les juridictions administratives et le temps;cas du Cameroun et du Gabon( Télécharger le fichier original )par Olivier Fandjip Université de Dschang - D E A 2009 |
PARAGRAPHE I : LA BRIEVETE DES DELAIS AU CAMEROUNLes délais prescrits pour un recours contentieux, bien qu'étant différents de ceux visant une voie de recours167(*) restent très brefs en droit camerounais. L'on pourra ainsi pour s'en convaincre étudier le cas de l'introduction de l'instance (A) et celui des voies de recours (B), sans oublier de souligner quelques cas d'allongement desdits délais (C). A - L'hypothèse de l'instance initiale En matière ordinaire (1), la brièveté des délais n'est pas renforcée comme dans le contentieux des droits (2). Qu'il s'agisse d'un recours en annulation ou d'un recours de plein contentieux, l'article 18 de la loi n°2006/022 précitée, prévoit que l'action doit être intentée dans les soixante (60) jours qui suivent le rejet du recours gracieux préalable168(*). Le législateur a repris ainsi les dispositions de la loi n°75/17169(*). C'est dire qu'à l'expiration du délai prévu en matière de recours gracieux (rejet), le justiciable doit dans la soixantaine, introduire sa requête auprès de la juridiction administrative compétente. Ce délai, à notre avis essentiellement réduit et valable dans tous les types de contentieux montre que le législateur n'a pas tenu compte des aléas pouvant nuire au requérant et l'empêcher d'agir à temps. Ainsi, par exemple, la situation géographique de l'institution et les difficultés de communication peuvent jouer en sa défaveur, au regard de leur caractère défectueux dans le pays170(*). Cet aléa devient plus certain dans l'hypothèse du contentieux des droits car la brièveté y est accrue.
2- Une brièveté renforcée dans le contentieux des droits et des scrutins En matière de libertés publiques, le législateur a réduit les délais de saisine du juge (a)171(*), de même qu'en matière électorale (b).
Dans cette hypothèse, le requérant est tenu de saisir la juridiction dans un délai plus court que celui en vigueur en matière ordinaire. A titre d'exemple, la décision du ministre relative à la suspension ou la dissolution d'une association et, même celle relative au refus d'existence légale d'une association peut être attaquée dans un délai, respectivement de dix (10) et trente (30) jours, à compter de la notification à personne ou à domicile172(*).En outre,les autorités de tutelle disposent d'un délai maximal d'un(01) mois à compter de leur réception pour saisir les juridictions administratives compétentes contre les actes des l'autorités décentralisées qu'elle estime entaché d'illégalité173(*). Cette hypothèse frappe non seulement par le caractère réduit des délais, mais aussi par la diversité desdits délais. La loi n°92/002 du 14 Août 1992 relative aux conditions d'élection des conseillers municipaux précitée modifiée en 2007, a prévu entre autre que, pour les décisions d'acceptation ou de rejet d'une liste de candidature, la juridiction administrative ne peut recevoir la requête que lorsqu'elle a été introduite dans un délai de cinq (05) jours à compter de la publication de la liste. En outre, lorsqu'un cas de diffamation a été constaté, et dans l'hypothèse où le prévenu a été proclamé élu alors que l'affaire est encore pendante devant la juridiction pénale compétente, le juge administratif doit être saisie dans les dix (10) jours qui suivent la publication des résultats du scrutin par le Préfet, pour la disqualification éventuelle du prévenu. En ce qui concerne la contestation des résultats de l'élection, le délai de saisine est de cinq (05) jours à compter de la date de publication desdits résultats174(*). On remarque que sous l'ancienne version dudit texte, ce délai était de dix (10) jours. Cette précipitation cache mal les desseins politiques du législateur, puisqu'on peut bien se demander si le juge peut véritablement