personnes à revenu moyen et faible en général. En effet,
à cause du désordre et de l'insécurité qui
règnent au sein de cette commune, les personnes à haut revenu ne
le fréquentent pas. Elles s'approvisionnent plutôt dans les
supermarchés.
TROISIEME PARTIE: DESERTION DU FORUM DES MARCHES ET
OCCUPATION ANARCHIQUE DES TROTTOIRS ET POURTOURS
TROISIEME PARTIE: DESERTION DU FORUM DES MARCHES ET
OCCUPATION ANARCHIQUE DES POURTOURS ET TROTTOIRS
CHAPITRE I: LES AUTORITES ADMINISTRATIVES ET LE FORUM
DES MARCHES D'ADJAME
I- LE FOUM DES MARCHES: DE LA CONCEPTION A LA GESTION
I- 1- La conception du forum des
marchés
Le forum des marchés situé dans la commune
d'Adjamé est construit en R + 2. Cette structure permet
l'économie de l'espace en raison de la forte demande. Elle permet donc
la satisfaction d'un grand nombre de demandeurs tout en exploitant une surface
relativement restreinte. Celui- ci fait- il le bonheur des usagés?
Malgré l'intérêt de cette architecture,
elle semble ne pas répondre entièrement aux besoins des
usagés. Deux sur dix des consommateurs enquêtés n'ont
jamais monté les escaliers du forum des marchés, pourtant ils y
vont faire des achats en tenue vestimentaire (lorsque le besoin se fait sentir,
et qu'ils en ont les moyens). Un sur dix des consommateurs
enquêtés (une dame) va seulement acheter des bagues qu'elle revend
dans la commune de Yopougon où elle réside. Pour l'achat des
autres articles, elle reste à l'extérieur du forum des
marchés. Sept sur dix vont à l'intérieur du marché
que lorsqu'ils ne trouvent pas ce qu'ils veulent à
l'extérieur.
Au niveau des vendeurs, le premier étages est
occupé à environ soixante pour cent. Quant au deuxième
étage, il est entièrement désert. On remarque une sous
fréquentation du forum des marchés que se soit au niveau des
vendeurs comme au niveau des consommateurs.
Quels sont les défauts architecturaux qui repoussent
les usagés du forum des marchés?
Cette structure présente plusieurs défauts. A
partir de l'entretien que nous avons eu avec des agents de la mairie et
l'observation que nous avons faite, nous notons quelques problèmes,
notamment les voies d'accès. Le marché qui s'étend sur une
superficie d'un hectare et demi n'offre que huit voies d'accès; deux
voies de chaque côté, situées de façon contiguë
au niveau du premier étage, se prolongeant sur le deuxième
étage. Cette situation rend certaines zones difficilement accessibles,
du moins les box situés sur les angles. En outre, les escaliers sont
pointus, donc très difficile à pratiquer. Les allées
restreintes ne rendent pas les courses aisées à
l'intérieur du forum des marchés et favorisent les bousculades.
Tous ces défauts amènent les consommateurs à
fréquenter moins le forum des marchés.
Ce phénomène nous amène à poser
une question fondamentale: l'élaboration de l'architecture est- elle le
fait de l'ignorance ou le fait du manque de formation des acteurs?
Parlant de la formation, si nous remontons à la
colonisation, nous constatons que la culture occidentale s'est
déversée dans celle des ivoiriens cela fait plus d'un
siècle. Au départ, très peu d'enfants étaient
scolarisés, et ceux qui l'étaient n'avaient pas une formation
poussée. Après les indépendances, l'Etat ayant compris
l'intérêt d'une population instruite a mis en place une politique
de scolarisation afin d'augmenter le nombre d'enfants scolarisés. Il y a
eu la création des établissements d'excellence et de formation
professionnelle d'excellence tels l'INP-HB, le lycée scientifique de
Yamoussoukro, etc. Notons aussi l'octroi de bourses qui permettent de
bénéficier d'une formation plus qualifiante à
l'étranger. Au vu de tout cela, on peut dire que ces dernières
décennies ont été marquées par la formation accrue
des cadres qualifiés en Côte d'Ivoire.
Concernant l'expérience, elle ne peut être
acquise sans ouverture sur l'extérieur. Pour ce faire, la Côte
d'Ivoire a tissé de nombreux partenariats avec l'extérieur,
à travers les communes et les régions. Ainsi, Guibéroua
est en partenariat avec Takoradi (Ghana); Daloa est en partenariat avec Pau
(France); Abidjan est en partenariat avec Marseille (France) et San Francisco
(USA); Bouaké est en partenariat avec Mopti (Mali) et Bescia (Italie);
etc. Ces coopérations sont des facteurs d'échange au niveau
culturel, technique, politique et économique. Les grands marchés
de Ouagadougou (Burkina Faso), de Cotonou (Benin), de Lomé (Togo),
d'Accra (Ghana) et de Lagos (Nigeria) sont construits en R + 1, et sont
très peu occupés par les vendeurs, excepté celui
d'Accra50(*). Les
expériences de ces marchés devaient guider les
réalisateurs du forum des marchés et leur permettre
d'élaborer une architecture qui pourrait connaître du
succès. L'élaboration du plan n'a donc pas été
guidée par le manque de formation, ni par l'ignorance des acteurs.
Comment cela s'est-il déroulé? En d'autres
termes quels sont les acteurs de ce plan?
Le service du domaine et de la construction qui a pour
rôle de s'occuper de tout ce qui concerne les constructions de la commune
n'a pas été associé à l'élaboration de
l'architecture. En effet, Dembélé Lacina, maire d'alors a
proposé l'architecte, qui a conçu le plan. Ce plan a
été modifié par le chef de la cellule construction.
Les services mis en place doivent jouer leur rôle afin
d'engager leur responsabilité et exploiter leurs compétences pour
la réalisation des projets. Si la conception du plan avait
été confiée à la cellule construction, elle
tiendrait certainement compte des desiderata des vendeurs, car elle est plus
proche d'eux. Elle s'attellerait également à mener à bien
le travail pour ne pas subir de sanction. Mais au lieu de cela, elle a
été en marge, et c'est elle qui corrige comme elle le peut les
erreurs de l'expert (l'architecte).
I- 2- La réalisation du forum des
marchés
La construction du marché fut confiée à
un promoteur. Le contrat stipule que celui- ci doit financer
entièrement les travaux de construction. Quant à la mairie, elle
a offert l'espace et devait suivre régulièrement le
déroulement des travaux. Pour être plus efficace dans le suivi des
travaux de construction, la mairie y a associé le ministère de la
construction.
Cependant, lors de notre enquête, il nous a
été signalé des défaillances au moment de la
réalisation des travaux, notamment l'exploitation abusive de l'espace.
En effet, selon les données du plan d'architecture, des espaces vierges
étaient réservés au premier et au deuxième
étage pour faciliter la circulation des sapeurs pompiers en cas
d'incendie. Mais ces espaces ont été utilisés pour la
construction des box. Un poste de police et une infirmerie avaient
été prévus, cependant ils n'existent que de nom. La
longueur prévue pour un box (trois mètres) a été
divisée par deux (un mètre et demi). Cela a permis de
répondre certes aux besoins accrus des demandeurs, mais ces actions vont
accentuer le problème que posait déjà l'accès.
En effet, les vendeurs sont désormais dans
l'obligation de payer deux fois plus que prévu pour obtenir une place
satisfaisante. Les plus nantis y sont parvenus tandis que ceux dont le capital
économique est faible se trouvent dans l'obligation de se contenter du
peu d'espace d'un mètre et demi de longueur, ou ils quittent le champ
économique pour se replier sur les trottoirs et pourtours. Quelques
fois, ils deviennent des vendeurs ambulants51(*). Au niveau des consommateurs, cette exploitation
abusive de l'espace rend le marché peu aéré, et la
circulation difficile à l'intérieur du marché en plus des
escaliers pointus.
Il y a encore des défauts tels que la présence
de câbles non fixés correctement, l'absence d'éclairage du
marché et d'éclairage de sécurité, l'absence de
canalisation d'évacuation des eaux usées, l'absence de bloc
autonome de sécurité52(*). Tout ceci constituent autant de dangers auxquels les
usagés du forum des marchés sont exposés.
Les failles constatées au niveau de la construction
suscitent une question fondamentale. La mairie et le ministère de la
construction ont- ils réellement suivi le déroulement des
travaux? Si oui, dans quelle limite?
Au regard de ce qui précède, nous affirmons que
si la mairie et le ministère de la construction ont suivi le
déroulement des travaux, leur participation a été un
simulacre; car ces failles ont une conséquence grave sur le
marché et sur la vie des usagés. Les consommateurs sont
exposés à des risques sanitaires à cause du manque de
chambres froides. Cela est à l'origine d'une mauvaise conservation des
produits de pêche, ainsi que d'autres problèmes
sanitaires53(*).
Désormais, en cas d'incendie, l'on ne pourra rien sauver du
marché parce que l'encombrement des voies par les vendeurs limite
l'accès des sapeurs pompiers au rez- de- chaussée. Cependant,
très peu de vendeurs sont conscients de ce danger54(*).
Par ailleurs, l'entretien avec des agents de la mairie nous a
révélé que la construction du forum des marchés n'a
fait l'objet d'aucun appel d'offre. Ici également, Amondji Pierre, alors
maire a signé le contrat de gré à gré avec la SICG.
Cela signifie que le côté financier devait prévaloir. Cet
acte a donné beaucoup de pouvoir au promoteur sur l'infrastructure
puisqu'il a acheté le contrat. Il se donne le droit d'en disposer comme
bon lui semble; ce qui explique toutes les failles constatées au moment
de la construction.
