Tables des
matières
Tables des matières
1
Liste des abréviations et sigles
3
Liste des tableaux
4
AVANT - PROPOS
5
1. INTRODUCTION
7
CHAPITRE I
11
1.1. Diagnostic de la situation
11
A-Cadre géographique et physique
11
B- Cadre économique et social
18
1.2. Théorie et concept
26
1.2.1. Aspects Théoriques
26
1.2.1.1. Méthodes de quantification
de la pauvreté
28
1.2.1.2. Mesures statistiques de la
pauvreté
28
1.2.1.3. Critères d'identification
des pauvres
29
1.2.1.4. Seuils de pauvreté
30
1.2.1.5. Utilité des mesures de la
pauvreté
33
1.2.2. Les Concepts
34
1.2.2.1. Définition des concepts
34
1.2.2.1.1. Le concept de pauvreté
34
1.2.2.1.2. Le concept de lutte contre la
pauvreté
35
1.2.2.1.3. Le concept de
développement rural
35
CHAPITRE II
37
2. Les dimensions, les formes, les facteurs et les
caractéristiques de la pauvreté
37
2.1 Les diverses dimensions de la
pauvreté
37
2.2 Les formes de pauvreté
38
2.3 Les facteurs de la pauvreté
rurale
39
2.4 Caractéristiques de la
pauvreté rurale
40
CHAPITRE III
45
3. Analyse des facteurs et de la lutte
contre la pauvreté
45
3.1. Les facteurs
45
3.1.1. Croissance Démographique
45
A-Evolution Démographique
45
1- La répartition de la population
46
2- Structure de la population par âge et
sexe
47
B- Les conséquences de l'accroissement
démographique dans la commune
48
3.1.2. Les mouvements migratoires ou
Urbanisation
49
a) La migration interne
49
b) La migration vers d'autres communes et villes
d'Haïti
50
c) Migration vers l'extérieur
51
3.1.3. Désastres naturels
52
a) Les inondations
52
b) Les sécheresses
52
c) Les cyclones
52
3.1.4. Habitat et logement
53
3.1.5. Alimentation / Agriculture
54
a) La lente expansion de l'agriculture
54
b) La dégradation et l'épuisement des
sols et autres ressources naturelles
55
c) Inégalité de la répartition
des terres
56
d) Le fractionnement des petites exploitations
agricoles
71
e) Les effets indirects de la modernisation et la
technicisation de l'agriculture
72
3.1.6. Éducation
72
3.1.7. Santé
82
3.1.8. Eau potable et assainissement
87
a) Eau potable
87
b) Assainissement
88
3.1.9. Les transports et communications
89
a) Télécommunication
90
b) Service postal
90
c) La Presse
91
3.1.10. Electricité / Energie
91
3.2. La lutte contre la pauvreté
92
3.2.1. Stratégies de lutte contre la
pauvreté
92
3.2.2. Les éléments de la
stratégie
93
3.2.3. Les effets de la lutte contre la
pauvreté
94
CHAPITRE IV
95
4. Les domaines prioritaires et l'approche
qui permettra d'y remédier
95
4.1. Les domaines prioritaires
95
4.2. L'approche qui permettra d'y
remédier
96
4.3. Contexte dans lequel devrait
s'insérer la lutte contre la pauvreté: le développement de
Jean Rabel
96
4.3.1. Le contexte de lutte contre la
pauvreté
96
4.3.2. Le développement de Jean
Rabel
97
4.4. Le développement rural de Jean
Rabel dans une perspective de développement global et national
99
5. Conclusion et recommandations
103
6. Bibliographie
105
Liste des
abréviations et sigles
BM : Banque Mondiale
BMF : Banque de Médicaments du Far-West
BIT : Bureau International du Travail
CEPAL : Comité Economique pour l'Amérique
Latine
DGI : Direction Générale des Impots
DSRP : Document de Stratégie de Réduction de
la Pauvreté
EBCM : Enquête Budget-Consommation des
Ménages
EFA : Ecole Fondamentale d'Application
EFACAP : Ecole Fondamentale d'Application-Centre d'Appui
Pédagogique
FMI : Fonds Monétaire Internationale
HNDP : Hôpital Notre Dame de Paix de Jean Rabel
IHSI : Institut Haïtien de Statistique et
d'Informatique
INARA : Institut National de la Réforme Agraire
INFP : Institut National de Formation Professionnelle
ODVA : Organisme de Développement de la Vallée
de l'Artibonite
OMS : Organisation Mondiale de la Santé
ONG : Organisation Non-Gouvernementale
PNB : Produit National Brut
PNUD : Programme des Nations Unies pour le
Développement
RGPH : Recensement Général de la Population et
de l'Habitat
SHADA : Société
Haïtiano-Américaine de Développement Agricole
UNESCO : Organisation des Nations Unies pour l'Education de
la Science et de la
Culture
UNICEF : Fonds des Nations Unies pour l'Enfance
USA : Union des Etats Américains
UTSIG : Unite de Teledetection et des Systemes d'Information
Geographique
Liste des tableaux
Tableau 1 : Répartition des habitations de la commune
par section communale
Tableau 2 : Pluviométrie enregistrée à
Jean Rabel de 2002 à 2005 (en millimètre)
Tableau 3 : Evolution de la population
Tableau 4 : Densités des sections communales de la
commune pour l'année 2003
Tableau 5 : Accroissement de la population urbaine et rural
de 1950 à 2003
Tableau 6 : Répartition de la population de Jean
Rabel par sexe en 2003
Tableau 7 : Superficie et distribution des
propriétés
Tableau 8 : Répartition géographique des
centres préscolaires
Tableau 9 : Répartition des écoles nationales
et taux de scolarisation
Tableau 10 : Situation des équipements et des
infrastructures sanitaires fonctionnelles par
section communale
Tableau 11 : Personnel de santé
Tableau 12 : Tarif du transport en moto-taxi (en gourdes)
AVANT - PROPOS
La question de la lutte contre la pauvreté restera
dans l'avenir au centre des préoccupations économiques et
sociales de nombreuses sociétés. Si le contenu de cette question
diffère suivant les régions, elle procède d'un même
principe qui est de garantir à toutes les personnes disponibles d'une
meilleure condition de vie.
Aujourd'hui les mots ne suffisent plus pour expliquer la
situation de pauvreté et d'inégalités dans laquelle se
retrouve Jean Rabel après 265 ans d'existence. Les réponses
apportées jusqu'ici - à travers la mise en oeuvre de
différentes stratégies, programmes et projets de
développement - n'ont pas permis d'améliorer les conditions de
vie de la population, constituée en majeure partie de paysans.
L'expérience de la commune révèle donc que les programmes
de développement réalisés grâce aux ONGs n'ont
jamais profité à la majorité de la population.
Pour les Pouvoirs Publics, la question de la lutte contre la
pauvreté se confond avec celle de la stratégie de
développement économique. La place accordée au
développement rural s'avère aujourd'hui déterminante.
C'est dans l'agriculture et les activités rurales liées à
l'agriculture qu'il est possible de combattre la pauvreté et d'aboutir
à une croissance économique soutenue. Une telle stratégie
est souhaitable à la fois pour combattre la pauvreté dans les
sections communales et augmenter l'emploi dans les endroits les plus
reculés.
Ce mémoire s'attelle, par rapport au cas de la
commune, à identifier les causes et les caractéristiques de la
pauvreté rurale, à analyser les mécanismes qui ont
engendrés et continuent d'engendrer la pauvreté dans les sections
communales de Jean Rabel et à proposer, le cas échéant,
quelques pistes opérationnelles, parmi tant d'autres, dans le cadre de
l'élaboration d'une politique alternative de développement rural.
Mais un tel mémoire est une oeuvre de longue haleine et le fruit d'un
travail assidu. Au début, il a été très difficile
de trouver les informations relatives à notre travail, les
données de base en vue d'analyser les facteurs de la pauvreté et
de proposer des solutions appropriées aux problèmes que
confrontent les pauvres des sections de la commune. De ce fait, plusieurs
personnes ont participé de près ou de loin à ce travail
car sans leur aide ce mémoire ne verrait pas le jour, et je tiens ici
à leur exprimer ma gratitude.
C'est en ce sens que je tiens à remercier vivement le
professeur Georges E WERLEIGH qui est mon directeur de recherche.
Mes remerciements les plus profonds s'adressent aussi à
tous les professeurs de la Faculté de Droit et des Sciences Economiques
de Port-au-Prince pour le temps qu'ils m'ont consacré tout au long de
ces quatre années d'études.
Je veux remercier aussi Mme Marie-Antoine CHARLEMAGNE
(Library-Registry-Cleck Bureau FAO) pour m'avoir donné accès aux
informations nécessaires pour la réalisation de ma
mémoire.
Je présente mes remerciements aussi à toute
l'équipe de l'Initiative Développement spécialement
à Isabelle FAUCON (Chef de Secteur Haïti pour Initiative
Développement) et Virginie DESTUYNDER (Responsable Programme d'Appui au
Développement Local) pour m'avoir passé des documents relatifs
à mon travail de sortie. Je témoigne également mes
remerciements au professeur Jean Bouco JEAN JACQUES pour ses fructueux conseils
et toute l'aide qu'il m'a fourni. Un remerciement spécial à
Junior JEAN MARY qui a été très sensible à mes
requêtes. Un grand remerciement à tous mes amis, Widnet
FELISSAINT, Olince MONDESTIN, Judith JEAN NOEL, Dario NOEL, Marie Mica
ARISTILDE et à tous mes camarades de promotion qui étaient pour
moi un stimulus car ils ne cessaient pas de m'encourager à finir mon
mémoire. Je remercie également toute ma famille pour leur
encouragement et leur support.
1. INTRODUCTION
La pauvreté est le phénomène le plus
répandu à travers le territoire national. Partout où l'on
passe, on trouve des gens mal nourris (alimentation maigre, trop chère
et peu nourrissante), mal logés (logement lézardé, mal
aéré, mal chauffé, chichement meublé et dangereux),
mal vêtus (vêtements insuffisants, impropres et de mauvaises
qualités), habitant dans des quartiers insalubres et sans services
médicaux ; qui ont pas ou peu d'instruction, et enfin qui sont
rejetés par la société.
Cette situation de pauvreté se montre de manière
plus critique au niveau de la paysannerie haïtienne. Les insuffisances
alimentaires, les dénis d'éducation, de santé et de
justice continuent à marquer la vie quotidienne d'une majorité de
la population rurale.
Les pauvres qui survivent souffrent souvent durant toute leur
vie de problèmes physiques et mentaux. De plus, l'analphabétisme,
l'absence d'études et de formations empêchent aux paysans de
gagner leur vie et contribuent directement à aggraver la pauvreté
(niveau de bien-être).
Par ailleurs, l'anarchie du système agraire, la carence
des ressources, la défectuosité des techniques, l'absence ou
insuffisance du crédit agricole, le défaut de structures et
d'infrastructures constituent autant de limitations imposées à la
promotion économique et sociale de nos paysans.
Les paysans des sections communales de Jean Rabel
n'échappent pas à cette situation de pauvreté
extrême. Exclus et non encadrés, ils vivent uniquement de ce que
leurs lopins de terre peuvent produire. L'importance de leurs productions
dépend en grande partie des aléas saisonniers et des caprices de
la nature. Une insuffisance de pluie entraîne
irrémédiablement la perte des récoltes et pour survivre,
les paysans n'ont d'autre choix que de recourir à la production du
charbon de bois. Ce qui entraîne le déboisement et à moyen
terme l'érosion des sols avec des conséquences productives
à long terme. De plus, le taux de fertilité des paysans induit
une croissance démographique qui augmente la pression sur les surfaces
cultivables et, par conséquent, entraîne la baisse continue de la
production agricole. Il en résulte un affaiblissement de
l'économie paysanne et l'enlissement des paysans dans un cercle vicieux
de la pauvreté. Vu de cette manière, que faudrait-il faire pour
parvenir à détruire ce piège pernicieux de la
pauvreté et à libérer le potentiel de
créativité d'une grande partie de la population ?
Le déclin de la production agricole est la
conséquence de l'extrême pauvreté qui sévit dans les
sections communales. La commune ne dispose pas assez de nourriture pour couvrir
les besoins de sa population et ne dispose pas de moyens financiers suffisants
pour importer les quantités nécessaires. De plus, les sections
communales constituent des espaces de misère dépourvus de toute
forme d'infrastructures. Laissées à l'abandon depuis des
années par un Etat absent - manquant de capacité ou de
continuité dans son action - les infrastructures des sections sont en
ruines. En témoigne par exemple l'état déplorable des
infrastructures sanitaires, scolaires, en eau, en assainissement ou de la
filière agricole des différentes sections. Cette situation a
entre autre pour conséquences l'appauvrissement au jour le jour de la
population des sections communales.
Dans le souci d'apporter notre modeste contribution à
la lutte contre la pauvreté et à un développement rural
durable, nous avons posé les questions suivantes :
- Qu'est-ce qui explique la pauvreté dans les sections
communales de Jean Rabel ?
- Que faudrait-il faire pour éradiquer l'extrême
pauvreté ?
- Comment la lutte contre la pauvreté peut-elle servir
d'instrument d'outil de développement rural ?
C'est autant de questions qui sont au coeur de notre
réflexion et qui nous a conduit à formuler ces
hypothèses :
- L'insatisfaction des besoins essentiels est une
conséquence de la pauvreté rurale.
- La disponibilité des facteurs de production est une
conséquence de l'extrême pauvreté.
- L'appauvrissement est la conséquence du mode de
fonctionnement des structures agraires.
Alors, l'objectif de ce travail est de mettre en relief les
causes de la pauvreté, de les analyser et de proposer des solutions
adéquates qui conduira vers l'amélioration de la situation
économique et sociale des ruraux de la commune.
Notre choix de ce sujet se justifie par le fait que la
pauvreté rurale demeure l'un des problèmes majeurs que les
décideurs économiques n'arrivent toujours pas à
solutionner. C'est donc une question qui demeure d'actualité pour tous
les pouvoirs publics.
Etant donné que la pauvreté est un
phénomène essentiellement rural, la présente étude
va se limiter à l'analyse de ces facteurs dans les différentes
sections communales de Jean Rabel pendant ces derniers décennies.
Pour nous permettre de présenter un travail
scientifique et fouillé, nous allons utiliser essentiellement la
méthode analytique rendue possible par la technique documentaire. Nous
ne manquerons pas en plus d'utiliser la technique d'observation empirique pour
mieux cerner le phénomène.
Ainsi, ce travail se réalise à partir de deux
sources d'information :
Une première source comportant un ensemble de documents
tels : les documents du Département du Nord-Ouest (les rapports),
les documents de l'Initiative Développement (les rapports), les
documents de la Mairie de Jean Rabel, les documents du Ministère de la
Planification et de la Coopération externe, les documents de la Banque
Mondiale (les rapports), les documents du PNUD (les rapports), les documents de
la FAO, de CARE-Haïti (les bulletins), du Ministère de
l'Agriculture, de la Banque de la République d'Haiti (les bulletins), de
l'Institut Haïtien de Statistique et d'Informatique (IHSI), etc.
Une deuxième source a lieu à partir
d'observations empiriques et des ouvrages d'auteurs traitant déjà
le thème.
Notre réflexion portera sur les facteurs explicatifs de
la pauvreté dans les sections communales de Jean Rabel. Le diagnostic de
la situation de pauvreté dans la commune, l'aspect théorique et
la définition des concepts seront les premières étapes de
notre démarche. Il sera ensuite question de présenter les
diverses dimensions de la pauvreté, les formes de pauvreté, les
facteurs et les caractéristiques de la pauvreté rurale. Au regard
des facteurs de la pauvreté, nous entreprendrons des analyses empiriques
et théoriques, aussi une analyse a l'échelon
microéconomique. L'identification des domaines prioritaires et
l'approche qui permettront d'y remédier, en termes d'actions et
stratégies dans le sens du renforcement de la lutte contre la
pauvreté, boucleront l'étude.
CHAPITRE I
1.1.
Diagnostic de la situation
A-Cadre géographique
et physique
La localisation et les limites de la
commune
D'une superficie de 484 km², la commune de Jean Rabel est
située dans le département du Nord-Ouest d'Haïti et fait
partie de l'arrondissement du Môle Saint Nicolas. Fondé en 1743,
Jean Rabel fut d'abord paroisse avant d'être élevé au rang
de commune le 17 octobre 1821. Elle est limitée au Nord par
l'Océan Atlantique, au Sud par les communes de Baie de Henne et d'Anse
Rouge, à l'Est par la commune de Port-de-Paix et à l'Ouest par la
commune du Môle Saint Nicolas. La commune de Jean Rabel est comprise
entre les 19°41' et 19°55' de latitude Nord et entre les 72°56'
et 73°45' de longitude Ouest1(*).
Divisions administratives
La commune de Jean Rabel comprend sept (7) sections communales
et le bourg. Centre commercial et administratif, le bourg loge les services
déconcentrés de l'Etat, l'administration communale,
l'Hôpital, certaines institutions scolaires d'envergure (le Lycée,
les collèges, les écoles congréganistes) et les
bâtiments religieux les plus importants de la commune. C'est aussi au
Bourg qu'on retrouve la plus grande concentration humaine de la commune (plus
de 7000 habitants)2(*).
Les sections communales jouent peu de rôle sur le plan
administratif. Elles sont classées dans l'ordre selon la taille de leur
population. Il convient de citer : Lacoma, Guinaudée, Vieille
Hatte, La Montagne, Dessources, Grande Source et Diondion. Chacune de ces
sections est subdivisée en habitations qui à leur tour se
subdivisent en localités. Le nombre des habitations et des
localités varie d'une section à l'autre.
Il n'existe en effet aucune loi sur la construction et la
délimitation des habitations malgré l'urgence en la
matière et la volonté affichée par les gouvernements
successifs, à travers les plans stratégiques, depuis 1996.
D'après les informations recueillies auprès de l'Administration
Communale de Jean Rabel, plusieurs critères sont pris en
considération pour transformer une localité en habitation.
1) La localité demandeuse doit se placer au centre de
plusieurs autres localités
2) Elle doit avoir une population plus importante que les
autres
3) Elle doit posséder une église, une
école ou un marché
4) Elle doit être la plus ancienne d'un groupe de
localités habitées
Ces critères sont inspirés d'une pratique
utilisée par les anciens Chefs de Section Rurale (actuelle Section
Communale) lorsqu'il s'agissait de créer de nouvelles habitations.
En se référant aux registres de l'Administration
Municipale, la commune de Jean Rabel compte deux sections à onze
habitations chacune, une à 10 habitations, trois à neuf
habitations et une à huit habitations, réparties selon le tableau
ci-dessous.
Tableau 1 : Répartition des habitations de
la commune par Section Communale
N°
|
Sections communales
|
Nombre d'habitations
|
Distance du centre au bourg
|
Les habitations
|
Localités revendiquant un statut
d'habitation
|
01
|
Lacoma
|
11
|
15 km
|
Atrèl, Barbe Pagnol, Cabaret, Caletang,
Dubois, Fond Lectine, Gombo, Lacoma, Pisée, Port-à-l'Ecu*,
Raymond
|
|
02
|
Guinaudée
|
11
|
13 km
|
Boucan Patriot, Café, Paul, Ca Philippe, Colette, Datty,
Fond noir, Guinaudée, Lalande 2ème,
Loubier, Péchaud, Sauval
|
|
03
|
Vieille Hatte
|
10
|
19 km
|
Bassin Bleu, Campledo (Ca Matthieu), Fourby, Grande
Falaise, La Source, La Réserve, Nan Solon (parfois
appelée Fond Zombi), Repos, Trassael, Vieille Hatte
|
|
04
|
La Montagne
|
9
|
19 km
|
Bois aux vents, Cademé, Ca Gaudette,
Désabée, Gaudette, Jens, Labellée, Nan
Jules, Nan Plaisir
|
|
05
|
Dessources
|
9
|
5 km
|
Catron, Goimbert, Lalande 5ème, Leblanc, Moudo,
Nan Man Noël, Porrier, Vert de Gris, Yawe
|
|
06
|
Grande Source
|
9
|
9 km
|
Buron (+ Beauvoir), Fond Madame (+ Bois Neuf),
Grande Source, Jean Solme (+ Métayer), Nan
Digé, Nan Saut (+ La Salombe), Osina, Pellier (+
Bombel), Richard
|
La Salombe, Bombel, Dicongé, Débauché,
Beauvoir, Bois Neuf, Métayer
|
07
|
Diondion
|
8
|
9 km
|
Gros Sable (+ Leban), Fond Ramadou, Baguette, Vieille
Terre (Deschamps), Diondion, Corail, Bingo
(Beauvoir), Coicou
|
Leban
|
Sources : Mairie de Jean Rabel
En gras : l'habitation considérée comme le
centre administratif de la section
En italique : les localités revendiquant le statut
d'habitation
*: habitations donnant sur la mer
Coicou : entièrement prise sur le bourg
élargi (= agglomération du bourg)
Il faut souligner que la délimitation administrative et
territoriale de la commune de Jean Rabel, en ce qui concerne les habitations,
est vieille de plus de quinze ans et n'a pas été
réactualisée. Ce qui suscite beaucoup de protestations dans
certaines sections, notamment dans la troisième et la sixième
section où beaucoup de localités ont fait valoir leur
prétention à être élevées au rang
d'habitation. Ainsi dans la troisième section une localité,
Bananier Blain, attend que le statut d'habitation lui soit
conféré. C'est le même cas à Grande Source où
les localités de Richard, La Salombre, Dicongé et
Débauché ont la même revendication.
Le Relief
Le relief de la commune de Jean Rabel est diversifié et
constitué de plateaux, collines et de massifs peu élevés.
Leur hauteur varie de 300m à 900m d'altitude. Le Nord de la commune, le
long de la côte, est marqué par un petit massif qui culmine
à 324 mètres environ (Morne Bourrique). Les massifs les plus
élevés se trouvent dans la partie Sud. Les mornes les plus
importants sont : le morne Dublain (500m) et le morne Movent (711m) qui se
trouvent à Guinaudée ; le morne Château (885m) qui se
situe à la limite de la troisième et la quatrième section
et le morne Déré (907m) qui sépare la commune de Jean
Rabel avec celle de Baie de Henne. Ces massifs sont coupés de profondes
vallées orientées Nord-Sud3(*).
Il faut noter que la commune est coupée, à
partir du morne Tapion, en deux bassins versants principaux : le bassin
versant de Jean Rabel et celui de Catinette. Ceux-ci donnent naissance à
deux ensembles de plaines qui sont : la plaine de Jean Rabel et la plaine
sèche de Sauval.
La première regroupe un ensemble de petites plaines,
Colette, Coicou et Fond Ramadou qui se rencontrent avec la plaine alluviale La
Source, qui occupe le lit majeur de la rivière de Jean Rabel, laquelle
se prolonge jusqu'au littoral aux alentours du quartier du Bord de Mer. Elle a
une superficie de 500ha environ. La seconde se trouve dans les deuxième
et première sections communales. Elle se prolonge à l'Est
à Lacoma et s'étend au Nord jusqu'aux confins de l'habitation
dite Péchaud. Sa superficie est de 10000ha.
Il faut toutefois mentionner la situation géographique
particulière du bourg de Jean Rabel qui se trouve dans une cuvette.
Coincé entre les Sections Communales de Vieille Hatte, de Dessources et
de Diondion, le Bourg sert de déversoir aux eaux de ruissellement
provenant des mornes avoisinantes. Cela rend la population du bourg très
vulnérable pendant les saisons pluvieuses et au moment des cyclones.
Hydrographie
La commune de Jean Rabel est divisée en deux principaux
bassins versants. Celui de la rivière de Jean Rabel (145 km²),
à l'Ouest du Morne Tapion, et celui de la rivière Catinette (150
km²) à l'Est du Morne.
La rivière de Jean Rabel mesure environ 23 km. Elle
prend sa source au morne Château situé à 885m d'altitude.
Dans sa partie supérieure, la rivière de Jean Rabel est
essentiellement alimentée par des ravines torrentielles. Sur les 10
premiers kilomètres du cours de la rivière, on dénombre 20
ravines principales, pour un seul affluent régulier, la rivière
Doucet. La rivière de Jean Rabel est donc sujette aux crues subites et
destructrices, comme en Novembre 2006, où les inondations ont fait 6
morts et de nombreux dégâts matériels. Les berges de la
rivière sont aussi fortement érodées4(*).
Au Nord du bourg de Jean Rabel, 17 km après sa source,
la rivière de Jean Rabel rencontre ses deux principaux affluents :
la rivière Coicou (4,5 km) et la rivière Prien (15,5 km). Ces
deux affluents connaissent eux aussi de graves problèmes
d'érosion de leurs berges, en particulier la rivière Prien, dont
le lit mesure près de 30 à 100 mètres de large sur les 12
derniers kilomètres de son cours, pour un débit moyen de quelques
centaines de litres d'eau par seconde. De très importants
aménagements de berges seraient nécessaires afin de
contrôler l'érosion et de limiter les risques d'inondations
destructrices.
Les derniers kilomètres avant l'embouchure de la
rivière de Jean Rabel sont moyennement aménagés, avec la
présence de nombreuses parcelles irriguées.
La rivière Catinette quant à elle, prend sa
source à 500m d'altitude. Après un parcours de plus de 15km, elle
rejoint la rivière Dispute (21km) pour donner naissance à la
rivière de Lacoma. Celle-ci se perd dans les marais de Port à
l'Ecu, sans atteindre la mer, tout comme la rivière Denisse,
généralement incluse dans la même bassin versant.
Globalement, les berges de ces cours d'eau sont moins
endommagées que celle des rivières Prien et de Jean Rabel. Les
crues peuvent malgré tout endommager fortement les aménagements
effectués, comme en Novembre 2006 où l'adduction et le
système d'irrigation de Sauval ont subit des dégâts
importants.