être saisi dans des délais aussi courts175(*). Un autre cas peut être celui des élections des conseillers aux ordres professionnels. L'on peut prendre à titre d'exemple l'ordre des pharmaciens, organisé par la loi n°90/035 du 10 Août 1990 dont l'article 89 a prévu un délai de dix (10) jours pour la saisine de la Chambre en cas de contestations. Par ailleurs, le décret n°86/291 du 13 Mars 1986 portant statut de la chambre de commerce des industries et des mines, en son Chapitre III, de même que et le Titre III du statut de la Chambre d'agriculture qui réglementent le contentieux dans ces différentes Chambres (commerce, agriculture) prévoient que pour les contestations relatives aux listes électorales, la juridiction doit être saisie dans un délai de quinze (15) jours. Il en est de même en matière de contentieux relatif au vote. Cette brièveté des délais s'observe également en matière des voies de recours. B- Le cas de l'instance dérivée IL s'agit des voies de recours. Ceux-ci peuvent êtres définies comme étant des moyens mis à la disposition des justiciables pour leur permettre d'obtenir un réexamen du procès, ou d'une partie de celui-ci ou même de faire valoir des irrégularités qui ont entachées le déroulement de la procédure. L'on peut les distinguer de deux manière :d'une part les voies de recours ordinaire (opposition et appel) et voies de recours extraordinaire (pourvoi en cassation, tierce-opposition,recours en révision),ensuite voies de recours de reformation (appel) et voies de recours de rétractation176(*) (opposition, recours en révision). La première classification parait touffue à notre avis alors que la deuxième plus explicite peut mieux permettre d'étudier les différents délais. C'est ainsi que, dans les voies de recours de reformation comme l'appel (1) et le pourvoi en cassation (2), la brièveté des délais est bien vérifiée, autant que dans les voies de rétractation comme l'opposition (3). La loi n°2006/016 a prévu que, l'appel est formé dans un délai de quinze (15) jours à compter du lendemain de la notification de la décision de la juridiction inférieure177(*). En plus, la loi n°2006/022 ajoute que les décisions rendues en premier ressort dans les conditions prévues par les textes particuliers, et même celles rendues en matière électorale et de référé, peuvent faire l'objet d'appel dans les conditions et délais prévus par le texte fixant la procédure devant la Chambre Administrative de la Cour Suprême178(*). Ce qui voudrait dire que les décisions rendues en matière de référé et sursis peuvent être attaquées par le biais de l'appel. Il en est de même en matière électorale ou, le délai de quinze (15) jours est valable. Il y a lieu de signaler ici une particularité en ce qui concerne le contentieux des élections aux chambres consulaires. En fait, l'article 19 alinéa 3 du décret du 13 Mars 1986 portant statut desdites chambres a prévu un délai de cinq (05) jours pour la saisine du juge d'appel contre la décision de la commission. L'on pourrait penser à une contradiction entre cette disposition et l'article 114 de la loi n°2006/022. Il n'en est rien car la loi a prévu que des dispositions particulières peuvent être prises par d'autres textes, ce qui est aussi observable en matière de pourvoi. 2- Les délais du pourvoi en cassation En instituant le pourvoi en cassation, le législateur a prévu un délai à cet effet. L'article 89 de la loi n°2006/016 a prévu une durée de quinze (15) jours pour l'exercice de cette voie de recours. Il convient de signaler ici que ce délai est davantage réduit en ce qui concerne le pourvoi contre certaines décisions. En effet, l'article 51 alinéa 3 de la loi n°2006/022 prévoit que, en ce qui concerne les décisions Avant-Dire Droit fondées sur les exceptions d'incompétence, celles-ci peuvent faire l'objet de la part de toutes les parties, y compris le ministère public, d'un pourvoi devant la Chambre