les juridictions administratives et le temps;cas du Cameroun et du Gabon( Télécharger le fichier original )par Olivier Fandjip Université de Dschang - D E A 2009 |
PARAGRAPHE II : LE RENFORCEMENT DES TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS GABONAISDu point de vue de la situation géographique de la juridiction administrative de premier ressort au Gabon, celle-ci est depuis longtemps rapprochée des administrés. Avant l'intervention de la loi n°06/78 du 1er Juin 1978 portant organisation judiciaire, l'institution ressemblait à celle en place au Cameroun jusqu'en 2006. Mais depuis cette date, le législateur avait créé les sections administratives. Si donc la décongestion de l'institution est une nouveauté au Cameroun, au Gabon, il n'en est pas de même puisque, la modernisation enclenchée (A) est en train d'être revue (B). A- Une juridiction depuis longtemps rapprochée des administrés L'on va étudier d'une part les sections administratives (1) dont la mise en place fut à un moment donné différé (2). 1- Les sections administratives L'importance de cette juridiction dés sa création fut bien mesurée lorsqu'on se rendait compte que la Chambre Administrative de la Cour Suprême attirait à elle toute seule tout le contentieux administratif63(*). La configuration des sections administratives posait des problèmes tant du point de vue de leur composition (b), que de leur situation géographique (a). A la lecture de la loi d'organisation judiciaire de 1978 précitée, les sections administratives, en tant que juridiction administrative de premier ressort, ont eu leur siège aux chefs-lieux de chaque province. En effet, cela découle tout simplement du fait que le législateur rattacha celles-ci aux tribunaux de première instance siégeant dans chaque chef-lieu de province. Ainsi, on trouvait neuf sections administratives pour les neufs tribunaux de première instance dans le pays. Ce qui permis de résoudre bon nombre de litiges car les justiciables jadis toléraient moins la lenteur liée à l'éloignement. Mais la composition de ces juridictions resta problématique. b- la composition discutée de l'institution La composition de sections administratives ne faisait pas l'unanimité du fait de leur rattachement aux tribunaux de l'ordre judiciaire au même titre que les différentes sections desdits tribunaux à savoir : section civile, section commerciale, section pénale. On se posait alors la question de savoir si ces sections administratives étaient seulement une formation de ces tribunaux ou alors une juridiction administrative distincte. L'on pencha beaucoup plus pour l'idée d'une formation des tribunaux de première instance64(*). Il était donc évident qu'en pareil cas, des conflits naissent entre les différentes sections. L'on ne pouvait pas douter que les tribunaux judiciaires connaissent des litiges administratifs, ce qui peut d'ailleurs expliquer leur ineffectivité temporaire65(*). 2- L'ineffectivité temporaire des sections administratives Jusqu'en 1984, les sections administratives n'étaient pas encore effectivement en fonction car le législateur avait différé leur mise en place effective. A cette époque-là, l'on faisait valoir l'argument selon lequel il manquait des règles de procédure appropriées. En effet, la loi n° 28/59 du 22 Juin 1959 qui régissait le contentieux administratif jusqu'alors remontait à l'époque coloniale. Mais cette ineffectivité ne dura pas longtemps car, avec l'intervention de la nouvelle loi régissant le contentieux notamment, la loi n°17/84 du 29 Décembre 1984 portant Code des Juridictions Administratives, cette instance juridictionnelle a connu une existence effective de plein droit. Et depuis lors, les administrés portent leurs différends avec l'administration devant lesdites juridictions administratives de premier ressort. Toutefois, la véritable restructuration découle de la loi d'organisation judiciaire qui est intervenue en 1994. B- Le renforcement de l'autonomie de la juridiction : La création des tribunaux administratifs. A travers la loi n° 07/94 du 16 Septembre 1994, le législateur gabonais a réorganisé la justice. Au niveau des juridictions de premier ressort, l'on a assisté à un remplacement des sections administratives par des tribunaux administratifs dont l'autonomie est désormais affirmée non seulement au regard de leur nouvelle situation géographique (1) mais aussi de leur composition (2). 