UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL
LA DIFFICILE PERCÉE D'UN MODÈLE ALTERNATIF DANS
LES RAPPORTS NORD-SUD : LE CAS DE SONGHAÏ
MÉMOIRE
PRÉSENTÉ
COMME EXIGENCE PARTIELLE
DE LA MAÎTRISE EN INTERVENTION SOCIALE
CONCENTRATION ÉCONOMIE SOCIALE
PAR
SOPHIE LAVIGNE
SEPTEMBRE 2005
« QUE FAISONS-NOUS
ENSEMBLE ? »
Anna Arendt
TABLE DES MATIÈRES
LISTE DES FIGURES
VII
LISTE DES ABRÉVIATIONS, SIGLES ET
ACRONYMES
VIII
RÉSUMÉ
X
INTRODUCTION
1
CHAPITRE I
4
LE MODÈLE DOMINANT ET LES NOUVEAUX
MODÈLES DE DÉVELOPPEMENT
4
1.1 NAISSANCE ET
ÉVOLUTION DES MODÈLES DE DÉVELOPPEMENT
4
1.1.1 LE MODÈLE DOMINANT
5
1.1.2 NAISSANCE DES MODÈLES
ALTERNATIFS
8
1.1.3 CONTRAINTES SUBIES PAR LES DEUX
MODÈLES DE DÉVELOPPEMENT
9
1.2 PRINCIPAUX CONCEPTS
11
1.2.1 MODÈLES DE DÉVELOPPEMENT
11
1.2.2 TYPES DE DÉVELOPPEMENT
13
1.2.3 LE RÉSEAUTAGE
17
1.2.4 CAPACITÉ ENTREPRENEURIALE
20
1.2.5 L'EMPOWERMENT
20
CHAPITRE II
23
LE BÉNIN DANS LES RAPPORTS NORD-SUD
23
2.1 LES
PÉRIODES PRÉ-COLONIALE ET COLONIALE
24
2.2
L'INDÉPENDANCE (1960-1975)
27
2.3 LE SOCIALISME
(1972-1989)
28
2.4 LE
MULTIPARTISME ET LES PROGRAMMES D'AJUSTEMENT STRUCTUREL DE 1990 À
AUJOURD'HUI.
30
2.5 LES NOUVEAUX
ACTEURS DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET POLITIQUE
34
CHAPITRE III
37
LE PROJET SONGHAÏ :
ÉVOLUTION ET PROBLÉMATIQUE
37
3.1 DESCRIPTION DU
PROJET SONGHAÏ
37
3.2 LE
MODÈLE DE DÉVELOPPEMENT DE SONGHAÏ
41
3.3
L'ÉVOLUTION DE SONGHAÏ
44
3.4
PROBLÉMATIQUE
48
3.4.1 LA CAPACITÉ ENTREPRENEURIALE CHEZ
SONGHAÏ
48
3.4.2 LES CONFLITS DE VISIONS
50
3.4.3 QUESTIONS DE RECHERCHES
52
CHAPITRE IV
54
MÉTHODOLOGIE
54
4.1 UNE RECHERCHE
QUALITATIVE
54
4.2 LE CHOIX DES DONNÉES
54
4.2.1 DESCRIPTION DES PARTICIPANTS
55
4.2.2 AUTRES SOURCES D'INFORMATION
57
4.3 LA MÉTHODE DE RECHERCHE
58
4.3.1 LE TRAITEMENT DES DONNÉES
59
CHAPITRE V
61
RÉSULTATS DE LA RECHERCHE :
SONGHAÏ ET SON DÉVELOPPEMENT
61
5.1 DÉVELOPPEMENT DE
SONGHAÏ
61
5.1.1 LE RÔLE DE LA STRUCTURE DANS LE
DÉVELOPPEMENT DE SONGHAÏ
62
5.1.2 LE RÔLE DE LA FORMATION DANS LE
DÉVELOPPEMENT DE SONGHAÏ
65
5.2 LA TROISIÈME VOIE
66
5.2.1 LE RÔLE DE L'EMPOWERMENT DANS
LA «TROISIÈME VOIE»
71
5.2.2 LE RÔLE DE L'ENTREPRENEURIAT DANS LA
«TROISIÈME VOIE»
73
5.2.3 LE RÔLE DU RÉSEAU DANS LA
« TROISIÈME VOIE »
73
CHAPITRE VI
77
RÉSULTATS DE LA RECHERCHE :
SONGHAÏ ET SES PARTENAIRES
77
6.1 PARTENARIATS ET
DÉVELOPPEMENT
77
6.1.1 LES CRITÈRES D'OCTROIS DES BAILLEURS
DE FONDS INTERNATIONAUX
79
6.1.2 CRÉATION DE PARTENARIATS ET SES
ENJEUX
85
6.2 LES ENJEUX DES PARTENARIATS
87
6.2.1 LES ENJEUX DES MULTIPARTENARIATS
89
CHAPITRE VII
91
RÉSULTATS DE LA RECHERCHE :
SONGHAÏ ET SES RAPPORTS AVEC LE NORD ET LE SUD
91
7.1 LE DÉVELOPPEMENT SELON LE NORD
ET LE SUD
92
7.1.1 LA « TROISIÈME VOIE»
DANS LE JEU DE LA COOPÉRATION NORD SUD
95
7.1.2 LES TECHNOLOGIES COMME APPORT IMPORTANT DANS
L'ÉDIFICATION DE LA « TROISIÈME VOIE ».
96
7.2 DES RAPPORTS DE FORCE ENTRE LE NORD ET
LE SUD
99
7.2.1 PARTENARIATS SUD-SUD, UNE ALTERNATIVE
101
CONCLUSION
104
BILIOGRAPHIE
107
ANNEXE 1
116
ANNEXE 2
117
LISTE DES FIGURES
figure 1 Les trois dimensions du développement
durable (environnementale, économique et
sociale)...................................................................14
figure 2 Schéma de production agricole
intégrée tel que présenté par Songhaï,
2003................................................................................................40
LISTE DES
ABRÉVIATIONS, SIGLES ET ACRONYMES
ACDI Agence canadienne de développement international
ADF African Development Foundation
ASFODEVH Association pour la Formation en Développement
Humain
BIT Bureau international du travail
CAD Comité d'Assistance du Directeur
CCCI Conseil Canadien sur la Coopération
Internationale
CCFD Comité catholique contre la faim pour le
développement
CECI Centre canadien d'étude et de coopération
internationale
CÉCURI Centre cunicole de recherche et d'information de
l'université nationale du Bénin
CEDEAO Communauté économique des états de
l'Afrique de l'Ouest
CRDI Centre de Recherches pour le Développement
International
CPU Centre polytechnique de l'Université du
Bénin
FED Fonds européen pour le développement
FMI Fonds monétaire international
HCR Agence des Nations Unies
IDH Indicateur de développement humain
IFED Institut de formation des entrepreneurs en
développement
OCDE Organisation de coopération et de
développement international
ONG Organisation non gouvernementale
PAEFO Promotion des Activités Économiques des
Femmes dans le Département de l'Ouémé
PAS Programme d'ajustement structurel
PIB Produit intérieur brut
PNB Produit national brut
PNUD Programme des Nations Unies pour le Développement
SID Society for International Development
SIP Société Indigène de
Prévoyance
SOPA Société de production agricole d'Abomey
TVA Taxe sur valeur ajoutée
UMAD Union des mutuelles agricoles de Dassa
UMAS Union des mutuelles agricoles de Savè
USAID United States Aid for International Development
WCED World Commission on Environment and Development
Résumé
Cette recherche est une analyse de cas du projet Songhaï,
établi au Bénin, dont la mission fondamentale est d'amorcer une
transformation « morale et technique » au sein des
populations les plus défavorisées pour accroître leur
esprit d'entrepreneuriat. Songhaï s'appuie sur les principes
d'« empowerment » pour développer et transmettre des
valeurs humaines appropriées à un changement de comportement,
pour que les jeunes, les paysans, les femmes, les hommes et les entrepreneurs
deviennent des acteurs de leur propre développement, capables
d'initiatives et de créativité. Cette mission est mise en oeuvre
à travers plusieurs centres agrobiologiques de formation, production,
transformation, recherche et développement en agriculture. Ce qui nous a
intéressée, c'est comment l'approche large (développement
intégré) portée par Songhaï peut-elle s'harmoniser
avec l'approche plus pointue visant les résultats (développement
sectoriel et par programme) portés par les bailleurs de fonds
internationaux ? Comment Songhaï réussit-il à financer
sa mission qui est de développer les potentialités des individus,
en mettant l'accent sur les processus plutôt que sur les
résultats ? Doit-il faire subir à sa mission des
transformations dans le but d'obtenir des financements de ses bailleurs de
fonds ? Au cours de cette recherche, nous avons découvert des
aspects inattendus relatifs à notre question de recherche. Nous n'avions
pas prévu que l'approche large (développement
intégré) portée par Songhaï s'harmonisait avec
l'approche plus pointue visant les résultats (développement
sectoriel et par programme) promue par les bailleurs de fonds internationaux.
Non seulement Songhaï a réussi à financer sa mission sans la
transformer, mais il a misé sur l'atteinte des résultats. Des
résultats qui sont devenus un atout majeur pour négocier avec des
partenaires éventuels. Le dynamisme de Songhaï est inspirant
à plusieurs niveaux. Il démontre qu'il est possible d'adopter des
stratégies qui permettent d'établir des partenariats plus
égalitaires en adoptant des modèles de développement plus
holistiques et en diversifiant nos interlocuteurs. Cette approche peut
influencer les rapports de force déjà existants entre le Nord et
le Sud en transformant la nature du dialogue. Songhaï est un modèle
de développement qui émerge de la base et qui démontre sa
grande capacité à être à l'écoute de la
population et de ses réalités. Le fait qu'il soit collé
aux réalités en permet une meilleure analyse, ce qui est en soit
un point déterminant dans l'élaboration de projets de
développement.
Mots clés (par ordre de pertinence):
RELATION NORD-SUD, MODÈLE DE DÉVELOPPEMENT,
ÉCONOMIE SOCIALE, ORGANISATION NON GOUVERNEMENTALE, AFRIQUE,
AGRICULTURE
INTRODUCTION
Cette recherche porte sur les rapports Nord-Sud en contexte de
coopération internationale. Pour illustrer ce rapport, nous avons choisi
une organisation non gouvernementale (O.N.G.) béninoise nommée
Songhaï ayant pour but d'élever le niveau de vie des populations en
Afrique par une approche de développement durable. Cette O.N.G. se
présente comme un Centre de formation, de production, de recherche et de
développement en agriculture durable. Elle utilise les ressources
locales, les méthodes traditionnelles et modernes, tout en stimulant la
prise de responsabilité et d'initiative par la concertation et
l'écoute de tous pour la création d'entreprises agricoles viables
et l'innovation sociale.
Ce mémoire se divise en sept chapitres. Afin de
comprendre dans quel type de développement le projet Songhaï
s'inscrit, le premier chapitre vise à définir les modèles
de développement en cours dans le « jeu » de la
coopération internationale ainsi que les principaux concepts qui s'y
rattachent. Le deuxième chapitre présente un bref historique
axé sur l'économie et la politique au Bénin, il
décrit le contexte qui précède l'émergence de
Songhaï. Cette partie exposera les rapports de la France, pays
colonisateur, avec le Dahomey (ancien nom du Bénin), puis avec le
Bénin indépendant et socialiste, refermé sur
lui-même et, enfin, avec un Bénin démocratique et soumis
aux directives des institutions de Bretton Woods. Ces deux premiers chapitres
permettront de comprendre, non seulement pourquoi Songhaï s'est
constitué, mais aussi pourquoi il a façonné son propre
modèle de développement. Dans le troisième chapitre,
l'attention se portera sur la manière dont il procède pour
créer de réels partenariats avec le système de la
coopération internationale tout en gardant le cap sur sa mission et la
réponse aux besoins de la population. Les questions de recherche
tournent autour des modèles de développement. Comment l'approche
large (développement intégré) portée par
Songhaï peut-elle s'harmoniser avec l'approche plus pointue visant les
résultats (développement sectoriel, par programme et par projet)
portée par les bailleurs de fonds internationaux ? Songhaï
réussit-il à financer sa mission qui est de développer les
potentialités des individus, en mettant l'accent sur les processus
plutôt que sur les résultats ? Doit-il faire subir à
sa mission des transformations dans le but d'obtenir des financements de ses
bailleurs de fonds ?
À la suite de ce questionnement, le quatrième
chapitre vient décrire la méthodologie employée dans la
recherche. Il fait état du choix des données et de la
façon dont elles ont été traitées. Le
cinquième chapitre reliera le développement du Projet
Songhaï et son modèle de développement sous
l'éclairage des différents concepts exposés et
débattus dans la partie théorique. Le modèle de
développement qui émerge à Songhaï a fait une place
particulière aux liens avec ses partenaires. Ces liens ainsi que leur
création seront abordés dans le sixième chapitre. Ici il
s'agira de débattre des modalités rattachées au
partenariat et des enjeux qu'elles soulèvent. Enfin, dans le dernier
chapitre, les bailleurs de fonds et le
bénéficiaire se parleront. Dialogue qui illustrera la dynamique
des rapports Nord-Sud. En mettant en évidence les lieux de pouvoir des
uns et des autres, il sera alors possible d'identifier des pistes de
réflexions relatives aux grands enjeux du développement dans un
cadre de coopération internationale.
Cette recherche prendra la forme d'un sablier : elle
partira du contexte global, c'est-à-dire des modèles de
développement pour ensuite passer plus spécifiquement à
ceux du Bénin, puis du projet Songhaï. Ensuite elle répondra
à la question de recherche d'une façon spécifique pour
enfin extrapoler les résultats dans un contexte plus
général, en faisant des liens avec la théorie des
différents modèles alternatifs de développement.
CHAPITRE I
LE MODÈLE DOMINANT ET
LES NOUVEAUX MODÈLES DE DÉVELOPPEMENT
L'amalgame et les confusions dans les discours et les
théories du développement et de la coopération n'aident
pas à la compréhension des rapports Nord-Sud. Gabas nous faisait
part dans son ouvrage Nord-Sud : l'impossible coopération
(2002), que le « faire ensemble » et le partage qui en
résulte seraient les principaux éléments d'une
coopération au sens réel du terme ; et encore plus, la
coopération consisterait à « créer une
dépendance réciproque », une dépendance qui
serait organisée pour « mieux vivre ensemble ». Ce
« mieux vivre ensemble » s'effectuerait à l'aide du
dialogue, de la négociation et du partage des ressources.
Pour mieux cerner les bases philosophiques des modèles
actuels qui sont utilisés dans les rapports Nord-Sud, il est pertinent
de faire un bref rappel du contexte historique dans lequel ces modèles
se sont mis en place.
1.1 Naissance et
évolution des modèles de développement
Après la Seconde Guerre mondiale, les
États-Unis ont élaboré le plan Marshall pour reconstruire
l'Europe, et parallèlement, les Nations Unies ont
développé toute une pensée sur l'aide aux pays
sous-développés. Ce qui sera retenu dans le travail de
théorisation du processus de développement des Nations Unies sera
la partie économique et le rôle primordial des bailleurs de fonds.
Ce modèle de développement, dit libéral et associé
aux travaux de l'économiste américain W. W. Rostow, s'appuie sur
le postulat que les pays sous-développés sont « en
retard » par rapport aux « pays avancés »
qui eux, ont une trajectoire et une transformation sociale croissantes. La
logique marchande, l'accumulation du capital et l'industrialisation n'ont pas
encore eu lieu historiquement dans les pays dits « en
retard » et n'ont donc pas permis l'enrichissement de ceux-ci. Ce qui
sous-entend que les pays sous-développés doivent obligatoirement
emprunter ce trajet pour enclencher leur développement.
1.1.1 Le modèle dominant
Le modèle de développement libéral qui a
été mis en place et favorisé par les institutions de
Bretton Woods est un modèle qui s'inscrit dans une logique capitaliste
où l'urbanisation, l'industrialisation et l'économie de
marché sont les moteurs actifs du développement. Cependant, ce
capitalisme industriel et urbain s'est construit non seulement sur des
échanges commerciaux et technologiques, mais aussi sur la conquête
armée de marchés, sur la colonisation ainsi que sur la
destruction environnementale (Fall, Favreau, Larose. 2004, p.13). Nul besoin
d'ajouter que ce modèle de développement a connu des ratés
puisque l'urbanisation des pays sous-développés ne s'est pas
accompagnée d'une industrialisation. Une des erreurs dans l'entreprise
du développement des pays du Sud est d'avoir utilisé le plan
Marshall, plan qui avait été conçu pour reconstruire une
Europe déjà industrialisée. Les rapports de pouvoir sont
donc restés verticaux, les pays dits développés
décidaient des plans de développement et des fonds à
octroyer aux pays non développés. Même après la
décolonisation le rapport est resté le même, car les
gouvernements mis en place étaient souvent soutenus par le pays
colonisateur. Mieux, la corruption et le détournement de fonds des
programmes de développement étaient devenus pratique courante au
vue et au su des bailleurs de fonds, l'aide étant plutôt une
alliance entre les États.
Au cours des années 1960-1970, une multitude
d'évaluations critiques se sont faites. Entre autres, les travaux de
Simon Kuznets 1(*)démontraient que la croissance du PIB d'un pays
en développement s'accompagnait toujours d'une aggravation des
inégalités sociales. De ces travaux découle l'idée
de la satisfaction des besoins fondamentaux par des programmes
ciblés (développement par projet)
plutôt que l'attente des retombées de la croissance qui
financeraient les services publics. En 1975 les travaux de Bernard Lecomte pour
le Centre de développement de l'OCDE faisaient la critique du
développement par projet en en soulevant les problèmes de
continuation et de financement. C'est ce dernier qui renforcera
l'idée que le développement sectoriel est plus efficace, et
influencera les années 80, années où une rupture marque
l'histoire de l'aide internationale : la plupart des pays en
développement sont dans une crise financière, les modèles
fordiste et providentialiste, de régulation de l'économie, ont
atteint leurs limites. C'est à ce moment que le Nord met un terme
à ses investissements au Sud , c'est maintenant l'ère du
rééquilibrage des finances publiques par les programmes
d'ajustement structurel qui seront mis en place par le « consensus de
Washington ». Ce consensus qui s'est cristallisé dans les
années 1980 et dont l'expression fut utilisée pour la
première fois par l'économiste John Williamson, fait
référence à un jeu d'idées politiques au sein du
Trésor américain, de la Réserve fédérale, du
FMI et de la Banque Mondiale qui favorisait des politiques de commerce et
d'investissement orientées vers l'extérieur avec une inflation
basse, des budgets équilibrés, des taux de change bas, la
privatisation, la déréglementation et une protection accrue de la
propriété privée (Sogge, 2003). Plus que jamais le Nord
impose au Sud des politiques de privatisation, de libéralisation et de
déréglementation et favorise l'aide par programme (sectoriel)
plutôt que celle par projet (local). L'aide par programme qui favorise
des politiques d'État, devait agir sur l'ensemble de la
société en augmentant le Produit national brut (PNB).
Pourtant, les projets locaux qui agissent au coeur des communautés
et favorisent l'Indice de Développement Humain (IDH), parce
qu'ils sont plus adaptés aux réalités des
communautés, répondent de façon plus pragmatique aux
besoins. Cela étant dit, ce sont ceux qui mettent de l'avant les
mesures de développement, qu'elles soient sectorielles, par programme ou
par projet, qui tablent sur un des indicateurs de développement
plutôt que sur l'autre tout dépendamment de l'approche dans
laquelle il se situe.
Cependant, un autre modèle de développement
s'oppose au modèle dominant libéral, c'est le modèle
« dépendantiste » marxiste. Ce modèle
dénonçait les rapports inégaux entre les États du
Nord et du Sud tels que le colonialisme, les échanges marchands
irréguliers, l'endettement du Sud face au Nord ainsi que le
développement des couches dirigeantes du Sud s'acoquinant avec les
dirigeants du nord au détriment de leurs populations. Ce sont les
théories de Samir Amin
« centre-périphérie » où le Sud
« périphérie » est dépendant du Nord
« centre » à la fois d'un point de vue
commercial, technologique et financier. Pourtant, le modèle
« dépendantiste » s'effondre avec la chute du mur de
Berlin et du « bloc socialiste », et c'est avec la
montée des droits de l'homme que le modèle d'aide humanitaire
prendra le pas sur les l'ensemble des modèles (Fall, Favreau, Larose,
2004, p.15).
Pourtant, ce sont les théories inspirées du
modèle « dépendantiste » qui avaient
diagnostiqué de façon juste les effets pervers du modèle
libéral, modèle qui aujourd'hui encore, gouverne les relations
Nord-Sud. À l'heure de la mondialisation, le développement
doit être pris en compte au niveau local, national et insérer dans
ses modèles la reconstruction des États sociaux. De plus, la
constitution de nouveaux modes de gouvernance mondiale, de dispositifs de
régulation économique et politique, sont au coeur du
développement tout comme la mobilisation des ressources à
l'intérieur des sociétés (Fall, Favreau, Larose, 2004,
p.16). Le besoin pressant de nouveaux modèles de développement se
fait sentir partout et la solidarité, qui s'incarne au plan
international dans l'altermondialisme, est en train de remanier les
façons de faire du développement.
1.1.2 Naissance des modèles alternatifs
C'est le modèle global dominant de développement
qui est remis en cause (Favreau, 2002) à la suite des Programmes
d'ajustement structurels. Il se prend beaucoup d'initiatives
en mode d'économie sociale. Ces modèles de développement
multiples qui se réfèrent à un modèle de
solidarité internationale, c'est-à-dire la justice sociale, le
développement socioéconomique ainsi que les relations de type
partenarial, seraient plus adaptés et porteurs de sens pour les
populations (Favreau, Larose, Fall, 2004). Par contre, Defourny et Develtere
(1999) insistent beaucoup sur l'aspect de la culture et sur son rôle dans
l'émergence des initiatives d'économie sociale. Selon eux, la
culture locale de chaque région est rassembleuse et donne du sens et
c'est cette solidarité et cette prise en charge du groupe par
lui-même qui peuvent favoriser l'épanouissement
des sociétés. Cette culture porteuse d'identité et riche
en valeur peut préserver les sociétés des influences de la
mondialisation, car certains pays du Sud subissent des pressions qui les
poussent à s'intégrer dans des marchés régionaux ou
« globaux ». Cette intégration, même si elle
offre plusieurs avantages comporte aussi des risques et dans certains cas, peut
constituer un frein au développement local (Defourny, 1999, p.259).
La majorité des travaux menés sur la
question et les nouveaux courants marginaux sur le développement
traitent du caractère pluridimensionnel des modèles de
développement. Cette pluridimensionnalité combine
l'économique, le social et l'environnemental. Favreau et
Fréchette aborderont le développement dans ce sens :
Le développement est aujourd'hui moins
considéré comme le fait d'un jeu de cause à effet entre
différents facteurs. Il est plutôt
conçu comme une mobilisation économique, sociale et culturelle de
toutes les potentialités d'un pays (ou d'une région ou d'une
communauté locale) autour d'un certain nombre d'objectifs
d'amélioration des conditions de vie des populations. Et comme
toute mobilisation, il y a des progrès et des reculs, des points forts
et des faiblesses, des conflits et des coopérations
insoupçonnées (2002, p.31).
Aujourd'hui, le développement des pays du Sud est
abordé dans toutes ses dimensions avec les nouveaux modèles de
développement. Ces derniers sont pluriels et
adaptés, et ils recherchent de nouvelles solutions afin de favoriser le
développement qui se fait désormais à partir des
localités et par ses acteurs. Pourtant, la montée du
néolibéralisme et la mondialisation colorent, plus encore
aujourd'hui, la coopération internationale, car les modèles
pluriels qui émergent des localités ne sont pas le fait du
modèle dominant, mais plutôt le fait de l'insatisfaction qu'il
engendre et des contradictions qu'il génère.
1.1.3 Contraintes subies par les deux modèles de
développement
Le modèle dominant favorise l'implication dans le
milieu comme le prônent les modèles alternatifs et solidaires,
mais son approche reste sectorielle. Cette approche consiste à se servir
des indicateurs classiques de développement tels que le PNB (Produit
national brut) pour mesurer l'aide à apporter aux pays du Sud. Les
services offerts par la Banque Mondiale sont d'octroyer des prêts
aux pays en fonction de certains critères qui s'inscrivent dans des
programmes sectoriels tels que la privatisation des appareils d'État et
la libéralisation de leur marché. Le nouvel économiste de
la Banque Mondiale monsieur François Bourguignon ( 2003)
disait :
La Banque mondiale ainsi que d'autres institutions ont
été favorables à la privatisation dans de nombreux
domaines, comme l'infrastructure. Nous avons constaté que, dans certains
cas, ces privatisations ne répondent pas aux besoins sociaux, souvent
parce que la réglementation des monopoles privés était
défaillante ou aussi absente ou partiale qu'elle l'était à
l'époque des monopoles publics. En disant cela, je ne cherche pas
à privilégier un courant de pensée par rapport à un
autre. Je crois que le défi actuel est précisément de
dépasser le modèle unique, très souvent teinté
d'idéologie, et d'adopter la solution qui paraît la plus efficace.
