Typologie des exploitations maraîchères au
Sud-Bénin
Assogba R. B., Adéoti R., Coulibaly O. et
Adégbidi A.
Résumé
La culture maraîchère en milieux urbain et
péri-urbain joue un rôle important au plan social et
économique dans la vie de la population béninoise. Ce secteur est
aujourd'hui en pleine extension. Cependant, l'offre en produits
maraîchers au Bénin en général, et dans les
principales villes en particulier, demeure largement au-dessous de la demande.
Pour comprendre l'offre des produits maraîchers au Sud-Bénin, la
présente étude s'est consacrée à identifier et
à caractériser les différents types d'exploitations
maraîchères au Sud-Bénin. L'étude s'est
déroulée dans deux zones agro-écologiques du
Bénin : la zone soudano-guinéenne sur des terres de barre et
la zone sableuse littorale et fluvio-lacustre. Un échantillon de 136
exploitations maraîchères choisies de manière
raisonnée a été enquêté dans les deux zones.
La méthode de classification hiérarchique basée sur
l'algorithme de ward, a permis de distinguer au Sud-Bénin, trois (3)
types d'exploitations maraîchères. Les critères
utilisés à cet effet sont : la superficie exploitée,
le site écologique, la main-d'oeuvre, le niveau d'équipement,
l'accès au crédit, les types de légumes produits,
l'encadrement, les méthodes de lutte contre les ravageurs etc. la
production des légumes au Sud-Bénin procède donc de trois
types d'exploitations maraîchères :
- type 1 : exploitations traditionnelles en
bas-fonds (Vallée de l'Ouémé, Grand Popo);
- type 2 : exploitations modernes en milieu intra-urbain
(Cotonou, Porto Novo);
- type 3 : exploitations modernes en zone littorale
(Grand Popo, Sèmè Kpodji).
Mots clés : Maraîchage,
typologie, Sud-Bénin
Typology of vegetable production systems in southern
Benin
Abstract
Vegetable production in urban area plays an important role at
the social and economic scheme in Benin. It is a sector in full extension in
urban environment in south Benin. It's appear today among the main dies
retained by the government as priority for the country. But vegetables
productions remain low and cannot cover the demands of peoples in the urban
areas in Benin. To understand the offer of vegetable, this study has devoted to
identify and characterize the various types of vegetable production system in
southern Benin. The study area has covered two major agroecological zones in
south Benin. Field survey data were collected from a total of 136 vegetable
producers selected across the two agroecological zones. Data were analysed
using descriptive statistics. The cluster of vegetable production system is
procedure Ward's Minimum Variance Cluster Analysis. Results show that there are
three (3) types of vegetable production system in South Benin, basing on
criteria such as: the operated area, the labour, the level of equipment, the
access to the credit, types of produced vegetables, the framing methods of
fight against pest, etc. There are:
- type 1: traditional farming system in shallows;
- type 2: modern farming system in urban area;
- type 3: modern farming system in sandy soil of the coast.
Keywords: Vegetables production, typology,
southern Benin
Introduction
En Afrique tropicale, la croissance rapide de la population
urbaine pose la question de l'approvisionnement alimentaire des villes
(Olanrewaju et al., 2004). Dès lors, l'agriculture urbaine et
périurbaine devient une option qui tente de répondre au
problème de l'amélioration de l'insécurité
alimentaire des citadins, face à la faiblesse des performances des
systèmes de production rurale (Tinker 1998, cité par Hounpkonou
2003). Bien qu'elle soit souvent réprouvée par les
autorités, l'agriculture urbaine est une réalité dans la
plupart des villes du Sud (Mougeot, 2006).
Au Bénin, le maraîchage apparaît
aujourd'hui comme une des principales composantes de l'agriculture urbaine et
péri-urbaine. En effet, Les cultures maraîchères sont
produites dans toutes les régions du Bénin surtout au Sud, en
zones urbaines et périurbaines et dans la vallée de
l'Ouémé (Adorgloh-Hessou, 2006). Il constitue une des
principales activités agricoles qui occupent particulièrement les
couches vulnérables de la population (Tokannou et Quenum, 2007).
