Liste des sigles et
abréviations
AIC :
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Association Interprofessionnelle du Coton
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AUP :
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Agriculture Urbaine et Péri-urbaine
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BM :
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Banque Mondiale
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BPI :
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Bonne Pratique d'Irrigation
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CAF :
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Coût Assurance Fret
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CeCPA :
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Centre Communal de Promotion Agricole
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CeRPA :
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Centre Régional de promotion Agricole
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CFD :
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Coût des Facteurs Domestiques
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CFE :
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Coût des Facteurs Echangeables
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CPE :
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Coefficient de Protection Effective
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CPN :
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Coefficient de Protection Nominal
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CRL :
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Coût des Ressources Locales
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CRDI:
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Centre de Recherche pour le Développement
International
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DSCRP:
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Document de la Stratégie de Croissance et de
Réduction de la Pauvreté
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EMICOV:
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Enquête Modulaire Intégrée sur les
Conditions de Vie des ménages
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FAO:
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Food and Agriculture Organization
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FSA:
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Faculté des Sciences Agronomiques
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HTS:
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Hors Taxes et Subventions
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IITA:
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International Institute of Tropical Agriculture
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INRAB:
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Institut National pour la Recherche Agricole au
Bénin
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INSAE:
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Institut National de la Statistique et de l'Analyse
Economique
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ISBA:
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Institut des Sciences Biomédicales Appliquées
|
LARES:
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Laboratoire d'Analyse Régionale et d'Expertise
Sociale
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MAEP:
|
Ministère de l'Agriculture de l'Elevage et de la
Pêche
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MAP:
|
Matrice d'Analyse des Politiques
|
MEPN:
|
Ministère de l'Environnement et de la Protection de la
Nature
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OBEPAB:
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Organisation Béninoise pour la Promotion de
l'Agriculture Biologique
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OMS:
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Organisation Mondiale de la Santé
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ONASA:
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Office National d'Appui à la Sécurité
Alimentaire
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ONG:
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Organisation Non Gouvernementale
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ONS :
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Office National de Soutien des revenus agricoles
|
ONU
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Organisation des Nations Unies
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PADAP :
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Programme d'Appui au Développement de l'Agriculture
Périurbaine au Sud du Bénin
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PAN :
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Pesticide Action Network
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PAS :
|
Programme d'Ajustement Structurel
|
PNUD :
|
Programme des Nations Unies pour le Développement
|
PPN :
|
Profitabilité Privée Nette
|
PSN :
|
Profitabilité Sociale Nette
|
PVD :
|
Pays en Voie de Développement
|
RCB :
|
Ratio Coût/Bénéfice
|
RGPH :
|
Recensement Général de la Population et de
l'Habitat
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SBEE :
|
Société Béninoise Energie Electrique
|
SPV :
|
Service Protection des Végétaux
|
UAC :
|
Université d'Abomey-Calavi
|
UCOMAC :
|
Union Communale des Maraîchers de Cotonou
|
UCP :
|
Union Communale des Producteurs
|
UMALGA :
|
Union des Maraîchers du Littoral de Grand - Popo et
d'Agoué
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Introduction générale
Introduction
L'Agriculture Urbaine et
Périurbaine (AUP) constitue un des sous-secteurs clés de
l'agriculture au Bénin. Elle a connu un
développement important à la suite d'une forte croissance
démographique induisant un accroissement des besoins alimentaires dans
les centres urbains (Assogba-Komlan et al., 2007).
Les cultures maraîchères sont devenues une
activité répondant de façon efficace à la demande
alimentaire urbaine (Singbo et al., 2004). Elles jouent un rôle
sociologiquement et économiquement important au sein de la population
béninoise (Adorgloh-Hessou, 2006).
En effet, l'Enquête Modulaire Intégrée sur
les Conditions de Vie des ménages (INSAE, 2007) montre que l'incidence
de la pauvreté monétaire en milieu urbain s'est aggravée.
Elle est passée de 17,7% en 2002 à 22,1% en 2006. Il s'est
avéré que le maraîchage représente aujourd'hui, une
source importante de revenu et d'emploi (Adorgloh-Hessou, 2006). A
Cotonou, sur 263 ha de superficies cultivées en l'an 2000, le
maraîchage a rapporté pour l'ensemble des producteurs plus de
trois cents (300) millions de francs CFA de marge brute Hounkpodoté et
Tossou (2001).
Le maraichage a également un fort potentiel
en gain de devises. Selon le document de la Stratégie de Croissance pour
la Réduction de la Pauvreté (SCRP, 2007-2009) au Bénin
l'économie béninoise est vulnérable aux chocs externes car
elle est essentiellement basée sur le coton (40 % des recettes
d'exportation). La diversification des cultures d'exportation est alors un
volet qui pourrait réduire progressivement cette
vulnérabilité. Compte tenu de ce qui précède, les
cultures maraîchères ont été identifiées
comme filières prioritaires à promouvoir.
Cependant, plusieurs contraintes limitent la production
maraîchère au Sud-Bénin: la pénurie
foncière ; les difficultés d'approvisionnement en intrants
agricoles spécifiques ; les attaques parasitaires ; la
maîtrise de l'eau (quantité et qualité) et l'absence de
crédit (Adorgloh-Hessou, op cit.). Pour faire face à ces
défis, les maraîchers produisent en utilisant des techniques qui
vont des plus archaïques et peu recommandées à celles
modernes respectueuses de l'environnement et de la santé publique
Assogba (2007).
Tenant compte du caractère multidimensionnel que
revêt la filière « culture
maraîchère » nous voulons à travers
cette étude appréhender de façon quantitative le surplus
financier et économique que génèrent les exploitations
maraîchères sous différents systèmes de
production.
Problématique et Justification.
La production maraîchère constitue une composante
importante de l'AUP dans les villes du Sud Bénin (Agossou et al, 2001).
