Les problèmes de la paix dans la corne de l'afrique( Télécharger le fichier original )par Sagefils Katumba N'senga Université de Lubumbashi - Licence 2008 |
Section Troisième : MERITES ET LIMITES DE LA RESTAURATION DE LA PAIXDans cette section, il convient de ressortir les mérites et limites de l'implication de la communauté internationale ; et ceux des accords conclus. IV.3.1. Les mérites de la restauration de la paixL'implication de la communauté internationale et les accords conclus en vue de restaurer la paix dans la Corne de l'Afrique, malgré les incertitudes, constituent sans aucun doute une avancée significative dans le processus visant à restaurer l'entente entre les ex-belligérants. Ces progrès n'ont pu être réalisés que grâce au concours des Nations Unies apportant leur caution internationale. Avec la paix entretenue entre l'Ethiopie et l'Erythrée, l'ONU trouve ici l'occasion de redorer son blason et de célébrer la réussite d'une action de coopération avec une organisation régionale130(*). L'arrivée, le déploiement des soldats de l'Opération des Nations Unies en Somalie (ONUSOM) et la création de l' AMISOM ont contribué à réduire l'ampleur de la guerre ouverte entre les clans et de l'exode de réfugiés dans le Sud de la Somalie. Pour l'Union Africaine, c'est l'aboutissement des nombreuses consultations politico-diplomatiques, pour convaincre les « frères ennemis » de s'asseoir autour d'une table et trouver une issue à leur aventure suicidaire. En obtenant les signatures d'Accords de paix mettant fin aux conflits, l'Organisation africaine a réussi une sorte de prouesse. En effet, cela faisait bien longtemps qu'elle déployait inlassablement des efforts pour éteindre les nombreux incendies sur le théâtre continental. Pour les Nations Unies, le voeux du Secrétaire Général semblait en partie de voir à terme les conflits en Afrique se terminer, sinon de réduire en suscitant chez les africains comme chez les non africains la volonté d'agir lorsque l'action est de toute évidence nécessaire. IL s'agissait pour les nations unies d'apporter leur caution aux efforts de paix et faciliter l'application des accords, de répondre aux souhaits des Etats en collaboration avec l'OUA, en mettant en oeuvre une opération de maintien de la paix. Les mérites de la restauration de la paix étant examinés, examinons-en les limites, au paragraphe suivant. IV.3.2. Les limites de la restauration de la paixSix ans après la signature par l'Ethiopie et l'Erythrée de l'accord d'Alger, qui a mis fin au conflit frontalier sanglant qui les a opposé de 1998 à 2000, ces deux nations de la corne de l'Afrique restent bloquées dans une impasse apparemment sans issue. L'Ethiopie continue à faire obstruction à la mise en oeuvre de la décision de la commission frontalière indépendante, qui a attribué la ville de Badmé à l'Erythrée131(*). De son côté, l'Erythrée considère la présence continue des troupes éthiopiennes sur un territoire qui lui a été attribué par ladite décision comme une violation de sa souveraineté, à laquelle la mission des Nations Unies en Ethiopie et en Erythrée (MINUEE) collaborent involontairement. A la fin de l'année 2005, frustré par la réticence de la communauté internationale à appliquer la pression suffisante sur l'Ethiopie pour que celle-ci accepte la décision de la commission frontalière, l'Erythrée a restreint les opérations des casques bleus de l'ONU le long de sa frontière avec l'Ethiopie et expulsé le personnel de la MINUEE appartenant à certains pays en violation d'une série des résolutions du Conseil de Sécurité de l'ONU. Les deux parties ont gêné les efforts de la communauté Internationale pour résoudre ces litiges et les tensions restent fortes à la frontière. En Mai 2006, les effectifs de la MINUEE ont été réduits suite à l'inaction des deux pays. Malgré la bonne volonté réaffirmée par toutes les parties, la phase de bornage de la frontière s'éternise, en partie à cause des demandes répétées de l'Ethiopie. Cette dernière a encore exprimées regrets quant à la récente décision de la commission du tracé de la frontière entre les deux pays, de rejeter ses réclamations. Au-delà des interrogations, des non-dits du conflit et de façon générale de l'avenir final de l'Accord d'Alger, il faut noter qu'il continue de tenir malgré les aléas. Ces derniers semblent néanmoins se multiplier et la guerre menace de reprendre entre l'Ethiopie et l'Erythrée. Les indices en ce sens se multiplient. La tension se cristallise toujours sur la localité de Badmé, bourgade charnière entre les deux pays que la commission d'arbitrage a attribué à Asmara et qu'Addis-Abeba