Introduction
La recherche en écotoxicologie a récemment pris
en compte le rôle important des sédiments dans la
compartimentation et la diffusion des xénobiotiques rencontrés en
milieux aquatiques.
Parmi ces derniers, les contaminants hydrophobes qui peuvent
être présents en faible quantité au niveau de la colonne
d'eau, trouvent au sein des sédiments des conditions environnementales
qui favorisent leur accumulation et leur persistance. Le haut poids
moléculaire et la forte hydrophobicité des Hydrocarbures
Aromatiques Polycycliques les conduisent à être
particulièrement concernés par ce type de
phénomènes au niveau des sédiments aquatiques. La
contamination des écosystèmes aquatiques par les HAPs revêt
deux caractéristiques principales :
- elle est ubiquiste car ces composés sont
présents à l'échelle globale des sédiments
dulçaquicoles ou marins dans une vaste gamme de concentrations,
- elle est croissante car leur persistance est associée
à une forte libération due à l'utilisation à grande
échelle de combustibles fossiles, dont la combustion est la principale
source de libération des HAPs dans les milieux naturels
Les propriétés physico-chimiques des
sédiments (granulométrie, teneur en matière organique)
influent à la fois sur la persistance des HAPs et sur leur diffusion
dans les écosystèmes aquatiques. Ces observations conduisent
à considérer l'association sédiments-HAPs comme une source
de contamination diffuse dont les effets à long terme sur la faune
aquatique sont très peu connus en conditions naturelles. Bien que la
toxicité aiguë et le caractère mutagène de certains
composés de cette famille soient maintenant clairement établis,
il apparaît que les HAPs peuvent montrer une vaste gamme d'effets
létaux et sublétaux sur les organismes vivant à
proximité ou dans les sédiments aquatiques. Afin d'évaluer
le danger potentiel associé à la présence des HAPs dans
les sédiments pour l'intégrité des
écosystèmes aquatiques, il convient de comprendre les relations
existant entre le comportement des HAPs en milieu aquatique (en termes de
partition et de toxicité) et les caractéristiques
physico-chimique des sédiments dans lesquels ils peuvent potentiellement
être présents. La mise en place d'études visant
l'acquisition d'informations relatives à ce schéma de relations
doit nécessairement prendre en compte un certain degré de
complexité des écosystèmes ainsi que les facteurs
biotiques et abiotiques susceptibles d'influer sur les HAPs présents
dans les sédiments aquatiques. Le Laboratoire des Sciences de
l'Environnement (E.N.T.P.E. de Vaulx en Velin) développe dans le cadre
du programme « Environnement, Vie et
Société » du CNRS un travail de recherche axé
sur cette thématique dans le cas d'un HAP très
représenté en milieu naturel, le pyrène. Cette recherche
est réalisée en collaboration avec 3 laboratoires (Laboratoire
BBSI (CEA Grenoble, Dr. Yves Jouanneau), Laboratoire TEPE, ESIGEC
(Université de Savoie, Pr. Gérard Blake) , Laboratoire LCME,
ESIGEC (Université de Savoie, Dr. Emmanuel Naffrechoux)) et se propose
d'aborder l'étude du devenir et des impacts du pyrène en
écosystèmes aquatiques à travers la mise en oeuvre de
bioessais monospécifiques et plurispécifiques en microcosmes. Les
travaux réalisés en phase I du programme de recherche (Godde,
2001) concernaient l'étude de la toxicité aiguë (24 heures,
48 heures) et chronique (3 à 14 jours) du pyrène dans le cadre
d'essais monospécifiques en phase aqueuse ou sur sédiments
dopés. Ces séries d'essais monospécifiques ont permis de
montrer l'influence de deux sédiments naturels, choisis pour les
caractéristiques marquées de leur phase organique (un
sédiment pauvre en matière organique et un sédiment riche
en matière organique d'origine végétale), sur la
toxicité du pyrène chez trois invertébrés
aquatiques (D. magna, H. azteca, C. riparius). Les travaux
présentés dans ce rapport concernent la mise en place de
bioessais plurispécifiques qui constituent logiquement la
deuxième phase de ce programme de recherche. Le but de ces essais
réalisés sur 28 jours est d'évaluer le comportement du
pyrène dans des écosystèmes aquatiques simplifiés
reconstitués en microcosmes. Ces systèmes présentent de
nombreux avantages dans le cadre des objectifs visés par cette
étude (Verrhiest et al., 2001). Ils permettent. de
contrôler et de suivre un nombre important de paramètres biotiques
et abiotiques reliés entre eux par une matrice d'interrelations
simplifiée. Le degré de complexité introduit dans les
systèmes permet d'obtenir dans le cadre d'études
écotoxicologiques, un schéma d'action du xénobiotique
introduit, relativement proche de situations rencontrées en milieu
naturel. Le protocole expérimental mis en place dans les bioessais de
cette étude inclue l'utilisation des deux phases sédimentaires
caractérisées en phase I, à travers la réalisation
de systèmes témoins et contaminés par le pyrène
à l'aide d'un dopage artificiel des sédiments. Lors de ces
essais, le suivi des organismes réalisés sur 28 jours est
destiné à fournir le maximum d'informations concernant les effets
potentiels du pyrène introduit dans les systèmes
contaminés, sur des critères d'évaluation létaux ou
sublétaux susceptibles d'être affectés (survie,
reproduction, croissance). Parallèlement, le suivi réalisé
sur les compartiments abiotiques (matrice sédimentaire et colonne d'eau)
doit permettre de relier ces données biologiques au comportement des
paramètres physico-chimiques des systèmes pouvant potentiellement
affecter la biodisponibilité et la toxicité du pyrène en
écosystème aquatique.
Recherche bibliographique
1. Présentation des
Hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAPs)
Les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAPs) sont des
composés organiques produits lors des réactions de pyrolyse de la
matière organique et lors des processus de pyrosynthèse de
molécules organiques. La majorité des HAPs présents dans
les milieux naturels sont d'origine anthropique et sont produits lors de tels
processus, mis à profit dans le domaine de l'industrie ou de la
production d'énergie. Les processus de diagenèse et de
biosynthèse entraînent la formation de très faibles
quantités d'HAPs. A température ambiante, les HAPs purs se
présentent sous la forme de solides cristallins colorés D'un
point de vue structural, ils forment une classe de composés chimiques,
constitués uniquement par la fusion de cycles benzéniques
(Pothuluri et Cerneglia, 1994). La structure aromatique des HAPs varie avec le
nombre de cycles associés au sein des molécules : le plus
simple, le naphtalène, est constitué de 2 cycles alors que le
coronène, un des plus complexes, possède 7 cycles. La structure
spatiale des molécules est en générale plane, mais il
existe également des molécules tridimensionnelles. Malgré
leur structure chimique relativement proche il est difficile de
généraliser les propriétés physico-chimiques des
molécules de cette famille (Banerjee, 1985). Leur structure aromatique
confère néanmoins deux propriétés communes à
la majorité des HAPs. Ce sont des composés chimiques d'un haut
poids moléculaire présentant une forte hydrophobicité. Le
degré d'hydrophobicité est fourni par le logarithme
décimal du coefficient de partage octanol\eau (log Kow) ; il est
généralement assez élevé pour les HAPs. Chez ces
derniers, l'augmentation du poids moléculaire est directement
corrélée avec une augmentation du log Kow, ce qui indique une
augmentation du caractère apolaire des molécules. A cette faible
solubilité dans l'eau est associée une faible volatilité,
sauf pour certains HAPs de poids moléculaire plus faible tels que le
naphtalène. Le pyrène, composé de type HAP retenu dans
cette étude, réunit ces diverses qualités (tableau
1). Il est formé par l'association de 4 cycles
benzéniques (ce qui lui a parfois valu l'appellation de
benzo(def)fluoranthène). Le pyrène, ainsi que 16 autres HAPs,
sont classés comme polluants prioritaires par l'US-EPA. La grande
diversité des sources de production et la quantité importante
d'HAPs libérée par les activités humaines,
confèrent un caractère ubiquiste à la distribution des ces
composés dans l'environnement. Leurs propriétés
physico-chimiques, et principalement leur hydrophobicité, les conduisent
à s'accumuler préférentiellement dans les sols et les
sédiments aquatiques. Les niveaux de contamination observés dans
ces compartiments naturels sont très variables selon les composés
mais peuvent être étroitement corrélés avec la
proximité et la taille des agglomérations urbaines.
Tableau 1 : Tableau récapitulatif des
principales données physico-chimiques concernant le
pyrène
Molécule
|
Pyrène
|
Formule chimique
|
C16H10
|
Masse moléculaire (g/mol)
|
202
|
Point de fusion (°C)
|
150
|
Point d'ébullition (°C)
|
393
|
Solubilité dans l'eau (25°C, mg/L)
|
0,16
|
log Kow
|
5,18
|
2. Influence de la matrice
sédimentaire sur le comportement des HAPs en milieu aquatique
2.1. Importance de la
matière organique dans la partition des HAPs en milieu aquatique
Dès leur entrée dans les milieux
aquatiques, les HAPs sont soumis à divers processus physico-chimiques
qui vont influencer de manière prépondérante leur
dispersion au sein des différentes phases biotiques et abiotiques
présentes. Le caractère apolaire de ces composés leur
confère une charge globale neutre qui les exclut de toute interaction
mettant en jeu des phénomènes acido-basiques ou de complexation,
contrairement au polluants métalliques. La conséquence de cette
hydrophobicité est une forte affinité des HAPs pour la
matière organique des compartiments biotiques et abiotiques des
écosystèmes aquatiques. La matière organique
présente dans les sédiments et les particules en suspension est
un élément primordial intervenant dans les
phénomènes d'adsorption et de désorption des HAPs
(Karickhoff et al., 1979). Au niveau de la colonne d'eau et dans l'eau
interstitielle des sédiments, la matière organique se
présente sous forme particulaire et sous forme colloïdale ou
dissoute. La quantité de matière organique, ainsi que sa teneur
en acides humiques et en composés aromatiques, sont des
paramètres qui vont être déterminants dans le niveau
d'adsorption de composés hydrophobes à la surface des particules
en suspension : les HAPs de la colonne d'eau vont être
généralement associés à ce type de particules (Mc
Carthy et Jimenez, 1985 ; Mc Carthy et Zachara, 1989). La
sédimentation de ces particules constitue la principale source de
contamination des sédiments lorsque des HAPs sont adsorbés sur
ces particules. Malgré la grande diversité des associations
présentes dans les milieux naturels, c'est la quantité de
matière organique qui fixe principalement le niveau d'affinité
des HAPs pour la matrice sédimentaire (De Witt, 1992). L'origine et la
nature de la fraction organique ne semblent influer que pour des HAPs de
très haut poids moléculaire et pour des ligands présentant
une très haute affinité (Akkanen et al., 2001). De façon
générale, l'adsorption et l'accumulation des HAPs dans les
sédiments aquatiques se font par l'intermédiaire du carbone
organique total (COT) dont la teneur est proportionnelle à la
quantité de matière organique présente. Le niveau
d'affinité des HAPs pour la matière organique des
sédiments est donc évalué par le logarithme du coefficient
de partage des concentrations entre la phase particulaire et l'eau
interstitielle, ramené à la teneur en carbone organique
total :
Koc = Kp / foc = Cs / (Cd * foc)
où Kp = coefficient de partage du
composé hydrophobe entre l'eau interstitielle et les particules du
sédiment (en L/g de sédiment),
Cs = concentration dans la phase particulaire
Cs (en ug/g de sédiment)
Cd = concentration du composé dissous
dans l'eau interstitielle (en ug/L)
foc = fraction en carbone organique du
sédiment (en % ou gr de carbone/100 g de sédiment)
Koc = coefficient de partage du
composé entre l'eau interstitielle et le carbone organique du
sédiment (en L/g de carbone)
Le Koc est corrélé avec le niveau
d'hydrophobicité de la molécule exprimé par le coefficient
de partage octanol/eau Kow (Suedel et al., 1993).
En dehors de l'intervention de facteurs biotiques, la
désorption et donc la remise en solution des HAPs comprennent une
composante rapide et une composante lente. La désorption rapide est due
à la fraction labile des HAPs adsorbés qui comprend les
molécules possédant un faible niveau d'adsorption sur la phase
organique. La désorption lente concerne la fraction non labile des
molécules adsorbées, celles possédant un fort niveau
d'adsorption (Cuyper et al., 1996). Le taux de fraction non labile est
proportionnel au nombre de cycles benzéniques et est
corrélé à une augmentation du log Kow (Cornellissen et
al., 1997). Les HAPs de haut poids moléculaire vont donc
présenter une adsorption globale très forte qui va influer de
manière importante sur leur diffusion en milieu aquatique. Ces
composés, peu dégradables en milieu aqueux, vont présenter
une grande stabilité au niveau des sédiments : les
demi-vies estimées sont comprises entre 0.3 et 129 jours pour le
naphtalène (faible poids moléculaire) et 0.3 et 58 ans pour le
benzo(a)pyrène (haut poids moléculaire). La matrice
sédimentaire va donc constituer un site de fixation et de stockage
préférentiel des HAPs en milieu aquatique (Varanasi et
al., 1985).
D'un point de vue général, la matière
organique des sédiments est préférentiellement
associée aux particules minérales les plus fines telles que les
limons et les argiles (Trask, 1939). Ce mélange
hétérogène forme un manteau enveloppant les particules
minérales par le biais de divers types d'interactions physico-chimiques
(liaison hydrogène, forces de Van der Walls, liaisons covalentes) qui,
au côté des caractéristiques minéralogiques des
particules, vont déterminer l'intensité de la liaison entre les
deux fractions. Cette relation conduit à observer une relation inverse
entre la taille moyenne des particules d'un sédiment et sa teneur
globale en matière organique. En conséquence, la fixation d'HAPs
sur la phase sédimentaire va être en relation étroite avec
les fractions minérales les plus fines : certains auteurs ont
d'ailleurs observé une certaine corrélation entre la diminution
de la biodisponibilité des HAPs et la diminution de la taille des
particules sédimentaires (Kukkonen et Landrum, 1995). L'adsorption
directe sur la fraction minérale est réalisée seulement si
la teneur en COT des sédiments se révèle très
basse. La compartimentation des HAPs en milieu aquatique est donc
étroitement associée à la partition et à la
disponibilité du pool global de COT sédimentaire. Ce dernier se
répartit entre une fraction organique abiotique qui peut être
fixée à la phase minérale, en suspension ou sous forme
dissoute dans l'eau interstitielle (particules et colloïdes) et une
fraction biotique constituée par la biocénose aquatique vivant
à proximité ou dans le sédiment. Elle est principalement
constituée d'invertébrés benthiques appartenant en
majorité aux premiers maillons des chaînes trophiques. Les HAPs
vont donc transiter entre ces différents pools de COT par le biais d'une
dissolution en phase aqueuse (figure 1). Le caractère
qualitatif et quantitatif de ces flux est sous la dépendance de
gradients thermodynamiques qui vont s'établir entre la phase
particulaire, la phase aqueuse et le compartiment biotique.
2.2. Biodisponibilité
et bioaccumulation des HAPs au sein de la matrice sédimentaire
2-2-1-
Biodisponibilité
La biodisponibilité des HAPs correspond à la
faculté de ces polluants à entrer en contact direct avec les
organismes évoluant dans les biotopes aquatiques. C'est un
paramètre complexe faisant intervenir un nombre très important de
facteurs biotiques et abiotiques qui vont influencer qualitativement et
quantitativement les voies d'interactions entre organismes et
xénobiotiques. Dans la matrice sédimentaire, les fractions de
contaminants potentiellement accessibles aux organismes sont réparties
entre la phase particulaire et la phase aqueuse constituée par l'eau
interstitielle. Certains facteurs tels que l'âge du sédiment et la
diagenèse peuvent influer sur la biodisponibilité des HAPs. Les
sédiments âgés contiennent une proportion plus importante
de composés organiques de haut poids moléculaire, tels que les
substances humiques, dans l'eau interstitielle. Ces substances fixent les
composés hydrophobes de manière très efficace et
réduisent par la même occasion leur biodisponibilité dans
la phase aqueuse (DeWitt et al., 1992). Dans le cadre d'études
en laboratoire sur sédiments dopés artificiellement, il a
été démontré que le temps de contact entre le
sédiment et des HAPs tel que le pyrène ou le
phénanthrène influe également sur leur
biodisponibilité (Landrum et al., 1992). Pour des HAPs de haut
poids moléculaire (log Kow>5), la principale voie d'exposition va
être l'ingestion de particules organiques ou de matières
organiques dissoutes (MOD) via la filtration de la phase aqueuse. Chez
Lumbriculus variegatus et Arenicola marina le taux de
contaminants absorbés via l'ingestion de particules est de 61 %
(Leppanen et Kukkonen, 1998). L'importance de la voie trophique est liée
à la nature des particules ingérées : les organismes
benthiques vont prélever les fractions particulaires les plus fines,
donc celles associées à la majeure partie des HAPs
présents au niveau de la matrice sédimentaire (Lee et
al., 1990 ). Pour des organismes filtreurs tels que les bivalves
aquatiques ou les cladocères zooplanctoniques, la principale voie
d'exposition est la phase aqueuse. La teneur en matière organique
dissoute et le phytoplancton qui présentent des sites de fixation
potentiels des contaminants hydrophobes influencent directement l'absorption de
contaminants par ces organismes (Okay et al., 2000). Le comportement
des HAPs le long du tractus alimentaire va être fonction des
propriétés du composé et des caractéristiques
physiologiques de l'organisme. Seuls les composés issus de la fraction
labile pourront être désorbés et entrer en contact avec les
membranes biologiques durant le transit des particules le long du tube
digestif. Dans la matrice sédimentaire, l'adsorption importante des HAPs
sur les particules de matières organiques conduit la contamination
directe des organismes à s'effectuer majoritairement via l'eau
interstitielle (Landrum, 1989) pour des HAPs présentant une
hydrophobicité modérée à faible (log Kow<5). En
milieu naturel, les concentrations en contaminants hydrophobes peuvent se
révéler très importantes au niveau des eaux
interstitielles et sont souvent très supérieures aux
concentrations observées dans les eaux surnageantes (Adam,1987). Les
contaminants associés aux MOD ou plus généralement au
carbone organique dissous (COD) des eaux interstitielle présentent une
biodisponibilité réduite (Landrum et al., 1987, 1985).