Cependant, les productions maraîchères voient
leur développement freiné par de nombreuses contraintes aussi
bien techniques que socio-économiques qui entraînent, entre
autres, un approvisionnement irrégulier et insuffisant des zones de
consommation (Tiamiyou et Sodjinou, 2003). Des études
réalisées par Mbaye et Renson (1996), LARES (2001), Bard et
al. (2002) ont montré que l'offre en produits maraîchers
au Bénin en général et dans les principales villes en
particulier est largement au-dessous de la demande. Selon LARES (2001), les
volumes de pomme de terre commercialisés sur le marché de Cotonou
représentent environ 10 fois la production locale. Aussi, la demande
d'oignon sur le marché de Cotonou représente environ 120 % de
l'offre nationale tandis que pour la tomate, alors que la demande nationale
annuelle est de 105.000 tonnes, l'offre est estimée à 84.000
tonnes (LARES, op. cit.). Cette situation entraîne du coup une
dépendance du Bénin, durant certaines périodes de
l'année de l'approvisionnement en produits de grande consommation
(tomate, oignon, piment, etc.) et de moindre consommation (pomme de terre,
chou, etc.) à partir des pays de la sous-région (Ghana, Nigeria,
Niger...) malgré des conditions agro-climatiques favorables pour la
pratique de ces cultures (Tiamiyou et Sodjinou, op. cit.).
Face à cette situation, et vu que le maraîchage
figure aujourd'hui parmi les douze filières prioritaires
identifiées et retenues par le Gouvernement béninois dans le Plan
de Relance du Secteur Agricole et Rural (Tokannou et Quenum, 2007), on pourrait
faire l'hypothèse qu'avec un ensemble d'actions et d'investissements
appropriés à l'endroit des producteurs, ceux-ci pourront
accroître la production maraîchère de manière
à participer dans une plus large proportion à la satisfaction de
la demande nationale des produits maraîchers et soutenir une offre sur
les marchés voisins. Toutefois, l'élaboration d'une politique de
développement suffisamment adaptée aux besoins et
intérêts des maraîchers exige avant tout, une bonne
compréhension de la structure des unités de production, des
formes d'organisation...(Benniou et Brinis, 2004).
Pour comprendre l'offre des produits maraîchers au
Sud-Bénin et permettre une meilleure performance des politiques de
développement du secteur, la présente étude s'inscrit dans
une dynamique plutôt descriptive de l'environnement de production des
légumes. Elle vise, de façon spécifique à
réaliser une typologie des exploitations maraîchères au
Sud-Bénin.
Matériel et méthode
Zone d'étude
L'étude s'est déroulée dans deux zones
agro-écologiques du Bénin. Il s'agit de la zone
soudano-guinéenne sur des terres de barre (zone3) et de la zone sableuse
littorale et fluvio-lacustre (zone1), toutes situées dans le
Sud-Bénin. Cette zone est caractérisée dans son ensemble
par un climat de type subéquatorial à 4 saisons (deux saisons de
pluies et deux saisons sèches), une pluviométrie annuelle variant
de 1.000 à 1.400 mm et une période de croissance
végétale d'environ 240 jours/an. Les températures varient
peu (25 à 30 °C). Dans la zone soudano-guinéenne sur des
terres de barre, la forêt dense semi-décidue a laissé place
à une végétation anthropique de palmiers et de
graminées. Les sols sont ferrallitiques et appelés «terre de
barre». La zone sableuse littorale et fluvio-lacustre est
caractérisée par un relief uniforme et peu marqué. La
bande sableuse est une plaine alors que les vallées se présentent
sous forme de dépressions ouvertes ou encaissées. On y retrouve
des sols hydromorphes, fertiles mais inondables pendant les crues des fleuves,
et des sols sableux, peu fertiles. Les principales formations
végétales retrouvées dans cette zone sont la savane
herbeuse, le fourré arbustif et les prairies.
Au plan démographique, la densité de population
rurale par km² de terre cultivable est globalement élevée
(185 habitants/km² pour la zone soudano-guinéenne sur des terres de
barre, et 174 habitants/km² pour la zone sableuse littorale et
fluvio-lacustre) et indique une très forte pression démographique
sur les terres.
