REPUBLIQUE DU CAMEROUN
Paix - Travail - Patrie
-----------------
UNIVERSITE DE YAOUNDE II- SOA
-----------------
FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES
ET POLITIQUES
-----------------
DEPARTEMENT DE SCIENCE POLITIQUE
-----------------
REPUBLIC OF CAMEROON
Peace-Work- Fatherland
-----------------
UNIVERSITY OF YAOUNDE II- SOA
-----------------
FACULTY OF JURIDICAL AND POLITICAL
SCIENCES
------------------
DEPARTMENT OF POLITICAL SCIENCE
------------------
LES ENJEUX GÉOSTRATÉGIQUES DE
L'INITIATIVE PAYS PAUVRES TRÈS ENDETTÉS (PPTE) : LE CAS DU
CAMEROUN.
MÉMOIRE PRÉSENTÉ ET SOUTENU
PUBLIQUEMENT EN VUE DE L'OBTENTION DU DIPLôME DE DEA/MASTER-II EN SCIENCE
POLITIQUE
Par :
Bruno ATANGANA
Sous la direction de :
Alain FOGUE TEDOM
Chargé de
cours.
Année académique 2007 -
2008
SOMMAIRE
..
SOMMAIRE............................................................................................I
DEDICACE ET REMERCIEMENTS
..................................................................IV
SIGLES ET ABRÉVIATIONS
..........................................................................VI
RÉSUMÉ - ABSTRACT
...............................................................................IX
INTRODUCTION
GÉNÉRALE ..........................................................................1
- Présentation du
sujet.......................................................................1
- Clarification
conceptuelle................................................................3
- Revue de la
...littérature..................................................................4
-
Problématique..............................................................................7
-
Hypothèse...................................................................................7
- Approche
théorique.......................................................................8
- Approche
méthodologique...............................................................9
- Intérêt du
sujet............................................................................10
- Techniques de
recherche................................................................10
Première partie :
OPTION POUR UNE DEMARCHE COMPREHENSIVE DE L'INITIATIVE PPTE
..........................................................................11
Chapitre I : Le Cameroun
dans l'Initiative PPTE ......................................12
Section I: Fonctionnement de l'Initiative PPTE
...............................................12
Paragraphe 1 : Considérations
conceptuelles ..................................................13
A) l'Initiative PPTE : le concept
.......................................................13
B) l'éligibilité à l'Initiative PPTE
.....................................................15
Paragraphe 2 : La mise en oeuvre de l'Initiative
PPTE ......................................19
A) le Schéma opérationnel
..................................................................19
B) le rôle des Institutions de Bretton Woods
.............................................21
Section II : Le traitement de la dette du Cameroun
..........................................23
Paragraphe 1 : le traitement de la dette PPTE
...............................................23
A) les créances multilatérales et privées
..............................................23
B) les créances bilatérales
..............................................................26
Paragraphe 2 : les traitements additionnels
de la dette .....................................28
A) les créances multilatérales sous forme IADM
...................................29
B) les créances bilatérales sous forme APD
.........................................30
Chapitre II : Examen des
orientations politiques du Cameroun depuis son admission à l'Initiative
PPTE
................................................................34
Section I : les pratiques néopatrimoniales
comme modalités d'exercice du pouvoir au Cameroun
..........................................................................................34
Paragraphe 1 : le poids de l'héritage
politique et institutionnel ...........................34
A) Entre patrimonialisme et néopatrimonialisme :
une question de doctrine ......35
B) Dynamiques de cristallisation d'une culture
néopatrimoniale au Cameroun...36
Paragraphe 2 : L'Initiative PPTE à
l'épreuve du néopatrimonialisme ....................38
A) les raisons du dysfonctionnement de l'Initiative PPTE
...........................38
B) le choix de la bonne gouvernance : une logique de
situation ....................42
Section II : Initiative PPTE et extraversion
............................... ....................44
Paragraphe 1 : le cadre d'élaboration et
de mise en oeuvre des politiques ...............44
A) La définition et la conception du champ des
réformes ............................44
B) la mise en oeuvre des réformes sous la conduite
des bailleurs de fonds ........46
Paragraphe 2 : l'impact politique des
conditionnalités de l'initiative PPTE ............48
A) les pressions liées aux mesures gouvernementales
................................48
B) les dynamiques d'allégeance politique
.............................................50
Deuxième partie : DE
L'INSTRUMENTALISATION DE L'INITIATIVE PPTE..52
Chapitre III : Le cadre
géostratégique de l'analyse
.....................................53
Section I Le Cameroun : un espace de
projection .............................................53
Paragraphe 1 : la position géographique
du Cameroun .....................................53
A) par rapport au Golfe de Guinée
.......................................................54
B) par rapport à l'espace CEMAC
.......................................................55
Paragraphe 2 : la portée
stratégique de l'Initiative PPTE
...................................57
A) du défi du désendettement à la
construction politique de la solvabilité ........57
B) la promotion du néolibéralisme et du libre
échange ..............................59
Section II : L'intérêt des
créanciers
...........................................................61
Paragraphe 1 : L'intérêt de
l'Initiative PPTE pour les principales puissances en activité au
Cameroun
.....................................................................................61
A) Le rapport entre l'Initiative PPTE et la
sécurité nationale des Etats-Unis ...61
B) Une tentative pour la France de retrouver son influence
au Cameroun ......64
Paragraphe 2 : l'intérêt pour les
autres créanciers .........................................69
A) pour l'Union européenne
............................................................69
B) pour la Chine
..........................................................................71
Chapitre IV :
L'après point d'achèvement et les
intérêts du Cameroun ........73
Section I : les obstacles à
franchir .............................................................73
Paragraphe 1 : L'avenir de l'Initiative PPTE en
question ................................74
A) l es conditions de son financement
................................................74
B) le risque de réendettement et de surendettement
.................................74
Paragraphe 2 : L'emprise des institutions de
Bretton Woods ...........................77
A) le spectre de l'aide crédit concessionnel
...........................................77
B) le choix de l'assistance technique
..................................................79
Section II : pour une stratégie
gagnante pour le Cameroun ...............................80
Paragraphe 1 : Le nécessaire
assainissement du cadre politique et institutionnel .....81
A) la pratique de la bonne gouvernance : une exigence
démocratique ............81
B) l'établissement d'une culture stratégique
camerounaise ........................83
Paragraphe 2 : la consolidation de la
capacité de négociation ...........................84
A) la « négociation
raisonnée » comme modalité d'exercice de la
souveraineté .84
B) une lecture réaliste de la coopération
................................................87
CONCLUSION GÉNÉRALE
......................................................................89
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
............................................................. 92
ANNEXES
.......................................................................................101
CARTES
.......................................................................................110
DEDICACE
A mes parents MEYONG ONDOUA Paulin
et ABESSOLO Marie Claire qui m'ont soutenu et à qui je dois ma
réussite. Que le seigneur les comble de sa grâce et
récompense leurs efforts.
REMERCIEMENTS
Je formule mes remerciements à l'endroit de
tous ceux et celles qui m'ont soutenu et assisté tout au long de cette
expérience.
Mes remerciements vont :
v Tout d'abord au Docteur Alain FOGUE qui a accompagné
mes premiers pas dans le domaine de la Recherche ;
- au Professeur Luc SINDJOUN, Chef du
Département de Sciences Politiques qui n'a ménagé aucun
effort à la réussite de tous et de chacun, ainsi que pour la
qualité de ses enseignements ;
- à tous les enseignants du Département
de Sciences Politiques dont le dévouement et l'assiduité
contribuent à rehausser le niveau des enseignements.
v Ensuite toute ma gratitude à ma famille
particulièrement mon père MEYONG ONDOUA Paulin, ma mère
ABESSOLO Marie Claire ; mes tantes Afana Odile et Abodo Marie
Thérèse ; mes soeurs Ntsama Ondoua, Mme Etoungue née
Chysensky Jeanne, Afana Blanche, Afana Nadège, Nnomo Claire, Ongono
Irène, Mengue virginie, Mendouga Evana, Abessolo Sunday ; mes
frères l'abbé Alphonse Mbida, Anyouzoa Armand, Eteme Mohamadou,
Meyong Paulin, Ntimbena Anicet, Koungou Ferdinand, Mbogsi Valentin, Seme Bomba,
Ondoua Bertrand, Nkunda Hervé, Mbarga Joseph ; mes oncles Bomba
André, Souga Jean Christophe, Ekotto François, Amougou
Jean ;
- à la famille Essama, à la famille Bekuit,
à la famille Ndjali, à la famille Loung à Mbalmayo pour
leurs conseils, leur sollicitude et leur
générosité ;
- à mes amis Ebanga Etienne, Moussol Bekuit Isaac
Joel, Fouda Serge, Ndjeng Ghislain, Olinga Ndjali de regrettée
mémoire, pour leur appui indéfectible et leur
disponibilité ;
- à ma bienfaitrice Madre Myriam, pour son
appui et ses prières ;
- à mes camarades et amis Mapubi, Djoa, Mixon,
Mayer, Ngo Ndjeng , Ngo Mune Noël, Suinzia, Idila, Foé
Frédéric, Tchokonte , Eloundou Essomba, Mboua Patrick, Atemengue
Marc, Ngo Bassom Germaine et Ndi Ndongo Marcellin.
SIGLES ET ABBREVIATIONS
- ACP : Afrique Caraïbe
Pacifique
- AFD : Agence française de
Développement
- AGOA : African Growth Opportunity
Act
- ANIF : Agence Nationale
d'Investigation Financière
- APD : Aide Publique au
Développement
- APE : Accords de Partenariat
Economique
- BAD : Banque Africaine de
Développement
- BEAC : Banque des Etats de l'Afrique
Centrale
- BICEC : Banque Internationale pour le
Commerce et l'Epargne au Cameroun
- BICIC : Banque Internationale pour le
Commerce et l'Industrie au Cameroun
- CAA : Caisse Autonome
d'Amortissement
- CAMAIR : Cameroon Airlines
- CAMPOST : Cameroon Postal Services
- CAMTEL : Cameroon
Telecommunications
- CCS - PPTE : Comité Consultatif
de Suivi des Fonds PPTE
- D : Contrat Désendettement et
Développement
- CEMAC : Communauté Economique
et Monétaire de l'Afrique Centrale
- CGG : Commission du Golfe de
Guinée
- CNUCED : Centre des Nations Unies pour
le Commerce
- CPIA : Country Policy and
Institutional Assessment
- CONAC : Commission Nationale de Lutte
contre la Corruption
- CSLP : Cadre Stratégique de
Lutte contre la Pauvreté
- DR : Debt Reduction
- D/RB : Ratio Dette sur Recettes
budgétaires
- DSRP : Document de Stratégie de
Réduction de la Pauvreté
- DTS : Droits de Tirages
Spéciaux
- D/X : Ratio Dette sur Exportation
- ELECAM : Elections Cameroon
- FAD : Fonds Africain de
Développement
- FASR : Facilité d'Ajustement
Structurel Renforcé
- FRPC : Facilité pour la
Réduction de la Pauvreté et de la Croissance
- FCFA : Franc la Coopération
Financière d'Afrique
- FF : Franc Français
- FMI : Fond Monétaire
International
- HIPC : Highly Indebted Poor Country
- IADM : Initiative d'Allègement
de la Dette Multilatérale
- IDA : Association Internationale pour
le Développement
- IDE : Investissements Directs
Etrangers
- IFI : Institutions Financières
Internationales
- IMF : International Monetary Fund
- IPPTE : Initiative Pays Pauvres
Très Endettés
- IRPP : Impôt sur le Revenu des
Personnes Physiques
- ISPE : Instrument de Soutien à
la Politique Economique
- ITIE : Initiative de Transparence des
Industries Extractives
- G7 : Groupe des Pays les Plus
Industrialisés
- LTD : Limited
- MPEF : Mémorandum de Politique
Economique et Financière
- MST : Maladies Sexuellement
Transmissibles
- NEPAD : Nouveau Partenariat pour le
Développement de l'Afrique
- OCDE : Organisation pour la
Coopération et le Développement Economique
- OHADA : Organisation pour
l'Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique
- OMC : Organisation Mondiale du
Commerce
- OMD : Objectifs du Millénaire
pour le Développement
- OMF : Office Mondiale des Forets
- ONEL : Office National des
Elections
- ONG : Organisation Non -
Gouvernementale
- ONU : Organisation des Nations -
Unies
- PAS : Plans d'Ajustement Structurel
- PIB : Produit Intérieur Brut
- PMA : Pays les Moins Avancés
- PNG : Programme National de
Gouvernance
- PSFE : Programme Secteur Forêt
et Environnement
- PSF : Programme Sans Financement
- PSI : Policy Support Instrument
- RCA : République
Centrafricaine
- RDC : République
Démocratique du Congo
- REGIFERCAM : Régie des Chemins
de Fer du Cameroun
- SIDA : Syndrome d'Immuno -
Déficience Acquise
- SIGIPES : Système
Intégré de Gestion et d'Identification du Personnel Solde
- SNEC : Société Nationale
des Eaux du Cameroun
- SNH : Société Nationale
des Hydrocarbures
- SOCAPALM : Société
Camerounaise des Palmeraies
- SONARA : Société
Nationale des Raffineries
- SONEL : Société
Nationale d'Electricité
- SPG : Systèmes de
Préférences Généralisées
- TVA : Taxe sur la Valeur
Ajoutée
- UE : Union Européenne
- US : United States
- USA : United States of America
- VAN : Valeur Actuelle Nette
- VIH : Virus d'Immuno -
Déficience Humaine
- ZSP : Zone de Solidarité
Prioritaire
RESUME
L'Initiative PPTE est un programme économique et
financier lancé par le G7 réuni à Lyon en 1996. L'objectif
était dès lors d'alléger la dette des pays pauvres
très endettés ; avec la mise en place de l'initiative
d'allègement de la dette multilatérale, ce programme se fixe pour
but de contribuer à réduire la pauvreté de moitié
à l'horizon 2015. Tout se présente en apparence comme une main
tendue des plus riches en faveur des plus pauvres, mais les conditions de la
mise en oeuvre de l'Initiative PPTE, parce qu'elles sont rigides, ont rendu le
programme onéreux pour les pays bénéficiaires. Notre
étude se propose d'analyser l'agenda caché d'un programme dont on
dit receler des vertus « paupéricides ». A
partir de la méthode géopolitique, nous démontrons qu'une
lecture au fonds de l'Initiative PPTE permet de dégager des enjeux
géostratégiques, notamment pour ce qui est du Cameroun. En effet
sa position géographique importante dans le Golfe de Guinée et
son potentiel économique dans la sous région CEMAC, ont notamment
favorisé des logiques de projections de puissance sur son
territoire ; mais c'est surtout par la gestion de son programme PPTE et sa
faible capacité de négociation que ce programme
d'allègement de dette va se transformer en objet de manipulation de la
part de ses puissances créancières à la recherche
d'intérêts. Cette étude se propose donc d'être une
contribution à la construction d'une culture stratégique
camerounaise destinée à marquer l'intérêt national
du Cameroun au centre de toute action politique.
ABSTRACT:
Addressing Highly Indebted Poor Countries
Initiative (HIPC) does not come down to figure it out as a simple programme of
debt relief. Within the framework of national interests among states, the scope
of this programme can be checked on the seize of each partners goals. Cameroon
as a plateform is targeted to serve the theatre of the competition between
powerful states, HIPC is a way to get it done. The challenge here is to find
out the stakes and outlook of an apparently good programme of debt
relief.
INTRODUCTION
GÉNÉRALE
1. Présentation du sujet
Du fait des réticences de nombreux pays
débiteurs à honorer leurs engagements1(*), la question du paiement de la
dette dans les opérations d'octroi de crédit s'est très
souvent posée dans les Relations Internationales. C'est pour tenter de
remédier à cette situation que dans le cadre des institutions
financières internationales (FMI et Banque Mondiale), on a
successivement envisagé le rééchelonnement, la conversion,
l'allègement ou l'annulation de la dette. En effet entre 1989 et 1994,
plusieurs Initiatives d'allègement de la dette ont vu le jour : le
premier abandon de créance fut envisagé à l'occasion du
sommet du G7 de Toronto en Juin 1988. Cette politique de remise partielle qui
concernait aussi bien la dette publique que la dette privée,
s'élevait à 33% de la dette des Pays les Moins Avancés
(PMA). C'est dans la même veine que le plan Brady proposait en Mars 1989
aux Banques Américaines de réduire la dette des Pays en Voie de
Développement (PED), en échange d'une garantie du Trésor
Américain. Cette politique fut reprise par le Club de Londres qui
réunit les créanciers privés, et permit de restructurer
80% de la dette du Tiers Monde. Concernant la dette publique détenue par
les Etats ou garantie par eux, le Club de Paris décida en 1991
d'abandonner certaines créances jusqu'à hauteur de 50%. En 1989
et en 1994, la France décida par ailleurs la réduction de la
dette des pays de la zone franc ; dans le même temps la Suisse mit
en place la Facilité de Désendettement Suisse (FDS).
Mais ces programmes se sont
révélés insuffisants et inefficaces pour le
désendettement des pays pauvres, et surtout ils ne concernaient que les
créanciers publics et privés, c'est pour cette raison qu'en Juin
1996, un nouveau programme de réduction de la dette vit le jour,
appelé Initiative PPTE. C'est une Initiative d'allègement de la
dette en faveur des pays pauvres très endettés mis en place
conjointement par le FMI et la Banque Mondiale ; elle vise à
ramener la dette de ces pays à un niveau jugé acceptable.
L'innovation essentielle de ce programme est que la réduction de la
dette concerne aussi bien la dette publique, la dette privée que la
dette multilatérale. Ainsi c'est pour la première fois et de
manière exceptionnelle2(*) que les institutions de Bretton Woods intègrent
dans leurs politiques une pratique de l'annulation de la dette de leurs pays
membres.
Dès son lancement en 1996, l'Initiative PPTE
avait été assortie d'une clause d'expiration encore
appelée clause du crépuscule ou « Sunset
clause » d'une durée de deux ans afin d'éviter
d'en faire une facilité permanente ; ainsi, la fin de l'Initiative
PPTE était prévue pour le 31 Décembre 2004. Face aux
lenteurs de l'Initiative et aux erreurs dans les prévisions
économiques des IFI, la clause a été prolongée une
première fois de 1998 à 2000. Malgré l'annonce par le G8
en 1999 d'un allègement plus rapide et plus global, trois extensions ont
été nécessaires : en 2000, 2002, puis 2004. Face
à cette échéance, les fonctionnaires du FMI et de la
Banque Mondiale ont proposé quatre options : mettre fin à
l'Initiative comme prévu fin 2000; prolonger l'Initiative de deux
ans ; prolonger l'Initiative et l'élargir à de nouveaux pays
à des conditions de performance très strictes; prolonger
l'Initiative, mais limiter les allègements futurs aux dettes
contractées avant fin 2004. Finalement, l'Initiative a été
prolongée en 2006 et même jusqu'en 2007 pour permettre à
certains pays d'atteindre le point d'achèvement3(*).
Au niveau mondial, 42 pays ont été
déclarés admissibles à l'Initiative PPTE d'après le
rapport de la Banque Mondiale d'août 2006, ainsi que l'illustre la
carte 1(Cf. annexe). L'Afrique qui est le plus grand
bénéficiaire de ce programme, compte à elle seule 34 pays
pauvres très endettés au rang desquels le Cameroun.
Le Cameroun est un pays dont la trajectoire est
particulière dans le parcours à l'Initiative PPTE. Ayant
bénéficié à chaque fois des mesures
dérogatoires (à l'instar de l'Initiative PPTE Renforcée et
de la prolongation de la Sunset clause pour atteindre son point
d'achèvement), le Cameroun fait partie des pays dans lesquels les
créanciers bilatéraux jouent un rôle important4(*) : il s'agit des Etats qui
détiennent d'importantes créances à l'égard du
Cameroun soit dans le cadre du Club de Paris, soit en dehors. C'est dans cette
perspective que se situe le thème enjeux
géostratégiques de l'Initiative PPTE, car il s'agit
de comprendre les motivations profondes de ces créanciers à
accorder une importante réduction de dette au Cameroun -
créanciers dont certains pour la plupart membres de l'Union
Européenne, entretiennent des relations économiques et
commerciales avec le Cameroun - notamment dans le cadre des accords ACP-UE et
dont l'Accord de Cotonou est l'expression la plus manifeste. La France en
particulier joue un rôle important dans l'Initiative PPTE du fait du
montant élevé de ses annulations de dette à l'égard
du Cameroun, avec qui elle a souvent entretenu des rapports patrimoniaux
(BADIE). Pour d'autres, le Cameroun est devenu un pôle d'attraction
économique et sécuritaire ; c'est le cas des Etats-Unis et
de la Chine.
Cette étude se donne donc pour objectif de
démontrer et d'illustrer les enjeux géostratégiques
suscités par l'Initiative PPTE, notamment en ce qui concerne le
Cameroun.
2. Clarification Conceptuelle
Le thème enjeux
géostratégiques de l'Initiative PPTE est structuré
autour de la notion de géostratégie.
En théorie, il est difficile de trouver une
définition appropriée au terme géostratégie, du
fait du caractère polysémique du concept. Toute tentative de
définition succombe à la tentation d'une comparaison avec la
géopolitique : selon le groupe de géostratégie du
Laboratoire de stratégie théorique de la FEDN, la
géopolitique raisonnerait en termes de zone d'influence alors que la
géostratégie raisonnerait en termes de glacis (DEBIE et alii,
1991-2 :50). Selon Hervé Coutau Bégarie, cette
définition est très réductrice, car elle se
réfère par priorité sinon exclusivement à une
géostratégie en temps de paix alors que le conflit par excellence
est et reste la guerre. Il propose donc de trouver une définition qui
témoigne de l'élargissement de la géostratégie en
temps de paix sans oublier qu'elle trouve d'abord et surtout son application
dans le conflit (Coutau-Bégarie, 1999 :34-35). De son coté,
le contre-amiral François Caron insiste sur la parenté
très intime qui unit à travers les mêmes données,
les deux mondes de la géopolitique et de la géostratégie.
La géopolitique ne peut être que l'étude des facteurs
généraux dont la dimension est de nature à affecter, en
profondeur, dans un sens ou dans l'autre, le projet politique. La
géostratégie analyse l'ensemble des données de toutes
sortes, appartenant tant à l'Economie qu'à la Sociologie,
à la Démographie, mais aussi au domaine militaire, susceptible
d'affecter la stratégie générale mise en oeuvre par
l'Etat. Mais encore ici, la géostratégie semble trop
générale ; à vouloir tout contenir, elle perd de sa
substance et de sa spécificité. C'est dans ce souci de concision
que Bégarie la limite aux détails, aux contingences et au court
terme, par opposition à une inclinaison vers les grands ensembles et la
longue durée qui caractérisent la géopolitique
(Bégarie, op.cit : 684). La géostratégie permet donc
de comprendre des faits souvent peu importants qui auront de fortes influences.
Ce n'est pas une étude détaillée complète qu'il
faut entreprendre, mais simplement l'examen de certains détails. Il ne
faut pas négliger telle ou telle partie de cet enseignement sous
prétexte de ne voir que des ensembles, au contraire il est bon parfois
d'analyser avant de synthétiser à outrance (Villate). Cette
approche nous semble plus pertinente, car elle permet de mieux cerner la notion
d'enjeux géostratégiques. Parler d'enjeu revient à
indiquer ce qui se dispute derrière une négociation, un accord ou
un conflit. A partir de l'Initiative d'allègement de la dette des pays
pauvres très endettés, cette étude se propose d'examiner
des faits qui, au-delà de l'acte d'annulation de la dette, ont une forte
influence sur le Cameroun. En faveur de qui et contre qui la dialectique des
intelligences (Bégarie, op.cit) inscrite dans le cadre de ce programme
d'Initiative PPTE se joue-t-elle ? Si la notion d'espace garde ici toute
sa pertinence, c'est sans doute parce qu'elle sert de cadre à
l'élaboration des stratégies : la géostratégie
dans ce cas est l'art de transformer l'espace adverse au mieux des
intérêts de celui qui s'en sert, en évitant que son espace
soit transformé au mieux des intérêts de l'adversaire. Les
enjeux géostratégiques de l'Initiative PPTE, parce qu'ils
relèvent de la compétition entre acteurs en scène, se
recoupent donc en deux aspects : la possibilité que des
intérêts se jouent derrière le programme d'annulation de la
dette des pays pauvres très endettés d'une part ; et d'autre
part le déploiement de stratégies de la part des
créanciers en vue de transformer l'espace Camerounais au mieux de leurs
intérêts.
3. Revue de la Littérature
Comme beaucoup d'auteurs avant nous, nous nous
intéresserons à l'étude de l'Initiative PPTE. Pour mieux
évaluer la littérature portant sur la question, l'analyse
tournera autour de trois thématiques : socio-économique,
libérale et réaliste.
Sur le plan socio-économique, quelques
auteurs analysent l'impact de l'Initiative PPTE sur la croissance
économique et la lutte contre la pauvreté. C'est la perspective
tracée par Sosthène Hervé Mouafo Ngatom dans son
mémoire intitulé : « L'Initiative PPTE et la
lutte contre la pauvreté au Cameroun ; une analyse
sociologique », ce dernier affirme que les mécanismes mis
en oeuvre dans le cadre de l'Initiative ne sont pas suffisamment efficaces pour
lutter contre la pauvreté au Cameroun. Pour cela il suggère la
participation de toutes les couches sociales (notamment la
Société civile et les ONG) dans la mise en oeuvre du Document de
Stratégie pour la Réduction de la Pauvreté (DSRP). De son
coté, Hérédia Cica Mathilda Dadjo, s'intéressant au
cas béninois dans son mémoire
intitulé « la problématique de la mise en
oeuvre du DSRP par les collectivités locales au
bénin » propose la participation des autorités
locales dans la mise en oeuvre du DSRP. Claire Barraud dans son mémoire
intitulé « le défi du désendettement
soutenable en Afrique Subsaharienne : au-delà de l'Initiative
PPTE », suggère des solutions alternatives au
désendettement des pays africains. Pour elle, il faut envisager d'autres
mécanismes d'allègement de la dette en dehors de l'Initiative
PPTE. Ce point de vue est partagé par Kenkouo Guy Albert dans son
mémoire intitulé « Soutenabilité de la dette
des pays post PPTE de la zone franc » ; celui-ci tend
à démontrer que si l'Initiative PPTE permet à certains
pays éligibles d'avoir une dette viable dès l'atteinte du point
d'achèvement, elle n'est pas suffisante à elle seule pour le
maintien de cette viabilité dans le court, moyen et long terme. La sous
évaluation de la dette intérieure (car les allègements
portent sur la dette extérieure et les économies des pays post
PPTE de la zone franc sont vulnérables) d'une part, le surendettement et
les conditions du réendettement qu'il convient de maîtriser
d'autre part, peuvent conduire à de nouvelles crises de la dette.
L'auteur pense donc qu'il convient d'élaborer des stratégies et
programmes d'endettement conformes aux objectifs de développement
économique des pays, tout en visant le maintien de la viabilité
de la dette. De plus, les pays post PPTE de la zone franc doivent consolider
leurs bases productrices et leurs exportations, promouvoir la croissance
économique et la bonne gouvernance.
Analysant le parcours du Cameroun, Mounira Moustapha
dans son mémoire intitulé « l'Initiative pays
pauvres très endettes (PPTE) : le cas du
Cameroun », estime que ce programme représente un
processus long et ardu pour les pays bénéficiaires : les
conditionnalités des institutions de Bretton Woods sont intransigeantes
et requièrent de graves sacrifices de la part des populations et surtout
font peser sur les gouvernements une pression sociale de nature à
créer un climat politique instable. A partir du cas du Cameroun,
l'auteur montre la difficulté du parcours à l'Initiative PPTE
dont la perspective de l'atteinte du point d'achèvement suscite de
nombreux espoirs, lesquels ne sont pas toujours comblés. Raison pour
laquelle l'auteur pense que l'Initiative PPTE est une solution précaire,
d'où la nécessité d'une annulation « totale et
inconditionnée » de la dette des pays pauvres.
Dans le même ordre d'idées, Jokung Nguena met
en évidence le contenu et les mécanismes de fonctionnement de
l'Initiative PPTE. Il évalue les enjeux économiques de ce
programme pour la croissance des pays africains. Son ouvrage l'Initiative
PPTE, quels enjeux pour l'Afrique ? parait avant l'atteinte par
le Cameroun du point d'achèvement ; il propose alors des solutions
pour y parvenir. Pour l'auteur, l'Initiative PPTE est une occasion tangible
offerte aux pays africains et à leurs gouvernements de sortir de
l'état de paupérisation et de marginalisation actuel, afin de
participer au progrès mondial et de tirer profit des échanges
commerciaux planétaires. Enfin, Isaac Tamba dans l'ouvrage
Cameroun : enjeux et défis de l'Initiative PPTE, expose des
moyens de gestion efficace de l'Initiative PPTE en vue de permettre au Cameroun
de retrouver le chemin de la croissance.
La thématique libérale est quant à
elle développée par Babissakana dans un article intitulé
« privatisation de la Sonel et crise d'énergie
électrique : sortir du modèle inopérant du FMI et de
la Banque Mondiale est un impératif pour le Cameroun ».
L'auteur décrie la situation de dépendance qui lie le Cameroun
aux institutions financières internationales et qui se manifeste par des
privatisations forcées. Dans la même veine, Thierry Ngogang
in « Initiative PPTE : entre illusion et
arnaque », pense que l'Initiative PPTE vise à assurer la
pérennité des remboursements et à dissimuler le
renforcement de l'ajustement structurel sous une apparence de
générosité. C'est également le point de vue qui se
dégage d'un ouvrage collectif paru en Avril 2001 : de
l'écart entre le discours et la réalité : le faux
allègement de la dette des pays pauvres très endettés.
