RemerCIementS
Cette étude n'aurait pu être sans l'aide et le
soutien de nombreuses personnes, je tiens ici à les remercier.
Je souhaite tout d'abord remercier mes parents, Bernard et
Patricia Aurégan, sans qui ce mémoire n'aurait jamais vu le jour.
Je remercie aussi mon amie, Mélanie Le Cerf, pour son soutien moral.
Pour leurs conseils et leurs participations aux débats ayant trait
à ce mémoire, je remercie Emmanuel Lelore et Benoît
Puichaud, étudiants en Master 1 de Géopolitique à
l'Institut Français de Géopolitique ainsi que l'ensemble de mes
camarades et amis. Également étudiante mais en Master 2, Marie
Gaborit avec qui j'aurai effectué une partie de l'étude de
terrain au Sénégal. Merci à Jean-Pierre Gaborit pour
l'accueil chaleureux lors du séminaire de Niassam. J'ai rencontré
à Dakar, lors de mes recherches, de nombreuses personnes,
spécialistes ou non, qui m'accordèrent de leur temps. Leurs
conseils, leur disponibilités furent très importants : un grand
merci à Monsieur et madame Yin, Momar Ndao, Moustapha Sakho, Dougoutigui
Coulibaly et Samir Jarmache, de même les participants du
séminaire. Il est entendu que je remercie tous les
Sénégalais avec lesquels j'ai échangé points de vue
et remarques politiques et sociales.
Je tiens enfin à remercier l'équipe enseignante
de l'Institut lui-même pour m'avoir donné la chance de
réaliser ce mémoire et cette étude de terrain, et, en
premier lieu, monsieur Alain gascon, mon directeur de recherche, pour ses
conseils et recommandations précieux.
Liste des abréviations et sigles
AFD Agence française de développement
AFP Alliance des forces de progrès
AGOA African growth and opportunity act
AICESIS Association internationale des conseils
économiques et sociaux et institutions
similaires
ANSD Agence nationale de la statistique et de la
démographie
APIX Agence nationale chargée de la promotion de
l'investissement et des grands travaux
APS Agence de presse sénégalaise
ASCOSEN Association des consommateurs du Sénégal
BAD Banque africaine de développement
BADEA Banque arabe pour le développement économique
en Afrique
BCEAO Banque Centrale des États d'Afrique de l'Ouest
BID Banque islamique de développement
BTP Bâtiments et travaux publics
CCIAD Chambre de commerce, d'industrie et d'agriculture de
Dakar
CEDEAO Communauté économique des États de
l'Afrique de l'Ouest
CEMAC Communauté économique et monétaire de
l'Afrique centrale
CGC China geo-engineering corporation
CIAN Conseil français des investisseurs en Afrique
CIFAS Club des investisseurs français au
Sénégal
CIFC China national fisheries cooperation
CMEC China national machinery & equipement import &
export corporation
CNDPA Conseil national pour la défense du pouvoir d'achat
du citoyen
CNES Confédération nationale des employeurs du
Sénégal
CNP Conseil national du patronat
CNRS Centre national de la recherche scientifique
CRAES Conseil de la république pour les affaires
économiques et sociales
CSA Confédération des syndicats autonomes
CSCL China shipping container lines Shenzen co., Ltd dongguan
branch
CSE Compagnie sahélienne d'entreprise
CSS Compagnie sucrière sénégalaise
ECOMOG Economic community of West african States cease-fire
monitoring group
EDF Électricité de France
FAD Fonds africain pour le développement
FCFA Francs de la communauté financière
d'Afrique
FIDAK Foire internationale de Dakar
FMI Fonds monétaire international
FODES Fonds de développement économique et
social
GAIPES Groupements des armateurs et industriels de la pêche
au Sénégal
GMD Grands moulins de Dakar
ICS Industries chimiques sénégalaises
IDE Investissement direct à l'étranger
IFFCO Indian farmers fertilizer cooperative
IRD Institut de recherche pour le développement
MFDC Mouvement des forces démocratiques de la Casamance
MEDEF Mouvement des entreprises de France
NEPAD Nouveau partenariat pour le développement de
l'Afrique
NPI Nouveaux pays industrialisés
NSTS Nouvelle société du textile
sénégalais
NTIC Nouvelles technologies de l'information et de la
communication
OMC Organisation mondiale du commerce
ONDH Organisation nationale des droits de l'Homme
ONU Organisation des nations unies
OTAN Organisation du traité de l'atlantique Nord
OTASE Organisation du traité de l'Asie du Sud-Est
OUA Organisation de l'unité africaine
PCC Parti communiste chinois
PDS Parti démocratique sénégalais
PI13 Produit intérieur brut
PVD Pays en voie de développement
PS Parti socialiste (sénégalais)
RADDHO Rencontre africaine des droits de l'Homme
RPC République populaire de Chine
RTS Radiodiffusion télévision
sénégalaise
SCA Stratégie de croissance
accélérée
SENELEC Société nationale
d'électricité du Sénégal
SIGELEC Société industrielle de
générateurs électriques
SINOPEC Compagnie pétrochimique de Chine
SMIC Salaire minimum interprofessionnel de croissance
SOCOCIM Société de commercialisation du ciment
SODEFITEX Société de développement et des
fibres textiles
SONACOS Société nationale de commercialisation des
oléagineux du Sénégal
SONATEL Société nationale des
télécommunications du Sénégal
UA Union africaine
UE Union européenne
UEMOA Union économique et monétaire
Ouest-africaine
UNACOIS Union nationale des commerçants et industriels du
Sénégal
UNACOIS/DEF Union nationale des commerçants et industriels
du Sénégal/Développement
économique et financier
UNCS Union nationale des consommateurs du
Sénégal
URSS Union des républiques socialistes
soviétiques
ZES Zone économique spéciale
INTRODUCTION
La Chine-Afrique. Paradoxalement un concept nouveau, (les
ouvrages et études sont encore peu abondants), mais néanmoins
intéressant, les relations Chine-Afrique sont de plus en plus
d'actualité.
Les médias internationaux et nationaux décrivent
avec plus ou moins d'intégrité, ou d'objectivité, ce
rapport géopolitique. La Chine fait vendre, inquiète, surprend,
intéresse.
De la même manière, l'Afrique subsaharienne est
incluse dans les unes des journaux, parfois en ouverture des médias
télévisés. Son développement intéresse,
malgré les négationnistes qui ne sont plus
représentatifs.
Chine et Sénégal : deux entités
inégales, présentant un déséquilibre ? Quels sont
les rapports économiques, diplomatiques entre la Chine puissante et le
Sénégal pays relativement pauvre, à l'échelle
internationale ? Quels sont les enjeux géopolitiques de cette relation,
entre leurs capitales respectives, Pékin et Dakar, distantes de 12 000
km environ ?
Zone conflictuelle, au carrefour de deux « empires »
que sont les États-unis d'Amérique et l'Europe de l'Ouest, la
région de l'Afrique Noire constitue une zone géopolitique de
première importance.
La République Populaire de Chine représente le
troisième partenaire commercial pour l'Afrique au sud du Sahara et est
donc devenue incontournable.
Son sous-sol, ses ressources, sont depuis plus de trois
siècles enviés, convoités, récupérés.
Elle participe comme d'autres régions à l'équilibre du
monde.
La guerre froide se joua également en Afrique. La Chine
soutint certains gouvernements, pourtant chasses-gardées des
Soviétiques ou des anciennes métropoles européennes.
Avec l'effondrement de ce bloc et le recul progressif des
puissances situées de chaque côté de l'océan
Atlantique, la Chine à aujourd'hui plus que jamais un rôle
à jouer. Quel est le poids de cette politique, de cette diplomatie ?
J'intègrerai, car il ne faut les négliger, divers
acteurs, tels que : la France, l'Inde, le Brésil et dans une moindre
mesure, le « monde arabe » pour ses financements.
Le cadre temporel est ici considérable. Le
Sénégal qui noua les premières relations diplomatiques
avec la Chine en 1971, reconnu l'île de Taiwan en 1996 pour finalement la
désapprouver en 2005.
La communauté chinoise expatriée, estimée
à environ 170 000 personnes, joue un rôle
prépondérant dans l'économie et la politique de certains
États africains. L'étude de sa « diaspora » est par
conséquent indispensable
Cette enquête sur le terrain, réalisée au
Sénégal a pour but d'apporter au lecteur des
éléments concrets, permettant de clarifier les relations
Chine-Afrique (Sénégal).
Je propose de mener cette réflexion suivant trois axes
:
La première partie étudiera la présence
chinoise au Sénégal et les particularités de cette
relation diplomatique passée et renouvelée, en présentant
un état des lieux diplomatique, économique et humain.
Les relations Chine-Sénégal sont basées
sur un pragmatisme bilatéral, tant politique qu'économique. Les
principaux secteurs d'activités, où la Chine est
implantée, seront analysés, car le pays asiatique propose un
partenariat très prometteur.
La deuxième partie sera consacrée à
l'étude de la population chinoise implantée au
Sénégal. Qui sont ces chinois installés et travaillant sur
le territoire sénégalais et notamment à Dakar, la
capitale? Combien sont-ils, d'où viennent t'ils, comment sont-ils
arrivés quelles activités exercent t'ils, pourquoi sont-ils
installés au Sénégal, pour combien de temps, quels sont
leurs objectifs ou aspirations, quels liens avec leur pays d'origine ?
Cette présence ne passe pas inaperçue et
amène à différentes représentations locales,
comment, de quelle manière, sont perçus et accueillit les
ressortissants asiatiques au Sénégal ?
Ces derniers ne formant pas la seule communauté
étrangère au Sénégal, qui sont les autres
protagonistes implantés dans ce pays de l'Afrique de l'Ouest.
La troisième partie étudiera la relation
sino-sénégalaise dans le contexte plus global de la
Chine-Afrique.
Le Sénégal est il caractéristique de ces
relations ?
L'étude de son sous-sol, de ses ressources potentiellement
exploitables, sa position géographique seront analysés au premier
chapitre.
Le deuxième chapitre retracera l'histoire des rapports
sino-africains, de la conférence internationale de Bandung, au dernier
forum de l'année 2006.
Enfin, quels sont les enjeux et perspectives pour les
Sénégalais et plus généralement pour les Africains
induits par les relations Chine-Afrique ?
PREMIÈRE PARTIE : LA PRÉSENCE CHINOISE
AU SÉNÉGAL
CHAPITRE I : ÉTAT DES LIEUX
1. La diplomatie : un pragmatisme de part et d'autre
L'ambassade de la République Populaire de
Chine1 installée avenue des Ambassadeurs dans le quartier
Fann (confer photos ci-dessous) est le symbole matériel du
rétablissement des relations diplomatiques
sino-sénégalaises. Ces relations sont fortement marquées
par un réalisme et un opportunisme, tant chinois que
sénégalais. Un pragmatisme donc qui va à l'encontre des
relations franco-sénégalaises, basées sur une
continuité historique, ce que François-Xavier Verschave appelle
la « Françafrique »2.
La Chine (carte A page 7) quant à elle, propose
à qui veut l'entendre et partager son point de vue, une relation «
gagnant-gagnant » : stigmatisant les effets de la colonisation, de la
décolonisation et des néocolonialistes.
« La Chine estime que l'exploitation et le pillage des
anciens et nouveaux colonialistes sont à l'origine de la pauvreté
des pays en voie de développement [PVD]3. En s'appuyant sur
leur supériorité technologique, la manipulation des institutions
financières internationales et l'ancien ordre économique
international, où ils occupent une place prépondérante,
les pays développés ont tiré, à travers des
activités économiques, financières et commerciales
inéquitables et irrationnelles, des profits exorbitants des PVD, de
sorte que ces derniers se trouvent accablés de dettes et
confrontés à de graves difficultés économiques.
Aujourd'hui, avec la globalisation économique, l'interdépendance
s'est accrue [elle propose une nouvelle donne politique internationale :] la
Chine pense que faire tout son possible pour aider les PVD est une obligation
internationale qu'elle doit remplir. La Chine n'ajoute aucune condition
politique à son aide. Pour répondre aux nouvelles
1 J'appellerai Chine ou RPC la République
Populaire de Chine et Taiwan la République de Chine.
2 Verschave, François-Xavier, De la
Françafrique à la Mafiafrique, Éditions Tribord,
Bruxelles, 2004.
3 Pour les abréviations, se
référer à la Liste des abréviations et
sigles pages 2 et 3.
circonstances [l'indépendance de l'ensemble des
États], la Chine a proposé de nouveaux principes d'aide
étrangère : égalité, réciprocité,
efficacité, diversité et développement en commun
».
La Chine s'appuie sur les principes déjà
énoncés lors de la conférence de Bandung en avril 1955 (cf
Troisième partie, Chapitre II, 1, page 124) et
réitérés en mai 1996 lors de la tournée africaine
du président Jiang Zemin4 - « proposition en cinq points
en vue de développer les relations sino-africaines :
1) être honnête et amical en vue de devenir des amis
confiants 24 heures sur 24 ;
2) se traiter sur un pied d'égalité, respecter
mutuellement la souveraineté et ne pas s'ingérer dans les
affaires intérieures ;
3) oeuvrer au développement en commun sur la base de la
réciprocité ;
4) intensifier les consultations et multiplier la
coopération dans les affaires internationales ;
5) s'orienter vers l'avenir en vue de créer un monde
meilleur. »5.
Quelle est la place du Sénégal dans cette
volonté chinoise de développer ses relations internationales : il
est au coeur même de ce mécanisme.
Le Sénégal profite ou subit, nous le verrons
plus loin, de cette impassible machine qu'est le ministère des Affaires
étrangères chinois. Ce ministère est actuellement
dirigé par M. Yang Jiechi (nommé fin avril 2007, il était
ambassadeur aux États-unis d'Amérique et remplace Li Zhaoxing
l'emblématique ministre, mais étant donné l'importance des
affaires extérieures dans ce pays, ce ministère est soigneusement
contrôlé par le président lui-même, M. Hu Jintao,
ainsi que ses grands prédécesseurs le faisait, Mao Zedong, Liu
Shaoqi ou Jiang Zemin par exemple).
Si le Sénégal n'est pas l'État africain le
plus intéressant pour la RPC (peu de ressources naturelles), il reste
néanmoins un partenaire, possédant certains atouts
(cf Troisième partie, Chapitre I, page1 18),
dans un continent subsaharien où les puissances historiques, le
Royaume-Uni et la France, remettent en question leurs obligations et
présences économiques et politiques (pour la France se
référer au Chapitre II, point 2 de la Deuxième Partie,
page 99).
4 Jiang Zemin (1926- ), homme d'État chinois,
président de la République Populaire de Chine de 1993 à
2003. Microsoft Encarta 2006.
5 Citations extraites de La Politique de la Chine
à l'égard de l'Afrique, Janvier 2006, pp. 67 à 106
(document officiel).
L 'Ambassade de la République Populaire de
Chine au Sénégal, route de la corniche Ouest angle avenue des
Ambassadeurs, Dakar, le 2 février 2007.
Le principal fait récent dans les relations
bilatérales est sans contexte le rétablissement de ces relations
le mardi 25 octobre 2005. Par la signature du «
Communiqué6 conjoint sur le rétablissement des
relations diplomatiques entre la République Populaire de Chine et la
République du Sénégal », les ministres des Affaires
étrangères, Cheikh Tidiane Gadio pour le Sénégal et
Li Zhaoxing pour la RPC, officialisent les relations diplomatiques (cf
photo).
www.bj.china-embassy.org
Rétablissement des relations diplomatiques
sino-sénégalaises le 25 octobre 2005.
Ces relations furent institutionnalisées le 7
décembre 1971 puis stoppées le 9 janvier 1996 sous la
présidence d'Abdou Diouf lors de la reconnaissance par Dakar (capitale
sénégalaise) de la République de Chine ou Taiwan. Ce
phénomène du chat et de la souris, ou reconnaissance pragmatique,
n'est pas isolé (cf Troisième Partie, Chapitre II, point
2, page 132).
6 Annexe presse et citations page 181.
Le Sénégal, conscient de la force
économique et politique de la RPC ne pouvait ignorer
éternellement l'actuelle quatrième puissance
mondiale7. « Une analyse objective et approfondie de la
géopolitique mondiale »8, « les États n'ont
pas d'amis, ils n'ont que des intérêts »9 affirme le premier
des Sénégalais, paraphrasant le général de
Gaulle.
Taiwan malgré sa vigoureuse politique du chéquier
ne pouvait concurrencer la Chine.
Dakar tente également par cette occasion de
réaliser un de ses objectifs majeurs : la RPC disposant du statut de
membre permanent du Conseil de sécurité à
l'ONU10 et disposant du droit de veto, elle souhaite depuis de
nombreuses années voir un État africain siéger au Conseil
de l'organisation mondiale.
Le Sénégal, de par son histoire, sa
stabilité politique et économique et son activisme panafricain,
est l'État le mieux placé pour ravir ce siège. A. Wade le
sait et agit en conséquence : les cinq membres permanents au Conseil de
sécurité de l'ONU étant les États- unis, la France,
la Russie, le Royaume-Uni et la RPC, le Sénégal devait
obligatoirement compter avec la voix chinoise.
Selon Cheikh Tidiane Gadio, le ministre des Affaires
étrangères, en mai 2005, soit seulement cinq mois avant le
rétablissement : « la Chine « n'est pas hostile » au
Sénégal, soulignant que sur les cinq membres du Conseil de
sécurité, quatre sont « très favorables »
à la candidature du Sénégal à un poste de membre au
Conseil de sécurité des Nations unies [...] il nous faut
absolument gérer le cas de la Chine. Nous ne pouvons pas dire tout ce
que nous faisons mais la Chine n'est pas hostile à notre pays [...] les
signaux sont plus que rassurants [...] tout faire pour que la muraille de Chine
ne soit pas un obstacle infranchissable »11.
Tout faire revient aujourd'hui à dire que la
reconnaissance de Taiwan était un obstacle réel aux ambitions
onusiennes. Car le Sénégal n'est pas le seul État africain
à briguer ce mandat, l'Afrique du Sud, le Nigéria, le Kenya,
l'Égypte, l'Algérie et la Libye sont ses principaux concurrents.
Cette erreur diplomatique apparaît aujourd'hui sans conséquences.
Mais ces dernières années (avant 2005), la diplomatie
sénégalaise dut mener des réflexions et actes prudents
afin de normaliser les relations avec Beijing12.
Le rétablissement est donc vécu comme une
certaines victoire. L'intérêt stratégique de cette relation
est sans équivoque.
Les autorités sénégalaises affirment par
ailleurs « comme son talon d'Achille l'absence de relations diplomatiques
avec Pékin, c'est-à-dire avec 20 à 25 % de
l'Humanité », et, « la Chine
7 Selon la Banque Mondiale.
8 Observateur Paalga du 17 avril 2007,
N° 6867.
9
rfi.fr du 26 octobre 2005,
http://www.rfi.fr/francais/actu/articles/070/article
39420.asp
10 Organisation des Nations Unies.
11 APS du 2 mai 2005.
12 Pékin, capitale de la RPC.
semble très loin, mais au point de vue
stratégique, elle est en fait proche de nous. Ignorer la Chine
équivaut à boucher soi-même la voie de dialogue avec un
pays puissant ».
Une phrase résume cette réconciliation, celle de
l'ambassadeur autrichien au Sénégal, président et
fondateur du centre de réflexion Europe-Afrique pour la
prévention des conflits et des crises internationales, Gerhard
Weinberger : « il suffit de savoir que deux et deux font quatre pour
savoir que la Chine dans ces cas-là et dans d'autres est totalement et
absolument incontournable »13.
Mais quelles sont les revendications, perspectives et moyens
de cette relation ? Concrètement, quelles sont les réalisations
déjà obtenues par les deux parties ?
La véritable revendication de la RPC est l'obligation
pour son associé diplomatique de ne reconnaître qu'une seule
Chine. Le Sénégal obéit à ce premier principe en
déclarant et affirmant dans le Communiqué conjoint sur le
rétablissement des relations diplomatiques entre la République
Populaire de Chine et la République du Sénégal, qu'il ne
reconnaît qu'une et unique Chine dans le monde. De fait, la RPC est le
gouvernement légal, Taiwan faisant partie intégrante du
territoire.
Toujours dans le cadre des revendications et propositions, la
Chine souhaite « se traiter avec sincérité pour approfondir
la confiance politique ». Elle veut augmenter les rapports, visites
officielles entre les deux États pour amplifier les échanges
entre les départements gouvernementaux, les institutions
législatives et les partis politiques.
Beijing propose de « coopérer suivant les
principes de réciprocité et de gagnant-gagnant pour un
développement partagé ». Encourager la coopération
dans des domaines aussi diverses que les infrastructures, l'agriculture,
l'exploitation des ressources naturelles, la culture, la médecine,
l'éducation et la formation sont également ses
priorités.
La Chine incite ses sociétés « performantes
» à tirer profit d'une « coopération mutuellement
bénéfique » en recevant aides et facilitées pour
leurs investissements et exploitation au Sénégal.
Concernant les Nations Unies et les relations internationales,
« la Chine est prête à intensifier sa concertation,
coordination et coopération avec le Sénégal au sein des
Nations Unis (ONU), de l'Organisation mondiale du Commerce (OMC), du Forum sur
la Coopération sino-africaine et dans d'autres enceintes
multilatérales, pour oeuvrer ensemble au développement du nouveau
type de partenariat stratégique sino-africain et à la promotion
de la paix, de la stabilité, du développement et de la
prospérité dans leurs régions et dans le monde
»14.
Ces revendications chinoises entrent donc dans le cadre de
l'Accord de coopération économique et technique entre la Chine et
le Sénégal. La Chine conformément aux idées
reçues a
13 APS du 25 juin 2006.
14 Citations extraites de
www.fmprc.gov.cn, 22 juin
2006.
une politique diplomatique offensive, au
Sénégal, et en Afrique plus largement. Ce terme, offensive, peut
bien sûr cacher plusieurs idées et raisons d'être. La
politique extérieure de la Chine au Sénégal est offensive
dans le sens où les règles strictes et précises sont
formulées. Les règles sont posées « cartes sur table
». Mais hormis le soutien sénégalais aux
sociétés chinoises, ces principes sont bénéfiques
aux deux parties, et, plus emprunts d'humanisme, de « coopération
mutuellement bénéfique » que néolibéraux ou
paternalistes.
Le second point de ce chapitre démontrera d'ailleurs
qu'elle ne tire pas un bénéfice incommensurable de ces
relations.
Que recherche la République du Sénégal
dans le rétablissement des relations diplomatiques avec la Chine ? A
première vue, elle participe à la tendance
générale, en Afrique, où Taiwan perd un à un ses
partenaires, ouvrant son territoire à l'État en passe d'instaurer
un nouvel ordre politique et, qui sait, économique mondial. Elle
projette son avenir et réfléchis à une éventuelle
place onusienne. Ces raisons sont certes suffisantes (possibilités de
commercer avec la première puissance démographique mondiale, le
prochain marché intérieur mondial, la future puissance
internationale et siéger à l'ONU) mais d'autres choix sont
intervenus dans cette décision.
La recherche de nouveaux partenaires économiques et
politiques sur la scène internationale est une des priorités des
différents gouvernements sénégalais depuis
l'indépendance en 1960 sous la présidence de Léopold
Sédar Senghor. Asie (Japon, Chine, Taiwan, Corée du Sud et Inde),
Amérique Latine (Brésil), Moyen-Orient (Iran) et Maghreb (Maroc,
Algérie), Amérique du Nord (États-unis et Canada) et
Océanie (Australie) sont les partenaires choisis par le
Sénégal pour pallier à la prépondérance
politique et économique française.
Lier des relations avec la RPC, les États-unis et
l'Iran est l'exemple du déploiement diplomatique
sénégalais sur la scène internationale : aucune
idée reçue, seule la qualité du rapport compte.
Ceci étant dit, je souhaite avant d'aborder
concrètement les aides entrant dans le cadre de la coopération
sino-sénégalaise, revenir sur ce choix chinois.
Lorsqu'il reconnaît la Chine continentale, le
Sénégal change dans un sens, un allié politique et
économique pour un autre, plus intéressant et ce sur tous les
plans, il faut le concéder. Que deviennent les aides de
Taipeh15 ? Les relations sont-elles intégralement
fermées ?
La réponse est non et oui. Non car Dakar désire
conserver « des liens économiques, commerciaux et culturels
»16. Oui car « Taipeh en a d'ailleurs immédiatement
tiré les conséquences en annonçant, le même jour,
outre le rappel de son ambassadeur, l'arrêt de tous les projets en
cours
15 Taipei ou Taipeh est la capitale de l'île de
Taiwan (République de Chine).
16 Op. cit. [8], page 11.
d'exécution dans le cadre de la coopération
sénégalo-taiwanaise »17. Taiwan ou l'île de
Formose selon l'appellation portugaise regrette amèrement cette
décision en déclarant « c'est sous la pression politique, et
appâté par une récompense financière, que le
Sénégal a repris ses relations diplomatiques avec la Chine
». Mais depuis 1996, de nombreux projets économiques et sociaux ont
été signés (voir tableau ci-dessous).
De 2001 à 2005, 200 milliards de Francs
CFA18, soit environ 305 millions d'euros, ont été
versé au Sénégal par l'île située sur la
façade maritime Est-asiatique19.
Motivation économique plutôt
qu'idéologique et politique, Taiwan ne rivalisa pas non plus dans les
domaines des aides, si importantes soient-elles, pour la population
sénégalaise.
La coopération
sino-sénégalaise
Loin de moi l'idée d'imposer la Chine comme
remplaçante de la France sur le plan économique, politique et
culturel, elle propose néanmoins des caractéristiques
intéressantes, parfois semblables et voisines de la politique
extérieure de la France au Sénégal. Cela tombe bien : le
gouvernement sénégalais souhaite lui diversifier ses
partenaires.
L'aide chinoise touche tous les domaines, tous les secteurs.
Si le rétablissement des relations est récent et ne
présente encore que peu d'exemples de coopérations et aides, je
vais tenter, grâce aux informations obtenues, de tracer les grandes
lignes de cette coopération sino-sénégalaise, avant et
après la parenthèse taiwanaise.
En guise de préambule, je dirai simplement que cette
aide est multiforme, multisectorielle et relativement importante pour un
État ne présentant pas de ressources
énergétiques.
Si les grands travaux et grandes réalisations
accaparent l'ensemble des crédits, la population n'est pas en reste et
profite de cette manne (se reporter à la carte B, page 16) :
ainsi deux années après l'officialisation de leurs relations, le
Sénégal a bénéficié (en novembre 1973) d'un
prêt de 50 millions de dollars remboursable en 25 ans (10 ans de
délai de franchise) pour des projets de développement rural
(hydraulique villageoise, riziculture du fleuve, barrages-écluses en
Casamance, aménagements sylvo-pastoral du nord, fixation des dunes...),
ainsi que pour un stade de 60.000 places à Dakar 20.
Pour plus de lisibilité, le tableau suivant énonce
les aides, réalisations, subventions et partenariats.
17 cp. cit. [9], p. 11.
18 FCFA : 1 Euro équivaut à 655,957
FCFA.
19 Mission économique de l'Ambassade de France
à Dakar.
20 Bulletin de l'Afrique noire, N° 886 du 27
octobre 1976.
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Certaines précisions sont nécessaires.
Antérieurement à la suspension des relations
officielles en 1996, la Chine apporta son savoir-faire et son aide
financière à la réalisation du stade de l'Amitié
à Dakar (et actuellement à la réfection des 11 stades
régionaux, le Sénégal comptant 11 régions
administratives).
Le barrage d'Affiniam en Casamance (Sud du
Sénégal, région naturelle de type mangrove) est une
réalisation hydro-agricole qui permit l'aménagement de cette
région en récupérant des terres cultivables. Aujourd'hui,
le résultat est extrêmement positif car 7000 hectares sur les
12000 ont été gagnés et distribués aux paysans pour
la riziculture, domaine où les chinois ont évidemment
apporté leur savoir-faire ancestral. Enfin, dernier point, la
salinité a baissé de 5 grammes au litre à 2, rendant donc
ces terres cultivables (sol autrefois surchargé en sel, dont la
population locale, la plus pauvre du Sénégal, à
besoin).
Désormais des experts chinois coopèrent dans le
maraîchage à Sangalkam21 (30 km à l'Est de
Dakar) à Matam (mission technique de 11 membres, Matam est proche du
fleuve Sénégal, au Nord-Est du pays) et à la riziculture
à Podor (située sur le fleuve Sénégal au Nord du
Sénégal, à 215 km de Saint-Louis), l'objectif étant
l'autosuffisance alimentaire, prédite en 2015 par le ministre du
Commerce, de la consommation et de l'artisanat, Khoureïssy Thiam.
Le pétrole est également au centre de la
coopération : une délégation chinoise composée
entre autres du directeur adjoint de la Compagnie pétrochimique de Chine
(SINOPEC) vint courant 2006 sur le territoire de l'État africain dont la
devise est « Un Peuple - Un But - Une Foi », devise inscrite sur
l'obélisque au Nord du boulevard du général de Gaulle (cf
photos ci-dessous). Cette compagnie qui a investi plusieurs milliards de
dollars en Afrique (spécialisée dans la prospection) ouvre de
nouvelles perspectives au gouvernement sénégalais.
Au niveau culturel la Chine reprend les projets taiwanais,
ainsi l'Université du futur, la Bibliothèque Nationale, les
espaces jeunes. Les étudiants sénégalais obtiennent par
ailleurs des bourses de Pékin (environ 60 à 70 bourses annuelles
seulement comparées aux 40 visas journaliers
accordés22) et des professeurs chinois enseignent à
l'Université Cheick Anta Diop de Dakar, à Thiès (Est de
Dakar) et à Saint-Louis.
Un gigantesque projet est en cours de réalisation : le
parc culturel national. Situé près de la gare ferroviaire et
ayant une emprise au sol de 30 hectares, il accueillera le Grand
théâtre national, l'École d'architecture, les Archives
nationales, l'école des Beaux Arts, la bibliothèque nationale,
21 Annexe presse et citations page 181.
22 Selon Monsieur Liou de la mission
économique chinoise de Dakar.
le musée des civilisations et le musée d'art
contemporain. Ce sont les sept merveilles de Dakar, selon A. Wade.
Entièrement financé par la RPC, il préfigure le Dakar de
demain.
Dans la santé, une assistance est octroyée
à la lutte contre le paludisme. Selon l'Agence de Presse
Sénégalaise (APS), par laquelle j'obtins ces informations, «
la fourniture de médicaments contre le paludisme d'une valeur de 2
millions de yuans (environ 1,3 milliard FCFA soit près de 2 millions
d'euros) » est transmise par la RPC ; sans omettre les médecins
chinois envoyés en renfort dans les principaux hôpitaux
sénégalais et les recherches sur le qinghaosu, ou
artémisine, menées par Zhenxing Wei, décédé
en 199923.
Ce traitement semble porter ses fruits car « selon les
experts chinois, la Chine a fait des progrès considérables dans
la lutte contre ce fléau, du fait que le nombre de malades est
passé de 60 millions en 1949 à 35 000 aujourd'hui sur tout le
territoire national. »24. L'ouverture du séminaire le 20
Novembre 2006 à Dakar, sur la coopération
sino-sénégalaise dans la lutte contre le paludisme, est donc
justifié et prometteur.
La Chine offre identiquement 300 000 euros au Fonds de
Solidarité numérique (structure créée par le
président maître A. Wade) ; un lot de matériel
bureautique25 d'une valeur de 750 millions FCFA (environ 29 000
euros) au Conseil de la République pour les Affaires Économiques
et Sociales (CRAES).
Elle signe un contrat de financement pour 70 millions de
dollars en faveur de la SENELEC (Société nationale
d'électricité du Sénégal), par le biais de
l'entreprise China National Machinery dont l'objectif est la
réhabilitation des installations à Dakar.
Preuve en est que la Chine distribue également aux
populations autochtones, si, toutefois, l'argent est bel et bien réparti
: Li Zhaoxing, ancien ministre des Affaires étrangères remet
à son homologue un chèque de 200 000 dollars en faveur des
sinistrés d'inondations de grande ampleur, malheureusement
récurrentes au Sénégal en hivernage (ou saison des pluies,
typique du climat sahélien), qui touchèrent Dakar fin août
2005.
Les deux pays relancent les vieilles coopérations
datant des années 1970, par exemple, entre l'agence de presse
Xinhua (Chine Nouvelle) et l'APS permettant un échange
d'informations et d'expériences. Chen Shun le chef du bureau de l'agence
Chine Nouvelle fut d'ailleurs formé à l'Université de
Dakar.
23 En annexe page 181.
24 Xinhua du 21 novembre 2006,
www.china.org.cn/french/275547.htm
25 « 6 ordinateurs Pc, 8 ordinateurs portables, 9
onduleurs, 12 cartouches imprimantes, 6 imprimantes laser, 2 appareils
numériques et 2 caméras numériques ».
Le Soleil du 31 mars 2007.
Au sein de l'Assemblée Nationale, je constate la
création d'un groupe d'amitié Chine- Sénégal qui
permet les relations entre les deux Parlements. L'échange de
délégations, échanges de points de vue concernant les
grandes organisations internationales dont elles sont membres, par exemple,
l'Aicesis ou Association internationale des conseils économiques et
sociaux et institutions similaires. Le Sénégal pourrait à
cette occasion rappeler à la Chine que le pluralisme politique (partis
d'opposition) est un gage de démocratie.
Une relation de bien moindre importance est le sport. La
Chine construit en Afrique de prestigieux complexes, souvent footballistiques.
Le football en Afrique Subsaharienne est pour les jeunes, une des seules
possibilités de s'exiler et est avec la lutte, le sport national au
Sénégal. Il n'est donc pas étonnant que des équipes
chinoises aillent chez les Lions (appellation de l'équipe nationale
Sénégalaise) rencontrer les équipes autochtones et y faire
des stages de préparation. L'athlétisme pourrait également
être au coeur des relations sportives.
Le secteur militaire est lui aussi concerné dans ces
nouvelles relations bilatérales. Le 3 mars 2006, « le chef
d'état-major général des forces armées du
Sénégal, Pape Khalilou Fall, a eu, jeudi à Pékin,
avec le ministre chinois de la Défense nationale, Cao Gangchuan, des
entretiens à l'issue desquels les deux hommes sont convenus de
consolider les relations militaires entre leurs pays ». Si la source (APS)
ne présente pas les perspectives de cette relation militaro-politique,
je peux simplement présumer un échange de savoir-faire (chinois
et français dans le cas du Sénégal) et des pourparlers
concernant la présence militaire chinoise au Soudan et dans les futurs
conflits africains.
Un traitement douanier avantageux est réservé
aux exportateurs sénégalais. Selon l'APS, « quelque 194
produits d'origine sénégalaise peuvent bénéficier
d'un traitement douanier préférentiel de la Chine [...] cette
initiative chinoise concerne essentiellement les produits halieutiques,
agricoles, miniers, chimiques, des cuirs et peaux, du bois, du coton, du
textile et des vêtements, des produits de la bijouterie et d'artisanat
». Dakar souhaite par la même occasion provoquer certains
partenariats, ciblés, tels le riz, l'arachide et l'asperge, les
filières horticoles, l'aquaculture, les télécommunications
et informatiques, le textile et la création d'unités d'assemblage
de produits intermédiaires chinois dont l'électroménager,
de la quincaillerie, des matériaux de constructions, des produits
textiles et des chaussures .
En définitive, le but recherché est clairement
affiché par les économistes sénégalais : « la
partie sénégalaise voudrait d'une utilisation du
Sénégal, comme plateforme de distribution de la
sous-région à l'instar de Dubaï »26.
La Chine annule les dettes des États africains et le
Sénégal ne fait pas exception : elle a annulé la dette
bilatérale pour un montant de 10 milliards de FCFA (plus de 15 millions
d'euros). Le titre du Moniteur Africain 1V° 451 du 21 mai 1970
est visionnaire, en remplaçant toutefois « Afrique » par
Sénégal : « CHINE POPULAIRE : le commerce avec l'Afrique,
d'un volume modeste, veut être avant tout, l'affirmation d'une
présence politique ».
J'ai, dans ce premier point, énumérer les
principales clauses rentrant dans le cadre des relations diplomatiques entre
ces deux pays étudiés, que sont le Sénégal et la
Chine. Ces relations très récentes27 ouvrent
néanmoins de nombreuses portes et possibilités de
développement au Sénégal. L'économie, le commerce,
l'agriculture, la science, la technologie, le transport, l'infrastructure et la
mise en valeur des ressources humaines sont autant de domaines à
explorer entre les deux parties. Un exemple, la volonté de A. Wade de
développer son pays en incitant les sociétés chinoises
à s'installer, comme en témoigne l'APS, le 25 juin 2006, lors du
voyage en Chine du chef de l'État : « [j'ai] demandé aux
entrepreneurs chinois de venir s'établir au Sénégal afin
de bénéficier des facilités accordées dans le cadre
de l'AGOA (Loi américaine pour la croissance et les opportunités
d'affaires en Afrique) ». Les relations bilatérales vont permettre
une intensification des consultations et des coopérations à
l'échelle internationale comme régionale.
A ce stade, il est nécessaire de visualiser la
présence chinoise au Sénégal, en termes
économiques.
26 Ces citations ressortent des différents
articles de l'APS (organisme de presse officiel avec Le Quotidien, et,
Xinhua pour la Chine),
www.aps.sn
27 Voir en annexe Visites et rencontres
officielles les relations diplomatiques depuis 2005, pages 145 et 146.
Obélisque de l'indépendance du
Sénégal. Ce monument est situé à
l'extrémité Nord Du boulevard du général de
Gaulle. Le 3 février 2007.
2. L'économie : un partenariat prometteur
Ce titre résume bien l'état des lieux
économique de la position chinoise au Sénégal. La Chine,
d'années en années, se positionne comme un partenaire non
seulement de plus en plus important, viable, mais surtout, comme un des tout
premiers importateurs et exportateurs.
En 2005, la Chine devient le quinzième importateur,
ou, pays client du Sénégal ; elle figurait à la
quarantième place en 2000. Identiquement, elle se classe au
septième rang des exportateurs en 2005 ; elle gagne cinq places en cinq
ans (voir graphique 1). La RPC devient donc incontournable dans
l'économie sénégalaise. Bien sûr, elle reste
considérablement en deçà du rôle économique
global de la France et des États européens. Mais sa
responsabilité est ailleurs. Elle se trouve dans l'économie dite
micro-économique (consommateurs) et dans ce domaine, son implication est
grande, même si la Chine en tant qu'État n'y joue que peu de
fonctions.
Il convient dans cette subdivision du premier chapitre
d'éclairer le lecteur sur la présence économique chinoise
au Sénégal. Pour ce faire, je vais décrire et analyser
cette section graduellement, en y appliquant une relation d'ordre
décroissante. La place de la Chine dans l'économie
sénégalaise en premier lieu en incorporant les importations et
exportations, les secteurs économiques où la Chine investit et
joue un rôle, les grandes réalisations chinoises au
Sénégal et en dernier lieu, la responsabilité directe et
indirecte de la Chine dans l'économie informelle dans la
République du Sénégal, dont les produits made in
China.
La place de la Chine dans l'économie
globale
Tout d'abord un peu de prospective. Si la Chine continue sur
la même évolution, elle sera au premier rang des exportations
sénégalaises en 2008 et en 2012 pour les importations. Bien
sûr, cette progression sera plus lente au fur et à mesure qu'elle
se hissera dans ce classement, mais tout de même, sur cette
période 2001-2005, l'ascension (graphique 1) est fulgurante et
prometteuse ! Si l'on fait la moyenne entre les rangs exportations et
importations, la Chine figure en 2005 à la 1 1e place, elle
se trouvait à la 26e cinq années auparavant.
La Chine et le Sénégal, au regard de ces
chiffres, n'ont pas attendu la reprise des relations en Octobre 2005 pour
commercer. Pourtant, ces échanges commerciaux restent modestes. Dans
l'annexe Ta page 147, sur la période 1996-2005, les exportations
sénégalaises vers la Chine ne dépassent pas les 2 %, les
importations 4 %. C'est peu, quasiment insignifiant. Toutefois, les
exportations comme les importations augmentent régulièrement. Il
faut nuancer. Les exportations du Sénégal vers la Chine restent
faibles. Les importations28, à l'opposé, sont plus
importantes comme le démontre le graphique 2. Le rouge
représentant les importations sénégalaises de Chine
l'établi. Les courbes, dans les deux cas, augmentent. Le graphique
3 propose la même tendance sur la période 1996-2005. Sur ce
dernier, un fléchissement est visible en 1997 et 2000. Le premier
correspond à la reconnaissance de Taiwan par le Sénégal,
le second est plus ardu à définir. S'agit t'il d'un fait
isolé au cas chinois ? Il semble que non.
28 Doing Business, pratique des affaires en
2006-créer des emplois, Éditions ESKA, Banque Mondiale,
2006.
Une parenthèse s'impose : il faut savoir que le
Sénégal figure en bonne position dans le classement «
où est-ce facile d'exporter » de la Banque
Mondiale, page 71. Il faut 6 jours, le Danemark en comparaison, premier
sur cette liste, est à 5. Par ailleurs, pages 120 à 122, le
tableau « commerce transfrontalier » nous indique certains
éléments : il faut 6 documents pour l'exportation au
Sénégal (6 en Chine et 7 en France) ; il faut 8 signatures (7 en
Chine et 3 en France) ; il faut donc 6 jours (20 vers la Chine et 22 en
France). Concernant l'importation, il faut 10 documents (11 en Chine et 13 en
France) ; 12 signatures (contre 8 en Chine et seulement 3 en France) et 26
jours (pour 24 en Chine et 23 en France). Une dernière donnée, la
« facilité de faire des affaires » classe le
Sénégal à la 132e position (la France est
44e, la Chine 9 1e).
Sur les graphiques 4 et 5, une légère
baisse dans les exportations et importations est visible. Concernant les
exportations, en 1997, une relative baisse s'opère pour l'Europe,
l'Amérique et l'Asie mais en 2000-2001, seules les régions Asie
et Afrique sont touchées. Il faut donc noter que la Chine n'est pas
isolée dans cette baisse des exportations sénégalaises et
notamment pour l'année 2000 (1996-1997 s'explique, principalement, par
l'arrêt des relations bilatérales). Pour les importations, la
même constatation s'impose : en 1996-1997, l'Asie et l'Amérique
sont touchées, en 2000, l'Europe, l'Amérique et l'Asie. Je
conclurai cette analyse en affirmant une relative décroissance des
échanges commerciaux du Sénégal en 1996-1997 et surtout en
2000.
Je reviens sur ces exportations sénégalaises
vers la RPC. En m'appuyant sur les graphiques 6, 7 et 8, je
démontre l'augmentation croissante de ces exportations. Le nombre de
produits (5 à 18), leurs valeurs (1 213 771 952 à 3 973 342 711)
ou leurs poids (1 584 834 à 6 564 911) en atteste29.
Quelles sont ces exportations, quelle en est la nature ?
C'est le secteur de la pêche qui accapare l'ensemble des produits. Le
coton en second, les « peaux brutes de bovins ou d'équidés
», les « dérivés halogènes des
hydrocarbures30 », les « autres produits » et les
« voiture de tourisme, autres véhicules de transport de personnes
» enfin31.
À ce sujet, les voitures chinoises, une
parenthèse s'avère nécessaire. Ces dernières
années, les constructeurs chinois, en retard technologiquement,
achetaient les moteurs japonais, réputés
29 Ces figures ont été
réalisées à l'aide des données de l'annexe
Ib, page 147.
30 Éléments chimiques tels que le
fluor, le chlore, le brome, l'iode et l'astate,
www.wikipédia.org
31 Annexe Ic, page 148.
fiables, pour les monter sur leurs automobiles bon
marché. La Chine vend d'ores et déjà des moyens de
locomotion en Afrique, ce n'est pas une nouveauté, elle vend des motos
et mobylettes à Douala, au Cameroun par exemple à trois fois
moins cher que ses concurrents : « les Camerounais se sont donc
équipés en masse pour développer un nouveau métier
: moto-taxi. » [...] « C'est bien ça a amorti la
pauvreté au Cameroun, maintenant c'est à la portée de
n'importe qui, n'importe quel Camerounais peut avoir une moto, les Chinois ont
gagné le marché, ils ont simplifié la vie, la vie est
devenue un peu moins cher »32. Mais la nouveauté, est la
création dans les usines chinoises de moteurs 100 % Chinois. La
découverte du tout premier concessionnaire en Afrique de l'Ouest, Espace
Auto, est importante. La vendeuse, peu formée à répondre
à des questions exigeant des réponses précises, m'apporte
cette seule information, qui vaut toutes les informations, sur ces
modèles (annexe Id, page 149) moins chers que la
Logan33 : après les scooters et autres deux-roues, ce sont
les voitures que la Chine tente d'exporter sur le continent africain, si besoin
est, en bradant la voiture.
Au sujet des importations, grâce à l'annexe
Ie, page 150, je peux distinguer les produits importés. Le
thé, le tissu, les chaussures, les « machines et appareils pour le
conditionnement de l'air », les « appareils récepteurs de
télévision, y. c. vidéo » et « autres produits
» représentent la majorité des importations.
Avant d'éclairer au mieux le lecteur et de
définir les principaux secteurs d'activité où la Chine
joue un rôle important ou du moins non négligeable, je dois
remettre la place de cet État au niveau international. La Chine fait
partie de la région géographique Asie. Quatre autres
régions sont analysées, l'Europe, l'Afrique, l'Amérique,
l'Océanie. Selon le classement de l'ANSD, certains partenaires
économiques, ne pouvant être intégrés dans ces
régions, sont classés dans Autres.
Quelle est l'évolution des exportations (graphiques
9, 10 et 11) et importations (graphiques 12, 13 et 14)
sénégalaises pour la période 2001-2005 selon les
régions ? Dans ces différentes figures, on perçoit bien la
place occupée par l'Asie : c'est la troisième région
cliente du Sénégal et de même pour les importations
sénégalaises, derrière l'Europe et l'Afrique, mais devant
l'Amérique et l'Océanie. L'Europe y est donc
prépondérante, s'expliquant par le facteur historique (Traite,
colonisation, décolonisation, néocolonialisme). L'Afrique de par
sa proximité géographique est de fait en seconde position, il est
naturellement plus aisé pour un État d'échanger, de
commercer avec les marchés voisins que distants.
32 Un oeil sur la planète, que fait la
France en Afrique ?, 5 Décembre 2005, France 2.
33 La Logan est une automobile Dacia (marque du
groupe Renault) fabriquée et destinée au marché Est
Européen (Roumanie et Bulgarie notamment puis au marché
Sud-américain). Son prix minimum s'accorde sur ses prestations minimums.
Les constructeurs chinois (Chery et GWM) et leurs voitures (Chery, Safe ou
Hover) sont les copies conformes de cette volonté d'inonder les
marchés africains et Sud-américains peu enclins à se
pourvoir d'autos européennes et américaines, inaccessibles.
La logique historique voudrait pourtant que ce soit
l'Amérique et en tête les États-unis qui devancent
économiquement les pays asiatiques. Mais la conférence de Bandung
y est pour une large part, responsable de ce constat (point 2. du Chapitre
II de la Troisième partie, page 132). D'ailleurs les
États-unis, plus soucieux de protéger leurs points d'ancrage
pétroliers et sécuritaires en Afrique Subsaharienne, en oublient
certains principes diplomatiques essentiels (et peu estimés de
l'actuelle équipe présidentielle étasunienne), dont
celui-ci : une bonne relation diplomatique commence par de bonnes relations
commerciales. L'Asie tient donc sa place. Mais dans cette Asie, que
représente la RPC ? Car c'est bien là une question essentielle.
Elle représente 2,84 % des pays clients (exportations du
Sénégal) et 16,42 % des pays fournisseurs (importations) sur
cette période. Soit, une moyenne de 9,63 %. La Chine représente
donc environ 9 % des échanges commerciaux du Sénégal avec
l'Asie, elle-même classée en troisième position des
régions partenaires du Sénégal34. C'est peu.
C'est modeste.
34 Données en Annexe If, page 151.
Je vais maintenant changer d'échelle et examiner la
position chinoise par rapport à certains États,
délibérément choisis. La France, les États-unis, le
Liban, la RPC, l'Inde, la République de Chine et le Brésil sont
ici étudiés en raison de leur particularités historiques
(France, États-unis et Liban) et économiques (Inde et
Brésil). J'aurai pu ajouter certains États africains tels le
Mali, la Côte d'Ivoire par exemple, pour leurs liens historiques et
économiques, toujours mais autres, avec le Sénégal, mais
ceci n'aurait eu comme effet que d'alourdir l'étude de données
non essentielles à la compréhension.
Les graphiques 15, 16, 17, 18, 19 et 20 et les cartes
C et D, pages 32 et 33 expriment l'idée de la place de la Chine en
comparaison de ces pays.
30
À l'export, elle se classe derrière l'Inde, la
France et devant les États-unis, Taiwan, le Liban et le
Brésil.
À l'import, elle est toujours en troisième
position mais cette fois derrière la France et les États-unis et
devant le Brésil, l'Inde, Taiwan et le Liban.
Cette période définie (2000-2005) permet de
faire une moyenne des exportations (3,61 %) et importations (7,86 %)
sénégalaises par rapport à la Chine continentale. Elle
permet par ailleurs une évolution des exportations (négative) et
des importations (positive). Par conséquent, le Sénégal
exporte de moins en moins et importe de plus en plus vers et envers la
République Populaire de Chine.
Je ne détaillerai pas plus ces graphiques, mais il
faut remarquer dans, l'Évolution des exportations
sénégalaises en millions de francs CFA par pays
étudié, que les pays sont scindés en deux groupes : le
groupe à évolution positive comprenant les États-unis
d'Amérique, l'Inde et la République de Chine et le groupe
à évolution négative où la France, le Liban, la
Chine et le Brésil importent moins de produits
sénégalais.
Sur la figure Évolution des importations
sénégalaises en millions de francs CFA par pays
étudié, aucune distinction hormis de par l'importance de ces
importations, ne peut être faite. Le Sénégal importe
beaucoup et de façon croissante et exporte peu, de façon
discontinue, selon ses partenaires.
De même, je peux démontrer à
l'échelle régionale les rapports économiques entretenus
avec le Sénégal (cartes E et F pages 36 et 37). L'Europe
ainsi que l'Afrique sortent du lot respectivement avec 37,2 % et 32,8 % pour
les exportations et 63,8 % et 18 % pour les importations. A l'export, l'Asie en
troisième position importe 18,5 % du total des exportations (en millions
de FCFA) et devance l'Afrique à l'import avec 18,6 %. Les
Amériques, l'Océanie et « Autre pays » sont de moindre
importance. Le lecteur pourra par ailleurs apprécier l'évolution
des échanges commerciaux sur les deux cartes. Concernant les
importations, l'Asie double son volume de 1996 à 2005.
Ayant je l'espère éclairci le lecteur par ces
données, il convient de synthétiser cela.
Premièrement, la balance commerciale
Sénégalaise est déficitaire, comme la majorité des
États d'ailleurs, les États-unis y compris. Sur le graphique
21, le Sénégal est seulement bénéficiaire avec
Taiwan (au troisième trimestre 2006) et de 150 millions de FCFA soit
environ 230 000 euros. Sur une échelle-temps plus grande (graphique
22), entre 2000 et 2005, seuls l'Inde et le Liban dans une moindre mesure
apportent une balance commerciale positive au Sénégal. La
conclusion est simple : l'Inde importe des phosphates (Deuxième
partie Chapitre II, page 109) et ne vend que très peu au
Sénégal. Le Liban de par sa communauté présente au
Sénégal, achète certains produits
finis. Les autres partenaires exportent beaucoup, importent
peu. La Chine plus précisément, exporte une quantité non
négligeable de thé, de textile, de matériaux de
construction pour ne citer que ces exemples. Ses importations
sénégalaises (pêche et tissus) ne comblent pas
l'excédent (Annexe Ib, page 147). Sur la période
2000-2005, elle importe pour 0,48 % des exportations totales du
Sénégal et exporte pour 3,11 %. Pour l'Asie, elle dépasse
les 15 % dans les importations sénégalaises mais est à
environ 2 % pour les exportations vers ce continent économique. Si
certains secteurs ressortent, la pêche, le textile, il n'en reste pas
moins que le poids chinois sur l'économie de l'État d'Afrique de
l'Ouest est ailleurs.
Ayant visualiser la place de la Chine dans l'économie
sénégalaise, je vais décrire les secteurs importants
rentrant en ligne de compte dans leurs relations commerciales : la pêche
et ses produits halieutiques, le textile, les matériaux de construction,
les marchandises made in China et les grands projets
gouvernementaux.
Pénétration chinoise dans les secteurs
économiques sénégalais : cas de la pêche
Le secteur de la pêche au Sénégal est
d'une importance capitale. Ce secteur participe à hauteur de 21,7 % des
recettes d'exportations ou 165 milliards de FCFA, en 2005.
La pêche artisanale permet à des milliers de
foyers de se nourrir, de vivre tout simplement35 : la population
active dans cette activité est de 103 843 dont 96 030 hommes. Environ 15
% de la population active sénégalaise vit de la pêche.
Il faut par conséquent distinguer la pêche
artisanale de la pêche industrielle, soit, comme dans tous les pays
à l'échelle monde. La pêche artisanale donc concentre 5 000
pirogues et 89 % des débarquements de la pêche maritime globale.
Il faut savoir qu'en parallèle de la raréfaction des ressources
halieutiques, le parc piroguier s'est vu amputé de 48 % : de 10 707
pirogues en 1997, il est passé à 5615 en 2005. Les
quantités débarquées représentent paradoxalement
406 248 tonnes en 2005 contre 394 996 en 2004. Les principaux produits sont les
poissons, les mollusques et les crustacés.
Ce secteur crée de l'emploi, occupé par les
hommes sur les pirogues (voir photo ci-dessous) et féminin pour la
transformation des produits. 58 % des produits alimentaires halieutiques sont
consommés au Sénégal. Les 42 % restants sont
exportés en Afrique de l'Ouest à 97 %, en Europe pour 2 %. Le
reste en Asie36.
Le poisson, fait partie intégrante de la culture et de
l'alimentation sénégalaise. Le Thieb bou Djen, plat
local très bon marché préparé à base de riz
et de poisson grillé en est l'exemple. La viande, de bonne ou mauvaise
qualité étant onéreuse, le poisson est le plat
indispensable à la santé (apport de protéines), restant
accessible à la majorité. Si la pêche artisanale correspond
à l'ensemble des débarquements de la pêche maritime
Sénégalaise, je ne vais pas négliger la pêche
industrielle, d'autant que c'est ce secteur qui m'importe dans
l'étude.
35 Selon la source ci-dessous [36].
36 Situation Économique et Sociale du
Sénégal Édition 2005, Agence Nationale de la
Statistique et de la Démographie (ANSD).
Preuve de l'importance de cette activité, le
village de pêcheurs en contrebas du palais présidentiel,
auprès de l'Océanium, sur le Plateau dakarois. Le 29
février 2007.
La pêche industrielle au Sénégal
représentait en 2005 138 navires, 36 097 débarquements. Elle est
strictement implantée à Dakar et inclut des armateurs
étrangers. Selon la Situation Économique et Sociale du
Sénégal de 2005, « elle ravitaille le frigorifique du
port, et les usines de transformation. La pêche chalutière, la
pêche thonière et la pêche sardinière constituent les
trois composantes de la pêche industrielle. Elles ont
débarqué en 2005, 50 900 tonnes avec une hausse de 12,8% par
rapport à l'année 2004. ».
La pêche chalutière assure 71 % des
débarquements, 2 % pour la pêche sardinière et 27 % pour la
thonière. Les exportations de produits halieutiques sont de 118 712
tonnes en 2005 (+ 1,1 % par rapport à 2004) pour une valeur de 165,14
milliards de FCFA (environ 250 millions d'euros). L'Europe importe à 66
%, l'Afrique, 25 % et l'Asie 7 % (+ 5,5 % par rapport à 2004) sont les
principaux clients. L'Asie importe pour 0,006 tonnes donc 6 kilos, soit environ
4 milliards de FCFA (ou environ 6 millions d'euros) en 2005.
