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Agriculture et croissance économique au Cameroun

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par Hervé BELLA
Institut Sous-régional de Statistique et d'Economie Appliquée (ISSEA) - Ingénieur d'Application de la Statistique 2009
  

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INTRODUCTION

Contexte et problématique

Après son indépendance obtenue en 1960, le Cameroun, comme bon nombre de pays africains, s'est spécialisé dans les produits primaires notamment les produits agricoles. Ces produits étaient destinés en partie à l'exportation principalement vers l'Europe. Cette spécialisation entre en droite ligne avec d'une part, les théories du développement, selon lesquelles un pays, dans les premières phases de son développement, amorce celui-ci dans les activités du secteur primaire, et d'autre part, la théorie de l'avantage comparatif. Les devises obtenues devaient permettre de financer les investissements pour mettre en place le tissu industriel, plus apte à créer les conditions véritables d'un développement économique.

Le Cameroun est un pays de l'Afrique centrale. Il présente de nombreuses diversités qui lui ont fait valoir le qualificatif d'Afrique en miniature. Ces diversités se retrouvent tant sur le plan géographique que social. Le pays est doté d'énormes potentialités naturelles. Sur le plan climatique, quatre grands domaines climatiques sont observés1(*) :

· le climat de type Guinéen. Il règne sur une partie de la côte et sur le plateau Sud-camerounais. Il est caractérisé par quatre saisons : une grande saison de pluie, une grande saison sèche, une petite saison sèche et une petite saison de pluie ;

· le climat de type Camerounien qui règne au voisinage du Mont Cameroun et s'étend jusqu'à l'embouchure de la Sanaga englobant les hauts plateaux de l'ouest. Il se caractérise par une surabondance des pluies qui tombent en une seule saison annuelle de 9 mois ;

· climat tropical soudanien avec des températures élevées et des pluies peu abondantes. Il compte deux saisons : une pluvieuse de 7 mois environ (très torride de mai à juin et entre juillet à octobre, très fraîche et humide) et une sèche de 5 mois (fraîche de novembre à janvier). On le retrouve dans la province de l'Adamaoua ;

· climat tropical sahélien : températures élevés, pluies irrégulières. Il compte également deux saisons : une sèche de décembre à janvier et une pluvieuse. Ce climat se retrouve dans les provinces du Nord et de l'Extrême-nord.

La diversité du climat est un facteur explicatif important de la diversité des cultures agricoles au Cameroun. Contrairement à d'autres pays d'Afrique dépendant des produits de base, le Cameroun présente un système de production agricole très diversifié. Il se démarque par exemple du Burkina Faso ou du Mali qui dépendent fortement de la production de coton. Cette diversité du climat permet également à l'agriculture camerounaise de produire à toutes les saisons de l'année.

Depuis l'indépendance, les autorités camerounaises ont toujours fait du développement agricole une condition du développement économique. Avant la crise économique de 1987, l'État intervenait de façon directe dans le déroulement de l'activité agricole. Malgré la crise économique et les Programmes d'Ajustement Structurel (PAS) qui s'en sont suivis, l'État a confirmé l'importance placée dans le secteur agricole comme moteur de la croissance. Cette importance a été réaffirmée tout récemment lors de la visite le 9 mars 2009 au Cameroun du secrétaire d'État français chargé de la Coopération et de la Francophonie.

L'agriculture tient ainsi une place particulière dans l'économie camerounaise. Sa contribution à la formation du Produit Intérieur Brut (PIB) a toujours été supérieure à 20 %2(*) et est même de l'ordre de 40 % depuis la dévaluation du F CFA en 1994. Sa contribution à l'emploi de la main d'oeuvre reste supérieure à 40 %. La Banque Mondiale (BM) l'estimait à 60 % en 1990. De plus, elle reste l'activité majeure en milieu rural, milieu dans lequel la population était estimée en 2000 à 56 % de la population totale par la FAO.

Cette place particulière de l'agriculture dans l'économie camerounaise justifie l'intérêt qui a été porté au thème Agriculture et croissance économique au Cameroun. Ce thème pose le problème du rôle de l'agriculture dans l'économie camerounaise. Il nous amène à la question de savoir quel est l'impact du secteur agricole sur la croissance économique au Cameroun. En effet, entre 1960 et 1987, un modèle de planification a été appliqué au sein de l'économie en général et dans le secteur agricole en particulier qui en était au centre. Quels peuvent avoir été les effets sur la croissance économique et celle des autres secteurs, d'un tel ciblage de l'activité économique sur le secteur agricole ? Ou encore, le secteur industriel et le secteur des services ont-ils été positivement influencés par le développement du secteur agricole ? L'agriculture a-t-elle influencée la croissance économique au Cameroun ? Si oui, à quel niveau peut-on situer cette influence ?

Objectifs

Objectif principal

L'objectif principal de cette étude est de déterminer l'impact du secteur agricole sur la croissance économique au Cameroun. Cet objectif sera atteint à travers certains objectifs spécifiques.