Il y est fait mention d'un fossé entre le discours officiel de
générosité des institutions de Bretton Woods à
l'égard des pauvres et la réalité des chiffres qui
expriment le contraire.
Eric Toussaint quant à lui dans une
thématique réaliste, s'introduit dans les coulisses de la
géopolitique et de la finance internationale. Il pense à travers
son ouvrage Banque Mondiale : le coup d'Etat permanent, qu'il
existe un jeu « d'arnaque » orchestré par le Fonds
Monétaire International et la Banque Mondiale au service des
intérêts des grandes puissances. Cette voie est celle qui se
rapproche le plus de la problématique de notre étude.
4. Problématique.
Au cours des multiples rencontres internationales
où la question de l'Initiative PPTE a été à l'ordre
du jour, la lutte contre la pauvreté a toujours été au
coeur des discussions. Selon les pays du G7, initiateurs du programme, il
s'agit de donner une chance de développement aux pays du Sud, souvent
ruinés par le poids de la dette. Cependant, la perspective d'un
développement par le financement de la dette que propose l'Initiative
PPTE, recèle des conditionnalités qui rendent parfois le projet
plus coûteux pour les pays bénéficiaires ; de plus, la
possibilité qu'ont les créanciers bilatéraux de
négocier directement et de manière discrétionnaire le
traitement de la dette, expose leurs débiteurs à
d'éventuelles manipulations. Le choix des critères de
sélection se faisant au cas par cas, le Cameroun s'est vu
intégrer à l'Initiative d'allègement de la dette des pays
pauvres très endettés. Mais eu égard à sa position
géographique importante dans le Golfe de Guinée et dans l'espace
CEMAC, son choix semble n'avoir pas été fortuit. Aussi
sommes-nous enclin à nous interroger sur les enjeux
géostratégiques qui entourent l'Initiative PPTE. Que cache
réellement l'Initiative PPTE au-delà du discours officiel
d'annulation de la dette ?
5. Hypothèse :
En théorie, l'Initiative PPTE s'inscrit dans un
partenariat donnant-donnant entre les créanciers et les
débiteurs : d'une part, les débiteurs voient leur fardeau de
la dette allégé ; ce qui accroît leur chance de
sortir du sous développement. D'autre part, les créanciers voient
rétablir la solvabilité de leurs débiteurs. En pratique,
l'intérêt de ce programme réside dans la capacité de
chaque partie prenante à négocier habilement. Mais le Cameroun,
en raison de la situation géographique importante du pays et donc des
convoitises qu'il suscite auprès des puissances industrielles en
compétition pour le contrôle du Golfe de Guinée, et surtout
eu égard à la faible capacité de négociation de sa
diplomatie et aux multiples dysfonctionnements de son administration, le
programme d'Initiative PPTE a fait l'objet d'une instrumentalisation
orchestrée par ses créanciers.
6. Approche théorique
La lecture géostratégique de l'Initiative
PPTE apparaît éminemment pertinente dans la perspective
réaliste. Fort relativisée dans le paradigme de l'état de
nature (Waltz, 1979 ; Krasner, 1983), cette approche s'impose comme
décisive à partir de la logique de l'intérêt. Le
réalisme admet en effet que l'intérêt guide l'action des
Etats sur la scène internationale : c'est leur principal but
(Roche, 2001 :23). Il s'en suit que les Etats n'ont pas d'amis, ils ne
défendent que des intérêts, ainsi que l'illustre la formule
de Georges Washington, « aucun Etat ne doit être cru
au-delà de son intérêt ». Fort est donc de
constater que même le développement des théories de la
coopération ne permet pas de remettre en cause le bien fondé de
ce paradigme ; d'où les formules telles que « on a plus
intérêt à coopérer qu'a ne pas
coopérer » qui fonde la théorie des jeux (Axelrod,
1992).
Mais ce point de vue n'est pas partagé par les
théories idéalistes qui fondent leurs principes sur l'existence
des biens communs de l'humanité à savoir les droits de l'Homme,
la démocratie, la paix, l'environnement, la lutte contre la
pauvreté. L'on justifie ainsi ces idéaux par la mise en place au
sein des organisations internationales des programmes à caractère
humanitaire et humaniste, et dont l'Initiative PPTE semble en être le
symbole. Selon ses promoteurs (le G7, le FMI et la Banque mondiale),
l'Initiative PPTE est destinée à lutter contre la pauvreté
en vue d'atteindre les objectifs du millénaire pour le
développement (OMD) prévus en 2015.
En réalité, une lecture idéaliste de
l'Initiative PPTE ne nous permettrait pas d'expliquer les enjeux et les
non-dits autour de ce programme d'allègement de dette. Elle conforte
certainement la posture d'une solidarité internationale soucieuse des
problèmes communs de l'humanité, ainsi que le démontre
l'action de Jubilé 20005(*) dans le cadre de son combat contre la pauvreté
dans le monde. Mais la ferveur suscitée autour de ce programme ne doit
pas faire oublier l'échec des Initiatives
précédentes6(*) pilotées également par le FMI et la
Banque Mondiale, ainsi que l'idéologie libérale qu'elles ont
véhiculée. A cette occasion, l'ouverture des marchés s'est
faite au bénéfice des entreprises étrangères et au
détriment des marchés locaux. La logique capitaliste
marquée par la recherche du profit, a ainsi très souvent
prévalu en faveur de l'Occident (Stiglitz, 2002). Pour mieux comprendre
les contours géostratégiques de cette étude, l'approche
réaliste nous semble la plus appropriée du fait de la persistance
des figures du politique et d'intérêt national dans les Relations
Internationales contemporaines.
7. Approche
méthodologique :
La méthode géopolitique est une
méthode d'investigation et de lecture des faits. Selon François
Thual, chaque fois qu'il y a tension, conflit, guerre, négociation,
crise, il faut se poser les questions suivantes : qui veut quoi ?
Avec qui ? Comment et pourquoi ? (Thual, 19996). Il s'agit en effet
d'identifier les acteurs, analyser leurs motivations, décrire leurs
intentions, repérer les alliances en gestation ou au contraire en voie
de déconstruction. De ce point de vue, on ne peut mieux comprendre un
événement ou un fait qu'en le figurant tel qu'il est et non tel
qu'il devrait être ; on procède ainsi à la
démystification des apparences pour accéder à la
réalité. La géopolitique comme méthode permet donc
d'aller au-delà des discours officiels pour identifier les intentions
réelles, même si celles-ci sont « ensevelies au plus
profond des attitudes des Etats » (Thual, op.cit). C'est cette
logique que poursuit notre étude : en effet, l'Initiative PPTE
véhicule l'idée d'une générosité à
l'échelle mondiale et de la bienveillance de la communauté
internationale en faveur des pays pauvres très endettés. Certes
notre objectif n'est pas de nier l'effectivité des opérations
d'allègement de dette, mais plutôt de montrer qu'au-delà du
discours officiel, prévaut une logique d'instrumentalisation qui sert
les intérêts des créanciers. En dehors des contributeurs
multilatéraux et privés, le Cameroun a comme principaux
créanciers bilatéraux les Etats de l'Union Européenne qui
entretiennent des relations commerciales avec le Cameroun dans le cadre des
Accords ACP-UE ; les Etats-Unis, la Chine et la France pour qui le
Cameroun est devenu un pôle d'attraction économique et
sécuritaire. Les enjeux de cette étude se situent bien
au-delà de l'acte d'allègement de la dette ; il s'agit de
reformater en permanence les données de cette actualité dans des
« schémas d'étude des intentions » sur la
longue durée. Il s'agit en d'autres termes de décrypter le
calendrier inavoué de ces créanciers dans leurs relations avec le
Cameroun.
A partir de la conjoncture événementielle
et la recherche des causalités structurelles, l'Initiative PPTE pourra
être perçue sous un spectre nouveau. En reprenant les trois
niveaux de causalités et leur mise en perspective (Duroselle, 1992),
nous tenterons de comprendre pourquoi au niveau de la situation temporelle,
l'Initiative PPTE a été lancée en 1996 et pas
avant ; au niveau de la situation conjoncturelle, nous identifierons les
motivations et les ambitions de chacun des créanciers du Cameroun ;
enfin au niveau de la situation structurelle, nous établirons la mise en
perspective de ces causes sur la longue durée.
8. Intérêt du
sujet :
Au plan scientifique, cette étude permet
d'affirmer la perspective d'une géostratégie en temps de paix. A
partir d'une Initiative d'allègement de la dette des pays pauvres,
s'opèrent des stratégies de projection dans l'espace adverse en
vue de le transformer au mieux des intérêts de ceux qui s'en
servent. Le Cameroun est le théâtre de ces opérations
dépourvues de logiques guerrières : en effet ses
créanciers parviennent à transformer une situation qui lui est
favorable (la promesse d'allègement de sa dette) en un fardeau pour
lequel il est contraint à faire des concessions et des sacrifices. On
reste bien au coeur de la dialectique des intelligences commandée par la
volonté (Bégarie, op.cit) où les acteurs transforment des
situations défavorables en situations favorables. Dans le même
temps, cette étude se veut une contribution à la construction
d'une culture stratégique camerounaise.
9. Techniques de recherche :
Nous avons utilisé dans le
cadre de ce travail l'enquête documentaire : cette technique a
essentiellement consisté en une recherche sur Internet, en
bibliothèque ; à cet effet, nous avons parcouru le centre
d'informations des Nations Unis, le centre de recherche Paul Ango Ela, les
bibliothèques centrales de Yaoundé I et II, le Centre
d'information James Baldwin de l'ambassade des Etats - Unis, le CREDDA. Nous
avons également fait une étude de terrain, à travers une
visite à la communauté urbaine de Yaoundé, notamment
à la cellule de suivi des projets c2d où nous n'avons pas pu
avoir accès aux archives de la communauté urbaine ; nous
sommes néanmoins allés au siège du comité
consultatif et de suivi des projets PPTE sis à Bastos où nous
avons pu recueillir quelques informations. Nous sommes enfin allés au
département Asie et au Département Europe du Ministère des
Relations extérieures.
OPTION POUR UNE DEMARCHE COMPREHENSIVE DE
DE L'INITIATIVE PPTE
Première partie :
L' Initiative PPTE est un programme mis en place en 1996
sous la conduite des institutions financières internationales. Pour
certains observateurs, il ne fait pas de doute qu'il est à l'image des
Programmes d'ajustement structurel ; pour d'autres, l'Initiative PPTE
suscite de nombreux espoirs et peut certainement contribuer à la
réduction de la pauvreté. La perception qu'on peut avoir de ce
programme dépend de son contenu et des modalités de sa mise en
oeuvre : l'Initiative PPTE est un programme très complexe qui ne
peut être mieux compris qu'en isolant un objet. En réalité
l'étude au cas par cas nous permet de mieux cerner les contours d'un
dispositif opérationnel selon le niveau de développement du pays
bénéficiaire et de sa capacité de
négociation ; le choix du Cameroun nous paraît judicieux
à cet égard. En effet la mise en oeuvre de son programme
d'Initiative PPTE a été plus ou moins irrégulière
et relativement longue, du fait du retard et de la non exécution de
certains programmes. L'objectif de cette partie est de comprendre le concept,
son fonctionnement et sa mise en oeuvre par le Cameroun ; dans cette
optique, nous présenterons l'Initiative PPTE et la situation du Cameroun
dans ce programme (chapitre I), ensuite nous parlerons de l'examen des
orientations politiques du Cameroun depuis son admission à ce programme
(chapitre II).
LE CAMEROUN DANS L'INITIATIVE
PPTE
Chapitre I :
Le Cameroun, comme une trentaine d'autres pays
africains, fait partie du programme d'allègement de la dette des pays
pauvres très endettés, autrement appelé Initiative PPTE.
Au total 42 pays dans le monde ont la qualité de pays pauvres
très endettés en août 2007 (IMF Survey, 2007), mais le
nombre limité de pays à ce programme montre la complexité
et la rigueur des critères de sélection. Cette approche a
d'ailleurs fait l'objet de nombreuses critiques de la part de l'ONG
Jubilé 2000 ou de la Plateforme Dette et Développement (Rapport
2005) : en substance il ressort que l'Initiative PPTE ne représente
que 10% de la dette des pays en développement, et d'après la
CNUCED (Rapport de 2000), l'ampleur de la dette et la manière dont elle
interviendra n'auront pas d'effets directs majeurs sur la réduction de
la pauvreté. Mais ces critiques, bien que pertinentes paraissent
beaucoup plus générales et donc, ne permettent pas de rendre
compte de la réalité ambiante dans chaque pays. L'exemple du
Cameroun comme étude de cas nous permettra certainement de cerner les
enjeux de l'Initiative PPTE. L'objectif de ce chapitre est de comprendre le
fonctionnement de l'Initiative PPTE (I) qui s'inscrit dans une optique de
réduction de la dette. Ainsi, l'examen du traitement de la dette du
Cameroun nous permettra de comprendre les retombées financières
que cette Initiative aura générées pour le Cameroun
(II).
Section I : FONCTIONNEMENT DE L'INITIATIVE
PPTE.
L'Initiative PPTE est une Initiative complexe ;
pour mieux comprendre son fonctionnement, il convient d'en décrypter les
rouages. Nous partirons d'abord des considérations théoriques
(§1) pour élucider le concept PPTE en lui-même et les
conditions d'éligibilité, ensuite nous indiquerons les
modalités de mise en oeuvre qui permettent de voir comment le Cameroun a
cheminé dans ce programme (§2).
Paragraphe1 : Considérations
CONCEPTUELLES
Elles portent essentiellement sur la définition du
concept Pays pauvres très endettés (A) et sur les conditions
d'éligibilité (B).
A) L'Initiative PPTE: le concept.
D'après le Fonds Monétaire International,
l'Initiative PPTE est un dispositif global de réduction de la dette des
pays pauvres très endettés qui appliquent des programmes
d'ajustement et de réformes appuyées par le FMI et la Banque
Mondiale (FMI fiche technique, 2008). Le FMI et la Banque Mondiale ont
engagé l'Initiative PPTE en 1996 à la suite de la proposition du
G7 réuni à Lyon, en vue de ramener la dette des pays pauvres
à un niveau « soutenable », en
concertation avec les autorités nationales des pays créditeurs.
Mais comment évaluer la soutenabilité d'une dette ? Le FMI
considère la soutenabilité comme la situation dans laquelle un
pays a la capacité de financer le solde de la balance des
opérations courantes et d'assurer les obligations du service de la dette
sans faillir, sans solliciter un rééchelonnement, sans accumuler
les arriérés et enfin sans compromettre sa croissance (Kenkouo,
2008). Si les institutions financières veulent ramener la dette des pays
pauvres très endettés à un niveau dit soutenable, c'est
dire que celle-ci est jugée insoutenable. Cependant les moyens pour y
parvenir sont loin d'être aussi simple qu'ils n'y paraissent. En effet en
quoi consiste l'allègement de la dette ? S'agit- il d'une
annulation de dette, d'un rééchelonnement, ou d' une conversion
de dette ? De prime abord il est difficile d' y répondre. La
première opération, qui est plus proche d' une rémission
(Tamba, 2002), consiste en un effacement de créance : au sens
juridique, cela renvoie à l'extinction d'un contrat obligataire entre le
créancier et le débiteur, et par voie de conséquence
à la fin de la relation contractuelle. Le débiteur dans ce cas se
trouve dans une situation de statu quo ante, c'est à dire celle avant la
contraction de la dette (relation dépourvue d'obligations
financières).
Le rééchelonnement quant à lui ne
met pas fin au contrat. Ce terme peut signifier consolidation (modification des
conditions de remboursement d'une dette), par opposition à un
refinancement (consolidation par modification des termes de contrat de la dette
existante). Au final, il s'agit généralement de l'ajournement des
charges relatives aux engagements afin de différer les transferts
pendant une période stipulée dans l'accord de
réaménagement. De son coté, la conversion consiste
à transformer les titres de créance en éléments
d'actifs ou en dette interne ; cette opération consiste pour un
pays endetté à obtenir de rembourser sa dette en monnaie locale
à condition que les sommes à rembourser soient réinvesties
dans le pays soient en actifs locaux (actions, obligations), soient en projets
de développement (Mouafo, 2005). Mebu assimile la conversion à la
substitution (Tamba, op.cit) ; cette dernière s'opère par un
changement d'obligation qui a lieu soit à travers le changement de
créditeur, le changement de modalité ou le changement d'objet.
Avec le changement d'objet, la substitution a pour effet de remplacer la dette
précédente par un objet différent, notamment la mise en
place de projets de développement .Tandis que le changement de
créditeur a lieu lorsque l'obligation de développement a pour
créditeur le peuple du pays débiteur plutôt
que « les créditeurs payeurs ».
Certes cette lecture n'est pas dénuée
de tout fondement ; elle pèche cependant par excès de
juridicisation de la relation contractuelle, car elle ne permet pas de rendre
compte de la marge de manoeuvre des créditeurs dont le rôle est
important dans la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE, notamment dans le cas du
Cameroun. De plus, la pluralité d'approches quant aux moyens de parvenir
à un niveau soutenable de la dette, rend encore plus complexe le concept
d'Initiative PPTE. Le FMI parle généralement d'allègement
de dette ou d'annulation partielle sans que l'on sache à quoi ces termes
renvoient directement. Deux hypothèses sont alors envisageables :
soit l'Initiative PPTE ne renvoie à aucune de ces terminologies,
c'est-à-dire annulation, rééchelonnement,
conversion ; soit elle les intègre toutes. Si l'on considère
la deuxième hypothèse, l'Initiative PPTE est une annulation au
regard du traitement de dette qui est fait dans le cadre de l'Initiative
d'allègement de la dette multilatérale (IADM).7(*) Mais cette annulation ne se
limite pas à une remise totale de créance ; elle est
assortie d'une gamme variée de conditionnalités ; on est
donc loin de la catégorie pure du modèle décrit plus haut
à savoir l'annulation sous forme de fin de contrat obligataire. Le terme
rééchelonnement peut aussi s'appliquer à l'Initiative
PPTE ; c'est le cas des créances commerciales dans le cadre du Club
de Paris dont une partie est rééchelonnée. Enfin la
conversion est l'opération la plus usitée ici ; elle
s'applique à travers l'affectation des fonds
PPTE « à des secteurs de développement »
en rapport avec la lutte contre la pauvreté. Au final, le point commun
entre ces trois modalités d'allègement de dette réside
dans l'obligation de rendre compte de l'utilisation par le pays débiteur
des sommes à lui allouées dans le cadre du financement de
l'Initiative PPTE. Cette notion de conditionnalité est donc au coeur de
l'entreprise de l'Initiative PPTE dont les modalités
d'éligibilité sont à préciser.
B) L'éligibilité à L'Initiative
PPTE
« Les termes de Lyon » ont
consacré l'Initiative PPTE comme modalité innovante de la
participation multilatérale à l'allègement de la dette des
pays pauvres très endettés. Contrairement aux Initiatives
précédentes, le présent programme fait intervenir les deux
institutions internationales (FMI, Banque Mondiale) ; ainsi que les
banques régionales (Banque Africaine de Développement et Banque
Interaméricaine de Développement). La raison essentielle à
cette nouvelle donne se trouve certainement dans le stock de créances
important détenu par ces institutions financières. En effet
l'encours des créances multilatérales s'est
considérablement accru au cours des vingt dernières
années. Selon Frédéric Morteau8(*), ces créances sont
passées de 49 milliards de dollars fin 1980 à 208 milliards de
dollars fin 1990, et à près de 350 milliards de dollars fin 1999.
L'encours des créances de la Banque Mondiale est passé de 34
milliards de dollars fin 1980 à 141 milliards de dollars US fin 1990 et
210 milliards de dollars (dont 120 milliards pour les pays à faible
revenu) fin 1999. L'allègement de la dette qui doit être
opéré, identifie essentiellement la catégorie de pays
considérés comme pauvres et très endettés : ce
premier critère est cependant subordonné à une gamme
variée de conditionnalités ainsi que l'illustre le tableau
suivant :
Tableau 1 : Les
critères d'éligibilité à l'Initiative PPTE
INITIATIVE PPTE ORIGINALE
|
INITIATIVE PPTE RENFORCEE
|
- N'être éligible qu'à une assistance
concessionnelle de la part du FMI et de la Banque Mondiale (IDA
only)
- PIB/habitant inférieur à 786 dollars
- Un niveau d'endettement insoutenable : D/X (VAN)
supérieur à 200-250%
D/RB (VAN) supérieur à 280%
Service D/X (van) supérieur à 20-25%
- Réalisation d'un programme de réformes
préconisées par le FMI et le Banque Mondiale pendant 3 ans.
|
- N'être éligible qu'à une assistance
concessionnelle de la part du FMI et de la Banque Mondiale (IDA
only)
- PIB/habitant inférieur à 786 dollars
- Un niveau d'endettement insoutenable :
D/X (VAN) supérieur à 150%
D/RB (VAN) supérieur à 250%
Service D/X (VAN) supérieur à 15%
- Réalisation d'un programme de réformes
préconisées par le FMI et la Banque Mondiale pendant 3 ans.
|
Le tableau 1 présente les critères qu'un pays
doit remplir pour être déclaré éligible à
l'Initiative PPTE. Les deux colonnes indiquent les schémas applicables
à chaque étape de l'Initiative PPTE. En effet l'Initiative PPTE
originale représente les termes de Lyon ou les montants de
réduction étaient à 80%. On y voit bien, les
critères sont plus stricts ; en conséquence très peu
de pays ont été retenus dans cette première phase. Voila
pourquoi les critères de soutenabilité de la dette dans le cadre
de l'Initiative PPTE renforcée ont été assouplis, avec une
hausse du taux de réduction de la dette à 90%. A propos de la
soutenabilité, on remarque un abaissement du ratio VAN du stock de la
dette /exportation (D/X) de 200-250 à 150%. Cet indicateur évalue
pour une année donnée le poids relatif de la dette totale du pays
par rapport au montant de ses exportations en valeur de cette même
année. Le ratio VAN de la dette/recettes budgétaires (D/RB) quant
à lui passe de 280 à 250% ; c'est lui qui permet de mesurer
pour une année donnée le poids relatif de ce pays par rapport au
montant de ses recettes collectées au cours de la même
année. Enfin, le service stock de la dette/exportation (D/X) qui
représente le poids relatif de ce que doit rembourser le pays par
rapport au montant de ses exportations en valeur de la même année,
est passé de 20-25 à 15%.
De manière générale , pour qu'un pays
soit éligible à l'Initiative pays pauvres très
endettés sous réserve de l'application des Termes de Lyon et de
Cologne, il doit être un pays pauvres dont le revenu par habitant est
inférieur à 786 dollars US par an ; être
éligible à une assistance concessionnelle (c'est-à-dire
recevoir des prêts de l'association internationale de
développement du Groupe de la Banque Mondiale), avoir une dette
insoutenable après le traitement de Naples et avoir mis en place avec
succès les programmes de réformes conduits par le FMI et la
Banque Mondiale pendant un an. Cependant il convient de remarquer que ces
critères sont des critères standards c'est-à-dire qu'ils
renvoient au modèle type au sens de Max Weber. Ainsi pour mieux les
appréhender, il convient de faire une étude de cas, car les
conditions d'éligibilité diffèrent d'un pays à
l'autre ; c'est ce que confirme l'exemple du Cameroun.
Tableau 2 : l'admission du
Cameroun à l'Initiative PPTE
Initiative PPTE renforcée :
modèle-type
|
Critères remplis par le Cameroun
|
- N'être éligible qu'à une assistance
concessionnelle de la part du FMI et de la Banque mondiale (IDA only)
- PIB/habitant inférieur à 786 dollars
- Un niveau d'endettement insoutenable :
- D/X (VAN) supérieur à 150% D/RB (VAN)
supérieur à 250% Service D/X (VAN) supérieur a 15%
- Réalisation d'un programme de réformes
préconisées par le FMI et la Banque Mondiale pendant 3 ans.
|
- Membre agréé de l'IDA
- PIB/habitant égal à 583 dollars US
- Dette insoutenable : D/X (VAN)
égal à 205% D/RB (VAN) égal à
280% Service D/X égal à 24%
- validation de la FASR en 1999 devenue FSRP en 2000 par le
conseil d'administration de la Banque Mondiale et du FMI.
|
Source : Annuaire
statistique 2000
Le tableau 2 présente les statistiques du
Cameroun conformément aux critères d'éligibilité
à l'Initiative PPTE. Le Cameroun est un pays à faible revenu au
moment où son dossier est examiné par le FMI en 2000 ; mais
le fait marquant est le niveau élevé de sa dette. En effet, la
dette extérieure du Cameroun est allée croissante au cours du
temps ; selon la Banque Mondiale, elle est passée de 140,4 millions
de dollars à 9350 millions de dollars en 1995. Ainsi d'après ces
chiffres, la dette du Cameroun est devenue insoutenable au regard des
critères de soutenabilité effectifs aux Termes de Cologne. La
valeur actuelle nette de son ratio dette/exportation (D/X) est très
élevée (205%) au dessus de la moyenne requise à savoir
150%. La valeur actuelle nette du service de la dette/exportation est de 24%,
supérieur aux 15% requis.
Dans le même ordre d'idées, le Cameroun a
conduit avec succès la Facilité d'Ajustement Structurel
Renforcée (FASR) signée en 1997 avec le FMI. Ce programme a
été conclu en 1999 et est devenu Facilité pour la
Réduction de la Pauvreté et de la Croissance (FSRP) en 2000.
C'est donc logiquement à la suite de cette confirmation que le conseil
d'administration du FMI et de la Banque a déclaré le Cameroun
éligible à l'Initiative PPTE. Cependant cette thèse ne
fait pas l'unanimité.
Selon Frédéric Morteau9(*), la France a joué un
rôle décisif dans l'éligibilité de certains pays de
la Zone franc, parmi lesquels le Congo Brazzaville, le Sénégal et
le Cameroun. Ce constat est conforté par l'analyse d'Arnaud Zacharie
pour qui la notion d'Initiative PPTE prend en compte les connotations de
« pays jugés politiquement corrects » ou
encore de « pays amis »10(*). Dans la même veine,
Verschave tente d'établir les enjeux d'une annulation de la dette avec
le caractère odieux de celle-ci : « dès
qu'on commence à réclamer l'audit sur la dette d'un pays, les
créanciers s'empressent d'annuler cette dette »
(Verschave, 2002). En réalité, ces arguments semblent plus
plausibles dans le cas de la France (au regard du stock considérable de
ses créances à l'égard des pays de la Zone franc,
notamment à l'égard du Cameroun), lesquels arguments ne remettent
pas en cause la situation d'endettement significatif du Cameroun. Après
son admission à l'Initiative PPTE, le pays doit exécuter
certaines prescriptions pour la mise en oeuvre du programme.
Paragraphe 2 : La mise en oeuvre de l'Initiative
ppte
L'Initiative PPTE est un long processus qui met en
scène deux catégories d'acteurs dont le rôle est
décisif dans l'aboutissement et la mise en oeuvre du programme. Il
s'agit d'une part du pays débiteur dont la dette doit faire l'objet d'un
traitement, et de l'autre les institutions de Bretton Woods qui sont
chargées du suivi des reformes. Le pays éligible à
l'Initiative PPTE doit remplir un certain nombre de conditionnalités et
suivre des étapes qui obéissent a un schéma
opérationnel (A) ; par ailleurs le FMI et la Banque Mondiale
donnent leur quitus à chaque étape de ce processus (B).
A) Schéma opérationnel
De manière générale, une fois
éligible à l'Initiative PPTE, un pays doit entamer une longue
procédure dans l'optique d'obtenir des allègements de dette
subséquents. Deux étapes sont décisives pour y
parvenir : le « point de décision » et le
« point d' achèvement ».
Au cours de la première étape, un pays
inscrit à son actif une période de performance de trois ans et
élabore avec la société civile, un Cadre
Stratégique de Lutte contre la Pauvreté (CSLP), autrement
appelé Document de Stratégie pour la Réduction de la
Pauvreté (DSRP) ; c'est sur la base de ce document que les
réformes effectuées seront évaluées. Il s'agit
généralement d'un document provisoire dont l'application au cours
d'une année peut suffire pour accéder au point de
décision. Aussitôt le point de décision franchi, le pays
doit continuer à mettre en oeuvre les réformes prescrites par le
FMI et la Banque Mondiale ; dans le même temps, le pays
bénéficie d'une aide intermédiaire en termes
d'allègement de dette. En pratique, le Club de Paris accorde un
rééchelonnement aux conditions de Naples, c'est-à-dire un
rééchelonnement de la dette admissible arrivant à
échéance pendant la période de consolidation de trois ans
(pouvant aller jusqu'à 67% des échéances admissibles en
valeur actuelle nette). Les autres créanciers bilatéraux et
commerciaux accordent des conditions au moins comparables, tandis que les
institutions multilatérales maintiennent leur soutien dans le cadre
d'une stratégie d'ensemble de lutte contre la pauvreté
élaborée par les gouvernements.
La deuxième étape marque l'atteinte du point
d'achèvement. Pour y parvenir, le pays met à son actif une
deuxième période de bonne performance en appliquant les
politiques définies au point de décision, lesquelles
déclenchent l'accession au « Point d'achèvement
flottant »11(*)
en rapport avec le DSRP provisoire. Il s'agit pour le pays concerné de
produire un Document Stratégique pour la Réduction de la
Pauvreté définitif (DSRP final) et le mettre en oeuvre ;
avoir un environnement macro-économique stable dans le cadre d'une
Facilité pour la Réduction de la Pauvreté et la Croissance
(FRPC), négociée et financée avec le FMI ;
démontrer une bonne utilisation des ressources dégagées
par l'allègement de la dette intérimaire accordée au point
de décision ; remplir les conditions sur la bonne gestion des
finances publiques (planification et exécution du budget, transparence,
audit des dépenses) ; atteindre les objectifs dans les secteurs de
l'éducation, de la santé et de la lutte contre le SIDA.