Je suis heureux de constater que nous sommes arrivés à un stade
où le pragmatisme est en voie de devenir l'approche dominante de la
réflexion sur le développement »2(*).
La Banque Mondiale fait le constat de l'échec des
politiques d'ajustement structurel et tente de prendre une voie
différente selon M. Bourguignon. Le réseau sectoriel tente de
s'adapter aux nouvelles réalités. Mais comme en fait état
Morvan (2000, p.150), les nouveaux modèles de développement qui
seraient initiés par la population rencontrent plusieurs
difficultés, car les projets de développement autres que ceux qui
sont proposés par la superstructure des institutions de Bretton
Woods, ne sont pas toujours appuyés par les politiques locales.
Des acteurs locaux (associations et collectivités)
initient des projets pour une action solidaire afin de renforcer la
société civile au Sud. Mais rares sont les actions qui
réussissent à modifier des rapports de forces politiques et
sociales (Morvan, 2000, p.150).
Ici encore, la politique pèse sur les initiatives
locales et les décisions sont souvent prises en fonction
d'intérêts contradictoires. La bureaucratie est un des principaux
obstacles au niveau local ; trop lourde et empreinte de corruption, elle
bloque les projets s'ils ne répondent pas à ses besoins, ce qui
fragilise les liens entre les organismes favorisant de nouveaux modèles
de développement et le réseau sectoriel.
Nous retrouvons plusieurs concepts clés dans les
nouveaux modèles qui sont aussi promus par le modèle dominant de
développement que représentent les institutions de Bretton Woods.
Ces concepts sont rattachés à l'idée d'entrepreneuriat,
car le développement passe aujourd'hui par l'autonomie des
communautés locales. Ces dernières doivent prendre essor par le
leadership de quelques-uns et la complicité de la population et
s'inscrire dans des réseaux qui leur permettront de se
déployer.
1.2 Principaux concepts
Cette partie donnera une définition des concepts qui
seront utilisés au cours de cette recherche afin de mieux en comprendre
les enjeux rattachés aux problématiques du développement.
Tout d'abord, les différents modèles de développement tels
que l'aide internationale, la coopération internationale ainsi que la
solidarité internationale seront abordés. Ensuite, nous
distinguerons entre les différents types de développement, qu'il
soit durable, intégré ou sectoriel. Puis, nous préciserons
les concepts de « réseautage » et de
« partenariat ». Enfin, la capacité entrepreneuriale
et l'empowerment termineront cette partie.
1.2.1 Modèles de
développement
1.2.1.1 Aide internationale
Le modèle d'aide internationale ou humanitaire
répond principalement à des cas d'urgence comme les catastrophes
naturelles et elle est mue par une finalité philanthropique sans tenir
compte à long terme du développement des pays
bénéficiaires (Favreau, Larose, Fall, 2004).
1.2.1.2 Coopération internationale
Le modèle de coopération internationale au sens
de Favreau, Larose, Fall, (2004, p. 15) a une portée structurante qui
s'actualise dans l'envoi de coopérants qui partagent leurs expertises
professionnelles et leurs compétences sociales et qui, à leur
retour, font le pont entre les organisations du Sud et du Nord. Ce
modèle, même s'il peut parfois devenir un complément dans
le développement du Sud, reste ancré dans une logique de
développement à plus ou moins long terme puisqu'il n'est pas
commandé par l'urgence comme l'aide humanitaire.
Gabas proposerait une autre définition qui irait comme
suit :
un acte réalisé en commun par deux ou
plusieurs personnes ou institutions. Les acteurs se fixent ensemble un
même objectif qu'ils envisagent d'atteindre en combinant leurs ressources
selon certaines règles. Une coopération signifie donc qu'il y a
un diagnostic partagé sur une difficulté et implique qu'une
action commune est plus avantageuse qu'une action entamée par un seul
des acteurs ; le résultat se veut être à somme
positive (Gabas, 2002, p. 11-12).
Cette définition met l'accent sur la construction du
lien entre les acteurs impliqués ainsi que le partage des ressources et
l'idée de faire ensemble ce partage. Plus encore, la coopération
internationale vue sous cet angle consisterait à
« créer une dépendance réciproque »,
une dépendance qui permettrait aux individus autant qu'aux États
de mieux vivre ensemble en instaurant un dialogue et une négociation du
partage des ressources. Gabas entrevoit la coopération comme une
solidarité Nord-Sud, sa définition est donc à cheval entre
le modèle de coopération internationale et celui de
solidarité internationale de Favreau, Larose et Fall.
1.2.1.3 Solidarité internationale
On qualifie de «solidarité
internationale » le modèle qui s'est d'abord
développé au niveau socioéconomique des bidonvilles, la
mise en place du commerce équitable, l'accès au
microcrédit, la structuration des communautés dans l'habitation
et le commerce coopératif, etc. Ensuite, est venu l'aspect politique du
modèle se distinguant par la mobilisation de la société
civile et les revendications auprès des instances politiques ou dans les
débats internationaux (contestation du sommet de Seattle en 1999,
la condition de la femme dans le monde à Pékin en 1996, ou la
Marche mondiale contre l'exploitation des enfants en 1998)
(Favreau, Larose et Fall, 2004, p. 17). Ce modèle alternatif travaille
d'une façon pluridimensionnelle sur la construction d'une autre
mondialisation qui ne soit pas essentiellement économique.
1.2.2 Types de développement
1.2.2.1 Développement durable
La WCED (World Commission on Environment and Development),
publiait, en 1987, le Rapport Brundtland du nom de sa présidente Gro
Harlem Brundland. Ce document intitulé « Our Common
Future » a donné lieu à la définition du
développement durable que l'on utilise aujourd'hui. Le rapport conjugue
développement et environnement et définit ce processus par le
terme de «sustainable development», qu'on a traduit par
« développement durable » ; c'est-à-dire
« un développement qui répond aux besoins du
présent sans compromettre la capacité des
générations futures de répondre aux leurs »
(Rapport Brundtland, 1987).
Nous avons donc choisi le Rapport Brundtland pour
définir le concept de développement durable que nous aborderons
dans ce travail, car en 1989, ce document a fait l'objet d'un débat
à l'assemblée générale des Nations Unies et il est
devenu le modèle à suivre en matière de
développement. Nous verrons ensuite que la notion de
développement intégré de Jacques L. Boucher
ajoute une spécification au concept en introduisant l'aspect
d'interdépendance entre les «paliers de gouvernement »,
aspect du développement durable important quant à notre sujet.
Tout d'abord, le Rapport Brundtland constate que les
problèmes liés au développement et à
l'environnement sont dus à la grande pauvreté au Sud et aux modes
de consommation et de production non durables qui sont en cours au Nord.
Figure 1 Le développement durable
présente trois dimensions (environnementale, économique et
sociale). Le respect des besoins des générations futures et la
solidarité avec les pays défavorisés constituent les
autres éléments clés de cette notion. (ARE, 2004)
L'enjeu du développement durable est de concilier
progrès économique et progrès social sans mettre en
péril l'équilibre naturel de la planète. Il faut donc
aborder une réflexion et une action sur la répartition des
richesses entre les pays riches et les pays moins développés afin
d'assurer un bien-être pour tous et de préserver les ressources
pour les générations futures avec l'aide des entreprises, des
pouvoirs publics et de la société civile.
1.2.2.2 Développement intégré
La notion de développement intégré, est
une variante du développement durable, qui rend compte plus
spécifiquement de l'intégration territoriale, notamment entre
l'espace local et régional, voire même continental. L'aspect
particulier du développement intégré a comme vocation
à faire reculer l'exclusion, qu'elle prenne une forme économique,
politique, culturelle ou sociale. Ainsi, contrairement à la perspective
actuelle du néolibéralisme qui renvoie directement le
développement social à l'activité économique, la
vision d'un développement intégré imbrique
l'activité économique et la mobilisation sociale. Ici, le lien
social ne se résume plus aux interactions avec le marché ou
l'économique, mais il se construit en réseaux divers de lieux, de
processus, d'institutions et de négociation entre les acteurs.
On parle donc de projet d'ensemble, de plan global, qui se résume
en : pensez globalement et agissez localement (Boucher,1999).
Le développement intégré n'est pas le
résultat direct d'opérations simples ; il fait partie d'un
processus qui s'inscrit dans la durée et dans la mise en relation de
différents processus (privatisation, communautarisation...) et acteurs
à l'échelle locale (quartier, ville, nation) ; et non de
l'intervention exclusivement ciblée, sectorielle, segmentée, qui
ne prend pas en compte la complexité du milieu. Il s'agit donc
d'élargir le politique à l'intégration de la sphère
publique afin que les communautés locales puissent prendre part
activement à leur propre développement. Le soutien
étatique est nécessaire et les arrimages doivent se renouveler
entre les instances des divers espaces. Donc, pour être pleinement
social, un modèle de développement intégré requiert
un redéploiement du politique aussi bien que du social (Boucher,
1999).
Le développement durable et le développement
intégré ont tous deux une perspective globale et
intégrative du social et de l'économique et de
l'environnement, qu'ils soient de nature écologique ou
territoriale ; le premier concept faisant plutôt appel aux
ressources naturelles et le second aux ressources humaines. Cependant, le
Rapport Brundtland sur le développement
« soutenable » ou durable englobe le concept de
développement intégré, ce dernier mettant l'emphase sur
les notions d'entrepreneuriat, d'empowerment et de réseautage de la
société civile avec le privé et le public.
1.2.2.3 Développement sectoriel
L'approche sectorielle a comme postulat de dire
que ce sont les gouvernements qui doivent fournir et planifier les
programmes sociaux tels que l'éducation, la santé ainsi que les
infrastructures. Cette logique amène donc les bailleurs de fonds
internationaux à dire que les projets fragmentés affaiblissent le
gouvernement, car ils attirent les meilleures ressources humaines sur le plan
local (Tomlinson, 2000). De plus, les projets initiés à
l'extérieur de la matrice gouvernementale sont sans appui continu et
peuvent donc être limités dans leur durabilité, dans leur
cohérence entre eux, ainsi que dans leur efficacité.
L'approche sectorielle est une méthode selon
laquelle s'accomplit le travail à la fois distinct et conjoint de
l'État et des donateurs...Les caractéristiques propres à
l'approche sectorielle sont que toutes les sommes importantes affectées
à un secteur servent au soutien d'un seul et unique programme de
politiques et de dépenses, sous la direction du gouvernement, selon des
démarches communes dans tout le secteur et en vue d'en arriver
éventuellement à suivre les modalités gouvernementales
pour ce qui est de débourser et de rendre compte de tous les fonds
(Foster et Mike, 2000, p. 8).
Les approches sectorielles ont comme préoccupation une
meilleure gestion des ressources en matière de développement. De
plus, les conditions macro-économiques du FMI, la réforme de la
fonction publique et la privatisation qui sont imposées par la
Banque Mondiale peuvent biaiser les approches sectorielles parce qu'elles
réduisent la marge de manoeuvre des gouvernements et laissent peu de
place à l'innovation sociale (Tomlinson, 2000).
1.2.3 Le réseautage
Le réseautage peut prendre concrètement deux
formes : un réseautage horizontal et un réseautage vertical.
Le réseautage horizontal ou réseautage avec le milieu,
s'établit par partenariat de complémentarité entre acteurs
d'un même milieu avec pour objectif le développement de la
localité. Le réseautage vertical ou sectoriel s'établit
entre des partenaires ayant des liens hiérarchisés tant sur le
plan de la ligne de pensée que sur celle de l'action. Tandis que le
réseautage horizontal se maintient par la communauté
d'intérêts, le réseautage sectoriel s'entretient par un
rapport de pouvoir financier. De plus, nous retrouverons dans cette partie les
concepts de partenariat et de multipartenariat qui sont des composantes actives
du réseautage (Sogge, 2003, p. 145 -146).
1.2.3.1 Réseau avec le milieu
Un réseau qui est implanté dans un milieu
établit des partenariats avec différents acteurs afin de
promouvoir une économie locale, mais aussi un développement qui
soit profitable à l'ensemble de la communauté. Un réseau,
c'est la mise en place d'une structure qui entraînerait une mobilisation
importante des acteurs, qui sont dans notre cas les acteurs du monde agricole,
mais aussi de la commercialisation du transport et des communications. Cette
structure permet de renforcer la participation de la société
civile au développement du pays. Le réseautage de militants, de
professionnels et du gouvernemental permet un plus grand flux
latéral de connaissances et d'idées qui
s'étendent à cause des coûts toujours plus bas des
télécommunications et des transports (Sogge, 2003) ; parce
ce que ce réseau d'acteurs, d'organismes, de coopératives ou
d'acteurs privés vise à insérer dans un circuit
économique l'ensemble des acteurs sociaux, le réseautage va
favoriser une plus grande capacité de positionnement sur le
marché. Les mouvements sociaux ou organisations communautaires locaux et
internationaux sont aussi partie prenante du réseau avec le milieu, ils
jouent un rôle auprès du politique en revendiquant des droits. Les
groupes de femmes qui ont organisé la Marche mondiale des femmes en
l'an 2000 ainsi que le mouvement Jubilé 2000 pour l'annulation de la
dette des pays les plus pauvres ont constitué des réseaux
internationaux de solidarité qui ont eu un impact sur les politiques des
pays et par le fait même sur le développement des localités
(Fall, Favreau, Larose, 2004, p.30).
1.2.3.2 Réseau sectoriel
Le réseau sectoriel renvoie au modèle de
développement dominant dont le superviseur est le FMI et il octroie des
fonds aux gouvernements des pays du Sud selon différents programmes
préétablis par la communauté internationale. La lutte
contre la pauvreté et le sida, la bonne gouvernance, l'éducation,
les femmes ou l'égalité des sexes, les droits humains... sont
autant de secteurs où des fonds sont mobilisés. Le réseau
sectoriel doit faire face à plusieurs défis. Les programmes
sectoriels exigent une expertise politique sophistiquée pour être
mis en oeuvre dans les pays du Sud et cette expertise est souvent
déficitaire à cause de la fuite des cerveaux. De plus, la mise en
place de ces programmes demande un remaniement des politiques ou des
réformes complexes, ce qui ne facilite pas la tâche des
gouvernements. L'approche sectorielle, si elle arrive à maturité,
est donc susceptible de se transformer en aide qui ressemblerait au Fonds
structurel de l'Union européenne, c'est-à-dire qu'au moyen des
voies publiques, les revenus du secteur collectif seraient
réaffectés à la réduction des
inégalités entre les régions (Sogge, 2003). Dans ce type
de réseau, les gouvernements locaux vont s'occuper de développer
ou de soutenir des services de proximité comme des cuisines collectives
ou des coopératives d'habitation. Ils vont aussi soutenir la mise en
place des filières ou des secteurs d'emplois prometteurs, des
systèmes de microcrédit ou de fond de démarrage pour les
petites entreprises (Fall, Favreau, Larose, 2004, p.28). Le réseau
sectoriel dépend en grande partie des instances gouvernementales et des
politiques qui y sont rattachées.
1.2.3.3 Partenariat et multipartenariat
Les partenariats ou multipartenariats se caractérisent
par le renforcement mutuel des stratégies d'acteurs, par la mise en
commun d'intérêts et de force afin d'atteindre les
résultats recherchés de part et d'autre. Certains partenariats
sont l'initiative d'individus militants qui participent à créer
les bases d'une citoyenneté actualisée. D'autres partenariat sont
l'initiative d'entreprises ou encore d'organismes professionnels qui
revendiquent une place privilégiée dans les décisions
économiques, d'organisations, de localités ou de territoires plus
vastes. De plus, il y a les partenariats créés par l'initiative
des pouvoirs publics, qu'ils soient locaux ou non, qui remplacent les
initiatives privées trop peu nombreuses ou défaillantes (Kolosy,
1997).
1.2.4 Capacité
entrepreneuriale
L'entrepreneuriat s'incarne dans la capacité qu'a un
meneur de développer des connaissances reliées au
démarrage d'une entreprise, à sa gestion économique,
à la gestion des ressources humaines et à la capacité
à créer des partenariats afin de développer une vision
à long terme de ce projet ou de cette
entreprise. L'entrepreneur est lié à son
organisation par l'action qu'il entreprend sur les structures de celle-ci
et par l'engagement qu'il établit dans son environnement
socio-économique. Son action transforme la dynamique sociale
économique existante parce que l'entrepreneur construit de nouvelles
relations ou partenariats. Ceux-ci ne lui seront profitables (pas seulement
économiquement) que si ses nouveaux partenaires socio-économiques
y trouvent également un intérêt et en tirent de la valeur
3(*)
1.2.5 L'empowerment
L'empowerment caractérise la capacité que
possède une personne ou une communauté à choisir
librement (ce qui requiert la présence d'une alternative), de
transformer son choix en une décision (ce qui requiert la
capacité d'analyser) et d'agir en fonction de sa décision (ce qui
veut dire être prêt à assumer les conséquences de
l'action). L'empowerment c'est la capacité à prendre un
risque pour améliorer sa vie et celle de sa
communauté (Ninacs, 2003). Les acteurs qui participent à un
processus d'empowerment peuvent s'inscrire à l'intérieur du
processus en tant que participant sans toutefois être le leader.
* * *
L'intérêt à comprendre l'ensemble de ces
concepts est de voir de quelle manière ils s'inscrivent dans le temps et
dans l'espace afin de s'imprégner du débat soulevé dans ce
mémoire. Même si le modèle dominant et les modèles
alternatifs évoquent le développement durable, l'un et l'autre
portent des projets différents. Un développement qui englobe les
différentes facettes de la vie de l'humain, doit comprendre les aspects
suivant : le social, l'économique et l'environnemental. Ce
développement doit durer dans le temps et pour cela, les projets se
réalisent en réseau, soit avec le réseau social,
c'est-à-dire avec tous les acteurs d'une même localité,
soit avec le réseau sectoriel, c'est-à-dire les acteurs du
secteur ou du domaine d'intervention (femmes, santé,
éducation...) qui sont visés par le projet. Depuis la chute du
communisme en effet, les modèles qui sont aujourd'hui dits
« alternatifs » ou solidaires ont allié les
idées communautaires (bien commun, collectivisme,...) aux idées
libérales (démocratie, entrepreneuriat, empowerment...) afin de
favoriser l'émergence d'entreprises qui soutiendraient l'essor de la
communauté. Le modèle dominant libéral quant à lui,
favorise toujours l'entreprise privée comme moteur du
développement national, mais il ne l'intègre pas
nécessairement dans une perspective communautaire.
Comme nous l'avons mentionné dans l'introduction, notre
recherche porte ultimement sur le rapport Nord-Sud et c'est pourquoi il est
important de retracer l'histoire du Bénin, notre « point
Sud». D'abord, en lien avec le pays colonisateur la France, et ensuite en
lien avec les institutions de Bretton Woods, nos « points Nord».
À travers ce cursus, nous verrons les différentes orientations
politiques du Bénin, qui portait un modèle
« dépendantiste » jusque dans les années 1990
et qui a été influencé par diverses forces
intérieures et extérieures, jusqu'à la transformation de
son modèle de développement. À la suite de cette mise en
contexte historique nous aborderons le projet Songhaï né à
la suite de ces évènements pour combler les besoins des
populations que les politiques nationales ne satisfaisaient pas.
CHAPITRE II
LE BÉNIN DANS LES
RAPPORTS NORD-SUD
Le problème du « mal
développement » dans les pays du Sud, et plus
particulièrement dans les pays du continent africain se pose d'une
façon frappante dans le contexte actuel de la mondialisation. Cette
mondialisation est souvent synonyme de la dépendance du Sud face aux
structures du Nord :
dépendance financière et monétaire,
principe d'endettement et de désarticulation ; dépendance
industrielle et technologique, principe d'économie et de
sous-traitance ; dépendance commerciale, principe de
l'échange inégal ; dépendance alimentaire, principe
de pénurie et de famine. Ajoutez à toutes ces sujétions
l'extraversion et la subordination des élites politiques et
économiques à des intérêts transnationaux, et vous
avez la raison des inégalités dans le monde
d'aujourd'hui (Gélinas, 2000, p.228).
Cette définition de Gélinas est la critique du
modèle « dépendantiste » qui est souvent
faite au modèle libéral. Dans le cas concret du Bénin,
cette perspective est aussi vraie puisque sous le régime socialiste du
« tout à l'État », suivi de la
démocratie et des ajustements structurels, la précarité
sociale et économique s'est aggravée. L'histoire du Bénin
nous permettra de mieux comprendre les tenants et les aboutissants du processus
de développement de cette région et des modèles qui l'ont
façonné.
Dès le 14e siècle, l'ex royaume du Dahomey, qui
est aujourd'hui devenu le Bénin, est le principal comptoir de la traite
des esclaves et dans les années 1890, le Bénin deviendra une
colonie française après que l'armée du roi
Béhanzin ait été défaite par
la France, et le roi lui-même déporté en Martinique.
L'indépendance du Dahomey aura lieu seulement en 1960, et il deviendra
la République Populaire du Bénin en 1975. Après une suite
de coups d'État, le général Mathieu Kérékou
prend le pouvoir de 1972 à 1990 et installe un régime
marxiste-léniniste. Ce n'est que dans les années 1990 qu'un
régime démocratique voit le jour, à travers une transition
pacifique, avec la nomination d'un premier ministre, Nicéphore Soglo.
Celui-ci, élu à la tête du pays un an plus tard, gouvernera
jusqu'en 1996, année où il perdra les élections face
à son prédécesseur et adversaire Mathieu
Kérékou. Aujourd'hui encore, Mathieu Kérékou est le
président du Bénin pour un dernier mandat qui prendra fin en
2006. Mais voyons de plus près chacune des périodes de l'histoire
du Bénin sous un aspect économique et social à partir de
la période coloniale.
2.1 Les
périodes pré-coloniale et coloniale
Cette période a débuté avec la traite
négrière sur les côtes même du Dahomey et a introduit
le marché capitaliste en commercialisant des humains ; elle a
lancé une économie de traite pour satisfaire les besoins de main
d'oeuvre de l'Amérique et des Caraïbes. Hountondji ajoute :
L'impact de ce commerce sur la vie politique,
économique et sociale du pays est considérable. L'expansionnisme
d'Agadja, roi du Dahomey, qui s'empare du royaume d'Allada en 1724 et peu
après, du royaume de Savi et du port de Ouidah, n'a pas d'autre motif,
en dernière analyse que la volonté de contrôler directement
ce commerce florissant, sans besoin d'intermédiaires (Hountondji,
2000, p.189).
Après l'interdiction du commerce des esclaves par les
Britanniques, l'économie dahoméenne se convertit à une
économie de transformation d'huile de palme sous le règne du roi
Ghézo de 1818 à 1858. Le pouvoir d'État
pré-colonial s'est adapté aux conjonctures économiques
toujours dans une même logique : celle de substituer un produit
à un autre avec l'objectif de rentabilité. C'est dans cette
perspective marchande que la colonisation du Bénin et de l'Afrique s'est
effectuée.
La colonisation avait pour but ultime l'approvisionnement des
industries de la métropole, en l'occurrence Paris, en matières
premières agricoles. L'administration coloniale avait
élaboré sa politique agricole dans les années 1906 dans la
sous- région du Dahomey en créant le Service de l'agriculture et
des forêts de la colonie du Dahomey. Ce Service devait mettre en valeur
les ressources naturelles du Dahomey de façon à attirer les
fermiers européens. Le Service développa des cultures
d'exportation comme l'huile de palme, le cacao, le café, le coton et le
tabac. Chaque type de culture était identifié à une zone
et des techniciens spécialisés étaient affectés
à chaque zone. De plus, on forma du personnel
« indigène » vers 1913, pour assister les colons
fermiers. Les régions ou zones agricoles ne coïncidaient pas avec
les régions administratives, ce qui entraîna des conflits entre
les administrateurs des régions. Effectivement, les régions
administratives ne pouvaient contrôler les « chefs »
des régions agricoles, qui traitaient directement avec le Service de
l'agriculture et des forêts de la colonie du Dahomey, sans passer par
leur autorité, et cela rendait difficile l'administration du territoire.