Echantillonnage
Trois grandes zones de production maraîchère ont
été distinguées au Sud-Bénin en se basant sur des
caractéristiques écologiques, édaphiques et climatiques
mais aussi les caractéristiques socio-économiques du milieu qui
intègrent la pression de l'urbanisation, les surfaces cultivées,
la disponibilité en eau et les infrastructures etc. (PADAP, 2003 ;
Adorgloh-Hessou, 2006 ; Assogba-Komlan et al, 2007). Il s'agit
de :
- la zone de bas-fonds qui regroupe la Vallée de
l'Ouémé représentée par les communes de Dangbo et
d'Adjohoun et la zone rurale de la commune de Grand Popo ;
- la zone côtière qui regroupe les communes de
Sèmè-Kpodji, de Ouidah et la partie sableuse de
Grand-Popo ;
- la zone intra-urbaine qui regroupe les villes de Cotonou et
de Porto-Novo.
Le choix des unités d'enquête a été
raisonné de façon à prendre en compte la diversité
des situations géographiques et des types d'exploitations. Trois
principaux critères ont présidé le choix des villages et
sites d'enquête : la zone de production, l'importance du
maraîchage au niveau des villages ou des sites, la distance et
l'accessibilité des villages ou des sites pendant la période
d'étude. Ainsi, les enquêtes ont été menées
dans les villages de Agonlin Lowé et Dannou dans la commune d'Adjohoun,
à Grand popo, Agoué et Gnito dans la commune de Grand popo, sur
le site du village maraîcher de Sèmè-Kpodji, sur le site de
Houéyiho à Cotonou et sur les sites de Sokomè et Acron
à Porto Novo. Par ailleurs le choix des exploitations
maraîchères a été dans un premier temps
raisonné de manière à prendre en compte la
diversité des systèmes de production. A cet effet, pendant la
phase d'enquêtes fines, une pré-typologie est
systématiquement élaborée au niveau de chaque site ou
village pour identifier les systèmes existants et estimer leur
importance relative. Cette pré-typologie se base sur des
critères qui paraissent plus discriminatoires tels que la superficie
exploitée, le niveau d'équipement des exploitations, l'age et le
sexe des maraîchers etc. A l'intérieur des catégories ainsi
identifiées, les exploitations sont choisies de façon
aléatoire.
Au total, 136 producteurs de légumes ont
été enquêtés dans les trois zones de production
sus-indiquées à raison de 45 dans la zone intra-urbaine, 45 dans
la zone de bas-fonds et 46 dans la zone côtière.
Analyses statistiques
Les notions de système de production et d'exploitation
agricole sont indissociables. Le système de production est l'outil de
base qui permet de décrire l'exploitation agricole et d'en comprendre le
fonctionnement (Adégbidi, 1994). Dans la présente étude,
l'exploitation maraîchère désigne une unité
économique dans laquelle le maraîcher réalise des
combinaisons plus ou moins complexes de productions et de facteurs de
production (terre, travail, Capital) en vue de produire des biens alimentaires
(légumes) destinés pour la plupart au marché et aussi
d'accroître son profit.
La typologie des exploitations maraîchères a pour
objectif de présenter des caractéristiques pertinentes pour
l'ensemble d'un groupe tout en tenant compte de la diversité des
situations entre plusieurs groupes. Un type désigne un ensemble
d'individus présentant des "distances" proches entre eux. La variance
inter-individus doit être la plus faible possible pour maximiser
l'homogénéité du groupe.
Pour réaliser la typologie des exploitations
maraîchères, l'identification des critères de
discrimination appropriés est un préalable. Ainsi, l'analyse
descriptive des données collectées nous a permis de retenir comme
critères de discrimination : la zone de production, la superficie
exploitée, la main-d'oeuvre disponible, le site écologique, le
régime foncier, le niveau d'équipement, la méthode de
protection des cultures contre les ravageurs et maladies, l'encadrement
technique, l'accès au crédit, et âge et le sexe des
maraîchers.
Les observations ont été regroupées suivant
l'algorithme de classification hiérarchique ascendante de Ward, à
l'aide du logiciel SAS.
Présentation de l'algorithme de Ward
Dans un nuage de n points, les distances interindividuelles
sont mesurées (calcul des distances selon une métrique), et on
détermine la plus petite d'entre elles (calcul du minimum). Ces deux
individus sont ensuite regroupés entre eux (calcul du barycentre) et les
distances interindividuelles sont recalculées sur n-2 individus plus 1
groupe, et ainsi de suite.