Ces conditions sont assorties de mesures
supplémentaires liées aux réformes structurelles que
certains pays doivent exécuter parallèlement ; c'est le cas
du Cameroun dont l'itinéraire dans l'Initiative PPTE sera pour le moins
irrégulier.
Tableau 3 : parcours du
Cameroun à l'Initiative PPTE
Point de décision
|
Point d'achèvement
|
- 1999 : validation de la FASR12(*)
- 2000(oct.) : admission au point de décision
- 2000(déc.) : mise en place du DSRP1
|
- 2004(Août) : Cameroun
« off-track)
- 2005(Mars) :
Cameroun « on-track » et mise en place d'un
DSRP2
- 2005(Nov.) : signature de la FSRP
- 2006(Avril) : atteinte du point d'achèvement.
|
D'après ce tableau, le Cameroun est admis au point
de décision en 2000 et atteint le point d'achèvement en 2006. Il
lui a ainsi fallu six ans pour y parvenir au lieu de trois comme normalement
prescrit ; c'est ce qui explique le caractère irrégulier de
ce parcours. En effet le 30 août 2004, il est retiré de la liste
des pays pauvres très endettés par le conseil d'administration du
FMI et de la Banque Mondiale pour cause d'échec de mise en oeuvre des
réformes prescrites dans le Document de Stratégie pour la
Réduction de la Pauvreté. Il est réintégré
dans le programme en mars 2005, et le 29 Avril 2006 il atteint le point
d'achèvement de l'Initiative PPTE. Ce parcours a été
effectué sous la conduite des institutions financières
internationales.
B) Le rôle des institutions financières
internationales
Traditionnellement, les institutions de Bretton Woods ont eu
des domaines d'intervention différents en matière de gestion des
politiques économiques des Etats membres ; mais dès le
début des années 1990, leurs actions ont eu tendance à se
confondre. Dans le cas du Cameroun, les services du FMI et de la Banque
Mondiale collaborent à l'Initiative PPTE et au processus de mise en
oeuvre du DSRP (en l'occurrence, ils ont travaillé sur les documents
relatifs au point d'achèvement PPTE et sur la note consultative
conjointe du rapport d'étape du document de stratégie pour la
réduction de la pauvreté, qui ont été soumis au
conseil d'administration en Avril 2006) ; ils collaborent également
aux analyses et réformes relatives à la gestion des finances
publiques, et aux réformes en matière de bonne gouvernance, y
compris les régimes douaniers. Cette collaboration des deux institutions
se justifie en partie par la nécessité de coordonner les actions
prises au sein du conseil d'administration auquel elles appartiennent toutes
deux, mais également au regard du rôle important et
spécifique que chaque institution joue dans le cadre de l'Initiative
PPTE en faveur du Cameroun.
En matière de gestion des finances publiques, le
FMI intervient dans le cadre des analyses des politiques fiscales et du
renforcement des organes de contrôle. Il s'occupe de la gestion de la
trésorerie, la transparence des opérations budgétaires et
des informations y afférentes de l'exécution, du suivi et de
l'évaluation du budget. Au plan des réformes structurelles, le
FMI évalue les politiques commerciales et contrôle la
réforme du secteur financier. Et dans le domaine de la gouvernance, il
veille à la réforme des douanes et des impôts. Tels sont
ainsi les domaines dans lesquels le Fmi fournit des conseils
spécialisés et son assistance technique dans le cadre des
réformes qu'il appuie. Le degré d'implication du FMI est
matérialisé par le nombre de revues effectuées au Cameroun
au cours des trois dernières années.
Tableau 4 :
calendrier des revues de l'accord FRPC (2005-2008) au
Cameroun.
Date de mise à disposition
|
Conditions
|
- 10 Mai 2006 :
|
- achèvement de la 1ère revue (critère de
réalisation pour fin déc.2005
|
- 12 Janvier 2007:
|
- achèvement de la 2e revue (critère de
réalisation pour fin Juin 2006)
|
- 29 Juin 2007:
|
- achèvement de la 3e revue (critère de
réalisation pour fin déc. 2006
|
-10 Janvier:
|
- achèvement de la 4e revue (critère de
réalisation pour fin 2007)
|
-15 Avril 2008:
|
- achèvement de la 5e revue (critère de
réalisation pour fin 2007)
|
-15 Sept. 2008:
|
- achèvement de la 6e revue (critère de
réalisation pour fin déc. 2008
|
Source : FMI, 2008
Ces revues sont réalisées par les services
du FMI chaque semestre. Elles visent à évaluer la mise en oeuvre
par le Cameroun des réformes préconisées dans le cadre de
la Facilité pour la Réduction de la Pauvreté et de la
Croissance (FRPC).
La Banque Mondiale joue également un rôle
important dans le cadre de l'Initiative PPTE. En matière de gestion des
finances publiques, elle a un droit de regard sur la politique de la
dépense et l'allocation des crédits budgétaires, y compris
l'établissement d'un cadre de dépenses globales et sectorielles
à moyen terme ; de l'exécution et de l'évaluation du
budget. Elle s'occupe également de la réforme des marchés
publics et du suivi du budget dans les secteurs clés. Concernant les
réformes structurelles, la Banque mondiale contrôle les
réformes dans les domaines de l'éducation, de la santé,
des transports, de l'énergie, des infrastructures rurales et du
développement rural. Par ailleurs la Banque Mondiale veille à la
restructuration et à la privatisation des entreprises publiques ;
en même temps qu'elle s'assure du renforcement des capacités
humaines et institutionnelles, y compris la réforme de la fonction
publique. La Banque Mondiale milite également en faveur du
développement du secteur privé, des politiques commerciales et de
transit (afin d'améliorer le climat des affaires au Cameroun et de
soutenir la poursuite de l'intégration régionale, grâce au
renforcement des institutions financières régionales). Dans le
cadre des réformes en matière de gouvernance, la Banque Mondiale
appuie l'élaboration et la mise en oeuvre du programme de lutte contre
la corruption, et la mise en oeuvre de la décentralisation ; et la
poursuite du dialogue et de l'assistance technique nécessaire pour
mettre en oeuvre l'Initiative pour la Transparence des Industries Extractives
(ITIE) à l'instar de la SNH, de la SONARA, etc. C'est ainsi que se
déploie l'action des institutions de Bretton Woods dans le cadre de
l'Initiative PPTE en faveur du Cameroun, dont la mise en oeuvre est
décisive dans l'échéance du traitement de sa dette.
Section II : Le traitement de la dette du
Cameroun
Selon les termes de Cologne, l'allègement de la
dette s'élève à 90%. Il s'effectue avec le concours des
institutions multilatérales, des autorités publiques et
privées nationales. En effet le financement de l'Initiative PPTE
s'effectue par le biais d'un abandon de créances par ces
créditeurs sous réserve des modalités de
compensation13(*). A
certains égards, l'allègement s'opère de manière
effective par l'annulation, le rééchelonnement ou la
conversion : mais l'expérience du Cameroun révèle une
réticence des créanciers privés à honorer leurs
engagements.
Paragraphe 1 : Le traitement de la dette-ppte1
L'Initiative PPTE1 représente la première
phase du traitement de dette opéré d'une part par les
créanciers multilatéraux et privés (A), et d'autre part
par les créanciers bilatéraux (B).
A) Les créances multilatérales et
privées
Selon le Document conjoint Banque Mondiale/FMI de Mai
2000, la part de créances multilatérales susceptibles
d'être remises à l'égard du Cameroun représente 325
millions de dollars US en valeur actuelle nette soit un taux de 26%. La
répartition entre les différents créanciers se
présente ainsi qu'il suit :
§ Banque Mondiale : 55%
§ Banque Africaine de Développement : 24%
§ Fonds Monétaire International : 11%
Le FMI est le plus petit contributeur parmi les
créanciers multilatéraux, la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE
sous son financement est détaillée dans l'encadré
ci-après :
Encadre1 : traitement
de la dette du Cameroun
I .Engagement d'aide
Cadre renforcé
Date du point de Décision
Oct., 2000
Aide engagée14(*)
Par l'ensemble des créanciers (millions de dollars)
1.267,00
Dont : aide du FMI (millions de dollars US)
37,04
(équivalent en millions de DTS)
28,02
Date du point d'Achèvement
Avril 2006
II. Décaissement de l'aide du FMI (millions de
DTS)
Montant décaissé
28,62
Aide intérimaire
11,37
Complément décaissé sur produit
d'intérêts15(*)
5,05
TOTAL Décaissement
33,67
|
Source : FMI, 2008
Ainsi se présente le montant d'allègement
du Fonds Monétaire International à l'égard du Cameroun.
Du coté des créanciers privés
commerciaux, l'allègement global de dette16(*) du Cameroun représente
5% soit un montant de 72 millions de dollars US en valeur actuelle (Banque
Mondiale, rapport 2000). En réalité il s'agit des promesses
d'annulation de dette, malheureusement celles-ci n'ont pas toujours
été suivies d'actions concrètes.
Le FMI rapporte par exemple qu'en Août 2003, vingt-
deux des créanciers privés n'ont pas accepté l'accord de
rachat : certains ont vendu des créances sur le marché
secondaire, tandis que cinq autres (Winslow Bank, del Favero SPA, Sconset Ltd.,
Antwert, et Grace Church capital) ont entrepris des poursuites judiciaires et
la saisie d'actifs camerounais à l'étranger. C'est ainsi qu'au
début de l'année 2005, Winslow a saisi les tribunaux et en vertu
d'une décision de justice, a obtenu 50 millions de dollars US sur les
dépôts de la compagnie pétrolière de l'Etat du
Cameroun en France ; dans le même temps Del Favero a gelé le
compte de l'ambassade du Cameroun à Londres. Entre temps les
négociations continuent avec Sconset et Antwert, lesquels ont
déjà accepté de renoncer à leurs créances
d'intérêts accumulés, mais insistent pour être
entièrement remboursés sur le principal et sur tous les frais de
représentation et de justice. Grace Church capital a accepté
d'entamer des négociations en vue de parvenir à un
règlement à l'amiable.
Au regard de ce qui précède, il ressort
que le FMI peine à convaincre les créanciers privés
à s'engager dans l'opération d'annulation de la dette des pays
pauvres très endettés. Il en est ainsi parce que l'engagement des
créanciers reste volontaire, il n'existe donc pas de moyens de
contrainte à leur encontre en cas de refus de remise de créances.
Toutefois, le traitement de la dette fait l'objet d'une certaine harmonisation
au sein de structures regroupant des Etats dans le cadre de la
communauté des bailleurs de fonds, à l'instar du club de
Paris ; c'est dans cette instance que se traitent les créances
bilatérales.
B) Les créances bilatérales à
l'égard du Cameroun
Les créances bilatérales
sont soit des prêts accordés dans le cadre de l'aide publique au
développement (dont le taux de libéralité est d'au moins
25%, avec long délai de remboursement) ou des crédits
commerciaux garantis par l'Etat. Ce sont ces derniers qui font l'objet d'un
allègement de 90% de créances commerciales au sein du Club de
Paris dans le cadre de l'Initiative PPTE. En effet les créanciers
publics bilatéraux représentent 69% de l'allègement global
de dette du Cameroun et sont regroupés dans deux
catégories : les créanciers membres du club de Paris et les
créanciers hors Club de Paris.
Les traitements du Club de Paris sont définis au
cas par cas dans le cadre d'un consensus entre tous les pays créanciers.
La majorité des traitements dans le cadre de catégories
prédéfinies se présente par ordre croissant de
concessionnalité ainsi qu'il suit :
§ « les Termes classiques ».
Il s'agit du traitement standard ;
§ « les Termes de Houston »
pour les pays fortement endettés à revenus
intermédiaires de la tranche inférieure ;
§ « les Termes de Naples »
pour les pays fortement endettés ;
§ « les Termes de Cologne »
pour les pays éligibles à l'Initiative PPTE.
C'est sur la base des Termes de Cologne que la dette
de la plupart des pays admis a l'Initiative PPTE est traitée. En effet
l'éligibilité à ces Termes est déterminée au
cas par cas par les créanciers du club de Paris qui prennent notamment
en compte l'exécution des engagements du pays débiteur, ainsi que
des critères liés au revenu par habitant, le niveau d'endettement
ou le service de la dette. Mais le traitement au cas par cas laisse souvent
libre cours à une instrumentalisation de la part de certains
créanciers ; ce qui oblige certains pays débiteurs à
préférer des conditions onéreuses17(*).
Quoi qu'il en soit, l'examen de toute remise de
créances passe par l'analyse de la soutenabilité de la dette des
pays débiteurs. En effet lorsqu'un enjeu de soutenabilité est
identifié, les créanciers du Club de Paris développent
leur propre opinion sur la soutenabilité de la dette en étroite
liaison avec le FMI. Pour les pays dont la dette a été reconnue
par le FMI et les créanciers du Club de Paris comme n'étant pas
soutenable, il est requis une obligation de conformité ; en
d'autres termes, un pays qui veut bénéficier d'un traitement
global au sein du Club de Paris, doit s'engager à rechercher un
traitement comparable auprès de ses autres créanciers
extérieurs y compris les créanciers privés. Mais cette
clause de comparabilité de traitement est difficile à mettre en
oeuvre par les débiteurs qui rencontrent très souvent des
difficultés vis-à-vis de certains créanciers
véreux18(*). Et
pour cette raison, le financement par le Club de Paris devient
hypothétique.
Il convient de remarquer par ailleurs que le calendrier
de mise en oeuvre du traitement de la dette dans le cadre du Club de Paris est
cohérent avec celui de l'Initiative PPTE. Il présente les
caractéristiques suivantes : dette non APD (réduction de 90%
avec remboursement sur 23 ans dont 6 ans de grâce pour l'option DR ou
Réduction de la Dette, et 65 ans de grâce pour l'option
réduction du service de la dette ; la mise à jour de la date
butoir doit être envisagée pour s'assurer que le traitement couvre
bien l'assiette de dette adéquate). Cette opération qui est
utilisée dans le cas du Cameroun, illustre bien la combinaison
annulation - rééchelonnement pratiquée dans le cadre de
l'Initiative PPTE.
Les créances commerciales du Cameroun à
l'égard du Club de Paris représentent une part significative,
beaucoup plus que celles des créanciers non membres du Club de Paris,
ainsi que l'illustre le tableau ci - après :
Tableau 5. Traitement de la dette
commerciale du Cameroun.
a) Membres du Club de Paris
Pays participants
|
Montants (milliards de Fcfa)
|
Allemagne
|
530
|
Autriche
|
227
|
France
|
204
|
Belgique ONDD
|
142
|
Canada
|
101
|
Italie
|
88
|
Royaume - Uni
|
50
|
Danemark
|
50
|
Suède
|
35
|
USA
|
16
|
Belgique (gouvernement)
|
13
|
Suisse
|
11
|
Pays - Bas
|
6
|
Espagne
|
1
|
b) Hors Club de Paris
Source : CAA, Déc.
2007
Les allègements de créances commerciales
hors club de Paris s'élèvent à 59 milliards de Fcfa,
tandis que ceux des membres du Club de Paris se chiffrent à 1474
milliards. En effet à la suite de l'atteinte par le Cameroun du point
d'achèvement, les représentants des pays créanciers
réunis les 16 et 17 juin 2006 décidèrent de recommander
à leurs gouvernements une forte réduction du stock de la dette du
Cameroun. Environ 14 créanciers membres du Club de Paris ont
accepté de contribuer à cet allègement ;
l'allègement le plus élevé des dettes commerciales
provient de l'Allemagne avec une part significative de 530 milliards de Fcfa,
contre 1 milliard pour l'Espagne le plus petit contributeur. Il convient
d'observer cependant que seule une partie de la dette commerciale au sein du
Club de paris est annulée ; l'autre partie est
rééchelonnée. Ainsi en est - il du traitement des
arriérées au 31 Mars 2006, du traitement du stock au
1er Avril 2006 ; et dans le même temps il a
été prévu le paiement par le Cameroun des sommes
consolidées avant le 31 décembre 2007.
S'agissant de la clause de comparabilité de
traitement, la République du Cameroun s'engage à obtenir dans les
meilleurs délais de tous les créanciers ne participant pas au
procès verbal agréé, leur contribution appropriée
en termes d'allègement de dette dans le cadre de l'Initiative PPTE
renforcée. Cette clause de comparabilité de traitement est
irréfragable, car elle est la condition sine qua non pour tout
examen au fond d'un allègement.
Paragraphe 2 : Les traitements additionnels de
dette
L'atteinte par un pays du point d'achèvement
déclenche en théorie un mécanisme d'allègement de
dette supplémentaire aux bénéfices du strict cadre de
l'Initiative PPTE. Il s'agit de l'Initiative d'Allègement de la Dette
Multilatérale IADM (A), et du traitement de la dette APD ou Aide
Publique au Développement (B).
A) les créances multilatérales sous
forme IADM
En juin 2005, le groupe des pays les
plus industrialisés (G8) proposa que trois institutions
multilatérales parmi lesquelles le FMI, l'Association Internationales de
Développement (IDA) de la Banque Mondiale, et le Fonds Africain de
Développement (FAD) annulent la totalité de leurs créances
sur les pays qui ont atteint ou vont atteindre le point d'achèvement au
titre de l'Initiative en faveur des Pays Pauvres Très Endettés.
Même si l'IADM profite à d'autres pays pauvres19(*), c'est surtout pour ceux issus
de l'Initiative PPTE auxquels cette annulation de créances
multilatérales est destinée, afin de leur permettre d'atteindre
les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). Il
existe donc une affinité élective entre l'Initiative PPTE et
l'IADM, car l'un vient en complément de l'autre ; au point qu'on
parle parfois d'Initiative PPTE III pour désigner l'IADM. En atteignant
le point d'achèvement le 29 Avril 2006, le Cameroun a ainsi
établi les conditions d'un allègement supplémentaire en
provenance de l'Initiative d'allègement de la dette
multilatérale. (Voir tableau suivant).
Tableau 6 : Mise en oeuvre de
l'IADM dans la Zone FRANC
PAYS
|
BAD
|
AID
|
FMI
|
TOTAL
|
|
Annulation en millions de dollars US
|
Annulation en % du PIB
|
Annulation en millions de dollars US
|
Annulation en % du PIB
|
Annulation en millions de dollars US
|
Annulation en % PIB
|
Annulation en millions de dollars US
|
Annulation en % PIB
|
Bénin
|
360
|
8,1
|
683
|
15,4
|
53
|
1,2
|
1096
|
24,7
|
Burkina Faso
|
342
|
5,9
|
727
|
12,7
|
91
|
1,6
|
1160
|
20,2
|
Cameroun
|
229
|
1,4
|
859
|
5,2
|
253
|
1,5
|
1341
|
8,1
|
Malí
|
555
|
10,6
|
1250
|
23,8
|
110
|
2,1
|
1915
|
36,5
|
Niger
|
193
|
5,7
|
741
|
21,7
|
114
|
3,4
|
1048
|
30,8
|
Sénégal
|
409
|
4,9
|
1857
|
22,0
|
146
|
1,8
|
2412
|
28,7
|
Source : FMI (citée
par Kenkouo, 2008)
Ce tableau permet de constater que le Cameroun
bénéficie du troisième montant en termes de dette
multilatérale après le Sénégal et le Mali. Dans le
même temps, le FMI est son plus grand contributeur ; cela permet
sans doute de comprendre le rôle important que le Fonds Monétaire
international joue dans la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun.
En pratique, le gain net (IADM) pour les pays pauvres
s'obtient à travers une réduction d'un dollar en flux IDA et un
montant équivalent à 1 dollar, servira à l'annulation de
leur dette. Ils recevront ensuite de nouvelles ressources sur la base de
critères de performance ; ainsi pour les pays qui n'atteindront pas
les critères de performance20(*), cette proposition ne sera d'aucun gain. Tout laisse
donc penser que l'annulation de la totalité de la dette
multilatérale n'est pas automatique, elle est même fortement
conditionnée. C'est en tout cas l'avis de Jean Merckaert pour qui
l'Initiative PPTE est l'expression de « la politique de la
carotte et du bâton ».
B) Annulation bilatérale de la dette -
APD
Les créances d'Aide Publique au
Développement (APD) sont des créances au sein du Club de Paris.
Ce sont des créances issues des prêts à taux de
libéralité ou de réduction d'au moins 25% et long
délai de remboursement. La décision d'annuler ces créances
s'inscrit dans une perspective d'aide supplémentaire en faveur des pays
ayant atteint le point d'achèvement de l'Initiative PPTE. C'est donc sur
une base strictement bilatérale que certains pays ont pris l'Initiative
de cette annulation. L'Espagne à travers un accord bilatéral avec
le Cameroun a signé en mai 2007, par lettres échangées
l'annulation de 15 milliards de FCFA. La France pour sa part, par le biais de
son ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, s'est
engagée lors de la réunion des ministres des finances du G7
à Cologne, à procéder à l'annulation de la
totalité de ses créances d'Aide Publique au Développement
sur les pays éligibles à l'Initiative PPTE. Cette annulation
s'effectue sur « financement par don » à
travers la signature d'un Contrat de Désendettement et de
Développement (d) signé entre le pays débiteur et les
autorités françaises.
Deux catégories de pays sont concernées
par ce modèle de financement : d'une part les pays dont l'encours
du financement est inférieur à 50 millions d'euros ; dans ce
cas les pays sont éligibles à un « d
allégé ». D'autre part lorsque l'encours du
financement est supérieur à 50 millions d'euros, les pays sont
éligibles à un « d normal ».
Selon l'Agence Française de Développement (AFD), cette
distinction correspond à un souci de ne pas contracter des coûts
d'instruction globaux trop élevés. De plus, ce seuil permet de
classer les pays n'appartenant pas à la Zone de Solidarité
Prioritaire (ZSP) dans les pays bénéficiant d'un « d
allégé ». Tel n'est pas le cas du Cameroun qui
bénéficie d'un d normal, au regard du montant élevé
de l'annulation de ses créances d'aide publique au
développement.
En pratique, le d est une technique à travers
laquelle le gouvernement camerounais continue de rembourser ses prêts
à l'Etat français à chaque échéance, mais
aussitôt le remboursement constaté, le trésor
français propose de reverser la somme correspondante sur un compte
spécifique du trésor camerounais ouvert à la Banque des
Etats de l'Afrique Centrale (BEAC). Ces fonds disponibles sont
considérés comme des dons et leur utilisation est destinée
au financement des politiques de réduction de la pauvreté
définies dans le contrat, et en cohérence avec le Document de
Stratégie pour la Réduction de la Pauvreté. Ce
mécanisme de refinancement est inscrit en théorie dans le budget
de l'Etat comme s'il s'agissait de fonds propres. Pourtant, ces financements ne
sont pas gérés selon le libre arbitre de l'Etat camerounais, car
ils sont assujettis à l'approbation des autorités
françaises sous réserve de la présentation de projets
clairement identifiés.
Les montants du c2d camerounais s'élèvent
à 705 milliards de Fcfa sur dix ans, soit un volume de financement de 70
milliards de Fcfa par an (CAA, 2007). Les accords signés entre les deux
pays ont défini les secteurs dans lesquels les ressources du d sont
orientées. Quelques priorités ont été conjointement
retenues pour la première phase couvrant la période 2006 - 2010
parmi lesquels la santé et la lutte contre le Sida notamment ; les
infrastructures avec le développement urbain et les infrastructures
rurales ; les infrastructures routières ; l'éducation
de base ; l'agriculture et la sécurité alimentaire ;
l'environnement. Pour cette première phase, l'enveloppe
programmée est de l'ordre de 350 milliards de Fcfa, et les projets
portent sur les secteurs suivants :
i. l'Education de base
L'enveloppe c2d consacrée à ce programme
est de 26.238..280.000 Fcfa. Cette contribution s'inscrit dans la politique
gouvernementale de scolarisation de tous les enfants du Cameroun sur un cycle
primaire complet à l'horizon 2015. Dans ce cadre, le c2d appuie la
politique gouvernementale de recrutement d'instituteurs contractuels.
ii. La Santé
Ce programme est appuyé par le c2d à
hauteur de 55 millions d'euros, soit 36.077.655.000 Fcfa. Il doit contribuer
à l'amélioration de l'état de santé de la
population à travers notamment :
§ le développement des capacités de
planification de l'Etat ;
§ l'amélioration de la qualité et de la
viabilité financière des secteurs de la santé, du secteur
privé non lucratif ;
§ le renforcement de la lutte contre les MST dont le
Sida ;
l'amélioration des capacités de prise en charge
des patients dans les districts les plus démunis des régions de
l'Extrême-Nord, du Nord ; de l'Adamaoua et du Sud
iii. Le Secteur urbain
Ce programme qui bénéficie d'une enveloppe
de 75.435.055.000 Fcfa doit contribuer à l'amélioration des
conditions de vie des populations de Yaoundé et Douala. Il sera
essentiellement orienté dans les quartiers défavorisés,
sous la supervision des communautés urbaines.
iv. Le secteur routier
Le programme porte sur 120 millions d'euros, soit
78.714.840.000 Fcfa dont 3,3 milliards à la charge de l'Etat. Il vise
à préserver et à améliorer le réseau routier
existant pour favoriser les échanges commerciaux et réduire les
coûts de transport.
v. le Programme National de Développement
Participatif
La PNDP est un programme d'envergure nationale qui
bénéficie d'un financement global d'un montant de 49,5 milliards
de Fcfa dont 13,4 milliards provenant des « fonds PPTE
multilatéraux » et 13,11 milliards du d.
vi. Le Programme Secteur forêt environnement
(PSFE)
L''enveloppe consacrée à ce volet est de
6.559.57.000 Fcfa. Dans ce programme, le d apporte son soutien à
l'état dans les actions suivantes :
§ la gestion environnementale des activités
forestières ;
§ la gestion des forêts de production ;
§ la gestion de la faune et des aires
protégées.
vii. Conservation des sols dans le Nord Cameroun
Ce projet prévu pour quatre ans,
bénéficie d'un financement d d'un montant de 5.838.017.300 Fcfa.
Il vise à restaurer la fertilité des sols du Nord Cameroun par la
réduction de l'érosion des sols, la
régénération du couvert forestier, la promotion des semis
sous couverture végétale.
Au final, le d tout comme l'IADM se trouve dans le
prolongement de l'Initiative PPTE, et couvre des secteurs qui ont un lien avec
la lutte contre la pauvreté. Ce programme qui s'étend sur dix
ans, illustre bien l'enjeu que le financement par don représente pour
les autorités françaises et pour le gouvernement camerounais.
Mais le d n'est qu'un produit abouti de l'Initiative PPTE, car le
bénéfice effectif des retombées financières issues
de ces allègements de dette21(*) est subordonné à la capacité de
négociation des autorités du pays pauvre concerné. C'est
dans cette perspective qu'il nous sera donné d'examiner les
orientations politiques du Cameroun au cours de cette période de mise en
oeuvre de son programme d'Initiative PPTE.
EXAMEN DES ORIENTATIONS POLITIQUES DU CAMEROUN DEPUIS
SON ADMISSION A L'INITIATIVE PPTE
Chapitre II
Le succès d'un pays au programme d'Initiative PPTE
est fonction de son respect des réformes préconisées par
les institutions financières internationales. A l'observation, le
cheminement du Cameroun dans ce programme a été
irrégulier ; l'examen des choix politiques au cours de cette
période révèle des dysfonctionnements de management dus
à la résurgence des pratiques néopatrimoniales (section
I). Ces pratiques ont affaibli la capacité de négociation du pays
et l'ont ainsi exposé à l'extraversion (section II).
Section I : LES PRATIQUES
NÉOPATRIMONIALES COMME MODALITÉ D'EXERCICE DU POUVOIR AU
CAMEROUN
L'historicité de l'exercice du pouvoir au Cameroun
est caractérisée par l'hybridation des pratiques de la
modernité démocratique et du patrimonialisme. De ce point de vue,
les modalités d'exercice du pouvoir font sens lorsqu'on les situe dans
la confusion du public et du privé, l'alternance entre
intérêt général et intérêts
particuliers. S'il apparaît comme une pratique du passé (§1),
le patrimonialisme survit à l'ère de l'Initiative PPTE
(§2).
Paragraphe 1 : Le poids de l'héritage
politique institutionnel.
Le contexte post-colonial de transfert de pouvoirs aux
autorités politiques locales a fait l'objet de toute une sociologie du
pouvoir d'Etat en Afrique (A). En effet l'exercice du pouvoir, fait de
modernité et de tradition, s'est manifesté au Cameroun par la
cristallisation d'une culture néopatrimoniale aux dépens d'un
aggiornamento managérial (B).
A) Entre Patrimonialisme et
Néopatrimonialisme : une question de doctrine
La thèse de l'échec de l'Etat en Afrique
est justifiée par l'incompatibilité entre la modernité et
les pratiques patrimoniales (Chabal; Dumont). D'après cette
thèse, l'exercice du pouvoir en Afrique est caractérisé
par l'autoritarisme, le népotisme, la confusion du public et du
privé. Ce n'est pas le point de vue de Max Weber; pour lui en effet
l'Etat n'a pas échoué, il a juste fait l'objet d'une
réappropriation grâce à la combinaison des
éléments de modernité et de tradition. C'est cette
approche qui a conduit à l'émergence du
néopatrimonialisme. Richard Joseph pense que la bataille entre le
pouvoir personnel et le pouvoir des institutions, basée sur l'Etat de
droit, n'est pas encore résolue (Richard, 2008).
