UNIVERSITÉ CHEIKH ANTA DIOP DE DAKAR
FACULTE DES LETTRES ET SCIENCES
HUMAINES
DEPARTEMENT LETTRES MODERNES
* * * * * * * *
* * * * * * * *
MEMOIRE DE MAITRISE
THEME
:
LE PRONOM PERSONNEL DE LA TROISIEME
PERSONNE : PLACE ET REFERENCE EN FRANÇAIS CLASSIQUE ET EN
FRANÇAIS MODERNE.
Présenté par :
Sous la direction
du :
ANNEE ACADEMIQUE
2005 - 2006
Mademoiselle ROSE SENE Pr.
NGUISSALY SARRE
DEDICACES
Je dédie ce travail
- à ma feue grand mère
- à mon père
- et à ma mère
REMERCIEMENTS
J'adresse mes sincères
remerciements
- à mon encadreur le Professeur Nguissaly Sarré
qui m'a beaucoup encouragée
- à ma toute ma famille, particulièrement
- à ma soeur Afi
- à son mari Oumar qui m'a apporté toute son
aide
- à ma soeur Yacine
- à Talla
- et à tous mes amis
CORPUS :
- EN FRANÇAIS CLASSIQUE :
MOLIERE, 1672, Les femmes
savantes, édition Larousse classique
LA FAYETTE (Mme de), 1678,
La Princesse de Clèves, texte intégral, collection
Folio « 778 »
- EN FRANÇAIS MODERNE :
FLAUBERT (GUSTAVE), 1869,
L'éducation sentimentale, collection livre de poche,
librairie Générale Française, 1983
ABREVIATIONS
Fem. sav. : Les femmes
savantes
Ed. sent. : L'éducation
sentimentale
Pr. de Clèves: La princesse de
Clèves
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION.......................................................................9
PREMIERE PARTIE :
Place du pronom personnel de la troisième personne
en français classique et en français
moderne....................................17
CHAPITRE I :
Le pronom personnel en fonction
sujet...................................18
I - Le pronom personnel sujet séparé
du verbe..............................21
1-1- Le pronom personnel sujet suivi d'une
négation........................21
1-2- Le pronom personnel sujet avec un pronom personnel
complément......................................................................22
II- Le pronom personnel dans une construction
inversive..................24
2-1- Le pronom dans une tournure
interrogative..................................24
2-2- Le pronom dans une tournure
explicative....................................26
III- L'absence du pronom personnel
sujet.......................................30
CHAPITRE II :
Le pronom personnel en fonction
objet.....................................35
I- Le pronom personnel objet avec deux verbes
successifs..............37
II- Le pronom personnel objet complément de
l'impératif................42
III- Le pronom personnel séparé du
verbe.....................................46
2-1- Le pronom personnel suivi d'un adverbe +
infinitif.....................47
2-2- Le pronom personnel suivi d'une négation +
infinitif....................48
DEUXIEME PARTIE :
Référence du pronom personnel de la
troisième
personne en français classique et en
français moderne......................52
CHAPITRE I :
Qu'est-ce que la référence d'un
pronom....................................53
I- Les modes de référence
.........................................................56
1-1- La référence hors du
texte......................................................57
1-2- La référence au
texte............................................................68
II- La relation entre le pronom et son
antécédent...............................75
2-1- L'accord du pronom anaphorique avec son
antécédent...................75
2-2- La mise en évidence du terme
anaphorisé....................................81
2-2-1- Le rapprochement de l'antécédent au pronom
..............................82
2-2-2- La coréférence de deux pronoms identiques
dans une phrase.............88
CHAPITRE II :
La classification référentielle du pronom
personnel
représentant et les écarts dans l'usage
entre le
français classique et le français
moderne....................................94
I- La représentation d'un groupe nominal, d'un
adjectif,
d'un verbe ou d'un
énoncé.................................................95
1-1- Les pronoms sujets il et
elle....................................................96
1-1-1- Le pronom il anaphorisant un
énoncé.........................................97
1-1-2- Le pronom il impersonnel en
concurrence avec le démonstratif
ce.......98
1-2- Les pronoms personnels
compléments......................................102
1-2-1- Le pronom le
référant à une idée, un énoncé ou un
groupe verbal......103
1-2-2- Le pronom le représentant
un adjectif ou ayant la fonction attribut.....104
1-2-3- Les pronoms la,
les à la place du pronom neutre
le........................104
1-2-4- Les pronoms adverbiaux en et
y..............................................106
II- La représentation non
coréférentielle du pronom personnel de la troisième
personne .............................................................109
2-1- L'anaphore non coréférentielle d'un nom
à déterminant zéro en français
classique..........................................................................109
2-2- L'anaphore non coréférentielle d'un nom
déterminé par le pronom en en
français classique et
moderne.................................................113
2-2-1- Le passage du général au
particulier.........................................113
2-2-2- Le passage du singulier au
pluriel............................................114
2-2-3- Le passage du pluriel au
singulier............................................116
III- La représentation des personnes et des choses par
le pronom personnel de la troisième
personne............................117
3-1- Les pronoms soi,
en, y représentant
des noms de personnes.............118
3-1-1- Le pronom soi à la place
de
lui...............................................119
3-1-2- Les pronoms en et
y avec un référent
humain..............................122
3-2- Les pronoms lui,
elle, eux
représentant des noms
de choses à la place de
soi, en et
y...........................................127
3-2-1- Le pronom lui à la place
du réfléchi
soi.....................................127
3-2-2- Le pronom lui à la place
de en et y ou représentant une chose...........128
CONCLUSION.........................................................................131
INTRODUCTION :
L'étude du pronom personnel en
français classique et en français moderne nécessite
le rappel des évènements qui, dans les siècles
précédents, ont participé à sa
régularisation dans l'usage, tel que nous avons trouvé ce
pronom dans la langue du dix septième siècle.
Si la période du moyen français,
s'étendant du début du quatorzième à la fin
du quinzième siècle, est décrite comme une
période d'instabilité de la langue française,
période où la langue reste incertaine, sans règles
fondamentales, où tous les traits de l'ancien français qui
étaient pour la plupart hérités du latin, tendent
à disparaître, le seizième siècle, par contre
arrive avec un souci d'équilibre de la langue. Les grammairiens
de cette époque ont commencé à donner à la
langue plus d'autonomie .
Tout au début, Du Bellay, dans sa
célèbre Défense et Illustration de la langue
française en 1549, préconise
l'enrichissement de la langue élevée au rang de langue
administrative et littéraire telle que l'a voulu
l'Ordonnance de Villers Cotterets en
1539. Ainsi les grammairiens du seizième
siècle vont s' appliquer dans ce domaine pour donner à la
langue
française la pureté des langues
anciennes,comme le confirme Henri Estienne
(1531-1598) dans son ouvrage intitulé
traité de la conformité de la langue
français avec le grec où il
préconise une précellence du français par rapport
aux autres langues.
Dans cette lancée, les grammairiens et
théoriciens de la langue française vont se charger
d'instaurer les règles d'usage, en fixant les traits
morphologiques, sémantiques et syntaxiques. C'est pourquoi, pour les
exigences de cette étude que nous entamons sur les pronoms
personnels, plus précisément sur ceux de la
troisième personne, nous aurons besoin de l'appui de ces
théoriciens de la langue. Ce qui nous permettra d'apporter une
plus large explication sur l'historique des pronoms qui nous occupent
mais aussi sur tous les changements qui se sont opérés
dans l'emploi de ces derniers à travers les grandes
périodes de l'histoire du français : surtout entre la
langue du dix septième siècle et celle de nos jours.
D'après une définition étymologique
le pronom est le mot qui tient la place d' un nom . Ce nom
étant souvent une personne (surtout avec les pronoms de la
première et de la deuxième personne), les morphèmes
qui tiennent la place d'un substantif (être, objet ou un fait )
et qui caractérisent les personnes du verbe sont appelés
les pronoms personnels. En effet, Ferdinand Brunot et
Charles Bruneau 1 , parlant du pronom personnel
de la troisième personne qu'ils désignent sous le terme
de lui, disent qu' il
« tient la place d' une personne ou d' une
chose absente, déjà connue ou désignée
antérieurement : c'est véritablement un
« pronom » un mot qui
tient place d'un nom. » En français,
les pronoms personnels
(1) Brunot (Ferdinand) et Bruneau (Charles), Précis
de grammaire historique de la langue française, 4e ed.
.Paris, Masson et Cie .1956. Page 267.
participent à la clarté et à la
cohérence d'un énoncé. Ils sont présents dans
la phrase pour indiquer l'être qui fait ou subit l action
exprimée par le verbe, ou qui est dans l' état
exprimée par celui-ci .Ils peuvent avoir une fonction de sujet
ou de complément .
Il n'en était pas ainsi en latin, langue
mère du français, où les désinences verbales
étaient assez distinctes pour marquer la personne .Le pronom
personnel existait déjà, mais il n' était
présent au nominatif (c'est à dire en fonction sujet) que
dans les cas où il servait :
a) à faire une opposition
de personne, lorsqu'il est utilisé dans une phrase avec deux
sujets différents .
b) à mettre en relief le
sujet du verbe, dans une phrase à la forme emphatique.
En ce sens Gilbert Etienne 2
soutient qu'« en latin, la personne du verbe est
clairement indiqué par la terminaison . Le pronom personnel
sujet n'est exprimé que si l'auteur veut insister sur la
personne du sujet : cette insistance doit apparaître en
français, par l'emploi de la forme emphatique
».
Il pouvait aussi être employé pour
débuter une phrase où le verbe est à la voix
pronominale, pour éviter que le pronom réfléchi soit
à la tête.
C'est ainsi que Nyrop
3 explique que le pronom sujet manque
ordinairement dans les plus vieux textes et donne l'exemple
suivant :
« Blanc ai le chief e la barbe ai
chenude »
St. Alexis, v.406,
(2) Etienne (Gilbert), Grammaire Latine _ De la grammaire
à la version-, éditions H. Dessain 1987- P.63
(3) Nyrop (Kr.), Grammaire historique de la langue
française, Tome V, Paris Alphonse Picard et fils, 1925. Page 206
Le système des pronoms était en ancien
français fondé sur l'opposition entre emploi de
pronom et absence de pronom .La présence de celui-ci
était comme une formule d'insistance.
Tout au cours de l' ancien français, leur usage
restait toujours peu fréquent dans les textes : le pronom
sujet pouvait ne pas être exprimé car le verbe portait en
lui même, au niveau de sa désinence, la marque de
personne.
« Et orent ce premier jour et le second
assés bon vent et... »
(Froissart, Chroniques. p.72)
En plus, à cette période, avec les
bouleversements phonétiques subis par les pronoms, s'est
développée une série de formes avec les pronoms
compléments , suivant qu'ils se trouvaient en position
accentuée ou non .Ferdinand Brunot et Charles Bruneau
4 expliquent alors que les deux formes
pouvaient être utilisées « selon des
lois phonétiques : avant le verbe, c'est toujours la forme
non accentuée que l'on trouve ; après le verbe et
après une préposition, c'est toujours la forme
accentuée. »
Dés lors le système latin sera
concurrencé par celui qui met en concurrence des pronoms atones
et des pronoms toniques.