Le climat
De par les caractéristiques de son relief, la commune
de Jean Rabel connaît deux régimes climatiques bien distincts. Un
climat d'altitude avec une pluviométrie moyenne annuelle de 1200 mm de
pluie dans les hauteurs et un climat semi-aride5(*) allant de 500 mm à 900 mm de pluie dans sa plus
grande partie.
Deux saisons bien marquées caractérisent la
première zone : une saison sèche de février à
avril et une saison pluvieuse entrecoupée parfois de mois sec durant le
reste de l'année. La végétation, de type arboré,
est plus dense dans cette zone. Il ne s'agit pas de forêt à
proprement parler. Il existe cependant beaucoup d'arbres fruitiers à
l'ombre desquels le café et le cacao sont cultivés. Les sections
communales concernées sont : La Montagne, Vieille Hatte (La
Réserve, Bassin Bleu), les hauteurs de Grande Source et de
Dessources.
La zone semi-aride est très étendue. Elle
commence à l'Est à partir du Bas des Moustiques, dans les
environs de la commune de Port-de-Paix, couvre entièrement la partie
septentrionale des sections communales de Lacoma, de Guinaudée et de
Vieille Hatte et se prolonge à l'Ouest jusque dans les piémonts
karstiques de Dessources, de Grande Source et de Diondion.
Les observations faites à partir des pratiques
culturales de la population et les données pluviométriques
recueillies montrent que la zone semi-aride est caractérisée par
quatre saisons : deux saisons sèche et deux saisons pluvieuses. La
première saison pluvieuse va du mois de septembre à novembre.
Elle est suivie immédiatement par une saison sèche de
décembre à avril. La deuxième saison pluvieuse va de la
première décade du mois de mai à la dernière
décade du mois de juin. La période sèche se
réinstalle à nouveau en juillet.
Durant les saisons sèches le vent souffle très
fort et le débit des sources et des cours d'eau diminue. Les
périodes sèches nuisent au développement de l'agriculture.
Dans la vaste plaine de 15000 hectares, qui va de Sauval à Lacoma, les
cultivateurs sont contraints de pratiquer une agriculture pluviale
c'est-à-dire liée à la tombée de la pluie. Dans les
périmètres irrigués, la distribution de l'eau se fait dans
des conditions qui aboutissent souvent à des conflits entre
cultivateurs. Par ailleurs une pénurie d'eau potable est
constatée au niveau du Bourg durant ces périodes.
A noter que ces saisons ne sont pas toujours
régulières. La pluviométrie varie d'une année
à l'autre. Sur deux années consécutives un même mois
peut-être sec ou pluvieux. C'est le cas, par exemple, du mois de janvier
qui a été particulièrement pluvieux en 2006 et sec en
2007.
Tableau 2 : Pluviométrie
enregistrée à Jean Rabel de 2002 à 2005 (en
millimètre)
|
Janv.
|
Fév.
|
Mars
|
Avr.
|
Mai
|
Juin
|
Juil.
|
Août
|
Sept.
|
Oct.
|
Nov.
|
Déc.
|
2002
|
101.4
|
19.6
|
13.6
|
27.8
|
73.6
|
75.2
|
17.4
|
67.4
|
66.4
|
40.6
|
18.8
|
49
|
2003
|
262
|
6.2
|
70.9
|
159
|
86.4
|
74.6
|
13
|
79.4
|
57.8
|
70.8
|
51.8
|
293.5
|
2004
|
74.3
|
37
|
132.5
|
81.8
|
99.5
|
50.5
|
39
|
38
|
136.5
|
79.8
|
75.8
|
90
|
2005
|
137.5
|
|
25
|
84
|
79
|
118
|
68
|
52.5
|
101
|
212
|
89
|
17
|
Sources : Ministère de l'Agriculture, des
Ressources Naturelles et du Développement Rural ;
CARE-Haïti ; BRH
De même, l'année 2002 a été la plus
sèche avec 462,5 millimètres de pluie. Ces instabilités
climatiques sont liées en partie à la proximité de la
commune par rapport au Tropique du Cancer, son ouverture sur l'Océan
Atlantique et les caractéristiques de son relief, lequel est soumis de
façon constante aux alizés qui soufflent durant une grande partie
de l'année.
Par ailleurs, du 21 au 26 novembre 2006 entre 300mm et 400mm
de pluie ont été déversés sur la commune. Ces
pluies diluviennes, liées à la saison cyclonique, étaient
dues au passage d'une onde tropicale stationnaire sur Haïti notamment sur
les régions du Nord-ouest, de la Grande Anse et des Nippes. Elles ont
provoqué le débordement des rivières des deux principaux
bassins versants de la commune, (BV de Jean Rabel et BV de Catinette) avec
comme conséquence l'inondation du Bourg et des plaines. Il faut noter
qu'une inondation pareille avait frappé la commune en avril 19716(*).
Il faut enfin souligner qu'il n'existe aucune donnée
disponible en matière d'enregistrement de température à
Jean Rabel. Cependant il est constaté que la commune jouit d'une
température relativement fraîche de novembre à mars.
B- Cadre économique
et social
La commune de Jean Rabel est considérée parmi
les plus pauvres du pays. Elle est caractérisée par
l'insuffisance des infrastructures techniques de base et la faiblesse des
réseaux de biens et services. La situation économique et sociale
de la commune n'est pas très évoluée par sa
marginalisation.
Le secteur primaire qui occupe une position dominante dans la
structure de la production de biens n'est pas trop diversifié. En effet,
le secteur clef de l'économie, l'agriculture, est paralysé par de
nombreuses contraintes et est réputé pour son faible niveau de
productivité. Il est caractérisé par la défaillance
du système d'irrigation, un système foncier complexe, la coupe
effrénée de bois (même de fruitiers pour satisfaire de
pressants besoins de numéraire), une méconnaissance de certaines
techniques de production, un manque d'accès aux intrants agricoles de
base, une dégradation croissante des exploitations limitant fortement
les capacités productives des ménages.
Les zones de production sont en grande partie
enclavées. Le crédit est quasi inexistant. Le morcellement des
terres favorise le déboisement et oriente les exploitants à la
production de vivres (subsistance) au détriment des denrées.
Ailleurs, la faible productivité agricole, la haute
densité de la population et le manque d'infrastructure physique
élémentaire génèrent de façon
combinée la décapitalisation cyclique et progressive des
ménages.
Ainsi, dans les sections communales, la vie humaine se
développe dans une sphère biologique, c'est-à-dire que la
lutte pour l'existence se circonscrit autour des besoins primaires. Les paysans
les plus arriérés sont enlisés au sein d'une nature
hostile et précaire. Leurs techniques rudimentaires de travail ne leur
permettent pas de dominer cette nature. Incapables de progresser, ils
s'adaptent passivement au milieu ambiant, se renferment dans leurs coutumes et
leurs traditions. Ils finissent ainsi par mener une existence misérable,
essentiellement végétative, développant ainsi une
singulière aptitude à la résignation et aux conditions de
vie les plus inhumaines. Même les besoins fondamentaux ne sont pas
satisfaits convenablement : la diète alimentaire, dépourvue
de substances réellement nutritives, diminue la résistance
physique et occasionne la dégénérescence de la race ;
le rudimentaire accoutrement est le symbole de leur infériorité
sociale.
D'une manière générale, les agriculteurs
de Jean Rabel pratiquent une agriculture pluviale et saisonnière. Le
système d'irrigation mis en place en certains points de la commune ne
permet d'arroser qu'une faible surface : 650 hectares dont 400 hectares
pour la banane, ce qui représente à peu près 4,3% de la
plaine (15000 hectares) soit 1,3% du territoire communal7(*). Cette situation est due
principalement au faible débit des sources et des rivières
lié notamment aux conditions climatiques de la zone. La plupart des
rivières ont par ailleurs un régime temporaire, l'agriculture
subit de jour en jour les conséquences d'un climat de plus en plus
hostile à son émergence. La région est reconnue pour sa
faible pluviométrie soit 400 à 800 mm de pluie par année,
de plus, elle est caractérisée par deux longues périodes
de sécheresse allant de juillet à la fin du mois d'août
d'une part et de fin décembre à début avril d'autre part,
période comprenant le carême. Cette situation de dépendance
de l'agriculture vis-à-vis de la pluie rend de plus en plus
compliquée la situation des agriculteurs et de ce fait réduit
énormément les possibilités de reduire la
pauvreté.
La majorité des agriculteurs de la commune (environ
85%) pratique l'élevage8(*). Les terres en jachères, les bordures des
chemins et les terres incultes sont les principaux sites utilisés.
L'élevage libre est pratiqué dans toute la commune. Les
bêtes de somme (âne, mulet, cheval) et les boeufs sont
élevées à la corde près des habitations. Par
contre, les animaux de basse cour tels : les poules, les pintades et les
dindes sont élevés en liberté autour des maisons et les
jardins où ils cherchent leur nourriture. Parfois, ils sont nourris par
quelques grains et déchets de cuisine venant directement des membres de
la famille. Il faut dire en nombre, ces animaux représentent le groupe
le plus important alors que les caprins et les ovins occupent la
deuxième place.
Les contraintes liées au système
d'élevage sont multiples et varient avec les espèces et les
zones.
L'élevage des cochons n'a pas retrouvé la
position qu'il possédait à l'origine, avec la décimation
des cochons créoles en 1982. Les problèmes d'élevage des
cochons sont plutôt d'ordre alimentaire. En effet, leur alimentation se
fait surtout à base de déchets de cuisine et de sous-produits de
récolte. En conséquence, un retard général est
constaté dans la croissance des porcs.
Le cabri, plus robuste, et qui résiste mieux aux
intempéries, est considéré par les paysans comme une forme
d'épargne d'où la nécessité d'y investir. Par
ailleurs, les cabris sont souvent attaqués et tués par les chiens
sauvages et les voleurs.
L'élevage des poules se rencontre dans toutes les aires
agro-écologiques et surtout dans les plateaux et montagnes humides. Les
poules, souvent atteintes de New castle, sont surtout attaquées par les
chats qui pullulent dans la commune.
L'élevage caprin est plus fréquent dans les
mornes secs et humides malgré le degré avancé
d'érosion et dans les savanes en jachère. Les caprins souffrent
généralement de parasites externes et internes.
Cependant, le disfonctionnement des coopératives et
l'inexistence de matériels adéquats et modernes sont autant de
facteurs qui expliquent le blocage de cette branche d'activité et en
grande partie son sous-développement.
En fait, la pêche représente l'une des
principales activités productives de la commune après le commerce
et l'élevage. Pour s'aventurer en mer, les pêcheurs prennent des
embarcations mal adaptées tels que des bois fouillés et des
canots dépourvus de moteurs. Pour la capture, ils utilisent les
trémails, filets, nasses, lignes, sennes et éperviers. Ces
matériels sont très archaïques et n'arrivent pas à
fournir le rendement escompté.
Ajoutés à cela, les eaux pauvres en
éléments nutritifs connaissent un faible développement des
espèces et en conséquence sont d'une faible
productivité.
La commercialisation des produits reste un handicap majeur
pour le progrès économique des pêcheurs. Il n'existe pas de
marché proprement dit à Jean Rabel pour la vente des produits
halieutiques. En effet, dépourvus de moyens de conservation
(électricité, congélateur, chambre froide, groupe
électrogène,...), ils sont obligés de vendre à
faible prix soit à des intermédiaires
délégués par les exportateurs soit à des marchands
locaux ou entre autre de pratiquer le séchage qui est d'ailleurs la
forme la plus pratiquée. Ils confrontent aussi des problèmes de
manque de formation et d'approvisionnement en matériel de travail.
Malgré la grande diversité de la faune marine et
les nombreux sites de pêches, le problème de la pêche est
surtout lié à un manque d'organisation, de financement et du
caractère archaïque des instruments utilisés.
Le secteur secondaire est peu développé et est
pratiquement inexistant. Il n'existe pas d'activités agro-industrielles
importantes dans la commune. Seule la petite industrie est présente et
relativement dynamique. Le nombre de produits destinés aux petites
industries est plutôt faible, étant donné que ce secteur
est encore au stade embryonnaire. Les denrées faisant réellement
l'objet de conditionnement et de transformation sont surtout les
céréales (maïs, riz), le manioc et le latanier.
La majorité des unités de transformation est
constituée de boulangerie et les moulins de maïs occupent la
deuxième place.
Des difficultés de fonctionnement liées
à l'indisponibilité de l'énergie et surtout à
l'approvisionnement en pièces de rechange auraient forcés
certaines unités à travailler au ralenti et présente une
contrainte majeure quand au développement des activités
industrielles.
Malgré l'existence de matières premières
(lataniers, bambous, calebasse,...) l'artisanat est très peu
développé. Cela tient surtout à la pénurie des
capitaux, à la déficience des infrastructures
(électricité, communication, route pour acheminer les produits
vers d'autres régions) et à l'absence d'investisseurs potentiels.
Cependant, certains artisans besogneux se consacrent avec habilité
à la confection de paniers, de chapeaux, d'objets en terre cuite qu'on
trouve sur les marchés. Toutefois, ces activités restent
l'initiative de particuliers et ne reçoivent aucune aide.
Le secteur tertiaire, second en importance, est dominé
par le petit commerce. En effet, le commerce, la principale activité de
la commune a connu un fort ralentissement. Ceci s'explique surtout par le quasi
inexistence et le mauvais état des routes reliant la région au
reste du département. Le problème de circulation des produits
d'un endroit à un autre désavantage énormément les
relations commerciales de la commune au reste du département. De ce
fait, les difficultés de transport constituent un frein énorme
dans le développement du commerce et influent dans une proportion
importante sur les prix de vente au détail. L'activité
commerciale gravite surtout autour des Gonaïves (Artibonite) et de
Port-au-Prince. Les intermédiaires en profitent grandement. La
dépendance des paysans par rapport aux spéculateurs, le manque de
déboucher pour les produits et l'absence de coopératives
agricoles confine les paysans dans l'autosubsistance. Cette situation facilite
la hausse des prix de certains produits (périssables) et contribuent
à la chèreté de la vie que connaît la commune.
Le commerce, interne dans l'ensemble, se fait surtout au
niveau des marchés publics. Mais le problème de l'emploi motive
presque toute la population active à intégrer ce secteur. Par
manque d'espace approprié, l'étalage des produits se fait
à travers les rues les plus fréquentées9(*) ; ce qui crée des
nuisances considérables à la circulation.
L'infrastructure sociale (sanitaire, scolaire) souffre du
manque d'équipements et de personnels.
Les carences en matière de santé proviennent
directement des conditions de vie souvent médiocres où la
pauvreté, l'insalubrité et la malnutrition sont le lot de bien
des adultes et d'enfants non-vaccinés. Les maladies infectieuses et
parasitaires pullulent dans certaines localités de la commune où
la population vit dans une promiscuité qui rend difficile le respect des
principes les plus élémentaires d'hygiène.
De ce fait, le mauvais état de santé est
flagrant au niveau de la commune qui compte un nombre de médecins
nettement insignifiant. Les dispensaires sans lits représentent dans les
sections rurales les seuls établissements publics de santé qui
dispensent des soins à la population. Ces établissements ont
généralement à leur tête une aide infirmière
dont les limitations, en fait de connaissances médicales, sont assez
connues ; d'où l'impossibilité parfois de traiter sur place
certaines maladies bénignes. De plus, ces établissements sont
généralement sous-équipés en matière de
matériel médical. D'ailleurs, la ville qui est supposée
approvisionner les sections rurales ou suppléer à leur carence,
est parfois privée des équipements les plus
élémentaires. Par exemple, beaucoup d'établissements de
santé ne disposent pas d'un cathéter et d'un
réfrigérateur pour conserver les vaccins. La situation est donc
grave dans les sections rurales où les problèmes sont
réellement plus aigus.
Toutes ces carences ont eu pour effet de favoriser le
développement de la médecine traditionnelle qui a encore la
faveur d'une fraction importante de la population. Sans vouloir nier ses
mérites, il convient de reconnaître que cette médecine est
incapable de faire face à la complexité de certains cas de
maladies qui requièrent des connaissances et des techniques plus
appropriées. Ainsi, bon nombre de décès sont souvent dus
aux manoeuvres de certains « médecins-feuilles » ou
charlatans qui, pourtant, sont tolérés dans le milieu et
continuent même à donner des soins.
Les transformations sociales et mentales conditionnent tout
processus de développement et découlent d'une éducation
équilibrée et bien orientée. A cet égard, qu'en
est-il de la situation éducationnelle de la commune ?
Les faiblesses en matière d'éducation des
paysans proviennent directement du faible moyen économique des parents,
où la pauvreté leur rend fort difficile l'accès aux
établissements scolaires comme aux autres services sociaux. Les enfants
des familles très pauvres n'ont en général pas
accès à l'école. D'une part, leurs parents ne disposent
pas de revenus suffisants pour faire face aux frais occasionnés par une
scolarisation. D'autre part, la discipline scolaire exige par elle-même
assiduité, ponctualité, propreté, voire le port d'un
uniforme. En outre, les inscriptions scolaires se font à 6 ou 7
ans ; or, à cet âge, les enfants très pauvres sont
amenés à soutenir leur famille en rendant de petits
services : ils travaillent aux champs, vont vendre au marché ;
sont placés comme domestiques. De ce fait, l'analphabétisme
pullule dans toutes les localités de la commune où l'insuffisance
d'établissements publics et l'éloignement des écoles
encouragent la non-scolarisation des enfants.
Aux problèmes économiques des parents, viennent
s'ajouter une faiblesse quasi générale de l'offre
d'éducation. En dehors, du nombre très restreint d'écoles
publiques existant, la majorité des écoles fonctionne dans des
maisons ne respectant aucune norme. Les locaux des établissements
scolaires sont en mauvais état.
Par ailleurs, bon nombre de ces écoles ne sont pas
clôturées et sont dépourvus de structures sanitaires de
première nécessité comme eau potable et latrines, de
matériels pédagogiques (manuels, cartes), de fournitures
(cahiers, craies, crayons, plumes) et de mobilier (bancs, buffets, bureaux,
chaises,...), et fonctionnent sans cour de récréation, sans
aucune bibliothèque etc.
De plus, la compétence des professeurs laisserait
à désirer. Les instituteurs sont en grande majorité pas
qualifiés, ils n'ont reçu aucune formation pédagogique et
ceux qui le sont, sont confrontés à des problèmes de
salaires qui les encouragent à l'absentéisme et à ne pas
tout donner d'eux-mêmes. La plupart des enseignants ont en
général le baccalauréat 1er et 2ème partie.
Beaucoup d'autres n'ont même pas le Certificat d'études primaires
et enseignent dans les institutions primaires.
Toutes ces faiblesses ont pour effet d'encourager la
non-scolarisation des enfants et plus particulièrement d'accroître
le taux d'analphabétisme de la population de la commune. Ainsi, il
convient de signaler que le manque d'éducation des paysans ralenti
considérablement leur progrès économique et social.
Le problème de l'eau potable est un autre handicap
dans le processus de développement de la communauté. En effet, la
majorité des sections communales continuent à s'approvisionner
à partir des sources ou des puits, avec les multiples
conséquences qui peuvent en résulter : risques de maladies
intestinales, approvisionnement à longue distance...
Seule la ville est électrifiée pendant quelques
heures par un moteur électrique géré par une Mission, ce
qui ne favorise pas le développement de l'industrie et de
l'artisanat ; ce qui constitue un handicap majeure dans le processus de
développement de la commune.
L'organisation rationnelle et systématique des
loisirs, surtout dans les endroits reculés du pays, représente
l'une de nos principales faiblesses. Or, nul n'ignore la fonction et le pouvoir
des divertissements sains dans la vie sociale. Quel est, à ce sujet,
l'état de la situation dans la commune de Jean Rabel ? Ce qui est
d'abord évident, c'est le peu de variétés offertes dans ce
domaine. Les combats de coqs représentent, de loin, la plus importante
activité récréative de la commune et drainent une
assistance toujours nombreuse. Les gaguères fonctionnent, à peu
près, tous les jours. Cependant, cet horaire anarchique
démobilise trop souvent de nombreux bras dont l'engagement dans les
activités de production aurait été plus
bénéfique à l'essor de la commune. Également,
à Jean Rabel, comme partout dans le pays, le foot-ball suscite beaucoup
d'intérêt. Mais les pratiquants du ballon rond profitent surtout
des grandes vacances d'Été pour se livrer à des parties
très animées, disputées par les équipes de
quartiers.
Nombreux sont ceux qui aiment la musique et la danse. Ils
raffolent soit de la musique enregistrée, soit de celle
orchestrée par les musiciens locales qui se perfoment souvent dans les
night-clubs de la commune.
D'autre part, les divertissements sont enrichis par les
programmes de la radio locale et des radios qui émettent des communes
avoisinantes, de Port-au-Prince ou de l'étranger. Il faut signaler que
la commune est pourvue de trois bibliothèques, d'une salle de
théâtre et de deux salles de cinéma par système
vidéographique. Par ailleurs, elle n'est dotée d'aucune
musée, de place publique, de monument et site et de temple notoire du
vodou.
1.2. Théorie et concept
Pour appréhender la pauvreté sous tous ses
aspects, nous avons jugé nécessaire de présenter ses
aspects théoriques ainsi que son cadre conceptuel.
1.2.1. Aspects Théoriques
Jean Rabel est la commune la plus pauvre du département
du Nord-Ouest et l'une des communes les plus pauvres du pays. En effet, plus de
la moitié de sa population vit en dessous de la ligne de pauvreté
extrême de 1 US $ par personne et par jour, et plus des trois quarts en
dessous du seuil de pauvreté de 2 US $.
Parallèlement, la production agricole est faible et
très aléatoire du fait de la faible maîtrise de l'eau de
surface et des pratiques productives destructrices pour le milieu. La commune
est structurellement déficitaire en productions alimentaires et n'offre
par ailleurs que peu d'opportunités pour la recherche de
stratégie alternative de survie.
Il faut également souligner que les indicateurs sociaux
indiquent que la commune fait face à un accès très
précaire en services sociaux de base tels que l'éducation, la
santé, l'eau courante et l'assainissement. Par exemple : au niveau
de la santé, l'espérance de vie à la naissance est de 57
ans, les taux de mortalités sont généralement très
élevés. Par ailleurs, la population fait face à une faible
consommation de calories et de protéines, car elles ont difficilement
accès aux zones de bonnes productions. A peine 20% des enfants
démunis ont accès à une éducation gratuite et plus
de la moitié de la population des plus de 15 ans est analphabète
(55%)10(*).
L'analyse spatiale de la pauvreté démontre que
la pauvreté est d'abord et avant tout un phénomène rural.
Contrairement à d'autres régions où le critère de
pauvreté rurale est l'inaccessibilité à la
propriété, pour les ménages ruraux de la commune,
l'accès à la terre (le bien le plus important du paysan) n'est
pas le facteur de blocage de son développement. Le principal
élément de blocage est la taille des exploitations et l'absence
des autres facteurs de production comme le capital et la technologie.
Les deux principales sources de revenus des ménages
ruraux sont la production agricole et le commerce. Et depuis quelques
années, la partie qui revient aux activités agricoles diminue
sans que pour autant l'apport du commerce augmente.
En résumé, les pauvres ruraux de la commune
subissent toute une série de contraintes qui limitent leur
développement telles que : un environnement dégradé
qui compromet la production agricole, des infrastructures
délabrées ou non existantes, des droits de
propriétés mal définis et un manque de mécanismes
de résolution de conflits fonciers, un faible accès au
crédit en général, un appauvrissement des terres les
rendant moins fertiles, et de plus en plus parcellisées, et en
définitive, une mauvaise répartition des besoins essentiels
ajouté à un manque d'opportunités ou d'alternatives. Cette
persistance du niveau élevé de la pauvreté dans les
sections a contribué grandement à une croissance
démographique rapide et à une migration importante vers
Port-de-Paix, Port-au-Prince, Gonaïves, Saint-Marc, Mare-Rouge,
Anse-Rouge, USA, République Dominicaine, Grentock et le Canada.
L'incidence de la pauvreté varie
considérablement selon les sections et est nettement plus importante
dans certaines localités que d'autres. Ainsi, les populations rurales de
certaines localités et habitations manquent non seulement de revenu,
mais elles sont dépourvues d'un manque de structures. Les pauvres ruraux
de ces localités et habitations vivent uniquement de leurs biens le plus
important la terre. Mais la taille des exploitations, l'absence d'encadrement
technique, la situation sanitaire rend négligeable et insignifiant tout
effort de développement de la productivité et d'augmentation de
la production. Soumise à des aléas de toute nature pour survivre,
elle se voit obliger de détruire son propre environnement. Cette
tendance encourage le déboisement et généralement la
détérioration des ressources naturelles (eau, sol, forêt).
Par ailleurs, le taux de productivité des paysans infère un
accroissement de la population qui augmente la charge sur les surfaces
cultivables et, donc, provoque la décadence de la production agricole.
Il s'ensuit une chute continue de l'économie de la commune et
l'engloutissement des paysans dans une misère effarante.
Vu l'état dégradant de la situation, nous
aborderons des méthodes de quantification de la pauvreté afin de
mieux cerner la question.
1.2.1.1. Méthodes de quantification de la
pauvreté
Combattre efficacement la pauvreté c'est, d'abord et
surtout, se donner les moyens de cerner ses contours et ses fondements. Et,
pour ce faire, il faut recourir aux méthodes de quantification de la
pauvreté.