Quelle est la place de la Chine dans ces statistiques ? Il
est difficile de le savoir. Les seuls chiffres plausibles sont 16 375 972 FCFA
de l'annexe Ib « Poissons plats (Pleuronectides, Bothides, Cynoglossides,
Soleides, Scophthalmides et Citharides) ». Selon une autre source, en
Annexe Ic, page 148, le total en 2005 des exportations
sénégalaises (halieutiques) vers la Chine serait de 561 998 679
millions de FCFA. Ce chiffre plus vraisemblable se rapprocherait de la
vérité.
Mais la Chine n'est pas seulement importatrice, elle
participe activement au développement du secteur de la pêche au
Sénégal, et bien sûr, à l'exploitation de ses
ressources. À ce sujet, le numéro 204 de l'hebdomadaire La
Documentation Africaine, du 26 octobre 1976, annonce déjà cet
enjeu37.
37 En annexe entretiens, page 182.
Les sociétés Sénégal Pêche
et Sénégal Armement « sont deux sociétés de
droit sénégalaises qui ont des partenaires Chinois. 51 % du
capital est détenu par le privé sénégalais.
»38. Ces entreprises détenues à 49 % par des
capitaux chinois (filiales de l'entreprise d'État China National
Fisheries Cooperation (CIFC), premier groupe chinois de pêche)
exercent depuis les années 195039. Sous contrôle
japonais et dirigée par une famille Italienne, ces
sociétés Sénégal Pêche et
Sénégal Armement sont revendues aux Coréens au milieu des
années 1970, la cause étant le coût de la main d'oeuvre.
Les Japonais deviennent négociants et vendent les navires aux
Coréens, moins exigeants en terme de salaires. En 1984, les
Coréens peu compétitifs et détruisant les ressources
halieutiques du Sénégal par surexploitation des fonds marins,
revendent les entreprises aux Chinois qui désirent investir en Afrique
du fait de la raréfaction des ressources sur la façade maritime
chinoise (Mer de Chine Méridionale). Ces derniers prisent un certain
poisson jaune devenu introuvable en Asie du Sud-Est. Selon M. Yin : « un
besoin intérieur, une opportunité extérieure ». Fin
1984, la première flottille chinoise (pavillons de
complaisance40) débarque à Dakar mais étendant
leurs zones de pêche jusqu'en Guinée Bissau, ils se font
notoirement remarquer et accusent certaines critiques.
Cette année, le président de la
société Africamer (qui ne m'aura jamais accordé
d'entretien malgré mes nombreuses relances) El Hadji Daouda Faye, actuel
ministre des Sports41, ne paie qu'une fois sur cinq la
société codétenue par les Chinois, d'où une
accumulation de dettes (10 milliards de FCFA) envers cette dernière.
S'ensuit une crise sociale, où environ 2000 emplois sont directement
remis en cause, comme en témoigne la presse locale42.
Heureusement, la bonne gestion de Sénégal
Pêche et Armement permet la sauvegarde des salaires, donnant aux
dirigeants chinois une image positive (65 % des créances sont
abandonnées, le reste dans les années suivantes). Actuellement,
la société possède 14 chalutiers glaciers et 12 chalutiers
congélateurs dont la moitié naviguent.
Plus simplement, une entité (Sénégal
Armement, premier armateur au Sénégal) exploite et l'autre
(Sénégal Pêche) transforme (c'est l'une des plus grandes
unités de transformation de poisson dans ce pays). Elles se distinguent
par leurs activités élargies, permettant de la pêche au
conditionnement, d'exporter les produits selon les normes internationales
(norme du froid). D'ailleurs, la transformation sur place occasionnant de la
valeur ajoutée et surtout, exportant au
38 Entretien avec Monsieur Dougoutigui Coulibaly,
secrétaire général du Groupement des Armateurs et des
Industriels de la Pêche au Sénégal (GAIPES).
39 Historique selon Monsieur Yin, entre autres,
propriétaire du restaurant La Noix d'Or à Dakar (cf
carte 0 page 180 et l'annexe entretiens page 161). Il travailla
à Sénégal Pêche.
40 Bateaux immatriculés au
Sénégal pour avoir accès aux eaux territoriales
sénégalaises.
41 Confirmation sur le site du Ministère des
sports,
www.sports.gouv.sn
42 Presse et citations page 182.
minimum à 80 % (par rapport au C.A.) permet d'obtenir
le statut de l'entreprise franche. Une réserve cependant,
Sénégal Armement ne bénéficie pas
d'exonérations (portant sur les avantages fiscaux et douaniers).
Toujours selon M. Yin, Africa Sea Food,
dirigée par un certain « Tian », eut le projet de créer
une usine spécialisée dans les sardinelles, financée par
la Banque Mondiale. L'usine sitôt construite fut fermée du fait de
contentieux à propos de la caisse de recouvrement. La presse locale
accusa la « mafia chinoise » de profiter des aides.
Toutefois, trois années après la reprise par les
actionnaires chinois, Sénégal Pêche devient le leader du
secteur et se permet de doubler son chiffre d'affaires par rapport à
Africamer. En 1999, année exceptionnelle s'il en est, 45
millions de FCFA sont comptabilisés grâce à «
l'année du poulpe »43 (généralement
l'entreprise est plutôt proche des 25 millions de chiffre d'affaires). En
1999 toujours, la société emploie 2000 employés dont une
quinzaine de Chinois originaires de la province du Henan.
En complément, je citerai la Direction de la
Protection et de la Surveillance des Pêches, en annexe, page
182.
Afin de conclure sur le secteur de la pêche, je citerai
certains faits et anecdotes intéressantes. Aujourd'hui, le
dépôt de bilan à Africamer est imminent.
Malgré une démarche auprès du président Wade et une
aide financière gouvernementale, l'entreprise stagne. La cause : ces
années de détournements imputables aux dirigeants
sénégalais. La pêcherie frigorifiée n'est plus
rentable. Elle aussi est en crise.
Un cas pourrait être approfondi, celui de Dakar
Marine. Cette société devant être privatisée,
les Chinois postulaient au rachat. Principaux clients, techniciens de cette
entreprise et des navires, ils étaient légitimes. Pourtant, la
France ou plutôt le secteur privé français refusa de
céder les parts, de crainte de voir ce secteur accaparé par les
gestionnaires asiatiques. C'est finalement des fonds portugais qui reprirent
l'activité, preuve de conflits d'intérêts et de pouvoirs
dans ce secteur précieux du Sénégal.
Il faut enfin noter la présence des entrepreneurs
chinois et de leurs employés durant cette période, 1984 à
de nos jours, malgré l'arrêt des relations bilatérales. Des
Chinois combattus par le GAIPES, mais plus soucieux de l'environnement que les
exploitants précédents (Japonais et Coréens) et
créant de la valeur ajoutée, créant des
emplois44, donc, attirant la bienveillance.
43 Confirmée par Monsieur Coulibaly.
44 Entretien avec M. Coulibaly : voir l'annexe
entretiens, page 174.
Le transit Asie-Afrique
Le secteur maritime sénégalais ne se limite pas
à la seule pêche. Un point sur lequel il faut se pencher est le
transit international, notamment d'Asie vers l'Afrique de l'Ouest45.
Ce transit fait débat chez les responsables sénégalais.
C'est par ce moyen et donc par les conteneurs que sont déchargés
les produits made in China destinés au marché
sénégalais.
Un exemple précis est la société
China Shipping Container Lines Shenzen Co., Ltd Dongguan Branch
(CSCL), dirigée à Dakar par Sogui Diop. Cette
société créée dans les années 1970 et qui
exerce la manutention, la consigne et le transit possède 70 navires,
dont un accostant tous les quinze jours à Dakar (mais aussi en
Côte d'Ivoire, au Ghana et au Nigéria). Les produits selon
Monsieur Diop, sont du « divers », « par exemple de
l'habillement pour l'import et du coton, sel et poisson à l'export
». Le textile est caractéristique des produits made in
China vendus à Dakar. CSCL est le seul pavillon chinois au
Sénégal. Les Chinois de Chine, je dois le préciser,
pragmatiques et ambitieux, voient un nombre croissant de conteneurs
appareillés dans les ports de Shanghai46 (le plus grand et le
plus exploité en RPC) à destination de l'Afrique et donc de
l'Afrique de l'Ouest : ils en tirent les conséquences et s'installent
directement à l'arrivée, ici Dakar. Pourquoi laisser des parts de
marchés aux concurrents français, espagnols ou panaméens ?
D'autant que la nouvelle voie maritime du Nord, passant par le Nord du Canada
sera un gain de temps sans précédents dans les échanges
maritimes internationaux. S'il faut encore quelques années et certaines
infrastructures pour voir aboutir ce projet rêvé par tous les
commerciaux asiatiques et européens, cette perspective est
également intéressante pour l'Afrique de l'Ouest.
45 Une nouvelle « ligne maritime
Tanger-Cotonou via Casablanca, Las Palmas, Dakar, Abidjan et Lomé
permettra de désenclaver le continent ». Elle va « intercepter
l'ensemble du fret qui va en Afrique », selon Taoufik Benjebara, le
directeur général du groupe marocain Comanav. « En ligne de
mire, les ports espagnols de Barcelone et Valence, où arrive une
majorité des bateaux venant d'Asie [...] en assurant la liaison entre la
ligne africaine et ses différents ports, nous allons croiser les deux
autoroutes maritimes du monde et ainsi ouvrir le continent ». « Les
opérateurs chinois cherchaient un nouvel armateur » car le fret
Asie-Afique est en augmentation de 15 % par an.
Jeune Afrique du 4 au 10 février 2007, N°
2404, p. 72.
46 Voir carte G, page 43.
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Le secteur du textile, autre domaine économique
à forte concurrence
Un autre secteur où la Chine et ses expatriés
détiennent un rôle économique est le textile.
Le textile représente 8 % des exportations totales
sénégalaises (en Chine)47 et une part non
négligeable des importations, difficile à estimer. Le textile qui
au Sénégal est surtout le vêtement, l'habillement, est
entré depuis l'apparition du textile en provenance de la Chine dans une
crise structurelle. Car c'est bien une évolution du marché qui
caractérise cette crise économique. Toutes les usines (il y en a
8, deux fois plus il y a vingt ans) sont en déficit. Pourtant, et c'est
le comble en quelque sorte : ce sont les Sénégalais qui
importèrent les premiers ces habits à prix défiant toute
concurrence locale.
Visitant des entrepôts et unités d'assemblages,
lorsque je demandais de quel pays était originaire le tissu, tous me
répondaient le Mali ou le Sénégal. Pourtant, les
inscriptions indiquant la provenance du textile parlent d'elles-mêmes
(voir photo).
Cartons made in (the people's republic of) China
déposés derrière un atelier d'assemblage
(pantalons et chemises), proche du marché
Sandaga, Plateau, Dakar.
Le 28 février 2007.
47 L'impact de l'émergence chinoise et
indienne en Afrique, Étude de cas sur le Sénégal,
Eric Hazard, Lotje De Vries, Mamadou Alimou Barry, Alexis Aka Anouan, Enda
Prospectives Dialogues Politiques, 2007
L'industrie locale est donc très affectée. Pour
preuve, les déclarations du secrétaire de la Nouvelle
Société du Textile Sénégalais (NSTS), Monsieur
Diongue48. Il déclare lors d'un entretien, à propos de
cette concurrence : « c'est de la concurrence déloyale ! Au niveau
de la main d'oeuvre, de l'électricité, des marges
bénéficiaires, des ingrédients, et cætera ! A cause
d'eux nos activités sont gelées ! Ce n'est pas un coût
analytique, les prix et marges sont fixés. ». Lorsque je lui
demande par quels moyens les fournisseurs chinois se permettent de vendre
à des prix défiant toute concurrence, il rétorque : «
ils se concertent avec le gouvernement ! En plus ils engagent des prisonniers
condamnés aux travaux forcés ! ».
Certes, Monsieur Diongue possède un avis
tranché. Mais il n'est pas le seul (Chapitre I de la Deuxième
Partie, page 84).
Le secteur du textile au Sénégal n'est pas
composé de la seule industrie. La confection artisanale et la friperie
rentrent en ligne de compte. La confection par les artisans résiste
mieux : les couturiers et tailleurs (estimés à 30 000), satisfont
à une demande particulière : les fêtes religieuses (et
coutumières) ainsi qu'à la pratique récurrente des
Sénégalais à ce corps de métier, pour confectionner
les habits traditionnels (et les renforcer, le textile acheté restant de
qualité très moyenne). Les artisans « eux ne sont pas
réellement révoltés [de la concurrence chinoise], ils sont
mécontents de la façon de faire des commerçants en
général : avec leurs marges notamment. Ah oui, en plus, ils ne
signent pas [made in Senegal] à la demande des
commerçants, pour qu'ils signent made in Italy par exemple !
». Momar Ndao, président national de l'Association des
Consommateurs du Sénégal (ASCOSEN) explique donc que les artisans
sénégalais, peu touchés, protestent contre tous les
commerçants sénégalais qui se permettent de confortables
marges au détriment de ces producteurs et, qu'en signant ceci, ils
dénaturent leur travail afin de toucher une plus large clientèle
car « selon les moeurs, les meilleurs produits viennent toujours de
l'extérieur ! ». La friperie quant à elle est directement
affectée.
La friperie est le textile vendu sur les marchés
locaux. Elle est de fait directement en concurrence avec les produits chinois,
de qualité et à prix bas : « le commerce des produits
textiles chinois pourrait bien se substituer totalement ou en très
grande partie à cette activité commerciale. ». A ma question
portant sur la présence positive ou négative des
commerçants chinois, Momar Ndao répond : « avant on achetait
dans des friperies, aujourd'hui pour 1000 francs, on habille un enfant. Au
Sénégal, c'est spécifique, pour les femmes, il vaut mieux
pouvoir changer de vêtements que de garder un habit longtemps : si une
femme met toujours les mêmes vêtements, elle sera mal vue. Donc,
elles préfèrent beaucoup de produits peu chers qu'un de
qualité cher ! ».
48 Voir l'annexe entretiens pour les
transcriptions des entretiens réalisés lors de l'étude de
terrain effectuée durant le mois de Février 2007, pages 161
à 179.
Vous l'aurez compris, la manière de se vêtir, la
fréquence à laquelle la gente féminine porte ses habits
déterminent le statut social de la femme sénégalaise. La
qualité devrait donc être un argument majeur à l'achat.
Mais c'est le paraître qui compte. Il n'y a pas de réflexe
consommateur sur le long terme, « le consommateur sénégalais
n'a pas de démarche logique, scientifique. Pour les textiles, on peut
acheter un tissu de basse qualité mais bien le coudre chez le tailleur.
». Enfin, en est t'il de même dans la sous-région ? «
Non, le Mauritanien est peu sédentaire. L'homme a toujours une robe
blanche et il ne change que les chemises, contrairement aux
Sénégalais qui se changent tous les jours. En Mauritanie, l'habit
à moins d'importance, ici, on est plus coquets, on suit une certaine
mode. ».
L'article annexé, page 183 de Malick Ndaw du
Sud Quotidien est quant à lui très critique (mais
réaliste d'après mes observations).
Une donnée intéressante est celle des prix
à la consommation. « Habillement et chaussures » est à
la baisse (-5,9 % de 2003 à 2005), cette baisse étant directement
imputable aux fournisseurs et commerçants chinois. Plus
précisément, l'inflation cumulée entre Décembre
2005 et Décembre 2004 est de -13,7 % pour les « tissus pour
habillement », -9,1 % pour les « vêtements pour enfants et
bébé », -4,5 % pour les « chaussures pour hommes »
et 0 % pour celles des femmes. Tous ces produits sont vendus par
l'intermédiaire des fournisseurs chinois, commerçants chinois,
Sénégalais et Sénégalais d'origine libanaise, et,
les bana-bana : ce sont des vendeurs ambulants, où la
gente féminine prédomine. Elles achètent aux
commerçants chinois ou libanais des produits qu'elles revendront dans
les quartiers périphériques et dans le centre (Plateau) de Dakar.
M'entretenant avec le président de l'Union Nationale des
Commerçants et Industriels du Sénégal (UNACOIS), Moustapha
Sakho, il déclare en parlant des bana-bana : « on ne
trouve plus de bonnes ! Elles viennent travailler une journée et l'autre
elles vont acheter sur le boulevard [du général de Gaulle,
à forte implantation de commerçants chinois] pour tel prix et
revendent dans les quartiers. »
L'influence positive (baisse du coût de la vie) des
produits made in China se ressent fortement ici, avec une
interrogation concernant les « chaussures pour femmes » cependant.
Ces chaussures ont envahi le marché intérieur du
Sénégal. On les trouve partout et en grosse quantité (voir
photo). Comment est-ce possible une inflation à 0 % ? Ce chiffre
perturbe, à mon sens, la qualité des données fournies par
l'ANSD.
Un autre chiffre, cette fois dans la logique de ce que j 'ai
observé, est celui des « articles de bijouterie, de joaillerie et
d'horlogerie » : l'inflation négative (- 4,2 %) respecte mon
raisonnement49. Mais, le secteur du textile ne serait plus un
investissement rentable pour les Chinois comme le confirme Monsieur Yin :
« le textile ça ne marche plus. ».
49 Op. cit. [36], p. 38.
Le témoignage de son épouse, Mme Yin,
précis et en connaissance de cause car elle travaille dans ce secteur
depuis cinq années, apporte certains éléments attrayants
(voir l'annexe entretiens, page 162). Elle produit en Chine et exporte
au Sénégal. Elle ne produit pas en Afrique car le tissage est
réalisé dans les mêmes conditions qu'en Afrique de l'Ouest.
Il existerait environ trente chaînes de montage pour la wax (tissu
traditionnel représentant moins de 10 % du marché
sénégalais) en Chine, dont la production est exportée au
Mali, en Côte d'Ivoire ou au Nigéria : et non au
Sénégal, car la wax est le signe qualitatif, d'où des
tarifs plus élevés. De plus, le marché
sénégalais est moins important que dans ces pays
susnommés.
Mais si les usines chinoises produisent et copient, elles
n'inventent pas : les dessins, figurés... ne sont que reproduits en
Asie. Mais le savoir-faire chinois est identique, notamment pour le batik
(technique de teinture du tissu). Où sont situées les fabriques ?
Mme yin apporte un élément de réponse : « dans la
province de Shandong [Nord-Est] où il y a une longue histoire du textile
».
Ce marché serait saturé, la rentabilité
ne serait plus assurée. Qu'en disent les professionnels du secteur ? Mme
Yin, spécialiste en la matière (ils sont trois Chinois au
Sénégal à importer et vendre), répond : «
avant 12 yards [unité de mesure] c'était 9500 [15 €]
aujourd'hui c'est 7000 [10 €], il n'y a plus de bénéfices
pour personne. Je suis la première à avoir importé de
Chine la wax et j'ai donc fait baisser les prix. Les Sénégalais
veulent toujours moins 100 francs [CFA] mais avant [l'arrivée des
Chinois] c'était plus cher, et en plus ils payent le tailleur pour 4000
francs [6 €] ! Au Mali, ils font la différence mais pas ici, ils ne
paient pas pour la qualité. Ici ils veulent des prix bas donc la
qualité est basse et on change les produits. En Chine, c'est la fabrique
du monde, les produits sont importés, transformés et
exportés, pas vendus dans le marché intérieur, c'est juste
pour la main d'oeuvre ».
Une question importante est celle de la vente. Au
Sénégal, les commerçants ou devrais- je dire, les
détaillants, vendent au détail, au mieux, en semi-gros. Elle,
vend toujours en gros, par conteneurs entiers. Quelques clients lui suffisent
afin de récupérer ses crédits. Et fait-elle crédit
justement ? « Non, comme ils n'épargnent pas, je ne fais pas
d'avances, il faut être clair dès le début. Par exemple si
une femme est enceinte, elle ne l'est pas d'hier ! Par contre, pour les
maladies c'est de l'imprévu, donc je fais des avances sur salaire.
». Il y a trois Chinois dans le textile au Sénégal.
Comme je la sollicite sur le contexte économique local
et sa représentation des Sénégalais, elle rétorque
« ici, il y a un problème immobilier, c'est trop libéral, en
plus il n'y a pas d'industries, de ressources contre l'inflation
générale, donc... Il y a toujours des problèmes d'argent,
ici, il n'y a rien, il faut tout importer, donc le Sénégal doit
toujours de l'argent, il investit donc la balance commerciale...Le droits de
douanes sont élevés donc les produits importés ne sont pas
réexportés vers la Gambie [Banjul] qui est un port franc, ou
Cotonou [Bénin]. Pourtant, le prix
du transport [Asie-Afrique] n'est pas cher, c'est moins de 10
% du prix total [...] ici, la productivité est faible, en Chine, ils
travaillent huit heures avec juste cinq minutes de pause toilettes. Ici, il
faut trois fois trente minutes pour la prière, ils font la sieste, ils
ne travaillent pas le week-end... ».
En complément, l'extrait de l'article de Sylvie Bredeloup
et Brigitte Bertoncello (annexe presse et citations, page 183).
Plus largement, je reviendrai sur l'ensemble des produits
made in China à la fin de ce chapitre.
Marché aux chaussures destinées aux
femmes, centre de Dakar. Les chaussures fabriquées en Chine occupent
l'ensemble du marché sénégalais. La raison, les prix
défiant toute concurrence (notamment française et italienne).
Marché Sandaga, Plateau, Dakar. Le 17 février
2007.
Le BTP au Sénégal, de profondes
mutations liées à une société chinoise
Le dernier secteur où la Chine et ses
représentants sont implantés est le secteur du BTP
(Bâtiments et Travaux Publics). Là encore, une étude
spécifique devrait être réalisée. Mais le manque de
temps et le manque de moyens m'obligent à en tracer seulement les
grandes lignes, à en ressortir les principaux points.
Le BTP est en plein essor au Sénégal. La
spéculation foncière y est importante. Les Chinois par
l'entreprise Henan Chine amènent les prix à la baisse et
s'octroient un nombre croissant de marchés. Voici ce qu'il faut
retenir.
Depuis le début du conflit larvé Ivoirien, en
Décembre 199950, le Sénégal connaît au
sein de sa capitale Dakar une spéculation foncière spectaculaire.
Quels liens ? La migration des représentations onusiennes et des
étudiants ivoiriens au Sénégal s'est doublée d'une
brusque augmentation des loyers. Abidjan n'est plus la capitale politique
officieuse de l'Afrique de l'Ouest, c'est Dakar, notamment pour les entreprises
et organismes officiels francophones. Bien sûr cette spéculation
est limitée au centre-ville, c'est-à-dire le Plateau. Quoique,
elle touche également le petit quartier de Gibraltar à l'Est du
boulevard du général de Gaulle (Carte H, page 53),
principal artère pour entrer sur le Plateau, boulevard historique et
connu de tous les Sénégalais car c'est la rue où tous les
ans est célébrée l'indépendance de la
République, jusqu'à l'obélisque (voir photo en point 1.).
C'est donc un axe capital, permettant d'accéder au Plateau au Sud donc
mais de remonter vers les quartiers résidentiels du Nord (quartiers HLM,
Grand Dakar, SICAP, Grand Yoff : Carte O de l'annexe entretiens, page
180).
Gibraltar est un quartier différent des autres (annexe
presse et citations, page 184). Leurs commerces se situant à
proximité, sous-entendu, sur le boulevard, il est logique de voir cette
évolution urbaine. M. Yin apporte quelques éléments de
réponse : « [le loyer] était de 50 [FCFA soit 76 €]
à 100000 [150 €], aujourd'hui c'est 400000 [600 €] et
les magasins de 500 [750 €] à 700000 [1050 €].
». Momar Ndao également : « oui, en moyenne c'est 20 %
d'augmentation par an ! Cela dépend de la demande. ». La question
qui est posée est combien de temps les Chinois et
Sénégalais pourront supporter cette inflation immobilière
?
Le BTP est donc en plein essor. Ses coûts sont revus
à la baisse depuis l'apparition des Chinois par l'intermédiaire
de l'entreprise Henan Chine (China Henan International Cooperation
Group Co.). Comme son appellation l'indique, elle est originaire de la
province du Henan (Carte G, page 43). C'est une filiale
sénégalaise de l'entreprise d'État chinoise
Chico. C'est une « entreprise privée de droit
sénégalais appartenant à 100 pourcent à la
société mère chinoise »51. Arrivée
en 1984 (années d'apparition des Chinois dans le secteur de la
pêche) au Sénégal pour construire le stade de
l'Amitié (renommé stade Léopold Sédar Senghor en
2001) et ses parkings en 1992, elle a également construit l'Ambassade de
Chine et l'Agence Nationale de la Banque Centrale des États d'Afrique de
l'Ouest (BCEAO).
50 En Décembre 1999, un putsch à
l'encontre du président Henri-Konan Bédié est
organisé. Commence un vide politique où le général
Robert Gueï puis Laurent Gbagbo dirigent le pays. L'élection de ce
dernier, contestée par l'opposition et notamment par Alassane Ouattara,
accusé de non-ivoirité, est encore remise en cause. Conflit
larvé, aux relents ethniques, nationalistes et xénophobes envers
les États voisins et leurs populations (surtout le Burkina Faso), cela
résume grossièrement ce litige. Bien sûr, le
décès d'Houphouët-Boigny en Décembre 1993 marque
certainement le début de cette paralysie politique Ivoirienne.
51 Historique selon l'étude citée en
note de bas de page [47], page 44, et mes connaissances acquises durant
l'étude de terrain.
De grandes réalisations donc (voir photos ci-dessous).
Les dernières réalisations sont l'autoroute à péage
qui doit permettre à Dakar de réguler les flux de circulation, un
chantier d'alimentation d'eau de Dakar et la réhabilitation de la voie
ferrée Dakar-Thiès. Pour l'autoroute, elle s'est associée
à l'entreprise Jean Lefebvre Sénégal (Henan Chine
possède les compétences dans les ponts et viaducs, J. L.
Sénégal, devenue depuis Talix Group, dans les
chaussées).
Durant la dizaine d'années où le
Sénégal et la RPC n'entretenaient plus de relations, elle est
tout de même restée (dans les locaux de l'Ambassade de Chine),
sans toutefois remporter les contrats. Alors comment fait-elle pour proposer
des tarifs aussi bas et remporter les appels d'offres ? Premièrement,
elle recoure exclusivement à des machines chinoises, moins
onéreuses que celles d'origine européenne. Les ingénieurs
et ouvriers ont donc un accès rapide aux pièces de rechange, et
à l'utilisation même (ce qui ne peut être le cas pour les
employés sénégalais). L'entreprise emploie et travaille
avec deux équipes : une de jour, une de nuit, ce qui, il est logique,
augmente la productivité et de fait, diminue les délais de
chantiers. Enfin, et c'est lié, les techniques étant chinoises,
elle emploie des techniciens chinois, dont les salaires sont égaux aux
ouvriers sénégalais.
Je proposerai, pour compléter, la question suivante :
le gouvernement du Sénégal cherche certes les prix les plus
accessibles, mais ne cherche t-il pas à favoriser certaines entreprises,
liées à certains États ?
La Chine par ses entreprises est relativement bien
implantée au Sénégal, pour preuve ce récapitulatif
(page suivante).
Le pont de Médina Ndiatbé relie l'île
à Morphil aux autres localités de la région de
SaintLouis52). La boucle de Dakar53 est un réseau
de ligne électrique, par la société China National
Machinery & Equipement Import & Export Corporation (CMEC).
Intranet 2 et l'équipement des zones rurales en téléphonie
fixe avec l'opérateur leader au Sénégal la
Sonatel (Intranet du gouvernement étendu aux ambassades,
sous-préfectures, préfectures et consulats.
Certaines réalisations sont directement financées
par Pékin (le théâtre, la boucle de Dakar et Intranet 2
sans omettre le stade de Dakar, l'hôpital Silence...).
52 Annexe Ig, page 152.
53 Selon le rapport produit par la mission
économique française au Sénégal, ce projet ne fut
soumis à aucun appel d'offre, faisant débat dans le milieu
d'affaires français et au détriment de l'entreprise Areva. Ceci
est révélateur. C'est aussi un délit d'initiés.
Concernant la centrale électrique au charbon, le même rapport
déclare « les experts chinois sont en effet sceptiques sur
l'opportunité de fournir une technologie si polluante car cela pourrait
nuire à l'image de la Chine dans la région et les coûts de
transport du charbon, d'installation et de fonctionnement de la technologie de
dépollution rendent le projet peu rentable pour le
Sénégal. ».
En résumé, plus de quarante projets, pour une
enveloppe financière globale d'environ mille milliard de FCFA ou
approximativement 1 milliard et demi d'euros, ont été
concrétisés (pour une vision plus synthétisée, se
référer à la carte B, page 16).
Réalisations
|
Coûts
|
Société
|
Grand théâtre national
|
18,5 milliards de FCF ou 28 millions d'euros
|
|
Autoroute Malick Sy-Diamnadio
|
23 milliards ou
35 millions d'euros
|
Henan Chine
|
Pont de Médina Ndiatbé
|
7 milliards de FCFA,
plus de 10 millions d'euros
|
|
Boucle de Dakar
|
35 milliards de FCFA, 53 millions d'euros
|
CMEC
|
Intranet 2 et l'équipement des zones rurales en
téléphonie fixe
|
55 milliards de FCFA, 84 millions d'euros
|
Huawei Technology
|
Centrale de charbon (puissance de 250 Méga Watt)
|
175 milliards de FCFA, 167 millions d'euros
|
Metallurgical Construction Corporation
|
Réseau téléphonique en zones rurales
|
18,5 milliards de FCFA, soit 28 millions d'euros
|
Huawei
|
Usine de lubrifiants
|
|
|
Plate-forme de services aux entreprises (pétrole)
|
10 milliards de FCFA, plus de 15 millions d'euros
|
|
Raffinerie (cinq millions de tonnes)
|
250 milliards de FCFA ou environ 380 millions d'euros
|
|
|
Mais la Chine qui malgré ces réalisations, est
encore modeste en comparaison de la France, tente d'activer ses relais
diplomatiques pour s'introduire dans le plus grand nombre de secteurs
économiques. L'accord de coopération agricole, d'un montant de
37,5 milliards de FCFA (57 millions d'euros), le traitement douanier
préférentiel, les sociétés de bâtiment et
d'architecture, les sociétés King Long United Automotiv
Industry (bus, sans oublier Espace Auto concessionnaire
d'automobiles chinoises) et Prima (télévisions)
démontrent les perspectives chinoises. Ces derniers jours (Avril-Mai
2007), une mission d'experts procèdent à des études pour
la réfection des onze stades régionaux et au mois de Juillet 2007
démarreront les travaux du stade omnisport
de Pikine (Est de Dakar)54. Mais la
compétition entre sociétés chinoises va permettre à
l'État sénégalais de casser les prix car la CGC (China
Geo-engineering Corporation) serait en passe de s'installer sur le
territoire sénégalais où elle a d'ores et
déjà réalisé des conduites d'eau sur 12 km : c'est
une concurrente directe d'Henan Chine. Ces sociétés
peuvent enfin profiter de l'expérience acquise dans ces pays africains :
l'Afrique est un territoire expérimental pour ces futures grandes
multinationales.
www.atepa.com
www.senegal.free.fr
L 'Agence Nationale de la BCEAO (boulevard du
général de Gaulle) à Dakar
et le stade Léopold Sédar Senghor
(route de Yoff dans le quartier des Parcelles assainies):
deux réalisations chinoises au
Sénégal
.
La pêche, le textile et le BTP sont les principaux
secteurs économiques où la Chine et ses représentants sont
implantés au Sénégal. Mais plus que ces derniers, ce sont
les produits et marchandises originaires de Chine qui forment l'essentiel du
pied a terre chinois dans la République d'Afrique de l'Ouest.
54 Le Soleil,
http://www.lesoleil.sn/article.php3?id
article=24247
53
Les produits made in China
La liste des marchandises issues du pays de l'Asie du Sud-Est
est longue et en perpétuelle évolution. J'ai (en Annexe
1h, page 153) listé les produits relevés. J'ai tenté
un classement de ceux qui apparaissent régulièrement, de ceux qui
sont les plus recherchés et vendus. Ces articles sont proposés
à la vente selon un ordre hiérarchique et décroissant. En
haut de cette pyramide (carte I, page 55) je propose les fournisseurs et
exportateurs chinois installés en RPC. Les importateurs chinois,
sénégalais et libanais font transiter ces produits par conteneurs
vers le Sénégal. A l'arrivée, les grossistes revendent en
gros et semi gros aux détaillants. Eux-mêmes, les
commerçants, échangent avec les bana-bana qui
parcourront les rues de Dakar (voir photo ci- dessous). Les chalands pourront
enfin négocier leurs achats une fois utilisés pour monnayer les
marchandises d'occasions à certains vendeurs établis sur les
trottoirs, ne proposant que ces produits d'occasion. Voici l'évolution
des fabrications d'origine chinoise, les made in China. Les photos en
Annexe 1h suite, page 154, représentent ces articles.
Femmes sénégalaises négociant
les marchandises chinoises (échoppe du boulevard de
Gaulle) qu'elles revendront quelques heures ou
quelques jours plus tard dans les rues et quartiers de
Dakar.
Le 15 février 2007.
Des faits sont indispensables à signaler tels :
l'emploi systématique de jeunes hommes sénégalais servant
de traducteurs et donc de vendeurs dans les commerces chinois55
(voir photo suivante). Souvent seuls, ils peuvent selon la taille de la
boutique être jusqu'à trois. M'étant entretenu avec eux,
ils déclarent pour la majorité aimer travailler avec les
commerçants originaires d'Asie. Certains avouent être mieux
payés (jusqu'à 50 000 FCFA mensuel - 76 euros, correspondant au
SMIC sénégalais), d'autres autant que leurs confrères
travaillant chez les Libanais (salaire se rapprochant du SMIC : un
commerçant libanais affirme les payer jusqu'à 100 000 FCFA, 150
euros). Quelques uns d'entre eux diront tout de même qu'il est plus
difficile d'oeuvrer pour eux, étant donné le volume horaire
travaillé et le sens particulier qu'accordent ces commerçants au
mot travail, différent dans les moeurs sénégalaises.
Également, la lutte au niveau de la Direction des
Douanes contre la contrefaçon56. Un exemple est la pile. La
Sigelec (Société industrielle de
générateurs électriques) est en Mars 2007 au bord du
gouffre financier. 300 emplois sont en jeu. Les piles contrefaites ont petit
à petit grignoté
55 Ils sont employés pour faire la jonction
commerciale entre les clients sénégalais et le
propriétaire chinois. Ils vendent, assurent la sécurité et
la surveillance de la boutique et parfois assurent les livraisons.
56 Annexe Ii, page 155.
ce marché. La cause : les importateurs
sénégalais qui fabriquent en Chine de fausses piles. La
conséquence : un tiers de production en moins et une main d'oeuvre
remise en cause et soucieuse de son avenir au sein de cette
société. Contrefaçon et fraude favorisent
l'économie informelle.
Il n'y a pas que les piles. Canton (ou Guangzhou,
capitale de la province du Guangdong, Sud-Est de la RPC) est la ville la plus
africaine de Chine. Des milliers d'immigrants originaires de l'Afrique
francophone, notamment, s'y sont installés. Textile, loueurs de DVD, ils
sont intégrés. Les Chinois ont désormais adopté ces
« diables noirs », à tel point que certains se reconvertissent
dans la coiffure afro. Le système est le même qu'au
Sénégal, à l'opposé : « les patrons sont
africains, les vendeuses chinoises : « Tous mes clients sont africains.
Ils ont davantage confiance si les vendeurs sont chinois », dit le jeune
patron d'Africa Best Company, vente en gros de maillots
d'équipes de basket américaines. ». De même, «
pas la peine de parler mandarin, les calculettes remplacent les palabres »
57.
Il faut somme toute comprendre que l'économie
informelle, ou « populaire58 » qui représenterait
de 40 à 70 % de l'économie dite formelle, permet à des
millions de foyers de vivre. Les commerçants chinois et leurs produits
à bas prix permettent de créer des emplois directs
(traducteurs-vendeurs) et surtout indirects (bana-bana, vendeurs
installés devant la boutique, vendeurs de produits d'occasion : ils
octroient un second salaire, féminin en majorité) et enfin
amènent les prix à la baisse des biens de consommation courante
et indispensables. À leur sujet (les bana-bana), il faut savoir
qu'en décembre 2004, l'État sénégalais, dans le
cadre de la promotion de la mobilité urbaine, a chassé les
commerçants ambulants, ou bana-bana, du rond-point Petersen
(gare ferroviaire)59.
Pour conclure, je vais mentionner certaines phrases,
recueillies lors des entretiens, qui résument parfaitement certaines
idées : « grâce à la concentration humaine, les
produits sont pas chers et tout le monde est équipé [comprendre
en Chine]. [...] C'est certain qu'ils sont de mauvaise qualité mais que
veux-tu, les Sénégalais achètent et demandent des
qualités toujours moins chers, alors les Chinois fournissent » ;
« Comme je dis toujours, à Noël, tous les enfants peuvent
avoir un cadeau, même s'il dure deux jours ! » 60.
Il est flagrant que ces consommateurs à revenus
modestes accèdent avec ces produits à la société de
consommation et plus largement à la mondialisation. Il est enfin
également incontestable que Dakar et ses habitants, toute proportion
gardée bien entendu, se sinisent.
57 Libération du 3 novembre 2006.
58 « Économie populaire » selon Oussynou Niang
de l'UNACOIS-Def.
59 Voir l'annexe des citations, page 184.
60 Monsieur Yin et Monsieur Papa Nall Fall,
président de la commission économique et financière (du
Conseil National du Patronat) et responsable au Conseil de la République
pour les affaires économiques et sociales.
Traducteurs-vendeurs sénégalais
travaillant pour les Chinois propriétaires des
commerces
situés sur le boulevard de Gaulle. Le 15
février 2007.
Les grands travaux de Abdoulaye Wade
L'ultime point abordé dans ce premier chapitre et
cette partie économique est les grands travaux de
l'ère61 Abdoulaye Wade. Le 10 juillet 2000 (date essentielle
pour le Sénégal), le décret n° 2003-562 fixe «
les règles d'organisation et de fonctionnement de l'Agence nationale
chargée de la Promotion de l'Investissement et des Grands travaux (APIX)
».
Cette agence62 devient le guichet unique pour tout
investissement étranger (centralisation des pouvoirs et moyens). Huit
grands projets sont proposés et à l'étude : le nouvel
aéroport international, l'autoroute à péage, la
cité des affaires de l'Afrique de l'Ouest, le chemin de fer à
écartement standard, le port du futur, le port minéralier de
Bargny, la réhabilitation du port de Saint-Louis et l'exploitation des
mines de fer du Sénégal Oriental (se reporter en annexe
IIn page 158)
Ces projets amènent directement à diverses
réflexions. Désenclavement de la capitale, rayonnement culturel
mais aussi et bien sûr des financements considérables de ces
possibles éléphants blancs... Qui va produire ces grands travaux
est bien la question essentielle. Certains d'entre eux retiennent
l'attention.
61 Élu en 2000 et réélu en
2007.
62 Annexe Ij, page 155.
Le nouvel aéroport international de Diass (Est de
Dakar) doit déconcentrer la capitale. L'actuel aéroport
Léopold Sédar Senghor se trouve au Nord-Ouest de la
cité63. Un aéroport exige des structures
adaptées : une empreinte au sol suffisante et des voies de communication
correspondantes. Si des réserves émanent de l'opposition
socialiste dont le leader est Ousmane Tanor Dieng (rentabilité d'un tel
projet alors que l'aéroport actuel est déjà peu
productif), je pense pour ma part que ce n'est pas totalement inutile et vain :
gain de dizaines d'hectares reconvertibles en logements et
désenclavement du Nord-Ouest de la capitale, si l'autoroute devant
relier Diass à Dakar est réalisée dans de bonnes
conditions. La directrice générale de l'APIX, Mme Aminata
Niane64, en parlant du Sénégal, veut « faire de
notre pays une zone géopolitique touristique en Afrique de l'Ouest
»65 . Mais le journal Wal Fadjri rapporte des faits très
intéressants66.
Cette affaire de corruption, fréquente au
Sénégal (je peux ajouter indulgence inconvenante et clanisme),
n'est pas isolée. Déjà, au commencement des travaux de
l'autoroute à péage, le consortium Henan Chine et Jean
Lefebvre Sénégal arrêtent les travaux suite à la
révélation de l'affaire de Thiès : dans le cadre de la
réhabilitation de Thiès, ville située à 70 km
à l'Est de Dakar, de gargantuesques chantiers sont ouverts. L'enveloppe
consentie par le président de la république, Maître Wade,
est de 20 milliards de FCFA, plus de 30 millions d'euros. Idrissa Seck, maire
de Thiès et premier ministre de l'époque, en 2004, doit
rénover sa cité pour accueillir la fête de
l'indépendance délocalisée selon les voeux du chef
d'État. I. Seck détournera 26 milliards de FCFA (près de
40 millions d'euros). Il sera condamné par la Haute Cour de Justice pour
atteinte à la défense nationale et à la
sûreté de l'État. Mais c'est bien le Sénégal
et sa classe politique qui en sortent perdants. S'en suit une atmosphère
de doutes et de scepticisme quant aux autres chantiers.
Ce ne sont pas les seules mésaventures qui atteignent
la Chine et ses Hommes installés au Sénégal, l'affaire
dite des passeports sénégalais en est la preuve. Le 31 juillet
1998, le corps d'une Chinoise de 32 ans est découvert le long des berges
de la Seine à Bonnières (Yvelines). Elle est enveloppée
dans du tissu et des larges bandes de Scotch, à la manière d'une
momie. L'autopsie révèle qu'elle est décédée
de neuf coups de couteaux avant d'être égorgée. En octobre
1998, à Colombes (Hauts-de-Seine), une Chinoise de 4 ans est
retrouvée dans les mêmes circonstances. L'analyse ADN
révèle le lien de parenté entre ces deux victimes. La
gendarmerie nationale découvre que deux jours auparavant la
découverte de la mère,
63 L'aéroport étudie la
possibilité d'une ligne directe Dakar-Beijing. Les Chinois sont donc
obligés de transiter par Paris, Madrid ou Milan afin de se diriger vers
Dakar. La ligne Shanghai-Dakar via Paris Charles de Gaulle semblerait la plus
usitée.
64 Que j'ai tenté en vain de rencontrer.
65 L'Observateur du 21 décembre 2006.
66 Se reporter en annexe, page 184.
un promeneur avait repérer un sac rose contenant des
documents en langue chinoise, une carte de Sécurité sociale, des
idéogrammes porte-bonheur et un numéro de téléphone
mobile. Ce numéro appartient à un habitant du « Chinatown
» parisien dont l'appartement est loué par un couple, ayant une
fille, et dont les murs ont été nettoyés. Ce sont donc la
mère et la fille retrouvées dans la Seine. L'agence
immobilière a photocopié leurs passeports,
sénégalais. L'affaire judiciaire devient une affaire
d'État car Dakar, lors de la rétrocession de Hong Kong à
la Chine, en juillet 1997, crée un organisme « destiné
à inciter des Chinois à investir au Sénégal »,
le Fonds de Développement Économique et Social, FODES). Pour
investir, ils doivent, une fois à Dakar, recevoir un « passeport de
service sénégalais » et régler « 20 000 dollars
par personne ou par couple et 5 000 par enfant ». « Le FODES va
brasser des centaines de milliers de dollars, [car] nombre de résidents
cherchent à tout prix des papiers étrangers, pour échapper
à l'emprise de Pékin [...] mais une partie - on évoque 600
000 dollars - se serait évaporée entre Hongkong et Dakar,
provoquant une affaire d'État au Sénégal ».
L'article67 conclu « la mort de Mary et Linda Chen est- elle
directement liée à ces passeports ? [...] deux pistes : soit
Boyson Wong et sa famille n'auraient pas remboursé l'argent
avancé par la mafia chinoise pour l'achat des précieux papiers,
soit ils étaient venus en France pour monter des « affaires »
qui auraient empiété sur les activités d'une bande rivale.
».
L'état des lieux que je présente ici (cf
carte B, page 16) est autant que je puisse le faire complet et
détaillé. La principale entrave à la réalisation de
ce premier chapitre est le manque et le sérieux des chiffres,
données et informations recueillies. S'il est fréquent d'entendre
et lire « le principal problème (en Afrique) est la
fiabilité des chiffres », c'est malheureusement un a priori
vérifiable dans mon cas.
Ces partenariats diplomatiques et économiques ne
pouvant se réaliser sans les Hommes, je vais à présent
décrire cette « diaspora » chinoise présente dans cet
État de l'Afrique Subsaharienne qu'est le
Sénégal68.
67 L'express du 16 janvier 2003.
68 Je dois préciser que certains
éléments du premier chapitre seront repris et approfondis dans
les chapitres et parties suivantes.
CHAPITRE II. - LA « DIASPORA » CHINOISE
La diaspora est la dispersion d'un peuple, d'une ethnie
à travers le monde69. D'après Emmanuel Ma Mung, «
deux caractères morphologiques objectifs définissent au minimum
une diaspora : la multi polarisation de la migration d'un même groupe
national, ethnique ou religieux entre différents pays et
l'interpolarité des relations, c'est-à-dire les liens
migratoires, économiques, informatifs ou affectifs
»70.
« Longtemps limité à la diaspora juive, le
mot tend à s'appliquer à toute dissémination : diaspora
arménienne, libanaise, indienne. L'existence d'une diaspora tient :
à une dispersion contrainte, en l'absence de pays propre ; à une
difficulté d'existence plus ou moins momentanée (diaspora
portugaise, irlandaise) ; ou à un choix d'activité et de mode de
vie, comme pour les « Levantins », Indiens, Haoussa, qui ont choisi
des professions d'intermédiaires dans une certaine étendue, voire
dans le Monde entier »71.
On peut donc, d'après ces définitions, parler
de diaspora chinoise. Seulement, elles ne proposent pas de chiffres minimaux,
alors à partir de combien de migrants ce qualificatif peut-il être
proposé ? Serai-ce plus scientifique de la qualifier de
communauté ? Assurément au regard du Petit Larousse
illustré : « groupe social ayant des caractères, des
intérêts communs ; ensemble des habitants d'un même lieu,
d'un même État ». La population chinoise établie
à Dakar (et au Sénégal pour le premier point) est donc une
communauté ou diaspora en devenir. Le titre provocateur est donc
prospectif.
Une certitude, tous sont des « huaqiao » : les
hua qiao sont les Chinois d'outre-mer qui ont conservé leur
nationalité. Plusieurs appellations couvrent ce terme : des migrants
temporaires (les techniciens, experts et employés, et, les
commerçants), des ressortissants chinois résidant outremer (les
Chinois qui comptent et les commerçants, classés dans ces deux
catégories) mais également des Chinois d'outre-mer
naturalisés mais dont le sentiment d'appartenance reste chinois, ainsi
que leurs relations économiques et familiales et enfin les Chinois
d'outre-mer naturalisés et plus ou moins assimilés. Ces deux
dernières catégories ne peuvent qualifier les ressortissants
chinois vivant au Sénégal. Hua qiao vient de
qiao désignant les émigrés temporaires.
69 Dictionnaire encyclopédique Larousse
70 Ma Mung. E., La diaspora chinoise,
géographie d'une migration, Géophrys, Paris, 2000, pages 8
et 9
71 Brunet, Roger, Ferras, Robert, Théry,
Hervé, « Les mots de la Géographie -
Dictionnaire critique », Reclus - La Documentation
Française, Montpellier-Paris, 2001, p. 158.
Si un groupe social émane de l'ensemble de ces
acteurs, elle est divisible par trois : Les techniciens, experts et
employés ; les Chinois qui comptent, installés depuis un certain
temps et s'étant intégré dans l'économie et la
société locale et, les commerçant
1. Techniciens, experts et employés
Ce n'est pas un classement démographique, social ou
économique. Les techniciens, experts et employés sont plus
nombreux que les Chinois insérés dans la vie
socio-économique sénégalaise mais inférieurs en
nombre que les commerçants. Ils sont moins fortunés que les deux
groupes suivants, moins intégrés également. Qui sont-ils ?
Que font-ils ? Où exercent-ils ?...
Les techniciens et experts sont directement envoyés par
le Parti Communiste Chinois (PCC).
Ils sont originaires de la RPC, mais des villes
évidemment. Car il existe toujours en Chine une frontière sociale
entre les citadins et ruraux. Cette affectation sociale est transmise par les
liens du sang. Ainsi, chacun est à sa place : un Chinois né en
campagne ne peut a priori vivre en ville et accéder à de hautes
fonctions administratives et politiques. Mais l'urbanisation exponentielle des
cités chinoises est la conséquence de ces millions de ruraux, au
chômage dans leurs territoires d'origine, venus s'installer dans les
bidonvilles et autres baraquements situés dans les quartiers Ouest des
villes chinoises. Cet article (en annexe page 185) résume le sort
de ces « parias chinois ».
À leur sujet, il m'est difficile d'apporter des
éclaircissements précis et nombreux. Le témoignage de
Monsieur Liou, diplomate à la mission économique chinoise apporte
des réponses. Ces Chinois ne travaillant pas pour des
sociétés ou organismes, ils sont envoyés au
Sénégal sur ordre du gouvernement. Ils travaillent
essentiellement dans l'agriculture, la santé et le BTP. Ils, car ce sont
des hommes, s'installent pour une durée de une à deux
années, remplacés par leurs confrères. Un « roulement
» est fait.
Que font-ils ? « Ils donnent une assistance technique,
des cours, forment. Ils vont dans les campagnes donner des cours pour le riz et
les légumes. Ça marche bien, même si la terre est trop
salée ou sablée. On apporte la technique. ».
Les Chinois forment par ailleurs des fonctionnaires
sénégalais, « une trentaine déjà. ».
Comment sont-ils choisis, ces stagiaires
sénégalais ? « On adresse une note verbale au
ministère des Affaires étrangères et il transmet aux
différents ministères. ». Dans le domaine administratif et
de la gestion, ils (les Sénégalais) reçoivent une
formation, un savoir-faire.
La Chine où l'administration, bridée par le
gouvernement, est importante (en nombre et en pouvoir), apporte sa technique,
sa pratique et ses procédés à une administration
sénégalaise où les lacunes sont omniprésentes. Les
ingénieurs et scientifiques sont majoritairement issus de formations
agronomes, hormis à Dakar et sa périphérie où des
médecins et ingénieurs (dans le BTP) exercent à
l'hôpital principal de Pikine et sur les grands travaux (autoroute,
théâtre, stade...). Là encore, que ce soit les
fonctionnaires, les agronomes et techniciens, le rôle chinois est
d'apporter le savoir- faire, apporter une participation concrète aux
relations diplomatiques et, suppléer à l'hégémonie
française.
Ces Chinois permettent aussi d'apporter une aide directe -
hôpitaux, agriculture - et indirecte - techniciens du BTP - à la
population sénégalaise. L'aide directe est intéressante :
le Sénégal est un des rares pays africains à
posséder les moyens d'une autosuffisance alimentaire dont l'aliment
essentiel est le riz. Les connaissances millénaires de la Chine à
ce sujet sont primordiales. Le riz est cultivé en Casamance et dans une
moindre mesure le long du fleuve Saloum. Ces écosystèmes sont des
mangroves : « formation végétale caractéristique des
régions côtières intertropicales, constituée de
forêts impénétrables de palétuviers, qui fixent
leurs fortes racines dans les baies aux eaux calmes, où se
déposent boues et limons »72.
Les agronomes dispensent également des cours et
pratiques aux agriculteurs sénégalais dans les cultures
céréalières (blé) et légumineuses
(arachide). Les céréales font l'objet d'une priorité
économique, dixit Cheikh Tidiane Gadio le ministre des Affaires
étrangères : « nous avons aussi décidé que la
coopération agricole entre les 2 pays aille dans les 2 sens, parce
qu'avant, la coopération agricole chinoise était une grande
assistance au Sénégal en termes d'expertise. Maintenant, le
Sénégal aussi est intéressé à trouver des
débouchés à ses produits céréaliers en Chine
»73. Les techniciens interviennent aussi dans le domaine
sanitaire et social. La mission médicale a l'hôpital Silence de
Ziguinchor et surtout, l'aide à la lutte contre le paludisme : «
maladie parasitaire produite par un protozoaire parasite du sang, le plasmodium
(ou hématozoaire de Laveran), et transmise par un moustique des
régions chaudes et marécageuses, l'anophèle
»74.
Sur la carte B, page 16, où je
représente spatialement l'ensemble des réalisations, aides et
financements chinois apportés dans le cadre diplomatique et
économique sino-sénégalais, les techniciens et experts
asiatiques occupent l'ensemble du territoire. Les régions
administratives
72 Petit Larousse illustré, 1990.
73 Déclaration issue de l'accord de
coopération économique, durant la visite du ministre chinois des
Affaires étrangères Li Zhaoxing les 12 et 13 janvier 2006.
74 Petit Larousse illustré, 1990.
de Saint-Louis, de Thiès et de Dakar sont logiquement
surreprésentées, de par le nombre d'habitants au kilomètre
carré et la richesse de ces régions
administratives75.
Ces informations, faibles, seront dans le futur proche,
enrichies, je l'espère pour la population rurale
sénégalaise, par de nouveaux projets et accords
sino-sénégalais. A ce jour, il y a approximativement une
vingtaine de techniciens et experts chinois oeuvrant sur l'ensemble du
territoire. Il me reste dans ce point, à aborder le rôle des
employés chinois.
Les employés sont les salariés (de
sociétés chinoises) implantées au Sénégal.
Ils sont une trentaine par entreprises, selon M. Liou. Henan Chine,
les sociétés Sénégal Pêche et Armement et
Huawei sont les principales firmes. Si, lors de la construction du
stade de l'Amitié, les ouvriers étaient majoritaires, ce n'est
plus le cas aujourd'hui, pour plusieurs raisons. Premièrement, la
présence d'ouvriers chinois est très mal perçue par les
Sénégalais qui accusent le gouvernement de ne pas appliquer la
« préférence nationale », donc de pourvoir en travail
des Chinois plutôt que des Sénégalais. Tous les entretiens
révèlent la volonté de remédier au principal maux
local, et avec la corruption : le chômage. Si la Chine investit au
Sénégal, elle doit créer de la valeur ajoutée, de
la richesse. Les ouvriers doivent de fait être de nationalité
sénégalaise.
Deuxièmement et c'est lié, lorsque les ouvriers
chinois s'installent dans un pays africain, ils sont confinés sur des
territoires, à proximité des chantiers, dont ils ne sortent pas
ou peu. Ils n'achètent pas, je devrais dire jamais, de nourriture
locale, de fournitures locales... Aucune valeur ajoutée là
encore.
Enfin, ces ouvriers travaillent par équipes de jour et
de nuit et sont payés suivant la législation chinoise, soit deux
fois moins chers que les Sénégalais. Ceci dérange
fortement les moeurs, des Sénégalais et autres peuples de ce
vaste continent subsaharien. Ces employés chinois rentrent pour la
plupart en Asie leur contrat respecté, mais certains s'installent ayant
des perspectives économiques. Monsieur Yin est l'un d'entre eux. Ceux-ci
ne deviennent pas commerçants au sens détaillants du mot, mais
investissent dans l'industrie, le textile, le bâtiment, la restauration.
Ces hommes et femmes vont devenir au fil des années les Chinois
insérés dans la vie socio-économique
sénégalaise ou les Chinois qui comptent
75 La population de ces régions est
respectivement de 764 347, 1 385 058 et 2 452 656 habitants. La densité
est de 40, 208 et 4484 habitants par kilomètre carré. Ces
régions accueillent les plus grandes villes, d'où,
créations de richesses.
ANSD.
2. Les Chinois insérés dans la vie
socio-économique sénégalaise ou les Chinois qui
comptent
Ce sont donc ces Chinois qui après leur fonction
professionnelle première, au Sénégal, décident de
rester afin d'y établir une activité différente. Pourquoi
ne pas la créer au pays, en Chine ? Les raisons sont simples, la
démographie (1 milliard 300 millions environ), le coût du
mètre carré, les pressions familiales et sociales (les parents et
le milieu social déterminent souvent l'avenir de l'homme) font qu'il est
difficile de créer selon ses aspirations. Le Sénégal offre
l'inverse : une industrie à développer ou tout simplement
à générer, un loyer abordable en comparaison des grandes
villes chinoises, pas de pressions occasionnées par le cercle familial
et social (car il n'est pas présent). Avec peu de moyens, on peut
facilement concevoir une société, un restaurant.
