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U. F. R Langues, Lettres et Sciences Humaines.
Département de philosophie.
Mémoire de Master1 `'Philosophie et
épistémologie''.
LES INSTITUTIONS DEMOCRATIQUES
*******
Mémoire présenté
par :
Hakim BATTOU
Sous la direction du professeur :
Christian GODIN
*******
2008-2009.
SOMMAIRE
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INTRODUCTION ...................................................................................................p3
I-PREMIERE PARTIE :
L'INSTITUTION.........................................................p5
A) -Les conceptions de
l'institution .........................................................................p5
B) -Les définitions de l'institution :
.........................................................................p7
B1-En
sociologie............................................................................................p7
B2-En
politique.............................................................................................p8
B3-En
anthropologie.......................................................................................p12
Quelle réflexion sur les
institutions...........................................................................................p15
Quelles institutions caractérisent une cité
démocratique
...............................................p18
1-3 L'exemple
athénien.........................................................................................p19
1-3 1Structure et synergie des institutions politiques de la
cité
.................................................P22
Représentation et sens des
pouvoirs.....................................................................p24
1I-DEUXIEME PARTIE: Les limites de la démocratie
athénienne et l'avènement
de la démocratie
moderne ....................................................................p37
1-1Vers la démocratie
représentative....................................................................p40
1-2 Les principes
démocratiques...............................................................................p43
1-3 Caractéristiques et
éléments...................................................................................p43
1-4 L'institution et la volonté
générale............................................................................p46
CONCLUSION...................................................................................................p51
Bibliographie............................................................................................p57
Annexes..................................................................................................p58
Table des
matières......................................................................................p61
CHAPITRE 1
INTRODUCTION
Il va de soi qu'une société ne peut exister sans
institutions ; c'est-à-dire sans structures, sans organisation et sans
règles de conduite. Cette affirmation est vraie pour tout type de
société fût-ce dans les groupements d'individus dont le
mode de vie est qualifié de primitif. C'est aussi le cas des
sociétés à caractère traditionnel, basées
sur un mode de vie qui leur est propre, ou dans des formes institutionnelles
qui constituent des normes pour tous les individus qui s'y soumettent.
D'une manière générale, les institutions
sont étroitement liées à la culture, et elles sont donc
coextensives à l'humanité. Toutes les institutions se
présentent - c'est d'ailleurs leur caractère le plus marquant -
comme des systèmes de règles contingentes assorties
d'interdits : de ce point de vue, toute institution peut être tenue
pour source d'inégalités et de conflits qu'elle est censée
soit nier, soit résoudre. Cependant, comme il est possible d'insister
sur la fonction normative et régulatrice, et par là même
foncièrement humaniste de certaines de nos institutions, l'État
de droit peut être considéré comme une structure dont la
formation est de protéger la liberté de tous et de
prévenir toute forme de tyrannie.
Le but du présent propos n'est pas d'analyser le
rapport entre l'exigence démocratique et l'organisation des institutions
de tel ou tel État en particulier, mais de comprendre la relation entre
l'enjeu politique qu'est la démocratie et le phénomène que
désigne la notion d'institution d'une manière
générale. Pour être plus précis, il convient
d'indiquer que la présente réflexion a une vocation universelle,
que sa portée ne doit pas s'apprécier à travers
l'éclairage exclusif de la situation d'un pays ou même d'un
continent.
Il fut un temps
où
la simple évocation de principes universels en politique provoquait
d'âpres controverses car chaque pays, voire chaque continent, se
réclame de sa propre légitimité démocratique ;
l'universalité de la pensée politique n'apparaît plus comme
un voeu pieux de philosophie mais comme une réalité historique
constitutive de l'expérience humaine.
Ceci pour dire que l'interprétation des
sociétés ne se révèle pas seulement au savant, elle
devient accessible au commun des mortels, à travers le fait que le
régime démocratique s'imposerait à tous les continents.
Comme l'expérience démocratique relève désormais du
`' domaine public international `', dont il est possible de se
préoccuper sans être soupçonné de prendre parti pour
telle ou telle culture, c'est à partir de cette réflexion qu'on
pose la problématique de savoir si l'instauration de la
démocratie exige des institutions justes a priori, la réponse
semble aller de soi, mais ce ne serait pas le cas si l'on posait la question de
la manière la plus concrète à savoir l'existence
d'institutions suffit-elle à l'accomplissement de l'idéal
démocratique ?
Pour pouvoir répondre à cette
question, il est nécessaire avant tout de définir la notion
d'institution qui désigne une structure d'organisation
érigée par des règles qui sont organisées pour
l'usage quotidien; à savoir la définition d'un cadre
organisationnel à tous les niveaux de la société et pour
toutes les personnes qui y habitent, à titre indicatif : faire
régner selon les situations les conjonctures comme par exemple, savoir
faire bénéficier les individus et ce, en légiférant
des lois dans le but de la meilleure gestion et de prise en charge des
difficultés de tout genre des citoyens.
Les équipes institutionnelles regroupent des
intervenants de statuts, de rôles, et de fonctions très divers ;
les institutions constituent un des éléments essentiels du tissu
social et de ses réponses aux dits besoins, et aux difficultés de
tous ordres. Dans ce contexte, nous parlons d'institutions à propos de
chaque secteur d'activité sociale que nous utilisons pour
désigner les structures organisées qui maintiennent un
état social. De plus, cette idée de maintien est
caractérisée par le jaillissement d'une manifestation
créatrice et organisatrice de la volonté humaine, dans le sens
que chaque système d'organisation humain a une création qui lui
est propre. Cela dit, cet état social maintenu désigne les
structures et les représentations relativement stables à chaque
fonction attribuée que l'on peut considérer comme des
systèmes de référence pour le comportement social. On note
par ailleurs que le rapport aux institutions présuppose un processus de
socialisation, car dans une unité qu'on appelle état social qui
se traduit par une microsociété 1(*) et que représente une institution, se trouvent
réunis des individus de tout bord ; par conséquent
l'unité dont on parle acquiert de l'importance pour chacun des individus
dans la mesure où cette unité collective peut être
l'écho d'une unité individuelle ; une référence
à laquelle on offre d'ailleurs tout son sens.
Compte tenu de cette brève introduction, je voudrais
en premier lieu dans ce présent travail faire la lumière, au
mieux mettre au jour les lignes de force de la notion d'institution, qui me
semble aussi ambigüe que complexe. Ensuite, dans la deuxième partie
de ma recherche, essayer de montrer combien l'idéal démocratique
joue un rôle déterminant pour construire un cadre institutionnel
fiable d`un État; et enfin avoir le souhait de conclure par une note
d'optimisme, à savoir d'avoir le souci du sens du bien commun dans
toutes ses expressions.
I.PREMIERE
PARTIE : L'INSTITUTION
A)- LES CONCEPTIONS DE L'INSTITUTIONS
La quasi-majorité des institutions d'un
État donné est soumise aux règles de fonctionnement
définies par le législateur ; il n'en demeure pas moins vrai que
chaque institution ne peut se fier qu'à ses modes d'emploi
propres ; c'est précisément à cet égard qu'on
trouve des courants qui traversent et donnent des significations et attribuent
des rôles complètement divergents ; et ces manières de
penser dont on parlait se résument à deux courants qui
tournent autour de l'institutionnalisation. En premier lieu, on trouve le
courant néo-institutionnaliste de March et Olsen. Ces deux auteurs
insèrent l'institution sur une marge d'autonomie de leur environnement
social. Puis ils insistent sur le rôle d'institution c&omme
« un ensemble de procédures et de standards qui
définissent et défendent des valeurs, des normes, des
institutions, des identités et des croyances »*. Ils ont
appliqué cette théorie à la Commission européenne.
Les institutions sont beaucoup plus des tableaux de négociation ou des
arènes de conflit mais engendrent des craintes institutionnelles qui
vont déterminer le comportement des acteurs. Le
néo-institutionnalisme est en rupture avec le modèle
« behavioriste » qui voit dans les institutions le pendant
des déterminants sociaux (régulation sociale, conflit, luttes
sociales). Le behaviorisme est un courant de pensée qui est né
dans les années 1910 en psychologie et qui se marque par l'étude
scientifique expérimentale du comportement des individus sans tenir
compte de leurs intentions. Selon les néo-institutionnalistes, les
institutions ont une autonomie qui les sépare de leur environnement
social. Toujours selon G. March et Johan Olsen, qui font figure de pionniers
dans ce mouvement vers la découverte des institutions, ils font la
promotion d'une approche mettant au centre le rôle des structures
institutionnelles dans la régulation- et la reproduction- des rapports
économiques et sociaux(2). Elles peuvent développer des
procédures pour engendrer leurs normes. Une critique que l'on peut faire
à propos du néo- institutionnalisme, c'est son
désintérêt pour la pratique des acteurs au sein des
institutions ou de l'usage de l'institution par les acteurs. L'approche
constructiviste des institutions de Berger Peter et Luckman Thomas
« la construction sociale de la réalité » (3)
; l'importance de cet ouvrage réside dans le fait qu'il part du principe
que la vie quotidienne est une réalité observable et du coup
soumise à une interprétation, voire à une construction.
Les deux auteurs disent que dès que nous nous servons de codes
explicatifs indispensables à la compréhension des modes qui nous
entourent. Et il en est ainsi que la réalité a un
caractère intentionnel ; celui-ci étant relatif aux aspirations
d'une organisation sociale, ils ajoutent en disant : - « l'ordre
des choses de la réalité est produite par l'activité
humaine » (4) à l'image du langage « quand dire
c'est faire », un acte du langage qui parvient à produire une
action par un processus d'institutionnalisation. L'institution est un processus
général différent de celui des
néo-institutionnalistes ; les défenseurs de ce courant
insèrent l'institution sur une marge d'autonomie par rapport à
leur environnement social et par conséquent, trois étapes
traverse le dit courant : on trouve le processus d'extériorisation,
celui d'intériorisation et celui de l'objectivisation
-L'extériorisation est un processus qui fait que l'institution se
détache des individus qui ont été à son
origine.-L'objectivisation est un processus dans lequel les institutions
acquièrent une réalité objective ou se
détachent des individus du groupe. Quant à
l'intériorisation, c'est un processus qui voit les institutions
incorporées au vécu de chacun, intériorisées aux
individus. Au travers cet éclairage du courant suscité,( le
processus d'institutionnalisation), l'accent est mis sur les acteurs de
l'institution, sur les usages qu'ils font de l'institution en sachant que ces
acteurs sont intéressés à la définition de
rôle de pouvoir et d'autorité; à cet égard, la
notion de rôle et de pouvoir nous interpelle en se demandant comment
s'organise et se distribue le pouvoir. Il est à signaler par ailleurs
que l'adoption d'une approche assez sociologique est celle d'un sociologue
français : Pierre Bourdieu, avec la notion de champ qui permet de
comprendre la distinction des positions au sein d'un espace social. Il entend
souligner que la capacité des agents, en position de domination,
à imposer leurs productions culturelles et symboliques joue un
rôle essentiel dans la reproduction des rapports sociaux de domination.
Ce que Pierre Bourdieu* nomme la violence symbolique. Elle est définit
comme la capacité à faire méconnaître l'arbitraire
de ces productions symboliques, et donc à les faire reconnaître
comme légitimes, est ainsi d'une importance majeure dans son analyse
sociologique. « La sociologie dérange en dévoilant les
mécanismes invisibles par lesquels la domination se perpétue.
Elle dérange en priorité ceux qui bénéficient de
ces mécanismes, c'est-à-dire les
dominants »(5).On peut signaler également la
pensée d'Alexis Tocqueville sur la nature de l'institution au sens large
du terme, c'est à cet égard que Tocqueville établit ainsi
une distinction fondamentale entre la démocratie définie comme un
état social, partagé par tous les pays occidentaux, et la
démocratie comme état politique, qui est loin d'être
acquise. Or la liberté politique est à ses yeux la valeur noble
par excellence. Comment la garantir. ? La décentralisation, la
séparation des pouvoirs, l'existence de contre-pouvoirs comme la presse
ou les associations...sont quelques-unes des solutions retenues par Tocqueville
(6).Le troisième intérêt de Tocqueville réside dans
la modernité de sa méthode d'analyse celle-ci consiste en
une sociologie comparative reposant sur une étude des valeurs et des
représentations des acteurs sociaux ; l'oeuvre de Tocqueville se
refusant à tout déterminisme. Tocqueville souligne que la passion
pour l'égalité, corollaire obligé du nouvel ordre,
(substitution de l'égalité à hiérarchie), est une
passion totalisante, qui veut dire, cherche à prévaloir contre
toute autre, en particulier l'amour de la liberté*.
___________________________
*Marche G et Olsen J, La sociologie des institutions,
*Wikilivres est une collection de textes pédagogiques
libres rassemblés en livres, écrits en collaboration
2 * FREYMOND N, Travaux de science politique, nouvelle
série, N15, 2003, p.1. »
3 * Compte rendu rédige par AMADOU Full, point.com,
février2009
4 * « la construction sociale de la
réalité. Traité de sociologie de la connaissance, Paris,
Méridiens Klincksiek
5 * BOURDIEU Pierre, L'Université syndicaliste, la
sociologie des institutions, novembre 1999, n°510, p. 4
*Les dominants doivent jouir d'un « capitale
symbolique », capable de persuader les plus faibles de la
légitimité des enjeux
En effet, il s'attache à montrer la
diversité des devenir des sociétés démocratiques
qui peuvent évoluer soit vers la tyrannie, soit vers une
véritable démocratie politique. A son retour d'Amérique,
il publie l'oeuvre De la démocratie en Amérique, entre
1835 et 1840.Une réflexion toute à la fois sociologique et
politique sur les particularités américaines et le
bénéfice que tirerait la France à s'inspirer des
institutions de ce pays : obligeant ainsi l'homme à sortir de
lui-même, pour se réaliser politiquement et socialement.
Le terme de l'institution peut être aussi
employé au singulier*, il désigne les statuts et pratiques
sociales, (voire politique), qui sont d'origine artificielle (conventionnelle)
et non naturelle. Dans ce sens, (Hobbes, Montesquieu), désigne ce genre
d'institution par un mode de constitution qui découle d'un raisonnement
collectif tenue par tous en même temps. A cet égard, l'institution
fondamentale est la tradition, et dans ce cas, les citoyens dont parle Hobbes
instituent le Léviathan.
B) - LES DEFINITIONS DE L'INSTITUTION
Sous la lumière des conceptions
données par les uns et les autres sur la forme et la nature que peut
avoir l'institution, alors que celle-ci peut se présenter sous la forme
d'une personne morale de droit public (État, Parlement), ou de droit
privé ( association), ou d'un groupement non personnalisé, ou
d'une fondation, ou d'un régime légal tel que la tutelle, la
prescription, la faillite, l'expropriation pour cause d'utilité
publique. Montesquieu dans son livre, De l'esprit des lois, a donné une
définition à double sens des institutions, en disant que : -
« Les lois sont établies, les moeurs sont inspirées ;
celles-ci tiennent plus à l'esprit général ;
celles-là tiennent plus à une institution particulière ;
or, il est aussi dangereux de renverser l'esprit général que de
changer une institution particulière (...) » (7). Nous avons dit
que les lois étaient des institutions particulières et
précises du législateur, les manières des institutions de
la nation en général. Montesquieu ajoute dans son livre XI, en
analysant la liberté et la séparation des pouvoirs : « c'est
une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est
porté à en abuser(...) pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir, il
faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir
» (8).
___________________________
FUSTEL DE COULANGES Numa Denis, Professeur d'Émile
Durkheim, l'a bien, (définition de l'institution), exprimé dans
son ouvrage sur, La Cité antique ,1864
*LIVET Pierre, Les institutions, au- delà du holisme et
de l'individualisme, p.191
6 * TOCQUEVILLE A, De la démocratie en Amérique,
entre 1935 et 1940
7 *MONTESQUIEU C, De l'esprit des lois, livre XIX, où
il détaille ce qui peut influencer les lois : à savoir les
moeurs, le climat,
la recherche de la liberté
8 *Ibid., livre XI. *Dans cette étude qui n'a jamais
été surpassée, Fustel de Coulanges illumine de ses
connaissances et de son intelligence les questions d'organisation politique et
sociale
B1-En Sociologie
Sociologiquement parlant, c'est le concept
d'institution selon le sens que lui a attribué le sociologue
français Émile Durkheim dans Les règles de la
méthode sociologique, oeuvre écrite en 1871.
L'institution permet par conséquent la
construction de la sociologie comme une science sociale autonome ; il rajoute
dans la même optique que la sociologie est la science des institutions,
de leur genèse et leur fonctionnement*. C'est la raison pour laquelle
les institutions sont des manières collectives d'agir et de penser alors
que les moeurs sont rattachées à des pratiques ancestrales, les
institutions ont leur existence propre en dehors des individus.
Pour Émile Durkheim, les faits sociaux ne sont
pas naturels ; ils sont immédiatement intelligibles mais doivent
être compris à travers l'expérimentation et l'observation.
C'est à ce titre que les faits sociaux s'expriment et agissent à
travers les personnes et ce, autant que la conscience collective. Les
institutions en Grèce à titre d'exemple ont une solidité
qui résiste aux siècles, aux croyances de leur origine et par
conséquent, les institutions sont devenues opaques (fermées sur
elle- mêmes) mais subsistent quand même.
La société est réglée
par les institutions. En effet, l'institution est un ensemble
d'activités instituées que les individus trouvent en elle
comparable à la fonction de l'ordre biologique, car l'homme est en
situation de demande permanente, de même que la science de la vie est
celle des fonctions vitales.
Du point de vue du rapport qui existe entre la science
de la société et celle des institutions ; Marcel Mauss et Max
Weber sont parmi les fondateurs de l'École Allemande de sociologie. En
effet, pour eux : - « l'institution se rapproche de l'idée
d'association ; c'est un groupement dont les règlements statutaires sont
octroyés avec un succès relatif à l'intérieur d'une
zone d'action délimitant à tous ceux qui agissent d'une
manière définissable selon les critères
déterminés » (9). Ils veulent dire par là que
l'institution a la fonction d'un régulateur des rapports sociaux. Et par
conséquent, le terme d'institutionnalisation est le processus qui tend
à organiser les rapports aux modèles sociaux. Pour Ewing
Goffman, (1922-1982), sociologue, linguiste américain d'origine
canadienne, le terme d'institution concerne les organismes sociaux
différents. Cette forme d'organisation n'implique pas des obstacles mais
les érigent entre ceux qui sont dehors et ceux qui sont dans
l'institution.
En terme juridique, l'institution telle qu'elle est
vue par Maurice Hauriou en 1925, dans sa théorie de l'institution et la
puissance publique, est une idée évolutionniste selon ce penseur
; c'est-à-dire que : - « l'institution est un projet d'oeuvre ou
d'entreprise qui se réalise et dure juridiquement dans un milieu social
; pour la réalisation de ce projet, un pouvoir s'organise et lui procure
des organes, (...). Il se produit des manifestations de communication
dirigée ou organisée par des pouvoirs et réglée par
des procédures » (10).
