Chapitre Premier : Cadre Général
INTRODUCTION
L'activité touristique a augmenté à un
rythme accéléré au cours des dernières
décennies et les prévisions indiquent un taux de croissance plus
rapide dans le nouveau millénaire. Rien qu'en 2008, le nombre
d'arrivées est selon les chiffres du baromètre de l'OMT de 924
millions, soit 16 millions de plus qu'en 2007. Malgré un ralentissement
dû à la hausse du prix du pétrole et à l'aggravation
de la situation économique mondiale ainsi qu'à la
détérioration de la confiance des consommateurs, l'Afrique a
connu une croissance de 4% sur la même période. Mais aujourd'hui,
de nombreux sites touristiques bénéficient d'afflux massif de
visiteurs, en particulier dans les périodes de pointe, ce qui, du fait
de la concentration des visiteurs autour de certains sites et de la
surexploitation des ressources, provoque de graves difficultés de
gestion, la détérioration de l'expérience des visiteurs,
ainsi que l'ensemble des sites et environnements. Cette situation a
poussé les principaux acteurs du secteur à revoir la
méthode de gestion des sites touristiques, les modèles
d'aménagement et aussi à essayer de réduire au maximum les
impacts néfastes que les actions de l'homme pourraient avoir sur les
milieux ; donc nous avons assisté à un nouveau type
d'approche de la part des organismes touristiques en étroite
collaboration avec les états qui consiste à parvenir à
plus ou moins terme à créer les bases d'un tourisme durable.
Selon la charte EVEIL1(*) : «
Le tourisme durable désigne toute forme de
développement, d'aménagement ou d'activité touristique qui
respecte et préserve à long terme les ressources naturelles,
culturelles et sociales et contribue de manière positive et
équitable au développement et à l'épanouissement
des individus qui vivent, travaillent et séjournent dans ces
espaces C'est une activité de tourisme ou de loisir qui met
en place des pratiques respectueuses de l'environnement naturel et culturel et
qui participe de manière éthique au développement
économique local. Elle favorise ainsi la prise de conscience du touriste
vis-à-vis des impacts qu'il peut avoir sur le territoire et le rend
acteur de sa consommation. ».Donc le tourisme durable
décrit les différentes formes de tourisme alternatif qui se
voudraient respectueuses de l'environnement ou qui auraient pour but la
préservation des ressources locales ; mais il regroupe en son sein
une multitude de notions ou de modes d'actions qui, loin de s'exclure
mutuellement, sont toutes complémentaires, tels que l'Ecotourisme,
le Tourisme d'aventure, Le Tourisme équitable, le Tourisme solidaire,
etc. Et dans le cadre de notre analyse, nous nous intéresserons plus
précisément aux réalisations faites dans le cadre des
activités éco touristiques au Sénégal.
Ainsi, nous allons la focaliser sur l'activité
écotouristique au niveau des Aires Marines Protégées. Nous
allons donc, dans un premier temps faire une présentation de l'aire
marine protégée des iles du Saloum et du campement touristique
qui y a été créé, voir les raisons qui ont
mené à leur création et nous analyserons le système
de management qui a été mis en place pour la gestion de ce site
et des ressources locales
. Puis nous analyserons les mesures prises pour
protéger et restaurer la biodiversité et les installations qui
ont été mises en place pour éviter que l'activité
touristique ne devienne source de pollution pour ce milieu.
Ensuite nous allons voir les effets que l'implantation de ce
site touristique engendre au niveau des populations, les opportunités
que cela représente pour la localité en termes d'emploi, de
retombées économiques et de valorisation des cultures, tout en
soulignant les inconvénients pouvant résulter de la
création de ces sites et les bouleversements que cela occasionne. Tout
en analysant les perceptions et appréciations que les autochtones ont
sur le site qui a été créé.
Aussi, nous allons analyser la situation actuelle du site et
la comparer aux objectifs qui étaient visés lors de sa
création pour voir s'ils sont atteints ou sont en voie de
réalisation, voir les méthodes de promotion de
l'écotourisme dans cette localité et de Keur Bamboung en
particulier. Et enfin nous verrons les conditions nécessaires pour la
durabilité de ce site et les modifications qu'il faudrait apporter afin
que ce projet ait des impacts durables et bénéfiques à
tous les acteurs impliqués.
Problématique
Première aire marine protégée du
Sénégal, l'AMP de Keur Bamboung est fonctionnelle depuis 2003.
Toutefois, afin de faire en sorte que cette structure puisse fonctionner avec
des ressources qui lui soient propres, l'OCEANIUM, qui a encadré le
projet de création, a fait construire un gîte
écotouristique afin que les recettes soient réutilisables par
leur comité de gestion. Mais au vu des effets qui sont
généralement engendrés par le tourisme, un scepticisme a
longtemps plané sur la faisabilité et la viabilité d'un
pareil projet.
En effet, considérée comme la première
activité de service au niveau mondial, en termes de devises, le tourisme
n'en demeure pas moins une activité qui engendre plusieurs impacts
néfastes sur les milieux d'accueil, mais aussi sur les individus
résidant dans ces milieux. D'abord, sur le plan socioculturel, le
tourisme provoque une érosion culturelle des autochtones, surtout pour
les jeunes qui s'adonnent à des pratiques qui ne sont guère
acceptées par les moeurs locales. Aussi le tourisme change parfois les
rites religieux, les rituels culturels, les activités sociales, les
manifestations et coutumes qui en deviennent réduits à des
folklores. Les riverains des sites touristiques font malgré eux l'objet
d'une marchandisation, ce qui, dans certaines zones mondiales est la cause de
plusieurs dérives : le Sri Lanka, le Cambodge, Madagascar,
Haïti, etc. autant de destinations qui sont connues pour le tourisme
sexuel qui s'y est développé ces dernières
décennies. Ces faits entrainent une recrudescence de la prostitution
dans les zones rurales. L'activité touristique provoque aussi souvent
des chocs de culture car elle crée une rencontre entre deux champs
socioculturels très éloignés et opposés. Et les
déséquilibres économiques n'en sont que plus visibles car
les touristes résident dans de luxueux hôtels, consomment
énormément en énergie et en nourriture et dépensent
des sommes colossales (300 milliards de recettes pour le Sénégal
en 2005), alors que les autochtones n'ont pas les mêmes capacités
financières, engendrant des frustrations profondes souvent sources de
tensions sociales. Et aussi certains objets artisanaux, qui pourtant avaient
une signification pour les populations locales, ont tendance à
disparaitre au profit d'autres produits et babioles achetés par les
touristes pour des souvenirs. Concernant l'activité professionnelle dans
le milieu du tourisme nous constatons aussi facilement des discriminations
aboutissant à des postes généralement peu qualifiés
et peu rémunérés pour les locaux (gardiens, jardiniers,
personnel d'entretien) et les postes les plus importants et mieux
rémunérés sont attribués à des
étrangers. Et ce phénomène se voit surtout en Afrique
où de grandes chaînes hôtelières s'installent et
embauchent un personnel occidental pour occuper la majorité des postes
de direction.
Sur le plan écologique aussi le tourisme est à
l'origine de plusieurs effets négatifs. Des aéroports
internationaux sont installés sur de toutes petites îles, de
grandes constructions sont réalisées sans tenir compte de la
fragilité des milieux. D'après le rapport de l'OMT sur les
impacts environnementaux du tourisme de 2004, l'activité touristique
représente 60% du trafic aérien mondial, ce qui est une source
d'émission d'une grande quantité de gaz à effet de serre
et de pollution sonore. La pollution engendrée par le tourisme est
beaucoup plus importante quand on prend en considération tous les
déchets physiques et liquides résultant de la grande consommation
énergétique due au tourisme.
Toutefois, avec l'avènement de nouvelles politiques
économiques et environnementales au niveau mondial telles que la
promotion du développement durable, de nouvelles mesures ont vu le jour
afin de faire que le tourisme soit une activité plus responsable. En
1987, le rapport Brundtland publié par la Commission mondiale sur
l'environnement et le développement affirmait que deux concepts
étaient inhérents au développement durable :
- Le concept de « besoins », et plus
particulièrement des besoins essentiels des plus démunis à
qui il convient d'accorder la plus grande priorité,
- Et l'idée des limitations que l'état de nos
techniques et notre organisation sociale imposent sur la capacité de
l'environnement à répondre aux besoins actuels et à
venir.
En résumé, le développement durable est
un mode de « développement qui répond aux besoins du
présent sans compromettre la capacité des
générations futures de répondre aux leurs. ».
Ainsi, le tourisme durable doit donc être un mode de tourisme qui
permette de conserver toutes les espèces vivant dans les sites
d'accueil, de même que faire en sorte que les autochtones puissent
conserver leurs valeurs culturelles afin que les générations
futures puissent bénéficier des mêmes acquis. Et en 2002,
la déclaration du Québec fut publiée lors du World
Ecotourism Summit, afin qu'une attention particulière soit
accordée au tourisme durable lors du Sommet Mondial sur le
Développement Durable de Johannesburg. En effet, le tourisme est une
activité transversale car il touche quasiment tous les secteurs de
l'économie et donc serait un bon moyen de lutte contre la
pauvreté. Ce sommet mondial de l'écotourisme avait était
organisé sous l'égide du Programme des Nations Unies pour
l'Environnement et de l'OMT et réunissait plus d'un millier de personnes
venant de 132 pays. Cette déclaration reconnaissait « que
l'écotourisme englobe les principes du tourisme durable en ce qui
concerne les impacts de cette activité sur l'économie, la
société et l'environnement et qu'en outre il comprend les
principes particuliers suivants qui le distinguent de la notion plus large de
tourisme durable :
§ Il contribue activement à la protection du
patrimoine naturel et culturel,
§ Il inclut les populations locales et indigènes
dans sa planification, son développement et son exploitation et
contribue à leur bien être,
§ Il propose aux visiteurs une interprétation du
patrimoine naturel et culturel, et
§ Il se prête mieux du voyage en individuel ainsi
qu'aux voyages organisés pour de petits groupes. »
Ceci faisant, certains pays créent des zones
réservées où les espèces sont
protégées afin que l'écotourisme puisse se
développer de manière conséquente, tel a été
le cas avec les Aires Marines Protégées au Sénégal.
