APPROCHE GEOGRAPHIQUE DE L'APPROPRIATION DES NTIC PAR LES
POPULATIONS : L'EXEMPLE DES TELECENTRES ET DES CYBERCAFES DANS LE QUARTIER
OUAGOU NIAYES A DAKAR
Présenté par Sous la direction de
Ibrahima SYLLA Papa SAKHO
Maître-Assistant
Année académique : 2003 -- 2004
ACRONYMES 4
AVANT- PROPOS 5
INTRODUCTION GENERALE 7
CONTEXTE ET JUSTIFICATION DU CHOIX DE OUAGOU NIAYES
7
PROBLEMATIQUE 10
APPROCHE METHODOLOGIQUE 16
La recherche documentaire 16
Le travail de terrain 18
i La confection de questionnaires 18
i L'échantillonnage 18
i Les enquêtes 21
> Les enquêtes quantitatives 21
> Les entretiens 24
Le traitement et l'analyse des données 24
PREMIERE PARTIE OUAGOU NIA YES, UN QUARTIER
RESIDENTIEL AUX CONDITIONS DE VIE MOYENNES
Introduction 27
CHAPITRE I : UN ESPACE ACCESSIBLE ET FORTEMENT
PEUPLE 31
I - Etude du milieu physique 31
1 - Le site 31
2 - La situation 31
II - L'habitat 32
1 - La morphologie 32
2 - Le logement 33
3 - L'eau et l'électricité dans les ménages
34
III - Le profil démographique 35
1 - Le peuplement 35
2 - La structure de la population 36
3 - La répartition spatiale de la population 37
CHAPITRE II : DES POPULATIONS AU NIVEAU DE VIE
MOYEN 38
I - Les activités professionnelles et revenus de
chefs de ménage 38
1 - Les activités professionnelles des chefs de
ménage 38
2 - Les revenus des chefs de ménage 39
II - Les charges des ménages 39
1 - Structure et taille des ménages 39
1 - 1 - Structure des ménages 39
1 - 2 - Taille des ménages 40
2 - Le niveau de chômage et d'inactivité dans les
ménages 41
3 - Les difficultés d'alimentation et de santé
43
3 - 1 - Les difficultés d'alimentation 43
3 - 2 - Les difficultés de santé 45
Conclusion 45
DEUXIEME PARTIE
TELECENTRES ET CYBERCAFES, UNE OMNIPRESENCE AU SEIN
DE L'ESPACE URBAIN DE OUAGOU NIAYES
Introduction 47
CHAPITRE I : Les télécentres, une
présence massive dans le paysage de Ouagou Niayes ... 48
I - Une colonisation du quartier par les
télécentres 50
1 - La répartition spatiale des télécentres
51
1 - 1 - Une logique commerciale fortement respectée 52
1 - 2 - Les conséquences d'une distribution spatiale
compacte 52
1 - 2 - 1 - La guerre des prix 54
1 - 2 - 2 - La baisse de la rentabilité 55
2 - Les motivations d'ouverture des télécentres
56
II - Les caractéristiques et activités des
télécentres 56
1 - Les caractéristiques des télécentres
56
2 - Les activités des télécentres 58
2 - 1 - Les services offerts 58
2 - 2 - Les prix pratiqués 59
CHAPITRE II : Les cybercafés sur la trace
des télécentres 61
I - Une distribution spatiale très lâche
63
II - Les motivations d'ouverture et
caractéristiques des cybercafés 64
1 - Les motivations d'ouverture des cybercafés 64
2 - Les caractéristiques des cybercafés 64
III - La prestation de services 66
CHAPITRE III : Les propriétaires et
gérants des télécentres et cybercafés : entre
unité et diversité 68
I - Profil des propriétaires des
télécentres et cybercafés 68
1 - Les propriétaires de télécentres, des
commerçants en majorité 68
2 - Les propriétaires de cybercafés, un niveau
d'instruction élevée et une assise financière confortable
70
II - Profil des gérants de
télécentres et cybercafés 70
1 - Une prépondérance féminine dans la
gestion des télécentres 70
2 - Les gérants de cybercafés, des
célibataires au niveau d'éducation élevé 72
Conclusion 72
TROISIEME PARTIE
LES USAGERS ET LES USAGES DES TELECENTRES ET
CYBERCAFES
Introduction 76
CHAPITRE I : Les usagers de
télécentres et cybercafés : des profils variés
76
I - Les caractéristiques
socio-démographiques des usagers 76
1 - Genre et âge des usagers 76
2 - Niveau d'instruction des usagers 77
3 - Ethnies et nationalités des usagers 77
II - Environnement familial, activités
professionnelles et revenus des usagers 78
1 - Environnement familial des usagers 78
2 - Activités professionnelles des usagers 78
3 - Revenus des usagers 79
CHAPITRE II : Les usages des
télécentres et cybercafés par la population
80
I - L'usage des télécentres par la
population 81
1 - Les facteurs de fréquentation des
télécentres 81
1 - 1 - Les coûts onéreux de l'abonnement domestique
81
1 - 2 - L'accessibilité physique de l'infrastructure
83
1 - 3 - L'attirance de l'infrastructure 83
2 - Les jours et les moments de fréquentation des
télécentres 84
3 - Les contenus et contraintes des communications
téléphoniques 85
1 - Les contenus des communications 85
2 - Les contraintes des communications 88
II - L'usage des cybercafés par les habitants
89
1 - Appréciation des usages des cybercafés 89
1 - 1 - Les facteurs d'appropriation et modalités
d'utilisation des cybercafés 89
1 - 1 - 1 - Les facteurs d'appropriation des cybercafés
89
1 - 1 - 2 - Les modalités d'utilisation des
cybercafés 91
1 - 2 - Les usages d'Internet : entre recherche d'informations et
communication ..92 1 - 2 - 1 - La recherche d'informations sur Internet 93
1 - 2 - 2 - La communication via Internet 95
1 - 3 - Les contraintes liées à l'usage d'Internet
97
1 - 3 - 1 - Les contraintes liées à l'accès
98
1 - 3 - 2 - Les contraintes techniques 99
1 - 3 - 3 - Les contraintes financières 100
2 - Regard critique sur l'Internet 100
2 - 1 - Les avantages d'Internet 101
2 - 2 - Les inconvénients ou dangers de l'Internet
102
Conclusion 105
CONCLUSION GENERALE 106
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 110
LISTE DES TABLEAUX 113
LISTE DES CARTES, FIGURES ET PHOTOS
114
LES ANNEXES 115
ACRONYMES
AOF : Afrique occidentale française
ART : agence pour la régulation des
télécommunications
Batik : bulletin d'analyse sur les technologies
de l'information et de la communication (lettre d'information
électronique mensuelle publiée par OSIRIS)
CRDI : centre de recherche pour le
développement international DPS : direction de la
prévision et de la statistique
DR : district de recensement
ESAM : enquête sénégalaise
auprès des ménages HLM : habitations à
loyer modéré
NTIC : nouvelles technologies de l'information
et de la communication O.N. : Ouagou Niayes
ONG : organisation non gouvernementale
OPCE : office des postes et de la caisse
d'épargne OPT: office des postes et
télécommunications
OSIRIS : observatoire sur les systèmes
d'Information, les réseaux et les inforoutes du Sénégal
RGPH : recensement général de la
population et de l'habitat SDE : sénégalaise des
eaux
SENELEC: société nationale
d'électricité
Sonatel : société nationale de
télécommunication
TIC : technologie de l'information et de la
communication
UNETTS : union nationale des exploitants de
télécentres et téléservices du
Sénégal
AVANT - PROPOS
La réalisation de ce modeste travail répond
à un double objectif.
Le premier objectif est de fournir un travail d'études
et de recherches en guise de mémoire. L'Université Cheikh Anta
DIOP, à travers le département de Géographie, nous invite
à produire un rapport d'études en vue de l'obtention du
diplôme de maîtrise, qui vient sanctionner quatre années de
formation. Ce travail s'inscrit sur cette lancée.
Le second objectif est plus modeste. Il s'agit, en choisissant
ce sujet, d'apporter une humble contribution à la construction de cette
branche de la géographie humaine que Emmanuel Eveno(1)
appelle «géographie du Catoblépas».(2) Il
s'agit de la géographie des télécommunications, longtemps
mal intégrée dans le corpus géographique et qui n'a eu
qu'une incidence minime sur l'évolution récente de cette
discipline, marquée de surcroît par l'affirmation de nouvelles
spécialités telles que la géographie des
représentations, des lieux centraux, des paysages, etc.
Même si les géographes ont perçu
l'intérêt des télécommunications dans l'espace
depuis les années 1870 avec la naissance de la téléphonie
moderne, il a fallu attendre un siècle plus tard pour que s'agite
véritablement la curiosité des géographes pour la
communication.
Etait-ce parce que l'objet de la géographie (l'espace)
était considéré comme antagonique aux techniques de
communication à distance ou était-ce à cause de la
mauvaise organisation de la discipline géographique qui ne faisait pas
sinon limitait la place faite aux objets de la communication ? Toutes les deux
hypothèses sont recevables.
De toute façon, aujourd'hui, l'importance de la
communication dans l'espace n'est plus à démontrer. C'est l'avis
de Bernard Miège(3) qui écrit que «la
géographie et les sciences de l'information et de la communication sont
des carrefours de disciplines, des regroupements de disciplines autour d'objets
qu'elles ont pris comme axe : l'organisation des activités humaines
(1) Emmanuel Eveno, «La Géographie de la
Société de l'Information : entre abîmes et sommets »,
Netcom, Communications, Réseaux, Territoires, Vol. 18, nos
1-- 2, janvier 2004, p.12.
(2) Animal fantastique décrit notamment par Pline
l'ancien dans ses histoires naturelles. Il était censé vivre aux
abords du fleuve Sénégal ou en Ethiopie. Sa tête
traînait sur le sol car son trop long cou était trop faible pour
le porter, de sorte qu'il se marchait parfois sur la tête en
avançant. Cette curieuse disposition avait toutefois un avantage car
elle évitait que l'on puisse croiser son regard, ce qui eut
coûté la vie ... (p.12).
(3) Bernard Miège, «Réseaux de communication
et aménagement territorial» in Sciences de la
Société, Territoire, société et communication,
Presses Universitaires du Mirail Toulouse, n° 35, mai 1995, p. 21-2 9.
dans l'espace dans un cas, l'intervention du «paradigme
communicationnel » dans le fonctionnement des ensembles humains
contemporains dans l'autre » (p. 22). Le dialogue ne pourra qu'être
fécond.
Toutefois, ce travail s'est heurté à un certain
nombre de problèmes que nous sommes parvenus à surmonter
grâce aux encouragements et au soutien inlassable de :
- notre Directeur de recherches : nous savons qu'il n'est pas
aisé de superviser le travail d'un étudiant qui fait ses premiers
pas dans la recherche, car à travers son travail et sa
personnalité, les regards se porteront sur ses professeurs soit pour
complimenter, soit pour critiquer. Nous sommes conscients de cela et c'est
pourquoi nous avons toujours essayé de donner le meilleur de
nous-même ;
- nos amis qui nous ont aidés dans nos enquêtes et
sans qui, celles-ci auraient davantage
traîné ;
- notre famille qui a su nous prodiguer le réconfort et
les exhortations dont nous avions besoin dans les moments de fatigue,
d'hésitations et de confusion.
Nous souhaitons qu'ils trouvent en ce document la raison de notre
nervosité, de notre réserve et de nos retards nocturnes
répétés.
Aux uns et aux autres, nous exprimons notre gratitude.
INTRODUCTION GENERALE
Les NTIC sont généralement définies comme
l'ensemble des satellites, des câbles, des réseaux on-line, des
applications télématiques qui permettent le stockage, le
traitement et la gestion des données tout en facilitant la circulation
des idées et le contact entre les hommes. Elles constituent selon
Castells(4) un ensemble convergent des technologies de la
micro-électronique, de l'informatique (machines et logiciels), des
télécommunications /diffusion et de l'optoélectronique.
C'est en raison de cette interaction de l'électronique
et de l'informatique que les applications des NTIC répondent aux besoins
des entreprises, de l'Etat, des ménages et des individus. (5)
CONTEXTE ET JUSTIFICATION DU CHOIX DE OUAGOU
NIAYES
Au Sénégal, l'introduction des moyens de
communication modernes date des années 1850 avec notamment la
construction de la première ligne télégraphique reliant la
capitale d'alors (Saint Louis) à Gandiole, un important carrefour
commercial situé à une quinzaine de km au sud.
Leur expansion a été très rapide
comparée à beaucoup de pays africains. Cela s'explique par le
rôle et la place du Sénégal dans le dispositif de
l'administration coloniale d'une part et par une importante politique qui a eu
le mérite de jeter les bases de l'épanouissement des
télécommunications dans le pays d'autre part. En effet, en tant
que capitale de l'AOF, le Sénégal bénéficiait des
installations de télécommunication que le pouvoir colonial
mettait en place pour les besoins de contrôle et de gestion de ses
territoires. Après l'indépendance du pays, l'Etat hérite
des réalisations coloniales en matière de
télécommunications. Soucieux de préserver les acquis, il
consacre une part importante de ses investissements à la
réalisation d'infrastructures de télécommunications.
L'Etat procéda aussi à deux grandes réformes : celle de
1983 et celle de 1996 destinées de manière générale
à assainir le secteur des télécoms et à faciliter
l'accès des outils de communication et principalement le
téléphone au plus grand nombre.
La réforme de 1983 avait ainsi pour objectif de
renforcer et de moderniser le réseau national des
télécommunications. Elle a surtout permis l'éclatement de
l'OPT en deux entités distinctes (l'OPCE et la Sonatel) et
l'élaboration d'un plan d'urgence destiné à combler le
retard du Sénégal en matière de
télécommunications.
(4) Castells, 2001, La société en réseau.
L'ère de l'information, Paris, Fayard, p.54
(5) Daffé et Dansokho, 2002, p. 45
La réforme de 1996 est marquée par le vote de la
loi 96-03 portant Code des télécommunications et la
déclaration de politique de développement des
télécommunications (1996-2000). Elle a consisté à
libéraliser le secteur des télécommunications notamment en
ouvrant le capital de la Sonatel au privé et en en confiant la gestion
à un partenaire stratégique de renommée internationale
(France -Télécom).(6)
.Aujourd'hui, malgré l'existence de l'ART
(créée par la loi n°2001-15 du 27 décembre 2001
portant code des télécommunications et chargée d'asseoir
le cadre législatif et réglementaire des
télécommunications, de veiller à l'exercice d'une
concurrence saine et loyale et d'arbitrer les litiges entre les
différents acteurs de la téléphonie et des services
Internet) et de l'UNETTS (mise sur pied en 2000 par les exploitants de
télécentres et téléservices pour défendre
leurs intérêts, développer les NTIC dans le pays et appuyer
le processus de réglementation du secteur), le paysage des
télécommunications au Sénégal est marqué par
le monopole de la Sonatel. Opérateur historique, la Sonatel (devenue
à partir de 1997 une société privée dont la
majorité des actions (42,33%) est détenue par France
Télécom) a été créée en octobre 1985
avec pour objectifs de promouvoir le développement des
télécommunications en facilitant l'accès et l'usage du
téléphone à la population et de créer des
richesses.
C'est du reste pour répondre au besoin de faciliter
l'accès du téléphone au plus grand nombre que la Sonatel
autorisa en 1992 l'ouverture des premiers télécentres dans le
pays.
En 1996 la Sonatel permettait aussi au pays de se connecter
à l'Internet (dont les points d'accès sont appelés
cybercafés) notamment grâce à un accord qu'elle a
signé avec MCI (7), une société
américaine de télécommunications [ ...] qui fournit une
gamme de services de téléphonie, de transmission de
données et de lignes privées. (8)
Les télécentres et cybercafés constituent
actuellement d'importantes activités de services qui, non seulement
rendent effective la communication entre les populations, mais aussi permettent
à celles-ci d'avoir de l'emploi et de se créer des richesses.
C'est justement ce qui légitime l'engouement populaire pour ces genres
d'activités. C'est aussi ce qui explique que ces infrastructures de
télécommunication se retrouvent aujourd'hui dans pratiquement
tout le territoire national. Ouagou Niayes, petite cité
péri-centrale de la ville de Dakar, scindée en trois secteurs ou
unités de formes irrégulières et de tailles variées
(0.N.1, 0.N.2 et 0.N.3), n'est point épargné par ce
phénomène massif.
(6) Daffé et Dansokho, 2002, p. 58
(7) Anais Lafitte, 2001, p. 1.
(8) http://www.geneve.ch/
Le choix de ce quartier est motivé par des
considérations d'ordre purement pratique. En terme de concentration des
installations des nouvelles technologies, les densités les plus
importantes sont enregistrées au sein des quartiers riches, surtout pour
ce qui est des cybercafés. La raison en est que c'est
généralement dans ces lieux que sont tassés les milieux
fortunés, les milieux universitaires(9) et les centres
d'affaire. Or, sous ce rapport, la capitale sénégalaise, qui est
la mieux servie, nous paraît plus indiquée pour accueillir cette
étude.
A l'intérieur de Dakar également plusieurs zones
pourraient nous servir de cadre d'investigation. La recherche pourrait, par
exemple, porter sur un espace habité par des populations de situation
sociale aisée ou, à l'opposé, dans un milieu aux
populations démunies. Mais dans le premier comme dans le second cas, il
pourrait se poser un problème de pertinence, les unes n'éprouvant
aucune difficulté d'accès (surtout d'ordre financier) aux
nouvelles technologies ; les autres n'étant pas
intéressées par les innovations technologiques parce que tout
simplement devant faire face à des préoccupations autrement plus
accablantes.
Par ailleurs, l'appropriation des NTIC étant en
général subordonnée à des facteurs tels que le
niveau des revenus, le degré d'instruction, l'accessibilité
physique de l'infrastructure... qui en font des objets de luxe
réservés à une portion réduite de la population,
nous avons voulu éluder les questions relatives à la
sur-utilisation et la non-utilisation. Le choix de Ouagou Niayes, qui est un
quartier d'un niveau socio-économique moyen, abritant diverses classes
sociales dont une large proportion de cadres supérieurs, a donc paru
opportun. En plus, c'est un espace où les NTIC trouvent une forte
expression. Nous y avons, en effet, dénombré 44
télécentres bien implantés et 10 fermés plus 4
cybercafés fonctionnels et 2 fermés(10), soit
près de la moitié du nombre total de cybercafés du
centre-ville de Dakar, dans le quartier du Plateau, en 2001 : 13
cybercafés selon Anais Laffite (2001, p.1).
Enfin, notre connaissance du quartier ainsi que les relations
que nous y avons tissées avec des personnes ressources, comme le
Président de l'Union Nationale des Exploitants de
Télécentres et Téléservices du
Sénégal et quelques membres de cette association pouvant
faciliter notre démarche, ont beaucoup influé sur notre choix du
site d'étude.
(9) D'après Sambou (2001, p. 40), 30% des usagers de
l'Internet ont au moins un diplôme universitaire.
(10) Les télécentres et cybercafés
fermés n'ont pas concerné cette étude.
PROBLEMATIQUE
La communication(11) joue un rôle primordial
dans la vie en société. Elle permet non seulement la mise en
relation des membres d'une même communauté, mais favorise
également le contact entre plusieurs groupes. Elle mobilise, pour
être effective, tout un ensemble de voies (mers, routes, canaux, etc.) et
de moyens (navires, véhicules, avions, etc.) qui permettent la mise en
contact et la jonction des populations. Cette forme de communication est dite
matérielle. Elle a pendant longtemps pris le dessus sur la communication
immatérielle ou télécommunications. En effet, cette
dernière forme de communication trouve son expression la plus
récente et la plus éloquente dans le «rapprochement spatial
» visant à abolir les distances et à relier les quatre coins
du monde par le biais des nouvelles technologies de l'information et de la
communication (NTIC). On parle ainsi de «village planétaire
».
L'appropriation des NTIC par les populations est une
démarche d'intégration d'une grande complexité par
laquelle ces populations parviennent à faire leurs ces nouveaux outils
et à les adapter à leurs besoins. Elle vise une bonne
communication (en réduisant fortement les contraintes matérielles
de celle-ci), sans pour autant négliger la recherche de l'information.
En effet, l'administration publique, le secteur privé, les entreprises
ainsi que les branches dont les activités sont tournées vers
l'extérieur comme les institutions financières et les transports
ont besoin d'accéder à l'information utile soit pour promouvoir
la bonne gouvernance, soit pour permettre une grande flexibilité dans
l'organisation du travail ou enfin pour permettre une meilleure
visibilité et la compétitivité de leurs produits.
Par ailleurs, les populations démunies ont
également besoin d'un accès à moindre coût aux
informations qui leur sont vitales à savoir les prix de vente des biens
qu'elles produisent, leurs droits civiques, l'accès aux soins de
santé, l'éducation, la formation et les qualifications
susceptibles d'améliorer leur sort. Les NTIC peuvent leur faciliter cet
accès.
L'étude de l'appropriation permet donc de saisir la
multiplicité des usages et des usagers. Elle
fait clairement apparaître la construction sociale de l'usage, notamment
à travers les significations qu'il revêt pour l'utilisateur.
Ainsi, la question du statut de l'objet revient à appréhender ce
qu'il représente pour son ou ses utilisateurs, la façon dont il
s'inscrit dans un
(11) « , a
L communication désigne toutes actions d'échanges
de données, d'informations, d'idées, de voies ou de
connaissances », Ramata Thioune, Khamathe Sène, 2001,
p 15.
environnement spécifique et parmi d'importantes
pratiques préexistantes, et cela, dans le contexte de la vie quotidienne
qui demeure inséparable des tendances sociales de fond participant
à la construction des modes de vie.
Partout dans le monde, les NTIC sont en pleine expansion et
leur appropriation par les populations s'est toujours
révélée d'un grand bénéfice pour celles-ci.
Le Sénégal n'est guère épargné par ce
phénomène. Dans notre pays, la littérature bien savante et
plus ou moins abondante sur les NTIC fait également apparaître un
consensus quant au fait que ces technologies, utilisées de façon
judicieuse, peuvent aider à sortir des difficultés
économiques et sociales, en soutenant par exemple la création de
richesses. C'est sans doute pour cette raison que les NTIC ont fait l'objet de
progrès rapides qui contrastent farouchement avec l'évolution
très lente du pouvoir d'achat du sénégalais et avec
l'inertie des habitudes de consommation des usagers d'une part, et d'une
appropriation effective par presque tous les segments de la population d'autre
part.
Les NTIC sont considérées comme un outil de
développement parce qu'elles jouent un rôle essentiel dans
l'amélioration de la productivité, de la croissance et de la
compétitivité. A titre d'exemple, le secteur des
télécommunications contribue pour 6% au produit intérieur
brut (PIB) et pour plus de 4 % à la création d'emplois tant dans
le secteur formel que dans le secteur informel.(12) En outre, la
contribution des télécommunications dans le secteur tertiaire
avoisine les 10%, ce qui en fait le secteur le plus dynamique du tertiaire. Les
investissements dans le secteur sont estimés à plus de 300
milliards de FCFA et la création d'emplois supérieure à
18.000 emplois durant la période allant de 1998 à 2002.
(13)
Elles peuvent aussi être de puissants leviers pour
rehausser la qualité mais également l'efficacité des
services publics dont l'éducation et la santé.
Toutes ces opportunités semblent possibles grâce
au constat selon lequel, outre de réduire les distances, les NTIC
minimisent considérablement les contraintes physiques (surtout dans les
zones où la topographie entrave la communication) et rendent les
informations accessibles.
Par ailleurs, si la question des usages est essentielle dans
l'étude des NTIC, celle de l'information l'est tout autant pour
démêler la complexe logique des applications. L'information
consiste en un (des) message(s) susceptible(s) de permettre des actions ; elle
fait donc l'objet de
(12) Batik n° 60, juillet 2004.
(13) http://www.art-telecom-senegal.org/
puissants enjeux stratégiques et devient instrument de
pouvoir(14). Elle constitue un puissant facteur de transformation
des sociétés humaines. Sa maîtrise est de fait
essentielle.
La diffusion de l'information, c'est-à-dire le
processus d'expansion du message dans le temps et dans l'espace, pour
être opérationnelle, obéit à une série de
facteurs tels que l'effet de voisinage, la bonne accessibilité, les
codes communs, les réseaux de diffusion, le temps de la propagation. Or,
les exemples attestant le bouleversement par les NTIC de beaucoup de ces
facteurs qui jusque-là étaient incontournables, peuvent
être multipliés à souhait. Cette situation exacerbe les
difficultés à saisir les effets territoriaux (échelles) de
la communication immatérielle.
Les géographes ne peuvent donc pas rester
indifférents à ce débat. En effet, le traitement des
rapports que la communication entretient avec les espaces
socio-géographiques interpelle la discipline géographique dans
ses fondements. Ainsi, grâce à des études de cas, la
géographie de l'information et de la communication intervient en
devenant un véritable champ d'analyse des contrôles sur les moyens
de communication, sur la création de l'information, sur les enjeux et
les représentations qui en découlent.(15)
ce Définition conceptuelle
Il est important, afin de jeter les bases de l'étude, de
procéder à la définition des quelques concepts autour
desquels l'étude sera structurée : le télécentre,
le cybercafé, l'Internet
Le télécentre est un lieu où sont mis
à la disposition du public divers services de
télécommunications dont le principal est le
téléphone. Selon la taille du télécentre mais
surtout les moyens financiers dont dispose son promoteur qui peut une personne
physique, morale ou une association, l'utilisateur peut y trouver, en dehors du
téléphone, le fax, le photocopieur, un ou des ordinateurs
reliés ou non à Internet (pour la connexion ou le traitement de
texte). L'ouverture d'un télécentre est cautionnée par la
Sonatel qui en donne l'autorisation à ceux désireux d'exploiter
une ou plusieurs lignes téléphoniques.
Quant au cybercafé, il constitue le point
d'accès public à Internet. Le cybercafé est un nom
composé de « cyber » et de « café ». Il
s'agit d'un endroit où en plus de la connexion à Internet, le
client peut s'attendre à un service d'une tasse de café moyennant
une petite somme d'argent. Mais il faut reconnaître que le concept de
cybercafé ne colle guère à la réalité du
terrain. Rares sont, effet, les « cybers » qui servent du «
café » à leur clientèle. C'est ce qui explique du
reste l'apparition des vocables comme « cybercentre », «
télécentre communautaire» et
« cyberespace ». De tous ces vocables, «
cyberespace » est sans contredit le mieux chargé
géographiquement parlant. Mot inventé par William Gibson dans son
roman de science-fiction (Le Neuromancien), cyberespace est un espace virtuel
où l'on se trouve une fois connecté à
Internet.(16) C'est une catégorie concurrente de l'espace qui
ne traduit pas forcément la rencontre de deux objets souvent en conflit
dans leurs relations : les techniques de communication à distance et
l'espace. Selon Eveno(17), le cyberespace n'est pas
précisément un espace. Il se caractérise plutôt,
à la fois dans sa référence romanesque et dans son
déploiement et ses représentations contemporaines, comme un
système de relations qui, pour être concevable, a
été revêtu de certaines des qualités et des certains
des attributs que l'on reconnaît à l'espace : on peut y voyager,
aisément s'y perdre, faire des rencontres(...) Ce qui donne du
crédit à tous ces actes tient au fait que les faire
désormais dans le cyberespace n'est pas sans conséquence dans
l'espace lui- même et dans la pratique de l'espace que peuvent avoir les
« usagers » du cyberespace.
A la différence des télécentres, il n'est
besoin d'autorisation ou agrément pour ouvrir un cybercafé. Il
faut uniquement, à toute personne physique ou morale, disposer d'un
local et d'un équipement de base à savoir des ordinateurs, une
ligne téléphonique, un modem et un abonnement chez un fournisseur
d'accès. Le modem est un « modulateur-démodulateur »
qui permet de relier les ordinateurs au réseau
téléphonique. Il existe sous forme de boîtier externe ou de
carte électronique à insérer dans l'ordinateur.
L'abonnement chez un fournisseur d'accès (18) permet
d'interconnecter le réseau téléphonique à
Internet.
L'Internet ou le Net (réseau en anglais) est un
acronyme pour Intercommunication Network. Internet est un signal perceptible
à travers n'importe quelle prise téléphonique. C'est
pourquoi avec une ligne de télécentre ou une ligne à
domicile, il est possible de se connecter à Internet.
C'est grâce à un mélange unique de
stratégie militaire, de vaste coopération scientifique,
d'initiatives technologiques et d'innovations contre-culturelles qu'Internet a
pu être créé et développé au cours des trente
dernières années du XXe siècle. A son origine,
on trouve les travaux
(16)
http://www.bonweb.com
(17) Emmanuel Eveno, 2004, «Le paradigme territorial de la
société de l'information », Netcom vol. 18, n°1-2, p.