La fraction directement biodisponible est le pool de substances dissoutes
alimenté par la désorption des fractions labiles particulaires ou
fixées à la MOD. Lorsque le taux de composés dissous est
faible, la biodisponibilité des HAPs est gouvernée par leur taux
de désorption sur la matière organique colloïdale. Si
celui-ci se révèle important, la prise de contaminants des
organismes benthiques se fait majoritairement via l'eau
interstitielle. Dans le cas contraire, c'est l'ingestion de particules qui
favorisera la contamination des organismes (Connell, 1988).
L'hydrophobicité des composés intervient directement dans le
fonctionnement de ce modèle ; les composés présentant
un log Kow important seront faiblement désorbés et donc
faiblement biodisponibles dans l'eau interstitielle. Face à une
diffusion très lente des HAPs à l'interface eaux
surnageantes/sédiment, la remise en suspension de particules
sédimentaire est un phénomène prépondérant
dans le niveau de biodisponibilité des contaminants hydrophobes au
niveau de la colonne d'eau. Dans les milieux naturels, la remise en suspension
des particules sédimentaires comprend une composante importante due
à l'activité de la faune benthique ou épibenthique. De
nombreux organismes appartenant à ces deux classes exercent une
activité de bioturbation lors de la recherche de nourriture au niveau de
la matrice sédimentaire, favorisant ainsi la libération des
particules les plus fines du sédiment vers la colonne d'eau. La
bioturbation provoquée par certains invertébrés tels que
Chironomus riparius ou Hyallela azteca peut influencer de
façon significative la quantité d'HAPs présents en
suspension ou dissous au niveau des eaux surnageantes et par conséquent
modifier leur biodisponibilité pour des organismes pélagiques.
(Lee, 1990).
2-2-2- Bioaccumulation
Le phénomène de bioaccumulation d'un
xénobiotique est défini comme la fixation et la concentration de
contaminants dans les tissus des organismes aquatiques (Connell, 1998). Selon
les modes de transfert entre les organismes et le milieu extérieur, la
bioaccumulation de molécules hydrophobes est évaluée selon
deux coefficients (figure 2) : le facteur de
bioconcentration et le facteur de bioaccumulation.
La bioaccumulation est sous la dépendance de
paramètres biologiques et physicochimiques qui vont être
prédominants dans l'établissement d'un équilibre dynamique
entre absorption, excrétion et éventuellement
métabolisation du contaminant par les organismes aquatiques. Les
facteurs de bioconcentration et de bioaccumulation des HAPs peuvent varier
d'un facteur 100 pour une même molécule, suivant l'espèce
considérée et les variables environnementales influentes. La
biodisponibilité des HAPs, évoquée
précédemment, est un paramètre de première
importance qui va influencer les modes de bioaccumulation et le niveau de cette
dernière.
2-2-2-1- Facteurs
abiotiques
Généralement, l'effet des variations des
paramètres physico-chimiques du milieu environnant sur la
bioaccumulation de composés hydrophobes est difficilement
prédictible (Davies et Dobbs, 1984). Néanmoins leur influence sur
ce phénomène peut se traduire par une modification du
métabolisme des organismes aquatiques. Par exemple, Karara et Hayton
(1989) ont montré que le facteur de bioconcentration de l'ester de
phtalate qui est de 45 L/kg à 10 °C atteint une valeur de 6550 L/kg
à 35 °C. D'autres facteurs tels que la salinité et le taux
d'oxygène dissous peuvent influencer la physiologie des organismes et la
bioaccumulation des HAPs, notamment en agissant sur les mécanismes de
détoxification (McKim et Erickson, 1991). Les HAPs présentent
tous un log Kow supérieur à trois ce qui sous entend une forte
affinité pour la matière organique des sédiments et un
risque important de bioaccumulation dans les organismes aquatiques ; dans
les milieux aquatiques, le facteur de bioaccumulation des HAPs (exprimé
en log décimal) est compris entre 1.2 et 10 (Eadie et al.,
1985). Malgré le peu de données disponibles sur la
bioaccumulation des HAPs des sédiments, il apparaît que les HAPs
de faible poids moléculaire (naphtalène,
méthylnaphtalène) ne s'accumulent que très faiblement dans
les organismes aquatiques vraisemblablement à cause de leur
volatilisation (Rossi, 1977). Les HAPs de haut poids moléculaire
présentent un potentiel de bioaccumulation beaucoup plus
élevé et peuvent être présents dans les organismes
à des concentrations 1000 voire 10000 fois supérieures à
celles observées dans l'environnement aquatique (Reichert et
al., 1985). Le niveau d'hydrophobicité des composés joue
donc un rôle important dans leur faculté de bioaccumulation, cette
caractéristique va en même temps affecter l'intensité de
leur adsorption sur la matière organique et donc influencer avant tout
leur biodisponibilité. Cette relation antagoniste explique le
défaut de linéarité entre le log Kow et le FBSA (Facteur
de bioaccumulation reliant la quantité de contaminant présent en
phase particulaire et la concentration observée dans les tissus des
organismes exposés au sédiment) pour des HAPs présentant
un log Kow supérieur à 5 (Landrum, 1989) (Figure
3).
2-2-2-2- Facteurs
biotiques
La pénétration des HAPs dans les organismes
aquatiques implique que ces composés puissent traverser diverses
membranes biologiques, ce qui exclut la présence de complexes avec la
matière organique en suspension ou dissoute. La faible
réactivité des HAPs à des variations physicochimiques du
milieu environnant place les habitudes écologiques et les
caractéristiques biologiques des organismes aquatiques au premier rang
des facteurs influant sur la bioaccumulation de ces composés. Le mode
d'activité trophique des organismes influence de manière
prépondérante le niveau de bioaccumulation des HAPs et le
transfert de ces composés au sein des chaînes trophiques. Pour les
organismes benthiques dont l'activité trophique inclut l'ingestion de
particules sédimentaires, l'absorption et le trajet de la matière
organique issue des sédiments le long du tractus alimentaire
représentent la principale voie de bioaccumulation de composés
hydrophobes (Landrum et Scavia, 1983 ). La dose accumulée
observée dans ce cas est directement corrélée avec le
niveau de contamination du sédiment. Les autres voies sont alors
additives (Jarvinen et Tyo, 1978). La quantité de nourriture
carbonée disponible au sein du sédiment influence à la
fois la biodisponibilité et la bioaccumulation des HAPs. Lake (1990) a
montré que le volume de particules sédimentaires
ingérées par Arenicola marina et Lumbriculus
variegatus est inversement proportionnel à la quantité de
matière organique contenue dans le sédiment. Dans un
sédiment possédant un faible taux de matière organique, la
forte biodisponibilité des HAPs est amenée à un niveau
supérieur par l'ingestion d'un volume important de particules
sédimentaires, ce qui a pour conséquence d'augmenter le volume de
la fraction absorbable des HAPs le long du tractus alimentaire. Les HAPs d'un
poids moléculaire inférieur à 700 et présentant une
hydrophobicité moyenne seront préférentiellement
absorbés à ce niveau (Bates et al., 1993) ce qui
correspond au cas du pyrène. La dose accumulée par des organismes
filtreurs est quant à elle indépendante du niveau de
contamination des sédiments (Kaag, 1998). Ces organismes vont
principalement bioaccumuler les polluants hydrophobes par le biais de la
filtration d'éléments carbonés dissous ou en suspension en
phase aqueuse. A ce niveau, le facteur de bioconcentration est influencé
à la fois par la quantité de matière organique
présente en suspension mais également par le temps de contact
entre les HAPs dissous en phase aqueuse et les éléments
carbonés susceptibles d'être prélevés par les
organismes.
Les téguments représentant une barrière
difficilement franchissable, les organes respiratoires (branchies pour la
plupart des organismes aquatiques) représentent un site d'absorption
préférentiel pour les HAPs dissous en phase aqueuse (Connell,
1988). La contribution des organes respiratoires à la bioaccumulation
est dans ce cas très importante. Comme les organes digestifs, ces
organes possèdent des caractéristiques qui vont favoriser
l'absorption et la diffusion des contaminants présents en phase
aqueuse : une ventilation importante, une large surface d'absorption, une
faible distance de diffusion entre la phase aqueuse et le sang, un débit
sanguin important (Hayton et Barron, 1990). La diffusion de polluants
hydrophobes à travers les épithéliums est
généralement réduite à cause de l'épaisseur
des structures tissulaires et ne semble réellement influente que pour
des organismes de petite taille (Saarikoski et al., 1986).
La distribution tissulaire des contaminants hydrophobes
dépend principalement de trois phénomènes
physiologiques : la fixation et la partition au sein des différents
fluides tissulaires, le débit sanguin caractéristique des
organismes et des tissus biologiques, la traversée des membranes
biologiques (Hawker et Connell, 1986). Généralement, les HAPs
vont traverser les tissus en diffusant à travers les cellules,
entraînant par la même occasion une modification de
l'intégrité des membranes cellulaires. Cette diffusion se fait
par paliers, chaque membrane biologique agissant différemment sur
l'élimination et la bioaccumulation des composés. A ce niveau,
la diffusion des molécules peut être réduite par
l'encombrement stérique due à leur taille. Opperhuizen et
al. (1985) ont suggéré que la structure des membranes
phospholipidiques pourrait réduire la diffusion des composés
hydrophobes à longue chaîne ou présentant une large section
moléculaire. Les molécules présentes dans le volume
sanguin constituent la fraction de contaminants bioaccumulables sensu
stricto. Cette fraction présente un volume réduit par
rapport à la fraction biodisponible dans le milieu car des
mécanismes d'élimination présystémiques vont
entraîner l'excrétion d'une partie des molécules avant leur
entrée dans la circulation sanguine (Barron,1989). L'excrétion
des HAPs par les organismes aquatiques fait intervenir trois modes
d'élimination :
- une excrétion passive via la diffusion des
contaminants du milieu intérieur des organismes vers le milieu aqueux
environnant
- une excrétion active via les
fécès
- une élimination active qui passe par l'activation des
systèmes de détoxification
Dans ce système d'élimination, la diffusion
passive des contaminants ne va entrer en compte que d'une manière
très limitée. La présence, dans les tissus biologiques, de
ligands à forte affinité pour les composés apolaires
restreint ce phénomène et ne permet qu'une diffusion très
limité des HAPs vers le milieu extérieur. Au sein des organismes,
les sites permettant ce type d'élimination sont associés à
une faible distance de diffusion : ce sont principalement les organes
respiratoires et les épithéliums du tractus alimentaire. En
toxicologie aquatique, la fixation au niveau du pool lipidique des organismes
est considérée comme le principal facteur de bioaccumulation de
contaminants hydrophobes (Barron et al., 1990). Les lipides
constituent un compartiment de stockage important pour les HAPs car ils sont
largement distribués au sein des tissus et présentent une forte
affinité pour les composés apolaires. Les variations
quantitatives interspécifiques de ce pool de lipides expliquent
partiellement les différences du niveau de bioaccumulation des HAPs
entre différents organismes (Khan et al., 1978). La
quantité de lipides corporels d'un organisme peut varier d'un facteur
dix suivant l'espèce considérée (Rainbow et White,
1990). Pour un même organisme, ce paramètre peut subir
d'importantes variations saisonnières, liées notamment au cycle
biologique.
3. Toxicité des HAPs
en milieu aquatique
3.1. Modes de
toxicité
La toxicité des HAPs en milieu aquatique est en
relation directe avec leur biodisponibilité et leur facteur de
bioaccumulation (ou de bioconcentration) au sein des organismes. Les HAPs
présentent une toxicité aiguë ou chronique suivant le type
d'exposition des organismes. La toxicité aiguë des HAPs est due
à leur propriété narcotique, notamment sur les
invertébrés benthiques. La narcose est une rupture des membranes
phospholipidiques liée à la fixation ou à la
traversée des HAPs lors de leur diffusion dans l'organisme. La narcose
est susceptible d'avoir lieu lorsque le contaminant est présent en
quantité suffisante (concentration molaire ou fraction volumique) pour
provoquer des effets délétères sur les membranes
biologiques (Driscoll et al., 1997). Pour une même classe de
composés hydrophobes, la narcose intervient pour un seuil de
concentration constant et prévisible dans les lipides corporels. La
toxicité aiguë des HAP comprend une forte composante cellulaire,
due principalement à la narcose, mais ce phénomène
s'exprime également au niveau subcellulaire. Chez Mytilus edulis
la dégradation des membranes lisozomales des cellules sanguines
augmente linéairement avec une exposition de 1,7 et 15 jours au
benzo(a)pyrène (Okay, 1999).
Les mécanismes de toxicité chronique des HAPs
diffèrent en de nombreux points des mécanismes de toxicité
aiguë. Parmi les 16 HAPs classés comme polluants prioritaires par
l'USEPA, huit composés sont reconnus comme potentiellement
carcinogènes dans le cadre d'exposition prolongée (Menzie et
al., 1992). Les mécanismes qui conduisent à la formation
d'espèces réactives, principalement des époxydes, agissent
par l'intermédiaire du système des monooxygénases (MFO).
L'ouverture des cycles aromatiques et le greffage d'un atome d'oxygène
se font par la voie oxydative de détoxication. La présence de
groupes époxydes à structure plane va permettre aux HAPs de
s'intercaler au niveau de différentes structures biologiques et de se
lier de façon covalente à diverses macromolécules
biologiques telles que l'ADN, l'ARN et les protéines cellulaires (Neff,
1979). Ces perturbations de l'intégrité du génome
cellulaire sont à l'origine des propriétés
mutagènes et cancérogènes des HAPs. Dans le cas d'HAPs de
haut poids moléculaire, tels que le benzo(a)pyrène, la liaison
à l'ADN peut se faire sous la forme d'adduits qui préfigurent
comme point initiateur de certain processus de cancérogenèse. Que
l'on se place dans un cadre d'une toxicité aiguë ou chronique, les
HAPs possèdent une gamme d'effets toxiques qui vont s'exprimer aux
niveaux létaux et sublétaux. Les effets perturbateurs de certains
HAPs sur le cycle biologique d'organismes aquatiques ont été
souvent mis en évidence, notamment sur la reproduction. Dans le cadre de
cette activité, la toxicité des HAPs peut s'exprimer au niveau
comportemental, ou au niveau du taux de fertilisation car les HAPs montrent une
affinité et une forte toxicité pour les gamètes.
La phototoxicité est une caractéristique propre
à la classe des HAPs. Ce mode d'activation engendre une augmentation de
la toxicité des composés préalablement présents
dans les organismes et correspond à une composante importante de la
toxicité globale de certain HAPs tel que le pyrène, le
benzo(a)pyrène, le phénanthrène et l'anthracène. Le
mode d'action présenté pour la phototoxicité serait la
formation d'espèces radicalaires et la génération
d'oxygène activé par transfert d'énergie d'une
molécule d'HAP excitée par un rayonnement UV vers un atome
d'oxygène (Kalf et al., 1997).
3.2. Modèles
prédictifs
3-2-1- Théorie de la
partition à l'équilibre
Les lipides représentent le compartiment de stockage
préférentiel des HAPs au sein des organismes aquatiques
(Barron et al., 1990). D'un point de vue chimique ce compartiment
tissulaire représente un pool de COT largement distribué et
directement accessible aux molécules hydrophobes. La quantité de
pyrène bioaccumulé en milieu aquatique peut donc être
normalisée par la teneur en lipides des tissus animaux. Cette
opération présente l'avantage de lier d'une manière
directe les fractions de pyrène associées au COT des organismes
aquatiques et celles associées au COT de la matrice sédimentaire,
chacune d'entre-elles étant en relation avec la fraction dissoute en
phase aqueuse (figure 4). La fraction associée au COT
du sédiment restant en général faiblement biodisponible,
la théorie de la partition à l'équilibre proposée
par Di Toro et al. en 1991 assimile l'exposition des organismes aux
composés hydrophobes présents dans les eaux interstitielles
à une exposition directe en phase aqueuse. Ce concept aboutit à
une simplification extrême des phénomènes thermodynamiques
qui régissent la partition des molécules au sein des
écosystèmes aquatiques et suppose que la toxicité des
composés hydrophobes présents dans les sédiments est
uniquement due à la fraction dissoute dans les eaux interstitielles.
L'étroite relation qui unit alors la fraction dissoute et la fraction
associée aux lipides organiques permet de prédire la
quantité de composés hydrophobes bioaccumulée par les
organismes en fonction de leur teneur en lipides et de la teneur des eaux
interstitielles du sédiment en contaminant.