Pour démontrer et argumenter ce raisonnement, je
prendrai un cas concret, le couple Yin. Il travaille et vit au
Sénégal depuis 2002. Monsieur Yin, son contrat terminé
avec la société sénégalo-chinoise
Sénégal Pêche, il crée une société
d'export-import, puis de tourisme. Lorsque sa femme, ayant parachevé ses
études d'économie à Chicago, le rejoint, ils fondent ce
qui, selon eux, leur sert de réfrigérateur, le restaurant La Noix
d'Or. Cette étape franchie, ils peuvent à leur guise investir
dans les secteurs les plus prometteurs, j'ai nommé, le textile pour
Madame Yin et la construction pour son mari. Clairvoyants, entrepreneurs dans
l'âme, je ne doute pas un seul instant que ces projets professionnels
seront les derniers. Mme Yin est déjà en relation avec la
communauté libanaise pour fonder une société de textile en
Gambie (dans la capitale Banjul) où les salaires et taxes sont moins
élevés que dans l'État limitrophe, le
Sénégal. Tous les deux apportent à leur pays d'accueil une
valeur ajoutée, par le restaurant où les serveurs et gardiens
sont Sénégalais, par les sociétés crées
où les employés sont également autochtones. Un regret
cependant, est qu'ils ne soient que peu intégrés dans la vie
locale et en particulier, en contact avec les commerçants chinois.
Mais ils ne sont les seuls Chinois importants au
Sénégal. Les restaurateurs76 du Hanoï,
du X.Y, du Mandarin et du Saveurs d'Asie ont connu
un parcours semblable. Celui du X.Y aide les nouveaux arrivants
(commerçants) et accueille, du moins le soir où je m'y suis
rendu, une clientèle à cent pourcent chinoise (environ quinze
clients, dont des employés de Sénégal Pêche et des
commerçants). Une Chinoise, propriétaire de Les cheveux Jing
Ying est la représentante officieuse des détaillants
chinois. Malheureusement, elle avait quitté le Sénégal un
an auparavant mon arrivée. Un entretien avec un Chinois plus ou moins
retraité, car ils ne le sont jamais, louant une petite villa à
Gibraltar, m'apprend que les nouveaux migrants, arrivant sans moyens suffisants
pour importer le
76 Carte H , page 53
premier stock de marchandises, se font prêter la somme
nécessaire et remboursent au fur et à mesure : c'est ainsi qu'un
fleuriste sénégalais fait faillite, près du marché
Malien (Nord-Est du Plateau), provoquée par l'arrivée du
fleuriste asiatique, pratiquant des tarifs plus abordables.
Monsieur Yin, propriétaire de La Noix d'Or,
restaurant situé rue Aimé Césaire angle E Fann
Résidence. Le 3 février 2007. Salon de coiffure Les cheveux
Jing Ying, propriété de l'ancienne représentante
officieuse des commerçants chinois, boulevard du
général de Gaulle. Le 14 février 2007.
Saveurs d'Asie, restaurant chinois, 21 rue de Thann,
Plateau, Dakar. Le 27 février 2007.
Restaurant X. Y., 97 rue de Bayeux angle Felix
Faure, Plateau, Dakar. Le 27 février 2007. Restaurant Le Mandarin,
Place de l'Indépendance, Plateau, Dakar. Le 27 février
2007.
Certains commerces reflètent la réussite. Je
n'en localiserai que deux, le Lin Shi Store et le Prospere :
ces commerces n'ont aucun point commun avec les boutiques traditionnelles du
boulevard de Gaulle, de l' « allée Chinoise ». Ils proposent
des produits différents (literie, objets d'art, produits de
qualité moyenne et haute) et sont agencés à
l'occidentale.
Commerces Lin Shi Store (rue Mohammed V) et Prosp
ere placé sur l'avenue Faidherbe. Le 27 février
2007.
Mais les commerces sont tous, mis à part ces deux
donc, de simples boutiques où les produits se chevauchent, où les
propriétaires représentent la majorité des Chinois
installés au Sénégal : les commerçants chinois.
3. Les commerçants
Les commerçants chinois représentant la
majorité de cette communauté implantée au
Sénégal sont exclusivement établis à Dakar. De
nombreuses interrogations émanent quant à cette population. Il
est vrai qu'ils ne passent pas inaperçus. En contradiction avec les
Libanais, toubabs et peuples africains limitrophes : les Libanais, comme je
l'expliquerai dans le chapitre II de la seconde partie, page 94, sont
depuis plusieurs générations intégrés ; les toubabs
ou blancs, terme familier et amical désignant les Européens et
notamment Français, sont également depuis longtemps
assimilés et agrégés dans la société
sénégalaise ; les Maliens, Gambiens, Mauritaniens et
Guinéens sont de par leur couleur de peau également confondus.
Les Chinois sont les seuls à attirer autant de curiosité à
leur égard, les Indiens passant, et c'est insolite, plus
inaperçus (car plus rares et spatialement limités aux mines de
phosphate).
Physiquement et socialement différents des
Sénégalais, ce sont les étrangers les plus distincts de
tous les groupes sociaux vivant dans ce pays et dans la grouillante Dakar.
Plusieurs explications peuvent être apportées : leur physionomie
bien sûr, éloignée des traits physiques des habitants de
l'Afrique de l'Ouest, le fait que ce soient les derniers migrants dans cet
État de la Teranga77, leur intégration
sociale, leur statut de commerçants et enfin leurs moeurs et
manières de vivre.
Le Sénégal accueille depuis toujours les
nouveaux arrivants avec bienveillance. Ce n'est pas un hasard si c'est
actuellement un des derniers pays et plus précisément une des
dernières capitales africaine où un blanc peut se promener seul
sans risques. Le seul ennui est le perpétuel quémandeur, ou
bana-bana venant demander quelques FCFA ou voulant vendre à
tout prix des objets souvent inutiles ou touristiques. Les Talibés sont
des enfants, instruits religieusement (je rappelle que la religion principale
au Sénégal est l'Islam, pratiqué à 90 %, même
si les moeurs sénégalaises font qu'il est plus ou moins
respecté (alcool, pratiques sexuelles). Les jeunes surtout, ont une
forte tendance à l'interpréter à leur guise, ce qui ne les
empêche pas pour autant de l'exercer quotidiennement.) Ils sont
livrés à eux-mêmes et doivent obtenir par tous les moyens
des francs qui leur permettront de se nourrir.
Je reprends, c'est la dernière communauté à
s'installer, ce qui amène à un questionnement sur la
capacité d'accueil de la société sénégalaise
(voir le troisième point de ce chapitre).
77 Hospitalité, ou accueil en wolof.
Les Sénégalais comme tout peuple78,
subit des pressions politiques nationalistes. L'emploi étant
précaire et rare (dans le formel j'entends), certains ne se gênent
pas pour clamer la dangerosité de cette population asiatique. Leur
emploi et statut sont par ailleurs des difficultés
supplémentaires à leur intégration.
Un bref rappel historique est souhaitable : dans un premier
temps, les sénégalo-libanais (Libanais pour clarifier) commencent
à faire des allers-retours en Chine où ils achètent les
produits made in China. Les Sénégalais de souche voyant
cette occasion les rejoignent. Mais les Chinois du Sénégal et
plus précisément de Henan Chine et Sénégal
Pêche et S. Armement interprètent rapidement la conjoncture,
parlant de facto la langue et ayant des contacts familiaux et autres au pays,
dans la « fabrique du monde », vont après leurs contrats,
rester en Afrique afin d'y créer des commerces. Petit à petit, ce
sont les Chinois qui vont organiser le marché (import et export),
s'appuyant sur certains Sénégalais pour réguler et
répartir la marchandise une fois entrée et contrôlée
au port de Dakar. Ayant désormais accaparé ce marché, ils
sont accusés de ne pas redistribuer les richesses, d'autant que leur
style de vie favorise ce sentiment : ils n'achètent pas de produits
sénégalais, ne mangent pas sénégalais, ne se
vêtissent pas selon les coutumes locales... Tout ce dont ces
commerçants chinois ont besoin, consomment, est importé de Chine
(vélos, nourriture, habits). L'intégration n'est pas
facilitée car ils se regroupent géographiquement,
entraînant un effet loupe, une représentation
démultipliée par rapport au nombre total d'hommes et femmes
implantés à Dakar. Enfin, leurs produits sont aujourd'hui si
visibles, car achetés par toutes les couches sociales
sénégalaises, je peux dire en quelque sorte, que la Chine est
omniprésente dans les rues et foyers dakarois.
Les commerçants chinois (majoritairement jeunes : 20
à 40 ans) sont installés sur trois territoires urbains de la
capitale, à forte valeur ajoutée et à valeur symbolique.
Le phénomène de diffusion spatiale a joué. Les premiers
commerçants s'installent vers la fin des années 1990 sur le
boulevard du général de Gaulle. Lorsqu'en 2003 cette voie
essentielle devient saturée (il n'est plus possible d'ajouter des
commerces ou saturation foncière due au quartier densément
peuplé de la Médina et à l'autoroute côté
Est), les nouveaux migrants vont s'installer sur
78 L'Europe est malheureusement la plus
distinguée en la matière : la France et l'Italie sont des
États où le regain nationaliste est le plus fort. Immigration
choisie, filtrée, les étrangers sont accusés dans ces
trois territoires de tous les maux (mais également en Suisse, en
Belgique, en Pologne, en Bosnie-Herzégovine et bien sûr en
Russie). Mais sur tous les continents, la méfiance envers les
clandestins, sans-papiers, ou émigrés tout simplement, est forte.
Aux États-unis où le gouvernement Bush souhaite ériger un
mur le long de la frontière Sud, pour stopper les migrants
Sud-Américains ; en Israël où le mur sépare les
colonies des territoires Palestiniens, afin d'éviter la multiplication
des attentats terroristes, et, en Côte d'Ivoire, pour ne citer que ces
exemples, où le rejet ethnique est fort ainsi qu'un nationalisme (contre
les Burkinabés) exacerbé par la pauvreté et le
désarroi politique. Des signes encourageants tout de même avec
l'arrivée au pouvoir de Romano Prodi, mettant fin au règne de
Berlusconi et de son oligarchie (mais les partis d'extrême droite,
l'Alleanza nazionale et la Lega Nord, sont toujours très présents
comme le Front national et le Vlaams Blok en Belgique ou le Hrvatska stranka
prava et le Srpska demokratska stranka en Bosnie-Herzégovine).
N'étant pas essentiel à l'étude je ne détaillerai
pas plus.
Aurégan, Xavier, Le risque de l'extrême droite
en Europe, Rennes, 2006 (dossier de Licence 3 de Géographie, Rennes
2).
l'avenue Faidherbe et les allées Papa Guèye
Fall, ce qui représente le prolongement naturel du boulevard, vers le
Sud, vers la grande mosquée et le Plateau. Si l'avenue Faidherbe est le
prolongement naturel du boulevard, les allées Papa Guèye Fall se
dirigent vers la gare Petersen où les Chinois rachètent les
hangars et garages privés où les automobiles sont en
réparation. On peut facilement observer un commerçant chinois
implanté entre deux ateliers sénégalais.
L'ensemble des magasins achetés, loués, les
commerçants chinois dernièrement arrivés vont s'implanter
à quelques mètres de leurs confrères, sur l' «
allée chinoise » (terme appliqué par les
Sénégalais eux-mêmes) ou début de l'avenue
Faidherbe. Sur la carte J, page 71 (et H, page 53), je présente
schématiquement ces trois territoires. Ces commerçants modifient
l'espace urbain79 : ce sont des espaces références,
appartenant au patrimoine commun. Ces phénomènes diasporiques
sont identifiables : un facteur quantitatif avec une concentration urbaine
réelle et spatialisée et, un rôle économique
indiscutable (ce sont les phénomènes diasporiques selon Pierre
Trolliet).
Le boulevard de Gaulle (appelé également
boulevard du Centenaire) compte 129 commerces dont 84 % environ sont tenus par
les Chinois. L' « allée chinoise » compte elle 92 % de
commerçants chinois et l'avenue Faidherbe angle allées Papa
Guèye Fall, 71 %. Au total, je dénombre 163 commerces chinois
contre 36 sénégalais sur ces trois territoires urbains
étudiés. 82 % du total (199) sont gérés par ces
détaillants venus d'Asie80. C'est un fort pourcentage.
Puis-je dénommé ce territoire « Chinatown
» ? Selon la définition de P. Trolliet, il est difficile de faire
la comparaison : « c'est un quartier affecté a une implantation
chinoise, souvent voulu et défini comme tel, au sein d'une
agglomération préexistante ou en création et qui a fini,
par sa taille, sa structure, sa cohérence, par devenir une ville dans la
ville [...] ville dans la ville, la Chinatown est dotée d'une dense
infrastructure ethnique - commerces, artisans, temples, associations,
journaux... - au service d'une société structurée et
stratifiée, dotée d'une quasi- autonomie mais qui s'ouvre
sectoriellement vers l'extérieur par ses restaurants, surtout. Elle a
constitué et constitue encore ici ou là un maillon essentiel de
la chaîne migratoire en tant que foyer d'accueil des nouveaux migrants et
conservatoire identitaire de la communauté émigrée. Cette
fonction d'accueil, qui opère comme un sas entre le pays natal et le
pays d'arrivée - pour l'apprentissage de la langue, pour un premier
emploi, pour s'intégrer aux réseaux ethniques, etc. - a valu
très vite à toutes les Chinatowns une surcharge
démographique de plus en plus considérable qui s'est traduite par
un de leurs caractères bien visibles - les foules et l'animation de
leurs rues ».
Certes certaines similitudes et concordances apparaissent
(quartier de Dakar, commerces, foyer d'accueil, foule et animation) mais je ne
peux pour autant qualifier ce territoire de
79 « Nous ne voulons pas de ce que font les Chinois sur
les Allées du Centenaire qui peuvent devenir nos
Champs-Élysées. Ils peuvent établir des partenariats avec
les commerçants sénégalais et ne pas transformer ces
allées en souks », dixit le ministre du Commerce.
Le Soleil du 7 décembre 2005.
80 En Annexe Ik, page 156, je propose
certaines photographies de ces commerces.
« Chinatown ». Telle la communauté qui est une
diaspora en devenir, cette zone urbaine est un Chinatown en devenir.
Il existe également trois autres commerces que je ne
peux insérer dans le même groupe, deux sont cités plus
haut, le dernier étant le Chinatel, boutique
spécialisée dans les téléphones mobiles et
proposant à la vente des appareils MP3, vidéos, informatiques...
(Annexe Il, page 157).
Une étude spécifique devait être faite
sur ces hommes et femmes81. Elle révèle des
informations et donnés intéressantes. Elle porte sur 39 de ces
protagonistes, ceux ayant répondu au questionnaire proposé.
22 d'entre eux sont originaires de la province du
Henan, dans le centre-Est de la RPC. C'est une province pauvre et
peuplée82. Les provinces du Fujian (6 d'entre eux),
de Shanghai (3), du Zhejiang (4), du Hubei, de
Hebei et du Jiangxi (1 personne pour chacune des trois
dernières) sont également représentées (voir
ci-dessous et carte G, page 43). Un commerçant affirme par
ailleurs être originaire de Russie.
Depuis combien de temps sont-ils au
Sénégal ? Depuis six mois pour six d'entre eux, cinq sont
installés depuis une année, un depuis un an et demi, huit depuis
deux ans, trois depuis deux ans et demi, huit depuis trois ans, trois depuis
quatre ans, six depuis cinq, deux depuis deux ans et une seule depuis sept
années.
81 Avec Marie Gaborit, étudiante en seconde
année du Master de Géopolitique, à l'Institut
Français de Géopolitique.
82 Peuplée d'environ 100 millions
d'habitants, elle demeure rurale et pauvre. En 2002, elle ne participe
qu'à hauteur de 6 % du PIB (Produit intérieur brut) national.
L'agriculture (blé, coton, tabac, arachides et sésames) et
l'industrie (charbon, textile, fer, acier et aluminium) restent les principaux
revenus de cette province, malgré son rôle historique : ce fut le
centre politique de l'Empire chinois pendant des siècles, avec
l'apogée, entre 1766 et 1027 avant J.-C., de la ville de Anyong
(Nord) qui en était la capitale sous la dynastie Shang.
www.wikipedia.fr, Microsoft
Encarta 2006.
Voir également en annexe presse et citations. ,
page 185
Ces premiers éléments de réponse
révèlent une population relativement homogène. En
opposition, ils et elles ne se concertent pas, à l'évidence, pour
migrer au Sénégal, l'étendue temporelle l'atteste. La
moitié de ces 41 (ceux ayant répondu à la seconde
question) sont arrivés depuis 2005 (48 % et en bleu sur le
graphique).
A la question pourquoi êtes-vous venus en
Afrique, ils répondent à 60 % pour le business. Les deux
réponses restantes sont, pour l'Afrique et pour la famille
(respectivement 22, 8 et 3 réponses). Je dois préciser que tous
ne répondent pas à l'ensemble des interrogations.
La quatrième question qui leur est posée est,
que pensez-vous de la qualité de vie ici ? Seulement 5
répondent par l'affirmative : bien. 14 émettent des
réserves, 11 ne se sentent pas bien au Sénégal et quatre
apportant des réponses que je classe dans « autres », par
exemple, « avant bien 900 yuan de douane, plus difficile depuis 2005,
frais de douane 1480 yuan ». Parmi ceux ayant répondu avec des
réserves et qui ne se sentent pas bien, voici ce qu'ils répondent
: « au début c'est dur, difficile de s'adapter, maintenant
ça va mieux » et « pas bien, beaucoup de voleurs, mauvaises
conditions de vie, transport et environnement ».
A la question ouverte, présentez votre
commerce, seulement trois répondent être satisfaits pour 20
répondant « moyen » et 7 ne se satisfaisants pas du leur.
Voici leurs réponses : « c'est toujours rentable pour les Chinois
de venir faire du commerce » ; « pas mal, assez pour nourrir sa
famille mais pas assez pour devenir riche » et donc « beaucoup de
stress et de concurrence » ou « les taxes augmentent et les prix
baissent ».
La question suivante est, où achetez-vous vos
produits ? Ils répondent tous en Chine, ce qui semble logique : il
aurait fallu préciser dans la question la province et la ville, mais,
certains affinent. La ville la plus fréquemment mentionnée est
Yiwu dans la province de Zhejiang, au Sud-Est. Cette ville,
qui est aussi un port, est spécialisée dans l'export, à
destination de l'Afrique et du Moyen-Orient. Les provinces citées sont
(Zhejiang) et Shanghai (qui est donc également une
ville). Les cités de Guangzhou (Canton) et Shenzhen
sont aussi évoquées par un commerçant. Vous
remarquerez que Shenzhen est une zone économique
spéciale (ZES) ou Zhongguo Jingji tequ, la plus importante
d'ailleurs. Le PCC a créer quatre ZES : dans le Guangdong
(villes de Shantou, Shenzhen et Zhuhai), le
Fujian (Xiamen), sur le Yangzi Jiang (fleuve Bleu
avec Pudong et Qinghuandao) et la ville de Changzhou
dans la province du Jiangsu qui n'est pas encore officialisée.
A remarquer également les liens entre ces ZES et les ports
d'embarquement en carte G, page 43.
Achetez-vous vos produits seuls ou faîtes-vous de
l'achat groupé ? Cette question est importante, car elle me permet
de comprendre comment sont effectués les commandes, et, s'il existe une
organisation au sein des commerçants. Eh bien 26 répondent «
seul » contre 8 affirmant acheter en groupe, soit « groupé
». Ce sont des commerçants individuels qui ne lient pas assez de
relations avec leurs voisins et compatriotes pour organiser l'achat des
produits, pourtant très similaires. Ils possèdent donc, en
majorité, leurs propres réseaux d'achat.
D'où vient votre capital d'investissement ?
Là encore, la majorité des commerçants possède
avant de s'installer leur propre capital nécessaire à la location
de l'habitat et du magasin, sans omettre les fonds minimums à
l'importation des premières marchandises. 18 d'entre eux
possédaient ce capital, mais tout de même 12 ont du pratiquer un
crédit pour parvenir à l'objectif commun, être et avoir les
moyens matériels et financiers de commercer. 5 ont à la fois
apporté un financement personnel et emprunté. A savoir,
lorsqu'ils empruntent, c'est à la famille et aux amis ; un seul dit
avoir emprunté à une banque, la Banque Populaire de Chine.
Comment choisissez vous les produits que vous achetez
? La grande majorité des réponses suivent logiquement le
raisonnement ainsi opéré : ils choisissent seuls, en fonction du
marché local, des coutumes et traditions. Trois disent ne pas choisir
eux-mêmes leurs produits mais n'approfondissent pas cette
démarche. Voici quelques exemples de réponses : « en
fonction du marché local », « des prix pas chers »,
« selon le goût des clients », et même « en
observant et avec audace », « en suivant l'ordre du Seigneur ».
Visiblement, certaines réponses ne manquent, elles, pas d'audace.
Cette interrogation est quant à elle significative
d'une représentation sénégalaise des Chinois : Avez
vous reçu de l'aide du gouvernement chinois ? En effet, beaucoup
pensent que les commerçants sont financièrement aidés par
leur gouvernement pour investir sur le marché africain, qu'en est t'il ?
13 l'affirme, 21 répondent par la négative. En analysant les
réponses, une question vient automatiquement à l'esprit, certains
(ceux qui seraient aidés) mentent t'ils ou certains (ceux ne recevant
aucune aide) sont ils ignorants ? Parmi ceux répondant oui, «
l'État a donné des subventions et politiques favorables »,
« le gouvernement leur fournit une bonne base de production pour faire
leurs commandes » et « le gouvernement chinois nous aide et prend
soin de nous, le gouvernement africain nous soutien beaucoup », ils
expliquent même grossièrement que la RPC n'est pas
étrangère à leur volonté de s'installer sur ce
continent éloigné et méconnu des leurs. C'est
malheureusement une information ardue à vérifier. Mais, au regard
des réponses de la seconde question, l'aide étatique si elle
existe, est rare, étant donné que plus de la moitié se
sont implantés avant 2005, date du rétablissement des
relations...
Cette question relativement ouverte a provoquée des
réponses qui le sont toutes autant : pourquoi avez vous quitté
la Chine pour venir faire du commerce en Afrique ? En regroupant leurs
témoignages, une vingtaine expriment l'expérience, le reste,
l'argent. Je recueille par exemple « l'Afrique a un avenir prometteur en
développement », « le continent africain est la
dernière terre vierge », « parce que les gens ont besoin
d'expériences variées pour enrichir leur vie et aussi pour
subvenir à ses besoins » et dans le domaine uniquement
pécuniaire, « pour trouver une voix qui me permette de gagner plus
d'argent » ou « parce qu'il est difficile de trouver du travail en
Chine ».
Je regroupe les deux questions suivantes en raison de leur
sujet : pensez vous rentrer en Chine ou continuer a faire du commerce
ici ? Pourquoi ? Et, votre famille est-elle venue aussi ou vous
rejoindra-t-elle plus tard ? A la première, ils répondent oui
(ils souhaitent rentrer) pour seize d'entre eux et non pour 6. 9 ne savent pas.
A la seconde, 15 affirment être venus avec leur famille, ou, qu'elle le
rejoindra plus tard et 21 pensent ne pas revoir leurs femmes et enfants avant
leur retour au pays.
Les dernières questions sont ciblées, sur leurs
commerces. La première étant, présentez les changements
que vous avez pu observer dans le commerce. La plupart répondent
à l'affirmative, autrement dit, il y a des changements : des
modifications diverses : « il n'y a pas de règle les choses
évoluent », « ça suit la mode
française », « trop de changement », « la
concurrence est de plus en plus forte », « il y a plus de justice et
d'égalité ».
L'autre question est : combien de conteneurs importez-vous
de Chine chaque année ? Ici aussi les réponses sont
différentes : deux importent 1 conteneur par année ; cinq
importent de 2 à 3 conteneurs annuels ; deux importent de 3 à 10
; trois en importent plus de 10 et sept déclarent que cela dépend
des années et de la demande.
L'avant-dernière question est, quelle est la valeur
marchande de la marchandise contenue dans un conteneur ? Les
réponses sont ici éloignées, car l'échelle est pour
le moins très grande, de quelques centaines à 5 millions de FCFA
!
La dernière est plus précise : quel est le
montant en valeur ou en pourcentage de vos bénéfices ? A
cette question, je suis en mesure d'affiner les réponses : de 0 à
5 %, neuf réponses ; de 5 à 10, six réponses ; de 10
à 20 %, deux réponses ; de 20 à 30 %, trois
commerçants et un seul dit faire plus de 30 % de bénéfices
après avoir réglé l'ensemble des dépenses (achats,
loyer, salaires...).
Avant de laisser nos protagonistes à leurs occupations
professionnelles, nous avions inscrit une dernière épreuve,
très ouverte et personnelle : autres informations que vous souhaitez
ajouter. Seuls cinq ont répondu mais, leurs propositions et
affirmations sont intéressantes : « nous sommes les bienvenus
auprès des commerçants et amis de Dakar car 1- on peut fournir
les marchandises qu'ils aiment, 2- prix pas cher 3- On a crée des
emplois, avant certains étaient des voleurs maintenant ce sont des
marchands, 4- les frais douaniers et loyers sont élevés, 5- quand
il y a des vols la police est gentille et agit vite, mais même s' ils
rattrapent le voleur, on ne peut récupérer la marchandise »,
« il serait plus intéressant de faire une étude non
économique sur les Chinois qui vivent à l'étranger dans
des conditions difficiles et comment ils arrivent à s'épanouir
malgré ces conditions. Vive la Chine, je suis très fier de mon
pays, notre dur labeur est notre fierté », « les containers
sont souvent partagés entre plusieurs acheteurs, chacun réservant
une certaine quantité de m3. Il y a environ 200 magasins, avec en
moyenne 5 containers importés par an par magasin ça fait 1000
conteneurs par an en tout », « citation de la bible [2 Corinthiens,
chapitre 5 verset 10]. Car il nous faut tous comparaître devant le
tribunal du Christ, afin que chacun reçoive selon le bien ou le mal
qu'il aura fait, étant dans son corps » et moins philosophique,
cette dernière remarque : « il n'y a aucun point commun entre la
Chine et l'Afrique mais à cause du chômage, on a pas le choix, il
faut partir pour tenter sa chance ailleurs ».
Cette étude qualitative et empirique apporte donc des
informations essentielles à la bonne compréhension de la
population commerçante chinoise. Mais j'en ai obtenu d'autres durant
l'étude
de terrain : entre 20 et 30 % de ces Chinois sont des
Chinoises ; fidèles aux clichés, ils possèdent des
vélos, travaillent du matin au soir sans jamais se plaindre de leurs
conditions (mis à part ces plaintes d'ordre économique
relevées) et vivent de manière simple voire rudimentaire :
certains magasins abritent des couches ou lits sommaires posés à
même le sol. Une anodine remarque mais qui cache en elle bien des
révélations sont les comptoirs. Ces comptoirs sont
omniprésents chez les commerçants chinois (voir photos de
l'Annexe Ij, page 155) mais rares chez les commerçants
sénégalais (également installés chez les Libanais).
Ces comptoirs où l'on peut lire en très mauvais français
« Avis - chère clients(e) : toute marchandise achetée n'est
ni échangeable ni remboursable - vérifiez votre monnaie avant de
partir - merci de votre compréhension », signé du tampon du
ministère de l'Intérieur, sont en fait de véritables murs
antivols ! En effet, les Sénégalais ayant pour coutume, c'est peu
de le dire, de négocier leurs achats, seraient pendant cinq, dix ou
vingt minutes présents dans les commerces (à multiplier par le
nombre de clients), jusqu'à l'achat final. Les Chinois ont trouvé
la meilleure des parades, ne pas négocier et séparer le magasin,
donc les produits, des clients. Le vol s'en trouve diminué.
Une remarque intéressante me vient d'une des vendeuses
: elle affirme mettre en location son commerce, le bail, pour s'installer sur
l'avenue Faidherbe où « ça marche mieux ». Selon un
autre commerçant, c'est de plus en plus dur pour eux car le taux des
loyers augmente continuellement. C'est en partie pour cela que la
majorité des sondés déclarent vouloir rentrer en Chine
sous peu. Le Sénégal n'est pas un eldorado.
Ces informations diverses pourraient être
accompagnées de celles-ci : des journalistes de RTS (Radiodiffusion
télévision sénégalaise) sont, un après-midi
où Marie et moi-même conversions avec les commerçants de
l'allée chinoise, venus effectuer un reportage sur ces derniers.
Écoutant et parlant avec elle (la journaliste), nous apprenons que son
reportage sera clairement à l'encontre des commerçants venus
d'Asie. Elle prend parti sans s'en émouvoir. Une autre information
donnée par un commerçant concerne la position stratégique
du Sénégal : il prétend que ce pays est « le
supermarché chinois pour l'Afrique de l'Ouest ». Cette affirmation
est pourtant fausse, d'après le couple Yin et plusieurs autres
témoins entendus.
Ceci étant dit, des questions doivent émerger
chez le lecteur : sont t'ils réellement organisés ? Eh bien oui
et non. Oui car il m'est clairement apparu que les nouveaux migrants
bénéficient d'aides matérielles et financières,
s'ils le souhaite, pour ouvrir l'échoppe et s'intégrer à
Dakar. Mais ce n'est bien sûr qu'une organisation officieuse. Non car une
organisation officielle a été tentée en 2005 et 2006, et
continue de l'être. Malheureusement, les commerçants ne
parviennent pas à se décider sur le nom du responsable. Mme Yin
fut d'ailleurs proposée, mais son refus comme elle l'indique est
plutôt judicieux : « l'Ambassade m'a demandé mais je ne veux
pas car il n'y a pas de reconnaissance, pas de retours, ils sont trop
individualistes ». Monsieur Liu, du restaurant
Le Mandarin place de l'Indépendance, fut lui
aussi proposé, mais étant originaire de Shanghai, il
n'était pas légitime.
Une seconde question serait, malgré tous les
inconvénients (loyers, adaptation au pays, langue, vols...), pourquoi de
nouveaux Chinois migrent au Sénégal ? La réponse est
simple : ces agriculteurs et autres employés originaires de la province
du Henan ne sont pas fortunés et comme je l'ai indiqué,
ne peuvent que difficilement faire évoluer leur statut social, au sein
de leur pays d'origine. Leurs compatriotes, par l'intermédiaire de
Henan Chine, s'installent les premiers sur le boulevard de Gaulle,
ayant pressenti les avantages et bénéfices à court terme
d'un tel emploi dans un pays où la vie est relativement
chère83. Le bouche à oreille fonctionne lors de
retours et de nouveaux migrants du Henan s'installent à Dakar.
Si aujourd'hui, certains migrent, la principale raison est monétaire et
sociale : accéder en moins de quelques mois au statut de
commerçant individuel est une évolution sans
précédents pour certains, ce qui reste extrêmement
difficile en RPC. Concernant la migration des commerçants, voici la
réponse de l'ambassadeur de la RPC à Dakar, Lu Shaye : « je
ne sais pas comment les commerçants chinois se sont établis
à Dakar. Ce que j'ai constaté, c'est que les commerçants
chinois sont venus pour la plupart à Dakar pendant les dix
dernières années. Aujourd'hui, ils sont au nombre d'une centaine.
Par rapport aux pays voisins, je ne pense pas qu'ils soient si nombreux que
ça. D'ailleurs, leur présence à Dakar présente plus
d'avantages que de problèmes ».
Cette affirmation confirmerait donc ce que la majorité
des interrogés affirment. Il s'agit plus d'une démarche
personnelle, individualiste que concertée et en rapport, soutenue par le
PCC. Maintenant, quelles sont les aides dont parlent les autres
interrogés ? Le commerçant prétextant que « le
gouvernement leur fourni une bonne base de production pour faire leurs
commandes » répond, seul, à la question comment
achetez-vous, seul ou groupé ? Si l'État asiatique souhaitait
réellement s'approprier le marché sénégalais, ne
serais-ce pas plus aisé d'exporter les produits pour l'ensemble des
détaillants établis au Sénégal (qui je le rappelle
vendent les mêmes produits), voire à une échelle plus
petite, en Afrique de l'Ouest ? Les coûts seraient de fait
réduits... Il s'agit peut-être d'usines d'État, là,
la production dont parle le commerçant serait effectivement
proposée aux professionnels de la vente à un prix moindre.
D'autres commerçants ont parlé de visas, de « subventions et
politiques favorables ». Je ne pense personnellement pas un instant que
l'État favorise ou assiste directement l'ensemble des commerçants
chinois migrants en Afrique Subsaharienne. Des aides indirectes sont fournies,
c'est certain, telles l'octroi facilité de visas,
83 Selon le recoupement des entretiens, les
commerçants sénégalais ont dans un premier temps, subi les
tarifs appliqués par les libanais. Les Sénégalais, qui
détenaient le monopole commercial ont vu cette concurrence diminuer les
marges des produits de consommation courante. L'arrivée des
commerçants chinois permit une révolution : les prix ont
été divisés par deux, mettant certainement des
Sénégalais au chômage mais contribuant à la baisse
du coût de la vie. Les foyers purent également acheter plus de
produits (habillement, cosmétique, bien-être...) pour plus de
personnes. Je rappelle qu'au Sénégal, si la qualité n'est
que rarement prisée (sauf chez les favorisés), la quantité
est, elle, très importante, dans le textile par exemple.
la conjoncture économique et sociale de la RPC
permettant à certains de ses ressortissants de choisir de voyager et
s'installer dans des États éloignés idéologiquement
et géographiquement. Je n'exclue toutefois aucune possibilité,
même certaines pressions habilement menées par l'ambassade ou le
gouvernement envers certains dirigeants sénégalais pour favoriser
les démarches et l'intégration des migrants. Je rappelle
également l'arrivée de la moitié de ces commerçants
interrogés post-2005, soit, une moitié arrivée lorsque le
Sénégal entretenait encore des relations avec Taipeh.
L'ambassadeur parle d'avantages. Ces atouts, aubaines pour
les Dakarois, je l'ai déjà dit, sont la baisse du prix des biens
de consommation courante, la possibilité pour les femmes d'obtenir un
second salaire familial grâce à la vente des produits chinois dans
les quartiers et villes limitrophes de Dakar, l'emploi direct de deux à
trois cent jeunes faisant le lien entre la clientèle et le patron
chinois. Dans une moindre mesure, des revenus informels pour les douaniers et
autres personnels de sécurité du port de Dakar, dédouanant
les conteneurs.
Que dit il ? « Parce que ces commerçants chinois
sont des privés qui, avec leur arrivée, importent des
marchandises chinoises qui sont très bon marché. Bien sûr,
ces marchandises ne sont pas « haut de gamme », mais elles ne sont
pas de mauvaise qualité. Et cela correspond au pouvoir d'achat de la
population ordinaire sénégalaise. C'est pourquoi les
commerçants chinois sont bien accueillis par la population
sénégalaise. J'entends aussi des contestations envers eux. Mais
ce sont surtout de la part des commerçants sénégalais. Ces
derniers sont concurrencés. Mais on ne doit pas jeter le
bébé en versant l'eau du bain. Il faut réfléchir.
Il faut se mettre à table pour essayer de trouver une solution
adéquate dans l'intérêt des deux parties.
»84. L'ambassadeur ne s'avance pas énormément il
est vrai.
D'autres réponses sont données par le rapport
produit par la mission économique française : « la
présence de ces petits commerçants a un impact important sur
l'économie sénégalaise car leurs prix sont bien moins
chers que ceux des Sénégalais, qui pourtant se fournissent aussi
en Chine. Il est périlleux d'évaluer toutes les causes de ces
prix plus bas, mais certaines pistes peuvent être explorées : - le
coût de la main d'oeuvre encore bien plus bas que pour les
Sénégalais. (Un ingénieur chinois gagnerait autant qu'un
journalier sénégalais). - le fait que les Chinois soient
envoyés (et subventionnés ?) par leur gouvernement, pour «
faire avant tout de la devise » ; ils peuvent donc se permettre de vendre
à perte. - l'envoi de marchandises semi finies en pièces
détachées qui prennent beaucoup moins de place dans les
conteneurs et qui sont plus difficiles à évaluer par la douane. -
l'entraide entre les commerçants qui se connaissent tous et
n'hésitent pas à se prêter de l'argent, pour faciliter
l'installation de nouveaux venus. En effet, lorsqu'un nouveau arrive, il reste
quelques temps dans la boutique d'un compatriote pour apprendre des rudiments
de français et wolof, les techniques de ventes, en attendant de trouver
une échoppe. ».
84 Entretien avec Ndakhté M. Gaye pour le
journal privé Wal Fadjri,
www.walf.sn/economique/suite.php?rub=3&id
art=36771
Leurs conclusions sont trop hâtives. Le premier
argument est celui du coût de la main d'oeuvre. Il est plausible mais
seulement à très court terme car s'il est certain qu'aujourd'hui
ils sont proches, les salaires, ce ne sera pas le cas dans les années
à venir. Logiquement, le Sénégalais stagnera, pas le
Chinois. De plus, des commerçants affirment gagner autant ici, à
Dakar, qu'en Chine ; la différence est au niveau familial et dans le
loyer, toujours plus abordable que dans les grandes villes de la côte Est
asiatique.
Le second argument concerne les devises. Il est vrai que la
Chine possède plus que n'importe quel État, de devises (ses
réserves sont estimées à 1 200 milliards de dollars). Mais
elles sont originaires des États-unis en grande partie. Si certains
commerçants vendent à perte, c'est plus par souci
d'écouler ses stocks qu'autre chose. Un commerçant vend beaucoup
et à prix bas, défiant toute concurrence je l'accorde. Mais c'est
la quantité qui compte, à l'image d'une chaîne de
supermarchés. On peut comparer les commerçants achetant en gros
et selon un fournisseur commun (8 sur 32 réponses) à des
franchisés d'une grande marque française d'hypermarchés,
ou plutôt allemande, Lidl, étant donné le peu
d'efforts en marketing et agencement ! Si 13 sur 34 commerçants
affirment avoir reçu une aide de leur gouvernement, c'est bien plus par
souci de protéger ses ressortissants et de trouver des
débouchés pour les produits made in China invendables
sur le marché intérieur que pour produire les devises, plus
aisées à obtenir de l'autre coté de l'Atlantique et en
Europe de l'Ouest. Les deux arguments restants sont véridiques : les
commerçants envoient des pièces détachées dont
certaines sont assemblées sur place, dans les villas et logements. Mais
ce n'est qu'une partie infime des marchandises vendues au
Sénégal.
L'argument final est l'aide octroyée par leurs
compatriotes. Il est également fondé.
Mais ne vous imaginez pas que, pareillement aux «
Chinatowns » de San Francisco ou bien Paris, ils sont une dizaine par
baraquement, entassés les uns sur les autres, Dakar est à une
échelle bien moindre. Par contre vous pouvez imaginez que dans une des
principales capitales africaines, au minimum 75 % des produits proposés
à la vente dans les rues sont d'origine chinoise. Le textile et
l'habillement (chaussures notamment) représentant une bonne part.
Tout cela attise, c'est humain, des représentations
diverses. C'est le sujet du prochain chapitre. Avant d'éclairer ce
propos, je dois m'arrêter sur certains points. Comptant au minimum deux
Chinois par boutiques (car dans certains commerces plusieurs s'y trouvent,
jusqu'à quatre : ce sont les migrants récents, qui
épargnent dans l'attente d'ouvrir leur propre échoppe), deux cent
employés et une centaine d'experts, techniciens et autres (les Chinois
qui comptent) réunis, la population originaire de Chine est d'environ 6
à 700 âmes. Ce qui confirmerait les chiffres donnés par M.
Yin (500 à 700) mais serait en deçà de M. Liou (environ
800).
Des réactions intéressantes sont celles des
commerçants sénégalais et chinois au lendemain de la
reprise des relations bilatérales. Voici ce que l'APS relève (en
annexe, page 185).
Un sujet primordial est la concurrence qu'exerce entre eux
les commerçants. Ce n'est pas négligeable car jusqu'ici la
population chinoise est en augmentation : si je compare et ajoute mes chiffres
(nombre de commerces chinois) avec l'étude citée en [47], page 44
; cf. Annexe Im, page 157.
De plus l'étude de S. Bredeloup et B. Bertoncello
apporte des éléments supplémentaires : « c'est ainsi
qu'à Dakar, l'association des consommateurs sénégalais
(ASCOSEN) annonçait le chiffre de 300 commerces chinois en août
2004 et évaluait le nombre de familles à 150 l'année
suivante. En 2005, la presse dénombrait 152 boutiques dans lesquelles
opèreraient 1200 personnes sans préciser leur nationalité
; A. Sarr, la même année, en comptabilisait 138, réparties
dans les trois artères principales de Dakar (allées du
Centenaire, allées Papa Guèye Fall et avenue Faidherbe) et
estimait à 145 le nombre de vendeurs. A l'évidence, au regard de
nos observations établies dans le même périmètre
géographique l'année suivante, les 143 boutiques recensées
accueillent chacune entre 2 et 4 travailleurs chinois sans compter les
employés sénégalais »
Ce faisant, ils mettent en péril les autres
détaillants de nationalité sénégalaise et notamment
les Libanais. Des faillites dues à cette continuelle baisse des prix qui
mécontente par ailleurs les commerçants chinois eux-mêmes.
Ces hommes et femmes sont simples, dans le sens où ils n'attendent pas
des miracles de leur statut mais seulement un salaire leur permettant de vivre
et de faire évoluer quelque peu leur condition sociale. Ils et elles
n'ont pas effectué de longues études, (certains ne savent lire et
écrire) et ne possèdent pas, de fait, de conscience politique
profonde et riche.
Ils sont plutôt individualistes (professionnellement
parlant) et ont donc de sérieuses difficultés à
s'organiser. L'intégration est affectée par une rotation humaine,
(même si pour beaucoup - de clients - un Chinois reste un Chinois). C'est
aussi pour cela que leurs opposants y trouvent des occasions
supplémentaires pour les critiquer, les déconsidérer et
les blâmer.
DEUXIÈME PARTIE : REPRÉSENTATIONS,
CONFLITS D'INTÉRÊTS ET RIVALITÉS DE POUVOIRS
CHAPITRE I. - LES CHINOIS IMPLANTES AU SENEGAL SONT
GENERATEURS DE CONFLITS
1. « Le Chinatown et le China Market » ou la
représentation négative
Cette expression relevée d'une
discussion85, place de l'Indépendance est
caractéristique d'une certaine représentation. Derrière
cette vision, cette conception, cette image des Chinois se cache des
éléments objectifs et subjectifs. Il existe à Dakar, deux
représentations quant à l'implantation des commerçants
chinois. De ceux-ci exclusivement car seuls les boutiquiers entraînent,
malgré eux, ces débats. Le « Chinatown » désigne
le quartier de Gibraltar limitrophe, contigu du boulevard de Gaulle ; le «
China Market » le boulevard lui-même et les deux autres territoires
cités auparavant. Plus que les hommes et femmes vivant et travaillant
dans ces lieux, c'est leur fonction, profession qui est visée. Cette
représentation négative est portée essentiellement par un
cercle social réduit et définis : les commerçants, le
patronat et leurs mandataires.
Les commerçants sont les Libanais dont je parlerai
dans le chapitre suivant. Le patronat et leurs mandataires sont les principaux
protagonistes de cette représentation. Le patronat au
Sénégal est l'UNACOIS, le CNP et la CNES86. Les
différents entretiens réalisés auprès de ces
instances apportent les réponses et arguments reflétant cette
appréciation offensive quant au fait chinois
sénégalais.
Que disent t'ils ? Quels sont leurs mots pour exprimer cette
menaçante implantation asiatique ? Pourquoi et comment les combattre ?
Premièrement, ces interlocuteurs défendent leurs
intérêts. Ils représentent des commerçants,
industriels et entrepreneurs. Que des personnes attaquent leurs rentes et ils
se doivent de répliquer. Que ce soit des étrangers issus d'un
pays lointain et
85 Mamadou, 31 ans. Durant mon étude de
terrain, j'apprendrai beaucoup de ces innombrables discussions auprès
des Dakarois.
86 UNACOIS ou Union Nationale des Commerçants
et Industriels du Sénégal ; le CNP est le Conseil National du
Patronat et la CNES est la Confédération Nationale des Employeurs
du Sénégal.
encore peu connu, qui ne connaissent pas
particulièrement les rouages et commodités du système
économique sénégalais sont d'autres arguments subjectifs
à leurs charges.
L'argument principal donné est la concurrence
déloyale : si les préjudices, soit, la moins- value, ne sont pas
connus, tous l'affirme. Les Chinois utiliseraient tous les moyens en leur
possession pour proposer ces prix défiant toute concurrence, y compris
les moyens illégaux tels l'emploi de condamnés, le non-respect
des règlementations et normes, de fausses déclarations, aux
douanes, de la moitié des produits importés, la vente à
perte, la fabrication illégale dans de petites unités de
transformations. Que ce soit Youssoupha Diop (adjoint du directeur
exécutif à la CNES ), Papa Nall Fall (président de la
commission économique et financière et responsable au Conseil de
la République pour les affaires économiques et sociales au CNP),
Oussynou Niang (secrétaire permanent de l'UNACOIS/Def), Diongue
(secrétaire de la NSTS ) ou Moustapha Sakho (président de
l'UNACOIS ), tous convergent en ce sens (se reporter à l'annexe
entretiens).
A mes questions portant sur la qualité des marchandises
asiatiques, les réponses sont unanimes : « oui mais avant le
Sénégalais avait le goût de la qualité, aujourd'hui
c'est juste un besoin de se satisfaire87 [...] le
Sénégalais lambda ne fait pas la différence entre la
mauvaise et bonne qualité. C'est dans tous les domaines mais aujourd'hui
on ne fait plus la différence entre un robinet français et
chinois, la copie est excellente ». Monsieur Niang affirme même :
« on envoie des déchets au Sénégal, les limites de
péremption sont dépassées ! ». Monsieur Diop, quant
à lui : « comme vous dites oui, mais la qualité c'est autre
chose, mais ça arrange la population... ». Il répondait
à ma supposition : les Chinois ont eux contribués à
baisser les prix des produits de première nécessité.
Qu'en est t'il de l'emploi crée par ces
commerçants ? L'UNACOIS/Def parle d'exploitation, d'esclavage et accuse
la communauté en général de ne pas investir, de ne pas
proposer de transferts de technologie. Son collègue de l'UNACOIS est
plus raisonnable et réaliste en avouant « on peut dire ça
mais juste entre 300 et 500. Ce n'est pas bien, c'est de l'informel, ils ne
payent pas d'impôts... ».
Je reviens quelques instants sur l'espace urbain
occupé par les Asiatiques, dont le quartier résidentiel de
Gibraltar. Éléments faisant partie intégrante de cette
représentation, il sont soumis à une spéculation
foncière sans précédent. Les locataires chinois payent
jusqu'à un million et demi de FCFA (loyer annuel, ce qui
représente plus de 2 000 euros). Quant au boulevard, et hormis l'espace
libre disponible à l'arrivée des premiers détaillants
à la fin des années 1990, « c'est évidemment parce
que le boulevard est bien entretenu, c'est une fierté à Dakar le
boulevard ! En plus, ici ils sont accessibles, le toubab [Blanc en wolof] n'est
pas trop accosté », dixit M. Sakho.
87 Réponse démagogue étant
donné le peu de moyens dont les foyers sénégalais
disposent.
Sur les migrants eux-mêmes, la position commune
à ces interlocuteurs est la réglementation. Le nombre de 800
commerçants et chinois semble être la limite acquise. Limite
d'ailleurs proposée par A. Wade. Non renouvellement des cartes de
séjour, contrôle stricte des entrées et augmentation des
commissions (ce qui est en fait la licence commerciale) sont les principales
revendications.
D'autres arguments sont avancés. La vente à
crédit des marchandises importées de Chine (par les
commerçants chinois exclusivement), le subventionnement par
l'État chinois, la non- participation des migrants à
l'économie locale, le rapatriement de devises achetées à
une fois et demi du cours et la polémique au sujet des conteneurs. Le
conteneur est associé à un patronyme sénégalais
pour ne pas éveiller de soupçons et que ce faisant le
commerçant chinois, payant un bakchich au passage, peut en toute
quiétude récupérer ses marchandises sans avoir à
passer par les contrôleurs et employés du port autonome de
Dakar.
Les témoignages sont concordants. Afin de lutter dans
la pratique, l'UNACOIS a organisé en août 2004 une manifestation
de grande ampleur. Une manifestation dont le point de départ
était, symboliquement, le monument de l'indépendance au
début du boulevard du général de Gaulle (Nord de
l'artère). Ce défilé anti-chinois s'est transformé
en grève. Durant trois journées, les syndicats ont bloqué
l'ensemble du territoire en baissant les rideaux de tous les
commerçants, sénégalais et libanais. Mis à part ces
derniers et les représentations citées plus haut, dont la
CNES88, la Chambre de commerce participa également à
ce tour de force.
Alors comment combattre politiquement ces Chinois, avec
l'aide du gouvernement si possible ? A ma question - vous aviez
interpellé le gouvernement ? - le président de l'UNACOIS
répond « oui, Wade. Il nous avait dit qu'on ne peut pas interdire
les Chinois parce qu'il y a des Sénégalais partout dans le monde.
Il y a des Sénégalais en Chine qui font du transit... ». Le
gouvernement ne reste pas sourd aux arguments, et agit en conséquence :
« le ministre du Commerce, Mamadou Diop, a révélé
à l'APS que plusieurs tonnes de marchandises convoyées par des
commerçants chinois ne disposant pas de licence ont été
confisquées par les services compétents [...] nous avons
découvert lors des contrôles effectuées que près de
15 pour cent des commerçants chinois n'avaient pas de registre de
commerce. Comme nous sommes dans un pays de droit, le ministère de la
justice a été saisi et nous avons confisqué plusieurs
tonnes de marchandises. Nous avons aussi constaté que les titres de
séjour de beaucoup de commerçants arrivaient bientôt
à expiration, a poursuivi le ministre, indiquant que c'est un
problème qui touche plusieurs départements ministériels
comme la justice, l'intérieur et le commerce »89. De
même,
88 Paradoxe humoristique, son bulletin contient
une publicité pour Espace Auto, dont le slogan est «
Espace Auto est également le premier importateur en Afrique des plus
grandes marques et automobiles chinoises. Symboles d'une nouvelle
génération axée sur le design, la technologie et
l'économie, les marques chinoises vont révolutionner le
marché de la vente de véhicules neufs ». Annexe IIo,
page 158.
89 APS du 4 août 2005.
en Octobre 2003, quatre bar-restaurants tenus par des
ressortissants chinois furent fermés par les autorités
compétentes (information obtenue par un commerçant libanais sur
l'avenue Lamine Guèye).
Comment combattre judiciairement ces Chinois ? Ils saisirent
la commission nationale de la concurrence (structure de la Chambre de commerce,
d'industrie et d'agriculture de Dakar, CCIAD). Soupçonnant, à
raison, l'import de pièces détachées (et non de produits
finis) afin de ne pas s'acquitter des taxes les plus élevées, les
commerçants chinois se sont fait démasqués. Mais la
douane, impartiale ici, a augmenté l'ensemble des taxes : les
Sénégalais se sont placés en victimes.
Ceux-ci ont par ailleurs dénoncé les
installations non légiférées des commerçants
concurrents, les accusant de ne pas être en règle avec le
ministère de l'Intérieur (services de l'immigration dont la
direction de la police des étrangers et des titres de voyage).
Mais ces protagonistes ne sont pas totalement honnêtes
car ils oublient de mentionner un fait : ce sont les commerçants
sénégalais, au sens large, qui ont profité les premiers
des produits made in China90.
Y a t'il des contacts entre les représentations
officielles chinoises et eux ? L'Ambassadeur chinois s'est
déplacé (à l'UNACOIS) en 2006 « pour résoudre
les problèmes » mais les contacts se sont limités à
cette entrevue.
Avant de conclure, que pèsent ces Chinois dans
l'économie ? Peu en vérité, car ce sont de petits
commerces, mais qui amplifient l'informel. L'économie parallèle
est elle très affectée.
Quelle est la position officielle du CNP ? « Nous avons
des rapports avec le MEDEF [Mouvement des Entreprises de France], alors ce
serait anachronique d'être xénophobe ! ». Étonnante
position, le MEDEF n'est pas singulièrement connu pour ses positions
anti-racistes et c'était bien des commerçants chinois dont nous
parlions à cet instant. Mais une phrase, de Youssoupha Diop, attirera
mon attention : « ce pays est le notre, on a un devoir et une
responsabilité citoyenne ». Je dois préciser que l'UNACOIS
et ses partisans sont qualifiés de xénophobes par leurs
opposants, dont j'expliquerai leur représentation dans le prochain
point.
Enfin, une autre raison de défiance est
l'aménagement urbain. Il y a là de véritables enjeux
territoriaux, des rivalités de pouvoirs car les Chinois sont
installés dans les rues et boulevards où l'on touche directement
les symboles de l'identité nationale : militaire car c'est sur cette
voie que
90 La cupidité des commerçants
sénégalais n'est pas à démontrer. Jusqu'à
l'arrivée des Chinois, ces premiers se sont enrichis grâce aux
produits made in China : ils les revendaient jusqu'à trois fois
plus cher que leurs actuels concurrents Asiatiques.
Concordant, ce témoignage de Momar Ndao
(président national de l'ASCOSEN) : « oui, avant les
Sénégalais faisaient même faire les photos en Chine et les
revendaient 10000 francs [15 €] alors qu'aujourd'hui les Chinois les
vendent 1000 [1,5 €]. Ils les vendent au prix réel. ».
défile ces derniers, idéologique et historique
pour la population, et, c'est enfin une fierté nationale car ce
territoire reste un des mieux agencés, plus entretenus et
convoités.
Cette représentation est clairement hostile aux
Chinois. Elle est relayée par deux pouvoirs, au combien importants au
Sénégal et dans toutes les démocraties : les pouvoirs
politique et médiatique.
L'échiquier politique dans cette République
n'est pas scindé en deux camps, mais trois au minimum. Le parti
d'Abdoulaye Wade (PDS ou Parti démocratique sénégalais)
est sans conteste le plus armé et puissant pour conduire son leader au
pouvoir suprême, étant donné sa
réélection91. C'est ce qu'on peut nommer la droite
libérale voire ultra-libérale, copiée sur le
système étasunien. La gauche est représentée par
Tanor Dieng, sous le Parti Socialiste (PS). Le troisième parti dont je
parle est Rewmi, le parti d'Idrissa Seck, ancien Premier ministre
sénégalais sous la première présidence Wade. Il
existe également le AFP ou Alliance des Forces de Progrès,
classé à droite. C'est son président, Moustapha Niasse
qui, il est d'ailleurs le seul, (hormis naturellement A. Wade qui dut se
prononcer), a se positionner en faveur ou à l'encontre des
commerçants chinois - du moins à en débattre lors de la
campagne présidentielle. Dans un article du journal Wal Fadjri,
il, selon le journaliste Ndakhté M. Gaye, « promet de faire la
lumière ». Son contenu est en annexe presse et citations,
page 186. Ce geste en faveur de l'UNACOIS et du patronat
sénégalais est éminemment politique. En effet, M. Niasse
tente par là de s'attribuer les voix de ces derniers, qui
représentent en comparaison, le MEDEF et la CGPME92 en
France, ce qui durant une élection présidentielle, compte.
La presse est également d'une importance capitale dans
cette représentation. Nouvel horizon est un magazine. Son
N° 497 contient un dossier spécial sur les commerçants
chinois, son titre : « le péril chinois ». Son introduction :
« quand les commerçants sénégalais ont, pour la
première fois, stigmatisé la présence de leurs «
collègues » chinois, on a vite fait de crier à la
xénophobie. Aujourd'hui que tous les secteurs ont fini par être
gangrenés, il n'y a qu'un seul mot d'ordre qui vaille : vaincre le
péril chinois au nom de la défense de l'économie nationale
».
D'autres journaux s'intéressent à ce
débat, tels Le Quotidien, Wal Fadjri, Le
Soleil,
L 'Observateur, Sud Quotidien, des journaux
électroniques tels
Afrik. com... Simplement, le
seul média proposant une neutralité est Wal Fadjri. Ses articles
prennent en compte les deux camps, les deux représentations et surtout
donnent la parole aux « pro-chinois ». Fait rare dans la presse
sénégalaise mais également dans les médias visuels.
