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Dynamique des Associations paysannes en Haïti et le Développement local (cas de l'Arrondissement de Belle-Anse)

( Télécharger le fichier original )
par Antony JEAN-BAPTISTE
Université Catholique de Louvain & Faculté des sciences Agronomiques de Gembloux - Master Complémentaire en Développement, environnement et Sociétés 2008
  

Disponible en mode multipage

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Dynamique des Associations paysannes en Haïti et le Développement local
(Cas de l'Arrondissement de Belle-Anse)

Mémoire présenté par JEAN-BAPTISTE Antony
En vue de l'obtention du Diplôme de Master complémentaire
en Développement-environnement et sociétés
Filière : Développement régional

Jury composé de :

Promoteur : Fabienne LELOUP (Facultés universitaires catholiques des Mons)

Lecteur : Carlos NIETO (Université Catholique de Louvain)

Lecteur : Sophie CHARL IER (Université Catholique de Louvain)

« Penser Globalement, Agir Localement » (Agenda 21 local)

i

REMERCIEMENTS

La réalisation de ce mémoire de Master Complémentaire en Développement- Environnement et Sociétés ne serait pas possible sans la contribution d'un ensemble de personnalités. Spécialement, j'adresse mes remerciements :

· :. À Dieu, qui m'a donné la vie et qui ne cesse de m'accompagner

· :. À la Direction Générale de la Coopération au Développement (DGCD) pour le financement de mes Études via la Commission Universitaire pour le Développement (CUD)

· :. À toutes les Universités qui assurent la gestion du programme de formation : FUCAM, UCL, FUSAGx et ULG

· :. Au comité d'encadrement de mon mémoire

· :. À tous les professeurs qui m'ont assuré les cours et les séminaires

· :. Au secrétariat de l'Institut d'Études et du Développement de l'UCL

· :. À la gestionnaire de ma bourse à la FUSAGx

· :. À mon épouse

· :. À mes parents et à toute ma famille

· :. À tous mes compatriotes en Belgique et mes camarades de promotion

· :. À tous-tes mes amis-es en Haïti et en Belgique

· :. À mes collaborateurs de terrain en Haïti et les personnes enquêtées

· :. Á toute personne qui a apporté une quelconque contribution.

ii

RÉSUMÉ

L'objectif principal de cette recherche est de discuter et d'appréhender les dynamiques générales mises en place par les associations paysannes de l'Arrondissement de Belle-Anse pour le développement de leur communauté. Sa réalisation a nécessité l'utilisation des informations puisées dans deux sources différentes :

D'abord la littérature grise a été utilisée à partir des documents préparés par l'acteur public (2 rapports de plan de développement régional, 1 rapport sur les activités d'acteurspaysans, 5 documents officiels sur la décentralisation et le développement local) ; des documents préparés par l'acteur privé (4 rapports d'analyse et 7 articles sur la situation de la décentralisation et le développement local, 2 rapports sur les activités de développement régional). Ensuite, à partir d'une série d'entretiens documentaires et exploratoires, réalisé avec 149 acteurs différents (organisations communautaires, bénéficiaires de projet, mouvements féminins, paysans et jeunes, autorités locales, responsables des bureaux de services déconcentrés de l'État ONG locales et internationales et d'autres personnalités de la société civile dans la zone d'étude).

L'État haïtien manifeste son désir à l'application du processus de décentralisation pour la réussite du développement local. Il encourage l'implication des élus locaux (ASEC et CASEC) et de la société civile dans des projets de développement qu'il se charge d'exécuter via des bureaux déconcentrés dans l'Arrondissement de Belle-Anse. Ces projets touchent les secteurs de l'économie paysanne, le social et l'environnement.

Les organisations communautaires paysannes dans l'Arrondissement de Belle-Anse contribuent au développement local à travers la réalisation des projets et programmes de développement durables. Elles se regroupent au sein d'importantes structures décentralisées qui agissent pour la construction de leur territoire unique. La Coordination des Organisations pour le Développement de l'Arrondissement de Belle-Anse (CODAB) représente la plus importante entité de regroupement d'associations communautaires paysannes de la zone. Les structures décentralisées mises en place par la CODAB à tous les niveaux d'intervention de son territoire, lui permettent de toucher toutes les couches de la population locale. Des activités réalisées dans les secteurs du social, de l'économie paysanne et de l'environnement contribuent à l'amélioration des conditions de vie de la population locale. La participation populaire est effective à toutes les phases d'exécution des projets réalisés.

Le financement des programmes et/ou projets de développement dans l'Arrondissement de Belle-Anse est assuré par des ONG locales et internationales ; leur financement passe soit par l'État soit par les organisations paysannes.

Toutefois, le modèle de développement local des associations paysannes, malgré son originalité, mérite d'intégrer davantage la population dans les prises de décision lors de la phase d'exécution de certains projets. Pour sa part, l'État devrait concevoir d'autres programmes de développement qui peuvent satisfaire beaucoup plus de personnes sur une courte période. Le secteur culturel devrait être pris en compte davantage par les acteurs de développement local de la zone.

iii

TABLE DES MATIÈRES

REMERCIEMENTS I

RÉSUMÉ II

TABLE DES MATIÈRES III

LISTE DES FIGURES V

LISTE DES TABLEAUX V

LISTE DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS VI

INTRODUCTION GÉNÉRALE 1

PREMIÈRE PARTIE : 3

PROBLÉMATIQUE, CADRE THÉORIQUE ET CONCEPTUEL DE L'ÉTUDE 3

CHAPITRE I- PROBLÉMATIQUE 3

1.1- OBJECTIFS, HYPOTHÈSE ET INTÉRÊT DE L'ÉTUDE 4

1.2- DÉMARCHE MÉTHODOLOGIQUE ADOPTÉE 6

1.2.1- Présentation de la zone d'étude 6

1.2.2- Démarche utilisée 9

1.2.2.1- Réalisation des entretiens 11

1.2.3- Délimitation de l'étude . 16

CHAPITRE II- CADRE DE L'ÉTUDE ET DÉFINITION DES CONCEPTS 17

2.1- DÉVELOPPEMENT LOCAL 17

2.1.1- Approches conceptuelles 17

2.1.2- Acteurs du développement local 18

2.1.2.1- Stratégies d'acteurs 19

2.2- PARTICIPATION ET DÉVELOPPEMENT 20

2.2.1- Approches conceptuelles 21

2.2.2- Typologie de la participation 22

2.2.3- Enjeux de la participation 23

2.2.3.1- Pratique de la participation populaire 24

2.2.4- Différentes interprétations de la participation 25

2.2.5- Participation et Développement Communautaire Participatif 25

2.2.5.1- Participation et développement communautaire participatif en Haïti 26

2.3- PROBLÉMATIQUE DU PROCESSUS DE DÉCENTRALISATION ET DU DÉVELOPPEMENT LOCAL EN HAÏTI 28

2.4- RÉSULTATS D'ÉTUDES RÉALISÉES SUR LE DÉVELOPPEMENT LOCAL EN HAÏTI 30

DEUXIÈME PARTIE : 35

DÉCENTRALISATION EN HAÏTI ET DÉVELOPPEMENT LOCAL 35

CHAPITRE III- DÉCENTRALISATION DANS LE CONTEXTE HAÏTIEN 35

3.1- HISTORIQUE DE LA DIVISION TERRITORIALE ET DU PROCESSUS DE 35

DÉCENTRALISATION EN HAÏTI 35

3.1.1- Genèse des Sections Communales en Haïti et le développement territorial 38

3.2- DÉCENTRALISATION ET DÉVELOPPEMENT LOCAL EN HAÏTI À L'ÉPOQUE CONTEMPORAINE 42
3.3- REGARD SUR LE NIVEAU POLITICO-ÉCONOM IQUE DU PROCESSUS DE

DÉCENTRALISATION ET DU DÉVELOPPEMENT LOCAL EN HAÏTI 45

CHAPITRE IV- 48

ACTEURS, ACTIONS ET DÉVELOPPEMENT LOCAL DANS LES SECTIONS COMMUNALES DE 3EME THIOTT E ET DE 2EME BOIS D'ORMES 48

4.1- PRINCIPAUX ACTEURS ACTIFS OU ENGAGÉS AU PROCESSUS DE DÉVELOPPEMENT

TERRITORIAL 48

4.1.1- Présentation et participation des acteurs publics 48

4.1.2- Présentation et participation des acteurs privés 54

a. ONG locales et internationales . 55

b. Associations communautaires paysannes 56
4.2- PRÉSENTATION DE LA COORDINATION DES ORGANISATIONS POUR LE DÉVELOPPEMENT

DE L'ARRONDISSEMENT DE BELLE-ANSE (CODAB) 58

4.2.1- Mission et objectifs de la CODAB 59

4.2.2- Fonctionnement et structure de la CODAB 60

4.2.3- 5114RXUH-fKULTbgIFsflfrPTeXUsfeffaRlliXaflfrfflUffiglRnflfrefaafM2 ' $B . 62

i. La caféiculture 62

ii. Le système crédit 63

iii . La transformation agro-alimentaire 64

4.2.4- Projets et/ou programmes accomplis par la CODAB et participation des acteurs 65
4.3- ÉTUDE DE CAS DE DEUX SECTEURS D'ACTIVITÉS DES ORGANISATIONS PAYSANNES DE

L'ARRONDISSEMENT DE BELLE-ANSE 69

4. 3. 1- 3 UbTKOIRnflfrefaEfMRRSbUDFINflfreif3 aaUeXUsflfrIfMdlbflfr1fa'$ UURnlfrisMP entflfrifBeaal-Anse

(COOPCAB) 69

4.3.2- Présentation de la mini-laiterie de la Forêt-des-Pins 72

CONCLUSION GÉNÉRALE 77

LISTE DES FIGURES

Figure 1 : Carte de délimitation de la zone d'étude 7

Figure 2 : Organisation de l'État unitaire décentralisé d'Haïti et Plan National de

Développement 46

Figure 3 : Structure de représentation de la CODAB 61

LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1 : Présentation des sites spécifiques de l'étude 9

Tableau 2 : Présentation des projets réalisés par l'acteur public de 2006 à 2008 dans les Sections Communales de 3ème Thiotte et 2ème Bois d'Ormes 51
Tableau 3 : Projets en perspectives de réalisation par l'acteur public dans les Sections

Communales de 3ème Thiotte et 2ème Bois d'Ormes pour 2009 et 2010 51
Tableau 4 : Activités réalisées par la CODAB dans la 3ème Section Communale Thiotte et la

2ème Section Communale Bois d'Ormes de 2005 à 2008 65

vi

LISTE DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS

ABCAB : Association des Banques Communautaires de l'Arrondissement de Belle-Anse

ACDI : Agence Canadienne de Développement International

A PV : Association des Paysans de Vallue

Art. : Article

ASEC : Assemblée des Sections Communales

ASEM : Association des Éleveurs du Morne des Commissaires

AVSF : Agronomes et Médecins sans Frontières

CASEC : Conseil d'Administration des Sections Communales

CASER : Conseil d'Administration des Sections Rurales

CNC : Conseil National des Coopératives

CNGIS : Centre National de l'Information Géo-Spatiale d'Haïti

CN RA : Commission Nationale de la Réforme Administrative

CODAB : Coordination des Organisations pour le Développement de l'Arrondissement

de Belle-Anse

COOPCAB : Coopérative des Planteurs de Café de l'Arrondissement de Belle-Anse COPAB : Coordination des Paysans de l'Arrondissement de Belle-Anse

COPRODEP : Conseil de Projet National de Développement Communautaire Participatif

CROSE : Coordination Régionale des Organisations du Sud-est

BCA : Banque de Crédit Agricole

BID : Banque Interaméricaine de Développement

BM PAD : Bureau de Monétisation des Programmes d'Aide au Développement

DCP : Diagnostic Communautaire Participatif

D.E.A : Diplôme d'Études Approfondies

DSNCRP : Document Stratégique Nationale pour la Croissance et la Réduction de la

Pauvreté

DSRP : Document Stratégique de Réduction de la Pauvreté

FAES : Fonds d'Assistance Économique et Social

FENATA PA : Fédération Nationale des Travailleurs Paysans Haïtiens

FIC : Fonds d'Investissement Communal

FIDA : Fonds International de Développement Agricole

FID : Fonds d'Investissement Départemental

FIL : Fonds d'Investissement Local

FIP : Fonds d'Investissement Public

FLM : Fédération Luthérienne Mondiale

FLO : FairTrade Labelling Organizations

FMI : Fonds Monétaire International

FOPLAB : Fédération des Planteurs de l'Arrondissement de Belle-Anse

GTZ : Deutsche Gesellschaft für Technische Zusammenarbeit

ICRA : Centre International de la Recherche Agricole

IHSI : Institut Haïtien de Statistiques et d'Informatique

INCAH : Institut national du Café Haïtien

IN ESA : Inter Entreprise S.A

KOPCAB : Koperativ Plantè Cafe Awondisman Bèlans

MOFAB : Mouvement des Femmes de l'Arrondissement de Belle-Anse

MOPAB : Mouvement de Paysans de l'Arrondissement de Belle-Anse

OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Économique

OIT : Organisation Internationale du Travail

ONG : Organisation Non Gouvernementale

OP : Organisation Populaire

OX FA M : Oxford Committee for Relief Famine

PADF : Pan American Development Foundation

PAM : Programme Alimentaire Mondial

PAPDA : Plate-forme Haïtienne de Plaidoyer pour un Développement Alternatif

PCD : Plans Communaux de Développement

PDC : Plan de Développement Communal

PDD : Plan Départemental de Développement

PDL : Projet de Développement Local

PDRI/BA : Programme de Développement Rural Intégré de Belle-Anse

PDSC : Plan de Développement Section Communale

PIB : Produit Intérieur Brut

PIL : Plan d'Intervention Local

PIP : Programme d'Investissement Public

PLCPDL : Programme de Lutte contre la Pauvreté et de Développement Local

PME : Petites et Moyennes Entreprises

PND : Plan National de Développement

PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement

PRODEP : Projet National de Développement Communautaire Participatif

RAD : Recherche Agricole pour le Développement

s. d. : Sans date

SIG : Système d'Information Géographique

s. l. : Sans lieu

Sp : Espèce

UNESCO : Organisations des Nations Unies pour l'Éducation la Science et la Culture

INTRODUCTION GÉNÉRALE

À l'heure actuelle où beaucoup d'efforts sont effectués par les pays développés quant à l'application du processus de développement local, les pays du sud comme Haïti sont invités à « emboîter le pas » à la réussite dudit processus obligatoire pour leur développement.

Ce travail de mémoire, portant sur les associations paysannes et le développement local en Haïti rentre dans le cadre de la préparation du diplôme de master complémentaire en développement, environnement et sociétés. C'est un thème qui fait l'objet de nombreux débats en Haïti depuis environ deux décennies tant par l'acteur public que par le privé.

À travers tout le pays, beaucoup d'associations communautaires paysannes tentent d'apporter leur support à la population rurale qui connaît parfois des situations alarmantes. Souvent, le pouvoir exécutif témoigne de son désir d'initier de façon adéquate le processus de développement local via la décentralisation des collectivités territoriales. Depuis la constitution haïtienne de 1987, une loi et plusieurs décrets ou projets-loi sont arrivés pour renforcer le processus de décentralisation.

Ainsi, la réalisation de cette étude trouve sa justification suite à la réalisation des expériences professionnelles pendant l'exécution du projet « Appui aux éleveurs de poulets créoles à Bois d'Ormes ». Ce projet de développement a été financé par l'État haïtien dans la Section Communale de Bois d'Ormes en 2007 et 2008. Cette activité professionnelle que j'ai conduite m'a permis de travailler avec plus d'une cinquantaine d'associations paysannes bénéficiaires du projet ; la plupart de ces associations de développement sont affiliées à une fédération de Section Communale, l'une des structures qui forment la Coordination des Organisations pour le Développement de l'Arrondissement de Belle-Anse (CODAB)1.

Toujours en 2007, j'ai réalisé une étude pour le Ministère de l'Agriculture des Ressources et du Développement Rural sur le diagnostic technique et économique de la production et la transformation du lait de vaches dans la 3ème section communale de Thiotte. Cette étude rentrait dans le cadre de la réalisation du Service civique sanctionnant mon diplôme d'Ingénieur-Agronome.

Pendant la réalisation de ces deux années d'expériences professionnelles, il était très important pour moi d'appréhender le fort dynamisme pratiqué par la population locale via les associations collectives pour le développement de leur communauté.

1 C'est une structure de regroupements d'associations paysannes de toute cette région administrative d'Haïti

Eût égard à toutes ces considérations, il s'avère utile de présenter le modèle de construction territoriale pratiqué par les associations paysannes de deux sections communales de l'Arrondissement de Belle-Anse. Il s'agit de la 3ème Section Communale Thiotte et de la 2ème Section Communale Bois d'Ormes respectivement de la commune de Thiotte et d'Ansesà-Pitres.

Le contenu du travail est divisé en deux grandes parties :

· La première partie comprend la problématique, les objectifs fixés et la méthodologie adoptée, d'une part et d'autre part, le cadre théorique et conceptuel basé sur les concepts de développement local et de la participation populaire.

· La deuxième partie tient compte d'abord, de l'état actuel du processus de la décentralisation présenté à partir des textes de lois haïtiennes et des travaux de recherche réalisés dans ce domaine. Ensuite, de la présentation des résultats obtenus à partir des données de rapport, d'observations et d'enquêtes de terrain sur la situation de développement de la zone d'étude.

L'application du processus de décentralisation révèle particulièrement des compétences de l'État, alors que la réussite du développement local nécessite à la fois les intérêts de l'acteur public et de l'acteur privé. À travers cette partie de l'étude, il est question d'insister sur le mode de transfert du pouvoir de l'État aux communautés locales pour la réussite du processus de développement local.

Cette étude se limite à l'utilisation des données qualitatives préalablement collectées avant la formulation de la question de départ. Il s'agit d'une étude exploratoire qui ouvre des pistes pour d'autres études approfondies dans ce domaine.

PREMIÈRE PARTIE :

PROBLÉMATIQUE, CADRE THÉORIQUE ET CONCEPTUEL DE L'ÉTUDE CHAPITRE I- PROBLÉMATIQUE

Malgré l'élaboration et la mise en place des plans et des stratégies pour le développement d'Haïti, les conditions de vie socio-économiques de la population sont encore très défavorables. Cette situation de crise persiste depuis plusieurs décennies.

Dans un cadre général, les divers projets identifiés et exécutés n'ont pas toujours donné les résultats attendus. Le pays est considéré comme étant le plus pauvre de la Caraïbe et de l'Amérique Latine en considérant plusieurs indicateurs de base. Selon le PNUD (2008), Haïti fait partie des pays à revenus faibles avec un PIB/ habitant avoisinant $ 1 663 US. A propos de l'Indice de Développement Humain, il est classé 146 sur 177 pays avec un IDH moyen équivalent à 0.529 (PNUD, 2008). Pour une population d'environ 9.9 millions d'habitants2 en 2009, 78% vit en dessous du seuil de pauvreté de $ 2 US par jour et en moyenne 53% vit en situation de pauvreté extrême (PNUD, 2008).

En fait, des problèmes de toutes sortes rongent le pays : entre autres, l'insécurité alimentaire et le manque de productions vivrières bien que l'agriculture soit l'activité principale, pratiquée par 93% de la population en milieu rural. Le milieu rural est occupé par 59.2% de la population totale du pays (IHSI, 2003)3. Il est donc important de se poser la question par rapport à la mauvaise gestion politique de l'État haïtien, mais aussi de l'inefficacité du mode de gestion et de coordination des actions de principaux partenaires techniques et financiers.

A la fin des années 80, bon nombre d'Associations ou Groupements locaux sont apparus pour apporter leur contribution au développement de leur communauté respective. Ce mouvement de création notamment d'associations paysannes en Haïti a émergé après la chute du dernier régime dictatorial de Jean-Claude DUVALIER en 1986. Ces structures ont connu un accroissement sans précédent à travers tout le pays, avec parfois des visions et des modes de fonctionnement différents. Elles sont surtout appuyées par les ONG d'aide au

2 République d'Haïti, Institut Haïtien de Statistiques et d'Informatique (IHSI). [En ligne]. [Consulté le 29 mai 2009]. Disponible sur World Wide Web: http://www.ihsi.ht/produit_demo_soc.htm.

3 En 2003, Haïti comptait environ 8.4 millions d'habitants. I HSI/Recensement Général de la Population et de l'Habitat.

développement qui, ont commencé à s'installer, elles aussi en Haïti quasiment à la même période.

Ce travail de mémoire envisage d'étudier les actions menées par les associations paysannes dans deux Sections Communales de l'Arrondissement de Belle-Anse d'Haïti (Département du Sud-est). Actuellement, la majorité des associations paysannes dans cette région administrative d'Haïti se regroupent autour d'une même structure centrale nommée la « Coordination des Organisations pour le Développement de l'Arrondissement de Belle-Anse (CODAB) ». Existée depuis en 2005, elle provient de la fusion de trois autres organisations communautaires régionales dont la Coordination des Paysans de l'Arrondissement de Belle- Anse (COPAB), la Fédération des Organisations des Planteurs de l'Arrondissement de Belle- Anse (FOPLAB), et la Coopérative des Planteurs de Café de l'Arrondissement de Belle-Anse (COOPCA B).

La COPAB4 a été créée en 1989 par l'union de plusieurs groupements paysans qui existaient dans « la région » avec comme objectif de répondre à certains besoins de la population locale. Depuis son existence, l'organisation a réalisé quelques projets socioenvironnementaux avec la participation d'associations paysannes de base présentes dans la zone. En 1998, pour avoir plus de transparence au niveau local et en vue d'agrandir leur coopération nationale et internationale, la COPAB et ses partenaires de base se sont fusionnées pour créer deux structures plus grandes : la FOPLAB et la COOPCAB. Ces deux dernières ont bénéficié de l'appui technique et financier de la Fédération Luthérienne Mondiale (FLM, une ONG internationale) et de la Coordination Régionale des Organisations du Sud-est (CROSE, une ONG nationale).

L'étude va tenter de répondre à la question suivante: comment les associations paysannes de l'Arrondissement de Belle-Anse contribuent-elles au développement des Sections Communales de 3ème Thiotte et 2ème Bois d'Ormes ?

1.1- OBJECTIFS, HYPOTHÈSE ET INTÉRÊT DE L'ÉTUDE

Objectif principal

L'objectif principal fixé dans le cadre de cette étude est de discuter et d'appréhender les dynamiques générales mises en place par les associations paysannes de l'Arrondissement de Belle-Anse pour le développement de leur communauté.

4 La première organisation régionale qui a favorisé la création de la CODAB

Objectifs spécifiques

Spécifiquement, le travail consiste à :

1. Réaliser une brève historique du développement de la 3ème Section Communale Thiotte et de la 2ème Section Communale Bois d'Ormes ;

2. Identifier, présenter et analyser la stratégie de mises en oeuvre des actions de développement par les acteurs locaux au profit de leur communauté ;

3. Présenter le niveau de participation de la population aux initiatives de développement des organisations communautaires dans la zone.

Hypothèse

Au regard des perceptions sur la situation de développement dans les Sections Communales de 3ème Thiotte et de 2ème Bois d'ormes et à partir d'une consultation de la littérature, la question centrale de l'étude a fait l'objet d'une hypothèse qui est formulée de la manière suivante : les stratégies d'intervention mises en place et pratiquées par les associations communautaires pour l'exécution de leurs activités favorisent le développement local dans ces unités territoriales haïtiennes.

Intérêt de l'étude

Dans le contexte de pauvreté existant en Haïti, la problématique du développement ne devrait pas être abordée sans considérer les spécificités locales. Sa plus grande difficulté tient au fait que sa compréhension requiert une certaine originalité qui n'est pas toujours à la portée des décideurs. En matière de développement, aucun individu ne peut prétendre, à lui seul, posséder la méthode ou la stratégie adéquate. Les associations paysannes au niveau de l'Arrondissement de Belle-Anse d'Haïti semblent s'unir autour du développement de leur communauté. Cette forme de regroupement et de dynamiques associatives paysannes à une telle échelle en Haïti ne paraît exister que dans cette zone. C'est pourquoi, il est utile d'identifier et de révéler les stratégies mises en place par les associations communautaires de cette zone pour l'exécution de leurs activités sous la direction de la Coordination des Organisations pour le Développement de l'Arrondissement de Belle-Anse (CODAB).

