2.2. Biodisponibilité
et bioaccumulation des HAPs au sein de la matrice sédimentaire
2-2-1-
Biodisponibilité
La biodisponibilité des HAPs correspond à la
faculté de ces polluants à entrer en contact direct avec les
organismes évoluant dans les biotopes aquatiques. C'est un
paramètre complexe faisant intervenir un nombre très important de
facteurs biotiques et abiotiques qui vont influencer qualitativement et
quantitativement les voies d'interactions entre organismes et
xénobiotiques. Dans la matrice sédimentaire, les fractions de
contaminants potentiellement accessibles aux organismes sont réparties
entre la phase particulaire et la phase aqueuse constituée par l'eau
interstitielle. Certains facteurs tels que l'âge du sédiment et la
diagenèse peuvent influer sur la biodisponibilité des HAPs. Les
sédiments âgés contiennent une proportion plus importante
de composés organiques de haut poids moléculaire, tels que les
substances humiques, dans l'eau interstitielle. Ces substances fixent les
composés hydrophobes de manière très efficace et
réduisent par la même occasion leur biodisponibilité dans
la phase aqueuse (DeWitt et al., 1992). Dans le cadre d'études
en laboratoire sur sédiments dopés artificiellement, il a
été démontré que le temps de contact entre le
sédiment et des HAPs tel que le pyrène ou le
phénanthrène influe également sur leur
biodisponibilité (Landrum et al., 1992). Pour des HAPs de haut
poids moléculaire (log Kow>5), la principale voie d'exposition va
être l'ingestion de particules organiques ou de matières
organiques dissoutes (MOD) via la filtration de la phase aqueuse. Chez
Lumbriculus variegatus et Arenicola marina le taux de
contaminants absorbés via l'ingestion de particules est de 61 %
(Leppanen et Kukkonen, 1998). L'importance de la voie trophique est liée
à la nature des particules ingérées : les organismes
benthiques vont prélever les fractions particulaires les plus fines,
donc celles associées à la majeure partie des HAPs
présents au niveau de la matrice sédimentaire (Lee et
al., 1990 ). Pour des organismes filtreurs tels que les bivalves
aquatiques ou les cladocères zooplanctoniques, la principale voie
d'exposition est la phase aqueuse. La teneur en matière organique
dissoute et le phytoplancton qui présentent des sites de fixation
potentiels des contaminants hydrophobes influencent directement l'absorption de
contaminants par ces organismes (Okay et al., 2000). Le comportement
des HAPs le long du tractus alimentaire va être fonction des
propriétés du composé et des caractéristiques
physiologiques de l'organisme. Seuls les composés issus de la fraction
labile pourront être désorbés et entrer en contact avec les
membranes biologiques durant le transit des particules le long du tube
digestif. Dans la matrice sédimentaire, l'adsorption importante des HAPs
sur les particules de matières organiques conduit la contamination
directe des organismes à s'effectuer majoritairement via l'eau
interstitielle (Landrum, 1989) pour des HAPs présentant une
hydrophobicité modérée à faible (log Kow<5). En
milieu naturel, les concentrations en contaminants hydrophobes peuvent se
révéler très importantes au niveau des eaux
interstitielles et sont souvent très supérieures aux
concentrations observées dans les eaux surnageantes (Adam,1987). Les
contaminants associés aux MOD ou plus généralement au
carbone organique dissous (COD) des eaux interstitielle présentent une
biodisponibilité réduite (Landrum et al., 1987, 1985).
La fraction directement biodisponible est le pool de substances dissoutes
alimenté par la désorption des fractions labiles particulaires ou
fixées à la MOD. Lorsque le taux de composés dissous est
faible, la biodisponibilité des HAPs est gouvernée par leur taux
de désorption sur la matière organique colloïdale. Si
celui-ci se révèle important, la prise de contaminants des
organismes benthiques se fait majoritairement via l'eau
interstitielle. Dans le cas contraire, c'est l'ingestion de particules qui
favorisera la contamination des organismes (Connell, 1988).
L'hydrophobicité des composés intervient directement dans le
fonctionnement de ce modèle ; les composés présentant
un log Kow important seront faiblement désorbés et donc
faiblement biodisponibles dans l'eau interstitielle. Face à une
diffusion très lente des HAPs à l'interface eaux
surnageantes/sédiment, la remise en suspension de particules
sédimentaire est un phénomène prépondérant
dans le niveau de biodisponibilité des contaminants hydrophobes au
niveau de la colonne d'eau. Dans les milieux naturels, la remise en suspension
des particules sédimentaires comprend une composante importante due
à l'activité de la faune benthique ou épibenthique. De
nombreux organismes appartenant à ces deux classes exercent une
activité de bioturbation lors de la recherche de nourriture au niveau de
la matrice sédimentaire, favorisant ainsi la libération des
particules les plus fines du sédiment vers la colonne d'eau. La
bioturbation provoquée par certains invertébrés tels que
Chironomus riparius ou Hyallela azteca peut influencer de
façon significative la quantité d'HAPs présents en
suspension ou dissous au niveau des eaux surnageantes et par conséquent
modifier leur biodisponibilité pour des organismes pélagiques.
(Lee, 1990).
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