1.2.1.2. Mesures statistiques de la pauvreté
La première difficulté d'évaluation et de
quantification du phénomène provient de l'ambiguïté
même de la notion de pauvreté. Depuis les débuts de
l'appréciation chiffrée de la pauvreté qui remonte aux
travaux de Boots (1889-92 : Londres) et Rowntree (1901 : New-York),
l'essence de ces recherches a toujours été de définir un
seuil de pauvreté qui sépare les pauvres des non pauvres. Les
débats autour de cette question ont maintenu le même objectif,
c'est-à-dire obtenir des normes permettant de distinguer les pauvres des
non pauvres. Depuis environ six ans, un certain nombre d'enquêtes et
d'études ont été réalisées en Haiti sur
différents aspects de la problématique de la pauvreté
monétaire et non monétaire. Elles proposent une mesure de la
pauvreté (Pedersen/FAFO, Montas 2002, Accion 2003). En dépit des
difficultés de mesure, la comparaison dans le temps de l'incidence de la
pauvreté monétaire a constitué un autre angle d'approche
en vue de mesurer les efforts accomplis. A cet effet, les enquêtes de
l'Institut Haitien de Statistique et d'Informatique sur le budget des
ménages a été mis à contribution (Pedersen/FAFO,
Montas 2002, Accion 2003). Prises collectivement, elles proposent aussi un
tableau actuel de la situation des ménages pauvres sur les plans
économique, démographique, nutritionnel et sanitaire (Banque
Mondiale 1998, IHSI 2000 et 2001, CNSA 2002, PNUD 2002) et du point de vue de
leur répartition sur le territoire. Sur le plan spatial, le
Ministère de la Planification et de la Coopération Externe a
présenté en janvier 2002 une version provisoire d'une carte
d'accès aux services collectifs intitulé « Carte de
Pauvreté ». Une série d'études
élaborées sur la base d'enquêtes dans le cadre d'une
récente initiative de l'IHSI et du PNUD sur les statistiques sociales,
proposent un profil des ménages pauvres et du phénomène de
la pauvreté en Haïti (IHSI 2003), ainsi qu'une analyse qualitative
et quantitative sur les perceptions de la pauvreté par la population
elle-même. En 2004, le ministère de la planification et de la
coopération externe a publié une autre version du
« Carte de pauvreté ».
1.2.1.3. Critères d'identification des pauvres
D'après le lexique d'économie
« Dalloz, 7 édition 2002, p.499 » la notion de
pauvreté est liée à la non satisfaction des
« besoins ». Il est facile, en théorie, de dire que
la pauvreté rurale est un fléau qu'il faut éliminer. Il
n'est pas si simple d'identifier les pauvres ni d'évaluer le nombre
véritable de pauvres qui existe. Ainsi, pour identifier les pauvres,
trois approches sont généralement proposés : la
méthode directe, la méthode basée sur le revenu et une
combinaison de ces deux.
La méthode directe consiste à
identifier tous ceux-là dont la consommation effective laisse
insatisfaite quelques nécessités basiques. Ainsi, par exemple,
les niveaux actuels de satisfaction en matière de calories sont tels que
48% des personnes n'atteignent pas le niveau minimal de la quantité
nécessaire.
La méthode des revenus :
l'utilisation du revenu monétaire à des fins
d'identifier et de mesurer la pauvreté date de très longtemps.
C'est aussi la méthode la plus couramment utilisée, tant et si
bien qu'elle est devenue le cheval de bataille de ceux qui favorisent une
approche économique et quantitative du problème. Elle consiste
à calculer un revenu minimum nécessaire pour satisfaire les
besoins primaires. Ce revenu une fois déterminé constituera le
seuil de pauvreté. Seront alors considérés comme pauvres
tous ceux-la dont le revenu est inférieur à ce niveau. En
dépit des sous-estimations attachées à l'application de
cette méthode, elle présente néanmoins l'avantage
d'indiquer le nombre minimum de personnes qui n'ont pas la capacité de
subvenir adéquatement à leurs besoins à partir du revenu
disponible.
1.2.1.4. Seuils de pauvreté
Le seuil de pauvreté est l'instrument de mesure
utilisé pour évaluer le bien-être et déterminer qui
est pauvre et qui ne l'est pas. Les individus sont considérés
comme pauvres lorsque leur niveau de vie tel qu'il a été
mesuré (généralement en fonction du revenu ou de la
consommation) est inférieur à un plancher acceptable. Le seuil de
pauvreté est essentiellement défini comme la valeur du revenu ou
de la consommation nécessaire pour assurer le niveau minimum
d'alimentation et d'autres besoins. Ainsi, on distingue trois seuils de
pauvreté : la pauvreté absolue, la pauvreté relative
et une combinaison des deux.
La pauvreté absolue est un seuil de
pauvreté fixé à partir d'un panier de biens de
consommation nécessaires à la stricte reproduction des individus
(ou des ménages). Elle définit un modèle de subsistance
minimale en termes de nutrition, logement, santé, habillement et autres
nécessités considérées comme basiques. Le revenu
considéré comme nécessaire pour soutenir ce mode de vie
minimal constitue le seuil de pauvreté absolue. A titre de guide, les
pondérations des différents postes de consommation (IHSI) du pays
par milieu donnent :
- pour l'Aire Métropolitaine : Alimentation,
Boissons et Tabacs (32.8%), Habillement et Chaussures (5.8%), Logement (18.4%),
Education (3.7%), Santé (3.2%), Transport (15.1%), Loisirs et Culture
(1.3%).
- en milieu rural : Alimentation, Boissons et Tabacs
(55.6%), Habillement et Chaussures (7.5%), Logement (14.2%), Education (2.7%),
Santé (3.2%), Transport (2.4%), Loisirs et Culture (0.7%).
- en milieu urbain : Alimentation, Boissons et Tabacs
(41.2%), Habillement et Chaussures (8.8%), Logement (17.6%), Education (3.7%),
Santé (3.6%), Transport (3.4%), Loisirs et Culture (1.1%).
Pour l'ensemble du pays, en 2004, les pondérations des
différents postes de consommation donnent :
- Alimentation, boissons et tabacs (49.42%) ; Habillement
et tissus, chaussures (8.48%) ; Loyer du logement, énergie et eau
(9.08%) ; Aménagement et entretien du logement (4.96%) ;
Santé (3.21%) ; Transport (8.72%) ; Loisirs, spectacles,
enseignement et culture (7.19%) ; Autres biens et services (8.94%).
En utilisant l'approche de la pauvreté absolue, le PNUD
a pu déterminer en 2003 pour Haïti un pourcentage de 76% des
personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté dans le pays avec
respectivement 82% en milieu rural et 55% en milieu urbain. En l'absence de
possibilité matérielle de réévaluer ces
statistiques aujourd'hui, ces données sont retenues comme de simples
ordres de grandeur pour dimensionner l'envergure de toute solution à
apporter aux problèmes de pauvreté.
Par ailleurs, selon les approches de la CEPAL, les indigents
sont ceux-là dont le revenu ne permet pas de subvenir aux simples
besoins nutritionnels. La détermination de ces types de besoin se fait
à partir d'enquête réalisée auprès d'un
échantillon de familles non pauvres en vue d'obtenir les aliments
achetés avec la plus grande fréquence. Ensuite on élabore
une liste des prix minimums pratiqués pour ces différents
biens.
En fonction de l'actuel panier de produits retenus par l'IHSI
et la BRH pour le calcul du coût de la vie, on peut sélectionner
leur coût moyen en gourde par unité, en décembre
2004 : riz (livre : 18.03 gourdes), maïs moulu (livre :
11.99 gourdes), farine de blé (livre : 17.44 gourdes), pain
(livre : 13.08 gourdes), viande de boeuf (livre : 44.84 gourdes),
viande de cabri (livre : 59.10 gourdes), poulets (livre : 61.07
gourdes), poissons frais (livre : 67.33 gourdes), lait
évaporé non sucré (boîte de 6 oz : 19.19
gourdes), huile (gallon : 190.10 gourdes), banane (livre : 6.64
gourdes), pois sec (livre : 19.27 gourdes), sucre (livre : 15.77
gourdes), cola (bouteille de 33 cl : 12.65 gourdes), savon de toilette
(140 gr : 20.01 gourdes), savon de lessive (barre : 10.95 gourdes),
charbon de bois (« gros sac » : 250.24 gourdes).
Face à la difficulté de chiffrer la
quantité exacte requise pour ces produits selon les normes
diététiques, une autre démarche a consisté à
appliquer la proportion nationale des dépenses de consommation (84.3%)
au revenu par tête pour ensuite déterminer la proportion des
Haïtiens dont les revenus sont situés en dessous de cette valeur.
En termes de revenus annuels par personne, le seuil d'indigence a
été estimé à 2681 gourdes et le seuil de
pauvreté à 5362 gourdes en 2004. Malgré les faiblesses
d'une telle donnée, elle permet aux décideurs de disposer au
moins d'un ordre de grandeur basé sur les statistiques officielles face
à tout aspect d'un programme de lutte contre la pauvreté
focalisée sur les besoins essentiels de la population cible.
La pauvreté relative tient compte de
la distribution effective des niveaux de vie (découlant des revenus
déclarés). Elle considère de manière explicite
l'interdépendance existant entre le seuil de pauvreté et la
distribution de revenu. L'application la plus simple et la plus connue de cette
approche consiste à retenir comme seuil de pauvreté le niveau de
revenu qui sépare les 20 ou 40% les plus pauvres du reste de la
population. La faiblesse de ce critère est de faire apparaître un
pourcentage constant et permanent de pauvres.
En utilisant les données de la distribution de revenus
non agricoles de l'Enquête Budget-Consommation des Ménages
(1999-2000 : EBCM/IHSI) il est permis de voir que les 20% et 40% des
ménages les plus pauvres totalisent des revenus qui représentent
respectivement 0.3% et 3% de l'ensemble du pays. Il est à noter qu'en
1999-2000, le revenu per capita en gourdes courantes fut d'une valeur de
8536,6.
Si l'on applique ce seuil à chacun des milieux de
résidence, il apparaît que près de 40% des ménages
du milieu rural sont pauvres contre respectivement 3.0% et 18.1% dans la
capitale et dans les autres villes de province.
En fait, le milieu rural est doublement
défavorisé : outre la forte incidence de la pauvreté
relative observée, l'immense majorité des ménages pauvres
résident en milieu rural (89.6%) contre respectivement 1.7% et 8.7%
vivant dans l'Aire Métropolitaine et les autres villes.
Enfin, si l'on prend le seuil de pauvreté relative de
l'ensemble du pays comme seuil unique, on note que le milieu rural est, une
fois de plus, le lieu où l'on échappe le moins à la
pauvreté.
La troisième approche, la mesure de
base pour comptabiliser le nombre de pauvres, consiste à fixer un seuil
en tant que pourcentage du revenu moyen de la population. En fonction de ce
calcul, plus la distribution de revenu est équitable, moins nombreux
sont les pauvres. L'indice de GINI obtenu à partir de
ces mêmes données de l'EBCM/IHSI a
révélé pour Haïti un coefficient de 0.63 pour tout le
pays, ce qui correspond à une très forte concentration, donc
à une grande inégalité des revenus.
La méthode du seuil de pauvreté est
intéressante, car elle donne une image assez rapide et vivante du
phénomène.
1.2.1.5. Utilité des mesures de la pauvreté
Les statistiques de la pauvreté peuvent servir à
différents niveaux. Si l'objectif est de chiffrer les niveaux de
bien-être, on peut se baser sur le revenu per capita (actuellement autour
de $390 US pour Haïti) et l'analyse de ce qu'un tel revenu permet
d'acquérir sur le marché. Si cette évaluation est
effectuée dans une perspective de lutte contre la pauvreté, la
teneur des informations sera très utile par rapport aux besoins
d'évaluation d'impact des programmes élaborés en ce sens.
Les statistiques réunies avant et après ces réalisations
permettront de déceler les niveaux de satisfaction atteints et de
préciser l'incidence des facteurs négatifs ou positifs ayant
influencé le déroulement du programme. Ce volume d'informations
que tout participant pourra emmagasiner et interpréter (grâce
à l'aspect chiffré) aura l'utilité de constituer une
référence très pratique lors de programmes similaires
à venir.
1.2.2. Les Concepts
Les concepts sont dans un sujet ce que les mots sont dans une
expression. Ils sont d'une importance capitale, et exigent une
compréhension exacte dans tout travail. Ainsi, il convient de
définir les concepts clés de notre étude :
pauvreté, lutte contre la pauvreté et développement
rural ; pour une meilleure appréhension du
phénomène.
1.2.2.1. Définition des concepts
1.2.2.1.1. Le concept de pauvreté
De beaucoup de points de vue, la pauvreté est si
manifeste que l'on n'a pas besoin de concepts bien pensés, ni de
théories élaborées pour pouvoir la comprendre et la
reconnaître en sa réalité brutale. Pourtant, tout n'est pas
si simple que l'on puisse renoncer à des réflexions conceptuelles
et théoriques. Celles-ci sont inévitables si l'on doit saisir ce
qu'est la pauvreté, l'analyser plus précisément pour
ensuite la combattre efficacement.
Comme le montre son histoire, la pauvreté était
et est encore un problème extraordinairement complexe et
multi-dimensionnel, présentant non seulement des aspects
économiques, mais aussi des aspects politiques, socioculturels,
écologiques et bien d'autres11(*).
Afin de bien cerner le concept, il est important de se
référer à l'origine gréco-latine du terme
« pauvre ». Sa racine latine est
« pauper » qui signifie peu ou petit, et qui en
elle-même est proche du mot grec « peina » qui
signifie la faim. La traduction grecque du mot
« pauvreté » est aporia qui signifie absence de
chemin. En combinant les deux origines, nous aboutissons à une double
conception de la pauvreté : c'est une notion, à la fois
quantitative, en ce sens que la quantité des besoins fondamentaux pour
assurer la reproduction physiologique est insuffisante et, qualitative, en ce
sens que la qualité est peu fiable et elle traduit aussi l'idée
de celui ou celle qui ne peut trouver son chemin.
En faite, la signification essentielle du mot pauvreté
est la carence de quelque chose jugé nécessaire ou entre autre le
manque de ressources matérielles nécessaires, que celles-ci
soient mesurées en termes de quantités ou de qualités.
La pauvreté est donc un phénomène qui
doit être traité avec un très grand sérieux, mais en
prenant garde de ne pas verser dans le désespoir, car c'est un fait,
nous pouvons et nous devons travailler, dans une première étape,
à la réduire et, dans le long terme, à l'éliminer
du corps social.
1.2.2.1.2. Le concept de lutte contre la pauvreté
La lutte contre la pauvreté est l'ensemble des mesures
prises pour éradiquer ou du moins réduire la pauvreté tant
du point de son niveau que du nombre de personnes touchées. Elle
implique des outils efficaces de suivi ainsi qu'une approche holistique
susceptible de prendre en compte ses racines historiques12(*).
1.2.2.1.3. Le concept de développement rural
A l'occasion d'une réunion tenue en Afrique de l'Ouest,
en 1970, sous les auspices de l'UNESCO, le développement rural a
été défini comme « le processus par lequel
l'introduction d'une série de changements quantitatifs dans une
population rurale donnée permet d'améliorer les conditions de vie
de ses habitants grâce à un accroissement de la capacité de
production »13(*).
La Banque Mondiale, de son côté, définit
le développement rural comme « une stratégie de
croissance qui s'adresse à une catégorie de population
particulière, à savoir, celle des pauvres ruraux. Il implique
l'extention de moyens d'existence dans les campagnes, c'est-à-dire aux
petits agriculteurs, aux métayers, à ceux qui n'ont pas de
terre »14(*).
En fait, nous ne considérons que ces définitions
car elle présente une caractéristique commune qui peut être
résumée ainsi : « le développement rural,
ce sont des mesures apportant des changements quantitatifs et qualitatifs au
sein d'une population rurale, en vue de répondre à ses besoins
essentiels, d'améliorer son bien-être et d'engendrer un processus
autonome de développement »15(*). Il demeure entendu que pour assurer la
disponibilité et l'irréversibilité du processus de
développement, ce dernier postule un changement de structure.
Afin de comprendre pleinement leur situation
désastreuse, et l'urgence de l'aide qu'il faut leur apporter en vue de
trouver une solution durable à leur problème, nous chercherons
à déterminer dans le chapitre suivant les diverses dimensions,
les formes, les facteurs et les caractéristiques de la pauvreté
rurale.
CHAPITRE II
2. Les dimensions, les
formes, les facteurs et les caractéristiques de la pauvreté
2.1 Les diverses
dimensions de la pauvreté
Nombreux sont ceux qui affirment aujourd'hui que la
pauvreté est multidimensionnelle, qu'elle touche tous les aspects de la
vie - économiques, politiques, humains et socioculturels - et qu'elle se
caractérise non seulement par le manque de perspectives
économiques, mais aussi par l'insécurité, la
vulnérabilité et l'impuissance.
Habituellement, la pauvreté est comprise d'abord comme
le manque des biens matériels de base nécessaires pour la vie.
Les pauvres ne peuvent pas se nourrir, se loger, s'éduquer ni se soigner
convenablement et n'ont par conséquent aucune possibilité
d'épanouissement personnel. Ils sont aussi extrêmement
exposés aux maladies, aux bouleversements économiques et aux
catastrophes naturelles. Enfin, ils sont souvent maltraités par les
institutions de l'État et de la société et n'ont aucune
influence sur les grandes décisions qui modèlent leur existence.
Tous ces handicaps représentent chacun une dimension de la
pauvreté.
Par ailleurs, ces différentes dimensions de la
pauvreté sont en interaction constante. De même, les interventions
qui visent à améliorer le bien-être des pauvres agissent
les unes sur les autres. Ainsi, les progrès de l'éducation
influent positivement sur la santé. L'amélioration de la
santé accroît les potentialités de revenu. La mise en place
de dispositifs de sécurité permet aux pauvres d'entreprendre des
activités plus risquées, mais aussi plus rentables. Enfin,
l'élimination de la discrimination envers les femmes, les
minorités ethniques et les autres groupes désavantagés
améliorent directement leur bien-être, tout en accroissant leur
capacité de revenu.
L'approche multidimentionnelle nous permet de mieux saisir les
causes de la pauvreté et, par là, multiplie les aires d'action et
les politiques publiques susceptibles d'avoir un impact sur elle.
2.2 Les formes de
pauvreté
Maintenant que nous avons identifié ses diverses
dimensions, tournons-nous vers les différentes formes que peut
revêtir la pauvreté16(*):
Ø La pauvreté relative, envisagée par
rapport à un niveau de bien-être admis comme normal au sein d'une
société donnée. Ce terme est souvent utilisé comme
équivalent approximatif de pauvreté générale;
Ø La pauvreté est considérée,
d'une manière absolue, comme l'incapacité d'atteindre un niveau
de vie minimum adéquat. Le niveau de vie est mesuré par le niveau
de consommation privée, et sont considérées comme pauvres
les personnes qui vivent en dessous des seuils internationaux de
pauvreté de 1 dollar par jour et de 2 dollars par jour;
Ø La pauvreté de masse, liée aux
conditions géophysiques et économique d'un groupe social ou d'une
communauté donnée;
Ø La pauvreté extrême, état absolu
de dénuement, d'indigence ou de misère, de privation et
d'isolement, par quoi l'on entend généralement
l'incapacité de satisfaire les besoins alimentaires minimaux;
Ø La pauvreté structurelle est celle qui touche
des familles, des foyers, de génération en
génération;
Ø La pauvreté conjoncturelle est celle
provoquée par un événement imprévu, une catastrophe
naturelle ou autre;
Ø La pauvreté humaine est
considérée comme une manque de capacités humaines
essentielles, comme de savoir lire et écrire et d'être
correctement nourri;
Ø La nouvelle pauvreté désigne une
rupture brutale du niveau de revenu; elle touche des familles qui sont
normalement insérée dans la structure sociale, mais qui se trouve
prise dans un processus d'exclusion progressive.
2.3 Les
facteurs de la pauvreté rurale
La pauvreté rurale tient à divers facteurs:
l'augmentation de la population rurale, la lente expansion de l'agriculture, la
dégradation des terres cultivées, la détérioration
des ressources naturelles, l'inégalité de la répartition
des terres, le fractionnement des petites exploitations agricoles, les effets
indirects de la modernisation et de la technicisation de l'agriculture, et
l'urbanisation.
De plus, la situation des pauvres des régions rurales
est encore aggravée par la rareté ou l'inexistence des services
publics élémentaires: éducation, assistance
médicale, approvisionnement en eau potable, voirie,
électricité, etc.; à cela s'ajoute la carence ou le
défaut de l'infrastructure physique rurale: routes et autres moyens de
communication.
Parmi les facteurs qui ont contribué à empirer
la situation de pauvreté et de misère de la population rurale, il
convient également de mentionner la fréquence des
désastres naturels. Parmi les exemples récents de
désastres importants on peut citer les inondations, la
sécheresse, les ouragans et les tremblements de terre.
Ce bref aperçu peut donner une idée de
l'ampleur des dommages causés par les catastrophes naturelles qui ont
non seulement détruit les cultures, le bétail et les logements,
mais entraîné également des pertes de vies humaines,
condamné à la faim et à l'exode des milliers de paysans et
laissé des séquelles qui n'ont pas encore été
effacées.
Tous ces facteurs aggravent le chômage et la
pauvreté dans les campagnes et accélèrent les migrations,
aussi bien vers d'autres pays que vers les villes, où beaucoup de
migrants viennent grossir les rangs des chômeurs et des travailleurs
sous-employés et, dans le meilleur des cas, trouvent certains types
d'emplois dans le secteur non structuré.
Ces facteurs ainsi que d'autres que l'on examinera plus tard
aggravent la pauvreté dans les campagnes.
2.4
Caractéristiques de la pauvreté rurale
La mauvaise santé, le manque d'éducation et la
dénutrition sont des caractéristiques fondamentales communes aux
couches pauvres des populations rurales dans tout le territoire national.
Pourtant, même parmi les pauvres, il existe souvent des
différences marquées dans les niveaux de nutrition, de
santé et d'éducation. Pour cette raison, nous examinons ici les
caractéristiques évidentes de la pauvreté. La terre
étant la base de la production vivrière, du revenu et de
l'emploi, et contribuant à donner accès aux services
éducatifs et aux services de santé, le manque de terre et le
régime foncier est lié à ces caractéristiques.
Alimentation et pauvreté
La nourriture étant biologiquement indispensable
à la survie de l'homme, la ration alimentaire est un critère
essentiel pour l'évaluation de la pauvreté. Toutefois, la
dénutrition est plus qu'un simple problème de ressources
vivrières. Les pauvres ne sont tous sous-alimentés, mais les
sous-alimentés sont toujours pauvres. Dans un ménage disposant de
ressources vivrières suffisantes, certains membres peuvent souffrir de
la faim. L'état nutritionnel résulte d'un ensemble complexe de
facteurs alimentaires et autres. Par conséquent, l'état
nutritionnel est lié non seulement au revenu et aux ressources
vivrières mais également à un grand nombre de facteurs
sociaux et écologiques, tels que les possibilités d'accès
aux soins de santé, au logement, à un approvisionnement en eau
potable, à l'hygiène et au combustible. D'après certains
constats, les femmes sont plus exposées à la dénutrition
que les hommes. Les indicateurs les plus évidents de cette
dénutrition chez les femmes adultes sont l'anémie et le poids peu
élevé des nouveaux-nés.
La terre étant le principal facteur productif qui
détermine la répartition du revenu et de ce fait l'accès
à la nourriture dans les zones rurales, il s'ensuit logiquement que
l'alimentation des paysans de ces zones est étroitement liée au
statut foncier et à la dimension de l'exploitation. Cette assertion se
trouve confirmée dans les enquêtes nutritionnelles qui montrent
que la dénutrition est largement concentrée chez les paysans sans
terre, les métayers, les très petits exploitants et les petits
pêcheurs.
Les fluctuations saisonnières de la production
alimentaire représentent un autre facteur de dénutrition, en
particulier chez les paysans sans terre et les petits cultivateurs. Il a
été clairement démontré que dans de nombreuses
zones rurales, la faim s'intensifie au cours des mois précédant
la nouvelle récolte, lorsque les réserves alimentaires sont
maigres, les prix de la nourriture élevés, et que le travail
agricole exige un apport énergétique plus élevé. Au
cours de cette période, les adultes perdent jusqu'à un
dixième de leur poids, les taux de mortalité infantile atteignent
un maximum, et la maladie est répandue. Les familles pauvres et sans
terre dont le chef est une femme, ou celles ayant de nombreux enfants à
charge sont particulièrement vulnérables.
Dans certaines circonstances, il y a
détérioration rapide de l'accès précaire des
paysans pauvres à la nourriture, dont la conséquence
désastreuse est la famine. Les pauvres sont particulièrement
exposés à l'insécurité alimentaire et au risque de
famine, car le peu de ressources dont ils disposent ne leur permet pas de faire
face aux successions d'infortunes ou à une catastrophe exceptionnelle.
De plus, la famine - forme extrême d'insécurité alimentaire
- peut engendrer une pauvreté permanente.
L'insécurité alimentaire implique des carences
réguliers ou des fluctuations temporaires dans l'approvisionnement des
aliments de base nécessaires pour maintenir un niveau de consommation
suffisant. La raison majeure en est généralement une chute de
production due à des catastrophes naturelles ou d'origine humaine. Au
niveau du ménage rural, qui est le principal objet de la présente
étude, cette diminution de la production résulte de mauvaises
récoltes et de pertes de cheptel, d'une hausse des prix des engrais et
des pesticides, cultures commerciales, salaires et services, et d'une
réduction des possibilités d'emploi. Il y a famine lorsque des
déficits vivriers graves, dus à des défaillances de
marché ou de production, aboutissent à une pénurie
générale. Ainsi, les victimes étaient ceux qui disposaient
de peu de ressources et occupaient des emplois mal
rémunérés. Beaucoup de ces victimes, affaiblies par la
dénutrition, meurent de maladies qui se propagent rapidement.
D'après certains constats, même lorsque
l'approvisionnement alimentaire est suffisant, les ménages qui n'ont pas
les ressources suffisantes pour acheter de la nourriture, peuvent mourir de
faim.
La famine peut engendrer ou augmenter la pauvreté
permanente, car ses victimes perdent leurs biens et leurs sources de revenus
par suite de la décimation du cheptel, de la destruction des arbres et
de l'infrastructure physique, de la vente forcée des avoirs en
période de détresse, et des dettes. Il s'ensuit
généralement une augmentation du nombre de personnes vivant
au-dessous du seuil de pauvreté (à moins, toutefois, qu'il n'y
ait un grand nombre de décès parmi les plus faibles).