La distance utilisée dans l'algorithme est la suivante
:
- ² (x, y) s'appellent aussi indice de niveau et
mesure l'augmentation de l'inertie intra suite au regroupement des
éléments x et y
- x et y désignent les
centres de gravité de deux classes (qui, à une étape
donnée, peuvent ne comporter qu'un élément) et
mx, my la somme des poids des
éléments de chaque classe
Résultats :
Principales caractéristiques de
l'échantillon
La typologie s'est basée sur seize (16) variables
susceptibles de discriminer les exploitations maraîchères. Le
tableau 1 présente la description statistique de ces variables.
L'analyse du révèle une large disparité des exploitations
maraîchères. Les statistiques indiquent que seulement 30 % des
exploitations maraîchères au Sud-Bénin sont
gérées par les femmes. Ce résultat traduit une faible
participation des femmes à la production maraîchère dans la
zone d'étude. Cela pourrait être dû au désavantage
comparatif des femmes en ce qui concerne l'accès à la terre,
surtout dans un environnement caractérisé par une pénurie
foncière de plus en plus pressante du fait de l'urbanisation. Par
ailleurs l'âge moyen des maraîchers dans la zone d'étude est
de 44 ans avec un écart moyen de 12 ans et l'expérience moyenne
des maraîchers est de 17 ans.
En ce qui concerne les moyens de production, la superficie
moyenne exploitée par maraîcher est faible (0,42 ha) avec
écart-type de 0,54 ha, ce qui traduit une disparité plus ou moins
grande entre les exploitations. De plus la majorité des maraîchers
(65 %) exploitent la totalité de la superficie disponible. Ces
résultats traduisent la pénurie foncière qui
prévaut dans le Sud-Bénin. En ce qui concerne la main-d'oeuvre,
les exploitations maraîchères disposent en moyenne de 22,50
Equivalent-homme par ha. Cela traduit un gaspillage de la main-d'oeuvre au
niveau des exploitations. Ce résultat pourrait être lié
à la petitesse des exploitations surtout en zone intra-urbaine. Le
niveau d'équipement des exploitations est apprécié ici
à travers les équipements d'irrigation et de traitement
phytosanitaire. Ces équipements varient selon l'écologie du site
de production et la capacité de financement des maraîchers.
Cependant, l'arrosage manuel demeure la méthode d'irrigation la plus
répandue dans la zone d'étude et la plupart des maraîchers
traitent les cultures à l'aide de pulvérisateur.
En outre, les statistiques concernant les méthodes de
lutte contre les ravageurs et maladies des cultures montrent que la
quasi-totalité des maraîchers (95,6 %) utilisent des pesticides
chimiques tandis que seulement 25 % font usage des biopesticides. Ces
résultats remettent en cause la qualité des légumes
produits dans la zone d'étude, compte tenu des risques liés
à l'usage des pesticides chimiques.