Puisqu'il se joue au profit du pouvoir personnel, le
néopatrimonialisme est incapable de produire les biens communs (routes,
ponts, marchés, éducation santé, etc.) qui peuvent
accroître la productivité, développer le capital humain,
stimuler le développement (Diamond, 2008). Au contraire sa
caractéristique est de produire des biens privés pour ceux qui
ont accès au pouvoir, l'attribution des contrats et marchés se
faisant sur la base des malversations et non de la meilleure prestation
de service. Ces pratiques, pense Diamond, sont caractéristiques des
gouvernements de l'Afrique sub-saharienne où la demande en
démocratie excède l'offre (Richard, op.cit). De ce point de vue,
le combat politique en Afrique demeure beaucoup plus un conflit entre
l'état de droit et l'état autocratique; à coté du
fonctionnement bureaucratique formel subsistent des pans entiers de pratiques
individualistes.
La figure d'Etat faible à laquelle
répondent ces caractéristiques, n'est pas seulement
justifiée par la défaillance de l'Etat sur le contrôle de
tout ou partie de son territoire ; elle trouve également son
fondement dans le déficit d'autonomie politique des Etats africains
(Fogue, 2002). Penser le pouvoir en Afrique et au Cameroun en particulier,
renvoie donc à l'analyser à travers la persistance des pratiques
néopatrimoniales.
B) Dynamiques de cristallisation d'une culture
néopatrimoniale au Cameroun.
Parler d'une culture néopatrimoniale renvoie
à l'idée d'une intériorisation par les individus d'un
phénomène et son érection en usage courant d'expression
d'un mode de vie. Les pratiques néopatrimoniales en oeuvre au Cameroun
constituent à cet égard un moyen de passage de l'illicite en
règle. Ce processus d'absolution, de réhabilitation et de
légitimation de l'irrégulier s'illustre à travers
l'inflation de la corruption dans les secteurs les plus divers de la
société camerounaise. Une étude de Transparency
International sur le classement des secteurs et services publics selon le
degré d'affectation de la corruption en 2007, révèle que
le phénomène a pris des proportions significatives, ainsi que le
démontre le tableau suivant:
Tableau 7: classement des secteurs et
services publics selon le degré d'affectation de corruption
Rang
Secteurs et Services Publics
Notes
1e.
Douanes
3,915
2e.
Service des impôts
3,678
3e. Police
et Gendarmerie 3,640
4e.
Système légal judiciaire
3,494
5e.
Services fonciers 3,099
6e.
Services de transport 3,079
7e.
Services d'autorisation administrative 3,055
8e.
Services des Eaux et Forêts 2,987
9e.
Services de Santé
2,978
10e. Partis
politiques 2,909
11e.
Parlement ou pouvoir législatif 2,789
12e.
Système Educatif
2,749
13e.
Services d'Enregistrement 2,634
14e.
Armée
2,334
15e.
Services publics 2,054
16e.
Secteurs privés des affaires
2,029
17e.
Médias
1,926
18e.
Services d'état civil
1,465
19e. ONG
1,213
20e. Institutions
religieuses 0,793
Source : CRETES- Transparency
International, Février 2007
De ce qui précède, il ressort que les
services publics sont les plus affectés par la corruption; en d'autre
terme, la gestion administrative et l'exécution de service public
intègrent les malversations comme éléments
inhérents à l'exercice du pouvoir. En théorie, la
corruption est interdite par le Code pénal camerounais et par les
nombreux dispositifs réglementaires mis en place dans chaque
département ministériel dans le cadre du Programme National de
Gouvernance (PNG). Mais la gestion informelle des affaires connaît une
réalité coupée de toute formalité juridique. Selon
Larry Diamond, les institutions formelles de la démocratie peuvent
coexister avec les pratiques informelles du clientélisme et de la
corruption sans les remettre en cause ni les évincer (Diamond, op.cit).
De ce point de vue la corruption apparaît comme une catégorie de
modélisation de la figure informelle du politique, érigée
en mode culturel d'exercice du pouvoir. Même les contraintes
destinées à la combattre n'y résistent pas, plutôt
elles en nourrissent l'affermissement. A titre d'illustration, le processus de
démocratisation, parce qu'il crée des contraintes de situation,
sert de terreau fertile aux logiques d'opportunisme (Sindjoun, 1999).
Dans le même ordre d'idées, les dynamiques
de cristallisation du néopatrimonialisme font sens dans le sillage de
l'émergence du syndrome du « big-man ». Dans son
acception politologique, cette notion renvoie au règne de l'autocratie
et de la corruption (Encyclopédie Wikipédia) par opposition
à sa conception anthropologique qui l'identifie à la figure
influente d'une tribu ou d'une communauté. En réalité
cette distinction est relative, car la mise en compétition au niveau
local de personnalités en quête de leadership est sujet à
caution .Elle permet de justifier la quête d'enrichissement personnel, y
compris par les détournements de fonds publics, dans le but d'obtenir
une légitimité que ne confère pas la tradition. On veut
ainsi être personnalité influente dans sa localité à
travers la distribution des dons et autres faveurs, ce qui favorise la
tentation de détournement de fonds publics. L'ancrage psychologique
né de cette démarche de mobilisation des forces dans le
marché des positions politiques (Sindjoun, 1996) est créateur
d'effet de concurrence entre les acteurs du jeu politique, en terme de
possession du capital économique (Weber), et rendu diffus auprès
des couches diverses de la population. C'est ce que soulignait Niels
Marquardt22(*) en
affirmant: « aucune institution ne semble immunisée par ce
virus, et la corruption est pratiquée et justifiée par le commun
des camerounais, c'est-à-dire par les petits enfants, leurs parents,
leurs grands parents, les fonctionnaires, bref tout le
monde... ». L'intégration de la corruption et du
clientélisme dans les moeurs participe donc d'une volonté
affirmée de confusion du public et du privé. C'est dans cette
perspective qu'il faut comprendre la gestion du programme PPTE par le
Cameroun
Paragraphe 2: L'initiative ppte à
l'épreuve du néopatrimonialisme.
Le néopatrimonialisme comme modalité
d'exercice du pouvoir au Cameroun n'épargne pas l'Initiative PPTE. C'est
lui qui permet d'expliquer les dysfonctionnements qui ont jalonné le
parcours du Cameroun dans ce programme d'allègement de la dette des pays
pauvres très endettés (A). Même si des actions relevant de
la bonne gouvernance ont été décisives dans l'atteinte par
le Cameroun du Point d'achèvement, elles n'ont été que
l'expression d'une logique d'opportunisme des acteurs politiques en
scène (B).
A) Les raisons du dysfonctionnement de l'Initiative
PPTE
La pratique néopatrimoniale survit à
l'ère de l'Initiative PPTE, car les irrégularités qui ont
freiné la mise en oeuvre de celle-ci sont dues en partie à
l'exercice du pouvoir au Cameroun. Structurées par ses pesanteurs
bureaucratiques et modelées par le spectre de la corruption, les
pratiques néopatrimoniales constituent une modalité de mise en
scène d'une exception camerounaise de la continuation de la politique
par d'autres moyens. En effet depuis son admission au programme
d'allègement de la dette des pays pauvres très endettés,
le Cameroun s'est illustré par une gestion approximative de ses
orientations politiques et économiques, entraînant par là
même de difficiles avancées du processus d'Initiative PPTE. Deux
raisons permettent de justifier ces dysfonctionnements: les insuffisances
managériales et la corruption.
La gestion de l'Initiative PPTE par le Cameroun a tout
d'abord été marquée par des insuffisances
managériales. Dès son admission à ce programme, le pays
devait mettre en oeuvre le Document de stratégie pour la
réduction de la pauvreté (DSRP) pendant un an. La
particularité de ce document est qu'il prévoit la participation
de la société civile à son élaboration; c'est une
étape décisive car elle fixe les orientations politiques et
économiques dans la stratégie de lutte contre la pauvreté.
En principe la finalisation du DSRP était fixée au mois de Juin
2002, pourtant ce n'est que plus tard à savoir le 9 Avril 2005 que le
gouvernement le transmet au FMI et à la Banque Mondiale. Les raisons
officielles de ce retard selon les autorités camerounaises se trouvent
dans la complexité de la procédure requise pour
l'élaboration du Document. Au contraire, la société civile
et les ONG imputent cela à la qualité du processus
participatif ; selon elles, il s'agit « du manque de
proximité de l'Initiative avec le terrain, son manque de
décentralisation et surtout la précipitation et le manque de
transparence ».L'argument de la précipitation semble
ainsi confirmer les imperfections de ce DSRP, car le taux de croissance
prévu depuis avril 2003 n'a pas été atteint, au contraire
la croissance réelle a plutôt connu une
décélération depuis 2002 23(*).
En outre la faible implication de la
société civile est révélatrice de la forte
concentration du pouvoir. Ce qui précède permet d'évaluer
l'ancrage démocratique au Cameroun, du moins pour ce qui est de la
participation de la société civile à la vie politique
(Dahl, 1971). On est alors amené à répondre à la
question de savoir si l'Initiative PPTE est un véhicule de consolidation
de la démocratie au Cameroun. Si l'on s'en tient à l'argument du
courant de sociologie politique à propos de la nécessité
d'asseoir la démocratie politique sur une société
organisée qu'on appelle « civile » (Tocqueville,
1981:141), l'idée d'une société civile en marge du
processus d'élaboration du DSRP ne sert pas de preuve à
l'établissement d'une culture civique (Almond; Verba, 1963) en
affinité élective avec la démocratie au Cameroun
Par ailleurs la mise en oeuvre des réformes
structurelles fondées sur la Facilité pour la Réduction
de la Pauvreté et de la Croissance (FSRP) applicable pendant trois ans,
est également décisive dans l'atteinte du point
d'achèvement. L'Accord triennal consacrant ce Document a
été suspendu en 2004 pour cause de mauvaise exécution.
Selon Abdoulaye Bio Tchané, ancien représentant résident
du FMI au Cameroun, « les écarts par rapport au
programme budgétaire qui étaient apparus à la fin 2003
semblent s'être creusés au 1er semestre 2004. Par
conséquent, ces critères de réalisations
budgétaires, les plus importants, ont été largement
manqués à la fin Décembre et fin Juin (...). Par ailleurs,
sur les dix repères quantitatifs convenus, neuf n'ont pas
été respectés au cours de la période, notamment en
ce qui concerne les recettes budgétaires non pétrolières,
le paiement des factures aux entreprises des secteurs publics et les
remboursements de la dette intérieure »24(*). A l'observation ces
manquements sont dus à l'inefficacité des services publics et
à une distraction des recettes publiques. C'est ainsi qu'en avril 2004,
à l'occasion d'une mission de revue des services du FMI, un
déficit de 66 milliards de Fcfa a été constaté dans
les ressources budgétaires de l'Etat25(*). Dans le même ordre d'idées, un rapport
de la Caisse Autonome d'Amortissement fait état des détournements
de fonds publics, justifiant par là même l'intensification du
climat de corruption
Facteur d'insécurité marchande et
managériale, le phénomène de la corruption a largement
contribué à la suspension du Cameroun du programme PPTE le 30
août 2004. En effet il s'affiche sous de multiples formes selon que l'on
le situe à une petite ou grande échelle; c'est ainsi que peuvent
être qualifiées de pratiques favorables à la corruption:
1) une société qui fait un versement non
officiel à un fonctionnaire ou homme politique responsable de
l'adjudication pour se qualifier ;
2) un versement non officiel à un fonctionnaire
responsable de l'adjudication des marchés publics pour obtenir une
information confidentielle ;
3) le paiement d'un pot de vin pour
faire « sauter »une contravention dans le cas d'une
infraction ;
4) une demande de faveur ou un paiement supplémentaire
pour un service qui fait normalement partie du travail du prestataire ;
5) l'offre d'un travail à une personne de sa famille ou
un proche qui n'a pas de qualification pour le poste ;
6) l'offre ou le paiement supplémentaire pour faciliter
et accélérer une demande administrative ;
7) l'acceptation de somme d'argent ou de cadeaux en
échange de faveur ;
8) la facilitation en vue de l'implantation d'un projet dans
sa circonscription ou une zone où habitent ses amis.
Dans les 1er, 2e, et 8e
cas, l'acte de corruption a un impact sur un plus grand nombre de personnes et
peut avoir des répercussions sur la réalisation d'une politique
publique, à l'instar de la construction d'un centre de santé dans
une localité qui en a moins besoin que d'autres. C'est l'une des raisons
évoquées par le Comité Consultatif du Suivi des ressources
PPTE (CCS/ PPTE) pour justifier la faible mise en oeuvre des projets26(*) de lutte contre la
pauvreté dans le cadre de la phase intérimaire de l'Initiative
PPTE. De plus les lourdeurs administratives sont parfois dues à des
conflits d'intérêts, la nécessaire protection de
l'intérêt général se trouvant heurtée par la
recherche d'intérêts privés. Cet état de fait est
renforcé par l'absence de coordination et de synergie entre les
ministères utilisataires chargés du suivi du programme PPTE,
souvent livrés à des luttes d'intérêts27(*). Dans le même temps, le
processus décisionnel est rendu compliqué par les faibles
décentralisation et déconcentration; Nguihé Kanté
remarque ainsi que dans le cas du processus de privatisation des entreprises
publiques et parapubliques au Cameroun, toutes les décisions
relèvent de l'autorité du président de la
république (Nguihé, 2002). Ce qui fait naître autour de lui
des réseaux d'influence d'agents hégémoniques
livrés à des luttes de positionnement (Sindjoun, op.cit), qui
font dériver les programmes de privatisation au gré de leurs
intérêts. La primauté de la « dimension
supra-individuelle », rendue effective par une gestion
centrifuge du pouvoir et du processus décisionnel, permet alors de
comprendre la reproduction du système de domination politique et de
rigidité bureaucratique au Cameroun. D'où les difficultés
relevées dans la mise en oeuvre des réformes engagées dans
la première phase de l'Initiative PPTE; de cet échec, va
s'opérer une tentative de redressement des politiques en vue de
l'atteinte du point d'achèvement.
B) Le choix de la bonne gouvernance : une logique
de situation
Après sa mise off-track du programme
d'allègement de la dette des pays pauvres très endettés le
30 août 2004, le gouvernement camerounais a manifesté des signes
de bonne volonté pour tenter de faire revenir le FMI sur sa
décision. A cet égard le gouvernement s'est dit prêt
à appliquer les prescriptions des institutions financières
internationales. C'est ainsi qu'en 2005, il a approuvé le Programme
national de gouvernance qui identifie six priorités:
- la modernisation de la justice ;
- la gestion de la fonction publique ;
- l'amélioration de la gestion des finances
publiques ;
- l'assainissement de l'environnement des affaires ;
- la lutte contre la corruption ;
- la modernisation du cadre électoral ;
La mise en oeuvre de ce programme s'est faite par la
création d'une cour des comptes, l'informatisation de la fonction
publique à travers le SIGIPES, la création de la commission
nationale de lutte contre la corruption (CONAC) et la ratification par le
Cameroun de la convention des Nations Unis contre la corruption en
Février 2006, la création d'Elections Cameroon (ELECAM).
Dans le même temps, à travers la lettre
d'intention du gouvernement associé au Mémorandum de Politique
Economique et Financière (MPEF) de Juin 2005 à Juin 2008, le
Cameroun s'est engagé à:
- créer une agence d'investigation
financière ;
- exécuter le plan de paiement de la dette
intérieure ;
- lever les obstacles au développement du secteur
privé ;
- rechercher de nouvelles matières imposables et
améliorer les impôts existants ;
- accroître la mobilisation des ressources non
pétrolières ;
- augmenter l'investissement public dans le domaine des
infrastructures ;
- réaliser les audits sur la dépense publique, y
compris sur l'utilisation des ressources PPTE ;
- veiller à ce que l'exécution du DSRP ressorte
dans le budget de l'Etat et fasse l'objet d'une meilleure coordination avec les
bailleurs de fonds.
Le pays s'est aussi engagé à entreprendre les
actions suivantes:
- la mise en place effective de la chambre des comptes au plus
tard au mois de décembre 2005 ;
- un plan détaillé sur
l'opérationnalisation du conseil constitutionnel ;
- la privatisation de la Cameroon Airlines (CAMAIR) au plus
tard fin Mai 2006 et de la Cameroon Telecommunications (CAMTEL) fin Juin
2006.
Dans le même temps le Cameroun a accepté sur
recommandation des Institutions de Bretton Woods, de réviser les
principaux éléments du DSRP et d'améliorer le suivi et la
communication de la mise en oeuvre du DSRP. Le cadre macro-économique
à moyen terme, les projections de la pauvreté et les
stratégies sectorielles comptent parmi les principaux
éléments à réviser.
Si ces engagements ont permis au Cameroun de
réintégrer le rang des Pays Pauvres Très Endettés
le 24 Octobre 2005, il convient néanmoins de garder à l'esprit le
contexte de leur énonciation. En effet, le Cameroun se trouve dans une
situation de pays demandeur pour qui les retombées de l'Initiative PPTE
constituent un enjeu presque vital. L'adhésion du pouvoir à
quelques principes de la bonne gouvernance participe donc plutôt d'un
effet d'opportunisme, d'une logique de situation. L'idée de logique de
situation réhabilite la logique d'action stratégico-tactique
(Sindjoun, 1999:22); ce qui est en jeu, c'est la gestion de la situation.
D'où sa dimension relationnelle au sens d'interaction entre la
conjoncture et les acteurs: les acteurs adoptent une attitude qui sied à
la situation, on a tout à gagner en coopérant pourvu qu'on ait ce
qu'on veut à la fin. Il s'agit donc pour les autorités
camerounaises de montrer des signes de bonne volonté aux institutions
financières internationales. Cette théorie des jeux implique
cependant qu'un acteur arrête de coopérer ou se montre
désinvolte lorsqu'il a déjà eu ce qu'il voulait. C'est
ainsi que le Cameroun, aussitôt le point d'achèvement atteint,
mettra en veilleuse certaines des résolutions qu'il avait prises. A
titre d'exemple, les options de privatisations promises dans son MPEF
signé en 2005 n'ont toujours pas été mises en oeuvre
à l'instar de la privatisation de la CAMAIR et de la CAMTEL. De
même, la gestion des finances publiques a connu plusieurs imperfections
à la fin 2006; d'où la demande de dérogation pour non
réalisation du critère relatif au financement bancaire (en raison
des dépenses extra- budgétaires) inscrite dans la lettre
d'intention du gouvernement du 29 Mai 2007. Par ailleurs la modernisation du
cadre électoral promise a tardé à se mettre en place; en
effet malgré l'annulation partielle des législatives et
municipales du 22 Juillet 2007 consécutive à la fraude
électorale dans quelques circonscriptions, la mise en place d'ELECAM
(Elections Cameroon) n'a pas été possible, au contraire une
modification de loi a permis à l'ONEL de continuer à exister
jusqu'à la mise en oeuvre progressive d'ELECAM.
Même si certaines réformes utiles ont
été mises en place, le Cameroun s'est livré aux logiques
de situation et d'opportunisme qui ont favorisé le renforcement de son
extraversion.
Section II : INITIATIVE PPTE
ET EXTRAVERSION
Les réformes préconisées par les
institutions financières internationales sont souvent perçues
comme des conditionnalités imposées aux pays qui sollicitent de
l'aide. La caractéristique de ces conditionnalités est qu'elles
sont dictées de l'extérieur et appliquées par les pays
concernés. Même si les Institutions de Bretton Woods se
défendent de favoriser une coopération privilégiée
avec les pays pauvres très endettés dans le cadre de l'Initiative
PPTE, par opposition aux anciens Programmes d'Ajustement Structurels (PAS), il
n'en demeure pas moins que ces réformes sont conçues dans un
cadre imaginé par le FMI et la Banque Mondiale (§1). En
conséquence, les gouvernements des pays pauvres se trouvent
confrontés à des pressions aussi bien internes qu'externes qui
limitent leurs marges de manoeuvre dans la définition de leurs propres
politiques de développement, lesquelles sont alors tournées vers
l'extérieur (§2).
Paragraphe 1: Le cadre d'élaboration et de mise
en oeuvre des politiques.
L'Initiative PPTE se situe dans le prolongement d'une
politique d'ensemble pensée dans le cadre des institutions
financières internationales et destinée à l'atteinte
d'objectifs bien précis (A). Sa mise en oeuvre par le Cameroun fait
l'objet d'un contrôle régulier et permanent de la part du FMI et
de la Banque Mondiale (B).
A) La définition et la conception du champ des
réformes
Pour bénéficier de l'allègement
de dette promis dans le cadre de l'Initiative PPTE, un pays doit mettre en
oeuvre un ensemble de mesures qui constituent des réformes applicables
à des domaines précis. En théorie, chaque pays est
chargé de la conception de sa stratégie de lutte contre la
pauvreté contenue dans le Document de stratégie pour la
réduction de la pauvreté. Il s'agit d'évaluer les besoins
des populations ; c'est ce qui explique la nécessité pour le
gouvernement de consulter la société civile. Selon le FMI et la
Banque Mondiale, l'Initiative PPTE rompt avec la logique des Plans d'Ajustement
Structurels qui consistaient à concevoir des politiques de
développement à Washington et de les implémenter dans un
pays sans tenir comptes de ses priorités de développement. Cet
argument n'est pas pleinement justifié car la stratégie de
développement est établie sous la conduite des institutions
financières internationales, ensuite celle-ci n'est
opérationnelle que dans un cadre bien déterminé. On ne
peut donc pas affirmer que chaque pays élabore sa propre
stratégie de développement. En effet en l'an 2000, la
conférence des chefs d'Etats de la planète a adopté un
Mémorandum fixant les Objectifs de Développement du
Millénaire (OMD) et destiné à réduire la
pauvreté de moitié d'ici 2015. Huit axes structurent les
objectifs poursuivis:
- réduire l'extrême pauvreté et la
faim ;
- assurer l'éducation primaire à tous ;
- promouvoir l'égalité des sexes et
l'autonomisation des femmes ;
- réduire la mortalité infantile ;
- améliorer la santé maternelle ;
- combattre le VIH/SIDA, le paludisme et d'autres
maladies ;
- assurer un environnement durable ;
- mettre en place un partenariat mondial pour le
développement.
A l'observation, la réduction de la pauvreté
passe par l'amélioration des secteurs comme la santé,
l'éducation et le bien-être des populations pauvres. L'Initiative
PPTE représente ainsi le cadre adéquat de mise en oeuvre de ces
objectifs. De ce point de vue, tout financement dans le cadre de ce programme
est assujetti à la présentation d'un projet de
développement dans les secteurs en relation avec la lutte contre la
pauvreté. Le Document de Stratégie pour la Réduction de la
Pauvreté n'est donc pas un cadre de conception de politique de
développement; il s'agit plutôt d'identifier des Zones d'Education
Prioritaire, de santé prioritaire etc., et de leur affecter des
crédits subséquents. Ce qui précède permet de
comprendre pourquoi le gouvernement camerounais a voulu renégocier
l'usage des fonds PPTE à des fins plus en relation directe avec le
« décollage » économique du pays. Ainsi
affirme-t-on: « Parce que la circulation de la monnaie est un
facteur de croissance, les autorités camerounaises souhaitent obtenir
des pays riches et des institutions multilatérales qui contribuent
à l'Initiative d'allègement de la dette, de réorienter
l'utilisation des fonds PPTE dans quelques projets dits structurants. Il faut
arrêter le saupoudrage actuel avec le financement de petits projets sans
impact sur la pauvreté »28(*)
Sur un tout autre plan, la stratégie de
développement contenue dans le DSRP pose un problème de
compatibilité avec la politique globale d'orientation économique
d'un pays. Dans le cas du Cameroun, la question se pose de savoir si ce
Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté est
inféodé dans un cadre général
déterminé par le programme politique, économique et
culturel du gouvernement ou s'il vient en appui à ce programme. Selon le
Rapport 200629(*) de la
Caisse Autonome d'Amortissement, « les fonds
générés par l'Initiative PPTE sont gérés
comme si c'était le budget de l'Etat ». Cette affirmation
peut paraître plausible si l'on tient compte du fonctionnement du compte
BEAC, car le gouvernement camerounais y fait des versements dans la perspective
du financement des projets de développement. L'argument retenu ici est
qu' « une seule caisse gère et c'est le même
gérant ». Mais cet argument ne résiste pas dans le
cas du refinancement par don préconisé dans le cadre du D. Dans
un premier temps, le trésor français perçoit le
remboursement de la part des autorités camerounaises; ce n'est
qu'ensuite qu'il le reverse au compte BEAC. Cette opération pour le
moins complexe, recèle une caractéristique: c'est la France qui
juge de l'opportunité du refinancement. L'arrimage des fonds PPTE au
budget de l'Etat, s'il est avéré, participe donc d'une
construction asymétrique de la dépendance, car l'exécution
du budget est conditionnée à l'éventualité d'un
refinancement par don du trésor français. Cette expression du
déficit d'autonomie politique du Cameroun est renforcée par la
main mise de l'ensemble de ses créanciers sur l'application des
réformes macro-économiques et structurelles.
B) La mise en oeuvre des réformes sous la
conduite des bailleurs de fonds
De l'élaboration à sa mise en oeuvre, les
bailleurs de fonds sont impliqués dans le programme d'Initiative PPTE.
L'impact de leur intervention dans le processus de prise de décision
renforce la négation de l'idée d'une autonomie de gestion par les
autorités camerounaises, d'un programme sensé épouser les
contours d'une réelle stratégie nationale de lutte contre la
pauvreté. En pratique les réformes préconisées sont
mises en oeuvre sur la base d'une promesse de financement; c'est un gage qui
donne des marges de manoeuvre aux bailleurs de fonds dans le suivi des projets
qu'ils sont appelés à financer. En tant qu'organisations
multilatérales, le FMI, le Banque Mondiale et la Banque Africaine de
Développement interviennent pour évaluer l'effectivité des
réformes; cette intervention se traduit par des missions de surveillance
et de contrôle sous forme de revue. Ainsi la crédibilité du
Cameroun tient à la validation par ces institutions financières
de son programme de réformes macro-économiques et structurelles;
il existe à cet égard des baromètres de suivi et
d'évaluation. Du coté des autorités camerounaises, il est
requis la présentation d'un Mémorandum de Politique Economique
et Financière qu'accompagne une lettre d'intention du gouvernement. Ils
permettent d'évaluer les progrès accomplis sur le plan
économique et structurel, ainsi que les dysfonctionnements à
corriger. Ce cadre d'évaluation soumet le Cameroun à l'obligation
de rendre compte; cette contrainte est toutefois de nature à produire
des effets pervers et à engendrer des postures d'extraversion. A titre
d'exemple, le Cameroun veut toujours soigner son image à l'approche
d'une mission d'évaluation du FMI soit par une intensification de la
lutte contre la corruption, soit par la mise en avant des progrès
accomplis, en prenant soin de mâtiner ce qui
« fâche ». Cette attitude de diversion cache en
réalité des vices de fonctionnement profonds30(*) qui ne contribuent pas
à l'effectivité de la bonne gouvernance.
Les bailleurs de fonds bilatéraux quant à
eux interviennent dans le cadre du Comité Consultatif et du Suivi des
ressources PPTE. Créé par décret du 1er
décembre 2000, le Comité CCS-PPTE est chargé d'orienter et
d'évaluer l'efficacité et l'action de l'Etat en matière de
dépense PPTE. Ce qui est significatif ici est le rôle
d'ordonnateur de dépense que joue la communauté des bailleurs de
fonds dans le décaissement des fonds PPTE. Pourtant en matière
budgétaire, seul le ministre des Finances a autorité sur
l'ordonnancement budgétaire; c'est lui l'ordonnateur principal, les
autres ministres ne le sont qu'à titre secondaire. L'idée que des
bailleurs de fonds étrangers donnent leur avis sur le
décaissement de fonds convertis en devises nationales, milite en faveur
de la thèse du déficit d'autonomie politique des autorités
camerounaises; et ce d'autant plus que le septième point du MPEF,
consécutif à la troisième revue du FMI en 2007,
intègre ces bailleurs aux discussions menées dans le cadre des
conférences budgétaires. L'avidité d'obtenir un
financement sur fonds D et PPTE, pousse donc les autorités camerounaises
à faire des compromissions, qui creusent leur déficit d'autonomie
politique, économique et stratégique.
Paragraphe 2 : l'impact politique des
conditionnalités de l'initiative ppte.
Les réformes préconisées dans le
cadre de l'Initiative PPTE prennent la forme de conditionnalités parce
qu'elles sont imposées de l'extérieur et subies de
l'intérieur par les autorités du pays qui les exécutent.
Au Cameroun, ces conditionnalités ont parfois conduit les
autorités à prendre des mesures impopulaires (A); la perspective
de l'atteinte du point d'achèvement les obligeant cependant à des
postures d'allégeance vis à vis de l'extérieur (B).
A) Les pressions internes liées aux mesures
gouvernementales
Au plan interne, la conditionnalité se manifeste
à travers une austérité budgétaire en
matière macro-économique et une exigence de bonne gouvernance au
plan structurel. Le cahier des charges désigné par le
Mémorandum de Politique Economique et Financière que le Cameroun
doit mettre en oeuvre, intègre la nécessité d'assurer une
viabilité budgétaire; le respect des équilibres
macro-économiques passe par une bonne traçabilité des
recettes et des dépenses consacrées par le budget de l'Etat.
L'objectif requis par les Institutions Financières Internationales au
cours des six dernières revues qui ont jalonné l'Initiative PPTE
consistait à réduire le train de vie de l'Etat et à
accentuer la couverture des recettes non pétrolières par la mise
en oeuvre d'une fiscalité incitative autrement appelée
fiscalité de « porte à porte ». Il
s'agit à cet effet d'appliquer une fiscalité tous azimut
intégrant la taxe foncière, la taxe forestière, les droits
d'assise et surtout la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA). Sur ce dernier
point, il est à relever qu'au cours de l'exercice budgétaire 2003
- 2004, l'on a assisté à une augmentation de la pression fiscale
déclenchée par la mise en application le 1er Janvier
2004 de la réforme de l'Impôt sur le Revenu des Personnes
Physiques (IRPP) prescrite par le FMI, ainsi qu'une augmentation de la TVA de
18,7% à 19,25.