Elle contribue à la sécurité alimentaire des villes
(Adéoti, 2003). La production des villes de Cotonou, Porto Novo,
Sèmé Kpodji et Grand Popo représente en moyenne pour
certains légumes (chou, gboma, laitue, tomate, poivron, carotte et
concombre) 64% de la consommation annuelle de ces villes (Adorgloh-Hessou,
2006). Sans cette activité de nombreux citadins seraient dans
l'incapacité de se procurer certains légumes dont la consommation
régulière permet de limiter les carences nutritionnelles graves
(Gandonou et al, 2007).
Le maraîchage est également une activité
rémunératrice principalement pour les groupes vulnérables
ou marginalisés de la population urbaine (Gerstl, 2001). Au Sud du
Bénin, d'après le PADAP (2003), les exploitations axées
sur le maraîchage sont porteuses de plus de 60.000 emplois directs (chefs
d'exploitation, actifs familiaux, salariés et main d'oeuvre temporaire)
et 25.000 emplois indirects (commerçants, éboueurs etc.) en amont
et en aval de la filière.
Cependant, malgré les contributions positives
(sécurité alimentaire et nutritionnelle, recyclage des
déchets urbains, source de revenus et d'emplois), les systèmes de
productions maraîchères présentent des risques sanitaires
et environnementaux très élevés. Ces risques sont
liés à l'utilisation inadéquate des engrais et produits
phytosanitaires, aux pratiques d'irrigation inefficaces (FAO, 2003), à
la pollution de la nappe phréatique et à la santé des
consommateurs du fait de la présence des résidus dans les
légumes (Amoussougbo, 1993).
Assogba (2007), souligne que différentes
méthodes sont utilisées pour la protection des cultures
maraîchères contre les maladies et ravageurs. Au nombre de ces
méthodes, la lutte chimique est la plus utilisée.
Malheureusement, il s'agit aussi bien des pesticides chimiques
recommandés et non recommandés (insecticides coton). Les
maraîchers appliquent des doses inadéquates sans tenir compte de
leur rémanence (Vodouhè, 2007). L'utilisation de ces pesticides
non recommandés engendre, beaucoup de risques pour la santé
humaine et pour l'environnement (Pesticides news, 1999). Le
phénomène devient plus préoccupant quand, nous savons que
certains de ces légumes sont consommés à l'état
frais, sans aucune transformation préalable. Une étude de dosage
de résidus de pesticides dans le lait maternel réalisée
par le Service de Protection des Végétaux (SPV) à
Agonli-Lowé situé dans la vallée de l'Ouémé,
et dans trois villages du Zou, a montré que certains de ces laits
étaient contaminés, avec des teneurs au-delà des normes
autorisées par la FAO et par l'OMS (Adjé, 2004). D'autres
méthodes de lutte présentant moins de risques sont les extraits
de plantes comme Azadirachta indica, Hyptis suaveolens et Carica
papaya, de fabrication artisanale (Assogba, op cit.). Elles sont
économiques, efficaces, saines, respectueuses de l'environnement et de
la santé humaine. Elles permettent de valoriser également au
mieux les ressources locales, d'améliorer la qualité des
produits, de réduire les coûts de production et favorisent
l'augmentation de la productivité, et par conséquent,
l'amélioration des revenus des producteurs (Adétonah, 2007).
Cependant, force est de constater que les maraîchers continuent
d'utiliser à grande échelle, les pesticides chimiques
prohibés (Zossou, 2004).
L'APU étant essentiellement une agriculture de
contre-saison, elle fait usage de quantités importantes d'eau pour
l'irrigation. Mais les pratiques observées dans ce domaine sont rarement
conformes aux normes (Gandonou et al, 2007). L'adoption des Bonnes Pratiques
d'Irrigation (BPI) s'avère nécessaire. Les BPI sont
définies comme des pratiques qui permettent d'optimiser la production
tout en économisant l'eau et en minimisant les risques liés
à ces pratiques sur l'homme et l'environnement, de satisfaire les
besoins actuels et d'améliorer les moyens d'existence (FAO, 2003). Les
BPI doivent assurer un rendement maximal sur tous les plans :
économique, agronomique, social et environnemental,
Zella et Smadhi (2007). Selon Atidégla
(2006), le système d'irrigation utilisant la technique d'exhaure
mécanisée ou motorisée (utilisation de pompe manuelle,
motopompe ou pompe électrique) et la technique d'arrosage
modernisée (utilisation de tuyauterie flexible plus pomme d'arrosage)
est considérée comme le plus innovant. L'auteur précise
que ce système permet une application efficace de l'eau d'irrigation et
contribue à réduire sensiblement le gaspillage des ressources en
eau. Autrement dit, il démontre que la mise en application de ce
système est un important facteur pour assurer la durabilité
environnementale de l'APU. Elle est adoptée en AUP, pour réduire
la pénibilité et le temps de travail et utiliser toute
l'année les superficies cultivées, ceci en réponse
à la pression foncière de plus en plus remarqué au sein
des systèmes de production maraîchers au Sud-Bénin
Hounkponou, K. (2003).
C'est donc dans le but d'augmenter la productivité et
la qualité des produits maraîchers tout en sauvegardant la
santé et le cadre de vie des populations urbaines et
péri-urbaines que les variétés améliorées,
les Bonnes Pratiques Phytosanitaires (BPP) et les Bonnes Pratiques d'Irrigation
(BPI) ont été diffusées par les programmes de
vulgarisation et institutions tant nationales qu'internationales tels que
l'IITA, la FAO, la SPV les CeRPA etc.;
Mais, la politique agricole au Bénin a aussi
conditionné les pratiques de protection phytosanitaires et d'irrigation
au sein des systèmes de productions maraîchers au
Sud-Bénin. En effet depuis 1994 où les prix des intrants sont
passés du simple au double à cause de la dévaluation du
FCFA, le gouvernement, sur décision du conseil des Ministres,
Relevé n° 36/SGG/REL du 15 septembre 1994, exonèrent les
intrants agricole (engrais minéraux et produits phytosanitaires), les
semences et appareils phytosanitaires. Ces mesures sont actuellement en vigueur
en témoigne les articles 6 et 7 de la Loi n°2007-33 portant loi de
finances pour la gestion 2008, PASP (2008). Cependant L'application du
régime d'exonération pour les intrants est en
réalité très sélective; en plus, elle se fait dans
une certaine confusion et les procédures sont aussi fastidieuses. Ce
sont les intrants destinés à la filière Coton qui dans la
pratique sont exonérés Adégbidi et al. (2000).