De plus, les colons européens ne sont pas venus en très grand
nombre et le Service agricole a dû favoriser les cultures locales des
« indigènes » pour approvisionner la
métropole. Ce qui ne fut pas un succès puisque l'agriculture
indigène était peu performante selon les colonies qui
décidaient d'envoyer des « commandants »,
c'est-à-dire des militaires gestionnaires qui appuieraient les
techniciens européens afin d'assurer le bon déroulement du
Service dans chaque région. Mongbo nous dira que cette période
donnera sa couleur au système agricole jusqu'à nos
jours :
En effet, cette option a probablement enclenché la
bureaucratisation du service au lieu que soit privilégié le
raffermissement de ses bases techniques. Ceci sera confirmé à
partir de 1952 lorsque les Sociétés Indigènes de
Prévoyance (SIP) qui étaient supposées constituer des
mutuelles d'assistance réciproque entre paysans finirent, à
l'issue de maintes réformes et acrobaties de l'administration et du
pouvoir colonial par se confondre, en 1975 avec les Secteurs de
développement rural, entièrement contrôlés par
l'État et se situant essentiellement a l'échelle des
arrondissements et sous-préfectures (Mongbo, 2000, p.81).
À ce stade, le Service ne servait plus de soutien
technique aux paysans, il était devenu une partie intégrante de
l'administration en dictant des corvées à tous. Or, au lendemain
de la Seconde Guerre mondiale, l'Europe manquait de tout et les industries
européennes voulaient s'approvisionner en matières
premières agricoles. L'administration coloniale avait encouragé
les regroupements coopératifs et mutualistes de façon à
approvisionner la métropole. Cette même administration, afin de
réduire ses charges salariales auprès des colonies et de
réponde aux revendications d'autonomie des territoires africains, a
facilité, par des moyens techniques et financiers, la mise en place de
coopératives agricoles (Mongbo, 2000). Il faut comprendre que la SIP
(Société Indigène de Prévoyance) et autres
coopératives comme la SOPA (Société de production agricole
d'Abomey), UMAS, UMAD (Union des mutuelles agricoles de Savè et de
Dassa), rendaient leurs adhésions obligatoires auprès des paysans
qui devaient travailler bénévolement dès 1946, sur des
champs collectifs de cultures de rentes qui étaient supposées
servir à la collectivité, mais qui était souvent
envoyées vers la métropole.
2.2
L'indépendance (1960-1975)
Au lendemain des indépendances, l'administration
coloniale est toujours présente, car il n'y a pas de programme politique
planifié qui permettrait à l'État de fonctionner sans
appuis permanents. De plus, le pays n'a pas de personnel qualifié pour
entreprendre de nouvelles politiques agricoles même si l'agriculture est
le principal attrait économique de la région.
Ainsi, les actions entreprises par le gouvernement au
lendemain des indépendances étaient en totale
désarticulation par rapport à ce qui aurait pu être une
politique de développement autocentrée. Une telle politique
était du reste absente, même au niveau du discours. Les actions
couvraient globalement trois grands domaines : la structuration du monde
rural, le développement de cultures d'exportation et la
régionalisation des interventions pour le développement rural.
Malgré un changement radical de discours et
quelques actions d'éclat après 1975, les tendances
générales sont demeurées identiques jusqu'a la fin des
années 80 (Mongbo, 2000, p.83).
Le gouvernement révolutionnaire militaro-marxiste de
1972 critique la politique agricole de l'ère des indépendances et
veut faire une nouvelle politique où l'agriculture sera la base de
l'économie du pays et non plus une agriculture qui sert à fournir
les matières premières pour l'industrie de l'ancienne
métropole. Mais les actions des politiques agricoles sous le pouvoir
marxiste n'auront pas le succès escompté. Le discours sur
l'agriculture, au moment du régime marxiste, était plus
cohérent et planifié, mais cela ne veut pas dire que le plan
d'action avait été exécuté.
2.3 Le socialisme
(1972-1989)
Le modèle de développement de cette
période a été rédigé selon deux
sources : le discours-programme du 30 novembre 1972 et le discours
d'orientation nationale du 30 novembre 1974. Pour mettre les deux discours en
oeuvre un plan d'État sera élaboré :
l'idée-force du plan est la construction à
terme d'une société socialiste caractérisée par la
transformation de la nature du processus d'accumulation sous l'impulsion
dynamique de l'État. Le plan triennal de 1977-1980 s'est donné
comme objectifs d'opérer un développement autocentré et de
développer le marché intérieur en mettant sur pied un
secteur industriel financé par l'agriculture (Houedete, 2000,
p.28).
La période socialiste opère une nationalisation
du pays entre1974 et 1982 lors de laquelle l'ensemble des activités
économiques formelles passe sous la coupe de l'État. Cet
État exerce dorénavant un plus grand contrôle dans les
sociétés d'économie mixte en engageant son capital. Les
banques, sociétés d'assurances, compagnies d'eau et
d'électricité et compagnies pétrolière ont
été complètement nationalisées et diverses autres
compagnies d'État ont été créées dans le
secteur de l'agriculture, de l'industrie, du commerce et des services.
Cette nationalisation aura des retombés néfastes
puisque, pour financer les entreprises publiques, des dettes ont dû
être contractées et ces dettes sont à l'origine de
plus de 75 % de la dette extérieure du Bénin et de 60 %
de la dette intérieure. L'ensemble des fonds publics étaient
englouti dans les salaires des fonctionnaires. Une crise financière
importante s'est installée dès 1983 jusqu'en 1990 où le
socialisme tomba pour faire place à un régime
démocratique. Cette crise principalement caractérisée par
l'endettement extérieur, la faillite du système bancaire, la
chute de l'activité économique (entre autres avec le Nigeria) et
l'alourdissement du déficit public, ne permettait plus à
l'État de payer ses employés.
Par-delà les facteurs économiques, Houedete nous
dira que c'est l'idéologie marxiste qui amena le pays au bord du
gouffre :
...de confisquer dès 1974 toutes les
libertés et de mettre en place un régime de terreur qui, à
terme, a annihilé l'esprit d'initiative et d'entreprise ; de se
lancer dans des fuites en avant suicidaires au plan politique,
économique, social, culturel, institution et
généralisation de l'école nouvelle, proclamation et
imposition du marxisme-léniniste avec comme implications la copie
servile des systèmes institutionnels et économiques en vigueur
à l'époque dans les pays de l'Europe de l'Est); de promouvoir des
bureaucrates peu soucieux de rendement du service public, mais fortement
préoccupés par les avantages que leur confère leur
nouvelle position sociale (Houedete, 2000, p.51).
L'idéologie socialiste a sans doute eu un impact non
négligeable sur l' « empowerment » de la
société, c'est-à-dire le pouvoir que les gens ont sur leur
propre vie. La bureaucratie omniprésente, lègue de la
colonisation et renforcée sous le marxisme, ne permet pas non plus la
prise en main de la société civile. Par contre, les
fonctionnaires non payés depuis plus de neuf mois, ainsi que les
pressions des Béninois exilés, donneront lieu à une
grève générale en 1989 ; ceci forcera le
régime militaire à convoquer une conférence nationale, la
Conférence des forces vives de février 1990 qui adopta
l'option économique néolibérale et renversera de
façon pacifique le gouvernement marxiste.
2.4 Le multipartisme
et les programmes d'ajustement structurel de 1990 à aujourd'hui.
Après la faillite économique et politique du
régime militaro-marxiste en 1989, suivie par une année de
grève de toute la fonction publique, donc de la plus grande partie de la
population, le gouvernement béninois devait trouver une solution
à l'impasse. L'urgence des besoins de financement va l'amener à
solliciter la Banque Mondiale, mais pour recevoir les fonds du Programme
d'Ajustement structurel (PAS), il doit répondre aux critères
de démocratie et de bonne gouvernance. De plus, les Béninois de
l'étranger font des pressions pour une reconstruction complète du
pays au plan politique, par le biais d'une Conférence nationale
souveraine. Mathieu Kérékou avait accepté de laisser
tomber son régime socialiste, mais ce n'était plus suffisant; la
population voulait un changement radical dans le pays. C'est donc à la
suite des pressions intérieures et extérieures que la
Conférence des Forces vives de la Nation eut lieu. On y adopta
un système démocratique et un Premier ministre fut élu
pour la période de transition. C'est dans cette transition, en 1990, que
la privatisation des compagnies d'État a débuté. La
Conférence des Forces vives de la Nation donnait un
nouvel essor au Bénin : le système d'économie
planifiée devenait une économie de marché avec la mise en
place d'une démocratie libérale. Cette conférence fut un
point tournant, non seulement pour le Bénin mais aussi pour toute la
région ouest africaine car, pour la première fois, un pays
changeait de régime parce que la population civile le réclamait,
et cela, sans effusion de sang et sans coup d'État militaire.
L'option néolibérale que les Béninois
vont prendre, à la suite de la Conférence des Forces
vives, posera de nombreuses questions face à la réussite de
ce choix :
Cette option a-t-elle aidé à résoudre
les problèmes auxquels le pays était confronté ? En
d'autres termes, quels sont, les objectifs visés par les PAS et les
moyens mis en oeuvre pour leur réalisation ? Quels sont les
principaux résultats acquis depuis 1990 et à quels prix ?
Dans quelle mesure les objectifs, stratégies et résultats
concourent-ils, ne serait-ce que de manière relative, à
l'émergence et /ou à la consolidation d'une autonomie du
Bénin notamment au plan économique et
politique (Houedete, 2000, p.52)?
Cette suite de questions est le coeur du problème.
Ainsi, l'option néolibérale et les programmes
d'ajustement structurel ont-ils vraiment aidé le Bénin à
se sortir de ce mauvais pas ? Le programme d'ajustement structurel dans sa
phase III (1996-1999) voulait accroître le taux du produit
intérieur brut (PIB) de 6% par an tout en maintenant l'inflation
à un taux inférieur à 3% par an. De plus, le plan ci haut,
s'inscrivait dans la lutte contre la pauvreté, le renforcement de la
politique d'emploi et l'intensification de la lutte pour l'environnement.
Le discours de la Banque mondiale favorise la privatisation
des institutions publiques afin de dynamiser l'économie locale, mais la
conséquence est un alourdissement de la pression fiscale sur les
populations. De plus, cette privatisation de l'État aura comme effet la
diminution de la masse salariale. Donc, pressions fiscales et diminution de la
masse salariale pour rembourser les dettes contractées auprès des
institutions de Bretton Woods. Le mémorandum sur les politiques
économiques et financières de 1996-1997 va comme suit :
En 1997, avec une baise prévue des recettes
fiscales et non fiscales du secteur cotonnier, en raison de la hausse du prix
au producteur et des coûts de revient de la filière, le
gouvernement renforcera le dispositif fiscal afin d'atteindre un montant de
recettes de 178 milliards (14,7 % du PIB). À cette fin, le
gouvernement mettra à l'étude... le renforcement de la
fiscalité sur le ciment, modulera la taxe spécifique sur les
hydrocarbures... ce qui pourrait impliquer une légère
augmentation des prix à la pompe... à la hausse des tarifs de
l'eau et de l'électricité, à la
généralisation des péages à l'ensemble du
réseau routier bitume (Houedete, 2000, p.8-9).4(*)
De plus, le processus de privatisation au Bénin n'avait
pas pris en compte que les notions de management et l'esprit marketing
n'étaient pas ancrés dans les mentalités des
fonctionnaires ce qui a aggravé le rendement des entreprises et l'a
rendu déficitaire. Le seul moyen pour sortir le pays de l'impasse
économique était donc de combiner une politique de minimisation
des coûts et la rigueur en gestion pour éviter les gaspillages et
les fraudes.
Le néolibéralisme aura aussi une influence sur
la flambée des prix, le chômage et l'assujettissement du pays
à la dette extérieure. Les PAS demandaient le
démantèlement du système de contrôle des prix pour
que les importateurs et commerçants soient libres de fixer les
prix ; c'est la libre concurrence. Avec cette nouvelle donnée,
dès 1996 au lendemain des élections, les prix avaient
augmenté de 4 % (Houedete, 2000). La politique fiscale a
contribué à la hausse des prix en introduisant une taxe à
taux unique autant sur les produits courants que sur les produits de luxe. De
plus, les impôts aux grandes entreprises ont été
diminués et ceux des petites entreprises augmentés pour favoriser
l'implantation des multinationales.
Pour ce qui est de l'emploi il est classé dans le
document cadre des PAS sous la rubrique lutte contre la pauvreté. Le
plan d'action de ce document cadre comporte plusieurs volets : le
haussement de la main d'oeuvre des travaux publics, l'encouragement des
initiatives de développement local par l'intermédiaire des O.N.G.
ou des organismes compétents, le renforcement de la dimension sociale de
tous les projets d'investissement et la préparation d'une
stratégie nationale pour l'emploi. Houedete critique cette
clause :
Mais quels emplois promouvoir avec les prescriptions du
FMI ? le recrutement de deux personnes pour trois départs à
la retraite dans la fonction publique ; la transformation des contrats de
pré-insertion d'un an renouvelable en des contrats de cinq ans ;
les discours sur l'auto-emploi et sur les micros-réalisation comme si un
pays s'était jamais développé avec la petite production
(Houedete, 2000, p.63).
En ce qui concerne l'assujettissement économique du
pays, on peut dire que ce qui est promulgué par le PAS c'est
l'ajustement des structures commerciales du pays afin qu'une culture puisse
être exportée ; dans le cas du Bénin ce fut le coton
qui devait rapporter des devises afin de rapidement payer la dette.
Dans le document-cadre de 1996-1999 on peut voir les
orientations prises de concertation avec le FMI, la Banque Mondiale et
l'État. Le gouvernement veut favoriser la diversification de la
production agricole afin de réduire la dépendance de
l'économie à l'égard du coton. La stratégie du
gouvernement prend appui sur le renforcement des services de vulgarisation et
l'amélioration de l'infrastructure routière et populaire et, la
stimulation à la création de petites entreprises exportatrices,
à travers l'élaboration d'études de marché et
analyses approfondies des filières d'exportation (Houedete,
2000, p.64).
Cette stratégie de diversification ne vise pas à
assurer l'autosuffisance alimentaire, mais plutôt l'élargissement
des possibilités d'exportation toujours dans le but de payer la dette
extérieure. De plus, la Caisse française de Développement
exerce ses pressions sur le pouvoir en place pour préserver ses
intérêts néo-coloniaux. Le PAS soutient l'ancienne
politique coloniale qui commande le démantèlement du
système de contrôle des prix et la non-maîtrise de
l'appareil économique ce qui produit l'inflation qui se situe à
plus de 64 % en 1996.
John Igue ajoute que la période coloniale a
laissé des traces indélébiles dans les structures
actuelles des États du Sud en les fragilisant et en désorganisant
la société civile. Les précarités dont souffrent
les pays tels que le Bénin, sont selon Igue :
Au niveau de l'État, l'approbation insuffisante,
sous des régimes politiques par ailleurs très divers, des
exigences actuelles de démocratisation de la société,
d'instauration d'un État de droit et de bonnes gouvernances ; au
niveau de la société civile, une diversité d'acteurs dont
les intérêts divergents compliquent la mission que devrait
accomplir toute société civile (Igue, 2000, p. 144).
Société civile et État sont
confrontés à l'instabilité socio-politique de
différents ordres : les contraintes géographiques, la
mauvaise circulation de l'information à l'intérieur du pays
même et les pressions coloniales. Il faut donc une recomposition des
espaces politiques et géostratégiques comme l'avance Igue pour
que les sociétés civiles puissent émerger et que
l'État puisse compter sur des acteurs dynamiques.
2.5 Les nouveaux
acteurs de développement économique, social et politique
Les États ayant de plus en plus de difficulté
à exercer leur souveraineté dans l'économie de
marché actuelle de la mondialisation, et donc de plus en plus de
difficultés à répondre aux besoins de leurs populations,
des économies parallèles se sont développées afin
de pallier aux manques. Les programmes d'ajustement structurel qui ont
été imposés aux États afin de recevoir de
l'« aide internationale » ont conduit les pouvoirs publics
à limiter et à diminuer leurs budgets nationaux consacrés
aux services sociaux, à l'habitation, à l'éducation et
à l'alimentation. Ceci va fragiliser la politique intérieure de
ces pays par l'effet de la corruption et des injustices de toutes sortes,
mettant du fait même un frein au développement à cause des
conflits et des scandales qui éclatent et rendent instables ces
États. Favreau et Fréchette vont dans le même sens, mais
font ressortir en même temps un élément important à
savoir, que la faiblesse de l'État favorise une solidarité qui
provient de la base :
La marge de manoeuvre des États chez les pays du
Sud, dans leur fonction de redistribution, a été réduite
à sa plus faible expression. Les populations de ces pays se retrouvent
ainsi plus que jamais contraintes de concevoir elles-mêmes de nouvelles
formes de solidarité et d'entraide, économiques et sociales tout
à la fois, afin de résoudre les problèmes les plus
cruciaux auxquels elles sont confrontés (Favreau, 2002, p15).
Cette solidarité montante, même si elle reste
locale, cherche à recréer des réseaux économiques
à l'aide de coopératives, de mutuelles, d'associations, de
regroupements villageois n'ayant pas de liens avec l'ancien système de
coopératives et de mutuelles sous le régime socialiste,
lesquelles peuvent être qualifiés de réseaux
d'économie sociale. De plus, les acteurs de ce mouvement cherchent
à prendre leur place dans le champ de la vie publique. Les initiatives
locales au Sud tentent de créer des réseaux
socioéconomiques qui combinent à la fois les dimensions
marchandes et non marchandes (Defourny, 1999). Ces réseaux sont souvent
soutenus par des O.N.G., au Sud, et ils cherchent à adapter les modes de
production marchands aux sociétés et à leurs cultures
spécifiques. Les caractéristiques des réseaux
d'économie sociale se distinguent selon Favreau et Fréchette par
le :
regroupement des personnes en tant qu'associés
d'une même entreprise poursuivant tout à la fois des objectifs
sociaux et des objectifs économiques, misent principalement sur un mode
de gestion démocratique et utilisent le capital disponible dans une
perspective d'entrepreneuriat social et collectif (Favreau, 2000,
p.9).
L'expérience Songhaï est particulièrement
intéressante puisque ce projet est à la fois une O.N.G. qui
favorise l'essor des réseaux d'économie sociale en donnant une
formation adaptée à la société (ethnies avec
l'ensemble de leurs traditions et cultures différentes), tout en
créant des entreprises d'économie sociale (coopératives
agricoles...), qui sont prises en charge par leurs membres (fermiers
ex-étudiants de Songhaï et fermiers non étudiants de
Songhaï) avec une participation démocratique.
CHAPITRE III
LE PROJET
SONGHAÏ : ÉVOLUTION ET PROBLÉMATIQUE
Dans l'optique du renouvellement des pratiques sociales, il
est intéressant de comprendre la relation qu'entretiennent le Nord et le
Sud, les processus de développement au Sud, et les intérêts
du Nord dans cette « entreprise » de développement.
Nous avons choisi pour réaliser une étude de cas, le projet
Songhaï du Bénin, entre autres parce que M. Nzamujo, Fondateur de
Songhaï du projet, avait exprimé, dans un de ses ouvrages, les
difficultés rencontrées avec ses bailleurs de fonds et les
stratégies qu'il avait adoptées pour contourner ces
difficultés. C'est au travers de la
relation des bailleurs de fonds -- du Nord -- et le projet Songhaï -- au
Sud --, que nous définirons la relation Nord-Sud.
3.1 Description du
Projet Songhaï
Songhaï est une Organisation Privée de
Volontaires, une O.N.G. qui est enregistrée au Bénin, qui y
opère, qui est maintenant présente au Nigeria, et dont la mission
fondamentale est d'amorcer une transformation « morale et
technique » au sein des populations les plus
défavorisées pour accroître leur esprit d'entrepreneuriat.
C'est une idée d'« empowerment » pour
développer et transmettre des valeurs humaines appropriées
à un changement de comportement, pour que les jeunes, les paysans, les
femmes et les entrepreneurs deviennent des acteurs de leur propre
développement, capables d'initiatives et de créativité. Le
Centre Songhaï est un centre agrobiologique de formation, production,
transformation, recherche et développement en agriculture. Il est
doté de plusieurs « fermes-écoles » qui
développent un système de production viable et peu coûteux
basé sur l'agrobiologie et intégrant l'agriculture,
l'élevage et la pisciculture. Son but est de valoriser les ressources
naturelles locales pour diminuer les coûts de production et mettre en
évidence les possibilités de synergie entre les différents
secteurs de production.
Le premier centre Songhaï a été
fondé en 1985 par M. Godfrey Nzamujo, un religieux
bénédictin. Nigérian d'origine, celui-ci partit vivre aux
États-Unis en 1970, où il fit ses études en informatique
et compléta sa formation par des études de microbiologie et de
chimie. Il devint ensuite professeur d'électronique et d'informatique en
Californie. En 1983, la crise en Éthiopie provoque un questionnement
chez Nzamujo et il décide de revenir en Afrique, au Bénin.
Il entreprend de créer un centre agropastoral qui deviendra un
réseau aux possibilités nombreuses.
Songhaï est aujourd'hui implanté sur plusieurs
sites au Bénin. Le siège du centre ainsi que la première
« ferme-école » sont
situés à Ouando, en banlieue de
Porto-Novo, capitale administrative du Bénin située au sud-est du
pays. Ensuite, vient la Ferme-école de Tchi-Ahomadegbé, devenue
une coopérative en 1996 et qui est située dans le
département du Mono (sud-ouest du Bénin). Puis, une
« Ferme villageoise » est créée par les
anciens élèves de Songhaï et la population rurale de
Kinwedji (département du Mono) est, elle aussi, soutenue par le centre
Songhaï. De plus, une ferme de production a été
créée à Ilaro, au Nigeria, ainsi que de nombreux
groupements féminins et mixtes toujours rattachés à
l'agriculture et sa commercialisation. Et dernièrement, deux nouveaux
centres ferme-école ont vu le jour, l'un dans le département du
Zou à Savalou (centre) et le second dans le Borgou (Nord-est) à
Parakou.
Une équipe d'animation paysanne assure un suivi
à un réseau de plus de 250 fermes à travers tout le pays.
L'équipe a comme tâche d'accompagner les fermiers dans leur
installation en déterminant les chances de réussite, les
meilleures activités de départ, les investissements et les
financements appropriés pour favoriser l'essor de la ferme. De plus, le
secteur agricol, s'il veut être dynamique, se lie souvent à
l'industrie et à la commercialisation. Songhaï a ainsi
développé des services complémentaires à
l'agriculture, comme l'artisanat, les technologies et la mécanisation
appropriés ou adaptés aux diverses régions du Bénin
et au climat tropical.
Le Projet Songhaï a pris une ampleur considérable
depuis quinze ans et il compte aujourd'hui plus de 150 employés
(animateurs, techniciens, et responsables). Au-delà de son rayonnement
sur le territoire national, Songhaï est un véritable mouvement
international avec des partenaires comme Songhaï-France,
Solidarité-Songhaï, Louveciennes Afrique et Développement,
Songhaï-Chasselay, USAID (United States Aid for International
Development), Danida, CCFD (Comité catholique contre la faim pour le
développement), Songhaï Support Group (California), le PNUD
(Programme des Nations Unies pour le Développement), l'HCR (Agence des
Nations Unies), RABOBANK FOUNDATION (Pays Bas), l'Accion Verapaz (Espagne), le
SID (Society for International Development), le CRDI (Centre de Recherches pour
le Développement International), la Coopération Française,
CODEV-Toulouse (France), les gouvernements du Bénin et du
Nigéria.5(*)
Figure 2 Voici un schéma de production
complet tel que présenté par Songhaï. Il est basé sur
un système intégré qui exploite les avantages de la
synergie entre l'agriculture, l'élevage et la pisciculture, d'une part,
et entre la production, la transformation et la commercialisation de l'autre
(Songhaï, 2003,
www.songhai.org).
Le volet formation est essentiel, il se poursuit avec
l'accompagnement des fermiers dans l'établissement de leurs fermes et la
mise en chantiers de leurs plans agricoles, d'élevage et de
transformation. La recherche est constante chez Songhaï pour
développer des outils et des techniques qui rendent la production
adaptée au sol et à la culture. Il faut ajouter l'infrastructure
des comptoirs de vente, de la restauration, des
télécentres, des crédits et des filières
qui établissent un réseautage et un partenariat avec les acteurs
privés. Le projet Songhaï est beaucoup plus vaste que le simple
projet agropastoral, il s'en dégage un projet de société
et de développement durable. Nsamujo ajouterait ce qui suit :
À Songhaï, nous voulons réparer cette
situation mortifère qui fait douter l'Afrique d'elle-même, non pas
à travers de beau discours, mais en développant une culture de
succès. Les ateliers mis en place ainsi que le système de
production agro-alimentaire sont destinés d'abord à asseoir cette
mentalité de confiance en soi pour entraîner cette
nécessaire conversion vers la vie et le changement (Nzamujo, 2002,
p.35).
Nzamujo veut inculquer des valeurs de travail, de courage et
de confiance en soi à la population, nous dirions de l'empowerment.