Deux titres d'articles peuvent être cités : «
Sénégal : pour ou contre les commerçants chinois ? »,
daté du 13 août 2004 et « Sénégal: À
Kolda, le cachet sous-régional pérennisé, l'absence des
chinois déplorée » en date du 6 avril 2007.
91 Réélu en mars 2007 au premier tour
avec 55,9 % des voix devant Idrissa Seck (14,9 %) et Ousmane Tanor Dieng qui
recueillit 13,5 %. Moustapha Niasse obtint 5,9 % des suffrages
exprimés.
92 Confédération Générale
des Petites et Moyennes Entreprises.
Les Chinois possèdent donc des alliés au
Sénégal, et ils sont nombreux.
2. Une politique officielle bienveillante
Riches en nombre car ce sont les clients qui eux-mêmes
sont les consommateurs sénégalais qui sont des citoyens donc des
électeurs. Le second allié des Asiatiques est le gouvernement.
Les consommateurs doivent se regrouper pour unir leurs forces et
fédérer les mots d'ordre, les revendications et perspectives :
c'est l'ASCOSEN. Ces trois groupes sont, en quelque sorte, les amis des
Chinois. Ils défendent leur cause par d'hétéroclites
procédés, mais, la finalité est analogue. Il ne sont pas
les seuls, mais sont le véritable rempart contre les attaques du camp
opposé, hostile à la présence chinoise au
Sénégal.
J'ai, dans les lignes et chapitres précédents
abordé le thème des consommateurs. Ici, c'est le rôle et la
ou les positions de l'Etat sénégalais qui m'importe, avec l'appui
de l'ASCOSEN et de son président Momar Ndao. Que dit Abdoulaye Wade
à ce sujet ? Fustigeant la thèse de l'invasion chinoise en
Afrique et de ses produits, il souhaite commercer avec l'État asiatique
sans pour autant « écraser notre industrie pour renvoyer à
l'inactivité nos milliers de commerçants ». Abordant le
conflit sino-sénégalais, il déclare que son gouvernement a
agi avec clairvoyance, que les commerçants chinois sont tous en
situation régulière. Toutefois, il estime le nombre de ces
détaillants correct, mais si à l'avenir, celui-ci augmentait
« cela poserait problème ».
À un niveau supérieur, il souhaite créer
une zone franche en faveur des industries chinoises, rappelant que d'autres
pays y ont accès. Enfin, il condamne les protagonistes exerçant
« une certaine propagande [et] des réflexes négatifs de peur
», en soutenant à l'inverse la coopération entre les deux
États93.
Son appréciation ne laisse pas de place au doute quant
à sa représentation envers les Chinois. Mais le président
reconduit dans ses fonctions laisse un goût amer aux amis de l'UNACOIS.
Il leur avait en effet promis d'être intransigeant et ferme avec les
futurs migrants, en contrôlant les entrées sur le territoire
sénégalais. Mais ses paroles ne furent suivies d'aucun acte,
exception faite des contrôles douaniers. C'est donc une politique
officielle bienveillante à l'égard de la population chinoise. Une
politique ouverte, réfléchie et réaliste.
93 Le discours est disponible sur le site Internet de
Xinhua du 11 avril 2006.
J'aimerai, avant la description de l'ASCOSEN, proposer un
résumé de la perception des consommateurs
sénégalais : « si les Chinois n'étaient pas
là, ce n'est pas avec mon salaire et avec les cinq enfants que j'ai que
je pourrais aller dans les supermarchés ! 94». Les
Dakarois sont dans leur majorité, très bienveillants quant
à la présence des échoppes et de leurs patrons chinois. Si
certains s'agacent sur la forme de leur implantation (regroupée et sur
des artères historiques), ils apprécient tout autant leurs
tarifs. Ils offrent des emplois aux jeunes, louent au prix fort les maisons et
échoppes, sont discrets et honnêtes.
Les commerçants originaires d'Asie sont tout autant
perspicaces, comme l'enquête l'a démontré. En annexe
presse et citations, page 186, l'article de l'APS donne quelques
ressentiments de ces derniers.
Les détaillants chinois sont donc réalistes et
connaissent, pour certains du moins, l'instabilité de leurs statuts de
commerçants étrangers non intégrés. Ils sont
soutenus par plusieurs organisations dont l'ASCOSEN, la RADDHO, la CSA, la
CNDPA, l'ONDH et l'UNCS95. Ces six associations et organisations ont
participé à l'appel du premier, à la marche en soutien aux
commerçants chinois qui répondit à la manifestation et
grève, menée par l'UNACOIS début août 2004. Cette
manifestation d'environ 300 personnes96 (départ à
l'Obélisque et fin devant les locaux de la RTS sur le boulevard de
Gaulle et intitulée contre « l'intolérance, le racisme ou la
xénophobie de l'UNACOIS ») vit également le soutien de
l'Association des employés de commerce des Chinois, le Regroupement des
distributeurs de produits chinois et l'Amicale des dockers commis au
débarquement des produits chinois. Des individus, comprenez des
consommateurs sénégalais, vinrent par ailleurs soutenir leurs
détaillants favoris. Si les opposants affichent indiscutablement leurs
arguments et rejets envers les commerçants asiatiques, les partisans de
la représentation positive, par la voix de Momar Ndao97 qui
siège également à l'UEMOA sous le mandat de
président des associations de consommateurs, ne manient eux non plus la
langue de bois.
Premier point, la perte par les commerçants
sénégalais du marché dakarois par leurs «
collègues » chinois. En fait, les Chinois ont simplement investi
là où les Sénégalais auraient, à terme,
perdu. Car ces derniers ne disposent pas des atouts qu'un Chinois lambda
possède : la maîtrise de la langue, la connaissance du terrain, de
la conjoncture économique et des filières commerciales. Ils se
sont donc fait, logiquement, doublé. Ceci a entraîné des
rejets et une frustration
94 Phrase prononcée par un père de
famille étonné de mon étude, sur le boulevard de
Gaulle.
95 La RADDHO est la Rencontre africaine des droits
de l'Homme ; la Confédération des syndicats autonomes (CSA) ;
Conseil national pour la défense du pouvoir d'achat du citoyen (CNDPA) ;
l'Organisation nationale des droits de l'Homme (ONDH) et l'Union nationale des
consommateurs du Sénégal (UNCS).
96 Selon l'APS, donc d'après le
ministère de l'Intérieur.
97 En annexe entretiens, page 172.
qui peu à peu peut être qualifiée de
xénophobe. De plus, une vérité est apparue, celle de leurs
tarifs exorbitants imposés à la clientèle : les Chinois
ont divisé par deux ou trois ces marges.
Second point, la qualité. Momar Ndao l'affirme, «
oui, la qualité est relative. Ça dépend de la satisfaction
du consommateur. Comme c'est le paraître qui compte... Il n'y a pas de
calculs sur le long terme, le consommateur sénégalais n'a pas de
démarche logique, scientifique. Pour les textiles, on peut acheter un
tissu de basse qualité mais bien le coudre chez le tailleur ». La
qualité est donc moyenne pour ne pas dire mauvaise, mais est ce
imputable aux Chinois ou aux consommateurs : c'est bien la demande qui
détermine l'offre.
Donc, l'implantation des commerçants est positive :
« oui avant on achetait dans des friperies, aujourd'hui pour 1000 francs
[1,5 euros], on habille un enfant. [...] Ils les vendent au prix réel.
». L'accès aux produits s'est démocratisé, permettant
à ces consommateurs sénégalais de pénétrer
dans la société de consommation, d'entrer dans la
mondialisation.
Troisième point, les accusations portant sur les
conditions d'entrées et règlementations : « oui mais tout
commerçant doit avoir ses documents et si le Chinois le possède
c'est bon. Pareillement, tous les étrangers doivent respecter la police
aux frontières et les conditions du séjour [...] les visas sont
étudiés par les ministères au cas par cas. Même
quand il n'y a pas d'ambassade [exemple : Chinois de la République
Populaire de Chine en 2000] ». Cette position est donc la même que
celle du gouvernement.
De plus, l'UNACOIS asserte la présence d'ateliers dans
les villas et les échoppes chinoises : « non, les
commerçants ne sont pas des fabricants ! On ne peut pas tout remettre en
cause ! Par contre c'est vrai qu'ils assemblent certains produits sur place
».
La spéculation foncière leur est elle imputable
? « en moyenne c'est 20 % d'augmentation par an ! Cela dépend de la
demande. Mais la réelle raison est l'arrivée des organisations
onusiennes ! » et selon lui « la plupart des riverains du boulevard,
étant des retraités, ils trouvent des ressources à travers
la location de magasins aux commerçants chinois »98.
Cette manne financière est capitale pour la grande majorité des
bailleurs. Je rappelle le prix des loyers : 400 000 FCFA (600 €) pour une
maison et de 500 (750 €) à 700000 (1050 €) pour les
échoppes, selon M. Yin. L'APS estime à 100 000 environ le loyer
du commerce et à 500 000 FCFA la maison.
Quels sont les moyens de pression ? L'ASCOSEN dispose d'une
émission télévisée, en wolof, intitulée
Nay Leer (que ce soit clair). Surtout, les associations de
consommateurs sur l'ensemble du territoire : 30 000 membres dans toutes les
régions. Les militants et relais des associations et organisations
citées plus haut sont également précieux. Et leurs
revendications ? « la
98APS du 11 août 2004.
qualité des produits, des services, un bon
environnement, des banques de développement, la santé,
l'administration, la sécurité des biens, les transports...
».
Septième et ultime point, à la question, que
feriez-vous pour lutter contre cette concurrence Chinoise ?, Momar Ndao
répond : « il faut influer sur les Chinois, faire des
micro-industries, des usines d'assemblages, même artisanales [...] des
transferts de technologie, de la valeur ajoutée. Par exemple, on a du
sable et pour faire le verre il nous faut juste des fours ! ».
Cette représentation bienveillante à
l'égard des Asiatiques est subséquemment soutenue par le
gouvernement, la population et certaines associations de consommateurs et
humanistes. Sans pour autant rentrer dans les clichés, je peux proposer
une classification, en d'autres termes, les réfractaires aux marchands
sont conservateurs, affichent un nationalisme économique : ce sont des
réactionnaires. A l'opposé, l'ONDH, l'ASCOSEN... sont
généralement des unions classées à gauche,
progressistes donc. Au Sénégal pourtant, les clivages sont moins
essentiels et évidents que dans les États européens
(Espagne, Italie, France) : le besoin social et de service public est tel que
la droite (A.Wade, I. Seck) et la gauche (O. T. Dieng) s'affrontent plus sur
l'image des présidentiables que sur les programmes. Bien sûr,
l'héritage politique socialiste99 de L. S. Senghor reste
omniprésent au P.S. sénégalais.
Le point terminal de ce chapitre, Les conflits
d'intérêts ou le rejet des responsabilités est
consacré à une tentative de synthèse de la première
partie et des représentations.
3. Les conflits d'intérêts ou le rejet des
responsabilités
Il existe bien des conflits d'intérêts portant
sur la présence des commerçants chinois. Plus économiques
que politiques ou idéologiques, ils scindent néanmoins deux
camps, deux groupes et en font ressortir deux représentations. Le
patronat et les petits entrepreneurs d'un côté, conservateurs et
désirant garder leur influence sur la vie économique, en refusant
la concurrence chinoise, et, les consommateurs et leurs représentants de
l'autre côté, progressistes, libéraux, qui accueillent avec
complaisance cette concurrence positive pour les portefeuilles des plus
démunis, soit la majorité de la population dakaroise. Le
gouvernement quant à lui se positionne dans ce second groupe, appliquant
des mesures ponctuelles pour feindre le plaidoyer (envers le
99 Senghor, socialiste, refusa tout amalgame (et
projets) avec les idéologies marxistes. Proche de la
social-démocratie française actuelle donc (ne remettant pas en
cause le capitalisme mondial, mais en l'adaptant aux besoins nationaux).
premier cercle d'individus et syndicats). Ce faisant, il ne
cherche pas le règlement des conflits, ne jouant pas son rôle,
mais y trouve une occasion d'arborer ses sentiments auprès de la RPC :
c'est le rejet des responsabilités.
Rejet des responsabilités également car c'est
une nouvelle preuve de leur incapacité à contrôler et tenir
l'économie locale. Ces organisations puissantes ne peuvent rivaliser
avec le lobbying français. C'est là une frustration. Ensuite, les
Libanais s'accaparant le secteur commercial, ils intègrent ces derniers,
par la force des choses si je puis dire. Enfin, l'arrivée des Chinois
déstabilise de fond en comble ce monopole commercial, des prix
notamment. Mauvaise stratégie, manque de clairvoyance,
d'objectivité et de spontanéité économique,
frustration, voici comment je résumerai la situation qui en devient une
représentation.
Il est significatif de voir comment moins de 200
commerçants peuvent en l'espace d'une dizaine d'années, imposer
une « révolution » économique (à
l'échelle du marché dakarois) et sociale. Politiquement, l'enjeu
est plus emprunt de symbolique et de volonté de ne pas contrarier son
nouveau partenaire que dogmatique, philosophique, idéologique. Ceci pose
une question fondamentale : quelle doit être la politique d'accueil,
migratoire, du Sénégal ? L'État doit il affiner les
conditions d'entrées, la législation, encadrer leurs
activités commerciales ? Actuellement, la réponse est non. Non
seulement le gouvernement ne s'y emploie d'aucune manière, mais serai
t'il intelligent politiquement, socialement, diplomatiquement, de fermer les
frontières à des commerciaux qui de surcroît, profitent
à la majorité ? L'État est incohérent,
contradictoire et donc dans la confusion.
Je change d'échelle pour revenir au niveau
économique national. La coopération entre le pays asiatique et de
l'Afrique de l'Ouest reste marginale. Pourtant, en l'espace de cinq
années (entre 2000 et 2005 où les deux États
n'étaient pas encore liés diplomatiquement) la Chine devint
incontournable : elle est la quinzième importatrice et septième
exportatrice ; mille milliard de FCFA ont été injectés
dans quarante projets et réalisations ; je constate une évolution
négative des exportations sénégalaises mais positives
à l'inverse et, surtout, la dette (balance commerciale) a
augmenté de 36 % en seulement une demie décennie ! Les IDE
(Investissements directs à l'étranger) chinois restent
confinés à des secteurs restreints et choisis (les ressources
halieutiques, le textile, le BTP). Mais ces secteurs étant primordiaux
au Sénégal, ce dernier doit enrichir les liens commerciaux
existants. Les grands travaux100 et les entreprises chinoises sont
autant de possibilités pour le Sénégal de gagner son pari
: un partenariat positif avec la Chine. Il faut d'ores et déjà
comprendre que le Sénégal n'est pas en position de force pour
négocier. Il ne peut que proposer de
100 Spatialisés en annexe IIn, page 158.
nouvelles associations (encore que ce soit la Chine qui le
fasse, en général), les multiplier et les étayer.
Géopolitiquement, l'État de la
teranga, qui donc ne doit pas toujours être perçu comme
tel par les commerçants chinois, a un rôle à joué et
a les cartes en main. Économiquement, le système très
libéral imposé par A. Wade démontre ses limites. Le
gouvernement ne contrôle que les sociétés d'État.
L'économie est maîtrisée et assujetti par les
Français, les Libanais et dans une moindre mesure, les Indiens et les
anciens PVD, aujourd'hui NPI (Nouveaux pays industrialisés, le
Brésil notamment) qui rattrapent les vieilles économies
européennes issues de la révolution industrielle britannique.
CHAPITRE II. - LeS ChInOIS ne SOnt PaS SeUlS
1. L'influence de la communauté
sénégalo-libanaise sur l économie
Les Chinois ne sont pas seuls et pour cause, ce sont les
derniers migrants. Mais en l'espace d'une décennie, ils sont en passe
d'évincer le oligopole sénégalo-libanais, dans le secteur
commercial j'entends. Il est difficile de déterminer le réel
poids des sénégalo-libanais sur l'économie, la politique
et la société civile sénégalaise.
Intégrés, possédant la nationalité
sénégalaise101, ils sont donc comptabilisés
dans les chiffres et données générales du
Sénégal. Dans le domaine commercial, il suffit d'observer : le
plus grand nombre des commerces sont tenus à Dakar par les
Sénégalais d'origine libanaise et les Chinois (je parle des
commerces de taille relativement importante, construits en dur, les petits
commerces étant sénégalais). Dans le domaine industriel,
ce sont les Libanais qui ont investi, avec les Français.
L'indépendance politique n'a en aucun cas permis une indépendance
économique. Les Libanais contrôlent l'industrie de
101 La double nationalité en fait car ils conservent la
nationalité libanaise, transmise par la voie paternelle.
l'emballage, de l'agro-alimentaire (SIAGRO,
Société industrielle agroalimentaire : elle produit l'eau
minérale Kirène), les Français : le reste102.
Une industrie très faible, un secteur tertiaire en voie de
développement et un secteur primaire à la peine, le
Sénégal n'est pas la future économie mondiale, c'est peu
de le dire. Aucun État ne peut se développer sans une politique
industrielle. L'Histoire en témoigne103. Les Libanais l'ont
compris.
Un historique s'impose : les premiers Libanais
débarquent à Dakar entre 1850 et 1900. Ce sont des maronites, qui
tentaient de rejoindre la côte Ouest des États-unis. Le
Sénégal sous tutelle française accueillent donc ces
maronites, puis chiites. Ces émigrés ont des points communs avec
les Sénégalais : ils sont dominés par la France, parlent
donc la même langue et pratiquent pour les mêmes religions,
chrétienne et musulmane. Ce sont en fait les colons français qui
amenèrent les premiers Libanais sur le sol Ouest-Africain. Pourquoi ?
Pour imposer au peuple autochtone des partenaires commerciaux viables. Les
Libanais débutent en commerçant l'arachide (plus
généralement des produits vivriers marchands) et en vendant
à crédit les intrants nécessaires à sa culture. Peu
à peu, ils se développent et deviennent des détaillants,
à l'aide cette fois des crédits français. Je
précise que durant cette période, les Sénégalais
n'avaient accès aux registres de commerce. De fait, une classe sociale
apparaît : les commerçants et intermédiaires libanais,
entre les paysans sénégalais et les comptoirs français. Je
remonte les années : à l'indépendance du
Sénégal, en 1960104, les Libanais investissent dans de
petites et légères industries (le plastique notamment). Leurs
statuts ? Certains ne possèdent pas de papiers, certains sont
français (par l'armée), certains sont sénégalais.
La majorité restent Libanais car, je l'ai dit, au Liban, le droit du
sang par le père apporte la nationalité, si toutefois l'enfant
est dès sa naissance inscrit à l'ambassade. À cette
époque, ceux ayant réussi dans le commerce installent leurs
familles au Sénégal, créant un réseau naturel
libanais105. A la fin des années 1970, un fort besoin de se
structurer en tant que communauté apparaît, d'autant que des
classes sociales naissent, des conflits d'intérêts se
révèlent (entre Libanais ayant réussi et ceux étant
resté au statut de simple commerçant). La religion va
fédérer les Libanais : le cheikh local devient le
médiateur moral, intervient auprès du pouvoir dans
l'intérêt de ses fidèles : il est reconnu « grand
marabout » par les marabouts sénégalais. Cette
première organisation libanaise est contestée. Une seconde
apparaît : laïque, elle est toutefois composée de la
minorité chrétienne maronite et comprend de riches et puissantes
familles telles les Bourgi (cf. photo en fin de point), Sharara, Gandour (dans
les cosmétiques)... Les Bourgi sont craints, respectés et
pratiquent la politique (un des fils, Ramez, était candidat à la
mairie de Dakar). Ce sont les premiers à avoir installer les
cinémas au Sénégal par exemple. L'Alliance (ou
Mission Notre
102 Hormis l'exploitation minière (Inde), les entreprises
d'État et le secteur artisanal.
103 Angleterre, France, Allemagne, États-unis
d'Amérique, ex-URSS.., et aujourd'hui la Chine.
104 Le 20 août 1960 suite au démembrement de la
Fédération du Mali (comprenant le Sénégal et le
Soudan français ou actuel Mali).
105 Les Libanais étaient présents sur l'ensemble
du Sénégal car les Français avaient besoin de liens dans
tout le pays.
Dame du Liban), car c'est son appellation, devient par la
suite une simple association caritative, des conflits de pouvoir ayant
empêché son développement. Monsieur Samir Jarmache en est
le vice- président (voir plus bas). Plus généralement,
dans les années 1980 puis 1990, les Libanais se coupent socialement du
Sénégal : ils n'envoient plus leurs enfants à
l'école publique, et surtout, en 1996, une femme de ménage se
fait assassiner : elle travaillait pour un Libanais. Des manifestations
éclatent à Dakar mais rapidement la police arrive à une
conclusion différente de celle véhiculée par les palabres
sénégalaises : c'est un Nigérian, toxicomane.
Avant de conclure cet historique106, voici
quelques informations : à la différence des Chinois, les Libanais
consomment et investissent dans l'économie locale (les Libanais au
Sénégal sont généralement fiers et aiment
extérioriser leurs richesses : automobiles, habillement). Ils occupent
des postes stratégiques et des professions libérales
(médecins, enseignants, avocats...). La population d'origine libanaise
est composée à 90 % de chiites. Au plus fort, dans les
années 1980, ils étaient 30 000 ; ils sont aujourd'hui environ 10
000. Majoritairement, ils quittent le Sénégal pour la France et
les États-unis (études et emplois) et certains pour la Côte
d'Ivoire, pour investir dans le cacao et le café. Une anecdote : en 2000
lors de l'élection présidentielle, la France avait
dépêché un navire dans le cas où ses ressortissants
et les Libanais s'étaient trouvés dans une situation difficile
(à l'image des extraditions au large de Beyrouth durant
l'été 2006), et, la RPC avait également
affrétée deux navires, au large des îles de Gorée et
de la Madeleine.
Un témoignage capital pour appréhender la
population d'origine libanaise est celui de S. Jarmache107.
Confirmant cet historique, il possède lui aussi une
représentation très précise de la communauté
chinoise : « la Chine il y a vingt ans, c'était un
phénomène. De toute façon ici tous les Asiatiques sont
Chinois. Ils vivent comme des fourmis [...] l'Afrique c'est le continent
où la Chine va faire des miracles ! C'est un véritable ouragan !
[...] Il y a maximum cinq ans, les Chinois ont débarqué par
familles entières. Mais au départ c'est les Libanais qui sont
partis en Chine avec les conteneurs. Comme toujours, les Libanais sont les
initiés, ils ont appris où et comment partir aux
Sénégalais, la filière et le chemin à suivre. Le
problème c'est que les Sénégalais sont autorisés
à frauder, pas les Libanais, ils se sont donc enrichis de manière
extravagante ! Du coup ils se plaignent aujourd'hui, mais ce sont eux qui ont
amené le loup dans la bergerie ! [...] Le Chinois prend le pain de la
bouche du Sénégalais qui l'a lui-même pris de la bouche du
Libanais ! [...] Le Libanais veut un minimum de confort, les Chinois non, ils
s'en foutent, ils dorment entre eux, font la loi entre eux... [... ] Ils
pénalisent le commerce [... ] c'est l'État chinois qui
subventionne.
106 Selon Wael Haidar (employé à
Batiplus, société de BTP) et présent au
séminaire de Niassam.
107 Vivant au 79 de la rue Galandou Diouf, il est
propriétaire de quatre commerces et vice-président de
l'Alliance.
Ils vendent les invendus ici. Il y a 5000 conteneurs qui
attendent un marché à Hong Kong [...] les Chinois sont partis
pour conquérir l'Afrique et rien ne pourra les arrêter ! Les
Libanais eux veulent la paix ». Il est aisé de comprendre qu'il
soutint l'UNACOIS dans sa démarche : « on était avec eux, on
a fait grève en baissant les rideaux. Mais l'accord avec Wade on ne l'a
jamais vu de quoi il en était ».
S. Jarmarche certifie l'historique qui ne débuterait
selon lui qu'à partir de 1900 : « la diaspora est à
l'origine de la misère à cause de l'Empire Ottoman. En 1914-1918,
la France, l'Allemagne et l'Angleterre repoussent l'Empire Ottoman. Des pays
arabes deviennent indépendants. La France va alors orienter
intelligemment les Libanais vers l'Afrique et donc le Sénégal.
Les Libanais croyaient aller rejoindre leurs parents aux États-unis mais
s'arrêtaient en Afrique de l'Ouest [...] première
génération, entre 1900 et 1960 ».
L'article de Luc Ngowet108 confirme.
Les Libanais sont principalement implantés dans le
secteur industriel. Mais, avec le temps, certains Libanais ou
Sénégalais d'ethnie libanaise109, parviennent à
se hisser au rang de simple Sénégalais, comme en témoigne
l'article de L'Express (annexe, page 187).
Un autre homme est Haïdar El Ali, élu homme de
l'année 2002 ! Il dirige l'association Océanium
(où j'ai d'ailleurs logé durant une bonne partie de
l'étude de terrain ), sur le Plateau, route de la Corniche Est.
L'Océanium est un club de plongée mais représente
en fait la principale organisation environnementale au Sénégal :
Haïdar est reconnu de la Casamance à St Louis pour ses actions en
faveur de la sauvegarde des ressources halieutiques et de l'environnement en
général. Très courtisé par le milieu politique, il
soutint Ousmane Tanor Dieng, le premier secrétaire du PS.
Enfin, comment parler des Libanais sans évoquer Adnan
Houdrouge. Ce milliardaire vivant aujourd'hui à Monaco possède un
parcours atypique. Ayant vécu au Sénégal jusqu'à
l'obtention de son baccalauréat, il part en Suisse à la fin des
années 1960. Il est désormais dirigeant de Mercure International
(distribution), une multinationale de 500 millions d'euros. Il est le
secrétaire général de la Chambre de commerce et de
développement de Monaco et vice-président et actionnaire de
l'A.S.Monaco F.C.110 Décoré de la Croix Saint Charles
pour « service rendu à Monaco », par le Prince Rainier Albert
II, qu'il accompagne lors de ses voyages diplomatiques (Shanghai) et qui lui a
confié la création de « Peace and sport »
(Paix et sport), il ne revient au Sénégal que dans le cadre de
projets économiques. Il est propriétaire des supermarchés
Score depuis 1995, aujourd'hui Casino
108 Annexe presse et citations, page 187.
109 Selon Fayçal Sharara, premier vice-président
de la CNES et dirigeant une conserverie de thon, la société
Pêcheries frigorifiques du Sénégal et Amerger Casamance,
une usine de filetage.
110 Association sportive de Monaco Football Club,
http://www.asm-fc.com/organigramme.aspx
(seuls supermarchés au Sénégal), du nom
du même groupe. Voici donc un homme qui agit en profondeur sur
l'économie sénégalaise, mais contrairement à ses
semblables, a choisi de ne pas rester dans son pays originel111.
Globalement une question ressort, c'est la suivante : comment
une communauté vivant au Sénégal depuis plus d'un
siècle peut-elle parvenir à s'assimiler, à
s'intégrer. Et, comment une communauté arrivée il y a
moins de 10 ans pourrait t'elle le faire ? Les Chinois seraient t'ils les
nouveaux souffre-douleur des Sénégalais (après les
Libanais) ? Le Sénégal, pays hospitalier, n'a-t-il pas en
réalité un double langage, une double pratique ? S'agit t'il de
la couleur de peau ? Non, selon plusieurs discussions, les
émigrés Noirs (des pays limitrophes) sont également peu
reconnus, d'autant que beaucoup mendient et propagent cette mauvaise image du
Sénégalais pauvre, sollicitant sans arrêt le toubab.
Ayant fait le tour de cette question libanaise, quels sont
dorénavant les liens et possibles antagonismes apparaissant entre les
Chinois et Libanais ?
Les liens sont évidents : les Libanais étant
les premiers Sénégalais a avoir importé les marchandises
made in China, ils sont naturellement les premiers à avoir
négocié et rencontré les Asiatiques. Arrivés au
Sénégal, ces derniers qui détiennent les réseaux
commerciaux Chine-Sénégal n'ont pas la nécessité
des services Libanais. Pourtant, ceux-ci connaissent, et pour cause, le terrain
et les acteurs. C'est dans ce but que les Chinois qui comptent
s'allient et investissent dans le secteur du textile et du BTP.
Les différends sont plus fréquents. Les Chinois
ont fait chuter les marges et l'éventuelle croissance des
échoppes sénégalo-libanaises. Aujourd'hui, force est de
constater que les commerçants originaires du pays du cèdre se
fournissent tous auprès des Chinois112, malgré leur
réticence à l'avouer, ce qui remet en cause leur place et
légitimité même.
Mais ces deux communautés ont un avenir prometteur :
les Chinois, nouveaux rois du commerce et les Libanais, dont leur histoire est
intimement liée à cette profession, peuvent dorénavant
s'unir et investir ensemble. Les objectifs et les moyens se cumulant et
s'associant, cette coopération pourrait en l'espace d'une dizaine
d'année refonder et bouleverser le tissu économique local, si
toutefois les investisseurs chinois osent le faire dans le secteur dont le
Sénégal a réellement besoin : l'industrie.
Les Libanais occupent donc un rôle complexe mais
essentiel et majeur au Sénégal. Cette population dont les
restaurants proposant les chawarmas113 ou kebabs,
est historiquement liée à la France et ses ressortissants.
111 Selon l'article de Sud Online,
http://www.sudonline.sn/spip.php?article2894
112 Annexe entretiens, page 178.
113 J'ai recensé cinq restaurants libanais dans le
centre-ville dakarois.
Rue Bourgi, grande famille
libano-sénégalaise. Le 19 février 2007. Un projet
immobilier libanais, place de l'Indépendance. Le 19 février
2007.
2. La France, ancienne colonie, actuelle puissance
économique au Sénégal
Qu'est ce que le Sénégal pour la France ? De
quelle France d'ailleurs ? Son peuple, hétérogène,
façonné et modelé par les nombreuses migrations dont celle
du continent africain (Afrique subsaharienne francophone en particulier)
étant la dernière en date et celle qui suscite le plus grand
nombre de débats, parfois xénophobes, individualistes, arrogants
et dédaigneux ? Assurément non. Son gouvernement actuel, qui
reprend tous les clichés, a priori et idées de la droite et de
l'extrême droite française ? Non plus. C'est bien de l'État
français et de son rapport avec l'Afrique colonisée d'où
francophone, dont je veux et doit parler ici, ainsi que du secteur
privé.
Quelques commentaires historiques ne sont pas superflus : la
France s'installe sur la façade maritime africaine (de l'Ouest donc) en
1659 et fonde la ville et capitale de l'A.O.F.114, Saint-Louis,
s'implantant de manière irréversible sur le continent ouest
africain. Saint-Louis est avec la presqu'île du Cap-Vert (dont le symbole
est l'île de Gorée) un des principaux territoires où les
114 Afrique occidentale française
esclaves Noirs embarquent pour le commerce triangulaire : la
Traite est officiellement abolie le 29 mars 1815 mais perdurera jusqu'en
1848.
Une parenthèse : le commerce triangulaire est une
forme de la Traite des esclaves africains : les nations coloniales
européennes (Royaume-Uni et Irlande actuel, France, péninsule
ibérique) naviguent vers la côte africaine (de l'Ouest toujours)
afin d'y échanger des marchandises destinées au troc, contre les
esclaves qui travailleront dans les colonies d'Amérique (côte
Ouest dont les États-unis, les Antilles et le Brésil
notamment).
Durant cette décennie (1840), la France conquiert
l'ensemble du Sénégal sous l'impulsion de
Faidherbe115, puis, ce qui deviendra l'A.O.F. à la fin du
XIXe. Dakar, quant à elle, est fondée en 1857 et ne deviendra la
capitale du Sénégal qu'en 1960, le 4 avril. Par ailleurs, elle
devint capitale de l'AOF en 1902, preuve de son importance
géostratégique. Le 4 avril 1960, le Sénégal devient
juridiquement indépendant. Il est alors fédéré au
Mali. Suite à l'échec probant de l'A.O.F. qui était une
tentative de fédérer le Sénégal, le Soudan
Français (Mali), la Haute-Volta (Burkina Faso) et le royaume de
Dahomey (Bénin), De Gaulle qui est opposé au projet,
accepte l'indépendance du Sénégal le 20 août 1960.
Suite à l'adoption de la constitution du 25 août, Léopold
Sédar Senghor devient président le 5 septembre 1960. En 1963, une
nouvelle constitution instituant un régime présidentiel est
approuvée en conséquence du coup d'État tenté par
Mamadou Dia116. Si peu de problèmes sérieux se posent
entre ce coup d'État et 1981, après cette date, le processus
démocratique va s'accélérer : Abdou Diouf est élu
en 1981, puis réélu en 1988 et 1993. Si la démocratie
entre dans les moeurs à cette époque, les obstacles
économiques et politiques demeurent. De plus, depuis 1982, les
insurgés du Mouvement des forces démocratiques de la Casamance
(MFDC) compliquent la tâche déjà ardue du gouvernement. En
mars 2000, les contestations grondent car A. Diouf brigue, en quelque sorte,
une présidence à vie. Mais, c'est Abdoulaye Wade, se
présentant pour la quatrième fois, qui obtient la majorité
des suffrages au second tour (58,5 %). Le Sénégal aurait donc
opté pour le xopi (changement). Mais, à la lecture de la
presse sénégalaise, ce xopi se fait attendre :
désillusion, hausse du niveau de vie trop timide, dérive au
niveau gouvernemental (quasi culte de la personnalité, malheureusement
trop fréquent sur ce continent), laïcité et liberté
de parole très « encadrées » (même si le
Sénégal possède les médias les plus libres du
continent) et accusations fondées de détournements et abus de
pouvoirs (Idrissa Seck et Karim Wade). Les électeurs ont donc,
malgré tout, en février 2007, choisi la réélection,
au premier tour, du chef d'État sortant.
115 Louis Léon César Faidherbe, gouverneur du
Sénégal de 1854 à 1861 et de 1863 à 1865.
116 (1910-) Il fut député de l'Assemblée
Nationale française en 1956, Premier ministre du Sénégal
en 1958 et créa le premier plan de développement
économique. Amnistié en 1976 suite à son arrestation dans
le cadre d'une tentative de coup d'État (1962), il sera défendu
par un certain Abdoulaye Wade. Incarnant l'opposition (paradoxale car dans le
gouvernement) au président historique, L. S. Senghor, il fut un des
premiers à critiquer ouvertement l'actuel chef d'État. Il reste
donc, avec A. Diouf, un des principaux responsables politiques
sénégalais encore en vie.
La France n'a officiellement plus de droit de regard et
d'ingérence au Sénégal. Mais la réalité est
toujours différente et plus complexe. Bien sûr, personne ne verra
un responsable politique français affirmer, devant les médias
internationaux, que le Quai d'Orsay tient toujours une place
prépondérante dans les grandes décisions gouvernementales
sénégalaises. Bien sûr, ces mêmes médias ne
diront jamais que de hauts responsables français travaillent à la
présidence (cabinet politique du président) : du personnel
hautement qualifié se défendront les autorités, des enjeux
géopolitiques j'affirmerai pour ma part.
La France a donc laissé un héritage culturel,
politique, économique et administratif conséquent. N'étant
pour autant pas l'adepte de la vision unique, il est irréfutable que les
métropoles ont apporté des bienfaits à leurs colonies
d'alors. Mais, seulement sur la forme : les routes et voies ferrées,
hier servant aux déportations, sont extrêmement utiles aujourd'hui
; l'administration, hier coloniale et dirigée par les gouverneurs, sont
aujourd'hui bien souvent les seules formes d'organisation...
Mais, tous ces « apports » ont été
effectués dans un cadre politique unilatéral et dans le cadre du
système capitaliste, objectivement parlant. Or, les réalistes
diront qu'il est indispensable de s'adapter à ce système, car
devenu mondial d'où, obligatoire : même le dernier des grands
États totalitaristes communistes, la Chine, s'y rallie. Ma
réponse est courte : les peuples africains, dans toute leur
diversité, ne sont culturellement et socialement pas individualistes.
D'où le fossé qui les sépare de ce système
libéral, aggravé par le pillage continuel (et sans
retombées sociales) de ses ressources et bien entendu par la
création d'un produit unique destiné à l'exportation
(arachide, coton dont les cours se sont effondrés parallèlement
aux deux chocs pétroliers117), par leurs classes politiques
formées et soutenues par les ex-métropoles, par leurs dettes
contractées auprès du FMI et de la Banque Mondiale.
Je change toutefois d'échelle pour me recentrer sur le
cas franco-sénégalais.
Démographiquement, les français sont la
première communauté étrangère : en 2005, plus de 18
000 étaient inscrits au registre118. Ce sont en partie ce que
les Sénégalais nomment amicalement les «
sénégaulois ». Économiquement, selon la même
source, « il existe environ 337 entreprises à participation
française (ou ayant des liens avec une entreprise en France, ou encore
créées localement par des investisseurs français). ».
Il suffit d'observer le classement des vingt premières entreprises
sénégalaises pour comprendre le poids économiques des
sociétés françaises. La Société Nationale de
Commercialisation des Oléagineux du Sénégal (Sonacos) est
la troisième société en terme de chiffre d'affaires, la
Société Nationale des Télécommunications du
Sénégal (Sonatel) est
117 1973 (guerre du Kippour opposant Israël à
l'Égypte et à la Syrie) et 1979 (Révolution iranienne,
instituant une république théocratique islamique, par l'Ayatollah
Ruhollah Khomeiny).
118 Registre des Français établis hors de France,
Maison des Français de l'étranger,
http://www.mfe.org/?SID=5598
classée au rang 4, Total au 7e rang, la
Compagnie Sucrière Sénégalaise (CSS) au 8e ,
les Grands Moulins de Dakar (GMD) au 10e, la Société de
commercialisation du ciment (SOCOSIM) au 1 1e, au 12e rang la
Sénégalaise des Eaux (Saur Internationale), au 13e Laborex et au
14e la Compagnie Sahélienne d'entreprise (CSE). Les trois
dernières sociétés classées sont respectivement
Colgate Palmolive, Nestlé Sénégal et Scac Delmas Vieljeux.
Douze sociétés sur les vingt les plus conséquentes sont
françaises ou à capitaux français.
La Sonacos est une société agro-alimentaire.
L'actionnaire principal et majoritaire est le groupe français Advens
(66,9 % des actions), spécialisé dans le négoce, le
stockage et la logistique de produits agroalimentaires. Le groupe
possède également D Smet, groupe belge leader mondial dans la
construction de raffineries d'huile de table et la société
sénégalaise SODEFITEX (Société de
Développement et des Fibres Textiles évoluant comme son nom
l'indique dans le coton), dont 49 % du capital est détenu par la filiale
française DAGRIS.
La Sonatel est un groupe affilié à Orange, soit
France Telecom (téléphonie fixe, mobile et Internet) et a
réalisé un C.A. d'environ 400 milliards de FCFA (quasiment 610
millions d'euros) en 2006. Sonatel réalisa cette année un
bénéfice net de 146,6 milliards de FCFA (environ 223 millions
d'€).
Total qui n'est plus à présenter réalisa 60
000 euros de C.A. en 1997.
La CSS est une entreprise française qui produit et
exporte le sucre issu de la canne à sucre, dans le secteur de
l'agro-alimentaire (C.A. d'environ 49 millions de FCFA en 2001, soit environ 74
700 €).
Les GMD est la première société dans le
secteur alimentaire, avec un C.A. en 2001 d'environ 42 millions de FCFA (un peu
plus de 64 000 €).
La SOCOCIM, appartenant au groupe VICAT (2 083 millions
d'euros dans huit pays : la France et le Sénégal donc, les
États-Unis, l'Italie, la Suisse, la Turquie, l'Égypte et le Mali)
est elle aussi leader, mais dans le BTP : environ 146 millions d'euros en
2006.
La Sénégalaise des eaux (Saur) appartient
désormais au groupe Bouygues très implanté en Afrique de
l'Ouest, à 73 %, à EDF International pour 14 % et aux fonds
d'investissement à 13 %. Multinationale, elle est présente,
hormis dans l'hexagone, en Espagne, en Pologne, en Russie, en Argentine, en
Chine et au Sénégal. Son C.A. global est de 1,4 milliard d'€
en 2005.
Laborex, 60 % de part de marché, est le principal
importateur de produits pharmaceutiques. Si son capital est totalement
sénégalais, elle entretient des liens très étroits
avec la France : son bureau d'achat est à Rouen. Son C.A. était
de 23, 8 millions de FCFA en 2000 (ou 36 000 €).
La CSE est détenue à 45 % par la
société française de travaux publics Fougerolles (un des
leaders du marché). Son C.A. est d'environ 30 milliards de FCFA (45
millions d'euros).
Colgate Palmolive, dans le secteur des produits d'entretien
effectuait en 1997, environ 21 000 euros de chiffre d'affaire.
Nestlé Sénégal (agro-alimentaire)
réalisa 20 000 euros de C.A., approximativement, en 1997.
Enfin, Scac Delmas Vieljeux (transports maritimes) appartient
à un autre groupe très bien implanté en Afrique (70
sociétés dans 35 pays) : Bolloré. Le C.A. était
quelque peu inférieur à 20 000 euros en 1997119.
Parmi ces sociétés, certaines figurent en bonne
place au sein du classement des investissements sur la période 1992-2001
: la SOCOCIM, 3e , a investi 64 573 millions de FCFA, la CSS,
4e , 44 695 millions, Colgate Palmolive en 6e position,
avec 10 714 millions, en 8e je retrouve les GMD qui ont investit 10
008 millions, la SODEFITEX 11e avec 8365 millions et Nestlé
Sénégal avec 5 394 millions en 14e position. Ce
classement regroupe 44 sociétés et est proposé en
annexe IIp, page 158.
A un niveau plus global, je proposerai de se reporter aux
cartes C et D, pages 32 et 33 ainsi qu'aux graphiques 15 à
22, pages 29 à 35. Il est entendu qu'elle est la première
destination et provenance des échanges sénégalais. Elle
importe pour 13,07 % et exporte au Sénégal pour 33,22 %.
Principal pays client et fournisseur, la France est par ses entreprises
privées très bien implantées au Sénégal et
ce dans tous les domaines, secteurs de la vie économique : agro-
alimentaire et agro-industrie, BTP, télécommunications,
hydrocarbures, eau, parachimie, produits d'entretien et transports. Et ce n'est
pas un hasard si Mme Viviane Wade, épouse du chef d'État, se
déplace à la commémoration du 80e anniversaire
de la société Fougerolles, en janvier 2007. Fougerolles
appartient au groupe Eiffage, troisième fleuron français dans le
BTP120.
Paris est en quelque sorte la capitale officieuse des
États africains francophones. Elle accueille les sièges du CIFAS
et du CIAN (Club des investisseurs français au Sénégal et
Conseil français des investisseurs en Afrique). Ces organisations, comme
leur appellation le laisse entendre, aident les nouveaux investisseurs
français. Elles publient à cet effet des rapports : le MOCI
(CIAN) par exemple où les conjonctures économiques des
États africains sont analysées par zones (Afrique du Nord,
Afrique de l'Ouest, Afrique centrale, Afrique australe, et, Afrique orientale
et océan Indien. Au sujet du Sénégal, voici leur compte
rendu : « les entreprises prévoient un chiffre d'affaires en
légère augmentation et aucune ne s'attend à une baisse
d'activité pour 2007. Quant aux résultats financiers, ils restent
très proches de ceux de l'an dernier, puisque cette année encore
1 entreprise sur 2 est nettement bénéficiaire, mais seulement 1
sur 4 faiblement bénéficiaire ou à
119 Les sources permettant d'obtenir ces informations sont les
sites Internet des sociétés citées. Également,
http://www.senegalonline.com/francais/economie/20-entreprises.htm,
pour le classement des 20 premières entreprises.
120 Nettali du 2 janvier 2007,
http://www.nettali.net/spip.php?article2068
l'équilibre. Les investisseurs sont supérieurs
à ceux de l'exercice écoulé avec une reprise
annoncée pour 1 société sur 2. Enfin, un tiers estime que
les créances de l'État sont encore élevées.
Dans l'environnement des affaires, les infrastructures
portuaires et aériennes, les télécommunications, le
secteur bancaire, la qualité du personnel de maîtrise et la
sécurité sont toujours les points les plus satisfaisants. Le
niveau de corruption est relativement bas. En revanche, le mauvais état
du réseau ferroviaire, la fraude douanière, les jugements
arbitraires et les coûts très élevés de
l'énergie restent les principaux sujets de préoccupation des
entreprises. ». Certaines similitudes avec mes propres observations
apparaissent. L'objectif reste, cela s'entend, mercantile : « dans une
Afrique, tant décriée, le CIAN rappelle notamment par ce rapport
et sa lettre trimestrielle, que dans ce continent si proche de l'Europe par
l'histoire et la géographie, des initiatives se développent, des
entreprises y prospèrent et que c'est une erreur grave de
négliger cette partie du monde à laquelle s'intéressent de
plus en plus de nouveaux acteurs [comprendre, la Chine, l'Inde, le
Brésil...] »121.
Paris c'est aussi l'Élysée et sa « cellule
africaine ». Si elle n'a aucune existence juridique, légale, elle
est néanmoins présente depuis les années 1950-1960, depuis
les indépendances. C'est le général de Gaulle qui le
premier crée ce réseau de diplomates, hommes d'affaires et
politiciens. Jacques Foccart (1913-1997) est le principal représentant
de cette organisation diplomaticoéconomico-politique parallèle
(avec Michel Dupuch, Charles Pasqua, Michel de Bonnecorse...). Financements de
partis politiques français, détournements occultes au profit de
multinationales (ELF), assistances lors des coups d'État, ces faits
aujourd'hui avérés sont le côté sombre de la
politique africaine de l'État français. Le nouveau gouvernement,
n'ayant aucune culture politique africaine, voire internationale, promet un
virage dans les relations franco-africaines. N'étant pas essentiel, je
ne détaillerai pas plus.
L. S. Senghor, A. Diouf (secrétaire
général de l'Organisation internationale de la Francophonie
depuis 2002) et A. Wade ont étudié en France, et ont tous,
malgré la tentative de A. Wade de trouver des alternatives à
l'ex-métropole (chronologiquement les États-unis et la Chine),
lié de profonds liens politiques, économiques et culturels avec
la France. Que dit justement ce dernier (cf annexe presse et citations,
page) ? La France et le Sénégal, plus largement l'Afrique, sont
indissociables et ont des intérêts et perspectives communs :
l'immigration, le développement, le terrorisme, l'environnement et le
partenariat eurafricain. Il faut cependant écarter des relations le
syndrome colonisateur-colonisé.
C'est également le point de vue de Geneviève
Lancu, le Consul général de France à Dakar : « la
France entretient une coopération extrêmement importante avec le
Sénégal. La qualité de nos
121 Le MOCI - les entreprises françaises et
l'Afrique, 2007, 18e rapport, N° 1783-1784 du 28
décembre 2006 au 4 janvier 2007
relations de coopération et la place que ce pays occupe
aussi bien au niveau administratif que dans le coeur des français n'est
plus à démontrer ».
Au niveau étatique, la France est très
présente. Elle allège par exemple sa dette extérieure
(également appliquée par les créanciers du Club de Paris)
qui se voit ramenée à 41,4 % du PIB en 2004 (elle sera à
15 % après l'Initiative du G8)122.
Les sommets France-Afrique font partie intégrante des
relations bilatérales. Le dernier en date, le 24ème ,
des 15 et 16 février 2007, à Cannes, accueillit 48
représentants sur 53 possibles. Quel est l'enjeu d'un tel rassemblement
? Quels en sont les dossiers ? « L'Afrique et l'équilibre du monde
» en étaient le thème, les matières premières,
le conflit du Darfour, le développement, la lutte contre l'immigration
clandestine sont les principaux leitmotiv abordés.
Ce fut donc le dernier sommet de « Chirac l'Africain
». Critiquées, ces rencontres sont organisées afin de
remplir certains objectifs : réaffirmer la position française en
Afrique et notamment dans son « pré-carré » (Afrique
francophone), impulser de nouvelles dynamiques diplomatiques et
économiques (contrats, aides, projets de développement), et si
possible, faire passer un message à la nouvelle puissance africaine
qu'est la RPC. Le prochain sommet, qui se déroulera en Égypte en
2009, promet une participation à la baisse étant donné le
peu de maîtrise dont dispose M. Sarkozy sur ce continent. A ce propos,
les deux candidats du second tour de l'élection présidentielle en
mai 2007, Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy, avaient promis une
nouvelle politique africaine, basée sur plus de transparence. Est-ce
à dire que l'ancien président, Jacques Chirac, entretenait un
système opaque ?
Pour conclure sur ce sujet, si les principaux domaines
étasuniens sont l'approvisionnement en matières premières
et la lutte contre le terrorisme, le nouveau gouvernement français
souhaite surtout contrôler l'immigration. Le Sénégal est en
première ligne. Une phrase d'une mère me marquera : « on en
a marre que nos fils partent mourir en mer, maintenant, on va prendre les
choses en main [...] on leur dit de rester, que ce n'est pas
l'eldorado ! ». Des centaines de vie seront je l'espère
ainsi épargnées (les jeunes hommes embarquent en pirogue au large
de Saint-Louis, se dirigeant vers la porte de l'Europe : les îles
Canaries).
Le Sénégal reste et devient, par le conflit
ivoirien, un territoire clé pour la France, géopolitiquement
j'entends. 1200 militaires y sont stationnés, ce qui représente
la quatrième force militaire française en Afrique, après
la Côte d'Ivoire (contingent d'environ 4200 militaires : opération
Licorne), la Réunion (4100), Djibouti (2900), à
égalité avec le Tchad et devant le Gabon
122 Le club de Paris est un groupe informel de créanciers
publics qui a pour but de trouver des solutions coordonnées et durables
aux difficultés de paiements de nations
endettées.
www.wikipedia.fr
Le G8 est une organisation regroupant les pays les plus
industrialisés, donc riches. Composé des États-unis, du
Canada, de la France, de l'Allemagne, du Royaume-Uni, de la Russie et du Japon,
il verra sous peu l'apparition de l'Espagne et du Brésil. La Chine pose
plus de difficultés, étant donné la nature même de
son régime politique. Mais, seuls les intérêts
comptent...
avec 1000 fonctionnaires. Une base y est implantée et
un accord de défense est signé123. L'ambassade de
France, située au Sud-Est du port, est de par sa taille, la plus
imposante de toutes. Sa sécurité est également sans
rapport avec l'ambassade des États-unis ou de la RPC par exemple.
Comment ne pas aborder un des points les plus simples mais si essentiel : la
langue. Le français est la langue administrative officielle au
Sénégal (comme elle l'est au Mali, en Côte d'Ivoire...), le
wolof l'étant pour les affaires : « oui tout le monde parle
français au Sénégal, mais c'est que pour l'administration.
Le wolof c'est pour le business ! », dixit un Sénégalais
d'âge mûr rencontré sur le boulevard de Gaulle.
La France tente également de réaffirmer sa
présence en Afrique. Malmenée au Rwanda, en Côte d'Ivoire,
elle déploie ses activités économiques dans les pays
anglo-saxons (Afrique du Sud, Nigéria...). Son double discours,
politique et économique l'atteste : politique dans l'Afrique
francophone, économie dans les pays colonisés par le Royaume-Uni.
Ce continent est indispensable : le plus rentable de tous. Il existe plus de
2600 entreprises dont 80 % sont bénéficiaires, les privatisations
ayant été une véritable aubaine pour certaines...
La France investit dans tous les domaines possible :
l'agriculture, l'environnement, l'industrie, le tourisme, la santé,
l'éducation et la culture.
L'agriculture est prédominante car les importations
françaises représentent environ 20 % du total (des importations
françaises). La canne à sucre, l'arachide, les produits
halieutiques et les fruits et légumes sont les principales importations
agricoles.
L'industrie, je l'ai décrite, est régie par les
Français et Libanais. La santé est domaine
élémentaire. Elle est cruciale dans un pays où un simple
anesthésique est difficile à se procurer. L'hôpital
principal de Dakar est d'ailleurs en étroite collaboration avec la
France, devenu autonome en 2004. C'est, et de loin, l'infrastructure la plus
adaptée et fonctionnelle au Sénégal.
Le secteur touristique : 49,6 % des touristes sont
français, en 2005. Les complexes touristiques sont nombreux, du Club
Méditerranée sur la pointe Ouest du Cap-Vert, aux petites
chambres proposées par les « sénégaulois ».
L'éducation est bien entendu un autre domaine de
coopération. Pour exemple, l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar
détient des accords universitaires avec une trentaine
d'Universités françaises.
123 Le Monde du 13 avril 2006,
http://abonnes.lemonde.fr/web/infog/0,47-0@2-3212,54-761588@51-751452,0.html
Accord datant de 1974, les FFCV (Forces françaises du
Cap-Vert) sont installées à Dakar, sur sa côte Est,
à proximité du port. Il s'agit du 23e bataillon
d'infanterie et de marine (Bima).
Rfi du 2 février 2005,
http://www.rfi.fr/actufr/articles/062/article
33706.asp
Ce point qui requière à lui seul un
mémoire, ne peut être détaillé ici. La France
possède de nombreux avantages par rapport à son concurrent
direct, ou qui est en passe de le devenir, la Chine. La langue, partagée
par les deux parties, son implantation multisectorielle, ses liens politiques
et diplomatiques forts et la représentation des Sénégalais
vis-à-vis des Français, plutôt positive, bienveillante.
Ceci s'explique notamment par l'aide au développement apportée :
en 2004, elle s'élève à 410,3 millions d'euros dont 124,2
hors annulation de dettes. Le Sénégal est de fait le premier
bénéficiaire de l'APD (Aide publique au développement) :
il perçoit 9,4 %124 . Selon cette source, les « secteurs
de concentration de l'aide française » sont l'éducation, le
secteur productif (« subventions, prêts non souverains
concessionnels et non concessionnels, garanties, lignes de refinancement
bancaire, expertises, mise à niveau environnementale et sociale des
entreprises, partenariats publics/privés, etc. »), les
infrastructures, la santé, le développement rural, «la
consolidation de l'État de droit et l'amélioration de la
gouvernance institutionnelle », l'enseignement supérieur et la
recherche (par l'Institut de recherche pour le développement (IRD) par
exemple) et « la promotion de la diversité culturelle et du
français ».
Un dernier sujet démontrant le poids
économico-politique français est le franc CFA. Lors de la
ratification par la France des accords de Bretton Woods en 1945, la
monnaie en Afrique de l'Ouest alors essentiellement colonisée par la
France est le franc des colonies françaises d'Afrique. En 1958, elle est
renommée franc de la communauté française d'Afrique,
appellation moins coloniale et impérialiste qui n'enlève rien au
pouvoir que la France garde sur cette monnaie qu'elle dévalue selon ses
besoins (le 11 janvier 1994, quatorze États de la zone franc
dévaluent leur monnaie sous pression du FMI et de la Banque Mondiale.
C'est la France qui l'annonce et pour cause : les spéculations sont
françaises et viennent majoritairement des grandes
sociétés implantées en Afrique de l'Ouest). Elle changera
de nom pour franc de la communauté financière d'Afrique (pour les
membres de l'Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine ou
UEMOA) et franc de la coopération financière en Afrique centrale
(pour les membres de la Communauté Économique et Monétaire
de l'Afrique Centrale ou CEMAC). L'UEMOA regroupe le Bénin, le Burkina
Faso, la Côte d'Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le
Sénégal et le Togo. La CEMAC le Cameroun, le Congo (Brazzaville),
le Gabon, la Guinée Équatoriale, la République
Centrafricaine et le Tchad.
Les deux monnaies (euro et franc CFA) sont liées par
une parité fixe, le franc s'apprécie donc en fonction de la
monnaie européenne. Cela entraîne la chute des prix des
matières premières, celles-ci étant fixées en
dollar US moins fort que l'euro, d'où, une baisse des exportations
124 Ministère des Affaires étrangères,
http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/actions-france
830/aide-au-developpement 1060/politiquefrancaise 3024/instruments-aide
2639/documents-cadres-partenariat-dcp
5219/document-cadre-partenariat-france-senegal-dcp2006-2010 40403.html
(agricoles, de coton...). Cette monnaie forte est avantageuse
à l'export, mais contre-productive à l'import, or, la balance
commerciale sénégalaise est nettement déficitaire.