Le maire qui a signé le contrat de construction avec
le promoteur est devenu impuissant face aux lacunes de ce dernier, puisqu'il a
écarté la participation du service compétent lors de la
conclusion du contrat.
L'action de la SICG ne reposerait- elle pas sur un
intérêt économique?
En effet, la mairie ne s'est limitée qu'à
l'offre de l'espace pour la construction du forum des marchés. La
recherche du financement incombait le promoteur. En exploitant les espaces
vierges prévus et en divisant la longueur de chaque box par deux, cela
lui a permis de multiplier son gain par environ trois, et lui permettant ainsi
la réalisation du marché. Car le promoteur a demandé aux
souscripteurs de lui verser l'argent pendant la réalisation des travaux.
La somme initialement fixée était de 350000 F CFA par box. Par la
suite, la SICG a réclamé 100000 F FCA de plus aux souscripteurs.
Au regard d'un tel changement au cours de la réalisation du
marché, on peut dire que le promoteur était confronté
à un problème de financement.
I- 3- L'attribution des places
Après la construction, le promoteur a
procédé à la répartition et à l'attribution
des places.
Un nouveau marché s'imposait vu la dégradation
avancée qu'avait subie l'ancien marché. Cependant, les vendeurs
les moins nantis avaient une inquiétude, celle de l'acquisition des
places dans le nouveau marché. La mairie leur a donc promis qu'ils
seraient prioritaires dans le nouveau marché, et qu'elle leur
accorderait une facilité de paiement. Mais cette promesse ne fut pas
tenue. Car, comme nous l'avons déjà souligné, un box est
passé de 350000 F CFA à 450000 F CFA. En outre, les souscripteurs
devaient verser l'argent pendant les travaux de construction. Pour être
sûr d'obtenir une place, et bien localisée, il fallait mobiliser
encore plus de moyens financiers à défaut du capital social,
selon des enquêtés.
Ainsi, parmi vingt vendeurs enquêtés six
vendeurs de l'ancien marché ont souscrit aux places du forum, mais ils
ne les ont pas obtenues. Un vendeur a même versé la somme
demandée, et il s'en est sorti perdant. Pour finir, ce sont les plus
offrants qui obtenaient les places. Cela a favorisé l'entrée sur
le marché de plusieurs fonctionnaires qui ont souscrit pour certains
jusqu'à cent ou cent cinquante box pour les mettre en location ou les
revendre, ce qui revient plus coûteux aux vendeurs. Ceux de l'ancien
marché qui sont moins nantis se sont retrouvés sur les trottoirs
et les pourtours pour certains. D'autres n'ayant pas obtenu de places à
ces endroits ou n'ayant pas assez de moyens financiers pour s'y installer
deviennent vendeurs ambulants.
Là également, le promoteur a tiré profit
de la situation. Conscient du problème d'accès que pose la
structure, il a fait régner un désordre qu'il exploite à
ses propres fins. Les vendeurs se retrouvent à deux, voire à
quatre sur une place. Par conséquent, chacun d'eux est obligé de
corrompre les responsables d'attribution pour obtenir gain de cause. Le capital
économique est donc mis en compétition. Certains se rendant
compte de leur échec se replient sur les trottoirs et pourtours qui
offrent aussi d'autres types de compétitions. Finalement, quel que soit
le champ où l'on se situe, personne n'échappe au principe qui est
institutionnalisé. Les acteurs qui perdent la compétition ne
peuvent se plaindre nulle part, car tout le système est impliqué.
En outre, toute velléité de plainte leur fera davantage
dépenser.
Les opérations depuis la conception jusqu'à la
réalisation devaient aboutir inévitablement à la non
occupation de certaines places du marché, puisque les erreurs du
départ n'étaient pas corrigées.
I- 4- La gestion
I- 4- 1- De 2000 à 2004
Selon le contrat, la SICG devait gérer le forum des
marchés pendant trente cinq ans avant de le restituer à la
mairie55(*). Elle devait
faire la collecte des taxes et reverser à la mairie la quote part qui
devait lui revenir. Ainsi la SICG a géré le forum des
marchés depuis l'achèvement en 2000 jusqu'en 2004.
I- 4- 2- De 2004 à nos jours
La mairie qui avait constaté le non versement de
sa quote part des taxes a décidé d'encaisser les taxes des box et
les taxes des places de légumes en guise de redevance. Ainsi depuis
2004, la mairie se charge de la collecte des taxes pour les places de
légumes et les box, et la SICG se charge d'encaisser les loyers des
magasins.
La mairie accusant le promoteur d'être responsable de
la non occupation du marché, a mis en place un service pour veiller
à l'occupation des places et au règlement des conflits entre les
souscripteurs.
On constate aussi une négligence au niveau de la
gestion. Il y a l'encombrement permanent des accès au rez- de-
chaussée et de toutes les allées de circulation. Les heures
d'ouvertures et de fermeture du marché ne sont pas respectées. Le
marché qui n'a jamais été pas lavé comme
prévu.
Le conflit qui règne autour de la gestion du
marché entre la mairie et la SICG n'est pas en faveur des vendeurs. Il
empêche toute rénovation pouvant améliorer la structure du
marché; chacun étant préoccupé à
défendre ses intérêts. En outre, il y a des insuffisances
au niveau du mode de gestion du forum des marchés. En effet, le nombre
de box existant et le nombre de box occupés effectivement ne sont pas
connus. Ce sont des nombres approximatifs dont nous disposons. Cela peut
être justifié par le fait que des box non prévus ont
été construits et aussi par la mobilité des vendeurs, mais
une évaluation saisonnière pourrait être faite.
Aucune information sur le marché n'est
informatisée, ni au niveau de la SICG ni au niveau de la mairie. En
dehors du bureau des chefs des différents services qui sont
équipés d'un ordinateur, les autres bureaux ne possèdent
aucun outil informatique, à l'ère de la vulgarisation de
l'informatique et de l'internet. Cela nous a amené à avoir deux
informations différentes sur le nombre de places disponible au forum des
marchés. Le service chargé de l'occupation et du règlement
des conflits nous a révélé treize mille places alors que
la cellule construction nous a révélé douze mille places.
Nous avons par ailleurs rencontré beaucoup de
difficultés pour obtenir la superficie du marché qui est de
seize mille onze mètres carré. Le service chargé de
l'occupation et du règlement des conflits qui n'a pu nous satisfaire
nous a orienté vers la SICG. Cette dernière qui s'est
chargée de la construction et de la gestion pendant trois ans n'a pas
été en mesure de nous fournir cette information, malgré
son dispositif informatique. Elle nous a alors orienté vers les services
techniques de la mairie (où nous l'avons obtenue); car, dit l'agent qui
nous a reçu: «ils doivent l'avoir, parce que c'est leur
chose».
Le traitement des informations depuis le début des
travaux explique tout l'échec que connaît aujourd'hui le forum des
marchés. Tout se fait de façon
désintéressée, comme s'il s'agissait d'une infrastructure
de moindre importance. Personne n'exploite ses potentialités de
façon optimale pour la réalisation de l'infrastructure, parce que
n'en étant pas le propriétaire. Il n'existe même pas
d'archive concernant le forum des marchés au niveau du promoteur. On
assiste à une participation simulacre des acteurs. Chacun ne cherche que
son intérêt. Personne n'a souci de la réussite du projet.
II- DE LA CONCEPTION A LA REALISATION: LES VENDEURS
II- 1- La participation des vendeurs
La SICG a demandé à chaque personne
désireuse de disposer d'une place de verser la somme de 350000 F CFA
pour les places de légumes, 450000 F CFA pour les box, et 1000000 de F
CFA pour les magasins.
Les vendeurs n'ont pas été consultés
pour l'élaboration du plan du marché. Il est évident
qu'ils ne s'y connaissent pas en matière d'architecture, cependant, ils
pourraient dire comment ils souhaiteraient que le marché soit
présenté, en fonction de leurs besoins et des exigences des
consommateurs qu'ils sont mieux placés pour identifier. Ainsi, un
vendeur parmi les vingt enquêtés a connaissance du marché
aménagé de Divo ( Côte d'Ivoire) et celui de Ouagadougou
(Burkina Faso). Selon lui, ces marchés construits en R + 2 offrent un
accès très facile quel que soit le niveau où l'on veut se
rendre.
La répartition des places entre les différentes
catégories de vendeurs s'est réalisée sans aucune
participation de ceux- ci. La gestion était assurée
entièrement par le promoteur, ensuite par la mairie. La participation
des vendeurs n'ayant été que financière, ils n'ont que des
intérêts économiques à poursuivre.
Depuis la conception jusqu'à la gestion, les
bénéficiaires du marché n'ont pas participé aux
décisions. Les experts du développement ont pourtant
découvert que la réussite d'un projet de développement
dépend du degré de participation des bénéficiaires.
Par ailleurs, les conditions d'attribution des places ont
muté. Ce n'est plus les vendeurs de l'ancien marché qui en sont
les principaux bénéficiaires, mais les plus offrants, peu importe
leur statut. Ainsi des fonctionnaires ont acquis de nombreuses places afin de
les louer ou les revendre, et cela revient aux vendeurs environ deux fois plus
qu'ils ne devaient payer56(*). D'autres en ont achetées plusieurs pour les
faire exploiter par d'autres personnes à leur profit57(*).
La mutation des conditions de bénéfice des
projets favorise également leur échec. En effet, après
l'entière participation des destinataires d'un projet à moyen
terme, ceux- ci doivent pouvoir en bénéficier comme convenu.
Autrement, les seconds qui viennent n'ont pas un véritable engagement
pour celui- ci.