La relation entre la pauvreté et la nutrition est
claire. La dénutrition est répandue parmi les plus pauvres de la
population rurale et constitue un indicateur évident de leur niveau de
pauvreté. Mais, même parmi ces gens, il y a des différences
marquées dans la ration calorique selon le groupe d'âge et le
sexe, entre les ménages et au sein des familles. En
général, la dénutrition se rencontre le plus souvent chez
les travailleurs sans terre, les communautés de petits pêcheurs et
les femmes. Une autre conclusion est que l'état nutritionnel est
régi par le niveau général de développement
économique. Lorsque des désastres naturels ou d'origine humaine
engendrent soudain des pénuries alimentaires graves, les pauvres sont
les premiers à en souffrir et les premiers à mourir de faim.
Santé et pauvreté
La mauvaise santé est une autre caractéristique
de la pauvreté dans les zones rurales. Elle ôte aux individus une
partie de leur énergie productive, réduit les revenus des
familles et empêche les enfants de tirer pleinement parti des bienfaits
de l'instruction.
De nombreux facteurs sont liés à l'état
de santé, le principal d'entre eux étant la nutrition. Outre
qu'elle fournit les matériaux de construction du corps humain, la
nutrition détermine également l'aptitude de l'individu à
se défendre contre la maladie. Les personnes souffrant de
dénutrition sont donc les plus exposées à tomber malades
ou mourir de maladie. On ne peut en trouver de preuves plus tragiques que le
taux élevé de mortalité due à des maladies telles
que tuberculose, pneumonie, méningite, hépatite et
diarrhée parmi les victimes de récentes famines. La
dénutrition chez les enfants est également associée
à un taux de mortalité élevée provoquée par
des maladies courantes chez les enfants.
La situation sanitaire dans les zones rurales témoigne
que la majorité de la population rurale est loin d'avoir accès au
bien être. Le manque d'hygiène est absolu, général.
Les paysans n'ont, en général, pas accès au centre de
santé à cause de leur faible niveau de revenu. En
général, les centres de santé n'ont pas de personnel
qualifié et d'équipement adéquat. Les paysans des sections
rurales reculées doivent accomplir de longs trajets pour se faire
soigner.
Education et pauvreté
Le manque d'instruction est étroitement lié
à la pauvreté rurale. Les enfants issues des familles pauvres
n'ont en général pas accès à l'école. Ce
triste constat s'explique d'une part par le faible niveau économique des
parents et, d'autre part, par la faible capacité d'accueil des
écoles. Souvent, les coûts d'opportunité sont tels que
l'école, même gratuite, est inabordable pour certaines familles.
Les parents se heurtent au problème que pose l'achat des uniformes, des
livres de classe et autres fournitures.
L'analphabétisme est quasiment général
dans les campagnes. La grande majorité des chefs de ménages ne
savent ni lire ni écrire. Ce qui aggrave leur situation et provoque un
taux plus élevé de mortalité infantile et
juvénile.
Cependant, les écoles des bourgs, et en particulier
les écoles congréganistes, attirent les fils et filles des
paysans un peu aisés. On y voit, chaque année, pour la
rentrée, une affluence considérable, de pressantes
sollicitations, de nombreuses demandes d'inscription qu'il faut rejeter faute
de place.
Enfin, l'école rurale n'est souvent qu'une construction
rudimentaire, dépourvue de tout matériel et incapable de faire
face au besoin de la population.
Jusqu'ici nous avons étudié
séparément chacune des caractéristiques de la
pauvreté. Mais dans la vie des paysans pauvres l'état de
nutrition, de santé et le degré d'instruction sont intimement
liés.
Pour lutter contre la pauvreté, il faut donc
nécessairement prendre en compte l'analyse des processus qui
l'engendrent. De ce fait, pour mieux cerner les aspects particuliers de la
pauvreté dans les sections communales de Jean Rabel, analysons d'abord
les mécanismes qui en sont responsables plus directement.
CHAPITRE III
3. Analyse des facteurs et de la
lutte contre la pauvreté
3.1. Les facteurs
3.1.1. Croissance
Démographique
Jean-Rabel, l'une des communes les plus
denses de la République, la deuxième après Port-de-Paix
dans le Nord-ouest en termes de population a connu un accroissement
démographique exponentiel si l'on fait foi des chiffres disponibles
depuis le premier recensement général de 1950.
La croissance démographique
accélérée, depuis ces dernières années, pose
le problème de la dégradation des conditions de vie de la
population, eu égard à la production agricole qui s'amenuise de
plus en plus et qui, partant, se révèle inapte à
répondre à la demande sans cesse croissante des consommateurs. La
faible productivité agricole, l'absence d'industrialisation, le taux
élevé d'analphabétisme, l'accentuation des
disparités, le chômage endémique, la balance commerciale
déficitaire, le sous-équipement généralisé
sont autant de problèmes inhérents à la nature même
du sous-développement et auxquels doivent faire face les Pouvoirs
Publics, en vue de trouver des solutions satisfaisantes à la
misère de la population.
A-Evolution
Démographique
Tableau 3: Evolution de la population
Année
|
1950
|
1971
|
1982
|
2003
|
Population
|
33372
|
46378
|
75053
|
108738
|
Source: IHSI
De 1950 à 2003, la population de Jean Rabel serait
passée de 33372 habitants à 108738 habitants, soit une
augmentation d'environ 225.8%. Ces chiffres font que la population de la
commune (108738) représente environ 20% de la population totale du
département du Nord-Ouest (531198). Cette population vit en effet sur
une superficie de 484 km²17(*) dont 98% représente son espace rural.
La densité brute de la commune est de l'ordre de 224
habitants / km² (52 en 1950).
Tableau 4: Densités des sections communales de la
commune pour l'année 2003.
Section communale
|
Superficie (km²)
|
Population
|
Densités (hbts/km²)
|
Lacoma
|
136,33
|
27427
|
201
|
Guinaudée
|
104,83
|
22312
|
212
|
Vieille Hatte
|
100,47
|
10250
|
102
|
La Montagne
|
31,73
|
10390
|
327
|
Dessources
|
32,20
|
10815
|
335
|
Grande Source
|
30,64
|
7281
|
237
|
Diondion
|
47,66
|
12522
|
262
|
Bourg
|
1,69*
|
7740
|
4579
|
Total commune
|
484
|
108738
|
224
|
Source: RGPH 4
*En tenant compte des zones périphériques
(Beldorin, Coicou, Roger)
Le taux brut de natalité est actuellement estimé
à 30 pour mille et le taux de mortalité infantile à 91
pour mille dans le milieu rural.
1- La répartition de
la population
La population de Jean Rabel s'est accrue de
1.58% l'an de 1950 à 1971, de 4.47% de 1971 à 1982 et de 1.78% de
1982 à 2003, date du dernier recensement de la population.
Elle se répartit inégalement entre le milieu
rural (92.88%) et le milieu urbain (7.1%). Avec les 92.88% de sa population qui
se concentre dans les zones rurales, la commune de Jean Rabel détient le
pourcentage de population rurale parmi les plus élevés du
pays.
Tableau 5: Accroissement de la population urbaine et
rural de 1950 à 2003
Secteur de Residence
|
Population de Jean Rabel
|
Recensement de 1950
|
Recensement de 1971
|
Recensement de 1982
|
Recensement de 2003
|
Effectif
|
Densité
|
Effectif
|
Densité
|
Effectif
|
Densité
|
Effectif
|
Densité
|
1,58
52 km²
4,47
72 km²
1,78
159.09 km²
|
7740
|
230.49 km²
|
|
|
|
|
|
|
Rural
|
32191
|
44360
|
70822
|
100998
|
Commune entier
|
33372
|
46378
|
75053
|
108738
|
Source: IHSI
Selon le tableau, la population rurale, comparativement
à la population urbaine, n'a connu qu'un léger accroissement de
1982 à 2003 (43%). Ceci s'explique par la forte migration qui
s'opère continuellement des campagnes vers les villes, à cause
des faibles possibilités d'emploi offertes par le milieu rural.
2- Structure de la population
par âge et sexe
D'après les données du
recensement de 2003, l'âge moyen de la population de Jean-Rabel
était de 25,4, l'âge moyen des hommes 25,3 et celui des femmes
25,6. A noter une légère différence entre l'âge des
femmes par rapport à l'âge des hommes ce qui confirme une tendance
mondiale. Le même constat est fait en milieu urbain et rural (voir
tableau ci-dessous).
Tableau 6: Répartition de la population de
Jean-Rabel par sexe en 2003
|
TOTAL
|
HOMMES
|
FEMMES
|
Général
|
108738
|
53497
|
55241
|
% sexe
|
|
49%
|
51%
|
Age moyen
|
25,4
|
25,3
|
25,6
|
Urbain
|
7740
|
3526
|
4214
|
% sexe
|
|
46%
|
54%
|
Age moyen
|
25,0
|
24,5
|
25,4
|
Rural
|
100998
|
49971
|
51207
|
% sexe
|
|
49%
|
51%
|
Age moyen
|
25,5
|
25,4
|
25,6
|
Source: IHSI, RGPH 2003.
B- Les conséquences de
l'accroissement démographique dans la commune
Les causes de l'accroissement
démographique sont assez claires et connues et partant, sans
intérêt pour nous de les évoquer même
brièvement ici. Nous nous limiterons plutôt à en
déterminer les conséquences dans la commune.
1- Le problème des migrations vers
l'etranger (Voir Les mouvements migratoires)
L'accroissement démographique
accéléré et la détérioration des conditions
de vie des paysans de la commune expliquent l'ampleur du mouvement migratoire
vers les pays voisins notamment les USA et la Republique Dominicaine.
2- L'exode rural (Voir Les mouvements
migratoires)
D'une facon générale, la
commune de Jean Rabel se depeuple au profit de Port-au-Prince et d'autres
villes avoisinantes telles que Gonaives et Port-de-Paix.
Ainsi, chaque année, massivement et de façon
incontrolée, les paysans se déplacent vers les villes dans
l'espoir d'y trouver un emploi, de bénéficier d'une meilleure
éducation, ou de changer de situation économique et de monter
dans l'échelle sociale, estimant que la vie rurale est inférieure
à la vie urbaine. Les migrants sont en majorité des paysans sans
terre, en âge de travailler et qui cherchent à survivre et
à échapper à la misère qui sévisse dans les
sections rurales.
3.1.2. Les
mouvements migratoires ou Urbanisation
La dynamique migratoire de la population de Jean Rabel
s'opère suivant trois dimensions d'échange ou de
causalités socioéconomiques. Ces trois dimensions sont
caractérisées par des mouvements internes et externes repartis
suivant cette typologie: a) une migration interne ou intra communale, b) une
migration externe ou extra communale, c) une migration vers l'étranger
ou extra nationale.
a) La migration interne
Beaucoup de déplacements qui se font à
l'intérieur de la commune de Jean Rabel ont leur raison d'être
à cause d'une mauvaise distribution des services sociaux de base, mais
aussi pour des raisons agro-écologiques. La première raison
s'explique surtout par un manque ou absence dans certaines sections, de
services de qualité et adaptés tels que: l'éducation
fondamentale et secondaire. Cet état de fait contraint des habitants des
sections à favoriser l'envoi de leurs enfants aux écoles du
bourg, rarement dans une autre section, dans l'optique de trouver une formation
de qualité, mais souvent dans le but d'avoir accès à une
classe, un niveau d'étude qui n'existe pas dans leur habitation
d'origine. A cet égard, il faut souligner que sur les sept sections
communales de Jean Rabel, seulement trois ont accès au niveau
d'étude secondaire. (Voir secteur éducation)
Les raisons agro-écologiques s'expliquent par le fait
que de manière périodique, des cultivateurs laissent leur zone
d'habitation pour aller s'établir de façon temporaire dans une
autre zone, afin de profiter de leur saison de culture. C'est le cas de
plusieurs habitants: de la première section qui vont vers la 2ème
pour la culture du maïs et du haricot. Les habitants de la 2ème
vers la 1ère pour le sorgho et le haricot; de la 6ème vers Fonds
Ramadou (7ème) et Laplaine (2ème) pour l'arachide, le maïs,
le haricot; de la 3ème vers les 1ère et 2ème pour les
cultures pré-citées; de la 7ème vers la 1ère pour
le sorgho; de la 4ème vers Laplaine (2ème), Fonds Ramadou,
Gros-sable (7ème) pour le haricot, le maïs et l'arachide; de la
5ème (Porrier) vers Bord-de-Mer, Gros-Sable, Fond Bayahonde, Colette
pour la culture du maïs, du haricot et de l'arachide. Ceci
révèle la diversité des terres et des cultures d'une zone
à une autre. Il est à remarquer que la période de
plantation de toutes ces cultures se situe entre septembre et novembre tandis
que les récoltes se font en mars et en avril. Ces migrants, une fois
cette période terminée, reviennent dans leur communauté
initiale. A côté de ces migrations à caractères
temporaires, il y a aussi, celles qui sont plus ou moins définitives
dues à des situations socioéconomiques obligeant une partie assez
importante de la population des sections à s'installer dans la partie
urbaine de la commune, en témoignent les nouveaux quartiers (Nan
Vincent, Morne Pasteur, Beldorin...) dans l'espoir de trouver de meilleures
conditions de vie18(*).
b) La migration vers d'autres
communes et villes d'Haïti
Il faut comprendre le mouvement migratoire extra communal sous
deux angles: celui caractérisant le flux sortant et celui du flux
entrant.
Pour ce qui a trait aux migrants qui partent, ils vont par
ordre de préférence et d'importance à Port-de-Paix,
Port-au-Prince, Gonaives, Saint-Marc, Mare-Rouge, Anse-Rouge. Tous ces lieux
d'accueil sont choisis pour des motifs communs, généralement: la
précarité économique, le faible niveau des services de
base. Cependant, des directions sont prises en lieu et place d'autres pour des
raisons pratiques et de proximité, c'est le cas des zones des parties
Est, Ouest et le Centre de Jean Rabel (1ère, 2ème, 5ème,
6ème, 7ème section, bourg) qui préfèrent se rendre
premièrement à Port-de-Paix, puis dans une moindre mesure
à Port-au-Prince. Ceux qui habitent les parties Est et Sud-est
(3ème et 4ème section) de la commune ont une tendance à se
rendre aux Gonaïves, à Port-au-Prince, à Saint-Marc et
faiblement à Anse-Rouge tandis que les habitants de l'extrême
pointe Ouest de la commune (6ème et 7ème section) entretiennent
des relations privilégiées avec Mare-Rouge.
Quant à ceux qui viennent s'installer à Jean
Rabel, ils le font pour diverses raisons. Il y a ceux premièrement qui
arrivent des communes avoisinantes et d'autres contrées du pays pour
avoir épousé quelqu'un de la zone, d'autres qui sont là
supposément à la recherche de conditions de vie
supérieure19(*)
telles que: la recherche d'un boulot, la pratique d'un petit métier. Un
autre groupe est composé de fonctionnaires de l'Etat venant des communes
voisines, du département et d'autres villes du pays telles: Gonaives,
Cap-Haïtien, Cayes. Ce groupe est composé également de
missionnaires de l'Eglise, de personnels locaux et expatriés travaillant
pour le compte d'ONG et de projets.
c) Migration vers
l'extérieur
L'émigration de la population de Jean Rabel vers
d'autres pays a changé de proportion et de direction suivant plusieurs
périodes de l'histoire de la commune. La première vague
d'émigration se faisait surtout en direction de Cuba entre le
début et le milieu du XIXème siècle20(*). On y allait surtout pour la
coupe de canne à sucre (migration temporaire). La deuxième
moitié du siècle passé a vu la montée d'une
émigration vers les îles Bahamas, les côtes de la Floride,
la République Dominicaine, Grentock et le Canada (migration
définitive). Les principales causes de ces déplacements
étaient surtout économiques, ainsi pour fuir une
réalité socioéconomique difficile21(*), beaucoup de gens depuis la
fin des années 70 jusqu'au début des années 90 avaient
quitté la commune pour se rendre surtout vers les Bahamas et la Floride.
Une proportion moins importante quittait la commune sous le régime des
Duvalier et pendant la période du Coup d'Etat militaire de 1991 pour des
raisons politiques. Ces vagues d'émigration en majeure partie
illégale ne sont pas sans effet sur l'économie rurale qui a vu
bon nombre de paysans de toutes les sections s'embarquer au Bord-de-mer et
à Port-de-Paix sur de frêles embarcations. Adieu, la terre, la
machette, la houe et les kombites! Souvent, comme des propos
désespérés de paysans, qui n'ont pas eu la chance
d'être acceptés dans les pays précités, tentent de
le faire croire, il vaut mieux affronter la gueule du requin et la mer houleuse
au lieu de mourir sur place, même à petit feu. A côté
de ses aspects négatifs, on ne peut pas ignorer un apport
considérable de ses émigrations sur l'économie locale. En
effet, les membres des familles restées à l'étranger
entretiennent des relations de solidarité avec leurs pairs restés
au terroir, ainsi à défaut de grandes activités
d'investissement, des transferts d'argent et de nourriture plus ou moins
réguliers atténuent la misère de toute une frange de la
population de plus en plus dépendante. Parmi ces migrants, la majeure
partie ne revient jamais, cependant ceux qui vivent dans les contrées
où l'hiver est rude reviennent au bercail pour y passer leur vieux
jour.
3.1.3. Désastres naturels
Les catastrophes naturelles ont leur part de
responsabilité dans l'appauvrissement de la population de la commune. Le
passage des désastres ont brisé tout processus
d'amélioration de la vie des paysans et occasionner de grands dommages
au secteur agricole et à l'économie en général.
a) Les inondations
Les inondations22(*), dues à de fortes pluies, des cyclones ou des
ouragans, sont très fréquentes dans la commune. Elles ont pour
conséquences : la déforestation et la dégradation de
l'environnement. Pendant les périodes d'inondations, des pertes en vie
humaines et d'animaux, des pertes de maisons (des éboulements) et la
formation de grosses ravines (surtout à Fond-Ramadou dans la 7ème
section communale) sont enregistrés au niveau de la commune.
b) Les sécheresses
La commune a connu plusieurs fois la famine au cours de ces
dernières années, à la suite de fréquentes
périodes de sécheresse grave. Les sécheresses ont non
seulement entraînés des pertes de vies humaines, mais
occasionnés également l'exode massif des paysans.
c) Les cyclones
De violents ouragans et des cyclones se sont abattus sur la
commune, toutes les quelques années, causant d'énormes
dégâts dans le secteur agricole et entraînant pour la
population rurale des pertes considérables sur le plan
économique. Les cyclones ont non seulement détruit les cultures,
les logements (aussi des maisons sont endommagées), mais
provoqués également des pertes en vie humaine et d'animaux.
3.1.4. Habitat et logement
Les pauvres de la commune qui peuvent se prévaloir
d'un logement ne vivent souvent que dans des maisons construites avec des
matériaux de fortune, d'accès difficile, insalubres et
dépourvues de tout service (eau potable, latrines,
électricité...). Les maisons ne répondent à aucune
norme (ensemble de constructions - souvent de véritables taudis -
disposées de façon anarchique sur une superficie assez
réduite - et sur des sites dangereux). Les constructions défient
les normes qualitatives les plus élémentaires.
On y rencontre différentes catégories de
construction:
1- La «caille - paille» (maison couverte en chaume
dont elle est le plus répandue), sol en terre battue.
2- Mur en matériaux recyclés (fer blanc, carton,
plastique), sol en terre battue.
3- Mur inexistant, toit en tôles ondulées ou en
chaume et sol en terre battue.
4- Mur en tôles ondulées, ou clissades, toit en
tôles ondulées ou en chaume.
5- Mur en roches, blocs ou planches, toit en tôles
ondulées.
6- Toit en béton, mur en roches ou blocs et sol en
béton enduit de ciment.
A l'intérieur de la maison se trouve habituellement
une table avec quelque vaisselle: assiettes, tasses et verres; puis deux ou
trois chaises et une grande cruche poreuse ou «canari», contenant de
l'eau fraîche. Ensuite, on voit les nattes en feuilles de bananier
tressées qui servent à dormir. Quelquefois aussi on y trouve un
lit formé de quatre piquets fourchus, fixés en terre, sur
lesquels on a placé des tringles en bois, destinées à
soutenir un matelas bourré d'herbe fine ou de coton. Aussi, il y a une
espèce de malle ou coffre pour serrer les habits, car les armoires sont
inconnues à la campagne.
Dans plusieurs localités, les logements qui sont
dépourvues de tout service et qui sont construits sur des terrains
marécageux, des pentes escarpés sont la cause de nombreuses
maladies et des pertes en vie humaines pendant les périodes de
cataclysmes naturels.
3.1.5. Alimentation / Agriculture
a) La lente expansion de
l'agriculture
La stagnation de l'agriculture a considérablement
ralenti la croissance économique et le progrès social. Les
obstacles, les blocages et les contraintes de développement sont en
grande partie liés au problème agricole.
Malgré le rôle primordial de l'agriculture dans
la structure de la production de biens, ce secteur est très
affecté par le manque de crédit, la faiblesse de l'encadrement
technique, les difficultés de transport, le manque de moyens de
conservation et la dégradation de l'environnement, tandis qu'une forte
pression démographique aggrave la parcellisation des terres
cultivables.
Par ailleurs, le manque de système d'irrigation,
l'enclavement de certaines localités, le morcellement des terres, la
déforestation intense, la sécheresse, le manque d'accès
aux intrants agricoles, l'émigration des jeunes (dynamiques et
qualifiés) et surtout les fortes pentes, sont autant de facteurs de
blocage qui freinent le développement de l'agriculture. Le secteur
agricole dans cette zone est dépendant du système pluvial qui est
souvent très irrégulier. Les cultures pratiquées ne sont
pas adaptées aux conditions climatiques, les paysans devant produire des
vivres pour s'alimenter dans les milieux non-adaptés à de telles
cultures.
Les perturbations économiques, politiques et sociales
ont rendu l'économie de la commune incapable de produire suffisamment
pour satisfaire la demande alimentaire de la population et à
alléger la pauvreté.
b) La dégradation et
l'épuisement des sols et autres ressources naturelles
De tous les dons de la nature, aucun n'est plus indispensable
à l'homme que le sol23(*). Reposant sur le noyau rocheux de la terre, à
des profondeurs variables, cette mixture complexe de matière animale,
végétale et minérale est l'un des quatre
éléments indispensables à la vie. En collaboration avec la
lumière du soleil, l'air, l'eau, le sol nourrit toute vie
végétale et sert de support à toute vie animale et
humaine. Ainsi, elle est l'une des principales ressources de la vie en milieu
rural.
Les sols cultivables représentent une ressource rare.
Chaque année, des centaines de tonnes de terres arables sont
drainées vers la mer avec des effets négatifs sur la
productivité de l'agriculture. Avec la dégradation continue des
zones montagneuses, les plaines restent les seuls terroirs où une action
concertée peut être menée en vue d'une augmentation de la
production agricole qui déjà est largement déficitaire.
Or, les pratiques culturales ne sont pas, en effet, de nature
à maintenir la fertilité des sols, qualité
nécessaire pour une production durable. D'une façon
générale, l'usage continu de la terre, sans apport de
matières organiques ou de fertilisants chimiques, contribue à une
réduction sensible de sa capacité à produire des
récoltes abondantes et à rentabiliser les investissements. Les
inondations répétées, dues soient à des cyclones ou
aux pluies de forte intensité, accentuées par l'état
dégradé des bassins versants, facilite le lessivage des sols qui
s'appauvrissent de plus en plus.
D'un autre coté, l'irrigation mal pratiquée a
rendu impropre à la culture une bonne partie des terres. L'insuffisance
d'eau d'irrigation et l'inexistence ou la déficience du réseau de
drainage empêchent le lessivage des sols qui s'appauvrissent de plus en
plus.
Les pauvres, qui sont les plus menacés par la
misère et la faim, sont obligés, pour leur survie, à
couper les arbres pour les vendre comme combustible ou les utiliser à
des fins diverses (comme la production de la chaux). Le déboisement
constitue, en ce sens, une menace majeure pour la commune. A mesure qu'augmente
la population, les forêts subsistantes sont abattues à une cadence
soutenue, afin de mettre aussi en exploitation de nouvelles terres agricoles.
Il en résulte une irrégularité des pluies, une
érosion et un assèchement des sols, des sources et des cours
d'eau, ce qui réduit la productivité.
Enfin, l'érosion des sols et la dégradation des
terres dues à la déforestation, au pâturage excessif et
à l'agriculture sont l'une des causes principales de désastres
naturels et de sous-développement.
c) Inégalité de
la répartition des terres
La terre est la base de production des denrées
alimentaires et des matières premières. Elle est également
source de revenus, d'emplois, de sécurité économique et de
pouvoir pour la plupart des gens de la campagne. C'est pourquoi la recherche
des causes principales de ces carences et pénuries de la production qui
s'opposent à la satisfaction des besoins essentiels de la population
renvoient sans équivoque aux structures agraires qui a existé
dans le pays au cours de son histoire.
En effet, il est indispensable de présenter une
analyse systématique des différentes modes d'appropriation de la
terre en suivant une méthode historique qui s'efforcera d'identifier,
pour chacune des grandes périodes, les différentes facteurs qui
vont conduire à la situation que nous connaissons aujourd'hui pour
appréhender la réalité. Cette analyse nous amènera
à mettre à jour un certain nombre de contradictions:
- contradiction entre les aspirations des différentes
catégories sociales en présence,
- contradiction entre les aspirations de certaines
catégories sociales et la politique agraire des dirigeants,
- contradiction entre la politique agraire et la
disponibilité des autres facteurs de production: la main-d'oeuvre, les
capitaux, la technologie, le marché.
I - Période Coloniale
Pour cette période, on peut identifier trois modes de
tenure:
- les plantations,
- l'arpent vivrier,
- les terres occupées par les marrons.