Ceci explique le coût relatif faible des insecticides cotons
utilisés au sein des systèmes de production maraîchers et
donc l'accessibilité facile, relativement aux pesticides chimiques
recommandés pour le maraîchage qui sont taxés
Vodouhè (2007). Cependant, Il est important de noter que les
exonérations actuellement concédées ne sont pas
prévues par la loi. Elles sont donc conjoncturelles et devrait
être relevé en vue d'être en conformité au Tarif
Extérieur Commun en vigueur dans la zone UEMOA. Pour la campagne
2007-2008, objet de cette étude, les semences améliorées
des cultures maraîchères, les pesticides chimiques
recommandés pour le maraîchage et le matériel d'irrigation
(pompe, tuyauterie) n'ont pas bénéficié
d'exonération de droits et taxes Simeni Tchuinte (2008).
Même si l'augmentation du revenu des maraîchers
passe nécessairement par la mise en application de ces technologies
améliorées, force est de constater que le niveau d'adoption reste
faible (Assogba, op cit et Vodouhè, op cit). La
production maraîchère sous ces technologies
améliorées n'est elle pas en réalité rentable pour
les producteurs ? Les mesures fiscales actuelles ont elles une
incidence négative sur la rentabilité des systèmes de
productions maraîchers ayant recours aux technologies
améliorées de production ? Tels sont les
préoccupations essentielles de cette étude portant sur
la rentabilité financière et
économique des systèmes de production
maraîchère au Sud-Bénin. Elle inclut d'une
part la détermination des coûts et avantages liés à
l'adoption ou non de ces technologies améliorées de production
autant pour le producteur que pour la collectivité. Et d'autre part
l'évaluation de l'effet des subventions agricoles sur cette
rentabilité. Nous nous proposons de le faire en concentrant nos efforts
sur deux spéculations maraîchères : la tomate
(Lycopersicum esculentum) et le chou pommé (Brassica
oleracea capitata).
Objectifs de Recherche
L'objectif principal de cette étude est
d'évaluer et d'analyser la rentabilité financière et
économique des technologies améliorées de production de
tomate et de chou, et de mesurer l'effet des politiques agricoles sur la
rentabilité de ces systèmes de production au Sud-Bénin.
Pour aboutir à cet objectif principal, les objectifs
spécifiques (Os) suivants doivent être atteints :
Os 1: Evaluer la rentabilité
financière des différents systèmes de production de tomate
et de chou au Sud-Bénin.
Os 2 : Evaluer la rentabilité
économique des différents systèmes de production de
tomate et de chou au Sud-Bénin
Os 3 : Evaluer l'effet des politiques de
subventions agricoles sur la rentabilité des systèmes de
production de tomate et de chou au Sud-Bénin.
Hypothèses de recherches
Les hypothèses (Ho) associées
respectivement à ces objectifs spécifiques sont:
HO1 : Les systèmes de
production de tomate et de chou utilisant les technologies
améliorées sont financièrement rentables.
HO2 : Les systèmes de
production de tomate et de chou utilisant les technologies
améliorées sont économiquement rentables.
HO3: La subvention des principaux
intrants importés affecte positivement la rentabilité des
systèmes de production de tomate et de chou.
Plan d'ensemble
Le présent document est structuré en trois
points essentiels.
- La première partie (chapitre 1) traite de
l'introduction générale et de la revue bibliographique sur
l'agriculture urbaine et périurbaine.
- La seconde partie du document (chapitre 2) présente
d'une part, la zone d'étude (Sud-Bénin). Elle présente
d'autre part, la méthodologie adoptée pour l'étude.
- La troisième partie (chapitres 3, 4 et 5) de ce
document présente les résultats et discussions de même que
la conclusion générale.
Chapitre 1 : Revue de
littérature
1.1. Cadre conceptuel
1.1.1. Concept d'agriculture urbaine et
péri-urbaine
D'après Moustier et Mbaye (1999), l'agriculture
péri-urbaine -- correspondant à l'agriculture urbaine selon la
terminologie anglo-saxonne -- est considérée comme l'agriculture
localisée dans la ville et à sa périphérie, dont
les produits sont destinés à la ville et pour laquelle il existe
une alternative entre usages agricoles d'une part et non agricoles d'autre part
des ressources ; l'alternative débouche sur des concurrences, mais
également sur des complémentarités entre ces usages :
- foncier bâti et foncier agricole ;
- eau destinée aux besoins des villes et eau
d'irrigation ;
- travail non agricole et travail agricole ;
- déchets ménagers et industriels et intrants
agricoles ;
- coexistence en ville d'une multiplicité de
savoir-faire dus à des migrations, cohabitation d'activités
agricoles et urbaines génératrices d'externalités
négatives (vols, nuisances) et positives (espaces verts).
Selon Fleury et Donnadieu (1997), l'agriculture
péri-urbaine, au strict sens étymologique, est celle qui se
trouve à la périphérie de la ville, quelle que soit la
nature de ses systèmes de production. Avec la ville, cette agriculture
peut soit n'avoir que des rapports de mitoyenneté, soit entretenir des
rapports fonctionnels réciproques. Dans ce dernier cas, elle devient
urbaine et c'est ensemble qu'espaces cultivés et espaces bâtis
participent au processus d'urbanisation et forment le territoire de la
ville.
Les interactions entre la ville et l'agriculture, en termes de
flux de ressources et de produits, sont au coeur de l'identité de
l'agriculture urbaine. Ainsi pour Doucouré et Fleury (2004), cette
agriculture contribue à plusieurs titres à la gestion de la ville
:
- en participant à l'approvisionnement, surtout en
produits frais ;
- en créant des emplois et des revenus, qui contribuent
à l'équilibre social ;
- en améliorant l'environnement par une gestion
spécifique des déchets ;
- en occupant des terrains qui font office de coupures vertes
dans le tissu urbain et en participant ainsi à l'aménagement des
espaces verts et à l'amélioration de la qualité de l'air.