1.2- DÉMARCHE MÉTHODOLOGIQUE ADOPTÉE 1.2.1- Présentation de la zone d'étude

Cette étude se réalise dans le Département du Sud-est d'Haïti, l'un des plus petits avec une superficie de 2 753 km2 soit 7.7 % de la superficie totale d'Haïti. La population totale est estimée à 484 675 habitants (IHSI, 2003). Le Département du Sud-est est divisé en 3 Arrondissements : Jacmel (Chef lieu), Bainet et Belle-Anse. La ville de Jacmel est réputée pour ses attractions touristiques et par ses nombreux sites naturels. Ses anciennes maisons de l'époque coloniale sont classées comme du patrimoine national et depuis le 21 septembre 2004, son centre historique était soumis à la liste indicative de l'UNESCO5.

L'Arrondissement de Belle-Anse est limité au Nord-est par la Forêt-des-Pins6, au sud par la mer des Caraïbes, à l'Est par la République Dominicaine et à l'Ouest par la Commune de Marigot. Sa superficie est de 765,33 km2. Cet Arrondissement comprend 4 Communes: Belle-Anse (chef lieu), Grand-Gosier, Thiotte et Anses-à-Pitres, 12 Sections Communales et 245 localités7. Selon les résultats du 4ème Recensement Général de la Population et de l'Habitat, cette région administrative du pays possède une population de 107.446 habitants dont 51.74 % de femmes ; environ 86 % de cette population vit en milieu rural (IHSI, 2003).

Les Communes de Thiotte et d'Anse-à-Pitres qui sont concernées par cette étude comprennent respectivement 23.041 habitants et 21 .8846 habitants (IHSI, 2003) ; se divisent en 4 Sections Communales : 3ème Section Communale Thiotte et 2ème Section Communale Pot-de-Chambre ; 1ère Section Communale Boucan Guillaume et 2ème Section Communale Bois d'Ormes. La 3ème Section Communale Thiotte est subdivisée en 21 localités et celle de 2ème Bois d'Ormes en 17 localités. Leur délimitation est faite à partir de la Figure 1.

5 UNESCO (2006). Patrimoine mondial : Centre historique de Jacmel. [En ligne]. [Paris] : UNESCO. [Consulté le 10 juin 2009]. Disponible sur World Wide Web: « http://whc.unesco.org/fr/l istes indicatives/1 947/».

6 La Forêt-des-Pins représente l'une des réserves forestières de Pinus occidentalis les plus importantes d'Haïti et même des Caraïbes

7 Les Sections Communales haïtiennes sont subdivisées en plusieurs localités

Figure 1 : Carte de délimitation de la zone d'étude

Source : Centre National de l'Information Géo-Spatiale d'Haïti (CNGIS)8, mars 2009

Spécifiquement, ces deux Sections Communales se caractérisent par des conditions éco-cli matiques différentes par rapport à l'ensemble du pays. Les précipitations annuelles sont d'environ 1900 millimètres et l'altitude varie entre 700 à 1500 mètres. Elles jouissent d'un climat de type tropical et la température moyenne annuelle se situe autour de 23, 5 °C. Ces conditions déterminent un terroir à fortes potentialités productives du café. Cette « région » est classée par le Ministère de l'Agriculture des Ressources Naturelles et du Développement Rural comme une zone stratégique pour la caféiculture (INESA, 2001 : 28). Le café constitue l'une des principales cultures de rente en Haïti, avec la mangue et le cacao. A l'instar des autres zones caféières du pays, les plantations sont reparties au niveau des vallons, des plateaux et près des habitations. Elles forment un agro-écosystème boisé, souvent associés à des espèces pérennes et productives comme le sucrin (Inga vera), l'avocatier (Persea

8 Le Centre National de l'Information Géo spatiale, (CNIGS), est une agence publique du Ministère de la Planification et de la Coopération Externe. Le CNIGS est le plus important fournisseur en matière de technologie et de services de Systèmes d'Information Géographique (SIG) en Haïti, elle sert de dépositaire de toutes les données géo spatiales du pays

americana), les Citrus, la banane (Musa sp.), les tubercules (Colocasia antiquorum, Dioscorea alata) (C.A. Belliard, 2006). La variété de café cultivée est de type Arabica9. Il est cultivé sur des petites superficies variant de 1-3 ha et son rendement est estimé à 500 kg/ha (F. Pierre, 2005). Selon une étude réalisée par INESA (2001), 77% des producteurs de café dans la « région » de Belle-Anse sont propriétaires de leur terrain contre 5.4% qui cultivent des terres en métayage et le reste est sous l'affermage de terres appartenant à l'Etat.

Les activités extra-agricoles sont dominées par le commerce, notamment à travers la frontière haitiano-dominicaine. Le type de frontière existant dans la zone est semi-ouvert et des échanges se font deux fois par semaine (lundi et vendredi) entre les deux peuples partageant une même île. Il s'agit d'un marché binational qui attire des habitants des quatre coins de l'Arrondissement de Belle-Anse. Les échanges sont dominés par des produits vivriers, des fruits de mer, des produits d'élevage du côté des Dominicains ; des cultures maraîchères10 et des fruits11 du côté des Haïtiens. Pour assurer leur survie, les habitants s'adonnent souvent à la commercialisation des produits forestiers (planches et charbon)12.

Le secteur financier privé est très faiblement représenté et marque sa présence uniquement en milieu urbain via des caisses populaires et des banques d'épargne et de crédit. Certains bureaux des services déconcentrés de l'État existent uniquement en centre urbain. Sur un effectif de 18 Ministères fonctionnels actuellement en Haïti, 6 sont présents au niveau de ces deux Communes : le Ministère de l'Agriculture (seulement à Thiotte), le Ministère de l'Économie et des Finances, le Ministère de la Santé Publique et de la Population, le Ministère de l'Éducation Nationale et de la Formation Professionnelle, le Ministère de la Justice et de la Population et enfin le Ministère de l'Intérieur et des Collectivités Territoriales. Ce dernier est représenté par le bureau des Conseils Municipaux au niveau des villes et celui des Conseils d'Administration des Sections Communales (CASEC) dans les Sections communales.

Belle-Anse est l'une des régions administratives de la République d'Haïti où les infrastructures routières sont en piteux état. Les communes de Thiotte et d'Anses-à-Pitres sont toutes les deux très éloignées de Jacmel où sont concentrés, malheureusement les services au niveau départemental. Par rapport à la capitale Port-au-Prince, elles sont situées à une plus

9 Coffea arabica est son nom scientifique

10Elles représentent la culture des choux, de la pomme de terre et de l'oignon

11 L'avocat et les agrumes sont les principaux fruits échangés

12 République d'Haïti, Ministère de l'Environnement et al. (2004). Rapport des communautés sinistrés de l'Arrondissement de Belle-Anse et proposition de mesures d'adaptation. Port-au-Prince, Haïti

proche distance même si la situation routière est tout aussi difficile. Une présentation synthétique des sites spécifiques de l'étude est faite au Tableau 1.

Tableau 1 : Présentation des sites spécifiques de l'étude

3ème Section Thiotte 2ème Section Bois d'Ormes

Localisation Commune de Thiotte Commune des Anse-à-Pitres

Superficie 57.71 km2

Caractéristiques Température moyenne /an: 22oC Température moyenne/an : 25°C

physiques Pluviométrie moyenne/an: 1800 mm Pluviométrie moyenne/an : 2000 mm

Population 8000 habitants en 2003 8600 habitants en 2003

Activités dominantes Agriculture, élevage et petit commerce Agriculture, élevage et petit commerce

Distances régionales 72.3 km de Jacmel 84.7 km de Jacmel et

et 59.9 km de Port-au-Prince 81.7 km de Port-au-Prince

Potentialités agricoles Caféiculture et cultures maraîchères Caféiculture

Sources : FAES (2005). Rapports Plan de Développement de Section Communale, et enquête de l'auteur (2008).

1.2.2- Démarche utilisée

Cette étude vise l'identification et la valorisation des dynamiques de développement local mises en place par des associations communautaires paysannes pour produire du changement un niveau de leur communauté. Les informations utilisées pour sa réalisation, proviennent singulièrement de deux sources différentes : de la littérature grise à partir de 21 documents et par le bais des enquêtes de terrain réalisées avec des acteurs locaux avant de venir en Belgique pour les études.

Les types de documents utilisés sont :

· 2 rapports préparés par l'État haïtien via le Fonds d'Assistance Économique et Social (FAES) en 2005 sur le Plan de Développement de Section Communale ;

· 1 rapport d'étude réalisé par la Direction Départementale régionale du Ministère de l'Agriculture des Ressources Naturelles et du Développement Rural en 2007 sur des activités de développement de la paysannerie locale ;

· 5 documents officiels publiés par l'État central pour la réussite de la décentralisation et le développement local (Constitution Haïtienne de 1987, 2 textes de loi, 1 décret-loi et 1 projet-loi).

· 4 rapports traités par des acteurs privés entre 2001 et 2007 sur le processus de décentralisation et du développement local ;

· 7 articles publiés sur internet par des acteurs privés entre 2005 et 2009 sur le processus de décentralisation et du développement local (3 articles d'un journal quotidien, 4 rapports d'analyses) ;

· 2 rapports préparés par des acteurs privés entre 2001 et 2005 sur des activités de développement dans la zone ;

La collecte des données par les enquêtes a été réalisée au mois d'Août 2008 sur un échantillon de 149 acteurs représentatifs des deux Sections Communales choisies. Le but n'a pas été d'effectuer un échantillonnage statistiquement représentatif mais plutôt de toucher dans la mesure du possible toutes les localités couvertes par les activités des associations paysannes. Pour les deux sections communales réunies, les différentes catégories d'acteurs qui ont été interviewés sont :

1. 18 personnes membres de la société civile : 4 représentants d'églises, 1 responsable de centre de santé, 5 directeurs d'écoles publiques et privés, 3 représentants d'associations professionnelles, 2 notables, 3 représentants d'ONG ;

2. 16 représentants de l'État central décentralisé : deux maires communaux, 6 membres du Conseil d'Administration des Sections Communales (CASEC), 6 membres de l'Assemblée des Sections Communales (ASEC), 2 responsables du bureau régional du Ministère de l'Agriculture des Ressources Naturelles et du Développement Rural ;

3. 3 membres du comité exécutif de la Coordination des Organisations pour le Développement de l'Arrondissement de Belle-Anse (CODA B) ;

4. 10 membres du comité exécutif des deux fédérations des Sections Communales mises en place par la CODAB ;

5. 100 bénéficiaires directs des activités de la CODAB dans les deux Sections Communales. Ils ont été choisit de manière aléatoire et ils sont membres de 3 catégories d'organisations affiliées à la CODA B : 50 % du mouvement paysan, 35 % de celui des femmes et 15 % du mouvement des jeunes. Ce groupe de bénéficiaires incluent à la fois des caféiculteurs de la 2ème Section Communale Bois d'Ormes et des éleveurs de la 3ème Section Communale Thiotte ou leurs activités sont traitées ultérieurement à partir de 2 études de cas.

6. 1 responsable de la Coopérative des Planteurs de Café de l'Arrondissement de Belle- Anse (COOPCAB), une filière économique de la CODAB localisée dans la 2ème Section Communale de Bois d'Ormes ;

7. 1 responsable de la Laiterie de la Forêt-des-Pins localisée dans la 3ème Section Communale de Thiotte, une autre filière économique des associations communautaires paysannes et de la CODAB.

Les bénéficiaires rencontrés sont tous membres d'associations communautaires paysannes qui travaillent de manière conjointe avec la Coordination des Organisations pour le Développement de l'Arrondissement de Belle-Anse (CODAB). Ils proviennent de toutes les localités (21 localités à la 3ème Section Communale de Thiotte et 17 localités à celle de 2ème Bois d'Ormes) qui forment séparément les Sections Communales comme l'indique la Figure 1.

Pour la présentation du cadre théorique de l'étude, d'abord des documents traitant de certaines théories du concept de développement local et de la participation des acteurs dans des projets et programmes de développement ont été consultés. Ensuite, la problématique pour la réussite de la décentralisation et du développement local en Haïti ; enfin la présentation des résultats de 4 autres études réalisées, entre autres, sur l'implication des acteurs au développement local en Haïti. Le choix des informations présentées dans ce cadre théorique est lié aux objectifs définis dans le cadre de la recherche. Ces informations ont servi de repère pour la présentation et l'analyse des données disponibles et pour la vérification de l'hypothèse de départ.

1.2.2.1- Réalisation des entretiens

Les informations ont été obtenues à partir d'une série d'entretiens documentaires et exploratoires. Il consistait à définir certaines notions qui font l'objet du thème de la recherche et de la consultation des documents nécessaires. D'autres notions ont été aussi choisies sur la base des connaissances du milieu d'étude. Ces séries d'entretiens ont été effectuées avant la définition de la question de recherche adoptée.

Les différentes catégories d'acteurs citées plus haut ont été questionnées à partir d'un focus-groupe et de manière séparée pour chaque Section Communale. Les entretiens avec les bénéficiaires directs d'activités des associations paysannes et de la CODA B ont été réalisés en deux séries de 25 personnes par Section Communale.

Les informations recherchées ont eu un lien avec les aspects qui suivent : le développement général de la zone, la présentation de la CODAB et ses structures d'existence, les rapports entre les associations communautaires de base et la CODAB, la présentation de la Coopérative des Planteurs de Café de l'Arrondissement de Belle-Anse, enfin la présentation de la Laiterie de la Forêt-des-Pins. D'une manière générale, l'aspect historique de développement a été considéré avec tous les acteurs rencontrés.

Les membres de la société civile et les représentants de l'État central ont été questionnés sur le développement général des Sections Communales en tenant compte de leur niveau de participation, des contraintes et des atouts disponibles à la réussite du développement... Les différents thèmes abordés sont:

+ Date de début de la mobilisation pour le développement de la zone

+ Différents acteurs impliqués dans ce mouvement de mobilisation

+ Les initiateurs (les pionniers) de ce mouvement de mobilisation

+ Raisons de la mobilisation pour le développement (politique, économique, socioculturel, environnemental, etc.)

+ Difficultés rencontrées au cours de la mobilisation pour le développement

+ Secteurs opposés à la réussite du mouvement de mobilisation pour le développement + Moyens et atouts disposés par les initiateurs du mouvement

+ Les influences d'autres secteurs sur le processus de développement

+ Les Régimes politiques opposés dans le passé à la réussite du mouvement de sensibilisation pour le développement de la zone

+ Appuis bénéficiés par les initiateurs du mouvement de la part d'autres secteurs (Société civile, état, ONG, etc.)

+ Moyens utilisés pour sortir des handicaps présentés a la réussite du mouvement (démarches, tentatives...).

+ Supports d'autres secteurs pour sortir des handicaps

+ Evaluation de la participation des différents acteurs au développement de la zone

actuellement par rapport au temps passé (Population, société civile, l'Etat)

+ Niveau d'implication de la population à la réussite du processus de développement + Principales contraintes et atouts pour réussir le développement de la zone

+ Niveau d'implication des élus locaux aux activités de développement

+ Supports fournis par l'État central aux élus locaux

+ Principales difficultés rencontrées par les élus locaux

v Moyens à la portée des élus locaux pour participer au développement de leur communauté

v Rapports entre les ONG et les élus locaux

v Avis personnel sur capacité des communautés locales (Organisations) pour réaliser le développement dans la zone

v Perspectives d'avenir pour le développement

Les débats avec les trois membres du comité exécutif de la CODAB ont été déroulés autour de la présentation générale de l'organisation, son fonctionnement et ses stratégies d'intervention. Les différents thèmes abordés sont :

v Création de l'organisation (historique...)

v Fonctionnement général de l'organisation

v Missions, intérêts et objectifs

v Nombre de membres et conditions pour devenir membres de la CODA B

v Comités de fonctionnement (comment, qui, pourquoi, mandat,...)

v Bénéficiaires des activités de la CODA B (caractéristiques, critères...)

v Structure et stratégies mises en place

v Ressources de l'organisation

v Activités (secteurs, choix, exécution, participation)

v Identification des activités et critères de priorisation d'une zone

v Partenaires techniques et financiers

v Structures décentralisées (création, pourquoi, relations, niveaux d'influences, ...)

v Perspectives pour l'organisation

Les thèmes débattus avec les comités exécutifs des deux fédérations de Sections Communales sont :

v Création de la fédération (historique...)

v Pourquoi l'existence de la fédération

v Mise en place du comité exécutif (qui et comment)

v Affiliation à la CODAB (conditions)

v Affiliation d'une organisation paysanne à la fédération (conditions)

v Liens entre la fédération et ses membres

v Liens entre la fédération et la CODAB

v Liens entre la fédération et les autres fédérations de la commune

v Liens entre la fédération et la coordination communale

v Types d'organisation membres de la fédération

v Identification des activités dans la zone (qui et comment)

v Participation de la fédération aux prises de décision de la CODAB

v Bénéficiaires des activités de la fédération

v Quantité d'organisations attachée à la fédération

v Faiblesses et points forts pour le fonctionnement de la fédération

v Conditions d'affiliation à la CODAB

v Évaluation des stratégies d'intervention de la CODAB

Les bénéficiaires directs des activités de la CODAB ont été questionnés sur leur niveau de participation et de la satisfaction de leurs besoins sur les thèmes suivant :

v Affiliation à une organisation paysanne

v Liens entre l'organisation membre et la fédération

v Liens entre l'organisation membre et la CODAB

v Critères de choix des bénéficiaires par l'organisation communautaire

v Types d'activités réalisées par la CODAB

v Identification des activités (qui, comment) et exécution des activités

v Participation aux activités prises dans la zone

v Évaluation du mode d'intervention de la CODAB

v Conditions d'affiliation à une organisation ou à la CODAB

v Bénéficiaires des activités des organisations paysannes (critères de choix, qui et comment)

v Activités réalisées par les organisations paysannes (types, avantages...)

v Jugement sur les stratégies d'intervention des organisations

Les entretiens avec l'un des responsables de la Coopérative des Planteurs de Café de l'Arrondissement de Belle-Anse (COOPCAB) ont été déroulés sur la présentation générale de la coopérative, son fonctionnement... sur les thèmes suivant:

v Historique de la création

v Fonctionnement général et pourquoi l'existence de la COOPCAB

v Ses objectifs, ses stratégies, ses intérêts et difficultés rencontrées

v Types d'activités et bénéficiaires

v Liens entre la COOPCAB et la CODAB et avantages fournis

v Importance de la CODAB

v Nombres de planteurs membres et variations de ce nombre à travers le temps

v Rapports entre chaque planteur et COOPCAB

v Rapports entre les organisations paysannes de la zone et la COOPCAB

v Organisation du réseau de collecte de café

v Commercialisation du café (marché, formes, volume, difficultés rencontrées et stratégies)

v Présentation du secteur caféiculture avant la COOPCAB

Avec présence de la COOPCAB, changements et/ou avantages pour les producteurs

v Partenaires techniques et financiers de la COOPCAB (local, régional, national et international)

v Récolte du café, quelle période et durée de la période ?

v Activités de la COOPCAB pendant la période de non-récolte du café

v Perspectives d'avenir

Enfin, les débats avec l'un des responsables de la Laiterie de la Forêt- des-Pins se sont déroulés autour de sa présentation générale et des stratégies de fonctionnement sur les thèmes suivant:

v Historique de présentation de la laiterie

v Principaux partenaires

v Membres de laiterie et avantages fournis aux éleveurs

v Transformation (produits, marchés)

v Rôles et contributions de la CODAB pour la mise en place de la laiterie

v Supports fournis actuellement par la CODAB à la laiterie

v Bénéfices/avantages tirés par la CODA B de la laiterie

v Rapports actuels entre les responsables de la laiterie et la CODA B

v Prise de décision au niveau de la laiterie et niveaux d'influence de la CODAB

v Principales contraintes

A la fin de chaque séance d'entretiens, des débats généraux ont été ouverts autour des points débattus ensembles et des recommandations générales ont été formulées par les acteurs.

Enfin, les données obtenues ont été dépouillées et traitées pour faire ressortir la tendance générale. En raison des communications fréquentes établies depuis la Belgique avec les acteurs de terrain, les informations obtenues ont été ajustées durant le séjour.

1.2.3- Délimitation de l'étude

Dans le temps, cette étude se limite à la présentation de l'histoire de développement de la zone étudiée à partir de l'année 1986 en tenant compte des acteurs impliqués aux actions de développement local. Cette année de référence coïncide à la période d'émergence et de participation des organisations communautaires haïtiennes aux activités de développement local, d'une part et d'autre part, elle correspond à l'initiation du processus de décentralisation par l'État central au profit des Collectivités Territoriales avec l'arrivée de la nouvelle constitution. Ensuite, bien que l'année 1989 réfère le début du processus d'unification des organisations communautaires de base dans la zone et malgré l'existence de la Coordination des Organisations pour le Développement de l'Arrondissement de Belle-Anse (CODAB) en 2005 ; son choix d'études se justifie en raison de la destitution des structures préexistantes, de la connaissance d'un vrai réseau de coordinations et de participation d'acteurs et de la facilité de trouver les informations nécessaires par rapport au thème étudié. Toutefois, la Coopérative des Planteurs de Café de l'Arrondissement de Belle-Anse (COOPCAB) existant depuis plus d'une dizaine d'années et représente une structure importante de regroupement des producteurs de café de la zone est prise en considération. Enfin, l'année 2005 coïncide aussi au commencement de l'intégration des Collectivités locales au processus de développement de leur communauté respective de la part de l'État central.

Dans l'espace, bien que les activités de la CODAB s'étendent dans toutes les douze Sections Communales de l'arrondissement de Belle-Anse, l'étude se réalise au niveau de la 3ème Section Communale Thiotte et 2ème Section Communale de Bois d'Ormes. Le choix de ces zones se porte sur leur niveau d'accessibilité en fonction du temps disponible avant de venir en Belgique pour les études, sur leur potentialité pour la caféiculture, une ressource rare en Haïti ; enfin par rapport à la possibilité de faire des observations personnelles au niveau de ces unités territoriales pendant la réalisation des expériences professionnelles. L'enquête s'est réalisée de manière non-exhaustive sur un faible échantillon pour l'obtention des données uniquement qualitatives.

CHAPITRE II- CADRE DE L'ÉTUDE ET DÉFINITION DES CONCEPTS

Les organisations paysannes haïtiennes étudiées définissent une forte dynamique participative pour l'implication de la population dans les activités de développement. Ces acteurs locaux se sont bien organisés dans leur espace de vie pour construire leur projet de territoire. En admettant que des acteurs locaux bien organisés dans un espace donné sont capables d'avoir un projet commun à travers d'une part, la participation et d'autre part, de bonnes stratégies territoriales ; le cadre théorique du mémoire est lié principalement à la présentation de deux concepts : le développement local et la participation. Ce cadre théorique va servir de guide pour l'analyse des informations disponibles puisées à partir de la littérature grise consultée et à partir des entretiens réalisés. Ce chapitre comprend essentiellement 4 parties :

(1) une approche conceptuelle du développement local, des acteurs et de leurs stratégies d'actions ;

(2) une présentation de la notion de participation et de développement ;

(3) une problématique du processus de la décentralisation et du développement local en Haïti ;

(4) un résumé de certains travaux réalisés en Haïti autour de la participation des organisations paysannes au processus de développement local.

Son contenu va être utilisé comme point de repère pour l'analyse et la discussion des résultats trouvés.

2.1- DÉVELOPPEMENT LOCAL 2.1.1- Approches conceptuelles

Le concept de développement local fait appel à de nombreuses définitions et de diverses appellations depuis plus de deux décennies. Certains auteurs comme (Aydalot, 1986 & Proulx, 1995) parlent d'une vision de développement par le bas ce qui est contraire au paradigme de développement par le haut (Aydalot, 1985 in S. Tremblay, 1999). Il est devenu un concept d'actualité un peu partout à travers le monde, dans les pays du Nord comme dans les pays du Sud.