Ces mesures fiscales ont cependant eu des effets
pervers sur la croissance économique. A titre d'exemple ainsi que le
relève Alexandre Djimeli31(*), la mise en application de la réforme de
l'Impôt sur le Revenu des Personnes Physiques a entraîné la
chute du taux de croissance de 4,1% en 2003 à 3,6% en 2004.
L'augmentation de la TVA au premier janvier 2005 a conduit le taux de
croissance à 2,6% en 2005, à 3,2% en 2006, et à 3,6% en
2007 contrairement à la croissance économique moyenne de
l'Afrique sub-saharienne qui passait de 4,9% en 2003 à 6,9% en 2004,
puis de 6,1% en 2006 à 6,6% en 2007. Dans le même temps, le Fmi a
prescrit au Cameroun l'indexation des prix du carburant à la pompe en
conformité avec les prix du marché; d'où une augmentation
des prix du carburant qui s'en est suivie, soit 5 Frs de plus par litre en
octobre, novembre et décembre 2004 et 20Frs de plus en février
2005. Cette mesure qui visait à alléger la charge
financière de la SONARA (considérée par le FMI comme
« budgétivore »), et une fiscalité
très élevée ont entraîné la baisse du niveau
de vie des populations. Exaspérées par le coût des mesures
gouvernementales, ces dernières se sont livrées à des
grèves qui ont parfois tourné à l'émeute32(*), accentuant ainsi une pression
sociale sur les autorités. Entre le souci de se conformer aux exigences
du FMI et le risque d'une escalade de violence à l'intérieur du
pays, les autorités camerounaises ont préféré
éviter la confrontation populaire quitte à mécontenter
les Institutions Financières33(*). Le revirement s'est opéré par une
augmentation des salaires des fonctionnaires et agents de l'Etat et une
politique de gel des prix du carburant intervenues au courant du mois de mars
2008.
D'autre part l'exigence de bonne gouvernance a
contraint les autorités camerounaises à prendre des mesures de
rétorsion34(*)
contre les personnes soupçonnées de détournement de fonds
publics ou coupables de corruption. L'on a ainsi relevé un remaniement
ministériel en fin 2004 à l'occasion duquel le ministre des
finances a été limogé ; et par la suite l'arrestation
de plusieurs membres du gouvernement et des directeurs généraux
de sociétés publiques. A l'analyse, ces mesures fortes
participent d'une volonté du Cameroun de montrer des signaux positifs
à la communauté des bailleurs de fonds, à ce titre il
apparaît que la politique du gouvernement est influencée par
l'extérieur et elle s'inscrit dans une dynamique d'allégeance et
de conformisme.
B) Les dynamiques d'allégeance
politique
L'application des conditionnalités en vue de
bénéficier des retombées issues de l'Initiative PPTE
obéit à une logique de rapports de pouvoir entre le Cameroun et
ses bailleurs de fonds. Ces rapports de pouvoir génèrent des
effets de coercition qui placent le Cameroun en position inférieure du
fait de sa faible capacité d'action et de réaction. En
conséquence, ce dernier fait naître une dynamique d'objectivation
qui le cantonne à la sphère d'acteur secondaire et passif enclin
à formuler des demandes et en attendre des réponses. Cela est
perceptible à travers les lettres d'intention du gouvernement au FMI
dans lesquelles le Cameroun adresse des demandes de dérogation pour non
respect des critères de réalisation.
La relation ainsi établie s'assimile à
l'allégeance politique, car la perspective d'une évaluation et
d'une annotation des actions d'un Etat sous forme de compte rendu, participe de
la construction d'un lien d'obligations entre l'évaluateur et celui qui
est évalué. C'est dans le cadre de cette analyse que l'on peut
lire les propos du chef de l'Etat camerounais à l'adresse du
FMI35(*) :
« aujourd'hui, le Cameroun se trouve face à de nouveaux
défis. Il attend du Fonds monétaire international conseils et
assistance pour préserver les acquis, mais plus encore pour asseoir les
bases d'un développement économique et social vigoureux et
durable (...). Nous croyons pouvoir compter sur le FMI pour la mobilisation des
financements extérieurs nécessaires ». En effet
c'est le FMI qui donne son aval pour le déclenchement de tout processus
de financement par la communauté des bailleurs de fonds après
notification de l'atteinte par un pays du point d'achèvement. Ces propos
sont révélateurs de la situation dans laquelle se trouvent les
autorités camerounaises: le besoin extrême de financements
extérieurs soumet le Cameroun à la possibilité de tout
faire pour les obtenir. De ce point de vue, on peut penser que l'obsession du
Cameroun pour le point d'achèvement de l'Initiative PPTE l'ait
poussé à une politique de flexibilité vis-à-vis de
ses bailleurs de fonds ; c'est ce que relève Merckaert36(*) lorsqu'il affirme
qu' « il y a deux catégories de pays : les pays
dociles et ceux qui ne le sont pas , le Cameroun rentre dans la première
catégorie, car pour atteindre le point d'achèvement, il a du
intégrer en Octobre 2005 un nouveau programme du FMI qui l'obligea
à insérer la SNEC dans le projet de
privatisation ». Cet argument est soutenu par
Babissakana37(*) qui,
dénonçant la prolongation par le Cameroun de Facilité pour
la Réduction de la Pauvreté et de la Croissance en 2009 -
laquelle devait normalement prendre fin en Juin 2008- relève que le
pays n'aurait pas dû signer un programme dont l'utilité n'est plus
avérée.
Par ailleurs l'allégeance politique
transparaît également dans les soutiens diplomatiques que le
Cameroun essaie de se trouver, et qui peuvent lui permettre de parvenir au
point d'achèvement de l'Initiative PPTE. Il tente ainsi de conjurer le
poids des conditionnalités en s'alliant les puissances
étrangères qui ont une influence au sein des instances
financières internationales, à l'instar des Etats-Unis38(*).
Cette allégeance politique faite
d'extraversion, est de nature à accorder une grande marge de manoeuvre
aux puissances étrangères. Parce que le Cameroun a montré
des signes de faiblesse, parce qu'il a mis en avant sa faible capacité
de négociation tout au long de la gestion de son programme d'Initiative
PPTE, il s'est exposé à des manoeuvres d'instrumentalisation de
la part de ses partenaires étrangers.
DE L'INSTRUMENTALISATION DE L' INITIATIVE
PPTE
Deuxième partie :
L'hypothèse de l'instrumentalisation de
l'Initiative PPTE est justifiée par le fait de la mise en place de ce
programme aux fins géostratégiques, destinées à
servir les intérêts des puissances utilisatrices. Profitant des
maladresses du Cameroun, les principaux créanciers de ce dernier se sont
servis de l'Initiative PPTE pour poursuivre des buts autres que ceux pour
lesquels le programme d'allègement de dette a été mis en
place. L'objectif de cette deuxième partie est de montrer que
l'Initiative PPTE cache des visées géostratégiques.
Toutefois il existe des chances pour le Cameroun de sortir du cycle infernal de
dépendance que l'Initiative PPTE seule ne saurait lui permettre de
surmonter.
Dans cette optique, le troisième chapitre traitera
du cadre géostratégique de l'analyse ; le quatrième
chapitre quant à lui évaluera les défis de l'après
point d'achèvement et les enjeux liés aux intérêts
du cameroun.
LE CADRE GEOSTRATEGIQUE DE L'ANALYSE
Chapitre III :
Cette étude se situe dans un cadre
géostratégique ; la géostratégie comme
stratégie de l'espace, permet ainsi de mettre en exergue le
déploiement de forces concurrentes dans un espace à la recherche
d'intérêts. Dans le sillage du programme d'allègement de la
dette des pays pauvres très endettés, le territoire camerounais
est utilisé pour servir de terreau fertile à la
réalisation de projets géostratégiques des grandes
puissances. Fort de sa position géographique importante dans le Golfe de
Guinée et dans la sous- région CEMAC, le Cameroun suscite la
convoitise des Etats-Unis, de la France , de l'Union européenne et de la
Chine. L'objectif de ce chapitre est de montrer que l'Initiative PPTE cache des
intérêts voilés, nourris par les principaux
créanciers du Cameroun ; à cet égard, la
première section portera sur la présentation du Cameroun comme
espace de projection. La deuxième section traitera des
intérêts des créanciers dans le cadre de l'Initiative
PPTE.
Section 1 : Le Cameroun : un espace de
projection
Le Cameroun fait partie des quarante deux pays
bénéficiaires de l'Initiative PPTE, sa position
stratégique dans le Golfe de Guinée en fait un espace de
projection propice au déploiement des grandes puissances. Pour mieux
comprendre pourquoi le Cameroun suscite tant de convoitises, il convient
d'évaluer les non dits du programme d'Initiative PPTE et la
portée stratégique qu'il présente.
Paragraphe 1 : la position
géographique du cameroun.
Le Cameroun occupe une place stratégique dans le
Golfe de Guinée (A), et dans la sous- région CEMAC (B).
A) Par rapport au Golfe de Guinée
Au plan géographique, le Golfe de Guinée
s'étend sur près de 6000 Km le long de sa façade
occidentale. Celle-ci concerne le linéaire côtier compris entre le
Cap de Palmas, entre le Liberia et la Côte d'Ivoire, et le Cap Santa
Maria, sur le littoral sud de l'Angola. Au plan politique, le Golfe de
Guinée est cette aire maritime, directement contiguë au littoral
atlantique africain, entre la frontière Ivoiro-libérienne au
Nord, et la frontière entre la Namibie et l'Angola, au sud qui est la
voie d'accès à l'Océan mondial pour tous les Etats
riverains ou sans accès maritime de l'Afrique Centrale et de l'Afrique
Occidentale. Cette entité régionale en cours de reclassement
géo économique (Awoumou, 2005) a acquis une importance
géostratégique, du fait du déploiement des grandes
puissances en quête de ressources naturelles, dont la principale
s'avère être l'or noir. La capacité de production du Golfe
de Guinée s'est accrue au cours des dix dernières années,
elle est ainsi passée de 3,8millions de barils à 6,8millions de
barils en 200839(*).
D'autres projections révèlent que le Golfe de Guinée
produira 9 millions de barils par en 203040(*). Ces chiffres sont confortés par les fortes
réserves de pétrole retrouvées dans la sous région.
Selon Ntuda Ebodé citant lui aussi un article publié à
Lagos en 2002, « sur les 8 milliards de barils de
réserves découverts au monde en 2001, 7 milliards se trouveraient
dans le Golfe de Guinée » (Ntuda Ebodé, 2004). Ce fort
potentiel en ressources pétrolières, facilité par la
révolution technique de l'off shore (Boniface, 2006) est
à l'origine des convoitises des puissances étrangères
enclines à répondre aux « appels d'empire dans le Golfe
de Guinée ». Quelle est la place du Cameroun dans ce nouvel
« oil heartland » du monde tropical non
occidental.
Le Cameroun est un pays situé
géographiquement dans le Golfe de guinée et ouvert dans
l'Océan Atlantique (Cf. carte 2 - annexe). Il fait partie de la
Commission du Golfe de Guinée créée les 18 et 19 novembre
à Libreville ; cette commission comprend neuf pays membres au rang
desquels l'Angola, le Nigeria, la Guinée Equatoriale, Sao Tomé et
Principe, le Gabon le Congo et le Cameroun. A l'observation, le Cameroun est le
plus petit producteur pétrole de cet ensemble. Mais il reste un acteur
majeur ; il partage notamment ses frontières avec plus de la
moitié des autres membres de la Commission du Golfe de Guinée. De
ce point de vue, son territoire est une plaque tournante de transactions de
divers ordres dont l'accès à la mer en fait en plus un atout. A
titre d'exemple, le Cameroun a servi de cadre à l'exploitation du
pétrole tchadien à travers le pipeline qui traverse le territoire
camerounais et sa mise en exploitation dans la mer à Kribi.
Pays stable et relativement en paix, le Cameroun
représente un enjeu sécuritaire majeur. Parce que pétrole
rime avec sécurité, notamment en terme de sécurisation des
approvisionnements, le Cameroun apparaît comme le pole d'impulsion et
d'élaboration de la sécurité nationale des Etats-Unis,
devenus la principale puissance hégémonique de la région
(Ntuda Ebodé, op.cit). Par ailleurs, parce que la sécurité
couvre désormais de nombreux aspects à l'instar de la protection
de l'environnement et des écosystèmes, le Cameroun a un
rôle à jouer dans le massif forestier de la zone
équatoriale. Par son potentiel en ressources naturelles, ses
variétés d'essences et sa biodiversité, le pays fait
désormais l'objet d'une attention particulière. De ce qui
précède, il apparaît que le Cameroun occupe une place
stratégique majeure dans le Golfe de Guinée et jouit d'un
rôle de leadership qu'il partage avec le Nigeria et l'Angola à
travers « l'axe Abuja-Yaoundé - Luanda » (Awoumou,
op.cit).
B) Par rapport à l'espace CEMAC
La CEMAC est une organisation sous régionale qui
regroupe six pays dans le cadre de la communauté économique et
monétaire de l'Afrique centrale. Parmi eux se trouvent le Gabon, le
Congo, la Guinée Equatoriale, le Tchad, Sao Tomé et Principe, et
le cameroun. C'est un espace économique de promotion de
l'intégration et du libre échange. Le Cameroun y occupe une place
importante de par son potentiel démographique et
économique : représentant à lui seul environ
50 % de la population, du PIB et de la masse monétaire, le Cameroun
constitue le pole industriel, universitaire et agricole de la CEMAC (Awoumou,
2005). La Sous-région Afrique centrale est constituée de 6 pays
(Cf. carte 3 - annexe).
S'agissant des relations avec la France, celle-ci reste
l'un des premiers partenaires commerciaux de l'Afrique centrale : elle absorbe
18% des exportations de la région et fournit 20% de ses importations
totales. La forte progression de ses exportations en 2007 (+11,4%), qui
s'établissent désormais à 1,862 Mrds EUR, confirme la
reprise amorcée depuis 2005. Dans le même temps, les importations
en valeur (1 649 MEUR) ont progressé de +40,5% consécutivement
à d'importants achats de pétrole (en hausse de +66% en 2007, qui
représentent désormais 67% des importations, contre 58% en 2006).
Au coeur de ces relations, le Cameroun occupe une place importante : 81%
des exportations françaises se concentrent sur 3 pays : Cameroun, Gabon
et Congo. La RDC est un client modeste, eu égard à la taille de
son marché. 88% des importations proviennent du Cameroun, du Gabon et de
la Guinée Equatoriale, avec chacun près de 30% du total. Elles
concernent très largement le pétrole (2/3 des importations). Le
Cameroun et le Gabon sont ainsi les deux principaux partenaires commerciaux de
la France en Afrique Centrale (avec un relatif équilibre entre
exportations et importations), tandis que le Congo est largement importateur
net de produits français (le plus important excédent commercial
français dans la région) et la Guinée exportateur net vers
la France.
Tableau 8: Répartition des
exportations et importations françaises dans
Les Pays d'Afrique Centrale en 2007.
|
Exportations
|
Importations
|
Cameroun
|
30%
|
30%
|
Gabon
|
27%
|
28%
|
Congo
|
24%
|
5%
|
RDC
|
7%
|
6%
|
Tchad
|
5%
|
0%
|
Guinée-équatoriale
|
4%
|
30%
|
RCA
|
2%
|
0%
|
STP
|
0%
|
0%
|
Afrique Centrale
|
100%
|
100%
|
Source : MINEFE-DGTPE,
2008
Ce tableau illustre bien que le Cameroun est le marché
de prédilection de la France en Afrique Centrale, au regard du
pourcentage des exportations. Mais le principal partenaire commercial du
Cameroun reste l'Union Européenne (dont l'Espagne, la France et l'Italie
représentent en moyenne 62% du total des échanges camerounais sur
les quinze dernières années). La Chine dont les exportations vers
le Cameroun sont en augmentation, soit 6,3% en 2006, est devenue plus
compétitive que les Etats-Unis. Les exportations américaines sont
en effet passées de 4,7% à 2,9% ; néanmoins leur part
reste significative car ils font toujours partie des premiers clients du
Cameroun.
L'importance commerciale du Cameroun dans la sous
région Afrique Centrale peut permettre d'expliquer en partie pourquoi
son programme d'Initiative PPTE suscite autant d'intérêt du point
de vue de ses créanciers. Il convient dès lors d'évaluer
la portée stratégique de ce programme d'allègement de
dette pour mieux comprendre l'enjeu que le contrôle du marché
camerounais peut représenter.
Paragraphe 2 : la portée stratégique
de l'initiative ppte
L'Initiative PPTE est présentée comme un
programme d'allègement de la dette des pays pauvres très
endettés ; mais cette perspective ne présente pas le
programme sous toutes ses formes. En réalité, le défi du
désendettement n'échappe pas à l'option de la
construction politique de la solvabilité (A); ni même à la
promotion du néolibéralisme.
A) Du défi du désendettement à la
construction politique de la solvabilité
L'annulation de la dette des pays pauvres très
endettés répond à une logique : elle vise à
alléger le fardeau de la dette de ces pays. Mais l'Initiative PPTE ne
s'inscrit pas seulement dans l'optique du désendettement, elle vise
également à restaurer la solvabilité que la charge
d'endettement a contribué à hypothéquer. Il s'agit
à cet effet pour la communauté financière internationale
d'anticiper une crise de la dette à l'instar de celle qui a eu lieu dans
les années 1980 où le refus du Mexique de payer sa dette a eu un
effet d'engrenage sur les autres pays débiteurs. Ainsi à
l'Initiative du G7 regroupant les pays les plus industrialisés de la
planète, les institutions financières internationales ont mis en
place le programme PPTE, l'implication du politique par le biais du G7 ne
participe pas d'une raison fortuite. En effet le sommet au cours duquel se
réunissent les pays les plus riches de la planète est une
occasion d'examiner l'état de l'économie mondiale ; bien
que revêtant un caractère informel, cette réunion vise
à anticiper, prévoir et prévenir la survenance d'une crise
politique économique démographique, économique ou
financière. C'est donc à dessein que l'Initiative PPTE a vu le
jour.
La volonté d'inscrire l'Initiative PPTE sous la
forme d'un programme de lutte contre la pauvreté nourrit quelques
contradictions. Lorsque l'Initiative d'allègement de la dette
multilatérale IADM est mis en place en 2005, c'est dans l'optique
d'atteindre les objectifs du millénaire pour le
développement ; c'est un programme instauré en vue de
pallier les insuffisances de l'Initiative PPTE, affirme le FMI (IMF Magazine
Survey, 2007). Ce point de vue n'est pas pleinement justifié, autrement
l'Initiative PPTE aurait intégré la lutte contre la
pauvreté dès son lancement en 1996 ou tout au plus en 2000 lors
la tenue du Sommet du Millénaire pour le développement.
L'argument de la lutte contre la pauvreté ne résiste que
partiellement à l'épreuve des faits ; il a surtout servi de
mobile de légitimation du programme. La construction politique de la
solvabilité semble plus justifier la démarche.
En théorie la solvabilité d'un pays est
mesurable à son niveau d'endettement et à sa capacité
à effectuer le service de la dette. C'est un mécanisme de
régulation et de régularisation de la relation débiteur -
créancier41(*).
Historiquement le Cameroun a eu des rapports mitigés avec les bailleurs
de fonds ; cela s'est traduit par son incapacité à assurer
le service de la dette entre 1989 et 1997. La restauration de cette
solvabilité est l'objectif majeur de l'Initiative PPTE. C'est ainsi
qu'entre la période où le pays est admis à ce programme et
le moment où il commence à bénéficier des premiers
allègements de dette, celui-ci doit remplir un certain nombre de
conditionnalités parmi lesquelles la négociation de ses
créances bilatérales et multilatérales. Cette
négociation implique le paiement de certaines créances sous
réserve d'un rééchelonnement autorisé par le
créancier. Dans le même ordre d'idées, l'exigence d'une
couverture des recettes de l'Etat prévue par le Mémorandum de
Politique Economique et Financière participe d'une logique de
solvabilité du débiteur. En effet il est admis que l'Etat doit
assurer ses dépenses dans le sillage des recettes non
pétrolières, les recettes pétrolières étant
destinées à assurer le service de la dette. Cette politique qui
s'applique à tous les PPTE producteurs de pétrole est
significative dans le cas du Cameroun. De ce point de vue, l'Initiative PPTE
est un glacis géostratégique par lequel les bailleurs de fonds
élaborent un système d'informations échelonnées ou
la détermination du Cameroun se heurte à des obstacles
gradués intentionnellement.
B) De la promotion du Libéralisme
Les rapports Nord Sud sont dictés par des
échanges économiques et commerciaux entretenus par la
mondialisation. La libéralisation des comportements économiques
qui en découle participe d'une volonté d'ouverture des
barrières douanières, de facilitation de la circulation des
personnes et des biens et services. Faiblement représentés dans
les échanges commerciaux, les pays pauvres qui vivent en marge du
processus de mondialisation, sont soumis à des contraintes d'insertion
dans l'économie monde. Même si les « logiques
d'intégration des marchés et d'intégration dans
l'économie monde » sont inappropriées pour rendre
compte des effets réels des politiques néolibérales
(Mappa, 2003), elles peuvent servir de cadre explicatif aux enjeux
économiques nés des politiques néolibérales
véhiculées par l'Initiative PPTE.
Héritière des Plans d'Ajustement
Structurels, l'Initiative PPTE conserve le spectre de la figure de l'Etat
modeste et de l'avidité du secteur privé. Une grande place est
ainsi faite aux privatisations et à la réduction des
interventions de l'Etat dans le secteur productif. A titre d'exemple le
programme d'Initiative PPTE du Cameroun prévoit la privatisation des
entreprises d'Etat, à l'instar de la CAMAIR, CAMTEL, SNEC, SONEL. A
coté de cela, figure aussi la volonté des Institutions
Financières Internationales d'assainir le cadre des affaires pour rendre
le Cameroun plus attractif en terme d'investissements étrangers
d'où l'adoption par le Cameroun du code des investissements et la
réforme du système judiciaire42(*).
Dans le même ordre d'idées l'Initiative
PPTE vise à promouvoir le libre échange à travers
l'ouverture des barrières douanières, l'égalité de
traitement des partenaires commerciaux par l'application de la clause de la
nation la plus favorisée43(*). A cet égard, l'enjeu tourne autour des
rivalités commerciales entre les grandes puissances commerciales dans la
sous région Afrique Centrale à savoir la France, les Etats Unis
l'Union Européenne et la Chine. Pour l'Union Européenne, il
s'agit de faire concurrence à l'Initiative américaine AGOA
autrement appelée African Growth Opportunity Act, à
travers la signature par le Cameroun et les autres ACP des Accords de
partenariats économiques APE. A l'occasion de la tenue du sommet Union
Européenne ACP en 2000 à Cotonou, il a été
préconisé des clauses préférentielles
destinées à accorder des exonérations douanières
pour certains produits ACP en franchissement de douanes sur le marché de
l'Union Européenne. Ces clauses devaient cependant s'estomper au
1er janvier 2008 avec l'entrée en vigueur des clauses non
préférentielles opposable à tous, à l'exception des
PMA, dans l'optique de se conformer aux règles de l'OMC. Mais à
l'approche de l'échéance du 1er janvier 2008, de
nombreux pays ACP ont émis des réticences à la signature
des APE en évoquant des effets néfastes sur leurs
économies, en terme de baisse des recettes douanières, du risque
d'effondrement du secteur privé national et de la crise de l'emploi.
Pour tenter de contourner ces réticences, les pays de l'Union
européenne vont se servir de l'Initiative PPTE comme levier
géopolitique pour faire fléchir les gouvernements ayant
bénéficié de leurs allègements de dette. Le
Cameroun en tant que plaque tournante des intérêts
étrangers en l'Afrique Centrale, est pressenti pour servir de
marche-pied à la réalisation de cet objectif. C'est dans cette
mesure que le secrétaire d'Etat français au commerce44(*) en visite au Cameroun
déclare : « le Cameroun a très bien compris
puisqu'il est en avance et qu'il va amener avec lui les autres pays de la
zone ». Cette déclaration s'inscrit dans une logique
géostratégique spécifique, à savoir se servir du
Cameroun pour se projeter dans l'espace CEMAC. En principe, selon le texte de
Cotonou, les APE doivent être négociés par catégorie
de pays regroupés en sous région. L'Union européenne
envisage donc convaincre le Cameroun de signer ces APE dans l'optique de se
créer un marché comparable à celui de l' AGOA
américain ou à celui que la Chine est entrain de
conquérir45(*).
L'Initiative PPTE est donc une fenêtre ouverte
à la compétition entre les différentes puissances
engagées dans le programme de désendettement du Cameroun.
Section II : L' intérêt des
créanciers pour L'INITIATIVE PPTE
L'Initiative PPTE s'inscrit dans un type de
coopération donnant-donnant, ainsi toute idée de
générosité est à exclure sur ce plan. C'est parce
que les créanciers ont un intérêt déterminé
qu'ils acceptent s'engager dans ce programme d'allègement de dette.
Paragraphe 1 : L'INTÉRÊT
DE L'INITIATIVE PPTE POUR LES PRINCIPALES PUISSANCES CRÉANCIÈRES
EN ACTIVITÉ AU CAMEROUN.
La France et les Etats-Unis sont
considérés comme les deux principales puissances
étrangères en activité au Cameroun ; la
première dont l'influence s'est quelque peu amenuisée et la
seconde qui tente d'affirmer sa suprématie. Il s'agira à cet
effet de montrer qu il existe un rapport entre l'Initiative PPTE et la
sécurité nationale des Etats-Unis A. Ensuite qu'à travers
l'Initiative PPTE la France veut retrouver son influence au Cameroun (B)
A) Le rapport entre l'Initiative PPTE et la
sécurité nationale des Etats-Unis
Le thème de la sécurité nationale
des Etats-Unis a pris une grande ampleur au lendemain des attentats du 11
Septembre 2001 ; depuis lors la notion de sécurité tournait
autour de la lutte contre le terrorisme et le démantèlement du
réseau al Quaeda où qu'il se développe. Avec le sabotage
des oléoducs et la destruction des convois pétroliers, la
sécurité a ensuite consisté en la protection des zones
d'approvisionnement en or noir. Plus récemment avec la catastrophe du
cyclone Katrina en 2005, la sécurité des Etats-Unis a pris une
dimension, celle de la protection de l'environnement et la lutte contre le
réchauffement climatique. Cette multiplicité de sens à
laquelle renvoie la notion de sécurité est inféodée
dans une idée : l'insécurité se développe dans
des endroits où règnent la pauvreté et le
désespoir. C'est en tout cas ce qui ressort du discours46(*) de Colin Powell au lendemain
des attentats du 11 Septembre 2001. Mais doit-on pour autant penser que la
lutte contre la pauvreté suffirait à lutter contre la
pauvreté. En d'autres termes l'annulation de la dette des pays pauvres
très endettés rendrait-elle l'Amérique plus en
sécurité. Cette interrogation de Sarah Anderson nous permet
d'entrevoir le rapport possible entre l'Initiative PPTE et la
sécurité des Etats-Unis.
La contribution des Etats-Unis au programme
d'allègement de la dette des pays pauvres très endettés
n'est pas fortuite. Trois raisons permettent d'expliquer cela : la
première a trait à la sécurité
énergétique. Quelques uns des PPTE sont des producteurs de
pétrole ou ont un accès à la mer qui en facilite
l'extraction. Selon Sarah Anderson, le gouvernement américain en
travaillant avec le FMI et la Banque Mondiale, s'est servi de la dette comme
levier pour pousser les pays pauvres à accélérer
l'extraction de l'or noir et d'en réguler la gestion (Anderson, 2006).
C'est ainsi que dans l'ordre des recommandations que le FMI et la Banque
Mondiale ont prescrites au Cameroun, figure l'obligation de publication des
quotas de production, ainsi que l'autonomisation de la Société
nationale des Hydrocarbures (SNH) pour en faciliter une gestion transparente
ainsi que prévu dans le cadre de l'Initiative de Transparence des
industries extractives (ITIE). Cette nécessité de transparence,
bien qu'elle limite les risque d'opacité dans la gestion des revenus du
pétrole au Cameroun, est surtout destinée à rassurer les
multinationales intéressées par l'exploitation
pétrolière. Et comme le souligne Jean Laherrère,
« banquiers et actionnaires détestent risques et
incertitudes ». C'est la raison pour laquelle les pays
pétroliers PPTE ont vu leur production augmenter entre la période
1987 et 1996 par rapport aux pays qui ne le sont pas5.
La collusion des intérêts des Institutions
Financières Internationales et de ceux des Etats-Unis apparaît
également au niveau de la péninsule de Bakassi qui suscite de
plus en plus la convoitise. En effet dans le questionnaire classique qui aide
à la préparation des missions du FMI et de la Banque Mondiale au
Cameroun, les bailleurs de Fonds voulaient savoir, s'agissant du secteur
pétrolier, des « données actualisées pour
la production du pétrole jusqu'à la fin 2027, prenant en compte
les réserves de Bakassi ». Cet intérêt pour
Bakassi considérée comme une zone riche en
pétrole47(*), est
significatif au regard des prétentions des institutions de Bretton
Woods. Pour le gouvernement américain, la pression sur les pays
débiteurs est destinée à une stratégie
énergétique basée non pas seulement sur la
dépendance en pétrole, mais également sur la
diversification de l'offre en or noir pour les USA par rapport au Moyen Orient
(Anderson, op.cit).