Cependant, elle est également source
d'externalité négative. Nous avons à ce titre les
pollutions agricoles liées aux apports d'engrais (concentration de
nitrates), aux pesticides et aux déchets et effluents d'élevage,
à la proximité des bas-fonds cultivés, parfois
considérée par les citadins comme source d'insalubrité et
de paludisme (pullulation des moustiques). (Moustier et Salam, 2004).
Outre sa dimension strictement agronomique, l'agriculture
urbaine permet de résoudre certaines questions sociales graves en jouant
un rôle d'intégration (migration des ruraux, chômage
endémique). Nous emploierons dans ce document le terme agriculture
urbaine pour désigner à la fois l'agriculture intra et
péri-urbaine.
1.1.2. Exploitation agricole et système de
production agricole
Dans le langage courant, une exploitation agricole est un
ensemble de terres, de bâtiments et de cheptels vifs et morts (Chombart
et al., 1969). Pour les auteurs, il s'agit d'une définition purement
descriptive. L'exploitation agricole implique avant tout, un centre de
décision, une unité de production, une organisation, et un
ensemble d'interactions entre les différentes composantes (Assogba,
2007).
Rethore et Riquier (1989), identifient l'exploitation agricole
à un centre de décision. Pour faire fonctionner, en augmentant
son profit, l'unité économique, que constitue l'exploitation
agricole, l'agriculteur prend des décisions de nature très
différentes. (Chombart, op cit.).
Adégbidi (1994), insiste sur la dimension
organisationnelle de l'exploitation. Il définit l'exploitation agricole
comme la forme d'organisation technico-économique et sociale de la
production agricole. C'est un cadre organisationnel que l'on peut
repérer à partir d'un ensemble de personnes dont les
décisions vont déterminer une production agricole, des moyens de
production et les résultats réalisés.
Chombart (op cit.) propose alors l'une des
définitions les plus élaborées de cette notion.
« L'exploitation agricole est une unité économique dans
laquelle l'agriculteur pratique un système de production en vue
d'augmenter son profit. Le système de production est la combinaison de
productions et de facteurs de production (capital foncier, travail et capital
d'exploitation) dans l'exploitation agricole ».
Dans le cadre de notre étude, l'exploitation
maraîchère est une exploitation agricole où se pratique le
maraîchage. C'est une unité économique dans laquelle le
maraîcher réalise des combinaisons plus ou moins complexes de
productions et de facteurs de production (terre, travail, capital) en vue de
produire des biens alimentaires (légumes), destinés pour une
grande part au marché et en vue d'augmenter son profit.
La notion de système de production est quant à
elle très ancienne et essentielle pour les agronomes et les
économistes. Elle a évolué dans le temps et est
diversement appréciée par les chercheurs qui lui confèrent
des contenus variés.
Pour Reboul (1976), le système de production
désigne le mode de combinaison des facteurs comme la terre, la force et
les moyens de travail à des fins de production végétale ou
animale.
Jouve cité par Daane et al., (1989), définit le
système de production comme un ensemble structuré de moyens de
production (force de travail, terre, équipement, etc.) combinés
entre eux pour assurer une production végétale et ou animale en
vue de satisfaire les objectifs des responsables de l'exploitation agricole.
Adégbidi (op cit.), définit le
système de production comme un ensemble organisé et
combiné de sous-systèmes de culture et d'élevage, et des
ressources en terre, en moyens de production et en force de travail, permettant
la mise en oeuvre de ces sous-systèmes. Le système de culture
quant à lui, se définit comme une surface de terrain
traitée de manière homogène par des cultures avec leur
ordre de succession, et par les itinéraires techniques qui leur sont
appliqués. Le système de production se réfère
à l'organisation de la production au niveau de toute l'exploitation
alors que le système de culture est pertinent pour le niveau de la
parcelle.
Etant données que les exploitations
maraîchères sont essentiellement orientées vers la
production végétale, le système de production
maraîchère sera identifié dans notre cas au
sous-système de cultures maraîchères en considérant
le système de production tel que défini par Jouve.
Par ailleurs Carloni (2001) a défini quinze (15)
grandes catégories de systèmes de production agricole en Afrique
subsaharienne parmi lesquels nous avons le système irrigué.
D'après cet auteur, le système irrigué possède un
potentiel élevé de croissance en agriculture et dans la
réduction de la pauvreté. Les projections de la FAO pour
l'année 2030 indiquent que dans les trente prochaines années, la
production provenant des terres irriguées pourrait s'accroître de
100 à 200 %. Les systèmes de production maraîchère
étant par excellence des systèmes irrigués, nous avions
jugé important de définir ce qu'est un système
irrigué.
1.1.3. Concept de système
irrigué
En principe, toutes les cultures peuvent être mises en
valeur par un système irrigué. Mais, d'une manière
générale, la culture irriguée par excellence est le riz.
Les cultures maraîchères étant des cultures de marais,
elles nécessitent un approvisionnement permanent en eau pour leur
production. L'eau constitue en conséquence un intrant au même
titre que l'engrais, les pesticides et les semences. Ainsi, les productions
maraîchères peuvent être assimilées à des
cultures irriguées d'où l'importance de préciser les
caractéristiques de ce système.
Selon Ruthenberg (1980), l'irrigation décrit les
pratiques qui sont adoptées pour approvisionner en eau une surface
où les cultures sont installées afin de réduire la
longueur et la fréquence des périodes au cours desquelles,
l'absence de l'eau dans le sol est le principal facteur limitant de la
croissance de la plante. Comparés aux systèmes non
irrigués, les systèmes irrigués se caractérisent
d'après cet auteur par :
- les rendements élevés par hectare pour une
culture donnée ;
- la possibilité de réaliser plusieurs
récoltes par an ;
- un processus continu de production à cause de
l'utilisation permanente de la terre ;
- la réduction des fluctuations entre les rendements
d'une année à l'autre ;
- leur adaptabilité relative selon le type et
l'intensité de la production ;
- l'emploi productif d'un nombre relativement
élevé de travailleurs par hectare.