En Europe, les auteurs parlent surtout de développement local qui se produit à l'échelle territoriale c'est-à-dire le milieu est considéré comme facteur de développement ; tandis que dans les pays comme le Canada et les États-Unis d'Amérique, les écrits parlent plutôt du développement communautaire. Cette dernière conception est cadrée « sur une vision globale et sociale du développement et fondée à la fois sur les solidarités et les

initiatives à l'échelle locale pour empêcher les effets du développement libéral et des interventions ou des non-interventions de l'État » (S. Tremblay, 1999 : 26). Parfois certains auteurs parlent de développement endogène c'est-à-dire de développement émanant de territoire et donc de l'implication et de la participation des acteurs locaux.

Dans P. Prévost (2001 : 15-16) et pour leur part (Greffe, 1984 ; Pecqueur, 1989 ; Vachon, 1993 ; Tremblay, 1994 et Gouttebel, 2001), « il n'y pas de modèle de développement unique ; le développement local comporte une dimension territoriale ; il s'appuie sur une force endogène ; il fait appel à une volonté de concertation et la mise en place de mécanismes de partenariat et de réseaux ; il intègre des dimensions sociales et économiques ; enfin l'approche du développement local implique une stratégie participative et une responsabilisation des citoyens envers la collectivité ».

Le processus de développement local se présente sous l'angle de la construction d'un territoire. Il correspond à un processus dynamique de construction d'un territoire pour faire de l'action publique. Il est considéré comme le lieu de la mise en action des initiatives individuelles ou collectives en fonction des ressources sur un territoire précis (A. Joyal, 2002). Pour B. Pecqueur (2000 : 14), « le développement local doit être durable, c'est-à-dire qu'il doit rendre compatible la rentabilité économique et la viabilité écologique et démographique dans une perspective à la fois de court et de long terme ». Il doit impliquer une dynamique mettant en évidence l'efficacité des biens et des services marchands pour la valorisation des richesses locales.

Pour B. Husson (2001), la naissance du développement local est liée à l'incapacité de l'État à conduire lui seul les initiatives de développement des territoires. Sa pratique exige de la part des acteurs individuels ou collectifs une dynamique sociale, économique, culturelle et environnementale sur un territoire donné. Nécessairement, le développement local requiert la détermination politique des acteurs compétents et formés. L'État a pour obligation de favoriser l'émergence d'associations collectives au niveau local. Le développement local n'est pas le résultat entre un partenariat financier établit entre les acteurs externes et locales mais plutôt le fruit d'un système de coopération construit par des artisans locaux pour le développement futur de leur communauté.

2.1.2- Acteurs du développement local

Dans F. Debuyst (2001 : 117), un schéma actionnel définit les interactions existant entre les acteurs de développement en fonction des ressources disponibles tout en considérant

les acteurs et facteurs à la fois favorables et défavorables. Ils se sont considérés comme étant des « individus ou groupes sociaux qui interviennent, à plus d'un titre, dans une action et se sentent impliqués dans les objectifs de cette action ».

Par rapport aux types d'activités conduites ou des missions à accomplir, les acteurs sont classés en deux groupes : les acteurs institutionnels qui sont considérés comme les acteurs publics et « disposent d'une autorité légitime et/ou d'un pouvoir accordé dans un cadre institutionnel reconnu » ; les acteurs non-institutionnels, désignés par les acteurs privés, sont dépourvus d'un pouvoir de type institutionnel et dans certains cas, sont associés à de groupements et/ou d'associations collectifs. Cette présente étude tient compte principalement de ce deuxième groupe d'acteurs qui sera étudié à travers le regroupement d'habitants sous la forme associative.

En vertu de ces précédentes considérations, les acteurs publics sont désignés par les élus locaux et les responsables des institutions locales et ceux privés par des entrepreneurs locaux, les professionnels du développement, les travailleurs et la population. Les partenaires externes se révèlent aussi un acteur important dans l'application de nouvelles politiques de développement local. Ces derniers peuvent jouer un rôle important par leur appui financier et technique aux initiatives prises au niveau local. En ce sens, les acteurs ne sont plus considérés comme les programmes ou les structures qui dirigent les actifs au niveau communautaire, mais plutôt ceux qui travaillent au profit de la communauté locale (P. Prévost 2001).

Certains actifs sont importants pour la mise en place d'un processus de développement local, P. Prévost (2001) et J - R ESSOMBÈ ÉDIMO (2005) ne considèrent que l'ensemble des organisations à propriété locale, les institutions locales, les agences de développement, les organisations suffisamment bien décentralisées, les entreprises et les collectivités locales puissent assurer la réussite du développement local pour la construction d'une identité territoriale. Avec l'utilisation de leurs ressources, toutes ces entités peuvent produire des effets sur le chemin du développement par l'exécution de certains programmes de l'éducation, de la santé, etc.

2.1.2.1- Stratégies d'acteurs

D'après F. Debuyst (2001 : 118 & 119), « la stratégie d'acteurs est principalement une démarche qui peut être définie comme la conception et le mode d'actualisation des ressources combinées pour atteindre un but ». L'auteur distingue les stratégies de types relationnelles qui réfutent à des options et des logiques d'interventions ou d'actions relatives aux acteurs qui

sont étroitement engagés et les stratégies de réalisation qui tiennent compte des pistes et des programmes de réalisations pour atteindre un but.

Pour sa part, G. Logié (2000 : 2 & 3) insiste sur la participation et l'appropriation des acteurs locaux aux activités d'exécution sur un territoire donné pour qu'il y ait le développement local. Dans cette même logique, l'auteur illustre un ensemble de conditions qui doivent être réunies du côté des acteurs. Il s'agit de :

· Réagir ensemble (la réussite du développement local nécessite que les acteurs conduisent leurs actions de manière collective et ils doivent prendre en considération toutes les couches de la population) ;

· Dessiner un destin commun (l'appropriation des biens collectifs appartenant au territoire déterminent son destin commun) ;

· S'ouvrir sur l'extérieur (le partage d'expériences d'un territoire à d'autres est d'une grande importance pour la réussite du développement local- il est constitué comme

une sorte de vaste marché où l'on prend des idées chez les autres pour inventer chez soi par l'intermédiaire des rencontres d'échanges).

· Ménager une place entière pour chaque acteur (les acteurs présents sur un territoire doivent posséder une dynamique collective pour la réussite de leurs actions- « l'élaboration d'un projet territorial constitue une occasion unique de favoriser la participation des acteurs »).

· S'organiser pour durer (la sensibilisation générale des habitants face à leur destin constitue la force primitive du processus de développement local- les acteurs du développement local ne sont pas appelés à prendre des initiatives pour concurrencer les élus locaux, ils doivent organisés de manière formelle et reconnue pour remplir leurs missions dans l'intérêt de toute la communauté).

2.2- PARTICIPATION ET DÉVELOPPEMENT

La participation est devenue un concept inéluctable dans la réussite des programmes et projets de développement local. Cette partie du mémoire se consacre, d'abord à une approche conceptuelle et l'évolution du concept à travers le temps ; ensuite, à la typologie de la participation et enfin, aux enjeux de la participation populaire dans les programmes et les projets de développement.

2.2.1- Approches conceptuelles

Les deux notions participation et développement sont intimement liées. La période d'après la deuxième guerre mondiale a jadis coïncidée avec l'émergence des mouvements populaires où les populations du sud ont entamé des démarches pour leur décolonisation. Au cours des années 60, la participation populaire a été initiée à travers plusieurs programmes de développement, notamment les projets de développement communautaire en Asie ; les campagnes d'alphabétisation et de conscientisation en Amérique Latine ; ou encore des programmes d'animation rurale en Afrique francophone. Cette participation se faisait par l'intégration conjointe de beaucoup d'acteurs aux secteurs d'activités sociopolitiques au profit du local (A. Meister, 1970 in A. Jones, 2006). La notion de participation a vraiment connue son apparition par la recherche des modèles alternatifs de développement d'où la remise en cause du modèle traditionnel de développement des années 70 où l'État était appelé uniquement à dicter les normes et principes de développement (A. Jones, 2006).

De nouvelles appellations comme celles de développement alternatif, de développement à visage humain, de développement à la base, de développement endogène ont fait leur apparition. Leur point de convergence, c'est qu'elles mettaient la communauté locale au centre des discussions pour réaliser le développement (A. Jones, 2006).

Pendant les années 70-80, la participation populaire fut pris en considération par l'implication des individus dans la réalisation des programmes d'activités avec des objectifs préalablement fixés. Cette mode de participation concevait l'intégration passive des populations dans les activités exécutées au niveau local. Au début des années 80, la nouvelle conception de la participation a exigé l'implication de la population dans les phases d'exécution d'une activité de développement c'est-à-dire depuis son identification jusqu'au suivi-évaluation. Dans un sens, il existe une différence entre la participation des bénéficiaires à un projet c'est-à-dire les personnes choisies pour en bénéficier les avantages directs et celle de l'ensemble des habitants vivant dans toute une communauté donnée. Dans l'autre sens, « la participation communautaire authentique » ne signifie non plus que la population ait le contrôle total d'un processus d'activités (A.T. White, 1982 : 20).

Au cours des décennies 1980-1990, dans les rapports respectifs sur le développement dans le monde publiés par la Banque Mondiale13, la participation populaire fut considérée

13 Banque mondiale (1980). Rapport sur le développement dans le monde: Pauvreté et développement humain, Washington D.C.: Banque mondiale.

Banque Mondiale (1990). World Development Report 1990: Poverty, Washington D.C.: Banque Mondiale.

comme le principal moyen à utiliser pour induire les changements de valeurs et de comportements sociaux des populations pour l'amélioration de l'efficacité des programmes de développement. Dans ce cas, les organisations paysannes de base, religieuses ou autres qui existantes au niveau local étaient ciblées pour aider à maximiser l'efficacité des programmes. Dans son rapport de 1990, la banque a réitéré son engagement de répondre aux besoins des populations locales pauvres par leur implication davantage dans les programmes via la participation (Banque Mondiale, 1980 & 1990 in G. Simard, 2008).

L'échec du Programme d'Ajustement Structurel dans les pays en voie de développement a permis à la Banque Mondiale et le FMI d'accorder plus d'importance aux structures institutionnelles et culturelles de développement. En 1999, pour l'élaboration du Document Stratégique de Réduction de la Pauvreté (DSRP), ces institutions ont exigé aux pays de guider la préparation dudit document et de garantir l'appropriation de la stratégie de développement par une large participation de la société civile dans toutes les phases du processus (FMI, 2005)14.

2.2.2- Typologie de la participation

Il est difficile de définir universellement la participation populaire. La littérature souligne de nombreuses définitions qui se réfèrent à l'intégration obligatoire de la population dans les activités de développement à l'échelle locale. « La population locale intègre les processus de décisions des projets de développement ou leur exécution » (A.T. White, 1982 : 19).

Dans un document préparé au renforcement des capacités de la Recherche Agricole pour le Développement (RAD) pour le compte du Centre International de la Recherche Agricole orientée vers le développement (ICRA), Jules Pretty et al. (s. d. : 2 & 3) ont considéré la participation populaire comme l'intégration de la population rurale dans toutes les étapes de mise en oeuvre d'un processus de développement. Par rapport à cette considération, ces auteurs proposent une typologie de la participation pouvant servir de support pour évaluer la dimension participative d'un projet. Il s'agit de :

Participation passive : souvent appelée la « non-participation » c'est-à-dire, la population est simplement informée de la réalisation d'une activité planifiée par les autorités ;

Participation consultative : la population ne dispose aucune possibilité d'influer sur le processus de mise en place des activités et son degré de participation est faible ;

14 Fonds Monétaires International (FMI) (2005). Fiche technique pour les documents Stratégiques de Réduction de la Pauvreté. [En ligne]. [Mise en ligne en septembre 2005]. [Consulté le 05 juillet 2009]. Disponible sur World Wide Web: « ( http://www.imf.org/external/np/exr/facts/fre/prspf.htm».

Participation rémunérée : la population est récompensée pour un travail fournit ce qui accuse dans certains cas la démotivation pour conduire les activités après la période de rémunération ;

Participation fonctionnelle : elle correspond à la participation de certaines associations dans un projet qui sont créées pour en bénéficier uniquement des avantages. En général, elles disparaissent après la phase d'exécution du projet ;

Participation interactive : il y a l'implication de la population locale dans la mise en place des activités du projet par les agents extérieurs. Après la phase d'exécution du projet les associations locales intégrées ont la possibilité de contrôler et de poursuivre les activités du projet ;

Auto-mobilisation : la population se mobilise pour poser des actions collectives sans l'intervention des agents externes. Toutefois, elle peut solliciter l'appui des agents externes tout en continuant d'être le responsable de leur propre destin. « Elle s'oppose aux centres des pouvoirs établis » (Jules Pretty et al., (s. d) : 3).

2.2.3- Enjeux de la participation

D'abord, « la participation est considérée comme une « doctrine sociopolitique ouverte », tolérante qui accepte une évolution progressive pour la réceptivité aux contributions des différentes couches de la population » (UNESCO, 1982 : 4). Dans ce cas, les apports de l'extérieur ne doivent pas trop influer sur les décisions prises au niveau local. L'État doit faire de la participation locale « la force motrice » au niveau national c'est-à-dire, il ne suffit pas que l'État parle uniquement de la participation dans les institutions mais à l'obligation de poser des actions concrètes. La mise en application de la participation nécessite une stratégie politique globale pour empêcher les influences des forces qui lui sont contraires.

En tant qu'outil indispensable à la réussite du développement endogène, la participation doit pénétrer toutes « les activités à caractère politique, économique, sociale, culturelle et familial ». Elle est même considérée comme un besoin « d'épanouissement personnel » d'un citoyen et comme un « droit fondamental de l'homme » dans la société de vie. Mise à part la volonté politique de l'État pour faire de la participation sa pierre angulaire, la participation nécessite aussi l'intégration des institutions et des organisations sociales au niveau local. L'État doit aussi garantir la mise en place des législations et des institutions adéquates pour sa réussite (UNESCO, 1982 : 6).

Toujours pour l'UNESCO, certaines causes peuvent entraver la réussite de la participation. Il s'agit de : « l'analphabétisme et l'insuffisance d'information, les barrières linguistiques et culturelles, le manque de temps et de disponibilité, l'habitude de l'abstention, le scepticisme quant à l'effort demandé, etc. ». Dans ce cas, l'État a pour obligation de garantir tout ce qui revienne de sa responsabilité pour assurer la vraie participation des citoyens. Cependant, plusieurs facteurs peuvent contribuer à rendre la participation efficace ; ce sont : « le niveau d'éducation et les compétences des interlocuteurs, le volume d'informations à traiter, la quantité et le temps accordé pour traiter les informations disponibles ». Pour cela, l'UNESCO recommande de former des cadres techniques appropriés pour l'étude et le traitement des programmes de développement. L'éducation permanente pour la population et la formation spécifique des cadres, constituent d'autres aspects importants pour réussir la participation populaire (UNESCO, 1982 : 8).

2.2.3.1- Pratique de la participation populaire

Pour A. Dumas (1983), la participation populaire devrait être réalisée à travers des structures locales comme les associations ou organisations communautaires de base, les autorités locales, les associations privées, etc. En général, puisque la population s'organise de part elle-même à travers ces structures, les agents externes n'ont aucune obligation de créer d'autres structures parallèles qui ne sont pas toujours compatibles aux structures locales préexistantes.

Les agents externes doivent nécessairement jouer leur rôle dans le montage technique et l'évaluation du projet tout en associant la population à toutes les démarches. Après le montage du projet, il est utile d'utiliser la main-d'oeuvre locale ou encore de valoriser certaines ressources locales surtout dans le montage d'un chantier d'exécution. De plus, ces acteurs ont pour obligation d'assurer techniquement la formation des agents locaux. La participation locale participerait aussi dans la gestion du projet conjointement aux organes administratifs désignés. Il revient à la charge des agents externes d'assurer l'évaluation « expost et le suivi du projet » (A. Dumas, 1983 : 522).

En résumé, l'appui des communautés locales se résume à l'identification de leurs problèmes et la détermination des causes, la mobilisation des ressources et la répartition des avantages et celui des agents externes se résument à un appui technique au profit des bénéficiaires du projet (A. Dumas, 1983).

2.2.4- Différentes interprétations de la participation

Nombreux sont ceux qui ont manifesté la volonté de prendre en considération la participation dans l'exécution des projets et programmes de développement. Mais, son application a quand même suscité de diverses interprétations quant à sa mise en valeur réelle de la part des acteurs concernés (A. Jones, 2006). Pour certains, elle représente un moyen et SRYrfli'lYJrhs,flhTThflconstitue une fin en soi dans le développement. Pour le premier cas, elle sous-entend l'implication et l'appropriation des projets par les populations bénéficiaires pour les rendre plus efficaces, c'est-à-dire la population doit être responsable de leur propre développement (B. Gueye, 1999 in A. Jones, 2006). Dans le second cas, la participation est constituée comme un processus et une opportunité que les groupes vulnérables doivent saisir pour mieux réaliser leur développement (R. Chambers, 1983 in A. Jones, 2006).

Au bout du compte, la participation a connu son essor à un moment où le modèle de développement fut remis en cause. Elle est devenue donc, une notion très à la mode en faisant l'objet de nombreux débats pendant environ deux décennies de la part des bailleurs de fonds, des organisations internationales de développement en prenant sa place dans l'agenda de développement. Face à toute son importance, il s'avère urgent de la considérer dans quelque soit l'exécution d'un type de projets et programmes de développement (A. Jones, 2006).

2.2.5- Participation et Développement Communautaire Participatif

Depuis la fin de la guerre froide, plusieurs raisons ont porté les pays développés à changer leurs stratégies d'intervention dans les pays du sud. Parmi ces raisons, J- P Platteau (2004 : 159) cite « les contraintes budgétaires des pays riches et l'augmentation de flux capitaux privés vers les pays en développement. Cette situation a induit la diminution de leur aide vis-à-vis des pays du sud depuis le début des années 90 ». Au cours de cette même période, des débats autour de la question ont permis à la communauté internationale d'identifier des facteurs qui empêchent la réussite du développement local dans les pays du sud. « La capacité des pays pauvres à absorber l'aide reçu et les détournements de fonds par certaines élites locales sont connus comme les facteurs les plus importants » en constituant des handicaps au succès dudit processus. Ce constat a provoqué la remise en cause de la formule d'attributions d'aide au développement pour permettre l'utilisation à bon escient des ressources fournies par les pays développés aux pays en développement. Avec cette pratique, la population était considérée comme « un véritable réceptacle » de l'aide fournit sans pouvoir participer à toutes les étapes d'activités de développement dans sa communauté (J- P Platteau 2004 : 160).

Le début du XXIème siècle a coïncidé avec l'arrivée du modèle de développement communautaire participatif pour aider à réduire la pauvreté dans les pays pauvres. Cette nouvelle forme d'attribution de l'aide au développement a été prise en charge immédiatement par les grands bailleurs de fons internationaux comme la Banque Mondiale et le Fonds International de Développement Agricole (FIDA). « Le principal intérêt du développement communautaire participatif c'est qu'il permet d'avoir une connaissance des conditions et des contraintes locales (environnementales, sociales et économiques) liées aux communautés locales » (J- P Platteau 2004 : 164).

En outre, le développement communautaire participatif permet « une exploitation du capital social car la population est invitée non seulement à identifier ses problèmes, définir ses priorités, identifier les bénéficiaires potentiels, préparer leur projet, mais aussi imposer les règles, contrôler les comportements et vérifier les actions » (J- P Platteau 2004 : 164). L'auteur a proposé son modèle de développement à partir d'interactions définies entre trois principaux acteurs : l'agence donatrice, le responsable local et les citoyens de base. Pour lui, la pratique du développement communautaire participatif doit garantir l'autonomie « des communautés locales » après une certaine période (J- P Platteau 2004 : 227).

2.2.5.1- Participation et développement communautaire participatif en Haïti

Dans le contexte d'Haïti, l'essai de la participation réelle des collectivités dans les programmes ou les projets de développement ne date pas de très longtemps. Cette nouvelle orientation qui vise à favoriser une meilleure intégration de la population dans les décisions prises en sa faveur a été encouragée par des agents extérieurs.

Tout a débuté, vers les années 2004-2005 avec d'une part, le Projet National de Développement Communautaire Participatif (PRODEP), financé par la Banque Mondiale et d'autre part, avec le Programme de Développement Local (PDL), financé par la Banque Interaméricaine de Développement. Respectivement, la gestion de ces deux programmes est assurée par le Bureau de Monétisation des Programmes d'Aide au Développement (BMPAD) et le Fonds d'Assistance Économique et Social (FAES), deux institutions autonomes de l'État, placées sous la tutelle du Ministère de l'Économie et des Finances.

Selon les informations puisées dans la base des données du BMPAD, le Projet National de Développement Communautaire Participatif (PRODEP) vise à améliorer l'accès des Organisations communautaires de base aux infrastructures socio-économiques de base et à appuyer les activités génératrices de revenus par le financement des petits projets

d'investissements15. La participation des organisations communautaires est prévue à toutes les étapes de la mise en place et à la gestion des petits projets identifiés par elles-mêmes. Dans ce cas, un conseil de gestion appelé COPRODEP est prévu dans chacune des Communes bénéficiaires des activités. Ce dernier est un ensemble formé majoritairement par les représentants des organisations communautaires de base et une partie des élus locaux et des notables. De plus, les Conseils du Projet (COPRODEP) représentent des structures communautaires pérennes, qui garantissent, d'une part, une gestion participative, démocratique et transparente des sous-projets et, d'autre part, la durabilité des acquis de l'expérience16.

Tout comme le Projet National de Développement Communautaire Participatif, d'après des informations disponibles dans la base de données du FAES, l'objectif du Programme de Développement Local c'est de favoriser la participation et l'intégration de la population locale dans tout le processus de la mise en place d'un projet communautaire de développement17. A travers ce programme, la population d'une collectivité participe à la réalisation du processus de diagnostic de sa zone y compris dans le montage des projets pour ensuite doter cette collectivité d'un plan de développement permettant d'identifier les grands axes de son développement et d'apporter quelques éléments de réponses aux problèmes fondamentaux chroniques18. Ce programme a initié la mise en place d'un Comité de Développement par Section Communale bénéficiaire des projets. Ce comité de développement est formé par des élus locaux et des membres de la société civile y compris les représentants des organisations communautaires de base.

Pour ces deux programmes réunis, voici les types de projets19 qui rentrent dans leur agenda :

V' Des projets d'infrastructure : aménagement de routes, captage de source et

alimentation en eau potable, construction de canaux d'irrigation ;

V' Des projets productifs (économiques) : magasins communautaires, boutiques d'intrants agricoles, moulins de transformation de grains accompagnés de générateurs de courant électrique, petit élevage, transformation agro- alimentaire, production de cultures maraîchères;

15« http://www.prodep.bureaudegestion.gouv.ht/actualite.php?id_actualite=4»

16 Ibid.

17 http://www.faes.gouv.ht/index.php?option=com_content&task=view&id=35&Itemid=50

18 Ibid.

19 Ces informations sont puisées sur le site du Programme de développement local, géré par le FAES et celui du Programme national de développement communautaire participatif, géré par le B MA D

V' Des projets sociaux : construction de centres culturels, montage de centres cybernétiques, aménagement d'écoles, aménagement de centre de santé, formation et renforcement des organisations communautaires de base ;

V' Des projets environnementaux : reforestation et conservation des sols, assainissement.

Le BMPAD confie la coordination technique des projets sur le terrain à la Fondation Panaméricaine de Développement (PADF), une ONG internationale. Le FAES recrute des ONG locales ou des consultants individuels pour l'exécution de ses projets.