Objectifs spécifiques

· quantifier le lien qui existe entre l'agriculture et le reste de l'économie ;

· déterminer la contribution de l'agriculture à la croissance du PIB ;

· déterminer le sens de la causalité entre le secteur agricole et les autres secteurs d'activité ;

· déterminer l'effet de l'application des politiques agricoles sur la production agricole ;

· caractériser le secteur agricole camerounais.

Hypothèses de recherche

Hypothèse 1 : la croissance économique n'a pas été influencée l'agriculture au Cameroun.

Hypothèse 2 : le développement du secteur agricole n'a pas causé le développement des autres secteurs notamment le secteur industriel et le secteurs des services.

Approche méthodologique

Concernant l'approche méthodologique utilisée pour mesurer l'impact de l'agriculture sur la croissance économique, une approche traditionnelle était d'estimer une relation entre les performances de l'économie entière et celles du secteur agricole. Le secteur agricole était considéré comme exogène. Il s'agissait d'évaluer l'effet de son développement sur les autres secteurs de l'économie considérés comme endogènes. Mais il existe des possibilités d'interactions bidirectionnelles entre les secteurs de l'économie, et en plus, l'exogénéité de l'agriculture doit d'abord être établie comme le suggère KANWAR (2000).

Afin de s'affranchir des problèmes de régression fallacieuse sur données temporelles, les résultats récents sur l'économétrie des séries chronologiques ont été exploités. Notamment l'utilisation des modèles Vectoriel AutoRégressif (VAR) et les propriétés de co-intégration. Ces nouvelles méthodes ont été largement utilisées dans les évaluations récentes de l'impact de l'agriculture sur la croissance économique de plusieurs pays. YAO (2000) a démontré la contribution de l'agriculture dans l'économie chinoise en utilisant des méthodes de co-intégration. Il est arrivé à deux conclusions : l'agriculture a entraîné la croissance des autres secteurs, et la croissance du secteur non agricole n'a pas d'effet sur le secteur agricole. KATIRCIOGLU(2006) a étudié la relation entre la production agricole et la croissance économique dans la partie nord de Chypre. En utilisant la co-intégration sur des données allant de 1975 à 2002, il recherchait le sens de la causalité selon Granger entre la croissance du secteur agricole et la croissance économique générale. Les variables qu'il emploie sont les taux de croissance du PIB réel et du PIB réel agricole. Une deuxième étude du même auteur3(*) recherche la co-intégration et les relations causales entre les différents secteurs d'activité de Chypre du nord. L'auteur utilise les valeurs en logarithme du PIB réel, du PIB réel agricole, du PIB réel industriel et du PIB réel des services. L'agriculture reste encore l'épine dorsale de l'économie de ce pays, elle a une relation d'équilibre de long terme avec la croissance économique et donne la direction du développement de l'industrie.

L'évaluation de l'impact du secteur agricole sur la croissance économique au Cameroun se fera par la co-intégration et l'estimation d'un modèle vectoriel à correction d'erreur (VECM : Vectorial Error Correction Model). Les variables utilisées sont : le taux de croissance du PIB réel par habitant, le taux de croissance du PIB réel agricole, le taux de croissance du PIB réel de l'industrie, le taux de croissance du PIB réel des services. La mise en oeuvre du modèle est la suivante :

· détermination de l'ordre d'intégration des séries à l'aide des tests de Dickey-Fuller Augmentés (ADF : Augmented Dickey-Fuller) ;

· détermination du nombre de retards du modèle VAR à niveau à l'aide des critères d'information;

· test de co-intégration (séries non stationnaires intégrées au même ordre) ;

· estimation du VECM (la co-intégration est significative) ;

· analyse des résultats du VECM : validation des hypothèses, tests de causalité, fonctions de réponse impulsionnelle, décomposition de la variance.

Organisation du travail

Afin d'étudier l'impact de l'agriculture sur la croissance économique au Cameroun, il est nécessaire de présenter les fondements théoriques qui sous-tendent le rôle que l'agriculture est censé jouer dans une économie, particulièrement dans les premières phases de son développement. Le chapitre 1 propose une revue des théories développées dès 1950 par les économistes du développement. Dans le chapitre 2, la situation du secteur agricole camerounais sera présentée. Il s'agit de l'évolution des différentes politiques agricoles mises en oeuvre depuis 1960, des acteurs du secteur agricole et leurs rôles respectifs. Le chapitre 3 a pour objet de montrer, à partir des faits stylisés, les effets des différentes politiques agricoles sur la production, la contribution du secteur à la formation du PIB et en terme d'emploi. La méthodologie économétrique utilisée et les résultats qui en sont issus sont présentés au chapitre 4. Des recommandations sont enfin formulées à partir de ces résultats.

* 1 Encyclopédie libre Wikipédia

* 2 Banque Mondiale, WDI (2007)

* 3 KATIRCIOGLU S. T., «Co-Integration and Causality Between GDP, Agriculture, Industry and Services Growth in North Cyprus: Evidence from Time Series Data, 1977-2002», Review of Social, Economic & Business Studies, Vol.5/6, 173 - 187

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard