CHAPITRE II : LES CYBERCAFES SUR LA TRACE DES
TELECENTRES
S'il est aujourd'hui une technologie qui mérite le plus
l'attention d'un géographe du fait de la nouvelle conception du temps et
de l'espace qu'elle autorise, à travers la remise en cause des
dichotomies local/global, l'ici/l'ailleurs, centre/périphérie,
c'est à coup sur l'internet. Impulsé au cours des années
1970 par le Ministère de la Défense Américain, l'Internet
est venu fédérer les réseaux de communication
décrétant de façon irrémédiable la fin de
beaucoup de contraintes auxquelles se heurte le paradigme communicationnel
entre les peuples du monde.
Depuis la connexion du Sénégal en 1996, Internet
a fait l'objet d'une réelle appropriation à la fois par les
entreprises, les ménages et les individus dont il répond de
façon efficace aux divers besoins. L'Internet est une technologie
à la fois simple, puissante et efficace. Il permet la manipulation de
tout type de document que ce soit des textes, des photos, des cartes
géographiques, des dessins, de la vidéo, du son, etc. Il permet
également de réunir en un laps de temps une documentation
importante et une foule d'informations sur un sujet quelconque et /ou
d'établir, en quelques instants seulement, la communication entre les
personnes spatialement très distantes. C'est justement ce qui explique
le rythme d'ouverture élevé des points d'accès à
cette technologie (cybercafés) qui suivent au pas l'empreinte des
télécentres.
Il s'agit dans ce chapitre d'abord d'analyser la
répartition spatiale des cybercafés dans Ouagou Niayes, ensuite
d'expliquer les raisons d'ouverture des cybercafés et leurs
caractéristiques, et enfin, de présenter les services qu'ils
mettent à la disposition des usagers.
: cybercafé
Echelle : 1 / 2 000e Source : DPS, 2004 Carte
améliorée par Sylla.
I - Une distribution spatiale encore très
lâche
Malgré une réelle pénétration
d'Internet dans les habitudes de vie des populations, le nombre de
cybercafés à Ouagou Niayes reste assez limité. En effet,
il n'y a que trois cybercafés dont les deux (2) sont localisés
à 0.N.2 et le troisième à 0.N.3. Leur distribution dans
l'espace du quartier demeure ainsi flottante (voir la carte n°4) et la
densité très faible : 1 cybercafé pour 2 111 personnes
théoriquement.
Tous les cybercafés sont distants d'au moins 200
mètres, ce qui empêche a priori la concurrence entre eux et permet
aux gérants de profiter (mais de façon inégale) des
retombées financières très largement commandées par
une logique comerciale, en lien avec l'accessibilité et la
fréquentation de l'infrastructure. Comme le souligne Sambou
(38) se faire un chiffre d'affaires de 180 000 francs par jour est fort
motivant ! Mais les chiffres d'affaires varient selon les endroits
d'implantation de l'unité de production. A titre d'exemple, dans la
banlieue dakaroise, certains opérateurs se font des recettes de
près d'un million de francs l'année. Dans les zones touristiques,
les recettes tournent autour de 170.000 francs la journée, les touristes
constituant le gros de la clientèle affectés qu'ils sont par le
mal du pays. (39)
Par ailleurs, en dépit d'une faible densité, les
cybercafés sont suffisants pour permettre une « ex-
territorialisation virtuelle» en ce sens que le territoire n'est pas
seulement un espace économique et politique construit mais un lieu
réapproprié, pratiqué, vécu par des populations qui
n'ont pas forcément participé à son
élaboration.(40) En effet, Internet limite
considérablement la portée des frontières en
réduisant les limites de l'espace et du temps. Il permet aux
utilisateurs de se connecter à temps réel ou à temps
programmé à des activités se déroulant à des
distances éloignées, ce qui favorise un effondrement des
barrières telles que la nationalité, l'appartenance ethnique ou
confessionnelle, la culture, la race, etc. et autorise une remise en cause du
paradoxe de l'interface local/mondial. Avec l'Internet, c'est désormais
l'attraction des réseaux, la vertu de l'ennemi proche et de l'ami
lointain ; façon habile et non polémique de définir un
« territoire » négociable avec ces amis lointains et
non-discutable avec ses rivaux proches .(41)
(38) Ansoumana Sambou, 2001, p. 39.
(39) Idem. p.40.
(40) Marie Claude Cassé, 1995, « Réseaux de
télécommunication et production de territoire » in Sciences
de la Société, Territoire, société et
communication, Presses Universitaires du Mirail Toulouse, n° 35, mai 1995,
p.75.
(41) Emmanuel Eveno, 2004, « La géographie de la
Société de l'Information : entre abîmes et sommets »,
Netcom, vol. 18, n° 1-2, p. 25.
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