Tout compte fait, ces nouvelles pratiques du développement en Haïti incluent depuis vers les 2004-2005, une certaine participation de beaucoup d'acteurs locaux bénéficiaires des projets. Quoique les stratégies d'interventions pour ces deux programmes de développement ne soient pas totalement identiques, ils sont construits de part et d'autre sur le principe de la participation des principaux acteurs locaux dans la gestion globale des projets. Cependant, un mémoire de Diplôme d'Études Approfondies (D.E.A) en environnement-populationdéveloppement portant sur la problématique de la participation de femmes dans les projets de développement local a déjà soulevée l'accès difficile et la participation limitée des femmes dans les prises de décisions. L'auteur a souligné que le processus participatif laisse généralement les femmes de côté. « Cette situation renforce les inégalités et l'exploitation allant à l'encontre du bien-être des femmes et des hommes. Les femmes ne sont guères intégrées dans les postes de décision des projets » (R. E. Fleurant Sincimat, 2007 : xi) Ces affirmations ont été soulevées à travers un projet de renforcement des capacités communales pour la production, la transformation et la commercialisation des fruits tropicaux dans la Section Communale de Platon Dufresne (Commune de Carrefour) du Département de l'Ouest d'Haïti (R. E. Fleurant Sincimat, 2007).

2.3- PROBLÉMATIQUE DU PROCESSUS DE DÉCENTRALISATION ET DU DÉVELOPPEMENT LOCAL EN HAÏTI

En 2003, des expériences réalisées par l'Agence de Développement Internationale (ACDI) sur la valorisation des expériences de développement local en Haïti, en ont permis au chercheur Paul Prévost et autres de soulever certaines interrogations pour la réussite du processus de décentralisation et de développement local.

Par rapport à la division territoriale, quoique la Commune et la Section Communale soient considérées comme le niveau local, elles se différencient respectivement par rapport au milieu urbain et rural. « Ces découpages administratifs ne semblent pas assimilés à la communauté de vie puisque l'espace administratif n'est pas nécessairement l'espace vécu, c'est-à-dire la communauté d'appartenance sur laquelle se passe l'unité du développement local ». Cette situation est en partie liée à la dispersion des habitats en milieu rural où la population n'est pas toujours proche de certains services de base disponibles (P. Prévost et al, 2003 : 23).

Sur le plan de la politique, « l'État haïtien demeure trop faible pour assurer le développement des collectivités ce qui favorise la centralisation du pouvoir ». Cet état de fait persiste en raison des crises politiques répétées et de manque de finances publics. Mais aussi, la politique en matière de développement local révèle trop de controverses par rapport aux ambiguïtés existantes (P. Prévost et al, 2003 : 23).

De plus, la République d'Haïti fait face à de nombreux problèmes sur le plan macroéconomique, social, environnemental et culturel. Son économie repose en majeure partie sur une agriculture de subsistance pratiquée par 93 % de la population en milieu rural (IHSI, 2003). L'activité agricole contribue à hauteur de 27.4 % au faible PIB total20 d'Haïti contre 17% du secteur industriel. Son budget de fonctionnement annuel dépend à environ 60 % de l'aide internationale. Le pays souffre d'un déséquilibre monstrueux des échanges commerciaux en raison de son faible pouvoir d'exportation (P. Prévost et al, 2003 : 23). Sa croissance démographique élevée autour de 2.4 % (IHSI, 2003) contribue à la constitution des bidonvilles. Le Document de Stratégie Nationale pour la Croissance et la Réduction de la Pauvreté (DSNCRP) parle d'un environnement rural haïtien en dégradation accélérée lié aux facteurs de déboisement et de l'érosion. Étant constitué de plus de 2/3 de montagnes avec des pentes de plus de 20%, le phénomène de l'érosion hydrique est très poussée et des millions de tonnes de terre vont à la mer chaque à cause de l'érosion des sols. La couverture végétale nationale est estimée à environ 2% en raison de la coupe anarchique des arbres (DSNCRP, 2007).

Quant au secteur de développement local, souvent les projets sont amenés de l'extérieur sans la participation réelle des acteurs locaux pour leur exécution. Les programmes sont morcelés et disséminés ce qui empêche à la population locale de bien exprimer son savoir-faire. Le niveau local souffre de la carence de ressources compétentes nécessaires pour

20 Selon les statistiques mondiales, le PIB d'Haïti était estimé à 6 137 millions de dollars en 2007.

enclencher le processus. Le contexte socio-politique et culturel d'Haïti rend la population rurale d'avoir une certaine méfiance vis-à-vis des agences de développement externes. En outre, la faiblesse dans la coopération internationale liée à la durabilité des projets, les stratégies de décaissement et les stratégies d'évaluation sont, entre autres, d'autres contraintes soulignées par l'ACDI quant à la réussite du développement local (P. Prévost et al., 2003).

Cependant, la même étude a souligné la volonté manifestée par l'État haïtien de réussir le développement territorial. Le gouvernement haïtien dispose de plusieurs Ministères qui s'occupent de la question avec des ressources humaines appropriées. Au niveau des Collectivités Territoriales, les populations locales témoignent de leur désir pour améliorer leurs conditions générales de vie. Enfin, « les paysans haïtiens sont de bons collaborateurs, de travailleurs infatigables, ils aiment leur milieu de vie, ils sont fiers de leur origine, ils sont curieux et pourvus d'un esprit créatif » (P. Prévost et al., 2003 : 62).

« En résumé, les principales barrières qui empêchent le développement local sont liées, d'une part, à des risques exogènes et d'autre part, à des risques endogènes comme le manque de compétences au niveau local, le manque de leadership local, le manque de synergie entre tous les acteurs concernés, la mauvaise compréhension de la réalité par les agences externes, le manque de mise en valeur de la compétence locale, etc. » (P. Prévost et al., 2003 : 15).

2.4- RÉSULTATS D'ÉTUDES RÉALISÉES SUR LE DÉVELOPPEMENT LOCAL EN HAÏTI

Certains travaux se sont déjà réalisés sur la participation des acteurs locaux au processus de développement local en Haïti. Ils se diffèrent de part leur contexte de réalisation ou de la méthodologie utilisée par les auteurs. Ils sont 4 recherches portant sur la tridimensionnal ité développement-environnement-population dont 2 mémoires de Diplômes d'Études Approfondies (D.E.A) et 2 thèses sanctionnant le Diplôme de Doctorat.

A. Coq (2006), dans son mémoire du D.E.A en Développement, environnement et sociétés a présenté « l'écotourisme et le développement local en Haïti à travers l'expérience conduite par une association paysanne haïtienne du nom de l'Association des Paysans de Vallue (APV) dans la commune de Petit-Goave ».

Les résultats obtenus par l'auteur ont montré que l'écotourisme constitue un outil de développement local en Haïti et, ce qui est bien approprié par les acteurs locaux dans ce milieu. Grâce à un système de solidarité mis en place, les paysans membres de l'APV sont considérés à eux seuls comme de véritables acteurs d'un développement endogène au profit de

leur communauté. Cette considération est faite en fonction d'un système dynamique mis en place par ces acteurs leur permettant de construire ensemble un projet commun avec la participation populaire. « L'APV a comme objectif d'accompagner le paysan dans la concrétisation de ses rêves et des aspirations » (C. Aricie, 2006 : 42). Leur système dynamique induit des changements socio-environnementaux au niveau de la zone de Vallue sans nécessairement bénéficier de supports d'acteurs extérieurs. Ces paysans s'unissent autour d'une même structure leur permettant d'augmenter leur productivité agricole et la création d'autres secteurs d'activités, entre autres, l'artisanat. Ce dernier est beaucoup mis en valeur et le tourisme régional manifeste de l'intérêt. L'arrivée des touristes écologiques permet aussi aux « acteurs-paysans » d'avoir un meilleur marché pour la vente de leur production agricole, d'une part ; et d'autre part, le renforcement des liens sociaux entre les visiteurs et les agriculteurs. L'auteur a admis dans sa recherche que la philosophie de l'association paysanne se fonde sur la participation des acteurs, elle soutient ses membres et les aident à valoriser leur savoir-faire.

V. Lamothe (2007), pour son mémoire du D.E.A en Développement, environnement et
sociétés, a retracé « l'évolution des initiatives prises par les acteurs locaux de la commune La
Vallée de Jacmel à travers des projets de développement exécutés dans cette région d'Haïti »
.
Les résultats ont montré que les initiatives de développement de cette Commune
d'Haïti étaient sous le contrôle des acteurs individuels jusque vers la fin des années 70. Des
acteurs religieux et de certains notables ont essayé d'apporter leur contribution à
l'amélioration et la création des quelques services de base au profit de la communauté. Le
début des années 80 a coïncidé avec la création d'associations collectives dans la zone,
comme la Coopérative de Développement de La Vallée et la Fraternité Valléenne. Ces
associations communautaires ont essayé d'avoir une vision de développement plus large par
rapport à celle des acteurs individuels. Pour atteindre leur objectif, elles ont entamé de
nouvelles formes de mobilisation leur permettant d'intégrer davantage la population locale
dans ce processus de développement. Cette forme de regroupement de la population sous
forme associative a suscité une harmonisation vers un objectif unique qu'est le
développement de leur territoire. Le financement des activités de développement dans cette
zone est assuré presqu'exclusivement par la diaspora haïtienne en Amérique du Nord et par
des ONG nationales et internationales. Les apports de l'État central via les représentants des
Collectivités Territoriales sont révélés faibles pour aider à satisfaire les besoins primaires de
la population. Les résultats publiés par V. Lamothe ont mentionné que la plupart des

initiatives de développement prises par les associations communautaires sont à caractère social (construction d'écoles privées, d'hôpital, d'églises et d'infrastructures routières). Dans ce cas, l'auteur a souligné l'insuffisance d'activités de création d'emplois pouvant contribuer à l'autofinancement des acteurs locaux. Il a poursuivi la présentation des résultats de sa recherche en soulignant que la réalisation de certains projets communs dans la commune de La Vallée de Jacmel implique une certaine participation populaire. Mobilisée par les leaders locaux, la participation de la population est limitée quasiment à l'exploitation entière ou totale de la main-d'oeuvre gratuite ou à des dons de matériaux ou de terrains. « Cette forme de participation s'est révélée insuffisante pour produire un véritable développement territorial, car la population n'implique que dans la réalisation des activités et non dans la définition des objectifs ». Pour conclure son travail, il a proposé aux principaux initiateurs d'activités de développement dans la commune La Vallée de Jacmel de toucher le secteur économique et la structuration organisationnelle. Ce dernier axe favoriserait une meilleure appropriation des activités par la population locale (V. Lamothe, 2007 : 94).

Dans le cadre de sa thèse de Doctorat en développement-environnement-population en 2007, Fritz Dorvilier a réalisé une étude traitant de « l'apprentissage organisationnel et dynamique de développement local en Haïti ».

Pour son étude de cas, basée sur la Section Communale de Belle-Fontaine, l'auteur a identifié qu'une dynamique associative entre les paysans de ce niveau territorial crée du développement communautaire par la valorisation des secteurs d'ordre économique social et politique. Cette dynamique associative entre les paysans vise l'amélioration de leur condition de vie, ce qui leur a permis de redéfinir leurs pratiques économiques, sociales et politiques. Dans le secteur économique, l'augmentation de la productivité agricole et l'amélioration des revenus sont considérées comme la priorité des paysans. Leur modèle de production vise l'augmentation de la productivité agricole et se construit autour « des principes éthiques promouvant l'égalité et la solidarité » (p. 313). Cette pratique leur a permis d'assurer de part eux-mêmes l'autosuffisance alimentaire. Sur le plan social, la Section Communale de Belle- Fontaine souffre de la rareté « des services publics de base (éducation, santé, eau potable, voies de communication routières)». Mais, les revenus agricoles générés par les paysans grâce à leurs initiatives groupées leur permettaient d'assurer l'éducation scolaire de leurs enfants. « Les paysans s'investissent dans une dynamique socio-organisationnel » leur permettant de serrer les liens entre' eux. Cette forme d'organisation pratiquée par ces acteurs locaux a incité une dynamique collective pour le développement territorial. Ce système d'apprentissage

organisationnel a permis aux paysans de mieux comprendre leur réalité de vie en milieu rural. Ils définissent de part eux-mêmes plusieurs formes d'organisations du travail de manière collective. Pour la construction d'un système politique, les paysans réclament des acteurs dominants leur participation active en vue de la définition de leur priorité. A travers cette dynamique associative, ces « acteurs-paysans » visent la gestion durable de leur territoire tout en évitant les erreurs commises par les mouvements populaires associatifs du XIXème siècle et début du XXème siècle. Toutefois, les « acteurs-paysans » concernés restent vigilants vis-à-vis des acteurs nationaux afin d'éviter que leur mouvement soit désorienté par ces derniers pour des raisons purement politiques (F. Dorvilier, 2007 : 315).

Y. Sainsiné (2007) a présenté sa thèse de doctorat en développement-environnementpopulation autour de « la mondialisation, développement et paysans en Haïti : proposition d'une approche en termes de résistance ». Cette étude a été menée dans trois Sections Communales haïtiennes (Bastien, Médor et Poste-Pierrot) du Département de l'Artibonite.

Les résultats obtenus par l'auteur ont montré que les communautés paysannes des ces Sections Communales d'Haïti pratiquent un modèle de « développement autocentré ». Ce modèle se définit à travers des initiatives de développement à caractère social, politique, économique et culturel. Cette pratique permet à la communauté locale d'avoir une capacité de satisfaire ses besoins fondamentaux avec l'utilisation des « ressources humaines et matérielles locales ». Les paysans s'organisent autour des associations et arrivent à mettre en place des stratégies (autofinancement, épargne collective, prêt/dons d'intrants agricoles, etc.) pour essayer de résoudre en particulier les problèmes liés à la productivité agricole. Chaque communauté s'emploie à redéfinir des règles de vie en collectivité et prônent l'interdépendance de ses membres afin de lutter contre l'enrichissement individuel. La réussite individuelle est souvent mal perçue et est vue comme un risque potentiel de désagrégement de la communauté et des solidarités prônées comme valeurs primordiales (Y. Sainsiné, 2007 : 290). « Ce repli associatif, communautaire ou local observé dans les pratiques menées par les paysans haïtiens, particulièrement dans ces trois sections communales du Département de l'Artibonite n'est pas gratuit » (Y. Sainsiné, 2007 : 298). L'auteur a souligné l'importance des immigrés qui permettent aux communautés locales de surmonter à certains problèmes (construction écoles, routes,...) par l'aide (souvent financière) qu'ils se chargent d'apporter. Pour finir, Y. Sainsiné (2007) n'a souligné que les pratiques associatives dans ces zones d'Haïti constituent l'un des éléments de réponses aux divers problèmes socio-environnementaux, politiques, économiques et culturels que connaisse le

pays depuis plus d'un demi-siècle. La résistance des paysans est présentée comme un moyen utilisé par ces derniers pour contrecarrer les mauvaises pratiques de l'État et d'autres formes d'actions de l'extérieur qui ne sont pas cohérentes à leur milieu de vie.

Ces 4 modèles de développement local présentés précédemment sont statués autour des initiatives prises par des « acteur-paysans » par la création d'associations de développement. Leur volonté d'innovation est liée au désir d'apporter certaines améliorations à leurs conditions de vie en milieu rural. Quoique des faiblesses dans la participation populaire soient identifiées dans certains cas, les bénéficiaires des activités de développement exécutées par les associations paysannes respectives participent à leur initiative de développement à un certain niveau. Les études ont montré que les « acteurs-paysans » essayent toujours de construire quelque chose en commun.

En outre, ces études ont annoncé le manque de support fournit par l'État quant au développement des zones rurales en Haïti. Par contre, certains acteurs de la société civile tels les ONG, la diaspora, les religieux et les notables sont identifiés comme étant des acteurs qui contribuent fortement au développement de ces zones par leur support financier.

Considérant que la présente étude tient compte de ce même groupe « d'acteurspaysans » de développement, il sera très utile de comparer leurs modèles de participation populaire aux initiatives de développement local dans l'analyse des résultats obtenus.

DEUXIÈME PARTIE :

DÉCENTRALISATION EN HAÏTI ET DÉVELOPPEMENT LOCAL CHAPITRE III- DÉCENTRALISATION DANS LE CONTEXTE HAÏTIEN

Depuis plus d'une vingtaine d'années, la décentralisation est apparue comme l'outil utilisé par les États pour promouvoir le développement. Cette démarche s'oppose du même coup à l'aménagement du territoire centralisé utilisé au cours des années 50-70. Dans le cas de la République d'Haïti, la mise en marche de ce processus a commencé avec la fin de la dictature en 1986 et l'adoption de la nouvelle constitution de 1987. Dès lors, les différents gouvernements qui se sont succédé ont toujours mis l'accent, tout au moins, dans leur discours sur la décentralisation et le développement local. La société civile haïtienne et les ONG internationales représentent perpétuellement des acteurs importants- le premier pour l'encouragement et la dénonciation des mauvaises pratiques de développement local à l'image de la Plate-forme Haïtienne pour un Développement Alternatif (PAPDA)21- le second, surtout pour le support financier et technique aux initiatives de développement local. Ce chapitre du mémoire est divisé en 3 parties :

Primo, la présentation de l'historique de la division territoriale et du processus de la décentralisation à fin de mieux comprendre son importance pour la réussite du développement local ;

Secundo, la situation générale de la décentralisation et du développement local en tenant compte des écrits d'autres auteurs et sa situation à l'époque contemporaine ;

Tertio, le regard sur le niveau politico-économique du processus de décentralisation et du développement local.

3.1- HISTORIQUE DE LA DIVISION TERRITORIALE ET DU PROCESSUS DE DÉCENTRALISATION EN HAÏTI

Dans cette partie de l'étude, il consiste à présenter spécialement la décentralisation au regard de la participation populaire au développement local. Dans ce cas, les aspects politiques ne sont pas pris en considération de manière détaillée.

21 Elle un regroupement de mouvements sociaux et d'organisations de la société civile haïtienne qui travaille sur les politiques publiques par le biais de l'information, la formation, l'analyse critique et l'élaboration de propositions alternatives, fondée le 7 novembre 1995

À la veille de l'Indépendance haïtienne le 01 janvier 1804, malheureusement une bonne prise en charge de ce « coin de terre » n'avait pas eu lieu à cause de la non-organisation de ces héritiers. « La nation haïtienne a connu une véritable scission avec, comme point de clivage, la position par rapport au type de développement à adopter, au type d'évolution à suivre » (G. Barthélemy 1989 : 23).

Le passé colonial22 a permis à la République d'Haïti de bénéficier la forme d'organisation territoriale existante en France au début du 19ème siècle (Département, Arrondissement, Paroisses, etc.). La constitution de 1816 a changé la Paroisse en Commune qui représentait « une circonscription administrative importante de l'État ». Le pouvoir central demeurait centralisé et les militaires ont largement dominé le milieu rural ce qui a entravée l'émergence de ce dernier (C. L. Cadet, 2001 :7).

La centralisation du pouvoir en Haïti a continué avec l'occupation américaine (19 15- 1934). Cette situation a conduit à la réduction des pouvoirs des zones rurales. Malgré les tentatives de résistance de la population rurale, cette idéologie de centralisation des pouvoir a été renforcée pendant les deux périodes de dictature des DUVALIER de 1957 -1986 (V. Dorner, 2006).

En 1986, la République d'Haïti a connu un nouveau départ avec la chute de la deuxième période de dictature dirigé par le pouvoir de Jean Claude DUVALIER (1971-1986) et l'une des premières actions posées autour de la décentralisation, fut la création de la Constitution de 1987 qui en a bien fait la considération. « L'idée de la décentralisation en Haïti n'a pas été importée, elle a de préférence bénéficié d'un support de la population locale face à la dégradation de l'espace de vie par les pouvoirs précédents et de l'incapacité de ces derniers à assurer le développement seul » (Oriol M. et al, 1995 : 7 in V. Dorner, 2006).

En effet, la constitution haïtienne de 1987 dans son article 61 divise le territoire haïtien en 3 Collectivités Territoriales23 qui sont le Département, la Commune et la Section Communale. Elles constituent des entités politico-administratives décentralisées dans l'État unitaire décentralisé d'Haïti. Dans un département, plusieurs Communes se regroupent autour d'un Arrondissement qui constitue une subdivision de celui-ci. Les Collectivités Territoriales ont pour missions principales d'encourager la participation citoyenne pour l'application des politiques administratives du territoire et à la gestion des affaires publiques (art. 62).

22 Haïti était une colonie française de 1697 à 1803 avant l'indépendance.

23 Elles sont citées dans l'ordre de la plus grande unité à la plus petite unité territoriale.

Spécifiquement, l'article 66 parle de l'autonomie financière et administrative de la Commune. Selon les articles 66, 66-1 et 67, la Commune est dirigée par un Conseil Municipal de 3 personnes élues pour 4 ans au suffrage universel, avec un mandat indéfiniment rééligible. Ce conseil est assisté dans l'accomplissement de ses tâches d'une Assemblée Municipale formée par un représentant de chaque Conseil d'Administration de Section Communale (CASEC).

Le Département est une personnalité morale, pourvue d'une autonomie pour poser des actions et prendre des décisions appropriées (art. 77). Il représente la plus grande entité territoriale administrative (art. 76) et doit être dirigé par un conseil de 3 membres élus pour 4 ans par l'Assemblée Départementale qui elle-même se forme à partir d'un représentant de chaque Assemblée Municipale (art. 78). L'article 87 précise que le pouvoir exécutif est assisté d'un Conseil Interdépartemental dont les membres sont désignés par les Assemblées Départementales. Le Conseil Interdépartemental, conjointement avec l'exécutif, étudie et planifie les projets de décentralisation et de développement du pays, au point de vue social, économique, commercial, agricole et industriel (art. 87-2). Chaque Conseil Départemental est pourvu de la tâche spécifique d'élaborer le plan de développement de son Département. L'article 87-4 précise que la décentralisation doit être accompagnée de la déconcentration des services publics avec délégation de pouvoir et du cloisonnement industriel au profit des départements. Malheureusement, ces représentants du Département n'ont jamais été mis en place à l'exception de l'Assemblée Départementale qui a existé pendant la courte période de 1997-1999 (W. Bertrand et al., 2007).

Cette présentation a permis de constater la volonté manifestée par l'État central pour réussir la décentralisation et le développement local. Il est vrai que le développement local n'est pas mentionné comme tel dans la constitution de 1987, des outils d'applications y sont quand même présents. Malgré certaines faiblesses identifiées, l'État a quand même soutenu l'application du processus de décentralisation via la mise en place des structures décentralisées à tous les niveaux de son territoire administratif. L'État a garantit la mise en place « des législations et des institutions adéquates pour réaliser le développement endogène » comme l'a écrit (UNESCO, 1982). Dans l'ensemble, ces institutions décentralisées devraient représenter des actifs pour la réussite du développement territorial (P. Prévost, 2001 ; J- R Essombè Édimo, 2005) et elles disposent d'un pouvoir légitime (F. Debuyst, 2001). Il est évident d'annoncer que la tâche spécifique pour la planification et la réussite du développement était accordée uniquement au Conseil Départemental. Ce dernier

est chargé d'élaborer un plan de développement pour toutes les Collectivités Territoriales. Par rapport à cette considération, les représentants de la Commune et de la Section Communale qui représentent les deux autres Collectivités Territoriales n'ont pas été suffisamment impliqués à la préparation de leur plan de développement local respectif.

Cependant, aucune précision n'a été donnée quant à la participation populaire à l'élaboration du plan de développement du Département. Toutefois, la possibilité pour les représentants de la Commune de participer à l'élaboration du plan de développement pour leur département est lié à leur présence au Conseil Départemental. L'un des plus grands handicaps est lié à l'inexistence de l'Assemblée Départemental qui devrait aboutir à la formation du Conseil Départemental voir celui d'Interdépartemental pour la réussite d'un vrai développement territorial. De plus, l'Assemblée de Section Communale (ASEC) qui devrait remplir le rôle d'un « parlement local » n'a existé qu'en 1997 après la promulgation de la loi décrivant en même temps leurs rôles et ceux du CASEC. Ce retard dans la publication de la loi sur les fonctions de ces institutions locales a sans doute entravé la réussite du processus de développement local.