II- 2- La perception des vendeurs
Tous les vendeurs interrogés, à
l'intérieur comme à l'extérieur du forum des
marchés sont musulmans58(*). A l'intérieur du marché, sur cinq
vendeurs interrogés, il y a trois maliens, un guinéen, un
ivoirien (originaire d'Odienné). Nous notons donc quatre sur cinq
enquêtés étrangers à l'intérieur du forum des
marchés. A l'extérieur du forum, c'est- à- dire sur les
pourtours et les trottoirs du forum des marchés, sur quinze vendeurs
interrogés, nous notons sept nigériens, deux guinéens;
deux maliens et quatre ivoiriens. Onze sur quinze vendeurs
enquêtés des trottoirs et pourtours sont donc des
étrangers.
Les différents pays dont ces derniers sont issus sont,
à l'instar de la Côte d'Ivoire, classés parmi les pays
pauvres du globe terrestre. En outre, ces populations, notamment les maliens et
les nigériens ont un style de vie précaire semblable à
celui des burkinabè. En effet, selon Djédjé, les
immigrés à Abidjan, en l'occurrence les burkinabè, vivent
dans des conditions précaires, car c'est le mode de vie qu'ils adoptent
chez eux, et aussi parce qu'ils doivent économiser pour rapporter de
l'argent à leurs parents restés au pays.59(*) Pourtant, à la question
de savoir s'ils aimeraient vendre à l'intérieur du marché,
tous les vendeurs installés sur les trottoirs et pourtours ont
répondu «oui, si j'ai de l'argent et que je trouve une bonne
place». Tous les vendeurs aspirent donc à vendre à
l'intérieur du forum des marchés quel que soient leurs origines;
parce qu'il offre une garantie foncière. Mais ils n'acceptent pas
n'importe quelle place. Leurs places doivent être situées à
des lieux très fréquentés par les acheteurs afin de leur
permettre de réaliser leur objectif, celui de l'acquisition d'une marge
bénéficiaire satisfaisante. Les moyens financiers constituent
donc une des conditions de leur installation à l'intérieur du
forum des marchés, mais la conquête de la clientèle en est
le facteur déterminant.
Par ailleurs, quatorze sur quinze vendeurs
enquêtés sur les trottoirs et les pourtours du forum des
marchés font leurs approvisionnements en Côte- d'Ivoire. Certains
le font auprès des grossistes du forum des marchés.60(*) D'autres s'approvisionnent
auprès des libanais (pour les chaussures en plastique), ou auprès
des couturiers (pour les tenues traditionnelles ivoiriennes). Parmi ceux qui
s'approvisionnent auprès des grossistes du forum des marchés, il
y en a deux qui prennent la marchandise à crédit pour reverser la
somme après la vente. Un sur quinze des vendeurs enquêtés,
ivoirien, s'approvisionne tantôt à Lomé, tantôt
auprès des grossistes du forum des marchés. Ce mode
d'approvisionnement révèle que même si ces vendeurs
résistent aux tracasseries financières dont ils sont
victimes61(*), ils sont
des personnes modestes, bien qu'étant commerçants depuis au moins
une dizaine d'année sur les pourtours et les trottoirs du forum des
marchés.
En outre, les vendeurs ne se sentent pas impliqués
dans le processus de construction et de gestion du forum des marchés.
Ils ne pensent donc pas à son bon fonctionnement. Au fait, le
marché n'a jamais pu être lavé parce que les vendeurs
refusent de respecter l'heure de fermeture prévue. Lorsque les agents de
la mairie ont voulu les contraindre à se retirer des lieux pour le
nettoyage, ils n'ont pas hésiter à les lyncher. Leur
participation étant essentiellement financière, ils n'ont que des
intérêts économiques à poursuivre. Ainsi, le
marché construit en deux étages ne correspond pas à leurs
besoins, parce que les consommateurs ne s'y rendent pas.
A la question de savoir s'ils étaient d'accord pour la
construction du forum des marchés, sur cinq vendeurs
enquêtés à l'intérieur du forum des marchés,
deux affirment : «on n'était pas d'accord pour la construction du
marché, mais comment on va faire, c'est pour eux et ils sont les seuls
à décider». Un encore dit «oui on était
d'accord, comment on va faire?». Deux étaient d'accord pour la
construction. Comme raison, l'un a dit qu'il est important qu'un marché
soit aménagé. L'autre a révélé les incendies
à répétition qui survenaient dans l'ancien marché.
Ces vendeurs ne voient aucun problème au niveau de la structure
architecturale du marché. Ils ignorent également les
problèmes d'insécurité auxquels ils sont exposés.
Cependant, ils voient le forum des marchés comme une infrastructure que
la mairie leur impose, à cause des charges que cela les obligent
à supporter (le coût d'acquisition des places).
A la question de savoir s'ils font des installations sur le
trottoir et pourtour, l'un des deux (installés à
l'intérieur du marché) qui avaient approuvé la
construction du forum des marchés a répondu par l'affirmative,
sous prétexte qu'il ne réalise pas un chiffre d'affaire
satisfaisant là où il est installé. Lorsque nous lui avons
posé la question de savoir à quelle condition il ne ferait plus
d'installation sur le trottoir, il nous a répondu: «si après
la guerre, les acheteurs de l'intérieur reviennent faire des achats et
que les choses recommencent à marcher». L'autre ne fait pas
d'installation sur le trottoir parce qu'il n'a pas assez de moyens financiers.
Cela montre que même s'ils étaient d'accord pour la construction
du forum des marchés, ils doivent pouvoir y réaliser un chiffre
d'affaire satisfaisant, sinon ils ne peuvent s'y installer. Ceux qui
n'étaient pas consentants, mais qui ont souscrit aux places l'ont fait
par contrainte, par peur des tracasseries des agents de la mairie.
A l'extérieur du forum des marchés, pour la
même question de savoir s'ils étaient d'accord pour la
construction du marché, dix sur quinze vendeurs enquêtés
ont répondu par l'affirmative. Ils ont donné des raisons telles
que les incendies à répétition que connaissait l'ancien
marché; le nombre de places limitées qui ne pouvaient satisfaire
beaucoup de demandeurs. Le problème d'insalubrité a même
été soulevé. Cinq sur quinze n'étaient pas
d'accord, parce que selon eux, ils n'avaient pas d'argent pour acheter les
places. Mais seulement six sur quinze ont fait la demande de places, sans
pouvoir les obtenir. Parmi eux, un vendeur a même versé la somme
demandée, et il est resté perdant: ni place, ni restitution de
la somme versée.
Malgré les promesses alléchantes faites par la
mairie aux vendeurs, ils ont été réticents face à
la souscription aux places. Cela leur à éviter de connaître
l'infortune qu'ont connu ceux qui ont voulu se hasarder dans cette aventure.
Ces derniers également avaient pour préoccupation majeure les
moyens financiers. Ils n'ont aucune connaissance des dangers auxquels ils
seraient exposés à l'intérieur du marché.
Néanmoins, un vendeur ayant une connaissance du marché de
Ouagadougou (Burkina Faso) et de celui de Divo (Côte d'Ivoire),
construits en R+ 2, mais très accessibles a affirmé que le forum
des marchés était mal construit à cause de l'accès
difficile.
Que les vendeurs soient consentants ou pas pour la
construction du forum des marchés, ils ont la même réaction
face à la conquête de la clientèle. Se rapprocher du client
est le moyen idéal pour le conquérir. L'architecture du forum des
marchés ne leur convient donc pas.
En outre, au regard de l'accord qui avait été
signé entre la mairie et les vendeurs de l'ancien marché pour
faire accepter la construction du marché à l'unanimité,
les vendeurs se sentent trahis par celle- ci, parce qu'elle n'a pas
honoré ses engagements. Les rapports sont alors de type conflictuels.
Cependant, la mairie étant l'instance dominante, les vendeurs sont
obligés de négocier avec elle62(*) malgré les griefs qu'ils ont contre elle.
Avec le promoteur, c'est également des rapports
conflictuels. Il y a une résistance au niveau des vendeurs, car
après avoir constaté la trahison63(*), certains vendeurs des magasins refusent de payer la
somme supplémentaire que le promoteur demande. Ils font même une
résistance au promoteur pour le paiement du loyer64(*).
III- LES OPERATIONS DE DEGUERPISSEMENT
III- 1- Les initiateurs
Selon l'entretien avec un agent de la cellule voirie, le
maire d'Adjamé est le principal initiateur des opérations de
déguerpissement. Il donne cet ordre chaque fois que le besoin se fait
sentir au service voirie. Cependant, le gouverneur du district d'Abidjan peut,
avec l'accord du maire prendre des mesures pour le déguerpissement au
niveau des grandes voies (boulevards).
Lorsque c'est le maire seul qui le décide, c'est le
service voirie qui s'en occupe avec la collaboration de la police municipale.
Le service voirie se charge de confisquer les marchandises et la police
municipale veille à ce que les vendeurs n'y reviennent plus. Lorsque
l'initiative vient du district, il travaille en collaboration avec le service
voirie de la mairie, accompagné de la police nationale qui veille au non
retour des vendeurs sur les trottoirs et pourtours. Le déguerpissement
est constamment pratiqué sur le boulevard Nangui Abrogoua ainsi que sur
les autres rues de la commune, mais les voies publiques sont de plus en plus
impraticables.
Quelles en sont les raisons?
La raison évoquée est le manque de moyens
(personnel insuffisant et un seul tracteur pour l'opération). Mais cette
situation est surtout due à une volonté politique. En effet, la
décision doit venir du maire alors qu'il existe un service qui veille
à la non occupation des voies (le service voirie). Le fait d'attendre le
signal du maire est un frein au fonctionnement de ce service. Il y a un manque
d'autonomie. Pour empêcher le fonctionnement efficace du service, le
maire limite alors les moyens, vu les intérêts importants qu'il
doit préserver (économiques, politiques).