La France est membre fondateur de l'Union Européenne.
L'U.E. importe 47,28 % des marchandises et exporte pour 92,31 %. Elle est
quasiment en situation de monopole, chez les pays fournisseurs ! Quelle est la
place française ? Elle totalise 36,01 % (des exportations
sénégalaises vers l'U.E. donc) et 51,95 % des importations
sénégalaises. Deux autres pays sortent du lot, l'Espagne et
l'Italie. S'agissant de l'U.E., se référer aux cartes et
graphiques en annexe.
Un procédé navrant, ajouter les annulations de
dettes au chiffre global de l'aide attribuée aux États africains,
devient fréquent. Selon le rapport de l'organisation Concord, l'Europe
accorde en 2006, 48 milliards d'euros125. Mais 13 proviendraient
directement des dettes annulées, soit, près de 30 % !
Monsieur Wade comprenant les enjeux d'un tel partenariat,
affirme que quatre puissances domineront le monde de demain, soit, les
États-unis, la Chine, le Brésil et l'Inde. Il exclue donc l'U.E.
qui ne possède pas de réservoir démographique mais
encourage les liens entre cette dernière et l'Afrique qui elle
possède ces ressources humaines. Un « grand ensemble »
géopolitique où l'indépendance de tous sera le gage de
relations politiques productives et multilatérales (au contraire du
paternalisme français ou anglo-saxon)126. Objectivement, ce
type de déclarations permet surtout d'attirer l'attention.
Il est somme toute logique que la première
économie mondiale (l'Union européenne) attire et exporte
l'ensemble des capitaux. Liens historiques et proximité
géographique ne sont pas étrangers à cette
prépondérance. La Chine, l'Inde, le Brésil et les
partenaires du Maghreb et du Proche et Moyen Orient apparaissent donc
dérisoires vis-à-vis l'ex-métropole, cependant, c'est bien
un enjeu à moyen terme.
En résumé, la France n'est aucunement
menacée au Sénégal (ce n'est pas le cas dans tous les
États francophones). À court terme cependant, car les pays dits
émergents gagnent chaque année des contrats et du terrain
politique. Comme je l'ai brièvement décrit, les
sociétés hexagonales sont leaders, mais le BTP, les
télécommunications, les activités de la pêche sont
trois secteurs d'activités où la Chine joue désormais,
à travers son secteur privé, un rôle important. Il en est
de même dans d'autres activités...
125 Rfi du 17 mai 2007,
http://www.rfi.fr/actufr/articles/089/article
51903.asp
126 L'hebdomadaire du 21 mars 2007,
http://www.lhebdomadaire.info/Senegal-Abdoulaye-Wade-appelle-a,1257
Un exemple est les télécommunications.
China Télécom est une des plus grandes
sociétés, elle compte 25 millions d'abonnés en Chine.
Actuellement deux groupes se partagent le marché : la Sonatel (capitaux
mixtes, 33,3 % pour France Télécom et 66,7 % revenant à
l'État sénégalais) et un groupe privé du nom de
Sentel. L'entreprise chinoise serait la troisième mais est en
concurrence avec la société saoudienne, Saudi Bin Laden
Group. Il est évident que China Télécom
dispose d'un atout remarquable : son marché potentiel chinois ! De fait,
jouant sur le nombre, elle pourra à terme proposer des tarifs
attrayants. De fait également, elle investira des sommes
conséquentes dans la recherche, l'un des nombreux secteurs dont la Chine
souhaite développer (NTIC pour Nouvelles technologies de l'information
et de la communication)127.
Un autre exemple est la participation française
à la 17e Fidak (Foire internationale de Dakar).La foire, du
30 novembre au 11 décembre 2006, accueillit des centaines d'exposants.
L'information utile ici, est le retour des privés français qui
avaient déserté cette réunion l'année
précédente pour cause de manque de professionnalisme. Ils
n'étaient pas les seuls, les étasuniens, belges ou encore
marocains avaient suivi leur exemple. Alors pourquoi revenir ? Pour faire face
aux pays asiatiques ! D'ailleurs, l'invitée d'honneur était
l'Inde.
Je vais parcourir le globe terrestre afin d'analyser
sommairement les partenaires que sont les NPI, nouvelles économies ou
encore pays émergents, et en premier lieu, vers l'Est, vers l'Inde.
3. L'Inde, les financements arabes et le Brésil
L'Inde, l'autre Asie qui monte...
L'Inde est elle un partenaire viable et conséquent du
Sénégal ? Non et oui. Il n'est pas viable, dans le sens où
il n'octroie pas d'aides et de financements, à l'instar de la France et
de la Chine. Le Sénégal perçoit en revanche une manne non
négligeable provenant des exportations. Géopolitiquement, le
rôle indien est infime. Il n'en fut pas toujours ainsi (conférence
de Bandung). L'Inde n'est donc qu'un partenaire économique.
127 Nettali du 5 mai 2007,
http://www.nettali.net/spip.php?article3307
Globalement, elle importe pour 17,03 % des exportations
totales sénégalaises mais n'exporte que pour 1,97 % seulement.
Principal client devant la France, sur la période 2000-2005 (carte C,
page 32), l'Inde importe des arachides, de la ferraille et surtout des
acides phosphoriques et phosphates. Les produits exportés vers le
Sénégal sont les tissus de coton, les médicaments et le
riz. Ces exportations sont fortement concurrencées.
Le Sénégal a exporté en 2005 pour 98
milliards de FCFA d'acides phosphoriques, une progression de 4,2 % par rapport
à 2004. Malgré une baisse en 2003 (80 milliards mais 119 en
2002)128, cet engrais naturel reste un des produits majeur à
l'export, avec le phosphate. L'extraction est située à Matam
(Nord-Est) et dans une moindre mesure à Namel (Sud-Est). L'annexe
IIq, page 159, les représente. L'Inde investit aujourd'hui dans la
région de Tambacounda : le fer y est en quantité importante (les
réserves potentielles sont de 750 millions de tonnes) et
représenteraient jusqu'à 2 milliard de dollars. Mittal
Steel a remporté l'appel d'offre et attend les infrastructures
devant être réalisées par l'État, afin de pouvoir
commencer l'exploitation du gisement de la Falémé. Ces
infrastructures sont les suivantes : le chemin de fer (750 km) en direction de
la côte Ouest du Sénégal (Rufisque), la modernisation de ce
dernier, une infrastructure sidérurgique et la mine en elle-même.
Selon monsieur Diop, géologue à la MIFERSO (Société
des Mines de Fer du Sénégal Oriental), l'extraction ne sera
opérationnelle qu'en 2009 (l'exportation en 2011) mais pourrait
s'étaler sur une trentaine d'années, soit autant d'années
durant lesquelles le Sénégal percevra ces revenus (750
divisé par 25 millions de tonnes annuelles). Mittal Steel est le leader
mondial de la sidérurgie, emploie 330 000 employés dans plus de
60 pays.
Voici la réaction de son président, Lakshmi
Mittal : « Nous sommes ravis d'avoir signé hier à Dakar ces
accords fermes avec l'État du Sénégal et nous avons
hâte de faire avancer cet important projet. Une fois mené à
terme, le projet de Falémé constituera une source importante et
compétitive pour l'approvisionnement de minerai de fer à nos
sites européens. Ce projet représente une étape importante
dans notre stratégie visant à faire de l'Afrique Occidentale un
pôle majeur d'approvisionnement en minerai de fer pour nos sites
sidérurgiques dans le monde entier. Nous sommes convaincus que le
Sénégal s'avérera être un emplacement
stratégique pour étendre notre présence actuelle sur les
marchés en essor de l'Afrique Occidentale. »129.
Il est clair que ces exportations phosphoriques permettent
à l'Inde de soutenir ses révolutions verte et blanche, ainsi, ce
partenariat ciblé possède encore une marge de manoeuvre
satisfaisante, même si ces exportations (au niveau global) sont en
baisse, de 1996 à 2005, de 7 à 3 %.
128 ANSD
129 Site Internet de la société, le 23
février 2007,
http://www.arcelormittal.com/index.php?lang=en&page=49&tbPress=here&tb0=75
La révolution verte est une politique agricole
permettant l'intensification des productions, notamment
céréalières. Le Mexique, l'Inde et le Pakistan sont les
principaux États à avoir pratiqué cette révolution.
La révolution blanche est l'utilisation des ressources agricoles
permettant l'essor de l'industrie laitière et de l'élevage (Iran
et Inde).
Il est intéressant de voir cette
complémentarité sénégalo-indienne dans ce secteur
minier. Investissements indiens (ICS) et gains importants pour le
Sénégal. Ce n'est pas tout, des transferts de technologie, dont
manque cruellement le Sénégal, sont apportés par les
firmes indiennes dont Tata.
L'Inde est présente dans les transports : les chemins
de fer avec l'entreprise Rites et surtout les transports en commun que
sont les autobus avec le groupe Tata et dans une moindre mesure les
automobiles Mahindra. Iffco'3° et
Oswald exercent dans le domaine de l'industrie chimique.
Les bus et « cars rapides » Tata sont en
grande majorité ceux que l'on retrouve dans la capitale
sénégalaise (cf photo). Il faut savoir que ces « cars
rapides » ont été financés par la Banque Mondiale et
par un prêt indien. De fait, l'exportation de véhicules indiens a
fait un bond extraordinaire : de 1 million de dollars en 2004, elle atteint 24
million en 2005. Tata a crée une usine d'assemblage à
Thiès pour environ 5 milliards de FCFA. Tata est le sixième
constructeur mondial d'utilitaires. Son chiffre d'affaires pour 2006 est de 210
millions de dollars en Afrique (1,6 milliard de dollars au niveau
international), dans des secteurs aussi variés que l'ingénierie,
le cuir, les équipements informatiques, le métal et l'acier, les
produits chimiques, le thé, etc....131 .
Un domaine où la concurrence franco-indienne est
visible est la ferraille. Ce marché était auparavant
contrôlé par la société Benex (française). Le
prix d'achat était très faible (20 FCFA le kilo) mais a
triplé à l'arrivée des Indiens (60 FCFA le kilo de fer,
2200 FCFA le cuivre et 600 FCFA pour l'aluminium et le laiton). Le
Sénégal est aujourd'hui une plaque tournante, avec une
activité en plein essor, expliquée par la main d'oeuvre
disponible et de l'importante matière première disponible.
Les entreprises indiennes implantées au
Sénégal sont, hormis celles citées : SAFINAGE
(Société afro-indienne pour l'agriculture et l'élevage) ;
Veli Sarl dans l'eau minérale et les jus de fruit ; Premier Agro Oils
(« Huilerie Raffinée Transformation de Céréales
Locales et Dérivés / Minoterie / Aliments volaille et
bétail ») ; Indosen dans le secteur du textile et Senbus Industries
dans l' « Assemblage véhicules / Montage de Cycles et Motocycles
»132.
130 Indian Farmers Fertilizer Cooperative (IFFCO)
détient 26 % du capital des ICS (Industries Chimiques
Sénégalaises) l'unique industrie sénégalaise dans
le domaine des acides phosphoriques et du phosphate.
131 Site Internet de la société,
http://www.tata.com/index.htm
132 Informations obtenues à la mission économique
française.
Alors quel est l'objectif du Sénégal quant aux
relations entretenues avec l'Inde ? Simplement, diversifier ces partenariats
trop ciblés. Ce partenaire modeste, peut, car il en a les
capacités, devenir influent au Sénégal, surtout s'il
continue à proposer des transferts de savoir-faire et, de fait,
créer de la valeur ajoutée.
Enfin, l'Inde n'est pas exempte des aides, timides il est
vrai133.
cars Tata stationnés devant le port de Dakar
(le 1er mars 2007)
vue arrière d'un car Tata (1er
mars 2007)
« car rapide » de marque indienne
stationné devant la grande mosquée, avenue Malick Sy (le 15
février 2007)
Il me reste certains partenariats à décrypter. Les
financements arabes sont les investissements des États du Maghreb, du
Proche et Moyen Orient.
Les financements arabes
Tous ces pays, l'Algérie, le Maroc, la Tunisie, la
Libye, l'Égypte, l'Arabie Saoudite ont un point en commun
indéniable : leur religion, l'Islam. Ils sont géographiquement
proches et ont pour certains (Maghreb) une histoire comparable, je parle ici de
la colonisation française.
133 Annexe IIr, page 160.
Au regard de leur participation dérisoire dans les
échanges extérieurs sénégalais, l'important est
ailleurs : l'Algérie participe à 0,02 % des exportations et 0,10
% des importations sénégalaises ; le Maroc 0,39 % et 0,87 % ; la
Tunisie 0,21 % et 0,53 %. Selon le classement de l'ANSD, l'Asie occidentale
(comprenant le Liban, la Syrie, l'Irak, l'Iran, Israël, la Jordanie,
l'Arabie Saoudite, le Koweït, le Barhein, le Qatar, Dubaï, les
Émirats Arabes Unis, Oman, le Yémen, et le Yémen
démocratique) ne pèse que 0,25 % et 1,83 %. L'Afrique du Nord
dans son ensemble (Canaries, Maroc, Algérie, Tunisie, Libye,
Égypte et Soudan) représente elle, 1,38 % et 2,29 %, sur la
période 2000-2005. Il est étonnant de voir figurer les îles
espagnoles dans ce classement : elles n'y change rien mais tout de même
!
Ces données reflètent donc le peu de liens
commerciaux entre ces deux ensembles et le Sénégal :
ajoutés, les importations et exportations n'atteignent pas 6 % (5,75
%).
Non, il faut chercher des informations auprès de la
BID (Banque islamique de développement) par exemple. Créée
en 1975 à Djeddah en Arabie Saoudite, elle finance des projets tels
l'octroi de bourses pour les étudiants, l'assainissement de la ville
sainte de Touba, la lutte contre le paludisme, la lutte contre la
pauvreté, l'agriculture (coton), la micro-finance, le renforcement du
secteur privé, les infrastructures routières et
hydroélectriques, des projets pour l'accès à l'eau
potable, l'enseignement bilingue, des salles de classes à Diourbel,
Louga et Kaolack, deux lycées franco-arabes à Dakar et Kaolack,
six collèges, trente écoles franco- arabes... De nombreuses et
diverses aides donc134. Il faut noter l'implantation du siège
de la BID pour l'Afrique, à Dakar. Cette proximité permettra de
décupler les projets. La BID représente 56 États.
Il ne semble pas y avoir de conflits d'intérêts
entre la France et la BID ici. Les deux parties et le Sénégal n'y
trouveraient d'ailleurs aucun intérêt. Mais les
sociétés françaises sont elles en concurrence avec celles
provenant du Moyen-Orient. Dubaï ports World, le leader mondial, remporta
les contrats du terminal à conteneurs et la construction du port du
futur, pour un montant de 200 milliards de FCFA (environ 305 millions d'euros).
L'appel d'offre obtenu était une priorité du groupe
Bolloré. Les sociétés françaises, largement
implantées dans ce secteur maritime sénégalais
(pêche, transit) devront donc dorénavant composer avec celles du
Moyen-Orient, ici des Émirats Arabes Unis.
Une autre source de financements est la BADEA (Banque arabe
pour le développement économique en Afrique). Elle a
attribué 29,5 millions de dollars en 2003 à cinq États :
le Sénégal, l'île Maurice, le Kenya, la Gambie et le
Zimbabwe. Le Sénégal profite également d'une enveloppe de
63,4 millions (répartie entre ce dernier, la Tanzanie, la Guinée,
l'île Maurice, l'Ouganda,
134 Sources APS
au Zimbabwe et aux Seychelles). Quels sont les financements
prévus ou effectués au Sénégal ? En 2005,
l'assainissement des eaux de pluie de la ville de Pikine (11,4 millions de
dollars), l'assainissement des eaux usées de la ville de Louga (4
millions) et le financement de micro crédits (enveloppe de 1 million de
dollars). La banque administre une assistance technique : un « appui
institutionnel en faveur des groupements féminins de la région de
la Vallée du fleuve Sénégal », et des « services
d'un expert dans le domaine de la micro-finance en appui au Fonds de Promotion
Économique ». En 2004, l' « assainissement de la ville de
Diourbel » et l' »alimentation en eau potable de l'axe
Ndiosmone-Palmarin », une « étude de faisabilité du
projet d'aménagement des casiers irrigués de la rive droite du
Lampsar » et une autre « étude de faisabilité du projet
de construction d'un nouvel aéroport à Dakar ». En 2003, la
construction de la « route Linguère - Matam » et l' «
assainissement des eaux pluviales de Grand Yoff »135.
Ces exemples démontrent une volonté
affichée de financer des réalisations améliorant
directement le quotidien des populations sénégalaises.
Plutôt productif donc.
Lorsque le président Wade se rend dans ces pays, par
exemple aux Émirats Arabes Unis (fin avril 2007), des propositions et
perspectives économiques sont échangées, telles
l'ouverture d'une ligne aérienne Dubaï-Dakar (en continuité
vers l'Amérique du Sud), des investissements probables dans
l'immobilier, le tourisme ou encore la prospection
pétrolière136. Il en est de même à
Téhéran en Iran où le chef d'État
sénégalais signa un accord de 282,5 milliards de FCFA (plus de
430 millions d'euros) portant sur une raffinerie de cinq million de tonnes, la
réalisation du réseau électrique de la ligne
Touba-Tobène-Kaoloack et la création de deux usines, une de
fabrication de lubrifiants et une autre de construction d'équipements et
de composants électriques137.
Une source de financements, différente, est la Banque
Africaine de Développement138 (BAD). Gestion du bétail
ruminant, aménagements de voies de communication (85 millions de dollars
pour l'aménagement de la route Labé - Sériba -
Médina Gounass --Tambacounda ou encore 94 millions de dollars pour l'axe
routier Mali-Sénégal), accès à
l'électricité et aux ressources halieutiques dans les zones
rurales sont quelques exemples. Cette banque n'est pas islamique à
proprement parler. Elle est soutenue par une vingtaine de pays tiers et
regroupe tous les pays africains (53). Crée en 1963, elle vit
apparaître le FAD (Fonds africain pour le développement) en 1972,
finançant les opérations citées. Une dernière
information nécessaire, son 42e sommet (ainsi que la
33e assemblée annuelle du conseil des gouverneurs du Fonds
africain de développement)
135
http://www.badea.org/fr/map.html
136 L'hebdomadaire du 22 avril 2007,
http://www.lhebdomadaire.info/Senegal-Le-president-Wade-soumet,3190
137 APS du 29 juin 2006.
138
http://www.afdb.org/portal/page?
pageid=473,1& dad=portal& schema=PORTAL
se tint ni plus ni moins à Shanghai, dont l'ouverture
fut présidée par le premier ministre Wen Jiabao. C'était
la seconde fois que ce sommet était délocalisé (comprendre
hors du continent africain), la première étant en Espagne en
2001.
Autant il existe une géopolitique de la langue, ici
arabe, autant il existe celle des religions, musulmane dans notre cas. Les
soutiens techniques et financiers proviennent pour l'essentiel de la rente
pétrolière du Proche et Moyen Orient, ils sont
intéressants car dirigés vers et en faveur de la population. Ceci
permet aussi de faire passer certains messages : les pays
industrialisés, de confession autre, ne sont pas les seuls à
pourvoir en aides diverses le Sénégal, et, renforcer les
relations entre États dits arabes. Une parenthèse, je dois
préciser qu'à l'échelle africaine, et ce depuis les
années 1970, peu de gouvernements comptent sur l'aide du « monde
arabe ». Malgré leur soutien univoque lors des conflits
israëlo-arabes (guerre des Six jours de 1967 et du kippour en 1973
notamment), ils ne reçurent que peu de financements (les
pétrodollars).
Le Sénégal possède tout de même une
particularité, celle du couple présidentiel, où A. Wade
est musulman et son épouse, Viviane Wade, qui possède la double
nationalité franco-sénégalaise, est chrétienne.
Je rappelle également que le Sénégal ne
fait pas partie de la Ligue des États arabes.
Enfin, selon une expression populaire, je pourrai dire que le
gouvernement « mange à tous les râteliers » : tentant en
2000 de s'éloigner de la France, le président se tourne vers
l'Atlantique Ouest mais également vers l'Iran, le Maghreb, le
Moyen-Orient et donc l'Asie. Pragmatisme et opportunisme sont évidemment
deux adjectifs qualifiant la politique extérieure du
Sénégal. Simplement, et personne ne peut blâmer Wade, il se
tourne vers toutes les puissances en devenir, dont le Brésil fait
partie.
Le Brésil
Que représente le Brésil économiquement
au Sénégal ? 0,05 % des exportations totales
sénégalaises et 3,08 % des importations. Là encore, le
partenariat est modeste. Pour l'ensemble du continent américain ? 5,99 %
aux exportations sénégalaises et 31,33 % aux importations. Il est
en concurrence avec l'autre grand État américain, les
États-unis : 0,54 % des exportations totales du Sénégal et
4,21 % des importations. Sur le continent, ils représentent par contre
64,13 et 42,32 %. Je rappelle que le continent américain est la
quatrième région partenaire du Sénégal,
après l'Europe, l'Afrique et l'Asie (devant l'Océanie).
A l'export, entre 2000 et 2005 (cartes C et D, pages
32 et 33), le Brésil ne représente que 0,3 % mais à
l'import, il devient le quatrième partenaire avec 7,35 % derrière
la France, les États-unis
et la RPC. Pour développer ces échanges les
deux gouvernements, celui de Luiz Inâcio Lula da Silva et de A. Wade,
améliorent les routes aériennes et maritimes entre les deux pays.
L'ouverture de la ligne Dakar-Fortaleza en est un exemple (état de
Ceará dans le Nord-Est).
Le Brésil est reconnu pour son activité
agricole et agro-alimentaire. La puissance Sud- américaine a notamment
développé le biocarburant (éthanol) en défrichant
les territoires Nord (Norte et Centro-Oeste) et
précisément dans l'état du Mato Grosso, aggravant
la déforestation de la forêt amazonienne. Le Sénégal
est dépendant de matières premières. Il est donc logique
que le Brésil, possédant ce savoir-faire, signe des accords
(biodiesel et éthanol) de coopération technique avec
l'État africain. Ces carburants alternatifs au pétrole seront
indispensables, pour la substitution au pétrole mais par la même
occasion producteurs d'emplois et évidemment, dans le cadre du
développement durable (agricole surtout). Transfert de technologie donc
mais formation de ressources humaines aussi. Cet accord intervint lors de la
visite officielle de A. Wade au Brésil, en mai 2007, lors de la
célébration de l'anniversaire de l'indépendance
brésilienne (l'ex-métropole étant le Portugal).
Le plus vaste pays de l'Amérique du Sud (8 514 877
km2) apporte par ailleurs ses compétences en matière
de lutte antiacridienne (criquets). Ce fléau qui dévaste
régulièrement les cultures sahéliennes est combattu, ici,
avec les connaissances brésiliennes.
À l'avenant, la République
fédérative du Brésil forme techniquement les producteurs
laitiers (et croise ses vaches laitières (102 bovins) avec celles de
Dahra, dans le centre-Nord), de viande et de l'horticulture.
Un défi extrêmement important est la lutte
contre le VIH/SIDA. Brasilia collabore avec Dakar à la fabrication de
médicaments antirétroviraux génériques. Deux
missions techniques ont d'ores et déjà été
effectuées. Sur les quelques 250 ressortissants brésiliens (au
Sénégal) 12 sont médecins139.
Au niveau culturel, le Brésil soutient la restauration
des sites historiques sénégalais, par exemple, l'île de
Gorée et, participe activement aux côtés du
Sénégal au festival mondial des arts nègres.
Le sport étant fortement ancré dans la vie
quotidienne des deux pays, le football, particulièrement, est l'enjeu
d'innombrables échanges techniques.
Un programme de travail sur les droits de l'Homme est aussi
à l'étude entre les deux gouvernements.
Enfin, il s'est tenu au mois de novembre 2006 (du 26 au 30) le
premier sommet Afrique- Amérique du Sud. Lors de cette rencontre
internationale à Abuja (Nigéria), les chefs d'État et
de
139 APS
gouvernement ont crée le Forum de Coopération
Afrique-Amérique du Sud (qui se réunira tous les deux ans), ont
adopté la Déclaration d'Abuja et son plan d'action (principes et
domaines de coopération). Cette coopération politique et
économique renforcée entre les deux parties doit faire face aux
nombreux défis du développement et de la mondialisation. La
création d'une banque Sud- Sud, la lutte contre le VIH/SIDA, le
défi des biocarburants sont quelques sujets abordés lors du
sommet. 57 États furent représentés, dont le
Sénégal et le Brésil avec leurs présidents
respectifs (45 africains et douze Sud-américains). Il faut
également savoir que le nombre des Ambassades brésiliennes a plus
que doublé en cinq ans : en 2002, lors de l'arrivée au pouvoir de
Lula (réélu en 2006), il existait 13 ambassades sur le continent
africain ; en 2007, il y en a 30.
Les Chinois ne sont donc pas seuls à investir au
Sénégal.
Les grands perdants, ces prochaines années, seront
sans aucun doute les Libanais. Déjà concurrencés par les
sociétés françaises, ils le seront par celles provenant
d'Asie et dans une moindre mesure, d'Amérique Latine. Les trois
puissances de demain, de ces prochaines décennies, la RPC, l'Inde et le
Brésil, possèdent les atouts et similarités pour devenir
les futures partenaires politiques et économiques des États
africains et notamment subsahariens. Un passé « commun » de
territoires colonisés par les puissances européennes
(respectivement le Royaume-Uni (Hong Kong et l'Inde) et le Portugal), une forte
volonté de développement alternatif au modèle
étasunien et un enjeu démographique considérable (plus de
3 milliards d'êtres humains cumulés soit la moitié de la
population mondiale environ). Depuis la prise de conscience de leur force
sociale, politique, idéologique, démographique et donc à
terme économique, les pays du Sud (expression largement usitée
par les organisations mondiales contrôlées par les pays
occidentaux : ONU, Banque Mondiale et FMI) tout en se développant sur le
système capitaliste mondial, apportent des notions d'entraides, de
solidarités à ce mode de développement. Il est
intéressant de voir la vague sociale démocrate en Amérique
du Sud, de comprendre les acquis et expériences communistes dans les
sociétés et économies asiatiques, africaines. Concernant
la France, elle n'est plus en mesure d'imposer sa politique. Le relais
privé à depuis la fin de la Traite et surtout après les
indépendances repris le flambeau tricolore. Il s'agit donc d'assurer les
relations diplomatiques et politiques avant tout. Des relations qui pourraient
prendre la forme d'une toile d'araignée, avec une multitude d'acteurs
sociaux et économiques représentant les fils fins et les acteurs
diplomatiques au centre.
Il s'agit à présent de comprendre l'histoire de la
Chine-Afrique. Revenir à une échelle plus petite pour
appréhender la situation de la République du
Sénégal dans ce contexte sino-africain.
TROISIEME PARTIE
LE SÉNÉGAL DANS LE CONTEXTE
CHINE-AFRIQUE
CHAPITRE I. - Quelle place occupe le
Sénégal dans les rapports SINO-AfRIcAINS ?
C'est bien là une question essentielle. Je vais dans
ce premier chapitre répondre aux questions fondamentales ayant trait aux
actuelles et futures relations sino-sénégalaises. Quelles sont
les limites et possibilités du sous-sol ? Le Sénégal
dispose t'il d'une position géographique que je peux qualifier de
géostratégique ? Enfin, le volontarisme affiché de
l'État permettra t'il de résoudre, en partie du moins, les enjeux
de cette relation ?
1. Un territoire pauvre en ressources naturelles
Directement analyser ce sous-sol serait une erreur
géographique. Je vais donc succinctement décrire la couverture
végétale de ce territoire ainsi que la climatologie.
Le Sénégal est une plaine, dont l'altitude
maximale est le mont Assirik (498 m) situé dans le Fouta Djalon, dans la
région de Tambacounda (Sud-Est du pays). Le réseau hydrographique
peu développé donne au facteur climatique une grande importance
à la répartition zonale des domaines. Cette répartition
est d'ailleurs progressive, suivant les pluies du Nord et du Sud.
Généralement, le paysage est boisé, composé
d'arbustes épineux en région sèche, arboré en zone
soudanienne et constitué de forêts dans le domaine
subguinéen. Hormis les dix régions administratives (Saint- Louis,
Louga, Dakar, Thiès, Diourbel, Fatick, Kaolack, Ziguinchor, Kolda et
Tambacounda) et ses trente départements, le Sénégal
comprend quatre régions ou domaines dits naturels : la région
côtière du Nord (de Saint-Louis à la Gambie), la
région sahélienne, la région soudanaise, le domaine
subguinéen. De plus, des territoires que l'on peut qualifier d'azonaux
se trouvent dans la
vallée inondable du Sénégal (forêt
de gonakiés), au Cap-Vert, le long de la côte (dépressions)
et dans les estuaires du Saloum et de la Casamance (mangroves à
palétuviers).
La région côtière est sableuse,
érodée par les vents d'Ouest.
Le domaine sahélien est sec par définition, la
végétation pauvre (acacias), le sol, composé de
graminées annuelles est calcaire, à tendance karstique sur les
faibles plateaux.
Le domaine soudanien est celui de la savane forestière
à herbacée. L'agriculture y est intensive, au contraire du sahel.
C'est un territoire d'élevage (ethnie peul) et de chasse.
Enfin, le domaine subguinéen, en basse Casamance, est
peuplé de forêts denses en îlots, dont le palmier à
huile. Par l'anthropisation, cette forêt devient une palmeraie. La
riziculture y est pratiquée, seul territoire à pouvoir en
bénéficier avec Madagascar et quelques zones montagnardes
africaines.
La caractéristique principale des territoires
sahéliens est l'alternance de saisons, c'est-à-dire une saison
sèche de novembre à juin environ et une saison humide, de pluies,
de juillet à octobre : c'est un climat tropical à saisons
alternées. La biosphère est indissociable de la partie
géologique.
L'annexe IIq, page 159, représente les
ressources minières du territoire sénégalais. C'est un
territoire pauvre, comparé à d'autres pays africains
(Nigéria, Soudan et Angola). Le phosphate et le fer sont
exploités par les Indiens.
Et le pétrole ? Le pétrole est de loin la
ressource la plus importée par la Chine. Plus de 800 000 barils par jour
d'origine angolaise (un tiers du pétrole exporté), soudanaise
(les trois quarts) ou nigériane. Second consommateur derrière les
États-unis, le pays asiatique (environ 7 millions de barils quotidiens)
doit pourvoir en énergie fossile son développement
effréné. Le Sénégal n'exporte pas encore,
l'étude du sous-sol est en cours, soit, la phase de prospection. Sur
l'annexe IIIr, page 160, la première carte relativise le potentiel
sénégalais. La seconde permet de localiser les blocs,
c'est-à-dire, les territoires potentiellement
pétrolifères. Un bloc désigne une zone libre, un permis,
une zone où une entreprise prospecte (sous contrat donc). Il y a selon
Petrosen environ 142 puits actuels. Sans rentrer dans les détails, le
bloc de Louga et celui du Sénégal Est sont prometteurs. La
Mauritanie exporte par l'intermédiaire de la China National
Petroleum Company (CNPC). Les gisements se trouvent à la
frontière : il existe donc un potentiel important, mais, le manque de
données (sur ces blocs) empêchent toute supposition. Une
certitude, la zone AGC (Agence de gestion et de coopération) et plus
précisément dome flore contient du pétrole mais
lourd, donc difficile à extraire donc peu rentable.
Une dernière indication, 60 000 m3 de gaz sont extraits
chaque jour près de la ville de Thiès, par la SENELEC
(Société nationale d'électricité du
Sénégal.).
Le Sénégal est en résumé un
territoire pauvre en ressources naturelles. S'il possède certaines
ressources intéressantes (phosphates et pétrole), elles ne seront
pas suffisantes pour apporter une manne conséquente, à l'exemple
de l'Angola qui se permet grâce au pétrole d'obtenir une
croissance supérieure à 20 % en 2006. Limites et
possibilités du sous-sol sénégalais, ce pays fait figure
d'exception dans les relations sino-africaines. C'est un cas à part,
avec toutefois des perspectives intéressantes (pétrole et fer).
Si les prédictions des experts de la Petrosen s'avéraient
exactes, le fleuve Sénégal deviendrait un enjeu
considérable. Également, les enjeux et possibles conflits
territoriaux au Sud (gisements offshores, avec la Gambie la
Guinée-Bissau et la Guinée) seront à surveiller.
2. Une position géostratégique ?
Le territoire sénégalais se situe à
l'extrémité occidentale du continent africain, entre 1 2°8
et 16°41 de latitude Nord et 1 1°21 et 17°32 de longitude Ouest.
Ngor-Almadies (quartier de Dakar) est le lieu le plus occidental de l'Afrique.
Bordé à l'Ouest par l'océan Atlantique sur 500 à
600 km , faisant une frontière naturelle, les États limitrophes
sont, du Sud au Nord, la Guinée-Bissau, la Guinée, le Mali et la
Mauritanie. La Gambie se trouve enclavée dans la partie Sud du
Sénégal, en bordure du fleuve Gambie et profite d'une ouverture
sur l'océan. Au Nord, le fleuve Sénégal trace la
frontière avec la Mauritanie, et, son principal affluent, le
Falémé, celle du Mali. La superficie du Sénégal est
de 197 000 km2.
Quelles sont les premières impressions d'un
observateur visualisant un planisphère ? Le Sénégal n'est
pas un État enclavé. Son accès à l'océan
Atlantique interpelle également. Il se situe au carrefour de quatre
zones géostratégiques : l'Amérique du Sud,
l'Amérique du Nord, l'Europe de l'Ouest et l'Afrique subsaharienne.
Véritable ouverture sur l'intérieur du continent, sur l'Afrique
de l'Ouest, il concentre tous les avantages géographiques à
l'échelle internationale. À une échelle plus grande, la
presqu'île du Cap-Vert, naturelle péninsule, dispose de la baie de
Hann, érodée et invitant à l'implantation d'un port,
suffisamment à l'abri des courants marins et du vent.
Géographiquement admirablement positionné, bien
protégé par la rade naturelle, ouvert jour et nuit, le port
autonome de Dakar représente un des principaux enjeux de
développement pour la région ouest-africaine. Mesurant dix
kilomètres de quais et 177 hectares de plan d'eau, il dispose d'un port
de pêche de dix hectares, du plus grand chantier naval de l'Afrique de
l'Ouest et est relié
au réseau routier national et international, ainsi
qu'à la ligne ferroviaire Dakar-Bamako (et à proximité de
l'aéroport international L. S. Senghor). Son activité est en
constante augmentation : pour l'année 1998, les embarquements et
dépôts représentaient 6 438 000 tonnes de marchandises, en
2005, 9 905 000 tonnes soit, une augmentation d'environ 54% en valeur
relative.
Le gouvernement sénégalais, sous l'action
d'Abdoulaye Wade, à crée la vision stratégique Port 2010,
entrant dans le cadre des grands chantiers, des grands travaux. A une
échelle plus petite, le port entre dans le corridor
Dakar-Bamako-Ouagadougou-Niamey. Volonté de développer Dakar, de
l'inscrire dans une dynamique donc. Si les résultats tendent à
rester discrets, les possibilités sont importantes. Le
Sénégal se trouve à neuf jours de navigation des
États-unis (contre 21 pour l'Afrique Subsaharienne) et proche de l'Union
Européenne. Pourtant, le prix du fret à destination des USA reste
plus élevé que celui de l'ensemble de l'Afrique Subsaharienne
(4000 à 3500 dollars US). Des efforts importants doivent être mis
en place afin de remédier à ces carences. Lorsqu'on observe un
globe terrestre on s'aperçoit que le Sénégal est un des
pays le mieux placé en Afrique, pour relever les multiples défis
du développement. Le Sénégal et les États
sahéliens, doivent créer la ligne Dakar-Djibouti que les
colonisateurs français n'ont jamais pu concevoir (à l'identique
des britanniques voulant relier Le Cap au Caire).
Également, le triangle New York-Dakar-la Manche serait
une perspective louable et séduisante, si toutefois les échanges,
entre ces trois destinations régionales, s'amplifiaient. Pour cela, le
Sénégal doit agir en collaboration avec ses voisins
limitrophes.
La géostratégie c'est aussi l'aspect militaire.
La présence de la base militaire française n'est pas anodine et
est avec les 4200 fonctionnaires basés en Côte d'Ivoire pour une
raison autre (conflit larvé), la seule présence militaire
françaises en Afrique de l'Ouest francophone, le «
pré-carré » géopolitique français.
Il est entendu que la République ne se situe sur le
corridor pétrolier qui pourrait être représenté par
une banane, un arc, du Nigéria au Kazakhstan.
Alors, le Sénégal est il un territoire
géostratégique ? Oui assurément, et il le sera d'autant
plus dans les prochaines décennies, dans une Afrique de l'Ouest stable,
politiquement et économiquement. Mais l'est il pour la Chine ? Il est
certain que sa géographie est appréciable, mais la Chine mise,
à en croire par ses investissements, indifféremment sur tel ou
tel État. Aucune stratégie géographique, politique, ne
semble être à l'origine des implantations chinoises. Seules les
ressources pétrolifères semblent intervenir.
3. Le Sénégal, un État politique
porteur de projets et ambitieux
Depuis son indépendance en 1960, le
Sénégal est un des États africains les plus ambitieux. Son
influence dépasse ses frontières. Le charisme de L. S .Senghor
permit au Sénégal de développer une diplomatie
restée très active. Aujourd'hui, le Sénégal est
toujours dynamique, pour preuve la participation de A. Wade à la
création du NEPAD en 2000 et 2001, le rétablissement des
relations sino-sénégalaises (RPC), l'organisation du premier
sommet Afrique-Amérique du Sud. L'État et ses ressources humaines
sont, par le facteur historique, ouverts sur le monde, sur la politique
internationale.
Il serait légitime de voir figurer un État
africain au sein du Conseil de sécurité de l'ONU : c'est le
dernier continent (avec l'Océanie) qui ne dispose pas de
représentant. Compte tenu de sa stabilité politique,
économique et sociale, le Sénégal est à mon sens un
de ceux qui seraient le plus à même de représenter
l'Afrique subsaharienne (avec l'Afrique du Sud).
L'État de la teranga est également
très actif à l'échelle continentale.
Le Sénégal fut un des membres fondateurs, le 25
mai 1963 de l'OUA (Organisation de l'unité africaine). Échec
représentatif de la difficulté africaine à s'unir, il sera
en partie attribué à L. S .Senghor, partisan d'une Afrique des
États en non fédérale. Utile dans le processus de
décolonisation, elle ne sera jamais la grande organisation dont
rêvaient certains dirigeants et peuples (le Ghanéen Kwame Nkrumah
par exemple). Immobilisme, conflits de pouvoirs, non-intervention en Afrique du
Sud lors de l'apartheid (principe de non-ingérence), elle sera dissoute
pour être remplacée par l'U.A. (Union africaine) en 2002,
elle-même créée en 2000.
L'U.A. dont le Sénégal fait partie, s'est elle
dotée du droit d'ingérence (Togo en 2005).
Membre de la Communauté économique des
États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) dès sa création le
28 mai 1975, il participe également à l'Economic Community of
West African States Cease-fire Monitoring Group (ECOMOG). L'ECOMOG est un
contingent africain devant garantir les cessez-le-feu dans les pays membres de
la CEDEAO. Il intervint lors des guerres civiles du Libéria (contingent
de 1 500 militaires entre 1991 et 1993), de la Sierra Léone entre 1991
et 2002 (5 000 militaires lors des trois conflits), de Guinée-Bissau
(entre 1998 et 2000 environ) et de Côte d'Ivoire depuis 2002. Le
Sénégal participa à d'autres interventions, telles
l'opération Turquoise conduite par la France au Rwanda (250 militaires)
et en Gambie en 1981 lors de la tentative de coup d'État contre l'ancien
président gambien Daouda Diawara.
Comment ne pas parler du NEPAD (Nouveau partenariat pour le
développement de l'Afrique) ? Issu de la fusion de deux plans, le
Plan Oméga et le Millenium African Plan,
il fut instauré en grande fanfare par cinq chefs
d'États, dont Abdoulaye Wade en janvier 2001 lors du sommet
France-Afrique de Yaoundé (Cameroun). Là encore l'échec
est patent. Peu d'investissements, une bureaucratie empêchant tous
projets... Même un de ces principaux architectes, A. Wade semble
aujourd'hui s'y désintéressé.
Le véritable frein au développement de ce
continent est donc un problème de démocratisation. Les multiples
actions, projets, souvent avortés, ne seront productifs que dans un
continent où les conflits endogènes seront réglés,
un demi-siècle après les indépendances.
Ce rappel permet surtout de comprendre l'activisme politique
sénégalais. Certes, la majorité des États, à
l'échelle internationale, sont actifs ou désirent l'être
sur la scène mondiale, il en va de leur image, rayonnement ou de leur
intérêt. Mais en Afrique, des États comme la Somalie, la
Côte d'Ivoire par exemple, se replient sur leur passé, sur leurs
antagonismes intérieurs. Ce n'est pas le cas du
Sénégal.
Au niveau économique, le Sénégal s'est
doté d'un cadre institutionnel et juridique : la SCA ou Stratégie
de croissance accélérée. Ayant pour objectif de
créer une croissance stable et pérenne afin de lutter contre la
pauvreté. Cette stratégie doit à l'échelle locale
(Sénégal) appuyer les efforts mis en place par l'ONU : les
objectifs du millénaire pour le développement. Les huit objectifs
que l'on peut retrouver sur le site Internet140 sont les mêmes
que le Sénégal doit atteindre. L'APIX est un organe
compétent en la matière.
Le rétablissement des relations
sino-sénégalaises, prend part, en quelque sorte, à ces
défis. Misant sur une coopération stable, riche et là
aussi pérenne, l'État africain se donne les moyens d'un tel
développement social et économique.
Au regard du volontarisme politique, à toutes les
échelles (sous-régionale avec le Mali, la Mauritanie, la Gambie
et les Guinées : Guinée-Bissau et Guinée « Conakry
» ; régionale en Afrique subsaharienne ; et internationale à
l'ONU), le Sénégal a les moyens d'une telle relation avec la RPC.
Cette dernière disposant de capacités autres mais compatibles,
souhaite faire de l'Afrique un de ses principal partenaire politique et
économique (les sommets Chine-Afrique, le sommet de la BAD à
Shanghai). Enfin, l'augmentation des relations diplomatiques avec les
États africains depuis la conférence de Bandung atteste de cette
volonté chinoise de défendre et coopérer avec ces
derniers.
140
http://www.un.org/french/millenniumgoals/
CHAPITRE II. - De la conférence de Bandung
au sommet de Beijing 2006, Le parcours de la Chine-Afrique
C'est le début d'une véritable relation
diplomatique et politique entre la Chine et le continent africain. Avant cette
date, les relations sino-africaines ne se cantonnent qu'aux échanges
commerciaux (les esclaves en faisant partie), notamment entre les provinces du
Guangdong, du Hainan et du Fujian avec la façade maritime orientale
africaine (Somalie, Éthiopie, Érythrée, archipel de
Zanzibar...). L'arrivée au pouvoir de Mao Zedong va
accélérer le développement des relations sino-africaines.
En effet, de la conférence afro-asiatique à nos jours, les
rapports diplomatiques, économiques, sociaux, culturels... vont
s'intensifier de décennies en décennies.
1. Bandung, le réveil des États sous
influence exogène
La conférence de Bandung en Indonésie, se
tenant, du 18 au 24 avril 1955, a réunie 29 pays et plus de 300
représentants appartenant selon Alfred Sauvy, au tiers
monde141. Elle s'oppose au pacte de Manille et à l'Otase
(Organisation du traité de l'Asie du Sud-Est). L'Otase est un maillon
régional créant un cordon sanitaire autour du bloc communiste et
réunit les États-unis, le Royaume- Uni, la France, l'Australie,
la Nouvelle-Zélande, le Pakistan, les Philippines et la Thaïlande.
Elle est née le 2 mai 1954 de la volonté d'imposer la paix en
Indochine : l'Inde, la Birmanie, l'Indonésie, le Ceylan (actuel Sri
Lanka) et le Pakistan s'étaient rencontrés à Colombo
(capitale du Sri Lanka) afin d'exiger le retrait des troupes françaises
en Indochine. Les gouvernements avaient par ailleurs pris position contre la
politique des deux blocs, les essais nucléaires, pour l'admission de la
Chine à l'ONU, et, de fait, contre le colonialisme occidental.
Lors du mois de décembre 1954, ces mêmes pays se
retrouvent à Bogor pour finaliser ce qui deviendra la conférence
(sélection des États partenaires à inviter). Hormis ceux
cités, l'Afghanistan, le Cambodge, la République Populaire de
Chine (RPC), le Japon, le Laos, le Népal, les Philippines, la
Thaïlande, la République Populaire du Vietnam (Vietminh) et
l'état du Vietnam seront invités,
141 Terme inventé par Alfred Sauvy le 14 août 1952
dans un article paru dans l'Observateur : « Ce tiers monde ignoré,
exploité, méprisé comme le tiers état, veut, lui
aussi, être quelque chose ».
pour le continent asiatique ; l'Arabie Saoudite,
l'Égypte, l'Iran, l'Irak, la Jordanie, le Liban, la Syrie, la Turquie et
le Yémen pour le Moyen-Orient ; l'Éthiopie, le Ghana, le
Libéria, la Libye et le Soudan pour le continent africain, sont
présents. La conférence voit l'entrée du Tiers-Monde sur
la scène internationale. L'Égypte qui géographiquement se
situe sur le continent africain est ici politiquement incluse au Moyen-Orient
par rapport à ses positions politiques proches des États du
Moyen-Orient, ceci en raison des déclarations et prises de position de
Gamal Abdel Nasser sur le panarabisme.
Concernant le Vietnam, si sa situation complexe, à
cette époque, demanderait une étude approfondie, je peux
toutefois signaler que le nord (Vietminh ou République
Démocratique du Vietnam fondée par Ho Chi Minh en 1945 à
Hanoï) est soutenu par l'URSS et la RPC, et, que le sud est soutenu par la
France puis les États-unis ; le territoire que nous connaissons
actuellement était séparé en deux entités au 17e
parallèle.
Cette troisième partie du monde s'inspirant de la
résolution onusienne de 1952142 va condamner la colonisation,
l'impérialisme occidental, l'apartheid en Afrique du Sud, la politique
d'Israël vis-à-vis de la Palestine, la politique française
en Afrique Subsaharienne et au Maghreb, et, le non-alignement par rapport aux
deux puissances d'alors (autonomie et neutralité vis-à-vis des
États-unis et de l'URSS). L'URSS ou Union des Républiques
Socialistes Soviétiques formée de l'Arménie,
l'Azerbaïdjan, la Biélorussie, l'Estonie, la Géorgie, le
Kazakhstan, le Kirghizstan, la Lettonie, la Lituanie, la Moldavie,
l'Ouzbékistan, la Russie, le Tadjikistan, le Turkménistan et
l'Ukraine, soit, quinze républiques socialistes soviétiques.
Elle affirme l'urgence du développement
économique de ces pays, exige la stabilisation des prix des
matières premières et la création d'un fonds
spécial des Nations Unies pour le développement ainsi que la
réorientation des ressources de la Banque Mondiale. Le but étant
également, et c'est logique, de renforcer les liens entre les peuples
représentés.
Telles sont les principales volontés politiques
ressortant de la conférence, la principale revendication restant la
lutte pour l'indépendance des pays colonisés et notamment en
Afrique. Cependant, les solutions pacifiques et la recherche de
négociations sont privilégiées afin de restituer la
liberté aux peuples et États sous domination
étrangère, souvent française ou anglaise. Le fait est que
la plupart des pays asiatiques sont en 1955 indépendants contrairement
aux États d'Afrique, c'est pourquoi la conférence se
déroule en Asie et non en Afrique.
Parmi les principaux représentants, l'Indien Nehru,
l'Égyptien Nasser, l'Indonésien Sukarno et le Chinois Zhou Enlai
font partie des dirigeants les plus écoutés et applaudis. Leur
influence dépassant largement leur patrie, la preuve en est avec le
panarabisme neutre de Nasser qui influera
142 Résolution adoptée sur les rapports de la
Troisième Commission - 637 (VII). Droit des peuples et des nations
à disposer d'eux- mêmes - 403ème séance
plénière, le 16 décembre 1952.
l'ensemble des pays musulmans, du Maroc à
l'Indonésie. Ces délégations présentes sur
l'île de Java représentent la moitié de la population
mondiale mais seulement huit pour cent de la richesse globale. Elles sont unies
par plusieurs facteurs (passé colonial, problèmes de
développement, problèmes politiques et culturels) les amenant
à se regrouper, afin de lutter plus efficacement dans l'ordre mondial
trouble de cette époque. Car la menace pesante et permanente du conflit
larvé entre occidentaux regroupés dans l'Organisation du
Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) et soviétiques signataires du
Pacte de Varsovie (alliance militaire du 14 mai 1955 entre la majorité
des États du bloc communiste) amène les pays non-engagés
(ou force interétatique), dans cette course à l'armement
nucléaire, à se prononcer en faveur de la paix mondiale.
L'OTAN est une organisation politico-militaire regroupant
l'Allemagne, la Belgique, la Bulgarie, le Canada, le Danemark, l'Espagne,
l'Estonie, les États-unis, la France, la Grèce, la Hongrie,
l'Islande, l'Italie, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, la
Norvège, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la République
Tchèque, la Roumanie, le Royaume-Uni, la Slovaquie, la Slovénie
et la Turquie. Crée le 4 avril 1949 à Washington, il a pour
objectif de maintenir la puissance soviétique dans ses frontières
d'alors (cf URSS et Pacte de Varsovie) et de répondre collectivement
dans le cas d'une attaque russe, dans n'importe quel état signataire
(article 5).
Le Pacte de Varsovie regroupe lui l'URSS, l'Albanie, la
Bulgarie, la Roumanie, la RDA (République Démocratique Allemande
ou Allemagne de l'est), la Hongrie, la Pologne et la Tchécoslovaquie.
Pour conclure ce rappel, la Chine est invitée en tant qu'observateur et
la Yougoslavie dirigée par le charismatique Tito, n'intègrera pas
le Pacte, préférant garder son indépendance politique
vis-à-vis de Moscou.
« Nous sommes unis par la haine du colonialisme, sous
quelque forme qu'il apparaisse ; nous sommes unis par la haine du racisme et
par la détermination commune de préserver et de stabiliser la
paix dans le monde », dit à cette occasion l'Indonésien
Sukarno, qui, lors du discours inaugural, déclara tout de go :
« Que naissent une nouvelle Asie et une nouvelle Afrique ». C'est
d'ailleurs le même ton employé par le président de la
conférence, le premier ministre Indonésien Sastroamidjojo, pour
la cérémonie de clôture : « Aujourd'hui, nous savons
tous que nous avions besoin de tolérance. Nous devons vivre ensemble
dans la paix comme des voisins amicaux. C'est la seule vraie fondation de la
prospérité de l'humanité. J'espère que nous
continueront à avancer sur la voie que nous avons choisie ensemble, et
espère que la Conférence de Bandung deviendra le phare qui
guidera l'avenir de l'Asie et de l'Afrique »143.
La conférence fut divisée en trois commissions,
une commission politique, une commission traitant de la coopération
économique entre les 29 participants et une commission pour la
coopération culturelle. Au cours des débats, trois tendances
principales sortirent, se sont
143 Les citations sont empruntées sur le site
http://french.cri.cn
dégagées : une tendance pro-occidentale avec
notamment la Turquie et le Pakistan ; une tendance pro soviétique (Chine
et République Démocratique du Vietnam) et une troisième,
n'adhérant à aucune des deux évoquées et ne
s'alignant en aucun cas sur la politique tant occidentale que soviétique
; elle est représentée par l'Inde et l'Égypte qui
condamnent la logique des blocs. Si des tensions et désaccords sont
apparus, il n'en reste pas moins que des accords ont été conclus.
D'ailleurs, si consensus il n'y avait eu, la légitimité des pays
non-alignés aurait été difficilement tenable, les
principaux états se devaient de céder sur certains points telle
la demande d'aide financière des organisations internationales dont
l'ONU pour financer et garantir la paix ou pour soutenir le
développement économique de la zone Asie et Afrique.
De facto, la résolution finale de la conférence
de Bandung peut se résumer en dix points, eux-mêmes fondés
sur cinq principes fondamentaux. Ces principes, pourtant inspirés par
Nehru144, ressemblent à ceux appliqués par la Chine en
Afrique de nos jours : principes de non-agression, de respect mutuel des
souverainetés, de non-ingérence dans les affaires
intérieures, de réciprocité des avantages dans les
contrats et principe de coexistence pacifique.
Pour résumer cette résolution, je
décrirai ce communiqué comme vigoureusement empreint de
neutralisme (car trop indien) et malheureusement trop peu impliqué
à décrire et proposer une ligne commune face aux deux grandes
puissances. De plus, la division opposant les non-alignés, les
pro-occidentaux et pays communistes ne peut qu'affaiblir ce groupe, cette
coalition d'États sur la scène internationale. D'ailleurs si je
respecte par principe cette résolution, il n'en reste pas moins que je
n'aperçois aucune volonté de contrecarrer les plans capitalistes
d'un côté comme les plans impérialistes staliniens de
l'autre. Enfin, que les liens entre Asie, Moyen-Orient et Afrique se
développent est une excellente manière de faire converger les
forces, idées et moyens envers le développement des trois
régions. Mais, compte tenu de cette division idéologique, les
dirigeants et participants de l'époque n'ont fait qu'exacerber la
fracture : l'Inde et l'Égypte, en imposant leur neutralité ont
briser la possibilité d'une troisième force capable de se
positionner comme interlocuteur viable, ont élargi le fossé entre
pays pro-occidentaux et pays sous influence soviétique et ont
réduit la voix des pays indépendants à deux hommes : les
deux voix présentes à la conférence, Nehru et Nasser (puis
Tito en Yougoslavie). Si aucun effet direct n'a suivi cette rencontre
politique, elle a néanmoins rencontré un certain succès
auprès de nombreux États.
L'esprit de Bandung est né et le mouvement des
non-alignés s'est crée une base assez solide pour perdurer
jusqu'à la chute de l'URSS en 1991. L'aspect le plus intéressant
est la mobilisation internationale en faveur du processus de
décolonisation engendrée par cette conférence, qui
regroupa la moitié de la population mondiale, 29 États et trente
mouvements de libération
144 Cinq principes ou Pancha Sula en sanskrit, sont
définis par l'Inde : respect mutuel de l'intégrité
territoriale et de la souveraineté, abstention de tout acte offensif,
non-intervention dans les affaires intérieures d'un autre pays,
égalité des droits et entraide mutuelle, coexistence
pacifique.
nationale (parmi ces mouvements, le néo-Destour
tunisien, l'Istiqlal marocain ou encore le Front de Libération
National algérien).
Une dernière parenthèse est à
présenter : la conférence ayant crée cette utopie d'un
tiers monde politique, pacifique, n'a pas jetée réellement les
bases de ce nouvel ordre mondial. Déjà dans les années
1920, après le premier conflit mondial, le président
étasunien Woodrow Wilson présentait les quatorze points devant
servir au règlement de la paix dont le droit à
l'autodétermination des peuples.
Des connexions entre États asiatiques et africains se
sont donc établies lors de cette conférence. Si la Chine ne peut
s'affirmer comme plateforme géopolitique indiscutable à cette
date, elle fait d'ores et déjà figure de puissance alternative
aux côtés de l'Inde, du Pakistan et de l'Égypte. Car de
relations commerciales avant 1949 et 1955, la Chine noue à
présent des relations diplomatiques avec les États africains
venus faire entendre leurs arguments à Bandung, le commerce s'efface peu
à peu pour laisser la place à la dimension diplomatique et
idéologique. Le Petit Livre rouge de Mao devient au fil des
années une bible pour certains dirigeants du continent noir.