Cependant, malgré ces avantages, le système
irrigué requiert des investissements importants, donc des coûts
élevés :
- il nécessite un niveau d'investissement
élevé pour l'approvisionnement en eau, la préparation du
sol et la répartition des activités. Ces investissements
élevés se ressentent surtout au niveau des coûts fixes;
- le système offre des possibilités
élevées de production mais un certain niveau de connaissances est
nécessaire s'il veut être pleinement exploité ;
- il est évident que pour exploiter les
potentialités du système irrigué, les rendements
élevés, les cultures multiples doivent être
accompagnées par une utilisation intensive d'engrais et par des efforts
destinés à éviter la salinité.
Dans le système irrigué, les techniques
traditionnelles de fertilisation qui sont très exigeantes en temps de
travail ont été largement complétées ou même
substituées par les engrais minéraux. De faibles quantités
d'engrais minéral sont utilisées de préférence sur
les terres irriguées, parce que les rendements par unité d'input
sont plus élevés et plus efficaces.
1.1.4. Concept de maraîchage.
Dérivé du mot latin mariscus relatif aux lacs et
marais, le terme maraîchage s'est d'abord appliqué aux cultures de
légumes effectuées dans les marais. Ce terme a connu des
évolutions dans le temps et est devenu une branche de l'horticulture
orientée vers la culture intensive et professionnelle des légumes
(Habault, 1983). L'horticulture est définie comme une branche de
l'agriculture comprenant la culture des légumes, des petits fruits, des
fleurs, des arbres et arbustes d'ornement (Petit Larousse, 2003).
Le maraîchage est une forme d'agriculture urbaine et
péri-urbaine orientée vers la production des légumes pour
la vente dans les villes (Lavoisier, 1977). Le Petit Larousse (2003) signale
que le maraîchage est la culture intensive des légumes et de
certains fruits, en plein air ou sous abris. Selon Assogba (2007) cette
définition est plutôt généraliste et ne prend pas en
compte les spécificités africaines en général et
béninoises en particulier.
Ainsi, selon Gonroudobou (1985), le maraîchage est une
activité complexe qui se caractérise par la mise en valeur de
superficies très réduites et par la production d'une multitude de
spéculations. Il s'agit alors d'une production intensive et continue.
Une série d'opérations (le labour et le dressage des planches, le
repiquage, l'arrosage, la récolte, la vente etc.) occupe la
journée du maraîcher. Cette définition se borne au
système moderne, occultant une bonne partie des exploitations, en
l'occurrence les systèmes de décrue. Assogba (2007),
précise que les systèmes de décrue sont une composante non
moins importante du maraîchage au Sud-Bénin qui est d'ailleurs
assez fournie en bas fonds exploitables périodiquement.
Le concept de maraîchage sera compris ici, à
l'instar de Tiamiyou (2002), comme la culture intensive, continue ou
saisonnière de légumes et de certains fruits, pratiquée
sur différents types de sols, en saison des pluies ou en saison
sèche, dans les villes ou en zone rurale, en plein champ ou sur un
périmètre préalablement délimité et
aménagé ou non.
1.1.5. Technologie
améliorée
Les technologies améliorées de production
maraîchère ont été élaborées dans le
but d'accroître le revenu des producteurs tout en préservant
l'environnement et en garantissant aux consommateurs des produits d'une
qualité sanitaire irréprochable. Cependant, elles connaissent
pour la plupart un faible taux d'adoption (Assogba, 2007 ; Vodouhè,
2007). Les contraintes liées à l'utilisation de ces technologies
améliorées sont pour la plupart : la précarité
du foncier, les attaques parasitaires, la maîtrise de l'eau, les
difficultés d'approvisionnement en intrants (engrais et pesticides),
l'accès au crédit agricole, le mode de gestion des exploitations
et le manque d'information du prix de vente de produits sur le marché.
Cependant suivant les objectifs de notre étude, nous allons nous
limité seulement à trois technologies
améliorées : les semences améliorées, les
pesticides botaniques et le système d'irrigation motorisé.
- Semences
améliorées : il s'agit essentiellement dans le
cadre de notre étude des variétés améliorées
adaptées aux zones tropicales de basse altitude. S'agissant de la
tomate, les variétés améliorées (Mongal, Petromech)
se distinguent des variétés locales (Tounvi, Akikon et Gbogan)
par leur adaptation à la température (Aptitude à nouer
sous des températures élevées), et leur résistance
au flétrissement bactérien. Les variétés KK cross
et Cabus pour le chou sont quant à elles résistantes à la
fusariose et tolèrent également mieux la chaleur. La
variété cabus est la plus utilisé actuellement ; elle
a un cycle court et résiste beaucoup plus aux parasites et à la
chaleur que la variété KK cross.
- Extraits de plantes : ils
sont obtenus à partir des feuilles de neem (Azadirachta
indica), de papayer (Carica papaya) ou d'autres plantes à
effet insecticide ou insectifuge connu telles que les feuilles de tabac, les
feuilles de Hyptis suavolens. Ces insecticides, utilisés pour
lutter contre les nuisibles du chou et de la tomate, sont obtenus à
partir d'extraits de ces feuilles. Le principe d'obtention consiste à
piler 1,5 kg de feuilles de neem à laquelle on ajoute 1litre d'eau ou
500 g de graines de neem dans 10 litres d'eau plus un peu de savon afin de
permettre à la solution obtenue d'être adhésive ; pour
les feuilles de papayer, il faut 12 à 15 feuilles dans 1 litre d'eau. Le
mélange obtenu est laissé pendant douze (12) heures environ.
Ensuite, l'on procède au filtrage. Ce filtrat est automatiquement
utilisé pour traiter les plants de tomate et de chou à l'aide
d'un pulvérisateur à la dose de 10L/ha et par traitement
(Adorgloh Hessou, 2006).