3.2 Le modèle
de développement de Songhaï
Le fondateur Nzamujo mise fortement sur les relations entre
différents axes ou facettes du monde socio-économique, de
l'agriculture, du politique et même du spirituel. Le système
holistique est privilégié et il passe par les institutions
sociales ou spirituelles, qui produisent des valeurs, celle du travail ou du
bien commun par exemple, et cette synergie permettra au système
économique de devenir plus performant. L'être et l'avoir ne
s'opposent pas, mais doivent s'enrichir mutuellement pour créer
richesse personnelle et conscience collective. D'ailleurs, selon Nzamujo,
Une grande part de la pauvreté de l'Afrique vient
de ce que les valeurs du bien commun ne sont pas solidement
ancrées : chacun cherche son intérêt individuel. Si le
bien commun était central, il fournirait le cadre de la dynamique
économique collective, du véritable développement au
service de chacun et de tous. C'est là un défi que veut relever
Songhaï : associer la dynamique de marché à la
dynamique culturelle et sociale, car les valeurs économiques et
éthiques sont liées et ne peuvent aller les unes sans les autres
(Nzamujo, 2002, p.55).
Les valeurs du bien commun doivent aussi transparaître
dans la relation entre le Nord et le Sud. Il est crucial pour Nzamujo qu'un
véritable partenariat s'établisse pour que puisse se
rétablir un équilibre essentiel au bon fonctionnement de la
communauté internationale et pour ce faire les pays
industrialisés devraient accroître leur aide aux pays en
développement afin de leur permettre de faire face à leurs
engagements financiers. De plus, si des capitaux sont investis au Sud et que
des partenariats sont établis entre les pôles certains
problèmes au Nord, comme le chômage, pourront trouver des
solutions avec le partage des expertises et des technologies.
Mais le processus de l'évaluation du projet
Songhaï est une préoccupation plus immédiate. Il est
nécessaire pour le projet Songhaï, comme tout projet qui veut
s'épanouir, d'avoir une évaluation constante des
« façons de faire » et des acteurs qui participent
au projet pour que « l'excellence », devise de
Songhaï, ne soit pas un simple slogan. Par ailleurs, le problème
est que les outils traditionnels d'évaluation sont souvent
inadéquats, car le projet Songhaï est imbriqué dans la
culture locale et africaine et un évaluateur externe qui ne tient pas
compte de ce paramètre risque de passer à côté de la
réalité.
surtout quand l'évaluateur joue à
l'inquisiteur soupçonneux croyant être le défenseur des
intérêts des bailleurs de fonds. L'évaluation - dont le but
est normalement de progresser ensemble -, devient alors un
élément de destruction plutôt que de construction. Dans ce
cas, elle est non seulement inutile mais un mécanisme d'agression et
induit de la fraude, du mensonge (idem, p.77).
Songhaï met l'accent sur les processus et non les
résultats ; c'est le trajet suivi et les potentialités
éveillées qui sont les vrais fruits du travail. C'est le
développement des capacités à faire face aux
problèmes et à les résoudre qui est
privilégié afin de relever des défis toujours plus
importants. Les variables de l'économie, du social et des valeurs
spirituelles doivent faire partie de l'évaluation. Cette
évaluation globale doit permettre à chaque personne de se situer
elle-même dans le projet. Les qualités tels que le leadership, la
participation à la recherche du bien commun, le sens du devoir,
où des qualités telles que les savoirs comptables et
agricoles sont aussi importants et doivent faire partie de l'évaluation.
Pourtant, l'évaluation n'est pas chose facile, car en tenant compte des
paramètres culturels la communication n'est pas toujours claire. Nzamujo
décrit clairement cette difficulté de communication et l'explique
par le fait que, quand on n'a pas l'habitude de se dire la vérité
en face, de se regarder, de porter un jugement les relations interpersonnelles
deviennent plus délicates. Et pourtant, reconnaît - il on ne peut
que travailler dans ce contexte de codépendance. Il reste donc à
faire passer aux formateurs et aux responsables l'étape de respect
du contrat moral qui lie chaque membre à la mission.
Ce contexte interne s'observe au plan international, dans la
relation Nord-Sud. L'évaluation par les bailleurs de fonds est aussi un
des aspects centraux selon Nzamujo, afin que le partenariat soit clair et
efficace.
Mais ce qui préoccupe encore davantage Nzamujo c'est
comment le projet Songhaï pourrait passer du micro au macro. Songhaï
est un projet de développement qui a des résultats enviables et
qui opère des transformations locales. Mais peut-il transformer toute
l'Afrique à partir du Bénin? Comment aller plus loin que le
lancement d'un lieu expérimental, se demande-t-on déjà
à Songhaï. En effet, le défi du développement
aujourd'hui se trouve à ce niveau : il faut pouvoir passer des
exceptions à la généralisation des réussites
locales, pour que les efforts servent véritablement à changer les
choses. C'est une urgence en Afrique aux dires du Fondateur.
Nzamujo se préoccupe d'un ensemble de facteurs qui sont
tous imbriqués les uns dans les autres. On ne peut soustraire le
modèle de développement de Songhaï de son financement et de
son évaluation. Ce modèle de développement est directement
lié à un projet plus large que celui du développement
local, c'est le développement de l'Afrique dont il est question pour
l'auteur. Ce développement aura besoin d'un appui majeur en financement
et en évaluation, mais surtout en dialogue pour que chaque acteur,
population, gouvernement et bailleur de fonds, soit à même de
prendre une direction commune malgré leurs intérêts
divergents.
3.3 L'évolution
de Songhaï
Nzamujo nous décrit Songhaï comme étant son
acte de foi en la valeur du travail et de la discipline. Songhaï est un
projet de société qui doit englober toutes les sphères de
la vie humaine telles le social, l'économique, et le spirituel, car
pour le fondateur, la vie en société repose sur ces trois
piliers. Celui-ci disait aussi que dans la sphère de l'agriculture la
synergie doit primer.
Songhaï a, dès le début de son
existence, mis l'accent sur les grandes relations systémiques. Son
existence elle-même résulte de la construction d'un système
où des activités traditionnellement séparées sont
mises en relation. Songhaï est le résultat d'un système
« énergie-agriculture-élevage » que nous
appelons « système intégré de
Songhaï ». Ce système a été mis en place
dès 1985 (Nzamujo, 2002, p.54).
En effet, Songhaï est né modestement, en 1985,
avec dix hectares de terrain à Ouando en banlieue de Porto-Novo,
donné par le gouvernement béninois et une équipe de six
jeunes déscolarisés. Après
avoir défrichés le terrain et construits six bassins
piscicoles, ce sont des amis, nommés le support group, qui ont
financé l'achat de 32 oeufs de cailles, 12 canards, 100 poulets, 10
truies et 20 ovins et caprins. Ces animaux donnèrent un bon rendement et
un an plus tard ils permirent à Songhaï, d'après les
résultats obtenus sur le terrain, d'obtenir un premier engagement
financier avec l'ADF (Africain Development Foundation). Ces fonds permirent la
construction de 84 bassins de pisciculture et celle d'une porcherie.
C'est en 1987 que, pour la première fois, Songhaï
accueillit 28 étudiants. Avec autant de personnes qui travaillent en
apprenant, le projet Songhaï prend de l'expansion et donne des
récoltes très abondantes ; ce sont ces récoltes qui
mirent sur pied un système de vente et de livraison afin de ne pas
perdre les denrées. Le volet formation devint de plus en plus important
et structuré en donnant des promotions de 15 étudiants tous les
six mois. C'est en 1988, lors de la remise des premiers diplômes que de
nouveaux partenaires vinrent collaborer et renforcer l'équipe de
Songhaï.
Par la suite, en 1989, un second centre, le Centre de
Tchi-Ahomadegbé, fut construit dans la région du Mono sur un
terrain, beaucoup plus vaste que le précédent. C'est à ce
moment que l'expérience dut s'adapter selon un nouveau contexte ;
celui d'un village qui préexistait sur les 125 hectares. Des jeunes
allèrent s'y installer pour construire les bassins de pisciculture et
les infrastructures et peu à peu d'autres jeunes du village
demandèrent à être formés et à participer au
projet Songhaï. De cette expérience sept coopératives se
constituèrent sur le site et le FED (Fonds européen pour le
développement) se joignit au projet par son financement.
En 1989, un premier colloque fut organisé à
Ouando pour faire connaître la philosophie, ce qu'on nomme comme le
modèle de développement de Songhaï, et la théologie
du mouvement Songhaï. Ce colloque permit la rencontre entre les
praticiens, les théologiens, les élèves, les intellectuels
et les gens du Nord et du Sud. La conception du développement de
Songhaï était maintenant connue et avait de plus en plus de support
des populations et des bailleurs de fonds.
Par la suite, Songhaï ouvre un magasin de vente de ses
produits à Cotonou en 1991. L'année qui suit, des
activités de transformation agricoles vont débuter avec la mise
sur pied d'une charcuterie, d'une industrie de jus, de confiture et de farine
de manioc. Un restaurant et une formation en restauration et
en hôtellerie suivirent en 1993, et tout cela était pour
mettre en valeur les produits agrobiologiques de la ferme de Ouando. De plus,
un atelier de mécanique, un abattoir et une unité de
réfrigération sont mis en place la même année.
Songhaï ne fait pas que créer des projets il est
aussi appelé à en soutenir et c'est dans cet esprit qu'un
réseau de fermiers fut mis en place dès 1995. Ce
réseau servait avant tout à donner de l'assistance technique, de
la formation et du crédit afin de stimuler le milieu. Par la suite, un
point de vente Songhaï fut créé à Lakossa pour
permettre au réseau des fermiers de commercialiser leurs produits.
En 1996 Songhaï se retire du centre de
Tchi-Ahomadegbé tout en restant une équipe-conseil. Songhaï
confiera la ferme-école à une coopérative villageoise qui
poursuivra ce qui a été commencé et qui obtiendra le prix
de la productivité de la CEDEAO (Communauté économique des
États de l'Afrique de l'Ouest) en 1999. Le gouvernement du Bénin
avait demandé à Songhaï de faire de nouveaux projets plus au
Nord, à Savalou et à Parakou. Ces projets furent
réalisés sur deux années à cause des travaux
d'aménagement très importants.
Parallèlement, l'IFED (Institut de formation des
entrepreneurs en développement) fut créé en 1997 pour
assurer une formation continue aux anciens élèves, mais aussi
pour organiser des colloques et des séminaires. De plus, un autre
atelier de mécanique s'est mis sur pied pour fabriquer des machines
agricoles adaptées aux besoins des sols, et des cultures.
C'est en 1999 que l'USAID (United States Aid for International
Development) s'est joint au projet Songhaï pour développer un
réseau de télé-services communautaires et financer en
partie les centres de Savalou et Parakou. Pour ce qui est du réseau de
télé-services, il permit à la population et aux fermiers
d'avoir accès aux nouvelles technologies de l'information. Le premier
télécentre a été construit à Porto-Novo et
il peut accueillir une centaine de personnes par jour ; les
télécentres de Savalou, Parakou et Lakossa sont aussi
opérationnels, mais offrant un peu moins de services que celui de
Porto-Novo. De plus, un système de communication par radio relie les
centres de Ouando, Parakou et Savalou de façon à ce que les
informations en tout genre soient toujours disponibles aux populations et aux
fermiers. Les centres de Parakou et de Savalou furent inaugurés cette
même année et un centre de réfugiés à
Kpomassè fut confié à Songhaï afin d'y faire une
ferme agropastorale en lien avec la ferme et la coopérative de Ouando.
Cette dernière initiative ayant eu un grand succès, permit le
réinvestissement des surplus des activités agricoles dans la
création d'une route, d'une clinique et d'une école pour les
réfugiés et la population locale.
L'USAID répond à un nouveau projet en chantier
depuis 2002, celui d'un réseau de vente par filières qui
allierait les fermiers de Songhaï à des partenaires privés
pour le transport des marchandises ou la transformation des produits.
Songhaï est toujours en mouvement et permet l'innovation et l'adaptation
à tous les contextes. Songhaï n'est pas une structure rigide, c'est
un vaste mouvement chapeauté par un modèle de
développement où le travail et l'entrepreneuriat sont au
rendez-vous et la synergie est un élément clé comme le dit
si bien Nzamujo :
Un développement social seul n'apporte rien. Un
développement économique seul n'apporte rien, pourtant on a
beaucoup travaillé dans ce sens - hélas !- oubliant les
autres dimensions de la vie. Pour promouvoir le développement d'une
société, il est nécessaire que le social,
l'économique et le spirituel travaillent ensemble. La crise en Afrique
est une crise morale et spirituelle plus qu'économique au sens strict.
Dans ces trois domaines- social, économique et spirituel-, qui est
valorisé. C'est l'effet de synergie qui explique le succès des
économies asiatiques car elles reposent sur de solides valeurs
culturelles et sociales qui permettent à l'économie d'atteindre
des performances supérieures à ce que peut atteindre l'Occident
(Nzamujo, 2002, p.55).
Songhaï est selon son fondateur, le résultat d'une
dynamique économique et institutionnelle, mais aussi d'une dynamique
interpersonnelle, car ce sont les membres de Songhaï, les formateurs
et les formés, qui font de Songhaï ce qu'il est maintenant.
3.4
Problématique
Certains bailleurs de fonds ont critiqué Songhaï
en disant qu'il ne donnait pas de résultats quantifiables après
deux ans et ces mêmes bailleurs de fonds ont imposé une marche
à suivre pour que Songhaï puisse avoir droit au financement.
Songhaï a refusé de se plier à ces règles qui ne lui
convenaient pas, car il voulait rester fidèle à ses valeurs de
« processus de développement humain à long
terme ».
Ce n'est pas que les bailleurs de fonds soient opposés
à l'idée du développement humain, mais c'est
l'évaluation des résultats qui cause problème, car les
résultats du développement humain ne sont pas
immédiatement quantifiables. D'autre part, Songhaï est pris dans un
conflit de visions, non pas seulement avec les bailleurs de fonds, mais aussi
avec certains de ses participants et la population locale.
3.4.1 La capacité
entrepreneuriale chez Songhaï
Songhaï propose une formation pour « changer
les mentalités » et non une formation qui forme des
gestionnaires de projet. Songhaï veut promouvoir la culture d'entreprise
et former des leaders qui seront capables d'avoir une vision, de la formuler et
de la développer. Cette vision devrait se transformer en mission et
s'intégrer dans le mouvement Songhaï. Enfin, cette mission serait
mise en oeuvre avec l'aide et la participation des autres acteurs du mouvement.
Le leader aurait le devoir d'orchestrer l'ensemble des actions, mais aussi les
valeurs propres à Songhaï. L'économie et l'éthique
sont continuellement mises de l'avant dans le mouvement Songhaï pour
construire une nouvelle société. Pourtant, l'éthique et
les valeurs prônées par Songhaï ne peuvent être
imposées, elles doivent plutôt faire partie de la formation pour
s'intégrer dans les consciences : c'est de cette façon que
Songhaï entend « changer les mentalités ».
Pour cette O.N.G., le « changement de
mentalités » passe par le travail ; Songhaï veut
valoriser le travail et pour cela il donne l'exemple lui-même. Ses
formateurs doivent être productifs, et s'ils y parviennent, ils
reçoivent une prime. La formation est là pour faire
acquérir des connaissances pratiques et des attitudes face au travail.
La démarche de Songhaï n'est pas courante.
Elle a pris racine dans le système de formation. Or en Afrique, quand on
est bon élève, c'est pour devenir ingénieur, un
« spécialiste », pour acquérir un titre et ne
pas travailler, ne pas avoir à produire (Idem, p.80)!
Nzamujo ajoute que beaucoup de consultants ou d'experts en
développement ont adopté la même ligne de pensée
face au travail, mais sans connaître la manière de l'appliquer, ce
qui les rendait souvent moralisateurs. Les valeurs du travail
prônées par Songhaï s'inscrivent dans un tout : la
maintenance des biens et des lieux, le respect de la société et
du bien commun, tout comme la fierté et la dignité de chaque
personne.
L'objectif de Songhaï est donc de former des
leaders-entrepreneurs socio-économiques. Ces hommes et ces femmes
seraient des gestionnaires professionnels, mais aussi des agents de changement
pour leur région tout en étant des formateurs auprès des
jeunes. Bref, des leaders qui feraient émerger le meilleur dans chaque
homme pour un meilleur développement communautaire des régions et
un meilleur bien-être individuel et collectif pour tous. Reprendre du
pouvoir sur sa vie, l'empowerment pour tous, mais un empowerment mis en oeuvre
par le modèle de développement de Songhaï.
3.4.2 Les conflits de
visions
Le principal problème selon Nzamujo, serait que les
conceptions du monde de la coopération internationale en matière
de développement reposent encore sur les théories
keynésiennes du financement du secteur économique, pour favoriser
le décollage économique ; or, cela serait une erreur dans la
mesure où le développement ne repose pas sur l'apport du capital,
ni sur l'aide internationale. Il ajoute que les institutions de la
coopération internationale sont en crise ; au Nord, les populations
ne croient plus en leur travail, car on n'en voit pas les résultats. De
plus, les institutions du Nord ne se remettraient pas en question, car elles
seraient aux services des gouvernements.
En fait, Songhaï propose un modèle de
développement holistique qui englobe l'environnement, les ressources
humaines, la gestion politique, la technologie et le capital financier. Pour ce
qui est des bailleurs de fonds, ils ont une approche plutôt sectorielle
selon Songhaï. Il faut ajouter que le plus important pour Songhaï,
c'est de commencer à réaliser le projet avant de demander des
fonds, afin de faire valoir la détermination de ses acteurs, et aussi
pour que ces derniers soient motivés et prêts à continuer
le financement. L'auteur ajoute :
Les bailleurs de fonds cherchent à utiliser
leur argent sans se soucier de la préparation du milieu
récepteur. Ils n'accordent trop souvent leur aide que sur la
présentation de budgets prévisionnels économiques
sans consistance réelle (idem, 107).
Songhaï rencontre des difficultés qui ne viennent
pas juste de l'extérieur (bailleurs de fonds). Songhaï
dénonce un autre problème touchant le financement des O.N.G. en
Afrique, la difficulté à mobiliser les fonds publics nationaux,
car ils sont souvent destinés aux campagnes électorales. La
coopération avec le secteur public national peut devenir risquée
si on ne sait pas imposer sa vision dès le début, selon Nzamujo.
Le milieu du développement local, où les O.N.G. usent des
« relations » pour obtenir le maximum d'argent des
bailleurs de fonds, quitte à se travestir, est un milieu où
Songhaï heurte les habitudes, non seulement celles des O.N.G., mais aussi
celles de la population locale. Un article dans Le Matinal, quotidien
béninois, du 30 octobre 2003 faisait état de vive tension entre
les stagiaires et l'administration de Songhaï qui s'est soldée par
le renvoi des stagiaires contestataires. Cette structure riche en idées
et en action rencontre aussi certains écueils et le processus de
changement des « mentalités » peut rencontrer des
obstacles de la part des étudiants. De plus, Nzamujo racontait :
Quand j'ai commencé à installer ce projet de
développement au Bénin, j'ai rencontré une
« mentalité de projet » (l'argent vient de
l'extérieur, il faut se le partager); c'est l'expression d'une perte de
foi et de confiance en soi, une incapacité à
dire : « nous pouvons le faire ». En Afrique
francophone plus qu'ailleurs, on considère qu'on n'est rien et que c'est
l'Occidental (le Blanc) qui peut tout. Alors, on attend tout de lui (idem,
p.33).
Que ce soit au niveau national ou au niveau international il y
a différentes façons de concevoir le développement et le
Fondateur de Songhaï croit que le dialogue est la base d'un partenariat
entre le Nord et le Sud et que la mondialisation n'est qu'un nouveau
défi à relever, un défi qui permettra peut-être de
renouveler le rapport entre les sociétés du Nord et celles du
Sud.
3.4.3 Questions de
recherches
Comme nous venons de le voir, les contradictions entre
l'approche large (développement intégré) de Songhaï
et l'approche plus pointue (développement sectoriel et par programme)
des bailleurs de fonds au Nord, sont omniprésentes. Après cette
constatation, ce qui nous intéresse principalement chez
Songhaï est le rapport qu'il entretient avec ses bailleurs de
fonds sur le plan du financement. Le
financement d'un organisme comme Songhaï doit se faire sur des bases
communes ; c'est-à-dire que la vision et la mission de l'O.N.G.
doivent être partagées de part et d'autre.
Le Projet Songhaï met l'accent sur les processus et non
les résultats ; c'est le trajet suivi et les potentialités
éveillées qui sont les vrais fruits du travail. C'est le
développement des capacités à faire face aux
problèmes et à les résoudre qui est
privilégié afin de relever des défis. Alors,
comment le projet Songhaï, projet qui ambitionne d'être un moteur de
développement national, arrive à se financer et à se
déployer sur le territoire du Bénin, par le biais de
l'« aide internationale », sans transformer sa mission pour
être en accord avec les critères de ses bailleurs de fonds qui ne
favorisent pas systématiquement les processus, mais plutôt les
résultats ?
D'une part, nous voulons savoir quels sont les critères
d'octroi de l'« aide internationale », c'est-à-dire
des bailleurs de fonds spécifiques à Songhaï. À quels
besoins répondent-ils ? Quelle sorte de développement
favorisent-ils ? D'autre part, nous voulons savoir quelles sont les
stratégies de Songhaï pour obtenir ce financement sans transformer
sa mission.
L'expérience Songhaï est donc riche en
réussites, mais aussi en obstacles et les vrais partenariats où
chaque membre se respecte sont très rares selon le fondateur du projet,
car beaucoup de bailleurs de fonds ont tendance à l'ingérence.
C'est à cet effet qu'il est intéressant de comprendre la
dynamique entre les bailleurs de fonds et le modèle de
développement de Songhaï, d'abord pour voir les différences
de visions ou dans les façons de concevoir le développement,
ensuite pour observer dans quelle mesure ces conflits de visions peuvent
être surmontés, et enfin pour proposer des pistes de
renouvellement des pratiques sociales.
CHAPITRE IV
MÉTHODOLOGIE
4.1 Une recherche
qualitative
Cette recherche est de nature qualitative
dans une perspective compréhensive. Le type de
recherche qualitative effectué est celui de l'étude de cas. Les
données ont été traitées sous forme d'analyse
de contenu thématique. Cette méthode de recherche est
appropriée pour mettre en lumière les contradictions entre
l'approche large (développement intégré) de Songhaï
et l'approche plus pointue (développement sectoriel) des bailleurs de
fonds au Nord. L'analyse thématique permet de circonscrire divers
thèmes. Cela permet de nuancer les propos qu'entretient chacun des
acteurs choisis et de déterminer si le Projet Songhaï, qui dit
mettre l'accent sur les processus et non les résultats, arrive à
financer ses projets sur cette base auprès de ses bailleurs de fonds de
l'« aide internationale ».
4.2 Le choix des
données
Pour répondre à la question de recherche, la
triangulation de trois sources de données sera utilisée :
des entrevues, des documents administratifs ainsi que le trimestriel
« L'Aigle de Songhaï ». Puisqu'un des objectifs est
d'explorer en profondeur les relations que Songhaï entretient avec ses
bailleurs de fonds, des entrevues ont été menées
auprès du Fondateur du Centre Songhaï, M. Nzamujo, mais aussi
auprès de certains de ses bailleurs de fonds tels que USAID et OXFAM
Québec. Ensuite, trois autres entrevues ont été
réalisées avec des personnes ayant eu des liens avec Songhaï
afin de recueillir des points de vue extérieurs : un professeur du
Centre polytechnique de l'Université du Bénin ; un
chargé de stage dans le domaine de l'agronomie de la même
université ; et un étudiant en
doctorat de l'Université de Maastricht aux Pays-Bas.
4.2.1 Description des
participants
M Godfrey Nzamujo est le fondateur de Songhaï. Né
en 1949 et nigérien d'origine, il a suivi une formation universitaire en
agronomie, en économie et en informatique aux États-Unis pour
ensuite devenir un prêtre dominicain. Il a été professeur
d'université en électronique-informatique pendant une dizaine
d'années aux États-Unis avant de retourner en Afrique
(Bénin) pour implanter un projet de développement durable.
Cosme Quenum est le responsable du projet Songhaï
à USAID Bénin, à l'USAID situé à Cotonou,
Bénin. Il est chargé de suivre les dossiers reliés au
partenariat Songhaï-USAID. Il est originaire du Bénin, il a fait
ses études à l'Université de Montréal et il
travaille depuis plusieurs années à USAID Bénin, qui est
le partenariat le plus important de Songhaï.
Lise Rioux est la Directrice d'OXFAM-Québec au
Bénin, c'est elle qui a créé le partenariat avec
Songhaï et qui a planifié avec Songhaï les modalités
à long terme du projet. Elle est originaire du Québec (Canada) et
elle travaille depuis plus d'une quinzaine d'années en Afrique avec
OXFAM, dont les quatre dernières années au Bénin.