90
(18) Il permet aux particuliers qui ont un ordinateur de se
connecter à Internet. Il y a aujourd'hui plus d'une trentaine de
fournisseurs d'accès répartis en quatre catégories : les
fournisseurs du secteur privé, les structures de recherche et
d'enseignement, l'administration, les ONG. Ils fournissent l'accès au
grand public à des tarifs variés. (Voir annexes)
de l'un des organismes les plus innovateurs du monde : l'Agence
pour les projets de recherche avancée du département
américain de la Défense (l'ARPA). (19)
Internet est né d'une question complexe : comment
fédérer tous les ordinateurs du monde et tous les réseaux
de télécommunications ? Et d'une réponse à la fois
simple et géniale : en leur faisant parler une langue commune (il s'agit
de l'IP : Internet Protocole), dans laquelle les messages seraient
découpés en paquets d'informations, chaque paquet pouvant trouver
des routes indépendantes pour aller d'un point à un autre,
empruntant un réseau de multiples réseaux, un système sans
cerveau ni centre nerveux identifiable (20).
L'Internet est donc un réseau fédérateur
de réseaux. C'est à la fois une infrastructure de communication,
un ensemble de services, un système interactif, un réseau
d'échanges de données et l'information à l'échelle
planétaire auquel font recours des millions d'individus conscients de
ses innombrables ressources. Internet est en somme multiple et offre autant de
possibilités qu'il y a d'individus différents sur la
planète.
ce Objectifs de l'étude
Il est question, dans cette étude, de comprendre les
logiques de l'appropriation des NTIC par les populations de Ouagou Niayes et de
saisir les comportements de celles-ci vis-à-vis de ces nouveaux outils
de communication. Les activités de service
tels que les télécentres et les cybercafés nous serviront
d'exemples.
Le principal objectif poursuivi est de définir,
à travers l'étude de l'appropriation, les processus d'insertion
des NTIC dans l'espace du quartier ainsi que leurs impacts sur les
activités économiques et la vie sociale des populations.
Pour ce qui est des objectifs spécifiques, il s'agit
surtout :
- d'identifier les différents acteurs des NTIC dans le
quartier Ouagou Niayes (les utilisateurs, les propriétaires et les
gérants de télécentres et cybercafés) et ce qui
fonde leur particularité ;
- d'analyser les usages qu'ils font de ces technologies ;
- d'identifier les budgets qu'ils consacrent potentiellement
à l'utilisation de ces outils de communication sociale et
commerciale;
(19) Manuels Castells, 2001, La Société en
réseaux. L'ère de l'information, Paris, Fayard, p. 73.
(20) Dominique Hoeltgen, 1995, Internet pour Tous, Paris, Les
Editions du Téléphone, p. 22.
- de savoir si les familles d'origine des usagers constituent un
ensemble homogène
présentant les mêmes caractéristiques
susceptibles de constituer de facteurs d'exclusion ;
- d'analyser les obstacles qui se posent à l'accès
et l'utilisation de ces instruments de communication ;
- d'appréhender les conséquences de l'appropriation
de ces technologies par les populations.
Voici donc autant de pistes de réflexion qu'il convient
d'explorer, car beaucoup d'enjeux sous-tendent le questionnement. En plus,
même si beaucoup considèrent l'apparition et le
développement des NTIC dans notre pays comme un phénomène
intrinsèquement positif, il n'en demeure pas moins que celles-ci
peuvent, selon des cas variables, être des sources de marginalisation ou
d'exclusion. En outre, plusieurs considérations, à la fois
économiques, politiques, géographiques, et socio-religieuses
semblent motiver les applications des NTIC et la spatialité de
celles-ci. L'exploration de toutes ces pistes permettra éventuellement
d'appréhender le rôle des ces nouvelles technologies dans la vie
de relation des groupes sociaux.
ce Les hypothèses de base
Cette étude s'est organisée autour de deux
hypothèses. Ces hypothèses sont les suivantes :
· si les populations se sont appropriées à
outrance les NTIC, c'est plus pour pallier le déficit et les
difficultés de la communication matérielle que pour rechercher
des informations.
· à cause des coûts élevés
des infrastructures des nouvelles technologies, l'appropriation de ces outils
de communication n'est effective qu'après satisfaction des besoins
essentiels tels que la subsistance, la santé, le logement, entre
autres.
APPROCHE METHODOLOGIQUE
La méthodologie suivie est basée sur trois grandes
étapes qui sont : - la recherche documentaire ;
- le travail de terrain ;
- le traitement et l'analyse des données.
1 - La recherche documentaire
Elle a constitué la première étape de
notre démarche. La recherche documentaire avait pour objectif de
collecter le plus d'informations possibles sur la géographie de
l'information de l'information et de la communication de manière
générale et sur les télécentres et les
cybercafés de manière particulière.
Nous avons d'abord visité divers centres de
documentation dont la bibliothèque du département de
Géographie et la bibliothèque centrale de l'Université
Cheikh Anta DIOP où nous nous sommes intéressés à
tous les documents (ouvrages généraux, ouvrages spéciaux,
revues, articles de journaux, mémoires de maîtrise, etc.) traitant
des thèmes sus cités.
Nous avons ensuite pris contact avec de nombreux services et
organismes impliqués dans la recherche sur les NTIC et
s'intéressant surtout à la question des applications de ces
technologies. Il s'agit de la Société Nationale de
Télécommunications ; de l'Agence pour la Régulation des
Télécommunications (ART) ; de l'Observatoire sur les
Systèmes d'Information, les Réseaux et les Inforoutes du
Sénégal (OSIRIS) ; de l'Union Nationale des Exploitants de
Télécentres et Téléservices du
Sénégal (UNETTS) ; du Centre de Recherches pour le
Développement International (CRDI) ; de la Direction de la
Prévision et de la Statistique (DPS), etc.
En examinant la documentation disponible, nous avons
constaté qu'un travail considérable a été
consacré à la problématique des usages des nouvelles
technologies.
Les résultats des multiples recherches montrent pour
l'essentiel le rôle des NTIC dans la gestion des affaires de l'Etat, des
entreprises (Abdoulaye Ndiaye, 2002 ; Barry, 2002); dans l'enseignement
supérieur et le système éducatif sénégalais
(Seck,2002 ; Abdourahmane Ndiaye,2002) ; leur diffusion ainsi que leurs
rapports avec les politiques poursuivies dans notre
pays.
Les recherches de Sagna (2000) ont servi de base de travail
à presque toutes les investigations afférentes aux nouvelles
technologies. Son étude retrace l'évolution des NTIC dans notre
pays, depuis leur apparition jusqu'à leur stade d'alors, en passant par
l'environnement
institutionnel qui a sous-tendu leur épanouissement. Elle
présente également les vastes domaines non encore investis en
matière des NTIC et qui mériteraient de l'être.
D'autres recherches ont mis l'accent sur l'emploi de ces
technologies dans les échéances électorales ainsi que sur
leur apport dans le processus démocratique au Sénégal
(Paye, 2002).La place de ces outils de communication dans la création
des conditions de la bonne gouvernance à travers, par exemple, un appui
aux tâches qui exigent la prise, la communication et la mise en oeuvre
des décisions complexes, a également fait l'objet d'investigation
(Lal Bahvya, Gaumer Gary, Manhica Salamao, 1999).
Cependant, la faible implication des géographes dans ce
champ de recherche est un fait notoire. Rares sont, en effet, les études
qui intègrent la dimension spatiale des NTIC.
Nous pouvons néanmoins relever les recherches de
quelques géographes. Cheikh Guèye, (2002) s'est
intéressé à Touba et à la communauté mouride
pour tenter de comprendre comment celle-ci s'est appropriée ces
technologies et comment elle est parvenue à en faire des instruments de
conquête de nouveaux espaces. Tall (2001) s'est investi dans les
problématiques relatives à l'utilisation des NTIC par les
émigrés sénégalais pour montrer la manière
par laquelle ces outils de communication influent sur les formes de relation
que les Sénégalais résidant à l'étranger
entretiennent avec leurs familles restées au pays. Thiaw (1995)
également, dans le cadre de son mémoire de maîtrise,
retrace l'histoire des télécommunications au
Sénégal, depuis les communications par ondes
décamétriques jusqu'à l'utilisation du satellite, en
passant par les faisceaux hertziens et les câbles sous-marins.
Mais notre objet d'étude proprement dit -- les
télécentres et cybercafés -- a fait l'objet de peu de
recherche. Ce sont d'ailleurs pour la plupart des études portant sur
l'apparition, l'évolution, les enjeux et les contraintes qui se posent
au développement de ces activités de service (Barbier, 1995 ;
Zongo, 2000 ; Sambou, 2001). Anais Laffite (2001) s'est aussi investie dans ce
domaine. Mais son document est plutôt de caractère
méthodologique et a beaucoup éclairé notre démarche
sur le terrain.
D'une manière générale, l'envergure ainsi
que les objectifs visés par les divers travaux sur les NTIC sont
très différents. Notre étude se veut donc novatrice car
s'inscrivant dans une étroite logique de continuité des
recherches sur les NTIC, dans un cadre urbain plus limité n'ayant jamais
fait l'objet d'investigation et qui est susceptible de fournir des aspects
jusque là insoupçonnés de la question.
2 - Le travail de terrain
Il a constitué la seconde étape de notre
démarche et s'est fait en trois phases essentielles : la confection de
questionnaires, l'échantillonnage et les enquêtes. Ces phases ont
été précédées d'un dénombrement
exhaustif de toutes les infrastructures des nouvelles technologies entrant dans
le champ de notre travail d'études et de recherches. Nous avons
procédé par observation et en demandant leur emplacement dans le
quartier pour pouvoir les consigner sur une carte de la localité.
q La confection de questionnaires
Nous avons confectionné quatre types de questionnaires
(voir les annexes) pour interroger les chefs de ménage ; les usagers des
télécentres et des cybercafés dans les ménages ;
les propriétaires et gérants des télécentres ; les
propriétaires et gérants des cybercafés. Les
questionnaires ont été conçus sur la base des objectifs du
travail et des hypothèses de recherche formulées.
Avant de commencer les enquêtes, un échantillon
de 15 questionnaires a été testé aux HLM 5, ce qui a
permis de reformuler les questions ambiguës qui se prêtaient
à la confusion ou à l'interprétation ainsi que les
questions difficiles à répondre.
q L'échantillonnage
Les enquêtes ne pouvant porter sur l'ensemble des
ménages que compte Ouagou Niayes, nous avons procédé
à un sondage avec l'observation d'une partie représentative des
ménages devant faire l'objet de l'enquête.
L'échantillonnage a été
réalisé sur la base de quelques données obtenues à
la DPS. Il s'agit en fait d'estimations effectuées à partir des
10 DR que comptait Ouagou Niayes lors du dernier recensement
général de la population et de l'habitat en décembre
2002.
Elles font état de 10 555 habitants dont 50,5 % d'hommes
et 49,5 % de femmes ; de 914 concessions et de 1 650 ménages.
Dans cette étude, la concession désigne un
ensemble de constructions d'habitations entourées ou non d'une
clôture et désignées ou non par un numéro. Les
conditions d'unité sont réalisées par l'existence d'un
chef qui exerce son autorité sur la concession. En d'autres termes,
il
s'agit de ce que l'on appelle communément «maison
» ou «villa ». Une concession peut abriter un nombre variable de
ménages.
Nous appelons ménage, un ensemble de personnes unies
par des liens de parenté, vivant ou non dans la même concession
mais partageant les mêmes repas sous l'autorité d'un chef de
ménage.
Nous considérons, enfin, comme chef de ménage celui
ou celle qui exerce son autorité et répond pour l'essentiel aux
besoins de l'ensemble des membres du ménage.
Les unités d'enquête sont constituées par
les ménages. L'échantillon a été tiré au
1/20e de leur effectif global, ce qui nous a donné un nombre
de 83 ménages que nous avons ramené à 100. Ces 100
ménages ont été ensuite répartis de façon
proportionnelle au total de ménages que renferme chacun des secteurs qui
composent le quartier : O.N. 1, O.N. 2 et O.N. 3.
Pour ce qui est des concessions, leur nombre a
été prélevé au 1/10e de leur effectif
total. Nous avons ainsi obtenu 91 concessions réparties également
de la même manière dans les trois unités du quartier. La
méthode utilisée pour y parvenir est la règle de 3.
A titre d'exemple, O.N. I renferme 368 concessions sur un
effectif total de 914, soit donc 40 % et 681 ménages pour un nombre
global de 1650 ménages, soit 41 %. Les effectifs de concessions et de
ménages à prendre étant respectivement de 91 et 100, nous
avons appliqué la règle de 3 pour obtenir la part de O.N. 1 dans
l'échantillon, comme suit :
368 x 91
ce = 37 concessions.
914
681 x 100
r2=, = 41 ménages. 1 650
Ainsi, à O.N. 1, l'enquête a porté sur 41
ménages dans 37 concessions, soit en moyenne 1 à 2 ménages
par concession. Le même procédé a été
appliqué pour les deux autres secteurs, ce qui a permis de monter le
tableau suivant.
Tableau n ° 1 :
échantillonnage (ménages et concessions)
Secteurs du
quartier
|
Nbre de ménages
|
%
|
Nbre de concession s
|
%
|
Ménages dans l'échantillon
|
Concessions dans l'échantillon
|
O.N. 1
|
681
|
41
|
368
|
40
|
41
|
37
|
O.N. 2
|
559
|
34
|
344
|
38
|
34
|
34
|
O.N. 3
|
410
|
25
|
202
|
22
|
25
|
20
|
TOTAL
|
1 650
|
100
|
914
|
100
|
100
|
91
|
En définitive, la répartition des ménages et
des concessions dans les trois secteurs du quartier Ouagou Niayes se fait de la
manière suivante :
- 41 ménages dans 37 concessions à O.N. 1 ; - 34
ménages dans 34 concessions à O.N. 2 ; - 25 ménages dans
20 concessions à O.N. 3.
Le choix des ménages a été guidé
par le hasard. Pour ce qui est des concessions, nous les avons ciblées
en utilisant la technique de sondage par grappes. Nous avons
déterminé un pas de sondage pour chaque unité du quartier
en faisant le rapport nombre de concessions du secteur sur sa part de
concessions dans l'échantillon.
Les pas de sondage trouvés sont les suivants : 9 pour
O.N.1 ; 10 pour O.N.2 et 8 pour
O.N.3.
De ce fait, pour chaque secteur du quartier, nous avons
compté le nombre de concessions correspondant à son pas de
sondage et sommes entrés dans la concession portant le numéro
suivant. C'est ainsi que dans les trois unités de la localité,
nous sommes entrés respectivement dans les 10e, 11
e, et 9e concessions pour enquêter. Nous l'avons
fait dans toutes les directions, cela, par souci de
représentativité et pour davantage de pertinence des
résultats de l'enquête.
La première concession a été choisie de
façon aléatoire : nous avons tiré au hasard un
numéro dans un lot de dix et avons commencé l'enquête par
la concession portant le numéro correspondant sur une carte.
Les enquêtes
Les phénomènes économiques et sociaux
résultant d'un grand nombre de causes et touchant à l'humain
recouvrent des réalités complexes. L'enquête constitue
alors un moyen, un outil pertinent pour mieux comprendre ces
phénomènes. Deux types d'enquêtes ont été
menés : les enquêtes quantitatives et les entretiens.
> Les enquêtes quantitatives
Ces enquêtes ont été menées entre le
18 juin et le 6 août 2004. Elles ont été
réalisées, au moyen de questionnaires, dans les ménages,
les télécentres et les cybercafés.
r2- Dans tous les ménages, nous avons
exposé les motifs de notre démarche au chef. A ceux qui ont
accepté de nous répondre, nous avons administré le
questionnaire-ménage qui renferme des questions relatives, de
manière générale, aux conditions de vie du ménage
à travers le logement, l'eau, l'électricité..., la
finalité étant de fournir un instantané de leur
degré d'aisance sociale et donc de leur style de vie et d'en
établir la corrélation avec la hauteur de l'éventuelle
appropriation des nouvelles technologies ;
Nous leur avons également demandé le nombre de
personnes, dans leurs ménages, qui fréquente les
télécentres et cybercafés du quartier.
En l'absence des chefs de ménage, nous avons
utilisé le même procédé avec ceux et celles qui se
sont déclarés répondants du chef de leur ménage.
Parmi les personnes que les chefs de ménage (ou leurs
répondants) nous ont citées, nous avons indifféremment
choisi une dans chaque ménage pour lui administrer le second
questionnaire qui a trait à l'usage et à la pratique du
téléphone et de l'Internet. Nous nous sommes
intéressés :
- à leur âge, sexe, ethnie, etc., l'objectif
étant de tenter une démographie des NTIC dans le quartier Ouagou
Niayes ;
-à leur niveau d'instruction pour vérifier
l'idée selon laquelle l'utilisation d'Internet serait
conditionnée par un bon niveau d'éducation, puisque reposant sur
l'usage de l'écrit, sur la maîtrise d'une ou de plusieurs langues
et sur celle, aussi minime soit-elle, de l'outil informatique ;
- à leur profession et niveau de revenu pour essayer de
déceler la relation entre la profession, le revenu et la dynamique de
fréquentation et d'utilisation des NTIC ;
- à l'usage fait de ces technologies, aux
difficultés rencontrées ainsi qu'à leurs
éventuelles attentes vis-à-vis de la SONATEL et/ou des
exploitants des télécentres et cybercafés du quartier.
r2- Dans les télécentres et
cybercafés, nous avons utilisé les troisième et
quatrième questionnaires destinés aux propriétaires et
gérants des lieux. En effet, faute de toujours pouvoir rencontrer les
propriétaires, nous avons aussi interrogé les gérants.
Nous nous sommes intéressés, entre autres, au
genre, à l'ethnie, à la profession. L'objectif était de
savoir si les propriétaires de ces lieux appartiennent à un
groupe socio-économique se distinguant par des caractéristiques
communes, s'ils sont motivés par le même idéal, s'ils
éprouvent et réagissent de la même manière face aux
éventuelles difficultés et profitent de façon similaire
des potentiels avantages du secteur.
Nous leur avons aussi demandé les motivations de leur
implantation dans le quartier, la finalité étant de
déterminer un ensemble de facteurs susceptibles de présider
à la spatialité des infrastructures des nouvelles technologies
dans la localité.
Après les enquêtes, nous avons constaté
que 60 ménages seulement parmi les 100 interrogés renferment au
moins un membre utilisateur aussi bien des télécentres que des
cybercafés, ce qui fait que le questionnaire d'enquête / individus
n'a finalement touché que 60 personnes.
Sur les 44 télécentres qui devaient faire
l'objet de l'enquête, seuls 31 d'entre eux ont répondu à
nos questions, soit 70,5%. Dans ces 31 télécentres, nous avons
interrogé 16 propriétaires et 15 gérants. Pour les 13
autres télécentres restant (29,5%), comme par enchantement, le
mot d'ordre a été le même : ne répondre sous aucun
prétexte. Avec des accusations d'espionnage à l'appui. Toutefois,
un fait est digne de considération : les télécentres dont
les propriétaires et/ou gérants ont répondu
négativement à notre requête présentent en commun la
saisissante particularité d'être logés en majorité
dans des boutiques et d'appartenir pour la plupart à des
étrangers, des guinéens en particulier.
S'agit-il d'une coïncidence fortuite ou
détiennent-ils au contraire une information sensible qu'ils n'auraient
pas véritablement envie de divulguer ? Cette interrogation n'a
malheureusement pas d'éléments de réponse si ce n'est
quelques allégations d'autres propriétaires et gérants.
Selon eux, ce refus s'explique probablement par deux faits : soit ces gens ne
sont pas en règle avec les normes établies par la Sonatel ; soit
ils ont passé un marché avec cette Société. Nous
avons reçu
ces déclarations avec beaucoup de réserves en
raison de la forte concurrence qui marque ce secteur d'activités, bien
que la première hypothèse soit facilement vérifiable par
simple observation.(21)
Sur les 4 cybercafés qui étaient
répertoriés dans le quartier, 3 seulement ont concerné
l'enquête, le quatrième ayant fermé ses portes peu de temps
avant notre passage. Aucun refus de répondre n'a été
relevé de la part des responsables de ces lieux. Mais cela
n'empêche pas pour autant d'émettre des doutes quant à la
crédibilité de certaines de leurs réponses puisque deux
parmi les trois interrogés ont commencé leurs propos par ces mots
: « vos questions n'ont rien à voir avec un mémoire de
maîtrise de ... géographie.
C'est dire donc que le travail ne s'est pas
réalisé sans problème. Nous avons en effet
été confrontés à un certain nombre de
difficultés dont les plus mordantes sont les suivantes :
· La littérature sur le quartier Ouagou Niayes
est maigre. La plupart des rares documents mis à notre disposition
traite du vaste ensemble politique dans lequel ce quartier est
intégré : la Commune de Biscuiterie dans l'Arrondissement de
Grand Dakar. Nous les avons utilisés, mais avec beaucoup de retenue car
au sein de cette entité politique, la généralisation de
certaines données peut être appauvrissante vue
l'hétérogénéité des situations
socio-économiques qui y prévalent.
· Dans beaucoup de concessions, des chefs de
ménage pas très coopératifs nous ont souvent
réservé des traitements incommodes pour ne pas dire mauvais. Leur
réticence s'explique probablement par le fait que nous avons
été assimilés à des agents de recensement et notre
démarche qualifiée de politique alors que depuis plusieurs
années, ils sont assaillis avec ces genres d'enquête sans que cela
n'améliore leurs conditions de vie.
· A la Sonatel, les agents, très discrets, n'ont
été disposés à ne fournir que des adresses de sites
Internet et des fiches de renseignement pour l'ouverture de
télécentres et de cybercafés. Leur réserve
s'explique sûrement par le contexte de libéralisation du secteur
des télécommunications qui a coïncidé avec la
période de l'enquête.
· Dans les télécentres et les
cybercafés, certains propriétaires et gérants nous ont
soupçonnés de les espionner pour le compte de la Sonatel ou du
fisc. Ainsi, beaucoup d'entre eux n'ont pas répondu à certaines
questions prétextant leur caractère quelque peu confidentiel.
(21) Il faut, par exemple, pour ouvrir un
télécentre, disposer d'un local de 12 m2 alors que
beaucoup de télécentres s'inscrivent en contradiction avec cette
norme.
> Les entretiens
Ils ont été réalisés à
l'aide d'un guide d'entretien adressé au Président de l'UNETTS.
L'objectif des entretiens était de recueillir les impressions de
celui-ci sur l'état des télécommunications au
Sénégal, les enjeux économiques et sociaux qui s'y
rattachent, les facteurs qui bloquent leur avancée et les
éventuelles stratégies mises en branle pour y remédier.
La synthèse des réponses obtenues
apparaît dans le document sous forme d'encadré. Cette
démarche a permis d'appréhender certains aspects fondamentaux du
sujet qu'un questionnaire pourrait taire en raison de son caractère
formel.
3 - Le traitement et l'analyse des
données
Il est organisé autour de trois points :
· Le traitement de l'information collectée par le
biais d'entretiens et qui apparaît dans le document sous forme
d'encadré ;
· L'exploitation de la recherche documentaire perceptible
à travers les citations auxquelles nous avons souvent fait appel dans ce
document ;
· Le traitement des données fournies par les
enquêtes, au moyen de supports informatiques notamment avec le logiciel
SPSS 11.0 et les applications WORD et EXCEL. Les résultats obtenus sont
présentés sous forme de tableaux statistiques, de graphiques et
de cartes.
L'analyse de toutes les données recueillies a abouti
à la rédaction de ce présent document divisé en
trois parties :
· La première partie se propose, tout en
examinant les caractéristiques du quartier Ouagou Niayes et les traits
saillants de ses habitants, d'aménager un cadre général de
lecture et d'appréhension des jeux et enjeux soulevés par
l'appropriation des NTIC par les individus.
· La deuxième partie traite de manière
générale des télécentres et des cybercafés.
Il est surtout question de leurs caractéristiques (normes et autres), de
leur déploiement spatial qui est l'objet le plus digne
d'intérêt pour un géographe, du profil de leurs
propriétaires et gérants et des enjeux sociaux,
économiques et territoriaux qu'ils créent. Nous nous sommes
efforcés d'éviter les incursions dans le champ des descriptions
techniciennes du téléphone et de l'Internet, laissant la
tâche aux spécialistes de la question dont les éclairages
seraient sans doute plus pointus que les nôtres sur ce point. Nous avons
également évité de verser dans la futurologie.
· La troisième partie aborde la question des
usagers et de leurs usages des télécentres et cybercafés
du quartier. C'est en fait une analyse du niveau de pénétration
des technologies à Ouagou Niayes, du profil des utilisateurs, des usages
qu'ils en font et des contraintes qui se posent à leur appropriation de
ces outils de communication.
INTRODUCTION
La région de Dakar, capitale du Sénégal,
couvre totalement la presqu'île du Cap-vert située à
l'extrême ouest du Sénégal, sur sa façade
Atlantique. Sa superficie est de 550 km2, soit 0,3% du territoire
national. Malgré sa petite taille, Dakar renferme le plus grand effectif
de population de tout le pays. En effet, 22% de la population nationale sont
concentrés dans cette région, soit une densité d'environ 4
147 habitants au km2. (22)
La région de Dakar présente à la fois de
multiples atouts et de nombreuses contraintes. Parmi les atouts de la
région, nous pouvons retenir :
- sa position géographique qui fait d'elle un carrefour
entre l'Europe, l'Amérique du sud et l'Afrique et un point
stratégique au plan des communications internationales (port,
aéroport, télécommunications) ;
- la concentration de la presque totalité des ressources
financières, économiques et des services ; - l'existence d'un
potentiel intellectuel et technique élevé ;
- l'existence d'infrastructures performantes de rang
international et premier centre de décision nationale ;
- un climat agréable et des potentialités
touristiques (tourisme balnéaire et d'affaires). Parmi les contraintes
de la région de Dakar, nous pouvons noter :
- un taux de croissance de la population très
élevé sur un petit espace ;
- un déficit en matière de logement,
d'infrastructures et d'équipements collectifs ; - des ordures
ménagères, un habitat anarchique, des pollutions diverses ;
- de sévères difficultés de transport et de
circulation ;
- des problèmes aigus d'emplois (le taux d'activité
de la population n'est que de 42%) ;
- une forte immigration dans un espace réduit (Dakar
accueille annuellement environ 120 000 personnes du seul fait des flux
migratoires internes ;
Dakar est constituée de nombreux quartiers dont les
fonctions sont très différentes : fonctions administrative,
industrielle, commerciale, culturelle, résidentielle, chacune de ces
fonctions entraînant le développement dans l'espace d'un type de
paysage spécifique.
Parmi les espaces résidentiels que comporte la
région de Dakar, il y a Ouagou Niayes, un quartier créé au
cours des années 1950 et dont les caractéristiques reproduisent
de façon fidèle le caractère de l'urbanisation de la
capitale. Quelles sont les caractéristiques physiques du quartier
(22) DPS, 2004, Projections de population du
Sénégal issues du recensement de 2002, Dakar, p.2.
Ouagou Niayes, son profil démographique, le niveau
d'aisance socio-économique de ses habitants ? Voilà les
interrogations auxquelles cette partie tente de répondre
Echelle : 1 / 2 000e Source : Atlas du
Sénégal. Carte améliorée par Sylla.
Echelle : 1 / 2 000e Source : DPS, 2004 Carte
améliorée par Sylla.
CHAPITRE I : UN ESPACE ACCESSIBLE ET FORTEMENT
PEUPLE
Le quartier Ouagou Niayes est caractérisé
surtout par son accessibilité physique. Il est plus ou moins bien
situé au sein de l'espace urbain de la capitale, ce qui fait que son
accès est effectif sans aucune difficulté. Cependant,
conséquence évidente de sa bonne situation géographique et
de son accessibilité, Ouagou Niayes est une zone à forte
concentration de population, une population très mal répartie
dans son espace.
I - Etude du milieu physique
1 - Le Site
Le quartier Ouagou Niayes est bâti sur un site plat
légèrement incliné vers le sud. L'altitude dans cette zone
ne dépasse guère 20 mètres.
Les lotissements sont implantés sur les toutes
dernières parties de la pente du grand ensemble tabulaire appelé
Plateau de Ouakam d'orientation NW - SE. Ce dernier relief est composé
de dolérites du miocène supérieur (ère tertiaire).
Les blocs de pierres repoussés et éparpillés aujourd'hui
le long de la clôture de l'autoroute en constituent la parfaite
illustration. Ces formations sont toutefois recouvertes par des
épandages de sables certainement quartenaires d'épaisseur variant
entre 1 et 2 mètres(23) et provenant des dunes qui
recouvraient jadis le quartier avant que les bulldozers de l'urbanisation ne
les arasent.
Les sols sont constitués essentiellement de sables
dunaires sur lesquels poussait une végétation pauvre et
clairsemée dominée par des épineux. Même si ces sols
sont très sensibles à l'érosion, ils présentent
l'avantage d'être très faciles à travailler grâce
à leur texture sableuse.
2 - La situation
Ouagou Niayes est situé dans le Grand Dakar qui
constitue l'aire d'extension de la ville postérieure à 1950,
très étendu et fortement peuplé (24). C'est est
une petite cité limitée au nord par Kayes Findiw d'Usine Benne
Tally ; au sud par Bopp (Cerf Volant) ; à l'est par la rue 13 des HLM
(Avenue Cheikh Ahmadou Bamba) et à l'ouest par les Allées
Cheikhna Cheikh Sidaty Aïdara dites Niarry Tally du Grand Dakar. (Cf.
carte n°1)
Sur le plan administratif, Ouagou Niayes fait partie de
l'actuelle Commune d'Arrondissement de Biscuiterie érigée en
1996.