___________________________
9 *Marcel MAUSS, Objet et méthode, article
écrit en collaboration avec Paul Fauconnet, Collection, Les auteurs
classiques,
1901
Il remarque une lente évolution sociale qui s'installe
et identifie deux types d'institutions ; à savoir :
les institutions vivantes et les inhérentes.
Les institutions inhérentes résultent d'un double processus
d'incorporation et de personnification. L'incorporation, c'est un pouvoir
organisé.
Une institution cesse de se réduire aux
individus ; elle a une individualité. Quant à la
personnification, c'est la communauté effective, la manifestation de
deux communions de l'institution et des personnes. C'est un lien étroit
entre les institutions et le droit. Autrement dit, les institutions vivantes
ont besoin du droit pour exister et par conséquent, on note trois types
de droit : institutionnel (organisationnel), statutaire (de rôle) et
disciplinaire (règles de conduites) ; ces trois types de droit sont
utilisés par les institutions. L'État est une institution
complexe formé d'un ensemble d'institutions articulées en termes
de science politique.
Pour revenir à Weber, l'État
moderne exerce une domination légale rationnelle qui repose sur
l'autorité de la loi et l'administration impose une forme commune
à ses agents mais on observe des variantes de culture administrative
dans les administrations.
Toujours selon Weber, à l'intérieur
du cadre administratif général, se développent des
secteurs par des spécificités culturelles. Au sein même
d'un ministère par exemple, on note des différences en termes de
culture administrative. Pour le ministère des Finances, des
différences de culture apparaissent entre la direction du trésor
et celle de l'impôt.
L'identification de ces cultures n'est, ajoute
Weber, possible que dans l'appareil interne de l'État. L'individu
externe ne se rend pas compte de ces fragmentations et de ces divisions, car
l'individu est sublimé par le principe d'unicité de
l'État.
En effet, ces spécificités peuvent
être observées entre administrations identiques de
différents États. Les agents introduisent des traits de culture
spécifiques liés à leurs traits ou traditions nationales
et si on compare différents secteurs de différents États,
on a des traits culturels très différents ; en d'autres termes,
le rapport à l'ordre hiérarchique, le rapport entre
collègues, et le mode de travail diffèrent. Ces cultures
évoluent selon l'évolution de la société.
Dans ce cas, la notion de culture des institutions
est souvent instrumentalisée ; d'où la nécessité
d'améliorer le management des institutions ou des organisations ;
à savoir inventer de nouveaux équilibres humains. C'est à
cet égard qu'on comprend la volonté d'introduire une nouvelle
culture dans les institutions.
B2-En Politique
Avant de définir l'institution, on peut
néanmoins souligner que la science politique est égale à
trois notions : Politique, c'est le politique au sens de gouvernement ; c'est-
à- dire l'état des institutions. Cette définition
apparaît restrictive, car c'est le politique à travers ces
structures.
Cela néglige la vie politique, le jeu politique
; cela n'engage pas toute l'approche politique et la science politique. Ici
Policy veut dire que le politique a le sens de « les politiques ».
À travers le Policy, on s'intéresse à la production de
l'État ; autrement dit aux institutions c'est-à-dire aux
politiques publiques.
Cela permet de comprendre l'action de l'État au
sens sectoriel. Cela signifie une approche décisionnelle.
Avec le troisième élément dont parle
Harriou, on s'intéresse aux acteurs, aux conflits, aux rapports
égaux entre les acteurs et les institutions. L'analyse porte moins sur
les structures que sur les acteurs et les stratégies. Cette
définition apparaît restrictive ; c'est le politique à
travers ses structures. Alors comment s'exerce le gouvernement à travers
ses structures ? L'analyse des institutions s'inspire de chacune des trois
définitions. Le mot Polit désigne les institutions comme une
forme de politique et constituent les structures de bases. C'est dans cet
ordre d'idée que Harriou*dit que :- « l'institution c'est ce qui
est institué d'une part; l'organisation, dés lors que
l'institution est un concept essentiel de l'analyse que l'on peut
décrire comme objet, et d'autre part, l'institution est un processus qui
institut un groupe humain » (11).
___________________________
10 * M, HARRIOU, Théorie de l'institution.
Revue droit et société, N0 30-31 ,1995
*Une théorie formulée par le doyen toulousain au
début du siècle, devenue particulièrement stimulante pour
une analyse du droit et pour une compréhension de sa dimension
sociale
11 *Ibid.
*L'institutionnalisme, dont fait partie M. Harriou, est une
école de pensée économique, se concentre sur la
compréhension du rôle des institutions établies par les
hommes pour modeler le comportement social
Alors, dans ce cas, l'accent est porté sur
le phénomène social de l'engendrement et de la durée de
cette organisation. L'institution est visée par Harriou comme un outil
immédiat d'analyse et aussi comme objet.
Le fonctionnement du gouvernement et de la
société auquel renvoie Policy veut dire les institutions qui
président des politiques et forment le processus de décision
politique. En fait, les institutions politiques, administratives,
européennes sont un lieu d'expérimentation de la politique et un
lieu de conflit vers une stratégie de renouvellement. Quant à ce
qu'appelle Hariou Politis, c'est un processus qui attribue
l'autorité et qui permet de régler les conflits menaçant
la cohésion sociale. Dans son ouvrage,
M. Douglas critique la séparation entre les primitifs et les
sociétés modernes. Son oeuvre débute sur la
réflexion :- « Quelle est la capacité des institutions
à penser par elle-même ? ». Elle ajoute :-
« la personnalité juridique ne suffit pas de donner à
un groupement ou une institution une pensée ou un sentiment
déterminé » (12). Ce n'est pas l'existence
légale d'une institution qui lui donne un comportement propre.
Cette idée est en rupture avec d'autres théories
qui sont marxiste, individualiste ou rationaliste. Pour le
marxisme*, « on suppose qu'une classe sociale agit,
perçoit »* et ce, en fonction de ses propres
intérêts, donc les institutions sont le reflet des conflits de
classe. Le rationalisme présente l'action collective qu'à partir
d'une fonction de calculs coûts avantages des individus. Pour M. Douglas,
elle estime que les personnes contribuent à la société
sans intérêt mais de Postulat.
En développant son approche des institutions, elle
conclut pour dire que les institutions sont créatrices
d'identité. Mais ces mêmes institutions se souviennent et
oublient.
En effet, si on revient à l'aspect
sociologique, les institutions font des classifications au sein de la
société. Douglas reprend l'approche de Durkheim
qui tente d'expliquer comment les institutions effectuaient des
classifications. Pour Durkheim, c'est le sacré qui crée
l'institution. En effet, les formes sociales élémentaires,
(rites, dogmes, cérémonies, mythes) sont des
éléments qu'on ne peut envisager qu' à partir d'un tout ;
ils n'ont ni constitution, ni roi, ni aucune autorité suprême
coercitive ; pourtant au sens d'a priori ont bien du sacré d'absolu, car
c'est le privilège du sacré sur le bien, sur le vrai.
__________________________
12 * Mary DOUGLAS, anthropologie des
institutions « ainsi penses les institutions »,
Edition Brochée, 1986
*Carl Marx, Marx considère que
`' les idées dominantes d'une époque n'ont jamais
été que les idées de la classe dominante `'
(Manifeste du parti communiste)
MARX estime que l'Humanité doit instaurer une
société sans division en classes sociales, empêchant ainsi
la domination d'une classe dominante. Le capital, Livre I,
section 8 et '' Le manifeste du parti communiste''
C'est à travers ces classifications
qu'on nous permet de penser. Ces classifications sont déjà
fournies toutes faites en même temps que notre vie sociale, et par
conséquent, elles sont incorporées par les personnes.
Elles sont même opérationnelles à
tous les niveaux de la société. Au sommet, on trouve les
règles sociales les plus générales qui déterminent
les catégories de pensée : c'est précisément
l'ensemble de notre
vision, de notre façon de penser et de notre
comportement qui en dépendent. Autrement dit, l'institution peut
être la famille ; au sein de celle-ci, les personnes reproduisent les
schémas d'autorité, de division du travail et constamment, nous
pensons en fonction de ces catégories et classifications des
institutions.
Il faut faire un travail sur soi pour mieux penser ces
catégories. Les individus ne contrôlent pas les classifications.
Leur seule marge de manoeuvre c'est de faire des choix en leur sein. On peut
tirer une conclusion de cette analyse de Douglas inspirée de Durkheim
qui peut se résumer à quatre étapes :
- les personnes construisent collectivement les
institutions,
- les institutions créent les classifications,
- les classifications donnent en retour des principes
d'identification des citoyens,
- Ces principes d'identification permettent aux personnes de
se penser dans la société et de penser la société,
et le monde.
B3-En Anthropologie
Pour le courant d'anthropologie lancé par
Marc Abélès , ethnologue français qui a
crée un laboratoire de recherche à Paris qui s'appelle le
laboratoire d'anthropologie des institutions et organisations sociales.
La démarche d'Abélès s'intéresse
à la façon dont l'institution construit son territoire et
définit un espace politique. Il s'agit pour lui surtout d'observer des
phénomènes collectifs mobilisant les ressources culturelles des
individus dans l'espace déterminé. Cela se présente sur
plusieurs registres : affectif, symbolique, intellectuel, et pratique.
Pour le registre affectif, on trouve un rapport qui se
déploie entre institution et individus dans le cadre politique entre
autres. Par ailleurs, le registre symbolique ainsi que le registre
intellectuel s'inscrivent dans le rapport qu'il y a entre la production
des idées, et enfin le registre de pratique : quelle est la
pratique de l'individu dans l'institution ; cette spécificité
montre comment les institutions produisent des cultures, de la culture.
Le lien entre culture et institution peut apparaître
contradictoire car il existe une présentation de la culture comme une
mise en cohérence globale d'une société alors même
que l'institution est issue non pas d'un processus de cohérence mais de
fragmentation marquée par la division du travail et la
professionnalisation.
Pour revenir à la définition de la
culture d'une institution, Abélès*dit que l'institution est un
ensemble d'aptitudes et de comportements acquis au sein de l'institution, et
pour lui la culture de l'institution ne se joue pas seulement dans l'espace
interne de l'institution, mais elle va au-delà. Pour Max Weber :-
« la bureaucratie est un ensemble rationnel des activités
sociales » (13). Pour lui :- « l'institution se rapproche
de l'idée d'association ; c'est un groupement dont les règlements
statutaires sont octroyés avec un succès relatif à
l'intérieur d'une zone d'action délimitant à tous ceux qui
agissent d'une manière définissable selon les critères
déterminés » (14) ; la démarche
wébérienne, c'est faire en sorte que ses activités soient
orientées méthodiquement, (d'une manière rationnelle),
vers un objectif.
_____________________________
13 * WEBER M. Définition de
l'institution, fondateur de l'école allemande de sociologie
Institution (Sociologie), WIKIPEDIA,
l'encyclopédie libre
14 *Ibid. Définition de l'institution
*ABELES Marc, dans l'introduction à la sociologie des
institutions
Par conséquent, l'approche en termes de
culture dans des institutions traite de façon importante le ou les
langages des institutions. Et de ce point de vue, le langage est une
manifestation immédiate des propriétés culturelles des
institutions.
Pour étayer ce propos, on parle de langage
de la Banque Mondiale (BM) ou du Fond Monétaire International (FMI) ;
donc si le langage est le reflet de la pratique collective de l'institution,
alors il peut avoir des effets secondaires en termes de production
intellectuelle des institutions et sur leur transformation en
général.
A cet effet, les anthropologues
s'intéressent alors à la vie quotidienne au sein des institutions
et aux modes de relations entre les personnes dans les institutions. La
méthode ethnographique, il s'agit de séjourner dans l'institution
au moyen de l'observation participante et par conséquent, l'approche
anthropologique peut se résumer :
A partir de pratiques et de discours de ses
représentants, il s'agit d'étudier ces idées et cultures
en relation avec les différentes cultures d'institutions. Ces
mêmes cultures d'institution ne produisent pas d'identités
globales, totales ou uniques, car, un individu peut être de plusieurs
institutions. Ces appartenances peuvent évoluer.
Il faut se garder de considérer l'individu
comme représentant d'une seule culture, d'une seule institution ; dans
ce cas on parle de danger culturaliste ; à savoir de doter l'individu
d'une seule culture. Le danger peut être aussi observé dans
l'analyse des institutions ; à savoir de donner à une seule
personne toute les propriétés du général. Certes,
on peut discuter de l'influence du général, mais les
propriétés du particulier demeurent.
1-1 QUELLES REFLEXIONS SUR LES INSTITUTIONS
Le mot institution tiré du latin instituo
qui veut dire établir, instituer désigne une structure
d'organisation d'origine humaine destinée à s'inscrire dans la
durée. On lui trouve un sens dans différents terrains* :
En terme juridique, le mot institution désigne
l'ensemble des structures politiques résultant du régime
politique et mis en place par la constitution comme les lois, le
règlement et les coutumes. Il désigne également les
institutions judicaires, c'est-à- dire les cours et les tribunaux.
En religion, le mot institution peut être
employé pour désigner l'Église. En liturgie, le
récit de l'institution désigne les paroles avant de rompre le
pain de la Cène*, et par conséquent, l'institution est
considérée traditionnellement comme un texte de droit
pontifical. En France, certaines institutions ont
une mission de contrôle des usages dans le domaine de la culture et se
nomment les académies. Par exemple, l'Académie française,
fondée par Richelieu en 1635, est l'une des plus anciennes institutions
françaises.
En économie des institutions, il ya une
école de pensée qui s'appelle institutionnalisme, (École
de pensée qui se concentre sur le compréhension du rôle des
institutions établi par les hommes pour modeler le comportement
économique). En anthropologie, une institution signifie
ce qui est établi par l'arbitraire, (dans le langage, les traditions,
les moeurs), ce qui obéit à une bureaucratie rationnelle pour
reprendre Weber. De ce fait, cela s'oppose à l'instinctif, (ce qui
échappe au rationnel).
Alors qu'en sociologie, une institution désigne une
structure sociale, (ou un système de relations sociales), dotée
d'une certaine stabilité dans le temps grâce à une
règle du jeu ou à un mode de vie acceptée socialement.
Pour aborder l'expression de la démocratie, elle ne
peut néanmoins pas se résumer aux aspects qui relèvent des
institutions de l'État, (l'exécutif, le législatif et
l'institution judiciaire n'étant pas évoquée ici); tant
une part essentielle de notre vie quotidienne est régie par l'expression
de délibérations au sein des corps intermédiaires que sont
notamment les organes de gestion paritaires comme les conventions collectives,
les caisses d'assurance maladie et les caisses de retraite, qui sont autant de
systèmes dans lesquels l'Etat n'intervient théoriquement pas, et
qui sont pourtant fondamentaux, tant par les volumes financiers qu'ils
mobilisent, que par l'incidence qu'ils ont sur notre vie de tous les jours. Or,
là encore, la représentativité des composantes de ces
corps intermédiaires (syndicats de salariés et de chefs
d'entreprises, notamment) se situe très largement au dessous du seuil
qui leur assurerait un minimum de légitimité. Et ce, d'autant
plus que cette faible représentativité entraîne
mécaniquement leur repli sur des positions corporatistes, ce qui
entraîne toujours plus de désaffection à leur égard.
En résumé, si on peut transposer cela à
la société française, on constate qu'elle vit aujourd'hui
une très grave crise de la représentation, à la fois par
la disqualification progressive de la fonction présidentielle, par
l'absence d'une représentation réelle du corps électoral
au sein du parlement, et enfin par la faillite progressive des corps
intermédiaires, ce qui entraîne à l'évidence une
incapacité du système politique à s'adapter aux
évolutions de la société.
Or, dès lors que l'on veut bien s'extraire de la fausse
certitude de posséder en France un modèle envié
d'institutions démocratiques, dès lors que l'on examine les
systèmes institutionnels de nos voisins européens qui ont
réussi jusqu'à présent à concilier au mieux la
protection de leur modèle social et les nécessaires adaptations
à un modèle d'économie ouverte, on constate
aisément que ces systèmes institutionnels sont tous bâtis
sur les deux mêmes piliers que sont une réelle démocratie
parlementaire et une démocratie sociale active.
Tout d'abord, pour la démocratie parlementaire, la
fonction du président ne doit plus être réduite qu'à
un rôle d'arbitrage, visant à apporter caution des grandes
évolutions sociales et politiques qui se manifestent au sein de la
nation. Il demeure tout de même le garant de la continuité de
l'État, en organisant les processus de transition au sommet de
l'exécutif, en s'assurant de la constitutionalité des mesures
législatives mises en oeuvre par le parlement, et en garantissant
l'indépendance du pouvoir judiciaire. Compte tenu de cette fonction
fondamentale de garant de la continuité de l'État, mais aussi de
l'importance à détacher cette fonction des enjeux partisans au
quotidien, il est souhaitable que le lien direct entre le président et
le corps électoral demeure le résultat d'une élection au
suffrage universel, avec une périodicité distincte de celle de la
législature.
Le véritable coeur de l'exécutif est
incarné par le chef du gouvernement, (premier ministre ou
président du conseil), qui tire sa légitimité de sa
capacité à rassembler une majorité parlementaire autour
d'orientations politiques, dans lesquelles cette majorité est apte
à se reconnaître. Il prend pleinement en charge les fonctions
régaliennes de l'État et assume la nomination des titulaires de
postes à caractère politique au sein de la haute fonction
publique.
Et en conséquence, la stabilité du gouvernement
consiste donc dans sa capacité à mener à bien le programme
d'action initié par le parlement dans le long terme. Cette
stabilité est alors liée d'une part à
l'honnêteté et à la clarté de ce programme d'action,
(ciment durable d'une majorité parlementaire), et d'autre part
liée au mode de scrutin législatif choisi.
Ce dernier point, (le mode de scrutin), est évidemment
crucial à la fois pour ce qui concerne la stabilité de
l'exécutif, (pour éviter les dérives du type de la
IVème république qui n'avait qu'un pouvoir nommé
l'Assemblée et le gouvernement n'existait plus, car il était
dominé, écrasé par le parlement, qui peut à tout
moment renverser le gouvernement ), et le contraire s'est produit sous
la Vème République; mais aussi
et surtout pour faire en sorte que le parlement soit plus représentatif
du corps électoral.
L'État permit donc d'imaginer la recherche
d'un équilibre entre les deux chambres, (l'Assemblée nationale et
le Sénat), à partir de deux modes d'élection basés,
l'un sur un scrutin uninominal à un tour à partir des
circonscriptions locales, (de type britannique par exemple), l'autre sur un
scrutin proportionnel à seuil à partir de listes nationales.
Le détail du mode de scrutin doit
être en outre inscrit dans la constitution afin de n'être pas
modifiable au gré des intérêts conjoncturels de tel ou tel
parti au pouvoir. Pour imposer définitivement la parité
hommes-femmes, il pourrait être imaginé de regrouper les
circonscriptions deux à deux, et d'imposer alors dans chacune de ces
circonscriptions élargies à la fois une liste de candidats et une
liste de candidates, (avec comme résultat automatique un élu
homme et une élue femme dans chaque circonscription élargie), et
ainsi assurer à la fois, la pleine mobilisation des parlementaires dans
le cadre de leurs responsabilités, le renouvellement constant de la
classe politique, et une meilleure représentation du corps
électoral.
La réaffirmation d'un strict non-cumul de
mandats devrait aller de pair avec la création d'un vrai statut de
l'élu.
Ce dernier aurait notamment pour objet de garantir
une disponibilité égale pour tout citoyen pendant les
périodes de campagne électorale.
*Wikipédia. Encyclopédie libre
15 * Jean Marie TREMBLAY, professeur de sociologie,
Éditions Sociales1968
16 *Dossier traité par Paul Emil BOULET, de
l'Université de Québec
Ce statut pourrait aussi intégrer des droits
automatiques à des formations complémentaires, qui pourraient se
révéler particulièrement utiles, à la fois dans le
cadre du mandat électif, mais aussi lors du retour à la vie
civile.
Il est à noter que, puisque le statut de
l'élu et le non-cumul des mandats permettraient aux parlementaires de se
concentrer entièrement sur leur mission au sein des assemblées,
il redeviendrait alors envisageable de restaurer pleinement la seconde mission
du parlement qui est celle du contrôle du bon fonctionnement de la
démocratie (commissions de contrôle et commissions
d'enquêtes).
Ces principes devraient bien évidemment
être étendus aux mandat électifs locaux, parce qu'il s'agit
de fonctions exercées à plein temps, et donc
rémunérées comme telles compte tenu de l'évolutions
considérable des moyens de communication au cours des dernières
décennies. La démocratie locale doit être
simplifiée, la gestion locale devrait être ramenée à
un niveau correspondant aux communautés de communes, et pouvoir
élargir sa gestion au niveau des régions et à cet effet,
les échelons municipaux et départementaux pouvant être
alors aisément supprimés.
Dans cette hypothèse, les exécutifs
locaux seraient alors désignés suivant les procédures
actuellement utilisées pour les conseils municipaux, c'est-à-dire
soumettre leur désignation au suffrage universel.
1-2 QUELLE INSTITUTION CARACTERISE UNE CITE
DEMOCRATIQUE
C'est dans la prévalence des institutions sur les
hommes que réside la meilleure garantie de la démocratie. Si
celle-ci est bien née dans un contexte culturel donné, son
universalisme repose sur l'adoption d'un système d'institutions; parler
de la `'culture démocratique `' (17), est un peu une
reconstruction après coup. La culture démocratique ne
précède pas les institutions, car elle en est
l'intériorisation; c'est-à-dire que le fonctionnemnt des
institutions approprient cette culture démocratqiue pour en être
la manifestation, et finalement être adaptée aux aspirations et
aux attentes des citoyens.
Si on prend les institutions athéniennes, on remarque
sans doute qu'à l'époque des philosophes rois, la
démocratie telle qu'on l'entend aujourd'hui est loin d'être
exemplaire.
C'est à ce juste titre qu'on peut faire l'etat des
lieux des institutions dites démocratiques et voir leur
conformité ideologique avec l'espace publique,civique.
________________________
17* P-Jean QUILLIE , dans son oeuvre écrite,
Histoire de la démocratie
1-3 L'EXEMPLE
ATHENIEN
Ce qu'on va voir à présent, dans le
modèle athénien, c'est la question qui s'impose à nous ;
à savoir jusqu'à quel degré de validité l'esprit
des institutions grecques correspond à la démocratie au sens
noble du terme : la représentation des citoyens par les citoyens
et pour les citoyens ?
.
En effet, l'institution athénienne est composée
de tous les citoyens mâles âgés de plus de dix-huit ans
(18) ; l'ekklêsia athénienne se
réunit sur la colline de la Pnyx au moins quarante fois par an. Elle a
pour ainsi dire tous les pouvoirs, sauf celui de changer un homme en
femme, comme la désignation et le contrôle des principaux
magistrats, vote des lois et des décrets, décision de faire la
guerre et la paix ; choix des alliances ; préparation de la
guerre, organisation des finances, jugement des affaires les plus graves,
notamment des atteintes à la sûreté de
l'État...etc.
En outre, chaque citoyen peut proposer une motion à
l'assemblée ou prendre la parole dans un débat. Sans doute, la
terrible menace de l'accusation pour illégalité, (lagraphê
para nomôn), (19), a pour objet de punir celui qui propose une loi
contraire aux lois existantes). Cela traduit plus simplement le sentiment
d'incompétence et la peur du ridicule, et dans ce cas, le régime
de l'Assemblée limite-t-il les initiatives
individuelles ? Sachant que la démocratie antique ne
reconnaît aux citoyens aucun droit individuel, naturel et
imprescriptible, et de surcroît, les écrivains du Ve et du IVe
siècle ne donnent pas une image très flatteuse des
délibérations populaires.
Dans l'Assemblée des femmes, Aristophane compare les
décrets de l'assemblée à des actes commis en état
d'ivresse. Cinquante ans plus tard, Isocrate reproche à ses concitoyens
de changer plusieurs fois d'avis dans une même journée et
d'adopter des mesures qu'ils ne tardent pas à blâmer. Pour assurer
la continuité de la souveraineté populaire, l'assemblée
délègue une partie de ses pouvoirs à un conseil permanent
qu'on appelle la boule et un nombre de cinq cents, les bouleutes, qui sont
chaque année tirés au sort à raison de cinquante par
tribu, parmi les citoyens volontaires. Au sein de ce conseil populaire, il
existe une sorte de présidence collégiale et tournante.
Pendant 1/10 de l'année, les cinquante bouleutes
de chaque tribu exercent la prytanie (20). Les prytanes sont chargés de
convoquer le conseil et de garder la cité, de jour comme de nuit. C'est
pourquoi, pendant le temps de leur prytanie, ils logent dans un édifice
qui leur est spécialement affecté à la Tholos.
En dehors de ses importantes compétences judiciaires,
les fonctions essentielles de la boule consistent à préparer et
à exécuter les décrets de l'ekklêsia, mais aussi, en
cas d'urgence, à pouvoir prendre des décisions autonomes. Au Ve
siècle, elle paraît le véritable centre de toute
l'administration de la cité, dont elle surveille les magistrats, la
politique étrangère, l'organisation militaire et les finances.
Elle est chargée de
l'exécution des lois ; les magistrats sont des
délégués du peuple souverain. En principe, les
magistratures sont ouvertes à tous ; elles sont annuelles et
collégiales.
La misthophorie, c'est-à-dire la
rémunération des fonctions publiques, a précisément
pour objet de permettre à chacun de servir la cité pendant un an
et par conséquent, un droit reconnu à tous et de plus, de
nombreuses responsabilités sont attribuées par un tirage au sort,
selon une procédure compliquée qui assure une
égalité de représentation entre les différentes
tribus.
Même si les dieux de la cité président
à ce mode de recrutement, tous les philosophes, à commencer par
Socrate et ses disciples, (Antisthène aussi bien que Platon), ont
critiqué et rejeté un système aussi hasardeux, susceptible
de promouvoir le plus demeuré ou le plus malhonnête des citoyens.
A partir de ce point de vue, on peut penser que les démocrates
athéniens, sensibles aux inconvénients du procédé,
profitaient de la procédure de la docimasie, (examen de
l'« éligibilité » du magistrat,
préalable à son entrée en fonction), pour effectuer une
certaine sélection.
D'autre part, la rémunération des magistrats
est trop modeste pour assurer à elle seule leur subsistance, alors que
les citoyens les plus aisés financièrement qui sont capables de
négliger leurs loisirs toute une année, devaient donc constituer
la majorité des candidats. En fait, Athènes n'a jamais connu la
démocratie absolue qu'Aristote définit dans La
Politique en un régime où toutes les charges sont
ouvertes à tous ; et l'esprit d'égalité régnait en
maître.
Pour les fonctions les plus importantes, notamment les
stratèges et les trésoriers, des conditions de sélections
sont imposées, car les détenteurs sont en effet appelés
à répondre sur leur fortune personnelle des fonds confiés
par la cité.
Le mécanisme de sélection consiste à
réserver certaines magistratures aux membres d'une ou de plusieurs des
quatre classes censitaires instituées par Solon, dont le revenu
annuel, en mesures de blé, n'est pas inférieur à 500
médimnes, hippeis, « cavaliers »,
c'est-à-dire assez riches pour entretenir un cheval; zeugites capables
d'entretenir un attelage (21) , zugon, de
boeufs, thètes.
D'autre part, les magistratures essentielles, militaires et
surtout financières, sont soumises à l'élection. C'est
pourquoi elles continuent en fait d'être assumées par les membres
des familles aristocratiques, tels Périclès, ou en tout cas
aisées, comme par exemple Démosthène, qui ont pu se former
et se préparer au métier politique en étudiant notamment
la rhétorique. En effet, au Ve siècle, les stratèges, au
nombre de dix, sont les principaux magistrats de la cité.
Ils sont chargés de la conduite de la guerre, ils
doivent sans cesse défendre leur politique devant l'assemblée.
Orateurs habiles, ils influencent, voire contrôlent toute la politique
extérieure et intérieure (notamment financière). C'est
comme stratège que Thémistocle gouverne Athènes pendant la
deuxième guerre médique. C'est bien sûr
Périclès qui, en exerçant la stratégie sans
discontinuer pendant quinze ans,
achève d'en faire la magistrature suprême.
Jusqu'au début du IVe siècle, tous les grands noms de l'histoire
politique athénienne sont ceux de stratèges.
Ensuite, ces magistrats tendent à retrouver leur
spécialisation militaire. Si le plus ancien tribunal d'Athènes
est l'Aréopage, (composé d'anciens magistrats), compétent
au Ve siècle en matière religieuse et criminelle, le plus
important est sans conteste l'Héliée. Plus qu'une simple cour de
justice, ce tribunal populaire constitue un véritable organe de la vie
politique.
Chaque année, on tire au sort 6 000 juges, (600 par
tribu), parmi les citoyens de plus de trente ans qui se portent volontaires.
Les séances plénières sont exceptionnelles.
Généralement, les héliastes jugent en
sections de taille variable : un jury ordinaire, comme celui qui condamne
Socrate, comprend 501 citoyens. Ce sont souvent des hommes âgés et
peu fortunés, pour qui le misthos (22) constitue un complément de
ressources non négligeable. Si l'on en croit Aristophane dans Les
Guêpes, les critiques des philosophes, les plaidoiries des orateurs,
ce tribunal populaire ne brillait pas par l'équité ni par la
rationalité de ses jugements. Quand les juges n'étaient pas
achetés, ils persécutaient les citoyens les plus riches : au
IVe siècle, leur salaire est financé par la vente des biens
confisqués ! On le voit, la démocratie athénienne,
même au siècle de Périclès, n'est pas le
régime idyllique chanté par certains auteurs de manuel.
Elle connaît bien des limites, dont l'allure est
paradoxale. D'une part, l'assemblée et le tribunal populaires ne sont
pas représentatifs de l'ensemble du peuple athénien. Sur les
30 000 à 40 000 citoyens que compte la cité, seuls
quelques milliers se pressentent régulièrement aux séances
de l'ekklêsia. Le quorum de 6 000 votants exigé pour les
décisions les plus importantes indique assez que ce nombre
n'était pas ordinairement atteint.
La plus grande partie des citoyens,
peut-être les 4/5 au début du IVe siècle, sont des paysans
tirant péniblement leur subsistance d'un petit lot de terre, qu'ils
cultivent eux-mêmes avec l'aide d'un ou deux esclaves. D'après
Aristophane aussi bien qu'Aristote, ils hésitent à se rendre en
ville pour participer aux assemblées, sauf si la décision
débattue les concerne directement. Le démos urbain,
composé d'hommes habitant dans les faubourgs d'Athènes et du
Pirée, fournit le gros bataillon de ceux qui fréquentent
l'assemblée avec assiduité. Dans le Protagoras de Platon, Socrate
mentionne surtout des forgerons, des charpentiers, des cordonniers, des petits
marchands, souvent âgés, qui viennent chercher dans les salaires
publics un complément à leurs maigres revenus. C'est pourquoi les
théoriciens politiques de l'Antiquité présentent souvent
Athènes comme un régime où les pauvres, détenteurs
du pouvoir, font la guerre aux riches, sur qui pèsent de lourdes charges
fiscales et militaires. Au sommet de l'État, pourtant, les classes
supérieures dominent d'une façon écrasante. Les plus
grands noms de l'histoire athénienne, de Clisthène,
(Alcméonide) à Alcibiade, (apparenté aux
Alcméonides, pupille de Périclès) en passant par
Périclès (Alcméonide), appartiennent à des familles
nobles ou riches, en tout les cas influentes.
A l'école de Protagoras, d'Isocrate ou de
Platon, ils se sont donné les moyens de réussir dans la
carrière politique. Ils ont appris à argumenter, à
convaincre, à séduire leurs concitoyens. Vivant de leurs rentes,
ils peuvent consacrer la plus grande partie de leur temps à la gestion
des affaires de la cité. Thucydide, qui, il est vrai, appartient au
parti aristocratique, décrit le régime institué par
Périclès comme une monarchie élective, qui n'a de
démocratie que le nom, tant le stratège exerce une forte
domination. A la fin du Ve siècle, le terme démagogue,
`' meneur de peuple `', fait son apparition, pour désigner
l'orateur habile qui, magistrat ou non, détermine par ses discours le
vote populaire. H. Arendt distinguait le moteur de l'obéissance au sein
de la cité de ceux qui agissant dans l'empire ou la nation, en la
décrivant comme conséquence de la force de persuasion.
Arendt :-« présuppose l'égalité et
opère par un processus d'argumentation »*.L'exemple le plus
tristement célèbre est sans doute celui de Cléon, à
jamais cloué au pilori par Thucydide et Aristophane.
Par ailleurs, même si on note quelques
défaillances dans le choix du régime institué, à
savoir que la cité athénienne n'a pas utilisé le rapport
au pouvoir émanant de la souveraineté, il n'en demeure pas moins
vrai qu'elle a réussit à développer une synergie
basée sur la logique institutionnelle. C'est une synergie, dans laquelle
les institutions de la cité ont donné naissance à une
forme de démocratie directe.
1-3-1 STRUCTURES ET SYNERGIE DES INSTITUTIONS POLITIQUES
DE LA CITE
La cité athénienne invente une forme
politique sans constituer un corps politique étranger à la
réalité, à laquelle elle est confrontée. Cela se
traduit par la forme démocratique mise en place par Solon
dès 650 : elle comprend, en effet, quatre corps
gouvernementaux distincts, l'Ecclésia, la Boulé, les tribunaux,
(Aréopage et Héliée), et enfin les Archai (Archontes et
stratèges). Chacune de ces institutions fonctionne
indépendamment, et chacune a sa part de responsabilité et un
travail à accomplir, mais aucune ne peut fonctionner sans devoir
solliciter plusieurs institutions, pour pouvoir produire un acte politique. Sur
l'avantage de la pluralité de la prise de décision, Aristote est
encore une fois très clair en signifiant qu'une seule personne, voire
une seule institution ne verra jamais qu'un angle du problème à
l'inverse de plusieurs, dont les angles d'approche sont variés et
multiples :- « Dans une collectivité d'individus en
effet, chacun dispose d'une fraction de vertu et de sagesse pratique, et une
fois réunis en corps, de même qu'ils deviennent en quelque
manière un seul homme pourvu d'une grande quantité de pieds, de
mains et de sens, ils acquièrent aussi la même unité en ce
qui regarde les facultés morales et intellectuelles »*. A cet
effet, la démocratie athénienne, a su donner un nouveau souffle
en donnant à l'homme la capacité de concevoir et le pouvoir de
décider, et au même temps, savoir être capable de se plier
aux ordres des autres. Dans la période démocratique, on remarque
que dans toute décision à prendre, c'est à
l'Ecclésia que revient le droit suprême de décision.
Néanmoins, la Boulé a le droit de provoquer une nouvelle
discussion, lorsque le projet de loi ne lui semble pas bon. Le même
constat est relevé par l'institution de L'Héliée, (la
fonction judicaire), qui vérifiera la constitutionnalité de
chacune des décisions prises par L'Ecclésia. Elle a le droit
d'invalider un projet de loi. En outre, les Archaî sont dotées
d'un pouvoir exécutif, mais elles doivent rendre des comptes à
l'Ecclésia, et leurs places n'étaient accordées que pour
la durée d'un an. On peut, par ailleurs, noter la dynamique
d'échange de compétence exercée par exemple par
l'Héliée. Depuis Éphialtès, le pouvoir judiciaire a
été remis entre les mains du démos, restreignant ainsi la
fonction de l'Aréopage à la juridiction des affaires criminelles
et religieuses. L'Héliée arbitrait donc les litiges et les
sanctions, puis elle est devenue une institution très importante dans le
sens, où le peuple a le pouvoir de décision ; et c'est à
elle que revient la maîtrise de la régulation et le fonctionnement
ordinaire des institutions. Il existe la complémentarité de
compétences, du fait que l'Ecclésia juge les cas, où la
loi est imprécise pour décider sur un cas particulier.
En effet, les Archai instruisent certains
procès. La Boulé à son tour, a la tâche de
coordonner le travail des trois autres instances, et les décisions de
l'Ecclésia passent par elle, pour les faire appliquer. Par
conséquent, les institutions politiques de la cité fonctionnent
en symbiose les unes par rapport aux autres, favorisant ainsi la dynamique
politique de la cité. A ce propos, on remarque que la compétence
politique dans la démocratie athénienne, n'est pas
réservée à un seul corps de commandement, réduisant
le reste de la collectivité au statut de gouverné, car il
appartient aux citoyens de déterminer le modèle politique, auquel
ils veulent adhérer. C'est la condition même d'une possible vie
démocratique, et c'est un facteur déterminant pour le
développement d'une vie collective. A ce sujet, Platon abonde dans le
même sens dans la République. Ce qu'il l'intéresse
c'est un mode d'être de l'humanité autant que existence
concrète d'une cité, (une démocratie vraie) ; alors
que pour Aristote :-« sans les lois la démocratie est
despotisme »*.
___________________________
18 * L'ekkêsia : Assemblée des citoyens dans
la Grèce antique
19 *lagraphê (paranomôn) : le lien à
la cité reste régi par des règles comparables à
celles du temps de Périclès. Ce dernier institua l'action de
graphê para nomôn, une sorte de plainte en illégalité
destinée à empêcher que des malveillances ne nuisent
à la démocratie
20 * Misthos : Le principe du misthos fut
institué au V° siècle par Périclès pour
indemniser et les Bouleutes et les Héliaste. Au IV° siècle
il fut étendu à la présence sur la Pnyx pour les
séances de l'Ekklêsia.
