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Etude sur le forum des marchés d'Adjamé

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par Anonyme
Université de Cocody -  2009
  

Disponible en mode multipage

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SIGLES ET ABREVIATIONS

AGR: Activité Génératrice de Revenu.

CERAP: CEntre de Recherche et d'Action pour la Paix

CIE: Compagnie Ivoirienne d'Electricité

F CFA: Franc de la Communauté Financière Africaine

GSPM: Groupement des Sapeurs Pompiers Militaires

IES: Institut d'Ethno- Sociologie

IMST: Institut Moderne Secondaire Techniques

INP- HB: Institut National Polytechnique Houphouët Boigny

INSP: Institut National de la Santé Publique

IRD: Institut de Recherche pour le Développement

ISCA: Institut Sacré Coeur d'Adjamé

IST: Institut Supérieur Technique

PAS: Programme d'Ajustement Structurel

PME: Petite et Moyenne Entreprise.

PPTE: Pays Pauvre très Endetté.

RIA: Réseau Incendie Armée

R+1: Rez- de- chaussée plus un étage.

R+2: Rez- de- chaussée plus deux étages.

SDC : Service du Domaine et Construction

SICG: Société Ivoirienne de Gestion et de Concept.

SM: Service des Marchés

SODECI: Société de Distribution d'Eau de la Côte d'Ivoire

SOTRA: SOciété de TRansport Abidjanais

SVRDT: Service de la Voirie Réseaux Divers et Transport

REMERCIEMENTS

Nous tenons à adresser nos sincères remerciements d'abord à Monsieur Gadou Dakouri Mathias, Maître- assistant à l'Université de Cocody, qui malgré ses nombreuses occupations, a consenti à assurer la direction scientifique de ce travail. Par sa disponibilité, ses conseils avisés et ses judicieuses remarques, il nous a évité les embûches du chercheur débutant.

Dans le même élan de gratitude, nos pensées vont également à l'endroit de tous les professeurs de l'Institut d'Ethno- sociologie qui ont contribué à notre formation.

Nous disons merci à M. N'Goran Gérard, doctorant à l'IES, ainsi qu'à M. Acho Rodrigue pour leurs conseils et leurs suggestions.

Nous voudrions également faire part de notre reconnaissance à Monsieur Yavho Guillaume, Directeur Technique des services techniques de la mairie d'Adjamé et à ses collaborateurs, pour leur disposition et les informations utiles qu'ils ont bien voulues nous donner et surtout pour leur grande sympathie. Nous tenons aussi à remercier le responsable de la régie des taxes. Un remerciement particulier à Monsieur Bruno, de la cellule de l'occupation des places du forum des marchés et du règlement des conflits, pour ses conseils qui nous ont permis le déroulement heureux de ce travail. Nous n'oublions pas M. Aïdara de la cellule de construction qui s'est révélé très attentif à nos besoins.

Nous remercions sincèrement tous nos amis et condisciples qui nous ont soutenu d'une manière ou d'une autre au cours de ce travail. Enfin, nous ne saurions terminer ces remerciements sans exprimer notre gratitude à nos parents pour leur aide matérielle et leur soutien moral ainsi qu'à toutes les personnes qui de près ou de loin ont contribué d'une quelconque façon à la mise en forme de ce travail.

INTRODUCTION

La Côte d'Ivoire, à l'instar des autres pays du monde, dispose de plusieurs types de marchés dont les marchés de détail. Ces espaces rapprochent les produits des consommateurs pour satisfaire les besoins matériels de ceux- ci. En outre, ils permettent l'insertion professionnelle des couches sociales défavorisées. Pour mieux s'inscrire dans le plan du développement, et pour éviter la catastrophe des incendies ainsi que les phénomènes de vols et d'insalubrité, les autorités administratives s'activent à construire des marchés de détail aménagés.

Cependant, malgré cet enjeu crucial, cette institution connaît de nombreuses difficultés en Côte d'Ivoire, en l'occurrence le phénomène de désertion. Ce phénomène a pris de l'ampleur dans toutes les communes de Côte d'Ivoire, particulièrement à Abidjan.

Afin de permettre une meilleure compréhension de ce fait social, nous nous proposons de porter notre étude sur le forum des marchés, situé dans la commune d'Adjamé. Notre étude s'articule autour de trois axes. Dans la première partie, il s'agit pour nous d'exposer le cadre théorique sur lequel s'appuie notre recherche. Nous posons la problématique après avoir justifié la raison essentielle qui a motivée notre étude, donné une définition du concept marché, fait une revue critique des études antérieures et une enquête exploratoire. Nous émettons par ailleurs une hypothèse, et des objectifs nous permettant sa vérification.

Au niveau du cadre méthodologique, il s'agit d'abord pour nous de préciser le cadre théorique et les techniques d'enquête utilisées pour recueillir les données nécessaires à la compréhension du phénomène de désertion. Ensuite, dans la seconde partie, nous passons à la présentation du champ de l'étude (le forum des marchés). Cette présentation permet à nos lecteurs d'avoir une idée du champ de l'étude en vue d'une meilleure compréhension de notre préoccupation et de notre choix. Enfin, nous présentons les résultats de notre recherche en nous appuyant sur le cadre théorique, le modèle d'analyse et les travaux antérieurs.

PREMIERE PARTIE: CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE

PREMIERE PARTIE: CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE

CHAPITRE I: CADRE THEORIQUE

I- JUSTIFICATION DU CHOIX DU SUJET

Notre thème général, le marché, a un intérêt capital dans le monde entier, et ce depuis l'avènement de la révolution industrielle. En effet, depuis cette époque le troc a pratiquement disparu des sociétés au profit du commerce. Les cultures de rente ont fait place aux cultures de subsistance dans la plupart des sociétés. Les échanges se font sur la base de monnaie conventionnelle; d'où la naissance de la science économique pour étudier le comportement économique des acteurs présents sur le marché.

Defalvard affirme: «un consensus s'est aujourd'hui établi pour considérer que le marché et ses mécanismes dessinent la seule voie d'accès possible au développement économique»1(*). Le marché devient alors une institution incontournable qui régit le monde. Car par le biais des échanges commerciaux, les États se constituent des devises pour asseoir une politique de développement économique et social.

Le marché de détail revêt de ce fait, un enjeu très important pour tout pays. Il est le lieu où s'effectue l'écoulement final des produits, toute production étant destinée à la consommation. Il rapproche non seulement les produits des ménages (consommateurs) pour leur fournir le bien- être matériel, mais aussi favorise la consommation à tous, à cause des prix accessibles qu'il offre aux ménages à revenu faible, et les petites quantités de marchandises qu'il leur procure. En outre, il donne l'occasion aux petits producteurs de faire la promotion de leurs produits. Il permet égamelement une insertion socio- professionnelle des personnes sans qualification professionnelle et sans moyens efficients. C'est le lieu où l'on peut se prendre en charge avec très peu de moyens.

Lorsque le marché de détail est aménagé, il offre encore plus d'atouts. Il y a la possibilité pour les autorités administratives de contrôler l'hygiène alimentaire, la qualité des produits et les prix sur ces marchés pour le bonheur des populations.

L'enjeu de disposer d'un marché de détail aménagé s'avère donc très important et s'impose aux collectives territoriales, dans un contexte de développement économique et social. Cependant, malgré cette importance, cette institution connaît de nombreuses difficultés en Côte d'Ivoire, en l'occurrence le phénomène de désertion. En effet, une fois aménagés (construits généralement en hauteur), les marchés de détail deviennent des investissements non productifs, car sous fréquentés par les vendeurs. Au même moment, on assiste à l'occupation anarchique des trottoirs, quelques fois des chaussées, par ces derniers2(*). Ce phénomène a pris de l'ampleur dans toutes les communes de Côte d'Ivoire, spécifiquement à Abidjan .

Le cas de la commune d'Adjamé faisant l'objet de notre étude a conduit la SOTRA à interrompre son trafic sur l'axe «collège Nangui Abrougoua- maternité Thérèse Houphouët Boigny», pour la ligne 143(*), parce que les vendeurs ne font même plus la différence entre le trottoir et la chaussée. Cette occupation anarchique aggrave le diagnostic des accidents de circulation, dont les vendeurs des trottoirs sont surtout les victimes.

L'intérêt de l'étude de ce phénomène est alors double. D'une part, elle enrichira la connaissance scientifique. En effet, de nombreuses études ont été faites dans le domaine du marché, particulièrement le marché de détail en Côte d'Ivoire. Cependant, il n'existe pas encore de travaux scientifiques sur le sujet de désertion des marchés de détail, surtout sous l'angle que nous voulons l'aborder; à savoir la compréhension du phénomène de désertion. D'autre part au niveau social, elle contribuera, avec les travaux antérieurs, à guider les décideurs dans l'élaboration des projets de construction des marchés de détail adéquats. Alors la collectivités territoriale en tirera de meilleurs profits, du fait des taxes qui serviront à réaliser d'autres infrastructures. En effet, dans un contexte de système capitalisme libéral ou dans un projet de développement économique et social, toute mise doit pouvoir rapporter, sinon elle n'a pas lieu d'être.

II- APPROCHE CONCEPTUELLE

Le terme essentiel que nous proposons de clarifier ici est celui de marché. Etymologiquement, ce terme est du latin «mercatus», qui signifie commerce.
Selon le dictionnaire de la langue française, dans le sens premier, c'est le lieu où des commerçants mettent en vente des marchandises, notamment des produits d'usage courant, des denrées alimentaires. Il désigne aussi la réunion des commerçants et des clients qui se rendent dans ce lieu pour acheter et pour vendre. C'est aussi ce qu'on achète en ce lieu et, par extension, dans d'autres magasins.
Le marché est aussi, en général, l'arrangement, une tractation quelconque entre plusieurs personnes.4(*)

Mesure et Sividan le définissent comme étant un lieu, une institution, ensemble des tractations d'un bien ou personnes aux humeurs fluctuantes. Ils affirment que l'idée du marché est toujours inséparable de celle d'échange volontaire entre des parties. Par ailleurs, ils rappellent les théories de certains économistes pour aller plus loin dans leurs reflexion.5(*)

Ce terme désigne en économie, l'ensemble des offres et des demandes d'un bien qui, mis en contact à un moment déterminé, provoque un échange moyennant un prix. Selon une série d'éléments, il y aura différentes formes de marchés: monopole, oligopole, monopsone, concurrence parfaite. Ces éléments peuvent être: le nombre d'acheteurs et de vendeurs qui peuvent intervenir dans l'échange, la nature du bien, le degré d'information des vendeurs et des acheteurs sur les prix et les biens, la mobilité des vendeurs et des acheteurs6(*).

En sociologie, selon Viviana Zelizer, les marchés sont «des

ensembles de relations sociales dans lesquelles les acteurs transfèrent des biens et des services

en établissant des listes prix-quantité-qualité qui gouvernent ces transferts»7(*). Bourdieu8(*) quant à lui met en place les notions de champ et d'habitus pour permettre une meilleure compréhension du marché. Il affirme donc que le marché ne peut être considéré comme la résultante d'une simple rencontre rationnelle entre offre et demande basée exclusivement sur un calcul économique, car les agents mis en jeu se trouvent dotés de capitaux culturels et économiques distincts selon leur histoire. Ces derniers définissent autant de rapports de force et de relation de pouvoir.

Les champs sont selon lui «des espaces structurés par des relations objectives entre des positions au sein desquelles interagissent des agents en fonction de leurs habitus, fruits de leurs expériences passées. Ainsi, c'est par le jeu des habitus et de la structure du champ que l'on peut comprendre comment les individus sont amenés à avoir des pratiques, faire des choix sinon rationnels du moins raisonnables».

Selon Claude Robineau, «le commerce et la monnaie sont très anciens alors que les marchés, bien que connus au néolithique, n'ont eu d'importance que tardivement. Les marchés formateurs de prix, seuls véritables constituants d'un système de marché, n'existaient pas avant le premier millénaire avant Jésus- Christ, et il devait y être suppléé par d'autres types de commerce»9(*).

Ainsi, «le marché s'inscrit, en Afrique occidentale comme le terme actuel d'une série évolutive qui va des sociétés sans marché à la société dominée par le marché de produits et de prix. Une des distinctions importantes de Bohannan et Dalton est celle entre institution des marchés en tant que lieux d'échanges et principe de l'échange par le marché»10(*).

Selon Robineau, la science économique, plus particulièrement l'économie politique se constitue sérieusement au XVIIIème siècle, au temps où l'Europe occidentale passe du capitalisme commercial manufacturier à l'industrie. Quant à la littérature anthropologique, dit- il, elle a abordé de façon sérieuse les phénomènes économiques très tardivement par rapport à d'autres thèmes, après la seconde guerre mondiale»11(*).

Aujourd'hui, en Côte d'Ivoire, on désigne par marché le lieu où des commerçants vendent des marchandises (produits d'usage courant, produits vestimentaires, cosmétiques, denrées alimentaires, etc). Il désigne également l'ensemble des provisions qu'une personne achète pour la confection d'un repas. C'est aussi les tractations quelconques entres des personnes.

Dans notre étude, nous désignons par marché, le lieu où des commerçants vendent des produits d'usage courant, les denrées alimentaires, etc. Le terme «espaces commerciaux» que nous employons dans notre sujet spécifie le type de marché que nous étudions. Il s'agit pour nous, de nous intéresser aux marchés légaux (dont l'espace a été offert par les autorités administratives, et souvent construit par celles- ci). Ce genre de marché, généralement construit de façon moderne met en relation quatre (04) types d'acteurs: les vendeurs, les consommateurs, les autorités administratives et le promoteur. Nous portons notre choix sur le forum des marchés parce qu'il regroupe ces différents acteurs.

III- PROBLEMATIQUE

«Le marché s'inscrit dans la typologie des échanges entre les individus et les groupes: réciprocité, redistribution, échange généralisé. Cette typologie est celle des formes d'intégration économique possible»12(*). En effet, les communautés humaines ont toujours pratiqué l'échange, par ricochet l'économie sous différentes formes selon les sociétés. Ainsi comme le dit Granovetter, «les actions économiques sont toujours enchâssées dans des réseaux de relation»13(*). Ces échanges ont évolué dans le temps. En Afrique, on assiste à trois grandes périodes d'échanges: les périodes pré- coloniale, coloniale et post- coloniale.

Pendant la période pré- coloniale, dans la région méridionale de Madagascar selon Fauroux14(*), l'activité économique consistait en accumulation de boeufs à travers les alliances et les activités de prédation.

La consommation reposait sur les biens produits dans le cadre lignager, mais les rapports extérieurs (minimes) n'étaient pas à négliger. Ils se présentaient comme des accords entre éleveurs autochtones et riziculteurs immigrés qui s'échangeaient les boeufs contre les produits agricoles. Ils se présentaient également comme des accords de troc entre groupes voisins qui se livraient à des activités différentes.

En Afrique centrale pré- coloniale, au Congo selon Robineau,15(*) il y avait l'économie de subsistance pour les produits abondants. Pratiquée au niveau des familles, des clans et des lignages, cette économie était compensée par des échanges entre groupes de parenté pour les produits rares, grâce aux institutions à caractère social qui organisaient les transferts de biens: circoncision, mariage, levée de deuil. Les objets en fer servaient de monnaie pour les échanges de type endogamiques. Les guerres inter- ethniques et la traite opérée par certains peuples permettaient d'élargir occasionnellement le champ des échanges.

En Afrique occidentale, selon Meillassoux,16(*) dans la région Nord du pays gouro en Côte d'Ivoire, les marchés existaient avant l'arrivée des colons. Le peuple gouro de la savane effectuait en effet des échanges avec les malinké et les baoulé. Il construisait des marchés de façon circonstancielle, où les marchands ne payaient aucun tribut. Mais, la création d'un marché donnait des prestiges sociaux et politiques au lignage par lequel il était créé. La monnaie d'échange était le sompe.17(*)

Ces échanges avaient pour but l'acquisition de biens matrimoniaux, et n'avaient aucune valeur marchande, contrairement à ce qu'ils représentaient pour les dioula.

L'étude de ces sociétés pré- coloniales est à l'origine d'une controverse entre Polanyi et Robineau. Polanyi en effet lie le marché, le commerce et la monnaie, alors que Robineau affirme qu'ils constituent des phénomènes distincts au regard de l'histoire économique, parce que le commerce et la monnaie précèdent le marché18(*).

La position de Robineau a été influencée par la distinction que fait Bohannan et Dalton concernant le marché: le marché en tant que lieu d'échange et en tant que principe d'échange.19(*) Si l'on tient compte en effet de la distinction de Bohannan et Dalton, on se rend compte que le marché en tant que lieu d'échange n'existait pas au sein de la région méridionale de Madagascar et au Congo. Mais il existait en pays Gouro. Cependant, en tant que principe d'échange, le marché existait au sein de toutes les communautés, car les échanges avec d'autres groupes se faisaient sur la base de principes qui devaient être respectés.

A partir de la période coloniale, on va assister à l'implantation des marchés en tant que lieu d'échange au sein de toutes les communautés africaines. Cette nouvelle forme d'économie dans des sociétés africaines est guidée par le système économique européen (le capitalisme), à travers l'introduction des cultures de rente. Cela est à l'origine du bouleversement des structures sociales et des modes d'échanges.

A cet effet, les travaux de Fauroux à Madagascar montrent qu'une fois les colons en place, ils cherchèrent à généraliser les rapports marchands. Pour instaurer donc la sécurité, ils mettaient en péril le mode d'accumulation qui reposait sur les vols de boeufs. Une agriculture commerciale a été développée avec l'introduction de la monnaie dans les circuits d'échange. Cependant, il souligne que les rapports marchands ne se sont jamais généralisés dans la région, à cause de certains facteurs socio- culturels tels que la non intégration de la logique marchande dans la culture des populations; les fortes ponctions à l'endroit des autochtones; la persistance de l'ancien mode d'accumulation de boeufs.

Au Congo, selon Robineau, les colons ont été les premiers à installer les marchés en construisant des boutiques. Mais les échanges ont reposé sur le troc jusqu'à la fin de la première guerre mondiale.