A. Les plantations
Ce sont de grandes exploitations de plusieurs dizaines de
carreaux, dont on peut citer les deux types dominants:
§ les plantations sucrières, dans les plaines,
§ les plantations caféières, dans les
mornes;
Elles sont fortement capitalisées, utilisent une main
d'oeuvre servile et produisent pour le marché de la métropole.
Ces plantations étaient propriétés de
colons, parfois absentéistes, qui en avaient probablement reçu
concession de l'administration royale; mais avec le temps, on verra
apparaître un autre type de propriétaires: les
«affranchis».
Propriétaires du quart des esclaves et du tiers
des propriétés, les affranchis possédaient des habitations
et avaient des biens dans les villes et les bourgs24(*).
B. L'arpent vivrier
Comme son nom l'indique, c'était une parcelle de terre
de la plantation, que le colon mettait à la disposition de l'esclave
pour qu'il y cultive de quoi se nourrir; mais l'esclave produisait aussi pour
le «marché aux nègres».
Quelques colons, par contre, résolvaient le
problème de l'alimentation de l'esclave en lui confiant un lopin de
terre ... où, à ses rares heures de répit ... il avait le
loisir de planter à sa convenance des vivres ou d'engraisser quelque
volaille25(*).
Une Ordonnance de 1785 rendra obligatoire les jardins
à nègres: Il sera distribué à chaque
nègre ou négresse, une petite portion de terre de l'habitation;
pour être par eux cultivée à leur profit; ainsi que bon
leur semblera26(*).
C. Les terres occupées par les
marrons
Celles-ci échappaient au contrôle de
l'administration royale; elles sont le lieu d'une organisation sociale qui vise
à assurer l'existence de cette catégorie sociale en dehors de la
société coloniale.
D'autres groupe enfin rejoignaient les bandes
organisées et partageaient - lorsqu'ils étaient acceptés -
la vie des marrons établis dans les hautes montagnes, les vastes
étendues de bois debout où l'on défrichait, à la
mesure des besoins et des bras, des places à vivres autour desquelles
s'organisait une communauté de nègres libres dépendant
d'un chef et astreints à des règles
déterminées27(*).
En 1717 et 1785, une communauté marronne fait
parler d'elle avec Santiague à sa tête28(*).
II. Période Révolutionnaire
C'est durant cette période que vont commencer à
se manifester les contradictions mentionnées au début de cette
partie et qui vont se perpétuer, avec des connotations diverses selon le
moment, jusque de nos jours.
A. Aspirations et comportement des différentes
catégories sociales
1. Les colons
Dès le début de la révolte des esclaves,
les colons ont commencé à fuir la colonie où leur vie
était en danger. Il faut se rappeler qu'à la même
époque, en métropole, une bonne partie de l'aristocratie avait
émigré pour rallier le camp des royalistes et que ses biens
avaient été mis sous séquestre par les gouvernements
révolutionnaires.
Beaucoup de colons avaient émigré, laissant
un bon nombre de plantations. Ainsi, des 40000 blancs résidant dans la
colonie, en restaient seulement dix-mille en 180029(*).
L'exode des colons vers la France, vers la partie
espagnole de l'île ou vers les îles voisines, spécialement
à Cuba, avait laissé à l'abandon beaucoup de
plantations30(*).
L'émigration des colons se fit aussi vers les
Etats-Unis; on connaît l'essor qu'a connu l'industrie sucrière en
Louisiane grâce à l'arrivée de colons fuyant Saint-Domingue
qui amena avec eux leurs capitaux, leur technologie et leurs «esclaves
à talents».
2. La nouvelle classe dominante
Elle est formée:
§ des affranchis ou anciens libres, qui sont soit
descendants de colons soit des esclaves libérés par leur
maître ou ayant acheté leur liberté, quelque fois
eux-mêmes propriétaires de plantations comme on l'a signalé
plus haut;
§ de nouveaux libres, esclaves libérés par
l'abolition de l'esclavage, qui ont pris la tête des
révoltés.
Il faut noter la formation d'une nouvelle aristocratie
terrienne composée des grands généraux amis de Toussaint
ayant reçu en récompense de nombreux hectares de terres30(*).
Le mode de vie des colons, et en particulier des colons
absentéistes, était un modèle pour les membres de la
nouvelle classe dominante et l'est resté encore aujourd'hui. Cette
propension à accaparer autant de terre que possible n'a donc pas
seulement une motivation économique, elle est aussi inspirée par
le désir de reproduire le mode de vie des colons.
C'est ce qui explique la ruée sur les terres que l'on
peut observer tout au long de notre histoire, des terres que bien souvent ils
n'exploitent même pas, ou, quand ils le font, c'est plus souvent comme
«propriétaire absentéiste», qui donne des parcelles en
ferme ou en métayage à de petits paysans, que comme
entrepreneur.
3. Le nouveau prolétariat rural
Il comprend:
§ la masse des esclaves libérés par
l'abolition,
Pour eux, l'abolition signifiait qu'ils n'auraient plus
à travailler sur une plantation sous les ordres de quelqu'un d'autre.
Dans toutes les sociétés esclavagistes d'Amérique, en
devenant travailleur agricole, et pour bien marquer la rupture avec son
ancienne condition, l'esclave se refusa de travailler dans les
plantations31(*).
L'arpent vivrier est probablement à l'origine de
l'aspiration de l'ancien esclave à posséder son
«jardin» qu'il cultive en fonction de ses propres besoins.
§ les anciens marrons
C'est dans l'organisation sociale des marrons qu'il faut
trouver l'origine du «lakou» qui a caractérisé le monde
paysan durant tout le XIXème siècle.
B. La politique agraire
La politique des Commissaires Civils puis du Gouverneur
Général Toussaint Louverture avait pour objectif le maintien du
système de plantation qui avait fait la richesse de la colonie.
Les diverses tentatives des commissaires français,
à partir de 1793, et celles de Toussaint, à partir de 1801, en
vue d'introduire un nouveau système de production et les
conséquences de cette politique agraire ont caractérisé la
période révolutionnaire dans cette région. Au fond, les
mesures ou lois de 1793 et de 1801 étaient une tentative visant à
satisfaire l'autorité politique, les besoins et les
intérêts antagoniques des planteurs, d'une part, et des masses
libérées, d'autre part. Selon le «système
portionnaire», le producteur, c'est-à-dire l'ancien esclave, avait
droit à une partie de la production (le quart), et était
obligé de rester sur la plantation32(*).
Dans le but de maintenir la valeur des terres
abandonnées et mises sous séquestre, Sonthonax prit des mesures
pour préserver les plantations et envisagea l'organisation d'une
administration centrale qui contrôlerait l'accaparement des terres.
Cependant, sous la pression des affranchis, qui se sentaient menacés par
cette mesure, on dû adopter le système de bail à des
particuliers33(*).
Parmi les mesures visant à assurer le maintien de
l'intégrité des plantations on peut citer:
§ L'interdiction de transactions pour des superficies
inférieures à 50 carreaux,
§ L'interdiction de se mettre à plusieurs pour
entrer en possession d'une plantation.
Conformément à la formule de Sonthonax,
Toussaint Louverture interdit par le décret du 7 mai 1801 de passer
devant notaire des actes de vente de propriété de moins de 50
carreaux34(*).
Mais, comme le fait remarquer Suzy Castor, il ne suffit pas de
la terre pour faire marcher une
plantation. L'organisation de la production
manufacturière à Saint-Domingue, exigeait de grands
investissements, une nombreuse main-d'oeuvre, un développement
technologique et
l'accès à un vaste marché35(*). Or le départ des
colons avait fait perdre une bonne partie des autres facteurs. Par
ailleurs, les blancs esclavagistes, fuyant la tempête
révolutionnaire, emportèrent leurs connaissances et
expériences administratives et technologiques...Durant la
première étape de la révolution, ils purent
démonter les ateliers, emporter leurs biens et même leurs
esclaves. Il fallut affronter un «manque de cadres
économiques». De plus, à partir de la rébellion des
esclaves et la proclamation de la liberté générale,
l'existence des plantations dépendaient du maintien des anciens esclaves
dans les habitations où ils prêtaient leur service36(*).
Pour assurer que les plantations trouveront la main d'oeuvre
nécessaire on aura recours au «système portionnaire»:
Est établi le système portionnaire qui signifie
qu'après la déduction des impôts sur la totalité de
la production, on divise le reste en trois portions égales, les deux
tiers reviennent au propriétaire et le tiers restant est partagé
entre les cultivateurs37(*).
III. Période Nationale
D'une manière générale, on s'accorde pour
dire que la tenure foncière est caractérisée par la
coexistence de deux grandes catégories: les terres de l'Etat et les
terres appartenant à des privés, lesquelles peuvent être
divisées en terres de «grandons38(*)» et terres en appropriation paysanne.
Pour Gérard Pierre Charles39(*), la structure agraire, du
point de vue de la distribution de la terre, peut être
caractérisée comme un mélange hybride de quatre formes de
propriété précisément limitative d'un
développement économique équilibré:
1. Le latifundisme d'Etat provenant des origines de la
nation;
2. Le latifundisme privé, étroitement
lié à un cadre politique de favoritisme;
3. Le minifundisme né de contradictions à la
fois économiques, démographiques et juridiques en vigueur depuis
un siècle et demi;
4. L'économie de plantation introduite par le
capital étranger, spécialement dans des buts de lucre et en
fonction des nécessités du commerce international.
A. Constitution du Domaine Privé de
l'Etat
La constitution du domaine privé de l'Etat est l'oeuvre
du premier chef du nouvel Etat, Jean-Jacques Dessalines.
...la loi du 2 Janvier 1804, les constitutions de 1805 et
de 1806 avaient versé dans le patrimoine national tous les domaines qui,
avant la proclamation de l'Indépendance, appartenaient de fait à
la France40(*).
L'Arrêté du 2 Janvier 1804 annule tous les actes
de vente, de donations et de beaux-à-ferme en faveur des personnes aptes
à résider dans l'île41(*).
L'Arrêté du 20 Février 1804 résilie
les beaux-a-ferme42(*).
Aujourd'hui, on dit encore que l'Etat est le plus grand
propriétaire foncier, même s'il n'a aucune donnée
précise sur l'étendue et la localisation de son domaine.
B. Constitution des grands domaines
1. Leur origine
On peut considérer que la constitution des grands
domaines a, au départ, cinq sources.
1. Les plantations abandonnées par les colons et qui
faisaient objet de la convoitise de la nouvelle classe dominante.
Le 2 Janvier 1804, Déssalines prend un
décret déclarant: biens de l'Etat, toutes les
propriétés ayant appartenu à des blancs français.
Etaient considérées comme nulles toutes les transactions
foncières entre Haïtiens et Français qui datent de la
période 1802-1804. En effet, ces derniers, caressant le projet de
revenir et de reprendre les propriétés, avaient signé pas
mal de faux papiers avec certains Haïtiens.
Face à cette situation, Dessalines décide la
vérification des titres de propriétés et prend un
décret en date du 24 Juillet 1805 autorisant les fonctionnaires du
domaine national à commencer les opérations de
vérification. L'Empereur distribua un certain nombre d'habitations aux
hauts dignitaires du régime, et afferma les autres aux plus offrants
enchérisseurs43(*).
2. Les plantations qui, déjà durant la
période coloniale, étaient propriété des
affranchis.
3. Les plantations de la nouvelle aristocratie terrienne ayant
émergé durant la période révolutionnaire.
4. Les «dons nationaux» accordés à des
généraux par les premiers chefs de l'Etat: Dessalines,
Christophe, Pétion, Boyer, ce qui représente une poursuite du cas
précédent.
Il est intéressant de signaler que la politique de
Christophe, avec la création de sa noblesse, répondait bien aux
aspirations aristocratiques de la classe dominante; il faut cependant ajouter
qu'avec ses règlements il assurait que ces «nobles» feraient
effectivement fructifier le don reçu.
5. Les baux à ferme sur des terres de l'Etat
accordés le plus souvent à des personnes proches du pouvoir.
2. Les mesures conservatoires
Dans une tentative de poursuivre la politique des
différentes administrations de la période révolutionnaire,
les premiers gouvernements ont pris des mesures visant à
préserver l'intégrité des plantations et à leur
assurer la main-d'oeuvre nécessaire.
Le code rural Déssalinien est celui de Louverture
revu, corrigé et augmenté. Il maintient le système des
ateliers et la militarisation de l'agriculture. Le caporalisme agraire, formule
substituée à l'esclavage, permettra d'obtenir de l'ouvrier
agricole le maximum de rendement44(*).
Le dernier a avoir pris des mesures légales allant
dans ce sens est Jean-Pierre Boyer. ...il élaborait la loi du 20
Mars 1825 interdisant le morcellement des propriétés rurales...Le
quota fixé pour une propriété est de 50 carreaux, il
n'était pas permis aux gens de faibles conditions économiques de
se mettre en commun pour acheter le minimum exigé45(*). Le Caporalisme Agraire est
institutionnalisé par la promulgation du fameux Code Rural de
182646(*). La loi du 1er
Mai 1826 abroge tous les actes antérieurs sauf l'arrêté du
30 Décembre 1809, ayant accordé des dons nationaux à titre
civil ou militaire47(*).
Cette dernière mesure visait probablement à éliminer
les distributions de petites parcelles faites par Pétion.
3. Généralisation de
l'absentéisme
En dépit de toutes ces mesures, l'économie de
plantation ne put pas être reconstituée et les grands
propriétaires devinrent des «grandons absentéistes».
Les particuliers, ranges dans la catégorie des
grands propriétaires demeurent le plus souvent des absentéistes,
des non-Agriculteurs qui sont peu enclins à financer des
améliorations foncières. Solidaires du pouvoir, ils manifestent
le même comportement que l'Etat vis-à-vis de la terre. Ils
tiennent de vastes étendus qui représentent pour eux des
attributs de puissance ou de prestige. Ils laissent la fructification du fonds
à la merci des gérants, des fermiers, des métayers
moyennant le paiement de la rente. Cette pratique
utilisée par les grands propriétaires est assortie d'une
série de variantes et se caractérise par
l'insécurité qui paralyse l'exploitant en absence de la
motivation qui transformerait en agent économique,
générateur de progrès. Propriétaires, fermiers,
métayers sont impliqués au gré des rapports de production
dans la reproduction d'un modèle d'entreprise non
économique48(*).
Un peu plus haut, le même auteur avait
déjà abordé le problème des rapports de production
entre les propriétaires, d'une part, et leurs fermiers et
métayers d'autre part ...cette question fondamentale à savoir
la dépendance quasi personnelle qui unit le paysan aux
propriétaires terriens49(*).
C'est ce qui a permis à Gérard Pierre-Charles de
parler de «société féodale». Gérard
Pierre-Charles, dans son livre L'économie Haïtienne et sa
voie de Développement (1965), présente la mutation
opérée à cette époque comme le passage de la
société esclavagiste à la société
féodale, caractérisée par l'existence de grandes
propriétés exploitées par des serfs attachés
à la glèbe, les célèbres «deux
moitiés»50(*).
Il faut signaler cependant que Pierre-Charles n'est pas le
premier à avoir parlé de régime féodal pour
caractériser cette période; c'est lui qui cite51(*) ce passage de Louis Joseph
Janvier: «En Haïti, de 1821 à nos jours, le paysan avait
été le sacrifié. Surtout dans les plaines, sur les
anciennes habitations sucrières, cotonnières et
indigotières, le paysan eut à subir les conséquences d'un
véritable régime féodal. La terre avait été
un instrument de domination entre
les mains des grands propriétaires, militaires ou
fils de militaires, comme il en fut en Europe au Moyen Age»52(*).
4. Retour des grandes exploitations
A. Reprise de l'industrie sucrière
Durant le dernier quart du XIXème siècle, on va
assister à un retour des grandes exploitations. Il est dû à
une reprise de l'industrie sucrière.
Toutefois, un leitmotiv central semble se dégager
de la politique agraire de la fin du XIXème siècle; c'est ce
qu'on pourrait appeler le «mythe industriel». Pour ressaisir
l'exploitation de ces grands domaines et en tirer encore largement profit,
l'aristocratie, tout imbue de la révolution économique
européenne, essaie d'implanter des «usines centrals» dans le
pays. Ce qui explique l'intérêt particulier que revêt
«la question des sucres», la revalorisation de la spéculation
sucrière par le capitalisme industriel53(*).
C'est ainsi que les usines sucrières de O'Gorman,
propriété du Général Brennor Prophète, celle
de Château-Blond, propriété de Tancrède Auguste, les
usines de Jean Gille et de Bayeux s'installe dans l'Ouest et le Nord du
pays54(*).
B. Arrivé du capital
étranger
La pénétration du capital étranger
associée à la création de grandes exploitations a
commencé avec le 20ème siècle. Mais c'est avec
l'occupation nord-américaine que le mouvement va prendre de l'ampleur.
Des dispositions légales vont faciliter l'arrivée des capitaux
nord-américains: on a tout d'abord, la constitution
«imposée» par l'occupant au début de la
présidence de Dartiguenave: Le droit de propriété
immobilière est accordé désormais aux
étrangers55(*)
puis la loi du 22 Décembre 1925 sur les bails à long
terme56(*) et enfin la loi
du 28 Juillet 1929 qui autorise la vente de terres agricoles à des
compagnies nord-américaines57(*).
Après l'occupation, et à la faveur de
l'engagement d'Haïti aux côtés des alliés, on a eu le
contrat passé entre le Gouvernement Haïtien et la
Société Haïtiano-Américaine de Développement
Agricole (SHADA).
C. Constitution de la propriété
paysanne
Comme les grands domaines attribués au
«grandons», la petite propriété paysanne s'est
constituée à partir des terres de l'Etat, soit par des dons ou
des concessions, soit par des acquisitions, mais très souvent, par
occupation pure et simple.
On a pris l'habitude d'opposer la politique agraire de
Christophe, création de grands domaines attribués à des
généraux anoblis, et celle de Pétion, qui a
distribué des parcelles plus modestes aux sous-officiers et soldats. Il
semble du reste que Boyer, avec sa loi du 1er Mai 1826, ait voulu annuler ces
distributions58(*).
Avec la disparition de Pétion, son successeur vint restaurer dans
tout le pays les conceptions et pratiques d'une classe féodale
déjà fortifiée, par l'accaparement antérieur de la
terre et du pouvoir politique59(*).
Mais les tenants du pouvoir ont bien fini par se rendre
compte qu'il ne pouvaient s'opposer au désir des anciens esclaves
d'acquérir des terres, ils se sont donc évertuée à
limiter les dégâts en prenant des mesures pour limiter le
morcellement à l'extrême.
Le premier sera Alexandre Pétion: ...il faisait
voter la loi du 30 Avril 1807 stipulant que nul citoyen ne pourrait
acquérir que d'au moins 5 carreaux60(*).
Un demi-siècle plus tard, on aura les mesures de Fabre
Nicolas Geffrard: ...il faisait élaborer un nouveau code rural et
une nouvelle loi, celle du 4 Août 1862, venait arrêter le
morcellement. En effet l'article 2 stipulait que les biens du domaine national
seront vendus par portions de cinq carreaux61(*).
Quelques années plus tard Nissage Saget abaissait la
superficie minimum: ...par la loi du 12 Juillet 1870, il faisait donation
de 3 carreaux de terres à chacun des militaires cantonnés dans
les campagnes du Sud62(*).
Le président Salomon liait les concessions à la
culture de denrées d'exportation: ...le 26 Février 1883, il
faisait voter une loi portant concession conditionnelle des terrains du domaine
national... «Tout citoyen qui s'engagera à cultiver les
denrées suivantes: café, canne à sucre, coton, cacao,
tabac, indigo et tout autre produit d'exportation, aura droit à une mise
en possession de trois à cinq carreaux de terre du domaine
public63(*)...
Il faudra attendre le départ de l'occupant pour voir
un gouvernement, en l'occurrence celui de Sténio Vincent, prendre des
mesures en faveur de la petite propriété paysanne. La loi du 3
Septembre 1932 ou du 12 Septembre 1934 (?) sur le «bien rural de
famille» accordait en toute propriété une superficie qui ne
pouvait dépasser 5 hectares et devait être planté dans la
proportion de 50% en denrées d'exportation64(*).
La loi du 9 Mars 1938 sur les colonies agricoles65(*) présente un cas
particulier. En 1938, le gouvernement haïtien organisa une
expérience de colonisation intérieure avec les ouvriers
agricoles, qui avaient échappé aux tueries organisées...6
mille personnes (1.425 familles) furent engagées pour la culture de ces
terres...chaque famille reçut une propriété de 2,50
à 3 ha...chaque parcelle devait produite à la fois des vivres
alimentaires et des articles d'exportation66(*).
IV. La situation actuelle
Quand on parle de la situation actuelle il faut distinguer
l'aspect foncier et les rapports de production.
A. L'aspect foncier
Le foncier reste caractérisé par une situation
des plus confuses, résultant de la perpétuelle compétition
pour la possession de la terre, et qui se traduit dans
l'insécurité aussi bien du propriétaire que de
l'exploitant.
D'une façon générale, on peut dire
que la question agraire, dans le système actuel, se résume par
l'insécurité de la tenure foncière, surtout dans le milieu
rural67(*).
Cette insécurité touche toutes les
catégories. Le grandon voit sa possession contestée par des
paysans, qui affirment qu'il s'agit de terre de l'Etat, ou par des
compétiteurs qui présentent d'autres titres de
propriété. Le moyen ou petit propriétaire n'a souvent pas
de titre de propriété ou occupe des terres qui sont dans
l'indivision. Les fermiers de l'Etat ne sont le plus souvent pas en
règle avec la DGI. Les «sous-fermiers» de l'Etat, enfin, sont
à la merci du «fermier en titre».
B. Les rapports de production
La situation n'a pas beaucoup évolué depuis
l'apparition de la catégorie des grandons absentéistes. Le
système des «de moitié», avec différentes
variantes, est toujours en vigueur, autrement dit, les rapports de production
sur les grands domaines sont toujours de type quasi-féodal.
§ Le cas de l'Artibonite
La situation dans la plaine de l'Artibonite est un bel
exemple de ce qui se passe dans l'ensemble du pays, avec l'avantage pour le
chercheur d'offrir un champs d'observation bien défini dans le temps et
dans l'espace.
Du jour où le Président Dumarsais Estimé
a pris la décision de construire un système d'irrigation qui
arroserait la vaste plaine de l'Artibonite, cette région n'a
cessé d'exciter la convoitise d'individus de tous acabits,
désireux de profiter de l'aubaine offerte par la décision
présidentielle, en accaparant les terres dont la valeur agricole serait
plus que décuplée par l'irrigation. Tous les moyens leur
étaient bons pour arriver à leurs fins: acquisitions
entachées de délit d'initié, fabrication de faux titres de
propriété, et si nécessaire, utilisation de la force.
C'est ainsi que, en dépit du fait que le
Président Estimé ait ordonné que soit fait le
relevé cadastral de la région, elle est restée, pendant un
demi-siècle, le théâtre de conflits fonciers, souvent d'une
extrême violence, accompagnés de manoeuvres de corruption en vue
d'obtenir des décisions en leur faveur de la part de l'appareil
judiciaire, ou de se faire prêter main forte par les Forces Armées
d'Haïti.
La seule période relativement calme fut celle durant
laquelle l'Artibonite vivait sous le régime de la loi dite
«d'exception» du 28 Juillet 1975 qui autorisait l'Administration
Générale des Contributions à «prendre possession
au nom de l'Etat Haïtien, et sans l'accomplissement préalable
d'aucune formalité, de toute étendue de terre de la Vallée
de l'Artibonite, réputée être ou avoir été,
à l'origine, propriété de l'Etat
irrégulièrement sortie de son patrimoine»68(*).
En 1986, le gouvernement du général Namphy
abolissait cette loi et invitait les «grandons» à revenir
récupérer «leurs terres», et les conflits reprirent
avec d'autant plus de violence que nous étions dans une période
d'instabilité politique, or on sait que chaque changement politique
provoque des changements au niveau de la possession des terres, les
protagonistes faisant également jouer leurs relations politiques.
En Janvier 1995, devant la recrudescence des conflits, le
Président de la République prit un arrêté
s'inspirant de la loi du 28 Juillet 1975, mais cette fois-ci c'est l'ODVA qui
était autorisé «à prendre, provisoirement,
possession, et sans l'accomplissement préalable d'aucune
formalité, de toute étendue de terre litigieuse située
dans la Vallée et la Plaine de l'Artibonite»69(*).
Une semaine plus tôt, le Premier Ministre avait pris un
arrêté créant «une Commission Gouvernementale de
cinq membres dont le mandat est de se pencher, d'une façon
particulière, sur la situation explosive qui prévaut dans
certaines zones de la Plaine et de la Vallée de l'Artibonite, et de
faire, le cas échéant, à l'exécutif des
recommandations en vue de l'adoption de promptes mesures pouvant ramener la
paix et la sécurité dans cette région»70(*).
Cette commission, à notre connaissance, n'a jamais
fonctionné; quant à l'arrêté présidentiel, il
n'a connu qu'une seule tentative de mise en application, à l'occasion
d'une recrudescence d'affrontements sur la ferme de Bertrand St Ouen, dans la
localité de Bocozelle, la 5ème section communale de St Marc, mais
l'ODVA n'a jamais été en mesure de mettre en oeuvre les
décisions prises alors et la ferme est restée plusieurs mois sous
le coup d'une «quarantaine».
Entre temps, l'INARA était créé par
arrêté du Président de la République71(*) et son Directeur
Général nommé72(*). Dès lors les appels à venir mettre fin
aux conflits dans l'Artibonite se sont succédés.
C'est ainsi que le Directeur Général de l'INARA intervint dans le
cas du conflit de Trois Bornes, dans la Commune de Desdunes, pour arriver
à une solution négociée entre les représentants du
grandon et les fermiers; il donna également son feu vert aux paysans de
Bocozelle qui désiraient reprendre le travail sur la ferme de Bertrand
St Ouen.