Tableau 1 : Caractéristiques des exploitations
maraîchères
Variables / Modalités
|
Moyennes / Fréquences
|
Ecarts types
|
Age du maraîcher
|
43,6691
|
11,6320
|
Experience du maraîcher
|
16,6397
|
12,1257
|
Sexe du maraîcher
|
0,6985
|
0,4606
|
|
Femme (%)
|
30,1
|
|
Homme (%)
|
69,9
|
|
Usage de fertilisants minéraux
|
-
|
-
|
|
Non (%)
|
28,7
|
|
Oui (%)
|
71,3
|
|
Usage de pesticides chimiques
|
-
|
-
|
|
Non (%)
|
4,4
|
|
Oui (%)
|
95,6
|
|
Usage de biopesticides
|
-
|
-
|
|
Non (%)
|
75
|
|
Oui (%)
|
25
|
|
Superficie exploitée
|
0,4231
|
0,5399
|
Rapport superficie exploitée/ disponible
|
0,7661
|
0,3455
|
|
Inférieur à 1 (%)
|
34,6
|
|
Egal à 1 (%)
|
65,4
|
|
Site écologique
|
-
|
-
|
|
Sol sableux (%)
|
51,5
|
|
Bas-fonds (%)
|
48,5
|
|
Régime foncier
|
-
|
-
|
|
Achat (%)
|
18,4
|
|
Héritage (%)
|
16,9
|
|
Emprunt (%)
|
42,6
|
|
Location (%)
|
21,3
|
|
Don (%)
|
0,7
|
|
Equivalent - homme / ha
|
22,4992
|
46,3165
|
Contact avec le CeRPA
|
-
|
-
|
|
Non (%)
|
19,9
|
|
Oui (%)
|
80,1
|
|
Accès au crédit
|
-
|
-
|
|
Non (%)
|
75
|
|
Oui (%)
|
25
|
|
Legume exotique
|
-
|
-
|
|
Non (%)
|
39
|
|
Oui (%)
|
61
|
|
Equipment d'irrigation
|
-
|
-
|
|
Bassine / boite trouée (%)
|
31,6
|
|
Arrosoir manuel (%)
|
35,3
|
|
Pompe + arrosoir (%)
|
5,9
|
|
Pompe + raccord (%)
|
21,3
|
|
Pompe + asperseurs (%)
|
5,9
|
|
Equipement de traitement
|
-
|
-
|
|
Spathe/ branchage (%)
|
33,1
|
|
Arrosoir (%)
|
23,5
|
|
P Pulvérisateur (%)
|
43,4
|
|
Topologie des exploitations maraîchères
L'analyse du dendrogramme
présenté la figure 1 permet de remarquer que le regroupement des
exploitations maraîchères en trois (3) catégories est plus
satisfaisant. La valeur de R²1(*) correspondant est de 0,42, ce qui signifie que 42 %
des informations relatives aux exploitations maraîchères sont
conservées après ce regroupement. Cette valeur de R² offre
une meilleure homogénéité à l'intérieur des
classes et permet de dégager les grandes tendances quant à la
description des trois catégories d'exploitations
maraîchères distinguées au Sud-Bénin.
Figure1 : Dendrogramme relatif au regroupement des
exploitations maraîchères
Le tableau 2 présente la description des trois types
d'exploitations maraîchères identifiés. Nous distinguons
à cet effet :
- Type 1 : Exploitations traditionnelles en
bas-fonds ;
- Type 2 : Exploitations modernes2(*) en milieu intra-urbain ;
- Type 3 : Exploitations modernes en zone littorale.
Les cultures maraîchères sont produites sur deux
types de sol au Sud-Bénin. Alors que les exploitations du type 1
exploitent les bas-fonds, celles du type 3 installent les cultures
maraîchères sur sable. En ce qui concerne le type 2, il regroupe
aussi bien des exploitations installées sur sable (comme par exemple
à Cotonou) qu'en bas-fonds (Porto Novo). La superficie exploitée
par exploitation est très variable d'un type à un autre. Les plus
grandes exploitations appartiennent au type 3 (0,73 ha en moyenne) qui
correspond à la zone côtière (Grand Popo,
Sèmè Kpodji) tandis que le type 2 correspondant à zone
intra-urbaine (Cotonou et Porto Novo) regroupe les plus petites exploitations
(en moyenne 8,53E-02 ha). Ce résultat traduit l'effet de la pression
foncière qui est plus forte en milieux intra-urbains. Au niveau des
exploitations des types 2 et 3, la superficie disponible est entièrement
exploitée, et de façon permanente pour la production des
légumes locaux et exotiques. Par contre, au niveau du type 1, une faible
proportion des bas-fonds (environ 36 % des superficies disponibles) est
exploitée de façon saisonnière pour la production des
légumes locaux. En ce qui concerne les modes de faire-valoir, ils sont
indirects au niveau des exploitations des types 2 et 3 (emprunt, location),
tandis que les exploitations du type 1 sont sous des modes de faire-valoir
direct (achat et héritage). Il ressort de ces résultats,
qu'au-delà de la pénurie foncière que connaissent les
exploitations du type 2 et dans une moindre mesure celles du type 3, ces deux
types sont confrontés au problème d'insécurité
foncière. Ces facteurs constituent de sérieux obstacles pour la
production maraîchère en milieux intra-urbain et
péri-urbain.