21 *Zugou : Un attelage de boeuf
*Arendt H, dans son ouvrage intitulé, la crise de
la culture
*ARISTOTE dans son livre, Les politiques, III, 11,
128 1b ,3-8
*Ibid, livre IV, chapitre IV, trad. P. Pellegrin, paris,
GF-Flammarion, 1993, p. 294-295
1-4 REPRESENTATION ET SENS DES
POUVOIRS
Maintenant, on sait que l'institution se présente
comme un ensemble de tâches, règle de conduite entre les
personnes, Il va falloir ensuite aborder la notion de la
représentativité de différents pouvoirs que constituent
les institutions. Il va falloir d'abord définir la notion de
représentation qui trouve toute sa pertinence et son utilité dans
le constat suivant, largement admis dans la pensée moderne depuis la
philosophie des Lumières :
notre rapport au réel est nécessairement
subordonné à l'ensemble de ses manifestations apparentes, (les
phénomènes), et un ensemble d'instruments de portée
cognitive qui nous permettent de l'appréhender et d'agir sur lui. La
représentation, conçue come une entité matérielle
ou idéelle, qui donne forme et contenu à une entité
postulée dans le réel, répond à cette
nécessité. Sa pertinence s'évalue à sa
capacité à constituer un modèle efficace du réel
qu'elle représente.
Durkheim a aussi défini la représentation,
selon lui : - « qu'elle est individuelle ou collective. Une
représentation collective est le produit d'un consensus social relatif
à la forme et au contenu à donner à une entité
considérée comme pertinente pour le collectif social
correspondant, une représentation est individuelle quand elle ne vaut
que pour un sujet unique, mais aussi quand, de nature collective et
partagée, elle est incorporée par un individu qui appartient au
collectif correspondant »*.
En effet, la représentation d'un pouvoir peut avoir
un autre sens à savoir dans l'introduction au Portrait du roi,
L. Marin écrivait que : - « représentation et
pouvoir sont de même nature »*.
Que dit-on lorsque l'on dit pouvoir ?
Pouvoir :- « c'est d'abord être en état
d'exercer une action sur quelque chose ou quelqu'un non pas agir ou faire, mais
en avoir la puissance, avoir cette force de faire ou d'agir. Le pouvoir est
également et de surcroît valorisation de cette puissance comme
contrainte obligatoire, génératrice de devoirs comme loi ; et
c'est à partir de là qu'on touche le pouvoir qui
légifère les lois en l'occurrence le pouvoir exécutif. En
ce sens, pouvoir, c'est instituer comme loi la puissance elle-même
conçue comme possibilité et capacité de force. Et c'est
ici que la représentation joue son rôle en ce qu'elle est à
la fois le moyen de la puissance et sa fondation. Le dispositif
représentatif opère la transformation de la force en puissance,
de la force en pouvoir, et cela deux fois, d'une part en modalisant la force en
puissance et d'autre part en valorisant la puissance en état
légitime et obligatoire, en la justifiant »**.
____________________________
*Émile DURKHIEM, dans son oeuvre, Discours de la
méthode,
*Ansaldi SAVERIO, image, pouvoir,
représentation, Multitudes, 1995
**Encyclopédie libre
Dans ces pages, Louis Marin nous livre une
conception de la représentation et du pouvoir à l'âge
classique à laquelle il est resté fidèle tout au long de
son parcours philosophique : - « Le pouvoir, c'est la
tension à l'absolu de la représentation infinie de la force, le
désir de l'absolu du pouvoir. Dès lors, la représentation,
(dont le pouvoir est l'effet), est à la fois l'accomplissement
imaginaire de ce désir et son accomplissement réel
différé. Dans la représentation qu'est pouvoir, dans le
pouvoir qu'est représentation, le réel - si l'on entend par
réel l'accomplissement toujours différé de ce désir
- n'est autre que l'image fantastique dans laquelle le pouvoir se contemplerait
absolu »**. Le pouvoir, tel que l'âge moderne l'a conçu, est
l'exercice même de la puissance, son extériorisation visible, son
action et sa manifestation; le pouvoir est ce qui donne une forme et
une image à la puissance, ce qui lui permet de devenir un
modèle et de s'exprimer à l'intérieur d'un cadre bien
précis et d'un appareil bien défini:
- Or l'État, l'institution de sa puissance, sa
fondation, se fait à partir de la représentation, qui agit comme
un véritable moyen de transformation de la puissance : à
travers l'action de la représentation, la puissance s'accomplit dans le
réel - comme source inépuisable pour l'action du pouvoir.
C'est à ce moment-là que la
représentation et le pouvoir, voire même le sens qu'on en donne,
deviennent de la même nature, dans le sens où le pouvoir - comme
image et visibilité de la puissance - est désormais l'effet de la
représentation, et celle-ci, de sa part, opère en tant que signe
et forme de l'exercice du pouvoir. Et ce pouvoir ne peut exister et se
reproduire qu'en étant absolu ou qu'en étant la
représentation imagée du monarque comme sujet du pouvoir. Le
pouvoir absolu du monarque devient totalement réel et efficace dans les
signes et les images qui le représentent : -
« le roi n'est vraiment roi, c'est-à-dire monarque,
que dans des images. Elles sont sa présence réelle ; c'est-
à- dire une croyance dans l'efficacité et
l'opérativité de ses iconiques est obligatoire ; sinon le
monarque se vide de toute sa substance par défaut de transsubstantation
et il n'en reste plus que le simulacre ; mais, à l'inverse, parce que
ses signes sont la réalité royale, l'être et la substance
du prince, cette croyance est nécessairement exigée par les
signes eux-mêmes. Son défaut est à la fois
hérésie et sacrilège, erreur et
crime » (22). Cela signifie que nous pouvons lire et
interpréter les signes de l'autorité royale ou autres
autorités du pouvoir comme des images mêmes du pouvoir, comme des
figures qui se donnent à voir dans la représentation qui les
reproduit. :-« La représentation comme pouvoir, le
pouvoir comme représentation sont l'un et l'autre un sacrement dans
l'image et un - monument - dans le langage, où, échangeant leurs
effets, le regard ébloui et la lecture admirative consomment le corps
éclatant du monarque, l'un en récitant son histoire dans son
portrait, l'autre en contemplant une de ses perfections dans le récit
qui en éternise la manifestation » (23).
___________________________
** MARIN Louis, Le Portrait du roi, Paris, Minuit, 1981,
22*ROUGE Bertrand, Citer l'Autre, dans un
chapitre intitulé,'' Citation, autorité, pouvoir''. Livre
écrit par Marie Dominique Popelard, et Anthony John Wall
23 *Ibid. P 74
Dans cet esprit de représentation du pouvoir,
beaucoup de penseurs autant issus de l'époque des Lumières que de
l'époque contemporaine, ont donné un sens à ces pouvoirs
tant convoités par les uns et exercés par les autres. Alors, il
va falloir situer qui fait quoi et comment il le fait et ce, à travers
les âges : dans la séparation des pouvoirs et la
classification classique des régimes politiques, on constate que l'un
des grands bouleversements qu'aura apporté Montesquieu est d'avoir
permis d'inverser les modèles de classification des
régimes
politiques antérieurs. Pour la pensée grecque, depuis
l'Antiquité, on formulait des modèles qui se distinguaient selon
les gouvernants. C'était notamment le cas de
Platon et de son disciple
Aristote. Pour Platon (24)
chacune des formes de pouvoir politique citées ci-dessous,
secrète en son sein une catégorie d'hommes qui va porter en elle
son renversement et le passage à la forme suivante :
Classification des régimes selon Platon
|
Forme de gouvernments
|
Fondement
|
Aristocratie des "rois-philosophes"
|
Sagesse (elle se corrompt par la perte de la
culture)
|
Timocratie
|
Recherche des honneurs (fondée sur un
idéal de guerrier)
|
Oligarchie (ploutocratie)
|
Recherche de la richesse (fondée sur les
inégalités des fortunes)
|
Démocratie
|
Tolérance et égalitarisme
|
Tyrannie
|
Passions, (la peur, le désir
bestial)
|
En effet, Platon (25) assigne deux causes essentielles au
processus de dégénérescence qui provoque le passage
à la démocratie :
-La perte de la culture,
-La perte de la vertu civique, l'une et l'autre
nécessaires, à la formation d'une élite légitime
apte au commandement
La notion de fondement du régime sera reprise
très souvent par la suite, en particulier par
Montesquieu. La force
politique de la démocratie athénienne, souligne Aristote,
réside dans le fait qu'elle repose sur une égalité des
citoyens qui se manifeste par : tous, excepté ceux qui sont exclus,
ont le droit à la parole, et le droit à la participation de
façon égale.
_____________________________
24 * Bruno BERNARDI, La démocratie, Edition
Flammarion, Paris, 1999, p.58
25 *Ibid., p 58 et les suivantes
Classification des
régimes selon Aristote
|
Gouvernement
|
Forme juste
|
Forme pervertie
|
Gouvernement de la majorité
|
République, (politeia)
|
Démocratie
|
Government d'une minorité
|
Aristocratie
|
Oligarchie
|
Gouvernement d'un seul
|
Monarchie
|
Tyrannie
|
Aristote classe les régimes selon leur valeur
idéale, même si en pratique, le meilleur gouvernement reste celui
qui est le plus adapté à la Cité, (Aristote mélange
donc l'idéalisme et le réalisme). Ainsi, il vaut mieux une forme
juste de gouvernement qu'une forme pervertie ; de plus il vaut également
mieux que le plus grand nombre de personnes prenne part au gouvernement, (en
résumé : république, (politeia), >
aristocratie, monarchie, démocratie, oligarchie, tyrannie). Pour
Aristote, les formes de gouvernement sont perverties lorsque les gouvernants
cherchent leur propres intérêt plutôt qu'à bien
gouverner la Cité. Ainsi, parmi les formes justes de gouvernement (la
constitution droite), la meilleure est la république et la moins bonne
la monarchie ; parallèlement, le moins perverti des régimes
injustes est la démocratie tandis que le pire est la tyrannie.
Néanmoins, si le meilleur des régimes reste la politeia,
(république), celui-ci ne peut être réalisé qu'en
pratique, l'exercice du pouvoir est soustrait intégralement à
l'indéterminé, à l'imprévisible** et donc ne peut
se trouver que sous sa forme pervertie de la démocratie ;
l'aristocratie, puis la monarchie, formes justes de gouvernement, sont donc
préférables à cette dernière. Le modèle typique
antique fut simplifié par
Thomas Hobbes, (
1588-
1679) : - « La
différence qui existe entre les Républiques
[gouvernements] repose sur celle qui se trouve entre leurs
souverains » (26). Il en résulte une classification tripartite
entre :
- La monarchie : c'est le gouvernement d'un seul.
L'aristocratie, c'est le gouvernement de plusieurs : -« C'est
l'assemblée d'une partie seulement de l'ensemble »*; la
démocratie, (qu'il appelle également république
populaire), un régime populaire sui se traduit par le gouvernement de
tous : - « C'est l'assemblée de tous qui voudront part
à la réunion »*. Quant à la
classification des régimes selon Hobbes, on trouve :
MonarchieGouvernement d'un seulAristocratieGouvernement
de plusieursDémocratieGouvernement de tous
|
|
|
|
|
|
|
____________________________
26 * HOBBES Thomas, Léviathan,
**Aristote, Les politiques, IV, 1,1289a, 12-17
*Une typologie développée par Aristote au
chapitre IV du livre IV, fondée sur l'organisation des pouvoirs
Selon Montesquieu, la classification de ces régimes,
selon les gouvernés, va essayer de présenter une nouvelle
classification des régimes politiques. Faisant, il va être
amené à prendre comme point de départ
les gouvernés. Plus précisément, son
modèle de classification répond à la question : les
gouvernés peuvent-ils jouir de leurs libertés ?
Son modèle est donc le suivant : c'est le despotisme,
(on dirait aujourd'hui une
dictature), où il
n'y a pas de séparation des pouvoirs ; donc pas de liberté.
Ensuite, la monarchie se définit comme la séparation
limitée des pouvoirs, mais avec des garde-fous, (le respect des
lois
fondamentales assuré par l'existence de corps intermédiaires,
en particulier la
noblesse).
Enfin, la république signifie la
séparation des pouvoirs la plus importante, qui peut être de deux
ordres : aristocratique, (on dirait aujourd'hui
oligarchique) et démocratique.
On voit tout de même l'influence des
typologies antiques, notamment celles de
Platon et
Aristote, dans la
classification de Montesquieu. La sous-distinction entre république
aristocratique et république démocratique repose essentiellement
sur les gouvernants. En outre, il associe, comme ces deux
précédents auteurs, les régimes à un
principe :
Classification des
régimes selon Montesquieu
|
Régime
|
Caractéristique
|
Principe
|
Despotisme
|
Confusion des pouvoirs
|
Crainte, (du peuple envers le despote)
|
Monarchie
|
Séparation des pouvoirs
limitée
|
Honneur, (des nobles et du roi)
|
République
|
Séparation des pouvoirs
|
Vertu, (de tous)
|
Pour Montesquieu, peu importe le régime choisi tant que
ce n'est pas le despotisme. Cependant, la république a des risques de
dérive en raison de la démagogie ; c'est donc un régime
à éviter. De plus, se reposer sur la vertu de tous est en fait
une quasi-
utopie. D'une part, la
monarchie risque toujours, en raison de la simple distribution des pouvoirs
entre législatif et exécutif, (pas de séparation des
pouvoirs), de dériver vers le despotisme. Pour éviter cela, il
faut que la monarchie soit modérée. Cette modération
s'opère par la présence d'intermédiaires ayant une
troisième puissance, la puissance judiciaire, indépendante des
deux autres (exécutive / législative). D'autre part, La monarchie
modérée est donc pour lui le meilleur des régimes. Par
conséquent, Montesquieu ne préconise pas une séparation
des pouvoirs totale mais une séparation des pouvoirs limitée,
(que la doctrine qualifiera par la suite de séparation des pouvoirs
souple).
Néanmoins, avec l'évolution des régimes,
on ne peut plus aujourd'hui garder cette classification : on peut
difficilement classer dans un même régime les monarchies telles
que le
Royaume-Uni, où
le roi est effacé et les monarchies comme le
Maroc, où le roi au
contraire, est de fait à la tête de l'exécutif. Cependant,
on a gardé de cette classification de Montesquieu la distinction entre
les régimes de séparation des pouvoirs, (connotation positive) et
les régimes de confusion des pouvoirs, (connotation négative). Weber fait une
synthèse des deux précédentes classifications. Le
sociologue
Max Weber (
1864-
1920) indique que dans toute
science humaine, il y a nécessairement intervention humaine, donc une
part d'irrationnel. Cependant, il est possible de déterminer certains
schémas, qu'il nomme "
idéal
type", qui sont une simplification du réel et ne permettent
pas de tout comprendre. Mais classer des régimes politiques, ce n'est
donc pas seulement les comprendre, mais il existe toujours une part de jugement
de valeur. En particulier, chez Montesquieu, un mauvais régime sera
celui où il n'y aura pas de séparation des pouvoirs. Toute la
pensée constitutionnelle du
XXe siècle
sera fondée sur ce postulat qu'un bon régime politique est un
régime assurant une séparation équilibrée des
pouvoirs.
Pour
Max Weber, en 1894, la
classification des régimes répond à deux questions :
d'abord qui gouverne ? C'est là justement
qu'intervient l'
idéal- type :
pour savoir qui gouverne, il s'agit de déterminer comment une personne
peut arriver au pouvoir, (de quelle façon est transmise l'
autorité),
(27).
Weber souligne qu'il existe l'Autorité
coutumière ou traditionnelle, il suppose que :-
« la croyance quotidienne en la sainteté de
traditions valables de tout temps et en la légitimité de ceux qui
sont appelés à exercer l'autorité par ces
moyens » (28). Ce sont en particulier les rois qui constituent
une autorité charismatique. Celle-ci repose
sur :- « la soumission extraordinaire
au caractère sacré, à la vertu héroïque ou
à la valeur exemplaire d'une personne, ou encore émanant d'ordres
révélés ou émis par celle-ci »,
(29). Il s'agit d'une personnalité qui fascine : son pouvoir
est alors transmis à ses héritiers, mais de façon
dégradée, car il y a routinisation, (système naturellement
entropique, sans
incertitude). Ce peut être des dictateurs, des prophètes ou des
sages qui forment une autorité légale-rationnelle : -
« la croyance en la légalité des
règlements arrêtés et du droit de donner des directives
qu'ont ceux qui sont appelés à exercer la domination par ces
moyens», (30). Ce sont les régimes politiques contemporains, dans
lesquels l'autorité arrive au pouvoir par des mécanismes de droit
perçus comme justes, (élection), ce qui permet aux élus
d'avoir de l'autorité, c'est-à-dire le pouvoir de
légiférer des lois qui soient considérées par tous
comme justes et qui sont donc respectées.
De quelle manière est aménagé le pouvoir
? C'est-à-dire qui est celui qui a le véritable pouvoir et quels
sont les rapports qu'il a avec les autres pouvoirs. Le problème est que
souvent ces deux questions sont confondues, alors qu'elles répondent
à deux logiques différentes.
_________________________
27 * Max WEBER, Économie et société,
tomes 1 et 2, Plon, 1921, (publication posthume), p.289 et les suivantes
28 *Ibid.
29 *Ibid.
30 *Ibid.
Ainsi, la classification des régimes selon Weber qui
apparaît ci-dessous et qui suscite deux questions : qui
gouverne, et de quelle manière est aménagé le
pouvoir ?
Régime parlementaire Parlement Chef
du gouvernement
Régime présidentiel
Président Parlement
En réalité, c'est plutôt le
parlement qui domine dans un régime présidentiel de
séparation des pouvoirs stricte, car le président a très
peu de pouvoirs.
Compte
tenu des deux régimes de séparation des pouvoirs qui sont
parlementaires ou présidentiels, on peut constater que la conception de
Sieyès est relativement différente de celle de Montesquieu sur ce
propos.
D'après Sieyès, on va considérer que la
forme de distinction des pouvoirs de Montesquieu était une forme de
séparation souple, à l'opposé d'une séparation des
pouvoirs stricte ou rigide, qui qualifiait la séparation
présentée par Sieyès.
Cette différence entre les deux se traduit dans les
régimes politiques par une différence entre :
d'une part, les
régimes
parlementaires où il y a interdépendance des pouvoirs,
(moyens d'action réciproques que sont la dissolution de
l'assemblée et la responsabilité du gouvernement devant le
parlement) et collaboration dans les fonctions, (les pouvoirs se partagent
toutes les fonctions). Et d'autre part, les
régimes
présidentiels où il y a indépendance des pouvoirs,
(pas de moyens d'action réciproques) et spécialisation des
fonctions, (monopole d'un pouvoir sur une fonction).
Régime parlementaire Régime
présidentiel
Interdépendance
Indépendance
Collaboration
Spécialisation
Néanmoins, cette distinction classique est imparfaite,
puisque certains régimes ne peuvent être classés avec ces
seuls critères, en particulier à cause de l'évolution des
régimes. D'autre catégories sont alors venues se rajouter au
couple régime présidentiel / régime parlementaire, mais
ces catégories sont également critiquables.
Alors qu'au départ, une multitude de critères
jouaient pour la distinction entre régimes présidentiels et
régimes parlementaires, (correspondant respectivement à une
séparation stricte ou souple des pouvoirs), on n'en retient aujourd'hui
généralement plus que deux : l'absence ou la présence
de moyens de révocabilité mutuels, que sont le droit de
dissolution, (du parlement ou d'une de ses chambres) exercé par
l'exécutif et la
responsabilité gouvernementale, (devant le parlement);
c'est-à-dire que l'on ne prend plus en compte que le seul critère
de l'indépendance ou interdépendance des pouvoirs.
Moyens d'actions réciproques
|
Interdépendance
|
Indépendance
|
Droit de dissolution
|
Oui
|
Non
|
Résponsabilité du
gouvernement
|
Oui
|
Non
|
Nature du régime
|
Parlementaire
|
Présidentiel
|
Ceux qui sont pour le
renforcement du gouvernement dont Robert Walpole, estiment qu'il est
légitime qu'ils aient un soutien au parlement et vont prôner un
régime parlementaire avec séparation des pouvoirs souple. Selon
lui, même s'il y a de la corruption, celle-ci n'est pas criminelle. De
plus, elle a un énorme avantage : elle permet de donner de
l'élasticité ou de la souplesse à la séparation des
pouvoirs, car les positions des trois organes du king in parlement,( c'est une
formation politique de la
curia
regis), sont harmonisées : le
roi, accompagné de
quelques
juges conseillers, (qui
deviendront plus tard le
cabinet) :
ce sont les représentants de la
noblesse, (chambre haute du
parlement), les
représentants du
peuple, (chambre basse). Par
la suite, le
gouvernement
lui-même deviendra un facteur d'assouplissement, car le cabinet sera
conçu comme l'intermédiaire entre la couronne et le parlement. Ce
sera la position adoptée par la
Grande-Bretagne.
Ceux
qui sont contre la corruption des parlementaires par la couronne vont adopter
une position de séparation des pouvoirs stricte, d'où va
résulter le régime présidentiel américain. Elle
sera défendue notamment par
Henri
Saint Jean de Bolingbroke (
1678-
1751), parlementaire
opposé à Walpole. Il donne une valeur constitutionnelle, (donc
s'imposant aux différentes institutions étatiques, en particulier
le roi), au principe d'indépendance mutuelle des pouvoirs, (
couronne,
chambre des
communes et
chambre des
lords). La couronne, par la corruption, devient un danger pour le principe
d'indépendance mutuelle des pouvoirs. Si elle réussissait
à obtenir un soutien parlementaire, il y aurait un risque de retour
à l'absolutisme, (qui a déjà provoqué deux
révolutions). Le roi pourrait alors faire adopter toutes les lois qu'il
souhaiterait, même à l'encontre de la liberté des
sujets.
Henri
Saint Jean de Bolingbroke* en particulier, développe une
théorie selon laquelle, les parlementaires corrompus, au lieu de
préserver le principe de représentation du peuple qui est
à leur charge en matière de vote de tout nouvel impôt, vont
augmenter ceux-ci, car il leur est favorable de faire prévaloir
les intérêts de la couronne qui les corrompt, étant
donné que la couronne a plus d'argent, et que cet argent leur revient
lorsqu'elle les paye pour les corrompre.
Cette théorie, qui ne sera pas appliquée au
Royaume-Uni, sera
pourtant reprise par les colons des
États-Unis,
où la majorité des contestataires partirent. Dans les régimes
parlementaires incluant la séparation
souple des pouvoirs, on constate que les pouvoirs ont des
moyens d'actions les uns sur les autres, (système de poids et
contrepoids), notamment la possibilité pour l'exécutif de
dissoudre le parlement, qui est la contrepartie de la responsabilité du
gouvernement devant le parlement. On note le critère d'interdépendance,
qui est le critère principal d'un régime
parlementaire et qui à son tour possède des moyens d'action
réciproques entre l'exécutif et le législatif. Ainsi, ils
ont (le gouvernement et le parlement) des possibilités de
révocabilité mutuelle, que la mise en jeu de la
responsabilité
du gouvernement devant le parlement illustre parfaitement, (ce mécanisme
de mise en jeu de la responsabilité permet au législatif de
s'opposer à l'exécutif et à sa politique en le
renversant). Cette mise en jeu peut se faire à l'initiative du
législatif comme la rédaction d'une m
otion de censure
contre l'exécutif, (vote censurant le gouvernement par une
majorité renforcée).Par ailleurs, la
question
de confiance signifie que, le législatif répond à la
question en lui signifiant la défiance, auquel cas le gouvernement
démissionne, ou en le soutenant, auquel cas le gouvernement est
conforté. En revanche, la mise en oeuvre du droit de
dissolution,
que l'exécutif remet en cause le législatif en procédant
à la dissolution d'une chambre ou de l'ensemble du parlement. Le peuple
joue alors le rôle d'arbitre entre les pouvoirs :Soit il
réélit la même chambre, (par exemple, au début de la
IIIe république après la dissolution de la chambre par
McMahon,
celui-ci dut se soumettre face à une chambre de même bord); soit
il soutient l'exécutif en changeant le bord politique de
l'assemblée, (par exemple, les dissolutions de
1981 et de
1988 par le Président de
gauche nouvellement élu
François
Mitterrand). Ces moyens permettent de résoudre une crise
institutionnelle, (sans passer par la violence d'un
coup
d'État), contrairement au régime présidentiel,
où il est nécessaire qu'il n'y ait pas de crise pour que le
régime puisse subsister, ce qui amène à
systématiser les compromis. C'est en
collaboration avec l'objectif principal de Montesquieu, qui
prône que les pouvoirs s'équilibrent. Chacun peut agir sur l'autre
; les pouvoirs doivent "aller de concert" et "s'arrêter mutuellement",
(31). La répartition des pouvoirs s'effectue entre plusieurs
organes :
-D'abord, un exécutif bicéphale fonctionne
de la façon suivante : un chef d'État, (roi ou
président) ,un gouvernement (ou
cabinet),
avec à sa tête un chef de gouvernement, (principal ministre,
premier ministre,
chef de cabinet,
président
du conseil ou
chancelier), constituent
un organe collégial distinct du chef de l'État et qui ont des
pouvoirs et une autonomie propres. Puis, un législatif de
préférence bicaméral* se définit par la limitation
de ses pouvoirs, (on veut éviter l'évolution vers un
régime
d'assemblée), afin qu'il équilibre l'exécutif
bicéphale. Chaque pouvoir participe aux différentes
fonctions : l'exécutif a l'initiative de la loi, (
projet de loi, par
opposition à la
proposition de
loi), du droit d'amendement des projets ou propositions de loi. Le
législatif ratifie les traités négociés et
signés par l'exécutif. C'est un régime
très répandu et d'applications variées.
Les régimes parlementaires sont, de loin, les régimes de
séparation des pouvoirs les plus répandus dans le monde, quoique
l'on puisse situer leur foyer initial dans l'
Europe
occidentale. On peut en retrouver ainsi au
Royaume-Uni, en
Allemagne, en
Suède, en
Italie, mais aussi au
Japon ou encore au
Canada. Le régime
parlementaire résulte d'une lente évolution. Il débuta
dans la
Grande-Bretagne
monarchique au
XVIIe siècle.
On peut dégager deux étapes, qui suivent l'évolution
chronologique de l'affaiblissement du pouvoir du roi. Les catégories de
régimes parlementaires sont dualistes ou monistes. Dans le
régime parlementaire dualiste, il y a un exécutif dualiste
(d'où le nom), qui comporte le gouvernement et le
chef de
l'État qui est
non
responsable, mais il n'est pas effacé, car il possède
notamment le droit de
dissolution : le
régime parlementaire dualiste naît avec l'apparition de la
responsabilité
politique des ministres, supplantant leur
responsabilité
pénale. Cette transformation résulte de la question de
confiance posée aux parlementaires par le gouvernement, qui transforme
le procès pénal devant les chambres en un procès
symbolique, puisque le coupable potentiel, (le gouvernement), culpabilise le
parlement en jouant la carte du "si vous ne votez pas pour moi, je
démissionne". Le gouvernement est alors pensé comme un organe de
liaison entre l'exécutif et le législatif : c'est un moyen
d'assouplir la séparation des pouvoirs. Sa double responsabilité,
devant le roi et le parlement, lui permet de jouer le rôle de "
fusible",
ce qui empêche une crise des institutions en cas de désaccord
grave entre le parlement et le roi. Un législatif, le parlement, qui est
généralement bicaméral (chambre haute et chambre basse),
est ici pour pouvoir agir comme un `'pendant'' avec ce dualisme de
l'exécutif. Dans le régime parlementaire moniste, le gouvernement
supplée plus ou moins le chef d'État qui s'est
effacé : pour l'exécutif, il n'a plus qu'un rôle
protocolaire, certes prestigieux. Deux situations sont alors possibles :
le chef d'État peut tout de même conserver un certain poids sur la
politique : on parle alors de
magistrature
d'influence. Par exemple, au
Royaume-Uni, la reine,
qui connaît toutes les affaires politiques, peut adresser ses
observations aux ministres en privé, (certes, ses ministres ne sont pas
tenus juridiquement de suivre ses avis, mais politiquement oui, du fait qu'elle
occupe ses fonctions depuis plus longtemps qu'eux, n'étant pas sujette
aux aléas de la politique comme les ministres, ces derniers tiennent
compte de ses opinions). Le chef d'État n'a plus aucun rôle
politique comme au
Japon ou en
Suède : on
parle alors d'un monocéphalisme. De fait, le
gouvernement
n'est plus responsable que devant la chambre, (plus de double
responsabilité devant la chambre et le roi). Le chef de gouvernement est
le chef de l'exécutif et il détient l'essentiel des pouvoirs, en
particulier le droit de
dissolution,
législatif : Le
parlement peut
être aussi
monocaméral*.
Il en existe des exemples, mais depuis le
directoire, on se risque
à associer monocaméralisme avec le
régime
d'assemblée, (ce qui est contesté, puisque la nature du
Directoire n'est pas certaine : voir infra, des régimes
inclassables).
_______________________________
31 *Charles MONTESQUIEU, De l'esprit des lois, livre
XI
C'est pourquoi le bicaméralisme est
employé pour éviter les débordements du législatif,
alors même que la pratique a démontré que le régime
d'assemblée pouvait tout aussi bien s'instaurer avec le
bicaméralisme (ce fut le cas sous les IIIe et IVe Républiques);
ce sont les régimes les plus répandus au monde, mais même
ainsi, la chambre basse a tendance à dominer la chambre haute.
Par exemple, au Royaume-Uni, la chambre des Lords a perdu son
pouvoir financier, (le plus important des pouvoirs du parlement), en
1911.
En France, la chambre haute, le
Sénat,
est également
limité
vis-à-vis de l'
Assemblée
nationale. L'évolution de l'un,(monocaméralisme),vers
l'autre(bicaméralisme) s'opère
graduellement :-« ainsi, l'on passe
progressivement d'une monarchie absolue à une monarchie
modérée, (avec respect des
lois
fondamentales et un certain pouvoir du parlement autonome), puis d'une
monarchie modérée à un régime
parlementaire »*, comme l'explique M.
Maurice Duverger
(32)
.Ces régimes parlementaires eux-mêmes ont évolué.
D'une part, ils se sont
démocratisés,
alors qu'à l'origine la base électorale était
limitée (
vote
censitaire), elle s'est progressivement élargie à toutes les
couches de la société, (le suffrage universel, direct ou
indirect, est aujourd'hui devenu la norme dans les régimes
démocratiques). D'autre part, la nature des régimes
parlementaires elle-même a évolué, puisque l'on passe de
régimes parlementaires dualistes à des régimes monistes.
Tout au long de cette évolution, la logique suivie par le parlement
était qu'il fallait limiter le pouvoir du roi.
Le régime parlementaire dualiste
répond à la double question : comment maintenir un roi, qui
par son essence ne peut être responsable de ses actes, (à cause de
son caractère sacré), et répondre aux exigences de la
représentation, (concilier roi et représentation populaire) ?
Pour répondre à cela, deux
mécanismes vont se dégager dans la pratique : la
constitution d'un
gouvernement,
dans lequel les ministres du roi se réunissent, et peu à peu
forment un organe distinct de lui. C'est le
cabinet, qui fera le lien
entre le roi et les chambres. Cela se manifeste dans le
contreseing ce qui veut
dire la signature du cabinet engageant ainsi la responsabilité des
ministres du roi.
Le contresignataire, (le ministre), endosse la
responsabilité de l'acte du roi devant les chambres. Mais ce
régime dualiste est un régime transitoire : il est peu
durable car les possibilités de conflits au sein de l'exécutif
sont grandes et celles-ci ne peuvent être résolues que par
l'effacement de l'un des organes, (historiquement, le roi). Ainsi,
Léon
Gambetta, (chef du parti républicain aux débuts de la
IIIe, à propos du président
Mc Mahon, en
opposition avec la chambre), disait de ce dernier qu'il lui fallait :
- « se soumettre ou se
démettre ». On n'en retrouve donc que peu
d'exemples. :
_________________________
32 * Maurice DUVERGER, Théorie sur l'Influence
des partis politiques sur la séparation des pouvoirs,
l'Encyclopédie libre
Maurice Duverger (né le 5 juin 1917 à
Angoulême), est un juriste, politologue et professeur de droit
français, spécialiste du droit constitutionnel
-la
Grande-Bretagne
pré -victorienne (de
1714, où l'on voit
apparaître un soupçon de
responsabilité
politique du gouvernement, à
1824-
1834), le règne de la
reine
Victoria marquant le passage du dualisme au monisme par son effacement
progressif de la scène politique. Il faut également rajouter la
constitution de la Ve République,(voir infra, Un
régime mixte : la France sous la Constitution de 1958), qui est un
régime dualiste où l'exécutif est distribué entre
le
Président
de la République et le
Premier
ministre : chaque pouvoir a une seule fonction, strictement distincte.
Effectivement, le pouvoir exécutif exécute seul la loi et le
pouvoir législatif fait seul la loi. Mais les pouvoirs ne sont pas
totalement séparés grâce à l'existence de moyens qui
les mettent en relation, qui permettent de les arrêter, et qui sont
appelés poids et contrepoids, (checks and balances). Ce sont
notamment le droit de
veto du président
à l'égard des lois votées par le parlement, le refus
des chambres de voter les recettes nécessaires à la politique du
président, (le pouvoir financier est historiquement le premier des
pouvoirs du législatif).
Un régime fragile est donc rare.
Ainsi, le régime présidentiel est un régime
d'équilibre des pouvoirs : aucun pouvoir ne peut dominer
durablement l'autre, car ils se font contrepoids et se freinent. Cependant, le
pouvoir qui a le plus de légitimité, (celui dont le mode
d'élection permet la meilleure représentation du peuple), aura
tendance à prédominer sur la scène politique.
Contrairement à ce que semble indiquer son nom, ce n'est donc pas un
régime qui consacre l'omnipotence du président, puisqu' au
contraire, l'exécutif peut-être diminué face au
législatif, ce qui cause l'échec des régimes
présidentiels. C'est ce qu'on appelle la perte de l'équilibre
des pouvoirs, qui peut se présenter comme suite :
-L'instauration de la responsabilité du gouvernement
devant le législatif entraîne invariablement un glissement du
pouvoir du chef de l'État, (président ou roi), vers le chef
du gouvernement, qui peut être appelé
indifféremment premier ministre, principal ministre, chef de cabinet,
chef du conseil ou encore chancelier, ce qui, à terme, signifie un
régime parlementaire, en application du principe selon lequel celui qui
est responsable, ( le premier ministre) est celui qui a le pouvoir politique,
( souverain). C'est le cas des deux constitutions de la
Suède*, qui a une
évolution lente et sera concrétisée par la Constitution de
1974, et de la
Norvège, (33) ,
où s'est produit la révolte de la
Storting, (le
législatif), contre les conditions politiques imposées par les
Suédois.(34) (Entre
1859 et 1872, Charles xv
poursuit cette politique et octroie une constitution libérale en1865,
c'est la raison pour laquelle en 1905 la Norvège se sépare de la
Suède).
Toutefois, la démocratie qui découle du
fonctionnement d'une institution politique peut nuire à celle-ci, car
elle peut avoir des faiblesses, mais la démocratie au sens moderne peut
y remédier. C'est ce que nous étudierons par la suite.
______________________
33 *La constitution de 1814
34 *La constitution de 1809
II.DEUXIEME PARTIE : LES LIMITES DE LA
DEMOCRATIE ATHENIENNE ET L'AVENEMENT DE LA DEMOCRATIE MODERNE
Qu'est-ce qu'au juste une démocratie ? Si
l'on se réfère tour à tour à l'étymologie du
mot et aux multiples régimes qui se sont réclamés d'elle,
de l'Antiquité aux temps modernes, la démocratie se
révèle être une idée simple ... à
caractère complexe. C'est d'abord une idée simple :
- la démocratie est en effet ni plus ni moins que le
pouvoir direct, (krátos, en grec), par et pour le peuple,
(le-démos). Mais ensuite cette définition soulève un
problème, parce que cette idée simple est, en fait, difficilement
applicable dans la réalité, y compris dans le régime
auquel on l'associe classiquement : la Cité athénienne,
c'est du moins ce que révèle la nouvelle lecture, qui a fait
l'objet de commentaires par le Danois Mögens H. Hansen .De fait,
l'exercice au quotidien de la démocratie directe se heurte à de
nombreuses limites :
- En ce qui concerne la taille de l'État, pour que les
citoyens puissent s'assembler, ils ne doivent pas être entre autres
éloignés les uns des autres. C'est pourquoi l'idée de
démocratie sera traditionnellement associée aux
cités-États. Même à Athènes,
l'Assemblée ne réunissait qu'une fraction des citoyens, (6 000 en
moyenne sur 30 000 au IV siècle avant notre ère).
- Il existait aussi une instabilité
irréversible. L'expérience historique l'atteste : les
démocraties sont instables et semblent conduites irréversiblement
à l'anarchie ou à l'oligarchie, car le principe par exemple du
tirage au sort peut s'appliquer dans des sociétés simples, alors
que dans nos sociétés complexes, il faut en revanche
connaître le droit, l'économie, la stratégie....etc.
Xénophon rapporte (Mémorables1,2,9) que Socrate s'indignait de
cette procédure dans ces termes :- « C'est folie de
nommer les magistrats par tirage au sort, alors que personne ne veut s'en
remettre au sort pour le choix d'un pilote, d'un charpentier, d'un joueur de
flûte ou de toutes autres ouvriers du même genre, dont les fautes
sont bien moins nuisibles que celles de ceux qui gouvernent ».
Bernardi, dans son oeuvre, La démocratie*, explique ce qui
menace la liberté antique, c'est que cette
liberté était reservée à s'assurer le partage
du pouvoir social, les hommes ne fissent trop bon marché des droits et
des jouissances individuelles.