Une importante revue publiée par Di Toro et
al. (1991) présente un vaste échantillon de données
relatives à l'application de la théorie de la partition à
l'équilibre (basées sur des hydrocarbures
halogénés). Elle conclut que l'utilisation de ce modèle
permet de réduire d'un facteur 2 à 3 les variations de la
biodisponibilité, évaluée par toxicité, de
composés hydrophobes présents dans des sédiments
aquatiques. Cette approche de la toxicité de composés hydrophobes
associés à des sédiments a été
utilisée par l'USEPA pour définir les Critères de
Qualité des Sédiments vis-à-vis d'une liste importante
d'HAPs et de pesticides. La mise en oeuvre de tests de toxicité sur ces
molécules impliquant diverses espèces
d'invertébrés, a, dans de nombreux cas, confirmé
l'utilité de cette approche (Ankley et al., 1996a).
Bien que l'équilibre de partition puisse se
révéler un outil particulièrement utile dans la
prédiction des niveaux de bioaccumulation et de toxicité de
composés hydrophobes spécifiques, il perd une grande partie de
son pouvoir prédictif lorsqu'il est confronté à
différents contaminants dans des conditions expérimentales
similaires. De même, malgré la normalisation par le taux de
lipides, les prédictions obtenues varient de manière importante
avec les espèces animales (Bierman, 1990). Les principales limites de ce
concept résident en deux points importants qui sont à la base de
sa formulation : l'existence d'un état d'équilibre parfait
au sein du système et la définition du compartiment lipidique
comme principal déterminant dans la bioaccumulation des composés
hydrophobes. Dans les écosystèmes aquatiques, l'existence d'un
état d'équilibre aussi parfait est fortement remise en question
car l'influence seule ou synergique de nombreux facteurs annexes peut modifier
quantitativement les flux de contaminants entre les compartiments biotiques et
abiotiques. Le principal facteur abiotique négligé par
l'équilibre de partition est l'influence des substances colloïdales
dissoutes en phase aqueuse sur la biodisponibilité et la bioaccumulation
des composés hydrophobes au sein des sédiments. Les variations
spatio-temporelles de la qualité des sédiments et des eaux
interstitielles, la taille des particules sédimentaires,
l'hétérogénéité des stocks de carbone
organique ainsi que la teneur globale du sédiment en contaminants
n'entrent pas dans l'explication de cet équilibre. La
biodisponibilité des contaminants adsorbés sur les particules
sédimentaires est négligée alors qu'elle peut se
révéler déterminante dans la contamination des organismes
lorsque la fraction de xénobiotique présente dans les eaux
interstitielles est faible (Ankley et al., 1989). Lee (1990) insiste
sur le fait que les organismes aquatiques ne sont pas uniquement
« des acteurs statiques dont les niveaux d'interaction avec le milieu
extérieur se limitent seulement à des échanges
régis par des équilibres thermodynamiques ». En effet,
certaines habitudes écologiques telles que la bioturbation, l'ingestion
ou la filtration de particules peuvent modifier significativement la
biodisponibilité et la toxicité des xénobiotiques en
milieu aquatique. Ces facteurs ainsi que les variations
intraspécifiques et interspécifiques des stocks de lipides
animaux sont exclus de la théorie de la partition à
l'équilibre. Ces omissions peuvent être à l'origine
d'erreurs de prédictions qui ont été observées dans
certaines études sur l'utilisation de l'équilibre de partition
dans l'évaluation de la toxicité d'HAPs en phase
sédimentaire (Suedel et al., 1993 ; Hoke et al.,
1995 ; Driscoll and Landrum, 1997).
3-2-2- Concentration critique
tissulaire
La concentration critique tissulaire est une approche
complémentaire à l'équilibre de partition et propose
d'évaluer la toxicité potentielle de composés hydrophobes
à partir des concentrations mesurées dans les tissus d'organismes
contaminés (McCarthy et al., 1992 ; McCarthy et Mackay,
1993). La concentration critique tissulaire est définie comme la
concentration molaire minimale en contaminants hydrophobe des tissus animaux
susceptible d'être associé à des effets létaux. Les
avantages de cette méthode d `approche de la toxicité des
contaminants apolaires est qu'elle permet de s'affranchir des
différences d'hydrophobicité entre composés et rends mieux
compte de leur toxicité intrinsèque. La concentration critique
tissulaire n'est que peu influencé par des mécanismes tel que la
mise place d'équilibre entre les fractions de contaminants, le temps
d'exposition ainsi que la cinétique de bioaccumulation des contaminants
et leur biodisponibilité pour les organismes. Cette approche a
été validée pour les HAPs chez de nombreuses
espèces de vertébrés et d'invertébrés (Van
Wezel et Opperhuizen, 1995). Elle est globalement comprises entre 2 et 8
umol/gramme de tissu sec pour les différents HAPS. En se soustrayant
à l'influence de certaines conditions expérimentales,
cités précédemment, cette approche permet une comparaison
facilité des données obtenues sur le terrain et en laboratoire.
Son domaine de validité est lié aux variations
intraspécifiques des organismes d'où la
nécessité de connaître les facteurs biologique susceptibles
de modifier cette concentration entre individus (Van Wezel et al.,
1995). Cette approche, bien que souvent associé à des
critères létaux, a également démontré son
efficacité vis à vis de la prédiction d'effets
sublétaux (reproduction, croissance) des HAPs sur
l'intégrité biologique d'invertébrés benthiques
(Lotufo et al., 2001).
Matériels et méthodes
1. Introduction
Ce travail de recherche sur la toxicité du
pyrène en écosystème aquatique est basé sur la
réalisation de bioessais plurispécifiques en microcosmes
aquatiques. La matrice sédimentaire étant le compartiment de
stockage et de relargage préférentiel des HAPs en milieu
aquatique, nous avons choisi d'étudier particulièrement
l'influence des paramètres physico-chimiques sédimentaires sur
des phénomènes importants dans la toxicité du
pyrène en écosystèmes aquatiques tels que la
biodisponibilité et la bioaccumulation. Le plan expérimental et
la chronologie des bioessais réalisés dans le cadre de cette
étude sont établis de façon à permettre une
acquisition évolutive de données concernant l'influence des ces
paramètres sur la partition et la toxicité du pyrène en
milieu aquatique.
Chacun des bioessais mis en place est focalisé sur un
point particulier de l'évolution du pyrène en milieu aquatique
sans négliger le suivi et l'étude des autres facteurs intervenant
dans la matrice d'interactions biotiques et abiotiques qui s'établit
dans les systèmes aquatiques. A ce titre, une évaluation des
conditions expérimentales optimales à la stabilité des
systèmes dans le temps est nécessaire avant l'étude de
toute perturbation induite par l'introduction d'un xénobiotique. La
première phase de ce travail de recherche s'est donc orientée
vers le suivi de microcosmes témoins sur 28 jours afin d'évaluer
l'influence des apports en nourriture et de la qualité de la colonne
d'eau sur la survie des organismes (Rapport intermédiaire, mars 2002).
Cette étape permet d'obtenir des informations sur l'évolution des
systèmes dans le temps ainsi que des données relatives à
la variabilité des paramètres de suivi des microcosmes. L'essai
en conditions simplifiées sur 21 jours réalisé dans un
second temps constitue également une étape préliminaire
nécessaire à la mise en oeuvre des bioessais
plurispécifiques. Pour cette expérience, le protocole
expérimental adopté vise trois objectifs principaux :
- évaluer la réponse du compartiment
bactérien dans un sédiment contaminé par le
pyrène,
- obtenir des données de base sur la bioaccumulation du
pyrène par des organismes exposés en conditions
contrôlées,
- évaluer l'efficacité du protocole de dosage
retenu pour mesurer la bioaccumulation et éventuellement valider ce
dernier
L'objectif est ici de définir les paramètres
expérimentaux et méthodologiques adéquats pour le suivi de
la réponse des communautés bactériennes au contact du
pyrène et de la bioaccumulation dans les organismes supérieurs.
Cette étape est déterminante dans le choix de la concentration en
pyrène qui sera utilisée dans la phase finale du travail de
recherche et dans le choix d'un marqueur d'activité bactérienne
correspondant à nos critères d'étude. La troisième
et dernière phase est la réalisation de bioessais
plurispécifiques de 28 jours associés à l'utilisation de
deux phases sédimentaires dopées à une concentration
unique en pyrène. Parallèlement au suivi des paramètres
biotiques et abiotiques retenus dans l'étude, nous avons
également mis à profit le second essai pour étudier
l'influence de l'introduction d'une souche dégradant
spécifiquement le pyrène sur le devenir du pyrène et la
réponse des organismes supérieurs.
2. Elevage des organismes
2.1. Daphnies
Les daphnies sont élevées dans des
béchers de 2 litres contenant 2 litres de milieu M4 auquel est
ajouté un certain volume d'une composition mixte de Chlorella
vulgaris et Pseudokirchneriella subcapitata. Les élevages
sont soumis à un éclairage de type jour long (16 heures
d'éclairement par 24 heures, intensité < 1000 lux) et
entretenus dans une chambre climatisée à une température
de 20 °C.
Le maintien des élevages est assuré par
l'entretien d'un lot de daphnies gravides, renouvelé à partir
d'individus non utilisés dans les bioessais.
A partir de deux semaine d'élevage, les daphnies
atteignent leur maturité sexuelle et produisent une quantité
importante de jeunes individus qui sont récupérés par
tamisage. Le milieu de culture est renouvelé de moitié une fois
par semaine.
2.2. Amphipodes
L'élevage de l'amphipode Hyalella azteca
nécessite l'utilisation de 2 bacs type aquarium de 10 litres chacun. Les
bacs sont remplis avec 5 litres de milieu M4 et équipés d'un
système d'aération par pompe assurant l'oxygénation du
milieu d'élevage. Les élevages sont soumis à un
éclairage de type jour long (intensité < 1000 lux) et
entretenus dans une chambre de culture climatisée à une
température de 20 °C. La nourriture est constituée par un
apport hebdomadaire de nourriture pour poissons TetraMin® en solution dans
du milieu M4. La quantité de nourriture à apporter varie avec le
nombre d'individus en élevage, mais doit permettre un bon niveau de
reproduction des organismes. Une fois par semaine, les jeunes sont
séparés des adultes par tamisage et conservés dans des
conditions d'élevage similaire pendant 1 à 2 semaines
jusqu'à leur utilisation pour un essai. Le milieu d'élevage est
renouvelé de moitié une fois par semaine.
2.3. Chironomes
Les chironomes adultes nouvellement émergés sont
placés dans des bacs en plastique d'une contenance de 5 litres
(enceintes de ponte). Une coupelle remplie de milieu M4 est disposée au
fond du bac et permet de recueillir les pontes des femelles (masses). Un
deuxième bac est retourné et placé au-dessus du premier de
façon à constituer une enceinte d'élevage close et de
volume suffisant. Les élevages sont soumis à un éclairage
de type jour long (intensité < 1000 lux) et placés dans une
chambre climatisée à 20 °C. Les nouvelles pontes sont
recueillies et transférées dans du milieu M4. Les masses sont
alors incubées à 20 °C jusqu'à éclosion des
larves. Les larves écloses et destinées à entrer dans la
réalisation des bioessais sont conservées dans leur milieu
d'éclosion auquel est ajouté une petite quantité de
TetraMin® en suspension dans du milieu d'élevage. Les individus
sont ainsi maintenus en élevage jusqu'au deuxième stade de
développement, avant d'être introduits dans les microcosmes. Une
partie des larves écloses sont également destinées
à renouveler les élevages d'adultes. Ces larves sont introduites
dans des bacs plastiques d'une contenance de 5 litres contenant environ 500
grammes de sable de Fontainebleau lavé et 3 litres de milieu M4. Un
autre bac de 5 L est placé au-dessus du premier de façon à
constituer un volume d'air au-dessus et de piéger les adultes
émergés. L'air injecté dans le milieu d'élevage par
un tuyau de silicone relié à un diffuseur d'air immergé
traverse préalablement un filtre de type Sartorius. Les apports de
nourriture sont hebdomadaires et constitués par un petit volume d'une
suspension de Tetramin. Les chironomes adultes sont retirés deux fois
par semaine et introduits dans les enceintes de ponte.
2.4. Lentilles d'eau
Les lentilles d'eau sont cultivées dans des Erlenmeyers
de 300 mL contenant 150 mL de milieu de culture (AFNOR, 1995). Les cultures
sont entretenues en chambre climatisée à 20°C et soumises
à un éclairage de type jour long d'intensité 3000 lux
environ. Le repiquage des cultures intervient toutes les 2 ou 3 semaines
suivant la croissance des organismes. Cette opération effectuée
en conditions stériles consiste à placer une dizaine de colonies
de 2 à 3 frondes par Erlenmeyer; ce dernier ainsi que le milieu de
culture sont préalablement autoclavés à 120°C
(pression : 1 bar) pendant 20 minutes.
2.5. Chlorella
vulgaris et Pseudokirchneriella subcapitata
Les cultures sont entretenues dans un milieu
standardisé de type Oligo LC (AFNOR, 1990). Les récipients de
culture sont des Erlenmeyers de 500 mL contenant 300 ml de milieu
stérilisé (autoclave : 120 °C/1 bar pendant 20 mn).
L'ouverture des récipients est obturée par du coton cardé.
Une pipette Pasteur délivrant un faible débit d'air filtré
(filtre Sartorius) assure l'oxygénation du milieu ainsi que son
agitation.
3. Prélèvement, préparation, et
dopage des sédiments
3.1. Caractéristiques des
sédiments
Les sédiments sélectionnés pour cette
étude proviennent de prélèvements réalisés
au niveau de la zone sud du lac préalpin d'Aiguebelette. Les sites de
prélèvement possèdent des environnements très
différents, ce qui fournit deux matrices sédimentaires bien
distinctes du point de vue de leurs propriétés
physico-chimiques :
- un sédiment calcaire (environ 80 à 85% de
CaCO3) appelé « Craie » dans la
suite de cette étude. Ce sédiment reçoit essentiellement
de la matière organique d'origine phytoplanctonique et zooplanctonique.
Ces apports sont faibles ce qui a pour incidence de donner une dominante
minérale à ce sédiment. Sa richesse en sels calcaires lui
confère un caractère oligotrophe en raison de la chélation
facilitée des phosphates. Sa faible granulométrie en fait
globalement un sédiment de type anoxique.
- un sédiment organique, appelé
« Tourbe » dans la suite de cette étude. Ce
sédiment collecté à proximité d'une
roselière reçoit d'importants apports en matière organique
végétale d'origine allochtone. La décomposition de cette
matière organique est à l'origine de la formation de
composés de type humiques. La flore bactérienne présente
une densité très supérieure à celle du
sédiment précédent : l'activité de ces
organismes contribue de manière prépondérante au
caractère eutrophe de ce sédiment.
Un tableau d'analyse des propriétés
physisco-chimiques de ces deux sédiments figure à
l'annexe 1.
Les sédiments prélevés au moyen d'une
drague à main et transportés au laboratoire où ils sont
passés au travers d'un tamis de 0.2 cm de maille afin d'éliminer
les débris minéraux et organiques de grande taille, ainsi que les
plus gros macroinvertébrés. Le sédiment ainsi
traité est ensuite homogénéisé par brassage puis
stocké à 4°C dans des flacons en polyuréthane de 2
litres. Certains résultats obtenus lors du premier essai
plurispécifique réalisé nous ont incité à
effectuer un lessivage des sédiments, ceci afin d'éliminer
certains produits de fermentation qui ont pu apparaître durant le
stockage des sédiments bruts. Ce lessivage a été
réalisé en faisant passer un flux aqueux renouvelé
continuellement pendant 24 heures au-dessus des sédiments (eau de
nappe).
3.2. Dopage
Le sédiment contaminé utilisé dans le
cadre de cette étude est dopé selon la technique décrite
par Verrhiest et al (1999). Une solution mère de pyrène
à 2 g/L dans l'acétone (acétone de qualité
analytique (SIGMA) est préparée juste avant l'opération de
dopage.
La quantité de pyrène nécessaire au
dopage du sédiment est déposée sur la surface
intérieure de bouteilles en verre Pyrex de 2 litres par
évaporation de la solution acétonique de pyrène.
L'acétone est éliminé par
évaporation sous hotte aspirante à l'aide d'un appareil à
rouleaux assurant une rotation horizontale continue et à vitesse
constante des bouteilles. Lorsque la totalité de l'acétone s'est
évaporé, le sédiment est extrait des flacons de stockage
et homogénéisé. La quantité de sédiment
voulue est alors introduite dans les bouteilles préparées, ces
dernières sont ensuite soigneusement fermées. Les bouteilles sont
de nouveau disposées sur les rouleaux pour une durée de 4 heures
durant laquelle elles seront vigoureusement agitées toutes les 30
minutes. A l'issue de cette étape, les bouteilles sont stockées
à l'obscurité et à 4 °C jusqu'à
utilisation.
4. Mise en oeuvre des bioessais
4.1. Mise en place des phases aqueuse et
sédimentaire
Le tableau 2 résume les
modalités expérimentales mises en oeuvre dans les bioessais
présentés dans ce rapport.
Tableau 2 : Principales conditions
expérimentales observées dans les bioessai durant cette
étude
Bioessais
|
Type de contenant
|
Masse de sédiment
|
Volume de milieu d'essai
|
Monospécifiques
|
Bécher de 400 ml
|
50 grammes
|
300 ml
|
Plurispécifiques
|
Bécher de 2 litres
|
100 grammes
|
2 litres
|
La phase aqueuse utilisée dans ces bioessais est un
milieu de type OCDE (OCDE, 1993). Il est introduits dans les béchers
après introduction de la phase sédimentaire, en prenant soin de
minimiser les turbulences et la remise en suspension du sédiment. Un
film alimentaire percé de quelques trous est apposé sur
l'ouverture du bécher et maintenu par un élastique. Ce dispositif
permet de limiter les pertes par évaporation et de piéger les
chironomes émergents. L'oxygène est délivré par une
pompe à air couplée à un système répartiteur
qui permet l'alimentation de plusieurs béchers. Un filtre à air
(maille de 0.22 um) est disposé en amont du réseau
d'alimentation. Les systèmes ainsi équipés sont
placés pendant 7 jours à l'obscurité et à une
température de 20°C. A l'issue de cette période, ils sont
soumis à un éclairage de type jour long (16 h/24h) d'une
intensité de 2000 à 2500 Lux.
4.2. Introduction des organismes
Les organismes sont introduits dans les microcosmes 7 jours
après la mise en place de la phase aqueuse et de la phase
sédimentaire, à l'exception de la souche Mycobacterium
6PY1 qui est introduite dans le sédiment, par le biais d'une suspension
incorporée de façon homogène avant adjonction du milieu
d'essai (donc à J0).
Les caractéristiques des organismes introduits dans les
microcosmes sont présentées dans le tableau
3.
Tableau 3 : Caractéristiques des
organismes introduits dans le cadre des bioessais plurispécifiques en
microcosmes
Organismes
|
Caractéristiques
|
nombre
|
Lemna minor
|
Colonies de 2 frondes
|
6
|
Daphnia magna
|
Individus âgés de moins de 48 heures.
|
10
|
Hyalella azteca
|
Individus âgés de 7 à 14 jours.
|
10
|
Chironomus riparius
|
Larves au deuxième stade de développement.
|
25
|
Mycobacterium 6PY1
|
Souche
|
1.5. 107 individus par gramme de sédiment.
|
4.3. Paramètres et conditions de
réalisation des bioessais
Durant la totalité du test, soit 28 jours, les
microcosmes sont maintenus en chambre climatisée à 20°C.
L'éclairement d'une intensité comprise entre 2000 et 2500 lux est
délivré par des tubes fluorescents de type lumière du
jour, la photopériode est de type jour long (16 heures par jour). Les
apports en nourriture sont réalisés quotidiennement par
adjonction au milieu d'une suspension de TétraMin dans de l'eau
distillée. La quantité apportée est de 5 mg par
jour ; cette quantité a été retenue à la suite
d'essais préliminaires sans contaminant. Aucun renouvellement de milieu
n'est réalisé pendant la durée des bioessais.
4.4. Suivi des paramètres physicochimiques
Le suivi détaillé des paramètres
physico-chimiques et biologiques réalisés au cour des essais
plurispécifiques est exposé en annexe 2.
4.4.1. Sédiment
4.4.1.1. pH
Le pH des sédiments est mesuré en trois points
lors des sacrifices. Les mesures sont relevées à l'aide d'un
pHmètre muni d'une électrode par pénétration
adaptée aux sédiments.
4.4.1.2. Teneur en eau
5 grammes de sédiment sont introduits dans une coupelle
en céramique de poids connue préalablement séchée
à l'étuve. L'ensemble est ensuite mis à l'étuve
à une température de 105°C pendant au moins 24 heures. A
l'issue de cette étape, la coupelle et le sédiment sont
pesés. Le poids sec du sédiment, obtenu par soustraction du poids
de la coupelle, permet de connaître le poids et donc la teneur en eau
exprimée en pourcentage par rapport au poids frais du
sédiment.
4.4.1.3. Perte au feu
Les échantillons de sédiments utilisés
précédemment sont placés pendant 2 heures à
550°C dans un four réfractaire. Les coupelles en céramique
sont ensuite mises à refroidir dans un dessiccateur puis pesées.
Les valeurs de pertes au feu déduites sont exprimées en
pourcentages par rapport au poids sec du sédiment.
4.4.1.4. Teneur en pyrène
Le dosage de la teneur en pyrène des sédiments
est effectuée à l'occasion des sacrifices. Pour chaque
traitement, le dosage est réalisé sur un échantillon
constitué par homogénéisation de sous-échantillons
de trois grammes de sédiment provenant des microcosmes sacrifiés.
Les échantillons ont été envoyés au Service Central
d'Analyse du CNRS de Solaize (Vernaison, 69). Après
homogénéisation des sédiments et déshydratation par
addition de sulfate de sodium anhydre, le pyrène est extrait au moyen de
toluène à chaud et sous pression (extracteur Dionex Accelerated
Solvent Extraction). Les extraits sont dosés selon le même
protocole que pour les échantillons aqueux (cf 4.4.2.7).
4.4.2. Eaux surnageantes
4.4.2.1. pH
Le pH des eaux surnageantes est relevé 2 fois par
semaine sur 5 microcosmes par traitement.
Les relevés sont effectués à mi-hauteur
de la colonne d'eau à l'aide d'un pHmètre de terrain.
4.4.2.2. Conductivité
La conductivité des eaux surnageantes est
relevée 2 fois par semaine sur 5 microcosmes par traitement. Les
relevés sont effectués à mi-hauteur de la colonne d'eau
à l'aide d'un conductimètre de terrain.
4.4.2.3. Teneur en oxygène et taux d'oxygène
dissous
Les teneurs en oxygène et le taux d'oxygène
dissous des eaux surnageantes sont relevés 2 fois par semaine sur 5
microcosmes par traitement.
Les relevés sont effectués à mi-hauteur
de la colonne d'eau à l'aide d'un oxymètre de terrain qui
délivre en même temps la température du milieu aqueux.
4.4.2.4. Teneur en chlorophylle a
Une partie de la colonne d'eau est filtrée à 1.2
um (filtre Whatman GF/C). Le filtre est ensuite broyé à l'aide
d'un Potter mécanique dans 5 ml d'acétone (acétone de
qualité analytique) enrichi en MgCO3. Le broyat est
centrifugé à une vitesse de 4000 tours par minute pendant 30
minutes et à 4°C. Un ml de surnageant est introduit dans une cuve
en verre et placé dans un spectrophotomètre de marque
Perkin-Elmer à double cuve. Le témoin est constitué par un
ml de solution d'acétone enrichie en MgCO3. Une
première lecture de l'échantillon est effectuée à
750, 665, et 664 nm. L'échantillon est ensuite acidifié par
adjonction de 20 uL d'acide chlorhydrique à 1 mol/L. Une deuxième
lecture de l'échantillon est alors effectuée à 750 et
à 665 nm. La teneur en chlorophylle a (corrigée de la
phéophytine a) de l'extrait exprimée en ug par litre est
obtenue par la formule suivante (ASTM, 1993) :
[Chlorophylle A] en ug/L = 10 000 (26,7 ((DO 664b - DO
665a))
Avec :
DO 664b = DO à 664 nm avant acidification
DO 665a = DO à 665 nm après
acidification
Aux mesures effectuées avant et après
acidification est retranchée la valeur de DO à 750 nm
correspondante afin de corriger le biais induit par la turbidité de
l'échantillon.
4.4.2.5. Analyse des anions et cations en solution
L'analyse des anions et cations en solution dans les eaux
surnageantes et les eaux interstitielles est réalisée par
chromatographie ionique sur résine échangeuse d'ions (analyseur
de type DIONEX).
4.4.2.6. Analyse du carbone organique total
Le COT des eaux surnageantes et des eaux interstitielles est
analysé à l'aide d'un analyseur de carbone de modèle LAB
TOC (SPECTRA-France/ P.P.M). L'échantillon est acidifié puis
introduit dans un flux de persulfate de sodium. Le carbone organique contenu
dans l'échantillon subit l'action oxydante du réactif plus un
traitement aux ultra-violet lors de son passage dans le réacteur. Le gaz
carbonique obtenu est séparé de la phase liquide par barbotage
d'un gaz vecteur (Azote ou Argon). La concentration en gaz carbonique
entraîné par le gaz vecteur est mesurée par
détection infrarouge après passage dans un sécheur de gaz
qui assure une hygrométrie constante.
4.4.2.7. Teneur en pyrène
L'analyse est réalisée sur des eaux
filtrées à 0,7 um (filtres Whatman GF/F en fibre de verre). Les
échantillons après préparation sont stockés dans
des flacons en verre à l'abri de la lumière et à 4°C.
Le dosage du pyrène (Laboratoire Central d'Analyses du CNRS de Solaize)
est réalisé par HPLC sur colonne Hypersil ODS C18 5 um (200 x 2,8
mm) couplée à un détecteur d'UV à 240 nm. La
séparation des composés est obtenue par passage dans la colonne
d'un gradient d'élution eau/acétonitrile. Avec cette
méthode, les eaux sont injectées directement, il n'y a pas
d'étape d'extraction liquide-liquide.
4.5. Eaux interstitielles
4.5.1. Extraction
Le sédiment obtenu après sacrifice des
microcosmes est poolé pour chaque traitement. Les quatre lots de
sédiment sont ensuite centrifugés à 4000 tours/minute
à 4 °C pendant 30 minutes. Le sédiment de type tourbe
fournit un volume d'eaux interstitielles suffisant pour les analyses
ultérieures. Dans le cas du sédiment de type craie, le volume
récupéré peut être relativement faible. Il est dans
ce cas ajusté à 100 ml avec de l'eau
déminéralisée. Les eaux interstitielles sont ensuite
filtrées à 0,7 um sur un filtre Whatman GF/F. Les
échantillons d'eau interstitielles sont stockés à 4
°C et à l'obscurité.
4.6. Exposition des organismes et dosage du
pyrène bioaccumulé
Précision : les mesures ont
été réalisées par un stagiaire de l'IUT de Biologie
de Lyon, Clément LAVIGNE, sous la direction de Bernard
CLEMENT.
4.6.1. Mode d'exposition des organismes
Les organismes utilisés dans cette partie de
l'étude sont des daphnies juvéniles âgées de moins
de 48 heures provenant des élevages entretenus au laboratoire.
Le tableau 4 présente les
différents modes d'exposition auxquels ont été soumis les
organismes ainsi que les temps d'exposition retenus.
Tableau 4 : Modalités et durée
d'exposition des organismes pour le bioessai monospécifique ((*) :
eaux surnageantes récupérées lors de sacrifices dans
lesquelles les daphnies sont donc exposées en l'absence de
sédiment)
Date d'exposition
|
Mode d'exposition
|
Temps d'exposition
|
J17 à J18
|
Eaux surnageantes (*)
|
24 heures
|
J0 à J1, J0 à J2, J2 à J3, J7 à J8,
J14 à J15
|
Eaux surnageantes (*) filtrées à 0,8 um.
|
24, 48 et 72 heures
|
J-4 à J-3, J-3 à J0, J0 à J1, J0 à
J2, J2 à J3, J7 à J8, J14 à J15
|
Sédiment et eaux surnageantes des microcosmes
|
24, 48 et 72 heures
|
4.6.2. Dosage du pyrène
bioaccumulé
15 daphnies (préalablement séchées ou
humides) sont broyées dans un tube à essai en verre au moyen
d'une tige de verre, puis 2 mL de méthanol sont ajoutés. La
suspension obtenue est introduite dans une seringue et filtrée à
0,45 um (Minisat, SARTORIUS). Le filtrat est ensuite introduit dans une cuve en
quartz poli pour permettre la lecture de l'échantillon au
spectrofluorimètre. L'excitation du pyrène en solution est
réalisée à une longueur d'onde de 332 nm ; le spectre
d'émission résultant est obtenu entre 350 et 475 nm. Le pic de
fluorescence retenu pour la quantification se situe à une longueur
d'onde de 393 nm. En parallèle à la lecture de chaque
échantillon, une gamme étalon de solutions de pyrène dans
du méthanol est également lue afin de déterminer la
relation entre fluorescence et teneur en pyrène des solutions.
4.7. Suivi des paramètres biologiques
(organismes supérieurs)
4.7.1. Daphnies
4.7.1.1. Survie des mères
Le suivi et la numération des daphnies sont
réalisés par prélèvement des individus au moyen
d'une pipette graduée retournée. Les daphnies sont alors
placées dans un peu d'eau surnageante de leur microcosme d'origine, puis
dénombrées et observées (croissance, couleur,
présence d'oeufs chez les daphnies mères, présence de
mâles). Le milieu d'essai et les daphnies sont alors réintroduits
avec précaution dans le microcosme.
4.7.1.2. Reproduction et dosage du pyrène dans les
daphnies juvéniles
Lors du dénombrement des adultes, les jeunes daphnies
éventuellement présentes sont dénombrées
après les avoir récupérées par aspiration
(siphonnage d'une partie de la colonne d'eau et tamisage). Les individus issus
de microcosmes ayant reçu le même traitement sont placés
dans un tube à essai contenant 2 mL de méthanol à 90%. Les
échantillons sont ensuite placés à 4°C à
l'obscurité en attendant de fournir des mesures de bioaccumulation du
pyrène chez les jeunes daphnies.
4.7.2. Amphipodes
Le taux de survie des amphipodes est déterminé
lors des sacrifices des microcosmes. Les amphipodes sont capturés
à l'aide d'une oeuse ou d'une pince à la surface du
sédiment et stockés dans une petite quantité d'eau
surnageante de leur microcosme d'origine. Les individus sont alors
dénombrés et observés (croissance, formation de
couples).
4.7.3. Chironomes
Le taux de survie des larves de chironomes est
déterminé lors du sacrifice des microcosmes. Les larves sont
extraites du sédiment et placées dans une petite quantité
d'eau surnageante provenant de leur microcosme d'origine. Les individus sont
alors dénombrés et observés (croissance). Les adultes qui
ont émergé sont triés par sexe et dénombrés
tous les jours à partir de J10. Les individus sont ensuite placés
dans des piluliers en polyuréthane et stockés au
congélateur pour dosage ultérieur du pyrène.
4.7.4. Lentilles d'eau
Les organismes survivants sont rapidement essuyés sur
une feuille de papier absorbant, leur poids frais est mesuré, puis ils
sont placés pendant 24 heures dans une étuve à 60°C.
Les mesures de poids frais et sec sont réalisées sur la
totalité des individus d'un microcosme. Le poids moyen est obtenu par
division de la valeur obtenue par le nombre d'individus.
4.7.5. Mesures de poids frais et sec
Le développement des lentilles est suivi lors du
dénombrement des daphnies mères. Les colonies sont
dénombrées, le nombre de frondes qui composent chaque colonie est
également relevé. Une observation de l'aspect
général est ensuite réalisée afin de noter
l'éventuelle apparition de signes de
dégénérescence(frondes jaunies ou chlorotiques).
4.8. Suivi du compartiment
bactérien
4.8.1. Activités exoenzymatiques
Les mesures d'activités enzymatiques
bactériennes retenues dans cette partie de l'étude sont
l'activité leucine-aminopeptidase et l'activité -glucosidase. Les
protocoles de mesures mis en oeuvre sont basés sur l'utilisation de
l'épifluorescence de groupements chromophores greffés à
des substrats enzymatiques (tableau 5). L'hydrolyse de ces
complexes permet la libération du groupement chromophore qui émet
alors un rayonnement fluorescent après excitation des longueurs d'ondes
de fluorescence.
Tableau 5 : Substrats chromophores utilisés
dans les mesures d'activités exoenzymatiques leucine-aminopeptidase et
-glucosidase.
Activité enzymatique
|
Gamme étalon
|
Concentration saturante en substrat
|
Mesure de l'activité enzymatique des
échantillons
|
Lecture des échantillons
|
Leucine-Aminopeptidase
|
7-amino-4-méthyl-coumarine (MCA)
|
L-Leucine-7-amino-4-méthyl-coumarine (Leu-MCA)
|
L-Leucine-7-amino-4-méthyl-coumarine
|
Excitation : 380
Emission :440
|
-D-glucosidase
|
4-Méthylumbelliférone (MUF)
|
4-Méthylumbelliféryl ß-D-glycopyranoside
(MUF-Glp)
|
4-Méthylumbelliféryl ß-D-glycopyranoside
|
Excitation : 365
Emission :460
|
La réalisation des mesures d'activité
enzymatique comprend deux étapes :
- détermination de la concentration saturante en
substrat.
- détermination du niveau d'activité enzymatique
des échantillons en référence à une gamme
étalon de chromophore
Les protocoles expérimentaux mis en oeuvre lors de ces
deux étapes figurent en annexe 3.
Les différentes gammes de substrats sont
réalisées à partir de solutions mères de substrats
dissous dans du Méthylcellosolve. Les dilutions successives sont
réalisées avec de l'eau distillée.
La concentration saturante en substrat est définie
comme la concentration minimale non limitante pour les consortiums
bactériens. Cette valeur est estimée graphiquement : elle
correspond à la plus forte concentration en substrat utilisée,
avant le plateau de saturation de la courbe exprimant le niveau de fluorescence
relative en fonction de la concentration en chromophore. Cette concentration
saturante, évaluée lors de mesures préliminaires sur des
échantillons de sédiment, a été fixée
à 1500 umol/L pour les deux sédiments utilisés. Cette
concentration a été ensuite utilisée dans l'ensemble des
mesures effectuées au cours de cette étude. Lors de la lecture
des échantillons au fluorimètre, la réalisation de tubes
stériles permet de s'affranchir du bruit de fond de fluorescence
lié à la nature du sédiment. Les unités de
fluorescence relatives sont donc calculées par soustraction de ces
stériles :
UFR (réelle) = UFR (échantillon) - UFR
(stérile)
La quantité de substrat hydrolysée par les
échantillons est déterminée grâce à la gamme
étalon. Les tubes Eppendorf sont étuvés 24 heures à
105°C, le poids sec des échantillons de sédiment est
déterminé par soustraction du poids des tubes vides au poids de
l'ensemble tube + sédiment sec. Les résultats sont
exprimés en uM de substrat hydrolysé par heure et par gramme de
sédiment sec.