1- La nouvelle situation géographique des tribunaux administratifs Sous l'égide de l'ancienne loi (1978), cette instance juridictionnelle était logée dans chaque chef-lieu de province. Mais le législateur de 1994, au regard de la nouvelle Constitution du 26 Mars 1991, a consacré l'autonomie de ces juridictions. Il a ainsi levé l'équivoque à ce niveau. Cette nouvelle situation découle d'une formule simple, qui semble plus large en disposant que : « il est institué un tribunal administratif dans chaque province »66(*). L'on peut ainsi dire que contrairement à l'ancienne formule, un tribunal administratif peut être créé dans chaque province indépendamment du chef-lieu de ladite province67(*). La nouvelle loi est venue abroger les articles 101 et 102 de la loi de 1978 relatives à la composition des sections administratives. Désormais, le tribunal administratif est réparti de façon autonome selon la formule traditionnelle. Cette nouvelle répartition découle des articles 74 à 79 de la loi de 1994. Ainsi, il est composé : * Au siège - d'un président ; - des vices-présidents ; - des juges. * Au parquet - d'un commissaire à la loi ; - de commissaires adjoints ; - de substituts. * Aux greffes - d'un greffier en chef ; - d'un greffier en chef adjoint ; - de greffiers ; * Des juges non magistrats - de fonctionnaires ; - des agents de l'Etat ; En effet, la formation de jugement du tribunal comprend, à peine de nullité, un président, deux juges, un représentant du ministère public et un greffier. L'on constate désormais un détachement de cette juridiction de celle de l'ordre judiciaire. Le législateur a également prévu à côté des magistrats de carrière, les juges non magistrats qui sont les fonctionnaires et agents en service dans la province ou le département. Cependant, cette large ouverture de l'institution peut engendrer des difficultés quant à l'efficacité recherchée par la juridiction. En fait le laxisme dont certains agents de l'Etat font souvent montre et surtout l'absence de connaissances suffisante résultant du fait que ces derniers ne soient des individus formés en cette matière peut être une entorse. En d'autres termes, si l'on recherche l'efficience, le modèle camerounais serait acceptable, et par contre, si l'on vise la représentativité l'ouverture, la formule gabonaise pourrait être reçue. Mais, plus significative apparaît la composition des membres de l'institution. A cet égard, législateur n'a pas retenu cette conception restrictive de la juridiction administrative en cours au Cameroun depuis l'indépendance, laquelle procède de la considération qu'un juge administratif ne doit pas être comme en France un juge spécialiste en la matière68(*). Les ordres de juridiction restent donc séparés en dépit de leur dépendance du Conseil supérieur de la magistrature69(*). L'article 77 alinéa 1 de la loi de 1994 prévoit : « le président, les vice-présidents, les juges- magistrats et les représentants du ministère public sont choisis à titre principal parmi les magistrats de l'ordre administratif ». Il y a donc distinction d'abord entre magistrat de carrière et juge non magistrat, ensuite ceux de l'ordre judiciaire et administratif. En définitive, l'absorption de l'ordre juridictionnel administratif par un système foncièrement judiciaire que l'on a pu constater avec l'intégration jadis des sections administratives aux tribunaux d'instance de l'ordre judiciaire devient de moins en moins perceptible70(*) comme dans les instances juridictionnelles supérieures. SECTION II : LA RESTRUCTURATION DES INSTANCES JURIDICTIONNELLES SUPERIEURES En dehors des juridictions de premier ressort, les législateurs camerounais et gabonais ont revu les juridictions statuant en appel et en cassation. Au Cameroun, la rénovation de la Chambre Administrative s'est soldée par l'érection de celle-ci en juridiction non plus seulement d'appel mais surtout de cassation (paragraphe II), alors qu'au Gabon, le schéma traditionnel a juste été amélioré (paragraphe I). * 63 Lire H.I, n°83 du 23 Février 1985, p. 30. * 64 La composition des sections administratives était régie par les articles 101 et 102 de la loi n° 06/78 du 1er Juin 1978 portant organisation de la justice. * 65 En effet, l'article 12 du Code des Tribunaux Administratifs a prévu que le greffe de la section administrative est tenu par un greffier du tribunal de première instance désigné par le président. * 66 Voir article 75 de la loi n° 07 précitée. * 67 Voir H.I, n°301, pp. 125-132. * 68 Cf. KEUTCHA TCHAPNGA (C.), « La réforme attendue du contentieux administratif au Cameroun », article précité, p.26. * 69 Cf. MENGUE ME ENGOUANG (F.), « Où en est le processus de démocratisation au Gabon », article précité p. 100. En France, à la différence de ces deux pays, une loi de 1986 a institué le Conseil Supérieur des Tribunaux Administratifs également compétent à l'égard des Cours Administratives d'Appel dont le rôle est équivalent à celui que joue le Conseil Supérieur de la Magistrature pour les magistrats de l'ordre judiciaire. Il est présidé par le vice président du Conseil d'Etat. * 70 Lire REMONDO (M.), Le droit administratif gabonais, Tome XLIV, L.G.D.J, Paris, 1987, pp.190 et s. |
|