III- 2- Le retour des vendeurs
Parmi les quinze vendeurs des trottoirs et pourtours
interrogés, quatorze vendaient avant la construction du forum des
marchés, seulement un a commencé à vendre depuis la
construction du forum des marchés, en l'an 2000. Sur neuf vendeurs
interrogés au niveau des trottoirs, sept ont débuté leur
activité à la place où ils sont actuellement
installés, et ils ont une expérience allant de dix à vingt
six ans. Parmi eux, quatre ont révélé avoir obtenu la
place qu'ils occupent grâce à la mairie d'Adjamé.
En effet, pour être à l'abri du
déguerpissement, certains vendeurs font une demande d'autorisation
d'installation sur le trottoir ou sur les pourtours auprès du maire
actuel qui, à son tour prend un arrêté en faveur de ces
derniers. Il définit l'espace qu'ils doivent occuper ainsi que le
périmètre sans gêner la circulation. Cette autorisation
légalise leur installation de façon provisoire, et les soumet aux
taxes journalières d'occupation65(*).
L'occupation des trottoirs est alors légalisée
par le premier magistrat de la commune (le maire). Malgré donc
l'existence d'un service voirie, le maire se doit de les protéger pour
ne pas porter atteinte à sa carrière politique. Le
déguerpissement est donc organisé à l'endroit des vendeurs
qui n'ont pas obtenu d'autorisation. Mais ceux- ci profitent toujours de
l'installation des ayant droits pour revenir. Le premier magistrat de la
commune ayant accordé l'autorisation à certains vendeurs, ceux
qui n'ont pas d'autorisation négocient avec des agents de la mairie pour
en obtenir. Car ce sont ces derniers qui sont sur le terrain pour le
déguerpissement. Cela accroît le nombre de vendeurs
autorisés et facilite l'installation des autres à leurs
côtés.
CONCLUSION PARTIELLE
Lorsqu'on analyse les actions menées par la mairie
d'Adjamé depuis la conception de l'architecture jusqu'aux
opérations de déguerpissement, on remarque une négligence
de sa part dans la construction du forum des marchés. Les
problèmes auxquels le forum des marchés devait apporter une
solution (l'insalubrité, l'insécurité, les bousculades,
etc) demeurent. Ils se sont même accentués. En effet, les espaces
réservés pour la circulation des sapeurs pompiers ayant
été exploités, un autre incendie sera plus catastrophique
que ceux qu'a connu l'ancien marché (phénomène qui a
justifié la construction du forum des marchés).
L'insécurité y règne parce que le
marché n'est pas éclairé. Une usagée nous a
révélé qu'elle avait peur de s'approvisionner à
l'intérieur du forum des marchés parce qu'on peut y être
agressé aisément, à cause de certains endroits
obscurs66(*) (chose que
nous avons constatée nous même lors de nos enquêtes). Les
allées restreintes ne facilitent pas la circulation à
l'intérieur du forum des marchés. Nous avons connu beaucoup de
difficultés dans ce sens lors de notre enquête avec les vendeurs.
Pendant l'interview, chaque fois qu'il y avait un passant, nous étions
obligée de tout arrêter, de lui céder le passage en nous
pressant contre les marchandises exposées par le vendeur. Il est
difficile de faire un dépassement à l'intérieur du forum
des marchés. Deux sur dix des consommateurs enquêtés ont
affirmé ne pas y aller souvent à cause des bousculades. Ce
marché ne résout donc pas le problème d'engorgement qui se
posait dans l'ancien marché.
Il y a aussi l'insalubrité qui règne à
tous les niveaux; au niveau de la conservation des produits, en l'occurrence
les produits de pêche; au niveau du drainage des eaux usées, etc.
Cet état d'insalubrité repousse certains consommateurs.67(*) Lors de notre visite du
marché, nous avons été repoussée par l'état
piteux de l'espace de vente des produits de pêche. Nous avons osé
y pénétrer lorsque nous nous sommes rappelée notre statut
de sociologue. Les autres endroits de l'espace des denrées alimentaires
ne sont pas plus confortables.
Les agents de la mairie accusent les vendeurs d'être
responsable de ce fait. Cependant, lorsqu'on examine le déroulement des
actions depuis la conception jusqu'à la gestion du marché, on
constate que c'est plutôt une négligence de la part de la mairie.
Un autre fait aussi marquant est que le marché connaît une
dégradation avancée. Toute la terrasse est
dégradée, depuis le rez- de chaussée jusqu'aux deux
étages.
Au regard de ces problèmes, nous affirmons que la
participation des acteurs (la mairie, le ministère de la construction,
le promoteur) a été un simulacre. Il n'y a pas eu d'engagement
véritable pour l'intérieur du bâtiment, ni même pour
l'usage du marché. Cela donne au forum des marchés l'aspect d'un
«tombeau blanchi».
CHAPITRE II: LA MAIRIE D'ADJAME ET LES ENJEUX DU FORUM
DES MARCHES
I- LES ENJEUX FINANCIERS
I- 1- Les taxes
Les vendeurs des pourtours et trottoirs paient la taxe de
cent cinquante franc CFA pour une table d'un mètre carré. Cette
somme est revue à la hausse en fonction de l'importance de
l'activité. Sur quinze vendeurs enquêtés des trottoirs et
pourtours, un ayant obtenu la place par l'autorisation du maire paie cent
cinquante franc CFA;68(*)
un autre paie 600 F CFA, et treize (dont trois ont obtenu leurs places
grâce à la mairie) paient 300 F CFA.
Les pourtours et les trottoirs rapportent donc plus d'argent
à la commune que les places à l'intérieur du forum des
marchés. Car à l'intérieur du marché, pour un box
de longueur un mètre et demi, le vendeur paie 200 F CFA comme taxe, peu
importe l'importance de l'activité et les produits vendus.
Pour l'organisation des foires commerciales, les vendeurs
versent à la mairie la recette journalière de celle- ci
(multipliée par le nombre de jour que cela va durer) pour obtenir
l'autorisation. Ainsi, les vendeurs des trottoirs ne paient plus la taxe
à la mairie pendant le temps que dure la foire, mais ils la paient au
District d'Abidjan à partir de 1000 F CFA. Cette somme est revue
à la hausse en fonction de l'importance de l'activité.
Les trottoirs du boulevard Nangui Abrogoua constituent donc
pour la mairie d'Adjamé et pour le District d'Abidjan une importante
source de revenu grâce à l'activité commerciale. Les taxes
que paient les vendeurs des trottoirs et pourtours à la mairie et au
District d'Abidjan légalisent leur occupation.
I- 2- Les autres
prélèvements
Ne s'installe pas sur le trottoir ou pourtour qui le veut.
Deux sur cinq des vendeurs à l'intérieur du marché ont
révélé ne pas faire des installations sur le trottoir
parce qu'ils n'ont pas les moyens financiers. En réalité ce
serait une double dépense pour ces vendeurs puisqu'ils ont réussi
à obtenir une place à l'intérieur du marché, pour
laquelle ils ont déjà utilisé leurs
économies69(*).
Même si la place est mal située, ils préfèrent y
demeurer pour ne pas subir des tracasseries qui leur coûteraient une
fortune. En effet, ceux qui sont installés sur les trottoirs et
pourtours sont constamment objet d'escroquerie par les agents de la mairie. Car
en plus des tickets, cinq sur quinze ont affirmé verser d'autres sommes
sans ticket aux agents de la mairie. Parmi ces cinq, deux paient 2000 F CFA
chaque jour sans tickets, deux autres paient 1000 F CFA et un paie 500 f CFA.
Certains vendeurs, par mesure de prudence n'ont pas oser révéler
les autres charges qui leur incombent; ou ils ont tissé une alliance
avec des agents de la mairie de sorte que ce qu'ils versent à ces
derniers n'est plus perçu comme une racket, mais comme un don.
Les agents de la mairie, à la suite du maire, à
travers ces prélèvements légalisent aussi l'occupation des
pourtours et des trottoirs. Ainsi, si le déguerpissement des vendeurs
était effectif, cela mettrait fin au gain de la mairie, de même
qu'à celui des agents. Car nulle part ils ne pourraient obtenir ce
qu'ils gagnent ici. Le phénomène est alors entretenu depuis les
autorités administratives (gouverneur du District et maire), jusqu'au
gardien du marché70(*), en passant par les collecteurs et autres agents de
la mairie.
II- LES AUTRES ENJEUX DE LA MAIRIE FACE AU MARCHE
II- 1- Les enjeux politiques
Le maire se construit une image de père attentif aux
besoins de ses enfants en accordant l'autorisation d'installation sur le
trottoir et pourtours à ceux qui le lui demandent, bien qu'ayant
déjà légalisé leur installation des par
l'imposition des taxes.
En effet, n'étant pas le concepteur, ni le
réalisateur du forum des marchés, le maire n'est pas perçu
comme responsable des désagréments que subissent les vendeurs au
sein de cette infrastructure. Il a une bonne excuse pour satisfaire à la
demande des vendeurs. Il prête alors une oreille attentive et un coeur
compatissant pour sauver leur activité commerciale, activité qui
leur permet de subvenir à leurs besoins ainsi qu'à ceux de leur
famille. Il se saisit alors de ces failles pour pérenniser son mandat.
Pour ses enjeux politiques, il limite les actions du service voirie. Il
s'érige en défenseur intrépide des vendeurs des pourtours
et trottoirs.
II- 2- Une renommée de la commune
Le forum des marchés présente une belle allure
de l'extérieur et a une structure architecturale imposante. Il est le
plus grand marché de l'Afrique de l'Ouest, hormis celui du
Nigeria71(*). Il est
connu à travers la sous région. Cela propagande et embellit
l'image des acteurs qui ont participé à sa réalisation et
du premier magistrat de la commune: le maire.