Cependant, en absence d'une loi sur la réforme
agraire, l'INARA ne disposait pas des instruments légaux lui donnant
autorité pour intervenir. Finalement, après de longues
discussions avec le Ministre de l'Agriculture d'alors, le Directeur
Général obtint un arrêté présidentiel,
inspiré de celui du 13 Janvier 1995, mais autorisant l'INARA
«à prendre possession provisoirement et sans l'accomplissement
préalable d'aucune formalité, de toute étendue de terre
litigieuse située sur le territoire de la République et
réputée être ou avoir été à l'origine
bien vacant et/ou propriété de l'Etat»73(*).
Bien sûr, il ne s'agissait là que d'une solution
provisoire, en attendant le vote d'une loi sur la réforme agraire; mais
le pouvoir lavalas, selon sa mauvaise habitude de ne pas mener ses actions
jusqu'à leur terme, n'a jamais pris la peine de présenter au
Parlement le projet de loi
cadre, préparé par l'INARA, avec le concours de
juristes mis à notre disposition par la Mission Française de
Coopération, et transmis, à plusieurs occasions, au Ministre de
l'Agriculture et au Premier Ministre.
d) Le fractionnement des
petites exploitations agricoles
La nature des exploitations agricoles, qui sont non seulement
petites mais dispersées en de multiples lopins de terre,
représente un autre handicap.
Le morcellement des terres issu du partage des grandes
propriétés laissées en héritage par les grands
parents explique en partie la structure agraire. Les exploitations varient de
0.5 à 1.8 ha/1.4 carreau. Ceci explique en grande partie le
déboisement et la tendance des petits exploitants à produire
surtout des vivres au détriment des denrées.
Tableau 7: Superficie et distribution des
propriétés
Groupe
|
%
|
Moy. (ha)
|
Moyen
|
Etendue en hectares
|
Etendue en carreaux
|
1
|
21
|
0.3
|
0.2
|
0.13-0.39
|
0.10-0.30
|
2
|
20
|
0.6
|
0.5
|
0.40-0.71
|
0.31-0.55
|
3
|
16
|
1.0
|
0.7
|
0.71-1.28
|
0.55-0.99
|
4
|
23
|
1.6
|
1.2
|
1.29-2.26
|
1.00-1.75
|
5
|
20
|
5.4
|
4.3
|
2.26-65.79
|
1.75-51.00
|
Total
|
100
|
1.8
|
1.4
|
|
|
Source: ECVH, VOL II, p.262
Le petit paysan vit essentiellement des produits de son
domaine familial, mais la taille de son exploitation est tellement
insignifiante que, dans la plupart des cas, elle ne suffit pas à
l'entretien de sa famille, qui comprend en moyenne cinq membres.
En règle générale, le paysan montre une
certaine répugnance à révéler - même
approximativement - la superficie de ses terres.
Par ailleurs, les informations fiables sur la tenure des
terres dans la commune, qui sont occupées soit par des
propriétaires, des fermiers, des métayers ou des locataires des
terres de l'Etat, ne sont pas disponibles.
e) Les effets indirects de la
modernisation et la technicisation de l'agriculture
Aux problèmes sus-mentionnés, il faut tenir
compte également du caractère archaïque de l'agriculture.
Dans le domaine de l'outillage, l'indigence technique se manifeste au plus haut
point dans les localités rurales de la commune. Pour cultiver leur
terre, les paysans utilisent jusqu'à présent les outils oratoires
traditionnels comme la houe, la serpette, la machette, etc... Dans certains cas
les travaux sont effectués à mains nues.
Par ailleurs, la pratique du brûlis est très
répandue, malgré sa prohibition par les agronomes. La charrue et
tout autre instrument de trait sont rarement utilisés. Il en est de
même des semences et des plants sélectionnés, du
bétail amélioré, du fumier de ferme, d'engrais et de
pesticides. Les insectes nuisibles et les maladies des plantes ne sont
guère contrôlés.
Abandonné à sa seule routine, le paysan ne
possède aucune des précieuses notions qui lui permettraient de
tirer meilleur parti du sol, en l'amendant selon les exigences de sa
constitution, en y ajoutant telle variété d'engrais, tels
éléments chimiques ou autres, que telle culture spéciale
rend souvent nécessaires.
En fait, le paysan rural généralement
illettré n'a aucune aide technique. Il ne reçoit aucune
formation, aucune orientation susceptibles d'améliorer son savoir-faire.
Bien entendu, il existe des agronomes, des techniciens et des agents agricoles
à travers la commune, mais leur impact sur l'amélioration des
techniques de production est négligeable, eu égard à
l'insignifiance de leur nombre. De plus, ils n'arrivent même pas à
couvrir toutes les sections communales. Les habitants sont obligés de
les rencontrer dans leur base pour un simple conseil. De ce fait, la formation
des paysans est loin d'être une réalité.
3.1.6.
Éducation
L'éducation est l'une des variables
caractéristiques du sous-développement et de la pauvreté.
De ce fait, l'information sur le niveau d'instruction d'une population est
d'une importance fondamentale à la définition de toute politique
économique, sociale ou démographique de lutte contre la
pauvreté.
L'éducation est, à Jean Rabel comme dans la
plupart des communes, l'une des premières priorités des familles,
en termes de préoccupations et de poste de dépense; c'est
également le premier secteur d'emploi salarié permanent dans une
zone où la plupart des activités économiques sont
informelles, ce qui renforce son importance aux yeux de la population. Elle est
le résultat dans la commune d'une multitude d'initiatives locales,
foisonnantes, qui témoignent de son importance et de la volonté
existante pour la développer, mais laissent malheureusement une
impression d'inefficacité par rapport aux efforts
déployés...
La situation de l'éducation dans la commune est
très critique. Les catégories sociales défavorisées
et les populations des sections communales sont laissées pour compte par
le système qui n'arrive pas à faire face à la demande.
Ainsi, le taux d'analphabétisme des plus de 15 ans n'atteignait que 55%
en 2003. Le taux de scolarisation pour l'enseignement primaire est de 96% en
considérant les enfants de 6 à 17 ans et de nombreux
élèves de plus de 17 ans des sections rurales. De nombreux
enfants des localités rurales reculées n'ont pas encore
accès à l'éducation de base. Parallèlement la
qualité et l'éfficacité de l'éducation offerte est
très faible avec seulement 5% des élèves qui atteignent la
sixième année de l'école primaire.
Au niveau des infrastructures scolaires, la majorité
des écoles nationales, excepté au bourg, sont logées dans
de vieilles bâtisses aux toits de paille. Elles appartiennent soit
à des notables qui les louent pour des sommes modiques, soit à
des conseils communautaires qui les mettent à disposition. Un
problème particulier est posé en saison pluvieuse par
l'état déplorable des toitures.
Par ailleurs, le niveau d'équipement est faible pour
la plupart des écoles, exception faite des 2 EFA, et de quelques
écoles soutenues par des missions religieuses: absence de
matériel didactique, mobiliers défectueux, absence de
bibliothèque. La plupart ne disposent ni de latrines ni d'eau
potable.
Aussi, les ratios élèves/professeurs74(*), professeurs/salles de
classe75(*) et
élèves/salles de classe76(*) permettent de mettre en doute la qualité de
l'enseignement qui y est dispensé. En effet, il n'est pas rare de
rencontrer dans les sections communales plusieurs classes se réunissent
dans une seule salle. Dans de telles écoles, on peut imaginer facilement
le niveau d'encombrement et l'intensité des bruits qui ne peuvent que
nuire à la transmission du savoir.
Alphabétisation
Malgré ses faiblesses, la commune
comprend 35 centres d'alphabétisation, dont 7 privés, 16
communautaires et 14 publics. Les centres privés sont
gérés par des missions protestantes ou ONG, tandis que les
communautaires le sont par des missions catholiques. Les centres publics ont
tous été mis en place en 2000-2001 avec le retour au pouvoir de
Jean Bertrand Aristide, sous le nom d'alpha resto.
Cependant, il n'y a pas de bureau d'alphabétisation au
niveau de la commune, et les rares matériels pédagogiques
disponibles sont stockés au Bureau Agricole Communal.
Au niveau de la répartition géographique,
notons que les 4ème et 5ème sections ne disposent pas de centres
d'alphabétisation. Le secteur souffre d'une grande inconstance dans
l'ouverture des centres, qui sont très dépendants de responsables
extérieurs.
Les niveaux de non-scolarisation sont jusqu'à
présent très élevés et représente un
handicap majeur au développement humain étant donné que la
population de la commune est majoritairement jeune. Les causes de la
non-fréquentation scolaire sont multiples dont les plus significatives
sont l'inadéquation entre le coût de l'éducation et la
situation économique des ménages, la carence d'infrastructures
scolaires accessibles, les habitudes culturelles (les filles ne vont pas
à l'école ou encore le premier ou le dernier enfant qui doit
s'occuper des terres).
Ailleurs, la défaillance de l'offre et de la demande
explique en grande partie la non-fréquentation scolaire des jeunes de la
commune.
Enseignement pré-scolaire
On dénombre 89 centres
préscolaires dans la commune, dont la plupart sont
intégrés à des écoles primaires. Les enfants
fréquentant le préscolaire représentent 45% de la
population d'âge préscolaire (3-6 ans). Plus encore qu'au niveau
de l'enseignement primaire, les centres sont privés (7% de centres
publics seulement, dans le bourg, la 1ère et la 3ème section).
Malgré la relative fort taux de fréquentation
du préscolaire, la répartition des centres préscolaires
entre les sections est très disparate; le tableau ci-dessous montre les
lacunes particulières de la 4ème et la 6ème section, et
dans une moindre mesure de la 5ème et 7ème section. On remarque
également que le bourg et la 3ème section accueillent plus
d'élèves que le nombre d'enfants y résidant, ce qui montre
que des enfants des sections avoisinantes y sont scolarisés. Au bourg,
on peut considérer qu'au minimum ? des enfants scolarisés en
préscolaire proviennent des sections proches.
Tableau 8: Répartition géographique des
centres préscolaires
|
Superficie (km²)
|
Superficie moyenne couverte par un centre
|
Effectif élèves en 06-07
|
Population des 3-6 ans
|
Taux de scolarisation
|
1ère
|
136
|
4,9
|
860
|
1899
|
45%
|
2ème
|
105
|
6,6
|
697
|
1545
|
45%
|
3ème
|
100
|
4,8
|
827
|
763
|
108%
|
4ème
|
32
|
32
|
40
|
719
|
6%
|
5ème
|
32
|
10,7
|
82
|
749
|
11%
|
6ème
|
31
|
31
|
35
|
504
|
7%
|
7ème
|
48
|
8
|
130
|
867
|
15%
|
Bourg
|
2
|
0,2
|
714
|
483
|
148%
|
Commune
|
484
|
5,4
|
3385
|
7529
|
45%
|
Sources: enquête de terrain pour les effectifs et
recensement 2003 RGPH pour la population
Enseignement primaire
L'école primaire est le seul service disponible dans
toutes les sections de la commune. Ainsi, un peu plus d'un enfant sur deux va
à l'école primaire dans la commune.
Le phénomène de la scolarisation tardive
identifié depuis les années soixante-dix est toujours
très présent dans la commune. D'une manière
générale, la scolarisation tardive des jeunes enfants de la
commune s'explique par la difficulté économique des parents qui
retarde l'insertion d'une partie des enfants dans le système scolaire et
l'inaccessibilité des écoles qui oblige les parents a attendent
que les enfants soient suffisamment autonomes pour parcourir distance entre
leur domicile et l'établissement scolaire.
Cependant, l'école primaire présente de
nombreux problèmes tant du point de vue de la qualité de
l'enseignement que du nombre d'accès à une éducation
gratuite. En effet, même si le taux de scolarisation primaire augmente
mais elle n'a pas été accompagnée d'une
amélioration de la qualité et le nombre d'institutions publiques
est si faible qu'à peine 20% des enfants démunis ont accès
à une éducation gratuite.
Enseignement secondaire et 3ème
cycle
Au niveau de la scolarisation au 3ème cycle
secondaire, les taux sont nettement plus bas (bien que nous ne disposions pas
de chiffres réels sur la commune). Cette situation s'explique, d'une
part, par l'insuffisance des établissements secondaires (La commune
dispose aujourd'hui de 19 établissements enseignant de la 7ème
à la 9ème Année fondamentale, et de 5 poursuivant de la
3ème au baccalauréat), mais aussi et surtout aux contraintes
additionnelles d'accès à l'éducation secondaire:
coût (4 nationales, 2 communautaires et 11 privées) et
l'éloignement des infrastructures scolaires (5 dans la 1ère
section, dont 2 nationales et 3 privées; un établissement
national à la 2ème section; un établissement communautaire
à la 3ème section; et les autres établissements se
trouvent au bourg dont une nationale, une communautaire et 8
privées).
Ces chiffres démontrent que les écoles
secondaires se concentrent beaucoup plus dans le bourg que les sections
communales, ce qui rend leur accès plus difficiles aux enfants des
sections communales. Après les études primaires, ils ont le choix
entre deux alternatives: arrêt des études classiques ou migration
(vers le bourg ou encore plus vers la capitale ou vers les villes
régionales la plus proche).
Enseignement professionnel
La commune dispose de 19 centres
professionnels pourvus de 78 professeurs (dont 36% de femmes) pour 568
élèves (soit en moyenne 7 élèves par professeur).
Deux de ces écoles travaillent avec le programme élaboré
par l'INFP (Institut National de Formation Professionnelle): l'Ecole
Professionnelle Béthel et celle de Martin Porrès, toutes deux au
bourg, associées à des écoles classiques et soutenues par
des missions religieuses (baptiste et catholique respectivement). Aucune des
écoles professionnelles n'est publique, ce qui constitue un handicap
pour la population pauvre de la commune.
Au niveau de la répartition géographique, il
faut noter que les 4ème et 6ème sections sont totalement
dépourvues de centres professionnels. Les institutions les plus
importantes sont situées au bourg.
Les enseignements prodigués par ces 19 centres passent
par l'art ménager en premier lieu (pâtisserie, broderie, coupe,
art floral) pour 17 d'entre eux, puis les métiers artisanaux
traditionnels (maçonnerie, ébénisterie) et parfois
modernes (plomberie, électricité). Pour ces métiers
artisanaux, 3 centres leur sont réservés (1ère et
3ème section), et 7 autres partagent cet enseignement avec celui de
l'économie domestique. Les matières disciplinaires classiques
sont parfois enseignées en parallèle (français,
mathématiques, arithmétique, anglais) ainsi que les cours de
savoir-vivre. Deux des écoles fournissent enfin des cours de musique,
dont l'une est spécialisée dans ce domaine (Porrier, 5ème
section), et 2 écoles du bourg fournissent des cours de nouvelles
technologies (informatique, photo, vidéo).
Ainsi, plus d'un - en raison de l'absence d'un centre
professionnel dans leur section communale ou de l'éloignement de ce
centre, additionné par un manque de revenu - ont appris informellement
en travaillant dans un petit atelier pour un patron-boss ou sont restés
sans rien apprendre.
Déperdition scolaire
L'un des problèmes majeurs que
connaît l'éducation au niveau de la commune est la
déperdition scolaire77(*). Il est bien connu que les élèves qui
entrent dans la première année d'un cycle d'enseignement ne
terminent pas tout ce cycle dans un minimum de temps prescrit. Certains
abandonnent leurs études avant d'arriver à la fin du cycle,
d'autres arrivent à la fin seulement après avoir doublé
une ou plusieurs classes.
La déperdition scolaire consiste donc dans les
abandons et le doublement. On appelle:
· Abandon (ou désertion scolaire) le fait de
quitter l'école avant la fin des études correspondant à un
degré d'enseignement donné ou à un point
intermédiaire ou non terminal d'un cycle d'enseignement;
· Redoublement (ou doublement) le fait pour un
élève de rester dans la même classe et d'accomplir le
même travail que l'année précédente.
Les abandons sont parfois provisoires; souvent un
élève qui a interrompu ses études les reprend un peu plus
tard, soit dans la même classe, où il était inscrit, soit
dans la classe immédiatement supérieure. Les raisons d'abandon
des études sont d'ailleurs multiples:
- L'éloignement de certaines écoles joue un
rôle primordial. En effet, beaucoup d'élèves sont
obligés de parcourir des kms à pied. Comme ces enfants sont, le
plus souvent, pas nourris à l'école, ils sont de retour à
la maison exténués et découragés par ces exercices
pénibles et quotidiens qui ne leur rapportent peu ou pas de
satisfactions dans l'immédiat.
- Les activités agricoles, à certaines
époques de l'année, représentent également une
contrainte. Les enfants sont obligés d'aider leur parent à
certaines activités telles que le semis et la récolte. Cette
interruption crée un handicap sérieux à la poursuite de
leurs études et se transforme souvent en arrêt définitif
par suite de leur découragement.
- Les conditions d'installations insuffisantes dans les
écoles ... créent une ambiance inadéquate à une
bonne réceptivité. Les élèves sont
inconfortablement assis, dans l'impossibilité d'écrire
correctement, les cahiers sont souillés, ils échouent
fréquemment aux examens, doublent leur année et finissent par se
lasser de venir en classe. L'instituteur ne peut, avec un effectif
pléthorique consacrer un temps suffisant à chaque enfant,
d'où négligences certaines dans les soins à apporter aux
cahiers, à la préparation des leçons.
- Le niveau économique très bas des parents
explique aussi la tendance à l'abandon et le faible taux de
scolarisation. Beaucoup de parents ne peuvent pas subvenir à la longue
aux besoins de l'enfant (écolage, fournitures, habillement, etc) et de
ce fait n'envoient plus l'enfant à l'école. Aussi, les faibles
moyens du secteur public font que la majorité des écoles se
trouvent dans le secteur privé, d'où l'impossibilité pour
un grand nombre de fréquenter un établissement scolaire.
Fréquentation scolaire
Le faible taux de scolarisation de certaines
sections communales montre clairement que le taux de fréquentation
scolaire reste encore très insuffisant pour l'ensemble de la commune.
Ceci s'explique surtout, d'une part, par le manque d'établissement
public que possèdent les sections communales (notamment 4ème,
5ème, 6ème et 7ème sections communales), d'autre part, la
proximité des établissements scolaires.
Tableau 9: Répartition des écoles
nationales et taux de scolarisation
Section
|
Superficie (km²)
|
Superficie moyenne couverte par une école
|
Ecoles nationales
|
Taux de scolarisation
|
1ère
|
136
|
2,5
|
7 nationales
|
98%
|
2ème
|
105
|
2,3
|
5 nationales
|
89%
|
3ème
|
100
|
2,6
|
3 nationales
|
139%
|
4ème
|
32
|
1,3
|
2 nationales
|
88%
|
5ème
|
32
|
1,5
|
1 nationale
|
77%
|
6ème
|
31
|
2,4
|
1 nationale
|
72%
|
7ème
|
48
|
2,7
|
2 nationales
|
50%
|
Bourg
|
2
|
0,1
|
3 nationales
|
193%
|
Commune
|
484
|
2,1
|
24 nationales
|
96%
|
Sources: IHSI pour les superficies et enquêtes de
terrain, mars 2007.
Par ailleurs, la mauvaise perception que les parents ont de
l'offre éducationnelle et les activités agricoles
représentent également des contraintes à la scolarisation
des enfants.
Enfin, le taux de fréquentation scolaire varie
également selon les sections communales. Ainsi, les sections communales
les plus déficients sont: 7ème, 6ème, 5ème et
4ème section, si l'on tient compte des taux de scolarisation.
Le problème de la formation des
maîtres
En ce qui concerne la formation des maîtres, la
situation est catastrophique. Ces enseignants sont dans l'ensemble pas
qualifiés et ceux qui le sont ne possèdent pas une connaissance
approfondie des matières qu'ils enseignent, ignorant aussi bien les
techniques pédagogiques adéquates78(*).
Malgré tout, le système souffre d'un manque de
motivation des maîtres lié à leur faible
rémunération et agit en conséquence sur le temps qu'ils
consacrent à leur ouvrage. Ces faibles salaires accroissent
l'absentéisme, génèrent un effet démoralisateur et
déresponsabilisant, encouragent l'incurie et l'embauche de personnes peu
qualifiées. Les salaires versés
n'encouragent nullement le renouvellement ni le recrutement de
nouveaux enseignants ni même
la persistance dans ce métier. Ces enseignants sont
souvent payés en retard. Dans leur très grande majorité,
ces enseignants vivent dans la pauvreté.
Proximité des infrastructures scolaires et mode
de transport
L'éloignement des établissements scolaires joue
un rôle primordial dans la non-scolarisation des enfants et
l'analphabétisme qui pullule dans les sections communales. En effet,
beaucoup d'enfants de Leban (7ème section) ne fréquentent plus
l'école depuis 10 ans à cause de l'éloignement des
écoles79(*). Les
résultats du taux de scolarisation ont révélé des
indices importants sur le problème de la proximité des
écoles. On constate que les sections communales (4ème,
5ème, 6ème et 7ème section) ont les plus faibles taux de
scolarisations à cause, d'une part, de l'éloignement des
établissements scolaires et, d'autre part, du manque
d'établissement public. A noter que les 4ème, 5ème,
6ème et 7ème sections n'ont pas d'établissement
secondaire, les habitants de ces sections sont obligés de se rendre
jusqu'au bourg ou dans une autre section pour
fréquenter un établissement secondaire.
Parallèlement, les 4ème et 6ème sections sont totalement
dépourvues de centres professionnels. Par ailleurs, les 4ème et
5ème sections ne disposent pas de centres d'alphabétisation.
L'école primaire constitue le seul service disponible
sur place dans toute la commune et avec une large différence entre le
bourg et les sections communales. Globalement, le fait que l'utilisation d'un
engin motorisé soit plus élevée dans les sections
communales résulte du fait que les populations des sections vivent
beaucoup plus éloignées de ces services que les populations du
bourg. Néanmoins, malgré ce plus grand éloignement, une
forte proportion de la population des sections doit effectuer ses
déplacements à pied pour atteindre les différents
services. En particulier, on peut noter le cas de la 4ème et 5ème
section qui possèdent plusieurs habitations accessibles uniquement
à pied. Toute la 5ème section au dessus de Porrier (au sud) n'est
desservie par aucune piste praticable en engin motorisé. Il existe aussi
des habitations dans la 1ère section qui ne sont pas accessibles en
véhicule motorisé (Fonlectune, Gombo).
3.1.7. Santé
La structure administrative de la santé de la commune
est coiffée par la Direction Sanitaire qui coordonne et supervise tous
les programmes et activités des institutions sanitaires. Elle arrive
difficilement à jouer ce rôle vu son personnel réduit et
les moyens disponibles précaires.
Bien que la commune soit pourvue d'institutions de
santé, la situation sanitaire est critique. En dehors de la
dégradation de la vie de la population, qui n'arrive pas dans certains
cas à couvrir les dépenses de santé, d'autres
éléments très convaincants peuvent expliquer l'état
déplorable de la situation sanitaire de la commune:
La quasi-absence d'infrastructure sanitaire
La commune, en ce qui concerne les besoins
d'une population en constante augmentation, souffre d'une pénurie
d'équipements sanitaires de façon dramatique. L'hôpital et
les dispensaires sont sous-équipés ou très mal
équipés, ne disposant que du strict minimum où même
ce strict minimum est insuffisant et inadéquat. Les infrastructures qui
existent, en y incluant les équipements médicaux, à cause
de l'absence d'une politique d'entretien et d'un manque flagrant de ressources
financières, sont dans un état de délabrement et sont mal
gérées, à l'image de l'économie haïtienne.
Aucune priorité n'est accordée à la formation d'un
personnel chargé de l'entretien et des réparations, aggravant
encore plus la détérioration matérielle. Non seulement,
les infrastructures sanitaires sont insuffisantes et en mauvais état,
mais elles sont réparties géographiquement de manière
très inégale, créant ainsi des déséquilibres
entre le bourg et les localités rurales.
Tableau 10: Situation des équipements et des
infrastructures sanitaires fonctionnelles par section communale
Infrastructures
|
1ère Lacoma
|
2ème Guinaudée
|
3ème Vielle-Hatte
|
4ème Lamontagne
|
5ème Dessources
|
6ème Grande-Sources
|
7ème Diondion
|
Bourg
|
Total
|
Hôpital
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
1
|
1
|
Dispensaire public
|
0
|
0
|
1*
|
1
|
0
|
0
|
0
|
0
|
2
|
Dispensaire privé
|
0
|
1**
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
1
|
Dispensaire communautaire
|
8
|
6
|
2
|
1
|
1
|
0
|
3
|
0
|
21
|
Clinique Privée
|
1***
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
1
|
Sources: Données des enquêtes
*Bord-de-mer, **Croix-Sauval, ***Clinique Materno-infantile
(Fond Lectine)
4 des dispensaires communautaires sont cogérés
par l'église catholique
Lacoma est la seule section où le nombre de
dispensaires est suffisant pour la population soit respectivement 8 ce qui
équivaut à un dispensaire pour 489 familles.
La carence est beaucoup plus accentuée pour la
5ème et la 6ème section communale en terme d'infrastructures
sanitaires. Dans ce cas, certains malades sont obligés de se rendre
jusqu'au bourg pour se faire soigner.
Au niveau de la qualité des infrastructures, la
situation est précaire au niveau de la plupart des dispensaires,
à commencer par l'eau courante en passant par la disponibilité de
matériels pour aboutir à un problème de manque de
médicaments essentiels.
Ce manque d'infrastructure dans les sections communales est
doublé d'une rareté/de crise d'ambulance (A ce propos, deux
ambulances sont disponibles au niveau de l'hôpital: Notre Dame de Paix.)
et d'un personnel médical minimal qui travaille dans des conditions
souvent pénibles, ce qui complique gravement le cas des malades.
L'insuffisance du personnel médical
L'insuffisance du personnel de la
santé est comparable à la situation de sous-équipement de
l'infrastructure sanitaire. Le nombre de personnel disponible n'arrive pas
à couvrir rationnellement toute la commune.