Selon Meillassoux, la pénétration des colons dans la région Nord du pays gouro en 1906, a bouleversé les marchés déjà existant, sur le plan politique, économique, structurel et même institutionnel. On a assisté à la construction des boutiques détenues par les colons. La vente des marchandises était désormais taxée.

La généralisation des échanges au sein de toutes les communautés humaines, débutée en Europe, accentuée à partir de la révolution industrielle, puis arrivée en Afrique à partir de la colonisation est donc à l'origine de la complexité des rapports économiques. Cela a conduit à l'évolution du concept de marché. On assiste également à la naissance de la science économique pour l'étude du comportement économique des agents, et la science de gestion pour une maximisation du profit résultant de ce comportement au sein du marché. Les lacunes de ces disciplines ont conduit à la naissance et à l'évolution de la sociologie économique. Ainsi, dans une conférence, Steiner fait l'état d'évolution de cette discipline concernant le marché depuis deux décennies20(*). En se penchant sur la méthode d'étude du marché, il se repose sur trois points essentiels, à savoir le marché comme structure sociale, les approches relationnelles du marché, théorie économique et gestion.

Considérant le marché comme une structure sociale, la nouvelle sociologie économique, selon lui, s'intéresse à l'origine de celle- ci. Ainsi, pour comprendre «la construction sociale des marchés», le sociologue économiste part à la découverte des règles de fonctionnement, de ses différentes formes et des raisons de leur évolution.

Le sociologue doit alors montrer les mécanismes de fonctionnement qui font que le marché existe sous une forme autre que ce qu'il devait être. Pour aller plus loin, Steiner affirme que le «fonctionnalisme utilitariste» ne suffit pas pour expliquer une institution. En effet, même avec les institutions marchandes, dit- il, il y a des relations sociales et politiques indispensables à la création et au fonctionnement des marchés.

Bourdieu21(*) et Fligstein22(*) abordent dans le même sens que Steiner. Ils affirment que l'intervention de l'État est nécessaire pour la création et le fonctionnement du marché. Cependant, leurs études portent sur des marchés en tant que principes d'échanges. En outre ce sont des marchés industriels des pays industrialisés. Ce postulat peut- il être admis au niveau des marchés de détail? En d'autres termes, l'intervention de l'État peut- elle garantir le succès des marchés en tant que lieu d'échanges, particulièrement les marchés de détail?

Avant 1963 le marché de Paris se tenait au centre ville de Paris, à ciel ouvert. Le général De Gaulle le déplaça à partir de 1963, et fit construire des supermarchés. Ces supermarchés ne connaissent pas l'enchantement que connaissait autrefois le marché à ciel ouvert 23(*).

En Côte d'Ivoire, après l'urbanisation, il y a eu la création des supermarchés- marchés pour l'approvisionnement du personnel expatriés et les personnes à «hauts revenus». Les marchés de détail ont été créés pour la population en majorité pauvre24(*). Poyau distingue trois types de marchés de détail en Côte d'Ivoire. Le «marché central ou grand marché», créé à la suite d'une décision étatique ou municipale. Il bénéficie d'une architecture moderne. Ensuite, le marché «intermédiaire» qui est mis en place par la population elle- même. Grâce à son importance sociale et fonctionnelle, il est toléré, maintenu, puis reconnu. Enfin, le marché «élémentaire» qui est le petit marché du quartier. Il est également créé par la population elle- même.25(*)

Poyau affirme par ailleurs que la fonction des marchés a muté au regard de leur situation actuelle. En effet, dit- elle, les marchés étaient autrefois construits à proximité des gares routières, au centre des villes. Mais cette logique de centralité et d'aménagement du territoire n'est plus respectée. Leur localisation est désormais guidée par le profit, parce qu'ils sont source de revenus importants.

Poyau se limite à la localisation et à la typologie des marchés, sans évoquer les problèmes liés à ceux- ci. A cet effet, Terpend et Kouyaté, à travers l'étude des marchés de gros d'Afrique occidentale, mettent en évidence les difficultés qu'on y rencontre. Certains problèmes sur ces marchés étant similaires à ceux des marchés de détail, nous pouvons citer quelques uns à leur suite.

Les commerçants sont confrontés à l'insuffisance du fonds de roulement, ce qui limite leurs achats, et donc leurs bénéfices. En outre, ils n'ont pas accès aux crédits bancaires, parce que les garanties demandées par les banquiers ne sont pas à leur portée.

On constate en outre le taux faible de recouvrement des taxes à l'endroit des administrateurs de marchés. Cela est dû à une faiblesse au niveau du recensement des opérateurs et du calcul de la taxe, au nomadisme de certains vendeurs, etc. Il faut noter aussi le manque de probité de certains agents chargés de recouvrement.

Quant aux consommateurs, ils ont des revenus relativement modestes. Cette situation les conduit à la recherche de produits bon marché, sans tenir compte des conditions d'hygiène. Cela a été aggravé par le chômage et le sous- emploi provoqués par la mise en vigueur du PAS et la dévaluation du franc CFA. A côté de ceux- ci, notons la faiblesse des contrôles qualitatifs effectués par l'administration, exposant les consommateurs à la consommation de produits dangereux, et à des prix excessifs non justifiés. Il y a également le faible pouvoir des associations de consommateurs. Un problème aussi significatif au niveau des consommateurs et des vendeurs est le manque de services de nettoyage et d'infrastructures sanitaires sur les marchés. Cet état d'insalubrité entraînent une précarité des conditions d'hygiène des produits et repousse certains consommateurs.26(*)

Après avoir mis en évidence les difficultés, Terpend et Kouyaté ne mentionnent rien sur le taux de fréquentation de ces marchés, en l'occurrence les marchés de détail modernes, alors que l'on constate de plus en plus la sous fréquentation de ceux- ci. En effet, Au delà des difficultés évoquées plus haut, il y a les incendies qui sont généralement à l'origine de la construction des marchés modernes, tels le marché Djê-Konan situé dans la commune de Koumassi, le grand marché de marcory, le marché belleville, le grand marché de Treichville, le forum des marchés situé dans la commune d'Adjamé, le grand marché de Divo, etc.

A Abidjan, au delà des problèmes précédemment évoqués, le fort taux de croissance démographique entraîne le manque d'infrastructures commerciales. On assiste alors à l'occupation anarchique des trottoirs et pourtours des marchés par les vendeurs. Cette occupation anarchique aggrave le constat des accidents de circulation déjà très fréquents. En effet, en 2008, on a enregistré trois mille huit cent cinquante sept cas d'accidents de circulation dont trois mille cinq cent vingt neuf cas avec évacuation. Du 1er Janvier 2009 au 23 juin 2009, on a enregistré mille trois cent soixante quatorze cas d'accidents de circulation dont mille cent quatre- vingt- quinze cas avec évacuation.27(*)

Aussi, pour répondre au besoin d'infrastructures commerciales, et pour pallier au problème d'insalubrité, d'incendie, et bien d'autres, les autorités administratives s'engagent à construire des marchés modernes en hauteur. Cependant, ces marchés ne résolvent pas les difficultés qui se présentaient au sein des marchés construits de façon précaire ou de façon basse. Aux problèmes déjà existants, il va s'ajouter le phénomène de désertion de ces espaces par les vendeurs, au profit des trottoirs et pourtours.

Le cas du forum des marchés situé dans la commune d'Adjamé est à son paroxysme. Située au centre du District d'Abidjan, cette commune abrite toutes les gares routières des villes de l'intérieur du pays et des villes de la sous région, ainsi que la gare ferroviaire. Elle a le statut de centre commercial à cause de l'engouement des populations des autres communes qu'elle suscite. Une zone du quartier «Roxy», situé à cinquante mètres du quartier «mairie 1» (où est situé le forum des marchés) est d'ailleurs appelé par certaines personnes «petit Noé»28(*).

Les trottoirs sont inexistants à Adjamé, car les vendeurs les ont pris d'assaut. Dans certains lieux tels que le boulevard Nangui- Abrogoua et l'axe «collège Nagui- Abrogoua - maternité Thérèse Houphouét Boigny», les chaussées sont également occupées par les vendeurs. Cet encombrement des trottoirs par les vendeurs a conduit la SOTRA a interrompre son trafic sur cet axe afin d'éviter les cas d'accident grave29(*). Les opérations de déguerpissement effectuées par les autorités administratives y ont toujours été sans succès.

Le besoin d'infrastructures commerciales et les incendies à répétition (en 1989 et en 1993) que connaissait le grand marché d'Adjamé (marché central de la commune précédemment construit de façon basse) ont donc conduit les autorités municipales à construire le forum des marchés à deux niveaux30(*).

Tous les vendeurs cependant n'étaient pas consentants pour ce projet (les moins nantis), parce qu'ils se voyaient exclus du champ économique. La municipalité a pris alors l'engagement d'intégrer tous les vendeurs de l'ancien marché. Ils y seraient prioritaires. Elle leur a même promis des facilités de paiement des places. La mairie a procédé à cet effet au recensement de ces vendeurs. Pour réussir l'oeuvre, la mairie a associé le ministère de la construction et de l'urbanisme pour le suivi des travaux de construction, confiés à un promoteur (la SICG).

Pendant les travaux de construction, le promoteur a demandé aux souscripteurs de verser la somme de 350000 F CFA pour une table de produits alimentaires; 450000 F CFA pour un box et 1000000 de F CFA pour un magasin. Ceux qui le pouvaient s'en sont acquittés sans trop de réticence. L'engouement était si fort que toutes les places ont été achetées. Certains demandeurs n'ont pu en trouver31(*). Mais, une fois le marché achevé et inauguré, les box ont été progressivement vidés par les vendeurs. Au même moment, on assiste à l'occupation anarchique des trottoirs et pourtours par ces derniers, notamment ceux des box.

En effet, le forum des marchés est consacré à la vente de plusieurs marchandises, et comprend trois types de places: les magasins ou galeries, les box et les tables pour les produits alimentaires. Les magasins et les tables de denrées alimentaires sont situés au rez- de chaussée, et les box sont situés au premier et au deuxième étage. Tous les magasins sont occupés. Quant aux places pour les denrées alimentaires, environ vingt cinq pour cent de l'espace sert d'entrepôt32(*) (pour les bananes et la volaille généralement), à cause du manque d'éclairage33(*). Le premier étage est occupé en moyenne à soixante pour cent, tandis que le deuxième étage est entièrement désert34(*).

Ce constat suscite une question fondamentale. Pourquoi le forum des marchés est-il désert alors que toutes les places y ont été achetés, et qu'au même moment, l'on assiste à l'occupation anarchique des trottoirs et pourtours par les vendeurs? Cette préoccupation fondamentale mérite une clarification en vue d'appréhender cette réalité sociale.

Pourquoi les vendeurs demeurent- ils à l'extérieur du forum des marchés, malgré les opérations de déguerpissement constamment pratiquées, et en dépit des intempéries et des risques d'accident auxquels ils sont exposés? En d'autres termes, quelles sont les logiques qui sous-tendent le comportement et l'attitude des vendeurs du forum des marchés, au point de résister à toute sorte de pression, et de s'exposer à des risques d'accident?

En effet, le 25 Février 2007 aux alentours de 8 heures du matin, un autobus de la SOTRA immatriculé 3717SR81 (7249-8), en provenance de la gare Nord, et en partance pour Marcory a connu un «grave» accident. Cela c'est produit sur le boulevard Nangui Abrogoua, juste au niveau du forum des marchés, lorsque les freins du véhicule ont lâché. Cet accident a causé la mort de cinq vendeuses au niveau des trottoirs et plusieurs blessés.35(*)

Comment sont menées les opérations de déguerpissement?

Toute activité commerciale étant guidée par la conquête de la clientèle en vue de l'obtention d'une marge bénéficiaire importante, quelles sont les habitudes d'approvisionnement de la population qui guident le comportement des vendeurs du forum des marchés?

Afin de trouver des réponses à ces interrogations, il convient de fixer les objectifs de recherche.

IV- OBJECTIFS DE RECHERCHE

IV- 1- Objectif général

A travers cette étude, nous voulons comprendre les raisons qui font que le forum des marchés est désert alors que toutes les places y ont été achetées, et qu'au même moment les pourtours et les trottoirs sont engorgés de vendeurs.

IV- 2- Objectifs spécifiques

1- Saisir les logiques qui fondent le comportement et l'attitude des vendeurs du forum des marchés d'Adjamé.

2- Cerner la façon dont sont pratiquées les opérations de déguerpissement.

3- Dégager les habitudes d'approvisionnement des consommateurs.

V- HYPOTHESE ET MODELE D'ANALYSE

V- 1- Hypothèse

La structure architecturale du marché, les conditions d'attribution des places et les habitudes d'approvisionnement des consommateurs amènent les vendeurs à s'installer sur les trottoirs et les pourtours du forum des marchés.

V- 2- Modèle d'analyse

A cette étape, il s'agit pour nous de rendre opératoires (empiriquement observable) les termes clés de l'hypothèse qui sont «structure architecturale du marché» , «conditions d'attribution des places» et «habitudes d'approvisionnement».

La structure architecturale pose des problèmes tant au niveau des vendeurs qu'au niveau des consommateurs. Au niveau des consommateurs, il y a une dimension culturelle. En effet, les ivoiriens ne sont pas habitués aux constructions en hauteur, par conséquent, ils pratiquent moins le forum des marchés parce qu'il est construit en R+ 2. Outre cet aspect, il y a les bousculades liées aux allées restreintes. Les consommateurs préfèrent donc rester sur les périphéries (pourtours et trottoirs) pour avoir de l'aisance dans leurs courses.

Au niveau des vendeurs, leur comportement face à la structure du marché a une dimension économique. En effet, les vendeurs se voient être dans un lieu clos qui limitent leur conquête de la clientèle. Leur comportement est similaire à celui des commerçants «dioula» pendant la période pré- coloniale. En fait, à cette époque, les commerçants dioula se déplaçaient avec les produits vers les pays gouro et baoulé dans le but de se rapprocher des clients afin de mieux les traquer. Les commerçants ayant acquis une telle attitude depuis le début des échanges marchands, se sentent comme dans un enclos à l'intérieur d'un marché construit en hauteur. Ils se trouvent «isolés», loin des clients potentiels, d'autant plus qu'ils considèrent les «passants» comme étant les meilleurs clients. La conquête des clients amène donc les vendeurs à s'installer sur les pourtours, voir les trottoirs en bravant toute sorte d'obstacles et intempérie.

Les conditions d'attribution des places doivent être comprises comme les moyens à mobiliser (ou les capitaux nécessaires) pour avoir accès à une ou des places. Elles revêtent une dimension économique. En effet, lors de l'attribution des places, les promesses faites par la mairie aux vendeurs (pour les amener à accepter la construction du forum des marchés), à savoir la priorité de la demande des places accordée aux vendeurs de l'ancien marché; permettre le paiement échelonné des places sans délai à ces derniers, n'ont pas été respectées. La priorité a plutôt été accordée aux personnes possédant de puissants capitaux économiques. Le promoteur a même demandé aux vendeurs de verser le montant des places pendant la réalisation des travaux. Ainsi, la plupart des vendeurs de l'ancien marché n'ont pu obtenir de place, et des non commerçants en ont acheté une grande partie. Les vendeurs moins nantis de l'ancien marché n'ayant pu obtenir de place à l'intérieur du marché se sont repliés sur les trottoirs et les pourtours, et autour d'eux ce sont agrippés les nouveaux venus.

Les habitudes d'approvisionnement des consommateurs revêtent deux dimensions: une dimension économique et une dimension culturelle. Le pouvoir d'achat faible des consommateurs les amène à rechercher constamment les articles bon marché, sans se soucier de leur qualité. La dimension culturelle est que les constructions en hauteur ne font pas partie de la culture de l'ivoirien, par conséquent, il fréquente moins les marchés construits en hauteur, en l'occurrence le forum des marchés d'Adjamé.

VI- METHODE D'ANALYSE

A ce niveau, il s'agit pour nous de préciser le chemin que nous voulons emprunter pour parvenir à la connaissance scientifique, à la vérification de notre hypothèse. A cet effet, nous optons pour l'individualisme méthodologique.

Agrégation des actions individuelles selon la formule de Raymond Boudon :

M = M(m[S(M')])

Tout phénomène social M est une fonction d'agrégation des actions individuelles m

dépendant de la structure de la situation S dans laquelle se trouvent les acteurs, elle-même affectée par des données macro sociales M'.

Ce paradigme nous permet donc d'identifier la structure sociale qu'ont construit les réalisateurs du forum des marchés, à travers les différentes actions qu'ils ont menées à chaque niveau du projet.

En outre, nous analysons l'habitude d'approvisionnement des consommateurs liée à leur histoire et leur niveau économique. A partir de ces analyses, nous voyons ce que ces comportements imposent aux vendeurs comme stratégies commerciales.

CHAPITRE II: CADRE METHODOLOGIQUE

I- DELIMITATION DU CHAMP DE L'ETUDE

I- 1- Champ géographique

Le forum des marchés qui fait l'objet de notre étude est situé dans la commune d'Adjamé; elle- même située dans le district d'Abidjan. Cette commune est au centre du district, et sa position géographique lui donne le statut de commune gare. En effet, c'est la commune où se trouvent toutes les gares routières des villes de l'intérieur du pays ainsi que des pays de la sous région. C'est également la commune qui abrite les produits vivriers. A partir d'Adjamé se fait la distribution de la grande partie des denrées alimentaires: plantains, légumes, fruits, etc. Cette réalité fait de cette commune, un centre commercial. Ainsi, de l'INSP jusqu'à Williamsville en passant par les deux cent vingt logements tous les trottoirs sont occupés par les vendeurs.

Adjamé compte dix- neuf quartiers. Le forum des marchés est situé dans le quartier mairie 1, en bordure du boulevard Nangui Abrogoua, à cent mètres de la mairie. Cet espace est le plus pratiqué en matière de commerce, par conséquent, la position géographique du forum ne cause aucun problème d'accès aux consommateurs.