Mais encore, dans la cité
athénienne, on retrouve le sixième titre pour gouverner pour
Platon, dans son oeuvre les lois, ce que Jacques Rancière a
souligné dans le principe démocratique d'égalité,
qui est `'la connaissance ou la compétence''. Seuls les savants
devraient gouverner. C'est bien également le cas de le dire pour
Aristote dans les trois modes d'élections : seuls les deux premiers
modes d'élection à savoir le pouvoir législatif et le
pouvoir judicaire et exécutif sont démocratiques, alors que la
désignation du chef des armées est sous le mode aristocratique -
une élection des plus compétents - C'est le cas de la Cité
athénienne comme des cités italiennes de la Renaissance. Les
perpétuelles divisions entre factions dont elles ont été
le théâtre, expliquent d'ailleurs la défiance que la
démocratie ne cessera d'inspirer. « On ne peut lire l'histoire
des petites Républiques de la Grèce et de l'Italie »*,
écrit l'un des pères fondateurs de la fédération
américaine, « sans se sentir saisi d'horreur et rempli de
dégoûts par le spectacle des troubles dont elles étaient
continuellement agitées, et cette succession rapide de
révolutions qui les tenaient dans un état d'oscillation
perpétuelle, entre les excès du despotisme et de
l'anarchie », (35).
- A propos des compétences limitées du
citoyen, on note que si un citoyen participe au gouvernement, encore faut-il
qu'il ait toutes les compétences techniques requises. C'est pourquoi,
dans son fonctionnement quotidien, la cité athénienne n'a jamais
été une démocratie pure, c'est-à-dire
intégralement directe, car le peuple assemblé ne détenait
pas tous les pouvoirs. Aussi, les fonctions si importantes, qui sont, notamment
militaires, étaient remplies par des magistrats élus. Pour toutes
ces raisons, la démocratie directe n'a cessé d'apparaître
comme un régime idéal parce que justement irréalisable.
Pourtant ardent défenseur de ce régime, Jean-Jacques Rousseau
considère ainsi qu'il n'y à point de véritable
démocratie directe et qu'un « gouvernement si parfait ne
convient pas à des hommes », mais « à un
peuple de dieux », (36).
1-1 VERS LA DEMOCTATIE
REPRESENTATIVE
Pour former démocratiquement l'espace public, l'espace
politique doit parvenir à intégrer les voix marginales de la
cité. Cet même espace politique doit se constituer comme une
caisse de résonance des problèmes sociaux globaux, en
étant réceptifs aux impulsions émanant des mondes
vécus «...imaginer une ouverture de l'espace politique
à de nouvelles formes d'expression de libertés
civiques »* . Maints pays n'ont pourtant pas renoncé au
principe d'un gouvernement fondé sur la participation du
« peuple », (au sens propre du terme).
La solution tient en une formule : la démocratie
représentative est le régime, où la volonté des
citoyens s'exprime par la médiation de représentants
sélectionnés au sein du peuple, comme dit Constant. Benjamin* ce
qu'il faut prévaloir c'est la liberté de l'individu,
indépendant, autonome qui s'exprime dans l'ordre politique comme
d'être représenté.
Le fait que la démocratie soit un régime
nécessairement représentatif apparaît aujourd'hui comme une
évidence. Or, il n'en fut pas toujours ainsi. Longtemps, l'idée
même de démocratie représentative est apparue comme une
contradiction dans les termes. De Platon à Rousseau, les philosophes
n'ont cessé de distinguer la démocratie de tous les
régimes à caractère représentatif. De tous les
philosophes, J.-J.
___________________________
*Rencontre avec Habermas, in le Monde des livres, 10 Janvier
1997
* Bruno BERNARDI, La démocratie, Edition
Flammarion, Paris, 1999, p 155
* Benjamin CONSTANT, De la liberté dans anciens
comparée à celle des modernes, Paris, GF- Flammarion, 1986,
p 265
Rousseau est le plus hostile à l'idée
de représentation. Pour lui, déléguer son pouvoir à
des représentants revient pour le peuple à aliéner sa
liberté, puisque rien ne garantit que la volonté des
représentants soit fidèle à la volonté
générale.
Cette critique n'a pas disparu avec la mise en place des
démocraties représentatives. Dans l'entre-deux-guerres,
Carré de Malberg considère encore que l'introduction de la
représentation entraîne la « captation » de la
démocratie, une oligarchie élective se substituant au peuple
souverain. Si au XVIIIe siècle, les fédéralistes
américains et les révolutionnaires français admettent le
principe de la représentation, ils n'en continuent pas moins à
établir une nette distinction entre le régime
représentatif et la démocratie.
Pour Emmanuel Sieyès, par exemple, il y a une
« différence énorme » entre la
démocratie, où les citoyens font eux-mêmes la loi et le
régime représentatif, dans lequel ils exercent leur pouvoir par
le biais de représentants élus. « Les citoyens qui se
nomment des représentants renoncent et doivent renoncer à faire
eux-mêmes la loi ; ils n'ont pas de volonté particulière
à imposer », (37).
« S'ils dictaient des volontés, la France ne
serait plus cet État représentatif ; ce serait un État
démocratique. Le peuple, je le répète, dans un pays qui
n'est pas une démocratie, (et la France ne saurait l'être), ne
peut parler, ne peut agir que par ses représentants »,
(38).
De leur côté, les fédéralistes
américains n'ont guère le sentiment d'oeuvrer à la
naissance de la démocratie, mais oeuvrent pour un gouvernement de
type nouveau, conciliant les avantages de la représentation avec le
principe de la république.
Dans Les Principes du gouvernement
représentatif, Bernard Manin rappelle cet étrange
paradoxe : alors qu'un « gouvernement organisé
selon les principes représentatifs était (...)
considéré, à la fin du XVIIIème siècle,
comme radicalement différent de la démocratie, (il) passe
aujourd'hui pour une de ses formes »(39). Pour lui,
l'extension du suffrage universel, au terme de longs conflits, n'a fait que
donner « une puissante impulsion à la croyance que le
gouvernement représentatif se muait peu à peu en
démocratie »*.
C'est pourtant bien la représentation qui s'est
imposée comme le moyen de palier l'impossibilité d'une
participation directe des citoyens dans le cadre des États-nations qui
émergent à partir du XVIIIe siècle. Au cours des
révolutions anglaise, américaine et française, plusieurs
arguments sont avancés qui militent en faveur de l'introduction de la
représentation dans le fonctionnement de la démocratie. Par
conséquent, il existe une nécessité d'une division du
travail dans une économie marchande.
En confiant la gestion des affaires aux représentants
sélectionnés parmi le peuple, les individus peuvent librement
vaquer à leurs occupations privées. Le philosophe John Locke est
l'un des premiers à défendre cette idée. De même, E.
Sieyès voit dans la représentation l'application à l'ordre
politique du principe de la division du travail, principe qui constituait,
à ses yeux, un facteur essentiel du progrès social.
Pour Benjamin Constant, « le système
représentatif est une procuration donnée à un certain
nombre d'hommes par la masse du peuple, qui veut que ses intérêts
soient défendus, et qui néanmoins n'a pas le temps de les
défendre toujours lui-même », (40).Il veut dire par la
liberté se réalise grâce à un gouvernement
représentatif, ce qui permet de valoriser la liberté
individuelle, mais à trop chercher son intérêt particulier,
le risque d'oublier « le droit de partage »* le pouvoir
politique qui s'accomplit. Pour ne pas tomber dans l'asservissement, il faut
maintenir l'équilibre entre la liberté individuelle et le droit
de partage. De fait, le contexte dans lequel s'élaborent les
démocraties modernes n'a plus guère à voir avec celui qui
a vu la naissance de la démocratie athénienne. La question de la
liberté ne concerne plus seulement la sphère publique. En effet,
elle concerne aussi la sphère privée.
- La représentation permet alors de
surmonter cette division.
En défendant la diversité des
intérêts, la représentation évite que des groupes
d'intérêts ne viennent menacer les droits des minorités.
Dans cette perspective, l'étendue des États n'est plus un
obstacle, mais au contraire favorable à la démocratie. Selon le
célèbre argument avancé par les
fédéralistes, « un grand territoire et une importante
population favoriseront la multiplication des intérêts et des
opinions, ce qui rendra difficile la coalition d'intérêts
partisans, de factions, et donc la formation d'une majorité qui mettrait
en danger les droits des minorités, la liberté de chacun et, par
là, le bien origine de la démocratie représentative commun
et l'intérêt général », (41).
___________________________
35 *Les fédéralistes qui soutiennent toute
forme d'organisation sociale combinant l'existence d'un centre et le maintien
des entités membres
36 * Jean-Jacques Rousseau, Le contrat
social
37 * Emmanuel-Joseph Sieyès, La
séparation stricte du pouvoir
38 *. Ibid
39 * Bernard Manin, Principes du gouvernement
représentatif, Calmann-Lévy, 1995
40 * Benjamin Constant, De la liberté des
anciens comparée à celle des modernes (1819), édition
de Marcel Gauchet, Pluriel, 1980, P.501
41 * Les fédéralistes, op.cit
* Hélène Lande more, Les principes du
gouvernement repéresentatif (Calmann-Lévy, 1995). Elle y
souligne que Manin Bernard et Urbinati Nadia, ont écrit ensemble
Représentative Démocracy : Principles And Genealogy
(University of Chicago Press, 2006) qui traite du même sujet
* "Les Institutions démocratiques
peuvent--elles faire un usage « efficace » des ressources
morales ?"Edition N°2.Revue Futur anterieur, 1990.
*Infologisme.com v. 1.2.0 (c) 2004-2009
1-2 LES PRINCIPES DEMOCRATIQUES
On ne peut avoir une définition assez correcte et
précise de la démocratie pour assurer le bon fonctionnement des
institutions sans pour autant savoir de quoi elle est composée. On peut
avoir des institution fiables et qui répondent aux attentes et aux
aspiration des citoyens, sans qu'elles respectent les principes fondamentaux de
la démocratie et ce, à partir du maintien de la dignité
humaine qui se traduit par la grande fermeté contre les anciens abus,
et une condamnation de privilèges à tel point que même la
déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 a clairement
dit, dans son article 6 :
- «... la loi doit être la
même pour tous, sitôt qu'elle protège soit qu'elle
punisse... ». Comme on peut le constater, cette formule du
précédent article est exactement le contre-pied
des privilèges. La déclaration sus- mentionnée proclame
entre autres dans le même article, article VI :-
« tous les citoyens ont le droit de concourir
personnellement, ou par leur représentant, à la formation de la
loi, qui est l'expression de la volonté générale
»*, ce qui implique en principe dans cet article le suffrage universel.
Les genres de principes qui garantissent la transparence démocratique
sont doubles :
- d'abord, il existe le contrôle populaire sur les prises
de décisions et sur les décideurs, puis il y a le principe de
l'égalité devant les citoyens dans l'exercice d'un
contrôle.*
À la fois réel sur le premier principe, à
savoir le contrôle populaire sur la prise de décision et sur les
décideurs, il s'agit à cet effet de rendre le contrôle
populaire sur les décisions publiques à la fois réel mais
inclusif. Effectivement, il faut relire à l'élite le monopole de
le prise de décision et des bénéfices y afférents,
et surmonter les obstacles, tels que ceux-ci sont liés au genre,
à l'ethnie, à la religion, à la langue, à la
classe, à la richesse... etc. Ainsi, tout ceci se fait par rapport
à l'exercice équitable des droits des citoyens. Les principes
précédemment cités sont importants et forts de
signification, mais ils ont besoin d'être spécifiés avec
précision dans le cadre d'un système de gouvernance
représentatif.
C'est un gouvernement dans lequel d'anciens
dirigeants assignent à d'autres le droit de décider de la
politique publique en leur nom. C'est alors que ces deux principes fondateurs
protègent et servent les bonnes démocraties et le bon
fonctionnent des institutions. Au moyen de ces postulats, il nous faut
identifier un ensemble de valeurs médiatrices, à travers
lesquelles ces deux principes préalablement cités peuvent se
réaliser dans la politique. Pour citer ces valeurs- là, on peut
trouver entre autres :
_________________________
* S ALLEMAND, Les fondements de la
démocratie, Ed le seuil, Numéro 81
*Articles VI de la déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789
- la participation,
-l'autonomie,
-la représentation,
-la transparence,
-la sensibilité,
-la solidarité.
C'est en effet, à partir de ces valeurs, qu'on
peut dire que les institutions d'un gouvernement représentatif gardent
leurs caractères démocratiques, et ce sont même ces valeurs
à l'aide desquelles on évalue comment dans la politique, les
institutions fonctionnent démocratiquement. Alors, une relation à
double sens entre les valeurs et les institutions confère au processus
d'évaluation de la démocratie son fondement intellectuel et sa
validité. Cette double relation est schématisée dans le
tableau ci- dessous composé de quatre colonnes :
VALEURS MEDIATRICES
CONDiTIONS
REQUISESMOYENS ET
INSTITUTIONS
DE REALISATION
PARTICIPATION-Droit à participer
-Capacité et ressources pour les partis
-Culture de participation-Système de droit et
politique
-Droit économique et social
-Éducation en faveur des citoyens
AUTONOMIE-Validation de la constitution
-Choix des responsables
-Service / programme
-Contrôle du personnel élu existant sur le
personnel non élu-Référendum
-Élection libre et juste
-Système de subordination aux responsables
élus
REPRESENTATION-Législature des principaux courants
de l'opinion populaire : toutes les institutions politiques
représentatives de la composition sociale de
l'électorat-Système électoral et de parti, loi contre la
discrimination
- Une politique d'action affirmative
IMPUTABILITE-Des lignes claires d'imputabilité
légale, financière et politique pour assurer une prestation de
service et une intégrité judicaire efficaces et
honnêtes
-État de droit et séparation des pouvoirs
-Processus d'audit indépendant
des normes légales applicables
-Fort pouvoir parlementaire de
vérification
TRANSPARENCE-Gouvernement ouvert à un
contrôle législatif et public
-Législation sur la liberté d'information
-Média indépendants
SENSIBILITE-Gouvernement accessible par les
électeurs, et les différentes sections de l'opinion publique dans
le cadre de la conception et de la mise en oeuvre des politiques et des
prestations de services-Consultation publique systématique
-Réparation légale effective
-Gouvernement local proche de la population
SOLIDARITE-Tolérance de la
diversité
-Soutien des gouvernements
démocratiques populaires à
l'étranger-Éducation civique et sur les droits de
l'homme
-Loi sur les droits humains au niveau
international : agence des Nations-Unies ou autres- ONG
internationales
La colonne n°1 donne la liste des principes
comme valeurs médiatrices. Ensuite, la colonne n°2 présente
les conditions requises par ces valeurs pour être effectuées.
Trois colonnes énumèrent les institutions typiques, à
travers lesquelles ces conditions peuvent être remplies dans un
système de gouvernement représentatif. Et le tableau
résume ce qui doit être évalué, et les
critères par lesquels cette évaluation doit se faire.
1-3 CARACTERISTIQUES ET
ELEMENTS
Le choix institutionnel pour une démocratie
efficace est très important, pour qu'une démocratie au sens noble
du terme évolue d'une manière positive. Bien entendu, eu
égard à cette manière dont se fait ce choix, il
détermine inévitablement le bon fonctionnement d'une
démocratie. Ce qu'on va retenir surtout de ce chapitre, c'est la
relation très étroite entre les valeurs démocratiques et
le cadre institutionnel, dans lequel elles se manifestent. Les institutions
politiques et démocratiques définissent
généralement l'équilibre des pouvoirs entre les forces
politiques, et déterminent dans une large mesure la manière dont
fonctionne le cadre démocratique. Les choix institutionnels sont donc
extrêmement importants pour les pays en transition et pour les nouvelles
démocraties.
Les deux options les plus importantes, auxquels sont
confrontés les architectes des nouvelles constitutions
démocratiques, sont l'alternative entre des élections pluralistes
et la représentation proportionnelle d'une part, et entre une forme
parlementaire et une forme présidentielle de gouvernement d'autre part.
Si chaque option présente des atouts et des faiblesses, le plus
important pour les sociétés en voie de démocratisation,
voire même pour celles dites démocratiques, est d'adopter
des systèmes électoraux favorisant une démocratie de
conciliation, plutôt que de confrontation, et des politiques du secteur
public, garantissant ainsi l'inclusion effective des minorités et non
leur exclusion. En outre, pour consolider la démocratie dans un cadre
institutionnel, il faut que les acteurs politiques et le public parviennent
à accepter, que la résolution des conflits se fasse
nécessairement dans le cadre des lois, des procédures et des
institutions adoptées par le nouveau processus démocratique, et
non par d'autres moyens anti démocratiques.
Par conséquent, la durabilité de la
démocratie dépend plus que du simple choix de bonnes institutions
démocratiques. Elle dépend aussi de l'interaction entre les
cultures, voire même des traditions locales et des institutions
politiques. On ne peut ni exporter, ni importer facilement la démocratie
comme un produit. En effet, les processus et les institutions doivent prendre
en compte l'héritage de l'histoire, les traditions et les cultures
locales. Alors que les valeurs de la démocratie sont universelles, la
démocratie elle-même est obligatoirement locale, au sens local du
terme bien-sûr. De ce fait, la démocratie ne peut
être imposée d'en haut ; elle doit être soutenue au
niveau local et dépend de l'engagement des acteurs nationaux :
- « c'est le rôle du citoyen et la mise en
perspective d'une citoyenneté mondiale qui pourrait servir de fil
conducteur », (42).
____________________________
42 * Gustave MASSIA, Entretien sur une gouvernance
démocratique, Paris
Comme la démocratie doit être
compatible avec le contexte local, elle prend inévitablement des formes
institutionnelles différentes selon les régions et les pays. On
peut signaler un aspect qu'on pourrait ignorer de plus en plus, dont la
stabilité de la démocratie dépend : c'est bien les
attitudes et les comportements des élites politiques et du public. Pour
consolider la démocratie, il faut en faire « la seule option
possible », (43)*. Cela signifie qu'aucun groupe ou acteur politique
ou social important ne devrait dépenser de ressources importantes pour
essayer de renverser le régime pour le remplacer par un régime
antidémocratique, ni recourir à la violence pour se
séparer de l'État.
Cela implique aussi, qu'une forte majorité
de l'opinion publique doit être convaincue, que les procédures et
les institutions démocratiques constituent la meilleure façon de
prendre des décisions collectives, et que le soutien à des
solutions de remplacement du régime démocratique est relativement
faible.
Non seulement, les défenseurs de la démocratie
doivent aider à construire le cadre institutionnel démocratique,
mais aussi soutenir le renforcement de la culture démocratique, et
encourager l'adoption des valeurs démocratiques. Ils doivent aussi
créer des incitations, pour que les dirigeants et les autres acteurs de
la vie politique respectent leurs obligations démocratiques.