Tableau 11: Personnel de santé
|
1ère Lacoma
|
2ème Guinaudée
|
3ème Vielle- Hatte
|
4ème Lamontagne
|
5ème Dessources
|
6ème Grande Source
|
7ème Diondion
|
Bourg
|
Total
|
Docteur
|
1
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
7
|
8
|
Dentiste*
|
2
|
1
|
2
|
3
|
2
|
2
|
2
|
2
|
16
|
Infirmière
|
1**
|
1
|
0
|
0
|
0
|
0
|
1
|
0
|
2
|
Laborantin
|
1
|
3
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
4
|
8
|
Auxiliaire
|
16
|
9
|
5
|
3
|
2
|
0
|
9
|
20
|
64
|
Agent de santé
|
36
|
29
|
19
|
12
|
16
|
13
|
21
|
1
|
147
|
Colvol*
|
1
|
5
|
2
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
8
|
Matrone
|
103
|
119
|
73
|
18
|
62
|
71
|
64
|
12
|
522
|
Médecin traditonnel
|
49
|
38
|
73
|
19
|
83
|
65
|
52
|
13
|
392
|
Sources: Données de l'enquêtes/Programme
Santé-ID
*Sont pris en compte les dentistes et les arracheurs de dents
à la fois
**Disponible, mais ne travaille pas dans le système
Huit médecins dont 7 au bourg si on tient compte des 4
médecins cubains sont prévus pour 108738 habitants. A noter que
Lacoma est la seule section où le service d'un médecin en poste
est assuré, où le nombre d'auxiliaires est suffisant pour la
population soit respectivement 16 ce qui représente un auxiliaire pour
244 familles. La faiblesse se situe surtout au niveau de la
disponibilité de ce seul médecin pour une population
estimée à 27427 habitants.
La carence est beaucoup plus grave pour les autres sections
communales où 13500 familles doivent se contenter du service d'un
médecin basé au bourg pour se faire soigner.
A côté, de ces faiblesses, il faut noter
également le problème de la formation du personnel des
dispensaires, de l'irrégularité de plusieurs membres du personnel
soignant et de l'évacuation des malades dans des cas d'urgence.
Le coût des services et le prix des
médicaments
En plus de l'insuffisance du personnel médical et
l'éloignement des centres de santé, le coût des services et
le prix des médicaments constituent également un facteur
d'analyse déterminant dans la situation sanitaire de la commune.
Le coût des services de santé est tellement
élevé dans la commune qu'une frange importante de la population
des sections préfère se faire soigner par les médecins
feuilles, les hougans, les mambos et les bôkô.
Parallèlement, le coût de l'assistance aux
femmes enceintes par un personnel médical devient de plus en plus
exorbitant pour les usagers à cause des multiples analyses
prénatales et les ordonances de produits pharmaceutiques souvent
très chers.
Malgré la présence d'une banque de
médicaments (BMF: Banque de médicaments du Far-West)
rattachée à l'HNDP de Jean Rabel (Hôpital Notre Dame de
Paix de Jean Rabel), les médicaments prescrits par l'hôpital (et
les différents dispensaires) ne se trouvent pas facilement et lorsqu'on
en trouvent ils sont trop chers pour les usagers.
Pour finir, il faut signaler après les inondations du
mois de novembre 2006, à peine 1 patient sur 2 arrive à avoir une
consultation. Ceci est dû, d'une part, à une forte affluence de la
population qui préfère se faire soigner par les médecins
traditionnels, et d'autre part, au coût élevé des
médicaments.
Nutrition et état nutritionnel des enfants et
des femmes
La malnutrition constitue un problème majeur de
santé dans les sections communales. Les enfants
défavorisées, particulièrement à Fond-Ramadou,
demeurent les premières victimes de la sous-alimentation. Le
problème est que, le revenu familial est insuffisant pour faire face aux
besoins normaux d'alimentation80(*). De ce fait, la sous-alimentation représente
ainsi un sérieux
problème pour les enfants qui sont donc très
vulnérables aux infections et manifestent souvent des signes de retard
de croissance physique et psychique.
En plus de la malnutrition des enfants, l'état de
santé des mères défavorisées est très
précaire, présentant souvent des cas d'anémies importants.
D'une façon générale, la population des sections fait face
à une faible consommation de calories et de protéines, car elles
ont difficilement accès aux zones de bonnes productions (et le prix des
denrées est trop chèr pour les démunis).
Accès et distance par rapport aux
établissements de santé
Le premier problème constaté
dans la commune quant aux soins de santé est leur éloignement. La
grande superficie de la commune fait qu'il est difficile pour les habitants des
sections d'accéder aux services de santé du bourg
(éloignement, coût exorbitant des transports à moto-taxi).
Certaines sections n'ont accès à aucune structure de santé
de proximité en témoigne la 6ème section.
Les différentes sections communales (2ème,
3ème, 4ème, 5ème, 6ème et 7ème section)
doivent se contenter du service d'un médecin basé au bourg, ce
qui oblige dans certains cas à un malade de parcourir jusqu'à 37
km de mauvaises routes à des prix exorbitants (exemple d'un malade qui
partirait de Boucan Patriot/Laréserve/3ème section pour se rendre
au bourg et qui paierait 400 gourdes en taxi moto). Cet état de chose
fait ressortir un sérieux problème de service de proximité
au niveau de la majeure partie des sections communales de Jean Rabel. Les
dispensaires qui sont sensés jouer le rôle d'une unité de
premier niveau, donc de premier soin sont dans la majeure partie des cas,
très éloignés de la population et lorsqu'ils existent sont
pour la plupart sous-équipés et mal gérés.
Par ailleurs, certains malades sont obligés
très souvent de se rendre à un établissement de
santé à dos d'animaux quand ils possèdent ce moyen de
transport sinon ils s'y rendent à pied, après des heures de
marche.
3.1.8. Eau
potable et assainissement
a) Eau potable
L'eau est un nutriment, c'est-à-dire qu'elle fait
partie des éléments qui interviennent dans la composition des
aliments et sont utilisés dans le métabolisme normal de
l'organisme, dont elle est le principal constituant. La carence en eau provoque
une mort beaucoup plus rapide que la carence en l'un quelconque des autres
nutriments. L'eau imprègne tous les tissus de l'organisme et
représente la matière de base des fluides du corps. Elle est le
solvant de multiples substances présentes dans l'organisme telles que le
glucose, l'urée, le potassium, le sodium, les bicarbonates, les
sulfates.
L'homme a donc besoin d'eau de manière constante pour
conserver sa vie même. Cette eau, il l'utilise pour sa consommation et
pour son hygiène mais encore à bien d'autres fins. Une eau de
qualité est certainement une condition nécessaire, mais pas
suffisante, à un impact positif sur la santé, encore faut-il que
l'eau soit disponible en quantité suffisante pour satisfaire les
besoins. D'une manière générale, on estime que la
quantité quotidienne minimale d'eau nécessaire pour couvrir les
besoins essentiels est de 5 litres par personne81(*).
L'approvisionnement en eau potable pose de sérieux
problèmes dans les sections communales de Jean Rabel. La distribution
d'eau se fait à partir des sources, mais il n'existe pas de base de
données exhaustive concernant le nombre de source. On estime
malgré tout le nombre de sources captées à une centaine
environ, alors qu'il n'y en aurait un peu plus de cent autres qui ne seraient
pas captées. Les réseaux existants sont
généralement insuffisants ou inadéquats et la
qualité d'eau fournie laisse à désirer. Dans certaines
localités, la population est obligée de s'abreuver en même
temps que les animaux à des sources ou des rivières
polluées et à des rivières qui servent aussi bien à
la consommation courante (alimentation, lessive, toilette) que de
décharge publique.
L'eau potable est un sérieux problème dans le
milieu. La distribution se fait à partir des sources, les prises
domiciliaires sont inexistantes tandis que les fontaines publiques sont loin
d'être suffisantes. L'approvisionnement en eau potable est souvent
insuffisant et de surcroît contaminé, ce qui provoque
diarrhées et multitude d'autres problèmes de santé. Les
résultats d'analyses d'eau réalisées récemment sur
un échantillon de 12 points d'eau ont montré que plus de 60% des
sources de la commune de Jean Rabel sont relativement
contaminées82(*).
D'autres études ont révélé que le taux de
désinfection chimique de l'eau à usage domestique est
extrêmement faible83(*).
Les données de l'étude de base84(*) montrent que près d'un
quart des ménages utilise l'eau des rivières qui est toujours
impropre à la consommation. Une étude UNICEF/OMS citée
dans ce document indique même un pourcentage plus élevé
(37.6%) de ménages utilisant cette eau.
Dans certaines localités reculées, les paysans
vont chercher l'eau plusieurs fois par jour à un point d'eau
traditionnel, souvent situé à plus d'une heure de marche. Si
l'approvisionnement était plus facile, ils économiseraient du
temps qu'ils pourraient consacrer aux travaux agricoles, à la famille ou
à d'autres activités.
Ailleurs, quoiqu'il n'existe aucun système de
protection des sources, l'eau distribuée n'est ni
désinfectée, ni contrôlée. Ce qui seraient à
l'origine de plusieurs cas de maladies.
b)
Assainissement
La gestion des ordures pose un véritable
problème de salubrité publique au niveau du Bourg. La commune ne
dispose pas de décharge publique ni de service de traitement de
détritus. Les ordures ménagères et les déchets
provenant du marché sont jetés dans les canaux
d'écoulement ou directement à la rivière. Parfois, ils
sont rassemblés en tas et brûlés. Cet état de fait
contribue à la pollution de la rivière de Jean Rabel et à
rendre l'air malsain et irrespirable au niveau de la commune.
Le problème de drainage ou de traitement des eaux
usées facilite le développement des moustiques et des mouches,
porteurs de virus et de microbes de toutes sortes qui sont à la base de
diverses épidémies qui ravagent la commune notamment le paludisme
et la typhoïde.
3.1.9. Les
transports et communications
Le manque de routes et de moyens de transports constitue
également un obstacle. Le mauvais état des routes reliant les
sections communales entre elles et les sections au bourg (pentes raides,
affleurements rocheux, glissement de terrain) limite fortement les
échanges et constitue un frein énorme au développement de
la commune.
La commune dispose de 15 camions privés et de 4
autobus assurant le transport de Jean Rabel à Port-au-Prince. Le
transport de Jean Rabel à Port-de-Paix est assuré par plus d'une
vingtaine de Pick Up de Jean Rabel qui effectue chacun un voyage par semaine
compte tenu que le nombre de pick up est trop élevé par rapport
à la population desservie. Pour aller de la ville à un point des
sections communales il faut utiliser le service d'une motocyclette-taxi. Ce
type de transport est très cher par rapport aux autres. Plus d'une
centaine de motocyclettes taxis sont au service de la population.
Tableau 12: Tarif du transport en moto-taxi (en
gourdes)
|
Du bourg à ...
|
De Lacoma à ...
|
De Sauval à ...
|
... Lacoma
|
100
|
|
50
|
... Grande source
|
125
|
225
|
200
|
... La Reserve
|
400
|
-
|
-
|
... Diondion
|
100
|
200
|
175
|
... Boucan patriot
|
400
|
-
|
-
|
... Bord de mer
|
50
|
150
|
-
|
... Sauval
|
75
|
-
|
-
|
... Guinaudée
|
300
|
-
|
375
|
Données recueillies à la Mairie
Les paysans des sections utilisent les bêtes de somme
pour le transport des produits locaux d'une section à l'autre et des
sections au bourg. Malgré la présence de véhicules
assurant le transport du bourg à Port-de-Paix, la métropole du
département, certains marchands, majoritairement des femmes, vont vendre
à Port-de-Paix et à Saint-Louis du Nord des produits
d'élevage et de fruits comme : des volailles, du citron, de
grenadia et du charbon de bois à dos de mule pour des raisons
économiques.
Par ailleurs les habitants des côtes de la
localité de Bord de mer, de Gros sable et de Port-à-L'écu
utilisent des voiliers pour des voyages vers Port-de-Paix.
Enfin, de nombreuses localités et habitations ne sont
accessibles qu'à pied ou à dos de mule par les chemins, dont les
plus importants couvrent 145 kilomètres. En particulier, on peut noter
le cas de la 4ème et 5ème qui possèdent plusieurs
habitations accessibles uniquement à pied. Toute la 5ème section
au dessus de Porrier (au sud) n'est desservie par aucune piste praticable en
engin motorisé. Il existe aussi des habitations dans la 1ère
section qui ne sont pas accessibles en véhicule motorisé
(Fonlectune, Gombo).
a) Télécommunication
En terme de communication, une grande partie de la commune
capte maintenant les signaux des téléphones cellulaires, soit
Voila (1ère et 2ème sections), soit Digicel (3ème à
7ème sections et bourg). Plusieurs habitations ne reçoivent pas
encore ce signal.
Par ailleurs, d'assez nombreux cyber cafés, permettant
un accès à internet, et aux communications
téléphoniques avec l'étranger à moindre coût:
au bourg, à Cabaret.
Un bureau de la Téléco fonctionnait au bourg
jusqu'au premier semestre 2006, avant d'être coupé comme de
nombreux bureaux Téléco avec la privatisation de ce service.
b) Service postal
Le service postal n'est pas très efficace. Un bureau
est tenu par 2 employés, mais la lenteur du service (acheminement depuis
la capitale, et plus difficile encore vers les sections) le rend quasiment
inusité. D'ailleurs, les lettres ne parviennent pas toujours au
destinataire, et les missives sont toujours confiées à des
proches voyageant dans le pays plutôt qu'à ce service.
c) La Presse
Au niveau des médias, 2 radios fonctionnent dans la
commune actuellement: Radio Flambeau 2000, radio dite communautaire et qui
émet sur le 90.1 FM stéréo, et Radio
Fidélité, à vocation évangélique. Toutes les
deux sont situées dans l'agglomération du bourg. L'une d'elles
retransmet la radio nationale et Vision 2000, ce qui permet ainsi à la
population d'avoir un accès quotidien aux informations nationales et
internationales. Les radios sont notamment très utilisées au
moment des élections, mais aussi par les programmes de
développement qui y font passer des messages de sensibilisation.
Cependant, leur capacité n'est pas suffisante pour couvrir toute la
commune, et la programmation manque de diversité pour être
amplement écoutée. Les auditeurs se rabattent souvent sur
d'autres radios au rayon d'émission plus large: Bois Caïman
(communautaire émettant de Mare Rouge), radios de Port-de-Paix, de plus
en plus nombreuses et puissantes, et diffusant les musiques à la mode,
voire dans certains endroits les radios dominicaines.
Il existe également un petit magazine diffusé
environ chaque semestre par le volet culturel d'Initiative
Développement. Bilingue, il s'adresse principalement aux jeunes lecteurs
des écoles, et comprend de nombreuses rubriques destinées
à distraire et informer ses lecteurs sur la vie de la commune et sur le
milieu culturel en général.
La plupart des informations concernant la population de la
commune sont transmises par radio, ou encore par crieur public. D'un autre
côté, la presse écrite et télévisée y
est inexistante.
3.1.10. Electricité / Energie
La commune de Jean Rabel est dépourvue de
réseau d'électricité publique fonctionnel. Le bourg
dispose d'une génératrice reliée à un
réseau, mais l'absence de fonds pour acheter le carburant
nécessaire à son fonctionnement, lié à l'absence de
taxes aux abonnés, le rend inusuté. Il est arrivé que la
diaspora paie le carburant pour animer la fête patronale.
Les installations électriques existantes sont donc
privées, hors celle de l'hôpital du bourg (alimentant la morgue et
les différents équipements de l'hôpital) et celle de EFACAP
de Péchaud (alimentant les ordinateurs et l'accès à
internet pour les élèves). Les commerçants du bourg, de
Cabaret, de Bord de Mer, disposent souvent de génératrices pour
faire fonctionner les ordinateurs, glacières, appareils musicaux et
ateliers de réparation. Les particuliers socialement aisés ont
plus souvent un voire deux panneaux solaires. Pour les particuliers encore, les
principaux concernés habitent dans le bourg ou les quartiers de la
commune. L'accès à l'énergie électrique est
exceptionnel en campagne. La population utilise principalement des lampes
à gaz. Cette situation ne favorise pas le développement
d'industrie locale.
Concernant l'énergie servant à la cuisson des
aliments, la population utilise charbon et bois issus de la commune. Seules les
institutions et quelques particuliers du bourg et des quartiers utilisent des
réchauds à gaz, étant donné le coût du gaz,
déjà élevé dans le pays, et auquel s'ajoutent en
plus les forts frais de transport pour arriver à Jean Rabel.
De ce qui précède, il ressort que les
conditions de vie sont vraiment déplorables dans les sections communales
et expliquent dans une large mesure le sous-développement de la
commune.
3.2. La lutte contre la pauvreté
3.2.1. Stratégies de lutte contre la
pauvreté
En théorie, les responsables de l'action
gouvernementale disposent d'un éventail de mesures pour réduire
la pauvreté rurale, tant du point de vue de son niveau que du nombre de
personnes touchées. Ces mesures se trouvent insérer dans des
stratégies de développement anti-pauvreté.
A cet effet, il convient de distinguer trois types de
stratégies de lutte contre la pauvreté. La première
consiste à favoriser une redistribution des biens productifs existants,
notamment la terre, l'eau et les services connexes afin d'améliorer la
productivité, l'emploi et les revenus des populations rurales
déshéritées par l'instauration d'un nouvel ordre social.
Cette stratégie s'accompagne d'investissements dans les ressources
humaines (éducation, santé, logements et infrastructures rurales)
destinés à développer les capacités et les
possibilités d'emploi, ces investissements n'étant toutefois
rentables qu'à long terme. La deuxième stratégie consiste
à orienter le flux supplémentaire de revenus ou de consommation
crée en imposant les riches. Ce système avantage certaines
régions ou certaines zones rurales ainsi que des groupes précis
de la population rurale (par le biais de projets de développement rural,
de subventions en nature, de programmes vivres-contre-travail, de programmes de
nutrition pour les enfants et d'alimentation scolaire, de services de
santé maternelle et grâce à la possibilité pour les
pauvres d'avoir accès à du capital générateur de
revenus). La troisième est la stratégie classique de croissance
globale du PNB, qui est censée profiter à tous les groupes de la
population par le simple jeu des forces du marché, les interventions de
l'Etat sur les prix et les salaires étant minimes et la
répartition initiale des terres, du capital et des ressources humaines
n'entrant pas en ligne de compte. L'efficacité de cette stratégie
est controversée depuis les années 60. Employée seule,
elle est rarement parvenue à atténuer la pauvreté, a
souvent entraîné une répartition encore plus inégale
des revenus et laissé les paysans sans terre à l'écart,
particulièrement dans les zones accusant une forte croissance de la
population et de la main-d'oeuvre agricole non qualifiée. Alors
qu'aujourd'hui la population rurale défavorisée s'accroît
avec une vitesse vertigineuse, il est légitime de se demander si un pays
peut politiquement se permettre d'envisager une évolution structurelle
lente et progressive.
3.2.2. Les
éléments de la stratégie
La stratégie nationale de lutte contre la
pauvreté est un ensemble articulé d'interventions visant à
créer les conditions matérielles permettant à tout
individu de satisfaire des besoins jugés essentiels.
Elle contient un objectif général qui consiste
à soulager la misère des plus démunis et garantir
progressivement à toute la population une satisfaction adéquate
de ses besoins fondamentaux. Cet objectif est poursuivi suivant deux approches
distinctes bien que complémentaires:
§ ou bien l'individu reçoit, en contrepartie de sa
participation à l'activité économique, une
rémunération ou salaire qui lui permet d'acquérir sur le
marché les biens et services désirés;
§ ou bien la société met l'individu en
mesure d'accéder directement aux biens à usage personnel ou aux
services collectifs nécessaires au maintien de ses fonctions vitales et
à l'amélioration de la qualité de la vie.
Enfin, depuis quelques années, le Document de
Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP), mis au point
par la Banque Mondiale (BM) et le Fonds Monétaire Internationale (FMI),
est devenu l'un des principaux instruments utilisés au niveau national
en vue d'atteindre des résultats durables en faveur des populations
pauvres et vulnérables.
Le DSRP décrive les politiques et les programmes
macroéconomiques, structurels et sociaux que le pays devra mettre en
oeuvre pendant plusieurs années, pour promouvoir la croissance et
réduire la pauvreté. Il expose également les besoins de
financement extérieur et les sources de financement connexes.
Le DSRP est élaboré selon un processus
participatif qui implique les parties prenantes au niveau national, mais aussi
les partenaires extérieurs (FMI, Banque Mondiale, etc.).
3.2.3. Les
effets de la lutte contre la pauvreté
La pauvreté, dans ses diverses dimensions, n'est
qu'une des conséquences logiques d'une très faible
développement économique et social. A cet effet, les responsables
de l'action gouvernementale en vue de remédier à cette situation
utilisent toute une panoplie de mesures qui se trouvent insérer dans des
documents nationales de reduction de la pauvreté.
Les actions de développement de la commune sont
financées en majeure partie par l'aide bilatérale ou
multilatérale. Les fonds alloués au développement sont
gérés par les ONG et Projets qui, de leur côté,
élaborent des programmes et des projets au bénéfice de la
communauté, parfois en accord avec la Mairie.
Cependant, les projets de développement de la commune
manquant de durabilité et de renforcement peinent encore à
trouver sa voie à l'image de la grande majorité des communes de
la République d'Haïti. Il faut souligner que l'action prise en
faveur des pauvres n'ont été que partiellement et les
autorités concernés ne disposent pas d'instruments de mesure et
de calculs adéquats pour évaluer les effets des projets de lutte
contre la pauvreté. Ce qui explique en grande partie l'échec d'un
si grand nombre de programmes et projets en termes de réduction de la
pauvreté au niveau de la commune.
CHAPITRE IV
4. Les domaines prioritaires et
l'approche qui permettra d'y remédier
4.1. Les domaines prioritaires
Les priorités pour atténuer l'extrême
pauvreté, accélérer l'expansion de l'agriculture et le
développement rural dans les sections communales de Jean Rabel sont
notamment les suivantes:
Ø Faciliter l'accès à d'autres sources
d'énergie autre que le charbon de bois (gaz, énergie solaire);
Ø Reboiser les sommets des mornes;
Ø Aménager les fortes pentes par la mise en
place des structures anti érosives;
Ø Faire une étude à des fins de
vulgarisation pour déterminer les zones cultivables, forestières
et habitables;
Ø Accès à une plus grande portion de
terre cultivable;
Ø Faciliter l'accès au crédit;
Ø Construire de nouveaux systèmes
d'irrigation;
Ø Mettre en place des boutiques d'intrants (semences,
outils, insecticides);
Ø Organiser des séances de formation sur les
techniques de conservation de semence et de fabrication d'insecticides
naturels;
Ø Modernisation de l'outillage et la formation des
cadres;
Ø Planifier et organiser des campagnes de vaccination
(des animaux) à des dates régulières;
Ø Mettre en place des pharmacies
vétérinaires dans la commune;
Ø Accès à des marchés
rémunérateurs et compétitifs (rapport ville-campagne) pour
l'écoulement des produits agricoles;
Ø Accès aux infrastructures physiques: routes et
autres moyens de communication: le desenclavement de la commune, construction
et reparation des routes reliant les sections et les habitations;
Ø Accès aux services publics
élémentaires: éducation, assistance médicale,
approvisionnement en eau potable (en quantité et de qualité),
voirie, électricité, etc;
Ø Ralentissement et le contrôle de la croissance
démographique.
4.2. L'approche qui permettra d'y remédier
Les constatations faites au cours de ces dernières
années et les objectifs du nouveau millénaire montrent la
nécessité d'une nouvelle stratégie du
développement. Si les stratégies traditionnelles axées sur
la croissance se traduisent par une augmentation du nombre des pauvres et de
l'extrême pauvreté, il y a de bonnes raisons d'organiser la
stratégie du développement autour de la satisfaction des besoins
essentiels en redistribuant les actifs et le revenu actuel et en orientant la
croissance en fonction de la satisfaction de ces besoins.
«Les besoins essentiels sont définis comme
étant le niveau de vie minimum qu'une collectivité devrait fixer
pour ses membres les plus pauvres. La satisfaction de ces besoins suppose que
soient remplies les conditions minimales de consommation privée pour une
famille: alimentation, logement, habillement; elle implique l'accès
à des services essentiels, tels qu'eau potable, assainissement,
transports, santé et éducation; elle demande que toute personne
en mesure de travailler et désireuse de le faire ait un emploi
convenablement rémunéré. Elle devrait comprendre encore la
satisfaction de besoins d'un caractère plus qualitatif: un environnement
sain, humain et satisfaisant et la participation de la population à
l'élaboration de décisions qui affectent la vie et les moyens
d'existence de chacun ainsi que les libertés individuelles» (BIT,
1976, 7).
Selon cette définition, les besoins essentiels ne sont
pas seulement de nature matérielle, mais aussi immatérielle et en
plus, ils s'influencent mutuellement. Ils constituent les objectifs minimaux
d'une société, et non la totalité de ce qui est
souhaitable. Dans cette perspective, la pauvreté spécifiquement
économique est comprise comme l'absence de satisfaction
matérielle des besoins essentiels matériels et
immatériels; par conséquent le minimum vital englobe la
satisfaction matérielle de ces besoins.
4.3. Contexte dans lequel devrait s'insérer la lutte
contre la pauvreté: le développement de Jean Rabel
4.3.1. Le
contexte de lutte contre la pauvreté
La mise en place et la réussite d'une
stratégie de lutte contre la pauvreté au niveau de la commune
posent comme points fondamentaux le développement de l'agro-industrie et
une meilleure répartition des services sociaux de base de
qualité.
Pour cela, il faut définir une politique globale
cohérente de développement rural dans laquelle l'action prise en
faveur des couches de populations déshéritées doit
engendrer des processus continus et qui se renforcent mutuellement.