Points de vues extérieurs
Gédéon Chaffa est professeur depuis plus de 20
ans au C.P.U. (Centre polytechnique de l'Université du Bénin), il
coopère avec Songhaï par le biais du stage de ses étudiants
en mécanique. Il est originaire du Bénin, spécialiste en
électricité et mécanique, il a visité Songhaï
à ses débuts et il fait partie d'un groupe de professeurs qui
travaillent sur la mise en place d'un partenariat plus officiel entre le C.P.U
et Songhaï.
Djago Yaou est technicien supérieur chargé de
stage depuis une vingtaine d'années à l'Université en
agronomie (Centre polytechnique de l'Université du Bénin,
CÉCURI). Béninois d'origine, il a fait une partie de ses
études universitaires en France où il a développé
sa spécialité, l'élevage de lapins. Il a produit un guide
pratique ainsi que d'autres publications à cet effet, il a aussi
fondé une O.N.G. qui oeuvre auprès des agriculteurs afin de
renforcer leurs connaissances dans l'élevage du lapin. Il est
allé à plusieurs reprises au Centre Songhaï pour
échanger sur des techniques en agronomie et il connaît les
problématiques en matière d'élevage et de
coopération internationale.
Daniel Dalohoun, est un étudiant en
doctorat, à l'Université de Maastricht aux Pays-Bas (Economics
and Policy Studies of technical Change). Béninois d'origine, il
fait ses recherches sur l'impact de la formation de Songhaï sur la
pratique agricole des fermiers du Bénin. Il a suivi les formations
à Songhaï sur une période de trois mois pour ensuite aller
interviewer une soixantaine de fermiers (anciens élèves de
Songhaï) dans toutes les régions du Bénin.
Ces points de vues qui parlent de Songhaï, de son
expérience et de ses stratégies permettent de mettre en
perspective les propos du Fondateur ainsi que ceux de ses bailleurs de fonds.
Les personnes interviewées sont des personnes qui ont
été recommandées par Songhaï dans le cas de Cosme
Quenum, Lise Rioux et Daniel Dalohoun, ou par des anciens
étudiants du C.P.U. (Université du Bénin) dans le cas de
Gédéon Chaffa et Djago Yaou. Toutes les personnes que nous avons
approchées ont accepté de participer à notre
enquête.
4.2.2 Autres sources
d'information
Au cours de notre séjour en mai et juin 2004, plusieurs
problèmes se sont présentés. D'abord, l'entrevue
auprès de l'USAID n'a pu être enregistrée, car il
était interdit d'avoir du matériel tel qu'une enregistreuse pour
entrer à l'intérieur des bureaux de l'agence de
coopération. Nous avons donc pris des notes au cours de l'entrevue et
nous sommes allés chercher des informations complémentaires sur
le site internet de USAID. C'est à la suite de cette entrevue que nous
avons décidé d'aller rencontrer un autre bailleur de fonds de
Songhaï, c'est-à-dire OXFAM-Québec. Cela nous permet en fin
de compte, de mieux comparer différents types de partenaires, leurs
critères de sélection, leurs définitions d'un partenariat
ainsi que les différents processus qui ont cours à
l'intérieur d'une entente entre deux parties.
Ensuite, Songhaï, qui craignait que cette recherche fasse
état de règlements de compte auprès de certains de ses
bailleurs de fonds, est devenu réticent à nous donner
accès à ses documents administratifs. Nous avons donc une masse
réduite de documents administratifs, donc il nous fallait combler cette
lacune par une autre source de données. Nous avons choisi certains
articles du journal trimestriel L'aigle de Songhaï. Ce journal,
écrit par les administrateurs, les employés et des
bénévoles de Songhaï, donne une panoplie d'informations sur
l'agriculture, les partenaires de Songhaï et d'autres activités qui
permettent au mouvement de se déployer. Nous avons retenu les articles
qui parlent plus spécifiquement de ces partenariats ou encore des enjeux
de la coopération internationale de façon à mettre en
lumière les entrevues que nous avons faites et pour combler le
déficit de documents administratifs.
4.3 La méthode de
recherche
Nous avons choisi ces trois types de donnés
premièrement parce que les entrevues nous permettaient d'obtenir des
réponses directement liées à nos préoccupations par
la subjectivité des représentants de chacun des organismes, et
deuxièmement parce que les documents administratifs et les articles du
journal nous assuraient la concordance ou plutôt la
véracité des faits relatés dans nos entrevues. En d'autres
termes, nous avons cherché comme le dit
Laperrière : « ... non pas la correspondance
entre les données ou les perspectives, mais leur
concordance » (Laperrière, 1997, p.372).
De même, ainsi que le montre Mucchielli, l'analyse de
contenu varie selon le type de matériel à analyser (Mayer, 2000).
Conformément à la démarche annoncée ci-haut,
l'analyse fera appel à deux sortes de matériaux : un
matériau constituant ( entrevues semi-structurées qui
donneront lieu à une analyse de contenu constituant
c'est-à-dire un contenu créé au cours de la recherche),
puis un matériau constitué (documents administratifs et
journaux donnant lieu à l'analyse documentaire ou analyse de contenu
constitué, c'est-à-dire matériaux déjà
existants). Dans ce sens, l'ensemble des demandes de subventions, des journaux
de Songhaï et les entrevues seront soumis à une analyse
thématique.
4.3.1 Le traitement des
données
D'une part, il nous fallait mettre en évidence les
critères d'octroi de l'« aide internationale »,
c'est-à-dire des bailleurs de fonds spécifiques à
Songhaï. À quels besoins répondent-ils ? Quelle sorte
de développement favorisent-ils ? D'autre part, le défi que
nous voulions relever était de savoir quelles sont les stratégies
de Songhaï pour obtenir ce financement sans transformer sa mission. Nous
avons défini certains indicateurs qui sont les suivants afin de
faciliter cette étude :
§ les définitions : du développement,
des liens entre partenaires ou des rapports Nord Sud.
§ les critères pour accorder une aide, leurs buts,
leurs variations.
§ les processus d'attribution de l'aide.
Même si les indicateurs sont clairement définis
dès le départ, l'analyse du matériel de la recherche est
une analyse thématique continue, c'est-à-dire qu'au
cours de la lecture, des thèmes sont attribués et ils sont
fusionnés s'ils sont semblables. Ainsi, de nouveaux indicateurs peuvent
émerger et certains indicateurs prévus peuvent disparaître
ou être modifiés selon les résultats de l'enquête.
Les thèmes sont regroupés et hiérarchisés sous
différentes rubriques. Nous utilisons les mêmes thèmes pour
des extraits différents qui se recoupent. Les thèmes étant
très spécifiques, le recoupement ne réduit pas le
matériel d'analyse, mais permet plutôt de mesurer l'importance ou
la récurrence de certains aspects.
Cette analyse de cas selon trois sources : des entrevues,
des documents administratifs et des articles de journaux, a été
faite par le biais du logiciel d'analyse qualitative NVIVO.
Il faut spécifier que les entrevues ont
été prises comme base de l'analyse et que les documents
administratifs et les articles de journaux ont plutôt fait état de
concordance entre les différents documents. Cette méthode a
été retenue pour créer un ordre de primauté au
niveau des données et ainsi éviter les glissements ou les
comparaisons non valides.
Nous avons cherché la convergence des thèmes ou
leur divergence en recoupant les unités de sens (déclarations,
extraits de journaux ou de documents administratifs) faites lors du codage.
Nous avons joins des mémos ou des descriptions à ces
unités de sens afin de les regrouper sous des thèmes centraux et
de mettre en place un ordre pertinent afin d'amorcer notre analyse. Pour cette
dernière étape, NVIVO offre une fonctionnalité (la
modélisation) qui permet de visualiser l'arborescence de
l'analyse de façon globale ou séquentielle. Après avoir
regroupé les thèmes et les avoir ordonnés, nous avons
utilisé des extraits pour illustrer notre analyse et tirer nos
conclusions.
CHAPITRE V
RÉSULTATS DE LA
RECHERCHE : SONGHAÏ ET SON DÉVELOPPEMENT
Ce chapitre fera le point sur le développement de
Songhaï. L'intérêt d'un tel chapitre est de voir comment les
personnes interrogées perçoivent le projet et si les documents
administratifs et les articles de journaux vont dans le même sens. De
plus, cette mise en place permettra de donner une base pour mieux discuter
l'enjeu principal de notre mémoire dans le chapitre suivant à
savoir, comment se fait la création de partenariat entre bailleurs de
fonds internationaux et Songhaï. C'est à la suite de cette
discussion que nous serons à même de comprendre la dynamique
Nord-Sud à travers le cas particulier de Songhaï. Nous pourrons
ainsi répondre, dans le dernier chapitre, à la
problématique des différentes façons de faire du
développement et la conciliation possible entre ces visions.
5.1 Développement
de Songhaï
Afin d'illustrer le développement de Songhaï, nous
avons choisi un extrait de l'entrevue avec Nzamujo (2004) car il
caractérise considérablement le projet. Cet extrait porte sur la
conscience et la crédibilité, qui sont les principaux piliers du
mouvement Songhaï. La crédibilité et les résultats
vont amener Songhaï à tisser des partenariats forts. C'est cette
conscience et cette crédibilité
qui prennent racine au travers d'une structure et une
formation afin de permettre aux gens de reprendre du pouvoir sur leur vie,
d'où les concepts d'empowerment et d'entrepreneuriat.
Mais cette conscience ne peut se développer de façon
isolée, elle doit faire partie d'une communauté, d'un
réseau.
C'est dans les structures de Songhaï et sa formation que
les valeurs sont transmises ainsi que les techniques agricoles. Nzamujo
insistera lors de notre entrevue sur les critères d'excellence et
d'engagement qui prévalent à Songhaï et qui permettraient,
selon lui, à ses étudiants de réussir dans leur
établissement futur.
Pour réaliser le projet, il faut être
crédible. On ne va pas me prendre au sérieux si je gaspille tout
le temps, si je fais n'importe quoi ou si mon niveau de conscience est peu
élevé. Nous montrons par nos résultats que nous sommes
crédibles, qu'on peut nous faire confiance. On ne peut pas dire
« Fais moi confiance », quand tu es en train de boire tout
le temps et que tu es toujours saoul. Mais si tu viens et que tes choses
vont bien, tes champs marchent bien, alors je te ferai confiance (Entrevue
Nzamujo, 2004).
Les résultats concrets ou quantifiables sont donc
primordiaux pour le mouvement Songhaï, même si sa mission
première est de changer les mentalités. Ce changement de
mentalité prend corps dans la notion d'excellence qui se traduit par des
résultats concrets. Les moyens que Songhaï a pris pour transmettre
ses valeurs d'excellence s'inscrivent dans une structure et une formation. La
structure et la formation sont les éléments constitutifs du
modèle de développement de Songhaï.
5.1.1 Le rôle de la
structure dans le développement de Songhaï
Cette crédibilité s'est construite au fil du
temps et au travers d'un cadre de plus en plus complexe.
De l'élevage de quelques lapins, Songhaï est passé à
une diversification des animaux et à l'ouverture d'autres secteurs
économiques comme la restauration et les
télécommunications. Un technicien du Centre Polytechnique
Universitaire du Bénin (C.P.U.), nous faisait part de sa perception, qui
illustre bien l'essor de Songhaï où, même petit, il cherchait
à innover afin de se dépasser.
J'ai suivi le développement du centre et je l'ai
visité à ses débuts. Il a commencé tout petit avec
quelques lapins dans des cages en bois, et des outils rudimentaires. Et, petit
à petit, aujourd'hui il a une bonne partie du marché, il trouve
des moyens de production qu'il est en train de développer, et puis la
production animale est de mieux en mieux, il maîtrise le relais. Il a
encore bien fait de mettre la restauration à côté. Je
dirais que c'est une bonne chose (Entrevue Jago Yaou, 2004).
Le développement de Songhaï est appuyé par
ses partenaires. L'USAID, dans sa subvention visant à soutenir un
programme en Éducation de Base exprime cet appui avec l'idée que
le renforcement de la capacité à faire de la recherche permettra
au Centre de devenir un moteur de relance économique. L'expansion de
Songhaï est liée à une construction complexe où de
plus en plus d'acteurs entrent en jeu.
Renforcer la capacité du Centre Songhaï de
Porto-Novo à assurer des recherches de grande qualité en
production, transformation, et mise au point d'outils et équipements
techniques appropriés. Le Centre Songhaï a besoin d'accorder plus
d'attention à l'identification, l'adaptation, et au test de petits
équipements utilisés pour le labour, la récolte et les
activités après récolte. L'introduction de petits
équipements (motorisés et non motorisés) est essentielle
pour accroître la production, la récolte et les activités
après récolte (stockage, première transformation, stockage
et conditionnement pour le marché). La réalisation d'une telle
base pour assurer la formation et le soutien après la formation dans le
domaine de la transformation agricole est essentielle à la
stratégie de Songhaï pour lier production agricole et relance
économique (USAID, 1996).
La structuration au niveau de l'appareillage agricole et du
soutien aux fermiers après la formation est primordiale dans
l'établissement et la réussite de ces nouveaux fermiers. Il faut
un cadre pour les soutenir et dans un article de L'Aigle de
Songhaï, on explique les prémices d'une nouvelle structuration
qui facilitera les relations internes et externes afin de rendre le Centre plus
efficace.
Plusieurs organes et paliers de gestion au niveau de
l'ensemble des activités de Songhaï et au niveau de
l'administration, le Comité d'Assistance du Directeur - CAD - a pour
mission de coordonner et d'impulser de nouvelles idées, orientations et
stratégies sur l'ensemble de Songhaï - en interne et en externe -
et travaille de concert avec le directeur deux grands axes : les relations
intérieures à Songhaï (pour produire une vitalité
interne) et des relations extérieures (pour développer des
partenariats de tout style - techniques, relationnels, financiers)
(L'Aigle de Songhaï, administration, 2000, no 40-41).
La structure est le gage de la perpétuation du Centre
et de ses effets sur le développement local. Le leadership de son
fondateur ne peut pas en être le seul garant, car l'expansion que prend
le mouvement Songhaï demande une délégation des pouvoirs. Il
faut donc former des personnes aptes à devenir des leaders dans leurs
milieux afin de rendre le projet durable.
Songhaï jusqu'à aujourd'hui - et
peut-être pour longtemps encore - repose sur le charisme de son leader
principal. Ceci constitue indéniablement un atout enviable pour
l'organisation, mais à la fois, cela porte en lui-même un
péril pour la durabilité de cette organisation, s'il n'y a pas
une appropriation et une internalisation de la vision par le plus grand nombre.
C'est pourquoi le partage de vision par les membres a été depuis
l'origine l'un des principaux fondements du développement des
activités de Songhaï. Cependant, il faut reconnaître qu'au
départ, cette mobilisation a été relativement facile
compte tenu de la taille de l'organisation et du nombre réduit des
activités ; ce qui a conduit à des succès
çà et là. On peut donc dire qu'un pas a été
déjà franchi dans le processus de l'institutionnalisation de
Songhaï et qui explique la réussite et la survie de l'organisation
jusqu'à aujourd'hui (L'Aigle de Songhaï, administration, 2000,
no 40-41).
On peut dire que la structuration du Centre et du mouvement
Songhaï permet la durabilité du projet, mais il faut que chacun des
membres intériorise la philosophie, ou modèle de
développement, de Songhaï et la formation permet l'introduction des
valeurs propres au mouvement Songhaï.
5.1.2 Le rôle de la
formation dans le développement de Songhaï
La formation est le volet à travers lequel le
savoir-faire et les valeurs de Songhaï sont transmis. Elle se fait suivant
une approche qui n'est pas basée entièrement sur la
théorie, ce qui permettrait aux jeunes déscolarisés de
pouvoir suivre les cours plus aisément. Selon le technicien que nous
avons rencontré au Centre Polytechnique Universitaire du Bénin,
l'option éducative qu'a choisie Songhaï est adaptée et
pertinente pour la relance économique des régions. En effet,
l'accès à l'université est difficile pour les jeunes en
région et l'apprentissage tel que Songhaï le promeut,
c'est-à-dire l'apprentissage «sur le tas», s'adresse au plus
grand nombre.
Songhaï développe une approche de formation
qui ressemble à un apprentissage sur le tas, l'équivalent de ce
que l'on observe dans les petits métiers. Ici, l'apprentissage de la
mécanique ou des métiers de couture, ne sont pas faits dans une
école où se donnent habituellement des cours théoriques.
En fait, il y a peu de théorie et beaucoup de pratique. Songhaï
a relâché la dialectique. Vous voyez, lui il
préfère l'apprentissage sur le tas, je suis entièrement
d'accord avec lui pour cette philosophie et il a formé
énormément de techniciens dans ce groupe et il en a formé
également beaucoup pour l'Afrique parce qu'il a réussi sur le
plan national. Je pense qu'il est un modèle sur le plan international
donc il reçoit aussi des étrangers (Entrevue Jago Yaou,
2004).
Un chercheur en doctorat de l'Université de Maastricht
(Pays-Bas), nous disait aussi que la formation avait permis de transformer les
façons traditionnelles de cultiver la terre, de faire de
l'élevage et d'introduire des nouvelles valeurs comme la culture du
succès.
Mes résultats préliminaires... mes
résultats sont concluants en ce sens que la formation a effectivement
apporté quelque chose de positif. La manière de voir, la
manière de faire les choses, ceux qui ont vraiment suivi la formation
reconnaissent que sans la formation, ils ne pouvaient pas faire ce qu'ils sont
en train de faire aujourd'hui, que leurs productions diffèrent
totalement et que leur manière de faire diffère totalement de la
manière des paysans qui n'ont jamais fait de formation (Entrevue
Daniel Dalohoun, 2004).
Avec la structure et la formation, Songhaï
débouche sur de nouvelles façons de faire de l'agriculture et il
opte pour un modèle de développement alternatif en adoptant
l'objectif de former des leaders-entrepreneurs socio-économiques. Ces
leaders sont pressentis pour devenir des hommes et des femmes aptes à
être des gestionnaires professionnels, mais aussi des agents de
changement pour leur région tout en étant des formateurs
auprès des jeunes. La mission de Songhaï met en oeuvre les concepts
d'empowerment, d'entrepreneuriat, de
réseautage dans une optique de développement durable. Ce
développement durable, pour Songhaï, s'incarne dans un idéal
de développement : la « troisième
voie ».
5.2 La troisième
voie
La mission de Songhaï s'inscrit dans un modèle de
développement particulier qui se formule comme suit dans sa
charte :
Songhaï est une organisation destinée à
créer un vivier socio-économique viable et son action porte sur
le développement des capacités intérieures de l'Homme dans
toutes ses dimensions culturelle, sociale, technique, organisationnelle,
économique... pour que chacun retrouve une identité culturelle
propre, afin de devenir acteur à part entière. Le
développement de l'entrepreneuriat basé sur l'agriculture, en
relation étroite avec un développement plus large touchant
l'Industrie et le Commerce (Charte de Songhaï).
La mission de Songhaï parvient à se mettre en
pratique d'après une définition du développement qui passe
elle-même par un processus de prise en main que le fondateur exprime par
le développement de la « troisième voie ».
Troisième voie, c'est notre voie. Elle commence
à même un terrain que tu maîtrises avec la
préoccupation de la population, mais sans fermer la fenêtre
à des gens comme vous, des collaborateurs du Nord que l'on fait venir
pour apporter la technique parce qu'il y a plusieurs paramètres. Mais
cela doit se refaire à la seule condition que sur le terrain, les gens,
les Africains soient déjà dans une logique de promotion... sinon
ce serait l'érosion. Si la communauté n'est pas dans une logique
de vision, de promotion, elle ne sera pas en marche et tous les apports
extérieurs ne serviront à rien. Moi je sais ça
(Entrevue Nzamujo, 2004).
La «troisième voie» dont Nzamujo nous parle
s'inscrit dans le modèle de solidarité internationale où
l'organisation des localités et la mise en place de structures
communautaires et coopératives se font à même les
collectivités et de leurs propres initiatives, avec l'aide de
partenariats au Nord et au Sud. (Favreau, Larose et Fall, 2004, p. 17).
Toutefois, la « troisième voie » de Songhaï
emprunte aussi au modèle de coopération internationale en faisant
appel aux expertises des professionnels du Nord afin de développer une
technologie adaptée aux conditions et aux besoins des
communautés. De plus, la « troisième voie »
ne ferme pas la porte au réseau sectoriel gouvernemental, elle s'en
accommode, car tous les appuis sont bons s'ils servent la cause de
Songhaï.
On retrouve dans la charte de Songhaï cette même
idée de « troisième voie » ou le
modèle de développement solidaire :
SONGHAÏ valorise toutes les ressources en:
· puisant dans l'héritage culturel et de
l'Afrique
· empruntant au monde occidental ses
ressources
· combinant les deux pour inventer de nouvelles
valeurs convenant à l'Afrique
· en développant une vision de l'avenir et en
renforçant ses propres capacités pour générer des
ressources à articuler avec le reste du monde, pour être
connecté à la force productrice mondiale (Charte de
Songhaï).
La « troisième voie», celle
favorisée par le mouvement Songhaï représente à la
fois une définition unique de la façon de faire du
développement et la « philosophie » de Songhaï,
son modèle de développement. C'est donc le point central de ce
projet et il se définit sous plusieurs aspects. À
l'intérieur même de Songhaï, il s'apparente au processus
d'empowerment, d'entrepreneuriat, de
réseautage et d'absorption sélective. L'absorption
sélective serait de faire un tri, de sélectionner des techniques
ou des programmes qui répondent aux besoins de l'Afrique et dans ce cas,
au projet Songhaï, aux fermiers et aux populations qui sont dans un
processus d'autopromotion. On prend ce qui est à l'extérieur et
on le transforme pour qu'il soit adapté aux réalités
locales.
La durabilité consiste en une communauté
déjà en marche et qui a une capacité d'absorption
sélective. C'est-à-dire, absorber à l'extérieur,
mais sélectivement. Absorber des idées, mais sélectivement
en fonction des programmes. Ça c'est important et c'est crucial... Donc,
voilà ce que nous faisons, Songhaï fait ce qu'on appelle la
troisième voie, la voie où tout le monde se rencontre sur un
nouveau terrain, qui n'est ni l'Europe, ni l'Amérique, mais plutôt
un terrain des Africains qui cherchent une nouvelle vie. Un terrain basé
sur les réalités africaines ( Entrevue Nzamujo, 2004).
La « troisième voie » s'oppose
à d'autres voies dont se distingue Songhaï.
Beaucoup de gens fréquentent et savent tout ce que
les bailleurs de fonds, font en aval... tout est bien, on n'est rien, c'est
vous, on va vous suivre sur vos projets. Donc, on n'a plus de repères
nous même. J'appelle ça de la politique de pâturage.
Pâturage comme des moutons... On va pâturer c'est le
propriétaire de moutons qui dit : « Va pâturer
là-bas ». C'est le pâturage du projet de cyber, du
projet de femmes, du projet contre la pauvreté. On court après
les projets pour avoir de l'argent. C'est ça qui est le plus fort et qui
me dérange. Projet sectoriel Voilà (Entrevue Nzamujo,
2004)!
Cette autre définition du développement
contribue à dresser le portrait de Songhaï, à nous faire
saisir son modèle de développement et sa perception du
développement. Songhaï se démarque par sa volonté de
faire du développement à partir des besoins de ses populations.
Lors de notre discussion avec le chercheur M. Dalohoun, il en est ressorti un
exemple. Des organismes, comme OXFAM-Québec, demandent d'intégrer
les femmes aux différents projets et Songhaï avait par le
passé sélectionné plusieurs femmes pour la formation
agricole. Malheureusement, ces femmes abandonnaient les cours après
quelques semaines. Elles n'étaient pas intéressées
à travailler aux champs ou à élever des animaux pour
différentes raisons. Songhaï, suite à cette
expérience, a introduit la transformation des aliments (biscuits, jus,
confitures...) ce qui répondait plus adéquatement aux aspirations
et aux réalités des femmes.
Les gens à la formation une année ils ont
fait ça... c'est comme s'ils allaient dans les campagnes et dire aux
filles venez, venez... et ils ne prennent pas en compte qu'une femme qui fait
la formation, si elle ne trouve pas un mari agriculteur ou fermier comme elle,
eh bien, après sa formation elle n'exercera pas. Il y a aussi ça,
parce qu'après, si elle prend un mari qui est un agent de l'état
un fonctionnaire, il va vivre en ville. Et le mari lui dit :
« Tu veux faire ça ou tu me suis ». Donc, toutes les
femmes, si elles n'épousent pas un fermier elles n'exercent pas, sauf un
ou deux cas exceptionnels. Par ailleurs, il n'y a pas que le travail de la
houe, il y a la transformation. Donc, Songhaï a dit pour cela nous allons
vous orienter sauf si vous ne voulez pas, vers la transformation, car en ville
vous pouvez faire la transformation. Ainsi, bien que les femmes doivent
recevoir la formation de base, elles peuvent s'orienter dans la transformation,
la fabrication des biscuits, des jus, et ainsi de suite (Entrevue
Daniel Dalohoun, 2004).