Administrative dans un délai de dix (10) jours à compter de leur notification. Ici, l'idée qui est à la base de cette réduction est à notre avis, le souci d'accélérer la procédure car de cette décision dépendra la suite du procès devant le tribunal administratif, raison pour laquelle, la loi a tenu à accélérer la procédure. En outre, cette réduction l'est davantage encore en ce qui concerne les matières urgentes. A cet effet, l'article 108 alinéa 1 de la loi n°2006/016 prévoit que, en cas de pourvoi en cassation contre les ordonnances de référé administratif, les délais prévus et applicables en cette matière notamment ceux des articles 89 à 103 excepté l'article 94 seront réduits à cinq (05) jours. De ce fait, l'article 89 qui prévoit un délai de quinze (15) jours pour le pourvoi en cassation sera réduit de dix (10) jours, c'est-à-dire le tiers du délai retenu en matière d'opposition. A ce sujet, le législateur de 2006 a repris expressément les dispositions de la loi de 1975. En effet, la requête en opposition est formée contre les jugements rendus par défaut dans les quinze (15) jours de la notification de la décision de défaut et pendant le délai auquel s'ajoute le délai de distance, le jugement ne peut être exécuté sauf en cas d'urgence. En somme, l'étroitesse des délais au Cameroun est certaine mais pas absolue car, dans certaines hypothèses le législateur a opté pour l'allongement. C- La relativité de l'étroitesse En matière fiscale (1) et surtout dans les voies de recours de rétractation (2) sauf celle de l'opposition, le temps de saisine de la juridiction est relativement court. 1- Le délai de recours dans le contentieux fiscal Le Code Général des Impôts en ses articles 318 à 351 a organisé le contentieux des contributions aux charges publiques en y faisant intervenir aussi le juge administratif. Tout contribuable qui s'estime surimposé ou alors imposé à tort dispose de la possibilité de saisir le directeur des impôts, ou le ministre en charge des finances. Ce dernier dispose d'un délai de 3 mois pour statuer ; Passé ce délai, le contribuable peut alors saisir la Cour Suprême. Le délai de saisine est de trois (03) mois suivant le dépôt du recours auprès du ministre, et de deux (02) mois suivant la notification de la décision du ministre des finances179(*). Il ne serait pas erroné de penser que c'est la délicatesse de ce contentieux qui a amené le législateur à allonger le temps de saisine, afin de permettre aux contribuables de mieux se préparer avant de procéder à la saisine de l'institution. En fait, cette délicatesse découle de ce qu'en vertu du principe du consentement à l'impôt le contribuable ne doit payer plus d'impôt que prévu. Cela est d'autant plus juste qu'aux termes de la jurisprudence, la décision prise par le Directeur des impôts suite à la déclaration, et celle du chef de Centre Provincial des impôts ne donne pas droit au recours devant le juge, seule celle du ministre après la saisine des premiers peut donc donner accès à la juridiction.180(*). En ce qui concerne les voies de recours, l'on remarque ici une dérogation au délai de quinze (15) jours prévu car, d'après le code général des impôts, la cour statue en audience non publique et les parties disposent d'un délai de trois (03) mois pour faire appel du jugement à compter de la réception dudit jugement181(*). Les délais de saisine en droit camerounais restent moins réduits également dans les voies de recours dites de rétractation. 