L'activité touristique a très tôt connu
une forte promotion au Sénégal avec la station balnéaire
de Saly Portudal, seule station aménagée en Afrique
subsaharienne. Composée de 15 hôtels de 2 à 5
étoiles et 23 résidences et de nombreuses autres structures
touristiques, cette station détient 26% de la capacité
d'hébergement du Sénégal alors que Dakar et la basse
Casamance détiennent respectivement 55 % et 22 % des structures
d'accueil. Chaque année, le tourisme rapporte pas moins ce 600 millions
de dollar au Sénégal, ce qui en fait le deuxième
pourvoyeur de devises avec une part directe de plus de 2,5% du PNB en
2003 ; il fournit aussi 12000 emplois directs et 18000 indirects selon le
ministère du tourisme. Mais l'activité touristique est de
manière générale mal répartie au
Sénégal, seul Dakar et Saly à elles seules
représentent plus de 80% des structures d'accueil. Et le tourisme ne
repose que sur des produits destinés au tourisme balnéaire au
détriment de toutes les facettes culturelles et naturelles qui sont
très peu mises en valeur. L'aménagement de la station de Saly a
conduit à de profondes mutations des coutumes et moeurs locales. Les
jeunes hommes et femmes à la recherche d'argent facile se tournent
facilement vers la prostitution.
Constatant toutes les conséquences et dérives
qui accompagnent le tourisme de masse tant sur le plan économique,
social, culturel qu'environnemental, de plus en plus d'acteurs et organismes
militent pour la promotion et le développement de l'écotourisme.
L'écotourisme est un volet du tourisme durable qui s'oriente le plus sur
l'environnement et sur l'écologie. Il tend à réduire
l'impact qu'ont les hommes sur l'environnement naturel afin de permettre sa
préservation sur une longue durée. Mais il ne se limite pas
seulement à une forme d'écologie passive (utilisation
d'énergies renouvelables, économie d'énergie, traitement
des rejets...) cela s'étend aussi à une implication active des
populations locales et des touristes à des actions de
préservation et de sauvegarde de la biodiversité
(réintroduire certaines espèces menacées, reforestation,
protection de la faune et de la flore.)
Le leitmotiv de l'écotourisme est axé
principalement sur ces trois aspects : la préservation des milieux
et la protection de l'environnement, la génération de ressources
financières allant au bénéfice direct des populations
locales et la valorisation des cultures locales.
Les premières décisions ayant permis de lancer
une politique ayant une portée sur le volet écotouristique ont
été la création des Aires marines protégées.
En effet l'Etat du Sénégal selon le rapport du
décret de création des aires marines protégées, a
décidé, à la suite de la tenue du Congrès des Parcs
Nationaux du réseau AFRIMAB de l'Unesco en 2003, de se conformer
à la recommandation stipulant que les Etats doivent mettre l'accent sur
la protection d'au moins 5% de leur espace littoral et marin. Ainsi, le 30
avril 2004, la décret N° 2004-607 projetait la création, sur
une superficie totale de 1030 Km2, de 5 AMPs à
Saint-Louis, Kayar, Abené, Joal fadiouth et Bamboung.
L'écotourisme est une forme de tourisme dont les effets
sur l'environnement sont supposés être positifs, mais c'est une
notion qui ne compte que quelques décennies d'existence et dont tous les
impacts ne sont pas encore totalement maîtrisés et il arrive
d'ailleurs qu'il contraigne les populations environnantes à changer
plusieurs éléments de leur mode de vie et cela a aussi plusieurs
impacts sur leurs activités professionnelles en ce sens que les
populations établies aux alentours des AMPs sont des pêcheurs ou
ont des activités liées à l'exploitation des ressources
dont elles disposent et la privation de ces ressources peut parfois être
source de bouleversements sociaux.
A Keur Bamboung aussi les villages qui sont impliqués
dans la gestion de l'aire protégee sont ceux qui comptent des
pêcheurs parmi leurs habitants, mais beaucoup de liberté leur a
été laissée sur le choix de la mise en place ou non d'une
zone réservée et de sa situation. Il y a au total une quatorzaine
de villages qui sont impliqués à ce projet et les autochtones
occupent même les postes importants du comité de gestion, avec
bien entendu l'O.N.G OCEANIUM et certaines autorités locales. Dans ce
localité, il y a une très forte variété
d'espèces que les populations ont décidé de
préserver. Et nous allons voir si l'écotourisme à Keur
Bamboung est réellement vecteur de développement durable et s'il
y a des ratés dans l'organisation qui a été mise en place.
Objectif général
L'écotourisme est présenté comme un mode
de tourisme bénéfique aussi bien pour l'environnement qu'aux
individus.
Nous voulons analyser la situation actuelle de
l'écotourisme à Bamboung,voir l'état actuel de
l'écotourisme à Keur Bamboung , afin de pouvoir déterminer
si tous les objectifs fixés lors de la création de ce site ont
été atteints.
OBJECTIFS SPECIFIQUES
o Analyser le système de management de l'AMP
o Identifier les mécanismes de génération
de revenu et la distribution de ces revenus
o Identifier les impacts engendrés par
l'aménagment ainsi que le systeme de management mis en place en vue de
les mitiger
o Analyser le mode de distributions des recettes touristiques
et l'usage qui en est fait afin de voir si ces recettes sont réinvesties
par les collectivités pour la construction d'infrastructures pour les
autochtones
o Mieux comprendre le mécanisme de participation et
d'implicationde la population locales dans le projet,
o Voir si les mesures prises permettent de réduire
l'impact des touristes sur l'environnement et aussi voir si elles permettent de
restaurer la biodiversité,
o Nous verrons si les cultures locales n'ont pas
été altérées à cause des contacts multiples
avec des touristes ayant des attitudes différentes des leurs,
o Et enfin nous verrons si la création de ce site et
l'activité touristique en découlant n'ont pas été
à l'origine de tensions sociales et si les populations apprécient
la transformation de leur environnement direct en site touristique.
Hypothèses
Le tourisme durable est une finalité et les
différents types tourismes développés ces dernières
années tels que le tourisme alternatif, le tourisme équitable ou
l'écotourisme sont des moyens pour y parvenir.
Pour la réalisation de notre étude, notre
hypothèse de départ est que, comparé au tourisme
balnéaire généralement pratiqué au
Sénégal, l'écotourisme offre plus d'avantages aux
populations et aux collectivités.
Aussi nous trouvons que, vu l'intérêt que
suscitent les zones naturelles pour les touristes, l'écotourisme
permettrait plus facilement d'atteindre l'objectif de l'Etat
sénégalais qui est d'accueillir d'1500000 visiteurs à
l'horizon 2010.
Et enfin, une autre hypothèse que nous
vérifierons durant notre analyse est que l'écotourisme, du fait
de la proximité directe entre les autochtones et les visiteurs, permet
des échanges culturels beaucoup plus poussés entre le touriste et
l'habitant.
Pertinence du sujet
Le concept d'écotourisme est un mode tourisme qui est
né vers la deuxième moitié des années soixante et
beaucoup de destinations touristiques s'y intéressent de plus en plus
car elle apporte des solutions aux inquiétudes que pourraient avoir
certains acteurs du tourisme, en l'occurrence en matière de
pérennité des ressources disponibles et d'attractivité. La
gestion des aires marines protégées est aussi un aspect
très important en ce sens que cela s'exécute sous la forme d'une
collaboration entre l'Etat, à travers la Direction des parcs nationaux,
des Organisations Non Gouvernementales et d'un comité de gestion. C'est
un modèle de gestion concertée qui est très rare dans les
modèles de management.
Aussi le développement durable est un concept qui
intègre tous les secteurs d'activités et par ce thème,
nous pourrons voir dans quelles mesures les théories managériales
actuelles peuvent être appliquées afin de faire du tourisme une
activité durable.
Et ce thème est d'autant plus intéressant qu'en
terme de promotion et d'aménagement touristique, la création des
AMPs respecte beaucoup plus les normes et mesures préconisées en
ce qui concerne les consultations publiques et aussi le respect de
l'environnement.
Revue Critique de la Littérature
Le tourisme offre la possibilité de voyager, de
rencontre d'autres peuples et de connaître d'autres cultures, il peut
aussi être un élément de développement social,
économique et politique pour de nombreux pays. Mais la nature
ambivalente du tourisme fait que le tourisme provoque aussi la
détérioration de la nature et de la perte d'identité
culturelle. Pis, Isabel BABOU et Philippe CALLOT, dans leur ouvrage Les
Dilemmes du Tourisme réfutent la théorie de l'Unesco
affirmant que « le tourisme est un véhicule de la
paix » et trouvent plutôt que « plus le temps
passe, plus le tourisme accentue les clivages. Pourquoi ? Quand va-t-on
s'interroger sur les conséquences de l'indécence avec laquelle
les touristes occidentaux circulent dans les pays pauvres ?sur
l'inconscience avec laquelle ces sacs de billets sur pattes viennent
étaler leur opulence ? Quand va-t-on comprendre que cette attitude
nourrit le terrorisme ? On a compté un millier d'attentats
terroristes en Egypte entre 1997 et 2007 : une centaine par an. Nous
faisons le terreau des mouvements terroristes au lieu de diffuser la
démocratie. ». Ces auteurs pensent que les touristes blancs,
en affichant une certaine richesse et une quasi indifférence face
à la misère des populations locales nourrissent une
hostilité de ces derniers à leur égard. Cette assertion
n'est pas sans fondements, surtout quand on fait le lien avec les
dernières vagues d'attentats en Egypte et en Inde, on se rend compte que
les touristes et les somptueux palaces qui les accueillent sont de plus en plus
les cibles des attentats. Ils renchérissent en
affirmant : « Globalement, la part qui revient à
l'autochtone ne dépasse jamais 20% de la dépense totale. C'est un
système qui va jusqu'à pervertir l'économie locale de ces
pays, des promoteurs sont venus acheter des terres à vils prix pour y
construire des hôtels, des complexes touristiques... ». Et
c'est le même son de cloche du côté de Mayer HILLMAN, dans
son article intitulé Impacts Environnementaux du Tourisme paru en
1996 dans Town & Country Planning Magazine qui dénonce le fait que
l'eau douce « est consommée avec abondance par les
hôtels pour les piscines, les terrains de golf et l'usage des
populations. La consommation peut monter jusqu'à 440 litres par jour
dans les régions méditerranéennes. »Et cela se
fait alors qu'à quelques kilomètres de ces sites, des gens
meurent par manque d'eau potable. Les structures d'accueil pour les touristes
consomment énormément en énergie, notamment en
électricité, pour la climatisation, en eau et aussi en aliments
qui finissent dans les poubelles. Il continue en affirmant
que « le tourisme pollue autant que n'importe quelle
industrie : pollution de l'air, de l'eau, bruit, déchets solides,
liquides, produits pétroliers, déchets chimiques. [...] par
exemple, un seul bateau de croisière rejette 7000 tonnes de
déchets solides chaque année. » Et au
Sénégal, tous ces types de pollution sont visibles, et en plus,
il y a aussi une pollution esthétique, notamment au niveau des plages,
et c'est plus visible à Saly où les hôtels empiètent
totalement sur le domaine public maritime faisant que les populations n'ont
plus accès aux plages. Encore dans cette même zone, un des effets
les plus négatifs découlant de l'activité touristique est
le tourisme sexuel. Abandonnant de plus en plus leurs activités
traditionnelles, les jeunes hommes et filles se prostituent en espérant
contracter un mariage avec une blanche ou un blanc pour sortir de la
pauvreté. Ces faits sont aussi décriés par Franck MICHEL
dans Planète Sexe Tourismes Sexuels, Marchandisation et
Déshumanisation des Corps qui nous parle du fait que
« Partout le fléau du tourisme sexuel gagne en importance et
répond à une demande de plus en plus forte en provenance
d'Europe, d'Amérique, d'Australie et du Japon essentiellement. [...] le
drame de nos jours réside dans l'augmentation du trafic humain et du
développement de la prostitution enfantine à des fins
touristiques. ». Et au Sénégal, ce
phénomène s'accompagne d'une déculturation des jeunes qui
abandonnent totalement nos moeurs pour s'adonner à des activités
non conformes aux cultures locales. Mais les Etats et les multiples acteurs du
tourisme sont tout à fait conscients de toutes ces facettes
négatives du tourisme et tentent de rectifier le tir en
développant des modes de tourisme qui réduisent la pollution et
les traces des hommes et aussi respectent les réalités locales,
en faisant que les autochtones en bénéficient autant que le
touriste. C'est d'ailleurs en ces termes que s'affirme la Charte du Tourisme
Durable, résultant de la Conférence Mondiale du Tourisme Durable
de 1995 à Lanzarote, stipulant que « le développement
touristique doit reposer sur des critères de durabilité ; il
doit être supportable à long terme sur le plan écologique,
viable sur le plan économique et équitable sur le plan
éthique et social pour les populations locales. ». Cette
charte décrit tous les éléments nécessaires au
tourisme pour réduire au maximum les impacts négatifs dont tous
les auteurs précédemment cités ont parlé.