Aujourd'hui les femmes sont plus nombreuses à
Songhaï, que ce soit pour la transformation des produits, la restauration
ou les télécommunications. Elles trouvent leurs places, mais
elles ne représentent pas encore la moitié des
élèves du Centre. Songhaï s'est associé au Projet de
Promotion des Activités Économiques des Femmes dans le
Département de l'Ouémé (PAEFO), un projet pilote
initié par le gouvernement de la République du Bénin avec
le soutien financier du Fonds africain de Développement. Songhaï
participe donc à un projet sectoriel qui s'inscrit dans les politiques
gouvernementales du Bénin et fait partie d'un plan de réduction
de la pauvreté. Songhaï s'ajuste ainsi aux réalités
de la coopération internationale ainsi qu'à celles des femmes et
intègre différentes façons de les aider, en utilisant tous
les leviers de financement et de réseautage existant. C'est un
exemple concret d'absorption sélective qui prend les ressources
là où elles sont, tout en les adaptant aux besoins.
D'une durée de trois mois pour les filles et d'un
mois pour les femmes adultes en régime d'internat, cette formation,
sanctionnée par une attestation de fin de formation, s'est tenue au
Centre Songhaï dans la période allant d'avril 2001 à janvier
2002. Elle a permis de former 220 femmes et filles dont 45 jeunes filles et 175
dames dans les domaines de l'artisanat (Élevage de poulets locaux, de
poules pondeuses, de dindons, de canards et d'escargots,) de la transformation
agro-industrielle (pâtisserie, transformation de manioc en gari,
transformation de noix de palme en huile, fabrication de sirop, de jus de
fruits, de yaourt, de lait à base de soja, de confiture de fruits et
bien d'autres boissons (L'Aigle de Songhaï, femmes, 2002, no 49).
La situation des femmes et des jeunes
déscolarisés est précaire, car ces personnes
représentent une grande portion de la population, souvent en situation
de pauvreté. Le Centre, que ce soit par les projets de transformation
agro-industrielle ou par une formation « sur le tas »
adaptée aux jeunes, veut permettre à ces personnes non seulement
d'améliorer leur situation, mais aussi de participer à la
revitalisation de leur société et économie. Ce que vise
Songhaï est la prise en main de la population, l'empowerment
individuel et collectif est un facteur qui participe au déploiement du
mouvement.
5.2.1 Le rôle de
l'empowerment dans la «troisième voie»
Pour Nzamujo, le Fondateur de Songhaï, la population doit
s'approprier son travail, son milieu et ses façons de faire. Le
développement vient de l'intérieur et il va chercher à
l'extérieur, de façon sélective, les techniques et les
savoir-faire qui sont adéquats aux milieux et aux réalités
des populations.
Donc, il faut que la population s'approprie... D'abord, il
faut qu'elle commence à bouger et à voir qu'elle peut rencontrer
des limites, limites techniques, limites organisationnelles, et là, la
population fait un appel. Mais, elle fait ce qu'on appelle une absorption
sélective (Entrevue Nzamujo, 2004).
Un article de L'Aigle de Songhaï va dans le
même sens et démontre qu'il y a une réflexion sur le sujet,
que le processus d'appropriation passe par un regard sur soi afin de
transformer sa réalité.
Cette phase se traduit aussi par un mode de gestion, assez
spécifique et original, érigé en règle d'or :
« l'empowerment » (qui se traduit si mal en français
« monté en capacité humaine »), qui met un
accent beaucoup plus sur la responsabilisation, le sens du devoir, la culture
du travail bien fait, la rigueur dans la discipline et l'épanouissement
de tous. Cela a permis de créer un vivier de volontaires,
déterminés à dépasser les contraintes sociales afin
de les transformer en ressources pour apporter une solution à
l'amélioration progressive des conditions de vie. C'est ce cadre
normalement non institutionnel qui est à la base de la dynamique interne
du système Songhaï (L'Aigle de Songhaï, administration,
2000, no 40-41).
Les bailleurs de fonds rejoignent la définition du
concept d'empowerment de Songhaï et appuient la démarche.
L'approche principale d'OXFAM-Québec dans le développement
international est d'accroître l'empowerment des individus et des
collectivités afin que le développement des communautés ou
des localités soit durable.
Dans la promotion du droit à la dignité
humaine à l'époque de la mondialisation, notre approche est
centrée sur l'« empowerment » des gens qui vivent
dans la pauvreté. Notre approche repose sur le principe que les gens
sont responsables d'assurer leurs droits et les droits des autres, et qu'ils
doivent s'affranchir des effets d'une mondialisation qui leur est
étrangère. Nous considérons que la valeur éthique
qui doit servir de fondement à la citoyenneté mondiale est
inscrite dans l'idée contemporaine que la prospérité des
uns ne peut pas avoir pour cause la pauvreté des autres et selon
laquelle nul ne peut être libre sans l'autre
(http://www.oxfam.qc.ca).
USAID dans l'un de ses accords signés avec Songhaï
avait comme objectif la création d'une formation qui permettrait
d'accroître l'empowerment.
Create a formation of a cadre of elite, ambitious,
motivated practical people, who have a clear vision for the socio-economic
development of society, who will be called to serve as catalysts in the heart
of the decentralized communities. ln addition to having mastered the technical
knowledge, these leaders will also be able to mobilize people and bring them
together in the process of producing wealth. Put in place infrastructures,
organizations and the extension support to create an enabling and empowering
environment (i.e., an arena that is meant to generate not just knowledge but
transfer it into action that will produce wealth (Centre
Songhaï-USAID, 2002).
L'empowerment est un des fers de lance du
développement de Songhaï qui est appuyé par les bailleurs de
fonds internationaux. De plus, l'empowerment façonne la mission
de Songhaï qui est de changer les mentalités parce qu'il contribue
à former des leaders qui assureront un développement durable. Un
autre facteur important va favoriser l'autopromotion individuelle et sociale,
c'est l'entrepreneuriat.
5.2.2 Le rôle de
l'entrepreneuriat dans la «troisième voie»
L'entrepreneuriat est sans doute la suite logique de
l'empowerment. Après avoir repris du pouvoir sur sa vie, il
importe que les individus ou communautés acquièrent certaines
notions de gestion permettant la création d'initiatives locales. La
charte de Songhaï décrit son type d'entrepreneuriat comme
suit :
SONGHAÏ offre un cadre dynamique, propice à
l'émergence d'entrepreneurs, qui :
o attire les gens, crée l'envie, suscite
l'intérêt et la confiance de se lancer à son
compte.
o renforce les compétences.
o offre un espace socialement et économiquement
viable pour développer une culture de succès.
o entraîne par exemple, avec les jeunes
entrepreneurs, les populations rurales, dans un grand mouvement, une nouvelle
dynamique de société (Charte Songhaï).
L'entrepreneuriat consiste à se mettre en
relation avec d'autres afin de créer des échanges, des projets et
de la richesse. L'entrepreneur a besoin pour cela de s'établir dans un
réseau et de consolider ses liens par l'excellence de son travail.
5.2.3 Le rôle du
réseau dans la « troisième voie »
Le réseautage est donc le troisième
élément qui suit après l'empowerment et
l'entrepreneuriat. Sans ce dernier maillon de la chaîne, la mise
en place des deux autres est impossible. La création de liens de
solidarité, d'engagement est ce qui permet la structuration d'un milieu
et le développement d'une localité. Cette structure permet aussi
de renforcer la participation de la société civile au
développement de la région ou du pays.
Les réseaux : une autre firme de partenariat.
Participer à un réseau signifie deux choses : enrichir sa
propre expérience par celle des autres membres et apporter sa propre
contribution pour enrichir les autres et pour participer à la
consolidation du réseau. Il s'agit en fait de
« donner » et de « recevoir »
(L'Aigle de Songhaï, développement, 2000, no 40-41).
Les réseaux donnent une force à la
communauté par les liens qu'ils tissent, mais ils permettent aussi de
revendiquer, de faire pression ou de demander des soutiens à des
instances hiérarchiques. Les réseaux verticaux renforcent la
crédibilité, s'ils sont forts et structurés, auprès
des réseaux horizontaux ou hiérarchiques, qui eux, ont des moyens
ou des fonds à faire bénéficier. L'USAID parle de
renforcer les réseaux parce que ces réseaux jouent un rôle
important dans la réussite de l'installation des fermiers.
La promotion des réseaux de fermiers offre
plusieurs avantages et implique une grande partie de la communauté des
fermiers dans la dynamique socio-économique que Songhaï est en
train d'impulser. Ces relations entre les centres de formation Songhaï et
la plus grande partie de la communauté des fermiers font aussi partie de
l'installation et de la prospérité des diplômés
stagiaires. Nombre des avantages des technologies et systèmes mis au
point et enseignés à Songhaï sont mieux
appréciés lorsqu'ils sont exécutés au niveau du
groupe ou de la communauté. Bien que Songhaï ait quelques
expériences dans ce domaine, le renforcement de sa capacité
d'expansion sous forme de personnel, formation, et équipement
s'avère nécessaire pour mettre en application l'expérience
et l'étendre à tous les trois centres (Porto-Novo, Zou et
Borgou). La formation à court terme est également une
activité essentielle dans l'appui à l'expansion et au
réseau des fermiers. La formation à court terme sera poursuivie
au Centre Songhaï de Porto-Novo et fera partie du programme des deux
centres du Zou et du Borgou (USAID, 1996).
Le projet Songhaï s'est construit dans la
communauté et à travers elle. Il ne peut survivre sans son appui
et son dynamisme. Le projet est là pour donner une direction, mais aussi
pour questionner cette direction. Il promeut l'innovation et les initiatives
dans le mouvement avec l'absorption sélective afin que la voie du
développement emprunté, soit celle que les gens ont choisie. Le
dernier numéro de l'Aigle de Songhaï paru lors de notre voyage,
faisait le point sur son évolution et se questionnait sur la direction
et sur les aboutissants du projet, qui se transforme et se structure de plus en
plus, tout en se décentralisant.
On peut donc encore reposer la question de savoir
où en sommes-nous arrivés et où allons-nous ? Aussi,
constatons-nous avec une certaine fierté que c'est l'éditorial du
5ème numéro de l'Aigle de Songhaï qui lance le 3ème
cycle de l'évolution de Songhaï (Innovation communautaire
-communication - commercialisation) tout en consacrant l'emprise
désormais visible à l'oeil nu de l'expansion des activités
en aval du secteur primaire (l'agro-industrie, la restauration et ses services
annexes, la télécommunication,... qui représentent
à eux seuls plus de 70 % du chiffre d'affaires global de
Songhaï). On peut donc proclamer le règne des prestations de
services. Mais la leçon la plus significative qu'il convient de tirer
est que le profil actuel de « l'économie de
Songhaï » atteste que la faisabilité de la
compétitivité de notre continent passe par le
développement de notre savoir-faire en matière de valorisation de
notre important héritage environnemental et culturel (L'Aigle de
Songhaï, éditorial, 2003, no50).
Songhaï tend vers l'autonomie et c'est à travers
cette vision du développement que nous nommerons la
« troisième voie » (puisqu'elle représente
une voie originale, ni tout à fait le modèle de solidarité
internationale, ni tout à fait le modèle de coopération
internationale et qui sait s'adapter aux approches sectorielles du
modèle libéral dominant) qu'il se dirige vers cet objectif. Les
bailleurs de fonds ont un rôle moins primordial aujourd'hui, pour
Songhaï, car l'ensemble des infrastructures a été mis en
place et l'expansion du Centre vers les « services » permet
en grande partie l'autofinancement. Le Centre privilégie des
partenariats techniques afin d'absorber des connaissances sélectives et
de permettre un développement durable dans le temps et
intégré sur le territoire. L'autonomie de plus en plus grande de
Songhaï transforme aussi le rapport avec le Nord et avec les bailleurs de
fonds internationaux. Il le rend plus égalitaire, dans une perspective
d'échange de savoir-faire, de soutien aux innovations et aux besoins des
populations plutôt que dans une perspective d'imposition de programmes
préfabriqués au Nord. Cette façon de faire de Songhaï
laisse entrevoir une nouvelle dynamique dans l'établissement de
partenariat entre le Nord et le Sud.
CHAPITRE VI
RÉSULTATS DE LA
RECHERCHE : SONGHAÏ ET SES PARTENAIRES
Ce chapitre traite de la création de partenariats et de
multipartenariats avec les différentes modalités que sont les
audits, les résultats et les recommandations. Le processus
de création de ces partenariats entre les bailleurs de fonds et
Songhaï nous permettra de comprendre la dynamique Nord-Sud à
travers le cas particulier de Songhaï. De plus, les enjeux
rattachés à la création de ces partenariats tels que le
financement des bailleurs de fonds illustrent certains rapports de forces qui
façonnent le monde de la coopération internationale.
6.1 Partenariats et
développement
La caractéristique des partenariats ou des
multipartenariats est le renforcement mutuel des stratégies d'acteurs,
par la mise en commun d'intérêts et de force afin d'atteindre les
résultats recherchés de part et d'autre (Kolosy, 1997). Et comme
nous l'avons vu plus tôt, Songhaï compte sur ses résultats et
sa culture de l'excellence pour nouer des partenariats prometteurs. Que ce soit
au niveau national ou international, il y a différentes façons de
concevoir le développement. Le fondateur de Songhaï, Nzamujo, croit
que le dialogue est la base d'un partenariat entre le Nord et le Sud et que la
mondialisation n'est qu'un nouveau défi à relever, défi
qui permettra peut-être de renouveler le rapport entre les
sociétés du Nord et celles du Sud. Nzamujo (2004) critique la
façon actuelle de faire du développement, car il ne croit pas que
cela réponde adéquatement aux besoins des pays concernés.
Plusieurs O.N.G. sur le terrain adaptent leurs missions afin de répondre
aux critères des bailleurs de fonds et du gouvernement béninois,
en compromettant parfois le développement durable, car aussitôt
que les critères changent suivant les aléas de la politique, les
programmes ne financent plus les projets entrepris antérieurement.
Les gens changent leur mission pour entrer dans les
programmes sectoriels, le gouvernement canadien a voté tant de millions
pour les gens qui vont faire ce projet. Le gouvernement américain a
voté. Et là tout le monde va réaliser des beaux projets
pour que ça plaise. Mais en faisant cela, on abandonne et c'est
ça qu'on appelle « ajustement structurel »,
« lutte contre la pauvreté » et bla-bla-bla, et la
finalité c'est quoi? Le vrai développement personne ne s'occupe
de ça ( Entrevue Nzamujo, 2004).
La « troisième voie » que
prône Nzamujo (2004) avec son projet est de proposer une alternative au
développement sectoriel et par programme en faisant de l'absorption
sélective dans les programmes de développement international et
gouvernemental. La stratégie est de choisir et d'intégrer les
différents aspects proposés par les programmes afin de faire
reculer les formes d'exclusion, qu'elles soient économiques, politiques
ou culturelles et sociales comme le préconise le développement
durable (Boucher, 1999). Cette alternative s'adapte aux programmes tout en
diminuant la dépendance de Songhaï envers ses bailleurs de fonds,
puisqu'il les a diversifiés.
Absorption sélective. C'est à dire,
absorbé de l'extérieur, mais sélectivement. Absorber des
idées... mais sélectivement en fonction des programmes. Ça
c'est important et c'est crucial (Entrevue Nzamujo, 2004).
Le projet Songhaï est un projet à caractère
social, il est donc très varié et il répond à
différents critères qui composent les programmes de
différents bailleurs de fonds et du gouvernement béninois. C'est
donc un atout pour trouver des financements, mais c'est aussi une façon
globale de voir le développement. L'idée de s'intégrer
dans différents réseaux et de faire prospérer
différents aspects de l'agriculture (transformation, commercialisation,
restauration et hôtellerie, etc.) favorise l'insertion des jeunes, des
femmes, agriculteurs ou commerçants. C'est la revalorisation de toute
une économie qui entre en jeu et le déploiement des forces
civiles de la base qui sont en émergence. Les modèles alternatifs
sont moins en attente auprès d'une structure hiérarchique afin
qu'elle réponde a leurs besoins. Comme le disait Favreau (2002), c'est
souvent dans des régions où les instances supérieures
répondent peu ou pas aux besoins des populations que les individus
s'organisent afin de pallier aux manques en créant des réseaux et
des modèles de développement non conventionnels tels que
Songhaï.
L'initiative Songhaï est née de l'effort de
volontaires, et après avoir donné de bons résultats,
Songhaï a demandé à être financé par des
bailleurs de fonds internationaux qui proposent des fonds par programme, mais
aussi conjointement avec le gouvernement du Bénin, dans le cadre
d'accords bilatéraux et multilatéraux des approches sectorielles
(réduction de la pauvreté et développement
économique).
6.1.1 Les critères
d'octrois des bailleurs de fonds internationaux
Les rapports de pouvoir en coopération internationale
sont déterminants. Le bailleur de fonds peut décider de ne pas
renouveler la subvention parce que les bénéficiaires n'ont pas
atteint les résultats escomptés. Mais Songhaï propose ici
une autre façon de faire. Puisqu'on parle de partenariat et de partage
du risque, Songhaï veut que son partenaire lui apporte des idées
quand certaines facettes du plan de développement n'ont pas
répondu aux attentes. Même si Songhaï est au volant et qu'il
sélectionne ce qui lui convient auprès des bailleurs de fonds, il
n'est pas pour autant sourd aux critiques, car un partenariat doit se nourrir
de part et d'autre.
Il n'y a pas de jeux de pouvoir, ni d'un
côté, ni de l'autre côté. Ils ont le droit de
critiquer. Voilà ce que vous avez fait là, voilà les
résultats, et on dit OK excusez moi, regarde c'est pas bon. Ils ont le
droit parce qu'ils sont nos partenaires, ils ne sont pas des gens qui nous
jettent de l'argent pour partir, ce sont nos partenaires. Ils ont leurs droits
parce que ça les intéresse qu'on leur montre les
résultats, il se peut qu'ils trouvent des idées, il y en a qui
font du développement depuis des années, ils ont des
idées. Donc, il faut partager ça avec nous, si on n'est pas
d'accord, on n'est pas d'accord. Oh! ça c'est intéressant, merci
bien. Et voilà, des idées parce que des gens ont travaillé
ailleurs, ils peuvent avoir des idées qui ont déjà fait
des preuves. On a besoin de leur « input »
(Entrevue Nzamujo, 2004).
Les partenaires ont des critères de sélection
qui renvoient à leurs préoccupations. Ils ont aussi des
expertises en matière de développement qui démontrent leur
vision de ce même développement.
L'approche partenariat OXFAM-Québec se fonde sur un
travail pour l'égalité. Le soutien financier poursuit le
renforcement du pouvoir des partenaires locaux et non pas leur
dépendance. Le même principe guide l'établissement de liens
entre partenaires, la circulation de l'information, la formation et
l'éducation, le développement de stratégies communes et la
coopération dans le travail de plaidoyer. Nous croyons que
l'« empowerment » des organisations locales est essentiel
à la justice sociale et économique et pour l'obtention et
l'exercice des droits civils et politiques
(http://www.oxfam.qc.ca).
Songhaï s'est adjoint des partenaires qui partagent une
part de son modèle de développement surtout en ce qui a trait
à l'autonomie des populations et à l'éducation populaire.
Lors de notre entrevue avec un représentant de l'USAID, il nous
expliquait que le domaine prioritaire de l'USAID a été jusqu'ici
le secteur de l'éducation, car le Bénin s'est engagé dans
un processus de réforme de son système éducatif. En effet,
selon l'USAID, le développement ne peut prendre place dans un pays que
lorsque des citoyens éduqués et formés peuvent être
capables de résoudre les problèmes par eux-mêmes.
Songhaï promeut cette approche, et son enseignement n'est pas
essentiellement théorique ; il forme des citoyens capables de
résoudre des problèmes de toutes sortes. Ainsi, Songhaï
à travers son modèle de développement a pu rencontrer les
critères de l'USAID. Le partenariat avec l'USAID s'est fait par un
accord multilatéral entre le gouvernement du Bénin et
Songhaï ; c'est-à-dire que l'USAID finance le secteur de
l'éducation du Bénin par le biais du gouvernement qui
présente Songhaï comme l'un des acteurs qui va répondre
à ce secteur.
On peut donc percevoir des liens de convergence entre les
partenaires et penser que le modèle de développement local que
préconise Songhaï n'est pas incompatible avec le modèle par
programme et sectoriel des bailleurs de fonds internationaux, et du
gouvernement si un dialogue est établi et que les positions de chacun
convergent.
La consolidation des partenariats se fait souvent dès
les premiers audits. Le dialogue est engagé et les intérêts
de chacun sont mis en lumière de façon plus évidente.
6.1.1.1 Audit
Les audits sont les moments privilégiés
où l'on fait le point sur le plan établi au tout début du
partenariat et où l'on voit si les résultats sont atteints, mais
aussi si l'action était pertinente.
On fait des audits et des comptes rendus
parce que c'est notre responsabilité de les informer afin qu'ils
comprennent. Ils ont le droit de regard. Ils ont le droit de regarder comment
on gère, c'est leur droit et je ferais la même chose. Puisqu'ils
ne nous disent pas comment le faire, mais ils ont le regard pour voir, est-ce
qu'on fait ça bien, est-ce qu'on utilise les fonds bien, est-ce qu'on a
gaspillé ça. On n'a plus le choix de demander. On appelle
ça « accountability » en anglais. Ils voient les
résultats de l'audit en question comme ça il y a
l'évaluation et il y a tout ça qui participe. Donc ils ont le
droit, on l'exige même et ça nous aide, car on voit, et il y a des
gens qui voient de l'extérieur parce que si on ne contrôle pas
ça peut déraper. Donc nos partenaires on exige et ils ont le
droit de regarder, car c'est leur argent et c'est leur assistance technique
qu'il faut, disons... car si je te donne quelque chose, je veux voir comment
ça marche parce que c'est mon argent, c'est mon énergie...(
Entrevue Nzamujo, 2004).
Ce travail sur les résultats est donc essentiel afin
d'éviter des dérapages, mais aussi afin d'évaluer, de
faire le point sur la situation, sur le projet, et de le mettre à jour
constamment.
6.1.1.2 Les résultats
Les résultats sont la pierre angulaire au niveau des
partenariats. C'est à partir des premiers suivis de résultats,
des audits sur le terrain que la confiance se crée et que les
partenaires peuvent ensuite engager des discussions qui vont faciliter la
rencontre des objectifs de chacun d'entre eux. OXFAM-Québec nous
décrit la procédure :
C'est un premier projet d'un an, si tout va bien en cours
d'exécution de projet, on écrit une programmation plus large de
deux à trois ans. Bien, je veux dire le projet a été
monté avec un cadre logique, avec l'atteinte des résultats, avec
des indicateurs de mesure de l'atteinte des résultats, etc. Donc, c'est
à partir. C'est à dire, eux ont fait leur premier jet de projet,
et nous les avons appuyés ensuite pour renforcer leur gestion
axée sur les résultats avec l'ACDI et tout, mais aussi avec Inter
monde. Nous on les a appuyés pour l'approche genre et
développement intégré, car ce n'était pas tout a
fait arrivé à Songhaï. Les sensibiliser sur l'approche genre
et développement et puis bâtir leur projet sur la gestion
axée sur les résultats. Donc, ce projet a démarré
vers la mi-mars, OXFAM-Québec étant responsable de la
programmation on a deux ou trois missions de suivi terrain à faire.
Donc, bientôt il y aura une première mission suivie
d'activités Songhaï sur le terrain qui sera faites (Entrevue
OXFAM-Québec, 2004).
Dans le cas de ce partenariat, c'est OXFAM-Québec qui
était allé vers le projet Songhaï. Après avoir
élaboré le projet ensemble les partenaires vont convenir d'une
première mission sur le terrain où Songhaï et OXFAM vont
évaluer les résultats, en voir la pertinence et réorienter
le projet si nécessaire. Il y aura alors une vision commune
définie plus clairement. Le partenariat sera donc scellé par des
résultats obtenus dans une création de projet commun. Lorsque
c'est le Centre Songhaï qui va vers un bailleur de fonds, le processus est
différent. Il doit être convaincant et cela passe toujours par des
résultats tangibles. Le représentant de l'USAID (2004) expliquait
que Songhaï avait fait un projet qu'il avait soumis et l'USAID aurait
apprécié et financé leur projet, parce que Songhaï
avait été convaincant et c'est ce qui a favorisé
l'acceptation de leur projet. Ils ont été convaincants parce
qu'ils donnaient un bon rendement et que Songhaï était
déjà actif sur le terrain, leurs projets fonctionnaient
déjà lorsqu'ils ont fait un appel d'offres, ils avaient des
résultats. La garantie qu'ils ont eue venait de ce qu'ils faisaient
déjà.