(23) Fatou Binetou
Ly, 1998, p. 12.
(24) Latsoucabé Mbow, 2000, p. 50.
Par rapport à l'organisation de l'espace urbain de
Dakar, aux pôles de développement et principaux axes routiers de
la capitale, Ouagou Niayes est un quartier bien situé. A titre
d'exemple, il est à moins d'un kilomètre de la
Société de gestion du Domaine Industriel de Dakar (SODIDA) qui
constitue aujourd'hui l'exemple réussi de domaine industriel au
Sénégal, à moins de 3 kilomètres de l'UCAD qui est
un espace de rencontre et de bouillonnement intellectuel et culturel. Il est
aussi proche des marchés des HLM et de Colobane, ces derniers
constituant des pôles économiques et des centres d'échanges
très dynamiques.
Enfin, la Rue Benne Tally qui traverse le quartier ainsi que
l'Avenue Cheikh Ahmadou Bamba prolongée par le Boulevard du Centenaire
jusqu'à l'Avenue El Hadj Malick Sy constituent des voies
privilégiées dans le dispositif de circulation de Ouagou Niayes.
Elles permettent d'accéder au centre ville et assurent, avec les
Allées Cheikhna Cheikh Sidaty Aïdara qui se prolongent
jusqu'à l'Avenue Bourguiba au nord, la liaison avec les quartiers
environnants.
II - L'habitat
L'habitat recèle le mode de peuplement et
d'organisation de l'espace de vie des populations. Il a été
appréhendé à travers la morphologie, le logement et
quelques éléments de confort comme l'eau et
l'électricité dans les ménages du quartier.
1 - La morphologie
Ouagou Niayes s'étend sur plus de 25,8 hectares. Il est
constitué de 39 îlots répartis dans trois unités ou
secteurs de formes irrégulières et de tailles très
inégales : O.N. 1 ; O.N. 2 et O.N. 3.
Le plan est en damier rendu irrégulier au niveau de
O.N. 1 où les rues se présentent sous forme de lignes droites
parallèles, débouchant sur Usine Benne Tally au nord et sur O.N.
2 au sud. Les rues sont bitumées dans leur grande majorité
à l'exception de celles O.N. 1 toujours où elles sont
sablonneuses.
Cette différence caractéristique du tissu de ce
quartier trouve son explication dans les opérations étatiques qui
ont consacré l'édification des O.N. 2 et 3 et les initiatives
individuelles ayant présidé à l'édification de O.N.
1.
construction de rues goudronnées et d'espaces publics
(jardins, terrains de jeux) qui sont des éléments très
importants dans le cadre de vie des populations. 0.N. 2 dispose, à ce
titre, de jardin public, de terrains de jeux et de parkings publics.
Par contre, les initiatives individuelles, même si elles
sont réussies, ne disposent pas des moyens nécessaires à
la réalisation de telles infrastructures. C'est ce qui pousse du reste
les habitants à squatter la voie publique qu'ils transforment en terrain
d'activités diverses : sport, commerce, cérémonies
familiales ou religieuses, etc. Ce phénomène très
récurrent à 0.N. 1.
2 - Le logement
Le quartier 0uagou Niayes est réservé
essentiellement à l'habitat puisque aucun espace n'est dévolu
exclusivement aux activités.
Deux types d'habitations se côtoient dans cette
localité : des bâtiments à étages et des terrasses.
La plupart des bâtiments sont en dur. Cependant, quelques baraques
restent disséminées dans le quartier. Elles sont
localisées à 0.N.1 et relèvent de deux (2) faits :
- l'incapacité financière des habitants à se
doter de logements plus décents ;
- le déficit en logement qui pousse les populations
à se saisir de n'importe quel type de toit qu'on leur propose.
Le statut d'occupation des différents ménages du
quartier est variable. En effet, 67% des ménages interrogés
déclarent être propriétaires de leurs logements ; 29% sont
locataires et 4% sont hébergés dans la maison familiale de l'un
des conjoints. Sous ce rapport aussi, la dualité entre l'ensemble
0.N.2-0.N.3 et 0.N. 1 est manifeste. Le nombre de chefs de ménage
propriétaires de leurs demeures est plus élevé à
0.N.2 et 3 qu'à 0.N.1 où l'on trouve à l'opposé
plus de chefs de ménage locataires ou hébergés.
Le nombre de pièces par logement varie entre 1 et 16
avec une moyenne de 5. Les ménages qui ont entre 3 et 5 chambres
constituent la majorité avec une proportion de 49%. Par contre, 31% des
ménages ont entre 6 et 8 chambres ; 12% ont moins de 3 chambres et 8% en
ont 9 au moins.
Toutefois, ces chiffres traduisent très mal la
réalité du terrain puisque leur examen pourrait faire croire que
le problème de logement ou d'espace de manière
générale ne se pose pas avec acuité dans ce quartier.
Aussi, même si 56% des ménages affirment n'avoir aucun
problème relatif
à leurs habitations, 32% par contre attestent souffrir de
promiscuité, 9% se plaignent de la cherté du loyer et 2% de la
non-étanchéité de leurs toits.
La promiscuité dans les ménages entraîne
un bouleversement des espaces de vie avec notamment une densification de
l'habitat et l'appropriation par les populations des espaces publics. La
construction en hauteur et les transformations ont gagné presque toute
la zone. Dans beaucoup de maisons, les espaces susceptibles d'être
transformés en chambre, pour la famille ou pour la location, le sont. Le
résultat de telles actions est l'entassement dans des espaces
réduits avec tout ce que cela comporte comme dangers : manque
d'hygiène, encombrement du domaine public, pollution de l'espace, non
respect des normes de construction, possibilité d'effondrement de
bâtiment, etc.
3 - L'eau et l'électricité dans les
ménages
La disponibilité en eau courante et en
électricité et l'existence de toilettes (W-C) dans les
ménages peuvent refléter un certain niveau de confort. Etant
donné leur importance dans le cadre de vie du ménage, il est
raisonnable de considérer le manque d'un ou de plusieurs de ces
éléments comme signe d'un niveau de confort très bas.
(25)
Par rapport à ces considérations, il ne serait
pas aberrant de dire que le niveau de confort des ménages de Ouagou
Niayes est relativement satisfaisant car les taux de branchement en eau et en
électricité y sont globalement élevés.
Pour ce qui est de l'eau, 94% des ménages
enquêtés affirment disposer d'un branchement à domicile
contre 6% qui n'en disposent pas. Parmi les ménages qui n'ont pas de
branchement en eau, 5% s'approvisionnent à la borne fontaine (le seau
à 25 francs CFA, la bassine à 50 francs), et 1% puise chez les
voisins.
Concernant le mode d'éclairage, 97% des ménages
utilisent l'électricité contre 3% qui emploient la bougie et la
lampe à pétrole.
Il faut cependant noter la fréquence des coupures d'eau
et/ou d'électricité qui affectent près de la moitié
des ménages enquêtés. Seuls 52% des ménages ont
déclaré n'avoir jamais fait l'objet de coupures (ou en tout ils
ne s'en souviennent plus). Les raisons avancées par les chefs de
ménage pour excuser ces coupures sont multiples mais les plus
citées sont les difficultés
(25) DPS, ESAM / 94-95, 1997, p. 58.
financières (36%), l'oubli et la négligence (7%),
la confusion des factures ou des maisons par les agents de la SENELEC et de la
SDE (2%).
Au regard des paramètres socio-démographiques,
les facteurs pouvant influer sur les coupures d'eau et
d'électricité dans les ménages sont multiples. En effet,
la corrélation de ces paramètres avec la fréquence des
coupures révèle que celles-ci sont plus fréquentes :
- dans les ménages où le chef est au chômage
ou ne dispose pas de revenu mensuel ; - dans les ménages polygames ;
- dans les ménages où le chef est veuve ;
- dans les ménages qui dépensent plus de 5 000
francs CFA quotidiennement pour l'alimentation (l'argent servirait-il
uniquement à l'alimentation ?);
- dans les ménages dont le chef ne dispose d'aucune autre
source de revenu si ce n'est la contribution d'un enfant qui travaille.
III - Le profil démographique
L'étude du profil démographique du quartier Ouagou
Niayes fait apparaître un peuplement en différentes phases, une
population hétérogène et une inégale
répartition dans l'espace.
1 - Le peuplement
Le peuplement du quartier remonte aux années 50 avec
notamment le lotissement et la construction des logements des 0.N.2 et 3 par le
Groupement Foncier, une société immobilière qui
appartenait à un Français du nom de Brard. Le peuplement est le
fait des populations autochtones de la région de Dakar. C'est la raison
pour laquelle on y trouve une large proportion de Lébous, de Wolofs de
manière générale. Ces derniers constituent du reste
l'ethnie dominante de la région avec environ 52% de la population.
L'immigration a aussi contribué au peuplement du
quartier. En effet, en 1957, suite au transfert de la capitale et à la
délocalisation de l'administration centrale de Saint-Louis à
Dakar, le gouvernement territorial du Sénégal avait acquis, de
cette cité qui venait nouvellement d'être construite, une centaine
de logements pour ses fonctionnaires .(26) Ces logements
étaient tous situés à 0.N.3 que les habitants du quartier
appellent jusqu'aujourd'hui Cité Ndar ou «Ndar Tuut » (petit
Ndar en Wolof). Mais en dehors de cette vague de populations
entraînée par le transfert de la capitale, il y a l'exode rural
qui concerne du reste tout Dakar et qui contribue fortement à
l'élargissement de la charge démographique de tous ses espaces.
Ce phénomène est
(26) Diawara Ibrahima, 2003, p. 1.
la résultante des difficultés du secteur agricole
qui poussent les populations du monde rural à migrer vers les grandes
villes, principalement la capitale.
L'analyse de la répartition des chefs de ménages en
fonction de l'ethnie révèle tous ces aspects du peuplement.
Figure n°1 : répartition des chefs
de ménage selon l'ethnie ,,
Bambara 1%
Pulaar 13%
Sereer 14%
Autres 25%
Wolofs
47%
Source : nos enquêtes, juin - août
2004.
En effet, l'examen de la figure n°1 montre que la
répartition des ethnies de Ouagou Niayes épouse celle de
l'ensemble du pays avec une prépondérance des Wolofs (47%). Les
ethnies Sereer et Pulaar font respectivement 14% et 13%. Les chefs de
ménage d'ethnie Bambara sont minoritaires.
Il faut aussi noter la forte présence
d'étrangers (Guinéens, Maliens, Capverdiens, Béninois)
dans ce quartier. Ils sont représentés, par souci de
commodité, dans cette figure faisant état de la
répartition ethnique des chefs de ménage. Ils sont
désignés par «autres » avec un pourcentage de 26%.
2 - La structure de la population
Il a fallu, pour y remédier, combiner les
données du recensement de 1988 avec quelques résultats
provisoires du recensement de décembre 2002. Les résultats
concernant Dakar et la Commune de Biscuiterie (dont Ouagou Niayes fait partie)
ont été pris en considération.
Tableau n° 2 : structure par
âge de la région de Dakar
Age
|
Effectifs
|
%
|
0 - 19
|
354 226
|
52,1
|
20 - 59
|
304 614
|
44,7
|
60 +
|
22 092
|
3,2
|
TOTAL
|
680 932
|
100
|
Source : RGPH, 1988 : Rapport régional,
septembre 1992.
La population de Dakar est caractérisée par son
extrême jeunesse. En 1988, la tranche d'âge 0 -- 19 ans
représentait plus de la moitié de la population avec 52,1%. Cette
situation est liée, comme dans tous les pays en voie de
développement d'ailleurs, à une forte natalité de l'ordre
de 36,2 pour 1000 et à un faible taux de mortalité tournant
autour de 10,8 pour 1000. .
La tranche d'âge 20 - 59 ans représentait une
proportion de 44,7%, loin derrière celle des vieux de 60 ans et plus
(3,2%).
La répartition par sexe de la population de Ouagou
Niayes, tout comme celle de Dakar est équilibrée. Au dernier RGPH
de 2002, les hommes représentaient 50,5% de la population contre 49,5%
de femmes.
Le rapport de masculinité est de 97 femmes pour 100 hommes
pour le département de Dakar. Pour la commune de Biscuiterie, ce rapport
est de 104.
3 - La répartition spatiale de la population
La population de Ouagou Niayes est très
inégalement répartie dans l'espace du quartier. En effet,
l'examen de la charge démographique des trois unités qui le
composent révèle une distorsion géographique entre
elles.
Ce déséquilibre spatial peut s'apprécier
à travers les effectifs de ménages et la charge
démographique de chaque secteur. 0.N.1 compte le plus grand nombre de
ménages (681), suivi de 0.N.2 (559) et de 0.N.3 (410).
O.N.1 s'individualise également au regard du nombre
d'habitants dans les trois unités du quartier. Il renferme un effectif
de 4 356 habitants, soit 41,3% de la population totale de Ouagou Niayes. O.N.2
compte 3 576 habitants soit 33,9% et O.N.3 a un effectif de 2 623 habitants
soit 24,8%.
La prépondérance de O.N.1 se justifie par le
fait que dans ce secteur, la construction ainsi que le peuplement
dépendent de la volonté individuelle des populations qui
exploitent le moindre espace libre. Par contre, à O.N.2 et O.N.3,
l'habitat planifié ne permet pas l'implantation anarchique.
L'inégalité de la répartition de la
population de Ouagou est en définitive imputable à divers
facteurs. Cependant, quels que soient les facteurs qui régissent le
peuplement de l'espace, sa charge démographique est un
élément important pour appréhender les conditions de vie
de ses habitants.
CHAPITRE II : DES POPULATIONS AU NIVEAU DE VIE
MOYEN
Ouagou Niayes est une localité d'un niveau
socio-économique moyen. Quartier composé au départ
essentiellement de salariés dont les conditions étaient plus ou
moins satisfaisantes, Ouagou Niayes est aujourd'hui affecté par une
forte croissance qui entraîne en même temps qu'une augmentation de
la taille des ménages, la paupérisation de ceux-ci.
L'étude des activités professionnelles et
revenus des chefs de ménage ainsi que celle des charges des
ménages permettent de mieux comprendre les conditions dans lesquelles
vivent les habitants de cet espace.
I - Les activités professionnelles et revenus de
chefs de ménage
1 - Les activités professionnelles des chefs de
ménages
Les chefs de ménage ont diverses activités
professionnelles. Cependant, le chômage affecte 26% d'entre eux. Les
chefs de ménage de professions libérales et du secteur
privé représentent 27%. La part des retraités n'est pas
négligeable non plus (19%). Ils sont suivis des chefs de ménage
commerçants avec 13% ; des fonctionnaires (11%) et des artisans (4%).
actuellement en retraite et vivent dans ce dernier s'ils ne
sont pas retournés à Saint Louis, leur ville d'origine. Quant aux
commerçants, beaucoup d'entre eux logent dans la localité pour ne
pas s'éloigner de leurs lieux d'activités. En effet, Ouagou
Niayes jouxte le marché des HLM et le marché Ngélaw qui
sont d'importants centres d'échanges.
2 - Les revenus des chefs de ménages
Le revenu moyen des chefs de ménages de Ouagou Niayes
est d'environ 128 000 francs CFA par mois. 7% ont moins de 50 000 francs
mensuellement ; 22% perçoivent entre 50 000 et 100 000 francs par mois ;
27% entre 100 000 et 150 000 francs CFA et 16 % entre 150 000 et 200 000
francs. Ceux qui ont entre 200 000 et 250 000 francs et plus de 250 000 francs
par mois constituent les minorités avec respectivement 2% et 7%.
De manière générale, 29% des chefs de
ménage ont moins de 128 000 francs par mois (la moyenne), 52% en ont
plus et 19% n'ont pas de revenu.
En dehors de leurs salaires, certains chefs de ménage
disposent d'autres sources de revenus dont les plus fréquemment
citées sont les revenus de transfert dont la pension de retraite (15%),
le mandat (13%), les revenus des enfants travailleurs (13%), le loyer (10%) et
le petit commerce de l'épouse (5%). Seuls 30% des ménages ne
disposent d'aucune autre source de revenu.
Le niveau de revenu est l'élément essentiel pour
déterminer le degré de satisfaction des besoins des
ménages. Ainsi, à la question de savoir si leurs revenus couvrent
ou non leurs dépenses, 53% des chefs de ménage ont répondu
positivement et 47%, négativement.
II - Les charges des ménages
Elles sont largement fonction d'un certain nombre
d'éléments tels que la structure et la taille des ménages,
le niveau de chômage dans ces derniers qui définissent à
leur tour la hauteur des difficultés relatives à l'alimentation
et à la santé.
1 - Structure et taille des ménages
1 - 1 - Structure des ménages
L'examen de la structure des ménages de Ouagou Niayes
révèle diverses situations matrimoniales.
Tableau n° 3 : répartition
des chefs de ménage selon la situation matrimoniale
|
Effectifs
|
%
|
Situation matrimoniale
|
mariés (es) polygames
|
28
|
28,0
|
mariés (es) monogames
|
39
|
39,0
|
célibataires
|
7
|
7,0
|
veufs / veuves
|
24
|
24,0
|
divorcés (es)
|
2
|
2,0
|
TOTAL
|
100
|
100,0
|
Source : enquêtes, juin - août
2004.
Les chefs de ménages monogames sont
numériquement plus importants avec 39%. Les polygames
représentent 28% des ménages interrogés suivis des
ménages veufs (24%), des célibataires (7%) et des divorcés
(2%).
Le niveau d'instruction assez poussé ainsi que les
difficultés de toutes sortes auxquelles sont confrontés les
Sénégalais poussent généralement les hommes
à se limiter à une seule conjointe. C'est sans doute ce qui
justifie la prépondérance des monogames dans la
répartition des ménages dans ce quartier. Cependant, d'autres
facteurs peuvent être mis à contribution pour expliquer cette
situation. Il s'agit de :
- l'âge : parmi les chefs de ménage polygames et
veufs, ceux qui ont 60 ans et plus sont majoritaires, les moins de 40 ans
constituent la minorité. A l'opposé, les chefs de ménage
âgés de 45 à 49 ans sont majoritairement monogames ;
- le niveau d'instruction : la plupart des chefs de
ménage monogames ont atteint les niveaux secondaire et supérieur
tandis que les mariés polygames sont majoritairement de formation
arabe/coranique ;
- l'occupation professionnelle et éventuellement le
montant du revenu mensuel : les artisans, par exemple, constituent avec les
chômeurs et les fonctionnaires les catégories minoritaires des
chefs de ménages polygames. Tandis que les chefs de ménage de
professions libérales et du secteur privé représentent la
majorité à la fois des mariés monogames et polygames.
1 - 2 - Taille des ménages
Elle varie entre 2 et 32 personnes avec une moyenne d'environ 10
personnes par ménage.
Tableau n° 4 : répartition
des ménages selon la taille
|
Nombre de réponses
|
%
|
Nombre de personnes dans
le ménage
|
moins de 5
|
7
|
7,0
|
5 à 9
|
52
|
52,0
|
10 à 14
|
23
|
23,0
|
15 à 19
|
11
|
11,0
|
20 à 24
|
4
|
4,0
|
25 et +
|
3
|
3,0
|
TOTAL
|
100
|
100,0
|
Source : enquêtes, juin - août
2004.
Le tableau n°4 montre une taille modale de 5 à 9
personnes par ménage avec un pourcentage de 52%. Les ménages de
10 à 14 membres représentent une proportion de 23% suivis de ceux
composés de 15 à 19 membres (11%) et des moins de 5 membres
(7%).
Les grandes familles de 20 à 24 membres et de 25 membres
et plus sont moins nombreuses. Elles font respectivement 4% et 3%.
L'importance de la charge démographique des
ménages se justifie par le fait que la famille sénégalaise
est généralement élargie et c'est souvent le parent
citadin qui est tenu d'assuré l'hébergement de tout autre membre
venu poursuivre des études, chercher du travail ou tout simplement se
reposer en ville. Il convient d'ajouter à cela le taux de chômage
élevé au Sénégal et le désir de mener des
études poussées qui font que les enfants restent souvent pendant
longtemps sous la tutelle parentale.
Les ménages de grande taille se retrouvent dans tous les
secteurs du quartier mais les plus peuplés des ménages
interrogés sont localisés à 0.N.1 (32 personnes) et
à 0.N.3 (27 personnes).
La charge démographique régit dans une large mesure
le niveau de chômage et d'inactivité dans les ménages
compte tenu de la jeunesse de la population.
2 - Le niveau de chômage et d'inactivité dans
les ménages
Par définition, le chômage est la période
d'inactivité forcée qui caractérise la situation des
personnes capables, disponibles et désireuses de travailler mais qui n'y
parviennent pas. Le chômage et l'inactivité sont deux
phénomènes très présents dans les ménages.
Ils concernent surtout les jeunes de plus de 18 ans à la recherche
d'emploi et les femmes de plus de trente ans qui ont abandonné les
études généralement pour se marier.
En général, la taille du ménage est en
déphasage avec le nombre de travailleurs dans celui- ci, ce qui permet
d'appréhender le niveau de chômage et d'inactivité dans les
ménages.
Figure n° 2 : taille des ménages et
nombre de travailleurs ,,
0
1
2
3
4
5
6 +
moins 5 5 à 9 10 à 14 15 à 19 20
à 24 25 +
nombre de personnes dans le ménage
Source : enquêtes, juin - août
2004.
La combinaison de la taille des ménages et le nombre de
travailleurs dans ceux-ci montre que quelle que soit la taille du ménage
considéré, le nombre de travailleurs le plus fréquent est
égal à 1 et le moins fréquent 6. La moyenne de
travailleurs dans les ménages varie entre 1 et 2 personnes.
Le nombre de deux (2) travailleurs se retrouve dans toutes les
catégories de ménages à l'exception de celles qui ont plus
de 25 membres où il y a en général davantage de personnes
actives. Par ailleurs, il est extrêmement rare de trouver dans un
ménage plus de quatre travailleurs.
L'élément de l'analyse qui mérite le plus
d'attention est l'absence totale de travailleurs dans 12 % des ménages
répartis comme suit : 6% dans les ménages composés de 5
à 9 membres, 3% dans les ménages de 10 à 14 membres et 3%
également dans ceux de 15 à 19 individus.
Dans la plupart de ces ménages, la survie dépend
des transferts : mandat, loyer et allocation de retraite. Pour remédier
à cette situation, ceux qui en ont les moyens envoient un ou plusieurs
membres de leur ménage à l'étranger dans l'espoir d'un
appui financier conséquent et donc d'une amélioration de leur
sort. A titre d'exemple, il y a au moins un émigré dans 29% des
ménages interrogés.
Le nombre de travailleurs n'est donc pas proportionnel
à la charge démographique des ménages. En d'autres termes,
l'augmentation du nombre de personnes dans le ménage n'entraîne
pas forcément celle du nombre de travailleurs dans celui-ci. Ce nombre
est moins considérable dans les ménages de plus 25 membres mais
beaucoup plus élevé dans ceux de 5 à 9 membres,
certainement parce que ces derniers sont numériquement plus importants
dans le quartier. L'effectif de travailleurs varie ainsi
considérablement en fonction de l'importance numérique de la
catégorie de ménage.
Dans la plupart des familles, les charges sont
supportées par une seule personne. Cette situation entraîne ou en
tout cas exacerbe les difficultés liées à l'alimentation
et à la santé dans les ménages.
3 - Les difficultés d'alimentation et de
santé
3 - 1 - Les difficultés d'alimentation
L'alimentation reste une des priorités du budget des
ménages sénégalais. La part des dépenses
alimentaires dans la dépense totale est de 53,2% pour l'ensemble du
pays. Ce pourcentage varie inversement au degré d'urbanisation : ainsi,
il est de 69,1% dans le milieu rural, 45,6% dans les autres centres urbains et
de 40,1 % dans la zone urbaine de Dakar.
Ces dépenses servent à l'achat de divers
produits dont le pain, le sucre, le lait, le poisson, la viande et les
légumes. Cependant, le pain et les céréales accaparent la
plus grande part des dépenses (37,3%), suivis des légumes (11,8%)
et des huiles et graisses (11,3%).(27)
Le montant des dépenses journalières, mensuelles et
annuelles varie selon le milieu. A Ouagou Niayes, l'enquête s'est
intéressée uniquement aux dépenses journalières des
ménages.
(27) DPS, ESAM / 94-95, p. 90.
Tableau n° 5 : dépense
journalière des ménages
|
Nombre de réponses
|
%
|
Dépense journalière en FCFA
|
moins de 2000
|
11
|
11,0
|
2 000 - 3 000
|
29
|
29,0
|
3 000 - 4 000
|
23
|
23,0
|
4 000 - 5 000
|
10
|
10,0
|
5 000 et plus
|
27
|
27,0
|
TOTAL
|
100
|
100,0
|
Source : enquêtes, juin - août
2004.
L'examen du tableau n°5 montre que plus du quart des
ménages du quartier (29%) dépense entre 2 000 et 3 000 francs CFA
par jour. Ceux qui dépensent 5 000 F et plus viennent en seconde
position avec 27%. Ils sont suivis de ceux qui déboursent entre 3 000 et
4 000 francs avec 23%. Les ménages dont la dépense quotidienne
n'excède pas 2 000 francs ainsi que ceux dont la dépense varie
entre 4000 et 5000 francs constituent les plus faibles proportions.
Le cumul des pourcentages permet de constater que 60% des
ménages dépensent quotidiennement plus de 3 000 francs et 40%
moins de 3 000 francs.
Cependant, quel que soit le montant de la dépense
quotidienne, les problèmes d'alimentation touchent près de la
moitié des ménages interrogés. En effet, 43% d'entre eux
déclarent être régulièrement confrontés
à ces genres de difficultés et 19% irrégulièrement.
En somme, 62% des chefs de ménages sont, régulièrement ou
non, accablés par les difficultés d'alimentation. Seuls 38%
d'entre eux déclarent ne pas connaître ces genres de
problèmes.
Beaucoup de paramètres peuvent être mis à
contribution pour comprendre ces difficultés. Il s'agit entre autres de
la taille du ménage, la situation matrimoniale du chef, son occupation
professionnelle, ses autres sources de revenu.
Ainsi, les enquêtes révèlent que les
difficultés liées à l'alimentation sont plus
fréquentes
dans :
- les ménages de grande taille ;
- les ménages dont le chef est chômeur et/ou veuf
;
- les ménages où le chef n'a aucune autre source de
revenu en dehors des revenus de transferts.
3 - 2 - Les difficultés d'accès aux soins de
santé
Elles interviennent en cas de maladie dans les ménages.
Elles sont liées essentiellement à l'achat de médicaments
et autres produits pharmaceutiques des services médicaux produits dans
les hôpitaux et en dehors des hôpitaux.
Les dépenses sanitaires sont lourdes pour les chefs de
ménage qui n'ont pas accès à une prise en charge par les
assurances, les employeurs ou une tierce personne.
Les difficultés concernant les soins de santé
sont fortement ressenties par les ménages sénégalais. A
Ouagou Niayes, plus de la moitié des ménages interrogés,
soit 57%, affirment être éprouvés par des problèmes
liés aux soins de santé : 39% d'entre eux ont
régulièrement des problèmes et 18%
irrégulièrement. Seuls 43% des ménages ne vivent pas les
difficultés de santé.
Toutefois, il sied de remarquer que les difficultés
liées à la santé des populations se posent avec moins
d'acuité que celles relatives à l'alimentation dans les
ménages. Certainement parce que l'alimentation est une
nécessité à satisfaire de façon permanente alors
que la maladie se manifeste en général par intermittence.
Conclusion
Créé au cours des années 1950, le
quartier Ouagou Niayes regroupe une population hétérogène
dont les conditions socio-économiques sont moyennes. Faiblement
peuplé à sa création, cette cité connaît
aujourd'hui une forte pression démographique qui pose avec acuité
les problèmes de logement et d'espace. La croissance de la population
entraîne l'augmentation des charges des ménages qui cause par voie
de conséquence la paupérisation de ceux-ci. D'ailleurs, dans la
plupart des ménages éprouvés par une sévère
conjoncture économique et un taux de chômage élevé,
la satisfaction des besoins domestiques tient du salaire d'une seule personne,
de la pension du chef de famille qui n'a pas eu de relève à sa
retraite mais surtout d'un mandat qu'un membre émigré envoie de
temps à autre. Ce qui augure déjà de l'importance de la
place que les populations de la localité doivent accorder aux
infrastructures de télécommunication, notamment les
télécentres et récemment les cybercafés, pour
lutter contre le chômage et pour l'établissement de leurs
relations à distance.
INTRODUCTION
Nés d'une volonté de la Sonatel de
développer l'usage du téléphone dans l'ensemble du pays,
les télécentres font leur apparition en 1992. Dès leur
ouverture, ils ont remplacé les cabines téléphoniques
publiques peu nombreuses parce que relativement coûteuses à
installer et par ailleurs régulièrement endommagées lors
des manifestations de rues organisées à l'occasion des mouvements
de protestations politiques et sociaux.(28) L'origine exacte de
l'idée de télécentres n'est pas connue mais la
décision d'en laisser la gestion à des exploitants privés
à grande échelle peut être mise en rapport avec
l'initiative de la Sonees (la Société Nationale gérant
l'eau) qui avait installé, avec succès, des bornes fontaines dont
la gestion était confiée à des personnes du quartier.