Le forum des marchés a une superficie d'un hectare et demi soit seize mille onze mètres carré, et une capacité de treize mille places. C'est un marché à deux niveaux. Le rez- de- chaussée abrite les magasins et les tables pour denrées alimentaires. Le premier et le deuxième étage sont occupés par les box (espace moins vaste qu'un magasin) réservés à la vente de chaussures, vêtements, bijoux, produits cosmétique, pagnes, etc.

Il y a aussi les pourtours du forum des marchés ainsi que les trottoirs du boulevard Nangui- Abrogoua qui interviennent dans notre champ géographique d'étude. Ce sont les trottoirs situés de part et d'autre des chaussées du boulevard Nangui Abrogoua, l'espace entre le centre commercial36(*) et la mairie d'Adjamé.

I-2- Champ sociologique

Cette étape consiste à préciser les personnes que nous allons interroger, afin de saisir le phénomène de désertion. Cette étude s'inscrivant dans le paradigme interactionniste, nous interrogeons des personnes qui sont en rapport avec la réalité sociale que nous étudions.

Le forum des marchés est consacré à la vente de plusieurs types de marchandises. En outre, il comprend trois types de place: les magasins ou galeries, les box et les tables. Nous portons notre choix sur les box, parce que c'est la partie qui est en général peu occupée, aussi bien au forum des marchés de la commune d'Adjamé que dans les marchés aménagés des autres communes37(*). En effet, au forum des marchés d'Adjamé, au premier étage, sur quatre quartiers, il n'y a que le quartier 2 et le quartier 3 qui sont occupés respectivement à quatre vingt dix- neuf pour cent et soixante pour cent, le quartier 1 et le quartier 4 sont très peu occupés. Quant au deuxième étage, il est totalement désert.

En ce qui concerne les différents types de vendeurs, nous nous intéressons aux vendeurs de chaussures et de vêtements de tout genre. Ce type de vendeurs occupent les trottoirs en majorité. En outre, ils ont été prévus dans le plan de répartition des places.

Nous interrogeons donc des vendeurs de chaussures ou de vêtements installés à l'intérieur du forum des marchés et ceux installés sur les pourtours et les trottoirs du boulevard Nangui Abrogoua. Ces derniers doivent avoir pratiqué le commerce dans l'ancien marché ou depuis l'inauguration du forum des marchés (en 2000), donc avoir au moins huit années d'expérience de vente au forum des marchés ou sur les pourtours et trottoirs du boulevard Nangui Abrogoua. Ils doivent aussi être propriétaires des articles qu'ils vendent. En effet, c'est auprès de ces personnes que nous pouvons savoir comment le projet a été accueilli et perçu. Ils aident également à comprendre les conditions d'attribution des places puisqu'ils seraient souscripteurs depuis le début.

Les caractéristiques biologiques tels que l'âge et le sexe ne sont pas prises en compte, car tous les vendeurs poursuivent le même but quels que soient l'âge et le sexe. Par conséquent, ils adoptent les mêmes stratégies pour conquérir le client. Cependant, nous nous intéressons à la religion ainsi qu'à la nationalité de chacun des enquêtés pour comprendre la corrélation qui peut exister entre la religion, la nationalité et des pesanteurs sociales comme le respect des institutions, la recherche de biens matériels ou le train de vie38(*).

Nous négligeons également les variables sociologiques telles que la situation matrimoniale, le niveau d'instruction, le lieu de résidence, etc, car quelques soient les caractéristiques sociologiques, l'être humain est caractérisé par la recherche effrénée d'un mieux- être, seul la religion peut freiner son élan.

Nous interrogeons alors tout vendeur installé à l'intérieur du forum des marchés comme à l'extérieur, de sexe féminin ou masculin, propriétaire des étalages, vendant au forum des marchés depuis au moins huit ans, et acceptant de se prêter à notre entretien.

En dehors des vendeurs, nous interrogeons les consommateurs du forum des marchés, afin de comprendre leur habitude d'approvisionnement et nous permettre ainsi une meilleure compréhension du comportement des vendeurs. Nous interrogeons toute personne étant de passage ou faisant des courses au forum des marchés, sans y être vendeurs.

Nous interrogeons par ailleurs le personnel des services de la mairie d'Adjamé qui sont intervenus directement dans la construction et ceux qui interviennent dans la gestion du marché. Nous interrogeons également le promoteur pour comprendre sa politique de construction et d'attribution des places, afin de saisir le lien que cela a avec le comportement des vendeurs.

II- TECHNIQUES DE COLLECTE DES DONNEES

II-1- La recherche documentaire

Notre champ d'étude n'étant pas vierge, nous avons eu recours aux travaux antérieurs afin de nous imprégner de l'état d'avancement scientifique de celui- ci.

Cette phase nous a permis d'avoir des connaissances générales sur le sujet. Elle nous a permis de mieux poser notre problématique et les hypothèses de recherche.

Vu l'intérêt de cette étape, nous nous sommes inscrite dans certaines bibliothèques, notamment la bibliothèque de l'IES et celle de l'IRD. La bibliothèque de l'IES nous a permis d'avoir accès aux mémoires et aux thèses qui ont été réalisés dans le domaine du marché. Nous avons aussi pu consulter des ouvrages de Meillassoux et Robineau. Ils nous ont permis d'avoir des connaissances générales sur l'économie des sociétés africaines pré- coloniales. Certains encore, notamment la thèse de Djédjé et le mémoire de Aman Koffi Félix nous ont aidé dans la présentation des résultats. Nous y avons aussi consulté les encyclopédies et dictionnaires des sciences sociales pour la définition du concept de marché.

À L' IRD également, en plus des mémoires qui nous aidé pour l'élaboration de la problématique et pour la présentation des résultats, nous avons eu accès au cahier des Sciences Humaines, volume 30, numéro 1- 2, qui contient les travaux de Claude Robineau. qui nous a aidée à la définition du concept de marché.

Ces bibliothèques ne pouvant nous satisfaire pleinement, nous avons eu régulièrement recours à l'internet.

II-2- L'entretien

L'entretien proprement dit a été précédé de l'enquête exploratoire et de la pré- enquête.

II- 2- 1- L'enquête exploratoire du marché et de la mairie

Comme son nom l'indique, c'est l'étape où nous avons exploré le terrain pour identifier les différents obstacles auxquels nous serions confrontée, et nous assurer de la faisabilité de notre étude. Nous avons également établi un contact avec les acteurs pouvant favoriser le déroulement aisé de notre étude. En outre, cette phase nous a permis de nous imprégner des réalités du terrain, afin de mieux poser la problématique, mieux définir l'hypothèse de recherche et trouver les indicateurs nous permettant de construire le modèle d'analyse. Elle s'est déroulée sur plusieurs jours.

Pour commencer, sur les conseils d'un agent de la cellule chargée de l'occupation du marché, nous avons adressé une demande d'autorisation de recherche à Monsieur le maire de la commune d'Adjamé. L'autorisation accordée, nous avons interrogé des agents des différents services de la mairie (intervenant dans notre cadre d'étude) sans difficultés.

II- 2- 2- La pré- enquête des vendeurs et des consommateurs

Cette phase a été pour nous le moment où nous avons testé nos guides d'entretien. Nous avons pour ce faire interrogé huit vendeurs de chaussures et de vêtements afin de mieux élucider nos questions en vue d'obtenir les réponses attendues. Les vendeurs interrogés sont répartis comme suit: trois vendeurs installés à l'intérieur du marché, deux vendeurs installés sur les pourtours et trois vendeurs installés sur les trottoirs du boulevard Nangui Abrogoua. A ce niveau, nous avons déniché un vendeur installé à l'intérieur du marché dont les informations nous ont aidée à l'élaboration du guide d'entretien adressé à la mairie d'Adjamé. Nous avons posé à ce dernier des questions un peu particulières auxquelles nous n'avons pu trouver de réponse auprès des autres vendeurs.

Au niveau des consommateurs, nous avons interrogé cinq personnes. Cela nous a permis de corriger et d'ajouter d'autres questions afin de saisir le sens de leurs actions.

II- 2- 3- L'entretien proprement dit

La sociologie se basant sur des faits observables, cette phase nous a permis de saisir le phénomène de la désertion de façon empirique, à travers un entretien avec des vendeurs, des consommateurs, le promoteur et des agents des services de la mairie d'Adjamé.

Nous avons interrogé vingt vendeurs: cinq vendeurs à l'intérieur du marché, six vendeurs sur les pourtours et neuf vendeurs installés sur les trottoirs du boulevard Nangui Abrogoua. Par ailleurs nous avons interrogé dix consommateurs du forum des marchés en nous positionnant au rez- de- chaussée du marché.

La logique qui sous- tend notre choix sur le nombre de vendeurs interrogés pour chaque type de vendeurs est que ceux installés à l'extérieur du forum des marchés sont ceux qui peuvent nous aider à une meilleure compréhension du phénomène de désertion. Cependant, ceux installés à l'intérieur du forum des marchés enrichissent la connaissance à travers les raisons qui les maintiennent dans le marché.

Nos guides d'entretien se composent essentiellement de questions non directives afin de laisser les enquêtés donner toutes les informations pouvant nous aider à comprendre leur comportement. A cet effet, l'entretien avec les vendeurs s'est effectué sur deux semaines, et celui avec les consommateurs sur cinq jours. Quant à l'entretien avec les différents services de la mairie, il s'est déroulé sur deux mois, parce que nous les découvrions au fur et à mesure que nous avancions dans nos recherches.

Nous ouvrons une lucarne pour dire qu'après l'entretien avec les vendeurs et les consommateurs, nous avons procédé à un dépouillement manuel, notre étude étant essentiellement qualificative.

II- 3- L'observation directe

Cette phase nous a permis d'observer le comportement des vendeurs et des consommateurs du forum des marchés afin de vérifier la véracité de leurs dires, ainsi que les stratégies adoptées par les vendeurs pour conquérir les clients. Nous avons en outre observé le comportement des enquêtés des différents services de la mairie que nous avons interrogés.

Nous avons également visité les marchés de Koumassi et de Treichville pour voir leur degré d'occupation, ainsi que les marchés d'Abobo et de Gonzagueville pour comprendre comment ils fonctionnent.

III- LES DIFFICULTES RENCONTREES

Notre difficulté majeure s'est située au niveau de l'entretien avec les vendeurs. Nous avons été confrontée à la réticence de ceux- ci. Pour ce faire, nous nous sommes par moment constituée en client.

Certains consommateurs non plus ne nous ont pas fait bon accueil. Mais nous nous sommes armée de courage pour aller jusqu'au terme de notre entretien. C'est ce qui explique la durée de l'entretien avec les consommateurs.

Une autre difficulté majeure a été l'accès aux ouvrages. Malgré notre abonnement dans les bibliothèques des sciences sociales, nous n'avons pu obtenir tous les ouvrages nécessaires pour construire notre problématique, en particulier les ouvrages sur les marchés traditionnels de l'Europe. Nous avons même consulté les fichiers de la bibliothèque du CERAP, mais nous n'avons pu trouver de document portant sur les marchés traditionnels de l'Europe (cela nous aurait permis de faire une comparaison des marchés traditionnels de l'Europe avec ceux de l'Afrique). Nous nous sommes alors contentée d'un documentaire sur le marché de Paris, présenté par France 24 pour donner un aperçu de celui- ci. Ce même problème nous a amenée à avoir régulièrement recours à l'internet.

DEUXIEME PARTIE: ORGANISATION ET FONCTIONNEMENT DU FORUM DES MARCHES

DEUXIEME PARTIE: ORGANISATION ET FONCTIONNEMENT DU FORUM DES MARCHES

I- PRESENTATION DE LA COMMUNE D'ADJAME

I- 1- Historique de la commune d'Adjamé

Adjamé est un quartier du District d'Abidjan, et le nom signifie "la rencontre" ou "le centre" en tchaman. Adjamé est la capitale des bidjan peuple originaire d'Abidjan composé de: Adjamé, Attécoubé, Agban, Anoumanbo (actuellement dans la commune de Marcory), Locodjro, bidjan Santè et Bidjan Cocoly (actuel Cocody). La signification Bidjan tire son origine du fait que ce peuple installé dans une zone verdoyante pratiquait la cueillette des plantes qu'on appelle "m'bi".

Nangui Abrogoua était l'un des chefs Ebrié (Tchaman - peuple ivoirien autochtone vivant au bord de la lagune du même nom). Né vers 1848 et mort vers 1938 à Abidjan, Nangui Abrogoua était un chef terrien vivant sur la presqu'île de Boulay , mais originaire du village d'Adjamé. Il a joué un rôle important dans les négociations avec les colons français pour les droits terriens du peuple Djemian. Les djemian (aussi appelé Agbou djemian, Koutoukou djemian) sont un peuple valeureux, travailleur, guerrier. Ils se sont déplacés successivement de l'actuel Zoo d'Abidjan, aux rives de l'actuelle commune du Plateau en passant par l'emplacement actuel du stade Félix Houphouët-Boigny enfin à s'établir définitivement au coeur de la commune d'Adjamé jusqu'à ce jour.

Nangui Abrogoua était un chef de famille, père d'une vingtaine d'enfants et membre de la génération Dougbo. Aujourd'hui encore l'un de ses petits-enfants assure la fonction de chef de la communauté djemian. L'un des grands boulevard du District d'Abidjan porte son nom39(*).

Par ailleurs, c'est à Adjamé que se situe la plus vieille souche abidjanaise. Tandis que les colons s'installaient au plateau, les premiers migrants, venus travailler sur le chantier de la voie ferrée, construisirent leurs cases à proximité du village d'Adjamé. Cette commune est aujourd'hui un centre de négoce intense où les commerçants malinké, libanais, mauritaniens, etc, se sont rapidement installés. Elle est également le lieu de la plus importante gare routière du pays à partir de laquelle les lignes des autocars irriguent tout le pays ainsi que les pays voisins.

I- 2- Situation géographique de la commune d'Adjamé

Comme à l'origine, ce qui explique son nom, la commune d'Adjamé est située au centre du district d'Abidjan. Elle est limitée par les communes du plateau, Attécoubé, Cocody et Abobo. Elle a une superficie de mille deux cent dix hectares, et une population de deux cent cinquante mille habitants la nuit. Mais la journée, elle abrite plus de deux millions de personnes, en raison de sa vocation commerciale et de sa situation géographique40(*). Aussi, elle abrite la majorité des gares de l'intérieur et de la sous région. Elle compte officiellement neuf marchés dont le plus grand est le forum des marchés. Cependant, le commerce s'est développé dans toutes les contrées sans exception.

Cette commune abrite généralement les personnes à faible revenu, car les prix des habitations y sont très abordables, en raison de leur construction (des «cours communes»41(*), généralement).

I- 3- Les dirigeants de la commune d'Adjamé

A l'instar de toutes les communes, la commune d'Adjamé est sous l'autorité d'un maire. Plusieurs maires se sont succédés à la tête de celle- ci depuis 1980, et l'actuel est Youssouf Sylla. Celui qui l'a précédé est Amondji Pierre qui fut lui aussi précédé par Dembélé Lacina.

I- 4- Les réalisations de la commune d'Adjamé

D'importantes infrastructures ont été réalisées au sein de cette commune, malgré les nombreuses difficultés qu'elle connaît.

elle comprend:

I- 4- 1- Une Université

L'Université d'Abobo- Adjamé est issue des trois centres universitaires, qui étaient affiliés à l'Université nationale de Côte d'Ivoire (1971), dont l'origine remonte à la création du Centre d'enseignement supérieur d'Abidjan en 1958. Il est dirigé par Étienne Ehouan ÉHILÉ.

I- 4- 2- L'INSP

L'INSP est situé à environ cinquante mètres de la mairie d'Adjamé, à proximité de la commune du plateau. Il constitue l'un des instituts de santé de dernier recours du District d'Abidjan.

I- 4- 3- Des établissements scolaires

Au nombre des établissements scolaires de la commune d'Adjamé, nous notons le lycée moderne d'Adjamé, au départ collège moderne. Il y a aussi le lycée moderne Harris et le lycée moderne Nangui Abrogoua. Les élèves affectés dans ces différents établissements sont issus de diverses communes. En dehors des établissements secondaires publics de l'enseignement, il y a des établissements privés tels que l'IMST, l'IST, le collège Victor Hugo, le collège Victor Schoelcher, ISCA, etc. Notons également les écoles primaires publiques et privées.

I- 5- Les difficultés de la commune d'Adjamé

Les problèmes majeurs que l'on rencontre dans la commune d'Adjamé sont: l'occupation anarchique des trottoirs par les vendeurs, l'insécurité et l'insalubrité.

I- 5- 1- L'occupation anarchique des trottoirs

La circulation est pénible dans la commune d'Adjamé, quelque soit la voie empruntée. Cela est dû à l'insuffisance d'infrastructure routière, mais aussi au fait que les trottoirs et les pourtours soient occupés de façon anarchique par les vendeurs. Le boulevard Nangui Abrogoua compte quatre Chaussées et deux trottoirs. Deux chaussées au centre sont réservées à la circulation des autobus et une chaussée à chaque extrémité réservée à la circulation des autres véhicules. Cependant, la circulation est presqu'impossible sur les deux chaussées de l'extrémité, tant les vendeurs les ont assaillies. Ils sont installés de part et d'autre des chaussées, gênant souvent la circulation des autobus et empêchant celle des autres véhicules42(*).

A la Renault, en plus de l'occupation anarchique des trottoirs par les vendeurs, il y a la circulation imprudente des chauffeurs de «gbaka»43(*). Ces deux phénomènes associés peuvent conduire le voyageur ou l'automobiliste à y passer une heure, au lieu de cinq minute environ. Ce scénario est similaire sur toutes les voies de la commune d'Adjamé.

I- 5-2- L'insécurité

Des personnes sont souvent agressées et dépouillées de leurs biens à Adjamé. Cela amène les personnes à haut revenu à ne pas la fréquenter. Cependant, à cause du fait que les prix des articles y sont très abordables par rapport aux autres communes du District, et à cause du niveau de vie généralement faible de la population, les marchés d'Adjamé connaissent un grand engouement.