- Système d'irrigation
motorisée : au sein de ce système, la
technique d'exhaure est motorisée (utilisation de motopompe ou pompe
électrique) et la technique d'irrigation est `modernisée'
(utilisation de tuyauterie flexible plus pompe d'arrosage). Il se distingue du
système d'irrigation semi-motorisé et manuel par son
efficacité dans l'application de l'eau d'irrigation, sa contribution
à réduire sensiblement le gaspillage des ressources en eau et le
gain de temps. La mise en application de ce système est un important
facteur pour assurer la durabilité environnementale de l'agriculture
urbaine et péri-urbaine.
1.1.6. Concept de produit maraîchers sains
Selon Adéoti (2003) plusieurs
définitions ont été données selon que l'on parle
d'agriculture biologique ou d'agriculture organique.
D'après le Codex Alimentarius (1999), l'agriculture
biologique est un système de gestion holistique de la production qui
favorise la santé de l'agro système, y compris la
biodiversité, les cycles biologiques et les activités biologiques
des sols. Elle privilégie les pratiques de gestion plutôt que les
méthodes de production d'origine extérieure. Dans cette optique,
des méthodes culturales, biologiques et mécaniques sont, dans la
mesure du possible, utilisées de préférence aux produits
de synthèse, pour remplir toutes les fonctions spécifiques du
système.
L'agriculture organique est donc considérée
comme une option intéressante pour une agriculture durable au sein des
pays sous développés. Elle offre une combinaison de technologies
à faible input extérieur, une préservation de
l'environnement et une efficience input/output. Elle permet également
l'obtention d'un prix premium à travers la labellisation. Beaucoup d'ONG
et de paysans adoptent les techniques de l'agriculture organique comme
méthode d'amélioration de la productivité et de la
sécurité alimentaire (Scialabba, 2007).
Au Sud-Bénin, les pratiques des producteurs ne nous
permettent pas de justifier l'existence de produit biologique. En effet,
Assogba (2007), a travers son étude sur la production
maraîchère à montré que peu de producteurs (24%)
enquêtés au Sud-Bénin utilisent les biopesticides et les
extraits aqueux des végétaux, mais cela n'exclut pas par exemple
l'utilisation d'engrais minéral, et surtout l'inexistence d'une
certification officielle. Il nous faudra donc faire recours à un autre
concept qui valorise l'utilisation des biopesticides et des extraits botaniques
tout en ne se substituant pas au concept de produits biologiques : les
produits maraîchers sains.
Moustier (2003) définissent les légumes sains
comme les légumes issus d'une technique de production traditionnelle
dont l'utilisation des insecticides est contrôlée, l'eau
utilisée est propre et l'environnement de production n'est pas
pollué. Ils concluent en disant que les légumes sains
représentent toutes les plantes potagères dont les graines, les
feuilles, les tiges ou les racines ne présentent aucune atteinte
pathologique ou anomalie et dont la consommation est favorable à la
santé et ne présentent aucun danger. Lorsque les maraîchers
utilisent les biopesticides pour traiter leurs cultures, ils ne polluent pas
l'environnement, évitent les pathologies ou anomalies aux plantes et la
consommation de ces légumes ne présente aucun danger pour la
santé du consommateur.
Nous identifierons donc dans le cadre de notre étude,
ce type de production maraîchère saine à l'utilisation de
pesticides chimiques recommandés, de biopesticides et d'extraits aqueux
botaniques dans le système de production.
1.2. Rentabilité des cultures
maraîchères
Singbo et al., (2004) ont réalisé une
étude financière qui a porté sur l'évaluation de la
rentabilité des légumes au Sud-Bénin. L'utilisation du
taux marginal de rentabilité a montré que c'est la tomate qui
procure la meilleure rentabilité dans la vallée de
l'Ouémé et dans les villages de Gnito et Sazoué de la
Commune de Grand-Popo. Les principales cultures dans ce système sont la
tomate, le piment et la grande morelle. Dans la zone côtière
(Communes de Grand-Popo, de Sèmé-Kpodji et de Ouidah) c'est
l'oignon qui représente par contre la culture la plus rentable pour les
maraîchers à l'instar de la tomate dans la basse vallée de
l'Ouémé. Enfin, pour ce qui est des systèmes très
intensifs des zones urbaines de Cotonou et Porto- Novo, la laitue et la grande
morelle apparaissent comme étant les cultures les plus importantes et
dans une moindre mesure l'amarante. L'amarante est plus rentable que les deux
autres cultures.
Coste et al., (2004) se sont appuyés sur une analyse de
la compétitivité prix, des coûts de revient (coûts de
production et coûts de commercialisation) des filières tomate et
pomme de terre au Bénin, au Niger et au Nigéria pour montrer que
les coûts de production de tomate augmentent fortement au Bénin en
contre-saison. Dans le bassin de Lalo, la technique d'arrosage avec de l'eau
achetée à l'ex-Société Béninoise
d'Electricité et d'Eau (SBEE) est très coûteuse ; à
Natitingou, l'augmentation des coûts provient de la faiblesse des
rendements de cette période, due à l'absence d'un système
performant d'irrigation ; à Guéné, la culture de
contre-saison implique l'utilisation de la motopompe qui représente
alors 75% du coût de production et le fait augmenter de plus de 60% par
rapport à la saison pluviale. En saison des pluies, le prix de revient
de la tomate béninoise est plus bas que ceux des produits provenant des
bassins concurrents. Pour ce qui est de la pomme de terre, celles en provenance
du Nigéria sont plus compétitives que celles originaires du
Bénin.
La Matrice d'Analyse de Politique (MAP) a été
utilisée par l'IITA (2002b) pour déterminer la
compétitivité des systèmes de production de la tomate et
du chou au Bénin et au Ghana. Les résultats obtenus montrent que
le système de production de chou le plus rentable au Bénin est
celui qui utilise la motopompe pour l'irrigation et assure les traitements
phytosanitaires par un biopesticide (Dipel ou biotit). Au Bénin, la
tomate produite dans un système utilisant les pesticides chimiques et
les engrais est la plus rentable ; mais ses coûts sont aussi les plus
élevés.