Si l'époque coloniale à correspondu à un
certain affaiblissement de la Chine sur la scène internationale, les
indépendances et l'arrivée au pouvoir de Mao Tsé-toung
à Beijing en 1949145 correspond au renouveau chinois,
s'attelant à dénoncer à haute voie les colonisateurs
européens, à réfuter le modèle capitaliste
américain et s'autoproclamer leader et grand défenseur des
peuples opprimés. De plus, la théorie maoïste des «
trois mondes » (selon laquelle le monde bipolaire durant la guerre froide
doit intégrer un troisième monde, celui des États non
signataires de l'OTAN ou du Pacte de Varsovie) appliquée avec
zèle par la diplomatie chinoise n'est pas sans effet sur les territoires
dits du tiers monde, et notamment en Afrique Subsaharienne où l'on
recherche également une place dans ce monde divisé, bipolaire.
Pourtant, la politique extérieure chinoise est unilatérale en
Afrique comme ailleurs : ses propres intérêts prévalent sur
les besoins des États africains.
Si peu d'États africains (l'Éthiopie,
l'Égypte indépendante le 28 février 1922, la Libye le 24
décembre 1951, le Ghana et le Libéria indépendant depuis
1847) sont représentés sur l'île de Java du fait de leur
statut de colonie, bon nombre d'entre eux observent avec intérêt
les débats et résolutions de la conférence. En effet, un
an plus tard, le Soudan (1er janvier 1956), le Maroc (le 2 mars) et
la Tunisie (le 20 mars) accèdent à leurs indépendances,
suivis du Ghana en 1957 et de la Guinée en 1958. L'Afrique, devenant
indépendante au fil des années, va accroître ses
contacts
145 Mao Zedong proclame le 1er octobre 1949 du
balcon de la Cité interdite (Pékin ou Beijing) l'avènement
de la République Populaire de Chine (RPC). Dirigeant le Parti Communiste
Chinois (PCC), il oblige Tchang Kaï-Check et le gouvernement du Guomindang
(parti nationaliste au pouvoir de 1928 à 1949) à s'exiler sur
l'île de Taiwan suite à la défaite contre les troupes de
l'Armée Populaire (Longue Marche).
avec le « pays-continent » qu'est la Chine
(carte K page 131). Et ce d'autant plus qu'elle se sépare
progressivement de l'étreinte des métropoles impérialistes
européennes. D'une vision centrée sur le Nord (Europe) et l'Ouest
(États-unis), l'Afrique va regarder vers l'Est, et vers tout pays
susceptible de lui fournir une aide substantielle dans cette époque
décisive.
Seulement, si l'Asie et notamment la patrie de Mao
s'intéressent aux peuples Noirs, Taiwan s'empressera également
à nouer de solides relations diplomatiques avec l'Afrique (dons et
financements), même s'il faut attendre les années 1990 pour que
l'île soit en mesure de concurrencer Beijing. Du reste, au terme de la
conférence de Bandung, le premier ministre chinois Zhou Enlai, en
répondant à la polémique provoquée par certains
protagonistes mécontents de la (trop) bonne tournure de cette rencontre,
dit, pour répondre à la pression américaine
vis-à-vis de Taiwan : « Le peuple chinois et le peuple
américain sont amis. Le peuple chinois n'a pas l'intention de se battre
contre les États-unis. Le gouvernement chinois est prêt à
engager des négociations avec le gouvernement américain afin de
voir comment la tension en Extrême-Orient peut être apaisée,
notamment dans la région de Taiwan ».
Cette phrase exprime à elle seule la manière de
pratiquer la politique dans ce pays millénaire, où Confucius et
sa philosophie sont intervenus il y a plus de 2500 ans, c'est-à-dire de
ne jamais brusquer qui que ce soit, afin de le convertir à ses
volontés. La Chine n'apprécie guère les confrontations
frontales. Une autre citation de monsieur Zhou aidera à bien comprendre
le point de vue chinois (sur la politique extérieure et les relations
internationales) : c'est le principe de « recherche[r] des points communs
tout en laissant de côté les divergences».
La conférence de Bandung fut le premier
évènement international à mettre en exergue la possible
complicité et solidarité entre une région asiatique et le
continent africain à majorité colonisé. C'est sur les
bases de ce rendez-vous historique - que certains auteurs qualifient de
séisme politique tellement il a ouvert la voie à un nouveau
système politique international (principes de solidarité entre
États pauvres et colonisés, de rejet des grandes puissances et de
leur mode de fonctionnement idéologique, politique et économique)
- que la Chine s'est forgée son image qui perdurera jusqu'aux
années 1990, de pays en développement par excellence. Luttant
pour le droit à la souveraineté nationale comme décrit par
l'ONU (droit des peuples et des nations à disposer d'eux-mêmes),
image d'alternative au système binaire de l'époque et surtout,
icône pour les États toujours administrés par les
puissances européennes, la Chine « rouge » devient
incontournable.
Suivirent d'autres rencontres internationales : la
conférence de Belgrade de septembre 1961 développe la notion du
« Mouvement des non-alignés ».
Elle est intercalée entre Bandung et la
conférence de solidarité des peuples afro-asiatiques (à
Moshi en Tanzanie en février 1963), puis celle de La Havane en 1966.
Elle ne fera que consolider la volonté des pays participants à
s'engager sur une troisième voie et réaffirmer leurs
différences et antagonismes avec l'URSS et les États-unis. Par
contre, un dirigeant fera date, celui de la République
fédérale socialiste de Yougoslavie, soit, Josip Broz Tito ou plus
communément appelé le maréchal Tito, qui en défiant
le totalitariste Joseph Staline, montrera la voix aux États
européens certes, mais également aux États
représentés en offrant une dimension planétaire au
mouvement.
Durant cette période le Sénégal est donc
un des nombreux partenaires de la Chine. Pourtant, à la surprise de
cette dernière, Abou Diouf rompt de facto les relations en reconnaissant
l'île de Taiwan en 1996. Raisons économiques plus que politiques,
Taipeh va apporter durant neuf années une manne relativement importante
à l'État sénégalais. Pour les raisons
déjà évoquées, A. Wade mettra fin à cette
erreur diplomatique en 2005. Après le choix tchadien, il ne reste donc
plus que cinq partenaires africains à Taiwan. Si actuellement
l'île n'est présente dans la presse qu'à l'occasion de
rares circonstances (phrases hostiles prononcées par les deux parties,
passage de la flamme olympique sur l'île dans le cadre des jeux
olympiques de Beijing en 2008...), ce ne fut pas le cas ces quarante
dernières années. Les « deux Chines » se livraient
alors à une compétition diplomatique et économique,
c'était la course à l'Afrique.
2. Les deux Chines et la course à l'Afrique
Quelles circonstances ont amené Taiwan à
s'investir en Afrique ? Je dois préciser en préambule, que les
évènements intérieurs (en RPC) jouèrent un
rôle prépondérant dans la politique extérieure
chinoise.
La révolution culturelle chinoise de 1966 à
1969 va marquer un temps d'arrêt dans les relations RPC-Afrique, qui
avaient pourtant été productives durant les quinze
dernières années. Éprouvant de sérieuses
difficultés sur son territoire, la Chine n'a plus la capacité
d'intervenir largement en Afrique. Elle s'isole également en adressant
des reproches pernicieux et virulents à l'égard des Russes. De
fait, car elle s'éloigne aussi des pays trop intimes des
Étasuniens, elle va s'isoler diplomatiquement et politiquement. Ceci
entraîne une levée de boucliers chez ses amis Africains, la
jugeant trop critique. Mais compte tenu de ses principes, la Chine apportera
pendant ces trois années, sa solidarité avec les mouvements de
lutte nationale en alimentant ces derniers en armes : Angola, Mozambique,
Afrique du Sud. Elle s'éloigne donc progressivement des pays africains
jugés trop proches d'un des deux blocs (Tunisie, Kenya,
République Centrafricaine et royaume de Dahomey ou actuel Bénin)
mais conserve d'excellentes relations avec le Congo Brazzaville, la Somalie, la
Tanzanie, la Guinée, la Zambie et le Mali.
Cependant, le travail effectué par Zhou Enlai porte
ses fruits et permet au ministère des Affaires étrangères
de compter 19 États africains parmi ses relations diplomatiques. Ces
États sont les suivants : Maroc, Algérie, Tunisie et
Égypte pour l'Afrique du Nord, Guinée (Conakry), Mali Ghana et
Bénin en Afrique de l'Ouest, République Centrafricaine et Congo
Brazzaville en Afrique Centrale, Éthiopie, Somalie, Kenya et Tanzanie en
Afrique de l'est et Angola, Zambie, Mozambique et Afrique du Sud pour l'Afrique
Australe. Madagascar est donc le dernier pays ayant des relations diplomatiques
officielles avec Pékin. Ces 19 partenaires pourraient être plus
nombreux si l'on compte ceux ayant des relations appuyées avec Beijing,
en particulier le Sénégal qui officialisera ses relations en
décembre 1971.
Le bilan chinois en Afrique est donc plutôt positif sur
le plan idéologique et politique, avec des revers toutefois en
Algérie, Égypte et Guinée. Sur le plan économique,
ce sont surtout les effets d'annonce de sommes peu élevées pour
ne pas dire dérisoires qui constituent l'ensemble des flux financiers
entre les deux parties. Pour l'Afrique, ce bilan économique est
nettement moins positif car ceux-ci ont été dans l'obligation de
baisser leurs taux de change voire leurs revenus réels du fait de la
concurrence sur les marchés tiers et sur les marchés africains
eux-mêmes (produits alimentaires dont le riz, produits industriels dont
le textile). Baisse des prix et concurrence chinoise
entraînant une régression relative du volume des
exportations sont donc les points négatifs qu'entraîne
l'implantation chinoise dans l'économie africaine.
La Chine à par-dessus tout apporter une assistance
militaire (conseils et ventes d'armes) et idéologique dans les conflits
opposant les États africains aux occidentaux. Nonobstant, elle a
construit des stades et bâtiments officiels. Si une diaspora est
présente en Afrique du Sud et Madagascar elle n'est pas encore
implantée dans les arrière-pays. L'évolution et la
croissance des échanges commerciaux et humains va être faible
jusqu'au soudain intérêt taiwanais pour ce continent au
début des années 1990. La Chine va dès lors se positionner
en Afrique dans l'intention de contrer son rival. Rival qui va s'atteler
à déséquilibrer la Chine continentale en la
concurrençant sur son terrain, l'aide au développement du
continent africain.
Avant de développer ce paragraphe, il est
indispensable de faire une parenthèse : je ne vais, dans cette
étude, pas prendre position sur le statut de Taiwan146. En
effet, ceci demanderait un long développement, inutile dans ce
mémoire. Si l'on veut défendre telle ou telle position, on pourra
dire que la RPC ne respecte pas idéologiquement ses engagements
(autodétermination des peuples) et, inversement, que l'île de
Taiwan est dirigée par un gouvernement nationaliste et provocateur,
jouant sur la politique du chéquier pour convaincre de sa
légitimité.
Cette rivalité commence en 1949. C'est l'année
de la création de la RPC. Taiwan conserve néanmoins son
siège à l'ONU, ayant ratifié la charte des Nations Unies
de 1945. Seulement, au fil des années, la Chine continentale gagnant en
popularité et influence, va convaincre au niveau international de sa
pertinence à posséder ce siège, ce qu'elle parvint
à faire le 25 octobre 1971, avec l'aide des Soviétiques. Cette
résolution 2758 (XXVI) évince la République de Chine ou
Taiwan, qui est donc remplacée par la RPC.
Le rôle des États africains fut d'une importance
capitale, car leurs votes représentèrent 32,9%147.
Dès cette admission, la Chine, nantie de son siège, aurait due
prouver sa reconnaissance aux pays l'ayant aidé à obtenir ce
dernier. Il n'en est rien. Les relations sino-africaines vont au contraire
être dirigées unilatéralement, et surtout, dirigées
dans les coulisses par les forces exogènes que sont l'URSS et les
États-Unis. L'URSS, en premier lieu, car la Chine tente à se
démarquer de son allié historique en raison de la politique russe
jugée par trop impérialiste et non conforme au socialisme
maoïste. En coopérant avec les États en conflit avec l'URSS
ou indirectement, en
146 Devenue de facto indépendante à la suite de
la prise de pouvoir par le Guomindang (en 1949 lorsque ce gouvernement se
délocalise suite à la création du gouvernement communiste
de Mao Zedong), elle ne l'est pas selon la République Populaire de
Chine. Elle ne l'est pas au niveau international car elle perd son siège
et sa reconnaissance par l'ONU en 1971 au profit de la Chine continentale qui
considère l'île comme une province rebelle, aidée en ce
sens par de nombreux États, dont ceux d'Afrique.
147 La Chine continentale obtint son siège par 76 voix
pour, 35 voix contre et 17 abstentions. 25 états africains
votèrent en faveur de la RPC.
accordant d'importantes aides aux États en conflits avec
les pays soutenus par Moscou, Pékin joue pleinement son rôle de
troisième force internationale, au profit bien sûr de
Washington.
Les États-Unis d'ailleurs sont la priorité
chinoise. La visite du président américain Richard Nixon en
février 1972 va permettre aux deux parties d'engager des relations
diplomatiques, officiellement établies en 1978, et, de lever l'embargo
commercial qui affecte la Chine. De plus, ces relations seront une des
conditions de l'ouverture économique chinoise des années 1980,
favorisée par les réformes économiques
opérées par Deng Xiaoping à la mort de Mao en 1976.
La concurrence sino-soviétique fait donc rage sur le
continent africain, la Chine soutenant financièrement les pays proches
de l'URSS tels que l'Égypte, le Congo Brazzaville, la Somalie, la
Zambie, le Soudan et la Tanzanie où la construction du chemin de fer
reliant la Tanzanie à la Zambie (Tanzam) accapare à elle seule la
moitié des aides. Cette construction plus politique qu'économique
(pour la Chine) lui donne une image positive et positionne le pays comme,
dorénavant, indiscutablement décisif et incontournable.
En 1972 et 1973, la manne chinoise s'élargit au
Bénin, à Madagascar, à Maurice, au Cameroun, au
Burkina-Faso, au Zaïre (actuelle République démocratique du
Congo), à la Tunisie, au Togo, au Nigeria, au Rwanda et au
Sénégal. Dans les années 1980, changeant de politique,
Pékin va soutenir cette fois des pays proches de l'Union
Soviétique, tels la Libye, l'Éthiopie et le Lesotho. Elle
soutient également le combat Sud-africain, la lutte contre
l'apartheid.
Au milieu des années 1980, un changement
irréversible va s'opérer : la politique intérieure
chinoise va réguler la politique extérieure. Le PCC qui avait
entamé en 1978 une réforme économique voit les
conséquences de son action : l'économie planifiée,
importée d'URSS, fait place au socialisme de marché. La
collectivisation de l'agriculture est remplacée par la
responsabilité individuelle, l'industrie d'état voie
l'arrivée du patronat, en fait, une libéralisation plus ou moins
contrôlée s'opère. L'économie marchande prend le pas
sur l'économie planifiée par le PCC. Ce glissement vers le
capitalisme contrôlé à sauvé le régime mais
entraîne d'innombrables problèmes économiques tels que
l'endettement des banques publiques, de gérants d'industrie
légère, de paysans... que le gouvernement doit rembourser.
L'économie mixte est de rigueur (en 1992, le système
économique devient économie de marché socialiste), c'est
l'époque de l'enrichissement des provinces situées sur les
façades maritimes, endettement des autres. Donc, en 1985, ces
réformes accaparent l'ensemble des dépenses publiques, laissant
peu de marge de manoeuvre au ministère des Affaires
étrangères.
L'Afrique en général est directement
touchée. Quatre ans plus tard, soit en 1989, intervient
l'évènement de la place de Tian An Men, évènement
qui provoque immédiatement des sanctions internationales (sans parler du
séisme diplomatique). Cette période est par ailleurs
marquée par l'effondrement de l'Union des Républiques Socialistes
Soviétiques le 26 décembre 1991.
Ces données vont considérablement changer la
donne géopolitique mondiale. La Chine va rechercher de nouveaux soutiens
car la fin de la guerre froide et ses besoins énergétiques
l'obligent à intervenir massivement en Afrique et au Moyen Orient. Ce
dernier étant instable géopolitiquement et saturé
économiquement (par les États-unis et les États
européens), le choix africain est rapidement effectué.
Parallèlement, ce continent à également des besoins
primordiaux et directs : obtenir des capitaux et financements, du savoir-faire
et des produits peu chers, bon marché, en résumé, chinois
!
A l'aube des années 1990, l'ensemble des pays
composant le continent africain ont des relations diplomatiques avec
Pékin. Seulement, c'est sans compter sur l'île qui désire
depuis son éviction des Nations Unies se repositionner et obtenir un
statut officiel auprès de l'ONU et de la scène internationale.
Pour ce faire, elle va en premier lieu faire les yeux doux aux
États-Unis qui lui apporte en échange une reconnaissance
partielle. Ensuite sa stratégie va s'appliquer à nouer avec les
pays africains des relations diplomatiques, essentiellement basées sur
les aides financières.
De fait, dès octobre 1989, le Libéria noue des
relations avec Taiwan, suivit du Lesotho en avril 1990, de la
Guinée-Bissau en mai, la République Centrafricaine en juillet
1991, le Niger en juin 1992, le Burkina Faso en février 1994, la Gambie
en juillet 1995, le Sénégal en janvier 1996, Sao Tomé et
Principe en mai 1997 et avec le Tchad en août 1997.
Isoler diplomatiquement Pékin est le principal souci du
gouvernement taiwanais. Taiwan réussit donc un petit exploit en
récupérant ainsi, grâce à sa manne, ces pays
antérieurement alliés de Beijing. Toutefois, le succès est
relatif car dès 1994, le Lesotho répond aux avances de la RPC,
soit, environ quatre années après la volte-face taiwanaise. Le
Niger quant à lui retourne sa veste en 1996, l'Afrique du Sud, la
République Centrafricaine et la Guinée Bissau en 1998, le
Libéria en 2003, le Sénégal le 25 octobre 2005 et
dernièrement le Tchad en août 2006. Début 2007, il ne reste
donc que cinq États africains (carte K, page 131) ayant encore
des relations diplomatiques avec Taiwan, soit, le Burkina Faso, la Gambie, le
Malawi et Sao Tomé et Principe. Mais, étant donné
l'influence de Pékin, sa détermination à s'approvisionner
énergiquement, son panel d'offres et aides, pour combien de temps encore
ces cinq irréductibles continueront à affirmer envers et contre
tous l'existence des deux Chines ?
La RPC est donc en 2007 en passe de réaliser un
objectif principal : évincer Taiwan, la circonscrire sur la scène
internationale. L'Afrique est pour elle autant qu'un enjeu économique
est un enjeu géopolitique. Les récents sommets en sont la
preuve.
3. Les sommets Chine-Afrique annoncent-ils une nouvelle
géopolitique mondiale ?
La valeur totale des échanges commerciaux entre la
Chine et l'Afrique subsaharienne ou Noire est passée d'environ 820
millions de dollars en 1977, à 10 milliards en 2000 puis 37 milliards en
2005. Elle devrait atteindre 100 milliards de dollars d'ici 2010. Pourtant, ces
échanges ne représentent que 3 % du commerce extérieur
chinois (comparés aux 15 % ; soit 200 milliards avec l'U.E. pour
l'année 2005). Paradoxalement, si en 2004 les exportations chinoises
(vers l'Afrique) ont augmenté de 37 % et ses importations de 81 %, le
continent africain reste un partenaire économique relativement peu
important. Et encore, ses importations sont restreintes aux matières
premières (chrome, platine, cobalt, fer, or, argent et bois) dont le
pétrole figure au rang 1 (25 % environ du pétrole importé
est originaire d'Afrique). Enjeu économique certes, en
concurrençant les autres grandes puissances (États-unis,
États européens notamment) mais politique également, en
offrant au plus grand nombre un panel de subventions et aides, comme je l'ai
décrit pour le Sénégal. Et cela, n'exige aucune
contrepartie politique (transparence, droits de l'homme) des États
africains.
Les cartes L et M, pages 139 et 140,
représentent les exportations et importations de l'Afrique subsaharienne
aux années 2000 et 2004, cartographiant l'évolution. Ces deux
cartes démontrent l'augmentation des échanges, le rouge et ses
nuances devenant plus présents en 2004. La carte N, page 141,
représente la balance commerciale des États africains avec la RPC
en 2004. Fort logiquement, ceux exportant du pétrole et autres
ressources énergétiques (Angola, Congo, Soudan, Tchad, Gabon et
Zimbabwe) possèdent une balance positive (ainsi que le Mali et le
Burkina Faso exportant le coton). A l'inverse, ceux ne possédant ou
n'exportant pas encore leurs ressources, affichent un déficit, tel le
Sénégal.
Si redevenir la première puissance mondiale, contenir
les multiples conflits internes (dans le milieu rural et
particulièrement dans sa partie occidentale) sont des principes et
objectifs premiers, instaurer un nouvel ordre (géo)politique mondial en
s'appuyant sur tout État susceptible d'apporter son aide, est donc une
perspective non négligeable au sein du PCC. C'est une des raisons des
sommets Chine-Afrique. Trois sommets en six ans, l'ensemble des États
africains présents, organisés fastueusement, la réussite
est au rendez-vous.
Le premier sommet de 2000 (10 au 12 octobre), à
Pékin, rassembla déjà 45 États africains. La Chine
expose son principe de gagnant-gagnant, autrement dit, les deux parties y
trouvent leurs intérêts. La Chine annule ou réduit la dette
de 32 États pour un montant global de 10 milliards de dollars. L'Afrique
en contrepartie, permet à 600 sociétés asiatiques de
s'installer sur son territoire.
Toutefois, Pékin ne reçut que quatre chefs
d'État africains : Gnassimbgé Eyadema du Togo, Abdelaziz
Bouteflika président de la république algérienne,
Frederick Chiluba pour la Zambie et Benjamin Mkapa pour la Tanzanie. Le
secrétaire général de l'OUA, Salim Ahmed Salim,
s'était également déplacé.
Le second se déroule cette fois en Éthiopie (25
et 26 novembre 2003), dans la capitale Addis-abeba. Cinq présidents,
trois vice-présidents, deux premiers ministres ainsi que le
président de la commission de l'Union africaine, Alpha Omar
Konaré, font le déplacement.
Là encore l'économie est omniprésente
avec la ratification du plan d'action 2004-2006. La coopération est au
centre des négociations (dans les domaines de l'exploitation de
ressources naturelles, agriculture, transports, tourisme, formation...) avec
les investissements bilatéraux. Mais la politique est cette fois
abordée : la Chine signe un engagement pour la paix régionale,
tout en soutenant le gouvernement soudanien. La volonté de ne pas
pratiquer l'ingérence (à l'image de la France par exemple) est le
but recherché et atteint ; tout en se positionnant contre la guerre, ce
qui ne mange pas de pain, pour reprendre une expression courante. Il
n'empêche, le Libéria rejoint la RPC. Le Sénégal en
2005 et le Tchad en 2006 suivront.
Le troisième forum sino-africain de 2006 (du 3 au 5
novembre à Beijing) accueillit 48 chefs d'États et
délégations. Celui-ci pourtant similaire aux
précédents, fut très médiatisé. La banderole
de 18 km, de l'aéroport au Palais du Peuple, où l'on pouvait
admirer les quarante années des relations sino-africaines ne fut pas
étrangère à cet engouement médiatique.
C'était tout de même le plus important évènement
diplomatique depuis la révolution de 1949.
Le forum sur la coopération Chine-Afrique adopta le
plan d'action de Beijing 2007-2009. Globalement, deux milliards de dollars
furent attribués pour mener à bien les accords de financement,
tels la construction de 900 km de voies ferrées au Nigéria, la
construction du Sénat gabonais, une industrie de production d'aluminium
en Égypte, 200 millions de dollars pour la production de cuir en Zambie
ou encore la suppression des droits de douanes pour 190 produits (pour 28
États les moins développés). Directement adressé
aux populations, la construction de 4000 écoles en milieu rural à
l'horizon 2009, la formation de 15 000 africains, la construction de 30
hôpitaux... Ces quelques exemples démontre cette volonté
chinoise du rapport gagnant-gagnant : ces investissements créent de
l'emploi et en contrepartie, le pays receveur, exporte évidemment les
ressources produites grâce à la création de l'industrie...
Des industries qui ne sont pas toutes chinoises : environ 170 000 Chinois sont
installée en Afrique dont la majorité sont employés dans
ces sociétés. Les grandes réalisations (Sénat ici
mais stades, palais présidentiels ailleurs) servent la
notoriété de la RPC et entretiennent les relations entre
dirigeants.
Ces dirigeants qui se sont déplacés
m'amènent à une réflexion : pourquoi ne pas simplement
mandater le président de l'U.A. (dont le siège situé
à Addis-Abeba est financé par la Chine), et celui du NEPAD par
exemple ? La réponse est simple, ce forum devient au fil des
années, non seulement un rendez-vous capital, mais surtout une source
financière inestimable pour tous les États africains. Là
où la France et l'Europe ont échoué, la Chine en
déployant aides et financements colossaux, a gagné.
Alors s'agit t'il d'une nouvelle géopolitique mondiale
? Tout en étant prudent, il est certain que la RPC est parvenue à
ses objectifs : le PCC ne choisi plus ses partenaires africains en fonction de
la nature idéologique des régimes. Tous les États (ne
reconnaissant Taiwan) échangent aujourd'hui avec le pays asiatique, le
cadre s'est élargi, il est devenu global. Ceci, de par la nature de
l'offre diplomatique et politique et par la quantité des subventions,
aides..., favorise la bienveillance à son égard, sur le
continent. Un appui stratégique si l'on pense que dans les prochaines
années et décennies, la Chine aura besoin d'un maximum de
partenaires au sein des organisations internationales, afin de mener à
bien ses projets géopolitiques. Personne ne doute un instant que cette
dernière sera Le Pays du XXIe siècle, il ne s'agit que d'une
question de temps. Les futurs conflits sino-étasuniens
détermineront de qui la communauté internationale souhaite voir
la prépondérance, quelle super-puissance dirigera
l'économie, la politique mondiale et sur quelles bases : un capitalisme
ultra-libéral enrichissant les riches et appauvrissant les pauvres
où les multinationales possèderont les tenants et aboutissants,
ou, un modèle encore difficilement identifiable, mêlant
capitalisme et État autoritaire, libéralisme ciblé
géographiquement et structurellement, et, interventionnisme
étatique. Ce modèle ne peut en aucune manière être
international, mais peut cependant être régi sous la forme de
régions (Asie, Moyen-Orient, Afrique, Europe, Amérique du Nord,
Amérique du Sud, Océanie ?). Les extravagantes disparités
chinoises amènent également à bien des questionnements sur
ce mode de développement national. Mais la Chine possède des
avantages : une vision sur le long terme (à la différence des
États-unis), une image positive dans les pays du Sud (n'appelle t'on pas
le groupe des 77 plus la Chine ?), un potentiel démographique donc
militaire sans comparaison aucune et donc, un État fort, puissant,
capable en théorie de mener plus d'un milliard d'individus à tel
ou tel objectif.
Ce sommet placé sous le thème «
Amitié, paix, coopération et développement »
préfigure donc à mon sens une nouvelle organisation des relations
internationales, basé sur la coopération entre régions. Le
sommet Afrique-Amérique du Sud en est la preuve.
CONCLUSION
L'objectif de cette étude était de mettre en
perspective les relations bilatérales sinosénégalaises.
Qui profite au mieux de ce partenariat ?
Économiquement, c'est la RPC. Elle à d'ores et
déjà investit dans les secteurs les plus rentables et les plus
performants du Sénégal, tels que le secteur maritime (la
pêche et le transit) ; le textile ; le BTP.
Le secteur de la pêche devra répondre à
l'ultimatum naturel qu'est la raréfaction des ressources halieutiques.
Les sociétés sino-sénégalaises sont pour une part
imputables à ce constat. L'expérience chinoise dans ce domaine
est une opportunité.
Un secteur très préoccupant est celui du
textile. Le coton déjà soumis à la concurrence
américaine (subventions) n'est plus compétitif avec
l'arrivée du textile chinois. Les opérateurs asiatiques
n'investissent donc pas. Une opportunité là encore, est la
modernisation des industries sénégalaises avec l'appui des
sociétés chinoises.
Le BTP profite lui d'une croissance régulière
et importante. Si les tarifs appliqués par Henan Chine sont un
avantage (création d'infrastructures à bas coûts), le
transfert de savoir-faire est faible et les investissements demeurent peu
importants.
Ces trois secteurs économiques ne sont pas
négligeables dans l'économie sénégalaise et ce sont
donc les trois principales implantations chinoises, avec le commerce des
produits made in China.
La Chine s'offre ainsi des débouchés.
Ces produits de basse qualité que l'on retrouve sur tous
les étals africains sont rarement proposés sur le marché
intérieur chinois : c'est donc bien une offre spécifique.
Ces produits sont vendus par des commerçants chinois,
qui par leur présence, sont à l'origine de tensions et des
conflits d'intérêts. Concurrencés, désavoués,
les organisations syndicales et patronales exercent un repli identitaire. Ce
capitalisme patriotique n'est pas propre au Sénégal, mais il est
ici plus qu'ailleurs (U.E. et États-unis), difficile à mettre en
oeuvre, faute de moyens et de soutiens suffisants.
Les enjeux et perspectives de l'État
sénégalais sont donc :
- Diversifier les échanges commerciaux (avec la RPC) et
trouver des filières d'exportations afin de combler le déficit
commercial, attirer les IDE en sorte en s'appuyant sur la SCA.
- Prendre ses responsabilités et clarifier la situation
des commerçants chinois.
- Négocier avec les deux géants asiatiques dans
le cadre de leurs intérêts mutuels, dont les subventions font
partie (exemple de la Politique agricole commune).
- Certains secteurs dont j'ai peu parlé, sont
l'agriculture, l'agro-industrie, les télécommunications, les
services et le tourisme.
- Favoriser la compétition entre l'Inde et la Chine,
la première fournissant en échange des matières
premières, les transferts de savoir-faire, de technologie,
indispensables. La seconde étant incontournable économiquement et
politiquement. L'appel d'offre des gisements de fer de la Falémé,
proche de la ville de Tambacounda, a été remporté par une
société indienne. Ceci permettra de nuancer le poids
politico-économique chinois.
- Parvenir à se positionner comme interlocuteur
privilégié et indispensable dans les relations Chine-Afrique,
impulsées par Hu Jintao et son prédécesseur, Jiang Zemin,
et ce en dépit du sous-sol.
- Profiter de la situation de carrefour pour attirer les IDE,
profiter également (et entretenir) le climat de confiance et de
stabilité relatif au Sénégal, comparé aux tensions
présentes en Afrique de l'Ouest (Guinée et Côte
d'Ivoire).
- Tirer profit des gisements de fer de la
Falémé, du phosphate et du pétrole pour investir dans le
secteur public car même les ultra-libéraux du FMI et de la Banque
Mondiale le reconnaisse, les biens publics sont indispensables à
l'économie de marché. Le Sénégal doit donc investir
dans les biens publics, qui sont donc, des jeux à somme positive.
Une perspective non négligeable est la hausse des
salaires sur la façade maritime chinoise. L'Afrique et le
Sénégal, pourraient profiter de délocalisations
occidentales. D'ailleurs, toutes les conditions sont réunies : la
langue, la connaissance des marchés, l'implantation déjà
plus que centenaire.
Plus présente dans cette économie qu'au premier
abord, j'ai donc remarqué cette implantation grandissante, qui a priori,
ne faiblira pas ces prochaines années, au contraire.
Le gouvernement sénégalais doit non seulement
composer avec la Chine, mais l'intégrer dans sa stratégie de
croissance accélérée, car les investissements industriels
sont une nécessité.
Les sociétés implantées pourraient
également effectuer sur le territoire sénégalais une
période de rodage, d'appréhension du marché local et
international. Les transferts et échanges de savoirs, de technologies,
doivent être la première revendication.
Le gouvernement devra par ailleurs gérer les tensions, si
un véritable Chinatown voit le jour. La réaction
à moyen terme des Libanais pourrait être pour le moins
néfaste.
Le Sénégal doit diversifier ses partenaires
économiques et politiques, en tenant compte de la concurrence
France-Chine. Je rappelle que la France représente toujours 80 % des
IDE. Si
Abdoulaye Wade n'a pas obtenu un partenariat
privilégié auprès des États-Unis, la Chine est
à l'inverse une réussite diplomatique.
Fort de ses atouts diplomatiques, stratégiques et
géographiques, le Sénégal devra trouver sa place dans les
relations sino africaines, car s'il n'est pas indispensable au
développement de la Chine, l'inverse est moins évident.
N'excluant pas de possibles surenchères dans ces
prochaines décennies, il lui faudra anticiper le futur proche, qui
pourrait donner un intérêt premier à l'Afrique
subsaharienne, étant donné la raréfaction des ressources
fossiles. Un engagement plus important des puissances européennes,
américaines et asiatiques sur la région subsaharienne, n'est pas
à exclure.
L'enjeu pour l'Afrique est donc son organisation politique. La
fédération africaine verra t'elle le jour ? L'Organisation de
l'unité africaine (OUA) devait selon le Ghanéen Nkrumah y
répondre. S'il n'en fut pas ainsi, la question est toujours
d'actualité. Par ce moyen, l'Afrique ou du moins l'Afrique subsaharienne
qui présente une homogénéité géographique,
historique (sans tomber dans le déterminisme par ailleurs), pourrait
enfin, d'une unique voix, parler à l'ensemble de la communauté
internationale. Les défis, enjeux, conflits pourraient de fait
être résolus ou abordés par un organe central.
Il semble évident que l'ensemble des conflits du XXe
siècle (en Afrique) ne se limite pas aux frontières
tracées par les puissances européennes, leurs règlements
ne peuvent donc qu'être régionaux. L'individualisme serait une
grave erreur : les États les plus riches (ceux ayant les ressources
naturelles) accapareront l'ensemble des flux financiers, contribuant à
l'enclavement des pays ne possédant d'économie stable et de
produits d'exportations. La Chine comme les autres favorisera les
échanges avec les premiers au détriment des seconds.
Le Sénégal est à même de prendre une
place importante dans ce défi.
À long terme d'ailleurs, quelle sera la politique
africaine de la Chine, dès lors qu'elle aura réintégrer
Taiwan et trouvé de nouveaux partenaires commerciaux, de nouveaux
fournisseurs de ressources (énergétiques notamment) ? Continuera
t'elle de proposer un mode de développement alternatif,
différent, lorsque sa classe moyenne sera constituée ? Faut il se
méfier de la Chine, car celle-ci ne donnera pas indéfiniment sans
recevoir en retour ?
L'État sénégalais doit tenir compte de
toutes ces données, clarifier ses attentes, définir ses moyens,
et, prendre ses responsabilités. Ce sont les conditions sine qua non.
AnnexeS
1. Annexes
Visites et rencontres officielles
Année 2005
· 25 Octobre : Le conseiller d'État
Tang Jiaxuan rencontre au Pavillon empourpré (ville de Zhongnanhai),
Cheikh Tidiane Gadio, ministre sénégalais des Affaires
étrangères.
· 24 Novembre : Wang Tongqing, le
chargé d'affaires chinois par intérim et son équipe sont
à Dakar pour la préparation de la réouverture de
l'Ambassade de Chine au Sénégal.
Année 2006
· 12 et 13 Janvier : Le ministre
chinois des Affaires étrangères Li Zhaoxing et sa
délégation se rendent au Sénégal afin d'y
rencontrer Macky Sall, le Premier Ministre et son homologue
sénégalais Cheikh Tidiane Gadio. La délégation
sénégalaise fut composée du ministre d'État,
Ministre des Infrastructures, de l'Équipement et des Transports
terrestres (Habib Sy), de l'Éducation (Pr. Moustapha Sourang), de la
Santé et de la Prévention médicale (Abdou Fall), de
l'Agriculture et de la Sécurité alimentaire (Farba Senghor), de
la Culture et du Patrimoine historique classé (Mame Birame Diouf), des
Sports (El Hadj Daouda Faye), des PME, de l'Entreprenariat féminin et de
la Micro-finance (Maïmouna Sourang Ndir), de la Jeunesse et de l'Emploi
(Aliou Sow), du ministre délégué au Budget (Cheikh
Hadjibou Soumaré) ; des députés de l'Assemblée
Nationale Doudou Wade et Abdoulaye Dramé, de directeurs nationaux et
hauts fonctionnaires sénégalais.
Il s'agissait pour ces deux équipes ministérielles
de se pencher avant tout sur la dette sénégalaise.
· du 2 au 4 Mars : 200
personnalités de divers secteurs économiques
(télécommunications, BTP, pharmacie, mines, pêche,
agriculture et autres) chinois et sénégalais se rencontrent
à Dakar. Parmi eux, Zhao Chuang, directeur adjoint du Département
de la Coopération du ministère chinois du Commerce et Mamadou
Lamine Niang, le président de l'Union nationale des Chambres de
Commerce, d'Industrie et d'Agriculture pour le Sénégal.
· du 24 au 30 Avril : Macky Sall,
secrétaire général national adjoint du PDS (Parti
Démocratique Sénégalais au pouvoir, A. Wade en
étant le président) conduit une délégation en RPC,
sur invitation de son homologue, le Parti Communiste Chinois (PCC).
· 25 Avril : L'ambassadeur de la RPC au
Sénégal et le ministre des Affaires étrangères
sénégalais signent un protocole d'accord concernant le Grand
Théâtre national et le Musée des Arts*.
· du 3 au 4 Juin : Le président
du Conseil économique et social de Chine (et vice-président de la
Consultation politique du peuple chinois), Wang Zong Yu, rencontre, dans le
cadre du renforcement des relations entre les deux pays, Mbaye Jacques Diop, le
président du Conseil de la République pour les Affaires
économiques et sociales. Monsieur W. Zong Yu préside
également à cette occasion un colloque international
organisé par l'Association internationale des Conseils
économiques et sociaux et institutions assimilées (AICESIS).
· 16 Juin : Le ministre de la Culture et
du Patrimoine historique classé, Mame Birame Diouf, signe avec le
chargé d'affaires de la coopération chinoise, Wang Tongqing, la
convention sur le théâtre dakarois.
· du 22 au 28 Juin : Visite
d'État de six jours de Abdoulaye Wade, président de la
République du Sénégal en RPC où il s'entretient
avec le président chinois, Hu Jintao. Il est accompagné de sa
délégation ministérielle (Cheikh Tidiane Gadio, Aminata
Tall, ministre d'État), Madické Niang à l'Energie et aux
Mines, Oumar Sarr au Patrimoine bâti, Construction et Habitat, et Georges
Tendeng, de l'Enseignement technique et Formation professionnelle) et de sa
femme, Viviane Wade.
· 17 Septembre : L'Association pour
l'amitié avec l'étranger de la RPC est reçue par le
Conseil de la République pour les affaires économiques et
sociales à Dakar.
· 20 Septembre : A la Chambre de
Commerce et d'Industrie dakaroise, la CPAFFC (Association chinoise pour
l'amitié avec les peules étrangers) conduite par Wang Yunze, son
vice-président, rencontre les membres du CRAES (Conseil de la
République pour les Affaires Sociales) et des opérateurs
économiques privés sénégalais. Cette visite est
organisée par le journaliste et écrivain Adama Gaye. La
délégation chinoise s'est par ailleurs rendue au siège de
l'Association des écrivains du Sénégal.
· du 3 au 5 Octobre : Le vice-ministre
chinois du Commerce, Wei Jianguo, accompagné de hauts fonctionnaires et
d'opérateurs économiques négocient durant trois jours
l'initiative chinoise du traitement douanier préférentiel (avec
le ministre du Commerce sénégalais, Mamadou Diop et les
représentants de différents ministères).
· Sommet Chine-Afrique de Beijing, du 3 au 5
Novembre 2006 : Abdoulaye Wade et sa délégation (la
ministre d'État, le ministre des Affaires étrangères, le
ministre du Commerce, le ministre de la Coopération internationale
décentralisée, le ministre de l'Urbanisme, le ministre de la
Famille, le ministre des Pme/Pmi, la Directrice générale du Fonds
de Promotion économique, le Directeur général de l'Aprosi
ainsi que plusieurs conseillers, des syndicats de travailleurs, des jeunes et
des représentants du patronat sénégalais : la CNES, le CNP
, l'UNACOIS et l'UNACOIS/Def, la Fédération des forestiers) se
rendent en Chine. Le secteur privé participe aux travaux du « Haut
dialogue des affaires » organisé en marge du sommet. Le
gouvernement rencontre leurs homologues chinois. Le chef d'État
sénégalais accompagné de l'ambassadeur du
Sénégal en Chine, son excellence Pape Khalilou Fall, a, hormis
les rencontres gouvernementales, débattu de l'Afrique avec les
étudiants de l'Université pékinoise, été
reçu par les maires de Shenzhen et Shanghai où il a aussi
dialoguer avec les chefs d'entreprises, notamment Huawei. Il s'est
enfin rendu à Guangzhou (Canton) où il a reçu un groupe de
ressortissants sénégalais établis dans cette ville.
Année 2007
· 2 Avril : Han Qide, l'envoyé
spécial de Hu Jintao (qui est le vice-président du Comité
permanent de l'Assemblée Populaire Nationale : le Parlement chinois)
assiste à l'investiture du président sortant Abdoulaye Wade et
aux célébrations du 47e anniversaire de
l'indépendance du Sénégal.
* Il est de coutume que, lorsque des projets et aides
chinoises sont proposées au gouvernement sénégalais,
l'ambassadeur chinois rencontre les personnes mandatées et responsables.
Exemple : le 15 Janvier 2007, l'ambassadeur Lu Shaye et le ministre des
Affaires étrangères, Cheikh Tidiane Gadio, procèdent
à un échange de lettres portant sur la remise en état des
stades Alassane Djigo de Pikine et Ely Manel Fall de Diourbel.
Sources : Agence de Presse Sénégalaise
Annexe Iii
Liste des produits made in China
relevés. Classement selon leurs fréquences d'achat.
1. Chaussures pour femmes et enfants
2. Perles à colliers
3. Bijoux (colliers, bagues, boucles d'oreilles dont amovibles,
bracelets, serre-têtes)
4. Textile d'occasion et neuf pour femmes et enfants (robes,
sous-vêtements, chaussettes, bonnets, foulards, châles...)
Autres :
Chaussures pour hommes
Tee-shirts imprimés
Parfums de marque française
Ceintures
Gants
Linges de table
Draps
Napperons
Tapis
Lotions capillaires Rajouts capillaires
Élastiques pour cheveux (enfants et femmes) Baumes
à lèvres
Baumes rafraîchissants Cirage
Ballons pour enfants représentant des personnages de
Walt Disney
Ballons de football Raquettes de badminton
Sacs à dos dont certains pour enfants
Sacs banane
Posters de personnalités (football, acteurs...) Masques de
dessins animés
(Spiderman par exemple)
Jouets électroniques pour enfants
Tenues de sport (baseball par exemple)
Vélos pour enfants
Chambres à air et pneus pour bicyclettes Porte-monnaie et
portefeuilles
Couvertures et serviettes de plage
Thermostats (différentes tailles, certains pour
enfants)
|
Biberons
Portes-clés
Fleurs en plastique
Pots de fleurs
Crayons à motifs chinois
Petit électroménager
Ustensiles de cuisine et couverts (vaisselle) Équipements
de salle de bain
Équipement de jardins
Allume gaz
Allumettes
Cadres électroniques contenant les représen-
-tations des personnages religieux
Socles pouvant contenir les photos de
marabouts (présence de l'inscription chinoise : paix et
sécurité sur les bonnes personnes)
Toiles et tableaux religieux
Pinces à linge
Housses de téléphones portables
Téléphones portables
Casques audio
Matériel vidéo et audio (télévisions,
magnéto- -scopes, lecteurs DVD, walkman, radios, réveils
et transistors)
Lampes (dont halogènes)
Ventilateurs
Outils (tournevis, clés, marteaux, vis : matériel
de bricolage)
Parapluies
Figurines du Père Noël
Pétards
|
Cette liste contenant obligatoirement des oublis montre avant
tout l'hétérogénéité des marchandises
importées et vendues par les commerçants chinois.
154
158
Annexe IIn. Carte des grands projets. Site
Internet de l'APIX - http://www.investinsenegal.com/
160
2. Entretiens
Dans un souci d'honnêteté envers mes
interlocuteurs, j'ai tenté de retranscrire au mieux leurs mots et
idées. C'est pour cette raison que je ne rectifie pas certaines fautes
et manquements à la langue française. La majorité d'entre
eux n'étant pas enregistrés, certaines informations trop
parcellaires ne peuvent être retransmises.
Présence Chinoise au Sénégal
:
? Commerçants installés à Dakar
Les réponses étant multiples du fait du
caractère quantitatif de cette étude, je ne fournirai ici que les
questions posées. J'ai, avec Marie Gaborit, effectué une
étude auprès de ces derniers : se reporter au troisième
point du chapitre II de la première partie.
? Monsieur Yin
Monsieur Yin nous reçoit (avec Marie Gaborit) dans son
luxueux restaurant La Noix d'Or, situé sur la Corniche Ouest,
à l'ouest de la presqu'île du Cap Vert.
X.A : Qui êtes-vous ?
M. Yin : Je me définirai comme adepte de Confucius,
matérialiste et marxiste-léniniste. Je suis vraiment un
mélange. Je viens de la province très riche du Jiangsu. J'ai fait
en Chine des études d'agronomie et de la langue française.
Ensuite j'ai été envoyé en Afrique pour conseiller les
entreprises dans la riziculture afin d'aider le Mali à son
indépendance : aides et crédits sans intérêts sur 30
ans. J'ai fait 8 pays africains, le Mali, le Burundi, le Bénin, la
Guinée-Conakry puis le Sénégal.
X.A : Vous êtes encore payé par l'Etat chinois
?
M. Yin : Oui je suis retraité de l'Etat j'ai une
pension.
X.A : Depuis quand êtes-vous au Sénégal
?
M. Yin : Je suis arrivé il y a 4 ans, je me suis
habitué au pays mais toujours pas à tout, pas à la cuisine
! X.A : Vous parlez très bien le français...
M. Yin : Oui j'ai été environ 30 à 40 fois
à Paris dans des délégations et j'ai étudié
à Montpellier. J'aime beaucoup Honoré de Balzac que j'ai traduit,
le mouvement des réalistes. J'aime aussi Tolstoï...
X.A : Comment et pourquoi êtes-vous arrivé
à Dakar ?
M. Yin : Je suis arrivé pour travailler avec
Sénégal Pêche, ensuite, mon contrat
terminé, j'ai crée une société d'export-import et
de tourisme. Maintenant j'ai ouvert le restaurant et je crée une
société dans le PVC, pour les fenêtres... Ici, c'est encore
rare mais c'est moins cher que le fer ou le bois et ça résiste
mieux...
X.A : Et quant aux Chinois vivant au Sénégal
?
M. Yin : Il doit y avoir 200 à 250 magasins sur le
boulevard donc de 500 à 700 Chinois. Il y a quelques problèmes
avec cette population, par exemple, les Sénégalais font des trous
dans les murs des boutiques ou des maisons pour voler les marchandises,
maintenant, les commerçants dorment dans les mêmes pièces
que leurs marchandises.
X.A : Comment parviennent-ils à migrer ici ?
M. Yin : Les nouveaux migrants n'ont pas de visas, ils les
achètent aux fonctionnaires corrompus. X.A : Combien ça
coûte ?
M. Yin : Un visa c'est 500000 (760 6) et la carte de
séjour 1 million (1500 €).
X.A : Les médias occidentaux et français
parlent beaucoup de la Chine-Afrique...
M. Yin : Oui pourtant au contraire des Français, les
Chinois ne veulent pas quitter la Chine (en faisant une parenthèse sur
la Chine et son économie) : Mao lors de la révolution à
émis des objections sur la planification. En France ou aux USA, c'est le
contraire. On peut pas tout laisser libéral, faut centraliser car
l'état peut mobiliser les capitaux, c'est plus rapide et plus simple
pour les achats au contraire des capitaux privés... Les produits
fabriqués dans les campagnes ne sont pas aux normes internationales,
françaises ou américaines. Dans les campagnes, ils
achètent les machines, la technologie occidentale pour produire et
vendre sur le marché intérieur et le surplus est
exporté.
X.A : Les Chinois sont regroupés, organisés
?
M. Yin : Non, les commerçants ne se regroupent pas en
association, c'est dur de s'unir. Il y a eut une proposition de se
confédérer mais c'est pas possible, les commerçants ont un
capital trop faible et sont égoïstes, en plus ils se font
concurrence donc les prix chutent.
X.A : Leurs affaires marchent t 'elles ?
M. Yin : Depuis deux ans, ça marche moins car l'UNACOIS
met des bâtons dans les roues, ils font pression. Ensuite, le prix du
revient augmente, le loyer aussi : avant c'était de 50 (Francs CFA*
ou FCFA, soit 76 6) à 100000 (150 €), aujourd'hui
c'est 400000 (600 6) et les magasins de 500 (750 6) à
700000 (1050 6).
X.A : Par an ?
M. Yin : Oui. A Gibraltar 3 c'est 350000 (530 6) mais
ici c'est plus cher, il y a moins de voleurs. X.A : Et les conteneurs
?
M. Yin : Avant c'était de 7 à 8 millions (10600
€ à 12170 6) mais aujourd'hui à cause des douaniers
corrompus c'est de 12 à 14 millions (18200 € à 21300
6).
X.A : Et les taxes ?
M. Yin : Elles ont baissé de 5 %, de 25 à 18 % pour
tous les Sénégalais en 2006 mais pas pour les Chinois, c'est
l'inverse (sous-entendu pour les Libanais et Sénégalais, mais
la corruption touche particulièrement les Chinois). X.A : 12
à 14 millions, c'est pour dédouaner les conteneurs ?
M. Yin : Oui, avant c'était de 7 à 8 mais
aujourd'hui c'est 14 : il y a les taxes de douanes, la TVA, l'examen des
conteneurs, la main d'oeuvre pour le déchargement, le transport
Asie-Afrique. En plus, les Chinois vont en Chine inspecter leurs conteneurs et
pour savoir quoi exporter au Sénégal, donc environ 2 fois par an
ça fait 2 visas par an...
X.A : Combien de temps dure la traversée ?
M. Yin : C'est 35 à 45 jours pour le transport, 3 mois
maximum. Aujourd'hui il faut 10 personnes pour chaque conteneur mais avant une
seule (sous-entendu, il faut corrompre dix personnes).
X.A : Quels sont les secteurs qui marchent ?
M. Yin : Le textile ça ne marche plus.
X.A : Quel est l'investissement pour investir ?
M. Yin : Il faut de 2 à 3 millions de Yuan (196000
à 294000 6) pour un projet. Par exemple, dans les produits
phytosanitaires ou engrais chimiques, on rachète aux Français
pour revendre les produits ici.
X.A : Les affaires sont-elles bonnes au Sénégal
?
M. Yin : Non, les Africains ne respectent pas les normes,
n'ont pas de parole, je n'aime pas travailler avec eux. Ils pensent que les
aides sont normales, ils comptent dessus, ils attendent des dons. Mais il faut
faire de la collaboration internationale, si les Chinois investissent, il faut
un retour sur investissement. Moi je respecte la pensée de Confucius, je
respecte mes parents, les règles, la moralité.
X.A : Avez-vous des enfants ?
M. Yin : Oui j'ai deux filles dont une qui est mariée avec
un Japonais...
X.A : Et lors de la reconnaissance de Taiwan par le
Sénégal, y a-t-il eut des conflits ici ?
M. Yin : Non pas de réels problèmes, mais il n'a
fallu qu'une semaine pour vider l'ambassade ! (sous-entendu, l'ambassade de
Taiwan à été vidée de ses locaux en une semaine,
afin d 'y accueillir les Chinois de la République Populaire de Chine en
2005 lors de la réhabilitation)
X.A : Pour revenir à la Chine-Afrique, quelle est
votre position ou comment voyez-vous cette relation (on parle de pillage ou au
contraire de co-développement) ?
M. Yin : Les votes africains ont beaucoup aidé la Chine
à obtenir son siège à l'ONU, c'est une raison de du
soutien Chinois en Afrique. Mais il y a beaucoup de propagande occidentale
contre la Chine. Ici, c'est tout petit, au Nigéria, ils sont 50000, en
Algérie 100000. Ici c'est comme en Côte d'Ivoire.
X.A : Et les produits made in China sont de plus en plus
visibles en Afrique...
M. Yin : Grâce à la concentration humaine, les
produits sont pas chers et tout le monde est équipé. X.A :
Mais les détracteurs dénigrent ces produits qui seraient de
qualité médiocre...
M. Yin : C'est certain qu'ils sont de mauvaise qualité
mais que veux-tu, les Sénégalais achètent et demande des
qualités toujours moins chers, alors les Chinois fournissent. C'est
l'offre et la demande. Mais en Chine on fabrique et achète des produits
de meilleure qualité.
X.A : Le Sénégal est t 'il une plateforme pour
la sous-région ?
M. Yin : Non, il n'y a pas de réelle possibilité
d'exporter vers la sous-région. Un peu avec la Gambie.
Fin de l'entretien, salutations d'usage
* 1 Euro est égal à 655, 957 FCFA.
? Madame Yin
Madame Yin nous reçoit (avec Marie Gaborit) au restaurant.
X.A : En quelle année êtes-vous arrivée au
Sénégal ?
Mme Yin : Je suis arrivée en 1998.
X.A : Quelles études avez-vous faites ?
Mme Yin : J'ai étudié à Chicago,
l'économie (The University of Chicago Graduate School of
Business). X.A: Dans quel secteur travaillez-vous ?
Mme Yin : Dans le textile.
X.A : Depuis combien de temps ?
Mme Yin : Depuis cinq ans.
X.A : Vous importez de Chine ?
Mme Yin : Oui, selon la demande sénégalaise, je
fais fabriquer les produits en Chine. Ces produits sont réservés
à l'export, en Chine, on n'achète pas ce type de textile.
X.A : Pourquoi ne pas produire sur place ?
Mme Yin : C'est la même manière de tisser donc on
n'a pas besoin d'investir ici. Par contre, c'est du coton égyptien, car
les fils chinois sont trop courts. Il y a environ trente chaînes de
montages pour la wax, mais on ne la vend pas au Sénégal, c'est
trop cher (tissu africain traditionnel, est vendu au Mali et au Nigéria
par exemple). Au Nigéria, c'est le Chan Group qui vend, c'est une grosse
industrie reconnue.
X.A : Avez-vous des magasins ?
Mme Yin : J'ai un magasin à Yoff (nord de la
presqu'île du Cap Vert) et deux boutiques à l'angle El Hadj
Abdoukarim Bourgi et Lamine Guèye (plateau de Dakar).
X.A : Mais comment faites-vous pour créer les motifs
spéciaux ?
Mme Yin : Pour le design, je copie les motifs et les
reproduits en Chine. En Afrique, ils ont un meilleur sens des couleurs. On ne
peut pas inventer. On ne crée pas. Pour le batik (technique de
teinture du tissu), ce n'est pas la même technologie, on
achète le tissu et on peint dessus.
X.A : Est-ce rentable d'investir au Sénégal
?
Mme Yin : Non, la main d'oeuvre est trop chère, en plus ce
n'est pas un grand marché, ce n'est pas intéressant. Par exemple,
en Inde, c'est de meilleure qualité mais on produit pourtant en Chine
car on veut les prix les plus faibles. X.A : Où sont situées
les usines ?
Mme Yin : Elles sont dans la province de Shandong
(Nord-Est) où il y a une longue histoire du textile. X.A :
Vous importez tout de Shandong ?
Mme Yin : J'importe du bazar, la wax c'est moins rentable et
trop cher pour les Africains. La wax c'est moins de 10 % du marché au
Sénégal. Avant 12 yards (unité de mesure)
c'était 9500 (15 6) aujourd'hui c'est 7000 (10
€), il n'y a plus de bénéfices pour personne. Je suis
la première à avoir importé de Chine la wax et j'ai donc
fait baisser les prix. Les Sénégalais veulent toujours moins 100
francs (CFA) mais avant (l'arrivée des Chinois) c'était
plus cher, et en plus ils payent le tailleur pour 4000 francs (6
€) ! Au Mali, ils font la différence mais pas ici, ils ne
paient pas pour la qualité. Ici ils veulent des prix bas donc la
qualité est basse et on change les produits. En Chine, c'est la fabrique
du monde, les produits sont importés, transformés et
exportés, pas vendus dans le marché intérieur, c'est juste
pour la main d'oeuvre.