I- 5- 3- L'insalubrité

L'autre mal dont souffre la commune d'Adjamé est l'insalubrité. Adjamé est l'une des communes du District d'Abidjan réputée pour son état d'insalubrité, en raison de son statut commercial.

II- PRESENTATION DU FORUM DES MARCHES

II- 1- Historique du forum des marchés

Le lieu qui abrite le forum des marchés abritait le grand marché d'Adjamé. La volonté de reconstruire ce marché est venue des suites des incendies à répétition que connaissait le grand marché. En effet, en 1989 et en 1993, le grand marché d'Adjamé a connu des incendies qui ont fait le malheur des vendeurs. Les constructions s'étant dégradées, et pour éviter de telles catastrophes, Monsieur Dembélé Lacina, alors maire prend l'initiative de le reconstruire. Les travaux de construction ont commencé après son mandat, en 1997 sous le mandat de Monsieur Amondji Pierre, qui signa le contrat de construction avec la SICG.

II- 2- Situation géographique du forum des marchés

Le forum ses marchés est situé dans le quartier «mairie 1» de la commune d'Adjamé. Il a une superficie de seize mille onze mètres carré. Il est situé en face du commissariat du troisième arrondissement, à cinquante mètres de la mairie d'Adjamé en venant de la commune du Plateau, en bordure du boulevard Nangui Abrogoua.

II- 3- Description du forum des marchés

Le forum des marchés constitue le plus important des neuf marchés de la commune d'Adjamé. Il est construit en deux étages44(*) avec une capacité de treize mille places. Il est composé de trois types de places: les magasins ou galeries, les box et les tables des denrées alimentaires. Le premier et le deuxième étage sont divisés en quartier, au nombre de neuf. Chaque quartier est divisé en parcelle, au nombre de quatorze, comprenant en moyenne quatre- vingt cinq box. Le premier étage a une superficie totale d'environ seize mille mètre carré. Il comprend cinq quartiers occupés en moyenne à soixante pour cent. Le deuxième étage quant à lui a quatorze mille mètre carré de superficie, et comprend quatre quartiers entièrement déserts.

Au rez- de- chaussée, nous avons une aire de vente de seize mille mètres carré qui abrite les magasins et les tables de denrées alimentaires. Cet espace abrite également des locaux poubelles, des bureaux de la SICG, quatre banques, une pharmacie.

Le forum des marchés présente huit entrées au niveau du premier étage, celles- ci font une ouverture sur le deuxième étage.

L'effectif du public susceptible d'être admis étant estimé à quinze mille personnes, l'établissement est à classer en première catégorie de type M, conformément à l'article 19 du décret n° 79-12 du 10 Janvier 1979, relatif à la protection contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public et de l'article GN1 de l'arrêté n° 292/ SAPC du 10 Décembre 1985, portant règlement de sécurité dans les établissements recevant du public (disposition générale)45(*).

II- 4- Fonctionnement

Le premier responsable du forum des marchés d'Adjamé est le maire (Youssouf Sylla). Il est aidé dans sa tâche par son Secrétaire Général. Afin de mener à bien la création et la gestion de cette importante infrastructure, plusieurs services ont été mobilisés et créés. Il y a ainsi les services techniques qui regroupent divers services, la régie des taxes, le service qui veille à l'occupation des places et au règlement des litiges (relatifs aux acquéreurs des places du forum des marchés), et un cabinet juridique. Le service qui s'occupe de l'occupation des places et du règlement des litiges a été créé après le retrait de le gestion du marché au promoteur. La régie des taxes également a commencé à encaisser les taxes du forum des marchés après constatation du non reversement de la quote part de la mairie. Ces deux services sont donc circonstanciels.

Au delà de ces différents services, il y a la commission nationale qui veille à la sécurité du forum des marchés à cause de son importance structurale.

II- 4- 1- Le département des services techniques

C'est un département qui regroupe en son sein sept services. Il a à sa tête le Directeur Technique, dont les attributions (au nombre de dix) sont déterminées sous l'autorité du Secrétaire Général. Les différents services ont chacun un responsable et des collaborateurs. Nous avons ainsi:

II- 4- 1- 1- Le service de la gestion du personnel et du

matériel des services techniques

Il a pour missions essentielles l'identification de tout le personnel, le mouvement du personnel (congé et permutation), ainsi que le contrôle de présence. Par ailleurs, il contrôle les rapports d'activités de tous les services, il sanctionne; mais aussi récompense le personnel. En outre, il gère le secrétariat, les fournitures de bureaux, les courriers, le gardiennage, l'entretien des locaux.

II- 4- 1- 2- Le service parc- autos et abris

Il comprend deux cellules: la cellule parc- autos et la cellule abris

II- 4- 1- 2- 1- La cellule parc- autos

Elle a pour fonctions essentielles le recensement de tous les véhicules. Elle s'occupe aussi de leur situation administrative et de leur affectation. Elle contrôle également l'utilisation des véhicules, ainsi que leur suivi et leur entretien. Elle se charge par ailleurs de la location du car de la commune.

II- 4- 1- 2- 2- La cellule abris

Cette dernière se charge de la programmation de la location des abris, de l'entretien et de la pose.

II- 4- 1- 3- Le service du domaine et construction

Ce service est également divisé en deux cellules: la cellule du domaine et la cellule de la construction.

II- 4- 1- 3- 1- La cellule du domaine

Elle se charge de la recherche et de la mise à jour des plans (urbanisme, cadastre,...). Elle contrôle les lotissements et les occupations illicites. Elle recense et confectionne les dossiers des terrains de la commune. Elle s'occupe également de la documentation et de la relation avec le ministère de tutelle.

II- 4- 1- 3- 2- La cellule construction

Elle s'occupe de l'étude des projets avec établissement de dossiers techniques. Elle établit la relation avec le ministère de tutelle, suit et contrôle les travaux de construction de la mairie. Pour les travaux des tiers, elle vérifie l'autorisation de construire et délivre les visas. Elle assure aussi les pénalités (mise en demeure, démolition, etc.), ainsi que la protection civile.

II- 4- 1- 4- Le service voirie réseaux divers et transport

Ce service comprend aussi deux cellules: la cellule voirie réseaux divers et la cellule transport

II- 4- 1- 4- 1- La cellule voirie réseaux divers

Elle comprend douze agents. Son rôle est d'identifier et de recenser les voies (plans de voirie). Elle étudie les projets, suit et contrôle les travaux. Par ailleurs, elle assure l'entretien routier et le désencombrement des voies. Elle entretien également les réseaux d'assainissement (eaux usées) en relation avec la SODECI, et est aussi en relation avec la CIE pour l'éclairage public.

II- 4- 1- 4- 2- La cellule transport

Elle comprend en son sein six agents, délivre l'autorisation des titres; créé, gère et contrôle les gares. Elle est aussi en relation avec le ministère du transport et les syndicats des transporteurs.

II- 4- 1- 5- Le service d'hygiène

Il est subdivisé en quatre cellules: Nord, Sud, Est, Ouest; ayant toutes le même rôle. Elles ont chacune pour mission l'information, la sensibilisation et l'éducation de la population. Elles contrôlent l'hygiène du milieu; suivent l'hygiène alimentaire et établissent des fichiers. Elles contrôlent également les hôtels et les infirmeries. Elles effectuent des opérations de désinsectisation et de dératisation.

II- 4- 1- 6- Le service des marchés

Il a pour rôle l'identification, le recensement, l'entretien et le contrôle sanitaires des marchés.

II- 4- 1- 7- Le service parcs et jardins

Il est chargé de la création et de l'entretien des jardins.

Chacun de ces services et cellules rédige un rapport d'activités chaque mois.

Parmi ceux- ci, il y a trois qui interviennent directement dans le fonctionnement du forum des marchés, et qui ont fait l'objet de nos visites. Ce sont: le service du domaine et construction, le service de la voirie réseaux divers et transport, et le service des marchés.

II- 4- 2- Le service qui veille à l'occupation des places et du règlement

des conflits

Il a pour responsable l'attaché du cabinet du maire. Sa mission essentielle est de veiller à l'occupation des places et du règlement des litiges entre les acquéreurs. Le contrat signé entre la mairie et les souscripteurs stipule que les acquéreurs qui ne mettront pas leur place en exploitation se les verront retirer. Ce service est sous l'autorité de l'attaché du cabinet du maire qui travaille avec des collaborateurs au nombre de quatre.

II- 4- 3- La régie des taxes

C'est une cellule des services financiers de la mairie d'Adjamé. Elle est sous l'autorité de la direction financière, cette dernière est elle- même sous l'autorité du Secrétaire Général. La cellule régie des taxes a pour responsable le régisseur qui travaille avec des collaborateurs qui sont les collecteurs et les contrôleurs ou incitateurs.

Les contrôleurs et les collecteurs ont chacun à leur tête un chef qui est en collaboration directe avec le régisseur. Il existe deux types de collecteurs: les collecteurs de bureau et ceux de terrain. Les collecteurs de bureau se chargent de la vente des timbres communaux; tandis que les collecteurs de terrain placent les tickets de droit de place sur les étables46(*). Chaque collecteur de terrain a une zone où il travaille. Cette zone n'est pas figée, le collecteur peut être muté du jour au lendemain dans une autre zone.

Quant aux contrôleurs, ils ont la charge d'aller sur le terrain rencontrer les vendeurs pour les inciter à payer les taxes et les impôts.

Les occupants des magasins paient l'impôt forfaitaire mensuel allant de 6500 à 19000 F CFA, en fonction de l'importance de l'activité. Cette somme est versée directement à la mairie. Au delà de 19000 F CFA, le vendeur paye la somme aux impôts. Ils sont aussi soumis aux loyers qu'ils versent à la SICG.

Les vendeurs des légumes paient des taxes journalières de 150 F CFA par table. Les occupants des box paient 200 F CFA par box. Au delà de cette somme, ceux qui ont érigé plusieurs box en magasin sont soumis à l'impôt forfaitaire comme les occupants des magasins, avec les mêmes modalités de paiement.

Les vendeurs des trottoirs et pourtours paient des taxes journalières de 150 F CFA par table d'un mètre. Cette somme également varie en fonction de l'importance de l'activité.

Pendant les semaines de foire organisées par le district d'Abidjan, les vendeurs des trottoirs paient quotidiennement 500 F ou 1000 F CFA comme taxe au district, selon l'importance de l'activité. Au niveau de la mairie, ils versent la somme qu'elle gagne chaque jour grâce à l'activité commerciale sur les trottoirs. Ainsi, ils ne lui paient plus la taxe journalière.

II- 4- 4- Le service juridique

Il a pour rôle le règlement des conflits entre la mairie et les tierces personnes (morales ou physiques). Il s'occupe de tout ce qui est juridique telle la conclusion des contrats de la mairie avec les tiers.

II- 4- 5- La commission nationale

Elle est dirigée par le colonel Issoufou Dao. Son rôle est de veiller à la sécurité des marchés, des boites de nuits, des maquis, des restaurants. Son personnel est composé d'un représentant de chaque ministère, ainsi que des membres du forum des marchés d'Adjamé. Elle a tenu une réunion concernant le forum des marchés où des décisions fermes ont été prises pour la bonne marche du forum des marchés47(*).

ORGANIGRAMME DES SERVICES INTERVENANTS DANS LA CONSTRUCTION ET LA GESTION DU FORUM DES MARCHÉS

MAIRE

SECRETAIRE GENERAL

DIRECTEUR ATTACHE DU DIRECTEUR

TECHNIQUE CABINET DU MAIRE FINANCIER

SVRDT SM SDC REGISSEUR

Collaborateurs Collaborateurs Collaborateurs Collaborateurs

Collaborateurs

II- 5- Les difficultés au niveau du forum des marchés

Les difficultés sont nombreuses et de plusieurs ordres. Cependant, nous évoquons ici les plus importantes.

II- 5- 1- Au niveau de l'occupation

Le forum des marchés est sous exploité par les vendeurs. Le deuxième étage est entièrement désert. Le premier étage est occupé à environ soixante pour cent. Paradoxalement, on assiste à une occupation anarchique des pourtours du marché et des trottoirs du boulevard Nangui Abrogoua, au point où la circulation devient difficile, voire impossible à certains endroits.

II- 5- 2- Au niveau de l'insalubrité

L'on constate un état d'insalubrité totale (puanteur, présence de lixiviat issu de la décomposition des tas d'ordures). La terrasse du rez- de- chaussée est dégradée, à telle enseigne que les consommateurs se retrouvent dans la boue lorsqu'ils font leurs emplettes, pendant la saison pluvieuse.

Il y a aussi la mauvaise conservation des produits de pêche due au manque de chambre froides. L'insuffisance des blocs latrines entraîne une surexploitation. Notons aussi le mauvais entretien de ces latrines et l'absence de postes de lavage de mains et de distributeurs de savons dans les toilettes. Cela expose le public à des risques sanitaires (dermatoses, diarrhées, fièvre typhoïde, choléra, etc.).

Les canalisations qui doivent permettre de drainer les eaux de ruissellement vers les réseaux souterrains d'eaux pluviales sont inexistants; ainsi que les canalisations d'évacuation des eaux usées. Le plancher est toujours humide et glissant, surtout dans les zones de poissonneries et boucheries. Par ailleurs, les box du deuxième étage, inoccupés depuis l'ouverture du marché servent de toilette. L'on y respire des odeurs nauséabondes résultant de l'urine, des excréments d'homme et de souris. Ce lieu est toujours jonché de dépôts insalubres.

II- 5- 3- Au niveau de l'insécurité

Les faits sont innombrables à ce niveau également. On note l'insuffisance des bouches d'incendie et leur inaccessibilité aux engins des services publics de secours et de lutte contre l'incendie. Il est aussi à signaler l'insuffisance de robinets d'incendie armés, et la non conformité de l'installation de réseau RIA.

Les robinets armés ne sont plus fonctionnels, et les deux suppresseurs sont en panne. Notons également l'absence de moyens d'extinction de premier secours (extincteurs), et l'absence de dispositifs sonores permettant de prévenir le personnel de sécurité incendie. Il y a aussi l'insuffisance d'agents de sécurité incendie dans l'établissement (cinq au lieu de quinze prévus dans le dossier du permis de construire). Il n'existe pas de liaison téléphonique directe avec les sapeurs pompiers.

II- 5- 4- Au niveau de l'accès

Les quatre voies isolant le marché des constructions voisines sont encombrées. Elles sont obstruées par l'occupation anarchique des vendeurs et des dépôts d'ordures ménagères. Le rez- de chaussée et toutes les allées de circulation sont également encombrés par les vendeurs48(*). Les escaliers sont insuffisants en nombre et en largeur. Des revêtements horizontaux (chape et carrelage) posés par les commerçants réduisent les circulations. Le rez - de- chaussée est surpeuplé pendant que le deuxième étage est laissé à l'abandon.

II- 5- 5- Au niveau de l'état du bâtiment

Les planchers qui n'ont pas reçu de revêtement fini se dégradent. La terrasse du rez- de- chaussée et des deux étages sont dans un état de dégradation avancée.

III- LE PROMOTEUR, LES COMMERÇANTS ET LES CONSOMMATEURS

III- 1- Le promoteur

La SICG est la société promotrice qui a construit le forum des marchés. Elle a également construit le grand marché de Marcory où est situé son siège. Elle a à sa tête un directeur général, assisté de ses collaborateurs. Ses locaux sont dotés d'outils informatiques. Cependant, elle ne dispose pas de secrétaire, ni d'archives. La SICG dispose aussi des locaux annexes au forum des marchés d'Adjamé, mais dépourvu d'outils informatiques.

III- 2- Les commerçants

Les commerçants du forum des marchés sont issus de diverses communes du District d'Abidjan: Attécoubé, Adjamé, Abobo, Treichville, etc. Ils sont en majorité des dioula49(*), en général d'origine étrangère (Mali, Niger, Guinée Conakry). Ils sont majoritairement analphabètes, et vendent les tenues vestimentaires, les denrées alimentaires, les ustensiles de cuisine, les produits cosmétiques, etc. Ils sont présents aussi bien à l'intérieur du forum des marchés que sur les pourtours et les trottoirs du boulevard Nangui Abrogoua. Notons que les vendeurs des tenues vestimentaires sont plus nombreux au niveau des trottoirs et pourtours.

III- 3- Les consommateurs

Les consommateurs du forum des marchés sont issus de toutes les communes du District d'Abidjan, tout comme les vendeurs. Ce sont des personnes à revenu moyen et faible en général. En effet, à cause du désordre et de l'insécurité qui règnent au sein de cette commune, les personnes à haut revenu ne le fréquentent pas. Elles s'approvisionnent plutôt dans les supermarchés.

TROISIEME PARTIE: DESERTION DU FORUM DES MARCHES ET OCCUPATION ANARCHIQUE DES TROTTOIRS ET POURTOURS

TROISIEME PARTIE: DESERTION DU FORUM DES MARCHES ET OCCUPATION ANARCHIQUE DES POURTOURS ET TROTTOIRS

CHAPITRE I: LES AUTORITES ADMINISTRATIVES ET LE FORUM DES MARCHES D'ADJAME

I- LE FOUM DES MARCHES: DE LA CONCEPTION A LA GESTION

I- 1- La conception du forum des marchés

Le forum des marchés situé dans la commune d'Adjamé est construit en R + 2. Cette structure permet l'économie de l'espace en raison de la forte demande. Elle permet donc la satisfaction d'un grand nombre de demandeurs tout en exploitant une surface relativement restreinte. Celui- ci fait- il le bonheur des usagés?

Malgré l'intérêt de cette architecture, elle semble ne pas répondre entièrement aux besoins des usagés. Deux sur dix des consommateurs enquêtés n'ont jamais monté les escaliers du forum des marchés, pourtant ils y vont faire des achats en tenue vestimentaire (lorsque le besoin se fait sentir, et qu'ils en ont les moyens). Un sur dix des consommateurs enquêtés (une dame) va seulement acheter des bagues qu'elle revend dans la commune de Yopougon où elle réside. Pour l'achat des autres articles, elle reste à l'extérieur du forum des marchés. Sept sur dix vont à l'intérieur du marché que lorsqu'ils ne trouvent pas ce qu'ils veulent à l'extérieur.