4.8.2. Densité bactérienne
L'estimation de la densité bactérienne des
sédiments s'effectue en microscopie à épifluorescence
après marquage des bactéries au DAPI (4'-6
diamidino-2-phénylindole dihydrochlorure). Le DAPI est un chromophore
fluorescent qui se fixe aux acides nucléiques après diffusion
passive dans les cellules bactériennes. Le complexe ADN-DAPI est
excité sous UV à 340-380 nm. Le protocole expérimental mis
en oeuvre figure en annexe 3 .
Le nombre total de bactéries est obtenu par
l'équation suivante :
Nombre de bactéries/g de sédiment frais = (Sf x
Ve x N x D x 0,9) / (Sm x Vf)
Avec : Sf = surface utile du filtre = 176,71
mm2
Ve = volume d'extraction = 9 mL
N = nombre de bactéries par champ microscopique
prospecté
D = dilution
Sm = Surface du champ microscopique à x 1000 = 0,0314
mm2
Vf = volume de filtration = 4,5 mL
Selon Trousselier (1985), il faut retenir la dilution
permettant de compter 30 bactéries par champ, et en comptant 300
bactéries la précision finale de la numération est de
10%.
4.8.3. Mise en évidence de souches
dégradant le pyrène
Les souches dégradant le pyrène sont mises en
évidence dans des boîtes de Pétri en verre contenant 30 mL
d'un milieu gélosé sur lequel 0,175 mL d'une solution de
pyrène dans l'acétone à 2 mg/l a
été évaporé. Pour chaque microcosme
sacrifié, 0.1 mL de suspension bactérienne diluée 100 et
1000 fois est déposé dans les boîtes de Pétri
stérilisées. L'opération est effectuée sous hotte
stérile et dans des conditions d'asepsie maximum. Les boîtes sont
ensuite mises en incubation à 30°C et à l'obscurité.
Une observation régulière des boîtes est
réalisée afin de déceler le développement de
colonies et la disparition de l'opacité due à la couche de
pyrène se trouvant déposée sur le milieu
gélosé.
Résultats
Par convention, les traitements mis en place dans le cadre des
bioessais plurispécifiques réalisés seront
désignés dans le texte par le code suivant :
C1 : sédiment Craie non
contaminé ; C2 : sédiment
Craie contaminé à 50 ppm de pyrène ;
T1 : sédiment Tourbe non
contaminé ; T2 : sédiment
Tourbe contaminé à 50 ppm de
pyrène ; MC2 : sédiment Craie
contaminé à 50 ppm de pyrène + 107
cellules de Mycobacterium 6PY1 ; MT2 :
sédiment Craie contaminé à 50 ppm de
pyrène + 107 cellules de Mycobacterium 6PY1
Les résultats obtenus dans le cadre de l'essai sur
microcosmes témoins Craie portaient sur l'influence seule ou
croisée de la quantité de nourriture apporté
quotidiennement (5 ou 10 mg de TetraMin en solution) et d'un renouvellement
partiel et hebdomadaire de la colonne d'eau sur la survie des organismes et la
stabilité des systèmes vis-à-vis de
phénomènes d'enrichissement et d'eutrophisation (Rapport
d'étude intermédiaire, mars 2002). Pour des raisons d'espace, ces
résultats ne seront pas présentés dans ce manuscrit mais
cités de manière ponctuelle à titre de
référence ou de compléments d'information. Les
résultats présentés ici ont été
analysés par un test ANOVA (significativité statistique) et par
un test de Bonferroni/Dunn (interaction entre paramètres
étudiés).
1. Evolution des
paramètres physico-chimiques des microcosmes
1.1. Sédiment
Les nombreuses mesures de teneur en eau et de pertes au feu
réalisées au cours de cette étude ont permis de
caractériser de façon précise les deux sédiments
utilisés. Conformément aux travaux réalisés en
phase I du programme engagé par le L.S.E (Etude du devenir et des effets
du pyrène en écosystèmes aquatiques), les sédiments
se démarquent nettement l'un de l'autre au niveau de ces deux
caractéristiques. Le sédiment Craie se
caractérise par une teneur en eau comprise entre 30 et 40% et une perte
au feu comprise dans une fourchette étroite de 4 à 5%. Le
sédiment Tourbe présente des teneurs en eau et des
niveaux de perte au feu très importants : l'eau représente
80 à 90% du poids frais de ce sédiment. La perte au feu
représente, quant à elle, 70 à 80% de la masse
sèche du sédiment. Que l'on se place dans le cas de l'essai
monospécifique ou dans le cas des deux essais plurispécifiques,
les méthodes de mesures mises en oeuvre n'ont pas mis en évidence
de variations significatives de ces deux caractéristiques entre les
sédiments contaminés et les sédiments non
contaminés. Les mesures de teneur en eau et de pertes au feu
réalisées lors des sacrifices n'ont pas
révélé de variations temporelles de ces
caractéristiques dans le cadre des bioessais plurispécifiques. La
richesse en carbonates du sédiment Craie confère un
caractère basique au pH de ce sédiment (7.8<pH<8.2). La
présence de composés de type humiques dans le sédiment
Tourbe lui confère un pH légèrement
inférieur avec des valeurs comprises globalement entre 7 et 7.5 (6,9
dans les analyses initiales). Le dopage n'entraîne pas de modification
significative du pH des sédiments. Les mesures réalisées
lors des sacrifices montrent que ce paramètre reste stable sur la
durée des bioessais.
1.2. Eaux surnageantes
1.2.1. Teneur en oxygène et taux d'oxygène
dissous
La teneur en oxygène des eaux surnageantes reste proche
de 8 mg/L pour un taux d'oxygène dissous compris entre 95 et 100% dans
l'ensemble des systèmes mis en place lors des deux bioessais.
1.2.2. Conductivité
La conductivité des eaux surnageantes varie entre 245
et 255 uS/cm au-dessus du sédiment Craie ; au-dessus du
sédiment Tourbe, la conductivité est
légèrement supérieure et se situe entre 270 et 290 uS/cm
dans les systèmes des deux bioessais mis en place.
1.2.3. pH
Les valeurs de pH oscillent entre 8.35 et 8.40 au-dessus du
sédiment Craie et entre 8.20 et 8.30 au-dessus du
sédiment Tourbe lors des deux
bioessais.
1.2.4. Teneurs en anions/cations
Durant les bioessais, la teneur en NH4+
est restée très faible dans les eaux surnageantes (cet
élément n'a été détecté qu'à
l'état de traces par les appareils de mesures). Les analyses
réalisées lors de l'essai plurispécifique en
systèmes témoins montrent des teneurs en
NH4+ globalement comprises entre 3 et 4 mg/L dans les
eaux interstitielles et 0.5 et 0.7 mg/L dans les eaux surnageantes. Les
résultats obtenus lors des essais plurispécifiques sur la
toxicité du pyrène sont assez surprenants car les apports en
nourriture (riche en composés azotés) réalisés sur
28 jours, ainsi que la fermentation de la matière organique des
sédiments, laissent penser que cet élément aurait dû
être normalement détectable dans les systèmes. Le suivi des
autres éléments en solution a permis d'observer une teneur en
calcium des eaux surnageantes au-dessus du sédiment Craie
globalement inférieure à celle mesurée au-dessus du
sédiment Tourbe (13 à 17 mg/L au-dessus de la
Craie et 25 à 35 mg/L au-dessus de la Tourbe).
1.2.5. COT
Les résultats (figure 5) montrent une
influence des caractéristiques physico-chimiques des sédiments
utilisés sur la teneur en COT des eaux surnageantes des systèmes.
La teneur en COT des eaux surnageantes au-dessus du sédiment
Tourbe est globalement un peu plus élevée, lors des deux
essais, que celle observée au-dessus du sédiment Craie
pour l'ensemble des dates de mesures (respectivement 1 à 4 mg/l et 3.8
à 5 mg/L au-dessus du sédiment Craie et du
sédiment Tourbe). Ces résultats montrent une
différence significative des teneurs en COT mesurées dans les
eaux surnageantes des traitements T1 et T2 à 28 jours lors de l'essai
plurispécifique n°1. C'est le seul effet du dopage
détecté lors de ces deux essais malgré la faible
variabilité des valeurs obtenues.
Essai 2
Essai 1
Figure 5 : Teneur en COT des eaux surnageantes
filtrées à 0, 10, 21 et 28 jours (moyenne sur 3 microcosmes #177;
écart type). A J0 l'écart type est nul car les mesures sont
réalisées sur un seul microcosme.
Les teneurs en COT mesurées entre J0 et J28 sont plus
importantes dans les eaux surnageantes des systèmes mis en place lors du
premier essai plurispécifique. Le lavage des sédiments
réalisé lors de l'essai n°2 a éliminé
préférentiellement les particules sédimentaires les plus
fines ; celles-ci sont susceptibles d'être remises en suspension
dans les microcosmes et de fournir par dissolution une source potentielle de
composés colloïdaux qui vont participer pour une grande part
à la teneur en COT des eaux surnageantes. Les valeurs obtenues lors de
ces deux essais sont 3 à 4 fois plus faibles que celles obtenues lors
des bioessais monospécifiques de la phase I du programme de recherche
(Godde, 2001). Parmi les nombreuses différences de conditions
expérimentales appliquées aux séries de tests
réalisées lors de ces deux phases de travail, il est probable que
la modification du ratio eau/sédiment entre les essais
monospécifiques (1/4) et plurispécifiques (1/20) soit à
l'origine de cette baisse de la teneur en COT des eaux surnageantes.
1.3. Eaux
interstitielles
1.3.1. Teneurs en
anions/cations
Durant les bioessais, la teneur en NH4+
est restée très faible dans les eaux interstitielles (cet
élément n'a été détecté qu'à
l'état de traces par les appareils de mesures). Pour les raisons
évoquées précédemment dans le cas des eaux
surnageantes, et également parce que le sédiment est constamment
le siège de fermentations, il est relativement surprenant de
détecter une si faible quantité de cet élément dans
l'eau interstitielle des sédiments extraits lors des sacrifices. Les
analyses montrent que les teneurs en S042- des eaux
interstitielles des sédiments sont voisines à j0 de 11 mg/L pour
le sédiment Tourbe et 9 mg/L pour le sédiment
Craie dans les deux essais plurispécifiques
réalisés (figure 6). Cette teneur évolue
peu dans le sédiment Craie et se trouve proche de 15 mg/L
à J28 pour les deux essais. Dans le sédiment Tourbe le
comportement de ce paramètre diffère entre les deux essais
réalisés mais présente des valeurs très
supérieures à celles observées dans le sédiment
Craie (> 50 mg/L à 21 jours dans l'essai n°2). Ce
phénomène a pu être induit par une augmentation des
processus de minéralisation du soufre organique liée au
développement de sulfobactéries impliquées dans le cycle
géochimique du soufre. Le sédiment Tourbe est
naturellement riche en matière organique végétale :
celle-ci comprend une certaine teneur en protéines dont les acides
aminés vont fournir une importante source de soufre organique pour les
bactéries capables de l'utiliser.
Essai 1
Essai 2
Figure 6 : Teneur en SO42- des eaux interstitielles
extraites des sédiments à 0, 10, 21 et 28 jours d'essais.
1.3.2. COT
Dans les deux essais réalisés la teneur en COT
des eaux interstitielles du sédiment Tourbe est logiquement
supérieure à celle des eaux interstitielles du sédiment
Craie pour la majorité des mesures (figure 7).
La teneur en COT du sédiment Tourbe augmente de façon
presque linéaire entre J0 et J28 dans les traitements témoins et
contaminés pour atteindre à 21 et 28 jours des valeurs
très supérieures à celles observées aux mêmes
dates dans l'essai n°1. Les taux de survie des daphnies s'étant
révélés très faibles pour les cladocères
introduits dans les systèmes des traitements T1 et T2, l'augmentation
des teneurs en COT des eaux interstitielles peut être expliquée
par l'accumulation de nourritures en excès dans les systèmes.
Essai 2
Essai 1
Figure 7 : Teneur en COT des eaux interstitielles
extraites des sédiments poolés entre J0 et J28 (1 seule mesure
par traitement).
Dans le sédiment Craie, les résultats
obtenus montrent globalement un pic des teneurs en COT à 10 jours
d'essai. Celui-ci peut être expliqué par la mise en place de
processus fermentatifs dans le sédiment, vraisemblablement
favorisés par les apports en nourriture et la production de
déchets métaboliques par les organismes. Les valeurs plus basses
observées alors à 21 et à 28 jours peuvent correspondre
à une augmentation des processus de minéralisation du carbone
organique liés à la mise en place de communautés
bactériennes adaptées aux conditions expérimentales mises
en place dans les systèmes. L'inoculation de Mycobacterium 6PY1
n'entraîne pas de modification décelable de la teneur en COT des
eaux interstitielles.
2. Développement des
organismes
2.1. Daphnies
2.1.1. Survie et croissance
L'évolution du taux de survie des daphnies
mères entre J0 et J28 pour les bioessais plurispécifiques est
présentée sur la figure 8. Lors de l'essai
plurispécifique n°1 , certaines conditions existant dans les
microcosmes témoins du sédiment Craie se sont
révélées néfastes à la survie des daphnies
mères. Le taux de survie des daphnies introduites dans les
systèmes du traitement C1 est relativement bas entre 10 et 21 jours
d'essais ; il décline ensuite rapidement après 21 jours
d'essai pour atteindre la valeur de 33% à 28 jours d'essai. Une
mortalité importante des daphnies est observée entre J0 et J10
dans les microcosmes du traitement C2. Cette mortalité a
été relevée dans l'ensemble des microcosmes de ce
traitement, aussi, afin de pouvoir poursuivre l'étude du pyrène
sur le développement des daphnies, une nouvelle introduction a
été réalisée à J13. Le nombre total de
daphnies des microcosmes a été réajusté à 10
à partir de jeunes individus âgés de moins de 48 heures.
Malgré cet apport supplémentaire d'organismes, le taux de survie
à 28 jours n'atteint que 27%. Les écarts-types importants
observés témoignent d'un comportement très
hétérogène des systèmes au sein des traitements mis
en place et ne permettent pas de mettre en évidence d'effet significatif
des traitements appliqués sur la survie des daphnies. Dans l'essai
plurispécifique n°2 la variabilité des valeurs
observées est moins importante et le taux de survie des daphnies dans
les lots témoins atteint 70% sur 28 jours pour les traitements C1 et T1.
Si les taux de survie observés pour les traitements C2, MC2 et MT2 sont
également importants (compris globalement entre 66% et 83%), la survie
des organismes est très affectée dans les systèmes du
traitement T2, et ce, de manière précoce. La mortalité
importante des daphnies entre 0 et 28 jours conduit à observer un taux
de survie très bas en fin d'essai (7%) pour ce traitement. Des
observations réalisées lors des numérations et des
sacrifices ont permis de déceler la présence de masses
blanchâtres au niveau de la poche à oeufs des cladocères
à partir de 10 jours d'essai au niveau des microcosmes de ce traitement.
La cause de cette mortalité importante est donc peut-être
lié, en partie, à un phénomène de parasitisme. Lors des numérations effectuées entre 0
et 28 jours, l'utilisation d'une ampoule à incandescence placée
au-dessus des systèmes à permis d'évaluer la
réactivité des organismes à un stimulus lumineux. Dans les
microcosmes témoins ainsi que les systèmes des traitements MC2 et
MT2 de l'essai n°2, 70 à 90% des organismes réagissent
à ce stimulus et gagnent rapidement (moins d'une minute) le tiers
supérieur de la colonne d'eau. Dans les systèmes
contaminés, le nombre d'organismes qui réagissent à ce
stimuli est moins important (30 à 50%). Dans l'essai
plurispécifique n°1, la croissance des organismes est
significativement supérieure à 28 jours dans les systèmes
du traitement C2 (figure 9). A la vue des faibles taux de survie
observés pour les daphnies de ce traitement à 10 et à 28
jours d'essai il est probable que ce résultat soit dû à un
accès facilité des organismes survivants à la nourriture
introduite dans les systèmes. Aucun effet de la contamination n'a
été détecté sur la croissance des organismes dans
le cadre de l'effet plurispécifique n°2.
Essai 2
Essai 1
Figure 9 : Poids sec des daphnies à 10, 21 et
28 jours (moyenne sur 3 réplicats #177; écart type ; * effet
significatif, p<0,05).
2.1.2. Reproduction
Peu de différences sont observées dans
l'évolution du nombre de daphnies produites pour les 4 traitements de
l'essai plurispécifique n°1 (figure 10). Dans
l'essai plurispécifique n°2, le niveau de reproduction des daphnies
du traitement MC2 est significativement supérieur à celui des
daphnies du traitement C2 entre 16 et 28 jours. Le niveau de reproduction des
daphnies du traitement C1 est significativement supérieur à celui
des daphnies C2 entre 8 et 15 jours d'essai. Dans le sédiment Tourbe, la
reproduction des daphnies est favorisée ponctuellement à 11 et
à 12 jours d'essai dans les microcosmes témoins du traitement T1.
L'inoculation de Mycobacterium 6PY1 dans le sédiment
Tourbe contaminé n'a pas d'effet sur le niveau de reproduction
des daphnies.