La Section Communale étant le territoire administratif étudié, sa présentation est faite au point ci-après.

3.1.1- Genèse des Sections Communales en Haïti et le développement territorial

Pour V. Dorner (2006), l'État haïtien a déjà pris en compte cette Collectivité Territoriale depuis le Code Rural de 1826 sans donner aucune description. De même cet espace avait existé sous le nom de Section Rurale depuis la Constitution de 1946 jusqu'à la fin de la dictature en 1986. Ce territoire administratif actuel a vu le jour avec la promulgation de la Constitution du 29 mars 1987. Les Sections Communales actuelles sont hétérogènes avec des superficies et des populations très variables, respectivement de 10 à 40 km2 et de 1000 à 45000 habitants (IHSI, 2003)24. Elles sont de 2 types : les Sections Communales rurales et les Sections Communales urbaines. La population des Sections Communales urbaines jouit de certains privilèges en raison de leur proximité aux services de base disponibles, contrairement à celle des Sections Communales rurales.

À ce niveau du territoire, les premiers élus ont été mis en place en février 1991 après les élections réalisées en décembre 1990. Avant cette époque, l'État était présent dans ce milieu par des Chefs de Sections. Nommés par le pouvoir central, ces derniers ont exercé leur

fonction sous le strict contrôle de l'Armée et la population rurale a toujours subit beaucoup de répressions de leur part. Les Chefs de Sections étaient l'unique représentant de l'État au niveau des Sections Communales, bien que le milieu rural était habité par environ 80 % de la population haïtienne jusqu'en 198625. L'exode rural qui a commencé à partir de 1986 a vu un grand nombre de paysans laisser les campagnes à destination des villes et en 2003, la part de la population haïtienne vivant en milieu rural n'était que de 59 % (IHSI, 2003). Selon les témoignages des notables rencontrés dans les deux unités étudiées, le Chef de Section et ses adjoints26 ont eu pour missions principales de faire le jugement entre deux personnes en conflit, de collecter les taxes au niveau des marchés publics, de délivrer des laissez-passer et de procéder aux constats. Donc, aucune fonction n'ayant véritablement des liens au développement socio-économique, culturel et environnemental des Sections Communales et à la prospérité de la population rurale marginalisée. Au cours de cette même période, la population ne disposait aucune possibilité de s'organiser en des associations pour leur développement personnel.

La constitution du 29 mars 1987 dans son article 62 précise que la Section Communale représente la plus petite entité territoriale administrative parmi les trois Collectivités Territoriales. Pour les articles 63 et 63-1, elle doit être administrée par un conseil de 3 personnes appelé : Conseil d'Administration de la Section Communale (CASEC). Les membres du CASEC doivent être élus au suffrage universel par la population pour un mandat de 4 ans et ils sont indéfiniment rééligibles. Le CASEC est assisté dans l'exercice de ses fonctions par un conseil délibérant appelé : Assemblée de la Section Communale (ASEC) qui est élu par la population à raison d'un représentant par localité27.

Dans cette même constitution, aucune précision n'a été mentionnée pour le fonctionnement et les attributions de ces deux organes qui représentent l'État à ce niveau territorial. Cette omission s'est déjà soulevée par des auteurs tels G. Danroc (1996), M. Oriol et al. (1994) in V. Dorner (2006).

Dans V. Dorner (2006), la période 1991-1996 a été marquée par d'importants débats relatifs au découpage approprié pour la délimitation d'une collectivité pouvant garantir le développement endogène. Ainsi, fut apparut la loi sur les fonctions de ces deux représentants

25 En 1986, la population haïtienne était estimée à environ 5.6 millions d'habitants.

26 Le Chef de Section a eu le pouvoir de nommer ses adjoints et la quantité d'adjoints varie avec la population et la superficie de la Section Communale.

27 Les Sections Communales sont divisées en plusieurs localités et le nombre de personnes membres d'une ASEC varie avec la population et l'étendue de la Section Communale.

de l'État au plus bas niveau des Collectivités Territoriales haïtiennes seulement 10 ans après la promulgation de la constitution en vigueur.

En effet, la loi portant « sur l'organisation de la Section Communale haïtienne » était publiée au Journal Officiel Le Moniteur du jeudi 04 avril 1996. Malgré tout, un document de travail préparé par des experts nationaux et internationaux pour le compte de la Commission Nationale de la Réforme Administrative ont soulevé certaines interrogations relatives aux différents aspects tels son mode de fonctionnement, sa vraie autonomie administrative et financière, son indépendance de la Commune, sa légitimité pour agir directement sur son territoire et son droit d'associer (CNRA, 2002 : 6).

La loi du 04 avril 1996 attribuait à ces deux entités administratives (CASEC et ASEC) qui représentent le pouvoir exécutif au niveau des Sections Communales des attributions complémentaires pour la réussite du processus de développement local. Selon l'article 11-1, l'Assemblée de la Section Communale (ASEC) a pour rôle de sanctionner et ratifier la politique de la Section Communale préparée et présentée par le CASEC. L'article 19-3 donne le droit au CASEC de préparer le plan de développement de sa Section Communale en collaboration avec les institutions compétentes, sur la base des demandes collectives largement exprimées par la population et en tenant compte des avantages et des contraintes à leur concrétisation. D'après l'article 19-4, le Conseil d'Administration de la Section Communale a pour obligation de recevoir et canaliser de concert avec l'Assemblée des Sections Communales selon le plan de développement établit, toute initiative au projet de développement provenant du Gouvernement, de la Commune, des organismes de développement multisectoriel, des organismes non gouvernementaux et des particuliers, encourager particulièrement les projets de production générateurs d'emploi en utilisant les ressources et potentialité propres à la Section Communale. Enfin, l'article 19-12 précise que le CASEC doit préparer un projet de budget de fonctionnement et de développement de la Section Communale qui doit frtre ratifiée par l'Assemblée de la Section Communale et soumis à l'approbation du Conseil Municipal et Départemental pour l'intégration au Budget Communal.

La conception de la Section Communale actuelle peut faciliter le développement endogène. Les « acteurs-paysans » se chargent de s'organiser eux-mêmes à travers différentes formes d'associations de travail et ils sont supportés par des ONG nationales et internationales d'aide au développement. En milieu rural haïtien, le secteur agricole est dominé par des cultures vivrières : maïs, manioc, patates douces, haricots, riz, plantain et des cultures

commerciales : café, mangues, cacao, noix de coco, bois, etc. À partir de la production locale, les paysans assurent leur autoconsommation (C. L. Cadet (2001).

Malgré tout, C. L. Cadet (2001) a souligné deux problèmes majeurs quant à la réussite du développement territorial au niveau de la Section Communale. D'une part, elle n'est pas réellement considérée dans la dynamique politique et administrative et d'autre part, elle ne dispose pas d'un cadre institutionnel adéquat pour enclencher un vrai processus de développement. Cette présente problématique du développement des Sections Communales renforce les idées énoncées par P. Prévost et al., (2003). Les modèles de développement appliqués écartent souvent la population rurale qui constitue malgré tout un élément majeur pour le développement démocratique contemporain. Cette forme d'exclusion de la population rurale a été jadis soulignée par G. Barthélemy (1989) où ce milieu est toujours considéré comme « le pays en dehors ».

Cette illustration a permis d'identifier les efforts opérés par l'État central pour atterrir la décentralisation au plus bas niveau de son territoire. Depuis l'élection des membres de l'ASEC en 1996, l'état était suffisamment bien décentralisé pour favoriser le développement endogène comme l'a dit P. Prévost (2001). Ce changement a induit une meilleure participation populaire dans la préparation du plan de développement de la Section Communale. Parmi les missions du CASEC et de l'ASEC, ils se chargent d'encourager l'exécution des projets générateurs d'emploi au profit de la population locale y compris la valorisation des ressources locales.

Toutefois, les élus des Sections Communales ne sont pas suffisamment formés pour remplir convenablement leurs fonctions comme l'a dit P. Prévost (2003). En outre, des retards dans l'application réelle de cette loi ont toujours représenté des handicaps pour permettre à ces élus locaux de remplir convenablement leurs fonctions. Lors des entretiens réalisés, les membres du Conseil d'Administration de la Section Communale (CASEC) et de l'Assemblée des Sections Communales (ASEC) ont déclaré leur manque de moyens disponibles pour apporter leur contribution à la satisfaction de certains besoins de la population locale. Ils déploraient l'insuffisance d'encadrements techniques et financiers fournis par l'État central sans passer par des ONG.

3.2- DÉCENTRALISATION ET DÉVELOPPEMENT LOCAL EN HAÏTI À L'ÉPOQUE CONTEMPORAINE

En février 2006 dans le journal officiel Le Moniteur, le pouvoir exécutif publiait un décret-loi « définissant le cadre général de la décentralisation, les principes d'organisation et de fonctionnement des collectivités territoriales haïtiennes ». Son article 70 stipule que chaque Collectivité Territoriale, Département, Commune ou Section Communale devra élaborer un plan de développement. Selon l'article 87-2, le Conseil Interdépartemental se réunit avec celui des Ministres du Gouvernement quand ce dernier se penche sur des questions de décentralisation et du développement économique, commercial, agricole et industriel. Ce Conseil Interdépartemental, malheureusement à l'heure actuelle n'existe pas.

Les missions des Collectivités Territoriales sont remises en cause à partir de ce décret- loi. L'article 64 spécifie que la Section Communale s'occupe de la formation civique, économique, sociale et culturelle. La Commune prend charge de la gestion des biens et des services (art. 73 & 74). Enfin, le Département doit travailler sur l'aspect de la planification de développement (art. 81). Donc, des missions différentes pour ces trois Collectivités Territoriales qui s'unissent pour former le territoire administratif haïtien. D'après l'article 133 de ce même décret-loi, les Collectivités Territoriales ont le pouvoir d'établir leurs propres relations internationales c'est-à-dire elles peuvent établir avec des collectivités territoriales étrangères des relations individuelles et développer ainsi une coopération décentralisée dans les domaines économique, culturel et social. Donc, beaucoup de risques pour la création d'intérêts divergents avec l'existence d'un pluralisme politique au niveau d'un seul département (F. Saint Jean, 2005)28.

Suite à la publication de ce décret-loi au 1er février 2006, le Pouvoir Exécutif venait de déposer au Parlement haïtien en date du 29 mars 2009 « une proposition de loi établissant le cadre général de la décentralisation territoriale, de l'organisation et du fonctionnement des collectivités territoriales haïtiennes, dans la perspective de la fourniture adéquate et équitable des services publics à la population, du développement local et du renforcement de la démocratie tant représentative que participative » (art. 1). Après une première analyse par les deux chambres29, une première proposition est faite et publiée au 14 mai 2009. Ce document comprend 7 titres et 5 d'entre' eux sont liés aux dispositions générales relatives au fonctionnement des collectivités (titre 1), à l'organisation des trois Collectivités Territoriales

28Ce point de vue avait été donné le 15 décembre 2005, avant même la publication du décret-loi au premier février 2006 au journal officiel Le Moniteur.

29Le parlement haïtien comprend une chambre basse composée des Députés et une chambre haute composée

des Sénateurs de la République.

(titre 2) et à leurs relations (titre 3), aux compétences des Collectivités Territoriales (titre 4), au financement des Collectivités Territoriales et de leurs ressources (titre 5). Leur contenu peut être résumé à partir de certains chapitres traitant la situation de la décentralisation et du développement territorial. Il s'agit :

y' Des principes de base de la décentralisation, d'organisation et de l'autonomie des Collectivités Territoriales ;

y' Des instances participatives de développement et de la décentralisation de certains services ;

y' Des relations de contrôle et d'encadrement des Collectivités Territoriales ;

y' Des relations de collaboration et de partage entre les Collectivités Territoriales et de leurs relations avec les habitants ;

y' Des conditions d'octroi et de transfert des compétences techniques ;

y' Du budget des Collectivités Territoriales et de leurs différentes façons de générer des ressources au niveau du territoire respectif.

À travers cette présentation, il est évident de constater de nouveaux efforts effectués par l'État central pour encourager l'application du processus de la décentralisation et du développement local. Ces nouveaux textes de lois favorisent au mieux la participation des élus locaux à tous les niveaux territoriaux dans la planification du développement de leur communauté. Contrairement aux prévisions faites par la constitution haïtienne de 1987, le décret-loi de 2006 accorde le pouvoir aux autorités locales d'établir leur propre coopération externe. Dans ce cas, elles bénéficient d'une opportunité pour réaliser le partage d'expériences et d'échanges avec l'extérieur pour induire le développement endogène comme l'a dit G. Logié (2000).

Le projet-loi de 2009 donne la possibilité aux élus des Collectivités Territoriales d'utiliser les ressources de leur territoire respectif pour réaliser leur propre développement. Ce texte de loi recommande aux élus locaux le partage d'expériences tant au niveau interne qu'au niveau externe. Aussi, la participation populaire est favorisée entre les habitants d'une communauté et leur représentant.

De plus, le pouvoir exécutif haïtien, par le biais du premier ministre, Madame Michèle Duvivier Pierre-Louis, venait d'organiser les 15 et 16 mai 2009 « un colloque autour de la formation permanente et la gestion des cadres territoriaux ». Des experts venant d'autres pays comme la France, le Chili, la Martinique, entre autres, devraient partager leurs

expériences avec environ 100 acteurs du pouvoir législatif et de la société civile y compris des élus de Collectivités Territoriales. Dans son allocution, la cheffe du gouvernement a déclaré aux représentants des Collectivités Territoriales que « le gouvernement qu'elle dirige va faire de la décentralisation et du développement local la pierre angulaire de l'action gouvernementale. Le gouvernement veut miser sur la plus petite division territoriale pour entamer le processus de développement local ». Elle a poursuivit son discours en insistant sur l'importance de cadres mieux formés pouvant assurer le contrôle de leur localité en y adoptant des choix de développement durables appropriés. Pour conclure, elle s'est déclarée ouverte aux partages d'expériences et à la coopération internationale pour permettre aux élus locaux et leur personnel de disposer de meilleurs outils de gestion de leur collectivité (C. Michel, 2009).

Comme l'a annoncé P. Prévost (2003), cette récente initiative exprime la volonté des acteurs institutionnels haïtiens à la réussite du processus de décentralisation et du développement local. Cette tentative rejoint l'idéologie de G. Logié (2000) qui considère que la réussite du processus de développement local nécessite que les acteurs locaux fassent le partage d'expériences en prenant les idées des autres pour inventer chez eux. L'intention de doter aux élus locaux de nouveaux outils pour mieux gérer leur collectivité est considérée comme un moyen pour rendre leur projet plus efficace, c'est-à-dire ils peuvent devenir le maître de leur propre développement.

Enfin, Frédéric Gérald CHÉRY vient de publier en mai 2009 un document traitant la décentralisation et le développement local en Haïti. Un article publié par le quotidien haïtien LE NOUVELLSITE, en date du 08 juin 2009, avait présenté une synthèse du travail publié par ce chercheur haïtien. Selon F. G. Chéry (2009), lu au journal LE NOUVELLISTE30, le développement local conduira à des changements progressifs et décisifs pour l'économie haïtienne. Son étude a surtout pris en compte la dimension économique de la décentralisation présentée à partir de certains chiffres31. Selon lui, le développement n'est plus un problème social et/ou politique contrairement à certaines autres visions. La politique de décentralisation et du développement local engendra des changements au niveau économique et des impacts locaux. Au niveau communal, les acteurs peuvent eux-mêmes contribuer à la création d'entreprises locales via des biens de l'État. Il a poursuivit ses réflexions en annonçant que le pouvoir décentralisé doit encourager cette voie sans toutefois recourir forcément à un relèvement de la pression fiscale des subventions de l'État Comme appui à cette proposition,

30 L'article est publié dans le journal sans avoir un auteur précis

31 Aucune possibilité d'analyser les chiffres, n'ayant pas lu directement le livre

l'auteur parle, entre autres, des sources d'eau non exploitées et du tourisme local à partir des monuments historiques, etc.

Il est évident que les réflexions faites par F. G. Chéry (2009) pour réussir le développement local en Haïti se divergent de ce qu'a constaté le chercheur P. Prévost dans son étude d'évaluation dudit secteur en Haïti pour le compte de l'Agence Canadienne de Développement International (ACDI). Haïti fait face à des crises au niveau social, politique, économique, environnemental et culturel qui l'emp~che d'assurer la décentralisation et le développement local (P. Prévost, 2003). Les propositions annoncées par F. G. Chéry parlent de la création d'entreprise au niveau local avec l'utilisation des biens du domaine public, donc la valorisation des ressources locales comme l'ont bien dit B. Pecqueur (2000) et A. Joyal (2002) par des acteurs institutionnels d'après les définitions de F. Debuyst (2001), P. Prévost (2001) et J- R Essombè Édimo (2005). En comparaison à des expériences réussites de l'Association des Paysans de Vallue (APV) sur l'écotourisme (A. Coq, 2006), la valorisation du tourisme local via des monuments historiques jusqu'ici inexploités pourrait considérer comme une très bonne propagande pour enclencher le processus de territorialisation dans plusieurs zones du pays où les monuments sont véritablement subsistés. L'exploitation de cette ressource matérielle peut être utilisée comme une stratégie par les acteurs locaux institutionnels pour construire leur destin commun. Il serait bon que tous les acteurs de la vie haïtienne se penchent sur ces suggestions avancées par l'auteur Frédéric Gérald Chéry. D'ailleurs, la constitution haïtienne en vigueur et le projet-loi de 2009 confèrent ce niveau de compétences aux élus locaux.

3.3- REGARD SUR LE NIVEAU POLITICO-ÉCONOMIQUE DU PROCESSUS DE
DÉCENTRALISATION ET DU DÉVELOPPEMENT LOCAL EN HAÏTI

Depuis l'adoption en 1987 de la nouvelle constitution haïtienne, la décentralisation se situe au centre des discours portant sur la réforme de l'État central. L'objectif principal affiché est d'arriver à renverser la situation de pauvreté chronique qui prévale surtout en milieu rural. Pour y arriver, les autorités de l'État ont compris que la découpe des Collectivités Territoriales constitue le point de départ pour la réussite du développement local (T. Cantave, 2006).

Cependant, bien que la présente constitution et la loi de 1996 parlent de l'autonomie financière et administrative des Collectivités Territoriales, celles-ci à l'exception de certaines

Communes de la zone métropolitaine32 de Port-au-Prince, demeurent financièrement dépendantes du pouvoir exécutif via le Ministère de l'Intérieur et des Collectivités territoriales (C. L. Cadet, 2001). De plus, les élections indirectes qui devraient permettre la mise en place des Conseils Départementaux et Interdépartementaux et qui, étudieront et planifieront conjointement avec l'Exécutif les projets de décentralisation et de développement à tous les secteurs d'Haïti n'ont jamais existé.

Dans (P. Prévost et al., 2003), le financement du développement local en Haïti est assuré à la fois par des acteurs institutionnels que par des acteurs non-institutionnels. L'appui financier de l'acteur public s'est toujours révélé insuffisant, ce qui renforce la liaison entre les Collectivités Territoriales et les bailleurs de fonds nationaux et internationaux. Le Schéma 1 présente globalement les structures mises en place par l'État pour le financement des activités de développement local.

FONDS D'INVESTISSEMENT PUBLIC (FIP)
(Trésor Public + Apports de la Communauté Internationale)

Programme et projets d'envergure
nationale
(Pouvoir Exécutif)

Plans Communaux de Développement (PCD / FIC)

Projets Locaux de Développement au niveau Sections Communales (PIL / FIL)

Programmes et Projets
Intercommunaux de
Développement (PDD / FID)

Plan Départemental de
Développement (PDD / FID)

Figure 2 : Organisation de l'État unitaire décentralisé d'Haïti et Plan National de Développement
Source : Cantave T. (2006). Haïti-Décentralisation : Mise en oeuvre difficile in Le projet
constitutionnel de Décentralisation : une co-administration et une co-gestion de la République
,
Port-au-Prince.

Cette Figure fait ressortir le caractère politique-économique de développement de la République d'Haïti. Sa gestion conjointe est assurée par l'Administration Centrale du Pouvoir Exécutif et les Collectivités Territoriales représentées par le Conseil Interdépartemental. Ce dernier, comme mentionné au titre 3.1 devrait jouer un grand rôle dans l'application des projets de décentralisation et du développement local.

Le Plan National de Développement (PND) comprenant les programmes et projets d'envergure nationale est l'émanation de l'orientation de la politique du Pouvoir Exécutif codifié par le Premier Ministre dans son ÉNONCÉ de POLITIQUE GÉNÉRALE approuvé par le parlement, traduit de façon opérationnelle dans le Programme d'Investissement Public (PIP) et porté au budget annuel de l'État qui est financé par le trésor public et les apports de la Communauté Internationale. Il intègre aussi les Plans Départementaux de Développement constitués par les Plans Communaux Intercommunaux de Développement élaboré par les dirigeants des Collectivités Territoriales Municipales (Conseils et Assemblées) en articulation avec les Organisations de la Société Civile et les structures déconcentrées de l'État et ceci à partir des Projets de Développement Local provenant les habitations des Collectivités Territoriales de Sections Communales qui les composent à partir des besoins exprimés (T. Cantave, 2006).

Le décret-loi sur le Fonds d'Investissement Public du 4 octobre 1984 et l'arrr~té d'application du 11 septembre 1985 constituent, encore de nos jours, les premières orientations nécessaires à la nouvelle approche pour le financement des programmes d'investissements dans le cadre du budget annuel de l'État Unitaire Décentralisé L'article 2 dudit décret-loi stipule que le Programme d'Investissements publics est un instrument qui rend opérationnel le Plan Annuel de Développement (T. Cantave, 2006).

Ce même article 2 confie la responsabilité au Ministère de la Planification et de la Coopération Externe d'élaborer un Plan de Développement National, mais le nouveau décret- loi du 01 février 2006 attribuait cette tâche à chaque Collectivité Territoriale comme déjà présenté au point 3.3. L'article 5 mentionne que les ressources consacrées au financement des opérations de développement du secteur public peuvent provenir des fonds nationaux ou internationaux (Journal officiel Le Moniteur, 1984).

Il est évident que l'État continue à manifester sa volonté à la réussite du développement local ; le principal handicap se situe autour de sa dépendance de l'aide extérieur, d'une part et d'autre part, de la faiblesse au niveau des compétences disponibles au niveau local. Cette situation a toujours retenue l'attention des acteurs de la société civile comme c'est le cas de l'Agence Canadienne de Développement International en 2003. Par conséquent, l'État devrait combler ses faiblesses au niveau local, ce qui permettrait la création de richesses pour une meilleure réussite du développement durable.

CHAPITRE IV-

ACTEURS, ACTIONS ET DÉVELOPPEMENT LOCAL DANS LES SECTIONS COMMUNALES DE 3ème THIOTTE ET DE 2ème BOIS D'ORMES

Ce chapitre du mémoire est consacré à la présentation de la situation générale de développement territorial de la zone étudiée. Dans un premier temps, l'accent est mis sur la présentation de tous les acteurs majeurs qui ont influencé ou qui sont impliqués à ce processus de développement. Dans un deuxième temps, il s'agit de présenter la Coordination des Organisations pour le Développement de l'Arrondissement de Belle-Anse (CODAB), considérée comme un acteur important dans la mise en place du processus de développement local. En troisième lieu, il est question de décrire deux types d'activités économiques prises en charge par les organisations paysannes au niveau des Sections Communales de 3ème Thiotte et de 2ème Bois d'Ormes.

Pour y arriver, les données utilisées proviennent d'entretiens documentaires et exploratoires. Avant même de venir en Belgique pour les études, il a fallu collecter des données de manière descriptive auprès des acteurs locaux actifs et engagés au développement endogène. Aussi, la littérature grise a été explorée via des rapports d'activités préparés par des acteurs de développement local dans la zone.