La deuxième raison est relative à
l'impact de l'action des pays situés dans des zones
protégées sur l'environnement. En effet il est admis que le
réchauffement climatique est en grande partie dù à la main
de l'homme. Pour les autorités américaines, il faut aider les
pays pauvres à utiliser les ressources naturelles à bon escient
dans la voie qui protége l'environnement ; sans la charge de la
dette, ces pays seraient dans une meilleur situation pour mieux gérer
les ressources naturelles limitées de manière plus responsable,
affirme Sarah Anderson. De ce point de vue, il apparaît que le
réchauffement climatique, parce qu'il menace directement leur
sécurité nationale, est un sujet préoccupant pour les
Etats-Unis. Selon le rapport de l'Institut Mondial des Ressources, la
déforestation est significative dans de nombreux pays du Tiers-monde,
notamment dans certains pays pauvres très endettés.
Tableau 9: top 20 Deforesters ranked
by loss land Shading indicates heavily indebted poor country
Country Decline in natural
forest area Rank in developing world
1990 2000
thousands of hectares in total external debt
1. Brasil -24,443
1
2. Indonesia -15,831
7
3. India -14,707
8
4. Sudan -9,889
32
5. Zambia -8,528
58
6. México -6,573
6
7. Myanmar -5,534
52
8. Congo.Dém.Rép. -5,325
42
9. Nigeria -4,214
16
10. Argentina -3,77
4
11. Thailand -3,374
11
12. Zimbabwe -3,221
71
13. Peru -3,188
21
14. Malasia -2,718
12
15. Cote d'Ivoire -2,696
39
16. Venezuela -2,675
17
17. Cameroon -2,220
45
18. Columbia -1,970
19
19. Bolivia -1,625
60
20. Ecuador -1,407
33
Source: World resources
Institute
Au regard de ces indicateurs, le Cameroun apparaît
comme l'un des pays pauvres très endettés avec la Cote d`Ivoire
ou l'impact sur la forêt est remarquable. Une autre
étude6 relève par ailleurs un pourcentage
élevé de coupe de bois illégale qui concourt à cet
état de fait. L'intérêt des puissances
créancières et notamment des Etats-Unis, à l'annulation de
la dette des PPTE apparaît donc clairement ; le levier de la dette
peut permettre de contraindre ces pays à mieux contrôler
l'utilisation de leurs ressources naturelles.
Enfin la troisième raison réside dans la
main mise des Etats-Unis sur le processus de privatisation et d'octroi de
concessions. A ce titre l'on peut noter la nomination d'un responsable
Américain en charge de la privatisation auprès des services de
la présidence de la république du Cameroun. Ce n'est donc pas
surprenant que ce dernier soit amené à garantir en premier les
intérêts des Etats-Unis en influant sur l'octroi des offres les
plus attrayantes aux entreprises Américaines. A titre d'exemple la
société Américaine Geovic-Cameroun S.A, a obtenu en 2007
du gouvernement Camerounais la réalisation du projet cobalt-nickel de
Nkamouna à l'Est Cameroun, ainsi que l'exploitation d'une mine de
bauxite à Minimartap estimée à 1,2 milliards de tonnes de
réserve avec pour concessionnaire la société
Américaine hydromine48(*). Dans le même ordre d'idées le secteur
de l'électricité a été confié à Aes
Sonel.
La présence Américaine au Cameroun est
concurrencée par la France qui tente de retrouver son influence.
B) Le d: une tentative Française de retrouver
son influence au Cameroun
Historiquement le Cameroun a été sous
influence française notamment à travers le mandat et la tutelle
exercés par la France. Après son indépendance, le Cameroun
a entretenu des relations étroites avec l'ancienne puissance. Il
était même considéré comme faisant partie de son
précarré, c'est-à-dire politiquement connecté
à la France par le biais de rapports privilégiés se
traduisant parfois par des actes d'allégeance (Mouelle K.,
1996 :55)
Mais dès la décennie 90, la chute du mur
de Berlin a marqué la fin du monopole de la France sur ses anciennes
puissances coloniales ainsi que l'affirmait l'ancien Secrétaire d'Etat
Américain Becker. La première étape de cette tourmente
s'est faite par la dévaluation du franc CFA le 1er janvier
1994 et la mise du Cameroun sous ajustement structurel par le FMI et la Banque
Mondiale. A vrai dire la main mise des institutions de Bretton Woods sur le
Cameroun a réduit la marge de manoeuvre de la France. Deux obstacles
permettent d'illustrer cet état de choses : la nécessaire
transparence de la gestion du pétrole se fait aux dépens des
compagnies pétrolières françaises d'une part, et d'autre
part la prescription de l'endettement à des conditions concessionnelles
contribuent à remettre en cause le monopole de la France sur les
créances accordées au Cameroun.
En effet la compagnie pétrolière Elf a
longtemps été la principale entreprise d'exploitation du
pétrole au Cameroun ; en 1992 la multinationale Française
produisait 77 % du pétrole Camerounais, et jusqu'en 1996 les
recettes pétrolières n'étaient pas
budgétisées. Cette gestion opaque des revenus de l'or noir a
néanmoins bénéficié à quelques dirigeants
Camerounais, ainsi qu'a la multinationale Française. L'exigence du FMI
et de la Banque mondiale en matière de gestion pétrolière
s'est traduite par la mise en place de l'Initiative pour la Transparence des
Industries Extractives (ITIE) pour rendre le processus plus transparent. Cela a
contribué à faire reculer le monopole de la France en
matière d'exploitation pétrolière au Cameroun ;
situation qui s'est confirmée par le retrait des sociétés
Françaises Total Fina Elf réunies en joint venture du
projet Pipeline Tchad-Cameroun en 1999.
En outre, la perspective du contingentement de la
France par les institutions de Bretton Woods sous l'égide des
Etats-Unis, s'est également faite à travers l'exigence de
libéralisme et la prescription de l'endettement du Cameroun à des
conditions concessionnelles. Dans le premier cas, le Fmi et la Banque mondiale
ont prescrit au Cameroun, sous réserve de l'allègement de la
dette, un réendettement à des conditions concessionnelles ;
cela signifie le réendettement avec un taux d'intérêt de
0,5%. Cette forme d'endettement est en effet celle préconisée
dans le cadre du Fmi et de la Banque mondiale, cela signifie dès lors
que le Cameroun ne devrait pas privilégier de s'endetter auprès
de ses autres partenaires, notamment la France ; mais plutôt
auprès des institutions de Bretton Woods dont les USA sont les
principaux contributeurs. Cette idée traduit elle aussi la
volonté américaine d'avoir un contrôle sur l'orientation
politique et économique du Cameroun, et d'écarter de ce fait la
France. Face à cela comment la France réagit elle ?
La France est consciente de sa perte d'influence en
Afrique en général et au Cameroun en particulier ; c'est
pourquoi elle nourrit le désir de faire son retour. C'est ce que
reconnaît le Secrétaire d'Etat français à la
Coopération et à la Francophonie Alain Joyandet49(*) : « J'ouvre donc aujourd'hui
huit chantiers ; ces chantiers sont autant d'actions concrètes pour
repositionner la France sur l'échiquier africain et encadrer sa
coopération. Ces huit chantiers reposent sur deux piliers : le
développement économique et le rayonnement culturel...Avec le
premier chantier que je propose, la France fera bouger les lignes, en incitant
plus encore les entreprises françaises à investir en
Afrique... ». Le retour de la France dans les zones où
son influence s'est détériorée est donc devenu une
priorité pour les autorités françaises, et l'Initiative
PPTE peut servir d'instrument pour y parvenir. La possibilité qu'offre
l'Initiative PPTE aux créanciers bilatéraux de traiter la dette
des pays pauvres, se traduit par la modélisation du programme à
leur convenance. La France pour sa part, dispose d'un levier spécifique
appelé d à travers lequel elle peut exercer un contrôle sur
les pays qui bénéficient de son aide, notamment la Côte
d'Ivoire et le Cameroun. En principe le d s'étale sur une dizaine
d'années, mais son effectivité est assujettie à certaines
conditionnalités dont la présentation de projets jugés
pertinents et viables. Ceux-ci sont principalement consacrés à la
réalisation d'infrastructures urbaines et rurales ; Douala et
Yaoundé ont été choisis pour les projets de voiries sur
financement c2d. Mais l'éventualité du financement de tels
projets suscite quelque controverse : en effet la participation
d'entreprises françaises à la réalisation de projets
d'infrastructures est souvent sujet à caution, elle est souvent
déterminante pour le décaissement des fonds. A titre d'exemple la
société française Razel a réalisé des
projets de construction des axes routiers Olezoa - Mess des officiers ;
l'agrandissement en 2 fois 2 de la nouvelle route Bastos, le plan de
déplacement en giratoire avec passage souterrain du carrefour
Préfecture. Ces travaux sur financement d réalisés par des
entreprises françaises permettent d'expliquer la logique du donnant -
donnant qui prévaut dans le cadre du programme d'allègement de la
dette des pays pauvres très endettés.
Compagnies filiales
Nationalité Superficie des concessions
% de la superficie
1998-99 milliers d ha. Totale
des concessions
1998-99
-Thanry CIBC, SAB française
650 16%
SEBC, CFC, Prenant
- Bolloré, SIBAF française
412 10%
La forestière de Campo
- Coron française
212 5%
- Alpi, Alpicam ; Grumcam italienne
204 5%
- Hazim, SFH libanaise
157 4%
- Rougier, SFID française
132 3%
- Decolvenaere, Sotref belge
75 3%
SFIL
- Itallegno, Ecam italienne
69 2%
- Vasto-Legneault SEFAC italienne 63
2%
- Pasquet Pallisco française
61 1%
- Autres
2019 50%
Total
4054
100%
Source : La superficie des concessions a
été calculée par l OMF Cameroun a partir des
données fournies par le SIGIF ; les renseignements sur les
sociétés et les filiales proviennent de Greenpeace international,
Buying destruction, Amsterdam 1999 ; JC CARRET, CERNA communication
personnelle, de.1999, Alain Karzentry, CIRAD communication personnelle,
Dec.1999, Dominieck Plouvier, WWF Belgique Communication personnelle,
Dec.1999.
Ce tableau illustre bien que les sociétés
françaises sont prépondérantes parmi les
sociétés étrangères exportatrices de bois au
Cameroun. On peut dès lors être amené a s' interroger sur
le bien fondé d'une commission sur financement destinée à
la préservation du couvert forestier au Cameroun, sachant que la France
a auparavant été réticente à l'adoption d'un cadre
normatif51(*) en vue de la
transparence de l'exploitation forestière au Cameroun. Deux
hypothèses peuvent alors être envisagées ici : Soit la
France veut s'assurer que les intérêts des entreprises
françaises sont sauvegardées, soit elle veut tout en gardant la
première option, montrer qu'elle milite en faveur de la protection de
l'environnement. Dans les deux cas, la France envisage se servir de l'
allègement de la dette du Cameroun pour préserver ses
intérêts.
Paragraphe 2 : l'intérêt des autres
puissances créancières.
Les créanciers du Cameroun dans le Cadre de
l'Initiative PPTE sont multiples, cependant nous ne retiendrons que l'Union
européenne et la Chine qui s'affichent comme des puissances concurrentes
à la France et aux Etats-Unis en territoire camerounais. L'objectif ici
est de montrer que ces deux puissances nourrissent des projets
stratégiques par le biais de l'Initiative PPTE
A) L'Union Européenne
L'Union Européenne participe au programme
d'allègement de la dette des pays pauvres à travers ses Etats
membres réunis dans le cadre du Club de Paris. La proximité
économique de l'Union Européenne avec le Cameroun tient au fait
des accords ACP - UE avec une prééminence des questions
commerciales et celles liées à l'aide au développement. Le
cadre qui régit ces relations est la Zone d'Afrique subsaharienne
intégrée dans l'Accord de Partenariat Economique, par opposition
à la Zone d'Afrique Blanche insérée dans le Partenariat
méditerranéen, et la Zone d' Afrique du Sud qui
bénéficie d'un traitement distinct avec primauté des
Accords de Libre échange. Cette segmentation permet à l'Union
Européenne de déployer des moyens de coopération qui
répondent aux spécificités de chaque sous partenariat
(Nkundabagenzi, 2004).
Pour ce qui est des Relations avec les ACP, (Afrique
Caraïbes Pacifiques), quatre axes existent et sont structurés
autour de la paix et la sécurité, la gouvernance ,
l'intégration commerciale, le commerce et le développement. C'est
sur les deux derniers points que les négociations sont conflictuelles
entre les Etats ACP et l'Union Européenne. En effet la Convention de
Cotonou a prévu des Accords de libre échange et la mise en
place d'Accords de Partenariat Economique, pouvant se substituer au
Système de Préférences Généralisées
(SPG) ou aux préférences accordées aux PMA à
travers le label « Tous Sauf les Armes »52(*). Il est prévu la mise
en place des APE entre l'Union Européenne et les pays ACP dans le cadre
d'ensembles sous régionaux entre 2008 et 2020 ; mais la
réticence des gouvernements ACP à l'instar de celui du Cameroun,
a freiné la signature de ces accords. L'argument de l'Union
Européenne est d'abolir ce système de dérogation contraire
aux règles de l'OMC, mais en pratique il s'agit surtout de créer
un contexte favorable à l'exportation des produits européens en
destination des pays ACP. C'est sur ces réticences que l'Union
Européenne va construire sa stratégie de persuasion.
L'arme économique ici porte essentiellement sur
la menace de sanction du Cameroun au cas où elle ne se soumet pas aux
règles de Cotonou ; raison pour laquelle le pays s'est
engagé dans un Accord d'étape le 17 décembre 2007, lequel
ouvre la voie selon François Colin Nkoa53(*) à la signature d'un Accord de Partenariat
Economique. Pour le gouvernement camerounais par la voie du ministre du
commerce, « en refusant de s'engager dans les Accords de
Partenariat Economique, le Cameroun courait le risque de devenir un fournisseur
ordinaire du marché européen et de voir ainsi ses produits
agricoles déjà peu compétitifs, subir des droits de
douanes, qui limiteraient leur compétitivité sur le
marché. Or il est avéré que les produits comme la banane
dont le Cameroun vend quelques 150.000 tonnes annuelles sur le
marché européen, ne sont commercialisés que parce que les
accords Union Européenne - ACP offrent des conditions
préférentielles d'accès à la banane
camerounaise ». Pour le ministre du Commerce, l'enjeu de la
signature d'un accord d'étape est financier car il s'agit de
préserver 250 milliards Fcfa que l'exportation de la banane rapporte
chaque année au Cameroun et préserver les milliers d'emplois
générés par l'activité fruitière dans le
Moungo. Cet argument n'en dit pas long sur les conditions de la signature de
l'accord d'étape. En effet le Cameroun attend beaucoup des
retombées de l'annulation de la dette dans le cadre de l'Initiative
PPTE, il ne peut donc pas se permettre de faire opposition à ses
créanciers membres de l'Union Européenne dont il en attend
l'allègement de dette. De ce point de vue, il apparaît que la
remise de dette qui n'est pas automatique malgré l'atteinte du point
d'achèvement, est un levier géopolitique pour les pays de l'Union
Européenne destiné à faire fléchir les pays ACP
bénéficiaire de l'Initiative PPTE dans le sens de la signature
des Accords de Partenariat Economique.
B) La Chine
La chine est devenue au fil du temps un partenaire
économique important du Cameroun, la volonté de l'Empire du
milieu d'étendre son influence dans le monde et en Afrique en
particulier, s'exprime à travers la concurrence qu'il livre aux autres
puissances industrielles, notamment La France, les Etats-Unis et l'Union
Européenne. Entre 1990 et 2000, les échanges commerciaux entre le
Cameroun et la Chine se sont consolidés, cet état de fait
s'exprime par la nature de la coopération que la Chine développe
avec ses partenaires. Ce partenariat est en effet fondé sur le
modèle gagnant - gagnant. Selon Pascal Boniface, ces relations sont
politiques et témoignent d'une « Real
Politik » ; la Chine impose seulement la non reconnaissance
de Taiwan et est disposé au principe de coopération, de la non
ingérence et de la souveraineté des Etats, sans prêter une
attention particulière à l'exigence de bonne gouvernance et aux
Droits de l'Homme. (Boniface, 2006).
Cependant à propos de l'Initiative
d'allègement de la dette des Pays Pauvres Très Endettés,
un double débat est apparu concernant les conditionnalités :
selon Pascal Boniface, l'entrée en scène de la Chine comme
contributeur au programme PPTE a permis à de nombreux Etats de
contourner les conditionnalités des bailleurs de fonds ; à
l'opposé des Etats-Unis qui veulent maintenir les
conditionnalités politiques et aider les « bons
élèves » ou les » bons amis ». La
participation de la Chine dans le programme PPTE présente donc des
enjeux à la fois politiques et économiques. En effet le manque
d'intérêt de la Chine pour les questions de bonne gouvernance est
de nature à encourager les Etats africains peu enclins à
l'établissement d'un Etat de droit. De plus l'application de la real
politik par la Chine dans ses relations avec les pays africains peut
inciter les puissances étrangères concurrentes à divertir
l'option de l'exigence démocratique pour privilégier la
défense de leurs intérêts.
Sur le plan économique, la Chine se sert de
l'aide sous forme de remise de dette pour obtenir en retour des
avantages ; la perspective d'une coopération gagnant - gagnant
trouve ainsi dans le cas du Cameroun toute sa pertinence. A ce titre, le Chine
est engagée dans les secteurs divers de l'économie camerounaise.
Ses investissements54(*)
portent sur les domaines comme les travaux publics : à cet
égard, la China Road and Bridge Corporation Cameroon
après avoir réhabilité les deux axes routiers à
Douala, est en passe de gagner les travaux de la construction de la route
nationale N'1 qui relie Yaoundé à Bangui la capitale
centrafricaine en passant par Bertoua. Dans le secteur des
Télécommunications, la firme chinoise Huawei Technologies a pris
pied au Cameroun grâce à sa collaboration avec Citiphone de
Camtel. Dans le domaine agricole, les experts chinois de la
société Iko Agriculture en culture de riz et de mais à
Nnanga Eboko.
En somme, aussi bien la Chine, l'Union
Européenne, les Etats Unis que la France ont profité de
l'occasion de l'Initiative PPTE et surtout de la « main
tendue » du Cameroun pour conquérir des parts de
marchés. La remise de créances a servi d'arme économique
à la défense de leurs intérêts au Cameroun et dans
la sous région Afrique Centrale. Toutefois bien que marqué par le
rapport de forces, le Cameroun a surtout fait ces concessions en raison de son
déficit d'autonomie politique accentué par sa faible
capacité de négociation. La perspective d'une sortie du cycle
infernal de dépendance et de la transformation de son territoire en
glacis géostratégique suggère donc une prise en compte de
son intérêt national à l'horizon de l'après point
d'achèvement, espace - temps à partir duquel sera
évaluée la détermination du Cameroun à travers des
obstacles gradués intentionnellement par les bailleurs de fonds.
L' APRES - POINT D'ACHEVEMENT ET LES INTERETS DU
CAMEROUN.
Chapitre IV
L'Initiative PPTE est un programme économique
et financier qui fait apparaître un seul aspect. : en apparence, ce
programme laissait penser qu'il ne s'agissait que d'un allègement de la
dette à l'égard des pays pauvres. La réalité est
que cet acte de générosité cache beaucoup de pièges
et d'obstacles pour les pays concernés. Le caractère
inéluctable des conditionnalités liées à ce
programme complique davantage sa mise en oeuvre ; les obligations qui en
découlent sont des contraintes qui s'étendent au - delà de
la seule échéance du point d'achèvement. Avec le nouveau
contexte de la crise économique mondiale, les perspectives de la
conduite du programme à son terme, notamment à travers l'atteinte
des objectifs du millénaire pour le développement, et les
conditions de son financement, l'avenir de l'Initiative PPTE est de plus en
plus remis en question. Le Cameroun qui se doit de sortir d'un contexte
où ses intérêts se jouent à la fluctuation du
contexte politico - économique mondial, doit élaborer une
stratégie qui renforce son degré d'autonomie pour parer à
l'éventualité d'une projection de puissance qui peut se jouer
à ses dépens. L'objectif de ce chapitre est de préciser
les obstacles qu'il doit franchir pour y parvenir (section I), et le type de
stratégie qu'il peut élaborer (section II).
Section I : Les obstacles à franchir
Les principaux obstacles sont des contraintes qui
s'étendent au de-là du point d'achèvement, dernière
étape du programme d'allègement de la dette des pays pauvres
très endettés. En effet l'Initiative PPTE est un programme dont
le financement est assuré en partie par les pays créanciers,
l'avènement de la crise financière mondiale est de nature
à rendre hypothétique l'effectivité du financement ;
le recours au réendettement pour compenser les baisses d'exportation
contient le risque d'un statu quo ante du fait du
surendettement ; l'avenir de l'Initiative PPTE est donc en question
(§ 1). Le Cameroun devra également réévaluer la
nature de ses relations avec les institutions de Bretton Woods (§ 2).
Paragraphe 1 : l'avenir de l'initiative ppte en
question
L'avenir de l'Initiative PPTE pose le problème
des conditions de son financement (A), et du risque de surendettement des pays
pauvres du fait de la crise financière mondiale (B).
A) Les conditions de son financement
L'Initiative PPTE est financée à travers
des modalités de compensations opérées par les pays
donateurs, il est en effet ouvert un fonds dans lequel contribuent les pays
riches engagés à l'annulation de la dette, et les institutions
financières multilatérales. Les sommes ainsi collectées
sont placées sur les marchés financiers dans le but de gonfler la
bulle spéculative ; les bénéfices perçus sont
destinés à financer les allègements de dette. Ainsi le
mécanisme de financement du fonds est lié à la
capacité de chaque partie prenante à contribuer. En principe les
modalités de contribution ne sont pas déterminées, elles
ne sont non plus contraignantes. Pour ce qui est des institutions
financières multilatérales, notamment le FMI et la Banque
Mondiale, le financement obéit à des modalités
particulières. La Banque Mondiale et l'IDA d'une part ont
créé le Trust Fund qui sert à financer
l'Initiative PPTE ; il se caractérise de deux composantes : il
rembourse l'IDA pour l'Initiative PPTE, ce qui consiste à
réaliser des transferts à partir des revenus nets de la Banque
mondiale. Le Trust Fund quant à lui, utilise les contributions
de donateurs (bailleurs de fonds multilatéraux régionaux et
sous-régionaux) pour financer l'Initiative. De son coté le FMI
dispose d'un Fonds fiduciaire appelée FRPC-PPTE créé pour
financer des allègements de dette au titre de l'Initiative PPTE et
bonifier les taux d'intérêts des prêts FRPC pendant la
période 2002-2005. Leurs ressources disponibles sont essentiellement
constituées des dons et des dépôts de 93 pays membres,
ainsi que des contributeurs de l'institutions même. La contribution du
FMI provient pour l'essentiel des revenus de placement du produit net des
ventes d'or hors marché effectuées en 1999-2000.
Cependant ces conditions de financement
débouchent sur deux obstacles : tout d'abord les pays
créanciers contribuent de manière moins significative à
l'Initiative PPTE, situation que le FMI attribue à des contraintes
politiques et juridiques et à une méconnaissance du dispositif de
l'Initiative PPTE. Dans le même temps les créanciers commerciaux
ne sont pas toujours disposés à contribuer au financement de ce
programme ; d'ailleurs nombre d'entre eux ont entamé des poursuites
judiciaires contre certains pays pauvres très endettés au rang
desquels le Cameroun, dans l'optique de réclamer le remboursement de
leur crédit. Le deuxième obstacle est lié à la
conjoncture ; en effet le financement de l'Initiative PPTE dépend
en grande partie de la contribution des Etats créanciers,
elle-même liée à la situation économique. Selon le
rapport 2008 de l'OCDE, plusieurs pays européens sont entrés en
récession en 2008 ou vont l'être au courant de l'année
2009 ; c'est le cas de la France, l'Allemagne, la Grande Bretagne,
l'Espagne etc. Cette récession touche également les Etats-Unis et
le Japon55(*). La
situation économique désastreuse que connaissent ces pays depuis
la chute du crack boursier aux USA et la propagation de la crise
financière au niveau mondial56(*), amène à s'interroger sur les chances
d'un financement continu de l'Initiative PPTE et la capacité des
créanciers à honorer leurs engagements. Le Cameroun comme
certains autres pays pauvres très endettés a signé des
accords d'annulation de dette avec les pays créanciers, mais cette
annulation n'est pas automatique ; elle est assujettie aux
mécanismes de compensation décrit plus haut. Pour que les pays
pauvres aient la pleine mesure de ces allègements de dette, il faut que
les mécanismes de compensation soient complétés.
B) Le risque de réendettement et de
surendettement
Dans le Mémorandum de Politique Economique et
Financière marquant la cinquième revue du FMI, il est prescrit au
Cameroun un endettement à des conditions concessionnelles. Selon le
FMI, il s'agit d'une technique qui permet de contrôler le niveau de la
dette du pays pour éviter le surendettement. En réalité le
fondement du problème est ailleurs : en effet le surendettement
survient lorsque le pays devient incapable d'assurer le service de sa dette.
D'après les modalités d'évaluation du surendettement
prévu dans le cadre de l'Initiative PPTE, le niveau de la dette est
fonction des recettes budgétaires (ratio dette / recettes
budgétaires) ou en fonction des exportations (ratio dette/recettes
d'exportation). A partir de la deuxième modalité, on peut
évaluer la capacité du Cameroun à maintenir un service de
la dette continu sur le moyen terme57(*), du fait du risque de la chute de ses
exportations.
Le niveau des exportations est fonction de la
capacité industrielle du pays et du contexte du marché mondial.
L'économie camerounaise repose essentiellement sur l'exportation des
matières premières ; il s'agit notamment de l'exportation de
la banane du riz, du bois du cacao, du café. Le pays est aussi
producteur de pétrole moyen, c'est d'ailleurs à partir des
recettes pétrolières qu'il doit rembourser sa dette
intérieure et sa dette extérieure. Or depuis l'avènement
de la crise financière mondiale, les produits des matières
premières ont connu une chute exponentielle. En ce qui concerne les
cours du pétrole, ils ont chuté de 147,27 dollars le 11 Juillet
2007 à 40,50 dollars le 16 décembre 200858(*). Cette chute brutale des cours
aura des effets sur les budgets des producteurs de pétrole ; le
déficit ainsi créé entraînera des recours à
un endettement pour combler le manque à gagner. De plus la perspective
d'une application des Accords de Partenariat Economique aura pour
conséquence la réduction des recettes douanières de
l'Etat, la fragilisation des entreprises locales, le chômage etc.
même si les projections de croissance de l'économie camerounaise
s'établissent autour de 4% au cours des trois prochaines
années59(*), le
risque de réendettement est fort probable. Toute chose étant
égale, les mêmes causes produisent les mêmes effets ;
la crise des années 1980 consécutive à la
détérioration des termes de l'échange et celle des
années 1990 liée à la dévaluation du Fcfa, ont
toutes entraîné un surendettement du Cameroun. De la même
manière, avec la crise financière mondiale actuelle, le risque de
surendettement est élevé. En fin de compte, il est fort possible
que l'Initiative PPTE ne produise pas l'effet escompté sur le moyen
terme, à savoir le désendettement des Pays Pauvres Très
Endettés ; son effet ne pourrait donc être que de courte
durée.
L'autre obstacle est l'emprise que les institutions
de Bretton Woods exercent sur le Cameroun depuis que le pays a
été mis sous ajustement structurel à la fin des
années 80' ; le spectre de l'aide-crédit concessionnel en
constitue la principale modalité.
Paragraphe 2 : L'EMPRISE des institutions de
bretton woods.
Selon certains observateurs, l'Initiative PPTE est une
continuité des Plans d'Ajustement Structurel du fait du spectre de
l'aide-crédit concessionnel (A). Pour se défendre de cette
accusation, le FMI propose une alternative qui consiste en une assistance
technique (B).
A) Le spectre de l 'aide-crédit
concessionnel
L'aide sous forme de crédit concessionnel est
l'opération utilisée par le FMI et la Banque Mondiale dans le
cadre du Programme d'annulation de la dette des Pays Pauvres Très
Endettés. Selon le FMI, elle est destinée à assurer un
endettement contrôlé et viable ; la concessionnalité
dans ce cas correspond à un endettement dont le taux
d'intérêt est inférieur au taux du marché,
c'est-à-dire situé autour de 0,5%. L'aide-crédit
concessionnel de ce point de vue est l'apanage des institutions de Bretton
Woods, ainsi les pays à faible revenu en général et ceux
admis à l'Initiative PPTE en particulier sont contraints à se
tourner vers le FMI pour obtenir cette aide. Raison pour laquelle le Cameroun a
dù signer la Facilité pour la Réduction de la
Pauvreté et la Croissance (FRPC). Cet accord de crédit triennal
du FMI signé le 24 Octobre 2005 était la condition essentielle
à la finalisation du traitement de la dette extérieure du
Cameroun ; son montant est de 18,57millions de DTS (droits de tirages
spéciaux) déblocables en six tranches pendant trois ans et son
échéance de remboursement s'étend sur dix ans avec un
différé de remboursement de cinq ans et six mois.
Cependant le rapport entre l'Initiative PPTE et la
FRPC nous semble inapproprié, car même si le FMI se défend
de l'utilité de la FRPC dans la lutte contre la pauvreté, il
n'est pas aisé de comprendre pourquoi il faut devoir s'endetter pour se
désendetter. L'idée ici c'est que pour atteindre le point
d'achèvement de l'Initiative PPTE et espérer
bénéficier des annulations de dette subséquentes, il faut
obtenir un crédit sous forme de FRPC de la part du FMI. Cette
démarche participe certainement d'une volonté des institutions
financières internationales de maintenir le Cameroun sous son
contrôle, car l'octroi d'une Facilité pour la Réduction de
la Pauvreté de la Croissance est assujetti à la conformité
du pays à certaines exigences macro-économiques et structurelles
qui représentent des pesanteurs à l'élaboration d'une
stratégie nationale de développement à long terme.
