Les enjeux géostratégiques de l'initiative PPTE: Le cas du Cameroun( Télécharger le fichier original )par Bruno ATANGANA Université de yaoundé II Soa - DEA Sciences Politiques 2008 |
Paragraphe 2 : La mise en oeuvre de l'Initiative ppteL'Initiative PPTE est un long processus qui met en scène deux catégories d'acteurs dont le rôle est décisif dans l'aboutissement et la mise en oeuvre du programme. Il s'agit d'une part du pays débiteur dont la dette doit faire l'objet d'un traitement, et de l'autre les institutions de Bretton Woods qui sont chargées du suivi des reformes. Le pays éligible à l'Initiative PPTE doit remplir un certain nombre de conditionnalités et suivre des étapes qui obéissent a un schéma opérationnel (A) ; par ailleurs le FMI et la Banque Mondiale donnent leur quitus à chaque étape de ce processus (B). A) Schéma opérationnel De manière générale, une fois éligible à l'Initiative PPTE, un pays doit entamer une longue procédure dans l'optique d'obtenir des allègements de dette subséquents. Deux étapes sont décisives pour y parvenir : le « point de décision » et le « point d' achèvement ». Au cours de la première étape, un pays inscrit à son actif une période de performance de trois ans et élabore avec la société civile, un Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté (CSLP), autrement appelé Document de Stratégie pour la Réduction de la Pauvreté (DSRP) ; c'est sur la base de ce document que les réformes effectuées seront évaluées. Il s'agit généralement d'un document provisoire dont l'application au cours d'une année peut suffire pour accéder au point de décision. Aussitôt le point de décision franchi, le pays doit continuer à mettre en oeuvre les réformes prescrites par le FMI et la Banque Mondiale ; dans le même temps, le pays bénéficie d'une aide intermédiaire en termes d'allègement de dette. En pratique, le Club de Paris accorde un rééchelonnement aux conditions de Naples, c'est-à-dire un rééchelonnement de la dette admissible arrivant à échéance pendant la période de consolidation de trois ans (pouvant aller jusqu'à 67% des échéances admissibles en valeur actuelle nette). Les autres créanciers bilatéraux et commerciaux accordent des conditions au moins comparables, tandis que les institutions multilatérales maintiennent leur soutien dans le cadre d'une stratégie d'ensemble de lutte contre la pauvreté élaborée par les gouvernements. La deuxième étape marque l'atteinte du point d'achèvement. Pour y parvenir, le pays met à son actif une deuxième période de bonne performance en appliquant les politiques définies au point de décision, lesquelles déclenchent l'accession au « Point d'achèvement flottant »11(*) en rapport avec le DSRP provisoire. Il s'agit pour le pays concerné de produire un Document Stratégique pour la Réduction de la Pauvreté définitif (DSRP final) et le mettre en oeuvre ; avoir un environnement macro-économique stable dans le cadre d'une Facilité pour la Réduction de la Pauvreté et la Croissance (FRPC), négociée et financée avec le FMI ; démontrer une bonne utilisation des ressources dégagées par l'allègement de la dette intérimaire accordée au point de décision ; remplir les conditions sur la bonne gestion des finances publiques (planification et exécution du budget, transparence, audit des dépenses) ; atteindre les objectifs dans les secteurs de l'éducation, de la santé et de la lutte contre le SIDA. Ces conditions sont assorties de mesures supplémentaires liées aux réformes structurelles que certains pays doivent exécuter parallèlement ; c'est le cas du Cameroun dont l'itinéraire dans l'Initiative PPTE sera pour le moins irrégulier. Tableau 3 : parcours du Cameroun à l'Initiative PPTE
D'après ce tableau, le Cameroun est admis au point de décision en 2000 et atteint le point d'achèvement en 2006. Il lui a ainsi fallu six ans pour y parvenir au lieu de trois comme normalement prescrit ; c'est ce qui explique le caractère irrégulier de ce parcours. En effet le 30 août 2004, il est retiré de la liste des pays pauvres très endettés par le conseil d'administration du FMI et de la Banque Mondiale pour cause d'échec de mise en oeuvre des réformes prescrites dans le Document de Stratégie pour la Réduction de la Pauvreté. Il est réintégré dans le programme en mars 2005, et le 29 Avril 2006 il atteint le point d'achèvement de l'Initiative PPTE. Ce parcours a été effectué sous la conduite des institutions financières internationales. B) Le rôle des institutions financières internationales Traditionnellement, les institutions de Bretton Woods ont eu des domaines d'intervention différents en matière de gestion