La stratégie politique
Introduction
Dans la société, des conflits
d'intérêts ou d'aspiration surgissent à tout moment car les
objectifs recherchés par certains suscitent chez d'autres des
résistances. Des organisations s'affrontent, élaborent des
stratégies, mobilisent des ressources et forment des alliances. Dans ce
perpétuel processus d'action et de réaction s'engagent des
négociations, se déroulent des confrontations que ponctuent
succès, défaite ou triomphe ... Quoique simplifiée, cette
description dégage le fait que la stratégie a bien sa place dans
la société pour servir ceux qui aspirent à diriger. Le
terme « stratégie » est très courant dans le langage
usuel et professionnel, tellement courant qu'on tend parfois à le
confondre avec d'autres termes exprimant approximativement la même
idée mais se distinguant par le sens profond par exemple tactique, plan,
démarche... L'origine du mot vient du grec « stratêgos »
(chef d'armée) qui a donné le latin « stratagema »
(ruse) ce qui fait de cette pratique l'art du général. Son sens
moderne est double, si l'on choisit de mettre l'accent sur le savoir ou sur la
méthode. La stratégie est définie comme la science ou
l'art de l'action humaine finalisée, volontaire et difficile.
Finalisée c'est-à-dire tendu vers des buts identifiés avec
précision, volontaire dans la mesure où la volonté de
l'unité agissante représente une condition fondamentale pour la
réalisation de l'objectif ; difficile c'est-à-dire que cette
réalisation demande des efforts substantiels pour surmonter les
obstacles assez élevés pour entretenir l'incertitude au moins
pendant un certain temps. La stratégie est au coeur de la
praxéologie, elle concerne tous les domaines de l'action en particulier
la conduite des organisations de toute nature. Elle est un art qui se conjugue
avec d'autres arts sociologiques tel que la guerre et dans le cas qui nous
intéresse «la politique «. Dans son sens absolu, la politique
est l'art de gouverné la cité dans le but d'atteindre ce que l'on
considère comme la fin suprême de la société, elle
est aussi définie comme la mise en oeuvre de moyens pour réaliser
certains objectifs déterminés dans un domaine précis. Le
monde politique est le lieu même de la lutte pour la conquête et
l'exercice du pouvoir. Cependant, peut-on se demander si en politique la
stratégie est- elle toujours de mise ? Un
ensemble de question peut s'en suivre compte tenu de l'ampleur
de la tâche à laquelle se colle l'homme politique. Il nous revient
dans cette exercice d'expliciter mieux le concept de la stratégie en
politique, c'est pourquoi dans une première partie nous nous attellerons
à la précision conceptuelle (I) par une délimitation du
champ politique et une identification des stratèges de la polis. Dans la
seconde partie, nous verrons les stratégies concevables (II) en
politique.
Plan
I- Précision conceptuelle
A- Délimitation du champ politique
B- Stratèges de la « polis »
II- Stratégies concevables
A- Stratégie offensive
B- Stratégie d'usure
C- Les attitudes possibles
*Notes sur Machiavel et Clausewitz
I- Précision conceptuelle
Le concept de stratégie a un champ très
extensif, le sujet que nous abordons balaie un vaste domaine de
réflexion ouvert à l'homme quand il doit penser et agir pour
résoudre les problèmes posés dans la
société. Il n'y a pas de stratégie pour un but
considéré avec certitude comme inaccessible. Elle suppose ainsi
la disposition de ressource et la capacité de les mobiliser et s'inscrit
dans une durée physique et psychologique.
Aussi, on ne peut pas voir dans toutes actions humaines la
mise en place de stratégie car elles ne satisfont pas les
critères de celle-ci. D'innombrables actions telles que le choix d'un
plat plutôt qu'un autre, ou d'occuper ses loisirs de telles ou telles
façons s'appliquent à des buts sélectionnés plus ou
moins aléatoirement au sein d'un ensemble
prédéterminé par l'inconscient dans ses dimensions
personnelles et sociales. De même que d'innombrables actions collectives
ou individuelles comme l'organisation des services publics correspondent
à la mise en oeuvre de routine, où l'on évite le
coût de réforme qui supposerait, elle, la définition
d'objectifs et de stratégie. Pour que l'on puisse parler de
stratégie, il faut aussi que la part de volonté et la tension
durable qui en résulte soit essentielle, de même que le
critère de difficulté crucial.