Au niveau des vendeurs, le premier étages est occupé à environ soixante pour cent. Quant au deuxième étage, il est entièrement désert. On remarque une sous fréquentation du forum des marchés que se soit au niveau des vendeurs comme au niveau des consommateurs.

Quels sont les défauts architecturaux qui repoussent les usagés du forum des marchés?

Cette structure présente plusieurs défauts. A partir de l'entretien que nous avons eu avec des agents de la mairie et l'observation que nous avons faite, nous notons quelques problèmes, notamment les voies d'accès. Le marché qui s'étend sur une superficie d'un hectare et demi n'offre que huit voies d'accès; deux voies de chaque côté, situées de façon contiguë au niveau du premier étage, se prolongeant sur le deuxième étage. Cette situation rend certaines zones difficilement accessibles, du moins les box situés sur les angles. En outre, les escaliers sont pointus, donc très difficile à pratiquer. Les allées restreintes ne rendent pas les courses aisées à l'intérieur du forum des marchés et favorisent les bousculades. Tous ces défauts amènent les consommateurs à fréquenter moins le forum des marchés.

Ce phénomène nous amène à poser une question fondamentale: l'élaboration de l'architecture est- elle le fait de l'ignorance ou le fait du manque de formation des acteurs?

Parlant de la formation, si nous remontons à la colonisation, nous constatons que la culture occidentale s'est déversée dans celle des ivoiriens cela fait plus d'un siècle. Au départ, très peu d'enfants étaient scolarisés, et ceux qui l'étaient n'avaient pas une formation poussée. Après les indépendances, l'Etat ayant compris l'intérêt d'une population instruite a mis en place une politique de scolarisation afin d'augmenter le nombre d'enfants scolarisés. Il y a eu la création des établissements d'excellence et de formation professionnelle d'excellence tels l'INP-HB, le lycée scientifique de Yamoussoukro, etc. Notons aussi l'octroi de bourses qui permettent de bénéficier d'une formation plus qualifiante à l'étranger. Au vu de tout cela, on peut dire que ces dernières décennies ont été marquées par la formation accrue des cadres qualifiés en Côte d'Ivoire.

Concernant l'expérience, elle ne peut être acquise sans ouverture sur l'extérieur. Pour ce faire, la Côte d'Ivoire a tissé de nombreux partenariats avec l'extérieur, à travers les communes et les régions. Ainsi, Guibéroua est en partenariat avec Takoradi (Ghana); Daloa est en partenariat avec Pau (France); Abidjan est en partenariat avec Marseille (France) et San Francisco (USA); Bouaké est en partenariat avec Mopti (Mali) et Bescia (Italie); etc. Ces coopérations sont des facteurs d'échange au niveau culturel, technique, politique et économique. Les grands marchés de Ouagadougou (Burkina Faso), de Cotonou (Benin), de Lomé (Togo), d'Accra (Ghana) et de Lagos (Nigeria) sont construits en R + 1, et sont très peu occupés par les vendeurs, excepté celui d'Accra50(*). Les expériences de ces marchés devaient guider les réalisateurs du forum des marchés et leur permettre d'élaborer une architecture qui pourrait connaître du succès. L'élaboration du plan n'a donc pas été guidée par le manque de formation, ni par l'ignorance des acteurs.

Comment cela s'est-il déroulé? En d'autres termes quels sont les acteurs de ce plan?

Le service du domaine et de la construction qui a pour rôle de s'occuper de tout ce qui concerne les constructions de la commune n'a pas été associé à l'élaboration de l'architecture. En effet, Dembélé Lacina, maire d'alors a proposé l'architecte, qui a conçu le plan. Ce plan a été modifié par le chef de la cellule construction.

Les services mis en place doivent jouer leur rôle afin d'engager leur responsabilité et exploiter leurs compétences pour la réalisation des projets. Si la conception du plan avait été confiée à la cellule construction, elle tiendrait certainement compte des desiderata des vendeurs, car elle est plus proche d'eux. Elle s'attellerait également à mener à bien le travail pour ne pas subir de sanction. Mais au lieu de cela, elle a été en marge, et c'est elle qui corrige comme elle le peut les erreurs de l'expert (l'architecte).

I- 2- La réalisation du forum des marchés

La construction du marché fut confiée à un promoteur. Le contrat stipule que celui- ci doit financer entièrement les travaux de construction. Quant à la mairie, elle a offert l'espace et devait suivre régulièrement le déroulement des travaux. Pour être plus efficace dans le suivi des travaux de construction, la mairie y a associé le ministère de la construction.

Cependant, lors de notre enquête, il nous a été signalé des défaillances au moment de la réalisation des travaux, notamment l'exploitation abusive de l'espace. En effet, selon les données du plan d'architecture, des espaces vierges étaient réservés au premier et au deuxième étage pour faciliter la circulation des sapeurs pompiers en cas d'incendie. Mais ces espaces ont été utilisés pour la construction des box. Un poste de police et une infirmerie avaient été prévus, cependant ils n'existent que de nom. La longueur prévue pour un box (trois mètres) a été divisée par deux (un mètre et demi). Cela a permis de répondre certes aux besoins accrus des demandeurs, mais ces actions vont accentuer le problème que posait déjà l'accès.

En effet, les vendeurs sont désormais dans l'obligation de payer deux fois plus que prévu pour obtenir une place satisfaisante. Les plus nantis y sont parvenus tandis que ceux dont le capital économique est faible se trouvent dans l'obligation de se contenter du peu d'espace d'un mètre et demi de longueur, ou ils quittent le champ économique pour se replier sur les trottoirs et pourtours. Quelques fois, ils deviennent des vendeurs ambulants51(*). Au niveau des consommateurs, cette exploitation abusive de l'espace rend le marché peu aéré, et la circulation difficile à l'intérieur du marché en plus des escaliers pointus.

Il y a encore des défauts tels que la présence de câbles non fixés correctement, l'absence d'éclairage du marché et d'éclairage de sécurité, l'absence de canalisation d'évacuation des eaux usées, l'absence de bloc autonome de sécurité52(*). Tout ceci constituent autant de dangers auxquels les usagés du forum des marchés sont exposés.

Les failles constatées au niveau de la construction suscitent une question fondamentale. La mairie et le ministère de la construction ont- ils réellement suivi le déroulement des travaux? Si oui, dans quelle limite?

Au regard de ce qui précède, nous affirmons que si la mairie et le ministère de la construction ont suivi le déroulement des travaux, leur participation a été un simulacre; car ces failles ont une conséquence grave sur le marché et sur la vie des usagés. Les consommateurs sont exposés à des risques sanitaires à cause du manque de chambres froides. Cela est à l'origine d'une mauvaise conservation des produits de pêche, ainsi que d'autres problèmes sanitaires53(*). Désormais, en cas d'incendie, l'on ne pourra rien sauver du marché parce que l'encombrement des voies par les vendeurs limite l'accès des sapeurs pompiers au rez- de- chaussée. Cependant, très peu de vendeurs sont conscients de ce danger54(*).

Par ailleurs, l'entretien avec des agents de la mairie nous a révélé que la construction du forum des marchés n'a fait l'objet d'aucun appel d'offre. Ici également, Amondji Pierre, alors maire a signé le contrat de gré à gré avec la SICG. Cela signifie que le côté financier devait prévaloir. Cet acte a donné beaucoup de pouvoir au promoteur sur l'infrastructure puisqu'il a acheté le contrat. Il se donne le droit d'en disposer comme bon lui semble; ce qui explique toutes les failles constatées au moment de la construction.

Le maire qui a signé le contrat de construction avec le promoteur est devenu impuissant face aux lacunes de ce dernier, puisqu'il a écarté la participation du service compétent lors de la conclusion du contrat.

L'action de la SICG ne reposerait- elle pas sur un intérêt économique?

En effet, la mairie ne s'est limitée qu'à l'offre de l'espace pour la construction du forum des marchés. La recherche du financement incombait le promoteur. En exploitant les espaces vierges prévus et en divisant la longueur de chaque box par deux, cela lui a permis de multiplier son gain par environ trois, et lui permettant ainsi la réalisation du marché. Car le promoteur a demandé aux souscripteurs de lui verser l'argent pendant la réalisation des travaux. La somme initialement fixée était de 350000 F CFA par box. Par la suite, la SICG a réclamé 100000 F FCA de plus aux souscripteurs. Au regard d'un tel changement au cours de la réalisation du marché, on peut dire que le promoteur était confronté à un problème de financement.

I- 3- L'attribution des places

Après la construction, le promoteur a procédé à la répartition et à l'attribution des places.

Un nouveau marché s'imposait vu la dégradation avancée qu'avait subie l'ancien marché. Cependant, les vendeurs les moins nantis avaient une inquiétude, celle de l'acquisition des places dans le nouveau marché. La mairie leur a donc promis qu'ils seraient prioritaires dans le nouveau marché, et qu'elle leur accorderait une facilité de paiement. Mais cette promesse ne fut pas tenue. Car, comme nous l'avons déjà souligné, un box est passé de 350000 F CFA à 450000 F CFA. En outre, les souscripteurs devaient verser l'argent pendant les travaux de construction. Pour être sûr d'obtenir une place, et bien localisée, il fallait mobiliser encore plus de moyens financiers à défaut du capital social, selon des enquêtés.

Ainsi, parmi vingt vendeurs enquêtés six vendeurs de l'ancien marché ont souscrit aux places du forum, mais ils ne les ont pas obtenues. Un vendeur a même versé la somme demandée, et il s'en est sorti perdant. Pour finir, ce sont les plus offrants qui obtenaient les places. Cela a favorisé l'entrée sur le marché de plusieurs fonctionnaires qui ont souscrit pour certains jusqu'à cent ou cent cinquante box pour les mettre en location ou les revendre, ce qui revient plus coûteux aux vendeurs. Ceux de l'ancien marché qui sont moins nantis se sont retrouvés sur les trottoirs et les pourtours pour certains. D'autres n'ayant pas obtenu de places à ces endroits ou n'ayant pas assez de moyens financiers pour s'y installer deviennent vendeurs ambulants.

Là également, le promoteur a tiré profit de la situation. Conscient du problème d'accès que pose la structure, il a fait régner un désordre qu'il exploite à ses propres fins. Les vendeurs se retrouvent à deux, voire à quatre sur une place. Par conséquent, chacun d'eux est obligé de corrompre les responsables d'attribution pour obtenir gain de cause. Le capital économique est donc mis en compétition. Certains se rendant compte de leur échec se replient sur les trottoirs et pourtours qui offrent aussi d'autres types de compétitions. Finalement, quel que soit le champ où l'on se situe, personne n'échappe au principe qui est institutionnalisé. Les acteurs qui perdent la compétition ne peuvent se plaindre nulle part, car tout le système est impliqué. En outre, toute velléité de plainte leur fera davantage dépenser.

Les opérations depuis la conception jusqu'à la réalisation devaient aboutir inévitablement à la non occupation de certaines places du marché, puisque les erreurs du départ n'étaient pas corrigées.

I- 4- La gestion

I- 4- 1- De 2000 à 2004

Selon le contrat, la SICG devait gérer le forum des marchés pendant trente cinq ans avant de le restituer à la mairie55(*). Elle devait faire la collecte des taxes et reverser à la mairie la quote part qui devait lui revenir. Ainsi la SICG a géré le forum des marchés depuis l'achèvement en 2000 jusqu'en 2004.

I- 4- 2- De 2004 à nos jours

La mairie qui avait constaté le non versement de sa quote part des taxes a décidé d'encaisser les taxes des box et les taxes des places de légumes en guise de redevance. Ainsi depuis 2004, la mairie se charge de la collecte des taxes pour les places de légumes et les box, et la SICG se charge d'encaisser les loyers des magasins.

La mairie accusant le promoteur d'être responsable de la non occupation du marché, a mis en place un service pour veiller à l'occupation des places et au règlement des conflits entre les souscripteurs.

On constate aussi une négligence au niveau de la gestion. Il y a l'encombrement permanent des accès au rez- de- chaussée et de toutes les allées de circulation. Les heures d'ouvertures et de fermeture du marché ne sont pas respectées. Le marché qui n'a jamais été pas lavé comme prévu.

Le conflit qui règne autour de la gestion du marché entre la mairie et la SICG n'est pas en faveur des vendeurs. Il empêche toute rénovation pouvant améliorer la structure du marché; chacun étant préoccupé à défendre ses intérêts. En outre, il y a des insuffisances au niveau du mode de gestion du forum des marchés. En effet, le nombre de box existant et le nombre de box occupés effectivement ne sont pas connus. Ce sont des nombres approximatifs dont nous disposons. Cela peut être justifié par le fait que des box non prévus ont été construits et aussi par la mobilité des vendeurs, mais une évaluation saisonnière pourrait être faite.

Aucune information sur le marché n'est informatisée, ni au niveau de la SICG ni au niveau de la mairie. En dehors du bureau des chefs des différents services qui sont équipés d'un ordinateur, les autres bureaux ne possèdent aucun outil informatique, à l'ère de la vulgarisation de l'informatique et de l'internet. Cela nous a amené à avoir deux informations différentes sur le nombre de places disponible au forum des marchés. Le service chargé de l'occupation et du règlement des conflits nous a révélé treize mille places alors que la cellule construction nous a révélé douze mille places.

Nous avons par ailleurs rencontré beaucoup de difficultés pour obtenir la superficie du marché qui est de seize mille onze mètres carré. Le service chargé de l'occupation et du règlement des conflits qui n'a pu nous satisfaire nous a orienté vers la SICG. Cette dernière qui s'est chargée de la construction et de la gestion pendant trois ans n'a pas été en mesure de nous fournir cette information, malgré son dispositif informatique. Elle nous a alors orienté vers les services techniques de la mairie (où nous l'avons obtenue); car, dit l'agent qui nous a reçu: «ils doivent l'avoir, parce que c'est leur chose».

Le traitement des informations depuis le début des travaux explique tout l'échec que connaît aujourd'hui le forum des marchés. Tout se fait de façon désintéressée, comme s'il s'agissait d'une infrastructure de moindre importance. Personne n'exploite ses potentialités de façon optimale pour la réalisation de l'infrastructure, parce que n'en étant pas le propriétaire. Il n'existe même pas d'archive concernant le forum des marchés au niveau du promoteur. On assiste à une participation simulacre des acteurs. Chacun ne cherche que son intérêt. Personne n'a souci de la réussite du projet.

II- DE LA CONCEPTION A LA REALISATION: LES VENDEURS

II- 1- La participation des vendeurs

La SICG a demandé à chaque personne désireuse de disposer d'une place de verser la somme de 350000 F CFA pour les places de légumes, 450000 F CFA pour les box, et 1000000 de F CFA pour les magasins.

Les vendeurs n'ont pas été consultés pour l'élaboration du plan du marché. Il est évident qu'ils ne s'y connaissent pas en matière d'architecture, cependant, ils pourraient dire comment ils souhaiteraient que le marché soit présenté, en fonction de leurs besoins et des exigences des consommateurs qu'ils sont mieux placés pour identifier. Ainsi, un vendeur parmi les vingt enquêtés a connaissance du marché aménagé de Divo ( Côte d'Ivoire) et celui de Ouagadougou (Burkina Faso). Selon lui, ces marchés construits en R + 2 offrent un accès très facile quel que soit le niveau où l'on veut se rendre.

La répartition des places entre les différentes catégories de vendeurs s'est réalisée sans aucune participation de ceux- ci. La gestion était assurée entièrement par le promoteur, ensuite par la mairie. La participation des vendeurs n'ayant été que financière, ils n'ont que des intérêts économiques à poursuivre.

Depuis la conception jusqu'à la gestion, les bénéficiaires du marché n'ont pas participé aux décisions. Les experts du développement ont pourtant découvert que la réussite d'un projet de développement dépend du degré de participation des bénéficiaires.

Par ailleurs, les conditions d'attribution des places ont muté. Ce n'est plus les vendeurs de l'ancien marché qui en sont les principaux bénéficiaires, mais les plus offrants, peu importe leur statut. Ainsi des fonctionnaires ont acquis de nombreuses places afin de les louer ou les revendre, et cela revient aux vendeurs environ deux fois plus qu'ils ne devaient payer56(*). D'autres en ont achetées plusieurs pour les faire exploiter par d'autres personnes à leur profit57(*).

La mutation des conditions de bénéfice des projets favorise également leur échec. En effet, après l'entière participation des destinataires d'un projet à moyen terme, ceux- ci doivent pouvoir en bénéficier comme convenu. Autrement, les seconds qui viennent n'ont pas un véritable engagement pour celui- ci.

II- 2- La perception des vendeurs

Tous les vendeurs interrogés, à l'intérieur comme à l'extérieur du forum des marchés sont musulmans58(*). A l'intérieur du marché, sur cinq vendeurs interrogés, il y a trois maliens, un guinéen, un ivoirien (originaire d'Odienné). Nous notons donc quatre sur cinq enquêtés étrangers à l'intérieur du forum des marchés. A l'extérieur du forum, c'est- à- dire sur les pourtours et les trottoirs du forum des marchés, sur quinze vendeurs interrogés, nous notons sept nigériens, deux guinéens; deux maliens et quatre ivoiriens. Onze sur quinze vendeurs enquêtés des trottoirs et pourtours sont donc des étrangers.