2.2. Amphipodes
La survie des amphipodes dans les microcosmes témoins
est globalement élevée pour les deux essais
plurispécifiques (figure 11). Il faut néanmoins
préciser que le taux de survie des amphipodes est supérieur
à 80% lors des trois sacrifices réalisés sur les
microcosmes témoins du bioessai n°2. Dans l'essai
plurispécifique n°1, la survie des témoins est restée
comprise entre 72 et 77% avec une variabilité plus importante. Dans
l'essai plurispécifique n°2, le taux de survie des amphipodes est
significativement affecté sur 10, 21 et 28 jours par le dopage du
sédiment Craie à 50 ppm de pyrène, alors que la
croissance est affectée à 10 et à 21 jours (figure
12). Dans le cas de l'essai plurispécifique n°1 un effet
similaire sur la survie des amphipodes est observé sur 10 et 21 jours
pour le même type de traitement mais la croissance des organismes n'est
significativement affectée dans les systèmes du traitement C2 que
sur 21 jours. Dans l'essai plurispécifique n°1, le sacrifice
réalisé à 10 jours a mis en évidence un poids sec
élevé des amphipodes récupérés dans le
sédiment des microcosmes du traitement C2. Dans la mesure où la
survie à J10 est très faible en C2, il est possible que les
amphipodes survivants aient bénéficié d'un accès
facilité à la nourriture apportée et d'une quantité
de nourriture par individu significativement plus élevée que dans
les autres traitements, ce qui pourrait expliquer une prise de poids plus
élevée. L'inoculation de Mycobacterium 6PY1 dans les
systèmes du lot MC2 favorise la survie des amphipodes sur 28 jours en
présence de pyrène mais n'améliore pas leur croissance. Le
poids sec moyen des organismes est d'ailleurs inférieur à celui
observé dans les microcosmes du traitement C2. Aucun effet n'est
décelé sur la survie et la croissance des organismes dans le
sédiment Tourbe pour les traitements mis en place dans le cadre
des deux essais (T1, T2 et MT2). Les sacrifices réalisés à
21 et 28 jours ont permis d'observer la présence de couples en amplexus
(comportement préliminaire à l'activité de reproduction)
dans les systèmes des traitements témoins des deux essais
réalisés et dans les systèmes des traitements MC2 et MT2
pour l'essai plurispécifique n°2. Ce comportement n'a pas
été observé dans les systèmes des traitements C2 et
T2. Les observation réalisées durant les bioessais ont permis de
remarquer la présence constante d'un nombre variable d'amphipodes au
niveau des deux tiers supérieurs de la colonne d'eau dans les
systèmes des traitement C2 et T2, fait non constaté dans les
systèmes témoins et les systèmes inoculés.
2.3. Chironomes
2.3.1. Survie
Dans l'essai plurispécifique n°1, la survie des
chironomes est affectée à 21 et à 28 jours par le dopage
du sédiment Craie (figure 13). Aucune
différence n'est observée entre les taux de survie relevés
au niveau des différents traitements mis en place dans l'essai
plurispécifique n°2.
Essai 1
Essai 2
Figure 13 : Taux de survie des chironomes à
10, 21 et 28 jours (moyenne sur 3 réplicats #177; écart
type ; * effet significatif, p<0,05)
Des mesures de poids sec
réalisés sur des échantillons de populations des individus
émergents extraits des systèmes (résultats non
présentés ici) non pas mis en évidence de
différences significatives entre les traitements appliqués lors
des deux essais. De manière globale, les niveaux de survie
observés dans les systèmes des traitements témoins et
contaminés de l'essai plurispécifique n°2 se sont
révélés supérieurs à ceux de l'essai
plurispécifique n°1. Les mesures de poids sec (résultats non
présentés ici) relevées sur les larves à 10 jours
d'essai ainsi que sur des échantillons d'adultes émergents
(environ 50 individus) n'ont pas montré d'effet des traitements
appliqués sur la croissance des organismes.
2.3.2. Emergence
L'évolution des taux d'émergence cumulés
des chironomes entre 10 et 28 jours est présentée sur la
figure 14.
Le traitement témoin C1 de l'essai
plurispécifique n°1 se démarque nettement des autres
traitements du même essai avec un taux d'émergence cumulé
atteignant 69% sur 28 jours. L'émergence des chironomes est
significativement affecté par la présence de pyrène dans
le sédiment Craie entre 20 et 28 jours. Le taux
d'émergence cumulé atteignant 40.5% en fin d'essai dans les
systèmes du traitement C2 Lors de cet essai, les taux d'émergence
cumulés observés à la même date dans le
sédiment Tourbe sont relativement proches et atteignent, en comparaison,
des valeurs beaucoup plus faibles (respectivement 41% et 37% pour les
traitements, T1 et T2). Le faible taux d'émergence des chironomes dans
les systèmes de ces traitements est probablement en relation avec les
faibles de taux de survie des organismes observé à 28 jours. Dans
l'essai plurispécifique n°2, les taux d'émergence
cumulés des traitements témoins et contaminés sont
supérieurs à ceux observés dans l'essai
plurispécifique n°1 (respectivement 84, 81, 53 et 69% pour les
traitements C1, C2, T1 et T2).. L'étude des émergences permet de
constater néanmoins que le temps nécessaire pour obtenir 50% des
émergences dans le sédiment Craie (de 16 à 17
jours) est légèrement inférieur à celui
nécessaire dans le sédiment Tourbe (20 à 22
jours).(traitements témoins et contaminés confondus).
2.4. Lentilles d'eau
Les mesures de poids sec effectuées sur les lentilles
d'eau à la suite des sacrifices ne permettent pas de déceler
d'effet significatif des traitements appliqués sur la croissance de ces
plantes. Il en est de même pour le suivi du nombre de frondes
cumulé par traitement.
2.5. Teneur en
chlorophylle
Les mesures de teneurs en chlorophylle A
réalisées lors des dates de sacrifices des deux essais
plurispécifiques ont montré une grande variabilité et
n'ont pas permis de déceler un effet des traitements appliqués
sur le développement des chlorophycées introduites à J0.
D'une manière générale, les chlorophycées
introduites en début d'essai ont présenté une grande
difficulté à se développer dans les systèmes. Les
teneurs en chlorophylle relevées dans les eaux surnageantes entre 0 et
28 jours d'essais étaient globalement toutes comprises entre 1 et 10
ug/L. Les teneurs en PO43- des eaux surnageantes n'ont pas montré de
valeurs suffisamment basses pour expliquer un effet limitant de ce
paramètre. Les teneurs en NH4+ étant restées très
faibles dans les eaux surnageantes des systèmes, il est permis de penser
qu'un déficit en azote soit à l'origine de ce faible
développement des algues. Il est également possible que le
broutage des daphnies ait limité le développement algal.
2.6. Compartiment bactérien
2.6.1. Activités
exoenzymatiques
2.6.1.1. Bioessai
monospécifique
De façon globale, les niveaux d'activité
leucine-aminopeptidase se sont révélés 4 fois plus
importants que les niveaux d'activité
ß-D-Glucosidase mesurés autour des mêmes dates (2
jours d'intervalles maximums). Pour les deux marqueurs enzymatiques mis en
oeuvre et pour chacune des dates de mesures, le dopage du sédiment
n'entraîne aucune variation significative des niveaux d'activités
(figure 15).
Essai 1
Essai 2
Figure 15 : Niveaux d'activité enzymatique
Leucine-aminopeptidase et ß-D-Glucosidase mesurés dans le
sédiment Craie dopé à 0, 1, 10, 50, 100 et 200
ppm de pyrène par kilogramme de sédiment frais (moyenne sur 3
échantilllons de sédiment extrait d'un microcosme par traitement
#177; écart type).
Les niveaux d'activité leucine-aminopeptidase
mesurés à 7 jours pour chacun des traitements mis en oeuvre sont
très inférieurs aux niveaux d'activités enzymatiques
mesurés globalement au cours de cet essai. Ce résultat est
certainement dû à un problème intervenu dans le protocole
expérimental. La qualité de la solution de fluorogène
utilisée lors de ces mesures peut être proposée comme cause
possible des faibles valeurs observées, le paramètrage du
spectrofluorimètre n'ayant pas subi de modifications entre les
différentes mesures. Il se peut également que la concentration
saturante en substrat choisie pour la réalisation de ces mesures se soit
révélée en réalité limitante, dans les
conditions expérimentales mises en place, pour les communautés
bactériennes présentes dans les sédiments extraits lors de
ce sacrifice.
2.6.1.2. Bioessais
plurispécifiques
Les mesures d'activités enzymatiques
réalisées dans cette partie de l'étude concernent
uniquement l'activité leucine-aminopeptidase (la justification de ce
choix est présentée dans la discussion des résultats). Ces
résultats sont présentés figure 16. Les
niveaux d'activité leucine-aminopeptidase mesurés lors des trois
dates de sacrifices de l'essai n°1 sont compris dans une fourchette de
valeurs identiques à celles de l'essai monospécifique (entre 8 et
12 umol/h/gramme de sédiment sec).
Essai 2
Essai 1
Figure 16 : Niveaux d'activité enzymatique
Leucine-aminopeptidase mesurés à 10, 21 et 28 jours (moyenne sur
3 réplicats #177; écart type)
Dans l'essai plurispécifique n°2, les valeurs
d'activité enzymatiques obtenues à 10, 21 et 28 jours sont
très inférieures à celles de l'essai
plurispécifique n°1 obtenues pour les mêmes dates. Le lavage
des deux sédiments utilisés, qui a été
effectué en préliminaire à la mise en place de cet essai,
est probablement à l'origine de ces résultats. Le lessivage des
particules sédimentaires a pu entraîner une partie des substrats
azotés consommés par les bactéries, réduisant leur
disponibilité dans les sédiments. Par conséquent, le
niveau de production et de libération d'exoenzymes
leucine-aminopeptidase par les bactéries s'est automatiquement
abaissé (DEA Cortes, 1999). Les traitements appliqués lors des 2
essais n'ont pas induit de différences significatives des niveaux
d'activité enzymatiques.
2-6-2. Densité
bactérienne
2.6.2.1. Bioessai
monospécifique
Figure 17 : Densités bactériennes
du sédiment Craie dopé à 0, 1, 10, 50, 100, 200
ppm de pyrène (moyenne sur 3 échantillons de sédiment
#177; écart type
L'estimation des densités bactériennes
des sédiments utilisés dans le cadre de l'essai
monospécifique sont présentées figure 17. Les faibles
valeurs observées à 1 et à 7 jours d'essai correspondent
peut-être à la mise en place de consortiums bactériens
adaptés à l'environnement créé dans les
microcosmes, en soulignant le fait qu'aucun apport en nourriture n'a
été effectué dans ces systèmes. Une
réduction significative de la densité bactérienne est
observée à 21 jours d'essai dans les sédiments
dopés à 10 ppm, 100 ppm et 200 ppm de pyrène.
2.6.2.2. Bioessais
plurispécifiques
Essai 2
Essai 1
Figure 18 : Densités bactériennes
à 10, 21, et 28 jours au cours des essais plurispécifiques
(moyenne sur 3 réplicats #177; écart type ; * effet
significatif, p<0,05)
Les densité bactériennes mesurées dans
ces essais sont très supérieures à celles mesurées
dans le cadre de l'essai monospécifique (y compris à 10 jours
d'essai). Les apports en nourriture et la présence d'organismes ont
probablement entraîné des conditions plus favorables au
développement des communautés bactériennes dans ces
systèmes, notamment en ce qui concerne la disponibilité en
substrats dégradables.
Dans l'essai plurispécifique n°1 le dopage du
sédiment à 50 ppm de pyrène induit une diminution
significative de la densité bactérienne à 21 jours au
niveau des deux sédiments utilisés (figure 18).
Ce type d'effet est également observé à 10 jours au niveau
du sédiment Tourbe et à 28 jours au niveau du
sédiment Craie dans l'essai plurispécifique n°2.
L'inoculation de Mycobacterium 6PY1 dans le sédiment
Craie de l'essai plurispécifique n°2 n'induit pas de
modification de la densité bactérienne à 28 jours. Une
forte stimulation de ce paramètre est par contre observée
à la même date dans le sédiment Tourbe, avec une
augmentation significative de la densité bactérienne en MT2.
Cette dernière atteint un niveau supérieur à ceux
observés dans le même type de sédiment pour l'ensemble des
estimations réalisées au cours de cet essai. La densité
bactérienne des sédiments Craie témoins et
contaminés reste sensiblement identique entre les deux essais
réalisés, celle des sédiment Tourbe est
légèrement inférieure dans l'essai n°2. Cette
réduction de la densité bactérienne peut être
liée au lessivage des sédiments, qui a potentiellement
éliminé un nombre important de particules ainsi que les films
bactériens se trouvant à leur surface. Lors des trois bioessais
mis en place dans cette étude, il n'a pas été possible
d'obtenir une corrélation entre les mesures d'activités
enzymatiques et les mesures de densité bactérienne
réalisées lors des sacrifices.
2-6-3. Suivi de souches
bactériennes dégradant le pyrène
Les étalements sur milieu gélosé
réalisés à 10, 21 et 28 jours lors de l'essai
plurispécifique n°1 n'ont pas mis en évidence la
présence de consortium bactériens dégradant le
pyrène, autochtones aux sédiments utilisés dans le cadre
de cette étude. Lors de l'essai plurispécifique n°2, les
étalements réalisés à J28 à partir de
suspension bactérienne extraite des sédiments ont permis de
mettre en évidence la présence de souches dégradant le
pyrène dans les microcosmes inoculés. Bien qu'aucune analyse
taxonomique n'ait été réalisée sur les colonies
observées, il est fort probable, au vu des résultats obtenus dans
les mêmes conditions lors de l'essai plurispécifique n°1,
qu'il s'agisse de la souche Mycobacterium 6PY1 inoculée
à J0. Ces résultats qualitatifs ne sont pas
présentés ici, mais les observations réalisées sur
les milieux ensemencés au bout de 3 semaines d'incubation montrent une
forte présence de ces souches dans le sédiment Tourbe
à 28 jours d'essai (nombre de colonies compris entre 10 et 15 pour les
milieux ensemencés à partir de suspensions bactériennes
extraites de ce sédiment). Dans le sédiment Craie, ces
souches présentent plus de difficultés à se
développer (nombre de colonies compris entre 0 et 5).
3- Bioaccumulation du pyrène par les
organismes
Les résultats relatifs à la bioaccumulation du
pyrène concernent uniquement ceux obtenus dans le cadre de l'essai
monospécifique avec exposition contrôlée des organismes,
certains dosages ainsi que l'exploitation des résultats relatifs aux
essais plurispécifiques étant en cours.
3.1. Teneurs en pyrène des eaux
surnageantes
Les mesures de teneurs en pyrène relatives aux
compartiments abiotiques des systèmes mis en place dans cet essai
concernent uniquement l'eau surnageantes des systèmes sacrifiés
en début d'essai (J0) soit 4 jours après leur mise en eau.
Figure 19 : Teneurs mesurées en
pyrène des eaux surnageantes pour différentes teneurs nominales
du sédiment (données à J0)
Les teneurs induites par le dopage à 1 et 10 ppm sont
également proches et comprises entre 25 et 30 ug/L. Les teneurs
observées à J0 pour un dopage nominal à 50, 100 et 200 ppm
sont proches et comprises entre 60 et 70 ug/L.(figure 19) A
partir de 50 ppm, la teneur en pyrène des eaux surnageantes atteint un
plateau de saturation. Ces teneurs sont très supérieures à
celles mesurées dans le cadre des essais monospécifiques de la
phase I, globalement comprises entre 0,1 et 0,7 ug/L pour des sédiments
dopés à 20, 100 et 200 ppm de pyrène.
3.2. Survie des organismes durant les expositions
contrôlées
De J-4 à J-3 et de J-3 à J0, l'exposition de 24
à 72 h de jeunes daphnies aux sédiments contaminés n'a pas
entraîné de mortalité significative (survie toujours 80%).
Il en est de même pour les daphnies exposées 24 h de J2 à
J3. En revanche, à J0, si sur 24 h on ne note pas d'effet significatif
sur la survie, l'exposition des daphnies pendant 48 h au-dessus des
sédiments ou dans les eaux surnageantes récupérées
à J0 et filtrées à 0.8 um entraîne des
mortalités marquées et croissantes avec la concentration
(figure 20). Ainsi, sur 48 h on obtient une mortalité
de 50% à 100 ppm pour le sédiment. Les daphnies exposées
aux eaux surnageantes seules sont également affectées puisque les
mortalités varient entre 20 et 60%. Si l'on confronte ces
résultats de mortalité aux teneurs mesurées dans ces
mêmes eaux on montre que 50% de mortalité est obtenu autour de 70
ug/L. Il est intéressant de noter que cette valeur est identique
à la CE50-48 h à 1500 lux de 74 ug/L trouvée dans la
première partie du programme (Godde, 2001). L'absence d'effets sur 24 h
est logique puisque la CE50-24 h du pyrène est de 105 ug/L sous un
éclairage de 2500 lux (Godde, 2001).
3.3. Mesures de bioaccumulation
Le pyrène accumulé par D. magna est
décelable à partir de 10 mg/kg de sédiment, plus rarement
à 1 mg/kg. La figure 21 synthétise les
résultats de bioaccumulation par les daphnies exposées dans les
systèmes, donc exposées au pyrène du sédiment, au
pyrène dissous dans la phase d'eau surnageante, et au pyrène
particulaire de cette même phase. Dans l'ensemble on observe les plus
fortes doses bioaccumulées aux plus fortes teneurs en pyrène du
sédiment, mais les résultats sont rarement significativement
différents entre 50, 100 et 200 mg/kg, alors que les doses
bioaccumulées sont significativement inférieures pour 10 mg/kg.