X.A : Vous vendez en gros, détail ?
Mme Yin : En gros et par conteneur, il me suffit de trois clients
qui ont des boutiques, comme ça je récupère mes
crédits facilement.
X.A : Vous faites crédit ?
Mme Yin : Non, comme ils n'épargnent pas, je ne fais
pas d'avances, il faut être clair dès le début. Par exemple
si une femme est enceinte, elle ne l'est pas d'hier ! Par contre, pour les
maladies c'est de l'imprévu, donc je fais des avances sur salaire.
X.A : Que pensez-vous du contexte économique ?
Mme Yin : Ici, il y a un problème immobilier, c'est
trop libéral, en plus il n'y a pas d'industries, de ressources contre
l'inflation générale, donc... Il y a toujours des
problèmes d'argent, ici, il n'y a rien, il faut tout importer, donc le
Sénégal doit toujours de l'argent, il investit donc la balance
commerciale... Le droits de douanes sont élevés donc les produits
importés ne sont pas réexportés vers la Gambie qui est un
port franc, ou Cotonou. Pourtant, le prix du transport (Asie-Afrique)
n'est pas cher, c'est moins de 10 % du prix total.
X.A : A combien s'élèvent les taxes ?
Mme Yin : Pour le textile c'est environ 50 %. Il n'y a pas de
bons économistes, le gouvernement est trop
libéral.
X.A : Combien de Chinois sont dans ce secteur ?
Mme Yin : Il y a trois Chinois. Les Sénégalais
vont acheter en Chine aussi. Dans le secteur de l'habillement, 70 à 75 %
vient de Chine, le reste d'Inde, du Pakistan, d'Indonésie, de
Thaïlande et 1 % d'Europe. Ici, ils gaspillent : quand ils ont besoin de
six yards, ils en achètent 8, plus le tailleur qui gaspille... Donc
maintenant quand ils ont besoin de 6 yards, je vend 4.
X.A : Vous partez en Chine pour les achats ?
Mme Yin : Oui, mon mari est trop occidental, il se ferait
rouler. Je rentre 2 à 3 fois par an. Ici, la productivité est
faible, en Chine, ils travaillent huit heures avec juste cinq minutes de pause
toilettes. Ici, il faut trois fois trente minutes pour la prière, ils
font la sieste, ils ne travaillent pas le week-end...
X.A : Quels sont vos projets ?
Mme Yin : Une usine de bois et un investissement avec un Libanais
en Gambie (dans le textile). X.A : Y a-t-il une organisation
chinoise ?
Mme Yin : Non, l'ambassade m'a demandé mais je ne veux pas
car il n'y a pas de reconnaissance, pas de retours, ils sont trop
individualistes (les commerçants Chinois).
X.A : Vos employés dans le restaurant sont Chinois (en
cuisine, les serveurs sont Sénégalais) ?
Mme Yin : Oui, ils restent deux à trois ans pour se
faire de l'argent et rentrent car ils n'ont pas de dépenses, ils sont
logés, nourris, blanchis, contrairement en Chine où le logement
est très cher en ville. Ici, les Sénégalais profitent des
Chinois, ils multiplient par 10 % les loyers mais ce n'est pas normal, on ne
loue pas pour six mois ou un an. Moi je loue pour dix ans.
X.A : Que pensez-vous de l 'UNA COIS ?
Mme Yin : Les Chinois gèrent mal leur implantation, ils
font trop de bruit, il ne faut pas faire de commerce de détail, toujours
faire en gros sinon il y a des problèmes (les prix sont tirés
vers le bas) et sont en première ligne. L'UNACOIS est contre le
détail mais les Sénégalais pensent que deux ou trois
articles c'est déjà du gros !
X.A : Les Libanais ?
Mme Yin : Eux ils ont des prix fixes, sont organisés...
Les Chinois grignotent leurs marges pour avoir plus de clients, donc il y a
concurrence entre eux.
X.A : La politique des Chinois est mauvaise ?!
Mme Yin : Oui elle est suicidaire à long terme !
X.A : Et plus largement, en Afrique ?
Mme Yin : Les Chinois en Afrique sont là depuis longtemps,
ce n'est pas une nouveauté, mais il n'y a pas de nouveaux marchés
: ils sont trop pauvres.
Fin de l'entretien
? Mission Économique Chinoise
Après une rapide présentation (étudiant
à l'IFG, faisant une étude de terrain sur la présence
Chinoise au Sénégal) qui est de fait effectuée à
chaque début d'entretien (c'est pour cette raison que je ne le
rappellerai pas), le jeune homme se présente :
Je m'appelle Liou.
X.A : Quelle fonction occupez-vous ?
M. Liou : J'ai le statut de diplomate.
X.A : Quel est votre parcours ?
M. Liou : Je suis arrivé il y a huit mois. Je suis de la
province de Shandong. J'ai étudié le français et le
commerce à l'Université de Pékin. Je travaillais au Gabon
et au Tchad pour une société de prospection internationale.
X.A : Pourquoi l'Afrique ?
M. Liou : C'est sur ordre du gouvernement...
X.A : Quel est le but de cette mission économique au
Sénégal ?
M. Liou : On intervient auprès des entreprises...
X.A : Lesquelles ?
M. Liou : China géologique dans la construction à
Dakar, dans l'informatique, les télécommunications. X.A :
Combien de Chinois travaillent pour ces entreprises ?
M. Liou : Environ trente personnes pour chacune.
X.A : Sinon, que faites vous ?
M. Liou : Le but est de promouvoir les relations
sino-sénégalaises avec le ministère des Affaires
étrangères. X.A : Vous avez des relations avec d'autres
ministères ?
M. Liou : Oui, le ministère de l'Économie et des
finances, du commerce, de l'agriculture, dans quasiment tous les domaines...
Nous travaillons aussi à la réhabilitation des relations
Chine-Sénégal, dans le domaine médical, de l'agriculture,
du BTP. Nous proposons aussi une assistance gouvernementale pour le
développement du Sénégal.
X.A : Vous avez des exemples ?
M. Liou : Les travaux du grand théâtre de Dakar : un
appel d'offre à été lancé et c'est une entreprise
chinoise qui l'a pris.
X.A : Donc, des employés Chinois sont sur ce chantier
?
M. Liou : Des techniciens, les ouvriers sont
sénégalais. C'est un cadeau offert par la Chine lors de la
réhabilitation. La mission économique à un rôle
d'intermédiaire.
X.A : Quelles sont vos relations avec les ministères
?
M. Liou : C'est difficile, on a des difficultés pour se
comprendre, ils ont leur point de vue, leurs idées, leurs
manières de faire, ça prend du temps, ils sont
entêtés.
X.A : Il y a beaucoup de corruption au niveau gouvernemental,
particulièrement...
M. Liou : Des fois on accepte les bakchich, car on est au
Sénégal...
X.A : Quel est votre rôle dans le domaine
médical ? Avant la reconnaissance de Taiwan par le
Sénégal, la Chine formait des médecins à
Ziguinchor, à l'hôpital Silence.
M. Liou : Maintenant, on s'installe dans l'hôpital de
Pikine (Est de Dakar) à cause de l'instabilité (en
Casamance).
X.A : Et en agriculture ?
M. Liou : C'est des experts agronomes qui viennent, une dizaine,
ils font un roulement.
X.A : Dans quelle région ?
M. Liou : Ils sont installés près du lac Rose
(Est de Dakar).
X.A : Que font-ils ?
M. Liou : Ils donnent une assistance technique, des cours,
forment. Ils vont dans les campagnes donner des cours pour le riz et les
légumes. Ça marche bien, même si la terre est trop
salée ou sablée. On apporte la technique. Sinon on forme des
fonctionnaires Sénégalais, une trentaine déjà.
X.A : Dans quels domaines ?
M. Liou : Dans différents domaines car plusieurs
ministères. Le domaine administratif, pour la gestion. Mais on n'est pas
encore très bien installé.
X.A : Quels sont les fonctionnaires choisis ?
M. Liou : On adresse une note verbale au ministère des
Affaires étrangères et il transmet aux différents
ministères.
X.A : Combien de Chinois vivent au Sénégal et
à Dakar ?
M. Liou : Ils vivent tous à Dakar. Je dirai environ 800.
Les commerçants viennent du Henan (centre-Est de la Chine, province
pauvre). Ceux qui travaillent pour les entreprises viennent de partout.
X.A : Et comment se développent les relations
?
M. Liou : Très rapidement, Wade est venu deux fois en
Chine. On accorde 40 visas par jour pour les Sénégalais, depuis
2005. En fait c'est pour promouvoir les projets dans le cadre des accords
bipartites. Donc on donne une assistance au Sénégal pour les
projets.
X.A : Avant l'arrêt des relations, la Chine
construisait, enseignait... A ujourd 'hui, c'est donc la même
volonté ? M. Liou : Oui, par exemple, on va remettre en état
les onze stades du Sénégal.
X.A : Le gouvernement n'a pas de problèmes avec Wade
étant donné qu'il se tourne beaucoup vers les
États-
unis ?
M. Liou : Il va gagner aux élections.
X.A : Et concernant la parenthèse avec Taiwan
?
M. Liou : Il n'y aurait pas eu de réhabilitation si le
Sénégal n'avait pas arrêté avec Taiwan.
Fin de l'entretien
? PETROSEN ou Senegal National Oil Company
X.A: Bonjour, je vais vous demander votre nom...
Bonjour, je m'appelle Mamadou Ka.
X.A : Et que faîtes vous à Petrosen ?
M. Ka : Je suis géologue à l'exploration.
X.A : Vous pouvez me parler des ressources
pétrolifères au Sénégal ? (Il me montre la carte
des blocs et permis du bassin sédimentaire
sénégalais)
M. Ka : Selon les couleurs, les blocs sont attribués
aux différentes sociétés. Donc lorsqu'une zone est
marquée permis c'est qu'une entreprise est sous contrat et qu'elle
prospecte. Il n'y a que dans la zone AGC (Agence de Gestion et de
Coopération) qu'on exploite (Sud-Ouest du
Sénégal, au large de la Guinée Bissau) mais le
pétrole est lourd (donc l'extraction est moins rentable).
X.A : Qu'est ce que la phase de prospection ?
M. Ka : C'est l'étude du sous-sol. Tous les blocs sont en
état de prospection, hormis l'ACG où on a donc trouvé du
pétrole.
X.A : Quelles sont ces sociétés ?
M. Ka : Al Thani est basée à Dubaï
elle est dans l'immobilier ; Hunt Oil c'est américain, de
Dallas ; Fortesa est Américaine également, Maurel
& Prom c'est Français, Energy Africa était
Malaisienne mais elle a été rachetée par une
société irlandaise, Edison c'est Italien.
X.A : Combien de puits sont déjà
installés ?
M. Ka : A l'heure actuelle entre 140 et 142.
X.A : Et quelles sont les réserves estimées
?
M. Ka : A environ 5OO à 1 milliard de barils.
X.A : Et le pétrole prospecté est facile
à exploiter ?
M. Ka : Disons que pour l'instant ce n'est que du off-shore, mais
ce n'est pas trop profond, environ 200 mètres au maximum. Par contre, il
y a une zone sismique à Rufisque, et là c'est profond.
X.A : Et concernant le gaz de Thiès ?
M. Ka : A Thiès, on exploite 60000 mètres cubes par
jour.
X.A : Oui, on l'a vu, en Mauritanie, le pétrole
rapporte, enfin commence à rapporter une manne, certains
détracteurs de Wade lui reproche de ne pas dévoiler les
véritables ressources...
M. Ka : En fait, on est attractif, on a une législation
de 1998. Mais il faut tout faire pour faire venir les gens,
pour les impôts. D'ailleurs, en Mauritanie, au nord du
fleuve Sénégal, c'est une société chinoise qui
prospecte.
X.A : La CNPC (China National Petroleum Corporation) ? Il y
aurait donc du pétrole dans le bloc de Louga ?
M. Ka : Oui la CNPC et il faudrait prospecter à Louga mais
il n'y a encore aucune entreprise intéressée. X.A : Quelles
sont les mesures incitatives ?
M. Ka : Par exemple, il n'y pas de taxes lors de l'exploration,
d'ailleurs on prospecte pour eux. X.A : Et qu'en est t 'il de la
région de Tambacounda, au sud-est ?
M. Ka : Elle est prometteuse !
X.A : Oui, le terrain est très faillé, ils ont
trouvé du gaz...
M. Ka : Oui mais le problème c'est le transport, il faut
créer une autoroute, un port en Casamance... Ce sera long et
coûteux !
Fin de l'entretien
Entreprises
? Nouvelle Société du Textile
Sénégalais (NSTS)
X.A : Bonjour, quelle fonction occupez-vous à NSTS
?
Bonjour, je suis le secrétaire.
X.A : Et vous vous appelez...
Diongue.
X.A : Très bien, quelles sont les principales
activités de NSTS ?
M. Diongue : On pratique la filature, le tissage, le tricotage,
la confection, l'anoblissement (teinture et impression). En fait on est
présent de la fibre jusqu'au vêtement.
X.A : En quelle année a-t-elle été
créée ?
M. Diongue : En 1991, en 2002 on a fusionné avec
INCOSEN.
X.A : Et quel est votre Chiffre d'Affaire (C.A) ?
M. Diongue : Le C.A est de 2 milliards (environ 3 millions
d'euros).
X.A : Que pensez-vous des entreprises chinoises dans ce
secteur ?
M. Diongue : C'est de la concurrence déloyale ! Au
niveau de la main d'oeuvre, de l'électricité, des marges
bénéficaires, des ingrédients, et cætera ! A cause
d'eux nos activités sont gelées ! C'est pas un coût
analytique, les prix et marges sont fixés.
X.A : Et comment ces Chinois peuvent-ils vendre à des
prix si bas ? Certains vêtements sont vendus au même prix que la
matière première, comment l'expliquez-vous ?
M. Diongue : Ils se concertent avec le gouvernement ! En plus ils
engagent des prisonniers condamnés aux travaux forcés !
X.A : Et que fait le gouvernement sénégalais
pour garder ces activités ?
M. Diongue : Rien, avant, en 1986, il y avait une commission
textile, toutes les importations textile étaient soumises à une
commission. En plus il y a la concurrence de la Gambie.
X.A : Le textile est acheminé au port franc de Banjul
?
M. Diongue : Oui mais ils fabriquent aussi, ils sont moins chers
que les Sénégalais.
X.A : Comment vous employez-vous pour faire pression sur le
gouvernement ?
M. Diongue : Justement, là on gèle les
activités pour faire pression. On a fermé quatre usines. X.A
: Lesquelles ?
M. Diongue : Deux a Thiès, une à Louga et une
à Kaolack.
X.A : Vous êtes soumis aux mêmes taxes que les
Chinois ?
M. Diongue : Oui mais elles ne sont pas assez fortes pour
délocaliser.
X.A : Quelle est votre position par rapport à l 'UNA
COIS ?
M. Diongue : On est avec eux.
X.A : Et que faudrait-il pour relancer la production
?
M. Diongue : Il faut réinstaurer la commission textile.
Elle agréait ou non.
X.A : C'est-à-dire ?
M. Diongue : Si un tee-shirt chinois était vendu à
300 francs ici et que nos tee-shirts étaient au même prix, les
commissaires rejetaient le produit chinois.
Fin de l'entretien
? Société des Mines de Fer du
Sénégal Oriental (MIFERSO)
Bonjour, je suis X.A, étudiant...
Bonjour ! Macoumba Diop, géologue.
X.A : Qu'est ce que la MIFERSO ?
M. Diop : C'est une société étatique
autonome. Nos activités c'est majoritairement pour l'Etat. X.A :
Quelles sont les sociétés intéressées par le
gisement dans la région de Tambacounda ?
M. Diop : Il y en a plusieurs. Mitsubishi, Mettal Steel,
Kumba Iron Ore (Afrique du Sud) et une entreprise
chinoise.
X.A : Quelle est l'estimation des réserves ?
M. Diop : Les réserves certifiées sont à 450
millions de tonnes.
X.A : Et les réserves potentielles ?
M. Diop : Les réserves probables sont à 750
millions. Mais pour qu'une entreprise prenne le marché il faut que ces
réserves soient certifiées.
X.A : Quelle somme représente cette extraction
?
M. Diop : En tout environ 2 milliards de dollars.
X.A : J'ai lu dans la presse que pour extraire le fer, l'Etat
envisage de moderniser le port en Casamance ?
M. Diop : En fait il y a quatre composantes dans ce projet : il y
a la mine, le chemin de fer à construire vers le port qu'il faut donc
moderniser et la sidérurgie.
X.A : Et à quelle date le gisement sera exploitable
?
M. Diop : D'ici deux ans minimum mais l'exportation en
elle-même d'ici quatre ans. C'est le gisement de fer de la
Falémé pour préciser.
X.A : Y a t'il d'ores et déjà des
sociétés sur le terrain ?
M. Diop : Oui, la Kumba pour certifier les
réserves. Si les 750 millions sont prouvées, la durée de
vie de la mine sera donc de trente années au rythme d'une exploitation
de 25 millions par année.
X.A : Selon vous, quelle est la mieux placée ?
M. Diop : Kumba et Mittal je pense. Peut
être un joint venture ?!
Fin de l'entretien
? China Shipping Container Lines Shenzen Co., Ltd Dongguan
Branch (CSCL)
Bonjour, comment je vais tout d'abord noter votre nom s'il
vous plait.
Bonjour, je suis Sogui Diop.
X.A : Quelles sont les activités de votre entreprise
?
S. Diop : On fait de la manutention, consignataire, transitaire.
On est un agent maritime en quelque sorte. X.A : Lorsque j'étais
venu la première fois, votre collègue m 'a informé de
votre voyage en Chine...
S. Diop : Oui, c'est mon deuxième voyage. Je ne suis agent
que depuis un an.
X.A : Et que faisiez-vous ?
S. Diop : C'est une réunion d'agences avec 150 personnes
de partout dans le monde.
X.A : Vous parlez chinois ? Quelle est votre qualification
?
S. Diop : Eh non, c'est trop difficile ! Sinon je suis agent
importateur.
X.A : Et depuis quand est t 'elle créée
?
S. Diop : Depuis les années 1970.
X.A : Vous pouvez m'expliquer l'objet de l'entreprise
?
S. Diop : En fait, CSCL est un armateur basé à
Shanghai, ici on représente les agents de Dakar. X.A : Et combien de
navires la société possède t 'elle ?
S. Diop : Environ 70.
X.A : Qui font le transit Chine-Sénégal
?
S. Diop : Non, ici c'est juste un bateau tous les quinze
jours.
X.A : D'accord. Et combien de conteneurs ?
S. Diop : C'est 4000 conteneurs, dont 200 pour Dakar. On en
prévoit jusqu'à 400.
X.A : Quel est le trajet des transporteurs ?
S. Diop : C'est Dakar, Côte d'Ivoire, Ghana et
Nigéria. Il y a différents conteneurs : 20 pieds c'est 18 tonnes
et 40 pieds c'est 25.
X.A : Quels sont les produits exportés,
importés ?
S. Diop : C'est surtout du divers, par exemple de
l'habillement pour l'import et du coton, sel et poisson à l'export. Mais
il y a beaucoup d'armateurs qui importent et exportent vers la Chine, par
contre on est le seul pavillon chinois.
X.A : J'ai lu dans la presse, Jeune Afrique pour le citer,
que le gouvernement chinois est en instance de créer une nouvelle route
commerciale vers l'Afrique de l'Ouest pour éviter l'Espagne ou
l'Italie...
S. Diop : Non, je ne suis pas au courant. Nous, on vient d'Anvers
vers Dakar. Mais dans tous les ports, Côte d'Ivoire, Ghana,
Nigéria, Afrique du Sud, on a des agents représentants.
X.A : Et que pensez-vous des Chinois, de la Chine ?
S. Diop : Je trouve ça très intéressant de
travailler avec eux. C'est un grand peuple, ça me fait plaisir. X.A
: Existe-t-il des armateurs avec des liaisons plus régulières
?
S. Diop : Oui par exemple Delmas il y a des bateaux
réguliers, toutes les semaines.
Fin de l'entretien, c'était l'heure de la
prière.
Syndicats et représentations
? Union Nationale des Commerçants et Industriels du
Sénégal (UNACOIS)
Je suis reçu par Ismaël Dikhaet, secrétaire
départemental de la région Dakar pour l'UNACOIS. En attendant le
président Moustapha Sakho, il m'explique son statut et ses
activités. Il est président de la section UCAD de l'UNACOIS (pour
l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar). Il est présent à
l'Union depuis deux ans et représente les prestataires de services de
l'Université. Arrive donc le directeur général.
X.A : Quelle est la date de création de l 'UNACOIS
?
M. Sakho : De 1989. C'est le plus grand syndicat, on compte
100000 membres.
X.A : Comment devient-on membre ?
M. Sakho : Il faut être commerçant et acheter la
carte 2000 francs (3 euros) et cotiser à hauteur de 5000 (7,60 euros)
à un million (1500 euros) selon la taille de l'entreprise.
X.A : Vous êtes subventionné ?
M. Sakho : Non.
X.A : Pourquoi intègre t 'on l 'UNACOIS ?
I. Dikhaet : Pour le dynamisme ! Avec l'UNACOIS, on a un
réel poids...
X.A : Et ce sont donc toutes les entreprises ou
commerçants...
M. Sakho : Oui, des entreprises informelles aux PME.
X.A : Vous êtes donc le relais politique des
commerçants ?
M. Sakho : Oui, avant, il y avait des contraintes, on
était pourchassé dans nos limites, et les commerçants
allaient plutôt voir les marabouts. Mais mieux vaut se réunir !
X.A : Parlez-moi de la grève et des manifestations
anti-chinoises...
M. Sakho : Eh bien, pendant trois jours on a fermé les
boutiques, on a fait un blocage sur tout le territoire, le pays était
bloqué et l'état a eu peur ! Mais on a fait d'autres
grèves, pour le riz : le prix du riz était géré par
l'état mais les commerçants voulaient libéraliser le prix
et on avait le soutien de la Banque Mondiale donc la filière s'est
libéralisée même si le riz est importé.
X.A : Le Sénégal est producteur pourtant le riz
est importé...
M. Sakho : Oui, mais aujourd'hui il y a le choix, il n'y a plus
de rupture, il y a différentes qualités. Avant, on n'avait qu'un
choix, maintenant, on mange du riz thaïlandais, vietnamien...
X.A : Au sujet des commerçants Chinois ?
M. Sakho : La grève de 2004 était contre les
Chinois et contre le sucre. Une entreprise française ne devait pas
importer juste produire sur place, en plus elle a le monopole, ce n'est pas
encore libéralisé.
X.A : Il y avait combien de Chinois lors de la grève
?
M. Sakho : En 2003, ils étaient une dizaine mais depuis
ils augmentent tous les ans ! On veut briser leur mécanisme, leur
stratégie.
X.A : Expliquez-moi...
M. Sakho : Ils ne vendent que des produits chinois,
fabriqués par eux-mêmes, au Cameroun c'est différent. On
parle même du mouton chinois importé pour les fêtes !
X.A : Que pensez-vous des produits made in China ?
M. Sakho : C'est de la qualité zéro. En plus leurs
produits sont pas règlementés, les jouets et chaussures par
exemple ne répondent pas aux conditions tropicales.
X.A : La qualité est mauvaise mais c'est la demande
qui détermine l'offre...
M. Sakho : Oui la qualité est nulle mais il faut faire en
sorte que les bons produits soient accessibles par tous. X.A : Comment
expliquez-vous l'implantation des commerçants chinois sur le boulevard
(du général de Gaulle) ?
M. Sakho : C'est évidemment parce que le boulevard est
bien entretenu, c'est une fierté à Dakar le boulevard ! En plus,
ici ils sont accessibles, le toubab (Blanc en wolof) n'est pas trop
accosté.
X.A : Ils logent également à Gibraltar
(quartier résidentiel jouxtant le boulevard)...
M. Sakho : Ils occupent toutes les maisons parce qu'ils payent
jusqu'à un million et demi (plus de deux milles
euros) !
X.A : Et concernant les douanes ?
M. Sakho : On nous a dit que les Chinois produisaient
eux-mêmes sur place !
X.A : C'est-à-dire ?
M. Sakho : Ils montent eux-mêmes les produits dans leurs
commerces ou maisons, ce sont de petites industries ! Ils déchargent
même la nuit pour ne pas se faire voir !
X.A : Et en ce qui concerne les conteneurs ?
M. Sakho : Ils déclarent la moitié et passent sans
payer toutes les marchandises.
X.A : Comment se passe l'arrivée au port ?
M. Sakho : Au départ, c'est un Sénégalais
qui dédouane car le conteneur est au nom d'un Sénégalais,
c'est un intermédiaire qui dédouane...
X.A : Et pendant l'arrêt des relations ?
M. Sakho : Là c'était des semi-clandestins, venus
comme touristes donc en situation irrégulière. X.A : J'ai
appris que les Chinois achètent leurs passeports...
M. Sakho : C'est vrai. Le premier Sénégalais qui a
travaillé avec eux a gagné beaucoup d'argent, il a même
appris le chinois.
X.A : Il s'appelle comment ?
M. Sakho : Moustapha mais il est en France maintenant !
X.A : Et vous avez des relations avec la mission
économique chinoise ?
M. Sakho : L'année dernière l'ambassade de Chine
est venue pour résoudre les problèmes. Aujourd'hui on a plus de
relations.
X.A : Vous aviez interpellé le gouvernement ?
M. Sakho : Oui, Wade. Il nous avait dit qu'on peut pas interdire
les Chinois parce qu'il y a des Sénégalais partout dans le monde.
Il y a des Sénégalais en Chine qui font du transit...
X.A : D'accord. J'ai appris que les Chinois se font
concurrence entre eux... M. Sakho : Oui ils vendent au même prix en
gros ou en détail ! Il y a un problème, tout le monde qui dit
vendre
en gros vend en détail dans des boutiques ! A cause
d'eux, on ne trouve plus de bonnes ! Elles viennent travailler une
journée et l'autre elles vont acheter sur le boulevard
pour tel prix et revendent dans les quartiers.
X.A : Donc, ils créent de l'emploi ?!
M. Sakho : On peut dire ça mais juste entre 300 et 500. Ce
n'est pas bien, c'est de l'informel, ils ne payent pas d'impôts...
Maintenant c'est fini, avant on avait des rues qui nous appartenait !
X.A : Concernant les Libanais...
M. Sakho : Eux, ils participent à la vie locale, les
Chinois ne dépensent pas, ils importent même le papier toilette !
Ils ne vont pas à la banque, il y a une fuite des devises qui sont
converties en dollar et rapatriées en Chine !
X.A : Vous ne voulez aucun Chinois à Dakar ?
M. Sakho : Peut être pas mais il faut
réglementer, les limiter sinon demain ils seront dans toutes les villes.
A terme, leurs cartes de séjour ne doivent pas être
renouvelées, il faut rester à 800 comme nous l'avait promis Wade
mais les douanes ont augmenté les cartes de séjour. Il faut des
commissions, multiplier par deux pour les obliger à partir
d'eux-mêmes. Les Chinois n'achètent pas leur marchandise : on leur
envoie de Chine et lorsqu'ils ont vendu, ils rapatrient les devises. Le
gouvernement chinois les incite : il y a un système pour envoyer les
Chinois ailleurs : ils sont subventionnés par l'état. Ce sont des
éclaireurs !
X.A : Et à quelle fréquence les conteneurs
arrivent-ils à Dakar ?
M. Sakho : De Chine, en moyenne une dizaine par jours.
X.A : Comment réagi la Chambre de Commerce ?
M. Sakho : Elle nous soutient, les artisans en ont assez, ils ne
vendent plus.
X.A : S'ils ne vendent plus c'est parce que leurs prix sont
trop hauts par rapport à la concurrence ?! M. Sakho : Oui, les
Sénégalais ne peuvent pas payer les bons produits.
X.A : En Afrique, les commerçants Chinois s'implantent
de plus en plus, est-ce positif ?
M. Sakho : Non, pas du tout, cela fait du chômage, surtout
pour les petits commerçants.
X.A : Et qu'elle est l'évolution possible pour ces
prochaines années ?
M. Sakho : Il est certain que si le gouvernement laisse les
Chinois s'installer ils seront des milliers, comme aux Etats-Unis ou en France
!
X.A : Enfin, pourquoi ne pas fédérer les deux
UNA COIS pour faire pression, d'un bloc, sur le gouvernement ? M. Sakho :
C'est tout à fait vrai, en février, nous allons tenter de nous
réunir pour être plus gros et ainsi avoir une parole forte avant
et après les présidentielles.
Fin de l'entretien, salutations d'usage.
? UNACOIS-Développement économique et
financier
Je me présente aux locaux de l'UNACOIS-DEF
situés en plein centre du quartier commercial du Plateau de Dakar. Les
deux hommes finissant leur prière sur un tapis placé dans une
grande cour m'envoie Oussynou Niang, le secrétaire permanent.
X.A : Bonjour, je suis passé à l 'UNA COIS sur
le boulevard. J'aimerai connaître votre point de vue quant au fait
chinois et notamment sur les commerçants.
O. Niang : Oui, comme l'UNACOIS, on est monté au
créneau pour interpeller les pouvoirs publics. Pour la commission
d'implantation des migrants. Même si avant cette époque, on
n'avait pas de relations avec le gouvernement chinois.
X.A : C'est l'époque de Taiwan ? Et vous n'aviez
aucune relation ?
O. Niang : Oui mais on avait tout de même des relations
commerciales.
X.A : Que pensez-vous de ces Chinois ?
O. Niang : C'est de la concurrence déloyale ! C'est un
géant !
X.A : Et concernant les commerçants ?
O. Niang : Pour eux, ils ont vu leur chiffre d'affaire baisser de
plus en plus.
X.A : Vous avez donc participé à la marche
?
O. Niang : Oui mais elle n'était pas autorisée,
pendant la grève, tous les rideaux étaient baissés.
X.A : Que diriez-vous des produits made in China ?
O. Niang : C'est un problème car ce sont des produits de
pacotille !
X.A : Pourtant les Sénégalais se
déplacent en Chine pour importer ?!
O. Niang : Oui mais ils ne sont plus concurrentiels ! Pourtant
le Sénégal a signé la loi anti-dumping ! Mais la
matière première est au même prix que les produits finis,
donc les commerçants Sénégalais sont toujours
pénalisés. Les produits ne sont pas certifiés, c'est de la
pacotille et il n'y a pas de structure qui règlemente.
X.A : Comment arrivent-ils à vendre ces produits
à de tels prix ?
O. Niang : C'est parce qu'ils importent des pièces
détachées. Pas des produits finis. Ils fabriquent sur place,
sous les comptoirs, ils ont des usines de transformation, de
montage. C'est un système mystérieux, opaque !
X.A : Mais les Sénégalais n'achètent de
toute manière aucun produit de qualité, ils
préfèrent acheter le même
produit trois fois par an mais à un prix très
bas.
O. Niang : Oui mais avant le Sénégalais avait le
goût de la qualité, aujourd'hui c'est juste un besoin de se
satisfaire.
X.A : Et les Libanais ?
O. Niang : Eux ils sont sérieux, ils vendent de la
qualité mais ils ne sont pas non plus épargnés par les
Chinois donc ils collaborent avec eux.
X.A : Comment cela ?
O. Niang : Ils achètent ensemble un conteneur et vendent
les mêmes produits.
X.A : Par exemple ?
O. Niang : Le Sénégalais lambda ne fait pas la
différence entre la mauvaise et bonne qualité. C'est dans tous
les domaines mais aujourd'hui on ne fait plus la différence entre un
robinet français et chinois, la copie est excellente.
X.A : Pour les Chinois, comment font-ils pour investir alors
qu'ils viennent majoritairement d'une province très pauvre, paysanne
?
O. Niang : C'est pas difficile, ils peuvent investir en moins
d'une semaine, ils envoient par Internet ! X.A : Ils créent des
emplois ?
O. Niang : Non ! C'est de l'exploitation, de l'esclavage ! Ils
inondent le marché de leurs produits défectueux ! X.A : Ils
ne participent pas à l'économie ?
O. Niang : Non, il faudrait qu'ils investissent dans les
secteurs porteurs, pour le PIB (Produit Intérieur Brut), il n'y
a pas de transfert de technologie ! Les Sénégalais ne
bénéficient pas de leur technologie. En plus, on envoie des
déchets au Sénégal, les limites de péremption sont
dépassées !
X.A : Vous pouvez me parler de l'UNACOIS-DEF ?
O. Niang : Oui, on représente 60000 commerçants,
et quelques industries. On a comme mission d'intervenir dans la micro finance,
on facilite les visas, on est partenaire avec la France, l'Indonésie,
l'Iran, Dubaï, avec l'ambassade l'Inde...
X.A : Avec les États-unis ?
O. Niang : Non, on s'est juste limité à des
discussions.
X.A : Selon vous, que représente le secteur dit
informel ?
O. Niang : C'est environ 60 % du PIB. Mais on
préfère l'appeler l'économie populaire. Vous savez ici on
ne parle pas d'informel ! C'est un concept flou dont la définition pose
problème !
X.A : Et dans le tertiaire ?
O. Niang : Non, vous savez le tertiaire tourne au ralenti !
Fin de l'entretien.
? Conseil National du Patronat (CNP)
Je m'entretien avec Monsieur Papa Nall Fall, président de
la commission économique et financière et responsable au Conseil
de la République pour les affaires économiques et sociales.
X.A : De quelle année date le CNP ?
Papa Nall F. : De 1961, pour répondre à votre
prochaine question, notre budget est de 4500 milliards par an (moins de 7
millions d'euros).
X.A : D'accord ! Vous représentez qui et combien
?
Papa Nall F. : Environ 27 syndicats pour 1200 entreprises.
X.A : Travaillez-vous avec les entreprises chinoises
?
Papa Nall F. : Oui, avec Henan Chine, dans le BTP.
X.A : Oui c'est l'entreprise qui travaille sur l'autoroute
?
Papa Nall F. : Oui, et Jean Lefèbvre est en association
avec l'entreprise chinoise pour l'élargissement. X.A : Vous
représentez beaucoup d'entreprises françaises ?
Papa Nall F. : Toutes, les vieilles et les plus jeunes.
X.A : Concernant les Chinois, que représentent-ils
dans l'économie ?
Papa Nall F. : Très peu, la part de marché est
faible, ils sont surtout dans les petits commerces. X.A : Et dans
l'informel...
Papa Nall F. : L'informel a tendance à gonfler... Pour les
entreprises chinoises, tout dépendra de la qualité de l'offre
chinoise.
X.A : Et font-elles concurrence aux autres entreprises dans
les secteurs déjà représentés ?
Papa Nall F. : Oui, dans le BTP, le coût a
déjà baissé ! Mais il n'y a que des modifications
structurelles internes qui permettent d'analyser l'impact positif ou
négatif. Il faut du transfert de savoir-faire, de la valeur
ajoutée...
X.A : Les Chinois sont régulièrement
victimes...
Papa Nall F. : Il ne faut pas toujours voir le mauvais
coté.
X.A : Quelles est la position du CNP ?
Papa Nall F. : Nous avons des rapports avec le MEDEF (Mouvement
des Entreprises de France), alors ce serait anachronique d'être
xénophobe !
Fin de l'entretien.
? Confédération Nationale des Employeurs du
Sénégal (CNES) Youssoupha Diop, adjoint du directeur
exécutif m'accueille.
X.A : Qu'est ce que la CNES ?
Y. Diop : C'est une organisation patronale qui regroupe des
entreprises dans tous les secteurs (industrie, commerce, services, professions
libérales...).
X.A : Que faites-vous pour elles ?
Y. Diop : C'est pour la promotion des chefs d'entreprises
sénégalaises (et multinationales étrangères).
X.A : Oui...
Y. Diop : On ne représente pas les artisans, que le
commerce formel, les industriels du textile, de l'emballage...
X.A : Combien d'entreprises ?
Y. Diop : Environ 1600.
X.A : Vous représentez des sociétés
chinoises ?
Y. Diop : Non.
X.A : Ces dernières concurrencent-elles les
entreprises sénégalaises ?
Y. Diop : Oui mais on ne peut chiffrer les dommages et pertes
causées. Mais ce qui est sûr est que le mal
existe.
X.A : Il n'y a pas d'études qui chiffrent ces dommages
?
Y. Diop : Non, je ne sais pas ce que représente en
pourcentage ces pertes, il n'y a pas d'études à tous les
niveaux...
X.A : Quel rôle avez-vous par rapport au CNP...
?
Y. Diop : En fait, la CNES a été à la base
de la création du CNP, en 1993, il y a eut écartement, des
divergences. La CNP s'occupe plus des entreprises étrangères.
X.A : Quelle est votre position par rapport aux entreprises
chinoises ?
Y. Diop : Ce pays est le notre, on a un devoir et une
responsabilité citoyenne.
X.A : Et par rapport aux entreprises françaises
?
Y. Diop : Là, le capital français est important,
surtout jusqu'à la fin des années 1980 et 1990, aujourd'hui
ça a tendance à s'inverser. Maintenant les capitaux viennent du
Maroc, de l'Inde, de la Chine et des pays Arabes.
X.A : Et les Libanais ?
Y. Diop : Ici ils sont considérés comme
Sénégalais, ils sont très présents. Au début
ils étaient dans le commerce, aujourd'hui dans les industries, des PME,
les industries de transformation alimentaire. Ce sont les
Sénégalais qui ont pris les parts de marchés des
commerçants Libanais.
X.A : Que faudrait-il pour développer l'industrie
sénégalaise ?
Y. Diop : Beaucoup de choses ! Il faudrait, c'est ce que l'on
prône, un environnement favorable aux investissements, notamment dans le
secteur industriel. Il faut assainir l'environnement, l'accès à
la terre et au foncier. Il faut assouplir le code du travail (embaucher et
licencier plus aisément). Il nous faut un vrai secteur judiciaire
en cas de conflits, lutter contre la corruption ; et il y a les
problèmes des infrastructures, de la mobilité urbaine, le
problème des financements des entreprises (car les banques financent
peu avec des taux d'intérêts élevés)...
X.A : Monsieur Wade tente de le faire, en construisant
l'autoroute payante ?
Y. Diop : Oui, il y a une volonté de désengorger
Dakar. Il y a des critères et des mesures d'encouragement, mais je suis
sceptique...
X.A : Le nouvel aéroport également...
Y. Diop : Oui alors là l'actuel est déjà
sous-exploité et il y a des problèmes de mise aux normes alors au
lieu de construire un nouveau...
X.A : Et les enjeux du foncier ?
Y. Diop : Oui, depuis le conflit en Côte d'Ivoire, et l'ONU
et les étudiants Ivoiriens, il y a une forte demande. X.A : Oui
d'où concentration et spéculation... Les Chinois ont eux
contribués à baisser les prix des produits de première
nécessité...
Y. Diop : Comme vous dites oui, mais la qualité c'est
autre chose, mais ça arrange la population... Comme je dis toujours,
à Noël, tous les enfants peuvent avoir un cadeau, même s'il
dure deux jours !
X.A : Vous avez combattu les migrants Chinois avec l 'UNA
COIS ?
Y. Diop : Oui, on a tiré la sonnette d'alarme, à
cause de l'invasion. Maintenant, avec la réhabilitation, toutes
les portes sont ouvertes. Mais on est pas contre qu'ils
viennent, à condition qu'ils investissent parce qu'eux tout ce qui
les intéresse, c'est de rapatrier les devises ! Les
commerçants sont subventionnés par le gouvernement
chinois. X.A : Comment expliquez-vous que ces commerçants vendent au
prix de la matière première ?
Y. Diop : (haussement d'épaules...)
X.A : Oui ?
Y. Diop : Ils sont très bien organisés, c'est toute
une filière, toute une stratégie, c'est un encerclement, un
positionnement. On a même vu des Chinois avec des passeports
Sénégalais et une carte d'identité !
X.A : J'ai lu dans la presse que Wade n'est pas contre un
Chinatown dakarois ?!
Y. Diop : Oui, nous non plus mais il faut réguler en
contrôlant les entrées.
Fin de l'entretien.
? Association des Consommateurs du Sénégal
(ASCOSEN)
Le président national Momar Ndao, qui est par ailleurs
mandaté comme président des associations de consommateurs
à l'Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA)
me reçoit dans son bureau situé sur la VDN ou voie de
dégagement Nord.
X.A : Parlez-moi de la contestation des commerçants
sénégalais à l'encontre des Chinois.
M. Ndao : Oui, c'est un problème économique :
les Sénégalais allaient en Chine acheter les produits et les
Chinois les ont doublé. De fait, les Chinois vendent tous les produits
maintenant : les chaussures, le textile, les bibelots, la maroquinerie, les
sacs, les gravures...
X.A : Oui j 'ai observé dans certains taxis les photos
de marabouts. Le cadre est fabriqué en Chine
M. Ndao : Oui, avant les Sénégalais faisaient
même faire les photos en Chine et les revendaient 10000 francs (15
6) alors qu'aujourd'hui les Chinois les vendent 1000 (1,5
€). Ils les vendent au prix réel.
X.A : Donc les commerçants ont commencé
à critiquer ces Chinois...
M. Ndao : Oui, ils voyaient leurs marges diminuer, d'où
des propos xénophobes. Nous on leur dit qu'un Sénégalais
ne peut pas être xénophobe, c'est contraire à
l'éthique, de ne pas accueillir. La guerre économique ne doit pas
être transformée en xénophobie.
X.A : Certains parlent de falsification des permis de
commercer ?
M. Ndao : Oui mais tout commerçant doit avoir ses
documents et si le Chinois le possède c'est bon. Pareillement, tous les
étrangers doivent respecter la police aux frontières et les
conditions du séjour.
X.A : La mission économique chinoise parle de
corruption, pour les visas et autres...
M. Ndao : Oui, mais les visas sont étudiés par les
ministères au cas par cas. Même quand il n'y a pas d'ambassade
(exemple : Chinois de la République Populaire de Chine en
2000).
X.A : Sinon à l 'UNA COIS on nous a parlé de
fabriques derrière les comptoirs ?
M. Ndao : Non, les commerçants ne sont pas des fabricants
! On ne peut pas tout remettre en cause ! Par contre c'est vrai qu'ils
assemblent certains produits sur place.
X.A : Concernant les artisans Sénégalais
?
M. Ndao : Oui, eux ne sont pas réellement
révoltés, ils sont mécontents de la façon de faire
des commerçants en général : avec leurs marges notamment.
Ah oui, en plus, ils ne signent pas (made in Sénégal)
à la demande des commerçants, pour qu'ils signent made in
Italy par exemple !
X.A : Pour quelles raisons, signe d'une meilleure
qualité ?
M. Ndao : Oui, et selon les moeurs, les meilleurs produits
viennent toujours de l'extérieur !
X.A : Pensez-vous que la présence des Chinois est
positive ?
M. Ndao : Oui c'est certain, aujourd'hui, dans les villages on
utilise des verres en verre. Avant, c'était le caoutchouc car ça
ne casse pas mais avec les prix des Chinois on achète du verre.
X.A : C'est le cas aussi pour les vêtements...
M. Ndao : Oui avant on achetait dans des friperies,
aujourd'hui pour 1000 francs (1,5 euro), on habille un enfant. Au
Sénégal, c'est spécifique, pour les femmes, il vaut mieux
pouvoir changer de vêtements que de garder un habit longtemps : si une
femme met toujours les mêmes vêtements, elle sera mal vue. Donc,
elles préfèrent beaucoup de produits peu chers qu'un de
qualité cher !
X.A : Oui par contre les Chinois n'arrivent à copier
les motifs sénégalais ?
M. Ndao : Oui pour l'instant, mais ils étudient comment
faire le bazin.
X.A : Sinon, les Chinois ont fait exploser le prix des
loyers, notamment à Gibraltar...
M. Ndao : Oui, en moyenne c'est 20 % d'augmentation par an ! Cela
dépend de la demande. Mais la réelle raison est l'arrivée
des organisations onusiennes !
X.A : Sont-ils organisés ?
M. Ndao : Il y a une ancienne organisation, l'amitié
sino-sénégalaise qui est en léthargie.
X.A : D'accord. Concernant la qualité
dénoncée ?
M. Ndao : Oui, la qualité est relative. Ça
dépend de la satisfaction du consommateur. Comme c'est le paraître
qui compte... Il n'y a pas de calculs sur le long terme, le consommateur
Sénégalais n'a pas de démarche logique, scientifique. Pour
les textiles, on peut acheter un tissu de basse qualité mais bien le
coudre chez le tailleur.
X.A : C'est la même logique au Mali, en Mauritanie
?
M. Ndao : Non, le Mauritanien est peu sédentaire.
L'homme a toujours une robe blanche et il ne change que les chemises,
contrairement aux Sénégalais qui se changent tous les jours. En
Mauritanie, l'habit à moins d'importance, ici, on est plus coquets, on
suit une certaine mode.
X.A : Que feriez-vous pour lutter contre cette concurrence
Chinoise ?
M. Ndao : Il faut influer sur les Chinois, faire des
micro-industries, des usines d'assemblages, même artisanales.
X.A : Qu'attendez-vous des Chinois ou des investissements
?
M. Ndao : Il faut des transferts de technologie, de la valeur
ajoutée. Par exemple, on a du sable et pour faire le verre il nous faut
juste des fours !
X.A : Parlez-moi de l 'ASCOSEN...
M. Ndao : Oui, elle a été crée le 4 novembre
1989. Nous avons 30000 membres dans toutes les régions et plus de la
moitié ont leur carte de membre.
X.A : Quelles sont vos revendications ?
M. Ndao : La qualité des produits, des services, un bon
environnement, des banques de développement, la santé,
l'administration, la sécurité des biens, les transports... Si
vous voulez savoir, nous sommes un organisme très incriminé !
X.A : Pourquoi ?
M. Ndao : Par exemple on a fermé Coca pendant une semaine,
à cause de moisissures relevées. On relève aussi des
problèmes sur les produits pharmaceutiques qui ne sont pas aux normes,
sur ou sous dosés...
X.A : Vous avez manifesté contre l 'UNA COIS, en
faveur des commerçants Chinois...
M. Ndao : Oui nous étions les seuls.
X.A : Oui, où sont installés les Chinois
?
M. Ndao : Ils sont très marginaux hormis à Dakar.
Mais on consomme leurs produits dans tout le Sénégal car peu
chers. Cela crée des emplois, surtout chez les femmes.
X.A : Quels sont vos moyens d'action ?
M. Ndao : On a la presse, une émission de
télé en wolof.
X.A : Quelle est cette émission ?
M. Ndao : C'est Nay Leer (que ce soit clair),
c'est pour éduquer le consommateur.
X.A : Vous avez des relations avec les asso françaises
? Par exemple 50 millions de consommateurs ?
M. Ndao : Oui, on veut s'allier pour avoir de nouvelles
idées et moyens. Mais je vais souvent sur leur site pour
voir.
X.A : Vous êtes présents dans toutes les
régions, c'est-à-dire ?
M. Ndao : En fait, dans chaque hôpital par exemple, on a
une asso de consommateurs. On a aussi un conseil des infrastructures, pour
contrôler les infrastructures et leurs cohérences, la
transparence.
X.A : Pour le BTP?
M. Ndao : Là ya un bureau de contrôle.
X.A : Vous êtes rémunérés?
M. Ndao : Non, nous sommes tous bénévoles, moi je
suis consultant.
X.A : Il existe des associations au Mali, en Mauritanie
?
M. Ndao : Oui, je suis d'ailleurs le président des
associations de consommateurs à l'UEMOA. Fin de l'entretien.
? Groupement des Armateurs et des Industriels de la
Pêche au Sénégal (GAIPES)
Le secrétaire général Monsieur Dougoutigui
Coulibaly me salue et m'invite à m'asseoir.
X.A : Qu'est ce que la société
Sénégal Pêche ?
D. Coulibaly : Sénégal Pêche et
Sénégal Armement sont des sociétés
différentes. Ce sont deux sociétés de droit
Sénégalaises qui ont des partenaires Chinois. 51 % du capital est
détenu par le privé Sénégalais.
X.A : Donc vous travaillez avec eux (les Chinois) ?
D. Coulibaly : Oui indirectement.
X.A : Combien de sociétés
représentez-vous ?
D. Coulibaly : 24.
X.A : Et Africamer ?
D. Coulibaly : Oui elle a des conserveries de thon, des
unités de transformation et de congélation. Elle a une flotte ...
C'est une société intégrée.
X.A : Pouvez-vous me parler du secteur de la pêche au
Sénégal ?
D. Coulibaly : Oui bien sûr, je vais vous faire un
historique rapide... Au départ, c'est le commerce avec les
Français, le groupe Adrien Michel. A la fin des années 1970 c'est
Senepesca, un groupe Japonais puis au début des années
1980 les Coréens. Les Coréens ne sont pas des investisseurs, ils
suivaient le poulpe, c'était des sociétés mal
montées et ils travaillaient avec des pavillons de complaisance. Ils
payaient comme faire valoir les Sénégalais soi-disant comme
partenaires. Quand ils sont partis après le poulpe, on les a
retrouvés dans d'autres milieux du monde.
X.A : Oui et après ce fut les Chinois...
D. Coulibaly : Oui, lorsque les ressources se sont faites
rares à cause des Coréens, les Chinois sont arrivés et ont
racheté Africa Sea Food (spécialisé dans les
sardinelles) mais il n'y avait pas de compétitivité car la
transformation et le stockage étaient trop chers. Ils ont investis et
acheté des « bateaux glaciers et congélo ».
X.A : Il y a eut une excellente année à la fin
des années 1990 ?
D. Coulibaly : Oui en 1999, le poulpe est revenu et on a
exporté environ 124000 tonnes !
X.A : Les Chinois sont plus soucieux de l'environnement
?
D. Coulibaly : Oui un peu plus que les autres Asiatiques. Mais
il faut une pratique responsable, pas un gaspillage démesuré et
être conforme avec la législation. Donc c'est tout de même
bien que ce soit le Sénégal qui détienne 51 % du
capital.
X.A : Ici, les Chinois produisent de la valeur ajoutée
?
D. Coulibaly : Oui, il y a des retombées comme la balance
commerciale, des emplois, des devises à l'exportation qui reviennent au
Sénégal.
X.A : Vous n'avez donc pas combattu les Chinois ?
D. Coulibaly : Si, nous avons été à
l'origine du combat contre les Chinois. Contre le chalutage en boeuf. X.A :
Qu'est ce que la chalutage en boeuf ?
D. Coulibaly : C'est lorsqu'on tire un filet géant avec
deux bateaux ! C'est totalement dévastateur : contre la
préservation et la conservation des ressources halieutiques ! Maintenant
c'est fini, c'est inscrit dans la loi de 98-02.
X.A : Depuis quand ?
D. Coulibaly : Depuis 1999, 2000.
X.A : Et où en est le secteur de la pêche au
Sénégal aujourd'hui ?
D. Coulibaly : C'est toujours très important, en terme
de stabilité sociale, d'emplois, de devises. C'est 30 % à
l'exportation. Même si ça coince, les entreprises ont
fermé, en 1993, il y en avait une centaine, aujourd'hui, c'est cinquante
! La crise a favorisé...
X.A : Quelle crise ?
D. Coulibaly : Les ressources se sont raréfiées,
les conditions d'exploitation sont devenues difficiles et le marché de
plus en plus dur, il y a une sévère concurrence, on rencontre les
produits d'élevage d'Asie, d'Europe qui subventionne ses
pêcheurs.
X.A : Par exemple ?
D. Coulibaly : Par exemple nous les produits sauvages c'est 1000
Francs, celui du Pérou c'est 500 Francs (1,5 € et 0,75
6).
X.A : Et quelles sont les conditions d'exploitation ?
D. Coulibaly : C'est le gazole, la main d'oeuvre, les
différents intervenants, la dévaluation (du Franc CFA en 1994) a
été positive pour les prix maintenus en devises pour
l'exportation mais multipliés par deux pour l'importation. X.A : La
pêche industrielle survit donc ?
D. Coulibaly : Oui, il n'y a plus beaucoup de profits mais elle
reste la principale donne financière. X.A : Quelles conditions
permettraient la relance ?
D. Coulibaly : Hum, il faudrait que l'on s'adapte, se
réajuste, suivre les techniques et les normes, suivre les
volontés des consommateurs. Il faudrait mettre en place un label et
créer des richesses au niveau qualitatif.
X.A : Vers quelles régions exporte le
Sénégal ?
D. Coulibaly : A 60 % c'est vers l'Europe. Mais avec l'AGOA
(L'African Growth and Opportunity Act), on tente de diversifier, puis
vers la Chine, le Canada.
X.A : Et l'état investit ?
D. Coulibaly : Non, le libéralisme a ses limites ! Il
faut pourtant protéger car dans deux ou trois ans on n'aura plus rien.
Le Sénégal ne peut plus aujourd'hui obtenir de licences car c'est
surexploité ! Mais le secteur est sous contrôle, il est trop
important pour le pays, on est conforme aux lois et règlementations.
X.A : Le privé est sous contrôle ?
D. Coulibaly : Oui. Surtout le privé.
X.A : Et pensez-vous que la Chine investirait ces prochaines
années ?
D. Coulibaly : Non, pas pour l'instant vu les ressources. Si
c'est pour augmenter la capacité, la flotte ou pour moderniser les
usines, faire de la valeur ajoutée avec des techniques nouvelles, des
expertises, du knowledge (connaissance), oui.
X.A : J'ai entendu parler de trafics de devises avec les
marins chinois ?
D. Coulibaly : Oui sûrement !
X.A : Oui ?
D. Coulibaly : Sur les plages, quand il y a moins de volumes, il
y a des Chinois qui viennent dans les grands hôtels et achètent
plus du double du prix pour l'export avec l'agrément des pêcheurs
!
X.A : Avant de conclure, vous pouvez me parler des Chinois ?
Ils travaillent comment ?
D. Coulibaly : On peut dire qu'ils travaillent correctement.
Mais c'est difficile avec eux, ils sont liés au gouvernement donc la
concurrence est dure. D'ailleurs, quand il y a pénurie de poissons ici,
ils se font livrés ailleurs en Afrique.
X.A : Ils ont d'autres implantations...
D. Coulibaly : Oui, avant ils trichaient beaucoup mais maintenant
ça va.
X.A : Comment cela ?
D. Coulibaly : Ils allaient pêcher dans les zones
interdites...
X.A : Ils sont bien intégrés ?
D. Coulibaly : Non, ils sont très
réservés. Moi je n'ai jamais de contacts avec eux contrairement
aux Sénégalais (les Sénégalais possédant
51 % du capital de Sénégal Pêche). Ils sont un peu
bizarres. En plus ils sont subventionnés par l'état pour faire
rentrer les devises.
X.A : Oui beaucoup de gens que j 'ai rencontré
affirment cela, mais qui peut le prouver ?
D. Coulibaly : Pour le prouver c'est très difficile. Tout
ne revient pas au Sénégal, il y a toujours la possibilité
de faire circuler les devises. Mais comme tout n'est pas vendu ici c'est
difficile !
Fin de l'entretien
Présence
sénégalo-libanaise
? Samir Jarmache
Samir Jarmache reçoit chez lui. Je suis accompagné
de Jihane Raugemar, étudiante à Bordeaux III et préparant
son mémoire sur la population Libanaise au Sénégal.
J'ai effectué deux entretiens avec Samir Jarmache :
Premier entretien :
X.A : Pouvez-vous me parler de la population libanaise vivant
au Sénégal ? Ou plutôt de la population
libanosénégalaise ?
S. Jarmache : Oui car on ne distingue pas les deux ! Les Libanais
sont Sénégalais !
X.A : Pouvez-vous me rappeler leur histoire ?
S. Jarmache : La diaspora est à l'origine de la
misère à cause de l'Empire Ottoman. En 1914-1918, la France,
l'Allemagne et l'Angleterre repoussent l'Empire Ottoman. Des pays arabes
deviennent indépendants. La France va alors orienter intelligemment les
Libanais vers l'Afrique et donc le Sénégal. Les Libanais
croyaient aller rejoindre leurs parents aux Etats-Unis mais s'arrêtaient
en Afrique de l'Ouest.
X.A : Vos parents ont suivis le même parcours ?