Dès lors, la signature par le Cameroun d'une FRPC et sa décision
de prolonger l'accord de crédit du 30 Juin 2008 au 31 Janvier 2009
parait tout à fait inextricable. Selon Babissakana60(*), la conclusion d'une revue
supplémentaire semble inappropriée, la bonne option aurait
plutôt été d' « arrêter le programme
au 30 Juin 2006 ». En effet après le point d'achèvement
ou plus spécifiquement après la sortie du cycle de
rééchelonnement à travers la signature de l'accord final
de traitement de la dette avec le Club de Paris, « l'accord de
prêt du FMI dans le cadre du programme triennal approuvé le 24
Octobre 2005 deviendra financièrement inutile ». Dans un
article publié en 200261(*), Babissakana dénonce le caractère
inopérant du modèle proposé par le FMI et la Banque
Mondiale. Selon l'auteur, c'est un modèle d'appauvrissement
économique et social parce que réprimant le secteur productif par
deux canaux spécifiques : la pression fiscale et l'absence
d'incitation ou la désincitation à l'investissement, à la
production et à l'emploi. Ce modèle économique se
caractérise par sept déclinaisons techniques ayant comme
référant unique le budget de l'Etat : au niveau des recettes
publiques, il s'agit de recouvrer autant d'impôts que possible et
à tout pris ; libéraliser toutes les activités
économiques, à l'exclusion de tout dispositif efficace de
régulation ; privatiser toutes les entreprises du secteur public et
parapublic ; emprunter uniquement à des conditions hautement
concessionnelles, en particulier auprès du FMI et de la Banque
Mondiale.
Quant à la question des dépenses
publiques, les institutions de Bretton Woods préconisent de
dépenser mieux les ressources publiques à l'exclusion de toute
dépense à l'investissement, à la production et à
l'emploi ; honorer rigoureusement et à bonne date toutes les
échéances du service de la dette publique extérieure,
affecter les ressources d'allègement de la dette extérieure
uniquement à des dépenses prédéfinies
(éducation, santé etc.). Cette politique du FMI est notamment
dénoncée par le NEPAD qui établit clairement et sans
équivoque l'échec du binôme crédit-aide et ses
effets dans le processus d'appauvrissement de l'Afrique. Pour toutes ces
raisons, il conviendrait donc pour le Cameroun de sortir de ce modèle et
de trouver des voies alternatives susceptibles d'impulser une autonomie de
gestion.
B) Le choix de l'assistance technique
Les Rapports entre le Cameroun et les institutions de
Bretton Woods participent d'une dynamique de configuration des relations
extérieures sur le terrain de la politique étrangère. La
question se pose de savoir comment le pays peut-il élaborer une
politique qui serve ses intérêts sans être sous emprise. En
effet il n'est pas facile de démontrer que la politique
étrangère du Cameroun donne au principe d'indépendance une
incarnation absolue, une consistance en toute circonstance (Mouelle K.,
1996 :55). « Pour un pays dont la viabilité
économique dépend en grande partie de l'assistance publique
étrangère, ne maîtrisant pas à proprement parler sa
souveraineté monétaire (...), l'idéal théorique ne
peut qu'avoir du mal à s'incarner dans les faits ».
Rompre les relations avec le FMI n'est certainement
pas la meilleure voie ; même si le Cameroun a eu par le passé
a affirmer sa défiance a l'égard des institutions de Bretton
Woods, cette période euphorique d'indépendance pudique (Mouelle
K., op.cit) s'est très souvent heurtée à la crise
économique et à la nécessité de passer sous
ajustement structurel. Cependant, continuer à compter sur le financement
des Institutions Financières Internationales, c'est annihiler toute
possibilité d'obtenir une indépendance économique.
Plusieurs instruments alternatifs de surveillance de politiques
macro-économiques sont prévus par le FMI : le Programme Sans
Financement (PSF) appelé Instrument de Soutien à la Politique
Economique (ISPE), autrement appelé Policy Support Instrument
(PSI). Cet instrument constitue une des modalités de surveillance du
FMI, pouvant être sollicité par des pays qui ne veulent plus
recourir au financement du FMI mais requièrent toujours son expertise.
Cette idée trouve sa justification dans l'article IV du Statut du FMI
qui prévoit d' « aider à établir un
système multilatéral de règlement des transactions
courantes entre les Etats membres et à éliminer les restrictions
de change qui entravent le développement du commerce
mondial ». Selon le FMI, l'ISPE permet aux pays qui ont une
croissance stable et une dette extérieure viable de solliciter
l'assistance technique du FMI, et de ne plus faire appel à la FRPC
c'est-à-dire n'ont plus besoin du concours financier du FMI. Mais
l'option du programme sans financement ne fait pas l'unanimité. Pour
Babissakana, le gouvernement ne doit pas solliciter ce type d'instrument que le
FMI considère comme un bon produit de coopération après le
point d'achèvement. Il s'agit en effet d'un produit ayant un impact
négatif sur l'émergence d'un leadership national en
matière de politique économique, affirme-t-il. Ce n'est pas
l'avis de François Bambou pour qui le Cameroun devrait conclure un
programme sans financement avec le FMI, car les pays qui concluent ces accords
bénéficient de l'assistance technique mais avec plus d'autonomie
dans la définition de leurs choix de politique économique, le FMI
n'intervenant exclusivement que comme conseiller en cas de besoin. L'avantage
de ce produit, souligne-t-il, est de permettre au Cameroun d'améliorer
sa capacité d'endettement dans la réalisation des grands travaux
d'infrastructures.
La nécessité de conclure un programme
sans financement semble être une bonne option, il reste cependant
à en déterminer les contours de ce nouvel instrument de
coopération. A notre avis, quelle que soit la nature ou la
dénomination d'un tel programme, il doit prendre en considération
deux aspects : les Institutions Financières Internationales peuvent
assurer une expertise économique en terme de stabilité des grands
équilibres macro-économiques - la même expertise qui est
requise par les pays développés - sans empiéter sur les
orientations politiques et stratégiques de développement. Cette
précaution est utile car le concours financier est souvent
subordonné à une utilisation orientée et ciblée des
fonds à des secteurs parfois non productifs. D'autre part, le PSF ne
doit pas être contraignant, le FMI ne doit alors jouer qu'un rôle
consultatif, pour que latitude soit laissée au pays d'élaborer sa
propre stratégie de développement. C'est la première
étape vers une autonomie politique du Cameroun.
Section II : Pour une stratégie
gagnante pour le Cameroun
En dépit des maladresses du Cameroun dans la
gestion de son programme d'allègement de dette, de nouvelles
perspectives lui sont offertes notamment face aux obstacles que le pays est
appelé à traverser. Pour sortir du cycle de dépendance
dans lequel les programmes économiques conclus avec les Institutions
Financières Internationales le confinent souvent, le Cameroun doit
élaborer une culture stratégique nationale qui passe par la
pratique de la bonne gouvernance et la consolidation de sa capacité de
négociation ; dans ce sillage, il lui revient d'identifier ses
intérêts qui représentent l'intérêt
général par opposition aux intérêts particuliers. La
perspective d'autonomie politique est un gage essentiel à la fin de
l'extraversion de l'Etat camerounais. Cette section traitera à cet effet
du nécessaire assainissement du cadre politique et institutionnel
(§1), et de la consolidation de la capacité de négociation
du Cameroun (§2).
Paragraphe 1 : LE NECESSAIRE
ASSAINISSEMENT DU CADRE POLITIQUE ET INSTITUTIONNEL
La pratique de la bonne gouvernance comme exigence
démocratique (A) est une condition essentielle à l'apparition
d'une culture stratégique camerounaise (B).
A) La pratique de la bonne gouvernance : une
exigence démocratique
Les usages politiques au cours de la période
de mise en oeuvre de l'Initiative PPTE ont été marqués de
malversations et de dysfonctionnements managériaux qui ont affaibli la
capacité de négociation de la diplomatie camerounaise. Se
retrouvant à chaque fois en position de faiblesse pour négocier
à l'occasion des missions de revues du FMI et de la Banque Mondiale, le
Cameroun a contribué à l'instrumentalisation de son programme
d'allègement de dette ; Cela est dù en grande partie au
déficit de bonne gouvernance. La bonne gouvernance est une pratique qui
ne doit pas être seulement conjoncturelle ; elle doit être une
pratique institutionnelle qui n'est pas subordonnée aux
desirata du FMI.
La bonne gouvernance est un concept englobant et
dynamique ; elle s'apprécie à partir d'un certain nombre
d'éléments dont les principaux peuvent être
regroupés en cinq catégories, à savoir :
- la nature du régime politique et la manière
dont l'autorité s'exerce dans la société ;
- la qualité de la gestion des affaires publiques par
l'Etat, directement ou indirectement, ainsi que celle des instruments de
régulation et leur mise en pratique ;
- les voies, moyens, mécanismes et processus à
travers lesquels l'autorité de l'Etat s'exerce dans tous les domaines,
surtout dans les domaines politiques, économiques, sociaux et culturels,
ainsi que le degré d'implication et de responsabilisation des
citoyens ;
- la capacité des gouvernements et des administrations
publiques à exercer leurs fonctions de façon effective, efficace
et efficiente, ainsi que la qualité de leurs prestations. Cette
qualité est généralement appréciée à
travers la conception, la formulation, la mise en oeuvre et l'évaluation
des politiques et programmes ;
- la place et le rôle du secteur privé, de la
société civile et des citoyens sans discrimination.
Sur ce dernier point, il faut relever que l'une des
raisons de la défaillance du document de stratégie pour la
réduction de la pauvreté autrement appelé DSRP I, est le
manque de participation suffisante de la société civile. Ce
dysfonctionnement a été également à l'origine de la
faible réalisation des projets PPTE, ainsi que le rapporte le
Comité Consultatif et de Suivi des fonds PPTE (CCS-PPTE). L'exigence de
bonne gouvernance s'avère essentielle à la réalisation de
projets viables ; c'est aussi la condition essentielle au déblocage
des fonds PPTE pour la plupart non encore utilisés. La principale
difficulté du Cameroun est donc une gouvernance de type
managérial, au regard des détournements de deniers publics
observés dans la fonction publique camerounaise62(*).
Dans l'ordre des critères d'ordre
managérial de bonne gouvernance, on relève :
- la qualité de la gestion publique, depuis la
conception et la formulation des politiques dans tous les domaines
(économique, financier, social, culturel, scientifique, technique,
administratif, etc.) jusqu'à la phase du contrôle, en passant par
celle de la mise en oeuvre et du suivi-évaluation ;
- la transparence dans la gestion et la lutte contre la
corruption ;
- l' "accountability "des décisions
et actions du gouvernement et de tous ceux qui sont investis d'une parcelle
d'autorité de la puissance publique. Cet anglicisme signifie à la
fois imputabilité, obligation de rendre compte, responsabilité.
Ce dernier terme s'applique généralement à trois domaines
principaux :
- responsabilité politique, c'est-à-dire
l'obligation pour toute autorité de rendre compte des décisions
qu'elle a prises, omis de prendre ou prises au mauvais moment ;
- responsabilité administrative, vis-à-vis de
la hiérarchie, des usagers, des organes chargés de veiller au
respect de l'éthique professionnelle, etc. ;
- responsabilité financière et
budgétaire, se rapportant à l'affectation, à l'utilisation
et au contrôle des fonds et actifs publics ;
- une fonction publique compétente, intègre,
performante, politiquement neutre et objectivement impartiale, afin de rendre
à tous des services de qualité, en tant que véhicule
privilégié de la bonne gouvernance au sein de l'Etat ;
- un grand respect du bien public et de la
propriété privée, ainsi que la recherche constante de la
meilleure qualité aux meilleurs coûts.
L'essence de la bonne gouvernance est d'abord de mieux
servir les intérêts du pays où elle est pratiquée,
et non de chercher à plaire à ses partenaires commerciaux ou
à ses bailleurs de fonds. La construction d'un Etat fort, capable de
traiter avec l'extérieur et ayant une diplomatie forte, passe donc par
la pratique de la bonne gouvernance ; c'est la première
étape vers l'établissement d'une culture stratégique. Il
faut alors éviter une gouvernance tournée vers
l'extérieur, car elle est de nature à créer des logiques
de situation ; on aboutit alors à une gouvernance de convenance,
à une gouvernance de conjoncture, celle qui s'adapte à une
situation ; c'est elle qui a jalonné la mise en oeuvre de
l'Initiative PPTE et a été à l'origine des effets
d'extraversion.
B) L'établissement d'une culture
stratégique camerounaise
La culture stratégique s'entend comme la
capacité d'un Etat à concevoir un cadre d'élaboration et
de mise en oeuvre d'une politique économique, démographique,
sociale, culturelle qui vise à défendre et à
protéger ses intérêts dans un espace
déterminé et sur un terme relativement long. La difficulté
du Cameroun est liée au fait que sa politique économique
dépend des programmes conçus dans le cadre des institutions de
Bretton Woods ; on procède donc généralement au coup
par coup à des ajustements, la recherche d'un point d'équilibre
qu'on nomme l'équilibre macro-économique ou l'équilibre de
la balance commerciale.
Pour établir une culture stratégique, il
faut avoir des repères dans le temps et dans l'espace ; il faut une
manière de faire la politique (interne ou étrangère) qui
soit invariable quels que soient les gouvernements. A titre de comparaison, la
culture stratégique française s'est forgée par le biais de
la pensée géopolitique du général De Gaulle,
construite autour de quatre axes majeurs :
- faire de l'Europe le marche-pied pour permettre à la
France de retrouver le statut de grande puissance ;
- doter la France de l'arme nucléaire, afin de lui
permettre d'assurer elle-même sa propre défense ;
- se faire le défenseur des plus faibles en vue de
s'attirer la sympathie de la Communauté Internationale ;
- se servir de l'Afrique pour faire de la France un empire.
Si l'exigence de bonne gouvernance est destinée
à l'intérieur du pays, la nécessité
d'établir une culture stratégique s'inscrit dans une optique
d'étendre la puissance du Cameroun dans l'espace et dans le temps.
Plutôt que de voir transformer son territoire en glacis
géostratégique où s'affrontent les grandes puissances, le
Cameroun pourrait utiliser sa position géographique comme un atout
destiné à le protéger des velléités de
projections des grandes puissances étrangères.
Paragraphe 2 : la consOLIDAtion de sa
capacité de négociation
Selon le schéma proposé par Bellenger,
la négociation « raisonnée » ou
« principled negociation » peut être une
modalité d'exercice de la souveraineté (A) ; la prise en
compte de logiques d'intérêts dans le processus de
négociation permet d'avoir une lecture réaliste de la
coopération telle qu'elle apparaît dans le cadre de l'initiative
PPTE (B).
A) La « négociation
raisonnée » comme modalité d'exercice de la
souveraineté
La possibilité de tirer réellement
profit de l'Initiative PPTE dépend de la capacité de chaque pays
bénéficiaire à négocier son programme
d'allègement de dette. L'idée selon laquelle l'Initiative PPTE
n'est pas une offre gratuite, illustre bien les intérêts des
acteurs en présence ; de ce point de vue la négociation
intervient ici comme le terreau de la grande diplomatie-commerce (Bellenger,
2003). Chacun négocie pour son compte dans le but de préserver
ses intérêts. A ce titre, la négociation exige la mise en
oeuvre de techniques, de tactiques, de recettes, toutes orientées par la
volonté de mieux se défendre ou par le souci d'obtenir plus de
l'autre.
A partir des techniques de négociation
proposées par Altham (Altham, 1980), on peut évaluer les
modalités d'instrumentalisation du programme PPTE du Cameroun. En effet
J.C Altham propose six tactiques de négociation :
- La tactique de culpabilité :
attaquer son adversaire, lui demander des explications dès sa
première « faute » ; dramatiser l'ampleur du
dommage causé, lui rappeler en même temps l'importance de la
mission à laquelle tout le monde doit oeuvrer ;
- La tactique du prince électeur
Maximilien « tactique de la surprise » :
établir un emploi du temps précis ; faire part à la
personne de son opinion ; placer son adversaire sous la contrainte du
temps et de l'action en lui faisant croire qu'il y a une occasion à
saisir ou un danger à conjurer ;
- La tactique de Talleyrand : rechercher
d'abord les armes de la négociation (arguments, principes) et la
tactique appropriée (répétition) ; diviser les
alliés en exploitant leurs dissensions, leur jalousie et leurs
craintes ; se faire des alliés en soulignant les
intérêts communs ;
- La tactique « bel ami »
ou « graine de moutarde » : formuler
ses souhaits avec précision, demander à la partie adverse de ne
pas répondre tout de suite ;
- La tactique de l'ajournement (dite
Lincoln Ford) : n'accepter ni les arguments, ni les
alternatives de son adversaire ; remettre à plus tard sa propre
argumentation au sujet de la véritable question ; soumettre
à la décision la question principale en la formulant
différemment ;
- La tactique Howard Hugues : ne pas
craindre de négocier avec les « espoirs »
des autres ; imposer des délais impératifs, créer une
atmosphère glaciale quasi insupportable. Les négociateurs
tacticiens et rusés promettent de grands projets et des occasions
uniques car ils parlent aux sentiments pour endormir l'esprit critique.
L'examen des deux premiers cas conduit à penser
que le Cameroun a été confronté à la ruse de ses
créanciers. En effet après son échec au point
d'achèvement en 2004, le pays s'est tout de suite vu retirer du
programme PPTE ; décision qui laissait penser la gravité de
la situation. Ces tactiques utilisées par les institutions de Bretton
Woods ont conduit à la mise du Cameroun sous la contrainte du temps dans
l'optique de le faire céder aux injonctions du FMI et de pouvoir
réintégrer le programme. Soucieux de bénéficier
à tout prix des retombées de l'allègement de la dette, le
Cameroun s'est livré à une manipulation de la part de ses
créanciers, lesquels se sont servis de la tactique Howard
Hugues en négociant avec les espoirs du gouvernement
camerounais. Sachant que le Cameroun était dans une attente des
retombées du point d'achèvement de l'Initiative PPTE, en
promettant de grands profits et des occasions uniques, les négociateurs
tacticiens étrangers ont parlé aux sentiments des
autorités politiques camerounaises (qui avait éveillé
l'appétit du peuple pour le point d'achèvement), pour endormir
leur esprit critique. Et quand la négociation évolue sur le mode
du stratagème, l'interaction est riche en manoeuvres visant pour
l'essentiel la destabilisation (Dupont, 1982). Raison pour laquelle toute bonne
négociation conçue comme un acte de communication, doit se
préparer au minimum par le biais de l'étude du dossier : il
faut réfléchir à la situation, envisager toutes les
solutions possibles, s'informer sur le partenaire ou l'adversaire. La
naïveté stratégique du Cameroun découle donc dans ce
cas de la non prise en compte de la dialectique des intelligences. Il faut
s'assurer qu'on aboutit à la conclusion d'un accord judicieux et
efficace, tout en s'assurant de ne pas compromettre les relations avec ses
partenaires.
L'option pour une négociation raisonnée
au sens de Bellanger, répond au désir de considérer les
intérêts légitimes des parties. La capacité d'une
partie à assurer une bonne négociation est liée à
certains critères :
- se concentrer sur les intérêts en jeu et non
sur les positions ;
- comprendre que chaque partie a plus d'un
intérêt en jeu ;
- reconnaître ouvertement que les intérêts
de l'adversaire font partie de la discussion ; cela permet d'éviter
de penser à la générosité du donateur ;
- poser la question avant de donner la solution ;
- oublier le passé pour se tourner vers l'avenir ;
cela permet de déterminer quelles sont les projections du partenaire
dans le moyen et long terme ;
- être conciliant mais ferme sur la question
débattue ; ne pas rechercher une seule et unique réponse en
élargissant le champ des possibles ;
- exiger le résultat repose sur des critères
objectifs : raisonner et rester ouvert au raisonnement ; ne jamais
céder à des pressions.
L'autonomie politique interne du Cameroun passe ainsi
par l'amélioration de sa capacité de négociation,
associée à la volonté politique dans les rapports avec ses
partenaires. La période de mise en oeuvre de l'Initiative PPTE
n'étant pas un modèle à reproduire, il convient de se
tourner vers une diplomatie commerçante plus efficace et plus efficiente
qui sera plus favorable à une lecture réaliste de la
coopération.
B) Une lecture réaliste de la
coopération
S'interrogeant au sujet de la coopération,
Robert Axelrod se demandait si « on devait continuer à
rendre service à un ami qui ne rend pas la pareille »
(Axelrod, 1992). Cette réflexion tend à signifier qu'il ne faut
pas attendre d'un partenaire en matière de coopération la
prestation de services gratuits ; il faut un jour lui rendre la pareille.
Si l'on considère l'Initiative d'allègement de la dette comme un
cadre de continuité de la coopération entre le Cameroun et ses
partenaires, la perspective d'une aide dépourvue de valeur
ajoutée ou d'intérêts est à exclure. En effet le
Cameroun, en recevant de l'aide sous forme de remise de créances devait
s'attendre à offrir quelque chose en retour ; dès qu'un pays
a commencé à recevoir de l'aide de la part d'un autre, le pays
donateur peut faire usage de cette aide comme une arme économique. Dans
ce cas, la pression exercée sur le pays acquéreur se manifeste
sous la forme d'un « dictact » sur l'orientation
de sa politique intérieure ou étrangère ; il peut
alors s'agir de l'octroi de concessions en matière économique
ainsi que l'illustre la signature par le Cameroun de l'accord d'étape
sur les Accords de Partenariat Economique, ou encore l'alignement en
matière de politique internationale. Concernant ce dernier point, on
peut expliquer l'alignement du Cameroun aux cotés des Etats-Unis lors du
vote à l'ONU à propos de la guerre en Irak en Mars 2003, en
échange d'un soutien américain à la résolution du
différend frontalier Cameroun-Nigeria, et du soutien américain
à l'atteinte par le Cameroun du point d'achèvement.
C'est cette logique du donnant-donnant qui est
à la base de l'Initiative. Au-delà du discours officiel de
générosité des pays riches à l'égard des
pays pauvres, la nature réaliste de la coopération est
restée ancrée tout au long du processus. Toute lecture contraire
participerait de la cécité stratégique. Il semble
cependant que le programme d'allègement de la dette ait
été perçu sous cet angle par les autorités
camerounaises ; d'où la négociation à la baisse du
bénéfice de l'Initiative PPTE. Il en est ainsi parce que le
programme n'a pas eu un effet significatif sur l'état de
l'économie camerounaise, même s'il faut relever que la
viabilité économique est surtout liée à d'autres
facteurs tels que le niveau de production et d'industrialisation, la
compétitivité à l'exportation, le facteur humain etc.
L'erreur ici est donc d'avoir attendu l'Initiative PPTE comme une annulation
automatique de la dette dépourvue de toutes conditionnalités et
de toutes contreparties. De ce point de vue, la capacité de tirer
réellement profit d'un programme dépend de la prise en compte de
ce qui est à donner et de ce qui est à recevoir ou à
gagner ; c'est l'essence de la coopération, et toute bonne
coopération passe par l'identification de ses intérêts.
CONCLUSION GENERALE
En fin de compte, l'Initiative PPTE
est un programme qui mérite d'être perçu sous le prisme de
la coopération au sens traditionnel, à savoir qu'il s'agit en
théorie d'un partenariat donnant - donnant. Penser l'Initiative PPTE
comme une modalité de la coopération, signifie que ce programme
doit être perçu au - delà du seul allègement de la
dette ; en échange d'une remise de créances, les pays
pauvres ne doivent pas s'attendre à de l'aide gratuite, celle - ci est
accompagnée de contrepartie.
La construction de notre problématique s'est
faite autour de deux idées phares : l'idée selon laquelle
l'Initiative PPTE, officiellement annoncée comme un programme en faveur
de la lutte contre la pauvreté, s'est avérée plus complexe
dans sa mise en oeuvre. Ensuite compte - tenu de la position stratégique
importante du Cameroun, et du rôle important des créanciers
bilatéraux dans son programme d'allègement de dette, l'Initiative
PPTE recèle des caractéristiques géostratégiques. A
ce titre, la question structurelle a été centrée sur les
enjeux géostratégiques de l'Initiative PPTE.
La réponse à cette question nous a valu
de bâtir une hypothèse fondée sur l'idée que
l'allègement de la dette du Cameroun n'a pas été
gratuite ; le traitement de sa dette a été assujetti
à de multiples conditionnalités qui ont rendu onéreuses
les retombées de l'Initiative PPTE. De plus, la mauvaise gestion de son
programme d'allègement de dette par le Cameroun a favorisé des
pratiques d'extraversion vouées à lui permettre d'atteindre le
point d'achèvement. Ces faiblesses ont servi de terreau fertile
à l'instrumentalisation de son programme PPTE par ses créanciers,
au rang desquels les principales puissances en activité dans la
région du Golfe de Guinée, à savoir les Etats - Unis, la
France, l'Union Européenne et la Chine. Cet argumentaire s'étale
sur un plan a deux parties : la première partie intitulée
option pour une démarche compréhensive de l'Initiative
PPTE regroupe deux chapitres. Dans le premier chapitre intitulé
le Cameroun dans l'Initiative PPTE, il a été question de
cerner la notion d'Initiative PPTE, son fonctionnement et les modalités
de sa mise en oeuvre. Nous avons examiné les conditions dans lesquelles
le Cameroun a été admis à l'Initiative PPTE et son
parcours dans ce programme d'allègement de dette. Par rapport à
ces développements, nous en sommes arrivés à la conclusion
que le Cameroun était fortement endetté au regard du stock
élevé de sa dette. Les ratios dette sur les recettes
budgétaires et dette sur les exportations qui permettent
d'évaluer le seuil de la dette, ont permis au Cameroun d'être
considéré comme pays pauvres très endetté.
Dès son admission, le pays a dù suivre plusieurs étapes
dont le point de décision en Octobre 2000, et le Point
d'Achèvement en Avril 2006. Cette durée relativement longue
traduit la complexité du programme et surtout sa gestion maladroite par
le Cameroun. C'est ce qui transparaît dans le deuxième chapitre
consacré à l'examen des orientations politiques du
Cameroun dans ce processus. En effet le non respect des
conditionnalités prescrites dans le cadre de l'Initiative PPTE ,
caractérisé par les dysfonctionnements managériaux et la
corruption, ont retardé l'échéance de l'atteinte par le
Cameroun du Point d'achèvement dont le premier échec est survenu
en 2004. La tentative des autorités camerounaises de
réintégrer le programme a été marquée par la
prise de mesures draconiennes destinées à assainir les finances
publiques ; mais ces postures ont essentiellement servi à amadouer
les institutions financières et les bailleurs de fonds ; en cela
elles s'inscrivaient dans une logique d'opportunisme. La difficulté
à mener à bien les réformes d'assainissement prescrites, a
débouché sur des manoeuvres d'extraversion à travers
lesquelles le Cameroun requérait le soutien de puissances
étrangères notamment des Etats - Unis dans la perspective de
l'atteinte du Point d'achèvement. Ces logiques d'extraversion ont permis
au Cameroun d'atteindre le Point d'achèvement, mais elles ont
également contribué a l'instrumentalisation de son programme
PPTE. C'est ce qui est illustré dans le deuxième partie.
Dans la deuxième partie consacrée
à l'instrumentalisation de l'Initiative PPTE, le troisième
chapitre a porté sur le cadre géostratégique de
l'analyse. Dans ce chapitre, il s'est agi de montrer comment la position
stratégique du Cameroun dans le Golfe de Guinée et dans la sous
région CEMAC a été déterminante dans la manoeuvre
d'instrumentalisation de l'Initiative PPTE et de transformation de l'espace
camerounais au mieux des intérêts des puissances
créancières dont les Etats - Unis, la France, l'Union
européenne et la Chine. De plus, l'Initiative PPTE cache des objectifs
autres que le simple allègement de dette : en l'occurrence la
restauration de la solvabilité des pays débiteurs, la signature
par le Cameroun et les autres pays ACP des Accords de partenariat
économique et l'octroi de concessions et de parts de marché aux
entreprises des pays créanciers. Cette logique de gagnant - gagnant
traduit le caractère onéreux de l'Initiative PPTE aux
dépens des pays pauvres dont l'avenir doit s'inscrire au delà du
seul Point d'achèvement. Enfin, le quatrième chapitre examine les
obstacles que le Cameroun doit franchir pour préserver ses
intérêts. L'Initiative PPTE pose comme premier obstacle, le
problème de son financement rendu hypothétique par la crise
financière internationale, le risque de réendettement et
l'emprise des institutions de Bretton Woods. La perspective de prolongement de
son programme économique et financier avec le FMI n'est pas de nature
à accorder au Cameroun, l'autonomie suffisante pour élaborer
lui-même ses propres politiques et stratégies de
développement. D'où la nécessité de sortir du cycle
de l'aide crédit concessionnel, afin de ne privilégier que
l'assistance technique. Cette autonomie politique passe aussi par la
consolidation de sa capacité de négociation et de la pratique de
la bonne gouvernance, condition sine qua non à
l'établissement de l'Etat de droit et l'ancrage démocratique au
Cameroun.
Au terme d'une analyse comme celle-ci, il ne faut pas s'en
tenir à circonscrire les facteurs et les acteurs qui intensifient
l'hypothèque sur Initiative PPTE, il faut aussi rechercher les leviers
qui permettent d'impulser une dynamique de sortie pacifique mais efficace et
durable de la crise de la dette en général et des pesanteurs
léguées par l'Initiative PPTE en particulier. /-
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_______________________________________
I- CARTES
II- LETTRES D'INTENTION DU GOUVERNE-MENT CAMEROUNAIS AU FMI
III- LISTE DES TABLEAUX
__________________________________________
Carte I: Carte des
pays pauvres très endettés.