Sur 2 semaines la capacité de bioaccumulation évolue assez peu,
on note des valeurs inférieures pour J2, qui pourraient être dues
à la taille particulièrement petite des daphnies utilisées
ce jour-là. Il n'est pas impossible que cette
capacité diminue pour 10 mg/kg, alors qu'elle se maintient globalement
aux concentrations les plus fortes, ce qui pourrait traduire, pour ces
traitements, un équilibre atteint pour le pyrène dans le
système, tout au moins entre l'eau surnageante et le sédiment.
Lorsque les daphnies sont exposées aux seules eaux surnageantes
après récupération de celles-ci, la bioaccumulation est
moindre par rapport à celles exposées aux sédiments
(figure 21), mais il convient de remarquer que ces eaux
surnageantes ont été filtrées. Un essai comparatif entre
eaux filtrées et eaux non filtrées réalisé sur 24
heures entre J17 et J18 indique une moindre accumulation dans les eaux
filtrées (figure 22). L'absence de différences
significatives de bioaccumulation entre 50, 100 et 200 mg/kg pourrait bien
être liée au fait que les teneurs en pyrène de l'eau
surnageante présentent rapidement un palier à partir de 50 mg/kg,
comme le montrent les mesures réalisées à J0
(figure 19). L'écart systématique entre les
valeurs de bioaccumulation obtenues à 10 ppm et celles obtenues à
50, 100 et 200 ppm, souvent groupées, semble corroboré par ces
résultats d'analyse, et semble confirmer que l'exposition des daphnies
se fait en majeure partie via l'eau surnageante. Dans ces conditions
il est logique de calculer un facteur de bioconcentration à partir des
doses mesurées dans les daphnies et des valeurs obtenues sur les eaux
surnageantes (figure 23). Si l'on met de côté les
résultats à 1 ppm, teneur à laquelle le protocole de
dosage du pyrène chez de jeunes D. magna ne semble pas
adapté, on obtient un log BCF moyen de 4.29 #177; 0.093 sur la base des
poids secs ou encore un log BCF moyen de 3.29 #177; 0.093 sur la base des poids
frais ce qui correspond à un BCF (poids frais) moyen de 1986 #177; 445
L/g
Discussion
1. Stabilité physico-chimique et biologique des
systèmes
Les différents traitements de type témoins (en
ne considérant que l'absence de pyrène) mis en place au cours des
bioessais réalisés dans ce travail de recherche mettent en
évidence une conservation des grandes caractéristiques
distinctives (teneur en eau, teneur en matière organique,
granulométrie, pH) des sédiments utilisés. Ces
résultats sont néanmoins différents de ceux obtenus lors
de la caractérisation initiale des sédiments (annexe
1). Les analyses physico-chimiques plus fines qui ont
été réalisées parallèlement montrent un
comportement, parfois hétérogène dans le temps, de
certains caractères des sédiments. Les teneurs en COT
relevées dans les eaux interstitielles entre 0 et 28 jours d'essai
montrent une stabilité relativement bonne de ce paramètre dans le
sédiment Craie. Sa faible teneur en matière organique et
son caractère anoxique réduisent certainement les processus de
fermentation susceptibles de modifier le comportement du COT dans ce
sédiment. Dans le sédiment Tourbe, les teneurs en COT
des eaux interstitielles se sont montrées plus variables dans la
durée des bioessais et entre les essais réalisés. Un
certain nombre d'incertitudes subsistent quant à la stabilité
dans le temps et dans le cadre de leur mode de conservation (4°C,
obscurité) de matrices aussi chargées que les eaux
interstitielles extraites du sédiment Tourbe, celle-ci n'ayant
pas été suivi. La nécessité de pooler les
sédiments de différents microcosmes pour récupérer
suffisamment d'eau interstitielle n'a pas permis d'apprécier la
variabilité de ce paramètre entre différents
réplicats d'un même traitement. Les résultats obtenus ne
permettent donc pas de juger de la significativité des
différences observées entre les teneurs en COT des eaux
interstitielles provenant des sédiment contaminés et non
contaminés. Néanmoins, les teneurs observées dans le
sédiment Tourbe sont restées constamment
supérieures à celles observées dans le sédiment
Craie. Dans le cas des eaux surnageantes, l'influence du type de
sédiment utilisé sur la teneur en COT de la colonne d'eau a
été décelé dans 75% des analyses.
Les problèmes de fermentation et de fortes teneurs en
NH4+ rencontrés dans les eaux surnageantes et les
eaux interstitielles de ces systèmes, à l'occasion d'essais
préliminaires (travaux de thèse de Gaëlle Triffault sur
l'impact environnemental des mâchefers d'incinération d'ordures
ménagères) basés sur un ratio eau/sédiment de 1/6,
avaient motivé la mise en place d'un essai préliminaire en
microcosmes témoin afin d'évaluer l'impact de la quantité
de nourriture apporté, du renouvellement de la colonne d'eau et d'une
diminution du ration eau/sédiment sur la stabilité des
systèmes dans le temps. L'adoption d'un ratio eau/sédiment de
1/20 a ainsi permis de s'affranchir de ces problèmes d'enrichissement
des phases aqueuses qui peuvent perturber la survie et/ou le
développement des organismes. Bien que les analyses permettent d'obtenir
des informations sur la variabilité des teneurs en
éléments suivis pour chaque réplicat, il faut
également rester prudent quant à l'interprétation des
résultats obtenus ici. En effet, les apports en nourriture (riche en
composés azotés) réalisés sur 28 jours ainsi que la
fermentation même modérée de la matière organique
des sédiments laissent penser que cet élément aurait
dû être normalement détectable dans les systèmes. Les
observations et les mesures de teneurs en chlorophylle réalisées
lors des sacrifices n'ont cependant pas mis en évidence de
développement algal signifiant la mise en place d'un état
eutrophe dans les systèmes, ce qui peut corroborer les faibles teneurs
en NH4 observées. Il a même été constaté un
mauvais développement des algues introduites dans certains
systèmes (sédiments Craie et Tourbe
confondus). Les faibles niveaux d'activité enzymatique
leucine-aminopeptidase relevés dans les sédiments pourraient
être liés à une faible teneur des sédiments en
composés azotés, sources potentielles de NH4+
(DEA Cortes, 1999). De manière générale, il semble
que le ratio eau/sédiment de 1/20 adopté dans cette étude
soit relativement bénéfique à la stabilité des
systèmes dans le temps. Le suivi relatif à la température,
au pH, et à la teneur en oxygène des eaux surnageantes n'ont
jamais mis en évidence de conditions défavorables à la
survie des organismes dans les systèmes mis en place. Il en est de
même pour le suivi des éléments en solutions
réalisées sur les eaux surnageantes et les eaux interstitielles
des sédiments
Les microcosmes utilisés dans cette étude,
proposés en tant qu'outils d'évaluation écotoxicologique
par Clément et Cadier (1998), sont basés sur l'utilisation
concomitante de trois invertébrés aquatiques (C. riparius, H.
azteca, D. magna,) désignés pour la sensibilité et la
fiabilité des réponses qu'ils fournissent vis-à-vis de la
présence de contaminants dans des sédiments aquatiques (Ingersoll
et al., 1995) ainsi que deux organismes végétaux ;
un macrophyte (L. minor) et une algue unicellulaire (C.
vulgaris). La survie des invertébrés est satisfaisante
à 10 jours d'essais avec des taux de survie supérieurs à
la valeur acceptable de 80% pour l'ensemble des organismes et pour les deux
sédiments utilisés (tableau 6 ).
Tableau 6 : Taux de survie des
invertébrés aquatiques introduits dans les microcosmes
témoins
|
Taux de survie (%) moyen dans les systèmes
témoins Craie
|
10 jours
|
21 jours
|
28 jours
|
D. magna
|
80
|
88
|
41
|
H. azteca
|
82
|
82
|
82
|
C. riparius
|
74
|
74
|
57
|
|
Taux de survie (%) moyen dans les systèmes
témoins Tourbe
|
10 jours
|
21 jours
|
28 jours
|
D. magna
|
85
|
77
|
64
|
H. azteca
|
82
|
77
|
81
|
C. riparius
|
88
|
71
|
52
|
Ce même critère suivi à 21 et 28 jours
d'essai montre une stabilité variable des populations d'organismes
introduits dans les systèmes témoins. Le développement des
chironomes est globalement favorisé dans le sédiment Craie
et ce phénomène pourrait être lié aux
différences de disponibilité de la matière carbonée
présente dans les sédiments utilisés. L'introduction de
cellulose comme source principale de matière carbonée dans des
sédiments artificiels peut parfois entraîner un
développement de C. riparius et de H. azteca
inférieur à celui observé comparativement sur des
sédiments naturels de qualité diverses car ces composés
sont probablement difficilement métabolisables par les organismes
(Ankley et al., 1994 ; Kemble et al., 1999). Le
sédiment Tourbe utilisé dans cette étude
possède une phase organique composé en majorité de
matière organique végétale incomplètement
dégradée, ce qui suppose qu'elle soit très riche en
composés cellulosiques. Une étude menée sur l'influence de
différents sédiments (dont le sédiment Tourbe
utilisé dans cette étude) sur la croissance de C.
riparius a montré que dans des conditions où la
quantité de nourriture apporté n'est pas limitante (soit 1.4 mg
de TetraMin/larve) la croissance des organismes est légèrement
influencée par le type de sédiment dans lequel ils
évoluent mais le comportement des émergences ne subit aucune
modification. Dans des conditions d'apport en nourriture limitantes, comme
c'est le cas dans les essais plurispécifique réalisés (5
mg de TetraMinpour l'ensemble des organismes introduits, soit au mieux 0.14
mg/individu si l'on ne compte que les chironomes et les amphipodes), le
sédiment Tourbe s'est révélé
défavorable à la croissance des larves et à
l'émergence des chironomes adultes (travaux d'Alexandre Péry au
Cemagref de Lyon). Les explications fournies mettent en cause la qualité
de la matière organique du sédiment ainsi que la
granulométrie du sédiment qui peut constituer un obstacle
à la réalisation du tube dans lequel l'organisme commence
à s'alimenter et entame son développement. Ces résultats
peuvent en partie expliquer les différences de développement des
chironomes dans les deux sédiments utilisés.
La survie des daphnies dans les systèmes témoins
s'est révélée très hétérogène
entre les essais réalisés. Lors de l'essai plurispécifique
n°1, le taux de mortalité important des daphnies dans les
systèmes témoins du sédiment Craie nous a conduit
à effectuer, pour le second essai, un lessivage des sédiments qui
a affecté de manière favorable la survie de l'ensemble des
invertébrés au niveau de ce sédiment. Dans le
sédiment Tourbe des traitements témoins, la survie des
daphnies en fin d'essai est proche de 60% dans les deux essais
réalisés. Le tamisage des sédiments après
extraction a permis d'éliminer la plupart des organismes macroscopiques
autochtones présents dans les prélèvements. Malgré
cette précaution, nous avons observer en cours d'essai l'apparition d'un
certain nombre d'organismes animaux (larves d'éphémères,
copépodes, ostracodes, bryozoaires) certainement déjà
présents à l'état larvaire dans le sédiment
d'origine ainsi que le développement de pathologie parasitaire (non
identifiée) chez un nombre important de daphnies introduites dans des
systèmes contenant un sédiment de type Tourbe. La
présence d'organismes indigènes dans les sédiments
utilisés pour la conduite des essais en microcosme peut, suivant les
espèces et les densités observées, entraîner un
biais dans les résultats de critère toxicité chroniques
(Reynoldson et al., 1994), notamment par consommation d'une partie de
la nourriture destinée aux organismes entrant dans la réalisation
des tests. Vu les résultats de poids sec obtenus, notamment dans le
sédiment Craie où ce phénomène n'a pas
été observé, il est difficile d'affirmer si oui ou non il
a influencé les résultats fournis par les systèmes
témoins basés sur un sédiment de type Tourbe.
Mais il ne faut pas oublier que la quantité de nourriture
apportée dans les systèmes est restée limitante et que
tout prélèvement autre que ceux réalisés par les
organismes introduits est à même d'accentuer ce déficit.
Ceci serait particulièrement vrai dans le sédiment
Tourbe ou la matière organique présente ne semble pas
être facilement utilisable par les organismes. La dureté des eaux
surnageantes mesurées au-dessus du sédiment Tourbe
(méthode HACH ) a toujours été supérieure au seuil
de 200 mg CaCO3/L, valeur en-dessous de laquelle ce facteur devient
limitant pour les cladocères. La survie des daphnies au-dessus du
sédiment Tourbe peut donc être expliquée par un
ensemble de conditions internes aux systèmes et qui se sont
montrées défavorables pour leur développement. La
présence dans ce sédiment de germes potentiellement
pathogènes pour les organismes, ne doit pas être
écartée des facteurs qui ont pu influencer la survie des
daphnies.
La survie des amphipodes n'est pas affectée par la
qualité de la phase sédimentaire et se montre dans de nombreux
cas, homogène entre les systèmes témoins des deux
sédiments avec des valeurs dépassant très souvent (83% des
mesures) la valeur de 80% de taux de survie en fin d'essai. Les amphipodes sont
sensibles à l'ammoniaque total, indépendamment des valeurs de pH
rencontrées, avec des CL50-96 h de l'ordre de 20 mg/L (Borgmann,
1994 ; Ankley et al., 1996b). Dans nos essais, la survie des
organismes dans les systèmes témoins s'est montrée
élevée, ce qui peut appuyer les résultats d'analyses qui
ont montré de faibles teneurs en NH4+ dans les
eaux surnageantes et les eaux interstitielles des systèmes.
Des essais préliminaires réalisés sur des
systèmes identiques à ceux mis en place dans cette étude
avaient mis en évidence des problèmes de développements
des lentilles d'eau au-dessus du sédiment Craie. Les
hypothèses formulées à la suite des ces essais
suspectaient une chélation importante du phosphore par les sels
calcaires du sédiment. Dans les essais réalisés, nous
avons pu observer que le développement des lentilles d'eau est là
encore favorisé au-dessus du sédiment Tourbe, avec une
apparition des symptômes (frondes dégénérescentes ou
chlorosées) plus importante au-dessus du sédiment Craie.
Les analyses réalisées sur les eaux surnageantes des
systèmes n'ont pas montré de différences marquées
des teneurs en ion PO43- au-dessus des deux
sédiments. Le développement des lentilles a pu être
favorisé par les conditions physico-chimiques générales
rencontrées au-dessus du sédiment Tourbe.
2. Partition et effets du pyrène dans les
microcosmes aquatiques
Malgré les différences de comportement des
organismes au niveau des systèmes témoins, la contamination des
sédiments par le pyrène à la teneur choisie dans le cadre
des ces essais (50 ppm) a permis de mettre en évidence un certain nombre
de modifications dans le comportement général des systèmes
contaminés. Le niveau de contamination des sédiments a
été choisi en concertation avec les différents
partenaires engagés aux cotés du L.S.E dans ce programme de
recherche (concentration adaptée au suivi de la minéralisation du
pyrène en microcosmes., travaux développés par Yves
Jouanneau, laboratoire BBSI du CEA à Grenoble) et en fonction d'un
certain nombre de données acquises en préliminaire aux essais
plurispécifiques et lors des essais monospécifiques (Godde,
2001). Les essais monospécifiques réalisés en 2001 ont
montré l'apparition d'effets toxiques du pyrène (survie et
croissance) sur les amphipodes et les chironomes à partir d'un teneur
dans les sédiments de 20 ppm.. L'essai monospécifique
réalisé cette année visait l'étude de la
bioaccumulation du pyrène par des daphnies exposées de
façon contrôlés à des sédiments
contaminés et la réponse du compartiment bactérien
à une gamme de concentrations. Les résultats montrent que la
densité bactérienne du sédiment Craie peut être
affectée par la présence de pyrène à partir d'une
teneur nominale de 10 ppm. Pour toutes ces raisons, nous avons adopté
une teneur des sédiments égale à 50 ppm de pyrène
dans les systèmes plurispécifiques, qui devait logiquement
permettre d'observer des effets de la contamination sur les organismes. Ce
choix prend également en compte l'adsorption potentielle du
pyrène en solution sur les parois en verre des contenants
utilisés (surface plus importante que dans les essais
monospécifiques), facteur pouvant réduire sa
biodisponibilité. Cette teneur devait également nous permettre
d'observer des teneurs en pyrène décelables dans les
compartiments abiotiques des microcosmes (sédiment, eaux surnageantes,
eaux interstitielles).
Globalement les résultats obtenus dans le cadre de
cette étude montrent, à la concentration de pyrène
nominalement introduite dans les sédiments, une gamme d'effets
variés de la contamination sur les critères biologiques
létaux et sublétaux retenus pour les organismes introduits dans
les systèmes. (tableau 7). Les résultats
concernant le suivi de la population de daphnies introduites dans les
systèmes témoins et contaminés sont difficilement
interprétables à cause des problèmes posés par la
survie des organismes. Néanmoins les résultats montrent que la
reproduction des organismes est ponctuellement affectée sur 28 jours par
la contamination des sédiments. Cet effet du pyrène a
également été observé chez Limnodrilus
hoffmeistri (oligochète) avec une CI25-28 jours (reproduction) de
59 mg/g de sédiment sec (Lotufo, 1996). La contamination semble
également avoir affecté cette activité chez les amphipodes
comme le montre l'absence de couple en amplexus en fin d'essai dans les
systèmes contaminés. Des observations réalisées en
cours d'essai ont permis de mettre en évidence d'autres
différences comportementales entre les organismes des systèmes
témoins et contaminés. La réaction d'évitement du
sédiment observée chez les amphipodes au-dessus du
sédiment Craie contaminé, a également
été mise en évidence chez Lumbriculus variegatus
dans le cadre d'essais de toxicité aiguë portant sur un
sédiment naturel contaminé à 100 ppm de pyrène
(Leppanen et Kukkonen, 1998). La différence de réactivité
à un stimulus lumineux des daphnies, observée entre les
systèmes contaminés et non contaminés, bien que clairement
marquée dans cette étude, n'est pas évoquée dans la
littérature.