Il existe aussi un autre élément important dans
les sociétés modernes : la démocratie ne peut
s'organiser sans les partis politiques. D'une manière
générale, les partis servent à intégrer les groupes
et les individus dans le processus démocratique. Plus
précisément, les partis politiques sont des instruments
importants, sinon essentiels, d'un certain nombre de fonctions
démocratiques :
-la représentation des
circonscriptions et des intérêts politiques,
-la formulation et le rassemblement des
revendications et des préférences,
-le recrutement des candidats à des
fonctions publiques et leur socialisation,
-l'organisation de la compétition
électorale pour le pouvoir,
-l'élaboration de politiques de
rechange,
-la formation de gouvernements efficaces,
-la mise en oeuvre des politiques publiques.
Certaines de ces fonctions peuvent aussi être
remplies par d'autres organisations, mais les partis sont les seuls à
combiner un rôle représentatif et un rôle institutionnel,
puisqu'ils représentent la population, tout en étant les
coordonnateurs et les gestionnaires des procédures démocratiques.
__________________________
43 * Mme Ingrid VAN BIEZEN, document de
réflexion, Université de Birmingham, (Royaume-Uni)
Les partis représentent donc le principal
mécanisme de liaison entre la société civile et
l'État, puis entre la société et la gouvernance
démocratique.
Construire et consolider la démocratie
implique donc nécessairement de renforcer les partis politiques dans
leurs rôles tant représentatif qu'institutionnel, en s'attachant
en priorité aux fonctions de représentation, qui sont
confrontées à la menace la plus grave et la plus
immédiate.
Même si les partis politiques sont
considérés comme nécessaires au bon fonctionnement de la
démocratie correctement instaurée, cela ne signifie pas qu'ils
sont beaucoup aimés ou respectés.
En fait, dans les démocraties
contemporaines, les partis politiques représentent probablement le
maillon le plus faible, ce qui est peut-être un paradoxe. Bien qu'ils
constituent le lien essentiel avec la gouvernance démocratique, la
population ne croit pas nécessairement qu'ils servent les meilleurs
intérêts du public en général. Cette attitude est de
plus en plus répandue dans les anciennes comme dans les nouvelles
démocraties, où les partis sont considérés
maintenant comme représentant l'institution la plus corrompue, et
à l'une de celles, à laquelle le public fait de moins en moins
confiance.
C'est ainsi que dans l'Union européenne, le
public a bien moins confiance dans les partis politiques que dans toute autre
institution privée ou publique, et moins encore que dans les grandes
entreprises ou les syndicats, et aussi beaucoup moins que dans les institutions
comme l'armée ou la police, ou même enfin moins dans l'institution
des Nations-Unies ou celle de l'Union européenne.
D'ailleurs, la méfiance à l'égard des
partis politiques est aujourd'hui si grande qu'elle n'est pratiquement plus
mesurable. Pour renforcer les institutions démocratiques et promouvoir
la gouvernance démocratique, il faut absolument résoudre d'abord
cette crise de confiance dans les partis politiques. En effet, la formation de
partis politiques est capable d'exposer et de représenter les
intérêts et les revendications de la société, de les
transformer en programmes politiques, et de les mettre en oeuvre de
manière efficace, ce qui constitue donc une priorité
essentielle.
Une autre priorité majeure concerne
l'établissement de mécanismes et de procédures efficaces
pour éradiquer, ou du moins réduire le plus possible, les
pratiques de corruption dans les milieux politiques.
La conception et la construction du cadre institutionnel de la
démocratie, le renforcement des valeurs et des comportements
démocratiques constituent un processus complexe et de longue haleine.
C'est pourquoi il a fallu aux démocraties
libérales les plus anciennes des décennies, sinon des
siècles, pour se consolider. De ce fait, il ne serait pas
réaliste de supposer qu'une démocratie durable puisse être
assurée uniquement par des interventions à court terme.
Le renforcement de la démocratie exige un engagement
permanent, une éducation politique continue, puis la volonté de
parvenir à des compromis et d'accepter de progresser par des changements
successifs, et c'est enfin une évolution au coup par coup.
1-4 L'INSTITUTION ET LA
VOLONTÉ GÉNÉRALE
Au cours de leur histoire, les institutions
démocratiques ont fait appel à divers types de compétences
morales des citoyens, pour les motiver dans l'accomplissement de leurs
obligations civiques envers le corps politique, tout comme envers leurs
concitoyens.
Les plus éminentes de ces compétences morales
sont la vertu, la raison et l'intérêt. Quoi qu'il en soit, les
auteurs de la constitution américaine n'ont pas choisi de mettre
l'accent sur la vertu et la raison, que l'on considère comme fondements
inébranlables de la République, (cf. Pangle Thomas). Et ils
étaient tout à fait sceptiques, quant aux capacités de la
raison à gouverner la volonté collective du peuple. Madison
lui-même, (44)*, doutait de la notion de volonté collective, car
il tenait pour impossible qu'une telle volonté puisse émaner
librement d'une société civile homogène. Il y voyait
plutôt l'attribut d'un gouvernement héréditaire ou
autocratique. Il ne déplorait d'ailleurs nullement cette
impossibilité d'une volonté unitaire émergeant du sein de
la société civile, car il voyait dans la fragmentation et la
désunion de celle-ci un garant de la préservation de la
liberté universelle.
Il se basait effectivement sur le fait :-
« qu' il existe nécessairement diverses sortes
d'intérêts chez les diverses classes de citoyens »* et
que , « malgré le fait que toute l'autorité... sera
dérivée de la société et dépendra d'elle, la
dite société sera divisée en tant de partis,
d'intérêts et de classes de citoyens, que les droits de
l'individu, ou de la minorité, ne seront guère menacés par
les combinaisons intéressées de la majorité »*
(Fédéraliste : 51/323, 324). Ainsi, la démocratie
américaine déchargeait-elle le peuple souverain du lourd fardeau
de mener à bien la tâche presque sacrée de définir
et de réaliser le bien commun. Sinon, le modèle se restreignait
à la création d'institutions, (telles que le droit à la
propriété privée et la séparation des Pouvoirs),
susceptibles de permettre aux individus de promouvoir leurs différents
intérêts et leur idée particulière du `'Bonheur'',
tout en évitant simultanément le danger, qu'un gouvernement
tout-puissant impose son idée du `'Bonheur collectif '' au peuple. Au
lieu d'« unifier » les citoyens sur la base d'un quelconque
vouloir collectif, les pères fondateurs ont jugé plus prometteur
de s'engager dans la direction contraire, afin de favoriser la diversité
et la fragmentation des intérêts.
__________________________
44 * Marbury v. Madison (Marbury contre Madison) est un
arrêt de la
Cour
suprême des
États-Unis,
(arrêt 5 U.S. 137) rendu le
24
février
1803. C'est à bien des
égards, le plus important des arrêts rendus par la cour, ce
principe donne à la cour son pouvoir le plus important, et fait d'elle
la première
cour
constitutionnelle de l'Histoire.
*Ibid.
*Le Fédéraliste, (les pères fondateurs du
fédéralisme), chapitre51, p 323- 324.
D'une certaine façon, on peut considérer
ces institutions comme de la vertu à l'état
`' congelé `' ou'' sédimenté `', on
peut dire que les pères fondateurs font par là même de la
pratique de vertus, telles que la sincérité, la sagesse, la
raison, la justice, et pour tout autre qualité morale exceptionnelle, un
exercice relativement facultatif, tant de la part des gouvernants que des
gouvernés.
Cette ingénieuse machinerie est
évidemment bien moins exigeante sur le plan moral que ne le serait un
autre type de démocratie -ce serait celle qui prendrait en charge
l'aspiration du peuple à une rédemption profane à travers
une révolution plus ou moins permanente des conditions sociales, qui
exposent les hommes à la souffrance, à la pauvreté
,à l'oppression, à l'humiliation, à la dépendance,
à l'ignorance, et à la superstition-
On rencontre ce type d'aspiration dans le principe de la
Révolution française, qui fut avant tout un enchaînement de
révolutions sociales entre autres -ce fut, soit
successivement une révolution de la noblesse, une révolution de
la bourgeoisie, soit une révolution des masses urbaines et une
révolution paysanne (Lefebvre) -tout au long de cet enchaînement,
le sort de chaque individu apparaissait inéluctablement lié
à celui de tous les autres.
Par ailleurs, l'élément religieux en
l'occurrence à sans doute jouer un rôle mobilisateur, où
règne la conviction que toutes les âmes sont égales devant
Dieu. Et ce n'est pas par l'excellence et la supériorité
personnelles que l'on obtient le salut, mais en fait celui-ci est l'expression
de la miséricorde Divine à l'égard des pauvres et des
malheureux :
Un tel credo, quand il est sécularisé, nourrit
l'idée d'une émancipation collective à travers la
révolution sociale. (Notons en passant que l'impact d'une
Théologie politique innervée par le concept de révolution
sociale, et donc d'émancipation collective, est particulièrement
vigoureux dans les pays catholiques, comme dans le Tiers-Monde, et surtout en
Amérique latine). La notion de souveraineté populaire
était donc associée dès l'origine à une
souveraineté, qui se voulait divisible d'un corps collectif, qu'il
s'agisse de la Nation, de la République, ou du Peuple uni, tandis que
les médiations et les mécanismes institutionnels passaient pour
secondaires.
« Peu importe comment une nation veut, il suffit
qu'elle veuille ; toutes les formes sont bonnes et sa volonté sera
toujours la loi suprême », (45)*, proclamait l'abbé
Sieyès - qui était d'ailleurs un théologien catholique -
à la révolution. Il ne fait pas de doute que pour Sieyès
la volonté de la nation
___________________________
45 *SIEYES Emmanuel Joseph, op.cit. Vicaire
général, (prêtre assistant de l'évêque...),
partisan d'une monarchie constitutionnelle, devenu l'un des consuls
provisoires, il présente un projet de constitution qui ne fut pas
retenu. Après la Restauration, (la restauration de la monarchie de 1814
à 1830), Sieyès est proscrit pour avoir voté la mort de
Louis XVI. Le régicide s'exile alors à Bruxelles. Il rentre en
France en 1830 et meurt six ans plus tard à Paris
était intrinsèquement raisonnable, car il
était inconvenable - surtout à l'époque des
Lumières - qu'une volonté arbitraire puisse devenir loi.
Pas plus que la volonté de dieu, la
volonté du peuple ne pouvait errer, par la simple venue du fait qu'elle
était celle du peuple, cette volonté ne pouvait être
que« raisonnable », « juste » et
« vertueuse ». Cette équation était
évidemment influencée par la façon, dont Rousseau
déduit la volonté générale dans le Contrat
social. Quand Rousseau formule l'idée
que :- « la volonté
générale est toujours bonne et vise toujours le bien
commun », (46)*, rappelant que c'est lui aussi qui
disait que : - « le mal
général ne peut être que dans le
désordre », (II/3).* Cela n'implique pas pour lui, comme
certains commentateurs l'ont prétendu, que la volonté empirique
du peuple soit intrinsèquement bonne ou morale par essence.
Il dispose en fait d'un meilleur argument,
à savoir d'un argument proprement procédural. Car, il
radicalise-en l'inversant - une clause établie par Montesquieu pour
garantir le caractère raisonnable de la loi. D'après Montesquieu,
en régime démocratique, les législateurs devraient
toujours être soumis à leurs propres lois. Rousseau retourne ce
principe, puisqu' au lieu de déclarer que : -
« les auteurs des lois doivent également y être
soumis ». Il inverse la proposition en formulant l'idée
que : - « le peuple qui est soumis à la
loi doit également en être l'auteur », (II/6)*, (47).
Quelle est l'implication de cette inversion et que
signifie-t-elle ? D'après chacune de ces maximes, la loi est
générale, si elle s'applique aux gouvernants-législateurs
comme aux gouvernés.
Mais le principe de Montesquieu n'exclut pas la
possibilité qu'un législateur qui s'avérerait- en raison
de caractéristiques particulières, (masochisme, par exemple), ou
de sa situation économique privilégiée-incapable
d'être affecté négativement par le contenu de la loi impose
des souffrances illégitimes aux gouvernés. Dans ce cas, bien que
la loi s'applique également au législateur, les
conséquences de son application ne sont pas les mêmes pour lui que
pour tous les autres .On ne pourrait éviter une telle
éventualité que si la situation économique, les
intérêts, les besoins, les sentiments, et les
préférences du législateur, puis ceux des citoyens sont
suffisamment semblables, pour que la loi les affecte de la même
manière.
________________________________
* ROUSSEAU Jean-Jacques, Le contrat social,
46*Ibid., II, p .3
*Rousseau dit que les contradictions viennent des
intérêts particuliers, et Les motifs secrets sont les ennemis de
la volonté générale. La faute est d'éteindre en soi
l'expression de la volonté générale qui est toujours
connue, qui est toujours une, qui n'est connue que par l'intuition (et non les
raisonnements) et qui vise le bien commun
47 *Ibid.» « The Social
Contract ». (Le contrat social), Harmonds- worth Penguin Books,
II, 1968, p .6
*Ibid.
C'est précisément là l'objet de
la maxime de Rousseau, étant donné que c'est le même sujet,
qui respecte la Loi, et qui en est l'auteur. En effet, ce sujet n'est autre que
les classes populaires, vu que chaque individu participe au processus de
formation de la volonté législatrice, et participe aussi au
processus de libéralisation sur le contenu de la loi. C'est pourquoi
Rousseau considère en premier lieu la situation de ses semblables, (et
ne prête donc guère attention aux éventuelles conditions
« exceptionnelles » d'ordre économique, ou autres
sous lesquelles la loi pourrait s'appliquer). Par conséquent, l'impact
social de la loi tendra à être extrêmement égalitaire
par le seul effet des procédures employées.
Il ne s'agit pas là d'une simple
inclination psychologique des législateurs ordinaires, mais de la
condition normative d'une loi substantiellement juste, ou,
(« démocratique »), et donc effectivement
contraignante. Si nous avons consacré ces quelques paragraphes aux
conceptions respectives de la souveraineté populaire des pères de
la constitution américaine, et de Rousseau, ce n'est pas seulement pour
expliquer, que le rapport entre la souveraineté et la raison a des
racines bien distinctes dans les deux traditions révolutionnaires, mais
également parce que ces incarnations contemporaines sont largement
affectées par ces traditions.
A première vue, on peut être surpris, que ce
soit précisément par la théorie de la démocratie,
qui présuppose l'égalité la plus poussée des
citoyens, qui ait pu nourrir la révolution dans un pays
caractérisé par une extrême inégalité des
conditions, tandis que la théorie de la souveraineté populaire
qui a prévalu dans les colonies américaines, où les
inégalités économiques et sociales étaient
plutôt limitées, excluait catégoriquement la
possibilité d'une volonté et d'un intérêt communs
émanant d'un peuple unifié.
Ce paradoxe s'explique pourtant, si l'on considère le
caractère social de La révolution française, contrairement
à la révolution américaine qui, outre le fait qu'il
s'agissait d'une lutte pour l'indépendance nationale, était une
révolution purement constitutionnelle, et explicitement conservatrice du
point de vue économique et social. Une révolution sociale
détermine le destin du peuple tout entier, et par là même,
relie étroitement celui de chaque individu au sort de sa
catégorie sociale.
Quand Rousseau dit que personne ne peut travailler pour
soi-même, sans travailler simultanément pour la communauté,
il ne se contente pas de présenter une version sécularisée
de l'injonction chrétienne d'aimer son prochain comme soi-même,
mais il se fait le précurseur inconscient des dimensions sociales de
réciprocité et de solidarité. Les libéraux pensent
cela mais autrement. Cette conception de la démocratie et l'idée
de révolution sociale se renforcent mutuellement, car la perception du
peuple comme une personne morale accentue le caractère collectif de son
destin et l'authentique égalité de ses membres, orientant ainsi
leurs espoirs vers l'idée d'émancipation
sociale :-« l'image d'une multitude...réunie en un seul
corps, et guidée par une unique volonté, était l'exacte
description de ce qu'ils étaient dans les faits, car c'était la
quête du pain quotidien, qui les mettait en mouvement, et le cri de ceux
qui exigent du pain est toujours articulé d'une seule
voix »*,(Arendt, H 1963, 89).
Elle s'attache à mettre au diapason les origines du
totalitarisme avec la société de masse et ce, pour faire sortir
l'homme de sa condition humaine, dans laquelle il est exploité, et faire
de ce dernier le moteur de toute société).
CONCLUSION
L'on ne cesse de répéter que les
institutions dans toutes leurs dimensions, ne peuvent être
démocratiques, si on ne prend pas en considération la
manière avec laquelle on conjugue le bien commun comme expression de la
volonté générale. C'est qu'il lui faut présupposer
des conditions extrêmement exigeantes pour assurer l'harmonie de la
volonté du peuple comme exercice d'une tâche commune et du bien
commun, tandis que la théorie démocratique de type
américain risque au contraire de s'avérer trop peu exigeante, en
ce qu'elle réduit le concept de bien commun à n'être plus
que l'agrégation des préférences individuelles.
Mais, même dans la version la moins exigeante de la
tradition libérale américaine, la promotion des
intérêts particuliers de chaque citoyen doit se faire de
façon " civilisée ", soit strictement dans le cadre des
règlements et des procédures qui en garantissent le
caractère équitable et pacifique, ce qui fait que dans chacune
des deux traditions, quoiqu'à des degrés très variables,
il est nécessaire de prévoir des institutions destinées
à la purification et l'affinement des penchants " bruts " et non
civilisés des acteurs sociaux.
Dans la version la plus exigeante, il s'agit de conditionner
les citoyens à être de ''bons'' citoyens, capables de devenir les
sujets actifs de la volonté commune. Dans la version la moins exigeante,
il s'agit de contraindre les citoyens au respect de la loi et de la
constitution, au cours de leur activité intéressée.
Dans l'histoire de la démocratie moderne, plusieurs
stratégies institutionnelles ont été mises en oeuvre afin
de civiliser les citoyens. Les institutions et les pratiques effectives des
démocraties libérales modernes ne correspondent ni à la
tradition française, ni à la tradition américaine. Le plus
souvent, plutôt que de résoudre le problème de l'affinement
de la volonté empirique du peuple, la stratégie dominante a
consisté à mettre entre parenthèses et à ignorer le
dit problème, et à négliger les solutions
envisagées par l'une ou l'autre version de la théorie classique.
C'est du moins ce que nous entendons démontrer dans la discussion qui
suit, au sujet de deux des institutions-clés des démocraties
contemporaines, le droit de vote et l'État-providence*.
Quant au droit de vote et la représentation des
citoyens, il va falloir dire que l'idée que le suffrage universel est le
trait distinctif et déterminant des régimes démocratiques
est aujourd'hui un truisme. Il y a trois façons de justifier le droit
de vote. La justification la plus fondamentale et la plus ancienne repose sur
l'idée, soutenue par Rousseau, que le caractère contraignant de
la loi est conditionné par l'universalité du suffrage. La
volonté générale doit émaner « de tous
les citoyens afin
de s'appliquer à tous les citoyens »
(Rousseau : II/4)*. Mais en deuxième lieu, la théorie
américaine originelle de la représentation virtuelle estimait que
le caractère contraignant de la loi ne repose pas nécessairement
sur le droit de vote de tous les citoyens, .mais qu'il peut être garanti
par une " juste " représentation. Sur cette base, l'universalisation du
suffrage nécessite un autre type d'argumentation, et il convient alors
de faire porter l'accent sur la valeur que ce droit confère à
l'individu. Dans le cadre de cette théorie, le droit de vote institue la
citoyenneté pleine et entière, et détermine qui compte
dans la communauté. Enfin, il y a toujours eu dans la justification du
droit de vote une référence plus ou moins implicite à la
qualité du processus politique censé en résulter.