(29) Les télécentres ont fortement contribué
à l'éveil d'une véritable conscience populaire du
téléphone en tant que moyen de transmission d'informations de
toutes sortes et de jonction des populations. On les retrouve actuellement un
peu partout dans le pays (dans les villes, les villages, les quartiers) et ils
font l'objet d'une appropriation effective par toutes les couches de
population.
Cependant, depuis un certain nombre d'années, est
apparu un nouveau moyen de communication qui défie tous les temps,
toutes les distances et contraintes topographiques. Il s'agit de l'Internet
auquel le Sénégal est officiellement connecté en 1996. Les
points d'accès à cette technologie sont appelés
cybercafés. Phénomène de fond, l'Internet a gagné
presque tous les milieux et suit au pas la trace des télécentres
vue la vitesse d'augmentation du nombre de cybercafés dans le pays.
Télécentres et cybercafés sont des
activités lucratives qui permettent à de nombreuses personnes de
gagner leur vie. Ils permettent également de rendre la communication
efficiente entre les populations. Cependant, ils drainent une foule importante
d'enjeux sociaux, économiques et territoriaux.
Cette partie analyse en définitive les modalités
d'implantation des télécentres et des cybercafés dans le
quartier Ouagou Niayes, leurs caractéristiques, leurs activités
ainsi que le profil de leurs propriétaires et gérants.
(28) Sagna, 2000, p. 41.
(29) Barbier, 1998, p. 22.
CHAPITRE I : LES TELECENTRES, UNE PRESENCE MASSIVE DANS
LE PAYSAGE DE OUAGOU NIAYES
L'accessibilité du téléphone est
restée pendant longtemps le privilège des couches de populations
aisées qui, parfois même, plaçaient cet instrument de
communication dans les endroits de la maison par où entraient les
visiteurs (voisins, étrangers et autres). Le téléphone
était donc le signe d'un niveau de vie assez élevé. Avec
les télécentres, les choses sont différentes car il a fini
d'être un moyen de communication banal dont tout le monde a accès
et à moindre coût.
Un petit tour dans le quartier Ouagou Niayes suffit largement
pour remarquer la forte présence de ces infrastructures de
télécommunication faisant office d'accès publics au
téléphone et arborant le nom de « télécentre
».
Quelle est la répartition spatiale des
télécentres dans ce quartier et quelles sont les raisons qui la
motivent ? Quelles sont leurs caractéristiques et les activités
auxquelles ils se livrent ? Là sont les interrogations auxquelles ce
chapitre essaie de répondre.
Télécentres :
: unité à 65 francs : unité à 75
francs : unité à 80 francs : non enquêtés
Echelle : 1 / 2 000e Source : DPS, 2004 Carte
améliorée par Sylla.
I - Une colonisation du quartier par les
télécentres
A l'image de ce qui se passe dans toute la région de Dakar
le nombre de télécentres à Ouagou Niayes croît
à un rythme soutenu.
8
7
6
5
4
3
2
0
1
1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006
Figure n° 3 : rythme d'ouverture des
télécentres à Ouagou Niayes de 1992 à
2004
Années
Source : enquêtes, juin - août
2004.
L'examen de la figure n°3 montre une évolution
différentielle du rythme d'ouverture des télécentres dans
le quartier. La courbe peut être divisée en quatre phases
marquées chacune par une évolution caractéristique.
- La première phase comprise entre 1992 et 1995 est
marquée par une timide croissance du nombre de télécentres
dans le quartier. Cette situation s'explique sans doute par une ignorance,
naguère, par les populations de ces activités qui venaient
nouvellement de faire leur apparition ;
- La seconde phase qui va de 1995 à 2000 est
caractérisée par une importante augmentation du nombre de
télécentres dans la localité. Cela traduit certainement la
prise de conscience par les populations des avantages que les
télécentres pouvaient leur procurer en terme de création
de richesses et de facilitation de la communication.
- La troisième phase est caractérisée
par un tassement du rythme d'ouverture des télécentres. Elle
correspond surtout à l'année 2001 où la Sonatel avait
suspendu, au mois de juillet, tout agrément d'ouverture de
télécentres pendant une période de six mois.
- La quatrième et dernière phase
s'échelonne entre 2002 et 2004. Elle est marquée par une forte
reprise de la croissance du rythme d'implantation des télécentres
dans le quartier. Cette reprise a débuté en mars 2002 lorsque la
Sonatel a levé la suspension des agréments.
Aujourd'hui, à Ouagou Niayes, les
télécentres qui sont au nombre de 44, ont colonisé
l'espace.
58,3% des usagers jugent ce nombre de télécentres
élevé, 26,7% le pensent suffisant et 15% d'entre eux le
considèrent insuffisant.
Les usagers sont cependant plus unanimes quant à
l'appréciation de l'augmentation du nombre de télécentres
dans leur localité. En effet, 83,3% parmi eux trouvent que c'est un
avantage pour les raisons qui suivent :
- la rapidité de communication qu'ils permettent ;
- la concurrence qui en découle et qui joue en faveur des
usagers ;
- l'accessibilité du téléphone à
tous avec moins de déplacement physique ;
- le gain de temps ;
- la création d'emplois ;
- le désencombrement des télécentres ;
- la minoration des factures du téléphone
domestique ;
- la possibilité de remédier au manque de
crédit pour ce qui est du téléphone cellulaire.
Pour 16,7% des usagers par contre, l'augmentation du nombre de
télécentres dans le quartier est un inconvénient et ce, en
raison de la perte d'emploi qu'elle peut occasionner du fait de la faillite de
certains télécentres consécutive à la concurrence
déréglementée et la chute forcée des prix.
1 - La répartition spatiale des
télécentres
A Ouagou Niayes, les télécentres se
répartissent comme suit : 14 à 0.N.1 ; 24 à 0.N.2 et 6
à 0.N.3. Il y a théoriquement un (1) télécentre
pour environ 251 habitants.
Tous les télécentres sont situés à
une distance n'excédant pas en général 30 mètres
des lieux habituels de résidence ou d'activité des usagers qu'ils
polarisent, ce qui constitue un réel facteur de facilitation de
l'accès. Les télécentres présentent de ce fait
l'avantage de s'implanter à proximité des ménages
même si cette proximité n'est pas forcément synonyme de sa
fréquentation par les membres de ceux-ci.
La distribution spatiale des télécentres est
fortement régie par une logique commerciale et a d'importantes
conséquences sur les activités de ceux-ci.
1 - 1 - Une logique commerciale fortement
respectée
La répartition spatiale des télécentres
est influencée par la logique marchande. En effet, 58 % des
propriétaires et gérants enquêtés déclarent
avoir ouvert leur entreprise dans le quartier pour profiter de la bonne
position commerciale qu'il offre, contre 26% qui soutiennent s'y être
implantés parce qu'ils y habitent et 16% parce que n'ayant pas
trouvé un magasin ailleurs. La bonne position commerciale qu'offrirait
Ouagou Niayes est imputable à deux facteurs principaux : sa place
stratégique dans l'espace urbain dakarois (carrefour entre plusieurs
axes routiers importants) et son important poids démographique (les
propriétaires et gérants qualifient d'ailleurs Ouagou Niayes de
quartier populaire).
Les rues passantes constituent les points
privilégiés d'implantation des télécentres et cela,
pour bénéficier de l'apport des utilisateurs occasionnels dans le
niveau de fréquentation. A ce titre, les rues les mieux servies en
télécentres sont celle de Bene Tally (Coopé) et celle
séparant 0.N.1 et le quartier populeux Usine Benne Tally (cf. carte
n°3 et photo n°1) qui sont deux axes privilégiés du
dispositif de circulation du quartier.
Les télécentres se situent en
général à des distances rapprochées les uns des
autres. Dans les zones de forte concentration humaine comme 0.N.1, l'intervalle
entre deux télécentres est généralement
inférieur à 10 mètres alors que la Sonatel avait
prévu une distance réglementaire de 20 mètres entre deux
télécentres. Un tel déploiement spatial entraîne une
rude concurrence entre eux et qui a d'importantes conséquences sur la
marche de leurs activités.
1 - 2 - Les conséquences d'une distribution spatiale
compacte
Malgré leur importance numérique et leur
déploiement spatial serré, les télécentres ne
participent pas sinon de façon négligeable à la
structuration de l'espace. En effet, ils se surimposent toujours à un
espace déjà défini, peuplé et organisé. Leur
impact sur l'espace se limite principalement à la polarisation des
individus et à la constitution de petits groupes de discussion
formés par affinité ou par intérêt : les
télécentres ne sont pas seulement des lieux de
téléphonie mais aussi des espaces de vie, des lieux à
palabres où se crée et/ou se diffuse l'information.
Le déploiement spatial compact des
télécentres influe cependant fortement sur leurs
activités. Il entraîne par exemple une sérieuse guerre des
prix entre les télécentres très rapprochés et
favorise une baisse de leur niveau de rentabilité.
Photo n° 1 : la rue Lassana
à Ouagou Niayes
Photo : Sylla, 2004.
Cette rue passante, séparant Ouagou Niayes 1 et le
quartier populaire d'Usine Bene Tally, est l'une des rues les plus mieux
pourvues en télécentres de tout Ouagou Niayes.
1 - 2 - 1 - La guerre des prix
Entre 1992 et 1994, des règles précises ont
été établies par la Sonatel pour réglementer
l'installation des télécentres en instaurant notamment le respect
d'une distance entre deux télécentres, un peu à l'image de
ce qui existe pour l'ouverture des pharmacies.(30) Cependant, du
fait que le chiffre d'affaires d'une ligne principale
téléphonique installée dans un télécentre
représente quatre fois le chiffre d'affaires d'une ligne principale
ordinaire(31), la Sonatel a libéralisé l'ouverture des
télécentres depuis 1995. A partir de cette date, commença
une nouvelle « ère » dans l'évolution de ces espaces de
communication marquée par une forte augmentation de leur nombre.
La prolifération des télécentres a eu
comme corollaire la saturation du marché qui a provoqué à
son tour une intense guerre des prix entre télécentres
désormais côte à côte. La guerre des prix a
entraîné la chute de ceux-ci. Ainsi de 100 francs CFA à
l'ouverture des premiers télécentres en 1992, le prix de
l'unité d'appel se vend aujourd'hui à 60 francs dans certains
télécentres. Cette situation combinée à la faillite
et la fermeture des télécentres qu'elle occasionne avait
poussé la Sonatel à suspendre en juillet 2001 tout
agrément d'ouverture de télécentre pendant une
durée de six mois(32).
Toutefois, la guerre des prix n'entraîne pas de conflit
de quelle que nature qu'il soit entre les gérants qui entretiennent du
reste de bonnes relations amicales ou professionnelles. Les conflits opposent
plutôt d'une part les gérants aux clients avec 83,9% des
réponses reçues (pour des motifs liés à la boite
vocale (33), à la rapidité du compteur et aux
crédits) et d'autre part les propriétaires à la Sonatel
avec 12,9% des réponses (pour des raisons relatives au fait que cette
société ne délivre pas les factures à temps tandis
que les dates d'échéance sont rapprochées).
Les réactions des propriétaires et
gérants face à la guerre des prix sont multiples. Certains sont
résignés et se disent impuissants devant cette situation qu'ils
qualifient d'ailleurs de normale. D'autres par contre incriminent la
responsabilité individuelle de la Sonatel et se regroupent dans des
associations telle que l'UNETTS afin d'opposer une résistance à
cette société qu'ils jugent parti prenante.
Créée en 2000, l'UNETTS a pour but de
défendre, au sein d'une entité nationale unique et
démocratique, les intérêts des exploitants de
télécentres, de téléservices et cybercentres
d'affaires
(30) Sagna, 2000, p. 41.
(31) Zongo, Gaston, « Essai d'analyse de la faiblesse de la
télédensité et de la productivité du secteur
africain des télécommunications », communication
présentée à Genève, ITU/BDT, 19-21 mars 1996,
Cité par Sagna, 2000, p. 41.
(32) Batik n° 24, juillet 2001.
(33) Les gens ne peuvent pas comprendre de devoir payer sans
avoir communiqué.
du pays et d'accompagner le processus de réglementation du
secteur des télécommunications. Ses objectifs sont entre autres
:
- la création d'un statut de prestataire de service des
différents exploitants ;
- la création d'une caisse de consignation des cautions
versées par les gérants à la Sonatel qui leur permettra de
profiter des intérêts bancaires générés ;
- la baisse du prix d'achat de l'unité pour les
exploitants qui sont des prestataires de service ;
- l'application d'un prix de vente unique à 100 francs
CFA par l'Etat via l'ART, un prix que tous les exploitants devront respecter
sous peine d'être pénalisé pour la sauvegarde de l'emploi
menacé ;
- la définition d'une fourchette de prix unique pour
tous les cybercentres ;
- la mise sur pied de sections/UNETTS dans chaque quartier
unissant tous les exploitants;
- la redynamisation de toutes les associations
régionales, départementales et rurales d'exploitants de
télécentres/téléservices.
Au regard de ses objectifs, cette association cerne l'essentiel
des préoccupations des exploitants même s'il faut déplorer
une quasi-absence de référents aux intérêts des
usagers.
Cependant, l'UNETTS doit relever beaucoup de défis dont
le plus sérieux est sans doute la sensibilisation des 30 000
gérants qui exploitent les 17 000 lignes de téléphone dans
les télécentres éparpillés dans tout le pays. Cette
sensibilisation fait pour l'instant défaut, l'union est mal connue des
propriétaires et gérants. En effet, sur les 31
propriétaires et gérants interrogés, seuls 11, soit 35,5%,
ont déclaré connaître leur association. Les deux tiers
d'entre eux, soit 64,5% ignorent l'existence de cette entité.
1 - 2 - 2 - La baisse de la rentabilité
La rentabilité financière des
télécentres est diversement appréciée par les
propriétaires et gérants. En effet, bien que la majorité
(67,7%) des propriétaires et gérants enquêtés pense
que le rapprochement spatial des télécentres n'affecte en rien
leur rentabilité et que le télécentre ne fait pas faillite
s'il est rigoureusement géré, 32,3% parmi eux considèrent
par contre que le temps de la rentabilité est révolu en raison du
nombre important de télécentres et de leur proximité
spatiale. A côté de cette principale raison citée par
22,6-% des propriétaires et gérants pour expliquer la
baisse de la rentabilité des télécentres, il faut ajouter
le crédit qu'ils sont parfois obligés de faire aux parents et/ou
voisins qui sont pour la plupart de mauvais payeurs (avec19,3% des
réponses) ; les taxes élevées payées à la
Sonatel et au fisc (16,1%) ; l'absence de réglementation et la
concurrence sauvage (16,1%) ; la rivalité, le manque de cohésion
des gérants et la non uniformisation des prix
(13%) ; la cherté de la location des lieux (6,5%) ; le
développement fulgurant du téléphone cellulaire (3,2%) et
enfin les faux billets de banque et le vol (3,2%).
2 - Les motivations d'ouverture des
télécentres
Les enquêtes révèlent que l'ouverture de ces
espaces de communication est motivée par deux principales raisons : des
raisons financières et des raisons sociales.
Les raisons financières sont les plus
fréquemment invoquées par les propriétaires et
gérants de télécentres (90,4% des réponses
obtenues). Nécessité rend ingénieux dit-on, or Ouagou
Niayes est un espace où le chômage est très présent
dans les ménages. Pour remédier au chômage, les populations
s'adonnent à de multiples activités dont les
télécentres. Ces derniers sont considérés par les
propriétaires et gérants de télécentres
rencontrés non seulement comme des supports en technologies de
l'information et de la communication mais aussi comme des moyens
d'intégration des circuits économiques et sociaux par des
activités créatrices de profit et d'emploi.
Les télécentres emploient environ 24 000 personnes
à travers tout le pays, soit 0,2% de la population totale du
Sénégal.
Mais en dehors des motivations financières, il y a les
motivations sociales ou familiales même si la finalité est la
recherche de profit. Elles sont moins importantes que les premières
puisque parmi les 31 propriétaires et gérants interrogés,
seuls 3 d'entre eux, soit 9,6%, affirment avoir ouvert un
télécentre pour employer (ou être employé par) un
frère, une soeur, un neveu, bref un parent.
II - Les caractéristiques et activités des
télécentres
1 - Les caractéristiques des
télécentres
Les télécentres sont loin d'être
homogènes, car la Sonatel ne fixe pas de conditions pour l'aspect
extérieur. Donc, selon le goût de l'exploitant, ses moyens
financiers ou son sens du marketing, la décoration peut être plus
ou moins soignée. (34)
Toutefois, au regard de certains éléments, les
télécentres présentent les mêmes
caractéristiques. Sous leurs aspects intérieurs,
l'élément essentiel de différenciation des
télécentres est leur superficie qui commande dans une large
mesure le nombre de cabines et
(34) Barbier, 1998, p. 25.
Photos nos 2 et 3 : deux
télécentres de Ouagou Niayes vus de l'extérieur
Photo : Sylla, 2004.
Selon les moyens financiers dont dispose le propriétaire
du télécentre, l'aspect extérieur de celui-ci est sobre
ou . . .
Photo : Sylla, 2004.
d'éléments de confort (chaises, appareils de
ventilation...) à incorporer. Concernant leur décoration, on
retrouve les mêmes éléments : peintures sobres, portraits
de dirigeants des confréries religieuses, des
célébrités nationales ( les joueurs de l'équipe
nationale de football, les lutteurs...), avis de vente (affiches) de
matériels informatiques, d'abonnements pour téléphone
cellulaire... Sous leurs aspects extérieurs, presque tous les
télécentres portent un écriteau affichant le terme «
télécentre » plus parfois un nom faisant
référence à la religion musulmane. En plus de l'enseigne,
certains télécentres complètent leur présentation
par un petit panneau en bois placé en général sur les
troittoirs et portant les mêmes inscriptions, auxquelles les
gérants ajoutent les activités et services du
télécentre ainsi que son emplacement géographique. Les
télécentres n'offrent pas cependant tous les services que leurs
pancartes affichent Il est donc difficile de se fier à l'affichage
extérieur. Mais les gérants le reconnaissent volontiers,
l'objectif est avant tout de faire entrer le client. Après, il est
toujours possible de palabrer, de négocier, etc.(35)
Il s'avère impertinent de faire une typologie de
télécentres sur la base de leurs caractéristiques sus
invoquées. Mais selon les textes officiels de la Sonatel, il existe deux
types de télécentres : les EspaceTel et les EspaceTel Plus. (voir
annexes)
A Ouagou Niayes, il n'y a aucun télécentre de type
EspaceTel Plus.
2 - Les activités des télécentres
Les télécentres offrent généralement
à leur clientèle divers services à des prix
variés.
2 - 1 - Les services offerts
Les télécentres mettent à la disposition
des usagers une gamme de services diversifiée, allant du
téléphone à la connexion à Internet en passant par
le fax, le télécopieur, la vente de journaux, de produits
alimentaires (bonbons(36), jus, etc.), vestimentaires (habits,
chaussures) et de produits de beauté. Cependant, ce n'est pas tous les
télécentres qui offrent tous ces services à la fois. Les
télécentres n'ont d'ailleurs en général que le
service téléphonique en commun.
Dans le quartier Ouagou Niayes 74,2% des
télécentres s'adonnent à d'autres activités en
dehors du service téléphonique contre 25,8 % qui se limitent
uniquement au téléphone. En plus des services sus cités,
certains télécentres abritent des étals de mercerie,
d'encens et des vidéo-
(35) Barbier, 1998, p. 27
(36) La vente de bonbons dans les télécentres est
d'habitude motivée par le désir des gérants d'aplanir les
problèmes de monnaie.
clubs. D'autres vendent des accessoires de
téléphone cellulaire et du matériel informatique. Par
ailleurs, il y a plusieurs télécentres logés dans les
salons de couture, des studios photo et des boutiques d'alimentation
générale. Dans ce cas, le téléphone ne constitue
pas la principale activité mais vient au second plan. C'est du reste
dans ces «télécentre-boutiques » où il y a eu
les plus forts taux de non-réponse lors des enquêtes.
Si certains propriétaires et gérants (6,5%)
déclarent pratiquer d'autres activités dans l'enceinte de leurs
télécentres parce que les gens en ont besoin ou qu'elles vont de
pair avec les activités de télécentres, d'autres, par
contre, le font essentiellement pour « joindre les deux bouts »,
« pour se tirer d'affaires puis que le télécentre ne marche
pas toujours », « pour amoindrir les charges locatives très
élevées », « pour pouvoir payer convenablement les
employés (gérants) » ou enfin «pour ne pas
dépendre uniquement du télécentre, on ne sait jamais !
».(37)
Aucun télécentre n'offre une liaison à
Internet. Aussi, 29% seulement des propriétaires et gérants de
télécentre ambitionnent-ils d'ouvrir un cybercafé à
cause de sa rentabilité ou pour ne pas se limiter à une
mono-activité. C'est dire donc qu'en dépit des encouragements de
la Sonatel à héberger ou à fournir des sites Web à
leur clientèle, les propriétaires et gérants des
télécentres demeurent encore très réticents. 71%
d'entre eux disent non à l'idée d'un cybercafé. Les prix
dissuasifs du matériel informatique, le coût élevé
de sa maintenance, le manque d'espace ainsi que le nombre croissant de
cybercafés dans le quartier sont les raisons avancées pour
excuser cette réticence.
2 - 2 - Les prix pratiqués
Depuis la libéralisation de l'ouverture des
télécentres en 1995 et la suppression des règles qui
instauraient le respect d'une certaine distance entre deux
télécentres, ces derniers sont confrontés à de
sérieux problèmes de concurrence. Celle-ci se traduit par une
âpre guerre des prix entre les télécentres désormais
distants de quelques mètres seulement. L'effet conjoint d'un tel
phénomène est la baisse des prix de l'unité de
communication téléphonique.
Tableau n° 6 : répartition
des télécentres selon le prix de l'unité d'appel
|
effectifs
|
%
|
Prix d'une unité d'appel
|
65 F
|
7
|
22,6
|
75 F
|
23
|
74,2
|
80 F
|
1
|
3,2
|
Total
|
31
|
100,0
|
Source : enquêtes, juin - août
2004.
(37) Ce sont là les propos recueillis des
propriétaires et gérants rencontrés lors des
enquêtes.
L'examen du tableau n°6 montre la prédominance des
télécentres vendant leur unité à 75 F CFA (74,2 %).
Ils sont suivis des télécentres qui vendent à 65 F
(22,6%), ceux commercialisant leur unité à 80 F CFA fermant la
marche avec 3,2%. Cette situation témoigne de la baisse progressive des
prix qui est l'effet induit de leur spatialité compacte et de la
concurrence.
Trois télécentres ont refusé de
révéler le nombre d'unités qu'ils arrivent à vendre
quotidiennement. Mais les informations recueillies des autres permettent de
dire que la majorité d'entre eux (29%) vend entre 200 et 300
unités par jour. Les télécentres qui vendent journellement
moins de 100 unités ne font que 19,4%. Cependant, il y a une proportion
plus ou moins importante de télécentres qui font entre 300 et 400
unités par jour et même plus de 400, avec respectivement 12,9% et
9,7%.
Le nombre d'unités vendues par jour par un
télécentre est généralement tributaire de la
position géographique de celui-ci, du prix de vente de son unité
d'appel mais aussi du nombre de cabines dont il dispose.
L'analyse du prix de vente de l'unité d'appel des
télécentres révèle que la concurrence ne handicape
pas forcément ceux qui commercialisent leur unité à 75
francs, certainement parce qu'ils sont numériquement plus
considérables. Toutefois, tous les télécentres qui
parviennent à faire plus de 400 unités par jour pratiquent un
prix unitaire de 65 francs.
Le nombre de cabines par télécentre permet de
mieux les départager. A Ouagou Niayes, 45,2% des
télécentres ont deux cabines, 41,9% n'en ont qu'une. Ceux qui
disposent de trois et quatre cabines sont moins nombreux. Ils
représentent dans l'ordre 9,7% et 3,2%.
L'essentiel des télécentres qui n'ont qu'une
seule cabine font moins de 100 unités quotidiennement; ceux qui en ont
deux, font pour la plupart entre 200 et 300 unités par jour. Enfin, tous
les télécentres qui parviennent à vendre plus de 400
unités journellement, ont trois ou quatre cabines (et vendent leur
unité à 65 F).
Les prix pratiqués par les télécentres de
Ouagou Niayes sont de manière générale abordables comme le
pensent 68,3% des usagers interrogés, seul un télécentre
vend l'unité d'appel à 80 F. Le nombre d'unités qu'ils
parviennent à commercialiser quotidiennement est élevé
dans l'ensemble. Cela traduit la forte utilisation de ces outils de
communication sociale et commerciale par les habitants de la
localité.
Cependant, la concurrence qui marque ce secteur
d'activités et qui entraîne la baisse des prix ne
bénéficie véritablement qu'aux consommateurs. Du fait que
la Sonatel vend l'unité de communication à 60 francs CFA, de
nombreux de télécentres fonctionnent à perte et se voient
ainsi
condamnés à la fermeture, une fermeture qui
favorise la suppression d'une importante activité
génératrice de profit aux propriétaires et d'emploi aux
gérants.
CHAPITRE II : LES CYBERCAFES SUR LA TRACE DES
TELECENTRES
S'il est aujourd'hui une technologie qui mérite le plus
l'attention d'un géographe du fait de la nouvelle conception du temps et
de l'espace qu'elle autorise, à travers la remise en cause des
dichotomies local/global, l'ici/l'ailleurs, centre/périphérie,
c'est à coup sur l'internet. Impulsé au cours des années
1970 par le Ministère de la Défense Américain, l'Internet
est venu fédérer les réseaux de communication
décrétant de façon irrémédiable la fin de
beaucoup de contraintes auxquelles se heurte le paradigme communicationnel
entre les peuples du monde.
Depuis la connexion du Sénégal en 1996, Internet
a fait l'objet d'une réelle appropriation à la fois par les
entreprises, les ménages et les individus dont il répond de
façon efficace aux divers besoins. L'Internet est une technologie
à la fois simple, puissante et efficace. Il permet la manipulation de
tout type de document que ce soit des textes, des photos, des cartes
géographiques, des dessins, de la vidéo, du son, etc. Il permet
également de réunir en un laps de temps une documentation
importante et une foule d'informations sur un sujet quelconque et /ou
d'établir, en quelques instants seulement, la communication entre les
personnes spatialement très distantes. C'est justement ce qui explique
le rythme d'ouverture élevé des points d'accès à
cette technologie (cybercafés) qui suivent au pas l'empreinte des
télécentres.
Il s'agit dans ce chapitre d'abord d'analyser la
répartition spatiale des cybercafés dans Ouagou Niayes, ensuite
d'expliquer les raisons d'ouverture des cybercafés et leurs
caractéristiques, et enfin, de présenter les services qu'ils
mettent à la disposition des usagers.
: cybercafé
Echelle : 1 / 2 000e Source : DPS, 2004 Carte
améliorée par Sylla.
I - Une distribution spatiale encore très
lâche
Malgré une réelle pénétration
d'Internet dans les habitudes de vie des populations, le nombre de
cybercafés à Ouagou Niayes reste assez limité. En effet,
il n'y a que trois cybercafés dont les deux (2) sont localisés
à 0.N.2 et le troisième à 0.N.3. Leur distribution dans
l'espace du quartier demeure ainsi flottante (voir la carte n°4) et la
densité très faible : 1 cybercafé pour 2 111 personnes
théoriquement.
Tous les cybercafés sont distants d'au moins 200
mètres, ce qui empêche a priori la concurrence entre eux et permet
aux gérants de profiter (mais de façon inégale) des
retombées financières très largement commandées par
une logique comerciale, en lien avec l'accessibilité et la
fréquentation de l'infrastructure. Comme le souligne Sambou
(38) se faire un chiffre d'affaires de 180 000 francs par jour est fort
motivant ! Mais les chiffres d'affaires varient selon les endroits
d'implantation de l'unité de production. A titre d'exemple, dans la
banlieue dakaroise, certains opérateurs se font des recettes de
près d'un million de francs l'année. Dans les zones touristiques,
les recettes tournent autour de 170.000 francs la journée, les touristes
constituant le gros de la clientèle affectés qu'ils sont par le
mal du pays. (39)
Par ailleurs, en dépit d'une faible densité, les
cybercafés sont suffisants pour permettre une « ex-
territorialisation virtuelle» en ce sens que le territoire n'est pas
seulement un espace économique et politique construit mais un lieu
réapproprié, pratiqué, vécu par des populations qui
n'ont pas forcément participé à son
élaboration.(40) En effet, Internet limite
considérablement la portée des frontières en
réduisant les limites de l'espace et du temps. Il permet aux
utilisateurs de se connecter à temps réel ou à temps
programmé à des activités se déroulant à des
distances éloignées, ce qui favorise un effondrement des
barrières telles que la nationalité, l'appartenance ethnique ou
confessionnelle, la culture, la race, etc. et autorise une remise en cause du
paradoxe de l'interface local/mondial. Avec l'Internet, c'est désormais
l'attraction des réseaux, la vertu de l'ennemi proche et de l'ami
lointain ; façon habile et non polémique de définir un
« territoire » négociable avec ces amis lointains et
non-discutable avec ses rivaux proches .(41)
(38) Ansoumana Sambou, 2001, p. 39.
