Aperçu évolutif de la réglementation du droit d'auteur au Burundi et les principales innovations de la loi n?°1/021 du 30 décembre portant protection du droit d'auteur et des droits voisins( Télécharger le fichier original )par Cyriaque NIBITEGEKA Université du Burundi - Diplôme de Licence en Droit 2009 |
§4. Le domaine public payant.Toutes les lois qui se sont succédé dans notre pays avaient pris le soin de limiter dans le temps la protection qu'elles entendaient accorder aux auteurs. Chose étonnante cependant, les deux premières lois n'indiquaient pas le sort des oeuvres après l'expiration du délai de protection. La nouvelle loi quant à elle le fait en introduisant la notion de « domaine public payant ». Nous allons attentivement en étudier les contours, montrer le départ entre celui-ci et le domaine public de droit commun et présenter le sort des oeuvres qui y sont tombées. A. Notion de domaine public payant.L'article 1, littera n, de la loi de 2005 définit l'oeuvre du domaine public comme « Une oeuvre autre que du folklore, qui n'est pas protégée par le droit d'auteur en raison de l'expiration de la durée de protection ou de l'absence d'instrument international assurant la protection de l'oeuvre. ». A partir de cette définition, on se rend compte que le domaine public en matière de droit d'auteur est une institution juridique qui définit la condition des oeuvres de l'esprit qui ne sont pas sous la couverture du droit d'auteur, en raison de l'expiration de la durée de leur protection, ou du fait du défaut de protection internationale pour des oeuvres étrangères138(*). En vertu de l'article 58, « le droit d'auteur dure toute la vie de l'auteur et pendant les 50 années civiles à compter de la fin de l'année de son décès. ». C'est donc après cette période, que l'oeuvre tombe dans le domaine public. L'auteur lui-même se nourrissant du patrimoine culturel collectif dans lequel il puise les éléments nécessaires à la réalisation de son oeuvre, celle-ci vient à son tour s'intégrer à ce fonds commun. Par ailleurs, passé un certain temps, il est pratiquement impossible de retrouver tous les héritiers et de faire en sorte que leurs volontés s'accordent pour autoriser l'utilisation de l'oeuvre avec la rapidité qu'exige la dynamique du marché.139(*) Pour les oeuvres étrangères, il faut d'abord faire observer que la loi burundaise sur le droit d'auteur ne les couvre, selon les termes de l'article 65, qu'en vertu d'une convention internationale à laquelle le Burundi est partie. C'est-à-dire qu'une création étrangère est protégée sur le territoire du Burundi lorsque son auteur est ressortissant d'un pays partie à une convention liant le Burundi. Sinon, cette oeuvre fait partie du domaine public. Aux termes de l'article 25, alinéa 1, « les oeuvres du domaine publique sont placées sous la protection de l'Etat représenté par le Ministre ayant la Culture dans ses attributions ». Il résulte de cette disposition que l'utilisation des oeuvres du domaine public n'est pas libre. Le droit exclusif de l'auteur ou de ses ayant droit de donner des autorisations pour l'usage de son oeuvre passe à l'Etat. En outre, l'utilisation desdites oeuvres n'est pas gratuite, du moins lorsqu'elle est faite à des fins lucratives. Reprenant la dénomination française, notre législateur a adopté le régime dit « du domaine public payant » tel qu'il résulte de l'intitulé et du contenu du chapitre IV du titre II de la première partie de la nouvelle loi sur le droit d'auteur. Ce qui revient à dire que, contrairement à la pratique choisie par certaines autres législations140(*) où l'utilisation des oeuvres du domaine public est faite sans que personne ne puisse acquérir sur elles des droits exclusifs, l'utilisation de telles oeuvres en vue d'une exploitation lucrative, dans notre droit, est subordonnée au règlement d'une redevance dans les conditions déterminées par le ministre ayant la culture dans ses attributions. Ces redevances sont consacrées, selon le voeu de l'alinéa 3 de l'article 25, à des fins sociales ou culturelles. De tout ce qui précède, il transparaît déjà que la notion de domaine publique en matière de droit d'auteur est différente de celle qu'on rencontre dans le droit commun des biens. Nous allons essayer de clarifier cette différence dans les lignes suivantes. B. Le domaine public du droit commun des biens et le domaine public en matière de droit d'auteur. En droit commun des biens, on distingue le domaine public naturel composé de biens limitativement énumérés par la loi141(*) et qui se forme par un fait de la nature, et le domaine public artificiel formé de biens matériels affectés à un usage ou à un service public. Les biens des domaines publics naturel et artificiel sont matériels. Leur utilisation par les particuliers ne requiert pas toujours l'autorisation préalable de l'autorité publique. Qui plus est, un bien du domaine public de droit commun peut être déclassé ou désaffecté. Les biens du domaine public naturel sont déclassés par le fait des causes naturelles alors que ceux du domaine public artificiel le sont lorsqu'ils cessent d'être affectés à un usage ou à un service public par l'autorité compétente142(*). En matière de droit d'auteur, le domaine public a des connotations différentes. Au terme du délai de protection du droit patrimonial, les oeuvres ne deviennent pas la propriété de l'Etat. Elles ne sont même pas affectées à un service ou à un usage public. Elles peuvent tout simplement être utilisées par les particuliers sous le contrôle de l'Etat et sous réserve d'un règlement d'une redevance, lorsqu'elles sont l'objet d'une exploitation lucrative, dans les conditions déterminées par le ministre ayant la culture dans ses attributions. En plus, les oeuvres qui tombent dans le domaine public le sont une fois pour toutes et ne peuvent plus jamais y être relevées, sauf bien entendu les oeuvres intégrées au domaine public en raison de l'absence de conventions internationales qui les protègent. En outre, la distinction du domaine public naturel et du domaine public artificiel est impensable en matière de droit d'auteur. Il faut, par ailleurs, garder à l'esprit que la notion de domaine public en matière de droit d'auteur concerne des droits intellectuels, donc des biens immatériels. * 138 Cette hypothèse est celle des oeuvres qui émanent des pays envers lesquels le Burundi ne serait pas lié en vertu d'une convention internationale de protection des oeuvres de l'esprit. * 139 Idem, p.238. * 140 Ibidem * 141 Voir article 215 et s. de la loi n° 1/008 du 1er septembre 1986 portant code foncier du Burundi. * 142 Voir article 227 et s. de la même loi. |
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