Les essais monospécifique n'avaient pas montré
sur 14 jours d'effet létal et sublétal de la contamination sur
les chironomes à la plus forte concentration en pyrène introduite
dans ce sédiment (200 ppm). Un des essais plurispécifiques de
cette étude a permis de mettre en évidence un effet marqué
de la contamination à 50 ppm sur l'émergence des chironomes,
effet cependant non confirmé dans l'essai n°2. D'une
manière globale, les tests de toxicité réalisés en
présence de sédiments contaminés artificiellement ont
montré un faible effet du pyrène sur la survie de
différents organismes benthiques tel que R. abronius et L.
variegatus (Kukkonen et Landrum, 1994), mais les résultats obtenus
ici montrent que la survie des chironomes peut être affectée
à 21et 28 jours par la contamination du sédiment Craie
(essai n°1). Les essais monospécifiques réalisés sur
Hyalella azteca ont montré que la survie et la croissance des
amphipodes diminuent sensiblement dans le sédiment Craie
à partir de 20 ppm de pyrène et sont fortement affectées
à 200 ppm (Godde, 2001). La concentration intermédiaire de 50
ppm choisie dans cette étude affecte logiquement la survie des
amphipodes dans les microcosmes plurispécifiques mis en place. Ce type
de résultats a été mis en évidence pour un autre
amphipode Diporeia spp, dans différents sédiments
naturels dopée à des teneurs en pyrène voisines de celle
utilisée dans cette étude (comprise entre 30 et 100 ppm) (Landrum
et al., 1992). Ces deux séries de tests s'accordent pour
montrer une absence d'effet de la contamination sur la survie et la croissance
de ces organismes dans le sédiment Tourbe. L'absence de
données concernant les teneurs réelle en pyrène des eaux
interstitielles, ajouté au fait que nous ne pouvons pas présenter
ici de données concernant la bioaccumulation du pyrène par les
organismes de ces systèmes, ne permettent pas de réaliser une
analyse plus fine de nos résultats. Néanmoins, les mesures
réalisées sur les eaux interstitielles du sédiment
Craie (Godde, 2001) montrent que les teneurs en pyrène des eaux
interstitielles observées à 14 jours d'essais (entre 15 et 20
ug/L) sont très supérieures à celles observées pour
le sédiment Tourbe (entre 0 et 5 ug/L) à partir d'une
contamination des sédiments à 20 ppm de pyrène. Ces
teneurs sont corrélées avec les taux de survie des amphipodes
exposés au dessus des sédiments et correspondent dans le cas du
sédiment Craie à la valeur de CE50-48 heures
observée pour le pyrène en phase aqueuse dans des conditions
identiques. Dans les eaux surnageantes, les teneurs mesurées à la
même date au-dessus du sédiment Craie, quoique beaucoup
plus faibles, se sont révélées également
supérieures à celles observées au-dessus du
sédiment Tourbe à partir d'une teneur nominale des
sédiments égale à 20 ppm de pyrène. Ces
résultats nous permettent donc de supposer, qu'à la teneur de 50
ppm utilisée dans cette étude, le pyrène a adopté
un comportement identique dans les systèmes plurispécifiques, en
admettant néanmoins que les conditions expérimentales de ces
essais ont pu nettement modifier l'aspect quantitatif de la répartition
du pyrène observée lors des essais monospécifiques entre
le sédiment et les différentes phases aqueuses présentes
dans les systèmes. Dans cette étude, la survie et le
développement des amphipodes au-dessus des sédiments
Craie et Tourbe contaminé indiquent un schéma
similaire des effets toxiques du pyrène suivant la qualité de la
phase sédimentaire contaminée. Le développement des
lentilles n'a pas été affecté dans les microcosmes
à la concentration en pyrène utilisé, ce qui est logique
car aucune réponse de ces organismes n'a été mise en
évidence dans le cadre d'essais monospécifiques utilisant un
sédiment Craie dopé à 200 ppm de pyrène.
Les résultats obtenus lors de l'essai
monospécifique sur sédiment Craie ont montré des niveaux
d'activité leucine-aminopeptidase très supérieurs à
ceux qui ont été observés pour l'activité
ß-D-Glucosidase, ce qui nous a conduit à conserver ce
paramètre de suivi dans le cadre des essais plurispécifiques,
ceci afin de disposer d'une échelle de valeurs susceptibles de mettre en
évidence les effets des traitements appliqués sur ce
paramètre. Le suivi des systèmes plurispécifiques n'a pas
mis en évidence d'effets de la contamination sur les activités
exoenzymatiques du compartiment bactérien des sédiments. La
densité bactérienne des sédiments est par contre
ponctuellement affectée par la présence de pyrène.
Globalement les niveaux d'activité enzymatiques leucine-aminopeptidase
et ß-D-Glucosidase ainsi que les densités bactériennes
mesurées lors des trois bioessais sont faibles : certaines
études ont montré des niveaux d'activités correspondants
supérieurs à 80 umol/h/gramme de sédiment sec, dans des
sédiments naturels fraîchement prélevés et
dopés à 300 mg/kg d'un mélange de fluoranthène, de
phénanthrène et de benzo(k)fluoranthène ou non
dopés (Verrhiest et al., 2002). Des densités
bactériennes mesurées en parallèle montrent des valeurs
supérieures à celles obtenues dans cette étude (>
109 bactéries/g de sédiment frais). Le traitement
appliqué aux sédiments après prélèvement
ainsi que leur stockage pendant une durée relativement longue (5
à 8 mois) à basse température et à
l'obscurité ont sûrement dû considérablement affecter
la réponse des communautés bactériennes autochtones. De
plus les conditions expérimentales mise en place dans les
systèmes diffèrent considérablement des conditions
environnementales des sédiments in situ.
Le suivi de Mycobacterium 6PY1 montre que cette
souche bactérienne est capable de se développer dans les
systèmes mis en place avec un préférence marquée
pour le sédiment Tourbe, comme le montrent les
étalements sur couche de pyrène ainsi que la densité
bactérienne observée à 28 jours dans le traitement MT2.
Les résultats montrent néanmoins que la présence de ces
bactéries n'entraîne pas de différence marquée au
niveau du développement global des organismes dans le sédiment
Tourbe contaminé. Des travaux réalisés sur la
souche Mycobacterium PYR1 montrent que le potentiel de
dégradation des bactéries est augmenté par la dissolution
du pyrène en phase aqueuse (Ramirez et al., 2001). Au cours de
ce programme de recherche, il a été démontré que la
quantité de pyrène en phase aqueuse (dissous ou fixé
à des particules en suspension) est favorisée dans les
systèmes monospécifiques par les caractéristiques
physico-chimiques du sédiment Craie. Au cours du
deuxième essai plurispécifique réalisé,
l'inoculation de Mycobacterium 6PY1 dans le sédiment
Craie contaminé entraîne une diminution des effets de la
contamination sur la survie des amphipodes ainsi que sur le niveau de
reproduction des daphnies. Ce type d'effet n'est pas constaté au niveau
du sédiment Tourbe contaminé qui s'oppose, de par sa
forte teneur en matière organique, à la solubilisation du
pyrène. L'absence de dégradeurs dans les sédiments
d'origine (les étalements de suspensions sédimentaires sur couche
de pyrène n'ont pas montré la présence dans les
sédiments de souches bactériennes capable de dégrader ce
composé) indique que le développement de ces organismes a
été probablement favorisé par la dégradation du
pyrène en solution (eaux surnageantes et eaux interstitielles) dans les
systèmes du traitement MC2, malgré un développement
visiblement moins important de la souche inoculée au niveau du
sédiment Craie. La forte présence de
Mycobacterium 6PY1 dans le sédiment Tourbe, au bout de
28 jours d'essai, est peut-être lié à l'utilisation de
substrats carbonés autres que le pyrène (théoriquement
faiblement disponible dans ce sédiment) et qui se sont montré
favorables au développement de cette souche (Boldren et al.,
1993).
Les données de bioaccumulation et de survie fournies
dans les cas d'expositions contrôlées de jeunes daphnies à
un sédiment Craie dopé ont permis de montrer que
l'exposition des cladocères au pyrène des eaux surnageantes est
favorisée par la présence de particules en suspension
contaminées. Le log BCF moyen obtenu est de 4.29 #177; 0.093 sur la
base des poids secs et de 3.29 #177; 0.093 sur la base des poids frais. Cela
correspond à un BCF (poids frais) moyen de 1986 #177; 445 L/g
très proche des valeurs comprises entre 1000 et 2000 L/g obtenues par
Nikkilä et Kukkonen (2001) dans des eaux de différentes teneurs en
COD et dopées à 1.2 ug de pyrène/L. Dans le travail de ces
auteurs, la valeur de 2100 L/g est obtenue pour une eau de DOC < 0.2 mg/L
et, pour une eau de DOC égal à 9.4 mg/L ils obtiennent environ
1900 L/g. Nos résultats sont également proches des valeurs
obtenues par Southworth et al. (1978) sur Daphnia pulex
exposé à 50 ug/L. Ces auteurs obtiennent en effet un BCF (poids
frais) de 2702, 245. Il aurait été logique d'observer pour les
daphnies un effet de la contamination (en terme de modification des taux de
survie) au-dessus des eaux surnageantes du sédiment Tourbe qui
est potentiellement une source importante de fines particules et de M.O.D
susceptibles d'être ingérées par les organismes. Akkanen et
collaborateurs (2001) ont montré que la quantité et la
qualité de la M.O.D d'eaux provenant de différents sites naturels
influence de manière prépondérante la
biodisponibilité du pyrène pour D. magna. Les
résultats obtenus dans cette étude ne permettent pas de se
prononcer quant à l'influence de ce paramètre sur la survie des
organismes car de nombreux facteurs biotiques et abiotiques relatifs au
sédiment Tourbe natif semblent défavorables à la
survie des cladocères.
Certaines études montrent que le temps de contact
durant le processus de dopage entre des sédiments naturels et le
pyrène, ainsi que la durée de stockage des sédiments
contaminés artificiellement, influent de manière importante sur
la biodisponibilité de ce composé pour Diporeia spp
(Landrum et al., 1992). Dans le cadre de notre étude nous
n'avons pas observé de période d'équilibrage entre le
sédiment et le pyrène introduit via le dopage (l'US-EPA
recommande une durée de 1 mois à l'obscurité et à
4°C). Cette omission volontaire,
l'hétérogénéité potentielle des lots de
sédiments utilisés (les temps de stockage avant utilisation ont
varié entre 3 et 6 mois) ainsi que celle du dopage sont peut-être
à l'origine de la forte toxicité du pyrène qui a
été observée pour les daphnies dans l'essai
plurispécifique n°1 et d'une manière globale, de la
variabilité des réponses parfois observée entre les
systèmes d'un même traitement. Les analyses
réalisées lors des essais monospécifiques (Godde, 2001)
ont montré des rendements de dopage variant entre 75% et 243% pour le
sédiment Craie et variant entre 57% et 97% pour le
sédiment Tourbe. La texture du sédiment (qui influe sur
l'adhérence du sédiment aux parois de la flasque utilisée
pour le dopage) peut être mise en cause dans cette
hétérogénéité du dopage, ainsi que les
caractéristiques physico-chimiques des lots de sédiments
utilisés qui peuvent varier avec la période et le site de
prélèvement. Il faut également garder à l'esprit
que le nombre de réplicats mis en oeuvre, qui s'est avéré
suffisamment important pour mettre en évidence des effets de la
contamination sur certains critères sublétaux suivis sur 28
jours, a pu se révéler parfois trop faible pour faire
apparaître des différences significatives des traitements
appliqués sur des critères suivis uniquement dans le cadre des
sacrifices.
Conclusion et perspectives
Les travaux développés dans cette étude
se sont principalement focalisés sur des essais plurispécifique
en microcosmes de type gnotobiotiques. (Taub, 1989a).
L'écosystème présent au sein du microcosme est dans ce cas
reconstitué artificiellement à partir d'espèces aquatiques
issues d'élevages évoluant dans une colonne d'eau et/ou une
phase sédimentaire synthétique ou d'origine naturelle. Ces
modèles d'étude permettent d'observer l'évolution d'un
nombre variable de fonctions biologiques et de paramètres
physico-chimiques relatifs aux organismes et aux compartiments abiotiques
introduits dans les systèmes. La réduction des facteurs
impliqués dans le fonctionnement des écosystèmes
reconstitués permet un choix et un contrôle plus précis des
conditions écologiques ainsi qu'un suivi facilité d'un nombre
important de paramètres expérimentaux (Taub, 1989b ; Heimbach
et al, 1992). D'un point de vue logistique, la mise au point de ces
bioessais permet la réalisation aisée, selon un coût
modéré, d'un nombre pertinent de réplicats par traitement
appliqué et une répétabilité des protocoles
expérimentaux (Taub et al., 1994). Nous avons pu
apprécier différemment ces avantages au cours de l'étude
réalisée dans le cadre de ce stage de recherche. Les microcosmes
utilisés dans cette étude ont montré une capacité
de réponse intéressante dans le cadre d'étude
écotoxicologique, mais nous nous sommes fréquemment heurté
au comportement parfois très variable des systèmes témoins
et contaminés. Il convient, pour une utilisation optimale de ces
systèmes, de définir les facteurs expérimentaux
responsables de ces variations, une augmentation du nombre de réplicats
par traitement pouvant poser des problèmes de logistique (notamment lors
des sacrifices). Il serait peut être plus judicieux d'appréhender
les facteurs influençant la réponse des organismes par la
multiplication d' essais témoins tel que celui réalisé en
préliminaire à cette étude, associés à une
modélisation mathématique du comportement des paramètres
physico-chimiques et biologiques des systèmes dans le cadre de bioessais
plurispécifique de 28 jours. Le comportement des organismes dans les
microcosmes témoins démontre que les conditions
expérimentales mise en place dans les systèmes se sont
montrées plus ou moins favorables au suivi des effets du pyrène
sur les critères létaux et sublétaux retenu dans cette
étude. Les résultats obtenus, bien qu' incomplets en ce qui
concerne la partition et la bioaccumulation du pyrène, nous ont permis
d'aborder les différents modes de toxicité chronique que peut
présenter ce contaminants des sédiments aquatiques. Globalement,
le suivi des organismes montre qu'à la teneur de pyrène
introduite dans les systèmes plurispécifiques, ce sont
principalement les critères sublétaux qui subissent l'influence
de la contamination mais seulement au niveau du sédiment Craie
(sédiment pauvre en matière organique). Les effets sont
marqués et prolongés sur la reproduction et la mobilité de
D. magna ainsi que sur le cycle de vie de C. riparius. Cette
toxicité chronique s'exprime également sur la croissance de
H. azteca mais affecte très clairement la survie des
amphipodes, ce qui a seulement été mis en évidence de
manière ponctuelle pour C. riparius. Ces résultats
indiquent que les invertébrés benthiques et épibenthiques
introduits dans les systèmes présentent une sensibilité
accrue à la contamination de ce sédiment par le pyrène.
Ces derniers sont en effet particulièrement exposés aux fractions
de pyrène présentent dans le sédiment (par ingestion de
particules contaminées) et dans les eaux interstitielles (par contact
direct), ce dernier mode de contact étant la voie principale de
contamination des organismes vivant au contact des sédiments (Ingersoll,
1995 ; Ingersoll et Nelson, 1990). Les résultats obtenus dans le
cadre de l'essai monospécifique sur D. magna indiquent
néanmoins que les particules sédimentaires en suspension dans la
colonne d'eau peuvent se comporter comme des vecteurs de contamination non
négligeables pour des organismes pélagiques. Malgré
certaines conditions défavorables à la survie des organismes
(D. magna, C. riparius), l'absence de toxicité chronique de la
contamination dans le sédiment Tourbe, confirme
l'importance de la teneur en matière organique des sédiments dans
le comportement global du pyrène en milieu aquatique notamment au niveau
de sa biodisponibilité. Des dosages réalisés en phase I
sur des sédiments contaminés avait d'ailleurs mis en
évidence l'influence de ce paramètre sur la partition du
pyrène entre la matrice sédimentaire et les eaux interstitielles
des deux sédiments pris pour référence dans ce programme
de recherche. Nos résultats indiquent que la seule prise en compte de ce
facteur peut se révéler parfois insuffisante pour expliquer ce
comportement en milieux aquatiques. La présence de dégradeurs
ainsi que les habitudes écologiques et le contexte environnemental
global dans lequel évoluent les organismes doivent être
nécessairement pris en compte dans l'explication des effets de
composés du type HAPs sur les écosystèmes aquatiques. Les
résultats obtenus suite à l'inoculation de Mycobacterium
6PY1 dans le sédiment Craie contaminé incitent à
développer des essais supplémentaires en conditions
simplifiées qui viseraient notamment à préciser
l'influence de dégradeurs spécifiques sur la partition du
pyrène en écosystèmes aquatiques artificiels
(paramètre non disponible dans cette étude). Ces essais
pourraient également permettre d'évaluer les possibilités
de bioremédiation permises par l'introduction de cette souche
bactérienne dans des sédiments contaminés par le
pyrène.