4.1- PRINCIPAUX ACTEURS ACTIFS OU ENGAGÉS AU PROCESSUS DE DÉVELOPPEMENT TERRITORIAL

Les informations obtenues par les entretiens ont permis de catégoriser les acteurs en deux groupes : l'acteur public et l'acteur privé. L'acteur public est particulièrement représenté par les élus des Collectivités Territoriales. L'acteur privé est surtout représenté par des groupes organisés de la société civile.

4.1.1- Présentation et participation des acteurs publics

Les élus locaux dont le Conseil d'Administration de la Section Communale (CASEC) et l'Assemblée de la Section Communale (ASEC) constituent des acteurs publics très impliqués dans le processus de développement local des Sections Communales de 3ème Thiotte et de 2ème Bois d'Ormes. Les bureaux des services déconcentrés de l'État représentent aussi des actifs qui apportent faiblement leur contribution. L'implication du Conseil Municipal est tout aussi effective au niveau communal. D'après les informations obtenues auprès de ces élus locaux, leur intégration effective au processus de développement local dans

leur collectivité a débuté avec le Projet National de Développement Communautaire Participatif et le Programme de Développement Local. Cette nouvelle approche de développement en Haïti a commencé vers les années 2004-2005. Depuis cette période, le Conseil d'Administration de la Section Communale (CASEC), l'Assemblée de la Section Communale (ASEC) et le Conseil Municipal ont eu la possibilité de participer à tous les programmes ou projets de développement au profit de leur communauté respective.

En effet, l'ASEC et le CASEC de la 3ème Section Communale Thiotte et celle de 2ème Bois d'Ormes ont coopéré à toutes les étapes de préparation des plans de développement de ces unités territoriales administratives d'Haïti. Chacune de ces Sections Communales, dispose d'un Plan de Développement de Section Communale (PDSC), élaboré à partir de 2005 dans le cadre du Programme de Développement Local initié par l'État central. Le PDSC élaboré constitue un outil de développement stratégique territorial, incluant les besoins de toutes les localités qui forment la Section Communale. Par contre, le Projet National de Développement Communautaire Participatif repose ses stratégies sur l'identification des projets progressivement dans chaque localité avec l'implication de tous les secteurs locaux. Dans les deux cas, le CASEC et l'ASEC parlent de leur implication de manière formelle et participative dans l'identification, la priorisation, l'exécution et le suivi-évaluation des projets. Ils ont témoigné de leur possibilité de rechercher la complémentarité entre ces deux programmes financés par l'État central. En outre, ces deux programmes ont favorisé la création des structures pérennes de développement qui pourraient être considérées comme des actifs pour la réussite du développement local.

D'une part, chacune des Sections Communales bénéficie d'un Comité de Développement présidé par le premier représentant (le président) du Conseil d'Administration de la Section33 y inclut les deux autres membres, de 3 membres de l'ASEC et d'autres personnalités de la Société civile. Initié par le Programme de Development Local, ce comité est composé de 15 personnes : 40 % d'élus locaux, 20 % de représentants d'organisations paysannes, 20 % des représentants des religieux et 20 % des notables de la zone. D'autre part, un conseil de gestion se forme à travers le Projet National de Développement Communautaire Participatif. Appelé, Conseil de Projet National de Développement Communautaire Participatif (COPRODEP), il est chargé de gérer les activités dudit projet et se forme au niveau communal selon les informations fournies par ses membres. Il est formé de 9

personnes dont environ 67 % de représentants d'organisations paysannes et d'environ 33 % d'élus locaux dont 2 membres du CASEC par Section Communale et d'un membre du Conseil Municipal34. Ces deux programmes encouragent à environ 33 % la participation des femmes au comité de gestion des projets.

Pendant la réalisation des expériences professionnelles en 2007 et 2008, j'ai apporté ma contribution au renforcement du Comité de Développement de la 3ème Section Communale de Bois d'Ormes. En ma qualité d'exécutant d'un projet d'élevage de poulets au profit de 600 familles dont les plus pauvres, j'ai été exigé par l'État haïtien de planifier les activités avec le Comité de Développement de ladite section, de l'intégrer au suivi-évaluation du projet et de lui fournir des rapports d'avancement des activités. Ce projet est issu du processus de diagnostic participatif réalisé avec les acteurs locaux et est inclus dans le Plan de Développement de cette Section Communale comme le problème prioritaire à résoudre.

Durant la période de 2006 à 2008, les projets de développement financés par l'État au niveau de la 3ème Section Communale Thiotte et celle de 2ème Bois d'Ormes ont touché les secteurs du social, de l'économie paysanne et de l'environnement. Les fonds de financement proviennent de prêts octroyés par la Banque Interaméricaine de Développement35 (BID) et de la Banque Mondiale36. D'après des données fournies par des acteurs locaux rencontrés tels les élus locaux, un représentant de la Fondation Panaméricaine de Développement (PADF) et un responsable du FAES, 11 projets sont déjà exécutés et 6 autres sont en perspectives d'exécution comme l'indiquent respectivement les Tableaux 2 et 3.

34 Pour chaque commune, les informations ont été fournies par le CASEC et le Conseil municipal

35 Pour le financement du Programme de Développement Local

36 Pour le financement du Projet National de Développement Communautaire Participatif (PRODEP)

Tableau 2 : Présentation des projets réalisés par l'acteur public de 2006 à 2008 dans les Sections Communales de 3ème T hiotte et 2ème Bois d'Ormes

#

Types

Lieux

Bénéficiaires directs et indirects

Exécutants

Durée

1

Élevage de poulets

S.C. B.O

600

Consultant

1 an

2

Élevage de caprins

S.C. B.O

400

O.N.G loc.

1 an

3

Caféiculture et construction d'un

centre de traitement café

S.C. B.O

1 000

O.N.G loc.

1 an

4

Réhabilitation d'une école publique

S.C. B.O

Population rurale

O.N.G loc.

1 an

5

Conservation des sols et reforestation

S.C. B.O

Population rurale

3 O.C.B.

3 mois

6

Centre de stockage des grains

S.C. B.O

300 et pop. rurale

2 O.C.B.

6 mois

7

Réhabilitation de routes agricoles

S.C. B.O

Population rurale

5 O.C.B.

3 mois

8

Programme de formation sur gestion de projets

S.C. B.O

30, CASEC et ASEC

Consultant

2 semaines

9

Deux systèmes d'adduction d'eau

potable

S.C.T

Population rurale

4 O.C.B

6 mois

10

Construction d'un centre

professionnel

S.C.T

Population rurale

2 O.C.B

6 mois

11

Construction d'une boutique

d'intrants agricoles

S.C.T

Population rurale

1 O.C.B

3 mois

Total

11 projets

 
 
 
 

S.C. B.O : Section Communale Bois d'Ormes

S.C. T : Section communale Thiotte

O.C.B : Organisation communautaire de base

O.N.G loc. : Organisation non gouvernementale locale

Source : Enquête de l'auteur, 2008

Tableau 3 : Projets en perspectives de réalisation par l'acteur public dans les Sections Communales de 3ème Thiotte et 2ème Bois d'Ormes pour 2009 et 2010

# Domaines Lieux Bénéficiaires directs Exécutants Durée

et indirects

1 2 Centres de stockage et

de commercialisation des grains

2 Magasin de produits

alimentaires

3 3 citernes communautaires

d'eau potable

Total 6 projets

S.C.B.O et 450 et population 4 O.C.B. 6 mois

S.C. T. rurale

S.C. T. Population rurale 2 O.C.B. 6 mois

S.C. T. Population rurale 6 O.C.B. 6 mois

S.C. B.O : Section Communale Bois d'Ormes S.C. T : Section communale Thiotte

O.C.B : Organisation communautaire de base

Source : Enquête de l'auteur, 2008

À travers ces deux Tableaux, l'exécution des projets identifiés dans le cadre du Programme de Développement Local (PDL) est assurée par des consultants individuels ou par des ONG locales. Les activités dudit programme sont exclusivement réalisées dans la 2ème Section Communale de Bois d'Ormes. Le Fonds d'Assistance Économique et Social (FAES) continue de jouer son rôle dans la coordination, le suivi-évaluation des projets et la formation des bénéficiaires.

Par ailleurs, ce sont des organisations communautaires paysannes qui réalisent elles- mêmes l'exécution des projets dans le cadre du Projet National de Développement Communautaire Participatif (PROD EP). L 'ONG internationale, la Fondation Panaméricaine de Développement (PADF) joue le rôle d'accompagnateur technique des organisations bénéficiaires et exécutantes des projets. Les activités de ce programme sont plus concentrées dans la 3ème Section Communale Thiotte.

Les informations présentées au Tableau 2 concernent 6 projets non encore exécutés en 2008, sont fournies par les responsables de la PADF. Leur phase d'exécution devrait être réalisée en 2009 et 2010 par des organisations communautaires paysannes en fonction des stratégies générales du PRODEP. Le budget maximal agréé par le FAES pour un projet est d'environ 2 millions de gourdes, tandis que la PADF via le PRODEP conçoit des microprojets d'environ 700 milles gourdes37. D'une manière générale, la durée de la phase d'exécution d'un projet est de 3 mois à 1 an.

En fonction des informations obtenues auprès de la population enquêtée, les activités de développement économique et productif induisent une amélioration de revenus des bénéficiaires directs. Les projets à caractères sociaux sont exécutés au profit de toute la communauté locale qui en tire beaucoup de bénéfices. L'unique projet environnemental déjà réalisé contribue à la protection contre l'érosion d'environ 75 ha de terres dans la zone et 15 milles arbres fruitiers et forestiers ont été plantés.

De plus, grâce aux séances de formation fournies pendant l'exécution des projets, les élus de la collectivité, les membres d'organisations communautaires paysannes ont mentionné l'amélioration de leur niveau de connaissances, particulièrement dans la gestion de projet et le renforcement organisationnel. Les organisations communautaires paysannes bénéficiaires des activités du PRODEP profitent au mieux des séminaires de formation fournies en raison de leur rôle d'exécutant des projets. Ces deux programmes incitent progressivement la

population à mieux s'organiser pour participer au développement durable de leur
communauté. Mise à part, un programme de formation intensive de 60 heures réalisé au profit
des membres du Comité de Développement de la Section Communale, tous les acteurs cités

précédemment ont bénéficié d'au moins 15 heures de formation sur des thèmes spécifiques à

chaque projet réalisé.

Pour les bénéficiaires directs, les élus locaux et les responsables des deux programmes rencontrés, l'exécution des projets de développement a permis la valorisation des matériels locaux et des petits jobs temporaires sont crées au profit de la population locale. L'utilisation des matériaux locaux est surtout réalisée dans le cadre des projets d'élevage38 et de conservation des sols. La main-d'oeuvre paysanne est quasi-totalement utilisée pour la réalisation de tous les projets sociaux.

Globalement, ces représentants du pouvoir central (CASEC et ASEC) jouent leur rôle dans le processus de développement local en raison de leur implication obligatoire à

n'importe quels types de projets de développement dans leur collectivité. Ils participent aux
prises de décision communautaire. Il s'agit d'un grand effort réalisé par l'État central pour

intégrer ces représentants du pouvoir décentralisé aux activités de développement local. Leur forme de participation identifiée est de type interactive (Jules Pretty et al., s. d.) car ils participent à la fois dans la mise en place des activités c'est-à-dire depuis l'identification des problèmes, leur priorisation, l'exécution et le suivi-évaluation des projets (UNESCO, 1982 ; A. Dumas, 1983). Pour l'exécution des activités, la main-d'oeuvre locale est prise en compte et les ressources locales sont très valorisées. Cette initiative de valorisation de ressources locales dans le processus de développement local est signalée par les auteurs comme B. Pecqueur (2000), G. Logié (2001) et A. Dumas (1983). Après la phase d'exécution des projets, les élus locaux devraient être capables de poursuivre les activités de développement local grâce aux séances de formation reçues. La participation populaire est utilisée comme un PRyen, ce qKi aKgPente l'efficacitfi des piRAets ifialisfis (B. Gueye, 1999 in A. Jones, 2006). Certains projets productifs et économiques réalisés contribuent à une rentabilité économique et d'autres projets sociaux prennent en compte une certaine dimension de la viabilité écologique de la zone (B. Pecqueur, 2000).

Cependant, cette présentation a permis de révéler les gros défis qui se présentent face aux représentants du pouvoir central décentralisé pour garantir leur autonomie. Leurs plus

38 Dans la construction d'abris pour les animaux d'élevage

grandes infirmités sont jointes au manque de ressources techniques et financières pour réaliser leur propre projet. Ils demeurent dépendre des sources de financement extérieur comme l'a soulevé P. Prévost (2003). La part du budget national qui leur devrait être attribué tarde encore à venir. L'État ne garantit pas suffisamment, la formation globale des élus locaux qui pourra leur permettre d'être plus efficace dans l'accomplissement de leurs fonctions. Les études de diagnostic participatif réalisées à partir de l'année 2005 par le Fonds d'Assistance Économique et Social (FAES) ont identifié de graves problèmes à tous les niveaux de la vie sociale et économique de la population. Le secteur éducatif et de la santé souffrent de la carence des ressources techniques et financières pour répondre correctement aux besoins de la population. Les appuis du Ministère de l'Agriculture aux secteurs de l'agriculture et de l'élevage restent inadéquats par rapport aux besoins des habitants. Cette situation contribue à un déficit de participation populaire comme dans UNESCO (1982). D'autres études réalisées par des auteurs tels (A. Coq, 2006 ; V. Lamothe, 2007 ; F. Dorvilier, 2007 & Y. Sainsiné, 2007), ont déjà soulevé l'insuffisance de certains services de base disponible partout en milieu rural. Il est vrai que les projets sont identifiés par la population locale, la dimension culturelle du développement n'est pas suffisamment prise en compte.

Pour conclure, des observations personnelles réalisées permettent d'annoncer que les montants (14 000- 40 000 euros) requis pour un projet demeurent insuffisants. Quoique les activités issues des deux programmes de développement local de l'État central prennent en compte tous les coins des Sections Communales, les projets réalisés sont trop fractionnés. Dans le futur, l'État devrait penser à augmenter le budget de financement des projets pour favoriser au mieux leur pérennité. Malgré tout, ils sont suffisamment bien appropriés par la population locale pour induire un niveau de développement territorial.

4.1.2- Présentation et participation des acteurs privés

La société civile, regroupant les autorités religieuses, les associations professionnelles, les coopératives et les groupements ou organisations communautaires paysannes représentent les acteurs privés qui contribuent au développement des Sections Communales de 3ème Thiotte et 2ème Bois d'Ormes ; les ONG locales et internationales représentent aussi d'autres acteurs importants. Hormis les ONG, tous les autres acteurs regroupent des femmes, d'agriculteurs et des jeunes de la zone.

Selon des informations obtenues lors de la réalisation des entretiens, 4-5 autorités religieuses39 et quelques 10 notables par Section Communale ont été des pionniers du processus de développement communautaire. Leur appui a été surtout remarquable aux secteurs de l'éducation et de la santé. Durant les décennies 1970-1990, des démarches ont été effectuées de leur part et avec le soutien de la population locale, pour exiger de l'État la disponibilité des services de base au profit de la population rurale comme l'exige la constitution haïtienne. Pour la réalisation du Plan de Développement de Section Communale (PDSC), les informations disponibles dans ce document ont mentionné leur participation active à toutes les phases d'élaboration (FA ES, 2005)40. Ce groupe d'acteurs font aussi partie des membres du Comité de Développement de Section Communale (rappel à 40 %). D'une manière générale, ils demeurent des acteurs utiles quant à leur implication dans toutes les rencontres et/ou les débats orientés dans le sens du développement de leur localité. Les entretiens réalisés avec une partie d'entre' eux ont permis d'identifier que l'indifférence dans l'idéologie politique constitue le principal handicap à leur unification de toujours. Leur implication au processus de développement endogène est vivement encouragée par l'État central comme le recommandent les grands bailleurs de fonds internationaux tels que la Banque Mondiale, le FMI et l'UNESCO.

a. ONG locales et internationales

Les ONG locales et internationales font partie d'un groupe d'acteurs participant au développement local de la zone. Vu l'incapacité de l'État à soutenir de manière adéquate ces Collectivités Territoriales financièrement et économiquement, ce sont elles qui financent en grande partie les programmes et projets de développement avec un faible appui de la population locale bénéficiaire. En général, elles financent les projets de développement à hauteur de 85-90 % ; la part restante est fournie par la population en ressources locales. Cet état de fait, renforce leurs liens à la fois avec la population locale et les élus locaux.

Les interventions de ces institutions se font soit directement dans le milieu soit sous la demande de la population. Dans le premier cas, les projets sont amenés de l'extérieur sans que la population ne participe point à la fixation des objectifs et au processus de leur décision. Cette participation populaire est de type consultatif comme indiqué par Jules Pretty et al. (s.

d.) - parfois, elles établissent certaines relations avec les autorités locales. Dans le second cas,
souvent une partie de la population locale identifie leurs projets sans ou avec les membres de

39 Pasteurs des églises protestantes et des prêtes de l'église catholique

40 FAES (2005). Rapports de Diagnostic Participatif des Sections Communales de 3ème Thiotte et de 2ème Bois d'Ormes, commune des Anse-À-Pitres, Département du Sud-est.

leur association communautaire pour soumettre aux ONG pour le financement -- ou parfois certaines associations oisives profitent de la disponibilité des fonds offerts par les ONG pour réaliser des projets. Ces formes d'organisations disparaissent généralement après l'exécution des projets, c'est ce que Jules Pretty et al. (s. d.) ont qualifié de participation fonctionnelle.

Malgré des faiblesses constatées dans le type de participation populaire et dans les modes d'interventions des ONG, il est important de souligner leur place au développement des Sections Communales de 3ème Thiotte et de 2ème Bois d'Ormes. Des bénéficiaires rencontrés ont affirmé une certaine amélioration de leurs revenus grâce à ces activités. Néanmoins, en raison des changements opérés par l'État pour la réussite du développement des Collectivités Territoriales depuis en 2005, les élus locaux disposent le pouvoir de contrôler les actions des ONG. Les places de ce groupe d'acteurs au développement local en Haïti ont été déjà signalées à travers les recherches produites par P. Prévost (2003), A. Coq (2006), V. Lamothe (2007), F. Dorvilier (2007) et Y. Sainsiné (2007). Il est souhaitable que des corrections soient initiées en encourageant, entre autres, une meilleure participation populaire ce qui favoriseraient la durabilité des projets réalisés. L'État central via les élus locaux, doit mieux remplir son rôle en obligeant les ONG à financer des projets qui rentrent dans le Plan de Développement de Section Communale pré-élaboré.

Toutefois, d'autres formes de coopération établissent entre des associations communautaires paysannes, l'État et des ONG locales et internationales produisent des effets au niveau local. La description de cette situation fait l'objet des lignes qui vont suivre.

b. Associations communautaires paysannes

Le regroupement des paysans sous la forme associative constitue le dernier groupe d'acteurs de développement local des Sections Communales. Selon des informations fournies par les acteurs de la société civile et des élus locaux, les premières tentatives de regroupement des paysans dans ces zones rurales haïtiennes avaient débutées avec la fin de la dictature, le

07 février 1986. La création d'association fut ensuite encouragée par la Constitution du 29 mars 1987 qui stipulait dr difMLg 0lrEERFirtiRn Mt 0M réuniRn ErnE rIP ME à 0ME 7iAE SRditiquME, économiques, sociales, culturelles ou toutes autres fins pacifiques est garantie (art. 31). Cette décision est cohérente aux souhaits faits par B. Husson (2001) « dl? trt r SRXr obligation de

IrvRriEML d'éP MriM1FM 01rEERFirtiRnE FRddMFTivME ru nivMrY dRFrd » . Malgré tout, le
mouvement associatif dans cette région a été très controversé de manière périodique. D'abord

par certains militaires du régime de facto41 de la période 1991-1994, ensuite par l'émergence des Organisations Populaires (OP) du parti politique dénommé « Lavalas » surtout pour la période de 2000-2004. Les diverses formes de bouleversements crées par ces groupes, n'ont pas empêché au mouvement associatif de connaître sa croissance dans la zone. Le processus de développement local de ces deux Sections Communales est passé du contrôle des acteurs individuels à des acteurs collectifs.

Au mois de mars 1989, a eu lieu le premier regroupement de diverses associations de base en la Coordination des Paysans de l'Arrondissement de Belle-Anse (COPAB). « Sa mission était de porter les principales revendications de la masse paysanne au plus haut niveau vers les responsables de l'État ». Grâce au dynamisme développé par les responsables et avec l'appui, la compréhension, la participation de la population tant assoiffée du développement pour la communauté, l'organisation a exécuté de petits projets sociaux et environnementaux dont la réhabilitation des routes agricoles et la conservation des sols. L'exécution de ces projets a permis à l'association de créer un certain nombre d'emplois provisoires au profit de la population locale. La COPAB a aussi donné son appui au secteur éducatif en appuyant l'établissement des premières écoles secondaires publiques conjointement avec les notables de la zone.

Au cours de la courte période 1998-1999, toujours dans le souci de satisfaire au mieux les revendications paysannes, les responsables de la COPAB ont eu le soutien des organisations de base et des planteurs de la zone pour créer à la fois la Fédération des Organisations des Planteurs de l'Arrondissement de Belle-Anse (FOPLAB) et la Coopérative des Planteurs de Café de l'Arrondissement de Belle-Anse (COOPCAB). Pendant les 3 premières années de leur existence (1998-2001), ces deux unités de regroupement d'organisations de base de tout l'Arrondissement de Belle-Anse ont reçu le soutien technique et financier de 3 ONG pour la réalisation des projets agricoles et environnementaux dont 1 projet agro-écologique et 1 projet sur le caféiculture. Ces projets ont impliqué un niveau de participation de la population, entre autres, les bénéficiaires directs dont les agriculteurs et les caféiculteurs.

Pendant cette même période, le système dynamique mis en place par ces 2 regroupements de paysans leur a permis de bénéficier un programme d'intervention dénommé Programme de Développement Rural Intégré de Belle-Anse (PDRI/BA). Ce programme a été

41Il s'agit d'un pouvoir militarisé issu d'un coup d'état opéré contre un président élu constitutionnellement en 1991 avec beaucoup de répressions provoquées par un groupe dénommé : Front pour l'Avancement et le Progrès d'Haïti (FRAPH).

financé par deux ONG internationales : la Fédération Luthérienne Mondiale (FLM) et Action
Aid pour la période de 2001-2004 et une ONG locale, la Coordination Régionale des
Organisations du Sud-est (CROSE). Il « vise la contribution à la mise en place dans

eg$ LLRQ3kkIPIQt-1d1-19efill-$Qke-1uQe-1FRRLdiQEURQ-1LéIIRQEle-1dgRLIEQisations communautaires

mixtes, de femmes et de jeunes participant activement à la gestion de leurs entreprises économiques et aux prises de décisions sociopolitiques locales au bénéfice de leur communauté ». La Fédération des Organisations des Planteurs de l'Arrondissement de Belle- Anse (FOPLAB) et la Coopérative des Planteurs de Café de l'Arrondissement de Belle-Anse (COOPCAB) ont été deux partenaires importants et utiles pour l'exécution de programme. La première a été utilisée pour la filière économique du café et la deuxième pour les aspects socio-économiques. Ces informations sont obtenues via les bases de données de la Coordination des Organisations pour le Développement de l'Arrondissement de Belle-Anse (CODAB).

À la recherche de synergie et en qualité de nouvelles orientations fournies par les 3 partenaires techniques et financiers vus plus haut, les trois structures de regroupement d'organisations présentées précédemment ont paraphé un protocole de rapprochement qui a permis la création de la structure actuelle nommée Coordination des Organisations pour le Développement de l'Arrondissement de Belle-Anse (CODA B).