« Et depuis li fu ramenteu, quand li
mariage fu tretiés de de lui et... »
(Froissart, Chroniques p.70)
En moyen français avec l'aplanissement des
désinences verbales dû au développement
phonétique et analogique, l'addition du pronom personnel sujet
est devenue peu à peu nécessaire voire obligatoire. En
effet, Wagner et Pinchon expliquent que les
pronoms personnels « ont
(4) Brunot (F) et Bruneau (Ch.), Précis de
grammaire historique de la langue française, 4e ed.
.Paris, Masson et Cie 1956. Page 270
pour rôle de marquer la personne du verbe. Lorsque
les personnes du verbe ne sont pas phonétiquement
différenciées, ces pronoms permettent seuls de distinguer les
trois personnes du singulier et la troisième du
pluriel. »5 Mais aussi, en ce moment,
le pronom sujet a perdu toute sa force et est devenu atone.
Les pronoms personnels apparaissent alors sous
une forme atone au cas sujet et sous une forme atone ou tonique,
suivant qu'ils se trouvent avant ou après le verbe, au cas
régime.
Les formes du pronom personnel de la
troisième personne proviennent essentiellement du démonstratif
d'éloignement ille qui s'est
décliné suivant les cas du latin. En effet, selon le
latiniste Gilbert Etienne 6 , le latin ne
dispose que de se issu de
sese, pronom réfléchi, comme
forme propre du pronom personnel de la troisième personne. Ce
dernier, tout comme le démonstratif fonctionne comme un indicateur
ou comme un représentant dans l'énoncé, c'est
à dire qu'ils sont dans une phrase pour désigner un
objet, une personne ou pour renommer un nom présent dans le
texte. Ses formes se partagent en deux séries suivant leur
fonction, en français classique comme en français
moderne :
* Les formes atones
il(s) et
elle(s) se
spécialisent dans la fonction sujet.
* Les formes toniques lui,
leur, soi et
eux ainsi que les atones
le, la,
les, se sont particularisées
dans la fonction objet.
Dans ces deux dernières séries se
dégage une autre série de formes suivant leur nature
réfléchie : lui,
eux,
elle(s), se,
soi .
Dans cette dernière série
se est toujours atone alors que,
elle(s),
eux
(5) Wagner (R.L) et Pinchon (J.), Grammaire du
français classique et moderne, éd. revue et corrigée,
Paris, Hachette, 1962, p. 168
(6) Etienne (Gilbert), Grammaire Latine _ De la
grammaire à la version-, éditions H. Dessain 1987 P. 65
et soi sont toniques. Cependant
lui peut avoir une valeur atone ou
tonique, selon qu'il se trouve respectivement avant ou après le
verbe.
En dehors de ces formes, il existe des pronoms qui
sont considérés par les grammairiens comme faisant partie
des pronoms personnels de la troisième personne. Il s'agit des
pronoms adverbiaux en et y
qui sont à l'origine deux adverbes de lieu
signifiant successivement de là et
là. Ils sont aussi
parfois appelés adverbes personnels. Ces
pronoms ont, dés l'ancien français, pris la nature de
pronom personnel lorsqu'ils ont la fonction de complément d'objet
direct ou indirect. Ils traduisent ainsi les expressions de
lui,
d'elle(s),
d'eux, de ceci, de
cela pour en et les expressions
à lui, à
elle(s), à
eux, à ceci,
à cela pour y .
En plus de ces pronoms adverbiaux il y aura aussi le
pronom indéfini on dont l'emploi est
souvent entré en concurrence avec le pronom personnel
ils, depuis le latin
jusqu'à la période classique .
Ces pronoms ont aussi, d'après
Ferdinand Brunot et Charles Bruneau
7 « pris la valeur de
représentant. »Ils feront alors partie
intégrante de cette étude que nous entamons sur la place et
la référence du pronom de la troisième personne.
Notre travail consistera à faire une
étude de tous les emplois de ce pronom, d'abord en
français classique en nous servant des écrits des auteurs
de cette époque et ensuite en français moderne en
utilisant des oeuvres du français moderne . Ces emplois du
pronom personnel sont régis par des règles, que ce soit
en français classique ou en français moderne.
