INTRODUCTION GENERALE
Un système de santé, c'est l'ensemble des
organisations, des institutions et des ressources dont le but principal est
d'améliorer la santé.
Pour fonctionner, un système de santé a besoin
de ressources humaines et financières, d'informations, de fournitures,
de moyens de transport et de communication, et d'une orientation globale. Il
doit assurer des services répondant aux besoins et financièrement
justes et toujours veiller à traiter les gens décemment.
La notion de « stewardship », ou administration
générale des systèmes de santé, parfois
appelée, de manière plus restrictive, « gouvernance »,
désigne l'ensemble des fonctions assumées par les pouvoirs
publics en vue d'atteindre les objectifs nationaux de santé. Ces
objectifs, qui tendent tous à l'amélioration de l'état de
santé global de la population, concernent généralement
l'équité, la couverture, l'accès, la qualité et les
droits des patients. La politique nationale peut aussi préciser les
rôles et responsabilités respectifs des secteurs publics,
privés et bénévoles et ceux de la société
civile dans la prestation et le financement des soins de santé.
Il s'agit d'un processus politique qui consiste à
trouver un équilibre entre des influences et des exigences
contradictoires. Il implique d'élaborer et de mettre en oeuvre des
politiques en maintenant toujours la même orientation stratégique,
de repérer et de corriger les évolutions non souhaitées et
les distorsions, de défendre la place de la santé dans le
développement national, d'édicter des règles auxquelles
seront soumis les différents acteurs concernés de ceux qui
financent les soins à ceux qui les dispensent et de créer des
mécanismes favorisant la transparence. Plus largement, l'administration
générale du système de santé exige de veiller
à ce que les politiques et la législation adoptées par les
pouvoirs dans d'autres domaines favorisent la santé, ou du moins ne la
compromettent pas. Dans les pays qui reçoivent de fortes sommes d'argent
au titre de l'aide au développement, il faudra gérer les
ressources de manière à promouvoir l'exercice des
responsabilités nationales, contribuer à la réalisation
des objectifs politiques convenus et renforcer les systèmes nationaux de
gestion.
Dans de nombreux pays comme le Tchad, il faut renforcer les
capacités pour que les différentes fonctions relatives à
l'administration des systèmes de santé soient efficacement
exécutées. Cela demande de mieux cerner quelles sont les
meilleures pratiques s'agissant de la gestion des systèmes de
santé et du développement des responsabilités
nationales.
Or durant ces années d'appui du FED à la
Politique Nationale de Santé au Tchad, nous avons constaté assez
de problèmes, incohérences, difficultés et contraintes
dans l'exécution de ses budgets.
Ainsi les questions suivantes nous permettent d'analyser la
situation :
Quel est l'appui réel du Projet Santé
8e FED au Système National de Santé au Tchad ?
Quelles sont les faiblesses, les contraintes et les points
forts enregistrés ?
Quelles sont les perspectives d'avenir ?
C'est pour répondre à de telles questions que
nous avions retenu ce thème « SYSTEME DE SANTE AU
TCHAD ET L'APPUI DU PROJET SANTE 8e FED : BILANS ET
PERSPECTIVES » pour tenter d'analyser, proposer des
solutions aux points faibles, failles et difficultés ensuite essayer
d'apporter des orientations si possible pour les années à venir.
Ce qui conduira les prochains partenaires de ne pas tomber dans ces erreurs et
permettre au Pays de mieux négocier prochainement avec les autres
bailleurs de santé.
Notre étude porte uniquement sur l'appui du Projet
Santé 8e FED au Système National de Santé. Le
FED intervient aussi dans les autres secteurs et beaucoup d'autres partenaires
interviennent dans le secteur de santé.
Mais pour notre étude les autres partenaires et autres
secteurs ne feront pas partie.
Notre objectif principal est de faire améliorer l'appui
des partenaires au système national de santé au Tchad, surtout le
cas du Projet Santé 8e FED.
La méthodologie utilisée est celle descriptive
et d'exploitation des documentations existantes (archives, textes,...).
Ainsi nous allons structurer notre rédaction en deux
parties de la manière suivante :
Dans la première partie nous allons faire ressortir
sous forme synthétique la construction du Système National de
Santé au Tchad et ensuite présenter l'impact de l'appui du Projet
Santé 8e FED sur ce Système National de Santé
en analysant les différents bilans des cinq (05) Devis programmes.
Cette première partie renferme six (06) chapitres qui
présentent le Système National de Santé ainsi que la
Politique Nationale de Santé au Tchad, annoncent aussi les bilans du
premier au cinquième devis programme du Projet Santé
8e FED et traitent également les budgets, les outils de
gestion et certaines difficultés.
Dans la seconde partie, nous aurons à présenter
les perspectives. Elle comporte trois (03) chapitres étudiant les points
faibles, les points forts ainsi que les orientations et suggestions pour les
années à venir.