Il convient dès lors de délimité le champ
politique et de dire quels sont les acteurs de la stratégie dans la
société.
A- Délimitation du champ politique
Bien qu'emprunté au vocabulaire militaire, le mot
stratégie trouve aussi sa place dans le champ politique. En effet et
selon les auteurs tels que Machiavel, la conflictualité est au principe
même de la politique puisque la lutte pour le pouvoir est au centre de la
vie politique. Gérer la cité est une mission importante qui
concerne bon nombre d'acteur individuel ou constitué en groupe. Si le
politique concerne le monde des essences, la politique elle relève du
monde des contingences, (évènement, concret...). Elle est le lieu
des divisions et des conflits.
Parce que les décisions qui relèvent du pouvoir
politique ou des élites dirigeantes engagent la
société, elles sont l'enjeu d'une compétition très
vive
entre les groupes, catégories ou classe sociales. Ils
s'organisent pour défendre et faire prévaloir leur
intérêt, s'efforcent d'influer sur les décisions par la
propagande, la persuasion, ou par la manifestation de leur puissance,
éventuellement par la violence qui est souvent le signe de leur
faiblesse.
Les détenteurs du pouvoir politique assurent
généralement l'exécution de leur décision par un
mélange d'autorité et de coercition. Cependant, d'autres
procédés plus subtils font que les dirigeants arrivent à
leur fin.
B- Les stratèges de la « polis »
L'univers de la politique est celui des passions collectives.
La servitude et la grandeur du métier politique consiste à
gérer rationnellement et à canaliser cette matière
inflammable : la psychologie des masses. L'homme d'Etat (maléfique ou
bienfaisant, car la « stratégie en tant que telle échappe
à la morale1 ») y parvient en comprenant « les
raisons que la raison ne connait pas«. Il peut alors conduire ses actions
en stratège, comprendre les tendances, les comportements et les humeurs
des collectivités humaines. Celui (l'homme) décrit par
Gérard Chaliand est une tête pensante, un « homo
stratégicus », l'idée évoquée est celle
déjà décrite par le général
Beaufre2. Ce dernier définie la stratégie comme
étant l'art de la dialectique des volontés employant des
ressources pour résoudre leur conflit. « Son but est d'atteindre la
décision en créant des contraintes sur l'exploitation des
ressources de l'adversaire suffisant pour lui faire accepter les conditions
qu'on veut lui imposer3 », car il y va du respect et même
de l'hégémonie.
Au niveau des objectifs, les héros de l'histoire sont
souvent (peut-être pas toujours) animés par leur ego autant que
par les intérêts qui les dépassent. D'où
l'importance de ce que les stratèges appellent la recherche de « la
gloire », une gloire posthume et éternelle pour le martyr.
Aujourd'hui, les instituts de recherche et les groupes de
pression ont un pouvoir croissant dans l'élaboration de
stratégie politique en matière de
1 Anthropologie mondiale de la stratégie. Des origines au
nucléaire, Gerard Chaliand, éditions Robert Laffont S.A Paris,
1990.
2 Auteur de «introduction à la
stratégie«, 1963 et militaire dans l'armée Française
de 1921 à 1975.
3 Ces contraintes peuvent portées sur les ressources
elles-mêmes ou sur leurs modes de mobilisation.
relation extérieur et surtout dans la définition
de ce qu'est «l'intérêt national «d'un Etat. Un
intérêt qui ne fait pas souvent partie de l'attention de la
population. Dans les pays développés il s'agit des lobbies, des
multinationales, ou des intellectuelles représentant d'une
idéologie4 ou d'un courant (ex les conservateurs) qui
influent sur les orientations de la politique de l'Etat.
II- Les stratégies concevables
Savoir gérer une conflictualité aussi permanente
que polymorphe et imprévisible est dès lors le premier
impératif de l'homme politique car pour Machiavel, l'unique
pensée et l'unique objectif est d'abord savoir quand, pourquoi et
comment faire la guerre. Dans cette configuration, il n'est pas d'hommes
politiques qui ne doivent être un fin stratège. A
l'évidence, l'intelligence est une des ressources essentielles au
commandement, cependant, les stratégies déterminent
réellement la volonté des acteurs.