Carte II :
Aperçu du Golfe de Guinée.
Source: 800px-Gulf-of Guinea-fr-1.jpg
Carte III : Aperçu de la
position du Cameroun en zone CEMAC
: Pays de la Zone CEMAC (Cameroun, Gabon,
Guinée Equatoriale,
Congo, RCA,
Tchad.)
______________________________________________________
Yaoundé, le 05 avril 2006
Le Premier Ministre, Chef du Gouvernement,
Objet : Lettre d'intention
à Monsieur Rodrigo de
Rato,
Directeur
Général
Fonds Monétaire
International
700 19th Street, N.W.
Washington, D.C. 20431
Etats-Unis d'Amérique
Monsieur le Directeur Général,
1. Tout au long de
l'année 2005, le Gouvernement n'a ménagé aucun effort dans
la mise en oeuvre des mesures visant à assainir les finances publiques,
approfondir et accélérer les réformes structurelles. Ces
efforts seront poursuivis en 2006 afin de consolider les résultats
satisfaisants obtenus en 2005 et contribuer efficacement à
l'amélioration des perspectives de croissance en vue de la
réduction durable de la pauvreté au Cameroun.
2. Le
mémorandum de politiques économique et financière (MEFP)
ci-joint, qui complète celui annexé à la lettre
d'intention du 13 octobre 2005, passe en revue les résultats obtenus au
cours des six premiers mois d'exécution du programme triennal du
Gouvernement, appuyé par le Fonds Monétaire International au
titre de la Facilité pour la Réduction de la Pauvreté et
la Croissance (FRPC). En outre, il présente les politiques et les
objectifs économiques du Gouvernement pour l'année 2006.
3. La mise en oeuvre
du programme à fin décembre 2005 a été globalement
satisfaisante. Les efforts de mobilisation des recettes et de maîtrise
des dépenses ont permis d'atteindre tous les objectifs fixés dans
le domaine des finances publiques. En outre, les paiements au titre de la dette
intérieure ont largement dépassé les objectifs du
programme, grâce à des recettes pétrolières plus
élevées que prévu. Par ailleurs, tous les critères
de réalisation et repères structurels fixés jusqu'à
janvier 2006 ont été réalisés. Le Gouvernement
demande par conséquent que le deuxième décaissement au
titre de l'accord, d'un montant équivalant à 2,65 millions de
DTS, soit mis à la disposition du Cameroun dès la conclusion de
la première revue au titre de la FRPC par le Conseil d'administration du
FMI.
4. Les objectifs
économiques à moyen terme restent conformes au cadrage
macroéconomique du programme triennal. Dans cette perspective, le
Gouvernement entend poursuivre l'assainissement des finances publiques,
renforcer la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption,
améliorer la qualité et l'efficacité de l'investissement
public, et accélérer la mise en oeuvre des réformes
structurelles, notamment dans le secteur des entreprises puhliques. S'agissant
des finances publiques, la loi de finances votée par l'Assemblée
Nationale en décembre 2005 reste le socle du programme pour 2006. Elle
prévoit la poursuite des efforts de mobilisation des recettes non
pétrolières à travers l'application de nouvelles mesures
fiscales, et le renforcement de la gestion des dépenses publiques. Pour
renforcer l'impact de la politique budgétaire sur l'activité
économique et la croissance, le Gouvernement a pris des mesures pour
accroître le taux d'exécution des dépenses de capital.
Ainsi, l'investissement public augmentera sensiblement en 2006 et
au-delà, ce qui permettra de progresser davantage dans la lutte contre
la pauvreté et la réalisation des objectifs du millénaire
pour le développement. Aussi, un accent particulier sera-t-il mis sur
l'amélioration des infrastructures, ainsi que sur l'investissement dans
le capital humain.
5. Le Gouvernement
est conscient de l'importance des réformes structurelles dans le
renforcement des perspectives de croissance et l'amélioration de
l'efficacité de l'utilisation des ressources publiques. Par
conséquent, il reste déterminé à poursuivre les
actions entamées en 2005 pour réduire le rôle de
l'État dans le secteur productif, particulièrement en ce qui
concerne les entreprises dont les difficultés financières
grèvent lourdement le budget de l'État. Ainsi, les mesures
prévues dans le plan d'actions pour la privatisation de la CAMAIR, et
les réformes en cours en ce qui concerne CAMPOST, SNEC, CDC, CAMTEL, et
SONARA seront poursuivies avec vigueur. Afin de renforcer l'impact de ces
mesures et améliorer davantage l'environnement des affaires, le
Gouvernement prendra des mesures pour lutter contre la corruption et renforcer
la bonne gouvernance. Ainsi, un accent particulier sera mis sur la poursuite
des réformes du système judiciaire et la mise en oeuvre
rigoureuse du plan d'action prioritaire du Programme National de Gouvernance
II. Par ailleurs, le Gouvernement veillera à ce que l'application des
principes de l'Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives
(ITIE) soit effective en 2006.
6. Depuis que le
Cameroun a atteint le point de décision au titre de l'Initiative PPTE,
les autorités ont poursuivi sans relâche la mise en oeuvre des
mesures constituant des déclencheurs pour l'atteinte du point
d'achèvement. A ce jour, toutes ces mesures ont été
réalisées. Par conséquent, le Gouvernement du Cameroun
sollicite l'assistance financière additionnelle prévue au titre
de cette initiative. Il demande en outre l'allégement de sa dette
multilatérale au titre de l'Initiative d'Allégement de la
Dette Multilatérale (IADM). Le Gouvernement s'engage à prendre
les mesures nécessaires pour assurer l'exécution efficace et
transparente des dépenses de réduction de la pauvreté
financées par l'allégement de la dette dont le Cameroun va
bénéficier. Le suivi de ces dépenses sera
réalisé dans le cadre du mécanisme de concertation actuel
avec les bailleurs de fonds du Cameroun.
7. Le Gouvernement
du Cameroun est convaincu que les politiques économique et
financière définies dans le MPEF ci-joint que j'ai l'honneur de
vous transmettre, permettront d'atteindre les objectifs de son programme
économique pour 2006. Il reste néanmoins prêt à
prendre toutes les mesures supplémentaires qui pourraient
s'avérer nécessaires à cet effet. Le Gouvernement
consultera le Directeur Général du FMI sur l'adoption de ces
mesures avant la révision des politiques contenues dans le MPEF,
conformément à la politique du Fonds pour ces consultations.
Enfin, le Gouvernement du Cameroun autorise le FMI à rendre publique la
présente lettre ainsi que le MPEF qui lui est annexé.
8. Le Gouvernement
entend tout mettre en oeuvre pour que la seconde revue du programme, qui sera
basée sur les critères de réalisation quantitatifs et
structurels à fin juin 2006, soit conclue à mi-novembre 2006 au
plus tard.
Je vous prie d'agréer, Monsieur le Directeur
Général, l'expression de ma haute considération.
P.J. :
-
Mémorandum de politiques économique et
financière ;
-
Addendum au protocole d'accord technique.
Le Premier Ministre, Chef du Gouvernement
(é) Ephraim Inoni
Lettre d'intention du gouvernement camerounais au
FMI
|
REPUBLIQUE DU CAMEROUN
Paix -Travail - PatrieREPUBLIC OF
CAMEROON
Peace -Work - Fatherland---------
SERVICES DU PREMIER MINISTRE---------
PRIME MINISTER'S OFFICE---------
CABINET---------
Cabinet------------------
N° A39/a-3/SG/PMYaoundé, le 29 mai
2007Réf.
the
Le Premier Ministre, Chef du Gouvernement,
The Prime Minister, Head of Government,
Objet : Lettre d'intention.-
à Monsieur Rodrigo de Rato, Directeur
Général du Fonds Monétaire International 700 19th Street,
N.W.
Washington, D.C. 20431
États-Unis
Monsieur le Directeur Général,
Le Gouvernement a poursuivi au cours du second semestre 2006, ses
efforts d'assainissement du cadre macroéconomique et de mise en oeuvre
des réformes structurelles, dans le contexte de son programme
économique soutenu par le Fonds monétaire international (FMI)
à travers la Facilité pour la réduction de la
pauvreté et la croissance (FRPC). Le Gouvernement demeure convaincu que
la mise en oeuvre continue des mesures et politiques économiques sur
lesquelles il s'est engagé dans le cadre de la FRPC permettra de
consolider les résultats satisfaisants déjà obtenus, et de
lutter plus efficacement contre la pauvreté tout en renforçant
les perspectives de croissance.
Les efforts d'assainissement des finances publiques
déployés par le Gouvernement pendant la période de juillet
à décembre 2006, ont permis la réalisation de la plupart
des critères et repères quantitatifs du programme à fin
décembre 2006. Une dérogation est néanmoins
nécessaire pour le non-respect du critère quantitatif sur le
plafond du niveau du crédit net du système bancaire à
l''''État en raison de dépenses extrabudgétaires pour
lesquelles les paiements ont été effectués directement par
la compagnie nationale de pétrole. A cet égard, le Gouvernement
voudrait souligner le caractère exceptionnel de ces transactions et
confirmer sa détermination à prendre toutes les dispositions
nécessaires en vue d'éviter la résurgence de
dépenses extrabudgétaires et de renforcer le respect des
procédures budgétaires. A cette fin, le Gouvernement s'engage
à renforcer le programme en demandant de changer en critère de
réalisation le repère quantitatif sur les interventions directes.
La mise en oeuvre des réformes structurelles dans les
domaines des finances publiques et de la transparence a aussi connu des
avancées. En particulier, deux rapports dans le cadre de l'Initiative de
Transparence des Industries Extractives ont été publiés,
couvrant la période 2001-2004 et 2005, respectivement. Le Gouvernement
est conscient de l'importance d'améliorer la gouvernance et le climat
des affaires afin d'atteindre une croissance économique plus
élevée et de réduire de façon durable la
pauvreté. L`appel d'offres international pour la privatisation de la
CAMAIR ayant été infructueux, le Gouvernement réaffirme
son engagement à (i) améliorer la qualité du service dans
le secteur du transport aérien et (ii) éliminer les
subventions de l'État aux compagnies aériennes, y compris la
CAMAIR. A cette fin, il s'engage à entamer la mise en oeuvre d'une
stratégie d'ici fin-juillet 2007 en vue du recrutement d'un partenaire
stratégique privé pour CAMAIR
Les objectifs et les politiques macroéconomiques pour la
deuxième année du programme et pour le moyen terme restent
conformes au cadrage général qui sous-tend le programme triennal
du Gouvernement soutenu par la FRPC. Ainsi, le mémorandum de politiques
économique et financière (MPEF) ci-joint, complète celui
annexé à la lettre d'intention du 6 décembre 2006. Il
évalue la mise en oeuvre du programme économique du Gouvernement
au cours du second semestre 2006, et présente des politiques et
objectifs économiques pour la période allant de janvier à
juin 2007.
Dans le cadre de l'exécution de son programme
économique et financier, le Gouvernement s'est fixé des objectifs
à moyen terme ambitieux, cohérents avec le cadrage
macroéconomique du programme triennal. Dans ce contexte, un accent
particulier continuera à être mis sur le renforcement de la
gestion des finances publiques, la mobilisation des recettes
non-pétrolières, la lutte contre la corruption, et
l'amélioration de la qualité de l'investissement public.
Le Gouvernement est convaincu que les politiques
économiques et financières définies dans le MPEF ci-joint,
permettront d'atteindre les objectifs de son programme économique pour
la période janvier-juin 2007. Il reste néanmoins prêt
à prendre toutes les mesures supplémentaires qui
s'avéreraient nécessaires à cet effet. Le Gouvernement
consultera le Directeur Général du FMI sur l'adoption de ces
mesures et avant la révision des politiques contenues dans le MPEF,
conformément à la politique du Fonds monétaire pour
ces consultations. Cependant, la révision à la baisse des
projections de recettes pétrolières appellerait une modification
du critère quantitatif sur le plafond du niveau du crédit net du
système bancaire à l''''État pour fin juin 2007.
Le Gouvernement prendra toutes les dispositions
nécessaires pour que la quatrième revue du programme soit conclue
au plus tard en décembre 2007. Cette revue sera basée sur les
critères de réalisation quantitatifs et structurels à fin
juin 2007.
Étant donné les résultats obtenus
jusqu''''à présent et les engagements pris dans le
mémorandum de politiques économique et financière, le
Gouvernement demande que le quatrième décaissement au titre de
l''''accord, d''''un montant équivalant à 2,65 millions de DTS,
soit mis à disposition dès l''''achèvement de la
présente revue.
Enfin, le Gouvernement du Cameroun autorise le FMI à
rendre publics la présente lettre ainsi que le MPEF qui lui est
annexé.
Je vous prie d'agréer, Monsieur le Directeur
Général, l'expression de ma parfaite
considération.
LE PREMIER MINISTRE, CHEF DU GOUVERNEMENT,
(é) INONI
Ephraim
PJ. : - Mémorandum de politiques
économique et financière
- Protocole d'accord
technique pour le suivi du programme
|
______________________________________
TABLEAU 1 : LES CRITERES
D'ELIGIBILITE A L'INITIATIVE PPTE
TABLEAU 2 : ADMISSION DU CAMEROUN
A L' INITIATIVE PPTE
TABLEAU 3 : PARCOURS DU CAMEROUN A
L'INITIATIVE PPTE
TABLEAU 4 : CALENDRIER DES REVUES DE
L'ACCORD FRPC (2005-2008)
TABLEAU 5 : TRAITEMENT DE LA
DETTE COMMERCIALE
DU CAMEROOUN
TABLEAU 6 : MISE EN OEUVRE DE
L'IADM DANS LA ZONE FRANC
TABLEAU 7 : CLASSEMENT DES SECTEURS ET
SERVICES PUBLICS SELON
LE DEGRE D'AFFECTATION DE LA
CORRUPTION.
TABLEAU 8 : REPARTITION DES
EXPORTATIONS FRANÇAISES DANS
LES PAYS D'AFRIQUE
CENTRALE.
TABLEAU 9 : TOP 20 DEFORESTERS
RANKED BY HEAVILY
INDEBTED POOR COUNTRY.
TABLEAU 10: COMPAGNIES FORESTIERES ET
FILIALES
* 1 En 1982, le Mexique a
signalé son incapacité à assurer le service de la dette
extérieure. Dès lors le problème s'est
généralisé dans la plupart des pays en voie de
développement.
* 2 En théorie, les
statuts des deux institutions leur interdisent d'annuler toute dette
contractée par les pays membres.
* 3 Parmi ces pays qui ont pu
bénéficier de la prolongation de la « sunset
clause », on peut citer le Cameroun (avril 2006); RDC (3e
trimestre 2006) ; Malawi (3e trimestre 2006) ; Sao
Tomé et Principe (3e trimestre 2006) ; Sierra
Léone (4e trimestre 2006) ; Burundi (2e
trimestre 2006) ; Gambie (1er trimestre 2007) ;
Guinée (4e trimestre 2006). Voir rapport dette et
développement 2005-2006.
* 4 La part des
créanciers bilatéraux du Cameroun dans le cadre de l'Initiative
PPTE représente 70% celle des créanciers
multilatéraux 21% et 9% pour les créanciers
prives. Voir Moustapha Mounira, 2005 « L'Initiative pays pauvres
très endettés IPPTE : le cas du Cameroun »,
Montréal -Université du Québec.
* 5 En juin 1999 au Sommet du
G7 de Cologne, les pays riches s'étaient engagés à
répondre favorablement à la pétition de 17 millions de
signatures déposée par la coalition Jubilé 2000 : 90
de la dette des pays pauvres devait être annulé au cours de
l'année 2000, grâce à l'application de l'Initiative PPTE.
Voir Arnaud Zacharie, « les dix limites de l'Initiative
PPTE » in file // :limitesppte.htm.
* 6 Plusieurs programmes de
traitement de la dette des pays à faible revenu ont été
lancés par le FMI et la Banque Mondiale. Parmi les plus récents,
on retrouve les programmes d'ajustement structurel qui se sont soldés
par un échec. Selon l'aveu même des institutions de Bretton Woods,
c'est ce qui a justifie la mise en place d'un nouveau programme appelé
Initiative PPTE.
* 7 L'IADM prévoit
l'annulation de 100% de la dette des pays ayant atteint le point
d'achèvement de l'initiative PPTE et des pays en voie de
développement ayant un revenu par habitant inférieur ou
égal à 380 dollars US. A ce titre il s'agit d'un effacement
global de la dette multilatérale qui peut être assimile à
une annulation.
* 8 Frédéric
Morteau,» l'initiative PPTE et après...; de la dette du Tiers monde
à la dette des pays pauvres très endettés»
in dette et financement du développement, 2001.
* 9 Frédéric
Morteau, op.cit
* 10La dette est toujours
considérée comme un levier géopolitique. Arnaud Zacharie,
les « dix limites de l'initiative PPTE » online
file://E:limitesppte.htm
* 11 Le point
d'achèvement est dit flottant lorsque le conseil d'administration du Fmi
et de la Banque Mondiale approuve les réformes mises en oeuvre par un
pays et se prononce en sa faveur.
* 12 La FASR ou
Facilité d'Ajustement Structurel Renforcée est un programme
triennal qui a pour but l'assainissement des finances publiques, une
réduction du déficit extérieur, une maîtrise de
l'inflation et de l'endettement. Elle est devenue Facilité pour la
Réduction de la Pauvreté et de la Croissance (FRPC) en 2000.
* 13 Le FMI dispose d'un
compte fiducie-PPTE pour le financement de l'initiative pays pauvres
très endettés. La Banque Mondiale et la BAD financent
l'initiative PPTE par le biais des contributions des Etats membres.
* 14 L'aide engagée
en vertu du cadre initial s'exprime en valeur actualisée nette (VAN) au
point d'Achèvement et celle qui est engagée au titre du cadre
renforcé s'exprime en VAN au Point de Décision. Les deux montants
ne s'additionnent pas.
* 15 En vertu du cadre
renforcé, un complément est décaissé au Point
d'Achèvement au produit des intérêts perçus sur le
montant engagé au Point de Décision, mais non
décaissé pendant la période intérimaire.
* 16 La dette commerciale
du Cameroun à l'égard des créanciers privés
représente 240 millions, dont 78 millions de dollars US en principal.
Voir rapport 2007 du FMI portant Accord consultatif. Cela
démontre bien que les intérêts générés
par la dette représentent la plus grande part.
* 17 Tout pays
déclaré éligible à des Termes spécifiques
par le Club de Paris peut refuser de bénéficier de
l'allégement de dette au profit d'un traitement moins concessionnel,
notamment s'il considère que ces Termes auraient un impact
défavorable sur la signature financière. Cela permet de
contourner une instrumentalisation des créanciers Voir online :
club de paris/PPTE.htm
* 18Certains
créanciers privés du Cameroun ont renoncé à
participer au traitement de la dette du Cameroun comme prévu par
l'Initiative PPTE. Au contraire, ils ont réclamé le remboursement
de leurs créances. « FMI, 2007 op.cit »
* 19 L'admissibilité
au titre du compte fiducie - IADM est également offerte aux pays pauvres
dont le revenu par habitant est inférieur ou égal à 380
dollars US.
* 20 L'indice de
performance de la Banque Mondiale est le CPIA (Country Policy and
Institutional Assessment), il permet de jauger le niveau de gouvernance d'un
pays.
* 21 Entre le point de
décision et le point d'achèvement, le montant nominal de la dette
extérieure a reculé à environ de 52% du PIB, compte tenu
d'un allégement de 900 millions d'euros du Club de Paris et de divers
concours intérimaires de la Banque Mondiale et du FMI.
* 22 Extrait du discours de
Niels Marquardt, (alors ambassadeur des Etats-Unis au Cameroun),
prononcé le 19 Janvier 2006 à Yaoundé.
* 23 Les experts
prévoyaient un taux de croissance annuel de 6 à 7 % entre 2004 et
2015 pour réduire le taux de pauvreté de moitié à
l'horizon 2015. Mais la croissance est passée de 4,2 % en 2002 à
4% en 2003, puis à 3,5 % en 2004 et 2,8 % en 2005. Voir
Cameroon Tribune N.9062/5261 du Jeudi 20 Mars 2008, pp
11-13.
* 24 Voir
Mutations du 8 Septembre 2004, « point
d'achèvement: la lettre du FMI au Cameroun » par Alain B.
Batongué.
* 25 Voir Mutations
du 9 Septembre 2004, « PPTE, FMI...le Cameroun a
échoué » par Alain B. Batongué
* 26 Les paiements
destinés aux projets PPTE jusqu'à la fin 2004 s'élevaient
au total à 61milliards de Fcfa. Un comité consultatif a
approuvé des projets susceptibles d'être financés sur
ressources PPTE pour un montant total de plus de 300 millions de Fcfa, mais des
retards dans l'allocation des projets approuvés aux ministères
maîtres d'oeuvre et la lourdeur des procédures administratives
maintiennent l'emploi des ressources à un faible niveau. Voir
« FMI, Cameroun: consultation de 2005 au titre de l'article IV et
programme de référence ». Rapport du FMI.
05/164, Mai 2005, p. 12
* 27 Ces conflits se
manifestent par des blocages dans la mise en oeuvre des réformes
structurelles; l'on explique ainsi le retard pris dans la privatisation de la
CAMAIR par le conflit entre le Ministère des Transports et le
Ministère des Finances ou encore l'absence de synergie entre le
Ministère des Finances et le Ministère des Affaires
économiques, de la programmation et de l'aménagement du
territoire. Voir A. B. Batongué, op.cit
* 28 Voir Richard Touna, in
dossier: « Cameroun-Fmi, politique de croissance: le Cameroun
renégocie l'usage des fonds PPTE »,29/09/2007. Online
http://www.cameroonlink.net/fr/dossiers.php
* 29 Voir online
http://:www.CAA.cm
* 30 Il arrive parfois que
le Cameroun dresse des rapports sur la situation macro-économique qui
n'ont rien à voir avec la réalité. Voir Mutations,
« le Cameroun a communiqué de fausses données au
Fmi... »
* 31 Voir Le
Messager, « Cameroun: le FMI a fini par reconnaître
son incompétence », le 11juillet 2008. Par Alexandre T.
Djimeli et Léopold Chendjou.
* 32 Le 25 février
2008, suite à une grève des transporteurs revendiquant la baisse
des prix du carburant, de violentes manifestations se sont produites
principalement à Yaoundé, Douala et Bamenda entraînant des
dizaines de victimes humaines et de nombreux dégâts
matériels.
* 33 Jugeant les mesures
gouvernementales de gel des prix de carburant et de relèvement des
salaires des fonctionnaires trop coûteuses, le FMI s'est entrepris
à négocier pour que le gouvernement revienne sur ses
décisions. Voir La Nouvelle expression, « programme
triennal: les contradictions du FMI »,16/06/2008.
* 34 Voir Le Messager
de mars 2004 et en ligne www.CAA.cm
* 35 Voir Cameroon
Tribune du Jeudi 11 Janvier 2007, p 7.
* 36 Voir Jean Merckaert,
« dette des pays du Sud » in Rapport dette et
développement 2005 - 2006.
* 37 Voir le
Messager, « lettre ouverte de Babissakana au président
de la République »
* 38 A l'occasion du passage
au Cameroun le 5 Mai 2005 de Mme Cindy L. Courville (Directeur du Conseil
National de Sécurité en charge de l'Afrique et conseillère
du président Bush), et plus tard de la secrétaire d'Etat adjointe
aux affaires africaines Jendayi Frazer, le Cameroun a sollicité par la
voix du président Biya le soutien des Etats-Unis lors de l'examen de son
dossier auprès de la Banque Mondiale et du FMI. Voir Le
Messager, « Cameroun: géostratégie; les
américains nient tout projet de base militaire au
Cameroun »,18/05/2005 cité par Alexis Nzogang in
Mémoire de DEA: « une lecture de la
coopération américano-camerounaise depuis 2001: contribution
à l'étude des dimensions pétrolières et
militaires », Université de Yaoundé II 2005-2006.
* 39 Voir chiffres
donnés par Jerry Kepes, directeur général de Petroleum
finance corporation dans sa communication au Center for strategic and
interntionl studies USA en de déc. 2002. in «
US-Africa security interest », senate Dirksen Building, 5 Déc.
2002
* 40 Ce sont les projections
de l'administration américaine par le biais du ministère de
l'énergie. Voir US Department of energy, energy information
Administration, international energy outlook, 2002.
* 41 Selon Jean Merckaert, les
emprunts effectués par les pays du Sud ont surtout servi à
rembourser les dettes initiales, voir à payer les
arriérés...Si les IFI se félicitent de la diminution
comptable du service de la dette, elles se gardent bien en revanche de mettre
l'accent sur les montants effectivement remboursés chaque année
par les PPTE » Voir Rapport Dette et Développement,
dette des pays du Sud, 2005-2006.
* 42 La mise en oeuvre de
ces conditionnalités a été accompagnée par
l'adoption de deux lois, la publication de deux décrets et une
décision afin de voir appliquer de manière effective le Droit
OHADA. Dans le cadre de la lutte contre la corruption, le Cameroun a
ratifié la convention sur la corruption en 2002 et le gouvernement a
mis en place un PNG avec la création de la CONAC et de la SNIF.
* 43 Cette clause stipule
que si on accorde des avantages à un pays, on doit également les
accorder à d'autres.
* 44 Déclaration de
Anne Marie Idrac, Secrétaire d'état français au commerce.
Voir le site d information du gouvernement- service du Premier ministre,
online actualité- Le Portail du gouvernement.htm
* 45 La Chine envisage
développer une coopération accrue en matière
économique et commerciale avec les pays africains ainsi que l'illustre
le Sommet Cino - africain de 2004 qui a servi de base au lancement de ce
projet.
* 46 Voir Sarah Anderson
,» boomerang :how Americans would benefit from cancellation of
impoverished country debts», working Paper, Institute for studies,
Washington Dc, mars 2006
* 47 Voir Dossier
Cameroun-FMI, « Pétrole : Bakassi intéresse
le FMI » in La Nouvelle Expression
20-09-2007. Par Valentin Siméon Zinga.
* 48 Voir Le journal de la
Finance Africaine, online http : www.lesafriques .com-Cameroun du
26-11-2008
* 49 Voir Le
jour, quotidien camerounais N. 0192 du lundi 23 juin 2008. Point de
presse du secrétaire d'Etat français à la
coopération et à la Francophonie, Alain Joyandet., Paris le 19
juin 2008
* 50 La France a
élaboré avec l'Allemagne une « feuille de
route » dont l'objectif est la gestion durable des ressources
forestières au Cameroun et dans le Bassin du Congo, à travers le
Programme Sectoriel Forêt et Environnement ; le PSFE camerounais
auquel la France apporte sa contribution à hauteur de 20millions d euro.
La France appuie par ailleurs depuis février 2005 la facilitation du
partenariat pour les forêts du Bassin du Congo.
* 51 Le chef de mission de
coopération, Pierre Jacquemot et le directeur de la Caisse
Française de Développement Dominique Dordain avaient
dissuadé le Cameroun de créer l' Office National du Bois
prévu par une loi du 20 Janvier 1994. Voir Lettre du 05-07-1994,
citée par Charles Yaho, « Exploitation forestière,
c'est la France qui décide » in La Nouvelle Expression
du 08-08-1995. Cet Office aurait permis de connaitre les chiffres d'affaires
exacts des grands groupes d'exploitants étrangers et d'assurer un
rapatriement conséquent des devises générées par
l'exploitation du bois camerounais. Voir à ce titre Valentin
Siméon Zinga, »le gouvernement veut liquider nos
forets » in Le Messager du 10-10-1994. Le passage à la
trappe de cette loi permet d'entretenir le flou sur les profits et la
surexploitation des forets ; sans doute que la France disposait d'un moyen
de pression non négligeable. Elle liait une remise de dette de 58
millions de FF à l'adoption d'une nouvelle législation
forestière jugée acceptable. Voir le Messager du
10-11-1994.
* 52 Ce sont les
régimes commerciaux préférentiels pour tous les produits,
exception faite des armes.
* 53 Voir François
Colin Nkoa, «Accord d'étape : entre le Cameroun et l'Union
Européenne : la raison du plus fort est la meilleure »
in Enjeux N 33, Octobre- décembre 2007. pp41 -
42.
* 54 Voir online E : /
entreprises chinoises au Cameroun. htm « les camerounais
apprécient les entreprises chinoises exerçant au
Cameroun » 03/12/2007.
* 55 Voir les données
de la Réserve Fédérale américaine et de la Banque
du Japon
* 56 Le FMI table sur une
croissance mondiale de 0,5`% en 2009. Voir rapport 2008 du FMI sur
l'état de l'économie mondiale en 2009.
* 57 Il faut remarquer que
toute la dette du Cameroun n'est pas annulée dans le cadre de
l'Initiative PPTE. Ce programme représente juste une mesure de souplesse
qui, mal gérée, peut conduire à un surendettement.
* 58 Voir Jeune
Afrique N 2502-2503 du 21 Décembre au 3 Janvier 2009
* 59 Voir rapport du
FMI sur le Cameroun in Mémorandum de Politique Economique et
Financière
* 60 Voir Babissakana,
(expert financier), interview in La nouvelle Expression N2254 du
Vendredi 27 Juin 2008 pp 2-3
* 61 Voir Babissakana,
«privatisation de la SONEL et crise d'énergie
électrique : sortir du modèle inopérant du FMI et de
la Banque Mondiale est un impératif pour le Cameroun », notes
d'analyse technique N 21-02, Prescriptor.
* 62 Voir site de la Caisse
Autonome d'Amortissement, online www.Caa.cm
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