Les différents pays dont ces derniers sont issus sont, à l'instar de la Côte d'Ivoire, classés parmi les pays pauvres du globe terrestre. En outre, ces populations, notamment les maliens et les nigériens ont un style de vie précaire semblable à celui des burkinabè. En effet, selon Djédjé, les immigrés à Abidjan, en l'occurrence les burkinabè, vivent dans des conditions précaires, car c'est le mode de vie qu'ils adoptent chez eux, et aussi parce qu'ils doivent économiser pour rapporter de l'argent à leurs parents restés au pays.59(*) Pourtant, à la question de savoir s'ils aimeraient vendre à l'intérieur du marché, tous les vendeurs installés sur les trottoirs et pourtours ont répondu «oui, si j'ai de l'argent et que je trouve une bonne place». Tous les vendeurs aspirent donc à vendre à l'intérieur du forum des marchés quel que soient leurs origines; parce qu'il offre une garantie foncière. Mais ils n'acceptent pas n'importe quelle place. Leurs places doivent être situées à des lieux très fréquentés par les acheteurs afin de leur permettre de réaliser leur objectif, celui de l'acquisition d'une marge bénéficiaire satisfaisante. Les moyens financiers constituent donc une des conditions de leur installation à l'intérieur du forum des marchés, mais la conquête de la clientèle en est le facteur déterminant.

Par ailleurs, quatorze sur quinze vendeurs enquêtés sur les trottoirs et les pourtours du forum des marchés font leurs approvisionnements en Côte- d'Ivoire. Certains le font auprès des grossistes du forum des marchés.60(*) D'autres s'approvisionnent auprès des libanais (pour les chaussures en plastique), ou auprès des couturiers (pour les tenues traditionnelles ivoiriennes). Parmi ceux qui s'approvisionnent auprès des grossistes du forum des marchés, il y en a deux qui prennent la marchandise à crédit pour reverser la somme après la vente. Un sur quinze des vendeurs enquêtés, ivoirien, s'approvisionne tantôt à Lomé, tantôt auprès des grossistes du forum des marchés. Ce mode d'approvisionnement révèle que même si ces vendeurs résistent aux tracasseries financières dont ils sont victimes61(*), ils sont des personnes modestes, bien qu'étant commerçants depuis au moins une dizaine d'année sur les pourtours et les trottoirs du forum des marchés.

En outre, les vendeurs ne se sentent pas impliqués dans le processus de construction et de gestion du forum des marchés. Ils ne pensent donc pas à son bon fonctionnement. Au fait, le marché n'a jamais pu être lavé parce que les vendeurs refusent de respecter l'heure de fermeture prévue. Lorsque les agents de la mairie ont voulu les contraindre à se retirer des lieux pour le nettoyage, ils n'ont pas hésiter à les lyncher. Leur participation étant essentiellement financière, ils n'ont que des intérêts économiques à poursuivre. Ainsi, le marché construit en deux étages ne correspond pas à leurs besoins, parce que les consommateurs ne s'y rendent pas.

A la question de savoir s'ils étaient d'accord pour la construction du forum des marchés, sur cinq vendeurs enquêtés à l'intérieur du forum des marchés, deux affirment : «on n'était pas d'accord pour la construction du marché, mais comment on va faire, c'est pour eux et ils sont les seuls à décider». Un encore dit «oui on était d'accord, comment on va faire?». Deux étaient d'accord pour la construction. Comme raison, l'un a dit qu'il est important qu'un marché soit aménagé. L'autre a révélé les incendies à répétition qui survenaient dans l'ancien marché. Ces vendeurs ne voient aucun problème au niveau de la structure architecturale du marché. Ils ignorent également les problèmes d'insécurité auxquels ils sont exposés. Cependant, ils voient le forum des marchés comme une infrastructure que la mairie leur impose, à cause des charges que cela les obligent à supporter (le coût d'acquisition des places).

A la question de savoir s'ils font des installations sur le trottoir et pourtour, l'un des deux (installés à l'intérieur du marché) qui avaient approuvé la construction du forum des marchés a répondu par l'affirmative, sous prétexte qu'il ne réalise pas un chiffre d'affaire satisfaisant là où il est installé. Lorsque nous lui avons posé la question de savoir à quelle condition il ne ferait plus d'installation sur le trottoir, il nous a répondu: «si après la guerre, les acheteurs de l'intérieur reviennent faire des achats et que les choses recommencent à marcher». L'autre ne fait pas d'installation sur le trottoir parce qu'il n'a pas assez de moyens financiers. Cela montre que même s'ils étaient d'accord pour la construction du forum des marchés, ils doivent pouvoir y réaliser un chiffre d'affaire satisfaisant, sinon ils ne peuvent s'y installer. Ceux qui n'étaient pas consentants, mais qui ont souscrit aux places l'ont fait par contrainte, par peur des tracasseries des agents de la mairie.

A l'extérieur du forum des marchés, pour la même question de savoir s'ils étaient d'accord pour la construction du marché, dix sur quinze vendeurs enquêtés ont répondu par l'affirmative. Ils ont donné des raisons telles que les incendies à répétition que connaissait l'ancien marché; le nombre de places limitées qui ne pouvaient satisfaire beaucoup de demandeurs. Le problème d'insalubrité a même été soulevé. Cinq sur quinze n'étaient pas d'accord, parce que selon eux, ils n'avaient pas d'argent pour acheter les places. Mais seulement six sur quinze ont fait la demande de places, sans pouvoir les obtenir. Parmi eux, un vendeur a même versé la somme demandée, et il est resté perdant: ni place, ni restitution de la somme versée.

Malgré les promesses alléchantes faites par la mairie aux vendeurs, ils ont été réticents face à la souscription aux places. Cela leur à éviter de connaître l'infortune qu'ont connu ceux qui ont voulu se hasarder dans cette aventure. Ces derniers également avaient pour préoccupation majeure les moyens financiers. Ils n'ont aucune connaissance des dangers auxquels ils seraient exposés à l'intérieur du marché. Néanmoins, un vendeur ayant une connaissance du marché de Ouagadougou (Burkina Faso) et de celui de Divo (Côte d'Ivoire), construits en R+ 2, mais très accessibles a affirmé que le forum des marchés était mal construit à cause de l'accès difficile.

Que les vendeurs soient consentants ou pas pour la construction du forum des marchés, ils ont la même réaction face à la conquête de la clientèle. Se rapprocher du client est le moyen idéal pour le conquérir. L'architecture du forum des marchés ne leur convient donc pas.

En outre, au regard de l'accord qui avait été signé entre la mairie et les vendeurs de l'ancien marché pour faire accepter la construction du marché à l'unanimité, les vendeurs se sentent trahis par celle- ci, parce qu'elle n'a pas honoré ses engagements. Les rapports sont alors de type conflictuels. Cependant, la mairie étant l'instance dominante, les vendeurs sont obligés de négocier avec elle62(*) malgré les griefs qu'ils ont contre elle.

Avec le promoteur, c'est également des rapports conflictuels. Il y a une résistance au niveau des vendeurs, car après avoir constaté la trahison63(*), certains vendeurs des magasins refusent de payer la somme supplémentaire que le promoteur demande. Ils font même une résistance au promoteur pour le paiement du loyer64(*).

III- LES OPERATIONS DE DEGUERPISSEMENT

III- 1- Les initiateurs

Selon l'entretien avec un agent de la cellule voirie, le maire d'Adjamé est le principal initiateur des opérations de déguerpissement. Il donne cet ordre chaque fois que le besoin se fait sentir au service voirie. Cependant, le gouverneur du district d'Abidjan peut, avec l'accord du maire prendre des mesures pour le déguerpissement au niveau des grandes voies (boulevards).

Lorsque c'est le maire seul qui le décide, c'est le service voirie qui s'en occupe avec la collaboration de la police municipale. Le service voirie se charge de confisquer les marchandises et la police municipale veille à ce que les vendeurs n'y reviennent plus. Lorsque l'initiative vient du district, il travaille en collaboration avec le service voirie de la mairie, accompagné de la police nationale qui veille au non retour des vendeurs sur les trottoirs et pourtours. Le déguerpissement est constamment pratiqué sur le boulevard Nangui Abrogoua ainsi que sur les autres rues de la commune, mais les voies publiques sont de plus en plus impraticables.

Quelles en sont les raisons?

La raison évoquée est le manque de moyens (personnel insuffisant et un seul tracteur pour l'opération). Mais cette situation est surtout due à une volonté politique. En effet, la décision doit venir du maire alors qu'il existe un service qui veille à la non occupation des voies (le service voirie). Le fait d'attendre le signal du maire est un frein au fonctionnement de ce service. Il y a un manque d'autonomie. Pour empêcher le fonctionnement efficace du service, le maire limite alors les moyens, vu les intérêts importants qu'il doit préserver (économiques, politiques).

III- 2- Le retour des vendeurs

Parmi les quinze vendeurs des trottoirs et pourtours interrogés, quatorze vendaient avant la construction du forum des marchés, seulement un a commencé à vendre depuis la construction du forum des marchés, en l'an 2000. Sur neuf vendeurs interrogés au niveau des trottoirs, sept ont débuté leur activité à la place où ils sont actuellement installés, et ils ont une expérience allant de dix à vingt six ans. Parmi eux, quatre ont révélé avoir obtenu la place qu'ils occupent grâce à la mairie d'Adjamé.

En effet, pour être à l'abri du déguerpissement, certains vendeurs font une demande d'autorisation d'installation sur le trottoir ou sur les pourtours auprès du maire actuel qui, à son tour prend un arrêté en faveur de ces derniers. Il définit l'espace qu'ils doivent occuper ainsi que le périmètre sans gêner la circulation. Cette autorisation légalise leur installation de façon provisoire, et les soumet aux taxes journalières d'occupation65(*).

L'occupation des trottoirs est alors légalisée par le premier magistrat de la commune (le maire). Malgré donc l'existence d'un service voirie, le maire se doit de les protéger pour ne pas porter atteinte à sa carrière politique. Le déguerpissement est donc organisé à l'endroit des vendeurs qui n'ont pas obtenu d'autorisation. Mais ceux- ci profitent toujours de l'installation des ayant droits pour revenir. Le premier magistrat de la commune ayant accordé l'autorisation à certains vendeurs, ceux qui n'ont pas d'autorisation négocient avec des agents de la mairie pour en obtenir. Car ce sont ces derniers qui sont sur le terrain pour le déguerpissement. Cela accroît le nombre de vendeurs autorisés et facilite l'installation des autres à leurs côtés.

CONCLUSION PARTIELLE

Lorsqu'on analyse les actions menées par la mairie d'Adjamé depuis la conception de l'architecture jusqu'aux opérations de déguerpissement, on remarque une négligence de sa part dans la construction du forum des marchés. Les problèmes auxquels le forum des marchés devait apporter une solution (l'insalubrité, l'insécurité, les bousculades, etc) demeurent. Ils se sont même accentués. En effet, les espaces réservés pour la circulation des sapeurs pompiers ayant été exploités, un autre incendie sera plus catastrophique que ceux qu'a connu l'ancien marché (phénomène qui a justifié la construction du forum des marchés).

L'insécurité y règne parce que le marché n'est pas éclairé. Une usagée nous a révélé qu'elle avait peur de s'approvisionner à l'intérieur du forum des marchés parce qu'on peut y être agressé aisément, à cause de certains endroits obscurs66(*) (chose que nous avons constatée nous même lors de nos enquêtes). Les allées restreintes ne facilitent pas la circulation à l'intérieur du forum des marchés. Nous avons connu beaucoup de difficultés dans ce sens lors de notre enquête avec les vendeurs. Pendant l'interview, chaque fois qu'il y avait un passant, nous étions obligée de tout arrêter, de lui céder le passage en nous pressant contre les marchandises exposées par le vendeur. Il est difficile de faire un dépassement à l'intérieur du forum des marchés. Deux sur dix des consommateurs enquêtés ont affirmé ne pas y aller souvent à cause des bousculades. Ce marché ne résout donc pas le problème d'engorgement qui se posait dans l'ancien marché.

Il y a aussi l'insalubrité qui règne à tous les niveaux; au niveau de la conservation des produits, en l'occurrence les produits de pêche; au niveau du drainage des eaux usées, etc. Cet état d'insalubrité repousse certains consommateurs.67(*) Lors de notre visite du marché, nous avons été repoussée par l'état piteux de l'espace de vente des produits de pêche. Nous avons osé y pénétrer lorsque nous nous sommes rappelée notre statut de sociologue. Les autres endroits de l'espace des denrées alimentaires ne sont pas plus confortables.

Les agents de la mairie accusent les vendeurs d'être responsable de ce fait. Cependant, lorsqu'on examine le déroulement des actions depuis la conception jusqu'à la gestion du marché, on constate que c'est plutôt une négligence de la part de la mairie. Un autre fait aussi marquant est que le marché connaît une dégradation avancée. Toute la terrasse est dégradée, depuis le rez- de chaussée jusqu'aux deux étages.

Au regard de ces problèmes, nous affirmons que la participation des acteurs (la mairie, le ministère de la construction, le promoteur) a été un simulacre. Il n'y a pas eu d'engagement véritable pour l'intérieur du bâtiment, ni même pour l'usage du marché. Cela donne au forum des marchés l'aspect d'un «tombeau blanchi».

CHAPITRE II: LA MAIRIE D'ADJAME ET LES ENJEUX DU FORUM DES MARCHES

I- LES ENJEUX FINANCIERS

I- 1- Les taxes

Les vendeurs des pourtours et trottoirs paient la taxe de cent cinquante franc CFA pour une table d'un mètre carré. Cette somme est revue à la hausse en fonction de l'importance de l'activité. Sur quinze vendeurs enquêtés des trottoirs et pourtours, un ayant obtenu la place par l'autorisation du maire paie cent cinquante franc CFA;68(*) un autre paie 600 F CFA, et treize (dont trois ont obtenu leurs places grâce à la mairie) paient 300 F CFA.

Les pourtours et les trottoirs rapportent donc plus d'argent à la commune que les places à l'intérieur du forum des marchés. Car à l'intérieur du marché, pour un box de longueur un mètre et demi, le vendeur paie 200 F CFA comme taxe, peu importe l'importance de l'activité et les produits vendus.

Pour l'organisation des foires commerciales, les vendeurs versent à la mairie la recette journalière de celle- ci (multipliée par le nombre de jour que cela va durer) pour obtenir l'autorisation. Ainsi, les vendeurs des trottoirs ne paient plus la taxe à la mairie pendant le temps que dure la foire, mais ils la paient au District d'Abidjan à partir de 1000 F CFA. Cette somme est revue à la hausse en fonction de l'importance de l'activité.

Les trottoirs du boulevard Nangui Abrogoua constituent donc pour la mairie d'Adjamé et pour le District d'Abidjan une importante source de revenu grâce à l'activité commerciale. Les taxes que paient les vendeurs des trottoirs et pourtours à la mairie et au District d'Abidjan légalisent leur occupation.

I- 2- Les autres prélèvements

Ne s'installe pas sur le trottoir ou pourtour qui le veut. Deux sur cinq des vendeurs à l'intérieur du marché ont révélé ne pas faire des installations sur le trottoir parce qu'ils n'ont pas les moyens financiers. En réalité ce serait une double dépense pour ces vendeurs puisqu'ils ont réussi à obtenir une place à l'intérieur du marché, pour laquelle ils ont déjà utilisé leurs économies69(*). Même si la place est mal située, ils préfèrent y demeurer pour ne pas subir des tracasseries qui leur coûteraient une fortune. En effet, ceux qui sont installés sur les trottoirs et pourtours sont constamment objet d'escroquerie par les agents de la mairie. Car en plus des tickets, cinq sur quinze ont affirmé verser d'autres sommes sans ticket aux agents de la mairie. Parmi ces cinq, deux paient 2000 F CFA chaque jour sans tickets, deux autres paient 1000 F CFA et un paie 500 f CFA. Certains vendeurs, par mesure de prudence n'ont pas oser révéler les autres charges qui leur incombent; ou ils ont tissé une alliance avec des agents de la mairie de sorte que ce qu'ils versent à ces derniers n'est plus perçu comme une racket, mais comme un don.

Les agents de la mairie, à la suite du maire, à travers ces prélèvements légalisent aussi l'occupation des pourtours et des trottoirs. Ainsi, si le déguerpissement des vendeurs était effectif, cela mettrait fin au gain de la mairie, de même qu'à celui des agents. Car nulle part ils ne pourraient obtenir ce qu'ils gagnent ici. Le phénomène est alors entretenu depuis les autorités administratives (gouverneur du District et maire), jusqu'au gardien du marché70(*), en passant par les collecteurs et autres agents de la mairie.

II- LES AUTRES ENJEUX DE LA MAIRIE FACE AU MARCHE

II- 1- Les enjeux politiques

Le maire se construit une image de père attentif aux besoins de ses enfants en accordant l'autorisation d'installation sur le trottoir et pourtours à ceux qui le lui demandent, bien qu'ayant déjà légalisé leur installation des par l'imposition des taxes.

En effet, n'étant pas le concepteur, ni le réalisateur du forum des marchés, le maire n'est pas perçu comme responsable des désagréments que subissent les vendeurs au sein de cette infrastructure. Il a une bonne excuse pour satisfaire à la demande des vendeurs. Il prête alors une oreille attentive et un coeur compatissant pour sauver leur activité commerciale, activité qui leur permet de subvenir à leurs besoins ainsi qu'à ceux de leur famille. Il se saisit alors de ces failles pour pérenniser son mandat. Pour ses enjeux politiques, il limite les actions du service voirie. Il s'érige en défenseur intrépide des vendeurs des pourtours et trottoirs.

II- 2- Une renommée de la commune

Le forum des marchés présente une belle allure de l'extérieur et a une structure architecturale imposante. Il est le plus grand marché de l'Afrique de l'Ouest, hormis celui du Nigeria71(*). Il est connu à travers la sous région. Cela propagande et embellit l'image des acteurs qui ont participé à sa réalisation et du premier magistrat de la commune: le maire.

CONCLUSION PARTIELLE

Vu les enjeux importants que présente le forum des marchés, les acteurs du marché se sont inspiré de l'échec connu par les autres pays pour construire celui- ci. Car dans la culture de ces populations, tout comme dans celle des ivoiriens, les maisons en hauteur n'existaient pas. Ils ont exagéré dans la structure architecturale (deux niveaux) pour que le chaos soit inévitable et permette ainsi la réalisation de leurs objectifs. Il en est de tous ces enjeux, le plus important est l'enjeu politique. En effet, les travaux ayant été confiés à un promoteur, il serait aisé pour le maire qui serait présent à la conception de décliner sa responsabilité et d'accuser à tort et à raison celui- ci pour sa défense vis- à- vis des vendeurs. De même pour celui qui a signé le contrat de construction avec le promoteur. Chacun devait exploiter les failles du marché à ses propres fins.