Par ailleurs, l'analyse de la main-d'oeuvre disponible sur les
exploitations révèle que les exploitations du type 2
sous-exploitent le potentiel disponible en ce qui concerne la force de travail
humaine. Elles disposent d'environ 44,49 Equivalents-homme par hectare,
contrairement aux autres types d'exploitations qui investissent
généralement moins de 10 de Equivalents-homme par hectare. Ce
résultat pourrait être expliqué par la petitesse des
exploitations maraîchères en milieu intra-urbain.
En ce qui concerne le niveau d'équipement, les
exploitations des types 2 et 3, présentent un niveau d'équipement
assez appréciable. Elles disposent d'une grande diversité
d'équipements d'irrigation : arrosoir manuel + puits (Cotonou et
Porto Novo), motopompes + bassins+ arrosoir manuel, motopompe + raccords
flexibles, motopompe + asperseurs (Sèmè-Kpodji Grand Popo). Les
traitements phytosanitaires se font à l'aide de pulvérisateurs.
Ainsi, les exploitations du type 2 et surtout celles du types 3 justifient d'un
niveau appréciable d'investissement en capital. Par contre, les
exploitations du type 1 présentent par contre un niveau
d'équipement très faible. Les équipements de production de
ces exploitations se réduisent au petit outillage, concomitamment
utilisé pour la production céréalière pendant la
saison des pluies. Les cultures sont rarement arrosées, et on utilise
à cet effet des méthodes rudimentaires (bassines et boîtes
trouées). Il en est de même pour les traitements phytosanitaires
qui se font à l'aide de bassines associées à des spaths de
maïs. Le faible niveau du capital des exploitations du type 1 traduit le
caractère extensif des systèmes de production mis en place,
contrairement aux types 2 et 3 qui développent des systèmes plus
ou moins intensifs avec des moyens plus ou moins modernes.
Le degré d'encadrement des exploitations
maraîchères est très variable d'un type à un autre.
Alors que les exploitations des types 2 et 3 jouissent d'un bon encadrement de
la part du CeRPA, des ONG et de divers projets (visites mensuelles ou
hebdomadaires des agents chargées du suivi des producteurs, formations
techniques, etc.), celles du type 1 bénéficient à peine du
suivi des agents de ces structures.
En ce qui concerne l'accès au crédit agricole,
l'analyse du tableau révèle que contrairement aux exploitations
du type 3 qui bénéficient à plus de 50 % des
crédits agricoles, moins de 20 % des exploitations des types 1 et 2
bénéficient de l'appui des institutions de micro-finances. Ces
résultats qui traduisent la facilité relative des exploitations
du type 3 à accéder au crédit agricole pourraient
s'expliquer par la méfiance des structures de crédit
vis-à-vis des exploitations des types 1 et 2 dont l'envergure ne
garantie pas la solvabilité.
En matière de lutte contre les ravageurs des cultures,
les pesticides chimiques sont plus utilisés au niveau de toutes les
exploitations maraîchères au Sud-Bénin. Il s'agit aussi
bien des produit chimiques recommandés pour les cultures
maraîchères (Decis, Cypercal, Kini-kini, Topsin M, Talstar, etc.)
que des pesticides chimiques destinés au coton (endosulfan, lindane,
endrine, aldrine, etc.). Quant aux biopesticides, ils ne sont utilisés
que de façon marginale au niveau des exploitations des types 1 et 2.
Par rapport aux caractéristiques personnelles des
maraîchers, il importe de remarquer que pour tous les types
d'exploitations identifiés, les hommes sont majoritaires. Cela implique
que les femmes contribuent peu à la production maraîchère
au Sud-Bénin.