Enfin une conclusion annoncera la fin de notre analyse.
SYSTEME NATIONAL DE SANTE AU TCHAD
Vaste pays d'Afrique Centrale (1.284.000 km2), peuplé
de 9 564 400 habitants en 2006, avec un taux d'accroissement de
3,1%(1) situé au confluent des civilisations bantoue et
arabo-musulmane, et néo-producteur de pétrole depuis octobre
2003, le Tchad est caractérisé par son enclavement
intérieur et extérieur, sa diversité linguistique,
culturelle et ethnique, son espace (moitié en zone désertique,
40% en zone sahélienne et 10% en zone soudanienne avec 50% de la
population), une agriculture diversifiée dans le Sud et une grande
pauvreté : près des deux tiers des habitants vivent en
dessous du seuil de pauvreté et le Tchad est classé au rang 171
(2) sur 177.
L'environnement tchadien se caractérise par un milieu
naturel fragile, soumis à des aléas climatiques et conjoncturels
et à une pression anthropique non maîtrisée
(épuisement des sols, utilisation non rationnelle des ressources,
destruction de la grande faune, transhumance non régulée dans un
contexte de conflits ethniques).
Dans ce contexte, l'agriculture de faible rentabilité
est le plus souvent de subsistance, mobilisant 80% de la population (37% du PIB
dont 17% pour l'élevage qui est après le pétrole le
2ème poste d'exportation devant le coton et la gomme
arabique)(2).
La pauvreté du Tchad tient aussi aux séquelles
de plus de deux décennies de guerre civile et au fait que l'utilisation
de la « manne » pétrolière, limitée en
volume, est très encadrée et tarde à avoir des effets
concrets pour les populations.
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(1) Enquête Démographique et de Santé
du Tchad I
(2) Programme des Nations Unies pour le
développement (PNUD) et la seconde enquête sur la consommation et
le secteur informel de 2006
Le Tchad n'est en outre pas épargné par les
crises, telle celle du Darfour avec l'afflux de plus de 200.000
réfugiés sur son sol (on compte aussi 45.000
réfugiés centrafricains au Sud), et par les fléaux
récurrents (choléra, rougeole, méningite ou invasion de
criquets pèlerins).
La réalité du pays est de fait très
liée à son histoire récente, aux guerres qui ont
ébranlé les notions d'Etat et de civisme ainsi que les
capacités des institutions, créant une situation favorable
à la corruption, à l'iniquité fiscale et la justice
partisane. Le sentiment d'impunité et l'insécurité sont
favorisés par l'extrême pauvreté, le chômage et
l'analphabétisme. Sont touchés plus particulièrement les
sociétés rurales et les quartiers populaires en
périphérie urbaine, avec une inégalité
d'accès aux soins de santé ou à l'éducation et une
grande insuffisance d'équipements et de services essentiels de
proximité (eau, énergie, assainissement, sécurité,
social). La situation générale est très défavorable
à la création d'emplois, sans pour autant provoquer une migration
forte, celle-ci étant pour l'essentiel orientée sur la Libye, le
Soudan, l'Egypte et l'Arabie Saoudite.
Le Tchad souffre donc de handicaps structurels qu'une
administration insuffisamment organisée et peu motivée n'est pas
en mesure de résoudre à court terme, compte tenu du
déficit en formation et moyens et du manque de renouvellement
combiné à une trop grande mobilité des effectifs. C'est
ainsi que la situation s'est progressivement dégradée pour la
population dans des secteurs aussi stratégiques que le coton qui
concerne près de 2 millions de personnes, l'éducation (les
écoles communautaires prolifèrent dans des conditions souvent
très précaires), la santé (à titre d'exemple
l'hôpital général de référence n'a pas
reçu de subvention pendant plus des années), l'énergie et
l'approvisionnement en eau potable, pour ne citer que ces exemples
particulièrement graves.
Le Tchad a pourtant accompli de réels efforts depuis la
Table Ronde de Genève IV en octobre 1998, étant en programme avec
le FMI depuis novembre 1998 et disposant d'une Stratégie Nationale de
Bonne Gouvernance (SNBG) et d'une Stratégie Nationale de
Réduction de la Pauvreté (SNRP) élaborée à
partir de 2000, adoptée en juin 2003 et comportant les cinq objectifs
suivants : promouvoir la bonne gouvernance, assurer une croissance
économique forte et soutenue, améliorer le capital humain,
améliorer les conditions de vie des groupes vulnérables et enfin
restaurer et sauvegarder les écosystèmes.