CONCLUSION PARTIELLE
Vu les enjeux importants que présente le forum des
marchés, les acteurs du marché se sont inspiré de
l'échec connu par les autres pays pour construire celui- ci. Car dans la
culture de ces populations, tout comme dans celle des ivoiriens, les maisons en
hauteur n'existaient pas. Ils ont exagéré dans la structure
architecturale (deux niveaux) pour que le chaos soit inévitable et
permette ainsi la réalisation de leurs objectifs. Il en est de tous ces
enjeux, le plus important est l'enjeu politique. En effet, les travaux ayant
été confiés à un promoteur, il serait aisé
pour le maire qui serait présent à la conception de
décliner sa responsabilité et d'accuser à tort et à
raison celui- ci pour sa défense vis- à- vis des vendeurs. De
même pour celui qui a signé le contrat de construction avec le
promoteur. Chacun devait exploiter les failles du marché à ses
propres fins.
CHAPITRE III: CONSOMMATEURS ET VENDEURS
I- LE MARCHE TRADITIONNEL IVOIRIEN
I- 1- La structure architecturale du
marché
Dans les sociétés traditionnelles, les maisons
étaient des constructions basses. Les marchés étaient
pratiqués à ciel ouvert. Au fil des années, à
partir de l'arrivée des colons en particulier, des infrastructures
commerciales furent mises en place. Mais au niveau des marchés locaux,
c'était des constructions précaires: construction de hangar; non
élevée en hauteur. Ils étaient ainsi
fréquentés par les personnes de tout âge, des enfants aux
personnes du troisième âge en passant par les jeunes et les
adultes.
Lorsqu'il eut l'introduction et la vulgarisation de
l'automobile, les marchés étaient construits à
proximité des gares routières72(*). Cette évolution structurale n'est pas
différente de celle des marchés européens. En effet, le
marché de Paris avant 1963 se tenait au centre ville de Paris, à
ciel ouvert. Il était très enchanté73(*).
I- 2- La représentation du
marché
Dans la société traditionnelle gouro de la
savane boisée, les marchés étaient des lieux de rencontre
de l'offre et de la demande, mais surtout des espaces de divertissement. Cette
représentation existe encore aujourd'hui dans la plupart des villages de
la Côte d'Ivoire.
Dans les villes, les marchés précaires n'ont
pas la même représentation que dans les villages. Cependant,
à cause du fait qu'ils soient des constructions basses, tous les espaces
sont occupés par les vendeurs et ils connaissent un enchantement. Ils
sont pratiqués quotidiennement dans tous les quartiers. Toutefois, dans
certains quartiers (Gongzagueville, et Abobo), il y a des jours
(généralement Mercredi et Samedi) où les populations des
communes environnantes (Bassam, Bonoua, Ayama Agboville, etc) viennent y vendre
leurs produits. Ils y vendent généralement les produits de la
terre et halieutiques, les tenues vestimentaires (traditionnelles et brodes) et
autres objets traditionnels. La plupart de ces vendeurs restent sur les
trottoirs et pourtours, parce qu'ils ne pratiquent pas quotidiennement le
commerce et n'ont pas de place à l'intérieur du marché.
Mais cela n'empêche pas la bonne pratique du commerce dans ces
contrées. Au fait, ces derniers sont comme des grossistes. Alors,
après l'écoulement de leurs marchandises, les vendeurs dudit
marché continuent le commerce. Ainsi, c'est auprès de ces
derniers que les consommateurs s'approvisionnent les jours à venir.
II- LES MARCHES URBAINS AMENAGES OU MARCHÉS MODERNES
II- 1- La structure
La nouvelle tendance en Côte d'Ivoire est la
construction des marchés aménagés en hauteur d'un ou de
deux niveaux. Cette tendance n'est pas uniquement typique à la
Côte d'Ivoire. En effet, les grands marchés des pays de la sous
région tels que le Ghana (Accra), le Benin (Cotonou), le Burkina Faso
(Ouagadougou), le Togo (Lomé), et le Nigeria sont construits en R + 1.
Tous ces marchés connaissent le phénomène de la sous
fréquentation, excepté celui d'Accra74(*).
Si le marché d'Accra construit en hauteur est
entièrement occupé par les vendeurs, c'est grâce à
l'éducation sanitaire que l'Etat a inculqué aux populations. Sous
le règne de Jerry Rolins en effet, la population ghanéenne a
été éduquée à la salubrité, au
respect des institutions, etc. De ce fait, les ghanéens ne prennent plus
la liberté de jeter les ordures dans les rues. Tout ce qu'ils vendent
est hermétiquement protégé contre la poussière et
contre tout autre insalubrité75(*). La propriété est devenue pour les
ghanéens une seconde nature. Le fait pour un vendeur de s'installer sur
le trottoir expose non seulement la marchandise à toutes sortes
d'impureté, mais aussi pourrait produire des ordures.
II- 2- Les habitudes d'approvisionnement des
consommateurs
II- 2- 1- Le pouvoir d'achat des
ivoiriens et la recherche de
produits
à bon marché
Les dix consommateurs
enquêtés, pour justifier leur fréquentation constante du
marché d'Adjamé ont avancé le fait que «Adjamé
est un centre commercial, on y trouve toute sorte d'articles à bon
marché». Ils sont issus de diverses communes: Port- Bouët,
Yopougon, Bingerville, Cocody, etc. Cependant, ceux qui le fréquentent
régulièrement (au nombre de neuf) sont ceux qui y achètent
des produits alimentaires et des articles en gros pour revendre. Pour ce qui
est de l'approvisionnement en tenues vestimentaires, trois le font à
l'approche des fêtes de fin d'année (dans le mois de
Décembre). Une dame y va régulièrement acheter des bijoux
pour les revendre à Yopougon où elle réside. Cinq
enquêtés y vont s'approvisionner en tenues vestimentaires lorsque
le besoin se fait sentir et qu'ils en ont les moyens financiers. Une jeune
fille y va rarement.
A l'issu de ce constat, nous disons que la
priorité pour la population ivoirienne est l'approvisionnement
alimentaire. Quelle en serait la raison essentielle?
En 1993, selon une enquête
menée dans les dix grandes régions administratives de la
Côte d'Ivoire, 81,11% des ménages du Sud ; 90,67% des
ménages du Sud- Est; 74,17% des ménages du Sud- Ouest; 81,94% des
ménages du Centre; 85,30% des ménages du Centre- Nord; 77,79% des
ménages du Centre- Ouest; 91,92% des ménages de l'Ouest; 62% des
ménages du Nord; 95% des ménages du Nord- Est et 74,21% des
ménages du Nord- Ouest affirment avoir des difficultés
alimentaires76(*).
Dans chaque région donc, plus de la moitié de
la population a des difficultés alimentaires. Or cette étude a
été réalisée avant la guerre que connaît le
pays depuis 2002. Celle- ci ayant aggravé le diagnostic, a conduit la
Côte d'Ivoire à s'inscrire dans le processus de la
réduction de la dette. Elle fait pour cela mains et pieds pour
être reconnue comme un pays pauvre très endetté (PPTE),
afin de bénéficier d' aide au développement. La population
est donc en majorité pauvre et donc satisfait difficilement ses besoins
alimentaires. Même les artistes n'y échappent pas77(*). Or, la satisfaction de ce
besoin vital passe avant celui de se vêtir.
En effet, Maslow78(*) fait une hiérarchisation des besoins en quatre
niveaux. Il situe au premier plan les besoins physiologiques qui sont
indispensables à la vie de chaque individu, et qui sont composés
de la respiration, l'alimentation, l'élimination, le maintien de la
température, etc. Certains sociologues quant à eux font le
classement des besoins en deux niveaux: le niveau primaire79(*). Pour eux, le besoin de se
vêtir fait parti des besoins primaires tout comme le besoin alimentaire.
Le sociologue Legrand fait la classification des besoins en trois groupes:
besoins physiologiques où il situe le besoin de se vêtir et le
besoin de s'alimenter.80(*) Ils sont unanimes quant à classer le
vêtement et l'alimentation parmi les besoins primaires. Cependant, tous
les besoins primaires ou physiologiques n'ont pas les mêmes urgences au
niveau des satisfactions.
Pour la vie sexuelle par exemple, il y a des personnes
consacrées au niveau de l'Église Catholique qui ont fait voeux de
chasteté, tels que les prêtres, les religieux, les religieuses et
les laïques consacrés. C'est un besoin qui n'est pas indispensable
à la santé des individus. Ils peuvent donc s'en abstenir. Le
vêtement également, bien qu'ayant intégré la vie
normale des sociétés, il a un degré de satisfaction qui
n'est pas le même que celui de l'alimentation. Une personne peut se
passer d'acheter des vêtements les jours de fête ou pendant
plusieurs mois, mais elle ne peut se passer de s'alimenter pendant plusieurs
jours.
Ayant donc des difficultés pour satisfaire leurs
besoins alimentaires, les ivoiriens sont à la recherche constante
d'article à bon marché, peu importe les conditions dans
lesquelles ils sont exposés et vendus. En effet, tous les consommateurs
enquêtés vont à l'intérieur ou restent à
l'extérieur du marché en fonction des prix des articles qu'ils
trouvent abordables dans ces endroits. Un jeune homme titulaire d'une
Maîtrise, habitant le quartier de la riviera 3, situé dans la
commune de Cocody également va au marché pour s'approvisionner en
denrée alimentaire, en particulier le poisson, car dit- il, sa femme
vend du poisson fumé. Il n'a jamais acheté de tenues
vestimentaires à Adjamé, parce qu'il était habitué
au marché de Kouté81(*), situé dans la commune de Yopougon où
il vivait. Il attend de découvrir le lieu où les prix seraient
très abordables, selon ce que lui a dit l'un de ses amis, avant de s'y
approvisionner en tenues vestimentaires.