(39) Idem. p.40.
(40) Marie Claude Cassé, 1995, « Réseaux de
télécommunication et production de territoire » in Sciences
de la Société, Territoire, société et
communication, Presses Universitaires du Mirail Toulouse, n° 35, mai 1995,
p.75.
(41) Emmanuel Eveno, 2004, « La géographie de la
Société de l'Information : entre abîmes et sommets »,
Netcom, vol. 18, n° 1-2, p. 25.
II - Les motivations d'ouverture et caractéristiques
des cybercafés
L'avènement des NTIC n'a décidément pas
laissé les Sénégalais indifférents. Loin de
là, l'Internet a eu un véritable impact et le constat de la
prolifération des cybercafés suffit pour s'en convaincre. Les
cybercafés s'implantent un peu partout à Dakar, aussi bien dans
les quartiers riches que dans les milieux défavorisés du centre
et de la périphérie.
1 - Les motivations d'ouverture
L'ouverture des cybercafés est soutendue par des
motivations économiques et financières même si l'effet
induit est d'ordre intellectuel, avec notamment les innombrables
possibilités de communication de recherche et de documentation qu'offre
l'Internet à ses usagers. L'exploitation de cybercafés est en
effet un créneau porteur.
A Ouagou Niayes, les cybercafés enquêtés
ont été ouverts entre 2000 et 2003 avec comme motivation
première la recherche de profit par les propriétaires. Toutefois,
l'ouverture des cybercafés permet aussi de créer des emplois :
tous les cybercafés du quartier emploient individuellement au moins
trois personnes dont la plupart sont des femmes.
Les cybercafés favorisent par effet
d'entraînement le développement du quartier notamment en
permettant aux populations de se former ou de se perfectionner en informatique
et en mettant à leur disposition un outil de communication et de travail
très efficace.
2 - Les caractéristiques des cybercafés
Les cybercafés présentent des différences
caractéristiques perceptibles tant sous leurs apparences
intérieures qu'extérieures. En effet, selon les moyens financiers
dont dispose le propriétaire, l'aménagement de l'infrastructure
est plus ou moins bien entrepris. Les écarts les plus remarquables se
lisent à travers leurs aspects internes en lien avec leur niveau
d'équipement : nombre d'ordinateurs fonctionnels, présence d'un
scanneur, d'un photocopieur, d'un fax...Sous ce rapport seul un
cybercafé, « Le Taîf Cybercafé », dispose de tous
ces équipements.
L'aspect extérieur des cybercafés est d'habitude
peu différencié. Tous les cybercafés se présentent
avec une devanture peinte avec des tons différents, des portes en bois
et en verre recouvertes d'affiches indiquant les services offerts et leurs
tarifs, un panneau indicateur de la présence du cybercafé, etc.
La convivialité ainsi que le confort constituent aussi des
éléments essentiels de caractérisation des
cybercafés. Ils participent fortement de l'attractivité de la
structure et favorisent par voie de conséquence une augmentation de son
niveau de fréquentation et d'utilisation. Il y a enfin les charges des
cybercafés qui sont très différentes : un seul
exploitant
Photo n° 4 : vue extérieure
d'un cybercafé à Ouagou Niayes
Photo : Sylla, 2004.
L'aspect extérieur des cybercafés est d'habitude
peu différencié. Tous les cybercafés se présentent
avec une devanture peinte avec des tons différents, des portes en
bois et verre recouvertes d'affiches indiquant les différents
services offerts et leurs tarifs, etc.
est propriétaire des locaux de son cybercafé,
les deux autres sont locataires et payent entre 30 000 et 65 000 francs FCFA
mensuellement ; le nombre d'employés à payer à la fin du
mois (entre 2 et 4).
3 - La prestation de services
Les cybercafés offrent une gamme diversifiée des
services aux utilisateurs, allant de la connexion à l'Internet à
la formation en informatique en passant par les services bureautiques. Le prix
d'accès minimal aux services de tous les cybercafés du quartier
est de 300 francs CFA pour une heure de connexion et 200 francs pour la
demi-heure. (42)
Les cybercafés permettent au grand public d'avoir
accès à Internet qui est à la fois une source de
documentation, une source de loisir, un moyen de communication et un outil
d'aiguillage permettant de localiser l'information recherchée. Mais que
trouve t- on sur Internet ?
L'Internet comprend différentes
applications(43) et propose une large palette de services
d'information. Les applications Internet sont multiples et variées. Il
s'agit notamment :
de la messagerie électronique communément
appelle e-mail (pour electronic mail )ou courrier électronique ou encore
courriel : elle permet aux personnes qui disposent d'une boîte aux
lettres électroniques et qui sont connectées à Internet ou
à un réseau lié à Internet par une passerelle,
d'échanger des messages textuels et des documents ;
des listes de diffusion thématiques ou Mailing Lists
: elles permettent de réunir une foule d'informations ponctuelles, de
renseignements et des avis différents, existant sur un même
thème. Ces listes sont envoyées dans la boîte aux lettres
de chacun sur simple demande. Elles disposent d'une adresse et tout ce qui lui
est envoyé est immédiatement transmis aux boîtes aux
lettres des demandeurs ;
-- des News Groups : ce sont des forums de discussion, une sorte
d'arbre à palabre virtuel
(42) L'uniformisation des prix ne résulte pas d'un
désir commun à tous les exploitants, c'est plutôt la
concurrence qui l'entretient, aucun cybercafé ne voulant être
« délaissé » à cause d'une fourchette de prix
plus élevée. Mais malgré cette uniformisation des prix,
tous les exploitants ne s'en tirent pas de la même façon car
d'autres facteurs entrent en jeu : la position géographique du
cybercafé; ses charges locatives; le nombre de machines dont il dispose;
le nombre d'employés à payer, etc.
(43) Une application est un ensemble de procédures et
de traitements informatiques dont le tout résout complètement un
problème administratif, scientifique ou technique, Ginguay, Lauret,
1993, « Commission permanente de la recherche géographique »,
Cité par Roland Prelaz-Droux, 1995, Système d'information et
gestion du territoire : approche systémique et procédure de
réalisation, PPUR (presses polytechniques et universitaires romandes),
Lausanne, 156 p.
sur des thèmes précis et variés. A la
différence des mailing lists, les informations des Newsgroups ne sont
pas distribuées à chacun mais stockées physiquement sur un
serveur spécifique, régulièrement mis à jour que
l'usager doit contacter. L'avantage d'une telle disposition est que l'usager
n'est pas submergé de messages dans sa boîte mais se contentera
plutôt de consulter uniquement les échanges qui
l'intéressent ;
de la connexion à des serveurs distants comme Telnet
ou FTP (file transfer protocol) : ces deux applications offrent respectivement
la possibilité de connecter son ordinateur à une machine
géographiquement distante et de rapatrier sur son ordinateur la copie
d'un fichier quelconque à partir d'un ordinateur distant ;
la dernière application d'Internet concerne les
outils de rechercher d'informations. Parmi eux, nous avons Gopher («
fouine » en anglais) et le World Wide Web (toile d'araignée
mondiale). Le logiciel Gopher est un fichier de classement par menus
hiérarchisés permettant d'accéder à
différentes ressources existant sur l'Internet quelle que soit leur
localisation. Quant au World Wide Web appelé indifféremment Web,
WWW ou W3, c'est un système d'échanges d'informations à
l'échelle planétaire, permettant la manipulation de tout type de
document localisé sur différents sites, grâce à
l'hypertexte.(44)
En ce qui concerne les services sur Internet, il en existe quatre
types : les services gratuits, les services commerciaux, l'édition en
ligne et les banques de données.(45)
En dehors des multiples avantages qu'Internet procure aux
usagers, il y a un large éventail de services que proposent les
gérants de cybercafés à leur clientèle. En effet,
à l'instar des télécentres, certains cybercafés
(comme « Le Taïf » et « Le Cyberium ») offrent la
possibilité d'utilisation d'un fax, de faire des photocopies, de
scannage et de traitement de texte. Ils proposent aussi aux usagers des
sessions de formation en informatique basée essentiellement sur
l'utilisation de la souris, du clavier, des applications Word, d'Excel, etc. Le
public ciblé est varié : ceux qui savent lire mais pas
écrire ; ceux qui savent lire, écrire mais non manipuler un
ordinateur ; ceux qui savent lire, écrire, manipuler un ordinateur mais
qui n'ont aucune connaissance en Internet et/ou en informatique.
Le nombre de sessions de formation par année varie
entre 1 et 4. La durée de la formation ainsi que le nombre de
participants changent d'un cybercafé à l'autre et d'une session
à l'autre. Les tarifs sont souvent compris entre 5 000 francs CFA et 15
000 francs par session.
(44) Technique de liaisons de certains mots d'un texte vers les
mêmes mots d'un autre texte : les mots, phrases, expressions, logos et
icônes ont été programmés pour renvoyer à
d'autres textes.
(45) Cécile Bernat, 1997, Op. Cit. p.11.
Les différents services offerts par les
cybercafés aux utilisateurs constituent d'importantes sources de revenus
pouvant considérablement alléger les multiples charges de
fonctionnement (coûts de la location, de la maintenance du
matériel, factures d'électricité..). Cependant,
au-delà de leur aspect lucratif, les cybercafés participent de la
formation des résidents du quartier, de la « démythification
» de la technologie Internet, du développement de l'accès
aux NTIC et de leur appropriation par le plus grand nombre.
CHAPITRE III : LES PROPRIETAIRES ET GERANTS DES
TELECENTRES ET CYBERCAFES, ENTRE UNITE ET DIVERSITE
Dans un contexte socio-économique marqué par le
chômage et l'inactivité des jeunes, les télécentres
et cybercafés constituent d'importantes activités
créatrices d'emplois et de richesses. Or, Ouagou Niayes étant un
quartier essentiellement résidentiel qui n'offre aucune activité
à ses habitants, télécentres et cybercafés sont des
moyens efficaces pour remédier au chômage. C'est ainsi qu'ils
occupent un nombre plus ou moins important de personnes dont certaines sont
propriétaires des structures et d'autres des gérantes. Qu'est-ce
qui fonde les particularités de ces gens ? Voilà le domaine de
préoccupation que ce chapitre prend en charge.
I - Profil des propriétaires des
télécentres et cybercafés
1 - Les propriétaires de télécentres,
des commerçants en majorité
Le nombre de propriétaires de télécentres
interrogé lors des enquêtes est de seize (16). L'examen de leurs
caractéristiques socio-démographiques montre diverses situations.
Toutefois, l'élément de l'analyse qui, au regard des objectifs de
l'étude, retient le plus l'attention, est relatif à leur
occupation professionnelle.
En effet, la répartition des propriétaires de
télécentres en fonction du genre révèle la
prépondérance des hommes (97% contre 6,3% de femmes). Cette
disproportion se justifie probablement par le fait que les hommes sont moins
affectés par la pauvreté et disposent ainsi en
général davantage de moyens financiers nécessaires
à la réalisation de ces types d'infrastructures. Ils sont par
ailleurs d'habitude moins passifs que les femmes quant à la recherche de
promotion socio-économique.
Les propriétaires sont d'ethnies diverses mais les
Wolofs sont majoritairement représentés avec un pourcentage de
62,5%. Les Pulaar (18,7%) viennent en seconde position avant les Sereer, les
Bambara et les Diola qui font chacun 6,3%.
Leurs âges sont compris entre 27 et 48 ans avec une moyenne
tournant autour de 37,6 ans. Seuls 31,2% parmi eux ont un âge
inférieur à la moyenne, 68,8% en ont plus.
Le niveau d'instruction est assez élevé
puisqu'un (1) seul propriétaire sur seize (16) a le niveau
élémentaire. 37,5% sont de formation arabe / coranique, 18,7% ont
atteint le niveau secondaire et 37,5% ont mené des études
supérieures. C'est donc probablement cet assez-bon niveau d'instruction
qui leur donne l'esprit d'entreprenariat et le sens des affaires.
Par ailleurs, les propriétaires des
télécentres sont en majorité des personnes mariées
avec un proportion de 68,7%. 31,3% seulement d'entre eux vivent dans le
célibat.
Enfin, ce sont des gens d'un confort financier et d'une
capacité d'investissement avérés. En effet, la
majorité d'entre eux sont des commerçants (50%). Ceux-ci sont
suivis des photographes, informaticiens, peintres et vendeurs de PMU,
regroupés sous l'appellation « autres » et qui
représentent 25% de l'effectif total des propriétaires ; des
fonctionnaires et enseignants avec 6,3% pour chaque catégorie.
Cependant, 12,5% des propriétaires n'ont pas d'autre occupation
professionnelle en dehors de celle que leur offre l'exploitation de leurs
télécentres, c'est-à-dire le statut. (cf. tableau n°
7)
Tableau n° 7 : répartition
des propriétaires de télécentres en fonction de
l'activité professionnelle
principale
|
Effectifs
|
%
|
Activité professionnelle principale
|
sans
|
2
|
12,5
|
fonctionnaire
|
1
|
6,3
|
commerçant
|
8
|
50,0
|
enseignant
|
1
|
6,3
|
autres
|
4
|
25,0
|
TOTAL
|
16
|
100,0
|
Source : enquêtes, juin - août
2004.
Un tel constat fait penser que les propriétaires de
télécentre sont en majorité des gens aisés, qui ont
une situation financière plus ou moins confortable puisque l'ouverture
d'un télécentre nécessite un lourd investissement,
dissuasif pour plus d'un sénégalais.
Deux propriétaires ont refusé de
révéler le montant du bénéfice -- gain obtenu
après le règlement des factures du téléphone,
d'électricité et de la location -- qu'ils tirent mensuellement de
leurs télécentres, alléguant le caractère
confidentiel de cet élément. Néanmoins, les informations
recueillies des autres permettent d'affirmer que ces gens tirent des
bénéfices substantiels de leurs entreprises (cf. tableau n°
8).
Tableau n° 8 : répartition
des propriétaires selon le bénéfice mensuel tiré de
l'exploitation des télécentres
|
Effectifs
|
%
|
Bénéfice mensuel en francs
CFA
|
non réponse
|
2
|
12,5
|
40 000 - 80 000
|
4
|
25,0
|
80 000 -120 000
|
9
|
56,2
|
120 000 - 160 000
|
1
|
6,3
|
TOTAL
|
16
|
100,0
|
Source : enquêtes, juin - août
2004.
Le bénéfice moyen mensuel tiré de
l'exploitation des télécentres par les propriétaires
s'élève à plus de 80 000 francs CFA. 25% des exploitants
gagnent entre 40 000 et 80 000 francs CFA par mois, 56,2% entre 80 000 et 120
000 francs et 6,3% entre 120 000 et 160 000 francs.
De manière générale, 62,5% des exploitants
ont mensuellement un bénéfice supérieur à la
moyenne et 37,5% d'entre eux en ont moins.
2 - Les propriétaires de cybercafés, un
niveau d'instruction élevée et une assise financière
confortable
Un seul propriétaire a fait l'objet d'enquête car
dans les autres cybercafés ce sont des gérantes qui ont
été rencontrées. Ses caractéristiques peuvent donc
ne pas se prêter à généralisation mais il est utile
de les relever.
Ce propriétaire est d'ethnie Wolof, âgé de
30 ans, d'état matrimonial célibataire et d'un niveau
d'étude universitaire. Il n'a pas d'autre activité à part
celle liée à l'exploitation de son cybercafé mais se dit
d'une assise financière confortable. Le montant du
bénéfice mensuel qu'il tire de son cybercafé
s'élève à plus de 200 000 francs CFA.
II - Profil des gérants de télécentres
et cybercafés
1 - Une prépondérance féminine dans la
gestion des télécentres
Quinze (15) gérants de télécentres ont
été interrogés lors des enquêtes. Ils
présentent une multitude de caractéristiques mais le trait
saillant de l'analyse est relatif à leur répartition en fonction
du sexe. Voir le tableau n° 9.
Tableau n° 9 : répartition
des gérants de télécentres en fonction du sexe
|
Effectifs
|
%
|
Sexe
|
masculin
|
6
|
40
|
féminin
|
9
|
60
|
TOTAL
|
15
|
100,0
|
Source : enquêtes, juin - août
2004.
En effet, la plus grande partie des gérants des
télécentres du quartier sont des femmes (60%). La
prépondérance des femmes dans la gérance des
télécentres s'explique sans doute par l'apport qu'elles peuvent
avoir dans le niveau de fréquentation de ces lieux. Elles peuvent
attirer en effet une importante clientèle composée de
surcroît d'hommes d'habitude très réceptifs à
l'idée d'aller téléphoner à partir de
télécentre dont le gérant est de sexe féminin.
Le croisement de cette variable -- le sexe -- avec d'autres
comme le niveau d'instruction, la situation matrimoniale, l'activité
professionnelle principale et le montant de la somme qu'ils gagnent de la
gestion de ces structures révèle les constats suivants :
- les gérants ont un niveau d'instruction nettement plus
élevé que celui des gérantes mais il y a, à
l'opposé, plus de femmes instruites que d'hommes ;
- l'essentiel des gérantes n'a pas d'activité
professionnelle différente de la gérance de
télécentre tandis que chez les gérants, il n'y a qu'un
seul qui ne dispose pas d'une autre activité ;
- la gestion des télécentres profite mieux aux
gérants qu'aux gérantes : chez les premiers, en effet, seuls
26,7% ont moins de 40 000 francs par mois tandis que chez les seconds, ce
pourcentage est de 53,3%.
Par ailleurs, la répartition ethnique des
gérants de télécentres épouse celle des chefs de
ménage avec notamment une prédominance des Wolofs (60%) et une
minorité de Bambara (6,7%). Les Pulaar et les Sereer viennent
respectivement en deuxième et troisième rang avec par ordre des
proportions de 20% et 13,3%.
Leur âge varie entre 17 et 38 ans, la moyenne tournant
autour de 28,5 ans. Seul un (1) gérant est âgé de moins de
20 ans alors que la plupart (46,7%) d'entre eux a un âge compris entre 25
et 29 ans. Toutefois, les gérants âgés de plus de 34 ans
sont plus ou moins bien représentés avec un pourcentage de 20%
(cf. tableau n°10).
Tableau n° 10 : répartition
des gérants de télécentres en fonction de l'âge
|
Effectifs
|
%
|
Tranches d'âge
|
moins de 20
|
1
|
6,7
|
20 - 24
|
2
|
13,3
|
2 5 - 29
|
7
|
46,7
|
30 - 34
|
2
|
13,3
|
35 - 39
|
3
|
20,0
|
TOTAL
|
15
|
100,0
|
Source : enquêtes, juin - août
2004.
élémentaire, 20%. Seul un gérant est
analphabète. C'est dire donc ces gens ont globalement un niveau
d'éducation satisfaisant, éventuellement parce que la gestion
d'un télécentre repose en grande partie sur l'usage de
l'écrit et exige un peu de savoir lire, écrire, compter, etc.
L'examen de leur situation matrimoniale montre que les
gérants sont majoritairement des célibataires avec une proportion
de 86,7% contre 13,3% seulement de mariés. L'occupation professionnelle
et le revenu mensuel des gérants ne leur permettraient-ils pas de
répondre matériellement aux exigences d'une vie en union ?
L'analyse de l'occupation professionnelle principale des
gérants de télécentres révèle en tout cas
qu'ils sont pour la plupart de jeunes gens désoeuvrés qui ont
abandonné très tôt l'école ou qui n'ont pas
trouvé du travail après les études. En effet, 40% d'entre
eux n'ont aucune autre activité en dehors de la gestion des
télécentres. Il y a néanmoins parmi eux quelques
commerçants (20%) ; un enseignant (6,7%) ; des élèves, des
comptables, des soudeurs métalliques regroupés sous l'appellation
«autres » avec un pourcentage de 33,3%.
Enfin, le revenu moyen mensuel qu'un gérant obtient du
travail de son télécentre s'élève à 37 000
francs CFA. La majorité (80%) d'entre eux a moins de 40 000 francs CFA
par mois et 20% ont entre 40 000 et 80 000 francs mensuellement.
2 - Les gérants de cybercafés, des
célibataires au niveau d'éducation élevé
Le nombre de gérants de cybercafés
interrogés lors des enquêtes est de deux (2). Ils sont tous de
sexe féminin et présentent des caractéristiques
différentes sauf pour ce qui est de leur état matrimonial et de
leur niveau d'instruction, qui retiennent du coup l'attention.
Les gérantes des cybercafés sont en effet
d'ethnies Wolof et Pulaar. Elles sont âgées de 21 et 31 ans et
sont toutes les deux célibataires. Elles sont également d'un
niveau d'éducation supérieur. La plus jeune perçoit moins
de 40 000 francs CFA par mois et la plus âgée entre 40 000 et 80
000 francs mensuellement, du seul fait de la gérance de ces
infrastructures de communication.
Conclusion
Télécentres et cybercafés constituent
aujourd'hui des éléments incontournables dans la grille de
lecture du paysage de Ouagou Niayes et de tout l'espace urbain de Dakar. Leur
omniprésence dans ce quartier est un fait avéré même
si beaucoup d'écarts subsistent encore dans leur déploiement
spatial, les télécentres étant de loin plus
présents que les cybercafés. Ils permettent à un nombre
plus ou moins considérable de personnes d'avoir une activité
rémunératrice et de gagner ainsi leur vie. Cependant, il faut
remarquer qu'au niveau de Ouagou
Niayes, les cybercafés génèrent plus de
profits à leurs acteurs que les télécentres. Des
différences de « revenus » existent également entre les
propriétaires et gérants, les premiers étant plus
avantagés que les seconds aussi bien avec les télécentres
qu'avec les cybercafés. Il faut aussi relever que les
télécentres et cybercafés ne profitent pas uniquement aux
acteurs sus cités. Ils constituent en effet d'importants outils de
communication mis à la disposition des populations qui s'en approprient
pour différents usages.
Encadré Extraits des entretiens avec
le Président de l'UNETTS / août 2004.
Aujourd'hui, au Sénégal, grâce à la
Sonatel, nous sommes parvenus à accroître la production dans le
domaine des télécoms de manière très positive,
contrairement à beaucoup de pays africains. En Afrique, c'est seulement
le Sénégal, l'Afrique du sud et un peu le Maghreb qui constituent
les grands fléaux qui ont vraiment bien travaillé dans le domaine
des télécoms. Le résultat est qu'au niveau des
populations, l'accessibilité et la densité sont très
acceptables même par rapport à certains pays européens. Le
secteur des télécentres par exemple emploie plus de 30 000
personnes, donne à la Sonatel plus de 50 milliards de chiffre d'affaires
par année et à l'Etat plus de 7,5 milliards annuellement. Il
gère aussi un parc de plus de 17 000 lignes de téléphone.
Ce qui constitue un poids économique extrêmement important.
Cependant, il reste beaucoup à faire car même au lendemain de la
libéralisation du secteur, l'Etat n'a pas encore mis sur pied une lettre
de politique sectorielle définissant cette nouvelle procédure de
fonctionnement du secteur. Jusqu'à présent il y a le
monopôle de la Sonatel et même si cette société a
bien travaillé par rapport au cahier des charges qu'elle a signé
avec l'Etat, elle n'a pas encore réalisé la connexion de 1000
villages sur 14 000. Donc, globalement, le secteur des télécoms
se porte bien, les prix sont compétitifs mais techniquement, il reste
beaucoup à faire pour l'accroissement de la densité.
Aujourd'hui, le Sénégal pouvait bien
dépasser ce stade là en matière de télécoms.
Mais il y a beaucoup d'obstacles. Au niveau de l'Etat, par exemple, il y a
absence de réglementation et de politique définie de
manière sectorielle à travers une libéralisation des
télécoms. Il y a l'ART mais elle a des manquements juridiques. Or
pour un pays qui coordonne la commission NTIC au NEPAD et qui doit donner
l'exemple à ses pairs, c'est extrêmement grave. Toutefois, avec la
récente nomination d'un ministre chargé des postes et
télécommunications, un vide vient d'être comblé.
Beaucoup de cybercafés sont des survivants au
Sénégal. D'abord à Dakar, les prix tournent autour de 300
francs CFA pour une heure de navigation même si pour quelques mois
après, le magasin ferme. Mais dans les régions de
l'intérieur, à Tamba par exemple, l'heure de navigation est
passée à 2 000 francs. Le ministre des télécoms dit
l'avoir constaté lui-même. C'est également le même
processus qui se passe à Foundiougne dans la région de Fatick.
Imaginez des gens qui payent 2000 francs pour naviguer sur Internet pendant une
heure ! Est-ce que dans ces conditions on peut dire que les populations ont
accès aux NTIC et qu'on est entrain de réduire la fracture
numérique? Est-ce que dans ces conditions on est entrain d'aider les
populations dans les quartiers à l'accès à l'Internet,
c'est-à-dire au développement de manière
générale dans la Société de l'Information ? Ce
n'est pas possible !
Les télécentres constituent un secteur
extrêmement important dans le domaine des télécoms au
Sénégal. Sans les télécentres, les populations
allaient avoir des problèmes dans leurs communications internes et avec
l'international. Auparavant, les gens passaient dans les bureaux demander des
coups de fil. A la fin du mois, on constatait que le budget
téléphonique de l'Etat augmentait parce que quelqu'un pourvoyait
à un parent, un ami venu lui demander à téléphoner.
Aussi, quand il y avait accident dans un quartier, les gens avaient des
problèmes pour appeler les sapeurs pompiers. Maintenant, il suffit tout
juste de faire quelques pas et de pénétrer dans un
télécentre pour appeler les secours face à un accident, un
incendie, etc. Le ministre de l'intérieur dit lui-même avoir
constaté, avec les télécentres, une nette
amélioration de son travail. Dans beaucoup de secteurs où il y
avait des problèmes, les télécentres ont amené des
solutions.
Ce sont donc les télécentres qui devraient
régler le problème de l'accessibilité des populations aux
télécoms surtout en matière d'Internet, mais ce n'est pas
le cas. Pourtant il y a une effervescence des gérants de
télécentres qui veulent tout de suite passer du
télécentre au cybercafé. Le principal blocage dans le
secteur constitue justement l'absence de réglementation au niveau des
prix. Le gérant ouvre son télécentre, le transforme en
cybercafé en y mettant un dispositif d'investissements très chers
: ordinateurs, fax, etc. Il est face à une population affamée
d'accessibilité aux TIC mais dans 3 ou 4 mois, il sera obligé de
fermer son magasin parce que les prix pratiqués sur le terrain ne lui
permettent pas de continuer à fonctionner. C'est pourquoi, le
Sénégal est très en retard dans le passage du
télécentre au téléservice. L'ART et le
ministère en charge des télécoms devraient étudier
cela et surtout faire des propositions dans ce domaine.
Juridiquement, on ne peut pas poser le problème de la
proximité des télécentres. La Sonatel a eu l'intelligence
de ne pas le faire figurer dans le contrat qu'elle a signé avec les
gérants, refusant ainsi, en tant qu'opérateur, de constater le
désordre infernal qu'il y a dans les agréments des
télécentres. C'est quand le phénomène a pris de
l'ampleur, que la Sonatel a essayé de le freiner notamment en suspendant
les agréments. Ce sont des milliards que la Sonatel a refusé de
prendre pour justement essayer d'assainir le secteur. Malheureusement,
c'était pour quelques temps seulement. On a constaté que ce
n'était pas uniquement à l'opérateur de décider, il
fallait aussi le soutien de l'Etat. Aujourd'hui, le désordre s'amplifie,
les télécentres GSM polluent le marché n'importe comment
avec des appareils non agréés par l'ART. Tout ce qui fait
commerce dans le secteur des télécoms doit être
agréé par l'ART or ces appareils ne le sont pas. Mieux encore,
ces gens n'ont pas de registre de commerce alors qu'il faut en avoir pour faire
ce genre de travail. Le désordre est donc patent, il est même
entrain d`être institutionnalisé. Et nous allons nous battre
contre cela, c'est clair !
INTRODUCTION
Les télécommunications matérialisent le
transport de la pensée, nous voilà devant l'aspect le plus
proprement anthropo-géographique de la circulation puisque la
pensée est la marque de l'homme et sa communication, le fait social par
excellence.(46) Par rapport à ces considérations, il
paraît intéressant d'analyser les caractéristiques des
usagers des télécentres et cybercafés ainsi que les usages
qu'ils font de ces instruments de communication qu'ils se sont
appropriés.
CHAPITRE I : LES USAGERS DES TELECENTRES ET CYBERCAFES
: DES PROFILS VARIES
Les télécentres et cybercafés font
l'objet d'une appropriation plus ou moins forte de la part des habitants du
quartier Ouagou Niayes. En effet, ils sont utilisés par une portion non
négligeable de la population qui en use de façon effective dans
les différents domaines de leur vie sociale, relationnelle, commerciale,
etc. Cependant, les utilisateurs des télécentres et
cybercafés, bien qu'ils aient en commun le fait de profiter des
avantages de ces outils de communication mis entre leurs mains,
présentent beaucoup de dissemblances, perceptibles tant au niveau de
leurs caractéristiques socio-démographiques (sexe, âge,
niveau d'étude...) qu'au niveau de leur environnement familial et de
leur degré d'aisance financière. Ainsi, parmi les usagers des
télécentres et cybercafés, il y a à la fois des
chômeurs, des travailleurs des secteurs formel et informel, des hommes et
des femmes, des nationalités différentes, des jeunes, adultes,
etc. Si une généralisation ne peut être a priori faite sur
la base des résultats de l'enquête, une lecture fine des
données obtenues peut permettre de dégager une tendance forte de
leur profil général.