S. Jarmache : Oui, c'est la première
génération, entre 1900 et 1960, il y a eut deux vagues. Mon
père est parti vers 1920 car il était orphelin. Il est venu seul.
Il est originaire du Nord du Liban.
X.A : Vous avez de la famille aux États-unis ?
S. Jarmache : Oui, mon oncle. Il est donc arrivé sur un
vieux rafiot ! Et il est débarqué vers Rufisque (Sud-Est de
Dakar).
X.A : Les migrants venaient seuls ou en famille ?
S. Jarmache : Ils étaient souvent célibataires. Ils
partaient pour les Amériques.
X.A : Et durant les guerres...
S. Jarmache : J'ai quitté le Liban pendant six ans, vers
1948.
X.A : Votre père donc...
S. Jarmache : Il voulait partir aux États-unis avec les
gens du village mais ils étaient trop fatigués. C'est la
première vague. Dans chaque village, dans la brousse, il y avait un
commerçant libanais, c'était les pionniers. Moi mon père
est resté à Dakar, j'ai donc pu aller à l'école
publique à Dakar.
X.A : C'est général aux migrants ce parcours
?
S. Jarmache : Oui, à 80 %, c'est le cursus familial
commun. De toute manière, on ne peut parler d'histoire sans
intégrer la question Libanaise. Même la Banque Mondiale en a
parlé !
X.A : Aujourd'hui, quelle est votre activité ?
S. Jarmache : J'ai deux magasins, plus une quincaillerie et une
droguerie.
X.A : Ah oui, vous êtes donc de la seconde
génération...
S. Jarmache : Oui, la troisième est partie aux USA, en
France et y reste. Mais elle reste attachée au Sénégal.
X.A : Concernant les Chinois vivant à Dakar ?
S. Jarmache : Oui, la Chine il y a vingt ans, c'était un
phénomène. De toute façon ici tous les Asiatiques sont
Chinois. Ils vivent comme des fourmis.
X.A : Que faisaient-ils lors de l'arrêt des relations,
pendant les relations sénégalo-taiwanaises ? S. Jarmache :
Ils construisaient les stades, les hôpitaux, les infrastructures quoi.
X.A : Financés par le gouvernement ?
S. Jarmache : Oui c'est la Chine qui paye. L'Europe n'a pas vu
que quand la Chine met son petit doigt ils s'investissent. Pour Taiwan,
ça leur a coûté des milliards, le Sénégal
sous Diouf, a tiré son épingle du jeu dans l'agriculture, les
infrastructures, la médecine. Il a exploité le clash. Mais quand
l'Europe a vu le péril jaune, c'était trop tard.
X.A : L'Afrique serait le nouvel eldorado Chinois ?
S. Jarmache : Oui c'est sûr ! L'Afrique c'est le continent
où la Chine va faire des miracles ! C'est un véritable ouragan
!
X.A : Vous connaissez l'histoire des migrants ?
S. Jarmache : Il y a maximum cinq ans, les Chinois ont
débarqué par familles entières. Mais au départ
c'est les Libanais qui sont partis en Chine avec les conteneurs. Comme
toujours, les Libanais sont les initiés, ils ont appris où et
comment partir aux Sénégalais, la filière et le chemin
à suivre. Le problème c'est que les Sénégalais sont
autorisés à frauder, pas les Libanais, ils se sont donc enrichis
de manière extravagante ! Du coup ils se plaignent aujourd'hui, mais ce
sont eux qui ont amené le loup dans la bergerie !
X.A : Et...
S. Jarmache : Le Chinois prend le pain de la bouche du
Sénégalais qui l'a lui-même pris de la bouche du Libanais
!
X.A : D'accord... Vous avez donc vu la tentative des
commerçants pour stopper les Chinois ? S. Jarmache : Oui,
j'étais au code du commerce ! C'est une concurrence déloyale.
X.A : Il y a de fortes disparités entre les Chinois et
les Libanais, dans le mode de vie...
S. Jarmache : Le Libanais veut un minimum de confort, les
Chinois non, ils s'en foutent, ils dorment entre eux, font la loi entre eux...
Ah oui, il faut que vous le sachiez pour votre mémoire, à
l'époque de la présidence Senghor, il a enlevé les
prérogatives aux Libanais, il a empêché les Libanais
d'acheter de l'arachide, donc ils n'avaient plus de raisons de rester en
brousse et sont revenus en ville pour l'instruction des enfants.
X.A : Il n'y a donc plus de Libanais en brousse ?
S. Jarmache : Non, nous sommes partout sur le territoire mais
en ville. En plus il y a eut des périodes de sécheresse donc les
jeunes sont partis. Mais c'est le génie Libanais, on s'adapte à
tout... Il y a même une diaspora bis qui est partie en Australie ! Vous
voyez ! En fait l'élément Libanais a toujours été
combattu ! Les Libanais musulmans ont été interdits d'aller
à la Mosquée, d'apprendre l'arabe dans les écoles pour
éviter l'assimilation mais on s'adapte !
X.A : Oui vous êtes maronite ?
S. Jarmache : Oui mais la majorité sont Chiites à
90 %.
X.A : Et les Sunnites ?
S. Jarmache : Très peu.
X.A : Et les druzes ?
S. Jarmache : Pareil.
X.A : Vous devez avoir beaucoup de liens avec les
Français ?
S. Jarmache : Oui mais il y a une différence ! Le
Français n'a jamais voulu apprendre le wolof, se mettre au niveau des
Sénégalais, le Libanais si. De toute façon,
derrière chaque grand homme africain il y a un Libanais ! Mais ça
ne se voit pas dans la politique interne car l'Etat est le plus mauvais payeur
!
X.A : La seconde génération s'est
diversifiée ? Elle n'est plus que commerçante ?
S. Jarmache : Oui, ils sont les leaders dans les
études, le commerce, l'industrie, le sport, la médecine... On a
une culture différente des Noirs. Par exemple, les Blanches
mariées aux Noirs repartent toujours un mois après le retour au
pays du mari !
X.A : Comment cela ?
S. Jarmache : C'est quand le mari revient dans son milieu naturel
!
X.A : Les Libanais sont donc bien intégrés
?
S. Jarmache : Oui c'est sûr mais c'est différent en
France ! Mon frère est professeur de droit à Bordeaux et
aujourd'hui il représente la France à l'étranger ! Ici on
n'a même pas le droit d'être planton !
X.A : Et la troisième génération se
sépare donc du pays ?!
S. Jarmache : Oui, elle vient ici comme les occidentaux, pour se
faire dorer !
X.A : Quelles sont les organisations libanaises ?
S. Jarmache : Il y en a deux principales : l'Alliance mais qui
est en stand-by. C'est la Mission Notre Dame du Liban, qui est une association
de bienfaisance.
X.A : Oui vous êtes le vice-président de
l'Alliance, qui est chrétienne ?
S. Jarmache : Oui, et le Cheikh pour les musulmans, mais il n'y a
pas de distinctions entres communautés religieuses, nous sommes tous
Libanais et Sénégalais !
X.A : J'ai entendu une histoire, vous pouvez me la confirmer
? C'est en 1992, 1993, le meurtre de la bonne...
S. Jarmache : Ah d'accord ! Oui, elle a été
tuée soi-disant par un Libanais, on a frôlé la catastrophe
à cette
époque !
X.A : Oui, il y a eut des manifestations anti-libanaises
?
S. Jarmache : Très peu, c'était une manifestation
peu hostile en fait...
X.A : Cette bonne (qui travaillait au domicile de Libanais),
qui l'a tuée ?
S. Jarmache : On a vérifié deux jours plus tard que
c'était des dealers ! Ce sont toujours les Libanais qui sont les
premiers à être visés ! Heureusement la France était
là pour nous protéger !
X.A : Pour revenir à l'Alliance, que fait t 'elle
précisément ?
S. Jarmache : C'est une association de la seconde
génération, créée par des intellectuels pour lutter
contre la non-intégration. Il y a aussi une association de docteurs.
X.A : Ils sont nombreux ?
S. Jarmache : Tous les docteurs ou presque sont libanais, ils
sont environ 150.
X.A : Combien sont commerçants à Dakar
?
S. Jarmache : C'est difficile à dire. Ils sont partout
mais très présents rue Diouf et Lamine Guèye. X.A : Et
les Chinois concurrencent...
S. Jarmache : Ils pénalisent le commerce, nous, on a des
clients depuis longtemps, qui demandent de la qualité. X.A : Oui, et
où achetez-vous ?
S. Jarmache : Je ne fais que recevoir...
X.A : De Chine ?
S. Jarmache : ...
X.A : Les Libanais achètent aux Chinois ?
S. Jarmache : Oui mais que les perles.
X.A : Que des perles ?
S. Jarmache : ...
X.A : Pourquoi les Sénégalais achètent
aux Libanais alors que les Chinois sont moins chers ? S. Jarmache : Je ne
sais pas...
Second entretien
X.A : Vous me parliez des commerçants
chinois...
S. Jarmache : Oui, et je préfère un Chinois
à un Américain !
X.A : Pourquoi ?
S. Jarmache : C'est leur logique, je ne les aime pas...
X.A : D'accord, donc les Chinois...
S. Jarmache : Oui, c'est l'Etat chinois qui subventionne. Ils
vendent les invendus ici. Il y a 5000 conteneurs qui attendent un marché
à Hong Kong.
X.A : Et que pensez-vous des relations
sino-sénégalaises ?
S. Jarmache : Ce sont des relations d'Etat à État,
on ne peut rien faire, si ce n'est plus intéressant, on partira
ailleurs, comme on l'a toujours fait !
X.A : Que faisiez-vous durant la grève
organisée par l 'UNACOIS ?
S. Jarmache : On était avec eux, on a fait grève en
baissant les rideaux. Mais l'accord avec Wade on ne l'a jamais vu de quoi il en
était.
X.A : Vous êtes donc opposés à Wade
?
S. Jarmache : Non, surtout pas, Wade c'est l'homme du
Sénégal...
X.A : Pour revenir à la communauté libanaise,
quel était le rôle de la France ?
S. Jarmache : Les Français pour diffuser leurs produits et
les produits alimentaires (vivriers et vivriers marchands) dans la
brousse déléguaient ces choses aux Libanais.
X.A : Et durant l'ère Senghor, vous n'aviez plus les
privilèges établis par les Français ?
S. Jarmache : Oui, on a été combattu par les
autochtones qui avaient certains privilèges, il y avait une loi qui
disait qu'on devait renier la nationalité libanaise pour opter pour la
nationalité sénégalaise. Bref, aujourd'hui, il y a plus
d'hommes d'affaires sénégalais même si on garde des
pouvoirs. Par exemple, les privilèges des Sénégalais leur
permettaient d'importer des produits finis. Mais grâce au génie,
à la ténacité Libanaise, on a une place importante, par
exemple de distributeurs.
X.A : Et avec les Chinois ?
S. Jarmache : Jusqu'à il y a dix ans, la Chine
exportait en Afrique et les Libanais y sont allé puis les Chinois ont
pris le relais. Les Libanais sont même installés en Chine,
à Taipeh, Hong Kong. Ce sont des relais entre les industriels Chinois et
les clients Africains.
X.A : Les Libanais sont relativement riches ?
S. Jarmache : Oui et non, il y a des familles qui vivent dans le
besoin et vivent de l'argent de la générosité. X.A :
Les Chinois exportent et importent au Sénégal des produits de
basse qualité...
S. Jarmache : Cà c'est sûr mais avec le temps ils
monteront d'un cran... Les Chinois sont partis pour conquérir l'Afrique
et rien ne pourra les arrêter ! Les Libanais eux veulent la paix.
X.A : Ils n'ont pas de stratégie ?
S. Jarmache : Non, il n'y a que l'insécurité qui
pourrait les faire partir.
X.A : Est-ce positif ou négatif alors cette
concurrence Chinoise ?
S. Jarmache : C'est bien fait pour eux si les Chinois prennent
tout, ils ont été racistes... Il n'y a aucun élu Blanc. On
leur en veut et on leur a dit à un moment. Moi je le dis à des
responsables. En tout cas la France a un grand rôle à jouer.
Même dans le cas des musulmans, en France on les dénigre, mais ici
80 % des intellectuels sont musulmans...
X.A : Tous les Libanais ne sont pas affectés par la
présence chinoise ?
S. Jarmache : Non, les industriels non. Eux gèrent tout.
Mais pour le commerce c'est la Chine. Ils achètent tous là-bas,
il y a un million d'articles.
X.A : Dans quels secteurs investissent-ils ?
S. Jarmache : Dans l'immobilier par exemple. Ici chacun à
sa maison.
Fin des entretiens.
? Commerçants Libanais
Un seul commerçant a daigné me répondre : il
est situé dans la rue Galandou Diouf.
X.A : Vous êtes de la seconde génération
?
Oui, mes parents sont restés en brousse.
X.A : Vous avez des enfants ?
Oui, une fille qui a fini ses études d'expert
comptable.
X.A : Que pensez-vous de la concurrence Chinoise ?
En fait elle touche surtout les Sénégalais, les
Libanais sont plus dans l'industrie. Moi je ne suis pas affecté en
tout cas.
X.A : Vous achetez des produits chinois ?
Oui, tout ce que vous voyez (chaussures et textile),
ça vient de Chine.
X.A : Que pensez-vous de l 'UNA COIS et de sa politique
?
Je suis à 100 % avec eux. Moi je suis optimiste !
X.A : Vous êtes musulman ?
Oui.
X.A : Chiite ?
Oui, comme 90 % des musulmans en Afrique !
X.A : Avez-vous de la famille au Liban ?
Oui j'ai deux frères.
X.A : Et ici...
Ici, j'ai par exemple mon beau-frère qui construit un
hôtel place de l'Indépendance, vous voyez... X.A : Oui. Le
Liban est dangereux en ce moment, que pensez-vous de cette guerre ?
Je suis contre, même si on est resté ici, on suit
ça de très près.
X.A : Est-ce difficile de faire des affaires au
Sénégal ?
Non, pas plus qu'ailleurs, c'est dans les pays à risques
qu'on gagne de l'argent !
X.A : Vous vendez principalement en gros ?
Oui, tous les Libanais
X.A : Que pensez-vous des Chinois ?
.Ils ne sont pas bénéfiques au
Sénégal, ils n'apportent rien...
X.A : A votre avis, qui paye le mieux ses employés
Sénégalais ?
Moi je les paye 100000 francs (150 € par mois),
plus la nourriture, le transport, car on travaille ensemble, on est de la
même famille ! Les Chinois eux les paye 40000 francs maximum (60
€).
X.A : A quel montant se trouve le minimum de salaire
?
A 55000 (83 €). Vous savez, les
Sénégalais ont trois ou quatre femmes, donc il faut des revenus
annexes... X.A : Vous voulez parler de l'informel ?
Oui de la corruption quoi, c'est un système
installé par les colons... Mais ce n'est pas plus corrompu qu'en Europe,
en France, ici c'est pour vivre ! C'est le système capitaliste ! On
dédouane en Espagne, en Italie, il y a des Sénégalais qui
vivent ici mais travaillent là-bas : on n'est même pas
obligé de passer par des douanes formelles ! On achète les
douaniers qui amènent les marchandises jusqu'à chez nous !
X.A : C'est plus rentable ?
C'est plus rapide surtout ! Il faut un mois pour dédouaner
et faire entrer le conteneur, par voie informelle c'est une journée !
Fin de l'entretien, il devait travailler.
Séminaire de Niar,am du 3 et 4 février
2007
Ce séminaire organisé par Marie Gaborit et dont
l'objet est « la Chine et le Sénégal, entre discours
officiels optimistes et réalités complexes, comment les chinois
étendent-ils leurs présence sur le sol sénégalais
et quelles peuvent en être les conséquences pour le pays ? ».
Il accueillit Marie Gaborit donc, son père Jean- Pierre, Éric
Hazard (à l'ONG Enda Tiers Monde), Babacar Fael et Waël Haidar
(employés à Batiplus, société de BTP),
Nazrine (amie et future femme de Waël), Yann (retraité, il
travaillait avec l'UNESCO à Dakar), Carla (fille de Yann et
ayant vécu trente années au Soudan) et moi-même.
Il permit d'échanger les idées,
représentations, effets positifs et négatifs de la
présence Chinoise au Sénégal et en Afrique.
Les principaux thèmes abordés furent la
présence chinoise au Sénégal, la présence libanaise
(Deuxième partie, chapitre II et point 1), l'historique de
Sénégal Pêche et Armement (Première partie,
chapitre I, point 2).
3. Presse et citations
Page 10
« Conformément aux intérêts et aux
aspirations des peuples chinois et sénégalais, la
République Populaire de Chine et la République du
Sénégal ont décidé de rétablir leurs
relations diplomatiques au niveau d'ambassadeurs à partir du 25 octobre
2005.
La République Populaire de Chine et la
République du Sénégal sont convenues d'échanger de
nouveau des ambassadeurs et de s'accorder, sur la base de la
réciprocité, des facilités pour le fonctionnement de leurs
ambassades respectives.
Le Gouvernement de la République Populaire de Chine
soutient le Gouvernement de la République du Sénégal dans
ses efforts déployés pour la sauvegarde de la souveraineté
d'État et le développement de l'économie nationale. Le
Gouvernement de la République du Sénégal reconnaît
qu'il n'y a qu'une Chine dans le monde, que le Gouvernement de la
République Populaire de Chine est l'unique gouvernement légal
représentant toute la Chine et que Taiwan fait partie intégrante
du territoire chinois. Le Gouvernement de la République Populaire de
Chine apprécie cette position du Gouvernement de la République du
Sénégal.
Après la cérémonie de signature, les
Ministres des Affaires étrangères des deux pays ont eu un
entretien officiel au cours duquel ils ont procédé à un
échange de vues approfondi sur les relations bilatérales et les
questions d'intérêt commun et sont parvenus à une large
identité de vues. ».
Xinhua du 25 octobre 2005.
Page 17
Le centre agricole de Sangalkam. Les agronomes chinois ont
remplacés ceux originaires de Taiwan. Voici leur témoignage :
« en quittant ce lieu, nos prédécesseurs ont presque tout
emporté : des machines, des ustensiles, des outils... Les pompes
à eau ont été bradées et des installations
sapées. A notre arrivée en novembre 2006, nous avons
trouvé les locaux complètement vides comme une coque d'ceuf
cassée déplore le chef de l'équipe d'agronomes chinois,
Yang Tingming, 58 ans [...] et ce n'est pas tout, les champs étaient
envahis par les herbes folles, si bien que rien n'y pousse sans un
aménagement de fond en comble ». L'article ajoute, « planter
25 espèces de légumes comme par exemple les choux, les haricots,
les aubergines, les concombres, les tomates, les ciboulettes [...] ont
déjà organisé trois séances de formation technique
à l'intention des cultivateurs locaux [...] en outre, sachant que
beaucoup de personnes sont analphabètes, ils ont conçu un plan de
formation plus direct et plus facile à suivre, sous l'appellation «
de bouche à oreille et de main en main » [...] très
prochainement, l'équipe chinoise va se scinder en deux groupes de cinq
membres chacun, l'un toujours à Sangalkam et l'autre à Podor
(nord) pour se livrer à la riziculture avec les habitants riverains du
fleuve Sénégal. ».
Le Quotidien du 22 octobre 2004.
Page 18
« Combien sont les Africains qui connaissent le nom de
Zhenxing Wei ? Il mérite d'être célébré
partout dans le monde, et davantage sur un continent où un enfant meurt
du paludisme toutes les trente secondes. Décédé le 7
septembre 1999 dans la ville de Jinan où il servait à l'Institut
de Recherche de Shandon, Wei était un professeur de médecine
traditionnelle chinoise. C'est lui qui, à partir des années 1960,
a mené une enquête sur les propriétés de
réduction de la fièvre par l'artémisine. Depuis deux mille
ans, les Chinois utilisent la plante médicinale dont elle provient pour
lutter contre la fièvre et le paludisme. Ils l'appellent qinghaosu, une
armoire dans leur langue. C'est en 1972 que des chimistes chinois ont
isolé la substance responsable de son action thérapeutique.
Depuis lors, son efficacité a franchi les frontières. Personne ne
doute désormais que l'artémisine peut éliminer, en moins
de trois jours, le virus et la fièvre causés par le paludisme. Il
s'agit d'un médicament qui peut même sauver la vie de ceux qui
contractent la version la plus dangereuse, cérébrale, de la
maladie. Sa découverte a évité la mort à des
centaines de milliers de personnes. Cela mérite d'être
souligné au moment précis où les remèdes
utilisés en Afrique pendant des décennies, comme la chloroquine,
la quinine ou le fansidar, ont commencé à perdre leur
efficacité d'antan à cause de la résistance
développée par le virus. Aucun autre médicament n'offre,
à ce jour, un aussi grand espoir que l'artémisine, mais il n'est
que l'un des nombreux traitements que révèlent les
résultats obtenus par des siècles de médecine
traditionnelle chinoise »
Gaye, Adama, Chine-Afrique : Le dragon et l'autruche - Essai
d'analyse de l'évolution contrastée des relations sinoafricaines
: sainte ou impie alliance du XXIème siècle ?, L'Harmattan,
juillet 2006, Paris, pp. 9 et 10.
Page 39
« Cinq pays Ouest-Africains s'organisent pour la
défense de leurs ressources halieutiques : réunis à Dakar,
les ministres chargés de la pêche du Sénégal, de la
Mauritanie, du Cap-Vert, de la Gambie et de la Guinée Bissau ont
proposé la création d'un comité de concertation
doté d'un secrétariat permanent pour la défense de leurs
richesses halieutiques dans les domaines de la détection, de la
poursuite, et de la répression des navires délinquants dans les
eaux relevant de la juridiction nationale des Etats de la sous-région.
Par ailleurs, la Conférence a recommandé qu'une attention
particulière soit portée à la promotion de la pêche
artisanale et à la création de flottes et d'industries locales
concernant la pêche ».
Car Adrien Senghor, ministre sénégalais du
développement rural dit : « il s'agit d'imposer un respect strict
de la souveraineté de chaque État face au pillage des ressources
maritimes par des pays industrialisés de l'Est comme de l'Ouest
dotés de flottes sophistiquées ».
M. Senghor fait ici allusion au Japon et à la
Corée, mais la Chine continentale est directement visée car
intéressée par les ressources halieutiques.
La Documentation Africaine, du 26 octobre 1976
Page 40
« Pilier important de l'économie du
Sénégal en termes d'entrées de devises, le secteur de la
pêche ploie aujourd'hui sous des difficultés sans
précédent. Pourvoyeur d'emplois, avec en moyenne plus de 500 000
actifs, 12% du Pib du secteur primaire et 2,5% du Pib total, la pêche
traverse une zone de tempête qui oblige les industriels à mettre
la clé sous le paillasson. Senemer, Africamer, Sochechal, Interco, entre
autres entreprises de pêche, ont fini de se noyer dans les eaux troubles
d'une gestion gabégique dépourvue de tout système de
contrôle [...] de 2000 à nos jours, pas moins d'une dizaine
d'entreprises ont fermé boutique. [...] Africamer a contraint ses 2 500
employés au chômage [...] et la liste est longue pour un secteur
occupé à 80% par les femmes. Une catastrophe sociale
causée par une combinaison de plusieurs facteurs, notamment la gestion
opaque et laxiste de certains chefs d'entreprise, mus par leur cupidité
au détriment de l'intérêt de leur société.
[...] Africamer, naguère une référence dans le secteur de
la pêche, a perdu son lustre d'antan. L'entreprise dirigée pendant
longtemps par l'actuel ministre des Sports, El Hadji Daouda Faye, agonise
aujourd'hui si elle n'a pas fini de tirer sa révérence. La
société se débat dans une situation chaotique. Plus de
2500 employés désormais occupés à raser les murs.
Des pères et mères de familles en détresse. Leurs enfants
exclus du système scolaire pour non-paiement, sans oublier les centaines
de foyers détruits. Les permanents sont restés 13 mois sans
salaires. Les journaliers pour leur part, n'ont pas vu la couleur de leur
argent depuis plus de 15 semaines. Ils accusent leur directeur d'être
responsable de la faillite de l'entreprise »
L'Observateur du 17 mai 2006
Page 41
« Le poisson et les produits halieutiques frais
constituent le produit d'exportation le plus important et le plus
précieux du Sénégal. Le revenu annuel total
dégagé par l'exportation des produits marins
s'élève à environ 165 milliards de Franc CFA, soit 28 pour
cent de la valeur des exportations nationales. Son importance sociale et
économique est donc considérable. Or, compte tenu des risques
réels de surexploitation, le secteur des pêches est
vulnérable. Les pêcheurs artisanaux se plaignent de la diminution
des captures, un phénomène imputable, selon eux, aux accords de
pêche et aussi, aux bateaux de nationalité asiatique. Cela
crée des tensions entre navires de pêche industrielle et
pêcheurs artisanaux (en pirogues). Depuis une dizaine d'années, le
gouvernement sénégalais s'efforce de contrôler davantage le
secteur des pêches, mais la définition et la mise en place d'une
politique nationale claire, voire durable reste à définir. En
raison de ce manque de vision et des opportunités d'affaires à
court terme que représentaient les ressources halieutiques
sénégalaises, les entreprises sénégalo-chinoise
« Sénégal Pêche » et « Sénégal
Armement » ont prospéré, en dépit de la rupture des
relations diplomatiques entre les deux pays. La société «
Sénégal Armement » a été créée
en 1987, lorsque les opérateurs de la « China National Fish
Cooperation » ont immatriculé leurs chalutiers en territoire
sénégalais, par le biais d'un partenaire local. L'objectif de la
société chinoise était ainsi d'élargir sa zone
d'intervention pour garantir l'approvisionnement de ses marchés, mais
aussi, possiblement, pour accroître l'utilisation d'une flotte
surdimensionnée pour les eaux territoriales chinoises. Cependant, en
raison de la du déclin des ressources
marines du Sénégal et de la hausse des prix du
pétrole, seuls 12 des 30 chalutiers initialement en activité sont
encore utilisés à ce jour. « Sénégal
Pêche » est une usine de transformation de poisson qui exporte
principalement ses produits vers l'Europe, et dans une moindre mesure vers
l'Asie, où son principal client est le Japon. Le poisson provient de
plusieurs source : les prises effectuées par les chalutiers de
Sénégal Armement représentent environ 40 pour cent du
total, le secteur artisanal et les mareyeurs des aires locales de
débarquement de pêche environ 10 pour cent. En outre, 50 pour cent
des produits sont fournis par les chalutiers de la CIFC, qui pêchent en
Afrique de l'Ouest sous pavillons chinois et de complaisance nationaux, et
débarquent leurs captures à Dakar. En 2003, les produits
halieutiques représentaient 67 pour cent des exportations globales (en
valeur) du Sénégal vers la Chine. Toutefois, l'Asie ne
représentait en 2003 que tout juste 7 % des volumes d'exportations
sénégalaises de poisson contre 52 % pour l'Europe. La même
année, en termes de valeur des exportations, l'Asie représentait
10 % (comparé à 81 % pour l'Europe). Le marché asiatique
s'intéresse notamment aux ailerons de requins, aux céphalopodes
et aux mollusques. Cependant, le marché chinois est important pour
« Sénégal Pêche » puisque la
quasi-totalité des produits halieutiques de Sénégal
Pêche y trouvent des acquéreurs. Compte tenu des problèmes
de surexploitation des ressources halieutiques sénégalaises, des
controverses qui entourent l'activité des opérateurs chinois dans
les eaux sénégalaises et de la pression exercée sur le
gouvernement pour qu'il résolve ce problème, il semble que les
entreprises chinoises de pêche devront s'entendre avec les
autorités et les pêcheurs locaux pour adapter leurs
activités et faire preuve de davantage de transparence. ».
Direction de la Protection et de la Surveillance des
Pêches
Page 46
« Quel secteur d'activité au Sénégal
échappe à la contrefaçon ? question facile, réponse
sèche : aucun ! Tant pour les marques étrangères que les
nationales, le fléau s'étend à tous les secteurs, de la
maroquinerie en passant par les oeuvres artistiques, l'horlogerie, la
lunetterie, la parfumerie, les cosmétiques, l'électronique, la
maroquinerie, les produits d'hygiène, mais aussi le petit
matériel électrique, les articles de bricolage, la serrurerie, la
robinetterie, la papeterie et surtout les médicaments, sont l'objet d'un
marché parallèle qui s'approvisionne essentiellement en Chine
[...] mais il est un secteur comme le textile, inscrit comme une
priorité gouvernementale dans la fameuse Stratégie de croissance
accélérée (Sca) et dont l'impact désastreux de la
contrefaçon sur la situation de l'industrie locale est palpable. Une
industrie locale qui, déjà confrontée a sa faible
compétitivité en raison du coût élevé des
facteurs de production, la vétusté des unités (devenues
rares), la volatilité du cours mondial du coton, les difficultés
d'approvisionnement en matières premières, a du mal à
survivre face à la concurrence de la friperie et des tissus
étrangers - asiatiques en particulier - et l'importance de la fraude qui
signe le déclin malheureux du secteur. ».
Que préconise le gouvernement ? « Le directeur de
l'Industrie prônait il y a quelques jours, entre autres mesures, «
l'instauration du port obligatoire de l'uniforme dans les écoles,
doublé d'une suspension de l'importation de la friperie » qui est
pour lui « le réceptacle de toutes les pratiques (fraude,
contrefaçon, contrebande...) », afin de doper le secteur du textile
et de la confection. Mesures pertinentes qui reviendraient à
rétablir l'équilibre voire à garantir, ipso facto, par des
actions énergiques et sans complaisance, la survie d'une industrie
locale très mal en point, d'une filière malade et d'un
marché sénégalais du textile bien fripé par une
concurrence... contrefaite.
Sud Quotidien du 19 mars 2007
Page 48
« Les secteurs économiques les plus touchés
par cette concurrence chinoise sont le textile et
l'électroménager. D'après l'un des grossistes libanais
dakarois, « depuis trois ans, les tissus chinois inondent le
marché. Ils ont imité le tissu nigérian, "Angel",
reprenant la marque et apposant le logo "garantie wax de qualité" alors
qu'il n'y a aucun contrôle et que le tissu est très fin, de
qualité médiocre. Le wax Sotiba [usine locale] se vend à
8500 francs CFA le yard alors que le Chinois se vend 7000 francs CFA [...] Tous
les magasins maintenant sont obligés de vendre du tissu chinois car
c'est ce qui intéresse le client qui a de moins en moins d'argent
». Il semblerait même que les représentants commerciaux de
Sotiba soient conduits à racheter eux-mêmes des tissus
fabriqués en Chine alors que leur propre usine implantée dans la
région dakaroise périclite. Comme partout en Afrique, depuis
l'essor de la friperie et aujourd'hui en lien avec la concurrence chinoise,
l'industrie textile décline notablement au Sénégal en
dépit des multiples restructurations. L'usine Sotexka à Kaolack a
fermé ses portes alors que celle de Thiès (FTT) était
reprise par la Nouvelle Société Textile
Sénégalaise. Mais cette dernière a dû arrêter
la production de pagnes africains en 2005, ne pouvant rivaliser avec les tarifs
proposés par les fabricants chinois. Premier fournisseur de tee-shirts
du pays, elle connaît également des difficultés croissantes
sur ce créneau. Les fripiers qui, depuis quelques années, avaient
porté un
coup sérieux aux vendeurs de wax et couturiers,
à mesure que se dégradait le pouvoir d'achat des consommateurs,
sont eux-mêmes concurrencés par les commerçants chinois
écoulant des vêtements neufs à des prix inférieurs.
« Pour 1 000 francs CFA, tu peux avoir un short et un tee-shirt pour la
fête de la Tabaski pour ton enfant, ce n'est même pas le prix d'un
ensemble à la friperie. Mais dans le futur, c'est dangereux pour celui
qui nourrit sa famille car c'est un trou, tu dois remplacer souvent, c'est pas
la bonne qualité. »
Bredeloup, Sylvie, Bertoncello, Brigitte, La migration
chinoise en Afrique : accélérateur du développement ou
« sanglot de l'homme noir » ? », Afrique contemporaine,
N° 218, Février 2006, pp.199 à 224.
Page 49
« C'était un cadre de vie idéal. Il
était bâti sur le modèle des logements sociaux qui, alors,
poussaient comme des champignons dans la capitale sénégalaise.
Refuge de rêve et de retraite, l'endroit présentait l'avantage
d'offrir un habitat accessible en termes de coûts, sans oublier la cerise
sur le gâteau, qui le rendait encore plus attractif, à savoir sa
proximité avec le centre-ville qui permettait d'éviter le
piège des nombreux embouteillages qui, déjà,
transformaient souvent la capitale sénégalaise en un
véritable enfer. [...] Mais brusquement, tout a changé avec la
rapidité d'un éclair que personne ou presque n'a vu venir. Comme
un tsunami humain, des hommes et des femmes aux yeux bridés, cheveux ras
et noirs, aussi discrets que redoutablement efficaces, tels des félins,
sont arrivés. Pour se faire une place aux côtés des
autochtones, ils n'ont pas hésité à les bousculer, en
louant au prix fort la plupart des maisons du quartier [...] leurs maisons
furent reconfigurées pour faire place à des échoppes
chinoises, mais aussi pour permettre aux nouveaux venus de se loger dans les
arrière-cours. Du jour au lendemain, un nouveau « Chinatown »
tropical voyait le jour.
Gaye, Adama, Chine-Afrique : Le dragon et l'autruche - Essai
d'analyse de l'évolution contrastée des relations sinoafricaines
: sainte ou impie alliance du XXIème siècle ?, L'Harmattan,
juillet 2006, Paris, pp. 25 et 26.
Page 56
« S'il est facile pour les vendeurs ambulants et autres
rabatteurs de dénicher les lieux où ils peuvent s'approvisionner
à moindre frais en jouets et autres gadgets, il reste que le fait de les
écouler relève d'un véritable tour de force. En effet,
désengorgement du centre-ville oblige, les commerçants ont
été chassés du rond-point Petersen, le lieu où la
plupart d'entre eux avaient l'habitude d'exercer. D'où la colère
de Ibra Sall, porte parole des commerçants ambulants du rond-point
Petersen, qui tempête: « pourtant, nous travaillons ici pour gagner
notre pain quotidien et voila que cette mesure nous réduit tous au
chômage ». Interrogé, ce responsable de la ville de Dakar
justifie la mesure de déguerpissement par le fait par que « la
situation de Petersen était insoutenable, la circulation était
bloquée, car les commerçant avaient pris possession de la
chaussée et du carrefour ». Les éternelles
courses-poursuites entre forces de l'ordre et commerçants ambulants,
dopés par la flopée de produits à bon marché des
Chinois, sont loin de s'estomper... »
APS du 29 décembre 2004.
Page 58
« Les Chinois ont été frustrés de la
façon dont ils ont été traités dans le
marché de la construction de l'aéroport de Diass [...] le
consortium Zakhem/Etat chinois n'a pas été retenu. Alors qu'il
était sorti premier devant le groupe saoudien Ben Laden [...] sorti en
tête de l'appel d'offres non seulement grâce à la
viabilité technique de son offre, mais aussi puisqu'il est moins disant
de près de 100 millions de dollars, soit 55 milliards de francs environ
[...] il s'y ajoute que le consortium avait déjà mis sur la table
quelque 180 millions de dollars [près de 100 milliards de francs]
correspondant au financement de 90 % du projet [...] il apparaît
désormais que cet appel d'offres a été conduit en totale
illégalité. Lequel appel d'offre rappellerait certaines pratiques
déjà en exergue lors de chantiers [...] des commissions de
près de 20 milliards de francs ont été prévues dans
le cadre de ce marché [...] l'homme d'affaires, Pierre Aïm, serait
impliqué dans ce dossier. Celui-là même qui avait
touché une commission dans le cadre des fonds taïwanais » (cf
Chapitre II de la Troisième partie).
Wal Fadjri du 2 janvier 2007.
Page 61
« Partout ailleurs, à Pékin, Shanghai,
Shenzhen, où le « miracle chinois » est en marche, ils sont
des millions - plus de 100, selon les statistiques officielles, 140
d'après Human Rights in China [...] à avoir pris, comme Xiang
Long, le chemin des villes. Ce phénomène migratoire,
consécutif à la politique d'ouverture et de réformes
initiée par Deng Xiaoping au début des années 80, est
aujourd'hui l'un des piliers de la croissance chinoise. Entassés
à la périphérie des villes, les mingong forment un
gigantesque réservoir de main d'oeuvre taillable et corvéable
à merci. Ils représentent 80 % des ouvriers dans le
bâtiment et les travaux publics et occupent près de 70 % des
emplois non qualifiés dans le secteur de l'électronique. Ces
émigrés sans bagages, fuyant la misère des campagnes et
attirés par les lumières de la ville, ne
bénéficient d'aucune protection sociale. Ils sont en effet
considérés par l'administration comme des ouvriers clandestins,
ayant quitté leurs villages sans y avoir été
autorisés. Ils sont les dernières victimes du régime
d'assignation à résidence mis en place sous Mao pour
maîtriser les flux migratoires internes. Bien qu'assoupli, ce
système de domiciliation obligatoire, attestée par un certificat,
le hukou [...] perdure et continue à diviser la Chine, entre villes et
campagnes, faisant de l'ensemble des travailleurs migrants des sans-papiers de
l'intérieur. ».
Alternatives économiques N° 252 de novembre
2006.
Page 72
« Les ressortissants de cette région
essentiellement agricole, grande productrice de tabac, vivent dans des
conditions misérables d'autant que le froid y sévit une bonne
partie de l'année. L'exode en ville constitue souvent leur seul salut.
Ils font partie de ces « migrants ruraux » qui, dans les
années 1980, en pleine « décollectivatisation » des
campagnes, ont afflué de manière temporaire dans les bourgs
voisins où une industrialisation des campagnes a été
lancée par le gouvernement [...] migrants les moins démunis
s'appuient sur les réseaux en place pour envisager une migration
internationale. ».
Bredeloup, Sylvie, Bertoncello, Brigitte, La migration
chinoise en Afrique : accélérateur du développement ou
« sanglot de l'homme noir » ? », Afrique contemporaine,
N° 218, Février 2006, pp.199 à 224.
Page 83
« Je suis très content des nouvelles relations
entre la Chine et le Sénégal » a déclaré dans
un français approximatif, Gao Feng, commerçant arrivé
à Dakar il y a six mois [...] avant, se souvient-il, « tout
était difficile. J'espère avoir une carte de séjour avec
la réouverture de l'ambassade de Chine populaire à Dakar ; c'est
bon », s'est exclamé de son côté, Hui Dong
installé à Dakar depuis quatre ans pour étudier le
français. Il estime que cette nouvelle donne favorisera les
échanges universitaires entre les deux pays, « il était
très difficile pour nous de venir étudier ici », se souvient
Hui Dong ajoutant que beaucoup d'étudiants chinois aimeraient venir
apprendre le français au Sénégal. « Mais avec toutes
les difficultés pour avoir les papiers, ils abandonnent »,
déplore-il qu'avec la reprise prochaine des activités d'une
ambassade, les choses vont changer ; Pour Feng Wei, la reprise des relations
vient atténuer le « calvaire » que vivent, selon lui, les
Chinois au Sénégal. « Notre prochain ambassadeur au
Sénégal va coopérer avec la police pour nous
sécuriser ici », espère-t-il. Il souligne que ce nouvel
accord va améliorer les relations commerciales entre les deux peuples
». Côté Sénégalais : « Nous ne sommes pas
contre les Chinois, mais ce sont leur façon de faire que nous n'aimons
pas », déclare-t-il ajoutant qu'en plus « leurs produits ne
sont pas bons et c'est la raison pour laquelle ils vendent à 100 francs
CFA ce qui doit coûter 500 francs ». Saliou Séne, un
autre commerçant, ajoute : « le rétablissement des relations
est une bonne chose, c'est dans notre intérêt mais, les chinois
doivent partir parce que ce qu'ils vendent n'est de la bonne qualité.
Depuis qu'ils [les commerçants chinois] sont arrivés, tu peux
rester une journée entière sans rien vendre et tu es
obligé de payer les taxes » a-t-il déploré estimant
que le gouvernement a tardé à rétablir les relations avec
la Chine populaire. « On attend la suite », indique un vendeur
d'appareils électroniques, membre de l'Union nationale des
commerçants et industriels du Sénégal (UNACOIS),
organisation ayant toujours dénoncé la concurrence
déloyale des Chinois. « La Chine populaire nous arrange le plus. Le
commerce mondial se fait aujourd'hui en Chine. Et nous avions d'énormes
problèmes pour obtenir des visas » a ajouté le
commerçant sous le couvert de l'anonymat. « J'ai un visa de Chine
mais à chaque fois que je quitte une ville pour une autre, au cours de
mes voyages en Chine, je rencontre beaucoup de problèmes. Il nous faut
aller jusqu'à Paris où Dubaï pour le visa », raconte-il
espérant qu'avec l'accord signé mardi à Pékin, ce
sera plus facile et moins cher. La gérante d'un magasin de porcelaine
à Sandaga, le grand marché du centre-ville de Dakar estime que si
c'est simplement pour avoir une place de permanent au conseil de
sécurité de l'Organisation des Nations unies (ONU) que le
Sénégal à fait ça, ça ne vaut pas le
coût. « On a laissé les Taïwanais investir des milliards
dans le pays et subitement on rompt avec eux, c'est de la
malhonnêteté » a-t- elle déploré en se posant
des questions sur ce que le Sénégal va chercher dans la jungle
qu'est l'ONU où seuls les riches commandent. Abondant dans le même
sens, Xian Li Lang alias Singua, s'est dit « très contente en
espérant beaucoup plus de sécurité et moins de
problème dans les affaires. Le rétablissement des relations entre
la Chine et le Sénégal va permettre aux Chinois de mieux
connaître le Sénégal », pense M. Wei relevant que
mardi, des amis l'ont appelé de Chine pour en savoir plus sur le
Sénégal ».
APS
Page 88
« Les conditions d'établissement des
commerçants chinois sont obscures aux yeux du candidat de la coalition
Alternative 2007. Et ce chef de file de ce regroupement politique veut
connaître, d'une manière claire, les conditions dans lesquelles
les commerçants chinois sont établis au Sénégal
[...] lors de sa visite aux membres de l'Union nationale des commerçants
et industriels du Sénégal (Unacois). « Dans quelles
conditions, les commerçants chinois sont installés au
Sénégal ? Est-ce un accord international avec le président
de la République populaire de Chine... ? », s'est-il demandé
sur un accent comique. [...] « Si nous arrivons au pouvoir par la
grâce de Dieu, il n'y aura pas de chasse aux sorcières. Je ne les
chasserai pas. Mais je vais quand même revoir leur affaire » a-t-il
promis aux commerçants. [...] « Le commerçant
sénégalais qui achète, par exemple, des chaussures
à l'étranger, paye beaucoup d'argent durant toutes les
étapes de la marchandise. Une fois la marchandise arrivée dans
son magasin, il n'arrive pas à vendre la paire de chaussure à
3000 francs parce que le Chinois vend à côté le même
produit à 1000 francs. Çà ce n'est pas normal. C'est
ça qui est à l'origine de la faillite du commerce
sénégalais »
Wal Fadjri du 23 février 2007.
Page 90
« Les chinois sont en Europe, aux États-Unis et
partout dans le monde, mais nous respectons toujours les lois et
règlements des pays qui nous accueillent (Liu Hongugun établi au
niveau de la rue Amadou Assane Ndoye x rue Jean Jaurès et
spécialisé dans les chaussures) » [...] exerçant
auparavant au Togo et au Ghana, il explique le choix de s'installer finalement
au Sénégal par l'ouverture et la stabilité politique du
pays, « nous sommes prêt à redoubler d'effort pour
mériter la confiance du peuple sénégalais et nous nous
battrons pour le développement de l'économie du pays [...] nous
achetons directement nos marchandises en Chine et nous les acheminons au
Sénégal à l'aide de containers, pour ensuite les revendre
a des prix très bas. Nous préférons avoir 200 voire 300
francs de bénéfice sur chaque produit vendu et l'écouler
rapidement que de le garder dans nos cartons » [...] on veut travailler
sainement avec tout le monde ». Selon Lui, plusieurs commerçants
membres de l'UNACOIS viennent s'approvisionner en articles chez eux pour les
revendre ensuite sur le marché. Il a confié s'étonner donc
d'entendre les mêmes personnes demander qu'on les expulse du
Sénégal. Pour sa part, Jin Hongxin, établi depuis 6 ans au
Sénégal, affirme sans ambages que tous les commerçants
chinois installés à Dakar sont en règle et ne font pas de
concurrence déloyale aux Sénégalais. Pour lui, les
marchandises proposées sont très conformes à la bourse des
sénégalais pauvres, car la situation de plusieurs familles est
très difficile. « C'est pourquoi nous faisons venir de Chine des
chaussures, des vêtements, des jouets, des sacs pour écoliers et
tout ce dont les familles sans moyens ont besoin pour le leur proposer à
des prix très abordables. Nous n'avons pas le même problème
que les commerçants sénégalais qui achètent leurs
produits à Dubaï et qui viennent les revendre au
Sénégal. Ils y cherchent de gros bénéfices, ce qui
n'est pas notre cas », ajoute Jin. Il a également souligné
qu'avec l'installation des commerçants chinois au Sénégal,
les Sénégalais sans emplois ont pu trouver un créneau, en
achetant et revendant des produits chinois, tirant quelques
bénéfices de leur petit commerce. « Avec un capital de 5
à 10.000 francs CFA, ces jeunes sénégalais se retrouvent,
au finish, avec des dizaines de milliers de francs », souligne Jin qui
ajoute que « les propriétaires sénégalais de magasins
loués par les Chinois bénéficient de leur installation
dans le pays, en plus des taxes reversés à l'Etat
sénégalais ». Le doyen des commerçants chinois au
Sénégal, Shen Wenqi établi à la rue Faidherbe x
Petersen, ne cache pas son amertume concernant la réaction de certains
commerçants sénégalais, mais se dit très
réconforté par la réaction des autorités et des
populations. « Pour nous chinois, le peuple sénégalais fait
partie des peuple les plus ouverts au monde et je suis fier d'être ici
», clame-t-il. Il déplore cependant le fait que ses compatriotes ne
sont pas bien organisés, chacun étant occupé à ses
affaires. « Aujourd'hui, nous travaillons à les regrouper et
à essayer d'avoir la solidarité de tous les chinois
installés au Sénégal et à partir de cette base,
intégrer les coutumes et règles de vie du pays qui nous accueille
», indique Shen qui gère une usine en chine soulignant que le
Sénégal a besoin de se développer, estimant que «
l'apport des Chinois sera bénéfique à l'économie du
pays. Dans un contexte de pauvreté très avancée, il faut
des mécanismes pour faire de sorte que chacun puisse trouver ce qu'il
veut et selon sa bourse. Nous Chinois sommes conscients de cela et nous faisons
venir au Sénégal des marchandises qui s'adaptent aux besoins des
populations », dit-il. « Nous ne sommes pas là pour dicter
notre loi et aujourd'hui nous essayons de trouver un lieu idéal pour y
faire notre commerce, comme au centre commercial El hadji Maodo Sylla (de la
grande mosquée de Dakar), où nos compatriotes s'installent petit
à petit », assure Shen. Il a ajouté que lui et ses
compatriotes s'installeront là où les autorités voudront
et confié que l'idée d'un grand centre d'achat chinois est en
vue. « Nous essayons de nous organiser pour la réalisation d'un
grand china-town à Dakar ». D'autres commerçants comme Bao
Jia Sen et Ding déplorent, eux, la barrière de la langue qui
empêche la communication entre Chinois et Sénégalais.
« Nous essayons d'apprendre le français et le wolof. En plus, nous
prenons avec nous un à deux employés qui sont
sénégalais et qui servent d'intermédiaire », souligne
cependant Ding ».
APS du 5 septembre 2004
Page 97
« Leur histoire semble toujours commencer de la
même façon : en quête d'une vie meilleure, leurs aïeux,
parents ou grands-parents, ont quitté le pays d'origine pour aller
vivre, dans les pays d'accueil, l'hospitalité des habitants autant que
des débuts difficiles, la misère, parfois la guerre, et enfin la
fortune et la gloire. L'histoire des Libanais d'Afrique est souvent ainsi
faite. Selon les sources, ils seraient sur ce continent entre 250 000 et 300
000 : de 50 000 à 80 000 en Côte d'Ivoire, 30 000 au
Sénégal, 25 000 au Nigeria, moins de 10 000 en Sierra Leone, au
Ghana, au Gabon... De confessions diverses, chrétiens maronites,
musulmans sunnites et essentiellement chiites [...] une première vague
d'émigration abandonne, dès le début du XIXe
siècle, la région de la montagne libanaise pour se rendre en
Égypte. La seconde conduit, entre 1850 et 1950, 400 000 Libanais vers le
Nouveau monde. C'est à peu près à ce moment-là que
les premiers émigrants débarquent aussi en Afrique. « Au
début, c'est quasiment par "accident" qu'ils arrivent sur ce continent,
explique Nadim Shehadi, chercheur au Centre d'études libanaises d'Oxford
(Angleterre). Les premiers ont soit raté le bateau, soit
été floués par les voyagistes qui leur promettaient les
Amériques en les faisant passer par Dakar ou Marseille. » [...] les
communautés libano-africaines occupent de très larges pans de
l'activité économique des pays d'accueil. Au
Sénégal, selon l'hebdomadaire français L'Express
(24/10/2002), la communauté libanaise détient 60 % des PME-PMI
[...] il existe pourtant, à côté d'hommes d'affaires aux
comportements fort divers, des médecins, des avocats, des enseignants,
voire des hommes politiques - même si beaucoup demeurent de discrets
conseillers des chefs d'Etats - ayant pris fait et cause pour leur pays
d'adoption. Les Libanais de la deuxième, troisième ou
quatrième génération parlent les langues locales, se
marient parfois avec les habitants du pays d'accueil qu'ils considèrent
comme le leur. Ils se sentent ni plus ni moins sénégalais,
maliens, ivoiriens, sierra-léonais, gabonais même s'ils ne perdent
pas totalement attache avec le pays du Cèdre. Ils veulent avant tout
être jugés à l'aune de ce qu'ils font et non de
clichés. En dépit des marques de patriotisme dont ils peuvent
faire preuve, un sentiment de suspicion pèse toujours sur eux. « On
reste avant tout blanc et on est vu comme tel », regrette Mary Ambourouet,
un Libanais né au Gabon il y a vingt-neuf ans, et qui se dit fier
d'avoir « pris un nom de Libreville ».
Rfi.fr du 10 juillet 2003,
http://www.rfi.fr/fichiers/MFI/CultureSociete/952.asp
Page 97
« Les Sénégalais d'origine libanaise
vivent, c'est vrai, repliés sur eux-mêmes. « Le
communautarisme libanais n'est pas différent de celui des
Sénégalais de New York ou des immigrés du monde entier. Et
n'oublions pas qu'au temps de la colonie Arabes et Africains
fréquentaient des mosquées distinctes: ce cloisonnement
obligatoire a influencé les rapports sociaux, c'est certain »,
plaide Fayçal Sharara. Qui balaie une autre critique récurrente:
« On nous reproche l'absence de mariages mixtes. Mais l'intégration
ne se joue pas au niveau de la ceinture! Le fond du débat consiste
à savoir si les Libanais participent au développement du pays et
partagent des aspirations communes avec le reste de la nation. La
réponse est oui. » Réputé pour sa stabilité,
le pays de la teranga (mot wolof pour hospitalité) n'est pas
entièrement à l'abri de troubles intercommunautaires. Les
mini-émeutes de 1996, déclenchées par un fait divers, sont
encore dans les mémoires. Cette année-là, une
employée de maison est retrouvée assassinée au domicile
d'un Libanais. Avant que la police n'ait le temps de démasquer le
criminel - un Nigérian - la rue désigne spontanément la
communauté libanaise à la vindicte. Une foule hostile se masse
dans le centre-ville. Avec l'aide de certains médias, le mouvement est
vite désamorcé. « Mais cet épisode nous a
profondément traumatisés. Ce fut un électrochoc », se
souvient Fayçal Sharara, qui décide alors, avec d'autres, de
fonder l'Alliance. L'objectif unique de cette association laïque est de
rapprocher les deux communautés, en remédiant au déficit
d'image des Libanais. Une conférence publique est organisée, pour
briser tabous et non-dits. « Il fallait mettre la "question libanaise" sur
la place publique. On m'a dit: "Tu es fou!"; "Ne braquons pas les projecteurs
sur nous!", autrement dit: vivons cachés pour être heureux. A mon
sens, il faut au contraire sortir du ghetto et participer davantage à la
vie de la cité. » Depuis, l'Alliance a convaincu les Libanais, ces
abstentionnistes congénitaux, de la nécessité de sortir de
l'ombre en votant lors des élections, manière d'affirmer leur
citoyenneté. Jusqu'à présent, rares sont les Libanais
à s'être aventurés dans les sables mouvants de la
politique, hormis Kazem Sharara (père de Fayçal), ex-conseiller
du président Diouf, Fares Attyé, ex-militant socialiste, Samir
Abou Risk, aujourd'hui conseiller municipal de Rufisque, ou encore feu Ramez
Bourgi. Au vrai, ils ne s'y sentent pas les bienvenus. «Pas un seul haut
fonctionnaire, député ou ministre n'est d'origine libanaise.
Parmi 60 conseillers, le président Abdoulaye Wade n'a pas daigné
choisir un seul Libanais... Notre communauté comporte pourtant des gens
de talent qui, à l'instar des Corses en France, estiment devoir
être représentés au niveau de l'État »,
remarque Samir Jarmache, vice-président de l'Alliance. ».
L 'Express du 24 octobre 2002,
http://www.lexpress.fr/info/monde/dossier/liban/dossier.asp?ida=358580&p=1
Page 104
« Pour des raisons liées à l'histoire, au
statut et au rôle de la France dans le monde, l'Afrique en
général et le Sénégal en particulier
s'intéressent évidemment à tout changement politique
majeur en France [...] de toute évidence, la France et nous avons
désormais plusieurs défis à relever ensemble : notamment
la question de l'immigration, la coopération pour le
développement (qui n'est pas nécessairement le
co-développement), la lutte contre le terrorisme, la protection de
l'environnement et le futur partenariat eurafricain, pour ne citer que quelques
exemples. En scrutant l'horizon, beaucoup d'observateurs du futur voient dans
leur «radar» de nouvelles puissances qui domineront le monde : la
Chine, l'Inde, le Brésil et les États-unis d'Amérique.
L'Europe n'y apparaît au mieux qu'en pointillé, l'Afrique de
façon encore plus discrète, marginale. [...] C'est pourquoi je
pense que l'Afrique, riche de ses immenses potentialités humaines et
naturelles - quoique freinée par son retard technologique -, et
l'Europe, nantie de ses formidables avancées technologiques et
scientifiques - mais souffrant d'un déclin démographique -,
peuvent forger un avenir commun dans un véritable partenariat
stratégique, fondé sur une nouvelle solidarité objective,
débarrassée de tout complexe d'anciens colonisés et
d'esprit paternaliste. [...] Cette dimension humaine est irréductible
dans les relations franco-africaines, plus encore dans les relations
franco-sénégalaises. Nos intérêts sont liés
et interdépendants. On ne peut effacer d'un trait ce legs historique. En
somme, il y aura toujours un besoin d'Afrique pour la France comme il y aura
toujours un besoin de France pour l'Afrique ».
Le Figaro du 15 mai 2007
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http://www.fmprc.gov.cn/zflt/fra
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Site du gouvernement du Sénégal :
http://www.gouv.sn/
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l'investissement et des grands travaux : http://www.apix.sn/ Site de
l'Agence de presse sénégalaise : http://www.aps.sn/
Site de l'Agence nationale de la statistique et de la
démographie : http://www.ansd.org/
Site des Archives : http://www.archivesdusenegal.gouv.sn/
Chine :
Site de l'Agence de presse chinoise :
http://www.french.xinhuanet.com/ Centre d'informations Internet de Chine
: http://french.china.org.cn/
Sites 9nternet en rapport avec les entretiens
effectués
PETROSEN: http://www.petrosen.sn/ MIFERSO:
http://miferso.net/
UNACOIS: http://www.unacois.sn/ CNP:
http://www.cnp.sn/
CNES : http://www.cnes.sn/
ASCOSEN: http://www.ascosen.sn/
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