Toutefois, certains de ces impacts restent intrinsèquement liés
au tourisme de masse, donc cette charte souligne la nécessité
pour le tourisme de subir plusieurs modifications qui vont en faire un
instrument de développement durable. Et cette charte, déjà
en 1995, traite de certains éléments du tourisme durable qui sont
toujours d'actualité sur lesquels nous revenons plus en détail
dans notre étude, notamment en ce qui concerne la protection de la
nature. En effet, elle déclare que le tourisme « doit
respecter les équilibres fragiles qui caractérisent de nombreuses
destinations touristiques en particulier les petites îles et les zones
écologiquement fragiles. ». Donc face à cela, c'est
l'essor du tourisme durable qui semble être la solution
appropriée, et plus précisément dans le cadre de notre
étude il s'agit de l'écotourisme. Et c'est à cette
même conclusion qu'aboutit le rapport conjoint de l'OMT, du PNUE et de
l'OMM publié en juin 2008 sur le tourisme et les changements
climatiques, en affirmant que, le tourisme est un des secteurs
d'activités qui polluent le plus et donc doit plus que tout autre
domaine se réadapter car il est l'un des secteurs les plus sensibles au
climat. Ce qui est même une litote car le tourisme est quasiment
dépendant du climat. Ce même rapport cite Francesco FRANGIALLI,
secrétaire général de l'OMT qui affirmait en 2007
« il est vital pour les destinations touristiques [...] d'anticiper
les évolutions et d'en tirer, dès maintenant les
conséquences. [Adaptation] est une oeuvre de longue haleine, qui doit
être soigneusement appréhendée et préparée
à l'avance ; elle n'est pas aisée à mener à
bien, car il convient à la fois de modifier les circuits
économiques, d'introduire de nouvelles technologies, de conduire un
effort intense de formation, d'investir pour créer de nouveaux produits
[...] et de faire évoluer les esprits des autorités publiques,
des entrepreneurs, des communautés d'accueil et des
touristes ». Mais la définition même de
l'écotourisme est un point de divergence, juste par quelques recherches,
on trouve une multitude de définitions parmi lesquelles « un
tourisme dans des espaces peu perturbés par l'homme qui doit contribuer
à la protection de la nature et au bien être des populations
locales » selon The Ecotourism Society, tandis que BOO, en 1990 le
définit comme « la visite des parcs nationaux et d'autres
régions naturelles, dans le but d'observer et d'apprécier les
plantes et animaux ainsi que toute la culture indigène » et
CATER ET LOWMAN le considèrent comme étant « une
expérience de voyage nature qui contribue à la conservation de
l'écosystème tout en respectant l'intégrité des
communautés locales » ; ceci conduit Marie
Françoise GODART, dans Problématique de l'Ecotourisme
à conclure que « l'écotourisme est un concept mal
fixé, qui peut se définir comme une activité, une
philosophie ou une stratégie de développement ». Et au
Sénégal la mise en place des mesures pour le développement
de l'écotourisme a été accompagnée par la
création d'aires marines protégées qui sont des
réserves faites pour protéger les espèces animales vivant
dans certains plans d'eau et, dans le cas précis de celui des îles
du Saloum, pour protéger certaines espèces
végétales, telle la mangrove et autres plantes aquatiques. Mais
chez plusieurs penseurs, le fait consistant à déplacer des
populations pour protéger la nature ou réserver une zone en
interdisant l'exploitation des ressources de cette zone, au détriment
des habitants qui doivent se tourner à d'autres activités pour
subvenir à leurs besoins. C'est le cas du Dr Marcus COLCHESTER,
directeur de Forest People's Program qui, dans « le
courrier, Unesco », souligne par une multitude d'exemples que les
autochtones se disent « ici, c'est notre garde-manger, on
connaissait tout des plantes et des animaux, quand cueillir, où
chasser. » Il retrace l'expulsion des bochiman au Kalahari, des Twa,
un peuple pygmée au Congo « qui ont spoliés de
leurs territoires, sans aucune perspective d'avenir, ils souffrent de
malnutrition aigüe », puis en 1970 l'Unesco permettait la
création de zones tampons au-delà des zones centrales pour faire
en sorte que les populations déplacées ne soient pas trop
dépaysés. « Mais en 1991, l'Union Mondiale de la
nature l'une des principales organisations de la nature, jugeait, en conclusion
d'une étude, les zones tampons généralement
décevantes. Les habitants, souvent à juste titre,
considèrent, souvent à juste titre, que la législation sur
les parcs naturels restreint leurs droits naturels. Les patrouilles de
surveillance, les démarcations territoriales ou les aménagements
touristiques ne les dissuadent pas d'empiéter sur les parcs où
ils continuent leurs activités agricoles. ». Donc la seule
solution est de travailler en collaboration avec les autochtones selon Marcus
COLCHESTER.
CHAPITRE II : Cadre Méthodologique
Cadre de L'étude
Le thème autour duquel est celui du tourisme durable.
Ce concept connaît une grande impulsion suite à
l'intérêt qu'il suscite pour beaucoup de pays et certaines
Organisations environnementales. Et l'écotourisme est jugé comme
le mode de tourisme qui permet le plus de réduire les effets
néfastes liés à l'activité touristique. Au
Sénégal, trois principaux acteurs agissent dans le domaine de la
protection de la biodiversité dans le sens du développement
durable et il s'agit de l'Etat, à travers la direction des parcs
nationaux, et de deux organisations non gouvernementales, le World Wild Fund et
l'Océanium. En collaboration avec ces acteurs, l'Etat du
Sénégal, a identifié 13 zones ayant des
potentialités écotouristiques mais n'a pour l'instant
établi des projets écotouristiques que pour 4 zones jugées
prioritaires à savoir : le Delta du Fleuve Sénégal au
Nord, la région de Tambacounda, le Delta du Saloum, la zone
Mbour-Joal-Fadiouth-Palmarin. Et depuis 2004, après la publication du
décret N° 2004-607, les grandes mesures prises pour promouvoir
l'écotourisme ont été orientées vers la
création d'Aires Marines Protégées. Une Aire marine
protégée est définie par l'Union Internationale pour la
Conservation de la Nature comme étant : « tout
espace intertidal ou infratidal ainsi que ses eaux sus-jacentes, sa flore, sa
faune et ses ressources historiques et culturelles que la loi ou d'autres
moyens efficaces ont mis en réserve pour protéger en tout ou en
partie le milieu ainsi délimité. »
Donc notre but sera de voir les progrès qui ont
réalisés par le Sénégal pour promouvoir et
développer les AMPs et aussi de voir si, à l'état actuel
de ces structures, l'écotourisme atteint les objectifs visés par
le tourisme durable.
Délimitation du champ d'étude
L'aire marine sur laquelle notre analyse portera est celle qui
se situe dans les iles du Saloum, à savoir l'AMP communautaire de Keur
Bamboung. Malgré le fait que celle-ci soit la plus petite des AMPs
créées au Sénégal (7200 hectares), elle
possède une très grande biodiversité avec plusieurs
espèces animales et aussi végétales avec notamment une
très grande mangrove. Ce site, qui ne compte que quelques années
d'existence, est d'ores et déjà devenu une destination phare pour
les éco touristes. Le choix de Keur Bamboung représenter
l'écotourisme au Sénégal se justifie par le fait que, en
plus de l'activité de protection des espèces et le respect des
principes de base du développement durable, il dispose d'un campement
qui a été créé et est développé en
collaboration avec les autochtones, construit par eux et le campement leur
appartient entièrement ainsi que les recettes en provenant. Ce qui fait
que le tourisme est devenu une des principales activités de la
localité, et le développement de cette activité a permis
de créer une micro-économie tr-s solide. Tous ces
éléments nous permettront donc de voir réellement les
effets qui sont conséquents de l'écotourisme. De même
nous nous intéressons aux aspects positifs et inconvénients
découlant de l'activité touristique et tous les impacts que cela
implique pour les habitants des villages impliques dans ce projet de même
que tous les villages se trouvant aux alentours du bolong de Bamboung. Donc en
sus de l'analyse que nous faisons sur l'écotourisme a Keur Bamboung,
Nous nous intéressons aux principes de développement durable
appliques sur place ainsi que les mesures de compensation appliquées sur
place.