Adjamé est donc un centre commercial (petit
Noé), mais la population ne prend pas plaisir à y acheter
n'importe quel produit. Les produits sont sélectionnés par ordre
de priorité, et en fonction des prix. Elle adopte ce même
comportement vis- à- vis des supermarchés. En effet, Piton
affirme: «les personnes à revenu moyen fréquentent les
supermarchés, mais seulement pour acheter les produits de base (riz,
huile) qui sont pour la plupart du temps exposés en gondole, en produits
d'appel à prix attrayant»82(*).
II- 2- 2- La recherche de
proximité
L'autre aspect du comportement des consommateurs est la
recherche de proximité. Les consommateurs viennent de toutes les
communes du District d'Abidjan. Sur dix consommateurs enquêtés,
un, résidant dans la commune de Port- Bouët, vient souvent faire
des emplettes «au forum»83(*), quelques fois en tenue vestimentaire. Cependant,
cette dernière, dit- elle a monté les escaliers du forum des
marchés une ou deux fois depuis sa construction, parce qu'elle a
déjà le choix à l'extérieur. Une dame habitant la
commune d'Akouédo, achète des tenues vestimentaires à
l'intérieur (au rez- de chaussé) du forum des marchés,
parce qu'elle dit avoir des difficultés pour trouver son choix à
l'extérieur. Cependant, elle n'a jamais monté les escaliers du
forum des marchés. Une autre dame habitant la commune de Yopougon,
achète des bijoux au premier étage pour les revendre84(*) dans sa commune. Elle
achète les autres produits sur les pourtours et les trottoirs du forum
des marchés. Les sept autres enquêtés achètent ce
qu'ils ne trouvent pas à l'extérieur du forum, à
l'intérieur. Ils ont tous évoqué le problème de
l'accessibilité.
Les consommateurs quittent leurs différentes communes
sans peine pour se rendre au forum des marchés d'Adjamé,
cependant, une fois là- bas, c'est comme si l'accès à
l'intérieur du marché était «le plus grand des
supplices». Ils ont avancé comme raison «la montée
penible des escaliers», cependant même le rez- de- chaussé
n'est pas régulièrement pratiqué. Ceux qui y vont
recherche une certaine garantie du produit85(*), ou parce qu'ils ne trouvent pas ce qu'ils
désirent sur les trottoirs et pourtours.
Les vendeurs ont si bien compris cette habitude des
consommateurs que même dans les marchés construits de façon
basse, certains donnent des produits en petites quantités à leurs
enfants, où les portent eux- mêmes dans des plateaux pour les
exposer sur les pourtours et trottoirs. Le marché des légumes du
plateau en est une illustration. Les automobilistes refusent de descendre de
leurs voitures pour s'approvisionner. Cela contraint les vendeurs à
s'installer sur les trottoirs avec les produits déjà
emballés86(*). Ce
comportement amène à croire que les consommateurs ne font des
emplettes que lorsqu'ils vont vaquer à leurs occupations. Car «le
temps, c'est de l'argent», comme dirait un adage populaire.
La recherche de proximité est également
illustrée par l'étude de Aman sur les vendeurs ambulants aux
alentours des feux tricolores87(*). Les automobilistes approuvent ce métier,
parce qu'il rapproche les produits des consommateurs.
La recherche de proximité des produits par
les ivoiriens n'est pas le fruit de la société moderne. Elle
remonte aux sociétés pré- coloniales. En effet, les
commerçants dioula qui étaient colporteurs envoyaient leurs
produits aux gouro. Ceux- ci les achetaient sans fournir d'efforts de
déplacement88(*).
II- 2- 3- Consommation et conscience
sanitaire
Aucun des enquêtés n'était
préoccupé par les conditions d'hygiène. Tous les
consommateurs enquêtés vont à l'intérieur ou restent
à l'extérieur du marché en fonction des prix des articles
qu'ils trouvent abordables dans ces endroits. L'hygiène des
denrées alimentaires ne constitue pas un souci pour eux.
Une dame fonctionnaire à la retraite, habitant le
quartier des deux- plateaux situé dans la commune de Cocody, ayant le
niveau première, achetait des denrées alimentaires sur le
trottoirs pendant que nous faisions l'interview avec elle. L'état
d'insalubrité de l'intérieur du marché en serait une
raison; mais elle ne l'a pas évoqué. Un jeune homme titulaire
d'une Maîtrise, en quête d'emploi, habitant le quartier
riviéra 3, situé dans la commune de Cocody également, nous
a affirmé: «moi c'est la quantité que je cherche oh, je ne
cherche pas la qualité». Ces propos révèlent qu'il ne
se préoccupe pas de l'état d'insalubrité du marché,
mais se contente de comparer les prix. Pourvu qu'il obtienne les marchandises
à bon marché, peu lui importe les conditions dans lesquelles
elles sont exposées.
Cette mentalité est si répandue que le constat
du boulevard Nangui Abrogoua en est une illustration. En effet, tout le long du
boulevard Nangui Abrogoua se trouve exposée la nourriture
déjà confectionnée: pain accompagné de soupe
généralement, à l'intérieur de laquelle se trouvent
des condiments tels que la viande, le rognon, les pattes alimentaires, etc. Ces
produits ne sont pas protégés, ils sont exposés à
la poussières et à toute sorte d'impureté; pourtant les
consommateurs se ruent là dessus.
III- Les rapports entre les vendeurs
III- 1- Le manque de solidarité
Les vendeurs de l'ancien marché n'étaient pas
constitués en syndicats. Ainsi, ceux qui possédaient des moyens
économiques puissants ont toujours été prêts
à acheter les places de ceux qui avaient des velléités de
révolte ou qui n'avaient pas suffisamment de moyens pour les conserver.
C'est ainsi que six sur quinze vendeurs des trottoirs et pourtours avaient
souscrits aux places, mais ne les ont pas obtenues. Un sur quinze avait
même versé la somme demandée, mais ne l'a pas obtenue. Ces
vendeurs n'ayant pas obtenus de places, se sont repliés sur les
trottoirs et pourtours.
Au même moment, le coût des places et la
réduction de l'espace prévu pour un box n'ont pas
empêché certains vendeurs d'acheter plusieurs box, au point de les
ériger en magasin. C'est souvent que les acquéreurs perdent leurs
places au profit d'autres vendeurs sans préavis.89(*) C'est le rôle que joue
le service chargé de l'occupation des places et du règlement des
litiges entre les acquéreurs. Nous avons assisté à une
scène dans laquelle une dame qui disposait d'une place depuis 2002,
à un endroit très fréquenté par les acheteurs, ne
pouvait la mettre en valeur à cause de plusieurs difficultés . La
mairie la lui a donc retirée sans préavis. Elle va alors
négocier avec le service compétent. Après un pourboire,
l'agent lui promet de lui trouver une autre place (celui- ci avait
affirmé au départ que ce n'était pas possible, parce que
toutes les places étaient occupées).
Cet exemple montre que chaque vendeur ne défend que sa
cause sans penser aux autres. Il use de tous les capitaux possibles pour ravir
les places des autres. Cela est à l'origine des luttes individuelles
pendant les revendications. Ainsi, les vendeurs n'ont pu obtenir gain de cause
auprès des autorités administratives. Le manque de
solidarité entre les vendeurs profite donc aux autorités
administratives qui sont plus fortes, et campent ainsi sur leur
décision.
III- 2- Rapport de concurrence
Les vendeurs s'arrachent les clients. Lors de notre
enquête, nous avons abordé un vendeur pour l'interview. Pensant
que nous voulions acheter des articles, il nous a dit: «viens voir ma
chérie, c'est avec moi que tu as acheté l'autre jour». Cela
montre jusqu'où les vendeurs sont capables de s'arracher les clients
les uns aux autres: les clients occasionnels comme les clients fidèles.
Le simple fait de passer son chemin fait du passant un client potentiel. Si par
aventure, il tente de s'arrêter pour regarder, ils lui posent la
question: «c'est lequel tu veux», pour l'empêcher d'aller
ailleurs. Le passant est traqué jusqu'à ce qu'il trouve un alibi
pour s'éclipser.
Ce comportement est observable chez les vendeurs de tout
genre: tenues vestimentaires, denrées alimentaires, divers. D'où
les nombreux cris au niveau des trottoirs et pourtours, du genre « on a
cassé le prix, 2000 est devenu 1000 F, etc»; «viens voir ma
chérie, je vais t'arranger». Ces techniques d'invitation traduisent
le pouvoir d'achat du consommateur ivoirien, et le fait qu'il soit constamment
poussé par la recherche de produits à moindre coût.
La façon de conquérir les clients explique donc
en partie le comportement des vendeurs face au forum des marchés. Le
vendeur doit être installé à un lieu stratégique,
où il peut avoir des clients potentiels. En effet, tous les vendeurs
enquêtés ont affirmé que la plupart de leurs clients
étaient des clients occasionnels. Leur pratique est similaire à
celle de tout opérateur économique, qu'il soit d'une AGR, d'une
PME, ou d'une firme.
CONCLUSION PARTIELLE
Malgré l'existence d'un service d'hygiène,
l'intérieur du marché (le rez- de- chaussée) et les rues
de la commune d'Adjamé sont gorgés d'ordures. Il n'y a aucun
contrôle sanitaire au niveau des produits vendus. L'intérieur du
marché n'a jamais été lavé. Sur les trottoirs et
pourtours, les légumes sont exposés à même le sol.