Les liens entre les partenaires sont solidifiés sur la
base de résultats qui répondent à des critères
d'octroi des bailleurs de fonds. Lorsque les partenaires ont trouvé que
les projets des uns rencontraient les projets des autres, une certaine
souplesse se met en place, car un dialogue s'établit ainsi qu'une
confiance.
La subvention est accordée au Centre Songhaï
pour une période de cinq ans. La responsabilité principale du
Centre Songhaï sera d'atteindre les résultats attendus dans la
subvention conformément aux paramètres et conditions convenus et
de fournir des données et des informations à l'USAID /
Bénin pour le suivi, l'évaluation des progrès et l'impact.
Les activités financées par l'USAID et qui sont
présentées ici donnent une description réaliste largement
documentée et détaillée des intrants nécessaires au
renforcement de Songhaï. Il est reconnu, toutefois, que le succès
de Songhaï est dû en grande partie à sa capacité
d'improviser et de s'adapter aux nouvelles conditions et de tirer profit des
opportunités. Il est don convenu que, tout intrant et toute rubrique du
budget figurant dans la subvention, peuvent être révisés ou
remplacés sur accord notifié par écrit par Songhaï et
l'USAID sauf là où c'est une exigence de l'USAID (USAID,
1996).
Les critères d'octroi de fonds et l'atteinte des
résultats ne représentent pas une fin en soi, ils sont des
balises permettant d'identifier le champ dans lequel les partenaires ont des
intérêts communs. Ensuite, ils favorisent la mise en place d'un
plan d'action visant à atteindre des objectifs qui vont amener le
développement du projet concerné. Si le plan d'action ne favorise
pas le développement du projet, c'est que le partenariat fait face
à certaines difficultés qui peuvent être en lien avec le
manque de vision commune des partenaires.
6.1.1.3 Recommandations
Les recommandations des bailleurs de fonds auprès de
Songhaï peuvent être vues comme une mise à jour de ce qui a
été fait et de ce qui reste à faire.
AIl in all, the partnership with USAID has demonstrated
that Songhai is capable of making things work and creating new possibility
'sets. Now, it's important to make these achievements sustainable with a
concrete impact on the improvement of the quality of life of the multiple
stakeholders who depend on Songhai, especial y the Songhai New Graduates and
Recently (Centre Songhaï-USAID, 2002).
Le retour sur les résultats est important pour faire le
point et pour prendre de nouvelles avenues si nécessaire. Les
partenaires ont tous deux intérêts à faire des audits et
des recommandations à la suite des résultats obtenus afin de
maximiser les efforts déployés et de vérifier si chaque
aspect du projet est pertinent et répond aux besoins des populations.
6.1.2 Création de
partenariats et ses enjeux
Selon Songhaï les partenariats sont essentiels au
processus de développement des pays pauvres afin de permettre le
financement des infrastructures de base et de combler le besoin en formation
technique. Pourtant, il n'est pas toujours facile d'établir des
partenariats, car les bailleurs de fonds ont leurs critères, mais aussi
leurs redevances à d'autres bailleurs de fonds.
Il y aura toujours des problèmes, c'est comme
ça qu'on commence à tisser des partenariats. Les partenariats
c'est important, on ne peut pas le faire seul. Et c'est ça que
Songhaï fait. Songhaï fait ce qu'il veut aujourd'hui, car il est au
volant. C'est lui qui a le volant (Entrevue Nzamujo, 2004).
La politique de Songhaï c'est d'être maître
de ses décisions et de trouver un terrain d'entente où lui et le
bailleur de fonds ont des idées communes. Il est plus facile pour
Songhaï de choisir ses partenaires et de s'adapter à eux, tout en
exigeant d'être celui qui conçoit et dirige les différents
aspects de développent qui structurent le Centre. Les bailleurs de fonds
ont des programmes ou des critères de sélection en matière
de développement qui les contraignent à choisir certains types de
développement et à travailler avec une masse réduite
d'ONG. De plus, ces bailleurs de fonds sont souvent tributaires de fonds
internationaux, et ces entités (Banque mondiale, FMI, etc.) exercent des
pressions au niveau des orientations et des financements de ces derniers.
6.1.2.1 Les enjeux du financement
Dans le cas d'OXFAM-Québec une partie de ses fonds
provient d'autres organisations, ce qui sous-tend qu'OXFAM-Québec doit
se soumettre aussi à des critères d'octroi de fonds et à
l'atteinte de résultats envers ses bailleurs de fonds.
Oui, pour le programme « Envois de
volontaires », comme le CECI, comme le Cuso, on a un financement de
l'ACDI qui correspond actuellement, je crois, à 45 % du financement
d'OXFAM-Québec. Les autres financements viennent de la Banque Mondiale
et des grands bailleurs de fonds internationaux, et de la levée de fonds
d'OXFAM-Québec. Donc, OXFAM international nous permet de faire des
études et d'être présent sur la scène internationale
dans toutes les grandes réunions de l'OMC et tout ça, on envoie
toujours un membre de OXFAM international. OXFAM-Québec a un lien direct
avec OXFAM international (Entrevue OXFAM-Québec, 2004).
De plus, OXFAM-Québec doit s'inscrire dans la vision de
ses bailleurs de fonds et de l'organisation OXFAM International afin de remplir
sa mission. Il y a plusieurs paramètres qui entrent en jeu dans la
création d'un partenariat. Les contraintes relatives aux critères
de financement d'OXFAM-Québec n'ont pas eu d'impact dans la
création du partenariat avec Songhaï, parce que ce dernier avait
développé antérieurement un projet d'accompagnement des
fermiers dans la région des Collines qui s'inscrivait déjà
dans un des volets d'OXFAM-Québec. Pourtant, OXFAM-Québec aurait
pu exiger de Songhaï différents critères primordiaux pour la
mission d'OXFAM auxquels il n'aurait pas voulu se conformer et le partenariat
aurait échoué.
Le Centre, quand il va vers les bailleurs de fonds pour
proposer son plan ou des projets qui entrent à l'intérieur du
mouvement de Songhaï, ne va pas accepter de nouer un partenariat au
détriment de ses objectifs. Les administrateurs du Centre refuseront de
s'engager dans le processus de financement qui ne répond pas aux besoins
du Centre, des fermiers ou des localités, car ils veulent garder leur
pleine gouvernance.
Dans la discussion avec notre partenaire américain
on dit « Voilà mon programme et voici comment vous pouvez
participer à ce programme ». C'est ainsi que Songhaï
travaille et qu'il a bénéficié de beaucoup d'argent. Des
gens ont voulu nous aider. On leur dit c'est gentil, mais on n'a pas besoin de
ça. Mais des gens comme USAID et OXFAM Québec ils comprennent
notre plan, mais si on n'a pas compris on n'avance pas. Il faut qu'ils
comprennent que nous sommes au volant, qu'ils sont nos partenaires financiers
et techniques et c'est à nous de décider qu'est ce qu'on veut. Ce
n'est pas eux qui vont nous le dire (Entrevue Nzamujo, 2004).
Le grand défi de cette approche se retrouve dans la
négociation et dans la compréhension mutuelle des partenaires.
6.2 Les enjeux des
partenariats
Depuis les années 50, il existe du développement
par programmes et plus encore durant les années 80 avec les programmes
d'ajustements structurels. Tous ces plans de développement sont
pensés par le Nord ou par les bailleurs de fonds internationaux. Le
rapport de pouvoir qui s'est établi alors, ne permettait pas la
négociation ou la discussion sur les besoins réels des
populations. Jusqu'à aujourd'hui, la Réserve
fédérale américaine, le FMI et la Banque Mondiale
favorisent des politiques de commerce et d'investissement orientées vers
l'extérieur avec une inflation basse, des budgets
équilibrés, des taux de change bas, la privatisation, la
déréglementation et une protection accrue de la
propriété privée (Sogge, 2003). De telles politiques ne
favorisent pas l'essor des communautés locales, mais plutôt celle
d'une économie mondialisée. Les modèles alternatifs de
développement comme Songhaï n'approuvent pas cette façon de
faire, car ils ne sont pas impliqués dans l'élaboration de ces
plans de développement.
On donne aux Africains des programmes fabriqués
à Ottawa, fabriqués à Washington, à Paris. On dit
voilà, c'est la politique du gouvernement français pendant cinq
ans. C'est comme un docteur qui reste chez vous et prescrit des
médicaments et il te dit « Toi tu es malade, c'est cela ta
maladie et il faut prendre les médicaments ». Mais il faut
qu'il fasse le diagnostic, qu'il te pose des questions, qu'il observe et qu'il
dise si c'est vraiment cela : «Je pense que c'est une maladie,
est-ce vraiment cela ? ». Alors, oui, on donne notre accord et
on peut commencer les traitements. Je ne veux pas qu'on dise ça marche,
ça ne marche pas (Entrevue Nzamujo, 2004).
Il faut repenser les façons de faire, il faut que la
discussion soit au coeur des accords et qu'elle favorise une ouverture, mais
surtout un partage des risques. Il faut que les partenariats soient
évalués de part et d'autre, que les résultats soient
attendus chez le bailleur de fonds autant que chez le
bénéficiaire de fonds.
D'abord, ça vient de loin. Les gens ne sont pas
encore convertis que ce soit chez les Africains, les Américains, les
Européens il y en a toujours qui font le développement sans
comprendre, sans que ce soit en multipartenariats. Donc, il faut qu'on change
ça et qu'on discute. Les gens ne commencent pas à crier :
« Voilà si vous êtes dans la coopération
canadienne, les projets ne marchent pas et est ce que le risque sera
partagé ?Au lieu de faire encore de la promotion pour les
Africains, est-ce que la Banque Mondiale partagera le
risque ? L'Afrique depuis des années ne se développe
pas, ça ne marche pas, comment peut-on faire pour que cela commence
à marcher, pour que les Africains et les partenaires américains,
européens et canadiens disent: « Moi, je suis chef de projet
canadien, et ça n'a pas marché et mon salaire va être
coupé ». Que cela marche ou non, ce chef est tout de
même promu... Donc nous à Songhaï c'est pour continuer ce
genre de travail avec nos partenaires, dans un partenariat mûr
(Entrevue Nzamujo, 2004).
Le dialogue entre les partenaires doit s'affranchir du jeu de
pouvoir et se donner des garanties de réussite en partageant les
risques. Un partenariat mûr partage les mêmes préoccupations
face au développement et mobilise les ressources de chacun pour y
arriver.
6.2.1 Les enjeux des
multipartenariats
Songhaï a diversifié ses partenaires par souci
d'ouverture sur le monde, mais aussi pour maximiser ses expertises. D'ailleurs,
certains partenaires de Songhaï sont payés par le Centre pour leurs
connaissances.
D'abord, par souci d'avoir des idées
différentes. Des multipartenariats ce n'est pas financier. Beaucoup de
nos partenaires sont des partenaires techniques qui viennent porter un coup de
main. La semaine passée il y avait des électriciens du monde. Un
électricien de France est venu ici et on a fait un partenariat. Il va
nous aider à monter notre capacité d'électricité et
en échange on paie les billets d'avion, on paie la consultation, on paie
ça (Entrevue Nzamujo, 2004).
Ce qui compte dans les partenariats de toutes sortes c'est de
s'adjoindre des forces et des connaissances afin de mener à terme un
projet qui portera fruit à la communauté, aux localités et
au pays.
Il faut donc que les visions du développement des uns
et des autres puissent s'accorder sur certains points centraux et que la
confiance s'établisse à l'intérieur de cadres qui ont
été choisis par les partenaires. Les résultats et leurs
analyses sont le produit du partenariat et permettent d'en mesurer la
santé. L'investissement en temps, en argent, en idées se fait de
part et d'autre avec le partage du risque. Et c'est peut-être ce dernier
élément dont on peut présumer le déficit dans les
partenariats à l'heure actuelle. Les fonctionnaires des organisations
sont-ils sanctionnés lorsque qu'ils bâclent leur travail? Les
programmes sectoriels du Nord ont-ils été revus et
corrigés par le Sud ? Quelles sortes de liens sont entretenus entre
le Nord et le Sud ? Voilà certainement des questions essentielles
auxquelles les organisations du Nord devront répondre afin de
développer un partenariat fructueux entre le Nord et le Sud.
CHAPITRE VII
RÉSULTATS DE LA
RECHERCHE : SONGHAÏ ET SES RAPPORTS AVEC LE NORD ET LE SUD
Ce chapitre illustre les rapports Nord-Sud à travers le
cas de Songhaï. Il s'appuie sur l'histoire de Songhaï et
l'expérience qu'il a su tirer de ses partenariats avec les bailleurs de
fonds internationaux. L'histoire de la coopération internationale et les
différents points de vues sur cette dernière permettent de situer
la « troisième voie » de Songhaï dans le
contexte des échanges internationaux. Le questionnement sur le transfert
des nouvelles technologies, qui suivra, servira à illustrer les rapports
de force entre bailleurs de fonds et bénéficiaires. Cette mise en
place favorisera ensuite le questionnement sur les rapports entre le Nord et le
Sud et ses alternatives possibles.
Le principal problème selon Nzamujo (2004) serait que
les conceptions du monde de la coopération internationale en
matière de développement reposent encore sur les théories
keynésiennes du financement du secteur économique, pour favoriser
le décollage économique ; or, cela serait une erreur dans la
mesure où le développement ne repose pas sur l'apport du capital,
ni sur l'aide internationale. Selon ce dernier, le développement, pour
qu'il soit durable, repose en grande partie sur la mobilisation, la formation
et la conscientisation des ressources humaines afin d'exploiter les ressources
naturelles du pays.
7.1 Le
développement selon le Nord et le Sud
Les définitions du développement varient selon
l'endroit où l'on se trouve et la réalité quotidienne
vécue. Le point de vue occidental sera sans doute différent, de
celui de la personne qui en vit la réalité partiellement sans
qu'elle touche les siens. Nzamujo (2004) fait ressortir les conflits
inhérents à la coopération entre le Nord et le Sud. Les
différentes parties viennent avec leurs bagages personnels et leurs
conceptions du développement, il faut donc faire preuve de beaucoup de
souplesse de part et d'autre pour arriver à comprendre les
intérêts de chacun et les intégrer dans une vision commune.
Comment je vois le développement, je vais commencer
par ça pour vous montrer où il y a des problèmes et des
conflits. D'abord, nous en tant qu'Africains on voit ça de
l'intérieur, parce que c'est le vécu pour nous. On voit ça
tous les jours, ce sont nos parents, nos villages. Donc, la manière de
l'extérieur dont on voit n'est pas la même chose. Chaque personne
vient faire du développement avec des préconçus, avec une
idée, une culture, une idée de ce qu'est le développement.
Donc pour moi c'est normal qu'il y ait des différences et pour moi
comment gérer la différence, je ne pense pas qu'on va se battre,
se taper, j'accepte déjà, parce qu'on vient d'horizons
différents et c'est normal qu'il y ait la
« malcompréhension »; qu'il y ait des gens du Nord
qui ne peuvent pas comprendre, qui malgré eux imposent, ça, c'est
normal. Mais au-delà de ça, il y a des gens qui refusent, qui
voient que voilà : l'Afrique, l'Amérique latine, l'Asie
doivent faire comme nous. Comme pour le développement c'est qu'ils
changent la manière pour faire comme nous. Et il y a l'autre groupe, qui
lui, il ne croit même pas que c'est possible, mais il faut le faire parce
qu'au niveau moral il y a des gens là, il faut leur donner des miettes,
c'est comme des mendiants on leur donne parce qu'ils te dérangent et il
faut laver la conscience. Ça aussi on n'est pas d'accord
là-dessus (Entrevue avec Nzamujo, 2004).
Différentes perceptions du développement
s'entrechoquent ; le modèle dominant (bailleurs de fonds
internationaux) favorise l'implication dans le milieu par des approches
sectorielles qui orientent le gouvernement dans la mise en place d'un processus
plus démocratiques, à travers la décentralisation du
pouvoir vers les communautés. Même si cette approche répond
à des besoins locaux, elle consiste souvent à se servir des
indicateurs classiques de développement tel que le Produit national Brut
(PNB) pour mesurer l'aide à apporter aux pays en développement.
Les services offerts par ces organismes (Banque Mondiale et FMI) sont
d'octroyer des prêts aux pays en fonction de certains critères qui
s'inscrivent dans des programmes sectoriels tels que la privatisation des
appareils d'État et la libéralisation de leur marché.
Ainsi, l'approche sectorielle passe par l'intermédiaire du gouvernement
et la corruption interne ne permet pas toujours son optimisation. D'autres
organisations comme OXFAM-Québec vont financer directement les O.N.G.
locales selon leurs priorités. Ces deux approches sont
différentes. La première passe par le gouvernement qui va ensuite
redistribuer l'argent à des O.N.G. qui répondent au plan soumis
par le bailleur de fonds. La seconde va directement donner aux O.N.G. locales.
François Bourguignon6(*), économiste de la Banque Mondiale, admettait
que les programmes de son institution ne répondaient pas toujours aux
besoins des populations et que la façon de faire du développement
devait s'adapter, devenir plus pragmatique. Un article de L'Aigle de
Songhaï critiquait les méthodes traditionnelles de faire du
développement qui ont cours à la Banque Mondiale et au
FMI :
Les meilleurs partenaires au développement et les
meilleurs amis des pays africains ne sont-ils pas ceux qui injectent davantage
d'argent ou qui annulent sporadiquement des dettes contractées de longue
date et qui étranglent sans aucun doute les économies
déjà vulnérables ? La capacité de
créativité, de conscience intérieure est dans ces
conditions émoussées au détriment de la passivité,
de l'oisiveté et du gain facile, toutes attitudes qui ne facilitent
guère le décollage socio-économique des Africains par
eux-mêmes (L'Aigle de Songhaï, développement, 2000, no
40-41).
L'injection d'argent est nécessaire aux
infrastructures, mais elle doit être planifiée dans une
perspective à long terme qui répond aux besoins des pays, aux
défis locaux. Cette injection d'argent ne doit pas rendre les
gouvernements et les populations apathiques, elle doit contribuer à
créer des espaces d'innovation qui permettent aux gens d'être
actifs dans leur développement.
En regardant les problèmes de l'Afrique, le retard
accumulé par rapport aux autres continents, son incapacité de se
mesurer et de mesurer les défis de demain (bouleversements
économiques, les nouveautés accélérées,
etc.), on a peur. On ne peut s'empêcher alors de dénoncer le
« bricolage » qui s'observe en Afrique. En effet, le vrai
développement ne signifie pas de toujours résoudre les
problèmes ponctuels, de s'ériger en « sapeurs
pompiers », mais de prévoir, d'anticiper les
événements. Le développement ne peut se faire à la
place des pauvres. Tout le monde est tenu d'y participer, qu'on soit dit
« développé » ou
« sous-développé »,
« pauvre » ou « riche ». C'est dans
cette participation de tous que pourrait naître un vrai partenariat entre
riches et pauvres. C'est de cette manière qu'on peut créer des
sites d'excellence ou sites de croissance socio-économiques par des
entreprises de jeunes qui s'installent en aidant les « soi-disant
pauvres », en travaillant avec eux (L'Aigle de Songhaï,
éditorial, 2000, no 40-41).
La formation et les apports techniques sont des moyens de
redonner aux gens leur plein pouvoir et de leur permettre de trouver des
solutions adéquates. Le représentant de l'USAID, lors de notre
entrevue, nous expliquait que son organisation valorisait le secteur de
l'éducation. C'est pour cette raison qu'il appuyait le Bénin, qui
s'était engagé dans un processus de réforme de son
système éducatif favorisant ainsi le développement de son
pays. Le constat de l'USAID est que le développement ne peut venir que
lorsque dans un pays, des citoyens éduqués et formés sont
à même de résoudre leurs problèmes. Songhaï a
donc été soutenue par l'USAID parce qu'elle répondait
à la réforme éducative du gouvernement béninois,
aux besoins locaux et aux critères de l'USAID.
Il est évident et largement admis de nos jours que
le développement de l'Afrique passera par l'agriculture, il est tout
aussi évident que ce développement ne peut se réaliser
sans un potentiel humain qualifié. C'est conscient de cela que
Songhaï depuis sa création, s'est donné entre autres
missions, la promotion des acteurs de développement grâce à
la promotion de l'entrepreneuriat agricole chez les jeunes africains
(L'Aigle de Songhaï, formation, 2001, no 44).
Songhaï, comme modèle alternatif s'est
adapté aux conjonctures internationales avec sa
« troisième voie » afin de créer, par sa
formation, un vivier d'entrepreneurs qui relanceront l'économie.
7.1.1 La
« troisième voie» dans le jeu de la coopération
Nord Sud
Le développement sur la base de la
« troisième voie » ainsi que sur la base du
modèle de solidarité internationale, favorise la prise en main de
la population et la pérennité des projets parce qu'ils sont
directement liés avec les préoccupations sociales.
On voit quel est notre problème, quel est notre
talent, quels sont nos ressources humaines, naturelles, et tout ça.
Avant de commencer, il faut faire le bilan de ce que nous avons, il faut
développer la vison où vous allez. C'est ça pour moi le
développement (Entrevue avec Nzamujo, 2004).
La durabilité d'un projet soutenu par une vision
partagée par l'ensemble du groupe, est un critère qui va induire
une importante transformation locale au niveau socio-économique.
Parce que le développement c'est moi-même, et
on ne peut développer quelqu'un qui n'a pas une personnalité.
Beaucoup de gens quand ils commencent le développement, ça ne
marche pas. Les infrastructures, les bâtiments, oui, mais ce n'est pas
durable. La durabilité consiste à une communauté
déjà en marche et qui a une capacité d'absorption
sélective (Entrevue avec Nzamujo, 2004).
La « troisième voie » mise beaucoup
sur la durabilité du développement, et cette durabilité
n'est possible que si la population s'approprie, non seulement le projet, mais
aussi le processus par lequel il a été conçu. La mission
de Songhaï qui consiste à changer les mentalités n'est autre
chose que l'appropriation du développement par la communauté.
Après avoir mis une communauté en marche il faut acquérir
des savoir-faire et des technologies afin de rendre le projet concret et
générateur de développement dans le pays. Ces savoir-faire
et ces technologies doivent aussi faire partie de cette appropriation, de ce
processus par lequel on fait sien ce qui est en dehors de nous.
7.1.2 Les technologies comme
apport important dans l'édification de la « troisième
voie ».
USAID s'entend rapidement avec Songhaï sur le point du
transfert de savoir-faire et des technologies afin de pérenniser le
projet.
As Bernard Taillefer said: "The urgency for creating
employment is not a new idea and even though it is often proposed by the
theoreticians of development there is little or nothing to show for it." At the
base of this problem there is a gap between knowing and doing or a
"Knowing-Doing Gap". ln other words. the problem is not with knowing, but in
the failure to translate this knowledge into action. The Songhai comprehensive
program intends to cormont this paradox in the educational system in Benin
today. We intend to develop processes by which knowledge can be tumed into
action and consequently the creation of wealth. Therefore, Songhai envisions an
expansion of its activities to accelerate the socio-economic changes necessary
(Centre Songhaï-USAID, 2002).
Le transfert du savoir-faire et des technologies est un enjeu
à ne pas négliger. En ce qui concerne les technologies, elles
permettent de combler le retard, mais aussi de faciliter les
télécommunications et les travaux liés à la
transformation. Un grand débat se retrouve au coeur du transfert de
technologie parce qu'on a créé une catégorie de
« technologie appropriée » qui s'appuie sur la
conclusion de l'incompatibilité fréquente des technologies
vendues, aux besoins du pays demandeur. Cette alternative propose de tenir
compte des capacités techniques du pays acheteur. Cette thèse a
été critiquée par Arghiri Emmanuel7(*) qui soutient que cette
« technologie appropriée » est une technologie
appauvrie qui ne fait qu'accroître le retard et la dépendance des
pays sous-développés. Le débat est lancé mais le
transfert de cette technologie dite « appropriée »,
qu'elle soit simplement imitée ou qu'elle serve à innover,
demeure important et sert à dynamiser les rapports Nord-Sud.