Instruments de collecte
Afin de pouvoir recueillir les avis et impressions que portent
les populations directement concernées par l'activité
touristique, en l'occurrence ceux des 14 villages impliqués dans la
gestion dans la gestion de l'aire protégée et du gîte
écotouristique de Keur Bamboung, nous avons utilisé un
questionnaire et notre échantillon était de 100 personnes,
résidents dans les différents villages. Nous avons
interrogé des individus de tous les secteurs d'activité et
âges différents pour avoir une vision globale de ce que pensent
les habitants de tous les villages concernés. Aussi nous avons fait de
la recherche documentaire au niveau de l'Océanium, nous avons aussi
interviewé certains responsables locaux pour pouvoir accéder aux
informations relatives à la création du site. Et l'observation
participative, c'est-à-dire le fait d'aller sur le site nous a permis
d'avoir une impression plus juste grâce à une totale immersion
ECHANTILLONNAGE
Statut
|
Rapport avec AMP
|
Rapport avec le
thème
|
Président du comité de Gestion de l'AMP
|
Il dirige le comité de gestion et est chargé du
contrôle des objectifs fixés lors des rencontres trimestrielles du
comité de gestion.
|
Il a participé à la création de l'AMP de
keur Bamboung et est un des notables de Soukouta. Il a un rôle actif dans
la gestion du site et du campement depuis leur création.
|
Membres du comité de gestion
|
Ils se retrouvent avec certaines autorités locales
chaque trimestre pour évaluer les recettes du campement et
définissent tous ensemble les objectifs à atteindre et les
services touristiques offerts au niveau du campement.
|
Ils représentent respectivement les villages de :
Soukouta, Médina Sangaké, Dassilamé sérére,
Sipoh, Bétinti Sangako et Missirah. Ils sont chargés de
représenter les intérêts de leurs villages respectifs pour
que la zone de mise en défens soit bien préservée et aussi
afin que tous les villages disposent des même prérogatives.
|
Coordonnateur du projet Narou- Heuleuk
|
Agronome et conseiller, il est chargé de la supervision
des AMP à Océanium
|
Il est à l'origine du projet de création de
l'Aire marine et il encadre la gestion du site afin qu'il y ait une
réelle politique éco touristique à keur Bamboung. Et
participe à la recherche de nouveaux partenaires
|
Il sera aussi nécessaire de consulter les
représentants des autres villages faisant partie du comité de
gestion mais n'ayant pas de membre dans le bureau à
savoir :Sandicoli, Katior, Souroubani, Néma Bah, Bossinkang,
Diogaye et Toubacouta qui envoient un représentant durant chaque
réunion. Et c'est l'ensemble de ces représentants qui forment le
comité de gestion et sont chargés de prendre les décisions
adéquates pour la bonne marche de l'aire marine mais aussi du campement
dans le respect des normes éco touristiques et du développement
durable. Aussi il y a les agents de la direction de la pêche et de
surveillance de la pêche ainsi que le comité de surveillance. Ils
sont chargés de la protection du site et de faire en sorte que ceux qui
enfreignent les règles de pêche et d'exploitation des ressources
du site soient punis. S'agissant des membres du comité de gestion, ils
sont des acteurs incontournables de l'Aire marine et sont eux aussi issus des
différents villages membres du projet éco touristique de Keur
Bamboung. La direction de la pêche encadre les surveillants et leur
prête main forte en cas de nécessité et met un canoë
à leur disposition. Ensuite nous enquêterons au niveau des
gérants du campement pour connaître les mesures écologiques
mises en place et les activités proposés aux touristes et
visiteurs pour leur divertissement mais aussi pour les sensibiliser à
une démarche plus respectueuse concernant le tourisme. Et enfin nous
nous intéresserons aux principaux concernés à savoir les
habitants des villages qui pour certains ont du changer de profession à
cause des mesures de restriction ou face à de nouvelles
opportunités offertes par le tourisme ; il y a aussi parmi eux ceux
dont l'activité est directement liée au campement ou au tourisme
comme les artisans et ceux qui ravitaillent le campement en denrées de
première nécessité.
Difficultés rencontrées
L'aire marine protégée de Keur Bamboung se
trouve à Kilomètres de Dakar dans la communauté rurale de
Toubacouta. L'accès à ce site est relativement difficile car
l'état des routes entre Kaolack et Toubacouta est de très
mauvaise qualité. Aussi, arrivé sur place, la réalisation
des enquêtes n'a pas été facile car les autochtones ne
parlent pas français et certains ne parlent d'ailleurs même pas
Wolof.
L'écotourisme au Sénégal étant une
activité encore peu développée, il y a très peu de
données officielles et précises sur ce secteur et aussi il n'y a
quasiment pas d'ouvrages traitant de ce type de tourisme dans notre pays.
Et enfin recueillir des informations au niveau de
l'Océanium aussi car Jean GOEPP, qui est le coordinateur du projet
« Narou Heuleuk » qui prend en charge la création et
le suivi d'Aires Marines Protégées est constamment en voyage et
il passe très peu de temps au siège de l'Océanium.
CHAPITRE DEUX : CADRE CONCEPTUEL ET
ORGANISATIONNEL
Présentation de Keur Bamboung
I/ HISTORIQUE ET DESCRIPTION
Malgré le fait que le décret de création
des AMPs au Sénégal ait été publié en 2004,
l'AMP de Keur Bamboung, la première Aire Marine Protégée
du Sénégal, est fonctionnelle depuis le 15 Avril 2004. Cette
dernière a été créée dans la réserve
de biosphère du Delta du Saloum au niveau du bolong de Bamboung sur une
superficie de près de 7 000 hectares. Au départ, c'est
grâce à une initiative de l'Océanium, dans le cadre de son
projet « Narou Euleuk », mais aussi sur une volonté
ferme des communautés locales que cette réalisation a
été possible. Durant deux ans, de 2001 à 2003, cet
organisme va sillonner tous les villages pêcheurs de la localité
afin de les sensibiliser sur la nécessité de protéger
leurs ressources locales. Et ce message a été très bien
accueilli par les autochtones car ils s'étaient eux-mêmes rendus
compte que leurs prises étaient de moins en moins conséquentes.
Et ceci s'inscrit dans un contexte général de baisse des
ressources halieutiques au Sénégal : malgré le fait
que la pêche maritime soit passée de 50 000 tonnes en 1965
à 453 000 tonnes en 1997, les prises de la pêche continentale
elles sont passées de 30 000 en 1970 à 13 000 tonnes en
1999. Et de plus en plus les pêcheurs sont obligés de se rendre
de plus en plus loin en mer pour trouver du poisson en quantité
suffisante. Notons que selon le ministère de la pêche, la
pêche artisanale compte 400 000 travailleurs sur les 600 000
individus pratiquant cette activité.
L'Océanium a donc cherché à faire en
sorte que les autochtones soient conscients de la nécessité de
permettre aux espèces maritimes de se reproduire et que ces
espèces disposent de zones protégées. Deux ans durant, des
séances de vidéos projection et de débats ont
organisés par les équipes de l'Océanium. Et finalement, la
décision de créer une AMP a été unanimement
adoptée par l'ensemble des villages pêcheurs et le choix de
l'emplacement de la zone protégée ainsi que les modes de gestion
ont été laissés au choix des communautés locales
qui ont choisi de réserver le bolong de Bamboung qui est un lieu de
passage de plusieurs espèces et aussi de reproduction et se situant
près du village de Sipo. La localité de Toubacouta compte au
total 52 villages mais seuls les villages qui pratiquent la pêche ont
intégré le comité de gestion ils sont au nombre de 14 et
il s'agit de : Sandicoli, Médina Sangaké, Katior, Sangako,
Soucouta, Souroubani, Dassilamé Sérère, Néma Ba,
Missirah, Sipoh, Bétenti, Bossinkang, Diogaye et Toubacouta.
Les habitants de ces villages ont décidé d'un
commun accord de mettre en défens cette zone, c'est-à-dire de
fermer cette zone à toute exploitation, que ce soient des espèces
marines ou végétales. Et dès le 15 avril 2003, datte
officielle à laquelle l'Aire marine est jugée fonctionnelle, les
chercheurs de l'Institut de Recherche pour le Développement, à la
suite d'un accord avec l'Océanium, ont commencé à recenser
les différentes espèces marines qui vivaient dans la zone. Et
après les deux premières années, en Juillet 2005, le
rapport de l'IRD indiquait que la richesse globale était passée
de 51 à 74 espèces, dont 30 qui s'y reproduisent et 35 qui
fréquentent la zone pendant la croissance.
Ces nouvelles espèces sont pour la plupart des grandes
espèces recherchées par les pêcheurs telles que :
l'Epinephelus aenus, le lutjanus dentalus, la sphyraena afra... En plus de ces
nouvelles espèces, la structure démographique des peuplements des
poissons ont aussi subi de grandes modifications :
- Les dauphins ont colonisé la zone
- Forte augmentation des grands individus et des grandes
espèces
- Une forte augmentation des ichtyophages
spécialisés (prédateurs finaux) c'est-à-dire des
individus ou des animaux dont le régime alimentaire est essentiellement
composé de poissons
- Augmentation de l'activité de reproduction dans l'AMP
communautaire : 15 nouvelles espèces s'y reproduisent
- Diminution des prédateurs mixtes
- Forte action de dissémination de l'AMP : deux
tiers des espèces présentes dans l'aire protégée
sont amphibiotiques, c'est-à-dire des organismes dont le cycle de vie se
déroule dans deux milieux différents, en partie en eau marine et
en partie en eau douce.
- Augmentation de la population des mollusques tels que les
huitres, les arches, le murex, le cymbium.
Aux abords de l'Aire Marine, il y a aussi une grande zone de
mangrove principalement composée par des palétuviers
arborés, des zones vasières et des oiseaux : les
hérons Goliath, les Pélicans gris, les Flamants roses, les
martins pêcheurs, et aussi des animaux : le guib harnaché,
l'hyène tachetée, le serval, le singe vert, le
phacochère.
Le site a été choisi pour sa vue panoramique sur
le bolong du Bamboung, sa beauté, sa biodiversité, son
accès à l'eau douce par une source souterraine, sa situation au
coeur de l'Aire Marine Protégée communautaire. Mis en place pour
pérenniser l'Aire Marine Protégée communautaire, le
campement du Bamboung a été construit avec, par et pour les
populations locales.
II/ L'ACTIVITE ECOTOURISTIQUE DE KEUR
BAMBOUNG
A/ L'ECOTOURISME A KEUR BAMBOUNG
Pour la mise création de L'Aire Marine
Protégée de Keur Bamboung, les Fonds Français pour
l'Environnement Mondial ont versé près de 900 000 euros sur
cinq ans, soit un peu moins de 590 000 000 de francs Cfa .Durant la
première année, l'Océanium prenait en charge les frais
liés à leurs déplacements, le carburant des pirogues, leur
ravitaillement, etc. Mais afin que le comité de gestion puisse
être indépendant, l'Océanium a aidé les villageois
à mettre sur pieds un campement écotouristique. L'objectif
visé par la création de ce campement était de créer
de nouveaux emplois, de valoriser les ressources locales et aussi de donner
plus de possibilités financières aux autochtones dans la gestion
du site.
L'aire marine protégée de Keur Bamboung est
ainsi devenue la première AMP communautaire fonctionnelle d'Afrique de
l'ouest, au-delà de la protection de l'environnement, il y avait une
réelle volonté de mettre en place un mécanisme de
développement durable. Les villageois, à travers
l'activité touristique, ont pu bénéficier d'emplois
stables avec des revenus constants. Les ressources artisanales et culturelles
des autochtones peuvent plus facilement être valorisées et
commercialisées car les touristes sur place sont une clientèle
directe. C'est le cas pour le village de Sipo où il existe même un
marché artisanal qui vend des produits locaux des tissus et des objets
d'art. Certains artisans des 14 autres villages viennent même parfois
pendant la journée dans ce marché car il est le plus proche du
gîte écotouristique. D'autres commercialisent les noix d'acajou,
un produit très prisé par les touristes et disponible en grande
quantité, mais les anacardes proviennent des autres villages car la
commercialisation des ressources aux alentours du campement est interdite. Il
s'agit alors d'une activité de transformation puis de revente. Le pain
de singe aussi est un produit qui s'écoule facilement est une partie de
la production est même rachetée par le restaurant du campement qui
va en faire un jus pour les touristes. Et tout ceci se fait sans surexploiter
les ressources locales, afin que les générations futures puissent
jouir de toutes ces ressources sans que le tourisme soit une source de
problèmes, mais que ce soit une activité qui se développe
dans le respect mutuel des individus et des civilisations.
De plus, dans un esprit de solidarité et de
responsabilité, les touristes eux aussi cherchent à respecter
tous les dispositifs de protection de la nature et cherchent à
s'intégrer à ce milieu et à s'adapter, de sorte que tous
les villages ont gardé leur identité culturelle, avec des cases,
des fours traditionnels pour les pains, rares sont les villages qui sont
totalement électrifiés, et là encore c'est grâce
à des panneaux solaires. Tout ceci fait que Keur Bamboung a une
réelle économie et il y a un échange constant entre les
villages, certaines ressources ou produits sont transportés lorsqu'ils
sont nécessaires quotidiennement mais indisponibles localement. Et
là encore les villages environnants sont prioritaires, ce qui
crée un dynamisme commercial et économique, et chaque partie y
gagne. Contrairement à Saly ou d'autres sites touristiques, les
populations bénéficient directement de l'activité
touristique et sont même au coeur de ce dispositif car le campement est
une propriété collective des 14 villages.
Le Comité de Gestion de l'Aire Marine
Protégée communautaire est la structure qui est chargée de
gérer les recettes du campement. Des prestataires ont eu à
intervenir dans la construction du campement et sont tous des habitants des
localités environnantes ou des artisans locaux : maçons,
menuisiers, charpentiers, pailleurs, etc. Les bénéfices
générés par l'activité du campement doivent
permettre de couvrir les frais de fonctionnement de l'Aire Marine
Protégée communautaire : salaires des surveillants, entretien du
matériel, essence... et de soutenir la Communauté Rurale de
Toubacouta dans ses attributions de développement local.
Le campement écotouristique de Bamboung a
été construit sur les principes du tourisme durable. Il compte 8
cases, pouvant accueillir 28 touristes, bâties avec de la terre cuite et
de la paille. Toutes les cases sont éclairées grâce
à de l'électricité produites par des panneaux solaires
tandis que l'eau provient d'un puits et est aussi acheminée vers les
cases grâces à de l'énergie solaire. Et les déchets
qui sont issus du fonctionnement du campement sont triés, certains sont
réutilisés comme compost pour les plantes, et d'autres
redonnés aux villageois qui vont les utiliser à d'autres fins. Ce
campement n'utilise principalement que des énergies renouvelables ;
le restaurant sur place aussi utilise majoritairement des produits qui sont
cultivés par les villageois, plus particulièrement Sipoh. Ceci a
l'avantage de fournir plusieurs emplois, seize emplois directs répartis
comme suit :
- 2 (deux) employés pour le service et la
plonge,
- 2 (deux) employés affectés à
la cuisine,
- 2 (deux) guides écotouristiques,
- 2 (deux) employés pour l'entretien et la
réparation des cases
- 1 (un) agent chargé de la
sécurité
- 5 (cinq) employées pour le nettoyage des
cases
- 1 (un) piroguier
- et 2 (deux) gérants
En période de forte fréquentation, le campement
peut compter 6 emplois supplémentaires, mais juste pour une durée
limitée. Et aussi il y a les autres emplois indirects comme la
fourniture de denrées, et de bois.
A la création du campement, les salaires étaient
de 1500 francs par individu et par jour, puis depuis 2006, les salaires varient
entre 2000 et 3000 francs journalièrement par employé.
Pour les touristes, les tarifs sont de 17 000 francs en
demi-pension, de 22 000 en pension complète et la moitié
pour les enfants de moins de douze ans. Ce tarif comprend les frais de
transfert de Soucouta à l'ile, et permet des activités telles que
la découverte du sentier écologique, des promenades en
canoë-kayaks, baignades, randonnées pédestres, collecte de
coquillages avec les femmes. La visite de l'écomusée de
Diorom boumak, la visite de l'Aire Marine Protégée et du mirador,
promenade en pirogue pour visiter l'ile aux oiseaux et une initiation à
l'ornithologie sont aussi des activités proposées aux touristes
mais elles sont payantes.
Dans l'Aire Marine protégée, l'exploitation des
ressources halieutiques est formellement interdite afin que les espèces
puissent se reproduire et l'IRD a été en chargé du
recensement et du suivi des espèces qui se reproduisaient ou passaient
une partie de leur existence dans la zone protégée. Mais depuis
quelques mois, un nouvel accord a été mis en place entre l'AMP
Keur Bamboung et Biotop afin que celui-ci soit chargé du suivi des
espèces végétales, et propose un plan de gestion et
d'exploitation de certaines ressources.
Concernant la promotion du tourisme durable, les principales
activités réalisées par l'Océanium sont :
v Economiser les ressources fossiles et maîtriser les
ressources renouvelables,
v Limiter et maîtriser les déchets en favorisant
l'utilisation de produits biodégradables, en pratiquant la
récupération et la transformation des déchets, etc.,
v Privilégier les produits locaux (Brique en Terre
Cuite par exemple),
v Sensibiliser les acteurs (visités et visiteurs)
à la protection de l'environnement et au respect des
biodiversités,
v Maîtriser le flux des visiteurs pour optimiser la
qualité d'accueil,
v Développer des activités permettant des
échanges culturels par l'information, la formation et la participation
de tous les acteurs,
v Adapter les technologies de pointe aux savoirs faire
traditionnels. Par exemple, le campement a été construit avec des
Briques en Terre Cuite (BTC),
v Coupler l'économie touristique ainsi
créée à l'économie locale pour en optimiser les
retombées.
B/ Management de l'AMP et Redistribution des recettes
Pour que ce site puisse se développer dans les
meilleures conditions et que cela puisse se pérenniser,
l'Océanium a fait en sorte que les autochtones s'approprient cette
réalisation. Cette localité compte en tout 52 villages et
à la suite d'une concertation entre l'Océanium, les élus
locaux et les populations locales, il avait été unanimement
décidé que seuls 14 villages feraient partie du comité de
gestion, il s'agissait de ceux où la pêche est l'activité
principale.
Le projet de création de cette AMP remonte à
bien avant 2001, année durant laquelle l'Océanium a
commencé à sensibiliser les populations locales et cette aire
protégée a été fonctionnelle un peu plus de 24 mois
plus tard, mais le décret de création des aires marines
protégées au Sénégal ne sera publié que le
30 Avril 2004. A la publication de ce décret, les aire marines
protégées étaient sous la juridiction du ministère
de l'environnement qui avait de ce fait affecté des agents des eaux et
forêts qui étaient chargés, avec quelques villageois, de la
surveillance du site. Il y avait aussi un conservateur pour l'AMP, mais depuis
le mois de Mars 2009, un nouveau décret place toutes les AMPs du
Sénégal sous la tutelle du ministère de la pêche.
Depuis lors, tout le personnel qui était affecté sur place par le
ministère de l'environnement avait été relevé, puis
depuis peu ils ont été remplacés par des agents de la
Marine Nationale et des agents de la Direction de la pêche et
surveillance de la pêche.
Et ainsi, après le balisage de a zone à
protéger, les habitants des 14 villages impliqués dans gestion du
site ont mis en place un comité de gestion composé de 9 membres.
Ce bureau a été mis en place dès la création de
l'Aire Marine Protégée et il est chargé de la gestion, de
la protection et de la supervision du site. Et il y a aussi un comité de
surveillance qui a été mis en place aussi composé de 10
volontaires. Ces volontaires surveillent continuellement l'AMP à partir
d'un mirador et disposent d'une pirogue pour des patrouilles et
éventuellement intercepter des pêcheurs qui violeraient la mise en
défens du site, ce qui peut être sanctionné par une peine
d'emprisonnement.
Chaque trimestre une réunion est organisée par
le comité de gestion afin de comptabiliser et de redistribuer les
recettes obtenues, et aussi pour fixer un plan de gestion pour les 3 prochains
mois. L'organigramme du bureau de ce comité s'établit comme
suit :
PRESIDENT
IBRAHIMA DIAME
(SOUCOUTA)
Vice- PRESIDENT
SIDIYA DIOUF
(BOSSINKANG)
SECRETAIRE GENERAL
EL HADJ AMADOU NDAW
(SOUCOUTA)
TRESORIER GENERAL
DOUDOU DIAME
(MEDINA SANGAKE)
SECRETAIRE GENERAL
ADJOINT
SARATA SEÏDY
(DASSILAME SERERE)
TRESORIER-ADJOINT
DIATOU DOUMBOUYA
(SIPOH)
COMMISSAIRE AUX COMPTES
MAMADOU DEMBA
(BETINTI)
COMMISSAIRE AUX COMPTES
MARIAMA SARR
(SANGAKO)
COMMISSAIRE AUX COMPTES
BASSINE MANE
(MISSIRA)
Chacun des autres villages faisant impliqués dans la
gestion de l'aire protégée et n'ayant pas de membre dans le
bureau compte aussi un représentant dans le comité de gestion.
Les autres personnes présentes à ces réunions
trimestrielles sont :
Ø Des agents de la direction de la pêche et
surveillance de la pêche,
Ø Des agents de la direction des Parcs Nationaux,
Ø Des membres du conseil rural de Toubacouta,
Ø Le chef du C.E.R. (Centre d'Extension Rurale)
Ø Les usagers : ce sont de nouveaux membres du
comité de gestion, il s'agit d'autochtones qui sont concernés par
l'utilisation directe des ressources
Ø Le comité de surveillance
Ø Et les gérants du campement
écotouristique
Avant la tenue de cette réunion, les gérants du
campement sont chargés d'effectuer le versement mensuel des salaires de
tous les employés du campement. Puis c'est durant cette réunion
que la répartition des recettes provenant du campement se fait et elle
est effectuée de la manière suivante : 1/3 des recettes va
être donnée à la communauté rurale de Toubacouta, le
second tiers sera utilisé pour les besoins de l'Aire Marine ; alors
que le dernier tiers va être affecté au campement.
RECETTES ECOTOURISTIQUE
AIRE MARINE PROTEGEE
COLLECTIVITES LOCALES
CAMPEMENT ECOTOURISTIQUE KEUR
BAMBOUNG
La partie reversée à l'aire marine
protégée est destinée à assurer l'entretien des
pirogues de patrouille, à l'achat de carburant pour le
déplacement des surveillants, à leur nourriture et aux autres
besoins liés à la surveillance de la zone
protégée.
Le second tiers qui est destiné à la
communauté rurale est destiné à être utilisé
pour la construction des infrastructures locales comme par exemple des
écoles, des centres de santé ...
La dernière partie des recettes sera
réaffecté au campement et va servir de fonds de roulement, pour
l'achat de denrées de consommation destinées au restaurant, et
éventuellement pour effectuer des réparations, changer la paille
des cases chaque 2 à 3 mois et de désherbants.
III/ PRESENTATION DE L'OCEANIUM ET DU PROJET
« NAROU HEULEUK »
A/ HISTORIQUE D'OCEANIUM
La naissance de cet organisme non gouvernemental est au
départ issue d'une volonté de Haïdar El Ali, qui est aussi
le créateur de la Fédération Sénégalaise de
Plongée. Passionné de chasse-sous marine sportive et de
plongée, il a voulu créer une structure pouvant lutter contre la
dégradation de plus en plus grande des fonds marins et pouvant aider
à nettoyer et réduire la prolifération des déchets.
Donc, depuis 1984, date de création de cette ONG, la majeure partie des
actions menées par l'Océanium sont orientées vers la
gestion durable de l'environnement marin. Toutefois depuis quelques
années, face aux multiples types de pollutions auxquelles fait face
nature et certaines espèces rares, l'Océanium est quasiment
devenue une organisation à vocation écologique, et ses actions se
sont étendues aussi bien sur terre que dans la mer. Aidés d'une
équipe de bénévoles et de professionnels, Haïdar et
Jean GOEPP mènent un combat aux côtés des populations
sénégalaises.
L'Océanium a mis en place une véritable
ingénierie sociale, et mettent les populations autochtones toujours au
coeur de leurs projets, ce qui est la clef du succès de leurs actions
sur le terrain. C'est ainsi que des pêcheurs artisans ont mis en place
la première Aire Marine Protégée communautaire (AMPc)
fonctionnelle d'Afrique de l'Ouest, avec l'appui de l'Océanium :
l'AMPc du Bamboung, créée en 2003 dans le delta du Saloum. Le
gîte écotouristique de Bamboung est la propriété
collective des villages environnants et les recettes obtenues sont
redistribuées entre les différentes parties prenantes.
L'Océanium mène aussi diverses actions qui
permettent la réalisation de divers projets au niveau du fleuve
Casamance, du Cap Manuel (Dakar) et de la petite côte (de Mbaling
à Mbodiène). Un camion itinérant projette publiquement des
films de sensibilisation dans toute la sous-région. Des séances
d'éducation environnementale sont organisées dans les
écoles, afin de former les futurs gestionnaires de l'environnement. Pour
lutter contre la déforestation, l'association participe à la
création de pépinières villageoises, de
périmètres agro-forestiers et de forêts communautaires. Le
travail de l'Océanium consiste enfin à impliquer les
scientifiques, les médias et les pouvoirs publics dans ses combats pour
la pérennité des ressources naturelles d'Afrique de l'Ouest.
L'Océanium, association sénégalaise de
protection de l'environnement, est donc un bastion incontournable de la
protection de la mer au Sénégal. Investi dans de nombreux
combats, la gestion durable de l'environnement marin motive l'essentiel de ses
activités, l'Océanium porte un engagement fort et quotidien afin
que les trésors aquatiques ne soient pas qu'un lointain souvenir.
Les actions de préservation, menées par
l'association, sont les suivantes :
ü Campagne d'information et de sensibilisation
auprès des pêcheurs, des professionnels de la mer, des adultes et
des enfants, des politiques...) en s'appuyant, notamment, sur des films
écologiques réalisés par Haïdar El Ali, le fondateur
de l'association
ü Interpellation des scientifiques, des professionnels de
la mer et des pouvoirs publics lorsqu'un danger pèse sur la
pérennité des ressources
ü Respect des périodes de reproduction
ü Lutte contre les pollutions marines
ü Protection des espèces menacées
ü Préservation des habitats de reproduction
ü Respect des textes législatifs sur la
pêche
ü Eradication des mauvaises pratiques de pêche
ü Protection des alevins et des juvéniles
ü Création d'aires marines
protégées grâce au soutient du FFEM
Depuis peu, l'Océanium s'est aussi engagé
dans des programmes de reboisement avec des espèces fruitières
afin d'apporter un supplément de revenu aux populations locales.
ü La sensibilisation à une gestion durable des
ressources halieutiques : Sensibiliser les pêcheurs à des
pratiques de prélèvement respectueuses de la ressource est un
travail qui s'inscrit dans la durée, le but in fine étant un
changement d'approche et de comportement des professionnels de la pêche.
Pour ce faire, et afin d'avoir le maximum d'efficacité sur le terrain,
il est utile de diversifier les outils de sensibilisation. En particulier, les
méthodes traditionnelles sont souvent utilisées afin d'être
bien compris des populations locales. Pour transmettre un message, il faut
s'adosser à des principes simples, en tenant compte par exemple des
croyances culturelles ou religieuses fortement ancrées. A titre
d'illustration, il est clairement stipulé dans le Coran qu'il est
interdit de tuer un animal en gestation. Ce principe est respecté
à la lettre pour les chèvres ou les brebis, mais ne l'est pas
pour les poissons. Or ce dernier est un animal et par conséquent il
ne déroge pas aux règles traditionnelles et religieuses
existantes en la matière. De nombreux films ont été
réalisés pour atteindre cet objectif. Afin de sensibiliser le
maximum de personnes mais aussi de pouvoir intervenir dans les pays de la sous
région, l'association a aménagé un camion
« le messager de l'espoir », dédié pour
effectuer des campagnes de sensibilisation de longue durée. Les
campagnes de sensibilisation sont réalisées également
auprès de l'établissement scolaire.
ü La sensibilisation par voie traditionnelle : Les
missions de sensibilisation dites « séances de palabre » sont
particulièrement utilisées dans les zones identifiées pour
la mise en place des Aires Marines Protégées. Cette
méthode qui découle directement des traditions
sénégalaises, où la parole à une grande valeur,
permet d'établir un dialogue sur les perturbations des ressources
marines et les soucis des pêcheurs. Ces séances s'inscrivent dans
la durée afin :
d'établir, d'une part, un échange fort
qui, à posteriori, puisse permettre de mesurer la volonté et
l'implication des pêcheurs dans la recherche de solutions durables pour
la pêche sénégalaise (mise en place d'Aires Marines
Protégées, adaptation des techniques de pêches, lieux de
pêche, taille marchande, repos biologique, etc.)
D'autre part, qu'il y ait, in fine, une réelle
appropriation de l'Aire Marine Protégée communautaire par les
pêcheurs locaux.
Ces séances se déroulent à travers
tout le Sénégal et les pays limitrophes, en particulier
grâce au "Messager de l'espoir". De nombreuses séances de
sensibilisation sont également faites dans les écoles, avec
projection de l'un des films de l'association, suivie d'une discussion avec les
élèves.
Aujourd'hui, au Sénégal, le secteur de la
pêche est dans une crise sans précédent. Une crise
essentiellement due au non respect des textes et lois qui régissent
l'exploitation de la ressource et, surtout, à l'adoption, de
la part de certains acteurs, de pratiques et comportements peu soucieux de la
durabilité de la ressource, en particulier, et de l'environnement en
général et ce malgré les multiples messages des
gouvernements et associations de protection de l'environnement exhortant les
populations à changer de comportements. Il apparaît,
ainsi, que les actions destinées à culpabiliser les
personnes sur leur façon d'exploiter la ressource ou sur leurs habitudes
quotidiennes n'ont rencontré, jusqu'ici, que très peu de
succès. Dans un tel contexte, l'éducation des adultes et des
jeunes pour une meilleure gestion des ressources et pour l'adoption de
comportements responsables vis-à-vis de leur environnement semble
être une solution à moyen terme. C'est pour relever ce défi
que l'Océanium initie auprès des acteurs concernés,
des enseignants et des écoliers du Sénégal, des campagnes
d'éducation à l'environnement.
B/ LE PROJET « NAROU HEULEUK »
Financé par le FFEM et mis en oeuvre par
l'Océanium, le projet Narou Heuleuk a un double objectif :
Sensibiliser les populations à une gestion durable des ressources
halieutiques et mettre en place localement quatre Aires Marines
Protégées communautaires.
Selon les chiffres du ministère de la pêche,
650 000 personnes vivent directement ou indirectement de la pêche au
Sénégal, pour une prise totale d'environ 400 000 tonnes en
2001. Mais la tendance actuelle est la baisse générale des stocks
mondiaux et particulièrement en Afrique de l'Ouest. Au
Sénégal, la diminution constante de la taille moyenne des
poissons ainsi que la baisse du rendement par prise confirme la baisse des
stocks. Cette situation est très préjudiciable pour le
Sénégal, aussi bien sur le plan environnemental
qu'économique. Les conséquences directes de la baisse
exponentielle des ressources halieutiques sont :
v La baisse de la disponibilité de poissons bon
marché pour les populations locales
v Et la surexploitation de ressources : une forte
pression est exercée sur les espèces exportables (des
espèces dont le temps de reproduction est généralement
long.) ce qui fait que les populations de poissons n'ont plus le temps de se
reproduire.
C'est dans ce contexte que le projet « Narou
Euleuk » a été mis en place afin d'inverser la tendance
pour que les générations futures disposent à leur tour de
ressources halieutiques suffisantes. Et les objectifs visés par ce
projet sont de réglementer l'accès à la mer pour
gérer et de contrôler la pression anthropique sur le milieu,
créer des AMPs dans les zones de nursery et de frayerie afin que les
poissons disposent de lieux où ils pourront se reproduire et grandir
sans la pression de la pêche, stopper l'utilisation de filets non
réglementaires ou l'usage de dynamites pour pêcher...
CHAPITRE III : CADRE ANALYTIQUE
Après avoir été à Keur Bamboung
et analysé le mécanisme qui a été mis en place
autour de l'écotourisme, on se rend compte que ce type de tourisme est
beaucoup plus bénéfique pour les riverains des sites touristiques
et qu'il participe de manière durable au développement des zones
rurales sans les défigurer. Toutefois, pour pouvoir analyser
l'écotourisme à Keur Bamboung dans tous ses aspects, il
était nécessaire de disposer d'informations provenant des
populations autochtones. Ainsi un questionnaire a été soumis aux
habitants et les informations obtenues de celui- ci sont les
suivantes :
Caractéristiques sociodémographiques des
enquêtés :
Les quatre premiers graphiques représentent les
caractères des populations cibles de notre enquête en fonction de
leur âge, sexe, profession et situation matrimoniale. Les
résultats obtenus nous montrent que c'est une population assez jeune car
seuls 14 % des enquêtés ont plus de 46 ans ; la plus grande
tranche se situe entre 26 et 35 ans. Ceux-ci représentent la plus grande
source de revenus de ces villages car il s'agit de personnes en âge de
travailler et qui ont relativement une certaine durée d'activité
professionnelle. Puis ensuite viennent ceux qui se situent entre 36 et 45 ans
et ceux entre 15 et 25 ans qui représentent respectivement 32 et 17 %
des résultats.
Puis nous avons une population où les femmes
représentent une grande part de la population active, elles sont
très actives aussi bien professionnellement que dans la protection de
leur milieu. Elles représentent 58 % des résultats tandis
les hommes sont donc minoritaires et représentent 42 %. Les femmes sont
pour la plupart des commerçantes se chargeant de vendre une partie des
prises de pêche ou la transformation de noix d'acajou. Elles se chargent
aussi de ramasser les coquillages et mollusques (huîtres, cymbium, murex,
etc.) dans les zones réservées nous avons certaines d'entre elles
aussi qui sont employées du campement pour la restauration et
l'entretien des chambres. Dans l'artisanat aussi nous elles sont tr-s
présentes car elles se chargent de la confection certains pagnes et
tissus et aussi dans la fabrique de colliers. Donc les femmes sont très
actives dans cette localité. Les hommes sont le plus souvent des
pêcheurs ou des artisans certains travaillent sur place tandis que
d'autres font la navette entre les villages alentours et le marché
artisanal de Sipoh pour écouler leurs produits. Une large partie
travaille dans le campement dans les structures hôtelières se
trouvant près de leurs villages. Certains font partie du comité
de surveillance, mais ils sont pour la plupart jeunes et se situent dans la
tranche d'âge entre 15 et 25 ans. C'est aussi dans cette tranche
d'âge que nous retrouvons ceux qui travaillent dans le transport, en
fait, il s'agit de conducteurs de motocyclettes qui transportent les touristes
qui arrivent dans la localité sans véhicule ou parfois ils font
la liaison entre les villages. Il y a aussi certains qui ont des pirogues et
sont à la disposition de touristes qui voudraient faire une balade au
niveau des bolongs ou dans certaines zones de l'aire protégée. En
dehors de ces professions, nous avons certains qui travaillent comme agents de
sécurité dans des hôtels de la localité, des
charretiers, quelques menuisiers et instituteurs parmi les
enquêtés.
Enfin en ce qui concerne la situation matrimoniale la
majorité des personnes interrogées sont mariées et
apparemment ils se marient assez jeunes et parfois, c'est assez mal vu
d'atteindre un certain âge sans être marié.
APPRECIATIONS SUR L'AIRE PROTEGEE
A partir du premier diagramme, on se rend compte que les
habitants ont en général un avis très positif sur la mise
en place de cette zone réservée. Surtout les villages se trouvant
le plus près de l'Aire marine Protégée. Et les avis sont
aussi les même s'agissant de la question suivante à savoir si oui
ou non la création de cette zone avait-elle eu un impact sur leurs
activités quotidiennes. Les villageois voient le plus souvent la
création d'une zone de reproduction pour les ressources halieutiques
comme une très bonne initiative car leur situation économique
change de mieux en mieux. Nous avons une petite marge de 12% des personnes
interrogées qui trouvent que l'interdiction totale de pouvoir disposer
d'une certaine zone est assez contraignante, et en plus, disent-ils, c'est
assez sévère de risquer des peines de prison juste en
pêchant dans ces zones. Cet avis est le plus souvent celui de certains
villages assez éloignés du site, tel que Missira ou Souroubani
où les habitants pensent d'une manière générale que
leurs habitudes étaient de pouvoir aller librement dans une zone qui est
la leur et qu'il est un peu aberrant d'interdire l'exploitation des ressources
de manière définitive. Toutefois, certains d'entre eux
reconnaissent que la mise en place de l'aire marine a tout de même eu des
effets dans leur environnement quotidien, d'autant plus que le comité de
gestion mis en place intègre 14 villages et de ce fait il y a une
coopération plus renforcée entre les villages.
Et on se rend compte que la création d'une aire marine
protégée dans cette zone a eu des répercussions sur tous
les secteurs d'activité, les pêcheurs disent qu'avant 2003, leurs
prises diminuaient constamment alors que depuis quelques temps, la taille des
poissons a augmenté et le nombre aussi, il n'est même plus
nécessaire d'aller en pleine mer pour avoir de grosses prises. Et ce
fait a affecté beaucoup de secteurs, les piroguiers disent qu'ils
gagnent plus car certains touristes ou scientifiques payent cher pour naviguer
dans l'aire protégée alors qu'auparavant seuls les grands
hôtels avaient des pirogues pour les ballades maritimes. D'autres
trouvent que c'est grâce à l'aire marine protégée
qu'ils ont eu des emplois plus facilement sans avoir à quitter la
localité dans laquelle ils ont grandi. Mais l'avis le plus constant est
que, depuis la création de l'aire marine protégée, les
villageois se sentent concernés par la protection de leur environnement
et par la sauvegarde de leurs ressources pour une exploitation dans le long
terme et de plus ils considèrent l'AMP comme uns structure qui leur
appartient et chacun contribue à sa gestion à sa
manière.
APPRECIATIONS SUR L'ECOTOURISME
Concernant l'écotourisme aussi les villageois trouvent
d'une manière générale qu'il a beaucoup d'avantages aussi
bien sur leur vie quotidienne mais aussi dans d'autres domaines tel que
l'amélioration de leur cadre de vie, en effet c'est après
l'installation du gîte écotouristique que les premiers panneaux
solaires ont commencé à être mis en place et la
fréquentation touristique a fait que la localité de Toubacouta
est aujourd'hui mieux desservie que 5 ou 6 ans auparavant, de plus ils ont un
four qui a été installé à Soukouta. Les membres du
comité de surveillance aussi ont vu leur statut passer de
bénévoles à des salariés qui gagnent 1500 francs
par jour au minimum, donc c'est un des avantages. De plus les parents disent
qu'ils se passent plus aisément de l'aide de leurs enfants qui peuvent
maintenant aller à l'école.
Aussi sur le plan économique, le tourisme a attrait sur
place une clientèle qui d'habitude n'arrivait pas dans ces zones aussi
reculées : les artisans, ceux qui transforment les noix d'acajou et
ceux qui revendent le pain de singe jugent qu'il leur est plus facile
d'écouler leurs produits et à un prix qui est supérieur
à celui auquel ils le vendaient aux hôtels. Puis il y a même
certains qui vont dans d'autres localités alentour pour acheter des
produits qu'ils viennent revendre aux touristes.
Dans d'autres secteurs comme le transport et la pêche,
les travailleurs sentent que l'affluence touristique permet
indéniablement d'avoir plus de revenus, et les charretiers jugent que
leurs revenus ont quasiment doublé depuis la création du
campement.
Ceci a quand même entraîné certains
changements, surtout concernant toujours l'aspect économique :
avant la création du campement, peu de gens travaillaient dans le
secteur du tourisme, mais depuis quelques temps, l'activité touristique
est devenue une grande source de devises donc on voit de plus en plus de gens
qui se arrêtent leur activité pour se reconvertir dans le secteur
du tourisme. Et pendant la haute saison, le campement recrute des saisonniers,
donc beaucoup de jeunes aussi surtout ceux qui travaillent dans le transport,
vont alors travailler pour le campement. Aussi, certains habitants des villages
environnants qui viennent habiter dans les localités proches du
campement. Ainsi 62 % des personnes interrogées trouvent que le tourisme
a entraîné des changements dans leurs habitudes locales.
Et pour ce qui est des inconvénients ou effets
indésirables qui ont été observés avec
l'arrivée du tourisme, nous constate que c'est aussi sur le plan
économique que les inconvénients les plus néfastes se font
ressentir. En effet certains affirment que depuis la mise sur pieds du
campement et la fréquentation des touristes, le prix de certains
produite de base ont presque doublé surtout certains mollusques et
poissons. Aussi d'autres disent que le prix pour les terrains et aussi certains
matériaux de construction ont beaucoup augmenté car d'autres
hôtels cherchent à s'établir au niveau de cette zone. Mais
il est important de souligner que 20 % des personnes interrogées
affirment qu'ils ne constatent aucun changement négatif lié
à l'activité écotouristique.
Mais concernant des retombées du tourisme,
excepté les effets positifs dont nous avons parlé dans les
parties supérieures, beaucoup de villageois de Missirah, Katior et
Sandicoli trouvent que leurs villages ne profitent pas du tout des
retombées du tourisme. Le comité de gestion reverse le tiers des
recettes du tourisme à la communauté rurale pour que celle-ci
fasse en sorte que tous les villages en bénéficient
équitablement mais la communauté rurale doit déclarer
toutes ses recettes et les reverser au Trésor Public avant d'en faire
bénéficier les villages sous formes d'aides ou d'infrastructures,
mais tout ce parcours fait que les recettes se retrouvent
éparpillés entre les 52 villages qui sont sous sa juridiction et
donc beaucoup d'autochtones trouvent que leurs villages ne
bénéficient peu des retombées du tourisme.
Et concernant ceux qui ont affirmé que leurs villages
bénéficient des retombées de l'écotourisme et qui
ne représentent que 41 % des réponses, nous voyons sur le
graphique suivant que la majorité d'entre eux disent que c'est au niveau
économique qu'ils les ressentent. Ils représentent 37 % des
résultats en effet l'activité écotouristique a
réellement mis en place un dynamisme économique dans les villages
et à travers les différents produits touristiques
proposés, le touriste est directement en contact avec les populations et
sans aucun intermédiaire celui-ci peut lui vendre des produits ou lui
proposer divers services. Le campement est aussi un pourvoyeur d'emplois, et de
plus en plus le gîte augmente le nombre de travailleurs car l'affluence
des touristes est supérieure d'année en année. Puis il y a
25 % d'entre eux qui affirment ressentir les bénéfices du
tourisme sur leurs activités professionnelles et cela se justifie aussi
par l'arrivée de devises étrangères alors que les
ressources sont disponibles localement et doivent juste être
exploitées. 20 % des personnes interrogées affirment ressentir
les effets du tourisme au niveau de l'éducation. Il est vrai que
l'école du village de Sipoh était au début une case et que
depuis peu, elle a été reconstruite en dur, le seul
bâtiment construit avec du ciment de tout le village, et cela
représente de manière incontestable une tr-s bonne
avancée. Et aussi, du fait que le pouvoir d'achat des autochtones a
fortement progressé, de plus en plus le nombre d'enfants qui sont
inscrits à l'école a beaucoup augmenté selon un des
instituteurs. Le reste, 18 % disent que c'est sur le plan infrastructurel
qu'ils ressentent le plus ces retombées. Cela est vrai surtout en ce qui
concerne l'électricité, l(installation de panneaux solaires sur
certaines iles a permis d'électrifier certaines zones assez
reculées. Aussi il leur a été mis des dispositifs afin que
ces derniers puissent disposer d'eau potable en quantité suffisante.