Le Tchad appartient à la Zone Franc, à la CEMAC
et à la CEEAC (communauté économique des Etats d'Afrique
Centrale). Mais en raison notamment de l'enclavement du pays, la
coopération régionale reste embryonnaire, même si le Tchad
appartient à d'autres ensembles économiques et institutions
sous-régionales, telles que le CENSAD (communauté des Etats
sahélo-sahariens), la Commission du Bassin du Lac Tchad (CBLT),
l'Autorité du Bassin du Niger (ABN), le Comité International de
Lutte Contre la Sécheresse au Sahel (CILSS).
Du fait des liens historiques, francophones et militaires, le
Tchad conserve une relation très privilégiée avec la
France, pays considéré comme le partenaire le plus proche et le
plus conséquent, et ce malgré une certaine baisse des moyens
d'intervention depuis quelques années.
C'est dans le contexte favorable des suites de la Table ronde
de Genève IV, de l'accord avec le FMI et de l'élaboration de la
stratégie nationale de réduction de la pauvreté, qu'avait
pu être organisée la 7ème session de la Commission mixte
les 30 et 31 octobre 2002, mettant en avant trois axes stratégiques pour
la coopération civile : le domaine social, la bonne gouvernance et
la croissance économique. Cet exercice avait associé les
représentants du secteur privé, les ONG et les
coopérations décentralisées.
Pays d'Afrique centrale entièrement enclavé, le
Tchad est situé entre les 7ème et 24ème
degrés Nord et les 13ème et
24ème degrés de longitude Est. Il est le
cinquième pays le plus vaste d'Afrique après le Soudan,
l'Algérie, la république Démocratique du Congo et la
Libye. Il est limité au Sud par la République Centrafricaine,
à l'Est par le Soudan, à l'Ouest par le Cameroun, le
Nigéria et le Niger. L'immensité du pays et l'absence de cotes
maritimes posent des problèmes de transport, de communication et
d'accessibilités à l'extérieur.
Le pays est découpé en trois (03) zones
climatiques :
· Au Nord, une zone saharienne au climat
désertique (pluviométrie inférieure à 200 mm de
pluies par an) ;
· Au sud, une zone soudanienne assez fortement pluvieuse
(pluviométrie entre 800 et 1200 mm de pluies par an), rendant certaines
régions quasiment inaccessibles pendant la saison des pluies ;
· Entre les deux, une zone sahélienne avec une
pluviométrie comprise entre 200 et 800 mm : N'Djamena, la capitale,
est située dans cette zone.
Comme dans d'autres pays du Sahel, cette diversité de
zones climatiques est fortement liée à certains aléas
climatiques, faisant baisser la production agricole et, partant,
l'économie nationale encore fortement dépendante du secteur
primaire. Les déficits alimentaires ainsi occasionnés entrainent
des problèmes nutritionnels importants, notamment pour certains groupes
vulnérables de la population comme les enfants et les femmes enceintes.
Environ 256 groupes ethniques composent cette population,
inégalement répartis sur l'ensemble du territoire. La
densité moyenne est de 6,81 habitants/km². L'espérance de
vie à la naissance est estimée à 50,3 années
(1).
Des centaines de dialectes sont parlés au Tchad. Le
français et l'arabe tchadien sont les deux langues officielles. Les
religions pratiquées au Tchad sont l'Islam, le Christianisme et les
religions traditionnelles.
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(1) Enquête Démographique et de
Santé du Tchad II
Le taux d'inactivité chez les jeunes est très
élevé du fait de la faiblesse du marché du travail,
induisant ainsi des problèmes sociaux importants (délinquance,
alcoolisme, drogue,...)
Le Produit Intérieur Brut (PIB) réel par
habitant s'élevait à 700$ en 1997 (1). En 2005, le
PIB/hbt avait été estimé à 636,54$ (2).
Selon le calcul de l'IDH du PNUD, le produit National Brut (PNB) par habitant
n'est que 180$.
La pression de l'environnement socioéconomique et
épidémiologique a introduit un changement dans l'organisation, la
gestion et le financement du système de santé du Tchad. Le
système national de santé du Tchad a connu une évolution
rapide, passant d'un système centralisé avec les interventions
verticales concentrées pour la plupart dans des hôpitaux autour
des grandes agglomérations vers un système plus ou moins
déconcentré à partir de 1991 avec pour priorités,
l'amélioration de l'accès aux soins de santé et la
continuité des soins.
Cependant, quand on compare les indicateurs de santé
avec ceux des pays ayant un niveau de PIB équivalent, ceux du Tchad
restent quand même inférieurs. La mortalité infantile et
infanto juvénile reste élevé et n'a pas beaucoup
diminué depuis plus de 10 ans : 102/1000 Naissances Vivantes
(NV)(2) tandis que les indicateurs de la mortalité maternelle
se sont au contraire dégradés : 827/100 000 NV
(3).
(1). Selon la Parité des Pouvoirs
d'Achats
(2). Institut Supérieur des Etudes
Economiques et Démographiques (INSEED)
(3). Selon l'Enquête Démocratique de
Santé du Tchad (EDST),
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