Dans ce contexte, il ne suffit pas seulement d'opter pour une
forme de planification ou de stratégie. Il faut aussi disposer
d'instruments de mesure et de calculs adéquats. Il ne faut pas se
contenter de s'intéresser aux méthodes de planification et aux
expériences faites en la matière, mais il faut évaluer les
effets des investissements et les gains associés aux projets de lutte
contre la pauvreté.
Ainsi, il est souhaitable que le développement et la
stratégie de lutte contre la pauvreté puissent être
atteints, tout en mettant en place les différents types de clignotants
nécessaires à l'échelle micro (projets), méso
(programmes) et macro (grands agrégats économiques),
nécessaire au recentrage continu du processus, tout au long de son
exécution. Il sera alors possible de mieux apprécier les manques
dont souffrent les stratégies au niveau de la commune et dans les
différentes sections pour chacun des projets.
Cela permettra d'apporter des réponses aux
problèmes spécifiques touchant la pauvreté, tout en
veillant à l'aspect dynamique de la question pour le
développement global de la commune.
4.3.2. Le
développement de Jean Rabel
Le développement de la commune doit
passer par son redressement économique (agriculture, élevage,
communication) et social (services de base). En effet, l'amélioration de
la situation économique est un moyen d'augmenter les ressources de la
commune et de la collectivité, et ainsi d'améliorer la
qualité des services.
Pour cela, il faudrait que l'amélioration de la
rentabilité se fasse à travers la production, mais surtout la
commercialisation de produits transformés. Autour de la production, la
rentabilité sera augmentée par une meilleure gestion de l'eau
d'irrigation. Il faudrait également diminuer l'impact des rongeurs et
autres nuisibles, et faciliter l'accès aux intrants. L'accent devra
être mis sur les produits naturels (engrais et pesticides) afin de
préserver l'atout national d'une production non chimique, et de vendre
ainsi des produits de meilleure qualité à un prix moins
élevé.
Pour l'élevage, il s'agit de mieux contrôler les
reproductions, de diminuer les pertes de bétail dues à la
sécheresse ou aux inondations, d'améliorer l'état de
santé des bêtes pour les engrosser et augmenter leur valeur.
La commune étant particulièrement
vulnérable aux aléas climatiques, la protection de
l'environnement a comme but principal de protéger la population, ses
biens et ses cultures des risques naturels. Contrer la dégradation de
l'environnement semble un but évident pour permettre aux futures
générations de continuer à vivre et à produire sur
le territoire. La protection concerne à la fois les sols et l'eau.
Les activités de reboisement d'un côté
visent à limiter l'érosion et l'assèchement des cours
d'eau, mais aussi les glissements de terrain et l'appauvrissement des terres.
Le reboisement sera vu sous un angle intégré:
économiquement utile, et géographiquement ciblé.
Les routes secondaires doivent être
aménagées de façon à ce que leur entretien soit
soutenable pour la collectivité. C'est-à-dire que les
aménagements, même s'ils concernent des portions plus petites,
doivent être faits en dur (béton, bitume, rampes...), et avec
protection des contreforts. Des pistes reliant les sections entre elles devront
être ouvertes.
Quant aux soins de santé, il faudrait qu'on
améliore les services de proximité (matériel, formation)
et de faciliter la communication entre les structures de santé pour
transférer les cas d'urgence vers l'hôpital (ambulance,
téléphone ou radio). Par ailleurs, l'accès aux soins
spécialisés ne doit être dépendant de la
présence temporaire de médecins étrangers. L'alimentation
en électricité ne devrait pas limiter les services (de
laboratoire par exemple) étant donné sa puissance. La morgue
devrait être moins cher pour les indigents.
La distribution et l'entretien de l'eau doivent être
plus équitables et économes: favoriser l'aménagement de
structures là où la population est regroupée,
prévoir un système d'entretien sur les ouvrages
réalisés dans les sections avec contrôle communautaire.
Il faudra encourager une meilleure qualité de
l'enseignement en améliorant les conditions de travail des professeurs
pour les inciter à mieux accomplir leur rôle de pédagogue
(sécurité du travail, formation, etc.). Enfin, pour la formation
professionnelle, il ne s'agit pas de multiplier les initiatives dans la
commune, mais de s'attacher à donner la possibilité de formations
de qualité, diversifiées, au bourg qu'au niveau des sections.
4.4. Le développement rural de Jean Rabel dans une
perspective de développement global et national
A Jean Rabel, comme dans toutes les communes
de la République d'Haïti, le monde rural demeure le principal
réservoir de pauvreté. En effet, les ruraux pauvres
représentent plus de trois quarts de la population totale de la commune,
et 82% de la population nationale. Il s'ensuit que la pauvreté est un
phénomène essentiellement rural tant qu'au niveau de la commune
qu'au niveau national. C'est pourquoi le développement rural de Jean
Rabel se révèle fondamental à la concrétisation du
bien-être national. Alors, qu'est-ce qui mérite d'être
fait?
A la lumière des analyses présentées
ci-dessus, il est possible d'indiquer les éléments fondamentaux
d'une politique de développement rural pour la commune dans une
perspective de développement global et national:
a) Le développement rural de Jean Rabel ne peut
être réalisé sans l'engagement de l'Etat. Cela s'explique
surtout par les apports en crédit, en assistance technique, en
irrigation, en voies de communication ainsi qu'en infrastructure de production
et de commercialisation.
Aujourd'hui, après plusieurs années
d'instabilité politique, d'isolement international et de chaos
économique, le secteur privé ne réunit pas les moyens
nécessaires pour mettre en branle le processus de développement
rural. Les ONGs ou les associations communautaires sont en train de pallier
à des failles de l'Etat, mais elles n'ont pas encore les structures
suffisantes (peu de resources, manque de coordination entre elles, etc.) pour
réaliser le développement rural tant espéré. Alors,
il revient à l'Etat de prendre en main sa responsabilité
constitutionnelle et de recourir aux emprunts internationaux ou à
d'autres moyens légaux de collecte de fonds pour se doter en ressources
matérielles et humaines que nécessite la relance
économique du monde rural.
Aussi, des instruments plus adéquats - non seulement de
type juridique et répressif - doivent être utilisés pour
combattre la corruption des fonctionnaires de l'Etat et plus
particulièrement ceux qui sont en charge du recouvrement des recettes
fiscales (douanières, impôts) et non fiscales afin que cela ne
fausse pas les investissements dans les infrastructures du développement
et ne réduit pas le potentiel d'intervention social de l'Etat.
b) L'engagement de l'Etat ne peut être efficient et
efficace sans l'élimination des structures injustes et une bonne
répartition des services sociaux de base. Dans le monde rural, il existe
un profond dualisme qui se manifeste principalement à travers
l'accès aux ressources et aux services sociaux de base. Ce sont surtout
les grands propriétaires qui bénéficient des projets
d'irrigation et de reboisement. Les programmes de crédit laissent de
côté les petits propriétaires et les salariés
agricoles. Plusieurs interventions réalisées dans le monde rural
n'ont pas réussi à enclencher un processus de
développement auto-soutenu parce qu'elles ont négligé les
problèmes structurels.
Parallèlement, la mauvaise répartition des
services sociaux de base contribue grandement en l'appauvrissement des paysans.
Pourtant, une bonne répartition et une bonne qualité des services
sociaux de base sont les meilleurs moyens d'améliorer la
productivité économique et le bien-être des familles.
La constitution en elle-même, par le fait qu'elle
recommande la réforme agraire, l'accès à une
éducation de base et à la santé, indique
déjà le chemin à suivre pour combattre les structures d'un
tel dualisme. Il est vrai que, dans les années soixante et soixante-dix,
de multiples erreurs ont été commises dans les politiques de
réforme agraire appliquées en Amérique Latine.
Heureusement, il existe aujourd'hui des instruments conceptuels et
méthodologiques qui permettent de les éviter. L'essentiel est de
savoir faire preuve de discernement et de volonté politique.
c) L'élimination des structures injustes et une bonne
répartition des services sociaux de base ne peuvent réduire la
pauvreté rurale si elles ne sont pas accompagnées d'une politique
de développement agricole. Il ne suffit pas de favoriser un meilleur
accès aux ressources et aux services sociaux de base. Il est
nécessaire de les améliorer de façon à garantir une
croissance soutenue de l'agriculture qui est la principale activité des
paysans.
La croissance rapide de l'agriculture peut être
engendrée de différentes manières. Elle peut provenir de
l'expansion des superficies cultivées. Elle peut aussi résulter
de l'utilisation efficace de technologies. Dans le cas de Jean Rabel, la
deuxième option serait la meilleure. Même ainsi, on devrait
choisir le type de technologies à utiliser. Les techniques qui
augmentent la productivité de la terre serait à court et moyen
terme les plus adéquates. L'essentiel est de déployer des efforts
pour mettre en place des systèmes de production rentables en combinant
des connaissances traditionnelles avec des innovations scientifiques
modernes.
On ne peut pas laisser les investissements des agriculteurs
et des éleveurs totalement exposés aux caprices de la nature. Par
exemple, il est nécessaire d'avoir des variétés de plantes
et des races d'animaux plus résistantes à des maladies
rencontrées dans la commune. A ce niveau, la raison de l'engagement de
l'Etat est de rendre le secteur primaire plus flexible, c'est-à-dire
plus âpte à répondre aux signaux des prix. Pour atteindre
une telle flexibilité, l'agriculture ne doit plus être
considérée comme une source d'excédent à être
transféré au secteur urbano-industriel. Elle doit avoir à
sa disposition une grande partie de la valeur ajoutée qu'elle produit
(MELLOR, 1995).
En ce qui a trait aux activités à entreprendre,
la priorité est à accorder à la production d'aliments.
Cela s'explique en partie par le fait qu'il est nécessaire de
réduire dans l'immédiat la vulnérabilité
alimentaire des ruraux. En plus de cela, il est indispensable
d'économiser des devises qui seraient destinées à
l'importation d'aliments d'autant plus que les perspectives d'obtention de
celles-ci à court et moyen terme sont très modestes.
Il y a deux autres points importants mais qui, à Jean
Rabel, sont toujours oubliés dans les programmes de développement
rural. D'abord, la localisation de chaque activité agricole est à
déterminer essentiellement en fonction de la vocation des terres. C'est
en quelque sorte anormal de voir les plaines largement couvertes d'arbres alors
que les montagnes sont presque totalement dénudées et
livrées à des cultures sarclées. En suite, une politique
de prix alimentaires est à envisager. Elle doit être
définie de manière à prendre en compte non seulement
l'allocation de meilleures incitations aux producteurs mais aussi
l'amélioration de l'accès des consommateurs aux aliments.
c) Et, en dernier lieu, le développement agricole ne
peut être garanti s'il n'est pas poursuivi dans le cadre d'une politique
macro-économique bien structurée. Un contexte
macro-économique inadéquat résulterait en l'échec
de la meilleure politique de développement agricole. Pour atteindre des
objectifs de croissance soutenue en agriculture, il est nécessaire de
définir et d'appliquer des mesures à effets globaux et nationaux
(voire internationaux).
Les politiques budgétaires, fiscales et
monétaires ainsi que les taux de change, les taux
d'intérêts et le niveau des salaires ont une influence
considérable sur le secteur agricole. Un manque d'attention
budgétaire envers l'agriculture peut être fatal notamment à
la mise en place d'infrastructures nécessaires à la production ou
à la commercialisation d'aliments. Une forte taxation de
l'économie peut décourager les producteurs. Les taux de change
font varier significativement les importations de certains facteurs de
production. Les taux d'intérêt conditionnent amplement la
décision du producteur de consentir un emprunt. Le niveau des salaires
est un déterminant évident de la disponibilité d'emplois
et de la variation des revenus (TIMMER et al., 1986).
Aujourd'hui, il est impératif de gagner la confiance
des investisseurs petits ou grands afin qu'ils n'hésitent plus à
entreprendre des activités tant dans l'agriculture que dans d'autres
secteurs de l'économie. Pour concevoir et mettre en application une
politique de développement rural propre à atteindre un tel
objectif, on ne peut pas négliger les variables
macro-économiques.
5. Conclusion et
recommandations
Comme l'analyse ci-dessus l'a permis de constater, les nuances
sociales s'expriment avec vigueur dans la commune. Une absence de service de
proximité dans plusieurs sections, un manque d'équipements et de
personnels qualifiés, la mauvaise qualité du service
offert : sont autant de problèmes inhérents au
sous-développement de la commune. De même, l'infrastructure
routière et l'indisponibilité de l'énergie constituent un
handicap majeur à la lutte contre la pauvreté. La population
rurale qui constitue les 92.88% de la population totale, a comme unique moyen
de subsistance et seule source de revenu, la culture de la terre. Malgré
l'importance de l'agriculture, qui domine l'économie de la commune de
par son apport et de par sa taille, loin d'être l'objet d'un quelconque
programme de développement, a été abandonnée
totalement au libre jeu des forces de la nature. Cela se traduit par une baisse
continue de la production agricole, et des taux de chômage et de sous
emplois qui atteignent des proportions alarmantes.
La piètre performance de l'économie de la
commune, sa marginalisation, le niveau élevé de prévalence
de la pauvreté et de l'insécurité alimentaire montre
très clairement que les solutions préconisées par les
Pouvoirs Publics dans le cadre des différents programmes et projets de
développement sont passées à coté de leurs
objectifs.
La lutte contre la pauvreté, et notamment dans les
sections communales de Jean Rabel, est une condition nécessaire pour le
développement de la commune et du pays. Des mesures prioritaires doivent
néanmoins être prises pour s'attaquer directement aux causes de la
pauvreté. La mauvaise répartition des besoins essentiels n'est
pas seulement un effet de la pauvreté, elle en est aussi la cause. De
nombreux éléments prouvent qu'une meilleure répartition
des services sociaux de base de qualité améliorera les conditions
de vie de la population des sections communales.
Face à la nécessité de réduire la
pauvreté des sections d'une manière appréciable et
durable, il est nécessaire que des mesures concrètes soient
prises pour promouvoir la croissance de l'agriculture et le
développement rural. Les trois quarts des pauvres de la commune vivent
dans les sections communales et tirent leurs moyens de subsistance de
l'agriculture ou d'activités dont la survie est liée au secteur
agricole. Le développement agricole et rural est donc essentiel pour la
croissance économique globale et pour éradiquer l'extrème
pauvreté.
Cependant, pour mettre au point des politiques qui aient une
chance d'aider effectivement les pauvres ruraux, les pouvoirs publics devraient
cibler les principales recommandations suivantes :
Ø Il faut mettre en place des mécanismes pour
combattre la corruption au plus haut niveau des pouvoirs publics. Sans ce
dernier, on ne pourra jamais implémenter avec efficacité des
programmes et des politiques publiques en faveur des couches
défavorisées.
Ø L'Etat doit trouver les moyens nécessaires
d'entreprendre graduellement et de façon soutenue des actions bien
coordonnées dans le cadre des programmes et projets de lutte contre la
pauvreté.
Ø Les autorités concernées doivent
disposer d'instruments de mesure et de calculs adéquats pour
évaluer les effets des projets de lutte contre la pauvreté. Il
sera alors possible de mieux apprécier les manques dont souffrent les
projets et de pallier à ces faiblesses.
Ø Les politiques de lutte contre la pauvreté
rurale doivent fournir les moyens techniques (utilisation efficace de
technologies) permettant d'accroître la rentabilité des
exploitations, prendre appui sur une réforme agraire et prendre en
compte la situation spécifique des populations pauvres de la commune.
Ø Les mesures doivent viser à combattre non
seulement les causes mais également les effets de la pauvreté.
Bien sûr, résoudre le problème de la
pauvreté rurale n'est nullement une tâche aisée. Je
répète que cette tâche réclame une action
énergique et coordonnée, appliqueé d'une façon
graduelle et persistante. Mais l'important est de démarrer et de savoir
où l'on va.
6. Bibliographie
Ouvrages d'auteurs
1- ANGLADE, Georges. Atlas critique
d'Haïti, Montréal, Centre de recherches Caraïbes,
Université de Montréal, 1982.
2- AUGUSTE, Renan. Chache konnen sa ki gen
nan 5è seksyon Jan Rabel - Kaye anketè, 2007.
3- BARTOLI, Henri. Repenser le
développement, en finir avec la pauvreté, UNESCO, ECONOMICA,
Paris, Editions UNESCO, 1999.
4- BEAUBRUN, Wydline et
Cineus, Alfred. Chache konnen sa ki gen nan 1è seksyon
Jan Rabel - Kaye anketè, 2007.
5- BERNARDIN, Ernst A. L'Espace rural
haïtien, Collection «Les Classiques de l'Université»
(vol. 2), Avril 1997.
6- BRISSET, Claire. La santé dans le
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* 1 Source :
Département du Nord-Ouest, Rapport diagnostic PDC Jean Rabel, Janvier
2007.
* 2 Idem.
* 3 Source :
Département du Nord-Ouest, Rapport diagnostic PDC Jean Rabel, Mars
2007.
* 4 Source: Département
du Nord-Ouest, Rapport diagnostic PDC Jean Rabel, mars 2007.
* 5 Source: Rapport sur le
diagnostic de la situation du Nord-Ouest, mai 1998.
* 6 On ne dispose pas de
données chiffrées sur la quantité de millimètres de
pluie tombés en avril 1971.
* 7 Source: Département
du Nord-Ouest, Rapport diagnostic PDC Jean Rabel, mars 2007.
* 8 Source :
Département du Nord-Ouest, Rapport diagnostic PDC Jean Rabel, mars
2007.
* 9 De la rue Fidelia passant
par la grande rue jusqu'à la rue Saint Jean, des vêtements et
chaussures usagés, des fruits, des bananes, du charbon de bois, des
produits de consommation sont exposés en plein air dans des conditions
non hygiéniques pouvant favoriser la propagation de microbes.
* 10 Source: Département
du Nord-Ouest, Rapport diagnostic PDC Jean Rabel, mars 2007.
* 11 Cf. M. Mollat: «Le
pauvre est celui qui, de façon permanente ou temporaire, se trouve dans
une situation de faiblesse, de dépendence, d'humiliation,
caractérisée par la privation des moyens, variables selon les
époques et les sociétés, de puissance et de
considération sociale: argent, relations, influence, pouvoir, science,
qualification technique, honorabilité de la naissance, vigueur physique,
capacité intellectuelle, liberté et dignité personnelles.
Vivant au jour le jour, il n'a aucune chance de se relever sans l'aide
d'autrui». (Les pauvres au Moyen Age, Paris, Hachette, 1978, p. 14).
* 12 www.imf.org
* 13 Le role des sciences
sociales dans la planification du développement, UNESCO, 1970, E/CN.
14/SWCD. 48.
* 14 «Rural development
and Bank policies», Banque Mondiale, Washington, 1974.
* 15 www.banquemondiale.org
* 16 Ces informations sont
tirées de l'intéressant travail du Ministère de la
Planification et de la Coopération Externe (MPCE) sur le sujet: «
Carte de Pauvreté pour Haïti» Version intérimaire,
MPCE, juin 2002; et du rapport sur le développement dans le monde:
Combattre la pauvreté: Banque Mondiale, 1998.
* 17 Superficies
calculés sur ordinateur d'après délimitations fournies par
l'UTSIG.
* 18 Source :
Département du Nord-Ouest, Rapport diagnostic PDC Jean Rabel, mars
2007.
* 19 Ceux qui sont
interviewés ne sont pas trop enclins à parler de leur condition
de vie.
* 20 Source :
Département du Nord-Ouest, Rapport diagnostic PDC Jean Rabel, mars
2007.
* 21 Interview avec des parents
d'émigrants.
* 22 Par exemple en avril 1971
et en novembre 2006
* 23 Source :
Département de l'Agriculture des Etats-Unis, Manuel de conservation du
sol, Washington D.C, 1950.
* 24 Nicolas Jean Baptiste, Le
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travers l'histoire d'haïti 1697-1992, Port-au-Prince, Les Editions
THELUSCOSI, Avril 2000, p.32
* 25 Jean Fouchard, Les marrons
de la liberté, Editions de l'Ecole, Paris, 1972, p.63
* 26Id., p.64
* 27 Id., p.424
* 28 Nicolas Jean Baptiste, op.
cit., p.34
* 29 Nicolas Jean Baptiste, op.
cit., p.35
* 4 Suzy Castor, Les origines
de la structure agraire en Haïti, CRESFED, Port-au-Prince, 1987, p. 11
* 30 Nicolas Jean Baptiste, op.
cit., p. 42
* 31 Suzy Castor, op. cit., p.
25
* 32 Giovanni Caprio,
Introduction à l'histoire économique d'Haïti et
l'après Duvalier, Cary Hector / Hérard Jadotte éditions,
Port-au-Prince, 1991
* 33 Suzy Castor, op. cit., p.
17; voir aussi Nicolas Jean Baptiste, op. cit., p.41
* 34 Suzy Castor, op. cit., p.
21
* 35 Id., pp. 23-24
* 36 Id., p. 11
* 37 Id., p. 15
* 38
Bénéficiaires des grandes donations de l'Etat
* 39 Gérard Pierre
Charles, L'Economie haïtienne et sa voie de développement, Editions
Henri Deschamps, Mai 1993, p. 67
* 40 Nicolas Jean Baptiste,
op.cit., p. 91
* 41 Franck Blaise, Le
problème agraire à travers l'histoire d'haïti, p. 37
* 42 Ibid.
* 43 Nicolas Jean Baptiste, op.
cit., p. 55
* 44 Nicolas Jean Baptiste, op.
cit., p.56
* 45 Id., p. 60
* 46 Ibid.
* 47 Id., p.61
* 48 Nicolas Jean Baptiste, op.
cit., p.94
* 49 Id., p. 51
* 50 Suzy Castor, op. cit., pp.
34 - 35
* 51 Gérard Pierre
Charles, op. cit., pp. 44 - 45
* 52 Louis Joseph Janvier, Les
affaires d'haïti 1983 - 84, Flammarion, Paris, p.17
* 53 Paul Moral, Le paysan
haïtien, Les Editions Fardin (reproduction), Port-au-Prince, 1978, p.
52
* 54 Jean Jacques Doubout,
Féodalisme ou capitalisme: Essai sur l'évolution de la formation
sociale d'haïti depuis l'indépendance, Montréal, 1973, p. 16
- 17, cité par Kethly Millet, Les paysans haïtiens et l'occupation
américaine 1915 - 1930, Collectif Paroles, La Salle, P. Q., Canada,
1978, p. 32
* 55 Franck Blaise, Le
problème agraire à travers l'histoire d'haïti, p. 99
* 56 Bernard Etheart, Survol de
l'évolution de la structure foncière, publié en quatre
parties au journal « Haïti en marche » Nos. 6, 7, 8,
9, éditions du 9 au 5 Avril 2005.
* 57 Gérard Pierre
Charles, op. cit., p.146
* 58 Paul Moral, op. cit.,
p.41
* 59 Gérard Pierre
Charles, op. cit., p.33
* 60 Bernard Etheart, op. cit.,
No. 8
* 61 Idem.
* 62 Ibid.
* 63 Paul Moral, op. cit.,
p.53
* 64 Id., p18
* 65 Bernard Etheart, op. cit.,
No. 8
* 66 Gérard Pierre
Charles, op. cit., p.90
* 67 Nicolas Jean-Baptiste, op.
cit., p. 97
* 68 Le Moniteur, 130ème
année, No. 62 du Jeudi 21 Août 1975
* 69 Arrêté du 13
Janvier 1995, publié au Moniteur, 150ème année, No. 22 du
Jeudi 16 Mars 1995
* 70 Arrêté du 7
Janvier 1995, publié au Moniteur, 150ème année, No. 22 du
Jeudi 16 Mars 1995
* 71 Arrêté du 29
Avril 1995, publié au Moniteur, 150ème année, No. 35 du
Jeudi 4 Mai 1995
* 72 Arrêté du 18
Juillet 1995, publié au Moniteur, 150ème année, No. 58-A
du 27 Juillet 1995
* 73 Arrêté du 23
Octobre 1996, publié au Moniteur, 151ème année, No. 79 du
Jeudi 24 Octobre 1996
* 74 On constate en moyenne sur
toute les écoles recensées 34 élèves par
maître, avec une pointe à 38 pour la 2ème section (qui
compte plus d'écoles nationales que les autres sections). Page 73 du
diagnostic descriptif de la commune de Jean Rabel, Janvier 2007.
* 75 On dénombre 956
maîtres pour 1323 classes (soit un déficit de 367 maîtres
par rapport au nombre de classes); 26% des écoles recensées
disposent d'un maître par classe. Au niveau des écoles nationals,
7 d'entre elles sur les 23 existantes (soit 30%) disposent d'un maître
par classe. Page 72 du diagnostic descriptif de la commune de Jean Rabel,
Janvier 2007.
* 76 Les salles de classe ont
des effectifs pléthoriques, supérieur à 50. Parmi les 33
écoles surchargées, 16 sont des écoles publiques, ce qui
montre d'une part l'intérêt des familles pour les écoles
publiques, d'autre part le grave problème de resources
économiques qui mine ces dernières. Page 72 du diagnostic
descriptif de la commune de Jean Rabel, Janvier 2007.
* 77 On ne dispose pas de
chiffres pour la déperdition scolaire
* 78 Source :
Département du Nord-Ouest, Rapport diagnostic PDC Jean Rabel, mars
2007.
* 79 Source :
Département du Nord-Ouest, Rapport Diagnostic PDC Jean Rabel, mars
2007.
* 80 A cause de la formation
des ravines et de l'état lamentable des routes qui rend difficile
l'écoulement des produits vers la 7ème section, voir
aussi le diagnostic descriptif de la commune de Jean Rabel
élaboré par le département du nord-ouest en Janvier
2007.
* 81 Claire Brisset, La
santé dans le tiers monde, La Découverte (Le Monde), Paris, 1984,
p.
* 82 Initiative
Développement-Programme Haïti, Accès à l'eau potable
dans le Nord-Ouest, 2006, p. 1
* 83 Idem, p. 2
* 84 Care, La
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