Tableau2 : Caractéristiques des différents
types d'exploitations maraîchères au Sud-Bénin
Critères de classification
|
Type1 : Exploitations traditionnelles en
bas-fonds N= 47
|
Type2 : Exploitations modernes en milieu
intra-urbain N= 52
|
Type3 : Exploitations modernes en zone
littorale N= 37
|
Site écologique
|
Bas-fonds
|
Sable ou bas-fonds
|
Sable
|
Superficie moyenne exploitée
|
0,55 ha (+/- 0,53)
|
8,53E-02 ha (+/- 0.13)
|
0,73 ha (+/- 0,66)
|
Rapport sup expl/sup dispo
|
0,36
|
0,99
|
0,96
|
Régimes fonciers (dominants)
|
Achat, héritage (modes directs)
|
Emprunt (mode indirect)
|
Location (mode indirect)
|
Main-d'oeuvre
|
8,24 (+/- 8,64)Equiv-homme3(*) / ha
|
44,49 (+/-68,99) Equiv-homme/ ha
|
9,71 (+/- 8,57) Equiv-homme / ha
|
Niveau d'équipement
|
- Arrosage par bassine ou boite
- Traitement par spathe/ branchage
|
- Irrigation par arrosoir manuel
- Traitement par pulvérisateur
|
- Irrigation par motopompe
- traitement par pulvérisateur
|
Types de légumes
|
Légumes locaux
|
Légumes locaux et exotiques
|
Légumes locaux et exotiques
|
Encadrement des maraîchers
|
Faible (visites occasionnelles)
|
Acceptable (visites mensuelles)
|
Acceptable (visites mensuelles)
|
Accès au crédit agricole
|
Faible (moins de 20 %)
|
Faible (moins de 20 %)
|
Elevé (plus de 50 %)
|
Mode de fertilisation du sol
|
Aucun
|
Fertilisation minérale et organique
|
Fertilisation minérale et organique
|
Méthodes de lutte contre les ravageurs et maladies
|
Pesticides chimiques et parfois extraits aqueux botaniques
|
Pesticides chimiques et parfois des biopesticides
|
Pesticides chimique et
|
Age moyen des maraîchers
|
43 ans (+/-11ans)
|
45 ans (+/- 13 ans)
|
43 ans (+/- 10 ans)
|
Sexe (dominant)
|
Masculin
|
Masculin
|
Masculin
|
Expérience (moyenne)
|
19 ans (+/- 11 ans)
|
21 ans (+/- 13 ans)
|
7 ans (+/- 6ans)
|
Localisation des exploitations
|
Vallée de l'Ouémé, Grand Popo
|
Cotonou, Porto Novo
|
Sèmè Kpodji, Grand Popo
|
Conclusion
Le maraîchage au Sud-Bénin constitue un secteur
essentiel de l'économie. Il joue un rôle très important au
sein de la population. Les légumes sont produits aussi bien dans les
bas-fonds que sur les sols sableux du littoral, en milieux intra-urbains,
péri-urbains et ruraux. Sur les différentes exploitations, se
développent des systèmes de production variés, allant des
systèmes extensifs en bas-fonds (vallée de
l'Ouémé), aux systèmes plus ou moins intensifs sur sable
(Cotonou, Sèmè-Kpodji, Grand Popo).
Au terme de cette étude, il ressort qu'il existe une
diversité d'exploitations maraîchères au Sud-Bénin.
En effet, la typologie des exploitations maraîchères basée
sur le principe de la classification hiérarchique a
révélé trois (3) catégories qui se discriminent par
des critères tels que le site écologique de production, la
superficie exploitée, la main-d'oeuvre disponible, le niveau
d'équipement, les types de légumes produits, l'encadrement,
l'accès au crédit, les méthodes de lutte contre les
ravageurs, etc. Il s'agit des:
- exploitations traditionnelles en bas-fonds (type
1);
- exploitations modernes en milieu intra-urbain (type
2);
- exploitations modernes en zone littorale (type 3).
La présente étude qui a permis d'identifier et
de caractériser les différents types d'exploitations
maraîchères au Sud-Bénin contribuera à coup
sûr, à une meilleure compréhension de l'offre des produits
maraîchers et par suite, à l'élaboration de politiques plus
efficaces pour l'émergence du secteur maraîcher au Bénin
* 1 R² correspond au
rapport entre la somme des carrés des écarts de la partition et
la somme des carrés des écarts du tableau initial. Elle
représente la quantité d'informations retenues après le
regroupement des exploitations.
* 2 Le caractère moderne
ou traditionnel des l'exploitations est lié au niveau d'investissement
dans la production. Il est apprécié ici à travers le
niveau d'équipement qui est un élément essentiel du
système de production.
* 3 Equivalent - homme :
C'est la quantité de travail que peut réaliser un homme adulte de
référence en une journée.