refuse toujours d'abandonner. Si la question de la délimitation a été dans l'ensemble bien menée, celle concernant la démarcation reste toujours bloquée par le refus éthiopien de renoncer à Badmé perçu comme un symbole national132(*). Devant cette situation, l'ONU faute de prendre une sanction pour faire appliquer la décision sur la ville objet de convoitise, s'est borné à prolonger jusqu'au 15 Mars 2004, le mandat de la MINUEE par la résolution 1507 en date du 12 Septembre 2003. Suite à cette résolution, l'ONU a nommé un nouveau Médiateur en la personne de l'ancien Ministre canadien des Affaires Etrangères, Mr. Lloyd AXWORTHY. Cette nomination, qui semblait s'inscrire dans la volonté de relancer le processus de négociation, est perçue différemment par les deux parties. En effet, si Addis-Abeba accueille favorablement celle-ci, Asmara fait part de ses réticences, voyant dans cette décision, la volonté de réclamer un mécanisme de démarcation de la frontière. Les tensions sur le terrain sont encore accrues par les entraves à la liberté des manoeuvres de la MINUEE dans les régions soumises à autorisation de l'Erythrée, entraves vainement dénoncées par le Conseil de Sécurité. L'Accord de paix d'Alger semblait être une victoire à inscrire au crédit de l'Afrique qui a su une fois n'est pas coutume, établir et maintenir la paix, fut-elle précaire, sur le continant, aidé en cela par l'ONU dont la compétence en matière de rétablissement de la paix, semblait remise en cause en Afrique. Les deux organisations avec toutes les réserves qui s'imposent trouvent un regain de crédibilité dans un domaine sensible de leur responsabilité. Quant à la Somalie, on s'entend généralement à penser que les interventions de l'ONU se sont soldées par un échec, qu'elles se soient déroulées sous le commandement direct de l'ONU (ONUSOM I et II) ou sous celui des États-Unis opérant en conformité avec des résolutions de l'ONU (United Task Force-unitaf)133(*). Hirsch et Oakley considèrent que la Somalie a constitué pour les opérations sous la responsabilité médiate de l'ONU, « un Pays-laboratoire pour l'application des nouvelles théories en matière de maintient de la paix »134(*). A l'égard du recours à la force, l'action de l'ONU en somalie traverse le spectre entier des options disponibles à cette Organisation Internationale : a. L'opération ONUSOM I a reposé, bien que de façon ambiguë, sur le chapitre VI de la Charte des Nation Unies qui concerne le règlement pacifique des conflits ; b. L'UNITAF fut autorisé en vertu du chapitre VII de la charte, diversement interprété par les États-Unis (recours essentiellement défensif à la force armée) et les plus hautes instances de l'ONU (recours plus libre à la force) ; c. L'opération ONUSOM II fut également fondée sur ce même chapitre VII, interprété cette fois de façon plus offensive quant au recours à la force armée. L'ONUSOM I s'en remit pour l'essentiel aux moyens traditionnel de la diplomatie et fut critiquée par son impuissance. L'UNITAF tenta de préserver un équilibre précaire entre le maintien et imposition de la paix ; son action fut marquée par un certain nombre des violations très sérieuses de droits de la personne, de la part en particulier des contingents Belge et Canadien. L'ONUSOM II fut caractérisé par son usage intempérant de la force armée et il en résulta une guerre en règle entre les forces de l'ONU et les factions somaliennes. L'un des principaux problèmes que pose la somme de ces opérations diverses, est celui de la possibilité de recourir de façon normalisée (régie par des règles explicites et contraignantes) à l'usage de la force dans une situation de conflit. Ce problème n'a pas été résolu lors des opérations en Somalie, qui ont dérivé d'une diplomatie plus tardive vers un affrontement indûment précipité. Malgré son implication, par la médiation notamment dans les conflits en Somalie, les efforts de l'IGAD sont moins développés que ceux de la CEDEAO ou de la SADC par exemple en matière de mécanismes institutionnels de coopération pour la paix et la sécurité ou d'éventuelles interventions militaires. Son potentiel reste très négligeable. Apres les mérites et les limites de la restauration de la paix dans la corne de l'Afrique, il convient, dans le paragraphe suivant, de dégager les perspectives. * 130 BRODEUR, J., Art.cit., pp.44-46. * 131 http://www.lesnouvelles.org : Ethiopie-Erythrée, une guerre absurde. * 132 http://www.lesnouvelles.org :Op.cit. * 133 BRODEUR, J., Art.cit., pp.50-51. * 134 HIRSCH, J.L. et OAKLEY, R.B., cités par Brodeur, Art.cit., p.51. |
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