I - Les caractéristiques socio-démographiques
des usagers
1 - Genre et âge des usagers
. Le genre : du fait du faible niveau
de sensibilisation, du faible niveau du pouvoir d'achat, de certaines
contingences sociales, les femmes utilisent moins les services de TIC que les
hommes.(47) Plus de la moitié des utilisateurs
enquêtés sont des hommes : 56,7% contre 43,3% de femmes. Pourtant
ces chiffres ne traduisent point la répartition par sexe de la
population de
(46) Max Sorre, 1948, Les fondements de la géographique
humaine. Tome 2 : Les fondements techniques, Paris, Librairie Armand Collin,
pp. 509-517, Cité par Thiaw, 1995, p. 49.
(47) Ramata Thioune, Khamate Sène, 2001, p. 64.
Ouagou Niayes qui est du reste égalitaire. Un tel
paradoxe pourrait donc se justifier par le faible niveau d'information des
femmes sur le potentiel de ces technologies même s'il faut relativiser
avec le cas des télécentres. Il y aussi le fait que les hommes
sont d'habitude moins sollicités que les femmes pour les tâches
domestiques de routine et sont donc moins soumis aux rigueurs parentales :
surveillance stricte, interdiction de sortie...
. L'âge : l'examen de l'âge des
usagers, qui varie entre 13 et 44 ans, montre qu'ils sont
relativement jeunes.
Tableau n° 11 : répartition
des usagers en fonction de l'âge
|
Effectifs
|
%
|
Tranches d'âge
|
Moins de 16
|
10
|
16,7
|
16- 24
|
28
|
46,6
|
25- 34
|
16
|
26,7
|
35 - 44
|
6
|
10,0
|
TOTAL
|
60
|
100,0
|
Source : enquêtes, juin - août
2004.
L'âge modal des utilisateurs est compris entre 16 et 24
ans, la moyenne tournant autour de 23 ans. 16,7% des utilisateurs ont moins de
16 ans et 26,7% ont un âge compris entre 25 et 34 ans. Ceux qui sont
âgés de plus de 34 ans constituent la minorité avec 10%. Il
apparaît donc en clair que les jeunes gens sont les principaux usagers de
l'Internet dans ce quartier.
2 - Niveau d'instruction des usagers
Les utilisateurs sont relativement bien instruits. En effet,
60% d'entre eux ont atteint le niveau secondaire et 33,3% le niveau
universitaire. Seul 1,7 % d'entre eux est de niveau élémentaire
et 5% sont de formation arabe/coranique. Ces derniers, bien qu'ils ne
maîtrisent pas souvent les formalités et la langue d'usage du
téléphone ou de l'Internet, peuvent prétendre à une
assistance technique de la part des gérants des lieux ou alors faire
recours à un ami ou un membre de leur famille, pour satisfaire leurs
besoins en communication et/ou en information.
3 - Ethnies et nationalités des usagers
La distribution des utilisateurs en fonction de l'ethnie
reproduit de façon plus ou moins correcte la répartition ethnique
des chefs de ménage, marquée par une prépondérance
des Wolofs. Mais au regard de la nationalité des utilisateurs
interrogés, il y a une présence notoire d'étrangers.
Ces derniers, par souci de commodité, sont
représentés dans le tableau n°12 sous l'appellation «
autres ».
Tableau n° 12 : répartition
des usagers en fonction de l'ethnie
|
Effectifs
|
%
|
Ethnies
|
Wolof
|
32
|
53,3
|
Sereer
|
6
|
10,0
|
Bambara
|
3
|
5,0
|
Pulaar
|
4
|
6,7
|
Autres
|
15
|
25,0
|
TOTAL
|
60
|
100,0
|
Source : enquêtes, juin - août
2004.
Les utilisateurs sont majoritairement d'ethnie wolof (53,3%)
et minoritairement des Bambara (5%). Les Sereer et les Pulaar, avec par ordre
10% et 6,7%, viennent respectivement en troisième et quatrième
position derrière les « autres ».
Les « autres », (25%), sont essentiellement
composés de Maliens, de Capverdiens et de Béninois. Ils
constituent le gros de la clientèle des cybercafés (au regard des
abonnements vendus par les gérants et du nombre d'heures de connexion
demandées journellement) soucieux qu'ils sont d'avoir des nouvelles de
leurs proches laissés au pays.
II - Environnement familial, activités
professionnelles et revenus des usagers
1 - Environnement familial des usagers
Les usagers sont issus en général de familles
monogames de taille variant pour la plupart entre 4 et 9 personnes. Les chefs
de ces familles sont en majorité d'un niveau d'instruction secondaire,
des chômeurs et des travailleurs indépendants dont le salaire
moyen le plus fréquent est compris entre 100 000 et 150 000 francs CFA.
Ils n'ont aucune autre source de revenus en dehors des revenus de transfert
(mandat et autres).
Les familles d'origine des usagers sont pratiquement toutes
équipées d'un branchement en eau (95%) et utilisent de
l'électricité comme mode d'éclairage (98,3%). Leurs
dépenses quotidiennes excèdent 5 000 francs CFA. Enfin, à
la question de savoir si leurs revenus mensuels arrivent à couvrir
correctement les dépenses de leurs familles, 66,7% des chefs de ces
ménages ont répondu positivement et 33,3% négativement.
2 - Activités professionnelles des usagers
Les usagers ont diverses occupations professionnelles mais les
élèves sont les mieux représentés. Ils font
à eux seuls un pourcentage de 43,3%. Voir le tableau n°13.
Tableau n° 13 : répartition
des usagers en fonction de l'activité professionnelle
|
Effectifs
|
%
|
Activités professionnelles
|
sans
|
8
|
13,3
|
commerçants
|
2
|
3,3
|
élèves
|
26
|
43,3
|
étudiants tudiants
|
8
|
13,3
|
fonctionnaires
|
2
|
3,3
|
autres
|
14
|
23,3
|
TOTAL
|
60
|
100,0
|
Source : enquêtes, juin - août
2004.
Il y a une forte présence des travailleurs
indépendants parmi les utilisateurs des télécentres et
cybercafés. Il s'agit notamment de designers, d'informaticiens, de
photographes, de sportifs et de chercheurs en astrologie, regroupés sous
l'appellation « autres » et qui représentent 23,3% de
l'effectif global des usagers. La troisième grande catégorie
d'utilisateurs est constituée par les étudiants (13,3%) et les
chômeurs (13,3%) sans doute conscients du grand apport que les
technologies peuvent être dans l'amélioration de leur sort.
Les fonctionnaires sont peu représentés dans
l'échantillon. Ils ne font que 5%. Une telle situation peut se justifier
par le fait qu'ils disposent souvent d'autres possibilités
d'accès au téléphone et à l'Internet, dans leur
lieu de travail ou à domicile.
Les commerçants du quartier Ouagou Niayes ne
connaîtraient-ils pas Internet ou sinon auraient-ils des besoins en
information assez spéciaux pour entrer en inadéquation avec les
contenus du réseau des réseaux ? Tout laisse à y croire
puisque cette catégorie sociale représente le groupe marginal de
l'échantillon, avec 3,3% seulement.
3 - Revenus des usagers
Comme le montre le tableau n°14, plus de la moitié
des utilisateurs des télécentres et des cybercafés ne
disposent pas de revenu mensuel.
Tableau n° 14 : répartition
des utilisateurs selon le niveau de revenu mensuel
|
Effectifs
|
%
|
Montant du revenu mensuel en FCFA
|
sans
|
39
|
65,0
|
moins de 40 000
|
2
|
3,3
|
40 000 - 80 000
|
6
|
10,0
|
80 000 - 120 000
|
5
|
8,3
|
120 000 - 160 000
|
4
|
6,7
|
160 000 - 200 000
|
3
|
5,0
|
plus de 200 000
|
1
|
1,7
|
TOTAL
|
60
|
100,0
|
Source : enquêtes, juin - août
2004.
En effet, 65% des enquêtés n'ont pas de revenu
à la fin du mois. Mais l'échantillon étant majoritairement
constitué d'élèves et d'étudiants, cette situation
trouve très vite une explication plausible : ces catégories
sociales ne disposent d'habitude ni de fonds propres, ni de ressources
financières permanentes.
Parmi les utilisateurs qui disposent d'un revenu, la plupart
(10%) a entre 40 000 et 80 000 francs CFA mensuellement. Rares sont ceux qui
ont un revenu dont le montant excède 160 000 francs par mois. Il n'y a
du reste qu'un utilisateur qui a plus de 200 000 francs comme revenu
mensuel.
Toutefois, 20% des enquêtés contribuent de
façon régulière aux dépenses de leurs
ménages et 8,3% le font de façon irrégulière.
Par ailleurs, certains usagers disposent d'un « budget
» qu'ils réservent exclusivement à l'utilisation d'Internet.
Ils sont en effet 21,7% à consacrer entre 1000 et 10 000 francs CFA par
mois, de leurs ressources financières, pour accéder aux services
des cybercafés.
De manière générale, les usagers des
télécentres et cybercafés dans le quartier Ouagou Niayes
présentent différentes caractéristiques. Cependant, ils
semblent tous conscients de la capacité de ces technologies à
améliorer leur vie de relation, en rendant leur communication efficace
et en leur fournissant l'information utile, celle susceptible d'être
transformée en connaissances utilisables dans leurs domaines
d'activités respectifs.
CHAPITRE II : LES USAGES DES TELECENTRES ET CYBERCAFES
PAR LA POPULATION
Le téléphone est devenu un mode de vie
grâce à l'apport important des télécentres.
L'Internet également a fait une percée significative dans les
habitudes de vie des populations. Celles-ci utilisent les
télécentres et cybercafés pour émettre des
communications, pour en recevoir, pour chercher de l'information, mais aussi
pour profiter des autres services qu'ils offrent. Cependant, quels peuvent
être les facteurs de fréquentation de ces espaces de
communications par les populations ? A quelle fin sont-ils utilisés ?
Quel est le contenu des communications et les contraintes qui les entravent ?
Quelles sont enfin les enjeux qui se rattachent à l'usage des
technologies? Telles sont les interrogations auxquelles ce chapitre tente de
répondre.
I - L'usage des télécentres par la population
1 - Les facteurs de fréquentation des
télécentres
Les télécentres évitent aux populations
les déplacements inutiles et onéreux. Ils leur permettent donc
d'une certaine manière de se libérer des contraintes de
l'éloignement tout en économisant de l'argent. C'est ce qui
explique le recours des habitants du quartier Ouagou Niayes à ces
espaces de communication. Toutefois, la fréquentation des
télécentres demeure assujettie à des facteurs tels que les
coûts onéreux de l'abonnement téléphonique
domestique, l'accessibilité physique de l'infrastructure et son
attirance.
1 - 1 - Les coûts onéreux de l'abonnement
domestique
Les frais d'installation du téléphone en zone
urbaine s'élève à 43 900 francs CFA, les frais de
raccordement, la caution remboursable ainsi que les frais de timbres
inclus.(48) L'abonnement téléphonique est de ce fait
considéré, à tort ou à raison, comme très
coûteux par bon nombre de sénégalais. C'est ce qui justifie
d'ailleurs certaines attitudes observables dans beaucoup de concessions, comme
:
- le fait de castrer le téléphone dans un mobilier
approprié de sorte que seules les personnes disposant d'une clé
aient le privilège d'émettre des appels ;
- le fait de disposer de deux postes
téléphoniques : un pour émettre des appels (mais qui reste
enfermé dans la chambre du propriétaire) et un autre pour la
réception (celui-ci faisant partie intégrante du mobilier de
salon).
L'abonné domestique tient compte du tarif
téléphonique car à la fin de chaque bimestre, il doit
payer une facture en même temps s'acquitter de certaines obligations
domestiques (alimentation) et d'autres prestations de service (eau,
électricité...). Donc, son abonnement reste étroitement
lié à son pouvoir d'achat qui a fortement chuté ces
dernières années. Chaque année, les factures non
payées (à la Sonatel) sont de l'ordre de 15%.(49) Le
non-paiement des factures téléphoniques est lié aux
difficultés financières que vivent les ménages. De ce
fait, l'usage domestique du téléphone
n'étant pas toujours une nécessité, beaucoup de
ménages s'en passent préférant utiliser les services des
télécentres.
(48)
www.osiris.sn
(49) Eric Thiaw, 1995, p. 60.
Photo n° 5 : un usager des
télécentres en conversation téléphonique
Photo : Sylla, 2004.
Cet usager est en pleine conversation téléphonique
dans un télécentre de Ouagou Niayes. Cette cabine,
décorée par le portrait de l'un des dirigeants de la
confrérie mouride et équipée
d'appareil de ventilation et d'une chaise confortable, peut
permettre aux utilisateurs de
communiquer en toute quiétude.
1 - 2 - L'accessibilité physique de
l'infrastructure
Elle est en rapport avec la distance qui sépare les
télécentres des lieux de résidence ou d'activités
des usagers, puisqu'il existe une certaine distance au-delà de laquelle
la fréquentation d'un télécentre peut être faible
voire nulle. Sous ce rapport, les télécentres de Ouagou Niayes
sont tous très accessibles : ils se situent en général
dans des rayons de moins de 30 mètres des demeures des utilisateurs.
La proximité des télécentres est
d'ailleurs ressentie par les habitants : 93,3% d'entre eux déclarent que
les télécentres qu'ils utilisent habituellement sont proches de
leurs demeures contre 6,7% qui les jugent éloignés d'eux.
Cependant la proximité d'un télécentre ne garantit pas
toujours sa fréquentation par les usagers. D'autres facteurs entrent en
jeu dont le prix de vente de l'unité d'appel, la rapidité des
compteurs, le voisinage, ainsi la nature des relations que le gérant
entretient avec sa clientèle.
Par ailleurs, il faut faire le départ entre
l'accessibilité physique sus-citée et l'accessibilité
financière et technique. Ces dernières s'expriment en rapport
avec les moyens financiers et les capacités intellectuelles dont dispose
l'utilisateur pour accéder au service téléphonique. Mais
puisque les tarifs de communication sont devenus moins chers (en raison de
l'augmentation du nombre de télécentres et de la baisse
consécutive des prix de l'unité d'appel) et que les
gérants des télécentres assistent parfois techniquement
les utilisateurs analphabètes, ces deux éléments sont
devenus moins pertinents dans l'analyse de l'accès au
téléphone, surtout en milieu urbain.
1 - 3 - L'attirance de l'infrastructure
Elle constitue le troisième facteur de
fréquentation des télécentres identifié. Elle est
largement déterminée par la beauté physique de
l'infrastructure, le nom qu'elle porte et le prix de son unité
d'appel.
La beauté d'un télécentre concerne aussi
bien sa vue extérieure que son aspect intérieur. Un cadre bien
aménagé et ventilé, avec des cabines non exiguës,
décorées avec des portraits des dirigeants religieux garantit
quelquefois le rehaussement du niveau de fréquentation de la
structure.
Les noms des télécentres sont nombreux et
variés. Et comme l'affirment les propriétaires et gérants
des locaux, ils peuvent servir à attirer des clients. Ainsi, 64,5% des
télécentres portent des noms qui font souvent allusion à
la religion musulmane : noms du Prophète (PSL), de ses compagnons, des
marabouts de toutes les confréries confondues... certainement pour
toucher la sensibilité des fervents croyants. Certains
propriétaires préfèrent cependant donner à leur
télécentre des noms plus neutres, probablement pour
paraître impartiaux puisque les usagers des télécentres ne
sont pas tous de la même religion.
Le prix de l'unité d'appel du télécentre
est de loin le principal facteur d'attirance de la clientèle.
L'observation de quelques-uns (pratiquant des prix variés), à des
jours et moments différents, a permis de constater que les
télécentres les mieux fréquentés sont ceux qui
vendent leur unité à moindre prix. Le bas prix est donc un
facteur d'accroissement de l'affluence vers la structure même s'il faut
parfois y ajouter un bon accueil et de l'assistance de la part du
gérant, des cabines spacieuses et hermétiques qui mettent
l'utilisateur dans de bonnes conditions de communication (confort,
sérénité, confidentialité) tout en le
protégeant du bruit dans l'enceinte.
2 - Les jours et les moments de fréquentation des
télécentres
Les enquêtes ont révélé que le
rythme de fréquentation des télécentres est très
variable, ceci en raison de la multiplicité des besoins et des
différents niveaux de confort financier des utilisateurs. Ainsi, la
majorité (36,7%) des personnes interrogées déclarent aller
au télécentre approximativement 1 à 2 fois dans la
semaine. 31,7% y vont environ entre 3 et 4 fois par semaine ; 13,3% entre 5
à 6 fois et 10% plus de 7 fois. 8,3%% ont répondu par « cela
dépend » et par « rarement ».
Concernant les jours, les plus prisés sont le samedi et
le dimanche (week-end) avec 35% des réponses reçues. Toutefois,
65% des usagers interrogés soutiennent ne pas avoir de jour particulier
pour téléphoner. Ainsi, s'il est vrai que le
téléphone constitue un outil de communication dont l'utilisateur
peut avoir besoin tous les jours et à tout moment, il l'est tout autant
qu'il y a des jours et des moments particuliers que les usagers des
télécentres choisissent volontairement, pour passer leurs
communications.
Tableau n° 15 : moments de
fréquentation des télécentres par les usagers
|
Nombre de réponses
|
%
|
A quel
moment allez-vous souvent téléphoner ?
|
la journée
|
9
|
15,0
|
la nuit
|
36
|
60,0
|
pas de moment particulier
|
15
|
25,0
|
TOTAL
|
60
|
100,0
|
Source : enquêtes, juin - août
2004.
Pour 60% des usagers, la nuit constitue le moment idéal
pour passer le coup de fil. Seuls 15% d'entre eux portent leur
préférence à la journée et de 25% n'ont pas de
moment particulier.
Le choix des jours et moments pour téléphoner
est diversement motivé. Bien que certains parlent de «jours de
repos » (le week-end), «de convenance personnelle », «de
peur de sortir la nuit » ou «de pouvoir trouver leurs correspondants
chez eux », force est de reconnaître que la
motivation première du choix des jours et moments pour
téléphoner est liée à la tarification des
appels.
La taxation des communications téléphoniques
varie selon que celles-ci soient nationales ou internationales. Elle change
aussi en fonction des jours et des heures. Le facteur temps prend ainsi une
importance capitale. Les tarifs pleins s'appliquent du lundi au vendredi de 8 h
à 20 h et les réductions interviennent du lundi au jeudi de 20 h
à 8 h et du vendredi à 20 h au lundi à 8 h ainsi que les
jours fériés. Cette tarification est valable pour toutes les
destinations. (50)
3 - Les contenus et contraintes des communications
téléphoniques
1 - Les contenus des communications
L'échange et la communication à l'échelle
de la cellule familiale sont fondés essentiellement sur le voisinage et
la proximité géographique. Dans ce cas, on a des échanges
monétaires et matériels. Avec les NTIC, les échanges
dépassent le cadre matériel, englobent les idées et
concernant un monde extérieur de plus en plus
lointain.(51)
Dans un contexte urbain marqué par une forte
immigration et un fort dynamisme démographique qui posent de
sérieux problèmes de mobilité et de transport, l'apport
des télécentres (ou du téléphone tout court) dans
l'établissement des liens humains est énorme. Ils
anéantissent l'obstacle de l'éloignement, raccourcissent les
distances, font économiser du temps et de l'argent, permettent la
jonction des populations et raffermissent le lien social qui n'est
désormais plus basé sur la proximité spatiale.
Pour les habitants de Ouagou Niayes interrogés, les
télécentres constituent le support qui sous-tend la
création d'un véritable réseau de relations entre parents,
amis, camarades de classe, collègues de travail, etc. vivant ou non dans
le même quartier, la même ville ou le même pays.
Le diagramme ci-dessous (figure n° 4) montre les
relations que les populations de Ouagou Niayes arrivent à tisser avec
l'extérieur grâce au téléphone. L'épaisseur
des flèches varie en fonction de l'intensité des relations.
Figure n° 4 : diagramme des flux
téléphoniques du quartier Ouagou Niayes.
FRANCE
Adultes
ETATS-UNIS
Jeunes
AUTRES PAYS EUROPEENS
PAYS AFRICAINS
AUTRES REGIONS DU PAYS
DAKAR
OUAGOU NIAYES
Source : enquêtes, juin -
août 2004.
L'analyse de la figure n°4 révèle que les
adultes sont en général plus actifs que les jeunes en ce qui
concerne l'utilisation des télécentres probablement en raison de
leur rôle prépondérant dans les communications de leurs
cellules familiales avec l'extérieur.
La région de Dakar constitue légitimement le
premier espace de communication et d'échange des habitants du quartier
car ce dernier se trouve en son sein et les autres espaces qui composent la
région constituent ses voisinages immédiats. Les autres
régions du pays viennent au second plan des relations des habitants du
quartier. Il faut aussi relever l'importance des communications
téléphoniques avec l'étranger. Sous ce rapport, la France
occupe la place prédominante loin derrière les Etats-Unis et les
autres pays européens, ceux d'Afrique fermant la marche.
A travers ce schéma, apparaît le rôle
important des télécentres dans la formation ou la consolidation
des réseaux sociaux. La personne vivant à Dakar n'est plus
éloignée de ses parents ou amis se trouvant dans les
régions de l'intérieur du pays ou à l'étranger. Ils
peuvent désormais s'informer mutuellement de leur vie jusque dans les
moindres détails. Les communications se font à temps réel
sur des sujets de discussion multiples (études, travail,
cérémonies familiales, etc.).
L'importance des communications destinées à la
recherche d'informations et aux ventes/achats mérite d'être
soulignée. Elles concernent respectivement 73,3% et 16,5% des
réponses reçues. La recherche d'informations intéresse
essentiellement le secteur les études et les activités
économiques des usagers. Elle est généralement satisfaite
entre amis avec 40% des
réponses obtenues. L'information recherchée est
de divers types : commercial, ludique, éducatif, sensible,
privé... Plusieurs raisons expliquent le recours aux
télécentres pour disposer de l'information ou pour rendre la
communication efficiente. Voir la figure n° 5.
Figure n° 5 : diagramme
hiérarchique des motifs d'utilisation des télécentres
Pour fixer R.V
Pour les taquiner
Pour des urgences
Pour gagner du temps/ ils habitent loin
Pour prendre des nouvelles des parents
Pour besoins divers
Source : enquêtes, juin - août
2004.
Ce diagramme tente une hiérarchisation des motifs qui
président à l'utilisation des télécentres. Cette
hiérarchisation a été effectuée sur la base de
l'importance de la proportion de chaque motif avancé par les usagers.
Elle montre la prégnance des utilisateurs n'ayant pas
spécifié la nature de leurs motivations quant à l'usage
des télécentres. Ils ont été 38,3% à
répondre par : « pour plusieurs raisons », « pour besoins
personnels », « pour affaires », etc. Ces réponses sont
regroupées sous l'appellation « pour besoins divers ».
Le diagramme fait aussi ressortir la jeunesse des certains
utilisateurs pour qui le téléphone est tout juste le moyen de
disposer d'informations sur un cours manqué et/ou de faire la taquinerie
aux camarades. Il révèle également que contrairement
à ce qui est généralement admis, les urgences (6,7%) ne
figurent plus à la une des motivations des appels
téléphoniques. Il y a donc l'éveil d'une véritable
conscience populaire du téléphone comme mode de vie et palliatif
des déplacements physiques. La distance n'est désormais plus une
contrainte en soi car comme le souligne Tall (52), c'est
l'accès aux réseaux de communication qui permet d'intégrer
les réseaux sociaux. Mais cela ne fait pas généralement
sans contraintes.
2 - Les contraintes des communications
Les contraintes liées à l'usage des
télécentres à Ouagou Niayes ne sont pas
considérables. En effet, celles imputables à l'accès
à l'infrastructure sont anéanties en raison d'une distribution
plus ou moins homogène des télécentres dans l'espace du
quartier. Les utilisateurs potentiels ne parcourent pas de longues distances
pour y accéder.
Les habitants sont plutôt confrontés à des
contraintes financières. Celles-ci sont liées à la
faiblesse de leur pouvoir d'achat et gênent considérablement
l'utilisation des télécentres même si elles ne l'annulent
pas pour autant. A la question de savoir s'ils ont ou non quelquefois des
difficultés pour payer leurs unités d'appel consommées,
38,3% des usagers ont répondu positivement et 61,7%
négativement.
Le temps d'attente d'une cabine libre est aussi défini
comme une contrainte par les usagers des télécentres. Time is
money dirait certainement l'autre. Ainsi, seuls 10% parmi eux affirment ne pas
connaître ce genre de problème tandis que 37,4% soutiennent
patienter d'habitude entre 1 et 5 minutes ; 42,7% entre 6 et 10 minutes et
19,9% plus de 10 minutes.
Toutes proportions gardées, l'attente d'une cabine
libre n'est pas synonyme d'un nombre de télécentres insuffisant
dans le quartier même si 15% des usagers interrogés le pensent.
Elle relève plutôt du fait que les gens préfèrent
souvent aller téléphoner dans les télécentres
où l'unité d'appel est vendue à moindre prix, dans
lesquels ils créent de longues files d'attente. Cette attente qui dure
parfois plus d'une dizaine de minutes peut être à l'origine de
conflits divers (entre usagers et gérants ou entre usagers
eux-mêmes) du fait de l'impatience et de l'énervement des uns et
de l'incompréhension des ordres d'arrivée par les autres. A cela
s'ajoutent l'incapacité financière de certains utilisateurs
à honorer la «facture » de leurs communications, les
problèmes de monnaie, la rapidité de la télétaxe ou
«taxaplus» et le bruit dans l'enceinte du télécentre.
Ainsi, 23,3% des usagers affirment avoir souvent des différends avec les
gérants et 3,3% s'en prennent généralement aux autres
usagers qu'ils trouvent dans les télécentres.
L'obstacle technique relatif à l'analphabétisme
de certains utilisateurs n'est pas une contrainte majeure à
l'accès aux télécentres en raison de l'assistance que leur
proposent souvent les gérants de ces lieux. Ces derniers font d'ailleurs
du bon accueil et de la sympathie les piliers essentiels d'attraction et de
fidélisation de la clientèle.
II - L'usage des cybercafés par les habitants
L'Internet est une technologie qui connaît une
pénétration plus ou moins importante chez la population du
quartier Ouagou Niayes dont elle contribue à bouleverser les habitudes
en répondant aux préoccupations pratiques. Cependant, l'Internet
n'est pas seulement une kyrielle d'opportunités pour ces usagers. Il
soulève beaucoup d'enjeux de toutes sortes : économiques,
politiques, socioculturels, religieux. En plus, contrairement au
téléphone, son utilisation est moins démocratique. Elle
aggrave, si elle ne la crée pas, la discrimination par le sexe,
l'âge, la race, le niveau d'instruction, le degré de
développement. Par rapport à ces considérations, il
s'avère intéressant d'analyser les utilisations d'Internet en
lien avec l'intérêt passionné et riche de sens qu'il
génère chez les populations qui le pratiquent en quête
d'opportunité des toutes sortes.
1 - Appréciation des usages des cybercafés
1 - 1 - Les facteurs d'appropriation et les
modalités d'utilisation des cybercafés
1 - 1- 1 - Les facteurs d'appropriation des
cybercafés
Si au cours des années 90, l'utilisation d'Internet
relevait d'un phénomène de mode (le sénégalais
étant de nature curieux et très ouvert à ce qui fait l'air
du temps), force est de reconnaître qu'aujourd'hui, elle est devenue un
phénomène de fond, une façon de vivre. L'utilisation
d'Internet est surtout instrumentée par sa capacité à
répondre de façon rapide et agissante tant aux besoins de l'Etat
et des collectivités locales qu'aux préoccupations des
associations et des individus.
Pour l'Etat et les collectivités locales, par exemple,
le réseau des réseaux peut contribuer au développement
économique et social en désenclavant les zones
géographiques difficiles d'accès et en intégrant les
populations dans les réseaux économiques et sociaux. L'Internet
peut également leur permettre de renforcer la démocratisation et
le pouvoir du citoyen en favorisant les interactions entre gouvernants et
gouvernés, en revitalisant les institutions civiques et le débat
public, et en favorisant l'équité et le renforcement des pouvoirs
des groupes vulnérables. Enfin, l'Internet peut être, via le
cybercafé, une source de revenus supplémentaires grâce
à la taxation et à l'imposition.
Pour les associations et les individus, Internet est un
support pertinent en technologie de l'information et de la communication dont
les coûts sont plus ou moins supportables. L'Internet leur donne
l'opportunité d'entrer en relation avec des tiers, d'échanger des
expériences personnelles ou professionnelles, d'avoir en somme une
ouverture sur le monde.