2- Une étroitesse relative dans les voies de recours de rétractation Les voies de recours de rétractation sont généralement regroupées en deux catégories : d'une part celles réservées aux tiers au litige, et celles réservées aux parties d'autre part. D'abord, dans la première catégorie, l'on note la tierce opposition qui est ouverte aux tiers à l'instance en vue de contester tout acte juridictionnel leur causant un préjudice. L'article 115 de la loi n°2006/022 soumet l'introduction de cette action au délai de droit commun. Ainsi, en principe, aucun délai n'est prévu mais, si la décision a fait l'objet d'une notification au tiers concerné, il dispose d'un délai de deux (02) mois pour exercer son recours. L'on pense d'ailleurs que ce recours qui est possible devant le Conseil d'Etat gabonais peut également l'être devant la Chambre Administrative au Cameroun182(*). Ensuite, en ce qui concerne les voies de recours de rétractation réservées aux parties au procès, l'on peut relever que la juridiction doit être saisie d'un recours en révision dans les trente (30) jours de la connaissance de la cause qui en donne droit, de même pour le recours en rectification d'erreur matérielle (à compter de la notification de la décision en cause)183(*). Tout compte fait, le droit camerounais penche plutôt pour une réduction des délais alors qu'au Gabon ces délais sont prolongés. * 167 AUBRY (J.M.), et DRAGO (R.), Traité de contentieux administratif, Tome 1, L.G.D.J, Paris, 1984, pp.898-899. * 168 Par contre en France tout comme au Gabon, en matière de travaux publics, la recevabilité du recours n'est soumise à aucun délai sauf pour les créances de l'Etat qui relèvent de la prescription quadriennale. De même, en matière de plein contentieux, la décision implicite de rejet ne fait courir aucun délai à l'égard du destinataire. Cf. FOILLARD (P.), Op.cit., pp.329-330 et C.A.C.S, 27 Février 1987, EWORE Edouard, respectivement. * 169 Cf. article 7 de la loi n°75/17. * 170 Monsieur Guillaume FOUDA rappelle qu'en Afrique, la maxime « Nul n'est censé ignorer la loi » est très contestée à cause de l'absence d'une véritable politique de publication et de diffusion des règles juridiques. Que la pratique du journal officiel y est très limitée. Lire l'auteur, « L'accès au droit : richesse et fécondité d'un principe pour la socialisation juridique et l'Etat de droit en Afrique Noire francophone », Revue électronique Afrilex, 2000/01, p.4. * 171 KEUTCHA TCHAPNGA (C.), et TEUBOU (B.), « Réflexion sur l'apport du législateur camerounais à l'évolution de la procédure administrative contentieuse de 1990 à 1997 », Revue internationale de droit africain, Dakar, n°45, Avril-Mai-Juin 2000, pp.61-77. * 172 Sur l'ensemble de ces textes, voir Cameroun, droits et libertés, Recueil de nouveaux textes,Yaoundé, SOPECAM, Décembre 1990, p.396. * 173 Voir article 71 alinéa 2 Loi n°2004/017du 23 juillet 2004 portant orientation de la décentralisation * 174 Cf. article 34 alinéa 1et 2 (nouveau) de la loi n°92/002 du 14 Avril 1992 fixant les conditions d'élection des conseillers municipaux. * 175 Voir MOMO (B.), « Le problème des délais dans le contentieux administratif camerounais », A.F.S.J.P, de l'Université de Dschang, Tome 1, Volume 1, 1997, p.145. * 176 Voir Articles L.811-1et R.811-1s du Code français de justice administrative. Par contre, le législateur gabonais a classé la tierce-opposition parmi les voies de recours de reformation (Article 86 C.T.A.) * 177 L'article 112 de la loi n°75/17 précitée renvoyait au délai de droit commun c'est-à-dire de deux (02) mois. * 178 Cf. article 114 alinéa 1 de la loi n°2006/022 précitée. * 179 Voir dans le même sens METENBOU (M.), « Le sursis de paiement et le sursis à exécution dans le contentieux de l'imposition au Cameroun », A.F.S.J.P de l'Université de Dschang, Tome 1, Volume 2, P.U.A, 1997, pp.51-65. * 180 CA/CS, Jugement n°50 du 27 Mai 1982, TSOBGNY PANKA c/ Etat du Cameroun. * 181 MOMO (B.), article précité, pp.148 et 150. * 182 MOMO (B.), article précité, Ibid. * 183 Voir les articles 117et 118 de la loi n°2006/022 respectivement. L'on doit préciser que les délais ainsi prescrits sont des délais francs même si la jurisprudence à un moment donné a tergiversé à ce sujet. Voir l' article143 de la loi n°2006/016. |
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