Transférer: innover ou imiter ? Cette vision
du transfert se trouve confirmée par l'évolution des politiques
des multinationales. Alors que dans les années 60-80, les
« transféreurs » laissaient peu d'opportunités aux
acquéreurs pour redéfinir les modalités techniques et
organisationnelles du transfert, « depuis quelques années, les
firmes multinationales ont choisi de susciter l'initiative de leurs
partenaires ». Les ingénieurs et techniciens locaux sont
devenus des interlocuteurs valables, tant il est vrai que leur capacité
de négociation a progressé ainsi que leur capacité
technique. Lors des rencontres, de nombreux problèmes sont
abordés et résolus conjointement, permettant ainsi une plus
grande créativité et une meilleure intégration des
réa1ités locales au sein du transfert. Nous retrouvons là
aussi les concepts de base de l'innovation (L'Aigle de Songhaï,
transfert, 2001, no 45).
Les pays du Sud, où des projets tels que Songhaï
se développent, ont acquis des expertises en matière de
technologie et deviennent alors des interlocuteurs viables. Ils innovent ou
adaptent la technologie afin de répondre aux besoins dans la mesure des
capacités, souvent financières ou techniques des personnes ou des
communautés. Les technologies ont un impact direct sur le
développement, même si elles sont
« appropriées ». Elles sont le symbole du rapport
entre le Nord et le Sud. Un Nord où les technologies abondent et sont de
plus en plus sophistiquées et un Sud qui adapte les technologies
à ses besoins, en les simplifiant ou en les transformant à sa
mesure.
Le transfert de technologies ne signifie pas l'imitation.
Il s'agit au contraire du développement d'une technologie originale et
autochtone, en partant des particularités culturelles de chaque pays.
Ces transferts sont alors accompagnés de formations
intégrées portant sur ces technologies appropriées. Il est
intéressant de constater que l'étude des échecs de
certaines de ces formations n'est en fait que le reflet du manque
d'intégration des bénéficiaires dans ce processus. Ainsi,
parmi les principales causes décrites par le Bureau International du
Travail (BIT), on peut relever : certaines technologies rurales
considérées comme des technologies secondaires, l'inexistence de
recherches scientifiques et technologiques de haut niveau qui partiraient de
l'examen des technologies traditionnelles pour concevoir des technologies
endogènes portant sur les produits, les procédés et les
moyens de fabrication, la non-participation des populations dans la
résolution de leurs problèmes le refus d'aborder les
problèmes de technologie globalement en tenant compte de leur
interdépendance, une méconnaissance des ressorts sociologiques
originaux de chaque société rurale (L'Aigle de Songhaï,
transfert, 2001, no 45).
Malgré ce qu'en dit Arghiri Emmanuel (2001) les
technologies endogènes semblent répondre aux besoins des fermiers
de Songhaï et redonner un essor à l'économie locale. De
plus, cette technologie « adaptée » est abordable et
permet aux organisations, comme Songhaï, d'être moins
dépendantes face à ses bailleurs de fonds, donc face au Nord.
Enfin, la vision du Nord sur les technologies autochtones illustre en quelque
sorte un rapport de pouvoir en démontrant sa qualité
supérieure et en disant que les technologies
« adaptées » sont des technologies secondaires. Mais
Songhaï, avec « sa troisième voie », a su tirer
partie de la technologie « adaptée ». Quoi qu'en
pensent les uns et les autres, le processus d'absorption sélective de
Songhaï, envers les technologies du Nord, lui a donné une
originalité certaine, puisqu'aujourd'hui Songhaï fabrique des
outils et des machines agricoles dans ses locaux qui sont vendus via son site
internet. L'avantage qu'en tire Songhaï est important. L'adaptation et la
modélisation de la machine se font sur place ainsi que sa fabrication,
ce qui a pour effet de lui donner une grande autonomie face aux technologies
fabriquées au Nord. De plus, cela procure de l'emploi, dynamise
l'économie locale et par le fait même contribue au
développement au Sud. Le leitmotiv que nous entendons au Canada
«fabriqué au Canada consommé au Canada », est
écologique et encourage l'économie locale. Ce leitmotiv
s'applique tout aussi bien dans le Sud : «fabriqué au
Bénin, consommé au Bénin».
7.2 Des rapports de force
entre le Nord et le Sud
L'histoire entre le Nord et le Sud est
caractérisée par des rapports de force et d'assistance
humanitaire. Le plan Marshall a développé une pensée sur
l'aide aux pays sous-développés qui en favorisait l'assistance
plutôt que le partenariat. De plus, le travail de théorisation du
processus de développement des Nations Unies qui a misé sur le
rôle primordial de l'économie, et du fait même des bailleurs
de fonds, a fait des pays sous-développés des pays
assistés.
Hier, les échanges étaient fortement
caractérisés par des rapports de force tendant à
reléguer au rang d'assistés, les pays dits pauvres. La
révolution industrielle ayant favorisé un essor économique
des pays de l'Europe occidentale et plus tard, des États-Unis
d'Amérique, il s'est créé une division artificielle du
monde en pays industrialisés ou développés et pays en voie
de développement, géographiquement concentrés dans la
partie sud de la planète. Dans ce contexte, les relations
internationales sont dictées par des formules et des
considérations visant à drainer vers les pays pauvres, les
capitaux et les technologies ayant fait leurs preuves ailleurs, dans le but de
les aider à rattraper leur retard. Nous connaissons aujourd'hui le
résultat... Plusieurs décennies n'ont pas suffi à cette
démarche pour résoudre le problème de mal
développement. De plus, le partenariat signifiait avant tout, aide au
développement ou à la croissance économique, ce qui
évidemment signifiait que le partenaire possédant la force
financière était maître du jeu et était censé
dicter la conduite à tenir, d'où des rapports parfois tendus
par-ci par-là, ne laissant aucun espace de créativité et
d'affirmation des partenaires dits pauvres (L'Aigle de Songhaï,
développement, 2000, no 40-41).
Cette tendance doit composer avec de nouvelles
réalités comme la souveraineté des pays jadis
colonisés et les échecs des programmes de développement et
d'ajustement structurel. L'information plus accessible à l'ensemble du
monde et la mobilisation des sociétés civiles ont aussi concouru
à une nouvelle conjoncture. À partir de ces
événements, des initiatives locales se sont mises sur pied pour
contrer les manques en matière de travail, de santé,
d'éducation que les approches sectorielles des ajustements structurels
avaient concouru à dégrader. Les modèles alternatifs comme
Songhaï ont transformé la façon de faire des partenariats
entre le Nord et le Sud, en partant d'une base civile, des besoins de la
population. Ils jouent maintenant un rôle important dans la façon
de faire le développement des pays du Sud.
Malheureusement, le système de coopération
internationale attire toujours des organisations qui veulent aussi avoir leur
«part du gâteau». Les programmes sectoriels ont
entraîné des effets pervers : le développement par
programme ne prend pas en compte toutes les facettes d'une
société donnée et cela favorise un développement
anarchique, non planifié. Le développement par programme a aussi
attiré des O.N.G. du Sud qui ont modifié leur mission pour
obtenir des fonds. Ensuite, même lorsqu'une approche sectorielle est
favorisée, planifiée et gérée par le gouvernement
du pays, les programmes du FMI et de la Banque Mondiale qui sont imposés
n'ont pu relancer les économies du Sud. Les intérêts
inavoués des uns et des autres causent des écueils dans les
stratégies du modèle dominant ainsi que dans celles du
modèle alternatif, car ils viennent interférer dans le
développement
Malheureusement, l'affluence massive des organisations et
associations vers des réseaux est en grande partie dictée par le
souci d'y puiser quelque chose pour bâtir sa propre structure. On se
préoccupe très peu de ce que l'on est en devoir d'apporter aux
autres. Lorsque l'on ne reçoit plus à un moment donné,
c'est la « fin » de la participation. Cette situation se
complique par l'opinion selon laquelle les réseaux dont font partie les
institutions du Nord sont les mieux indiqués. Justement parce que ces
dernières sont considérées comme des vaches à lait.
La participation aux réseaux s'apparente alors à un
pâturage incontrôlé où l'on abandonne le pré
dès lors que l'herbe se raréfie (L'Aigle de Songhaï,
développement, 2000, no 40-41).
Ce rapport ambigu qu'entretiennent les bailleurs de fonds du
Nord et les gouvernements ainsi que les O.N.G. du Sud, n'est pas le seul
possible pour le développement du Sud.
7.2.1 Partenariats Sud-Sud,
une alternative
Certains mouvements comme Songhaï ont
décidé de promouvoir aussi les partenariats Sud-Sud parce qu'ils
semblent plus adaptés aux réalités du Sud, aux
développements locaux et favorisent les économies continentales
ou transcontinentales des pays pauvres.
Songer davantage à des réseaux favorisant
les échanges Sud-Sud serait la bienvenue pour les pays africains. Cela
permet de découvrir et d'utiliser les compétences locales, moins
onéreuses et mieux adaptées aux réalités de nos
pays. C'est par exemple le cas d'ASFODEVH (Association pour la Formation en
Développement Humain) au sein de laquelle Songhaï milite
activement. Au Bénin particulièrement, ASFODEVH a permis à
Songhaï de tisser des relations très fructueuses avec plusieurs
institutions partageant les mêmes valeurs et les mêmes champs de
combat contre le mal développement (L'Aigle de Songhaï,
développement, 2000, no 40-41).
Le point de vue de certains bailleurs de fonds du Nord, tel
que OXFAM-Québec, ajoute que les rapports Nord-Sud sont toujours
unilatéraux et qu'il n'existe pas encore d'initiatives Sud-Nord. Cette
idée renvoie au fait que le Sud a peu à apporter au Nord, qu'il
est en position de recevoir ou d'assistance. Pourtant, les initiatives
d'économie sociale au Sud sont des exemples intéressants de
renouvellement des pratiques sociales et économiques. Songhaï est
un exemple de développement harmonieux grâce à la vision
holistique qu'elle emprunte, et elle pourrait nourrir plusieurs
réflexions sur le développement des régions dans les pays
du Nord. Des régions qui sont souvent aux prises avec de forts taux de
chômage, l'exode des jeunes vers les villes et l'appauvrissement des
populations. Le Sud doit donc interpeller le Nord afin de redéfinir le
partenariat et d'échanger sur des bases plus égalitaires.
Il y a beaucoup de travail à faire,
énormément de travail à faire. D'ailleurs, on dit toujours
relation Nord-Sud, on dit jamais Sud-Nord. C'est donc très
orienté et je pense qu'on gagnerait beaucoup dans le Sud-Sud et
Sud-Nord. Mais jusqu'à maintenant on n'a pas trouvé les moyens de
favoriser, ces échanges-là, sur un plan plus égalitaire et
équitable, car je pense qu'on a beaucoup à apprendre des
relations Sud-Sud et Sud-Nord. C'est une question qu'il y avait eue il y a deux
ans où trois ans, le CCCI (Conseil Canadien sur la Coopération
Internationale) Canada qui avait lancé un sondage questionnaire
auprès des membres des O.N.G. canadiennes avec beaucoup de questions et
l'une de ces questions était exactement « Que pensez-vous de
la coopération internationale Nord-Sud ? » Donc, on avait
eu un grand débat sur cette question là. J'étais au
Burkina Fasso à cette époque. Mais effectivement, il y a
énormément de travail à faire et moi je ne suis pas du
tout pour le sens unique, la flèche verticale qui a été
construite Nord-Sud (Entrevue OXFAM-Québec, 2004).
Toutefois, le rapport entre les États du Nord et ceux
du Sud est remis en cause avec l'échec des politiques d'ajustements
structurels et par les approches sectorielles des bailleurs de fonds
internationaux comme la Banque Mondiale et le FMI. Ensuite, les O.N.G. du Sud
tentent de trouver des alternatives qui favoriseraient leur
développement en créant des partenariats dans d'autres pays du
Sud.
Un modèle alternatif de développement comme
Songhaï doit composer avec, non seulement les rapports de force
économique Nord-Sud, mais aussi avec le rapport de force
idéologique qui consiste à dire que le Nord est comme le
« grand frère » qui doit montrer le chemin parce
qu'il a réussi dans son développement. Pourtant, les
économies et les systèmes sociaux du Nord sont en implosion avec
la montée du chômage et la perte des acquis sociaux. Le
libéralisme économique a aussi ses conséquences sur le
Nord avec le déplacement de ses industries dans des zones franches du
Sud afin d'économiser sur les salaires pour optimiser les ventes. Le
développement n'est pas que l'affaire du Sud ; le Nord est
concerné, non seulement parce qu'il doit partager ses richesses, mais
parce que bientôt il sera face à des problèmes qui seront
comparables à ceux du Sud au niveau du désengagement de
l'État dans le service aux populations. Le Nord et le Sud sont des
pôles indissociables, il faudra donc trouver un terrain d'entente pour
harmoniser leur développement.
CONCLUSION
Au cours de cette recherche, nous avons découvert des
aspects inattendus relatifs à notre question de recherche. Nous n'avions
pas prévu que l'approche large (développement
intégré) portée par Songhaï s'harmonisait avec
l'approche plus pointue visant les résultats (développement
sectoriel, par programme et par projet) promue par les bailleurs de fonds
internationaux. Non seulement Songhaï a réussi à financer sa
mission sans la transformer, mais il a misé sur l'atteinte des
résultats. Des résultats qui sont devenus un atout majeur pour
négocier avec des partenaires éventuels. Cependant, il demeure
que l'essentiel de l'approche de Songhaï porte sur les parcours et les
processus. En effet, c'est le développement des capacités
individuelles et collectives à faire face aux problèmes et
à les résoudre, qui représente le coeur du modèle
de Songhaï.
En réalité nous pensions que Songhaï
arrivait à obtenir ses financements seulement en diversifiant ses
partenaires. Or, la stratégie de Songhaï est beaucoup plus
raffinée. Non seulement la diversification des partenaires est un
facteur important, l'approche de la « troisième
voie », à la fois un modèle de solidarité et de
coopération se conjuguant avec le modèle dominant fait toute la
différence. Voulant répondre aux besoins des populations,
Songhaï a diversifié ses activités. Il n'a pas fait l'option
de la spécialisation agricole, il a introduit la commercialisation de
ses produits et mis en réseau les différents acteurs pour obtenir
des filières afin de participer à toutes les étapes de la
production à la vente. De plus, il a su s'adapter, entre autres sur la
question des femmes. Les femmes étant moins intéressées
par l'agriculture, il a innové dans la transformation
des produits et la restauration, un domaine où la femme se sent plus
à son aise au Bénin.
En créant un Centre qui contribue à un
Mouvement, Songhaï fait du développement local sur plusieurs
aspects et il peut ainsi tirer profit de divers bailleurs de fonds, autant au
niveau des O.N.G. internationales que du gouvernement du Bénin, dans le
cadre des approches sectorielles en multipartenariats et de celles par
programme. Il fait de la formation, de l'agriculture, de la commercialisation.
Il s'occupe des jeunes, des femmes, et intègre l'écologie
à son système agricole. Également, il développe les
télécommunications. C'est un système de
développement holistique qui permet à Songhaï de ne pas se
cantonner dans un seul créneau. La diversification, autant auprès
de ses bailleurs de fonds que dans son plan de développement qui est mis
en oeuvre, lui fait bénéficier d'une longueur d'avance dans la
négociation avec ses partenaires potentiels, car il n'est pas tenu
d'accepter des contraintes qui pourraient nuire à sa mission qui est de
transformer les mentalités afin de créer un vivier propre au
développement local. Il transforme les mentalités à partir
de son modèle de développement de la « troisième
voie », qui consiste à absorber de l'extérieur ce qui
convient à l'intérieur ; c'est comme acheter en
« pièce détachée » ce qui convient aux
réalités locales. C'est de l'économie d'énergie et
de temps qui permet aux populations qui se sont inscrites dans un processus de
développement d'acquérir des savoir-faire taillés sur
pièce, par eux et pour eux. L'empowerment des individus va
alors redonner un dynamisme aux communautés et favoriser
l'entrepreneuriat et le réseautage de celles-ci, tout
en valorisant les tissus sociaux existants. Les critères de
durabilité du développement seront alors rencontrés. Cela
n'exclut pas que le Nord et les gouvernements des pays du Sud doivent aussi
faire leur part. Ils doivent soutenir les initiatives civiles en les
renforçant par des structures économiques et par des services.
Le dynamisme de Songhaï est inspirant à plusieurs
niveaux. Il démontre que nous pouvons adopter des stratégies qui
permettent d'établir des partenariats plus égalitaires en
adoptant des modèles de développement plus holistiques et en
diversifiant nos interlocuteurs. Cette approche peut influencer les rapports de
force déjà existants entre le Nord et le Sud en transformant la
nature du dialogue. Songhaï est un modèle de développement
qui émerge de la base et qui démontre sa grande capacité
à être à l'écoute de la population et des
réalités propres à chacune d'entre elles. Le fait qu'il
soit collé aux réalités quotidiennes des
communautés permet une meilleure analyse, ce qui est en soit un point
déterminant dans l'élaboration de projets de
développement. Le Nord se doit d'être à l'écoute de
partenaires tel que Songhaï, car il bénéficie alors d'une
expertise qui s'ancre dans l'actualité et qui est à même de
trouver ses réponses à ses besoins.
Le Nord aurait quelque intérêt à aider le
Sud à se développer, car les inégalités entre les
deux mondes et les fractions sociales amènent de plus en plus
d'instabilités au plan politique. Pour qu'une stabilité sociale
mondiale s'établisse, il faudra favoriser un développement plus
égalitaire en donnant plus de place aux voies alternatives et en
repensant le modèle dominant de façon à intégrer
davantage les aspects du développement social dans un cadre
évolutif. Pour réaliser ce tour de force, il faudra de
l'ouverture, un dialogue soutenu et beaucoup de concessions. La
« troisième voie » de Songhaï pourrait aussi
devenir un modèle pour le Tiers-monde afin qu'il devienne un monde
à part entière.
.
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Bénin
Yaou, Jago. 2004. Chargé de stage à
l'université (Centre polytechnique de l'Université du
Bénin, CÉCURI)
ANNEXE 1
Les bailleurs de fonds internationaux de
Songhaï
1. Songhaï-France,
2. Solidarité-Songhaï,
3. Louveciennes Afrique et Développement,
4. Songhaï-Chasselay,
5. USAID (United States Aid for International Development),
6. Danida,
7. CCFD (Comité catholique contre la faim pour le
développement),
8. Songhaï Support Group (California),
9. Le PNUD (Programme des Nations Unies pour le
Développement),
10. L'HCR (Agence des Nations Unies),
11. RABOBANK FOUNDATION (Pays Bas),
12. L'Accion Verapaz (Espagne),
13. Le SID (Society for International Development),
14. Le CRDI (Centre de Recherches pour le Développement
International),
15. La Coopération Française,
16. CODEV-Toulouse (France),
17. Les gouvernements du Bénin et du Nigéria.
18. OXFAM-Québec
ANNEXE 2
Guide 1
Questions pour un bailleur de
fonds de la coopération bilatérale ou multilatérale qui
fait affaire avec Songhaï (USAID)
Définitions
1. Comment définiriez-vous le type de
développement que votre organisme promeut ?
(Type : durable, intégré, sectoriel,
économique, sociale)
2. Comment définissez-vous vos liens avec
les organismes ou partenaires qui bénéficient de vos fonds ?
(Liens : d'assistance, de partenariat...)
3. Comment USAID établit-il ses contacts
avec ses partenaires ou organismes bénéficiaires ?
§ Y a-t-il une différence entre les organismes
bénéficiaires et les partenaires ?
§ De quel ordre est-elle ?
Critères
4. Quels sont les critères pour accorder
une aide à une O.N.G. ?
5. Quel est le but de chacun des
critères :
§ Y a-t-il des critères qui ont pour rôle la
vérification des besoins réels exprimés ?
(Mécanismes de vérification pour continuer le financement)
§ Y a-t-il des critères qui se posent sur les
conditions physiques et matérielles du milieu et sur le
leadership du fondateur ?
§ Prévoyez-vous des fonds de
dépannage ? Pour quels cas ?
§ Y a-t-il des critères de
« programmation sectorielle » (éducation,
femme, agriculture, démocratie...)
6. Quel est le processus d'élaboration de
ces critères ?
- Rendez-vous des comptes à des instances
supérieures ? Si oui de quelles natures, et avez-vous des
marges de manoeuvre ?
7. Les critères changent-ils d'une année à
l'autre (selon les ministres en place ou les priorités des États
unis) = variation ?
Processus d'octroi de fonds
8. Vous arrive-t-il d'avoir plusieurs demandes d'un même
organisme pour différents secteurs ?
9. Quel est le processus à suivre pour
obtenir une aide ?
Conclusion
Globalement, comment décririez-vous aujourd'hui les
relations entre le Nord et le Sud, d'après jugement ou
expérience personnelle ? (son appréciation des
rapports Nord/Sud)
Guide 2
Questions pour le fondateur ou pour un des administrateurs de
Songhaï
Définitions
1. Comment définiriez-vous le type de
développement que votre organisme promeut ?
2. Comment définissez-vous vos liens avec
vos partenaires ou bailleurs de fonds ?
3. Comment Songhaï établit-il ses
contacts avec ses partenaires ou bailleurs de fonds ?
- Dans votre livre vous parliez de « bailleurs de
fonds » et de « partenaires ».Y a-t-il une
différence entre les deux ? De quel ordre est-elle
Critères
4. Quels sont les critères pour recevoir
une aide d'un bailleur de fonds ou partenaire ?
5. Quelles sont les contraintes de chacun des
critères :
§ Y a-t-il des critères qui vous obligent à
justifier des besoins exprimés ?
§ Y a-t-il des critères qui vous obligent à
prouver des qualités de compétences ou des
capacités de rendement ?
§ Vous est-il arrivé de demander des fonds de
dépannage ? Dans quels cas ?
§ Comment faites-vous pour rejoindre les
critères de vos bailleurs de fonds (par exemple dans les cas de
«programmation sectorielle »)
6. Quel est le processus d'élaboration de
vos demandes de subvention ? C'est-à-dire comment
s'élaborent-elles ?
- Rendez-vous des comptes à vos bailleurs de
fonds ? Si oui de quelles natures (financières, formelles ou
consultatives...), et avez-vous des marges de manoeuvre ?
7. Les exigences des bailleurs de fonds s'allègent-elles
au fil du partenariat ? (par rapport au degré de confiance) =
adaptation aux variations ?
Processus d'octroi de fonds
8. Vous arrive-t-il de soumettre plusieurs demandes pour
différents secteurs ?
9. Quel est le processus de répartition
des fonds obtenus ?
Conclusion
10. Globalement, comment décririez-vous aujourd'hui les
relations entre le Nord et le Sud, d'après jugement ou
expérience personnelle ?
Grille de lecture des
documents administratifs
Définitions
1. Le type de développement que l'organisme
promeut ?
2. Définitions du lien entre les bailleurs de fonds, les
partenaires et Songhaï
3. Y a-t-il une différence entre les bailleurs de fonds et
les partenaires ?
§ De quel ordre est-elle ?
Critères
4. Quels sont les critères pour recevoir une aide d'un
bailleur de fonds ou d'un partenaire ?
§ Y a-t-il des critères qui ont pour rôle la
vérification des besoins réels exprimés ?
§ Y a-t-il des critères qui se posent sur les
conditions physiques et matérielles du milieu et sur le leadership du
fondateur ?
§ Y a-t-il des critères qui s'élaborent
à partir de fonds de dépannage ou de fonds
stratégique ?
§ Y a-t-il des critères de « programmation
sectorielle » (éducation, femme, agriculture,
démocratie...)
5. Qui fait ces critères ?
6. Le discours de Songhaï est-il toujours le même
auprès de ses bailleurs de fonds ?
§ Quel type de variantes dans son discours
utilise-t-il ?
7. Est-ce que les demandes à un même organisme se
transforment d'année en année ?
Processus
8. Y a-t-il plusieurs demandes dans un même organisme pour
différents secteurs ou cas d'espèce, ou est-ce des demandes
globales ?
9. Quel est le processus à suivre pour obtenir une
aide ?
11. Les bailleurs de fonds ou partenaires sont-ils soumis
à une reddition de compte ?
* 1
http://psteger.free.fr/kuznets.htm, consulté entre le 20/10/2003 et le
20/04/2004
* 2 Entretien disponible sur le
site de la Banque Mondiale
http://web.worldbank.org,
consulté entre le 20/10/2003 et le 20/04/2004
* 3Voir Office
québécois de la langue française :
www.olf.gouv.qc.ca et Chaire entrepreneuriat sociale
http://www.essec-entrep-social.com/fr/recherche/recherche01.html,
* 4 Tiré du
« Document-Cadre de politique économique pour
1996-1997 » qui est une version actualisée, suite à
l'alternance intervenue en avril 1996, du document du même titre pour la
période 1995-1997 adopté en avril par le gouvernement Soglo qui
se trouve au Ministère du plan, Cotonou, Bénin.
* 5 Voir le Centre
Songhaï. 2003. : www.songhai.org
* 6
http://web.worldbank.org
* 7L'Aigle de Songhaï,
transfert, 2001, no 45