Photo n° 6 : des usagers des
cybercafés en navigation sur Internet
Photo : Sylla, 2004.
Si au cours des années 90, l'utilisation d'Internet
relevait d'un phénomène de mode, elle est devenue aujourd'hui un
phénomène de fond, une façon de vivre. Les
cybercafés ne désemplissent guère et rares sont les
moments où ils ne soient pas pris d'assaut par les utilisateurs.
A Ouagou Niayes, les populations semblent bien conscientes des
mille et une possibilités d'Internet. Les cybercafés ne
désemplissent guère et rares sont les moments où ils ne
soient pas pris d'assaut par les utilisateurs. Les facteurs de
fréquentation des cybercafés sont multiples mais les tarifs de
connexion proposés par les gérants sont de loin la
première source de motivation des usagers. Ainsi, il n'est point
aberrant de dire que le cybercafé qui proposerait la fourchette de prix
la mieux adaptée à la bourse des utilisateurs aurait le plus
vaste champ d'attraction et polariserait davantage d'individus. Mais au facteur
prix, il faut ajouter la recherche de confort par les usagers. Si avec les
télécentres, cet élément est négligé,
c'est tout à fait l'opposé avec les cybercafés où
les usagers y accordent un vif intérêt. Sous ce rapport, les
cybercafés les plus avantagés sont ceux qui offrent à leur
clientèle des cadres spacieux, frais, calmes, ventilés ou
climatisés. La raison évidente en est sans doute le climat
puisque au Sénégal il fait chaud pendant une bonne partie de
l'année.
1 - 1 - 2 - Les modalités d'utilisation des
cybercafés
La fréquentation des cybercafés et donc
l'utilisation d'Internet comme outil de communication et de recherche
d'information sont devenues une habitude chez les individus interrogés
au sein des ménages. Si 5% d'entre eux affirment n'aller au
cybercafé qu'occasionnellement, 66,7% par contre y vont
approximativement une à deux fois par semaine, 15% entre trois et quatre
fois et 13,3% plus de quatre fois par semaine.
Plus de la moitié (55%) des utilisateurs se connecte
pour une (1) heure de temps seulement. Même s'ils trouvent que c'est
suffisant pour naviguer sur Internet, la principale raison qui explique la
modicité des heures de connexion demandées est le manque
d'argent. Seuls 45% demandent habituellement une connexion de plus de deux (2)
heures.
Tout comme avec les télécentres, les usagers des
cybercafés choisissent des jours de fréquentation
différents. Ainsi, 16,7% vont au cybercafé de
préférence les jours ouvrables et 30% les week-end et les jours
fériés. 53,3% affirment n'avoir pas de jour particulier pour
aller « surfer ». Toutefois, contrairement aux
télécentres, la motivation première du choix des jours de
fréquentation n'est pas d'ordre financier puisqu'il y a une certaine
fixité de la tarification horaire dans les cybercafés. Les
raisons invoquées par les individus interrogés font surtout
allusion à deux choses : la convenance personnelle et la
disponibilité.
Concernant les moments de fréquentation des
cybercafés, 40% des usagers disent ne pas avoir de moment particulier.
Seul 28,3% d'entre eux choisissent d'aller surfer pendant la journée
contre 31,7% qui le font de préférence pendant la nuit. Les
raisons justificatives de ces choix sont multiples mais les plus en vue sont
l'interdiction de sortir la nuit pour les uns et l'indisponibilité, la
recherche de tranquillité et d'une meilleure connexion pour les
autres.
La langue de communication et de travail la plus
utilisée par les enquêtés est de loin le français
avec 81,7% des réponses reçues. Une faible proportion
d'utilisateurs (18,3%) fait recours à d'autres langues qui sont par
ordre d'importance l'anglais, le portugais, l'allemand et le russe. La langue
de communication ne pose pas en général de gros problèmes
aux usagers d'Internet, seuls 15% parmi eux déclarent avoir parfois des
difficultés liées à la langue d'usage
(incompréhension et problèmes d'écriture de certains
mots). Ces difficultés sont imputables à la faiblesse du niveau
d'instruction et de formation de certains utilisateurs.
1 - 2 - Les usages d'Internet : entre recherche
d'informations et communication
Les enquêtes ont révélé que
plusieurs motifs président à l'emploi d'Internet par les
habitants du quartier. Cependant, la tendance générale qui se
dégage de l'analyse des données privilégie la recherche
d'information et la communication via l'Internet. Voir le tableau n°16.
Tableau n° 16 : motifs
d'utilisation d'Internet par les habitants de Ouagou Niayes
|
Effectifs
|
%
|
Principal motif d'utilisation d'Internet
?
|
communication
|
13
|
21,7
|
information
|
8
|
13,3
|
Information/communication
|
37
|
61,6
|
Achat de logiciel
|
1
|
1,7
|
Musique/jeux
|
1
|
1,7
|
TOTAL
|
60
|
100,0
|
Source : enquêtes, juin - août
2004.
Il apparaît à travers l'examen du tableau
n°16 que le commerce via le Net n'est pas encore totalement entré
dans les habitudes des internautes sénégalais qui pour la plupart
ne connaissent pas les procédures pour commercer sur le
réseau.
La modicité du nombre d'utilisateurs ayant fait
allusion aux loisirs (musique, jeux ...) n'entre pas en résonance avec
ce qui se passe en réalité sur le terrain. En effet, les visites
menées dans les cybercafés ont permis de remarquer que ce sont
des pratiques très prisées surtout par les jeunes.
De manière générale, les données
de l'enquête révèlent qu'Internet est utilisé pour
satisfaire essentiellement deux types de besoins : l'information et la
communication. Cependant, le tableau n°16 montre que le besoin de
communiquer prime sur celui de s'informer.
1 - 2 - 1 - La recherche d'informations sur Internet
Quel élève, quel étudiant ambitieux et
quel enseignant ou chercheur soucieux de pertinence ne rêvent-ils pas
réunir toutes les ressources existantes sur un sujet en un rien de temps
seulement ? Quel homme d'affaires n'a pas besoin de savoir ce qui se fait dans
son domaine d'activité à l'autre bout de la planète ? Quel
voyageur ne souhaiterait-il pas découvrir les réalités de
son pays de destination autrement que par les guides touristiques et se saisir
en temps réel des problèmes politiques, sociaux et
économiques du dit pays ?
Ces interrogations suffisent certainement pour comprendre le
recours des usagers au Net. Internet est une source conviviale et intarissable
d'informations à l'échelle planétaire, instrumentée
par sa rapidité, sa puissance et son étendue
géographique.
La figure n°6 fait état de la typologie des
informations recherchées par les enquêtés. Les
différents types d'informations sont présentés de
façon hiérarchique c'est-à-dire en tenant compte de
l'importance du pourcentage de chaque élément de réponse
reçu.
Figure n° 6 : diagramme
hiérarchique des types d'informations recherchées sur Internet
Horoscope (1,7%)
Nouveautés technologiques(5%)
Musique / cinéma (10%)
Sport (15%)
Actualités (21,7%)
Etudes / cours et sujets d'exposé. (46,6%)
Source : enquêtes, juin - août
2004.
Ce diagramme montre la prépondérance des besoins
d'informations liées aux études (46,6% des réponses
reçues). Un tel constat se justifie certainement par le fait que
l'échantillon est composé en majorité
d'élèves et d'étudiants or ces derniers ont souvent besoin
de supports ou de compléments de cours. L'Internet permet à ces
catégories d'utilisateurs de disposer plus facilement de l'information
nécessaire au traitement de leurs thèmes de recherches et sujets
d'exposé.
La consultation des actualités en ligne (21,7% des
réponses) est essentiellement le fait des professionnels et des
étudiants.
La faiblesse de la consultation des horoscopes (1,7%) peut
s'excuser par le fait que c'est une pratique peu courante chez bon nombre de
Sénégalais. Ces derniers n'y accordent d'habitude qu'un
intérêt minime parce que limités par les prescriptions
religieuses qui leur défendent de s'enquérir du futur aussi
proche soit-il. Il y a encore le fait que les gens désireux peuvent
consulter leur horoscope via la presse écrite ou par le biais la
radio.
Concernant le sport (15%), l'information recherchée
concerne essentiellement les résultats des matchs de football des
différents championnats européens, les transferts de joueurs,
l'état de forme et l'évolution des joueurs
sénégalais à l'extérieur, etc.
La recherche d'information sur Internet n'est donc pas
illusoire. C'est au contraire un fait vérifié par les usagers
interrogés dans le quartier Ouagou Niayes. D'ailleurs, 73,3% d'entre eux
attestent avoir trouvé, au moins une fois, sur Internet une information
utile qui leur a concrètement servi dans leurs divers domaines
d'activités et sur plusieurs thèmes : management,
littérature, actualités diverses, histoire, géographie,
sexualité, exposé / SIDA, étude de faisabilité de
projet, etc.
La plupart des informations diffusées sur Internet sont
gratuites et ce, parce que Internet provient quelque part de la
communauté universitaire. Les universités, écoles et
unités de recherches y diffusent de ce fait, et parfois même avant
leur édition sous forme papier, une masse importante et variée
d'informations. Internet est par essence adapté au besoin de diffusion
et de partage d'information à titre gracieux. Il permet de se passer des
centres classiques de création de l'information et de court-circuiter
les relais traditionnels de son expansion. Internet favorise de ce fait une
multiplication des dépositaires de l'information.
Toutefois, il faut souligner que les informations en ligne
méritent une attention particulière quant à leur
utilisation. Le meilleur et le pire se côtoient dans la masse
d'informations qui circulent sur Internet. C'est une réplique «
virtuelle » du monde réel.(53)
La plupart des informations véhiculées sur le
Net ne sont pas vérifiées. Internet est un vaste réseau
où chacun peut donner libre court à ses opinions, sentiments et
ressentiments sans contrôle ni censure. C'est donc un « espace
» de liberté et en même temps le revers de la liberté.
Ainsi, même s'il est vrai que la multiplicité des sources de
l'Internet fait ses ressources et sa richesse, la prudence est de mise. Mieux
vaut examiner la provenance et la crédibilité des informations,
et les croiser à la place de les prendre pour argent comptant.
(53) Dominique Hoeltgen, 1995, Internet pour Tous,
Paris, Les Editions du Téléphone, p. 20.
1 - 2 - 2 - La communication via Internet
Les communications électroniques donnent une nouvelle
dimension aux espaces géographiques et certains parlent même de
« géo-cyberespace » pour qualifier l'espace
géographique du XXlème siècle.(54)
Mais de toutes les technologies, Internet est sans équivoque la plus
prompte à transcender les espaces sociaux, culturels et
géographiques. Internet permet une négation des distances et un
étalement spatial. Il établit la communication par delà
les frontières, sans obligation de déplacement et en faisant
l'économie du temps et de l'argent.
La communication par Internet se fait essentiellement par le
biais de son application aux multiples usages : le courrier électronique
ou e-mail. L'e-mail est d'ailleurs, de loin, l'application d'Internet la plus
utilisée par les personnes interrogées. Insensible aux obstacles
naturels et aux intempéries, l'e-mail permet de vaincre les montagnes,
les fleuves, l'hiver, l'été... et d'établir, par-
delà les frontières, le lien entre les amis, les parents, les
voisins et les inconnus.
Les données de l'enquête permettent de saisir que
les jeunes (48,3%) sont particulièrement actifs en ce qui concerne les
envois d'e-mail contrairement aux adultes (28,3%) et aux vieux (3,3%) qui
constituent la couche marginale de la population des cybercafés.
Les sujets de tchatche sont en général d'ordre
amical et/ou professionnel mais quelquefois très sérieux voire
intime. La camaraderie, la taquinerie, l'envoi mutuel de photos, l'annonce de
nouvelles de toutes sortes se passent bien sur Internet entre les personnes de
tout âge et de toute localisation géographique.
Pour les internautes de Ouagou Niayes, Dakar est le premier
espace de communication et d'échanges par e-mail, suivi, comme
c'était le cas avec les télécentres, des autres
régions du pays (pour certains, les parents, amis... se trouvent dans
les régions de l'intérieur et ils ont besoin d'établir le
contact en permanence) et de l'étranger dont par ordre d'importance
l'Europe (la France notamment), l'Afrique (le Bénin, le Cap-vert, le
Mali surtout) et l'Amérique (les USA de surcroît).
Il ressort de la distribution spatiale des différents
correspondants que le besoin de communiquer via Internet n'est pas
nécessairement lié à des impératifs dictés
par des contraintes de localisation. En d'autres termes, ce n'est pas seulement
parce que son correspondant est éloigné que l'on lui envoie des
messages électroniques, faute de pouvoir assurer le contact physique
dans
(54) Frédéric Barbier, 1998, p. 2.
l'immédiat. L'envoi d'e-mail est plutôt
général et généralisé, il se fait aussi bien
entre les gens très rapprochés géographiquement parlant
qu'entre les gens distants. D'ailleurs, 36,7% des usagers affirment envoyer
souvent des e-mails à des personnes avec lesquelles, ils vivent et se
voient constamment. «Nous nous envoyons des messages par plaisir » a
dit la majorité d'entre eux.
D'une manière générale, plusieurs raisons
peuvent justifier la forte utilisation du courrier électronique par les
usagers :
il est rapide : avec l'e-mail, le temps de transmission d'un
message (texte, image, son et autres) se mesure en secondes ou en quelques
minutes. Et puis, à la différence du fax, par exemple,
l'utilisateur n'a point besoin d'imprimer au préalable ce qu'il
expédie et de chercher ensuite un télécopieur, ce qui
constitue un gain de temps énorme pour lui ;
il est pratique : l'usager peut envoyer ou recevoir un
courrier à partir de plusieurs types de terminaux et par
l'intermédiaire de plusieurs réseaux. Quelle que soit sa
localisation géographique, la personne peut être jointe à
la même adresse et à temps réel (l'e-mail fonctionne 24
h/24 et se joue des décalages horaires). Les personnes ne sont--elles
pas donc mieux enclines à la mobilité ?
il est économique : le courrier électronique
permet de réaliser des économies substantielles. L'utilisateur
n'est souvent tenu que de payer au préalable le prix de la connexion
à Internet (au gérant pour les usagers des cybercafés ou
au fournisseur d'accès pour les utilisateurs personnels ou
professionnels). En plus, il s'avère beaucoup moins onéreux
d'expédier des fichiers et documents volumineux par e-mail que par les
services traditionnels (comme la Poste) par l'intermédiaire desquels on
envoyait, et on continue à le faire, les correspondances ;
il est facile à utiliser : le courrier
électronique est l'une des applications d'Internet les plus faciles
d'utilisation. Sa seule difficulté serait de se procurer l'adresse de
ses correspondants. C'est ce qui explique que la question « quelle est
votre adresse e-mail ? » soit très en vogue. Le courrier
électronique est exempt de formalisme, il n'est soumis à aucun
respect des normes grammaticales ou orthographiques. L'usager écrit
comme il veut, l'essentiel étant d'arriver directement et rapidement au
but.
En définitive, l'Internet est utilisé par les
individus en raison des multiples avantages qu'il permet. Il est simple,
pratique et facile d'utilisation. Il permet d'amasser une foule d'informations
sur divers thèmes et d'établir la communication avec des tiers
quelle que puisse être leur position géographique. L'information
et la communication sont au coeur de l'action humaine. Ainsi, il faut convenir
avec Castells(55) que la transformation des instruments
technologiques de la génération du savoir, du traitement de
l'information et de la communication ont des répercussions à long
terme, qui ajoutent des effets sociaux spécifiques au schéma plus
général de la causalité sociale.
Cependant, beaucoup de contraintes, objet du point suivant,
entravent l'utilisation de cette technologie et risquent de ralentir, à
défaut de l'annuler, son appropriation par le plus grand nombre.
1 - 3 - Les contraintes liées à l'usage
d'Internet
Bien qu'à priori, aucun groupe, aucune personne ne soit
exclue volontairement de l'utilisation des TIC (technologies de l'information
et de la communication), une diversité de facteurs font que certaines
couches ou certains groupes ou individus sont exclus à l'accès
aux équipements, aux services, applications et aussi aux contenus
offerts (56) par les cybercafés. A Ouagou Niayes, bien que
l'usage des NTIC de manière générale et de l'Internet de
manière particulière soit effectif, les enquêtes ont
révélé un certain nombre de contraintes que les
populations rencontrent dans l'utilisation de cette technologie. Ces
contraintes sont listées dans le tableau n° 17.
Tableau n° 17 : les contraintes
liées à l'usage d'Internet
|
Nombre de réponses
|
%
|
Contraintes liées à
l'usage d'Internet ?
|
Aucune
|
11
|
18,3
|
Cadre étroit
|
2
|
3,3
|
Déconnexion du réseau
|
21
|
35
|
Indisponibilité des ordinateurs
|
7
|
11,7
|
Lenteur de la connexion
|
3
|
5
|
Manipulation de l'ordinateur
|
10
|
16,7
|
Tarifs de connexion élevés
|
6
|
10
|
TOTAL
|
60
|
100,0
|
Source : enquêtes, juin - août
2004.
(55) Manuels Castells, 2001, «Les incidences sociales des
technologies de l'information et de la communication », in Les sciences
sociales dans le monde, Paris, Editions UNESCO, p.270.
(56) Ramata Thioune, Khamathe Sène, 2001, p. 88.
Seuls 18,3% des usages déclarent n'éprouver
aucune contrainte afférente à l'utilisation d'Internet et ce,
soit parce qu'ils ne vivent pas ou ne conçoivent pas de la même
manière les éléments que les autres ont
déclinés comme des difficultés.
D'une manière générale, le tableau n°17
fait ressortir trois types de contraintes : les contraintes liées
à l'accès, les contraintes techniques et les contraintes
financières.
1 - 3 - 1 - Les contraintes liées à
l'accès
L'accessibilité physique de l'infrastructure n'est pas
a priori, un problème pour les utilisateurs interrogés. En effet,
80% d'entre eux trouvent que les cybercafés, bien qu'ils ne soient qu'au
nombre de trois (3), sont proches de chez eux. Ils n'ont donc pas besoin de
faire de longs trajets pour y accéder.
Il y a plutôt le fait qu'à certaines heures
(surtout l'après-midi) tous les cybercafés sont fortement pris
d'assaut et trouver un ordinateur libre relève de l'impossible. Il faut
généralement de longs moments d'attente pour accéder
à un poste libre. 11,7% des usagers ont déploré cet
état de fait. Cette situation est d'autant plus sérieuse que la
plus grande partie des utilisateurs d'Internet n'a, en dehors des
cybercafés, aucun autre point d'accès à cette
technologie.
Tableau n° 18 : autres points
d'accès à Internet en dehors des cybercafés
|
Nombre de réponses
|
%
|
Autres points d'accès à
Internet
|
aucun
|
33
|
55
|
lieu de travail
|
9
|
15,0
|
école
|
15
|
25,0
|
autres
|
3
|
5,0
|
TOTAL
|
60
|
100,0
|
Source : enquêtes, juin - août
2004.
55% des usagers n'ont que les cybercafés pour
accéder à Internet, 15% d'entre eux ont Internet en milieu
professionnel, 25% en milieu scolaire et 5% utilisent les services d'Internet
chez des amis qui en disposent à domicile.
En effet, beaucoup de services administratifs et d'entreprises
industrielles publiques et privées sont aujourd'hui connectés
à Internet, avisés qu'ils sont de la flexibilité dans
l'organisation du travail que cette technologie autorise et de ses innombrables
potentialités de croissance, de compétitivité et
d'intégration aux marchés mondiaux.
C'est le même intérêt qui est
accordé à Internet dans les établissements scolaires dont
certains sont connectés grâce à des partenariats
scellés avec des ONG et autres organismes de
coopération. Cependant, en raison des coûts
élevés du matériel informatique (ordinateurs,
périphériques et autres consommables) et des charges
supplémentaires (formation des enseignants/formateurs parfois aussi
néophytes que leurs élèves en informatique), la
pénétration d'Internet dans les écoles est encore
très timide et l'accès assez limité.
1 - 3 - 2 - Les contraintes techniques
Le niveau d'éducation et de formation des usagers est
le premier élément qui permet d'appréhender les obstacles
techniques. Mais dans la zone d'étude, cet élément n'est
pas défini comme obstacle majeur à l'usage d'Internet. Le niveau
de formation des utilisateurs est assez satisfaisant : 55% d'entre eux ont subi
une formation en informatique et 11,7% ont été initiés
à l'usage d'Internet. 33,3% n'ont pas été formés
pour des raisons liées au manque de moyens financiers, au manque de
temps et à la contingence d'une formation pour l'usage d'Internet.
Ainsi, seuls 16,7% des utilisateurs rencontrent des
difficultés de manipulation de l'ordinateur. Celles-ci concernent en
général le clavier (agencement des lettres) et l'utilisation de
la souris.
L'état des installations informatiques des
cybercafés peut également être mis à contribution
dans l'analyse des contraintes techniques. Dans beaucoup de cybercafés,
le nombre d'ordinateurs en place est non seulement insuffisant pour
répondre à la forte demande mais aussi la connexion est
défaillante. C'est pourquoi, 40% des utilisateurs interrogés
invoquent la déconnexion du réseau et les lenteurs de la
connexion comme des difficultés d'accès à l'Internet.
Cette situation s'explique par le fait que les fournisseurs d'accès
proposent divers types de connexions dont les débits et les coûts
sont différents (voir annexes). Et selon que l'exploitant dispose d'une
capacité financière élevée ou faible, il souscrira
un abonnement dont le débit sera rapide ou lent.
Enfin, bien que la proportion d'utilisateurs qui y accordent
du crédit soit faible (3,3%), l'étroitesse des locaux de certains
cybercafés peut constituer directement ou non une grande
difficulté quant à l'usage d'Internet. En effet, certains
cybercafés se présentent avec des cadres étriqués
et des systèmes de ventilation dérisoires. Dans ce cas, la
quiétude et la confidentialité de la navigation sont facilement
perturbées par l'entassement, le bruit dans l'enceinte ou
l'indiscrétion d'uns vis-à-vis qui ne peut cesser de jeter un
regard indiscret sur ce qui se fait à ses côtés.
1 - 3 - 3 - Les contraintes financières
d'accès à Internet sont les moins onéreux du
Sénégal. Selon le Président de l'UNETTS, une heure de
connexion à Internet se paye à 2000 francs CFA à
Tambacounda (cf. encadré, p. 74).
Les obstacles financiers sont liés à la
faiblesse du pouvoir d'achat des utilisateurs or presque tous les services
liés à Internet sont payants. En effet, en dehors des honoraires
de la connexion, il faut souvent avoir suivi au préalable une formation
à l'Internet qui ne se fait pas non plus à titre gracieux. Sous
ce rapport, la majorité des usagers formés en informatique de
manière générale et à l'Internet de manière
singulière, l'ont été dans le secteur privé
où ils ont déboursé entre 5 000 et 25 000 francs CFA
mensuellement. De pareilles sommes ne sont pas à la portée de
toutes les bourses, surtout lorsqu'il y a d'autres impératifs plus
mordants (le logement, l'habillement, la nourriture....). C'est ce qui explique
du reste certaines stratégies individuelles notées
çà et là et qui reposent essentiellement sur la
curiosité et la débrouillardise : 36,7% des usagers ont subi une
auto-formation en informatique et à l'Internet.
Il est noté une quasi-absence d'initiatives de la part
de l'Etat et de la Sonatel, visant à faciliter l'accès des
couches défavorisées à Internet. En effet, 6,7% seulement
des utilisateurs enquêtés ont bénéficié d'une
prise en charge de leurs services pour une formation.
D'une manière générale, la tarification doit
être adaptée au contexte de l'économie locale et au pouvoir
d'achat des usagers. (57)
2 - Regard critique sur l'Internet
L'Internet est devenu le moyen de communication
privilégié qui caractérise le monde au XXIe
siècle. Son appropriation par les sociétés est telle qu'il
s'avère difficile voire impossible de se faire une idée exacte du
nombre de ses utilisateurs. Sa diffusion se fait de manière
effrénée rendant toute estimation très vite
désuète et dépassée. Cependant, même s'il
n'est pas abusif de dire qu'Internet répond aux attentes qui fondent son
appropriation par les masses, force serait de reconnaître que ce
réseau planétaire véhicule du bon et du mauvais, des
avantages et des inconvénients.
2 - 1 - Les avantages d'Internet
L'Internet présente une foule d'opportunités
pour les personnes qui l'utilisent. Pour les propriétaires et
gérants de cybercafés, par exemple, le « commerce »
d'Internet permet non seulement de trouver une occupation professionnelle mais
aussi de développer, tout en se faisant
(57) Ramata Thioune et Khamathe Sène, 2001, p. 21.
de l'argent, de nouvelles ou en tout cas de meilleures
aptitudes techniques, organisationnelles et relationnelles. Pour l'utilisateur,
l'Internet est à la fois une source de curiosité et
d'intérêt, de formation et de meilleures capacités
d'action. L'apport de la technologie Internet dans l'amélioration des
conditions de vie, surtout relationnelle, des populations paraît donc
bien évident.
Tableau n° 19 : perception de
l'Internet par les usagers
|
Nombre de réponses
|
%
|
Avez-vous le sentiment qu'Internet a
amélioré vos conditions de vie ?
|
oui
|
55
|
91,7
|
non
|
5
|
8,3
|
TOTAL
|
60
|
100,0
|
Source : enquêtes, juin - août
2004.
Le tableau n°19 révèle que chez 91,7% des
utilisateurs interrogés le sentiment de l'amélioration de leurs
conditions de vie par Internet est réel. Les avantages du réseau
qu'ils mettent en branle pour justifier ce satisfecit sont listés dans
le tableau n° 20.
Tableau n° 20 : les avantages
d'Internet selon les usagers
Réponses des enquêtés
|
Nombre réponses
|
%
|
Quel(s) avantage(s) Internet
vous a-t-il procuré(s) ?
|
un accès rapide à l'information
|
11
|
18,3
|
la gratuité de l'information
|
1
|
1,7
|
une amélioration des conditions d'études
|
8
|
13,3
|
De nouvelles relations amicales
|
5
|
8,3
|
des loisirs
|
2
|
3,3
|
de l'intelligence
|
2
|
3,3
|
la rapidité de la communication
|
13
|
21,7
|
de nouvelles connaissances de la vie et du monde
|
7
|
11,7
|
le gain de temps
|
4
|
6,7
|
la liberté
|
1
|
1,7
|
des coûts de communication moins chers
|
1
|
1,7
|
TOTAL
|
55*
|
91,7*
|
* 5 utilisateurs soit 8,3% ne semblent pas
convaincus des avantages de l'Internet et n'en ont donc pas cités.
Source : enquêtes, juin - août 2004.
L'examen du tableau n°20 montre que les avantages de
l'Internet qui retiennent le plus l'attention des usagers sont par ordre
d'importance la rapidité de la communication (21,3%), l'accès
facile à l'information (18,3%), l'amélioration des conditions
d'études (13,3%) qui peut permettre d'avoir de nouvelles connaissances
sur la vie et sur le monde (11,7%), les nouvelles relations amicales
qu'Internet permet de nouer à travers son vaste réseau (8,3%) et
le gain de
temps (6,7%). Mais il faut aussi remarquer qu'Internet est un
« espace » de loisirs (3,3%) et un « havre » de
liberté (1,7%). Il permet aux jeunes, les adolescents en particulier, de
se libérer des pôles traditionnels et familiaux de création
et de diffusion de l'information où beaucoup de décisions ne sont
pas négociables et beaucoup de sujets pas discutables, en raison de leur
caractère sensible ou tabou.
En somme, les avantages de l'Internet peuvent se
résumer autour de trois points : la rapidité de la communication,
la proximité de l'information qui favorisent le rapprochement
spatial.
Cinq utilisateurs d'Internet ne paraissent pas
entièrement convaincus de l'amélioration de leurs conditions de
vie par cette technologie. Pourtant, ces réticents ne sont pas des
ignorants de l'outil Internet ni des débutants en la matière. Ils
ont atteint en majorité le niveau secondaire et affirment n'avoir aucun
problème technique relatif à l'utilisation de l'outil qu'ils
maîtrisent du reste. Ce qui fait dire que la perception de la technologie
Internet par les individus est marquée par une bonne dose de
subjectivité. C'est plutôt un problème qui se pose aussi
bien sous fond de vécu que celui de représentation. En effet,
tandis les autres utilisateurs mettent en exergue les multiples avantages de
l'Internet, ils se refusent quant à eux de le faire, mettant toujours en
avant un argumentaire nihiliste alimenté par les inconvénients du
réseau.
2 - 2 - Les inconvénients de l'Internet
A l'instar des autres époques civilisationnelles,
celle-ci (la nouvelle civilisation d'Internet) a des conséquences
à la fois positives et négatives .(58) Donc, comme dit
le dicton, « plus ça change, plus c'est pareil ». Toute
nouvelle invention draine souvent à la fois un cortège
d'avantages et d'inconvénients. La majorité des utilisateurs
interrogés semble bien conscients des conséquences
négatives d'Internet.
(58) Farhang Rajaee, 2001, p. XVII.