Dans le cas des recherches localisées au Bénin,
Ando (1985) a effectué dans la basse vallée du fleuve
Ouémé, une étude sur le problème de l'allocation
rationnelle des facteurs de production dans les systèmes de production
maraîchère en rapport avec les autres cultures vivrières.
L'approche de programmation linéaire a été
utilisée. Ce modèle a révélé que les
productions de piment et de gombo ne sont suffisantes que pour
l'autoconsommation ; seule la tomate permettrait de réaliser un surplus
commercialisable, le gombo procurant les revenus marginaux les plus faibles. Au
même moment, la détermination des marges a montré que le
piment représentait 40% du revenu total par hectare et la tomate 36%.
D'autre part, les enquêtes ont établi que le piment avait la
préférence des paysans. Ces derniers résultats ont
été confirmés par Singbo et al., (2004).
1.3. Le concept de rentabilité et modèle
empirique d'analyse.
Pour survivre de façon durable, une entreprise doit
optimiser ses facteurs de production et en tirer des excédents et des
avantages. La rentabilité est la première condition
nécessaire, mais non suffisante de sa survie. La notion de
rentabilité paraît en première analyse très simple :
le capital génère un profit, et donc le rapport entre le capital
et le profit se traduit par un taux de rentabilité. Elle traduit donc le
rapport entre le revenu obtenu ou prévu et les ressources
employées pour l'obtenir. La notion s'applique notamment aux entreprises
mais aussi à tout autre investissement. La rentabilité
représente alors l'évaluation de la performance de ressources
investies par des investisseurs.
Cependant la décision au sujet de l'utilisation d'une
technologie améliorée dépend de son avantage en termes de
rapport coût-bénéfice. Il s'en suit que la mesure de
l'impact d'une technologie améliorée sur la rentabilité
d'une entreprise adoptante est un critère important pour prédire
ex-ante ou justifier ex-post l'acceptation de cette technologie par les
adoptants potentiels. L'évaluation de la rentabilité d'une
technologie peut être approchée à deux niveaux
d'observation: celui de l'exploitation agricole et celui de la
collectivité.
Du point de vue du paysan individuel ou de l'exploitation
agricole, l'analyse de la rentabilité faite est de nature
financière. L'analyse financière utilise les prix directement
payés ou reçus par le producteur. Cette analyse permet de
déterminer le profit réel du paysan en vue d'apprécier la
compétitivité de son activité.
En ce qui concerne la collectivité, l'analyse de la
rentabilité est essentiellement économique. Elle utilise des prix
et des coûts qui reflètent les objectifs, les ressources et les
contraintes de la société entière. Elle illustre une
situation idéale de l'économie internationale où tout
fonctionne normalement. Contrairement à l'analyse financière,
l'analyse économique prend en compte les effets exercés par des
décisions de politique générale sur des individus,
l'environnement et l'économie de la localité, et aussi les effets
secondaires et indirects des investissements.
Pour faire l'analyse économique, les prix des intrants
et des produits sont corrigés des distorsions introduites dans
l'économie par les politiques gouvernementales (subvention sur intrants,
taxation, taux de change, crédit intrant) et le mauvais fonctionnement
des marchés (pratiques monopolistiques). La Matrice d'Analyse des
Politiques (MAP) est le modèle théorique d'analyse qui sera
utilisé pour mesurer la rentabilité des systèmes de
production dans notre étude.
1.4. Modèle théorique d'analyse de la
rentabilité.
1.4.1. La Matrice d'Analyse des Politiques
(MAP)
La mesure de la rentabilité financière et
économique se fera grâce à la Matrice d'Analyse des
Politiques (MAP). Elle est développée pour analyser la
rentabilité des systèmes et l'impact des politiques agricoles sur
cette rentabilité.
Elle est composée de deux types de budgets: un budget
évalué aux prix du marché ou prix financiers (budget
financier) et l'autre aux coûts d'opportunité social ou prix
économique (budget économique). Les prix financiers sont ceux que
les paysans paient ou reçoivent tandis que les prix économiques
reflètent le coût de l'économie ou de la
société ; ce sont les coûts qui n'ont subi aucune
distorsion. Ensuite, les divergences entre le budget financier et le budget
économique sont également calculées. Le budget est
construit pour chaque système de production qui contribue aux
ressources. Avant la conception du budget, tous les intrants de la production
maraîchère seront classés en biens échangeables et
en ressources locales. Les facteurs échangeables ou commercialisables
(pesticide chimique, engrais, semences etc.) sont ceux qui peuvent être
théoriquement importés ou exportés et
évalués aux prix du marché international, tandis que les
produits non-échangeables ou facteurs locaux (terre, main d'oeuvre,
capital etc.) sont ceux qui ne sont pas normalement commercialisables sur le
marché international. Le tableau N°1 ci-dessous donne une
synthèse des grandes étapes du modèle de la MAP.
Tableau N°1: Matrice
d'Analyse des Politiques (MAP)
|
Revenus
|
Coûts
|
Profits
|
|
|
Intrants échangeables
|
Facteurs locaux
|
|
Budget Financier
|
A = Pf.Qf
|
B = Pt.Qt
|
C = Pn.Qn
|
D (1)
|
Budget Economique
|
E = Pe.Qe
|
F = Pi.Qi
|
G = Pd.Qd
|
H (2)
|
Divergences
|
I (3)
|
J(4)
|
K(5)
|
L(6)
|
Source : Monke, E. A. et Pearson,
S. R. (1989)
A, B, C et D sont les éléments du budget
financier; et E, F, G et H ceux du budget économique,
représentés respectivement par les vecteurs de prix et de
quantités physiques des sorties (Pf, Qf) et
(Pe, Qe), des entrées échangeables
(Pt, Qt) et (Pi, Qi), et des
facteurs locaux non échangeables (Pn, Qn) et
(Pd, Qd). I, J, K et L sont les différences entre
le budget financier et le budget économique.
(1) = Profit financier ; D=A-B-C. D mesure la
compétitivité du système de production. D est
appelé le Profit Financier Net (PFN). Si PFN > 0, il implique que le
système de production considéré est financièrement
rentable.