La viande et le poisson frais sont vendus sous un soleil ardent. La nourriture
déjà confectionnée est exposée à la
poussière provenant de nombreuses voitures en circulation, quelques fois
à proximité d'un tas d'ordure. Quelle est alors la zone
d'intervention du service d'hygiène de la mairie d'Adjamé?
Existe- t- il seulement de nom?
Par ailleurs, au regard du comportement du consommateur, on
remarque qu'il n'a pas acquis d'éducation en matière
d'hygiène. Les sociétés traditionnelles ayant muté
ou étant en voie de mutation, le consommateur doit acquérir une
nouvelle éducation pour s'inscrire dans la modernité90(*). Si dans sa recherche de
produits à moindre coût, le consommateur pensait à
préserver sa santé, cela inciterait les vendeurs à vendre
dans des conditions plus saines. Car les vendeurs s'adaptent à
l'habitude d'approvisionnement des populations, d'autant plus que ce sont eux
qu'ils cherchent à conquérir.
Le consommateur ivoirien fait aussi
généralement des achats à la sauvette. Par contre, pour
les produits alimentaires, bien que ne recherchant pas la qualité, et vu
la nécessité pour lui de satisfaire son besoin alimentaire, il
fait des efforts pour s'approvisionner dans un lieu adéquat, lorsque la
quantité est importante. En effet, dans tous les marchés en
hauteur, les places des produits vivriers sont toujours exploités quel
que soit l'endroit où ils se situent.91(*) L'ivoirien se donne donc plus de peine pour
satisfaire ses besoins nutritionnels que ses besoins vestimentaires. De ce
fait, pour amener la population à fréquenter les marchés
construits en hauteur, le sommet doit abriter les places pour les produits
viviers. Les box et les magasins doivent occuper les autres espaces. Cependant,
pour garantir le succès d'une telle structure, il ne doit pas avoir de
petits marchés construits de façon basse à
proximité des marchés en hauteur. La municipalité doit
également interdire l'installation des vendeurs sur les pourtours et
trottoirs.
CONCLUSION
Le commerce s'est développé dans le monde
entier et permet aux individus d'accéder à des biens et services
dont ils ne disposent pas. Le marché de détail est le lieu
où s'effectue la transaction entre le vendeur et le consommateur final.
Il revêt de ce fait un intérêt capital dans les structures
d'échange. Cependant, en Côte d'Ivoire, les marchés de
détails centraux aménagés construits en hauteur ne sont
pas exploités par les vendeurs comme le sont les marchés
précaires ou marchés construits de façon basse. Notre
choix s'étant porté sur le forum des marchés, à
cause de l'ampleur du phénomène au sein de celui- ci et du statut
commercial de la commune d'Adjamé, nous avons formulé la question
centrale suivante:
Pourquoi après avoir souscrit à toutes les
places du forum des marchés, celui- ci reste- t- il désert alors
que les trottoirs et les pourtours sont engorgés par les vendeurs?
Afin de réaliser des objectifs spécifiques,
nous avons posé les questions suivantes:
Quelles sont les logiques qui fondent le comportement et
l'attitude des vendeurs du forum des marchés d'Adjamé au point de
résister à toute sorte de pression, et de s'exposer à des
risques d'accident?
Comment sont pratiquées les opérations de
déguerpissement au niveau du forum des marchés pour qu'elles
soient inefficaces?
Quelles sont les habitudes d'approvisionnement des
consommateurs?
La recension des écrits antérieurs et la teneur
des questions nous situent dans un paradigme de type interactionniste. De ce
fait, nous avons inscrit l'analyse de nos données dans l'individualisme
méthodologique complexe, afin de comprendre la structure sociale dans
laquelle se situent les vendeurs du forum des marchés et comprendre leur
action ou réaction face à cela.
Au niveau des techniques d'enquête, l'avancement actuel
de la connaissance scientifique nous fait savoir que notre champ d'étude
n'est pas vierge. Nous avons pour cette raison eu recours à la
documentation qui nous a permis de mieux poser notre problématique. La
sociologie se basant sur des faits empiriques, nous avons eu des entretiens
avec les personnes susceptibles de nous permettre la compréhension du
phénomène de désertion du forum des marchés. Notre
objectif général étant de comprendre celui- ci, nous avons
mené une étude qualitative. A travers une étude de cas,
nous avons interrogé vingt vendeurs et dix consommateurs du forum des
marchés de la commune d'Adjamé.
Tous les éléments sus-cités nous ont
permis de comprendre que le phénomène de désertion du
forum des marchés est le fait des actions des autorités
administratives. Ces dernières, pour des enjeux économiques et
politiques ont élaboré ou ont autorisé une structure
architecturale qui ne correspond pas à la culture des consommateurs.
Ils ont également adopté une stratégie de gestion qui
développe et pérennise le phénomène de la
désertion. En dehors de ce fait, il y a les habitudes
d'approvisionnement des consommateurs qui y participe en grande partie. en
effet, Il y a le fait qu'ils ne s'approvisionnent pas pour la plupart à
l'intérieur du marché, parce que n'étant pas
habitués aux constructions en hauteur. Il y a aussi le fait qu'ils font
généralement des achats à la sauvette. Notons
également leur pouvoir d'achat qui limite leur fréquentation des
marchés. Ils les conduit aussi à la recherche constante
d'articles à bon marché, en faisant fi des conditions de
conservation et d'hygiène.
Nous sommes donc parvenue à comprendre les logiques
qui fondent le comportement et l'attitude des vendeurs du forum des
marchés d'Adjamé. Nous avons également analysé les
habitudes d'approvisionnement des consommateurs qui participent au comportement
des vendeurs. A travers l'analyse des enjeux de la mairie, nous sommes
arrivée à comprendre les raisons politiques qui font perdurer la
situation de l'occupation des trottoirs et pourtours. Nous sommes donc parvenue
à comprendre le phénomène de désertion du forum des
marchés en nous inscrivant dans le paradigme méthodologique.
Aucune recherche scientifique n'ayant été
publiée sur le phénomène de désertion des
marchés de détail, notre étude vient élargir le
champ de la connaissance scientifique dans le domaine du marché. Elle
vient donner une ébauche de compréhension sur le fait que les
marchés aménagés ne soient pas toujours exploités.
Une autre étude sociologique sur la consommation de rues et la
conscience sanitaire en Côte d'Ivoire pourrait illustrer davantage le
comportement des consommateurs, et aider à une meilleure
compréhension de l'attitude et du comportement des vendeurs du forum des
marchés.
BIBLIOGRAPHIE
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* 1 Hervé Defalvard
(1994), «Marchés et développement économique»,
Cahier des Sciences Humaines, Vol 30 N° 1- 2, P 53.
* 2 Le quotidien, paru
le 19 Mai 2008, «occupation anarchique des trottoirs».
* 3 propos recueilli
auprès du responsable de gare des autobus de Marcory.
* 4 Dictionnaire de la langue
française (1994), tome II, I- Z, Editions Encyclopédies, Paris,
Bordas, p 1260.
* 5 Sylvie Mesure et Patrick
Sividan (2006), Le Dictionnaire des sciences humaines, Paris, PUF, P 741.
* 6 Georges Thines et
Agnès Lempereur (1975), dictionnaire général des
sciences humaines, Paris, Editions Universitaires, page
* 7 Viviana
Zelizer (2000), p 384, cité par Ronan Le Velly (2007), Qu'est- ce qu'un
'échange marchand,
Proposition de trois définitions cumulatives
pour l'analyse, Centre Nantais de Sociologie (CENS).
* 8 Pierre Bourdieu
(2000), Les structures sociales de l'économie ( production
électronique: résumé de l'oeuvre).
* 9 Claude Robineau (1994),
«Anthropologie économique et marché», cahiers des
sciences humaines, vol 30, n° 1-2, P 30.
* 10 Claude Robineau (1994), op
cit, p 24.
* 11 Claude Robineau (1994), op
cit, p 23.
* 12 Claude Robineau 1994), op
cit, p 31.
* 13 Mark Granovetter (1985),
cité par Alice Sindzingre (1998), «réseaux, organisation et
marchés,» Autrepart, n° 6, Éditions de l'Aube,
ORSTOM, P 76.
* 14 Emmanuel Fauroux (1994),
«Les échanges marchands dans les sociétés pastorales
de l'ensemble méridional de Madagascar», Cahier des Sciences
Humaines, Vol 30 n° 1- 2, p 197- 210.
* 15 Claude Robineau (1971),
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mémoire ORSTOM n°45, Paris, ORSTOM.
* 16 Claude Meillassoux (1964),
Anthropologie économique des Gouro de Côte- d'Ivoire,
Mouton, Paris- La Haye.
* 17 Tige de fer
métallique uniforme que les Malinké fournissaient aux Gouro.
L'appellation sompe est en Malinké, les gouro parlent de
Bro. P 192.
* 18 Claude Robineau (1994), op
cit, p 30.
* 19 Claude Robineau (1994), op
cit, p 23.
* 20 Philippe Steiner,
le marché selon la sociologie économique( texte de
conférence à l'Université Paris IX), IRIS, production
électronique:
* 21 Pierre Bourdieu (2000), Op
cit.
* 22 Neil Fligstein (2001),
«Le mythe du marché» Actes de la recherche en sciences
sociales, Vol 139.
* 23 Documentaire sur
France 24.
* 24 Elodie Piton (2000),
Les centres commerciaux à Abidjan, Mémoire de Maîtrise,
Université de province Aix- Marseille, Institut de géographie
urbaine.
* 25 Aurélie Poyau
(2000), Mutation des marchés de la ville d'Abidjan,
Mémoire de Maîtrise, Université de Provence Aix-
Marseille, UFR des sciences géographiques et de l'aménagement, p
19.