4.2- PRÉSENTATION DE LA COORDINATION DES ORGANISATIONS POUR LE DÉVELOPPEMENT DE L'ARRONDISSEMENT DE BELLE-ANSE (CODAB)

La Coordination des Organisations pour le Développement de l'Arrondissement de Belle-Anse est un regroupement d'organisations paysannes qui couvre totalement l'Arrondissement de Belle-Anse, l'une des régions administratives du Département du Sud-est d'Haïti. Elle étend ses activités au niveau de 4 Communes : Belle-Anse, Grand-Gosier, Anses-à-Pitres et Thiotte ; douze Sections Communales y compris les deux Sections Communales étudiées. Ses activités couvrent une superficie totale de 765,33 km2 et une population d'environ 150 000 habitants est touchée (IHSI, 2008). Elle est reconnue par l'État haïtien depuis 2005 comme une institution d'utilité privée à caractère social et est localisée dans la Commune de Thiotte.

La dynamique associative a pris une recrudescence d'intérêt collectif en Haïti et les acteurs locaux de la zone de Belle-Anse sont bien concernés. Cette stratégie semble devenir un vrai moyen utilisé par ces paysans eux-mêmes autour d'associations pour apporter

certaines améliorations au niveau de quelques services sociocommunautaires. Cette présentation est faite à partir de 4 principaux points :

(1) la présentation de la mission et des objectifs de la CODAB pour mieux comprendre son existence ;

(2) la présentation du mode de fonctionnement et les structures mises en place pour mieux appréhender ses stratégies d'intervention ;

(3) la présentation du mode de création des ressources, les stratégies d'acteurs et leurs logiques d'intervention de l'institution ;

(4) cette dernière partie illustre les secteurs d'activités prises en charge par l'organisation par une présentation des projets/programmes de développement réalisés y compris le niveau de participation des acteurs bénéficiaires.

4.2.1- Mission et objectifs de la CODAB

Depuis sa création en 2005, la Coordination des Organisations pour le Développement de l'Arrondissement de Belle-Anse a eu comme mission « de travailler à l'aboutissement d'une société unitaire, solidaire, plus juste et plus équitable dans le respect mutuel et la valorisation de la culture haïtienne au niveau local ».

Ses objectifs principaux consistent à :

- Construire une organisation représentative et légitime couvrant tout l'Arrondissement de Belle-Anse ;

- Défendre et protéger les intérêts de l'Arrondissement de Belle-Anse ;

- Charrier les revendications de la population en vue de la recherche de solutions allant dans l'intérêt de la majorité ;

- Organiser l'espace de l'Arrondissement et encadrer la population;

- Participer dans l'effort de reconstruction de l'Arrondissement de Belle-Anse ;

- Elaborer un plan de développement régional qui tienne compte de l'intérêt du secteur populaire ;

- Combattre la corruption, l'impunité et l'injustice et faire promotion de valeurs morales, culturelles et des droits fondamentaux du peuple Haïtien ;

- Rechercher et apporter la solidarité sur le plan communal, départemental et national.

4.2.2- Fonctionnement et structure de la CODAB

La Coordination des Organisations pour le Développement de l'Arrondissement de Belle-Anse fonctionne comme étant une institution bien décentralisée. Son fonctionnement s'appui sur un ensemble d'unités présentes dans toutes les Communes couvertes à la fois en milieu urbain qu'en milieu rural. Au niveau administratif, sa structure détient :

V' Un Congrès ou une Assemblée Générale, le nombre de membres reste à déterminer, il se réunit tous les 3 ans et ayant pour tâches de définir les grandes lignes d'orientation de la coordination ;

V' Un Comité de Coordination, comme le congrès le nombre de ces membres reste à déterminer ; il a pour rôle de suivre et de sanctionner le travail du comité exécutif dans l'intervalle de deux congrès ;

V' Un Comité Exécutif, il est composé de neuf personnes élues par le congrès pour une durée de 3 ans et a pour rôle de faire appliquer les grandes lignes d'orientations définies par le congrès et de représenter la coordination ;

V' Le secrétariat exécutif, une branche du comité exécutif et est composé de 3 personnes travaillant conjointement avec ce comité ;

V' Une Assemblée des Délégués, composée de 60 personnes, elle est formée à partir des délégués mandatés par les organisations membres de la CODAB dans tout l'Arrondissement. Au besoin, les membres de l'assemblée se réunissent tous les 6 mois et ils ont comme principales attributions de s'informer et d'informer les organisations membres à propos des activités entreprises par la coordination régionale.

En outre, la technique d'appropriation du territoire par la CODAB consiste à la mise en place d'un ensemble de comités à tous les niveaux territoriaux (niveau urbain et rural). Il s'agit d'une coordination par Commune qui regroupe une fédération par section communale et une plate-forme par ville où sont réalisées ses activités. Donc, ce sont 4 coordinations communales, 12 fédérations Sections Communales et 4 plates-formes villes qui forment la base de son existence. Par ailleurs, les organisations de base sont membres des Fédérations de Sections Communales ou des plates-formes ville et la population est liée à ces structures et non directement à la CODAB. Sa structure générale de représentation est bâtie à partir de la Figure 3.

Congrès ou Assemblée générale

Comité de coordination

Secrétariat exécutif

 
 

Comité exécutif

 
 
 
 
 
 
 

Assemblée des délégués

Coordinations communales

Fédérations sections communales

 
 
 

Plates-formes ville

 
 

Organisations de base

Membres

Figure 3 : Structure de représentation de la CODAB Source : Enquête de l'auteur, août 2008

Les membres de la CODAB font partie d'environ 400 organisations communautaires de base et de 3 catégories distinctes. Il s'agit du Mouvement des Paysans de l'Arrondissement de Belle-Anse (MOPAB) regroupant diverses catégories d'organisations d'agricultures des deux sexes, du Mouvement des Femmes de l'Arrondissement de Belle-Anse (MOFAB) formées uniquement à partir d'organisations de femmes, enfin du Mouvement des Jeunes de l'Arrondissement de Belle-Anse qui regroupe des jeunes de 15-25 ans. Cette forme de regroupements de paysans-agriculteurs est en marche depuis l'existence de la CODAB en 2005, mais les 2 autres mouvements (femmes et jeunes) n'existent qu'en 2007. Le mouvement des paysans et celui des femmes représentent de vrais outils utilisés par les habitants liés aux fédérations de Section Communale pour faire passer leurs souhaits, mais le mouvement des jeunes n'est pas suffisamment structuré. Toutefois, le dernier Recensement Général de la Population et de l'Habitat a considéré la population haïtienne comme étant jeune avec plus de 50 % âgée de moins de 21 ans (IHSI, 2003). Cette caractéristique, étant reflétée la situation générale d'Haïti, ce qui a permis à l'organisation de porter une certaine considération vis-à-vis de cette couche de la population.

D'après les déclarations faites par le comité exécutif de la CODAB et celui des fédérations de Section Communale, la coordination communale se forme à partir de l'union de toutes les fédérations des Sections Communales qui la composent et d'une plate-forme

ville en milieu urbain. Chacune des Communes étudiées (Thiotte et Anses-à-Pitres) possèdent 2 Sections Communales, leurs coordinations communales comprennent trois unités de base. Le nombre d'organisations communautaires membres d'une fédération de Section Communale ou d'une plate-forme ville varie avec la population de la zone et la quantité de personnes par organisation communautaire est aussi variable. Environ 100 organisations communautaires de 30-100 personnes sont membres des 2 fédérations de Sections Communales étudiées. Le comité exécutif d'une Fédération de Section Communale est formé de 7-9 personnes dépendamment du nombre d'associations communautaires paysannes qui s'y trouvent. Les membres dudit comité sont élus démocratiquement par la population membre faisant partie des organisations communautaires qui se trouvent dans une Section Communale. La durée du mandat d'un comité exécutif est de 3 ans et son 1/3 est renouvelé annuellement. La CODAB encourage la participation des femmes dans le comité exécutif d'une fédération de Section Communale à hauteur de 30 %.

4.2.3- Ressources, stratégies d'acteurs et logiques d'intervention de la CODAB

L'existence de la CODAB est reliée à des stratégies mises en place pour la mobilisation et la création de biens communautaires dans ses zones d'activités. Ce processus créatif de ces acteurs locaux s'inscrit dans la logique de F. Debuyst (2001 : 118) qui conçoit la stratégie d'acteurs comme « une démarche impliquant la conception et le mode C11113Zli4IRRÇPCh4Pt.h44R3t.Fh4PFRFElÇéh4PSR3t.PEtteindre un but ». Cette institution de

développement tient à valoriser les acquis disponibles au niveau local en appliquant « des stratégies de types relationnelles » répondant aux attentes des bénéficiaires tout en impliquant ces derniers dans la conduite de sa mission.

Les ressources et les stratégies de la CODA B reposent sur 3 grandes filières :

i. La caféiculture

Elle représente la plus importante source de revenus des habitants de la zone. La CODAB s'engage dans cette filière à travers la Coopérative des Planteurs de Café de l'Arrondissement de Belle-Anse (COOPCAB) qui possède un réseau de plusieurs coopératives localisées dans 3, parmi les 4 communes couvertes par les activités de la CODAB. Les détails concernant cette filière économique se présente ultérieurement dans l'étude.

ii. Le système crédit

L'Association des Banques Communautaires de l'Arrondissement de Belle-Anse (ABCAB)42 est l'une des filières de la CODAB qui offre des services particuliers, entre autres, aux organisations qui lui sont affiliées. Elle est considérée comme l'une des plus grandes banques communautaires de la zone par la disponibilité de ses services d'épargne et de crédit à une couche importante de la population. Composée de 78 Banques Communautaires dans tout l'Arrondissement, son système de crédit couvre 95 % de femmes et 5 % des hommes. L'ABCAB met des fonds disponibles au profit de chacune de ces banques communautaires qui sont utilisés pour aider les femmes. Ces dernières sont bénéficiaires d'un système de crédit43 pour encourager le petit commerce, l'élevage et l'agriculture.

En 2008, environ 3 milles personnes des 2 sexes sont bénéficiaires de ces formes de crédit fournies par cette banque communautaire. Sous l'initiative de la CODAB, l'ABCAB a mis sur pied depuis en 2006 un système de « crédit-élevage » en impliquant 100 éleveurs pour l'achat des petits animaux d'élevage domestiques (porc et caprins). Un montant de l'ordre de 5000 gourdes est accordé aux éleveurs pour l'achat de petits animaux au renforcement de leur système d'élevage.

Les femmes membres d'associations affiliées à la banque obtiennent leur crédit sous forme d'un système dénommé « groupe solidaire ». Selon les informations fournies par certaines femmes rencontrées, cette stratégie les oblige à s'unir en un groupe de 5 personnes pour avoir accès à un crédit remboursé au taux de 3 % par mois. La banque garantie à chaque femme un dépôt mensuel de 1 % du montant remboursé sur un compte d'épargne et le montant octroyé à une femme bénéficiaire varie de 3000 à 50 000 gourdes44. Le montant est attribué en fonction d'une évaluation individuelle sur la capacité d'absorption des bénéficiaires pour garantir le remboursement. Cependant, au cas où une femme bénéficiaire dans un groupe ne rembourse plus son prêt, les autres membres de ce groupe perdent intégralement leur montant disponible sur le compte d'épargne. Parfois, cette situation débouche sur des conflits non seulement au sein du groupe concerné mais aussi au niveau des organisations auxquelles les femmes sont représentées. Lors de la réalisation des entretiens, certaines femmes se plaignent de cette situation qui n'est pas toujours à leur faveur ; c'est

42 Quoique localisée dans la commune de Thiotte, l'ABCAB dispose ses services au profit de toute la population de l'Arrondissement de Belle-Anse.

43 Crédit-commerçant, crédit-éleveur et crédit-agricole

44 Un euro est égal à 50 gourdes

pourquoi, l'ABCAB possède comme perspectives de poursuivre les prêts totalement de manière individuelle.

Mise à part ce système de crédit qui est à la portée des femmes, elles se réjouissent de pouvoir bénéficier des séances de formation sur des thèmes comme l'équité de genre, les techniques d'animation et de leadership. Annuellement, 2 à 3 séances de formation sont organisées en leur faveur sous l'initiative de la CODAB.

iii. La transformation agro-alimentaire

La petite industrie agro-alimentaire est encouragée par la CODAB à travers des minilaiteries de transformation du lait de vache. Il s'agit des unités de transformation du lait, mises en place « pour mieux valoriser la production laitière dans la zone en encourageant particulièrement l'élevage de bovin, la gestion et la protection des ressources naturelles ». Avant même l'existence de la CODAB, une première industrie locale de ce type s'est déjà mise en place par d'autres regroupements d'organisations paysannes dans la 3ème Section Communale de Thiotte ; sa présentation est faite à la partie 4.3.2.

Deux autres mini-laiteries de la CODAB sont en cours de fonctionnement dans la 6ème Section Communale de Pichon et dans la localité de Marre-Joffrey, respectivement des communes de Belle-Anse et de Grand-Gosier. Les lieux d'implantation de ces unités de transformation du lait de vache se fait en fonction de l'importance particulière accordée à leurs habitants à pratiquer l'élevage de bovins laitiers. Elles ont été référées par un système de diagnostic d'élevage réalisé par la CODAB avec la population locale pour étudier la faisabilité et la viabilité des projets avec une forte participation des femmes à en croire les déclarations recueillies auprès des responsables du Mouvement des Femmes. Les travaux de construction de la mini-laiterie localisée dans la 6ème Section Communale de Pichon sont achevés depuis la fin de l'année 2008. Sa gestion est attribuée par la CODAB au Mouvement des Femmes de l'Arrondissement de Belle-Anse (MOFAB), sous le contrôle particulier de l'Association des Femmes de Pichon.

Avec le financement d'Action Aid, de la Fédération Luthérienne Mondiale, de l'OXFAM (3 ONG internationales) et de la Coordination Régionale des Organisations du Sud-est (1 ONG locale), la CODAB a déjà distribué à 75 femmes une vache de race laitière. L'animal est donné à titre de dons à chaque bénéficiaire45 qui s'engage à vendre exclusivement la production laitière à la laiterie pour son prochain fonctionnement. Selon les

45 Les femmes bénéficiaires s'engagent aussi à remettre le premier descendant de l'élevage à une future bénéficiaire

informations recueillies auprès des responsables du Mouvement des femmes, les premières bénéficiaires du projet sont choisies suivant des critères définies avec les organisations féminines et sans aucune influence de la CODAB. Le nombre de femmes bénéficiaires d'une vache représente 60 % des premiers bénéficiaires directs de la laiterie.

Ces trois grands pivots d'intervention et des logiques d'existence de la Coordination des Organisations pour le Développement de l'Arrondissement de Belle-Anse (CODAB) permettent la création d'emplois permanents ou temporaires partout dans la zone. Son appui est donné au petit commerce, au secteur agricole et à l'élevage des caprins et surtout de bovins laitiers. L'appui à la création des mini-laiteries de transformation peut être qualifié comme la mise en place des PME par la valorisation des ressources locales.

4.2.4- Projets et/ou programmes accomplis par la CODAB et participation des acteurs

Depuis environ 4 années d'existence (2005-2009), la CODAB a toujours priorisé la prise d'initiatives communautaires dans divers domaines et dans toutes les unités territoriales couvertes. D'après les informations fournies par les responsables de la CODAB et les habitants des Sections Communales, présentées au Tableau 4, les activités de développement concernent les domaines du social, de l'environnement et de l'économie paysanne.

Tableau 4 : Activités réalisées par la CODAB dans la 3ème Section Communale Thiotte et la 2ème Section Communale Bois d'Ormes de 2005 à 2008

# Types Lieux Bénéficiaires Exécutants

directs et indirects

1 7 Projets de réhabilitation de S.C.B.O (4) et Population rurale ONG, CODAB,

routes agricoles S.C.T (3) F.S.C et O.C.B

2 2 Constructions d'écoles S.C.T 600 écoliers et ONG, CODAB et

communautaires population rurale O.C.B

3 8 Projets de conservation des

sols

5 Projet de distribution d'outils et

semences agricoles

S.C.B.O (4) et S.C.T (4)

S.C.B.O et

S.C.T

Population rurale CODAB, F.S.C et

O.C.B

Population rurale CODAB, F.S.C et

O.C.B

500 planteurs CODAB, F.S.C et

O.C.B

4 5 Projets de reforestation S.C.B.O (1) et

S.C.T (4)

6 1 Projet de crédit-élevage S.C.B.O et 100 éleveurs ABCAB et O.C.B

S.C.T

Total 24 projets

F.S.C : Fédération de Section Communale O.C.B : Organisation communautaire de base

S.C.B.O : Section Communale Bois d'Ormes S.C.T : Section Communale Thiotte

Source : Enquête de l'auteur, août 2008

Ce Tableau regroupe 24 petits projets réalisés dans la zone étudiée sous la direction de la CODAB depuis son existence. Ils sont repartis en 9 projets sociaux, 13 projets environnementaux et 2 petits projets pour l'amélioration de l'économie paysanne. D'après les déclarations des responsables des fédérations de Sections Communales et des bénéficiaires directs rencontrés, ces projets exécutés sont toujours identifiés à partir d'un système de diagnostic local avec l'implication de la population via les organisations de base. Après l'identification des problèmes, la direction de la CODAB se charge de l'élaboration des projets et de leur validation avec la population locale puis les soumettre à des ONG pour le financement. Parfois, une organisation de base peut soumettre sa demande à la CODAB qui elle-même se charge de rechercher le financement. Dans les deux cas, l'exécution des projets est assurée par les organisations communautaires paysannes sous la supervision de la CODAB. En raison des exigences pour l'exécution des projets sociaux, des cadres techniques externes sont soumis par les financeurs pour accompagner les organisations paysannes. Les principaux partenaires financiers et techniques de la CODAB sont : Action Aid International, la Coordination Régionale des Organisation du Sud-est (CROSE), la Fédération Luthérienne Mondiale (FLM), la Coopération de Suisse-Haïti et l'ONG allemande GTZ.

Le budget de financement des activités est d'environ 11 000 euros pour les projets de reforestation et de 25 000 euros pour les projets de conservation des sols et de réhabilitation de routes agricoles. Leur durée d'exécution varie de 3-6 mois. Généralement, la contribution de la population en ressources locales est autour de1 0 %.

V' Sur le plan social

Selon des données fournies par la direction de la CODAB, quelques 61 kms de routes agricoles sont déjà réhabilitées. D'une manière générale, la réalisation de ses activités dans la zone engendre des effets directs ou indirects sur la population bénéficiaire. Selon les déclarations faites par les bénéficiaires, ses activités créent un désenclavement de certaines localités, ce qui permet aux agricultures de disposer une meilleure facilité pour l'écoulement de leurs denrées agricoles vers les marchés régionaux.

L'implication de la CODAB est aussi remarquable dans l'appui au secteur éducatif et à des projets d'adduction d'eau potable dans d'autres zones de son intervention. Sous son initiative, pas moins de deux écoles primaires ont débuté leur fonctionnement en septembre 2007 dans la 3ème Section Communale de Thiotte. L'achat des terrains pour la construction de ces écoles, où les enfants bénéficient de l'éducation gratuite était assuré par la CODAB.

Dans un autre sens, la CODAB se charge d'appuyer certaines familles monoparentales dont les plus pauvres à partir d'un programme appelé « lien solidaire ». Ce programme vise à

aider un enfant par famille pour le paiement d'une partie de l'écolage scolaire. Depuis 2006, quelques 10 000 familles membres d'organisations communautaires reçoivent annuellement une modique somme de 2500 gourdes avec le financement de ses principaux partenaires cités plus haut.

Enfin, à partir de l'année 2008, la CODAB participe à la gestion d'un programme de cantine scolaire dans tout l'Arrondissement de Belle-Anse. Quelques de 30 écoles de la zone sont bénéficiaires de ce programme, financé par l'État haïtien et le Programme Alimentaire Mondiale (PAM). Le rôle de la CODAB se situe dans la distribution de l'aliment aux écoles concernées et de la supervision de la qualité de nourriture distribué quotidiennement aux écoliers.

Les vacances d'été 2009 coïncident au premier « camp d'été régional » réalisé par la CODAB avec le soutien de la CROSE et du PAM. Cette activité culturelle devrait réunir environ 500 élèves dont 75 proviennent des 2 unités territoriales étudiées. Elle devrait permettre l'augmentation du niveau de connaissances des bénéficiaires sur l'environnement et l'action civique. Cette information est obtenue grâce aux communications établies avec la direction de l'institution pendant le séjour en Belgique.

V' Sur le plan environnemental

Pour les responsables de la CODAB rencontrés, les projets exécutés dans ce secteur ont déjà contribué à la protection contre l'érosion hydrique d'environ 127 ha de terres. Les projets de reforestation sont concernés par la plantation d'arbres fruitiers et forestiers (bambou, cèdre, manguier et ananas, ...). De plus, la CODAB et ses organisations communautaires membres, contribuent périodiquement à des campagnes de sensibilisation pour la protection de l'environnement, d'une part et d'autre part, elle participe aux campagnes de formation et de sensibilisation pour une meilleure protection des populations les plus vulnérables aux catastrophes naturelles. À travers cette dernière activité, elle réalise conjointement avec ses partenaires un programme d'éducation environnementale au profit des écoliers une fois par an.

Selon les bénéficiaires rencontrés, ces activités produisent des effets positifs sur l'environnement de la zone. Les projets de conservation des sols, entre autres, permettent la diminution des pertes des sols et entraîne une certaine amélioration des parcelles de terres cultivées. Ils contribuent au mieux à la protection de la vie et des biens de la population vis-à- vis des catastrophes naturelles.

> Sur le plan économique

Le secteur économique est soutenu par la CODAB à travers plusieurs formes de programmes en intégrant diverses catégories de personnes. En référence au Tableau 4, l'organisation a déjà mis réalisé un projet visant l'amélioration de revenus des agriculteurs par la distribution des semences, des outils agricoles et la prise en charge de la caféiculture la plus importante source de revenus pour les agriculteurs. Les activités de l'élevage sont également appuyées par la CODAB à travers des programmes de distributions d'animaux vivants comme caprins et bovins aux habitants. Les bénéficiaires ont déclaré de l'augmentation de leurs revenus grâce à ces activités.

Enfin, toujours dans le souci d'aider toutes les couches de la population à améliorer leurs revenus, la CODAB a comme perspectives d'appuyer le secteur de pêche marine et l'artisanat à partir de la fin de l'année 2009. Ce dernier secteur d'activités va contribuer à la valorisation de la culture locale.

À travers certains programmes comme la réhabilitation des routes et la conservation des sols, la CODAB utilise la main-d'oeuvre locale ce qui est bénéfique pour des chefs de ménages ou des chômeurs par la création de petits emplois temporaires pour subvenir à certains besoins primaires. Pendant l'exécution d'un projet environnemental, généralement l'organisation utilise en moyenne 18 équipes de 20 personnes à raison de 125 gourdes par jour et par personne. Une seule personne peut travailler pendant 15-20 jours.

À un certain niveau, toute cette dynamique d'actions développée par la CODAB autour de ces secteurs d'activités, lui a permis de suppléer aux actions de l'État dans la zone. Cette situation semble appropriée à l'idéologie soutenue par B. Husson (2001) autour de la pratique des initiatives de développement local par des acteurs individuels ou collectifs par la prise en compte des secteurs économique, social, environnemental et culturel.

D'une manière traditionnelle, le choix des bénéficiaires d'une activité de la CODAB se fait par les représentants de la fédération de Section Communale ou de la plate-forme ville conjointement avec les responsables des organisations de base. La priorité est toujours accordée aux familles ou leur situation est plus difficile. À travers ces projets exécutés ensembles avec les membres des associations communautaires, la participation populaire est utilisée comme moyen puisque cette démarche influe sur l'efficacité des projets (A. Jones, 2006). Cette stratégie d'intervention de ces acteurs locaux, favorise l'intégration de toutes les catégories de personnes dans la société (hommes, femmes et jeunes). Actuellement, le Mouvement des femmes et celui des paysans de la zone en sont les meilleurs bénéficiaires. La

population membre de ces deux mouvements affiliés aux organisations qui forment la CODAB estiment adéquats leur niveau de participation aux activités réalisées à leur profit. Toutefois, les débats réalisés avec les bénéficiaires ont permis de révéler certains points faibles lors de la phase d'exécution des projets de conservation des sols, entre autres. Les organisations se plaignent de ne pas suffisamment participer à cette étape. Cette stratégie d'unification des organisations communautaires de l'Arrondissement de Belle-Anse leur ont permis de construire un territoire unique autour de toute la zone. Lors de la réalisation des entretiens, il était important de s'informer que les habitants associent leur fédération de Section Communale à une « petite CODAB », c'est une manière de témoigner leur implication à toutes les prises d'initiatives de l'institution. Sa présence dans la « région » depuis en 2005, a permis l'arrivée de beaucoup plus de partenaires techniques et financiers pour secourir aux besoins de la population locale et a augmenté la diversité des actions de développement de la paysannerie locale.