CHAPITRE III: CONSOMMATEURS ET VENDEURS

I- LE MARCHE TRADITIONNEL IVOIRIEN

I- 1- La structure architecturale du marché

Dans les sociétés traditionnelles, les maisons étaient des constructions basses. Les marchés étaient pratiqués à ciel ouvert. Au fil des années, à partir de l'arrivée des colons en particulier, des infrastructures commerciales furent mises en place. Mais au niveau des marchés locaux, c'était des constructions précaires: construction de hangar; non élevée en hauteur. Ils étaient ainsi fréquentés par les personnes de tout âge, des enfants aux personnes du troisième âge en passant par les jeunes et les adultes.

Lorsqu'il eut l'introduction et la vulgarisation de l'automobile, les marchés étaient construits à proximité des gares routières72(*). Cette évolution structurale n'est pas différente de celle des marchés européens. En effet, le marché de Paris avant 1963 se tenait au centre ville de Paris, à ciel ouvert. Il était très enchanté73(*).

I- 2- La représentation du marché

Dans la société traditionnelle gouro de la savane boisée, les marchés étaient des lieux de rencontre de l'offre et de la demande, mais surtout des espaces de divertissement. Cette représentation existe encore aujourd'hui dans la plupart des villages de la Côte d'Ivoire.

Dans les villes, les marchés précaires n'ont pas la même représentation que dans les villages. Cependant, à cause du fait qu'ils soient des constructions basses, tous les espaces sont occupés par les vendeurs et ils connaissent un enchantement. Ils sont pratiqués quotidiennement dans tous les quartiers. Toutefois, dans certains quartiers (Gongzagueville, et Abobo), il y a des jours (généralement Mercredi et Samedi) où les populations des communes environnantes (Bassam, Bonoua, Ayama Agboville, etc) viennent y vendre leurs produits. Ils y vendent généralement les produits de la terre et halieutiques, les tenues vestimentaires (traditionnelles et brodes) et autres objets traditionnels. La plupart de ces vendeurs restent sur les trottoirs et pourtours, parce qu'ils ne pratiquent pas quotidiennement le commerce et n'ont pas de place à l'intérieur du marché. Mais cela n'empêche pas la bonne pratique du commerce dans ces contrées. Au fait, ces derniers sont comme des grossistes. Alors, après l'écoulement de leurs marchandises, les vendeurs dudit marché continuent le commerce. Ainsi, c'est auprès de ces derniers que les consommateurs s'approvisionnent les jours à venir.

II- LES MARCHES URBAINS AMENAGES OU MARCHÉS MODERNES

II- 1- La structure

La nouvelle tendance en Côte d'Ivoire est la construction des marchés aménagés en hauteur d'un ou de deux niveaux. Cette tendance n'est pas uniquement typique à la Côte d'Ivoire. En effet, les grands marchés des pays de la sous région tels que le Ghana (Accra), le Benin (Cotonou), le Burkina Faso (Ouagadougou), le Togo (Lomé), et le Nigeria sont construits en R + 1. Tous ces marchés connaissent le phénomène de la sous fréquentation, excepté celui d'Accra74(*).

Si le marché d'Accra construit en hauteur est entièrement occupé par les vendeurs, c'est grâce à l'éducation sanitaire que l'Etat a inculqué aux populations. Sous le règne de Jerry Rolins en effet, la population ghanéenne a été éduquée à la salubrité, au respect des institutions, etc. De ce fait, les ghanéens ne prennent plus la liberté de jeter les ordures dans les rues. Tout ce qu'ils vendent est hermétiquement protégé contre la poussière et contre tout autre insalubrité75(*). La propriété est devenue pour les ghanéens une seconde nature. Le fait pour un vendeur de s'installer sur le trottoir expose non seulement la marchandise à toutes sortes d'impureté, mais aussi pourrait produire des ordures.

II- 2- Les habitudes d'approvisionnement des consommateurs

II- 2- 1- Le pouvoir d'achat des ivoiriens et la recherche de

produits à bon marché

Les dix consommateurs enquêtés, pour justifier leur fréquentation constante du marché d'Adjamé ont avancé le fait que «Adjamé est un centre commercial, on y trouve toute sorte d'articles à bon marché». Ils sont issus de diverses communes: Port- Bouët, Yopougon, Bingerville, Cocody, etc. Cependant, ceux qui le fréquentent régulièrement (au nombre de neuf) sont ceux qui y achètent des produits alimentaires et des articles en gros pour revendre. Pour ce qui est de l'approvisionnement en tenues vestimentaires, trois le font à l'approche des fêtes de fin d'année (dans le mois de Décembre). Une dame y va régulièrement acheter des bijoux pour les revendre à Yopougon où elle réside. Cinq enquêtés y vont s'approvisionner en tenues vestimentaires lorsque le besoin se fait sentir et qu'ils en ont les moyens financiers. Une jeune fille y va rarement.

A l'issu de ce constat, nous disons que la priorité pour la population ivoirienne est l'approvisionnement alimentaire. Quelle en serait la raison essentielle?

En 1993, selon une enquête menée dans les dix grandes régions administratives de la Côte d'Ivoire, 81,11% des ménages du Sud ; 90,67% des ménages du Sud- Est; 74,17% des ménages du Sud- Ouest; 81,94% des ménages du Centre; 85,30% des ménages du Centre- Nord; 77,79% des ménages du Centre- Ouest; 91,92% des ménages de l'Ouest; 62% des ménages du Nord; 95% des ménages du Nord- Est et 74,21% des ménages du Nord- Ouest affirment avoir des difficultés alimentaires76(*).

Dans chaque région donc, plus de la moitié de la population a des difficultés alimentaires. Or cette étude a été réalisée avant la guerre que connaît le pays depuis 2002. Celle- ci ayant aggravé le diagnostic, a conduit la Côte d'Ivoire à s'inscrire dans le processus de la réduction de la dette. Elle fait pour cela mains et pieds pour être reconnue comme un pays pauvre très endetté (PPTE), afin de bénéficier d' aide au développement. La population est donc en majorité pauvre et donc satisfait difficilement ses besoins alimentaires. Même les artistes n'y échappent pas77(*). Or, la satisfaction de ce besoin vital passe avant celui de se vêtir.

En effet, Maslow78(*) fait une hiérarchisation des besoins en quatre niveaux. Il situe au premier plan les besoins physiologiques qui sont indispensables à la vie de chaque individu, et qui sont composés de la respiration, l'alimentation, l'élimination, le maintien de la température, etc. Certains sociologues quant à eux font le classement des besoins en deux niveaux: le niveau primaire79(*). Pour eux, le besoin de se vêtir fait parti des besoins primaires tout comme le besoin alimentaire. Le sociologue Legrand fait la classification des besoins en trois groupes: besoins physiologiques où il situe le besoin de se vêtir et le besoin de s'alimenter.80(*) Ils sont unanimes quant à classer le vêtement et l'alimentation parmi les besoins primaires. Cependant, tous les besoins primaires ou physiologiques n'ont pas les mêmes urgences au niveau des satisfactions.

Pour la vie sexuelle par exemple, il y a des personnes consacrées au niveau de l'Église Catholique qui ont fait voeux de chasteté, tels que les prêtres, les religieux, les religieuses et les laïques consacrés. C'est un besoin qui n'est pas indispensable à la santé des individus. Ils peuvent donc s'en abstenir. Le vêtement également, bien qu'ayant intégré la vie normale des sociétés, il a un degré de satisfaction qui n'est pas le même que celui de l'alimentation. Une personne peut se passer d'acheter des vêtements les jours de fête ou pendant plusieurs mois, mais elle ne peut se passer de s'alimenter pendant plusieurs jours.

Ayant donc des difficultés pour satisfaire leurs besoins alimentaires, les ivoiriens sont à la recherche constante d'article à bon marché, peu importe les conditions dans lesquelles ils sont exposés et vendus. En effet, tous les consommateurs enquêtés vont à l'intérieur ou restent à l'extérieur du marché en fonction des prix des articles qu'ils trouvent abordables dans ces endroits. Un jeune homme titulaire d'une Maîtrise, habitant le quartier de la riviera 3, situé dans la commune de Cocody également va au marché pour s'approvisionner en denrée alimentaire, en particulier le poisson, car dit- il, sa femme vend du poisson fumé. Il n'a jamais acheté de tenues vestimentaires à Adjamé, parce qu'il était habitué au marché de Kouté81(*), situé dans la commune de Yopougon où il vivait. Il attend de découvrir le lieu où les prix seraient très abordables, selon ce que lui a dit l'un de ses amis, avant de s'y approvisionner en tenues vestimentaires.

Adjamé est donc un centre commercial (petit Noé), mais la population ne prend pas plaisir à y acheter n'importe quel produit. Les produits sont sélectionnés par ordre de priorité, et en fonction des prix. Elle adopte ce même comportement vis- à- vis des supermarchés. En effet, Piton affirme: «les personnes à revenu moyen fréquentent les supermarchés, mais seulement pour acheter les produits de base (riz, huile) qui sont pour la plupart du temps exposés en gondole, en produits d'appel à prix attrayant»82(*).

II- 2- 2- La recherche de proximité

L'autre aspect du comportement des consommateurs est la recherche de proximité. Les consommateurs viennent de toutes les communes du District d'Abidjan. Sur dix consommateurs enquêtés, un, résidant dans la commune de Port- Bouët, vient souvent faire des emplettes «au forum»83(*), quelques fois en tenue vestimentaire. Cependant, cette dernière, dit- elle a monté les escaliers du forum des marchés une ou deux fois depuis sa construction, parce qu'elle a déjà le choix à l'extérieur. Une dame habitant la commune d'Akouédo, achète des tenues vestimentaires à l'intérieur (au rez- de chaussé) du forum des marchés, parce qu'elle dit avoir des difficultés pour trouver son choix à l'extérieur. Cependant, elle n'a jamais monté les escaliers du forum des marchés. Une autre dame habitant la commune de Yopougon, achète des bijoux au premier étage pour les revendre84(*) dans sa commune. Elle achète les autres produits sur les pourtours et les trottoirs du forum des marchés. Les sept autres enquêtés achètent ce qu'ils ne trouvent pas à l'extérieur du forum, à l'intérieur. Ils ont tous évoqué le problème de l'accessibilité.

Les consommateurs quittent leurs différentes communes sans peine pour se rendre au forum des marchés d'Adjamé, cependant, une fois là- bas, c'est comme si l'accès à l'intérieur du marché était «le plus grand des supplices». Ils ont avancé comme raison «la montée penible des escaliers», cependant même le rez- de- chaussé n'est pas régulièrement pratiqué. Ceux qui y vont recherche une certaine garantie du produit85(*), ou parce qu'ils ne trouvent pas ce qu'ils désirent sur les trottoirs et pourtours.

Les vendeurs ont si bien compris cette habitude des consommateurs que même dans les marchés construits de façon basse, certains donnent des produits en petites quantités à leurs enfants, où les portent eux- mêmes dans des plateaux pour les exposer sur les pourtours et trottoirs. Le marché des légumes du plateau en est une illustration. Les automobilistes refusent de descendre de leurs voitures pour s'approvisionner. Cela contraint les vendeurs à s'installer sur les trottoirs avec les produits déjà emballés86(*). Ce comportement amène à croire que les consommateurs ne font des emplettes que lorsqu'ils vont vaquer à leurs occupations. Car «le temps, c'est de l'argent», comme dirait un adage populaire.

La recherche de proximité est également illustrée par l'étude de Aman sur les vendeurs ambulants aux alentours des feux tricolores87(*). Les automobilistes approuvent ce métier, parce qu'il rapproche les produits des consommateurs.

La recherche de proximité des produits par les ivoiriens n'est pas le fruit de la société moderne. Elle remonte aux sociétés pré- coloniales. En effet, les commerçants dioula qui étaient colporteurs envoyaient leurs produits aux gouro. Ceux- ci les achetaient sans fournir d'efforts de déplacement88(*).

II- 2- 3- Consommation et conscience sanitaire

Aucun des enquêtés n'était préoccupé par les conditions d'hygiène. Tous les consommateurs enquêtés vont à l'intérieur ou restent à l'extérieur du marché en fonction des prix des articles qu'ils trouvent abordables dans ces endroits. L'hygiène des denrées alimentaires ne constitue pas un souci pour eux.

Une dame fonctionnaire à la retraite, habitant le quartier des deux- plateaux situé dans la commune de Cocody, ayant le niveau première, achetait des denrées alimentaires sur le trottoirs pendant que nous faisions l'interview avec elle. L'état d'insalubrité de l'intérieur du marché en serait une raison; mais elle ne l'a pas évoqué. Un jeune homme titulaire d'une Maîtrise, en quête d'emploi, habitant le quartier riviéra 3, situé dans la commune de Cocody également, nous a affirmé: «moi c'est la quantité que je cherche oh, je ne cherche pas la qualité». Ces propos révèlent qu'il ne se préoccupe pas de l'état d'insalubrité du marché, mais se contente de comparer les prix. Pourvu qu'il obtienne les marchandises à bon marché, peu lui importe les conditions dans lesquelles elles sont exposées.

Cette mentalité est si répandue que le constat du boulevard Nangui Abrogoua en est une illustration. En effet, tout le long du boulevard Nangui Abrogoua se trouve exposée la nourriture déjà confectionnée: pain accompagné de soupe généralement, à l'intérieur de laquelle se trouvent des condiments tels que la viande, le rognon, les pattes alimentaires, etc. Ces produits ne sont pas protégés, ils sont exposés à la poussières et à toute sorte d'impureté; pourtant les consommateurs se ruent là dessus.

III- Les rapports entre les vendeurs

III- 1- Le manque de solidarité

Les vendeurs de l'ancien marché n'étaient pas constitués en syndicats. Ainsi, ceux qui possédaient des moyens économiques puissants ont toujours été prêts à acheter les places de ceux qui avaient des velléités de révolte ou qui n'avaient pas suffisamment de moyens pour les conserver. C'est ainsi que six sur quinze vendeurs des trottoirs et pourtours avaient souscrits aux places, mais ne les ont pas obtenues. Un sur quinze avait même versé la somme demandée, mais ne l'a pas obtenue. Ces vendeurs n'ayant pas obtenus de places, se sont repliés sur les trottoirs et pourtours.

Au même moment, le coût des places et la réduction de l'espace prévu pour un box n'ont pas empêché certains vendeurs d'acheter plusieurs box, au point de les ériger en magasin. C'est souvent que les acquéreurs perdent leurs places au profit d'autres vendeurs sans préavis.89(*) C'est le rôle que joue le service chargé de l'occupation des places et du règlement des litiges entre les acquéreurs. Nous avons assisté à une scène dans laquelle une dame qui disposait d'une place depuis 2002, à un endroit très fréquenté par les acheteurs, ne pouvait la mettre en valeur à cause de plusieurs difficultés . La mairie la lui a donc retirée sans préavis. Elle va alors négocier avec le service compétent. Après un pourboire, l'agent lui promet de lui trouver une autre place (celui- ci avait affirmé au départ que ce n'était pas possible, parce que toutes les places étaient occupées).

Cet exemple montre que chaque vendeur ne défend que sa cause sans penser aux autres. Il use de tous les capitaux possibles pour ravir les places des autres. Cela est à l'origine des luttes individuelles pendant les revendications. Ainsi, les vendeurs n'ont pu obtenir gain de cause auprès des autorités administratives. Le manque de solidarité entre les vendeurs profite donc aux autorités administratives qui sont plus fortes, et campent ainsi sur leur décision.

III- 2- Rapport de concurrence

Les vendeurs s'arrachent les clients. Lors de notre enquête, nous avons abordé un vendeur pour l'interview. Pensant que nous voulions acheter des articles, il nous a dit: «viens voir ma chérie, c'est avec moi que tu as acheté l'autre jour». Cela montre jusqu'où les vendeurs sont capables de s'arracher les clients les uns aux autres: les clients occasionnels comme les clients fidèles. Le simple fait de passer son chemin fait du passant un client potentiel. Si par aventure, il tente de s'arrêter pour regarder, ils lui posent la question: «c'est lequel tu veux», pour l'empêcher d'aller ailleurs. Le passant est traqué jusqu'à ce qu'il trouve un alibi pour s'éclipser.

Ce comportement est observable chez les vendeurs de tout genre: tenues vestimentaires, denrées alimentaires, divers. D'où les nombreux cris au niveau des trottoirs et pourtours, du genre « on a cassé le prix, 2000 est devenu 1000 F, etc»; «viens voir ma chérie, je vais t'arranger». Ces techniques d'invitation traduisent le pouvoir d'achat du consommateur ivoirien, et le fait qu'il soit constamment poussé par la recherche de produits à moindre coût.

La façon de conquérir les clients explique donc en partie le comportement des vendeurs face au forum des marchés. Le vendeur doit être installé à un lieu stratégique, où il peut avoir des clients potentiels. En effet, tous les vendeurs enquêtés ont affirmé que la plupart de leurs clients étaient des clients occasionnels. Leur pratique est similaire à celle de tout opérateur économique, qu'il soit d'une AGR, d'une PME, ou d'une firme.

CONCLUSION PARTIELLE

Malgré l'existence d'un service d'hygiène, l'intérieur du marché (le rez- de- chaussée) et les rues de la commune d'Adjamé sont gorgés d'ordures. Il n'y a aucun contrôle sanitaire au niveau des produits vendus. L'intérieur du marché n'a jamais été lavé. Sur les trottoirs et pourtours, les légumes sont exposés à même le sol. La viande et le poisson frais sont vendus sous un soleil ardent. La nourriture déjà confectionnée est exposée à la poussière provenant de nombreuses voitures en circulation, quelques fois à proximité d'un tas d'ordure. Quelle est alors la zone d'intervention du service d'hygiène de la mairie d'Adjamé? Existe- t- il seulement de nom?