(2) = Profit économique ; H=E-F-G. H mesure
l'avantage comparatif. H est appelé le Profit Economique Net (PEN). Si
PEN > 1, l'activité considérée présente un
avantage comparatif statique.
(3) = Transferts de revenus; I=A-E.
(4) =Transferts des intrants échangeables ;
J=B-F.
(5) =Transferts des facteurs domestiques ; K=C-G.
(6) = Transferts nets; L=D-H=I-J-K.
Plusieurs indicateurs d'analyse des effets des politiques ont
été développés par Monke et Pearson
(1989) :
1.4.2. Les indicateurs de l'avantage
comparatif.
Les principaux indicateurs de l'avantage comparatif
calculés à partir de la MAP sont : le Profit Economique Net
(PEN), le Coût des Ressources Locales (CRL), le Ratio Coût
Bénéfice (RCB).
1.4.2.1. Le Coût des Ressources Locales
(CRL)
Il est mesuré par le rapport du coût social des
facteurs locaux et de la valeur ajoutée aux prix sociaux soit :
CRL = G/(E-F) = (Pd . Qd)/ (Pe . Qe - Pi.
Qi)
Il est utilisé pour mesurer l'avantage comparatif ou la
compétitivité internationale d'un produit. Il est
interprété comme le coût d'opportunité des
ressources locales puisqu'il mesure le coût d'opportunité de la
production d'une unité de produit en employant les ressources
locales.
0 < CRL < 1 signifie que la production à base de
la technologie considérée a un avantage comparatif. Autrement
dit, l'activité de production est économiquement efficace. Il est
moins coûteux en ressources locales de produire localement le bien
considéré que de l'importer.
CRL > 1 signifie que la production à base de la
technologie considérée n'a pas un avantage comparatif dans la
production du bien considéré. Il n'est pas rentable pour le
paysan de produire localement le bien considéré; il vaut mieux
pour lui de l'importer.
CRL = 1 traduit un cas d'indifférence;
c'est-à-dire que le paysan ne réalise ni bénéfice
ni perte en produisant localement ou en important le bien
considéré.
1.4.2.2. Le Ratio Coût/Bénéfice
(RCB)
Le Ratio Coût/Bénéfice économique
est le rapport des coûts totaux (coûts des facteurs
échangeables et locaux) et des revenus bruts (Gross Revenue). Ces
coûts et revenus sont valorisés aux prix économiques.
RCB = (F+G)/E
Si RCB < 1, l'activité de production
considérée est économiquement rentable. Par contre, si RCB
> 1 l'activité de production n'est pas économiquement
rentable. Enfin, lorsque RCB est égal à 1, l'activité de
production n'engendre ni perte ni profit.
On peut également estimer à partir de la MAP, un
coefficient de protection environnementale dans la mesure des avantages
économiques. Mais, nous n'avons pas pris en compte les coûts
environnementaux dans la présente étude. Vu l'importance et
l'envergure de la question, cet aspect peut faire l'objet d'une étude
future.
1.4.3. Principaux indicateurs des effets des
politiques
Les principaux indicateurs des effets des politiques sont le
Coefficient de Protection nominale (CPN) ou "Nominal Protection
Coefficient" et le Coefficient de Protection Effective (CPE).
1.4.3.1. Coefficient de Protection
Nominale (CPN)
Ce ratio est égal au rapport du prix financier du bien
considéré et de son prix économique.
CPN = A/E = Pf.Qf / Pe.Qe
CPN = 1 traduit l'équilibre ou le niveau optimum de la
compétitivité des échanges entre le marché national
et international. La structure de protection est neutre. Les producteurs ne
sont ni favorisés ni défavorisés.
CPN > 1 signifie que le bien bénéficie d'une
protection par rapport au bien importé ou exporté. Les
producteurs profitent d'une subvention due à l'intervention d'une
structure de protection (protection positive).
CPN < 1 signifie que le pays ne protège pas son
marché. Les producteurs sont taxés, défavorisés
(protection négative).
1.4.3.2. Coefficient de Protection Effective
(CPE)
Ce ratio est égal au rapport de la valeur
ajoutée évaluée aux prix domestiques et de la valeur
ajoutée évaluée aux prix sociaux (ou rapport de la
différence entre le revenu brut financier et le coût financier des
facteurs échangeables par celle entre le revenu brut économique
et le coût économique des intrants échangeables). Ce
coefficient indique l'effet combiné des politiques de prix des produits
et des intrants échangeables sur les incitations à la production
agricole.
CPE = (A-B)/(E-F) = (Pf.Qf - Pt.Qt) / (Pe.Qe -
Pi.Qi)
CPE > 1, indique que les acteurs de la branche
d'activité considérée gagnent plus de revenus qu'ils ne
gagneraient sans distorsion de prix. Les producteurs bénéficient
d'une subvention implicite sur les intrants et/ou d'une protection du prix du
produit.
CPE = 1 traduit l'équilibre ou le niveau optimum de la
compétitivité des échanges entre le marché national
et international. La structure de protection est neutre. Les producteurs ne
sont ni favorisés, ni défavorisés.
CPE < 1 signifie que le pays ne protège pas son
marché. Le produit est implicitement taxé. Les producteurs
gagneraient un meilleur revenu s'ils achètent et vendent aux prix
économiques, définis comme étant les prix sur le
marché international. Ils sont donc défavorisés sur le
marché interne.
La technique présente un intérêt
indubitable du fait de sa simplicité et de son intelligibilité.
Elle ne requiert des décideurs, aucune connaissance experte pour
conforter des choix, et permet aux analystes d'obtenir des résultats
rapides dans un contexte d'urgence (Randolph, 1997).
La MAP permet aussi d'effectuer des simulations pour
prévoir l'impact d'une mesure de politique agricole susceptible de
modifier le système de prix sur les gains ou pertes potentielles de
revenus pour les agriculteurs et la collectivité. Elle constitue donc un
outil d'aide à la décision et de prévision pour les
planificateurs.
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