A- La stratégie offensive
Il s'agit d'une logique qui préconise de s'attaquer
directement au problème. La stratégie consiste souvent à
identifier le « point décisif » (en quelque sorte le talon
d'Achille de l'adversaire) ou le « centre de gravité »
permettant d'atteindre le résultat. Dans les situations de maintien ou
de rétablissement de l'ordre, la stratégie implique le recours
à la force au sens usuel (militaire ; policière) et donc de la
violence ou tout au moins à l'éventualité du recours
à la force, laquelle est donc nécessaire. Par contre, Clausewitz
et Sun Zi5 parlent de la recherche d'une
désintégration morale de l'adversaire pour pouvoir rompre le lien
qui maintien l'unité de l'organisation adverse. Mais le mot
«désintégration« ne doit pas être pris dans sont
sens absolu, ou au sens militaire, car il s'agit seulement de
désorganiser ou dans un langage courant de semer la« zizanie«
et de faire accepter sa loi ; «diviser pour mieux régner«.
Concrètement, tout dépend des objectifs, car
l'effondrement complet du vaincu peut-être une source de problème
pour le vainqueur ; par exemple, une entreprise à rarement
intérêt à la dislocation de tous ses concurrents. Mais dans
certain cas extrême où le but est l'anéantissement de
l'adversaire, il est
4 Ensemble des idées constituant une doctrine
philosophique ou politique.
5 Sun Zi est l'auteur de l'art de la guerre, ouvrage
le plus ancien sur la stratégie militaire. La preuve que l'auteur est
existé reste un mystère.
effectivement nécessaire de briser son unité et
donc le lien moral qui la conditionne. Ce cas de figure est observable lors des
campagnes électorales. En effet, les candidats se donnent à une
lutte qui peut leur permettre de donner les coups-bas, en s'appuyant sur les
faiblesses de leur concurrent6.
B- La stratégie d'usure
Cette stratégie vise à fatiguer l'adversaire et
à le démoraliser par des résultats cumulés d'une
série d'actions donc chacune n'est susceptible à elle seule,
d'engendrer un résultat décisif. Elle est celle choisie par les
belligérants incapables d'obtenir des résultats décisifs.
C'est donc à priori la stratégie du plus faible. Elle peut
être aussi la continuation d'une stratégie offensive (ou
d'anéantissement) mais l'inconvénient est qu'elle peut
s'accompagner d'une usure comparable chez celui qui y recourt. Elle permet
néanmoins de contrebalancer la supériorité militaire lors
des guerres (exemple les Nord- Vietnamiens face au américain). On peut
dire que la stratégie d'usure est plus une question de rapport de force
qu'un choix doctrinal en raison des moyens disponibles.
Notons au passage que certains acteurs politiques on parfois
recourt à la négociation. Celle-ci est perçue comme la
recherche d'un accord ou d'un compromis social ou politique. Un adversaire
rationnel, convaincu que la probabilité d'une défaite est
élevée, à toutes les chances de se trouver incité
à la négociation.
Le recours aux médias : Pour certains politiques, la
stratégie politique repose beaucoup plus sur la maitrise des
médias, à un point qu'on parle des médias en tant qu'outil
de communication qui leur est indispensable. Que ce soit pour les campagnes
électorales ou pour l'entretien de leur image (de marque), les
médias restent incontournables. Pour illustration, on peut citer le cas
des présidents français et américain, Nicolas Sarkozy et
Barak Obama. On passe d'une médiatisation à une
«peopolisation« qui veut faire de n'importe quel fait social un fait
politique.
6 Cela peut être des révélations publiques
sur des sujets compromettant (corruption, abus de pouvoir, mensonge, scandale
sexuel...