Par ailleurs, au regard du comportement du consommateur, on remarque qu'il n'a pas acquis d'éducation en matière d'hygiène. Les sociétés traditionnelles ayant muté ou étant en voie de mutation, le consommateur doit acquérir une nouvelle éducation pour s'inscrire dans la modernité90(*). Si dans sa recherche de produits à moindre coût, le consommateur pensait à préserver sa santé, cela inciterait les vendeurs à vendre dans des conditions plus saines. Car les vendeurs s'adaptent à l'habitude d'approvisionnement des populations, d'autant plus que ce sont eux qu'ils cherchent à conquérir.

Le consommateur ivoirien fait aussi généralement des achats à la sauvette. Par contre, pour les produits alimentaires, bien que ne recherchant pas la qualité, et vu la nécessité pour lui de satisfaire son besoin alimentaire, il fait des efforts pour s'approvisionner dans un lieu adéquat, lorsque la quantité est importante. En effet, dans tous les marchés en hauteur, les places des produits vivriers sont toujours exploités quel que soit l'endroit où ils se situent.91(*) L'ivoirien se donne donc plus de peine pour satisfaire ses besoins nutritionnels que ses besoins vestimentaires. De ce fait, pour amener la population à fréquenter les marchés construits en hauteur, le sommet doit abriter les places pour les produits viviers. Les box et les magasins doivent occuper les autres espaces. Cependant, pour garantir le succès d'une telle structure, il ne doit pas avoir de petits marchés construits de façon basse à proximité des marchés en hauteur. La municipalité doit également interdire l'installation des vendeurs sur les pourtours et trottoirs.

CONCLUSION

Le commerce s'est développé dans le monde entier et permet aux individus d'accéder à des biens et services dont ils ne disposent pas. Le marché de détail est le lieu où s'effectue la transaction entre le vendeur et le consommateur final. Il revêt de ce fait un intérêt capital dans les structures d'échange. Cependant, en Côte d'Ivoire, les marchés de détails centraux aménagés construits en hauteur ne sont pas exploités par les vendeurs comme le sont les marchés précaires ou marchés construits de façon basse. Notre choix s'étant porté sur le forum des marchés, à cause de l'ampleur du phénomène au sein de celui- ci et du statut commercial de la commune d'Adjamé, nous avons formulé la question centrale suivante:

Pourquoi après avoir souscrit à toutes les places du forum des marchés, celui- ci reste- t- il désert alors que les trottoirs et les pourtours sont engorgés par les vendeurs?

Afin de réaliser des objectifs spécifiques, nous avons posé les questions suivantes:

Quelles sont les logiques qui fondent le comportement et l'attitude des vendeurs du forum des marchés d'Adjamé au point de résister à toute sorte de pression, et de s'exposer à des risques d'accident?

Comment sont pratiquées les opérations de déguerpissement au niveau du forum des marchés pour qu'elles soient inefficaces?

Quelles sont les habitudes d'approvisionnement des consommateurs?

La recension des écrits antérieurs et la teneur des questions nous situent dans un paradigme de type interactionniste. De ce fait, nous avons inscrit l'analyse de nos données dans l'individualisme méthodologique complexe, afin de comprendre la structure sociale dans laquelle se situent les vendeurs du forum des marchés et comprendre leur action ou réaction face à cela.

Au niveau des techniques d'enquête, l'avancement actuel de la connaissance scientifique nous fait savoir que notre champ d'étude n'est pas vierge. Nous avons pour cette raison eu recours à la documentation qui nous a permis de mieux poser notre problématique. La sociologie se basant sur des faits empiriques, nous avons eu des entretiens avec les personnes susceptibles de nous permettre la compréhension du phénomène de désertion du forum des marchés. Notre objectif général étant de comprendre celui- ci, nous avons mené une étude qualitative. A travers une étude de cas, nous avons interrogé vingt vendeurs et dix consommateurs du forum des marchés de la commune d'Adjamé.

Tous les éléments sus-cités nous ont permis de comprendre que le phénomène de désertion du forum des marchés est le fait des actions des autorités administratives. Ces dernières, pour des enjeux économiques et politiques ont élaboré ou ont autorisé une structure architecturale qui ne correspond pas à la culture des consommateurs. Ils ont également adopté une stratégie de gestion qui développe et pérennise le phénomène de la désertion. En dehors de ce fait, il y a les habitudes d'approvisionnement des consommateurs qui y participe en grande partie. en effet, Il y a le fait qu'ils ne s'approvisionnent pas pour la plupart à l'intérieur du marché, parce que n'étant pas habitués aux constructions en hauteur. Il y a aussi le fait qu'ils font généralement des achats à la sauvette. Notons également leur pouvoir d'achat qui limite leur fréquentation des marchés. Ils les conduit aussi à la recherche constante d'articles à bon marché, en faisant fi des conditions de conservation et d'hygiène.

Nous sommes donc parvenue à comprendre les logiques qui fondent le comportement et l'attitude des vendeurs du forum des marchés d'Adjamé. Nous avons également analysé les habitudes d'approvisionnement des consommateurs qui participent au comportement des vendeurs. A travers l'analyse des enjeux de la mairie, nous sommes arrivée à comprendre les raisons politiques qui font perdurer la situation de l'occupation des trottoirs et pourtours. Nous sommes donc parvenue à comprendre le phénomène de désertion du forum des marchés en nous inscrivant dans le paradigme méthodologique.

Aucune recherche scientifique n'ayant été publiée sur le phénomène de désertion des marchés de détail, notre étude vient élargir le champ de la connaissance scientifique dans le domaine du marché. Elle vient donner une ébauche de compréhension sur le fait que les marchés aménagés ne soient pas toujours exploités. Une autre étude sociologique sur la consommation de rues et la conscience sanitaire en Côte d'Ivoire pourrait illustrer davantage le comportement des consommateurs, et aider à une meilleure compréhension de l'attitude et du comportement des vendeurs du forum des marchés.

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* 1 Hervé Defalvard (1994), «Marchés et développement économique», Cahier des Sciences Humaines, Vol 30 N° 1- 2, P 53.

* 2 Le quotidien, paru le 19 Mai 2008, «occupation anarchique des trottoirs».

* 3 propos recueilli auprès du responsable de gare des autobus de Marcory.

* 4 Dictionnaire de la langue française (1994), tome II, I- Z, Editions Encyclopédies, Paris, Bordas, p 1260.

* 5 Sylvie Mesure et Patrick Sividan (2006), Le Dictionnaire des sciences humaines, Paris, PUF, P 741.

* 6 Georges Thines et Agnès Lempereur (1975), dictionnaire général des sciences humaines, Paris, Editions Universitaires, page

* 7 Viviana Zelizer (2000), p 384, cité par Ronan Le Velly (2007), Qu'est- ce qu'un 'échange marchand,

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* 8 Pierre Bourdieu (2000), Les structures sociales de l'économie ( production électronique: résumé de l'oeuvre).

* 9 Claude Robineau (1994), «Anthropologie économique et marché», cahiers des sciences humaines, vol 30, n° 1-2, P 30.

* 10 Claude Robineau (1994), op cit, p 24.

* 11 Claude Robineau (1994), op cit, p 23.

* 12 Claude Robineau 1994), op cit, p 31.

* 13 Mark Granovetter (1985), cité par Alice Sindzingre (1998), «réseaux, organisation et marchés,» Autrepart, n° 6, Éditions de l'Aube, ORSTOM, P 76.

* 14 Emmanuel Fauroux (1994), «Les échanges marchands dans les sociétés pastorales de l'ensemble méridional de Madagascar», Cahier des Sciences Humaines, Vol 30 n° 1- 2, p 197- 210.

* 15 Claude Robineau (1971), Évolution économique et sociale en Afrique centrale, mémoire ORSTOM n°45, Paris, ORSTOM.

* 16 Claude Meillassoux (1964), Anthropologie économique des Gouro de Côte- d'Ivoire, Mouton, Paris- La Haye.

* 17 Tige de fer métallique uniforme que les Malinké fournissaient aux Gouro. L'appellation sompe est en Malinké, les gouro parlent de Bro. P 192.

* 18 Claude Robineau (1994), op cit, p 30.

* 19 Claude Robineau (1994), op cit, p 23.

* 20 Philippe Steiner, le marché selon la sociologie économique( texte de conférence à l'Université Paris IX), IRIS, production électronique:

* 21 Pierre Bourdieu (2000), Op cit.

* 22 Neil Fligstein (2001), «Le mythe du marché» Actes de la recherche en sciences sociales, Vol 139.

* 23 Documentaire sur France 24.

* 24 Elodie Piton (2000), Les centres commerciaux à Abidjan, Mémoire de Maîtrise, Université de province Aix- Marseille, Institut de géographie urbaine.

* 25 Aurélie Poyau (2000), Mutation des marchés de la ville d'Abidjan, Mémoire de Maîtrise, Université de Provence Aix- Marseille, UFR des sciences géographiques et de l'aménagement, p 19.

* 26 Noëlle Terpend et Kalil Kouyaté (1997), «Approvisionnement et distribution alimentaires des villes» Aliments dans les ville, FAO, Dakar.

* 27 Information reçue au service constat du GSPM d'Abidjan.

* 28 Noé est un quartier de la commune de Tiapoum, situé à la frontière Côte d'Ivoire- Ghana. Les commerçants y vont s'approvisionner en diverses marchandises à moindre coût pour revendre dans les autres communes de Côte d'Ivoire. L'expression «petit Noé» signifie qu'on y trouve toute sorte de marchandises à moindre coût.

* 29 Propos recueilli auprès du chef de gare SOTRA de la commune de Marcory.

* 30 Voir annexe III, photo 1.

* 31 Propos recueilli auprès des agents de la mairie d'Adjamé.

* 32 Voir annexe III, photo 4.

* 33 Voir annexe III, photo 3 et 4.

* 34 Propos recueilli auprès des agents de la mairie d'Adjamé.

* 35 Information reçue au service constat de la préfecture de police d'Abidjan.

* 36 Marché construit avant le forum en R + 1; il est aussi quasiment désert.

* 37 Il y a le marché Djê- Konan de Koumassi et le marché belle ville situé dans la commune de Treichville qui présentent le même caractère.

* 38 Daniel N'Guessan Djédjé (2002), Développement en Côte d'Ivoire et comportement économique et social des immigrants: le cas des Burkinabè à Abidjan, Thèse de Doctorat de 3 ème cycle, IES.

* 39 C'est l'occupation abusive de ce boulevard, alors qu'en bordure se trouve le forum des marchés quasiment désert qui a suscité l'intérêt de notre étude.

* 40 Propos recueilli auprès du directeur technique de la mairie d'Adjamé.

* 41 Domaine habité par plusieurs ménages. Ils partagent généralement les toilettes et la cuisine.

* 42 Voir annexe III, photo 7, 8, 9 et 10.

* 43 Mini car pour les transports en commun.

* 44 Voir annexe III, photo 1.

* 45 Voir annexe II.

* 46 Il s'agit de toutes les étables de la commune d'Adjamé, celles qui existent à l'intérieur du forum des marchés comme celles qui existent sur les trottoirs et pourtours.

* 47 Voir annexe PV de visite d'un marché.

* 48 Voir annexe III, photo 2.

* 49 Nous appelons ici dioula les commerçants musulmans, originaires du Nord de la Côte d'Ivoire, du Burkina Faso, du Mali, du Sénégal, du Niger et de la Guinée Conakry.

* 50 Propos recueilli auprès du Directeur Technique de la mairie d'Adjamé.

* 51 Lors de notre pré- enquête, nous avons interrogé un vendeur que nous pensions être installé sur le pourtour. Il nous a révélé qu'il vendait dans l'ancien marché, mais pour des raisons économiques, après la construction du forum des marchés, il s'est retrouvé comme vendeur ambulant.

* 52 Voir annexe II.

* 53 Voir annexe II.

* 54 Deux sur vingt des enquêtés seulement ont révélé les défaillances au niveau de l'architecture. Un vendeur à l'intérieur du marché et un vendeur sur le trottoir. Ce dernier pratique le commerce à Abidjan depuis 1990, mais il a la connaissance des marchés des autres communes.

* 55 Nous n'avons pu obtenir d'information au cabinet juridique de la mairie d'Adjamé sous prétexte que les clauses de tout contrat sont des données confidentielles (nous a dit le juriste). La durée du contrat notée ici nous a été communiquée par le responsable du service voirie. Les autres agents nous ont révélé tantôt vingt cinq ans, tantôt trente ans.

* 56 A la cellule construction, il nous a été révélé qu'un box coûte entre 700000 et 800000 F CFA.

* 57 Pendant notre entretien avec les vendeurs, nous en avons rencontré un qui, installé à l'entrée nous a révélé vendre pour quelqu'un. Tous les box du lieu appartiennent à la même personne.

* 58 Nous avons interrogé une vendeuse qui est chrétienne catholique pendant la pré- enquête, mais nous n'avons pas eu l'occasion de l'interroger pendant l'enquête. Nous avons également rencontré un chrétien évangélique, mais il n'a que deux ans d'expérience. Il a donc été exclu de notre champ social.

* 59 Daniel N'Guessan Djédjé (2002), Op cit.

* 60 Les grossistes du forum des marchés s'approvisionnent en Chine ou à Dubai.

* 61 Tous les vendeurs des pourtours et trottoirs interrogés paient au minimum 300 F CFA comme taxe journalière avec les tickets de la mairie, et la plupart paient chaque jour 500 F CFA au moins sans ticket. Après notre entretien avec les différents services de la mairie, nous avons compris que ceux qui paient plus qu'ils ne devaient sont ceux qui n'ont pas obtenu l'autorisation du maire.

* 62 Les vendeurs des trottoirs et pourtours qui veulent avoir une place stable font une demande d'autorisation qu'ils adressent au maire. Ceux qui n'ont pas les capitaux sociaux et économiques pour la demande d'autorisation négocient en acceptant de donner chaque jour une somme forfaitaire pour conserver leurs places.

* 63 Le promoteur a divisé la longueur prévue pour chaque type de place par deux, et il a augmenté les différents prix.

* 64 Le temps du jeudi 23 Avril 2009.

* 65 Propos recueilli auprès d'un agent du service voirie de la mairie d'Adjamé.

* 66 Voir annexe III, photo 3 et 4.

* 67 Lors de notre pré- enquête, une consommatrice nous a dit ne pas «faire le marché» à l'intérieur du forum des marchés parce qu'il est sale.

* 68 La place est très restreinte.

* 69 Tous les vendeurs interrogés ont acquis leurs places grâce à leurs économies.

* 70 Un vendeur des pourtours a révélé verser chaque jour au gardien la somme de 1000 F FCA ou 2000 F CFA pour conserver sa place.

* 71 Propos recueilli auprès du directeur technique de la mairie d'Adjamé.

* 72 Aurélie Poyau (2000), op cit, P 7.

* 73 Documentaire sur France 24 .

* 74 Propos recueilli auprès du directeur technique de la mairie d'Adjamé.

* 75 Les vendeuses ghanéennes de pain sucré et de beignets en Côte d'Ivoire utilisent des caisses vitrées ou de grands sachets transparents pour la protection des aliments.

* 76 Institut Nationale de la Statistique (1993), cité par Modeste Gnoka Brouabré (1996), La problématique du développement et du niveau de vie en Côte d'Ivoire, Projet de DEA, IES, P

* 77 Saturnin Thien (2002), La pauvreté en milieu artistique, mémoire de Maîtrise, Abidjan, IES.

* 78 Abraham Harold Maslow (2008), Devenir le meilleur de soi, Organisation Edition (production électronique).

* 79 Béatrice Amar, Jean Philippe Guéguen et Suzanne Priot (2007), «Soins infirmiers: concepts et théories, démarche de soins», Nouveaux cahiers de l'infirmière, n°2, 4ème édition, p 45.

* 80 Jean Claude Legrand (1984), cité par Béatrice Amar, Jean Philippe Guéguen et Suzanne Priot (2007), Ibid, p 46.

* 81 Le marché de Kouté est renommé pour les brodes à moindre coût. Les habitants de toutes les communes du District d'Abidjan y vont pour s'approvisionner en tenue vestimentaire.

* 82 Elodie Piton (2000), Les centres commerciaux à Abidjan, mémoire de Maîtrise, Université de Provence Aix- Marseille, Institut de géographie, p 33.

* 83 Ce terme est employé pour parler du forum des marchés et ses pourtours; c'est- à- dire les trottoirs du boulevard Nangui Abrogoua y compris.

* 84 Les bijoux sont vendus en gros seulement au premier étage du forum des marchés.

* 85 Cette raison a été donnée par un jeune étudiant qui y va acheter des téléphones portables. Il trouve une garantie en ce sens que le vendeur est installé à un lieu fixe, et donc en cas d'anomalie au niveau du téléphone, il peut le lui restituer.

* 86 Le quotidien (2008), op cit.

* 87 Félix Koffi Aman (2002), Le phénomène des vendeurs ambulants aux alentours des feux tricolores à Abidjan, Mémoire de Maîtrise, IES.

* 88 Claude Meillassoux(1964), op cit, p 272.

* 89 Le contrat de la mairie avec les vendeurs stipule qu'elle procéderait au retrait des places, à l'endroit de ceux qui ne les mettraient pas en valeur.

* 90 Au niveau de l'insalubrité, il y a la pollution de l'aire causée par la fumée des voitures et des usines. Notons aussi les produits chimiques et toxiques que déversent certaines sociétés, avec son corollaire de bestioles favorisant la transmission de certaines maladies. Tous ces facteurs sont sources d'intoxication des produits, d'où l'émergence ou la persistance de certaines maladies tels que la fièvre typhoïde, le paludisme le choléra, etc. Ces phénomènes n'existaient pas dans les sociétés traditionnelles.

* 91 Le marché Djê- Konan situé dans la commune de Koumassi est construit en R + 1. Le rez- de- chaussée abrite les magasins (ou galeries) et le haut abrite les box et les places des produits vivriers. Toutes les places des produits vivriers sont occupées, alors que les box et les magasins sont quasiment déserts.






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