* 26 Noëlle Terpend et
Kalil Kouyaté (1997), «Approvisionnement et distribution
alimentaires des villes» Aliments dans les ville, FAO,
Dakar.
* 27 Information reçue
au service constat du GSPM d'Abidjan.
* 28 Noé est un quartier
de la commune de Tiapoum, situé à la frontière Côte
d'Ivoire- Ghana. Les commerçants y vont s'approvisionner en diverses
marchandises à moindre coût pour revendre dans les autres communes
de Côte d'Ivoire. L'expression «petit Noé» signifie
qu'on y trouve toute sorte de marchandises à moindre coût.
* 29 Propos recueilli
auprès du chef de gare SOTRA de la commune de Marcory.
* 30 Voir annexe III, photo
1.
* 31 Propos recueilli
auprès des agents de la mairie d'Adjamé.
* 32 Voir annexe III, photo
4.
* 33 Voir annexe III, photo 3
et 4.
* 34 Propos recueilli
auprès des agents de la mairie d'Adjamé.
* 35 Information reçue
au service constat de la préfecture de police d'Abidjan.
* 36 Marché construit
avant le forum en R + 1; il est aussi quasiment désert.
* 37 Il y a le marché
Djê- Konan de Koumassi et le marché belle ville situé dans
la commune de Treichville qui présentent le même
caractère.
* 38 Daniel N'Guessan
Djédjé (2002), Développement en Côte d'Ivoire et
comportement économique et social des immigrants: le cas des
Burkinabè à Abidjan, Thèse de Doctorat de 3 ème
cycle, IES.
* 39 C'est l'occupation abusive
de ce boulevard, alors qu'en bordure se trouve le forum des marchés
quasiment désert qui a suscité l'intérêt de notre
étude.
* 40 Propos recueilli
auprès du directeur technique de la mairie d'Adjamé.
* 41 Domaine habité par
plusieurs ménages. Ils partagent généralement les
toilettes et la cuisine.
* 42 Voir annexe III, photo 7,
8, 9 et 10.
* 43 Mini car pour les
transports en commun.
* 44 Voir annexe III, photo
1.
* 45 Voir annexe II.
* 46 Il s'agit de toutes les
étables de la commune d'Adjamé, celles qui existent à
l'intérieur du forum des marchés comme celles qui existent sur
les trottoirs et pourtours.
* 47 Voir annexe PV de visite
d'un marché.
* 48 Voir annexe III, photo
2.
* 49 Nous appelons ici
dioula les commerçants musulmans, originaires du Nord de la
Côte d'Ivoire, du Burkina Faso, du Mali, du Sénégal, du
Niger et de la Guinée Conakry.
* 50 Propos recueilli
auprès du Directeur Technique de la mairie d'Adjamé.
* 51 Lors de notre pré-
enquête, nous avons interrogé un vendeur que nous pensions
être installé sur le pourtour. Il nous a
révélé qu'il vendait dans l'ancien marché, mais
pour des raisons économiques, après la construction du forum des
marchés, il s'est retrouvé comme vendeur ambulant.
* 52 Voir annexe II.
* 53 Voir annexe II.
* 54 Deux sur vingt des
enquêtés seulement ont révélé les
défaillances au niveau de l'architecture. Un vendeur à
l'intérieur du marché et un vendeur sur le trottoir. Ce dernier
pratique le commerce à Abidjan depuis 1990, mais il a la connaissance
des marchés des autres communes.
* 55 Nous n'avons pu obtenir
d'information au cabinet juridique de la mairie d'Adjamé sous
prétexte que les clauses de tout contrat sont des données
confidentielles (nous a dit le juriste). La durée du contrat
notée ici nous a été communiquée par le responsable
du service voirie. Les autres agents nous ont révélé
tantôt vingt cinq ans, tantôt trente ans.
* 56 A la cellule construction,
il nous a été révélé qu'un box coûte
entre 700000 et 800000 F CFA.
* 57 Pendant notre entretien
avec les vendeurs, nous en avons rencontré un qui, installé
à l'entrée nous a révélé vendre pour
quelqu'un. Tous les box du lieu appartiennent à la même
personne.
* 58 Nous avons
interrogé une vendeuse qui est chrétienne catholique pendant la
pré- enquête, mais nous n'avons pas eu l'occasion de l'interroger
pendant l'enquête. Nous avons également rencontré un
chrétien évangélique, mais il n'a que deux ans
d'expérience. Il a donc été exclu de notre champ
social.
* 59 Daniel N'Guessan
Djédjé (2002), Op cit.
* 60 Les grossistes du forum
des marchés s'approvisionnent en Chine ou à Dubai.
* 61 Tous les vendeurs des
pourtours et trottoirs interrogés paient au minimum 300 F CFA comme taxe
journalière avec les tickets de la mairie, et la plupart paient chaque
jour 500 F CFA au moins sans ticket. Après notre entretien avec les
différents services de la mairie, nous avons compris que ceux qui paient
plus qu'ils ne devaient sont ceux qui n'ont pas obtenu l'autorisation du
maire.
* 62 Les vendeurs des trottoirs
et pourtours qui veulent avoir une place stable font une demande d'autorisation
qu'ils adressent au maire. Ceux qui n'ont pas les capitaux sociaux et
économiques pour la demande d'autorisation négocient en acceptant
de donner chaque jour une somme forfaitaire pour conserver leurs places.
* 63 Le promoteur a
divisé la longueur prévue pour chaque type de place par deux, et
il a augmenté les différents prix.
* 64 Le temps du jeudi
23 Avril 2009.
* 65 Propos recueilli
auprès d'un agent du service voirie de la mairie d'Adjamé.
* 66 Voir annexe III, photo 3
et 4.
* 67 Lors de notre pré-
enquête, une consommatrice nous a dit ne pas «faire le
marché» à l'intérieur du forum des marchés
parce qu'il est sale.
* 68 La place est très
restreinte.
* 69 Tous les vendeurs
interrogés ont acquis leurs places grâce à leurs
économies.
* 70 Un vendeur des pourtours a
révélé verser chaque jour au gardien la somme de 1000 F
FCA ou 2000 F CFA pour conserver sa place.
* 71 Propos recueilli
auprès du directeur technique de la mairie d'Adjamé.
* 72 Aurélie Poyau
(2000), op cit, P 7.
* 73 Documentaire
sur France 24 .
* 74 Propos recueilli
auprès du directeur technique de la mairie d'Adjamé.
* 75 Les vendeuses
ghanéennes de pain sucré et de beignets en Côte d'Ivoire
utilisent des caisses vitrées ou de grands sachets transparents pour la
protection des aliments.
* 76 Institut Nationale
de la Statistique (1993), cité par Modeste Gnoka Brouabré (1996),
La problématique du développement et du niveau de vie en
Côte d'Ivoire, Projet de DEA, IES, P
* 77 Saturnin Thien (2002),
La pauvreté en milieu artistique, mémoire de
Maîtrise, Abidjan, IES.
* 78 Abraham Harold Maslow
(2008), Devenir le meilleur de soi, Organisation Edition (production
électronique).
* 79 Béatrice Amar,
Jean Philippe Guéguen et Suzanne Priot (2007), «Soins infirmiers:
concepts et théories, démarche de soins», Nouveaux
cahiers de l'infirmière, n°2, 4ème édition, p
45.
* 80 Jean Claude Legrand
(1984), cité par Béatrice Amar, Jean Philippe Guéguen et
Suzanne Priot (2007), Ibid, p 46.
* 81 Le marché de
Kouté est renommé pour les brodes à moindre coût.
Les habitants de toutes les communes du District d'Abidjan y vont pour
s'approvisionner en tenue vestimentaire.
* 82 Elodie Piton (2000),
Les centres commerciaux à Abidjan, mémoire de
Maîtrise, Université de Provence Aix- Marseille, Institut de
géographie, p 33.
* 83 Ce terme est
employé pour parler du forum des marchés et ses pourtours; c'est-
à- dire les trottoirs du boulevard Nangui Abrogoua y compris.
* 84 Les bijoux sont vendus en
gros seulement au premier étage du forum des marchés.
* 85 Cette raison a
été donnée par un jeune étudiant qui y va acheter
des téléphones portables. Il trouve une garantie en ce sens que
le vendeur est installé à un lieu fixe, et donc en cas d'anomalie
au niveau du téléphone, il peut le lui restituer.
* 86 Le quotidien
(2008), op cit.
* 87 Félix Koffi Aman
(2002), Le phénomène des vendeurs ambulants aux alentours des
feux tricolores à Abidjan, Mémoire de Maîtrise, IES.
* 88 Claude Meillassoux(1964),
op cit, p 272.
* 89 Le contrat de la mairie
avec les vendeurs stipule qu'elle procéderait au retrait des places,
à l'endroit de ceux qui ne les mettraient pas en valeur.
* 90 Au niveau de
l'insalubrité, il y a la pollution de l'aire causée par la
fumée des voitures et des usines. Notons aussi les produits chimiques et
toxiques que déversent certaines sociétés, avec son
corollaire de bestioles favorisant la transmission de certaines maladies. Tous
ces facteurs sont sources d'intoxication des produits, d'où
l'émergence ou la persistance de certaines maladies tels que la
fièvre typhoïde, le paludisme le choléra, etc. Ces
phénomènes n'existaient pas dans les sociétés
traditionnelles.
* 91 Le marché
Djê- Konan situé dans la commune de Koumassi est construit en R +
1. Le rez- de- chaussée abrite les magasins (ou galeries) et le haut
abrite les box et les places des produits vivriers. Toutes les places des
produits vivriers sont occupées, alors que les box et les magasins sont
quasiment déserts.
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