C- Les attitudes possibles
Les conflits virtuels ou réels ne débouchent pas
forcément sur des affrontements visibles, les acteurs adoptent 3
attitudes répertoriées par Hirschman7, mais nous
n'expliciterons que deux :
- La prise de parole : ce comportement consiste à se
faire entendre par les gouvernants pour les influencer, en utilisant les moyens
politiques disponibles, soit dans le cadre du système
considéré, soit contre lui. Ce seront les moyens légaux
comme le vote, les manifestations sur la voie publique, campagne de presse,
démarchage des élus... mais ce peut être aussi le recours
à l'action illégale ou la violence. Agir pour revendiquer suppose
en principe la conviction qu'il est possible d'atteindre le but souhaité
ou du moins, d'y trouver des avantages qui soient supérieurs aux
coûts de la mobilisation. Mais il peut se faire aussi que le mouvement
contestataire soit à lui-même sa propre fin, c'està-dire un
instrument d'affirmation de soit dans le jeu social et politique.
- L'allégeance ou la loyauté : il relève
d'une attitude active ou passive de soutien politique. Les formes principales
en sont le légalisme et le légitimisme. Le respect
spontané du droit par le citoyen facilite l'exercice du pouvoir, de
même que l'inclination à soutenir les gouvernants en place moins
pour ce qu'ils font que simplement « parce qu'ils sont là ».
le légitimisme peut aussi être un soutien actif aux valeurs qui
fondent le régime. La stabilité d'un système politique est
directement conditionnée par l'importance relative des comportements de
loyauté qui, eux-mêmes, attestent l'efficacité de la
socialisation politique dans le pays considéré.
7 Albert Otto Hirschman, auteur de «exit, Voice,
and Loyality: responses to decli ne in firms, organization and states«.
Dans ce livre, il trace les conditions d'émergence de l'action
collective. La troisième attitude consiste à se mettre à
l'écart du système et du jeu politique, une sorte
d'indifférence due à une déception.
*Note sur quelques auteurs :
Clausewitz (Carl Philip Gottfried): (Juin
1780-novembre 1831) officier et
théoricien militaire prussien, ses écrits sont
considérés comme une base majeur de la théorie
stratégique moderne et ont inspiré d'autres grands noms tels
Lénine, Hitler, Raymond Aron, Colin Powell... A l'origine son oeuvre
(De la Guerre) n'était pas destinée à la publication,
néanmoins, cette imperfection n'empêche pas son oeuvre
d'être une des plus réalistes et des plus complètes. Les
notion qu'il aborde dépassent largement le domaine militaire et
influencent un grand nombre de sciences humaines et en particulier la science
politique. Ses théories sont essentiellement descriptives. Il donne aux
lecteurs des instruments conceptuels et dialectiques pour saisir toute la
complexité de la stratégie pour gérer l'incertitude. Il a,
entre autres, abordé dans son ouvrage le lien indissociable entre la
guerre et la politique, l'introduction des probabilités dans le
raisonnement stratégique et d'autres notions liés à la
guerre (les frictions, le centre de gravité.).
Machiavel (Nicolas) : (Mai 1469- Juin 1527)
penseur italien de la
renaissance, théoricien de la politique et de la
guerre. Il est présenté jusqu'aujourd'hui (à force de
préjugés) comme un homme cynique, dépourvu
d'idéale, de tout sens de la morale et d'honnêteté... Ses
écrits montrent un homme politique soucieux du bien public, qui
cherchait à donner à l'Italie la force politique qui lui faisait
défaut à cette période. Jean Jaques Rousseau voit en son
oeuvre « le livre des républicain », tandis que Nietzche fait
l'éloge de son style, son honnêteté pratique. Dans Le
Prince il développe les thèmes de la « fortuna »
(force non-humaine bonne ou mauvaise) et de la « virtù »
(disposition humaine à la réaction, traduit abusivement par
«vertu «) qui habitent le prince. Celles-ci lui sont
nécessaires afin de prendre, garder et stabiliser son pouvoir dans
l'Etat.
bibliographie
- Sciences politiques, Que sais-je ? Philippe Brand, 9em
édition 2007 Presse Universitaire de France.
- Dictionnaire de stratégie, Thierry de Montbrial
et Jean Klein, Quadrige/ PUF.
- Anthropologie mondiale de la stratégie. Des origines
au nucléaire, Gerard Chaliand, éditions Robert Laffont S.A
Paris, 1990.
- De la Guerre, Clausewitz C. Von, trad. Denise Naville,
Edition de Minuit 1998, Paris.
Webographie
-
www.blog-ump.typepad.fr
-
www.msn.com
-
www.wikipedia.fr
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