des politiques économiques des Etats membres ; mais dès le début des années 1990, leurs actions ont eu tendance à se confondre. Dans le cas du Cameroun, les services du FMI et de la Banque Mondiale collaborent à l'Initiative PPTE et au processus de mise en oeuvre du DSRP (en l'occurrence, ils ont travaillé sur les documents relatifs au point d'achèvement PPTE et sur la note consultative conjointe du rapport d'étape du document de stratégie pour la réduction de la pauvreté, qui ont été soumis au conseil d'administration en Avril 2006) ; ils collaborent également aux analyses et réformes relatives à la gestion des finances publiques, et aux réformes en matière de bonne gouvernance, y compris les régimes douaniers. Cette collaboration des deux institutions se justifie en partie par la nécessité de coordonner les actions prises au sein du conseil d'administration auquel elles appartiennent toutes deux, mais également au regard du rôle important et spécifique que chaque institution joue dans le cadre de l'Initiative PPTE en faveur du Cameroun. En matière de gestion des finances publiques, le FMI intervient dans le cadre des analyses des politiques fiscales et du renforcement des organes de contrôle. Il s'occupe de la gestion de la trésorerie, la transparence des opérations budgétaires et des informations y afférentes de l'exécution, du suivi et de l'évaluation du budget. Au plan des réformes structurelles, le FMI évalue les politiques commerciales et contrôle la réforme du secteur financier. Et dans le domaine de la gouvernance, il veille à la réforme des douanes et des impôts. Tels sont ainsi les domaines dans lesquels le Fmi fournit des conseils spécialisés et son assistance technique dans le cadre des réformes qu'il appuie. Le degré d'implication du FMI est matérialisé par le nombre de revues effectuées au Cameroun au cours des trois dernières années. Tableau 4 : calendrier des revues de l'accord FRPC (2005-2008) au Cameroun.
Source : FMI, 2008 Ces revues sont réalisées par les services du FMI chaque semestre. Elles visent à évaluer la mise en oeuvre par le Cameroun des réformes préconisées dans le cadre de la Facilité pour la Réduction de la Pauvreté et de la Croissance (FRPC). La Banque Mondiale joue également un rôle important dans le cadre de l'Initiative PPTE. En matière de gestion des finances publiques, elle a un droit de regard sur la politique de la dépense et l'allocation des crédits budgétaires, y compris l'établissement d'un cadre de dépenses globales et sectorielles à moyen terme ; de l'exécution et de l'évaluation du budget. Elle s'occupe également de la réforme des marchés publics et du suivi du budget dans les secteurs clés. Concernant les réformes structurelles, la Banque mondiale contrôle les réformes dans les domaines de l'éducation, de la santé, des transports, de l'énergie, des infrastructures rurales et du développement rural. Par ailleurs la Banque Mondiale veille à la restructuration et à la privatisation des entreprises publiques ; en même temps qu'elle s'assure du renforcement des capacités humaines et institutionnelles, y compris la réforme de la fonction publique. La Banque Mondiale milite également en faveur du développement du secteur privé, des politiques commerciales et de transit (afin d'améliorer le climat des affaires au Cameroun et de soutenir la poursuite de l'intégration régionale, grâce au renforcement des institutions financières régionales). Dans le cadre des réformes en matière de gouvernance, la Banque Mondiale appuie l'élaboration et la mise en oeuvre du programme de lutte contre la corruption, et la mise en oeuvre de la décentralisation ; et la poursuite du dialogue et de l'assistance technique nécessaire pour mettre en oeuvre l'Initiative pour la Transparence des Industries Extractives (ITIE) à l'instar de la SNH, de la SONARA, etc. C'est ainsi que se déploie l'action des institutions de Bretton Woods dans le cadre de l'Initiative PPTE en faveur du Cameroun, dont la mise en oeuvre est décisive dans l'échéance du traitement de sa dette. * 11 Le point d'achèvement est dit flottant lorsque le conseil d'administration du Fmi et de la Banque Mondiale approuve les réformes mises en oeuvre par un pays et se prononce en sa faveur. * 12 La FASR ou Facilité d'Ajustement Structurel Renforcée est un programme triennal qui a pour but l'assainissement des finances publiques, une réduction du déficit extérieur, une maîtrise de l'inflation et de l'endettement. Elle est devenue Facilité pour la Réduction de la Pauvreté et de la Croissance (FRPC) en 2000. |
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