De ce point de vue, le droit de vote est
justifié par la présupposition, pour rendre les citoyens plus
conscients de leurs responsabilités à l'égard du bien
commun. Rousseau soutenait que la volonté générale tend au
bien commun parce que, « chacun se soumet nécessairement aux
mêmes conditions qu'il impose aux
autres », (Rousseau : II/4) (48)*. En raison de cette
réciprocité, nul ne sera tenté d'imposer aux autres des
devoirs et des sacrifices injustes sous peine de se voir-rendre la pareille-
sauf si ces devoirs sont strictement et intelligiblement nécessaires au
bien commun. Bien entendu, un simple coup d'oeil sur la réalité
historique des processus démocratiques montre clairement que c'est
l'inverse qui a prévalu dans 1a pratique.
Plutôt que de s'appuyer sur l'hypothèse
risquée, selon laquelle l'extension de la participation
conférerait automatiquement à ses bénéficiaires le
statut de citoyen responsable et éclairé, les praticiens de la
démocratie du XIXe siècle s'en sont tenus à
l'hypothèse plus sûre, que seuls ceux, qui ont
démontré qu'ils étaient des citoyens responsables de
premier plan,(en payant des impôts, en accédant à un niveau
d'éducation ou de réussite professionnelle élevé,
etc.) sont habilités à participer. C'est en effet seulement
après la première Guerre Mondiale, que l'universalisation du
droit de vote fut considérée comme possible par la plupart des
démocraties ouest-européennes.
_______________________________
48 *ROUSSEAU J-J, le contrat social II, 4
*Ibid.
*GOODIN, R.E. Reasons for Welfare,(les raisons de l'Etat-
providence). The Political Theory of the Welfare State (la
théorie politique de l'Etat- providence), Princeton. N.J,
Princeton University Press. 1988
*MARSHALL, T H. Citizenship and social class (la
Citoyenneté et la classe sociale), Cambridge University Press,
1949
Si l'on laisse de côté ces
ambiguïtés concernant la justification du droit de vote,
l'extension du suffrage se traduit par le développement d'une
dialectique bien connue. Plus la participation politique s'étend, plus
elle devient dépendante de l'introduction de médiations
représentatives, (que Rousseau considérait comme des
hérésies), telles que les partis politiques et les corps
législatifs.
La théorie du pluralisme des partis et de
la représentation parlementaire a justifié cette introduction non
seulement par la nécessité de faire face au nombre et à la
dispersion des citoyens censés participer sur toute l'étendue du
territoire des États nationaux, mais également par le fait
qu'elle assurait un plus haut degré de compréhension et de
prévoyance - en somme, plus de rationalité politique du processus
décisionnel.
Le processus séculaire de l'extension de la
participation politique - et simultanément celle du caractère
médiat et indirect des formes concrètes de cette participation -
est l'un des deux grands processus structurels cumulatifs de l'histoire de la
pratique démocratique. L'autre grand processus s'inscrit dans une
dimension plus substantielle que sociale : après que des
catégories de gens de plus en plus larges ont accédé
à la citoyenneté active par l'intermédiaire du premier
processus, des aspects de plus en plus nombreux de la vie de la
société civile, en particulier dans le domaine de la production
et de la redistribution, sont passés sous le contrôle de la
volonté politique collective.
La Constitution française de 1791 excluait du suffrage,
les travailleurs salariés et toutes les autres catégories
d'individus dépendants du suffrage, parce que l'on considérait la
pauvreté et la dépendance comme des obstacles à la
possession d'une volonté raisonnable ; et donc à la participation
à la formation de la volonté collective de la nation. Par
conséquent, l'objectif de la démocratisation* en vint à
inclure l'abolition de la dépendance matérielle et de la
pauvreté grâce à la réalisation de
l'égalité économique et sociale, qu'il s'agisse
d'introduire des formes de cogestion et de démocratie industrielle ", ou
que l'on mette en place une régulation étatique des politiques
d'aide sociale, et de " démocratie économique ".
Un des arguments sous-jacents à l'extension de la
démocratie aux sphères de l'économie, de la redistribution
et de l'éducation, postulait que celle-ci aurait des conséquences
positives pour le processus politique en améliorant les qualités
rationnelles, le sentiment de sécurité matérielle - qui
libère des angoisses et des peurs anciennes - et la confiance en soi de
chaque citoyen appelé à participer non seulement aux affaires de
la politique proprement dite, mais également, par l'intermédiaire
de la politique économique et sociale de l'État, à celles
de la sphère de l'économie.
Cette seconde extension de la démocratie passait pour
suivre une logique strictement analogue à celle de la
première : plus de participation citoyenne, dans le but de faire de
" meilleurs citoyens ". Malheureusement, " on ne peut nullement établir
la conclusion que l'extension de la participation enclenche automatiquement une
nouvelle qualité du développement humain, et qu'elle mène
à des résultats politiques notables et souhaitables ", (Held
1987 ; 280, 281)*. En réalité, au cours du
développement de l'État-providence*, les politiques
ré-distributives ont, de moins en moins, été
utilisées comme un moyen. Effectivement, elles sont
considérées comme une fin supérieure-
l'élévation de tous les individus au statut de citoyen
responsable- et sont de plus en plus, un but en soi. L'État-providence
et sa politique de sécurité sociale, et de redistribution peuvent
même entrer en conflit avec l'idéal démocratique de la
raison civique :
- si le schéma de redistribution des revenus n'est pas
couplé avec le principe universaliste de promotion du bien commun,
- et s'il est au contraire dirigé par les
stratégies de groupes, qui veulent s'approprier des portions du PNB, aux
dépens des autres.
Qui plus est, les institutions de l'État-providence ont
été justement critiquées pour leur tendance à
nourrir des attitudes clientélistes et parasitaires chez le citoyen.
L'hypothèse exagérément optimiste, selon
laquelle l'extension de la participation des citoyens, doit naturellement
accroître la qualité cognitive et morale de leurs
compétences décisionnelles, pourrait également être
contestée par un argument inverse : à savoir que la
participation politique, (et les chances d'accéder collectivement
à des biens matériels qui en sont le corollaire), risque en
réalité de corrompre les citoyens en faisant appel à leur
égoïsme. C'est une hypothèse extrêmement pessimiste,
qui amènerait à penser que seuls les citoyens, qui ont su
prouver, qu'ils sont responsables, pourraient voir leur participation
étendue.
La première alternative repose sur l'idée, que
la doctrine de Rousseau est toujours valide :
plus les intérêts des individus sont
politisés par leur transfert à la souveraineté populaire,
moins ils sont vulnérables aux inclinations particularistes, et plus les
volitions, qui confluent au sein de la volonté collective, seront
responsables (1/6). L'autre alternative est de type lockéen :
c'est la force de l'intérêt personnel, qu'il investit dans ses
affaires privées, qui seule peut nourrir - et contribuer à
maintenir durablement - le sens de la responsabilité de l'individu ; et
inversement, plus la sphère des réglementations et des politiques
publiques est étendue, plus les capacités civiques rationnelles
des individus auront tendance à s'appauvrir, (cf. Thompson : 44ff).*
_______________________________
*ARENDT Hannah, (1906.1975), Condition de l'homme
moderne
*Ibid. propos tenus en 1987, p280, 281
*THOMPSON William, économiste anglais, (1780-1833), on
peut le considérer comme un précurseur
de la théorie marxiste de la plus -value ; il a aussi
préconisé une redistribution égalitaire des revenus,
(Recherches sur les principes de la distribution des richesses,
(oeuvre écrite en 1824), et il s'oriente vers le
coopératisme, Le Travail
récompensé , oeuvre écrite en 1827
Tout comme dans le cas d'une
distribution plus universelle et plus égalitaire du droit de
participation politique, la redistribution égalitaire des droits et des
ressources économiques soulève la question suivante :
est-ce que oui ou non, (et si oui, par quel mécanisme
causal ?), plus d'égalité entre les citoyens favorisera le
développement de leurs compétences morales et rationnelles et par
là même, éventuellement, l'amélioration des
résultats du processus de décision collective ?
En posant cette question, nous n'avons bien entendu
nullement l'intention de contester la légitimité d'une
justification des politiques économiques et sociales par d'autres
arguments, que ceux de la théorie démocratique proprement dite,
tels que l'abolition de la misère et de la pauvreté, par exemple.
Mais du point de vue de la théorie de la
démocratie, il est nécessaire d'examiner avec soin et rigueur les
raisons pour lesquelles - et sous quelles conditions - on doit
considérer l'égalité entre les individus comme une
condition préalable et nécessaire de la rationalité
collective. Comment pouvons-nous être à la fois égaux et
meilleurs ? Donc systématiquement " raisonnables ", et on doit
encore être justifié comme tel. Comme nous avons essayé de
le démontrer, il y a eu successivement, au cours du développement
des démocraties libérales modernes, et de leurs
interprétations théoriques, deux façons de résoudre
ce paradoxe : la représentation et l'État-providence. Avant
de mettre en relief ces deux aspects, une notion est fondamentale dans
l'approche de John Rawls*, toujours dans l'humanitarisme, influencé par
beaucoup de philosophes à l'image de Socrate. Il signifie dans
sa théorie de la justice, que les institutions doivent
encourager les individus à se construire pour eux-mêmes un plan de
vie réalisable. N'avoir aucun plan de vie serait en un sens, le signe
d'un non-respect de soi-même.
La théorie de la représentation, faisant partie
de la tradition de la théorie démocratique, permet d'assouplir le
principe selon lequel, pour qu'une décision soit raisonnable, il faut
qu'en dernière instance ses auteurs soient eux-mêmes raisonnables,
en vertu du fait qu'il existe une convergence nécessaire, entre la
volonté du peuple et le bien commun. En effet, il suffit que les membres
des assemblées représentatives et législatives,
adéquatement constituées, proclament la souveraineté de la
raison au nom du peuple, dont l'énorme majorité ne saurait
être présumée raisonnable. Une autre tradition de la
théorie démocratique, qui s'est faite entendre avec une force
croissante dans l'entre-deux-guerres, a commencé à
dénoncer comme illusoires et naïfs les espoirs nourris par la
tradition classique de Rousseau au sujet de l'impact éducatif et
civilisateur du droit de vote. Le citoyen étant considéré
comme fondamentalement incapable d'affiner sa volonté de façon
autonome, il fallait mettre en place un mécanisme subsidiaire, (appui),
d'affinement des préférences. Simultanément, le
mécanisme de la représentation était supposé servir
de barrière aux " inputs ", (synonyme de intrant qui désigne un
élément entrant dans la production d'un bien), irrationnels, qui
pourraient interférer dans la qualité du processus
décisionnel. Robert Michels, Max Weber, Carl Schmitt et Joseph
Schumpeter, malgré leurs orientations politiques et philosophiques
très différentes, partageaient tous ce point de vue de plus en
plus désabusé, et souvent même ouvertement cynique, au
sujet de la capacité des institutions démocratiques, de
transformer la volonté empirique du peuple en quelque chose de plus
raisonnable et éclairé. Ils considéraient, au contraire,
cette volonté comme quelque chose d'intrinsèquement irrationnel,
sujet à toutes les manipulations "césaristes ", et pouvant tout
au plus servir de caisse de résonance au discours d'un chef
charismatique, ou de mécanisme de sélection aux entrepreneurs
politiques. L'homme, dit en effet Kant, conserve en permanence le respect,
qu'il a de lui-même : - « Le sujet habité par la
liberté n'est pas le sujet habité par la souffrance ».
Selon Kant*, toujours, dans la métaphysique des moeurs,
l'humanité a une dignité, car l'homme ne peut être
utilisé par aucun autre homme ; c'est en cela que consiste la
dignité de l'homme et c'est par le biais d'elle, qu'on peut
s'élever au-dessus de tous les autres .C'est dans ce cadre que la
vision kantienne accorde de l'importance au respect de l'homme.
______________________________
*John, RAWLS (1921-2002), philosophe
américain, il analyse les rapports difficiles entre la justice sociale
et l'efficacité économique. L'auteur, de la théorie de
la justice. Sociale 1971, tente de formuler les principes d'une
société juste, c'est- à- dire celle à laquelle
toute individu souhaiterait raisonnablement adhérer.
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des moeurs, dans la doctrine de la vertu.
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XI
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ROQUEFORT Daniel, le rôle de
l'éducateur, Harmattan, Semptembre1976, p.133
ANNEXES
ARENDT Hannah, (1906.1975), Condition de l'homme
moderne, 1958, traduit de l'anglais par Georges Fradier, préface
par Paul Ricoeur, paris, Éditions presses pocket, collection Agora
DOUGLAS M anthropologie des institutions, ainsi penses les
institutions, Edition Brochée, 1986.
FUSTEL de COULANGES N.D, La Cité antique,
1864, Professeur d'Émile Durkheim
LANDEMORE Hélène, [07-Mars
-2008].Réflexion sur la démocratie représentative,
est- elle démocratique ?
L'expression a été utilisée pour la
première fois par Alexandre Hamilton en 1777, dans une lettre au
Gouverneur Morris. La Révolution américaine, contrairement
à la Révolution française, n'a pas fait
l'expérience d'un conflit dramatique entre souveraineté populaire
et représentation, et a sans doute fourni le premier effort
décisif pour dissocier la démocratie des Modernes de celle des
Anciens, c'est-à-dire la démocratie
« représentative » de la démocratie
« pure »
MARAVALL José Antonio, La cultura del Barroco. Analisis
de una estructura historica, (la culture baroque, analyse de la structure
historique), Barcelona, éditorial Ariel, 1975
LEFEBVRE G. Quatre-vingt-neuf, 1970. Paris :
Éditions Sociales
MADISON J. président des États-Unis,
(1809-1817), fut un homme politique américain, et l'un des
créateur du Parti républicain
MARSHALL T.H. 1949, Citizenship and social class, (La
Citoyenneté et la Classe Sociale), Cambridge University Press
Rencontre avec Jürgen Habermas, in le Monde des livres,
10 Janvier 1997
RAWLS J, Une théorie politique de la justice
,1971
RANCIERE Jacques, le maître ignorant, Cinq
leçons sur l'émancipation intellectuelle, Éditions Fayard,
1987
MARCH J.G. et OLSEN, J.P. 1989. « Rediscovering
Institutions, (La Redécouverte des Institutions). The
Organizational Basis of Politics , (La base de l'organisation de la
politique), New York, Free Press
SCHMITT C. Les institutions démocratiques
peuvent-elles faire usage `'efficace'' des ressources morales ?,
1965.Verfassungslehre.4th. Edition Berlin
-Article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et
du citoyen, du 26 Août 1789
QUELQUES DEFINITIONS
ET DATES
*Bolingbroke : la corruption qui menace la balance des
pouvoirs.
*Bicaméral : L'évolution de l'un vers
l'autre
*Monocaméral :
Se
dit d'
un
système
politique
parlementaire
dans
lequel
il n'y a
qu'
une
seule
chambre
*Walpole,(Robert Walpole 1676-1745) : la corruption comme moyen d'harmoniser
les pouvoirs
*La racine du mot Politeia, Poli renvoie
à la réalité concrète de la cité
(communauté politique dans la Grèce antique)
*L'exécutif : Se dit d'une autorité
chargée, au sein de l'État, du gouvernement proprement dit,
à distinguer selon la division opérée par Montesquieu au
XVIIIe siècle, du pouvoir législatif des assemblées
lesquelles font les lois, et du pouvoir judiciaire qui administre la justice
*Le Régime parlementaire : se dit d'un
système démocratique dans lequel la direction du gouvernement
revient, normalement aux forces politiques qui détiennent la
majorité à l'assemblée et où se gouvernement est
responsable devant celle - ci (la Belgique)
*Le Régime présidentiel : il s'agit d'un
système politique dans lequel le chef de l'État dirige le pouvoir
exécutif en vertu d'un mandat personnel, indépendamment des
assemblées(Les États -Unis)
*Le Suffrage universel : est une situation dans laquelle
tous ceux qui possèdent la nationalité d'un pays donnée y
jouissent du droit de vote. Ce droit à été
réservé et accordé qu'aux hommes(en 1948 (en France et en
Suisse), et que le suffrage n'est devenu vraiment universel
que lorsque les femmes l'ont obtenu(en 1946 en France)
*La Démocratisation :il signifie soit
l'approfondissement de la qualité démocratique d'une
communauté politique, soit l'accès à un régime
démocratique d'un pays soumis au paravent à un régime
autoritaire ou totalitaire
*1762 : Rousseau, dans le contrat social, donne
sa justification philosophique à la notion de souveraineté
populaire
*1748 : Montesquieu énonce, dans L'Esprit des
lois, les principes du régime parlementaire reposant sur la
division des pouvoirs
*1690 : Locke, dans ses Traites de
gouvernement, fonde la légitimité de l'autorité
politique sur le consentement des gouvernés
ARTICLES
CONNEXES
Auteurs majeurs :
ARISTOTE, classification des pouvoirs
DE TOQUEVILLE Alexis, séparation verticale des
pouvoirs, (répartition territoriale), et troisième (associations)
et quatrième (presse et médias) pouvoirs
DUVERGER Maurice, influence des partis politiques sur la
séparation des pouvoirs
EMMANUEL-JOSEPH Sieyès, La séparation
stricte des pouvoirs
LOCKE John, balance des pouvoirs
SECONDA
Charles Louis de baron de La
Brède, et de Montesquieu : balance des
pouvoirs
S ALLEMAND, Les fondements de la démocratie,
Ed le seuil, Numéro 81
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION
p3
I-PREMIERE PARTIE : L'INSTITUTION
p5
A) -Les conceptions de l'institution
p5
B) -Les définitions de l'institution
p7
B1-En sociologie
p7
B2-En politique
p8
B3-En anthropologie
p12
1-1Quelle réflexion sur les institutions
p15
1-2 Quelles institutions caractérisent une cité
démocratique
p18
1-3- L'exemple athénien
p19
1-3-1 Structure et synergie des institutions politiques de la
cité p22
1-4 Représentation et sens de pouvoirs
p24
II-DEUXIEME PARTIE : LES LIMITES DE LA
DEMOCRATIE ATHENIENNE ET L'AVENEMENT DE LA DEMOCRATIE
MODERNE...................................................p37
1-1 Vers la démocratie représentative
p40
1-2 Les principes démocratiques
p43
1-3 Caractéristiques et éléments
p43
1-4 L'institution et la volonté
générale
p46 CONCLUSION
p51
Bibliographie
p57
Annexes
p58
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* 1 *ROQUEFORT Daniel, Le rôle de
l'éducateur. Harmattan, 1976, p.133