Et concernant l'aspect culturel, le tourisme est d'habitude
une activité changent beaucoup les habitudes et moeurs des autochtones
mais cela n'est pas du tout le cas pour les habitants des villages proches de
Keur Bamboung seuls 23 % trouvent que le tourisme modifie les traditions
locales. Pour certaines parmi ces derniers, le contact avec les touristes fait
que certains jeunes développent certains complexes et ne s'adonnent plus
à certains rites. De plus certains trouvent que les mariages sont de
plus en plus tardifs et aussi que la polygamie est un peu moins
fréquente. Toutefois, de l'avis de la majorité des personnes
interrogées, le tourisme offre au contraire une occasion de valoriser
leurs acquis et leurs rites. La plus grande partie d'entre eux trouve qu'ils
apprennent des touristes autant qu'ils apprennent autant que les touristes
apprennent d'eux. Et il arrive même parfois que certains villageois
soient invités pour faire des représentations de danses
traditionnelles moyennant une rémunération. Et cela est d'autant
plus vrai que même le village le plus proche du campement, à
savoir Sipoh, ne compte pas de structures construites avec du ciment ou
d'autres matériaux modernes, il s'agit de cases faites avec des briques
de terre cuite et recouverte de paille.
Le dernier point de notre questionnaire concernait les aspects
de la gestion du campement écotouristique ou de l'Aire Marine
Protégée qu'ils aimeraient changer, et encore à cette
question beaucoup de personnes trouvent que le comité actuel fait preuve
d'une certaine maturité et qu'ils ont d'une manière
générale un bon plan de gestion. Mais cet avis n'est pas
partagé dans toutes les localités, surtout dans les villages
où les habitants affirment ne pas ressentir les retombées du
tourisme. Certains proposent qu'un autre campement soit construit dans un autre
village, parmi ceux qui sont le plus proches de l'océan afin qu'eux
aussi puissent avoir certains atouts et certains emplois sans avoir à se
déplacer sur de nombreux kilomètres. D'autres proposent que la
pêche soit autorisée une certaine partie du temps afin que les
pêcheurs puissent exploiter les ressources qui s'y trouvent.
RECOMMANDATIONS
L'activité écotouristique est un
véritable atout pour les villages se situant aux abords de Keur Bamboung
et la création d'une Aire marine protégée est
incontestablement un véritable atout pour le campement. Mais, encore
beaucoup de progrès doivent être réalisés pour que
les ressources locales soient mises en valeur de manière optimale.
La gestion du campement écotouristique est
confiée à 2 habitants de Soukouta, cela est certes positif, mais
ils n'ont aucune notion de management ou même de comptabilité. Les
guides écotouristiques non plus n'ont qu'un niveau assez bas de
français et sont parfois obligés de gesticuler afin que les
touristes comprennent le sens de leurs messages. Il en est de même pour
le comité de gestion qui n'a pas non plus de formation requise, et
d'ailleurs seuls quelques membres ont fait des études assez
poussées. Il serait nécessaire que les employés du
campement fassent des stages de formation afin que les services sur place
soient de meilleure qualité, la gestion financière des recettes
est faite sans un plan bien établi et le suivi et contrôle est
assez opaque car ils ne font pas de bilans comptables afin de
répertorier toutes leurs charges.
Puis il y a le fait qu'au niveau de l'aire marine
protégée, certaines espèces, les huîtres et
coquillages notamment, font partie des espèces mises en défens et
meurent alors que les populations pourraient les recueillir pour leurs propres
besoins. Le long des palétuviers du bolong, on observe une très
grande quantité de mollusques et coquillages qui arrivent à
maturité mais ne sont pas exploités. Beaucoup de ressources aux
alentours du campement sont aussi disponibles et ne font l'objet d'aucun usage
à savoir certains arbres fruitiers et le miel par exemple qui est
exploité par des gens basés à Toubakouta alors que les
villageois pourraient en tirer profit. Il est certes logique, dans un esprit de
préservation, de ne pas surexploiter les ressources locales mais
certains produits sont périssables et donc cela revient à du
gâchis de ne pas en jouir. Et ils pourraient être revendus ne
serait-ce qu'aux touristes qui font le déplacement pour consommer des
produits locaux. Et toujours au niveau du campement, aucun accord n'a pu
être trouvé entre les villageois pour qu'il y ait une boutique
d'objets d'art ou même pour les produits de base. Et le village le plus
proche se trouve à environ deux kilomètres de Keur Bamboung,
alors que certains touristes aimeraient avoir certains produits ou une
« boutique souvenir » au niveau du campement, ce qui serait
un bénéfice pour tout le monde.
Il serait nécessaire que le comité de gestion
ait une projet bien défini pour l'activité écotouristique,
car même si les recettes touristiques sont assez conséquentes, la
durée moyenne du séjour des touristes est de 2 à 3 jours,
ce qui est relativement court vu tout le potentiel disponible dans cette
localité. Les atouts naturels, le milieu et les espèces sur
place, la culture locale, la mise en valeur de tous ces éléments
est vraiment faite à un très faible niveau.
Aussi sur le plan infrastructurel, certains villages sont
vraiment assez en retard et les habitants ont raison de dire qu'ils ne
ressentent pas les retombées du tourisme. Chaque trimestre, le
comité de gestion reverse le tiers des revenus du gîte à la
communauté rurale et c'est une somme assez conséquente alors que
certains villages n'ont pas d'écoles, le village se Sipoh par exemple
n'a pas de centre de santé et Néma Ba non plus. Il en est de
même pour les fours, dans certains villages, les habitants sont
obligés d'attendre qu'une pirogue de Soukouta fasse la livraison. Le
comité devrait revoir s'il serait possible de faire en sorte que les
villages faisant partie de ce projet et qui sont donc directement
concernés puissent vraiment bénéficier de
l'activité écotouristique.
Enfin l'aspect le plus fondamental est que, même si on
sent une véritable volonté des autochtones de faire en sorte de
faire en sorte que cette initiative puisse se développer, les
autorités locales ne font pas vraiment tout le nécessaire.
Déjà c'est seulement en 2004, que l'Aire marine
protégée Keur Bamboung a reçu son
récépissé, et c'est donc à cette date qu'elle
était officiellement reconnue. Puis il y a la problème de
l'accessibilité, la route entre Kaolack et Toubakouta est totalement
détériorée, les véhicules sont obligés de
faire des détours ou d'emprunter des pistes poussiéreuses pour
parvenir au gîte. Il serait vraiment nécessaire que l'Etat
soutienne ce genre d'initiatives et les assiste au niveau de la promotion car
très peu de gens connaissent l'existence de ce campement et les moyens
pour y accéder ne sont pas toujours des plus commodes.
CONCLUSION
La création du campement écotouristique à
Keur Bamboung a été un véritable succès aussi bien
pour l'OCEANIUM que pour les habitants des localités environnantes.
L'AMP qui s'y trouve est la première aire marine protégée
communautaire de l'Afrique et les autochtones se sentent vraiment
impliqués dans la gestion de ce site et grâce aux séances
de sensibilisation organisées par l'Océanium ils se sentent
concernés par la gestion de leurs ressources et la
préservation de leur environnement. La décision de créer
une aire protégée est une initiative des autochtones et le choix
de l'emplacement avait été laissé à leur
appréciation. Peu de personnes trouvent que le mode de gestion laisse
à désirer et ils peuvent toujours soumettre des propositions au
comité de gestion lors des réunions trimestrielles. Ainsi, en peu
de temps la taille ainsi que le nombre de poissons a beaucoup augmenté
et il y a même eu de nouvelles espèces qui viennent dans cette
zone pour se reproduire ou pour grandir.
Les produits écotouristiques ont mis sur pieds afin de
garantir l'autonomie et la durabilité de ce projet. Et contrairement au
tourisme balnéaire ou au tourisme de masse en général, la
localité garde toutes ses spécificités. Les populations
jugent que leurs coutumes et traditions ne sont ni changés ni
dévalorisés par l'affluence des touristes. Les touristes ont une
attitude réellement responsable et ils cherchent à contribuer
à la préservation du milieu. De plus, l'aspect durable de
l'écotourisme se ressent dans le fait que, non seulement les ressources
et acquis des populations locales sont préservés et
valorisés, mais aussi les déchets qui sont produits au niveau du
campement sont en partie réutilisés par les autochtones :
c'est le cas pour les bouteilles d'eau minérale, les pots de tomates,
etc. Puis les ressources énergétiques sont toutes
renouvelables : il s'agit d'une électricité solaire pour
l'éclairage et d'une eau de puits pour les douches des cases.
A Keur Bamboung, ce sont les touristes qui essaient de
s'intégrer au milieu et non pas de le changer et cela est un des
nombreux avantages que l'écotourisme intègre dans son
mécanisme et que le tourisme balnéaire ne présente pas.
Aussi l'économie locale est entrain de se
développer et de se fortifier car des emplois découlent du
tourisme et les populations ne sentent plus le besoin de migrer pour avoir des
revenus stables. Tous les secteurs d'activités se portent mieux de
manière générale grâce à l'arrivée
d'une nouvelle clientèle.
Mais il y a le volet infrastructurel qui est un peu
laissé en rade parce que, notamment, les autorités locales
agissent très faiblement dans ce sens la route est totalement
dégradée et même à Toubakouta
l'électrification est très minime et les pistes sont peu
praticables.
Et il en est de même pour l'éducation car peu
d'écoles sont crées et le lycée se trouve à des
kilomètres de la plupart des villages. Et même pour les
employés du campement il faudrait songer à leur dispenser des
formations afin qu'ils puissent optimiser la qualité des services et la
satisfaction des clients.
Et Thierry Clément, consultant du Fonds Français
pour l'Environnement Mondial aborde dans ce sens en affirmant, dans le
numéro du Magazine GEO paru en janvier 2009, que «pour le
campement, il y a des lacunes sur le plan de gestion et de comptabilité
mais une Aire Marine Protégée communautaire validée sur le
plan scientifique et en voie d'être autonome financièrement, je
n'en connais que deux dans le monde, dont celle-ci. »
Mais nous pouvons aisément dire qu'avec l'appui des
autorités, l'Aire Marine Protégée de Keur Bamboung serait
un exemple patent de mise en place d'une structure de développement
durable.
* 1 EVEIL-Tourisme a
été crée en 2004 par l'association Citoyens de la Terre
qui mène des actions liées à la préservation des
ressources biologiques et à la solidarité internationale.
|