Tableau n° 21 : les
inconvénients de l'Internet selon les usagers
|
Nombre de réponses
|
%
|
Quels sont les inconvénients de l'Internet
?
|
Aucun
|
19
|
31,7
|
les risques d'acculturation
|
4
|
6,7
|
les informations non vérifiées
|
7
|
11,7
|
les risques de perversion
|
14
|
23,3
|
la déception lors des rencontres
|
2
|
3,3
|
le racisme
|
1
|
1,7
|
le manque de contrôle
|
11
|
18,3
|
la perte de temps
|
2
|
3,3
|
TOTAL
|
60
|
100,0
|
Source : enquêtes, juin - août
2004.
Seuls 31,7% des utilisateurs trouvent qu'Internet est exempt
d'effets négatifs. Pour les autres, par contre les méfaits du
réseau sont multiples allant des risques de perversion (23,3%) au
racisme (1,7%) en passant par le manque de contrôle (18,3%), les
informations non vérifiées (11,7%), les risques d'acculturation
encourus par les individus (6,7%), etc.
Les craintes exprimées par les usagers sont bien
fondées et légitimes, Internet étant un Farwest d'un
nouvel âge ou toutes les dérives sont possibles.(59)
Ces craintes sont surtout en lien avec les contenus de l'Internet. Ce dernier
renferme de nombreux sites dont la simple visite peut choquer la conscience des
enfants, adolescents et adultes qui se livrent parfois à tout et
à n'importe quoi sur le réseau dans les cybercafés. Ces
sites, accessibles sans aucune difficulté, sont multiples mais nous ne
citons ici que ceux auxquels les réponses des utilisateurs ont fait
directement ou non allusion. Il s'agit :
,2- des sites
pornographiques et pédophiles : il est question dans ces sites
de la description et de la communication publiques d'actes explicitement
érotiques, c'est-à-dire stimulant le désir sexuel et
obscènes, c'est-à-dire sales, honteux et dégradants.
Internet propose de nombreux sites qui offrent des pornographies et des
vidéos utilisant des photographies de mineurs qui peuvent porter
atteinte à la pudeur. Les sites pédophiles sont très
présents sur Internet. En 2003, ils ont connu une augmentation de 70%,
selon le rapport d'étude de l'association italienne des droits de
l'enfant en date du 6 février. Ils ont été estimés
à la fin de la même année à plus de 261 653 sites
dont 60% aux USA, en Corée du Sud, en Russie, au Brésil, en
Italie et en Espagne.(60)
(59) « L'Internet représente-t-il une menace pour
l'ordre public ?». Expertises des systèmes d'information, juillet
-- août 1996, page 226, Cité par Cécile Bernat, 1997,
p.81.
(60)
www.innocenceindanger.org
Les nombreuses visites nocturnes effectuées en marge
des enquêtes dans les cybercafés ont permis de constater l'ampleur
du phénomène de la pornographie. Des personnes, mais surtout les
hommes de tout âge, se livrent d'habitude à partir de 23 heures
à la consommation passionnée de la pornographie. Or, il est
noté dans ce domaine une absence criarde de politique
délibérée de la part des instances étatiques dans
leur diversité, visant à limiter cette liberté nocive.
C'est le même laxisme qui est constaté chez des
gérants de cybercafés.(61) D'ailleurs, les affiches
destinées à interdire cette pratique dans les locaux sont
confectionnées et placées d'une façon telle à
susciter le doute quant à leur réelle volonté de mettre
terme à ce phénomène.
,2- des sites
sectaires et extrémistes : ces sites sont également
incontrôlables et incontrôlés. Ils sont souvent en lien avec
des sectes ou religions visant à influencer les jeunes gens, de
potentiels adeptes, par le biais d'un prosélytisme débridé
;
,2- des sites racistes : ils
mettent en ligne toutes sortes de propos à l'encontre de certaines
communautés (noires, arabes, juives, par exemple) et prônent la
haine raciale, la négation de la pluralité ethnique et le refus
de l'autre ;
,2- des sites
sexistes et homophobes : ces sites diffusent souvent des messages
profanateurs de la dignité humaine. Ils ridiculisent, insultent et
humilient les femmes tout en bafouant leurs apparences de
respectabilité.
Tous ces sites sont hautement dangereux et nocifs pour les
adolescents en quête de leur identité et de leur
personnalité et dont les esprits ne sont pas rompus à la
critique. Par ailleurs, les risques d'acculturation invoqués par 6,7%
des individus interrogés sont aussi réels. Internet impose la
modernité et conduit à la diffusion universelle des mêmes
idéaux et des mêmes comportements. Il favorise la mondialisation.
Or, la modernité transforme toutes les civilisations existantes,
incluant celles de l'Occident. Ce n'est pas l'occidentalisation, mais un
changement universel dans les conditions fondamentales de n'importe quelle
civilisation, de toutes les civilisations .(62) Dans ces conditions,
les individus ou sociétés « acculturés » sont
ceux qui ne disposent pas d'une réelle capacité de discernement
et qui ne sont pas assez outillés de leurs valeurs propres pour
résister à la tentation absorbante de celles des autres.
(61) Les gérants, eux, se disent impuissants devant cette
situation tout simplement parce que l'usager paye son argent
et a de ce fait la latitude d'accéder au site de son
choix)
(62) David R. Gress, 1997, The drama of modern Wester identity,
Orbis, Vol 41, n°4, pp.525-544, Cité par Farhang Rajaee, 2001, p.
67.
Conclusion
Il s'avère cependant utile, pour conclure, de remarquer
que ne n'est pas tous les utilisateurs qui visitent tous les types de sites. En
effet, les données de l'enquête présentées dans les
tableaux 22 et 23 révèlent que les sites pornographiques,
racistes et religieux sont les moins fréquentés par les usagers
avec dans l'ordre 65%, 10% et 8,3% des réponses obtenues. Les raisons
qui poussent les utilisateurs à ne pas consulter ces genres de sites
sont multiples mais les plus en vue sont leur manque d'intérêt
(26,6%), leur caractère obscène, malsain (8,3%) et la pudeur de
certains utilisateurs (8,3%).
Tableau n° 22 : les sites non
visités par les usagers
|
Nombre de réponses
|
%
|
Quels sites ne visitez-vous jamais ?
|
Aucun
|
5
|
8,3
|
Racistes
|
6
|
10
|
pornographiques
|
39
|
65
|
Religieux
|
5
|
8,3
|
discussions / rencontres
|
3
|
5
|
Sport
|
1
|
1,7
|
recherches
|
1
|
1,7
|
TOTAL
|
60
|
100,0
|
Tableau n° 23 : les raisons de la
non visite de ces sites
|
Nombre de réponses
|
%
|
Pour quelle(s) raison(s) ne
les visitez-vous jamais ?
|
|
5*
|
8,3
|
les actes de pédophilie
|
1
|
1,7
|
c'est incorrect
|
3
|
5,0
|
c'est malsain
|
5
|
8,3
|
c'est inutile
|
4
|
6,7
|
C'est irrespectueux et sordide
|
1
|
1,7
|
c'est tabou au Sénégal
|
2
|
3,3
|
ça me fait du mal
|
1
|
1,7
|
ce n'est pas éducatif
|
4
|
6,7
|
certaines actions me mettent hors de moi
|
1
|
1,7
|
c'est contraire à ma religion
|
3
|
5,0
|
influence néfaste
|
1
|
1,7
|
j'ai honte de cela
|
5
|
8,3
|
je ne les aime pas
|
2
|
3,3
|
Je suis jeune et on me l'interdit
|
2
|
3,3
|
ce n'est pas intéressant
|
16
|
26,6
|
par prudence
|
1
|
1,7
|
je n'ai pas de temps pour ça
|
3
|
5,0
|
TOTAL
|
60
|
100,1
|
* Ce sont là les usagers qui avaient répondu par
« aucun » dans le tableau n°22 et qui n'ont donc pas
répondu à la question. Sources :
enquêtes, juin - août 2004.
CONCLUSION GENERALE
Il suffit tout juste de regarder et non pas d'être
observateur averti pour remarquer la présence massive des
télécentres à Ouagou Niayes et dans tout l'espace urbain
dakarois. Les cybercafés eux, sont moins présents mais suivent au
pas l'empreinte des télécentres qui les « engendrent »
parfois.
C'est que les Sénégalais sont vraiment aptes
à développer des stratégies de survie, or
télécentres et cybercafés constituent des filons d'or, des
moyens pour survivre dans un pays comme le nôtre, marqué par une
profonde crise économique qui touche un large pan de la
société. Télécentres et cybercafés sont des
créneaux porteurs, créateurs d'emplois et de richesses. Ils
intéressent actuellement presque tout le monde et caporalisent de ce
fait beaucoup d'acteurs en même temps qu'ils suscitent de multiples
enjeux. Dans ce contexte, cette étude a paru opportune. D'ailleurs,
beaucoup de leçons ont été apprises de son processus
notamment en ce qui concerne l'appropriation de ces outils de communication par
les populations et leur territorialité.
Pour ce qui est de l'appropriation,
le processus diffère selon qu'il s'agit des télécentres ou
des cybercafés. En effet, les télécentres
présentent un accès moins complexe et plus démocratique
pour le commun des Sénégalais. Il n'est pas besoin d'un niveau
d'instruction élevé, s'il en est même besoin, ni d'une
certaine aisance financière pour avoir accès aux services des
télécentres. La grande difficulté résiderait
certainement dans l'ouverture de l'infrastructure qui requiert le versement
d'au moins d'un demi-million de francs CFA comme dépôt de garantie
à la Sonatel. Une telle somme n'est guère à la
portée de la bourse du Sénégalais moyen, ce qui explique
que les propriétaires des télécentres de Ouagou Niayes
soient des personnes d'une assise financière plus ou moins confortable,
des commerçants en majorité. Par ailleurs, le contexte des
télécentres est marqué par le monopole de la Sonatel qui
règne en maître dans le secteur des
télécommunications. Cette situation entraîne un malaise
général et un courroux collectif chez les exploitants de
télécentres soucieux de préserver l'emploi
créé. Ils dénoncent, entre autres, la concurrence
déloyale, résultat de l'implantation sauvage des
télécentres, renforcée par l'absence notoire de
réglementation visant à assainir le secteur. Par contre,
l'appropriation des cybercafés par les populations s'avère plus
complexe et moins rapide. En effet, elle est subordonnée à la
satisfaction de certaines exigences discriminatoires dont un niveau
d'instruction assez satisfaisant, la maîtrise de l'outil informatique, la
maîtrise (comprendre, savoir lire et écrire) d'une ou de plusieurs
langues d'usage, et éventuellement la capacité financière
à honorer la facture de la connexion à l'Internet.
L'appropriation des cybercafés devient ainsi le fait d'une certaine
élite (même si la tendance est à la
généralisation) qui y va d'habitude d'un processus à deux
étapes : une étape de curiosité et d'envie de
découvrir l'Internet qu'ils pensaient être à priori pour
les
« autres » ; une étape de
démythification et d'utilisation de l'outil dans les divers domaines de
la vie économique et sociale où le besoin est exprimé.
Aussi, contrairement au secteur des télécentres, les exploitants
de cybercafés ne sont-ils pas obligés de passer par la Sonatel
pour disposer d'une connexion à l'Internet. Les fournisseurs
d'accès font légion, le marché est plus libre et
l'exploitant a plus de latitude de souscrire un abonnement auprès du
fournisseur de son choix. Le principal enjeu soulevé actuellement par
l'ouverture et l'appropriation des cybercafés par les populations est
plutôt la saturation du marché qui se profile à l'horizon
et le problème de l'équité qui se pose en terme de
distribution spatiale et de tarification. Sinon, comment comprendre le fait de
payer entre 250 francs CFA et 500 francs CFA seulement pour une heure de
connexion à Dakar alors qu'il faut parfois jusqu'à 2 000 francs
dans les autres régions du pays ?
Pour ce qui est de la
territorialité, l'étude a
révélé qu'elle est fortement commandée par une
logique commerciale et dans une moindre mesure par des considérations
subjectives d'ordre social comme le fait d'appartenir à un espace. En
effet, tandis que certains propriétaires affirment avoir implanté
leurs télécentres ou cybercafés à Ouagou Niayes
parce que c'est un quartier populeux susceptible de leur fournir une grosse
clientèle, d'autres par contre soutiennent y avoir ouvert leurs
structures tout simplement parce qu'ils y habitent. Mais dans un cas comme dans
l'autre, le résultat est le même. Les télécentres et
cybercafés ont colonisé l'espace du quartier même s'ils ne
le structurent pas encore. On trouve au moins un télécentre dans
presque toutes les rues ou les coins de rue surtout dans celles passantes ou
à forte concentration d'activités économiques.
L'importance numérique des télécentres ne manque pas de
susciter des enjeux territoriaux. Certains d'entre eux sont spatialement
très rapprochés, côte à côte et se livrent de
ce fait à une rude concurrence qui cause parfois la faillite de ceux
exténués par la lourdeur des charges d'exploitation. Tous les
exploitants n'ont pas les mêmes charges : certains sont
propriétaires de leurs locaux, d'autres ne le sont pas. Ce sont
d'habitude les premiers qui proposent les tarifs les moins onéreux, les
autres vendant plus cher parce que devant s'acquitter davantage de frais. La
territorialité est par ailleurs marquée par des disparités
moins sévères avec les télécentres qu'avec les
cybercafés. Les télécentres, en effet, se retrouvent
partout dans le quartier tandis qu'aucun cybercafé n'est localisé
à O.N.1 (ce secteur du quartier qui détient le plus important
niveau de précarité) où le seul cybercafé qu'il a
jadis abrité à vite fait de fermer ses portes. Partant de ce
constat, il n'est abusif de dire que les cybercafés ne s'implantent pas
n'importe où, mais plutôt dans les espaces
socio-géographiques accessibles et au potentiel d'utilisateurs
avéré.
Télécentres et cybercafés ou plutôt
le téléphone et l'Internet sont d'un grand apport dans la vie de
relation des populations. Avec ces technologies, l'échange et la
communication ne sont plus basés sur le voisinage et la proximité
spatiale. Elles offrent une nouvelle conception de la notion de
distance et favorisent une hybridation des interfaces
local/global, centre/périphérie. Le téléphone et
l'Internet rendent l'information accessible à moindre coût en
faisant fi de la distance. Ils permettent d'effacer les contraintes
traditionnelles de localisation et de créer de nouvelles formes
d'organisation, en réseaux sociaux fortement instrumentés par la
compression du temps et la rapidité de circulation de l'information.
Enfin, bien utilisés ils peuvent contribuer à soulager la
pauvreté et à corriger les inégalités
socio-économiques.
Toutefois, il est important d'insister sur le fait que ces
outils de communication ne sont pas exempts de limites et même d'effets
pervers. Ils ne peuvent pas, par exemple, se substituer aux contacts physiques
indispensables dans certaines situations, surtout au moment de prendre des
décisions importantes ou de s'engager. Ainsi, comme le souligne Michel
Lussault (1995, p. 156), de façon un peu paradoxe, plus il y a de
télécommunication, plus il y a de déplacements physiques.
Mais ces derniers changent de nature. Ils sont de moins en moins motivés
par des nécessités d'ordre instrumental (les
téléinformations les remplacent très économiquement
dans ce cas) et de plus en plus par le désir de vivre les
échanges comme création d'intersubjectivité
partagée. Par ailleurs, ces technologies de communication, l'Internet en
particulier, peuvent provoquer beaucoup de maux (comme la pornographie,
l'incitation à la drogue, à la violence...) en raison de
l'inadéquation de leur contenu avec les contextes des utilisateurs. En
l'absence de politiques préventives ou correctives effectives, ces maux
accentuent les dérives et consacrent la perversion des individus et des
sociétés. Enfin, l'utilisation des NTIC est socialement
biaisée. L'étude a montré par exemple que l'accès
à l'Internet est inégal entre les sexes, les groupes d'âge,
les groupes ethniques, les catégories socio-économiques, le
nombre de personnes appartenant aux catégories nanties dépassant
de loin celui des individus aux conditions sociales moins favorables. Castells
(2001, p. 277) avertit que les TIC ne sont [ ....] pas à la source d'une
inégalité et d'une exclusion sociales croissantes. Mais leur
utilisation biaisée par un système capitaliste mondial dynamique
et déréglementé a déclenché un processus qui
semble conduire à une iniquité sociale croissante dans tous les
pays du monde, en contraste absolu avec les promesses de l' Ere de
l'Information.
L'étude aura, en définitive, permis de relever
des acquis intéressants mais qui ne sont pas cependant susceptibles de
généralisation. Beaucoup de zones d'ombre subsistent
et des perspectives se dégagent. Voilà donc
quelques-unes d'entre elles qui pourraient faire l'objet de recherches
futures.
E Les investigations menées dans le quartier Ouagou
Niayes ont permis de constater que le nombre de télécentres
fermés est très considérable. Le phénomène
de faillite/fermeture est si important qu'il ne paraît plus
spécifique à Ouagou Niayes mais général. Cependant,
limités par des contraintes de temps, nous nous sommes uniquement
arrêtés au constat. Des études plus poussées
sont donc nécessaires pour appréhender les
véritables raisons de la fermeture des télécentres et
dépasser les clichés trop simplistes et réducteurs,
basés sur des considérations empiriques.
151 IL est ressorti des résultats de
l'étude que même au sein de Dakar la capitale qui est
supposée être le laboratoire de test des nouveautés, il
existe des disparités énormes quant à l'accès aux
NTIC. Beaucoup de chefs de ménages ont répondu par : « le
café nous le prenons en famille, c'est une mauvaise habitude que de
prendre du café dehors » à la question n° 27 du
questionnaire ménage. C'est dire donc qu'ils ignorent ce qu'est un
cybercafé. L'accès à l'Internet est donc
différentiel selon les zones, au sein d'une même zone, entre les
sexes, l'age, le niveau d'instruction, les catégories
socio-professionnels, etc. Toutefois quel est l'ordre d'importance des facteurs
d'exclusion ? Et quels sont les éléments explicatifs de cette
différenciation ? Telles sont quelques questions qui mériteraient
d'obtenir des réponses.
151 L'étude s'est quelque peu penché
sur le déploiement spatial des infrastructures de
télécommunication dans un quartier de la capitale et il a
été constaté qu'elles n'ont pas véritablement
d'effet structurant sur l'espace. Elles se superposent uniquement aux espaces
déjà habités, en privilégiant toutefois ceux qui
sont démographiquement plus chargés et qui ont le plus fort
potentiel d'utilisateurs. Mais est-ce que c'est le cas pour toute la capitale ?
Comment se déploient les systèmes de communication entre les
différents quartiers de Dakar et entre ceux--ci et le reste du pays ?
Voilà quelques pistes de réflexion éventuelles.
E Le secteur des
télécommunications au Sénégal est marqué par
un événement innovant : il s'agit du lancement par la Sonatel
Multimédia, en juillet 2004, de la technologie Internet sans fil
dénommé « Sentoo Wifi » (voir annexes). Cette
technologie est destinée à un public varié : les hommes
d'affaires, les entreprises, les individus, les résidences
hôtelières, les restaurants, les cafés et autres structures
accueillant des visiteurs. Les gens auront donc plus que jamais la
liberté de déplacement. Mais il s'avère impossible pour
l'instant de se faire une idée claire du nombre d'usagers potentiels, de
leurs caractéristiques socio-économiques et professionnelles, du
sort qui sera réservé aux centres d'accès publics à
l'Internet que sont les cybercafés. Sentoo Wifi va-t-il
démocratiser l'accès à l'Internet ou à
l'opposé aggraver le fossé existant ? Des études
s'imposent pour être édifié sur ces questions et se parer
aux éventualités car comme le souligne Farhang Rajaee (2001,
p.141), « l'expérience l'a démontré dans le
passé, toute nouvelle aventure occasionne à la fois de la crainte
et de l'espoir ».
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Ouvrages généraux
1 - Bailly Antoine S.
1995, « Introduction au débat : perspectives en
géographie de l'information et de la
communication », in Sciences de la
Société, Territoire, société et communication,
Presses Universitaires du Mirail Toulouse, n° 35, mai 1995, pp. 15-19.
2 - Cassé Marie Claude
1995, « Réseaux de
télécommunication et production de territoire » in
Sciences de la Société,
Territoire, société et communication, Presses
Universitaires du Mirail Toulouse, n° 35, mai, pp. 61-81.
3 - Castells Manuel
2001, La société en réseau.
L'ère de l'information, Paris, Fayard, 671 p.
2001, «Les incidences sociales des technologies de
l'information et de la communication »,in
Les sciences sociales dans le monde, Paris, Editions UNESCO/
Editions de la Maison des sciences de l'homme, pp. 270-280
5 - Daffé Gaye, Dansokho Mamadou
2002, «Les nouvelles technologies de l'information et
de la communication : défis et
opportunités pour l'économie
sénégalaise », in Momar-Coumba Diop (sous la dir. de),
Le Sénégal à l'heure de l'information : Technologie et
société, Paris, Karthala, Genève, UNRISD, pp. 45-96.
6 - Diawara Ibrahima
2003, « La genèse historique du Grand Dakar
», Mairie de Commune d'Arrondissement de Biscuiterie, 4 p.
7 - Direction de la prévision et de la
statistique
1997, (ministère de l'Economie, des Finances et du Plan)
(République du Sénégal), Enquête
sénégalaise auprès des ménages (ESAM) / 94-95,
Dakar, 178 p.
2004, (ministère de l'Economie, des Finances et du Plan)
(République du Sénégal),
Projections de population du Sénégal issues du
recensement de 2002, Dakar, 48 p.
9 - Eveno Emmanuel
2004, «La Géographie de la
Société de l'Information : entre abîmes et sommets
», Netcom,
Communications, Réseaux, Territoires, Vol. 18,
nos 1-2, janvier, pp. 11-87.
2004, «Le paradigme territorial de la
société de l'information », Netcom, Communications,
Réseaux, Territoires, Vol. 18, nos 1-2,
janvier, pp. 89-134.
11 - Hoeltgen Dominique
1995, Internet pour Tous, Paris, Les Editions du
Téléphone, 238 p.
12 - Lussault Michel
1995, « L'usage, la communication et le géographe
» in Sciences de la Société, Territoire,
société et communication, Presses Universitaires du Mirail
Toulouse, n° 35, mai, pp. 149-163.
13 - Mbow Latsoucabé, Dubresson Alain
2000, « Dakar et la presqu'île du Cap Vert »,
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édition, Paris, Les éditions J.A. aux
éditions du Jaguar, pp. 48-51.
14 - Miège Bernard
1995, «Réseaux de communication et
aménagement territorial » in Sciences de la
Société,
Territoire, société et communication, Presses
Universitaires du Mirail Toulouse, n° 35, mai, pp. 21-29.
15 - Prelaz-Droux Roland
1995, Système d'information et gestion du territoire
: approche systémique et procédure de
réalisation, PPUR (presses polytechniques et
universitaires romandes), Lausanne, 156 p.
16 - Rajaee Farhang
2001, La mondialisation au banc des accusés : la
condition humaine et la civilisation de
l'information, Ottawa (Ontario), CRDI, 154 p.
17 - Sagna Olivier
2000, Les technologies de l'information et de la
communication et le développement social au
Sénégal. Un état des lieux,
Technologie et société, Genève, UNRISD, Document n°1,
61 p.
18 - Sambou Ansoumana
2001, Nouvelles technologies de l'information et de
communication. Les cybercafés sur les
traces des télécentres, CESTI, UCAD, 48
pages
19 - Tall Serigne Mansour
2002, « Les émigrés
sénégalais et les nouvelles technologies de l'information et de
la communication », in Momar-Coumba Diop (sous la
dir.de), Le Sénégal à
l'heure de l'information : Technologie et société, Paris,
Karthala, Genève, UNRISD, pp. 223-261.
20 - Thioune Ramata, Sène Khamate
2001, Etude panafricaine : Technologie de l'information et
de la communication et développement communautaire. Leçons
apprises des projets ACACIA : cas du Sénégal, Dakar, CRDI, 113
p.
Rapports / mémoires
21 - Barbier Frédéric
1998, L'expansion des télécentres à
Dakar, Mémoire de maîtrise de géographie,
Université de Bretagne occidentale, Bretagne, 131 p.
22 - Bernat Cécile
1997, Les autoroutes de l'information, Mémoire
DEA, Paris, Université Panthéon-Assas, Paris
II, 179 p.
23 - Lafitte Anais
2001, Les cybercentres du Plateau : enquête sur les
lieux et les usages de l'Internet, Rapport
de stage, IEP, 35 p.
24 - Ly Fatou Binetou
1998, Etude d'écologie urbaine dans le cadre des
H.L.M. Ouagou Niayes Dakar, Mémoire de
maîtrise de géographie, UCAD, 68 p.
25 - Thiaw Eric
1995, Infrastructures et services des
télécommunications au Sénégal : le
développement de la
téléphonie, Mémoire de
maîtrise de géographie, UCAD, 82 p.
Sites et ressources Internet
http: //
www.art-telecom-senegal.org
http: //
www.bonweb.com
http: //
www.geneve.ch
http : //
www.innocenceindanger.org
http : //
www.osiris.sn
Batik n° 24, juillet 2001.
Batik n° 60, juillet 2004
LISTE DES TABLEAUX
Tableau n° 1 : Echantillonnage
(ménages et concessions) p. 20
Tableau n° 2 : structure par âge de
la région de Dakar p. 37
Tableau n° 3 : répartition des chefs
de ménage selon la situation matrimoniale p. 40
Tableau n° 4 : répartition des
ménages selon la taille p. 41
Tableau n° 5 : dépense
journalière des ménages p. 44
Tableau n° 6 : répartition des
télécentres selon le prix de l'unité d'appel .. p. 59
Tableau n° 7 : répartition des
propriétaires de télécentres en fonction de
l'activité
professionnelle principale p. 69
Tableau n° 8 : répartition des
propriétaires selon le bénéfice mensuel tiré de
l'exploitation
des télécentres p. 70
Tableau n° 9 : répartition des
gérants de télécentres en fonction du sexe p. 70
Tableau n° 10 : répartition des
gérants de télécentres en fonction de l'âge p.
71
Tableau n° 11 : répartition des
usagers en fonction de l'âge p. 77
Tableau n° 12 : répartition des
usagers en fonction de l'ethnie p. 78
Tableau n° 13 : répartition des
usagers en fonction de l'activité professionnelle p. 79
Tableau n° 14 : répartition des
utilisateurs selon le niveau de revenu mensuel p. 79
Tableau n° 15 :.moments de
fréquentation des télécentres par les usagers p. 84
Tableau n° 16 : motifs d'utilisation
d'Internet par les habitants de Ouagou Niayes p. 92
Tableau n° 17 : les contraintes
liées à l'usage d'Internet p. 97
Tableau n° 18 : autres points
d'accès à Internet en dehors des cybercafés p. 98
Tableau n° 19 : perception de l'Internet
par les usagers p. 101
Tableau n° 20 : les avantages d'Internet
selon les usagers p. 101
Tableau n° 21 : les inconvénients de
l'Internet selon les usagers p. 103
Tableau n° 22 : les sites non
visités par les usagers p. 105
Tableau n° 23 : les raisons de la non
visite de ces sites p. 105
LISTE DES CARTES, FIGURES ET PHOTOS
Carte n° 1 : Ouagou Niayes dans l'espace
urbain dakarois p. 29
Carte n° 2 : plan du quartier Ouagou Niayes
p. 30
Carte n° 3 : répartition spatiale
des télécentres à Ouagou Niayes p. 49
Carte n° 4 : répartition spatiale
des cybercafés à Ouagou Niayes p. 62
Figure n° 1 : répartition des chefs
de ménage selon l'ethnie p. 36
Figure n° 2 : taille des ménages et
nombre de travailleurs p. 42
Figure n° 3 : rythme d'ouverture des
télécentres à Ouagou Niayes de 1992 à 2004 p.
50
Figure n° 4 : diagramme de Venn /
téléphone du quartier Ouagou Niayes p. 86
Figure n° 5 : diagramme hiérarchique
des motifs d'utilisation des télécentres P. 87
Figure n° 6 : diagramme hiérarchique
des types d'informations recherchées sur Internet p. 93
Photo n° 1 : la rue Lassana à Ouagou
Niayes p. 53
Photos nos 2 et 3 : deux
télécentres de Ouagou Niayes vus de l'extérieur p. 57
Photo n° 4 : vue extérieure d'un
cybercafé à Ouagou Niayes p. 65
Photo n° 5 : un usager des
télécentres en conversation téléphonique p. 82
Photo n° 6 : des usagers des
cybercafés en navigation sur Internet p. 90
- QUELQUES RECOMMANDATIONS
- QUESTIONNAIRE- MENAGE
- QUESTIONNAIRE D'ENQUETE / INDIVIDUS
- QUESTIONNAIRE D'ENQUETE / GERANTS ET PROPRIETAIRES DE
TELECENTRES
- QUESTIONNAIRE D'ENQUETE / GERANTS ET PROPRIETAIRES DE
CYBERCAFES
- GUIDE D'ENTRETIEN
- LES NOUVELLES CONDITIONS D'AGREMENT DES
TELECENTRES
- QUELQUES FOURNISSEURS D'ACCES A INTERNET
- QUELQUES FORMULES D'ABONNEMENT A INTERNET / SONATEL
MULTIMEDIA
- SENTOO WIFI, L'INTERNET SANS FIL DE LA
SONATEL
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