4.3- ÉTUDE DE CAS DE DEUX SECTEURS D'ACTIVITÉS DES ORGANISATIONS PAYSANNES DE L'ARRONDISSEMENT DE BELLE-ANSE

Dans cette partie de l'étude, sont présentées deux filières d'activités importantes prises en charge par la CODAB et par les organisations communautaires qui lui sont membres. Le premier cas est lié à la présentation de la Coopérative des Planteurs de Café de l'Arrondissement de Belle-Anse (COOPCAB), localisée dans la 2ème Section Communale de Bois d'Ormes et la seconde présentation concerne une mini-laiterie, localisée dans la 3ème Section Communale de Thiotte.

4.3.1- Présentation de la Coopérative des Planteurs de Café de l'Arrondissement de Belle-Anse (COOPCAB)

La Coopérative des Planteurs de Café de l'Arrondissement de Belle-Anse (COOPCAB) ou « Koperativ Plantè Cafe nan Awondisman Bèlans (KOPCAB) »46 rassemble un réseau de coopératives situé dans la région administrative de Belle-Anse d'Haïti. Fondée en juillet 1999, sous l'initiative de 6 regroupements de producteurs de café et comprenait près de 3000 membres, la COOPCAB possède en 2008, 4000 producteurs de café dont 800 femmes, regroupés sous forme de 10 coopératives. Ses stratégies d'intervention reposent sur 9 centres de traitement primaires gérés par les coopératives de base et un centre de traitement final sous le contrôle de la coopérative centrale qui en assure la liaison. Son siège social se

46 C'est son appellation dans la langue créole haïtienne.

trouve dans la Section Communale de Bois d'Ormes mais les coopératives sont réparties dans 3 parmi les 4 Communes couvertes par les activités de la CODA B.

La coopérative, étant l'une des filières stratégiques et économiques de la Coordination des Organisations pour le Développement de l'Arrondissement de Belle-Anse (CODAB), cette dernière lui apporte un appui institutionnel et organisationnel et s'en charge aussi de lui soutenir financièrement. Le nombre de caféiculteurs membres des coopératives de base ne cesse d'augmenter en raison des avantages fournis par la COOPCAB. Lors des entretiens, ces producteurs se sont déclarés bénéficiaires de l'encadrement technique par des séminaires de formation pouvant leur permettre d'augmenter leur productivité. Chaque année, les caféiculteurs reçoivent 3-4 séances de formation sur de nouvelles techniques de plantation, sur la lutte contre les insectes nuisibles, sur le traitement de café, etc. Selon leurs déclarations, ces séances de formation sont réalisées grâce au financement de la CODA B avec l'utilisation des coopératives de base.

La COOPCAB fournit certains supports logistiques et matériels aux coopératives de base. Elle joue un rôle majeur dans l'organisation de la filière en assurant le traitement final, le marketing et la commercialisation du café. Des fonds de roulement sont mis à la disposition de chacune des coopératives de base pour permettre aux producteurs de vendre leur production au niveau de leur localité. Les coopératives sont chargées de donner un premier traitement au café à un taux d'humidité de 12 % avant de l'acheminer vers le centre de traitement final. Une partie des fonds mis à la disponibilité des unités de base proviennent de la Coopérative d'Épargne et de Crédit (ABCAB) (une autre filière d'activité de la CODAB). En 2007 et 2008, la CODAB a effectué des prêts à un taux de remboursement d'environ 18 % l'an au niveau de la Banque de Crédit Agricole (BCA) pour secourir aux coopératives de café. Toute cette dynamique certifie la volonté de ces acteurs pour apporter leur support aux producteurs de cette culture d'exportation qualifiée de l'or noir47 par Alter Presse d'Haïti dans un article publié en 2008 autour de ce sujet. Les coopératives de base ont eu leur reconnaissance légale auprès du Conseil National des Coopératives (CNC) en 2008, grâce aux démarches conduites par les responsables de la COOPCAB en appui avec la CODAB.

+ Commercialisation du café par la COOPCAB

Le café est commercialisé sous la forme lavée. En 2009, la CODAB a trouvé un fonds pour permettre à la disposition de la COOPCAB pour la commercialisation du café torréfié. Ce fonds provient d'une organisation hollandaise du nom de Fun De Progresso qui a octroyé

des prêts à la coopérative au taux de 8 % par mois. Cette perspective de commercialisation du café torréfié, a permis à la COOPCAB de bénéficier de nouveaux partenaires techniques et financiers comme la BI D, la Banque Mondiale, la Coopération de la Grande Bretagne et Agronomes et Vétérinaires sans Frontières (AVSF).

Depuis son existence, la coopérative a eu « comme mission de regrouper les planteurs

de café qui se trouvent dlLe/Ctl$trondissement de Belle-$ gh/ChI/Cd'RLIlLnKshi/CllL/CfKlKgh /Chn /C trouvant un marché pour les producteurs ». Elle s'occupe de la commercialisation du café de ses membres vers les marchés du Japon, de l'Italie, de la France, des Etats-Unis et du Canada sous les noms : BLUE PINE FOREST et café du Morne la Selle. De 2004 à 2008, le prix de la livre de café est passé de 1.30 -- 4.00 US $ en raison d'importantes négociations régulières réalisées par les responsables de la COOPCAB avec des acheteurs attentifs de café gourmet dans plusieurs marchés internationaux. En 2008, les producteurs membres de la COOPCAB ont réjouit de l'augmentation du prix de la livre de café et en ont profité pour remercier tous les partenaires48 financiers et techniques de la coopérative. Le café torréfié sera commercialisé au prix de 2.50 -- 3 US $ par 500 grammes de produit. Ces informations ont été fournies par les responsables de la COOPCAB.

Le réseau de la COOPCAB est inscrit au registre de FairTrade Labelling Organizations (FLO)49, ce qui l'autorise à vendre également sur le marché équitable. La période de traitement final et d'exportation du café s'étend sur la période de décembre-août. En 2008, l'exportation du café par la COOPCAB est estimée à 7 containers de 250 sacs/ 60 kg. Initialement, la coopérative de base achète la livre de café entre 30-40 gourdes au près des producteurs. S'il y a excédent après l'exportation, le surplus est retourné à chaque producteur par la COOPCAB. À priori, un producteur peur gagner quelques 30 000 gourdes pour une saison sur un hectare de terres cultivées en café. Selon les données fournies par les producteurs rencontrés, ce montant a été au minimum doublé en 2008 à cause d'une ristourne équivalente à 39 gourdes par livre de café qu'ils ont bénéficié après l'exportation.

Avant le renforcement des coopératives de base et l'organisation du marché par la COOPCAB, le café était commercialisé de manière informelle à la frontière haitianodominicaine. Pendant cette période, les Dominicains achètent la livre de café autour de 18 gourdes et sans aucune possibilité de bénéficier des ristournes.

48 Ces principaux partenaires sont : la Banque de Crédit Agricole (BCA), la Fédération Luthérienne Mondiale et Action Aid deux ONG internationales, la Coordination Régionale des Organisations du Sud-est (CROSE) une ONG locale et l'Ambassade du Japon en Haïti.

49 Fai rtrade Labelling Organizations International (FLO), basé à Bonn en Allemagne, il regroupe des Initiatives de commerce équitable labellisé en Europe, au Japon, aux Etats-Unis, en Australie et Nouvelle Zélande, ainsi que des réseaux de producteurs d'Amérique Centrale et Latine, d'Afrique et d'Asie.

L'État haïtien représente un autre acteur intervenant dans la filière du café dans la zone de Belle-Anse. Ses interventions sont opérées par le Ministère de L'Agriculture des Ressources Naturelles et du Développement Rural via l'Institut National du Café d'Haïti (INCA H)50 qui a la mission principale de travailler au développement dudit secteur. Depuis sa création en 2003, l'INCAH a déjà réalisé plusieurs programmes ou projets dans la région de Belle-Anse axés, entre autres, sur la lutte contre les scolytes51 de la cerise du café et un programme52 d'appui à la compétitivité du café d'Haïti. L'exécution de ses activités par l'État a impliqué une certaine participation des réseaux de coopératives qui charpentent la COOPCAB.

Bien que 60 % des coopératives de base existent avant la Coordination des Organisations pour le Développement de l'Arrondissement de Belle-Anse (CODAB), cette dernière joue un rôle primordial quant aux supports fournis à la coopérative centrale pour répondre aux exigences de la filière. Elle favorise aussi l'arrivée de nouveaux acteurs qui se chargent de supporter financièrement le secteur. Le projet de commercialisation du café sous la forme torréfiée est l'oeuvre de la CODAB et il va permettre au mieux l'amélioration des revenus agricoles des producteurs. Elle favorise aussi l'organisation de la filière au bénéfice des producteurs locaux de cette culture de rente.

4.3.2- Présentation de la mini-laiterie de la Forêt-des-Pins

La mini-laiterie de la Forêt-des-Pins est une unité de transformation du lait de vache, localisée dans la 3ème Section Communale de Thiotte dans l'Arrondissement de Belle-Anse d'Haïti. Les premières tentatives pour la réalisation de ce projet ont commencé en 2004 et les travaux de construction ont été débutés en 2005.

Dans un rapport « d'étude sur le diagnostic de l'élevage de bovins laitiers », réalisé en 2007 par le bureau régional du Ministère de l'Agriculture, le projet a eu comme objectifs « d'apporter sa contribution à la disponibilité de fourrages pour les herbivores pour une

50 L'Institut National du Café d'Haïti (INCAH) est un organisme public, autonome à but non lucratif, créé par arrêté présidentiel du 7 février 2003 suite à une campagne de mobilisation lancée en 2001 par les différents opérateurs de la filière, principalement les associations de planteurs et les ON G oeuvrant dans le secteur café en Haïti. Il est placé sous la tutelle du Ministère de l'Agriculture des Ressources Naturelles et du Développement Rural.

51 Le projet de « renforcement de la stratégie de lutte contre le scolyte du café » est un projet qui a été financé par l'UE à hauteur de 14 510 675 gourdes. Il visait le contrôle intégré du scolyte du café par l'introduction de la lutte biologique et la systématisation de l'utilisation des pièges. Le Ministère de l'Agriculture des Ressources Naturelles et du Développement Rural a été l'un des exécutants de ce projet en partenariat avec les réseaux des réseaux de coopératives.

52 L'Union Européenne représente l'un des partenaires importants pour le financement de ces programmes en Haïti.

amélioration de leur productivité et la diminution de la coupe anarchique des arbres par une meilleure valorisation de l'élevage de bovins » (A. Jean-Baptiste, 2007 : 14).

Créée au mois de novembre 2006, ce sont des organisations communautaires de base de la zone qui ont pensé à l'implantation d'un système Agro-Sylvo-Pastorale. La Laiterie de la Forêt des Pins SA est la propriété d'une instance surnommée : SOCIÉTÉ ALLIANCE LAITERIE PRODUCTIVE qui est affilié à la Coordination des Organisations pour le Développement de l'Arrondissement de Belle-Anse (CODAB). Elle est dirigée par un conseil d'Administration de 9 personnes dont un membre du conseil exécutif de la CODA B en est le responsable financier. Un directorat composé de 2 personnes est issu dudit conseil et dirige la laiterie.

Les organisations communautaires qui ont introduit ce projet étaient affiliées à la Fédération des Planteurs de l'Arrondissement de Belle-Anse (FOPLAB)53 qui elle-même a fournit le terrain pour son implantation. Après la création de la CODAB en 2005, l'institution a contribué à hauteur de 15 % dans les actions pour le fonctionnement de l'unité de transformation54, d'après les déclarations faites par les membres de son comité exécutif.

Au regard de ces objectifs, la zone environnante de la Laiterie dispose d'environ 60 hectares d'herbes cultivées55 pour l'alimentation du bétail en association avec d'autres espèces fruitières et forestières56. Exceptionnellement, l'arrivée de la laiterie dans la zone a permis une meilleure valorisation du lait de vache puisqu'avant, il était pratiquement laissé au profit des géniteurs. Avec cette unité de transformation, le lait de vache est devenu un outil économique pour les éleveurs. De plus, ces derniers bénéficient des encadrements techniques par l'intermédiaire de plusieurs séances de formation et ils sont regroupés au sein de l'Association des Éleveurs du Morne des Commissaires (ASEM). Cette association fut créée sous l'initiative de la laiterie pour favoriser des échanges entre les éleveurs et comporte environ 100 éleveurs (A. Jean-Baptiste, 2007 : 14 & 15).

Les travaux de construction de la laiterie, le support en matériels techniques et logistiques sont fournis par des ONG nationales et internationales et l'État haïtien. L'ONG Veterimed, la Fondation groupe 73 et la Fédération Nationale des Travailleurs Paysans Haïtiens (FENATAPA) sont les principaux partenaires financiers et techniques de la laiterie. L'État haïtien via le bureau régional du Ministère de l'Agriculture a joué son rôle en mettant à la disposition des responsables de la laiterie 10 génotypes de races améliorées depuis 2007

53 L'une des anciennes structures de regroupement d'organisations qui a donné naissance à la CODAB

54 Les 15 % d'actions de la CODAB sont équivalents à 60 000 gourdes

55 Les espèces cultivées sont : l'herbe Guatemala, l'herbe Éléphant

56 Les espèces fruitières et forestières sont l'avocatier, le pin et le bambou

pour favoriser la disponibilité en lait au profit de la laiterie. Ces acteurs ont aussi assurés la formation des cadres techniques pour le fonctionnement de la laiterie et pour les éleveurs qui lui sont affiliés (A. Jean-Baptiste, 2007).

De part les stratégies générales de la Coordination des Organisations pour le Développement de l'Arrondissement de Belle-Anse (CODAB) d'encadrer les organisations communautaires de base, elle participe au renforcement SOCIÉTÉ ALLIANCE LAITERIE PRODUCTIVE (organisation de gestion de la laiterie) et apporte sa contribution à la formation des éleveurs.

+ Production de la laiterie

Dans le rapport préparé en 2007 par le bureau régional du Ministère de l'Agriculture sur l'existence de la laiterie, celle-ci est spécialisée dans la production de lait stérilisé et de lait pasteurisé. De 2006-2008, la quantité de lait transformée par jour est passée de 25 gallons57 à 60 gallons. Le lait stérilisé fabriqué est vendu exclusivement au niveau local dans des bouteilles d'une capacité de 10 oz au prix de 17 gourdes58 et sa production a commencé depuis en novembre 2006. Par contre, il est vendu à 25 gourdes au niveau des boutiques (A. Jean-Baptiste, 2007).

Quant au lait pasteurisé, sa production a commencé en mars 2007 sous un partenariat avec l'État haïtien par l'intermédiaire du Ministère de l'Éducation Nationale. Il est produit dans des sachets d'une capacité de 8 oz et est vendu au prix de 12 gourdes. Sa production est destinée à servir le programme de cantine scolaire pour le compte dudit Ministère au profit des élèves de façon quotidienne. La livraison des produits transformés se fait à domicile avec le support logistique de la Fédération Luthérienne Mondiale (FLM), l'un de ses partenaires (A. Jean-Baptiste, 2007). La Coordination des Organisations pour le Développement de l'Arrondissement de Belle-Anse (CODAB) assure la livraison du lait pasteurisé aux écoliers par sa responsabilité de gestionnaire du programme de cantine scolaire dans tout l'Arrondissement de Belle-Anse.

Toujours en 2007, les résultats de l'étude réalisée par la direction régionale du Ministère de l'Agriculture, ont présentés les effets produits par la laiterie de novembre 2006 à mai 2007. Les données obtenues à travers cette étude ont montré d'importantes améliorations à la fois sur les pratiques de l'élevage et sur l'amélioration des revenus des éleveurs. Avec l'arrivée de la laiterie, les éleveurs ont changé certaines pratiques du système d'élevage pratiqué grâce aux séances de formation qu'elles sont bénéficiaires. Les parcelles d'herbes

57 1 gallon est égal 3.78 litres

58 Un euro vaut environ 50 gourdes

cultivées mises en place favoriseraient la disponibilité de fourrages pour les bovins en période de disette tout en contribuant à la réduction des pertes de sol par érosion. Des calculs économiques effectués sur une période de 6 mois de fonctionnement de la laiterie ont révélé des revenus variant de 4, 479.00 gourdes à 14, 478.00 gourdes obtenus par un éleveur possédant entre 1-3 vaches en lactation (A. Jean-Baptiste, 2007 : 24).

Tout compte fait, malgré la diversité d'acteurs identifiés à travers la présentation de la Coordination des Organisations pour le Développement de l'Arrondissement de Belle-Anse (CODAB) pour son existence, il est permis de dire qu'ils construisent leur projet commun autour du développement de toute la région administrative de Belle-Anse. Ils se font toujours le devoir de s'unir autour de la construction d'un territoire. En vertu, de la conception des habitants de deux Sections Communales, il est évident de dire que toute la population de la zone construite leur identité collective autour de toute la zone. Aucune situation de conflits n'a été révélée par les responsables des organisations communautaires avec la CODAB, non plus par les bénéficiaires directs.

Globalement, les branches d'activités initiées ou encouragées par les organisations communautaires paysannes dans l'Arrondissement de Belle-Anse d'Haïti contribuent à l'amélioration des revenus des habitants bénéficiaires de leurs activités. Elles réalisent des projets durables qui incluent une certaine appropriation de la population pour produire du développement territorial. La continuité dans la prise en charge du secteur caféiculture permet aux producteurs de bénéficier des supports à différents niveaux ce qui augmentent la productivité dudit secteur et l'amélioration des revenus des caféiculteurs. L'innovation du secteur agro-industrie dans la zone favorise l'implication des femmes dans cette sphère d'activité. La participation des femmes est tout aussi encouragée dans les prises de décision des organisations et dans l'exécution des projets. La pratique de ces initiatives induit la participation populaire à toutes les étapes de la mise en place des projets. Les bénéficiaires seraient en situation de conduire la gestion des activités grâce aux séances de formation reçue ; cette forme de participation populaire est de type participatif (A. Dumas, 1983 ; Jules Pretty et al., s. d.).

D'après ce qu'a annoncé J- P Platteau (2004 : 160), autour des pratiques « de détournements de fonds d'aide par des élites locales », cette forme de regroupement d'organisations dans la zone peut servir de référence pour l'exécution des activités de développement au niveau local. La population locale bénéficiaire n'est plus considérée comme un « réceptacle » par rapport au modèle de développement pratiqué jusque vers les

années 90. La CODAB via ses structures de base essaye d'intégrer la population locale dans toutes les étapes d'exécution de ses programmes et/ou projets exécutés, donc un bon modèle de développement communautaire participatif.

Mise à part, les organisations paysannes comme acteurs qui déclenchent les initiatives de développement endogène via ces secteurs, l'État et les ONG apportent leur contribution au niveau technique et financier pour la réalisation des activités par les organisations paysannes. Les ONG demeurent des acteurs majeurs au processus de développement en soutenant presqu'exclusivement les organisations communautaires paysannes via la Coordination des Organisations pour le Développement de l'Arrondissement de Belle-Anse (CODAB).

CONCLUSION GÉNÉRALE

Le développement local est un processus qui implique des interactions d'acteurs, motivés, à la recherche de synergie pour produire le développement. Sa réalisation ne constitue pas l'instauration d'un système « mécanique élaboré à partir des politiques ou des programmes d'ordre général » (F. Leloup et al., 2003 : 110). Il représente un processus dont des pays comme Haïti doivent en profiter.

Dans ce mémoire, la problématique de la dynamique des associations paysannes en Haïti et le développement local ont été abordés par une étude de cas au niveau de l'Arrondissement de Belle-Anse. L'appréhension de cette problématique se réalise grâce à certaines théories du développement local et de la participation populaire.

Comment les associations paysannes de l'Arrondissement de Belle-Anse contribuent- elles au développement des Sections Communales de 3ème Thiotte et 2ème Bois d'Ormes ? Telle a été la question fondamentale de l'étude.

Cette question a permis de proposer la réponse suivante : les stratégies d'intervention mises en place et pratiquées par les associations communautaires pour l'exécution de leurs activités favorisent le développement local dans ces unités territoriales haïtiennes. Globalement, cette hypothèse est confirmée.

Vu l'utilité de la décentralisation pour réaliser le développement local par l'acteur public, sa dimension économique est présentée à travers un passage historique pour comprendre la situation actuelle. Les résultats ont montré la volonté manifestée par l'État central pour mettre en place ce processus capital pour la réussite du développement local. Cette volonté peut être témoignée à partir de la promulgation de lois en la circonstance et de son encouragement à mettre sur pied deux programmes de développement via certains bureaux des services déconcentrés. Ces programmes soutiennent la participation des autorités locales issues du pouvoir décentralisé et de la société civile en l'occurrence les organisations communautaires paysannes dans toutes les étapes de la mise en oeuvre des projets identifiés par ces programmes. Certains projets de développement financés par l'État et appropriés par la population dans les Sections Communales de 3ème Thiotte et de 2ème Bois d'Ormes touchent les secteurs de l'économie, du social et de l'environnement. Mais, des faiblesses ont été identifiées quant à la contribution de l'acteur public à la mise en disponibilité de certains services de base pour la population.

Après l'État, comme acteur contribuant au développement de ces Sections Communales, la société civile représente un acteur important. Les organisations communautaires paysannes demeurent l'un des acteurs de la société civile favorisant le développement endogène de cette zone. Pour la construction de leur territoire au niveau de tout l'Arrondissement de Belle-Anse, formé de douze Sections Communales, les organisations communautaires paysannes se regroupent au sein de la Coordination des Organisations pour le Développement de l'Arrondissement de Belle-Anse (CODAB). Depuis en 2005, les stratégies d'intervention de la CODAB via ces organisations membres permettent la participation de la population locale qui elle-même est liée directement aux organisations paysannes.

Les projets exécutés par la CODAB et les organisations communautaires de base touchent le niveau social, l'économie paysanne et l'environnement en impliquant toutes les couches de la population (les paysans, les jeunes et les femmes) à toutes les étapes d'exécution des projets. Certains projets comme la petite industrie agro-alimentaire via des laiteries de transformation du lait de vache constituent des projets durables appropriés par la population pour produire du développement territorial. À l'image des structures décentralisées mises en place par la CODAB et leur niveau d'implication dans la planification des grandes lignes d'orientation et d'intervention de l'institution, les associations paysannes dans cette zone de la République d'Haïti interviennent dans un style original qui mérite beaucoup d'appréciation.

Enfin, les bailleurs de fonds nationaux et internationaux constituent le troisième groupe d'acteurs importants au développement local dans l'Arrondissement de Belle-Anse de la République d'Haïti. Ce sont eux qui financent quasi-totalement toutes les initiatives de développement initiées par les acteurs locaux. Leur financement passe à travers les organisations communautaires ou à travers l'État central. La structuration des organisations au sein de la CODAB favorise progressivement l'arrivée de nouvelles ONG dans la zone.

Malgré les limites de l'étude qui consistait à analyser uniquement des données qualitatives et sa portée sur un échantillon de population jugée insuffisant, elle mérite toute son appréciation et peut servir de boussole pour susciter d'autres acteurs dans chaque région administrative du pays à s'unir pour reproduire ce même modèle de développement communautaire.

Toutefois, certaines modifications seraient utiles quant au renforcement davantage des organisations communautaires de base affiliées à la CODAB, surtout celles des femmes, la

structuration du mouvement des jeunes et la meilleure participation des organisations à l'exécution des projets de développement. Tous les acteurs de développement identifiés pour la construction de ce modèle de développement territorial, seraient appelés à encourager davantage le développement de la culture locale.

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