(7) Brunot (F) et Bruneau (Ch.), Précis de
grammaire historique de la langue française, 4e ed.
.Paris, Masson et Cie .1956. P.286
Il sera alors question d'étudier les
emplois du pronom personnel en français classique par rapport
aux règles d'usage qui ont été fixées par
les grammairiens et théoriciens de langue et de la même
manière, les emplois du pronom personnel en français
moderne. Il s'agira d'une comparaison de deux états de langue
différents.
Dans la présente étude, trois oeuvres ont
été choisies - les deux, en français classique :
Les femmes savantes de
Molière et La Princesse de
Clèves de Madame de La fayette, la
troisième en français moderne :
L'éducation sentimentale de Gustave
Flaubert - pour servir de support à l' étude
que nous ferons sur la place et la référence du pronom
personnel de la troisième personne.
S'agissant de la place du pronom, il sera question de
situer celui-ci qu'il soit en fonction de sujet ou de
complément, par rapport au verbe qu'il accompagne dans la
phrase. Et concernant la référence du pronom, il s'agira
d'étudier les règles de reférenciation d'un pronom
qui a généralement une valeur anaphorique, c'est à
dire qui a les propriétés de référer
à un mot, une proposition ou une idée déjà
présente dans l'énoncé. Cette reférenciation a
posé des problèmes dans les oeuvres littéraires, de
telle sorte qu'il y eut quelques difficultés dans le choix du
référent. Notre travail consistera aussi à trouver le
bon référent et à étudier tous les modes et
les capacités référentielles du pronom de la
troisième personne en français classique et en
français moderne.
PREMIERE PARTIE
La place du pronom personnel de la troisième
personne
Contrairement à la langue latine où
l'ordre des mots avait une valeur expressive, le français définit
une place bien précise pour chaque mot de la phrase suivant la fonction
qu'il y occupe.
Cette régularité de construction a
commencé au cours de l'ancien français. Et sur le plan
syntaxique, elle est venue jouer le rôle qu'avaient les six cas de la
déclinaison latine qui ont été réduits à
deux à cette période.
Dés lors, la place du mot dans la phrase
aide à déterminer sa fonction et selon A.
Dauzat : « l'ordre des mots (...) a
pris peu à peu une valeur logique pour exprimer des rapports et
suppléer à la défaillance des
réflexions. » 8
Alors, quelle que soit sa fonction sujet ou
complément, le pronom personnel du français moderne occupe des
places respectives dans la phrase. Cette exigence a été plus
stabilisée par les grammairiens classiques car en ancien et moyen
français, les pronoms, étant toujours accentués,
étaient encore indépendants du verbe. Cependant, comme le
précise Nyrop :
« l'évolution s'est faite lentement, et, dans
quelques cas ils ont gardé leur valeur tonique jusque dans le XVIIe
siècle.» 9
En effet, malgré les règles établies, la
langue classique notamment celle du XVIe siècle a gardé quelques
caractéristiques de la vieille langue, qui n'ont d'ailleurs pas
survécu jusqu'à la fin du XVIIe siècle.
(8) Dauzat (Albert), Historique de la langue
française, Paris, Payot, 1930, p. 425
(9) Nyrop (Kr.), Grammaire Historique de la langue
française, TV, Paris, Picard et fils 1925 p. 212
CHAPITRE I :
Le pronom personnel en fonction sujet
Avant d'étudier la place qu'occupe le pronom personnel
de la troisième personne en fonction sujet par rapport à son
syntagme verbal, il faut d'abord préciser le fait, qu'à part les
formes atones il (s),
elle (s) et
on qui servent exclusivement de sujet, il existe des pronoms
accentués lui, elle et
eux qui peuvent remplir cette fonction en
français. Ils sont souvent renforcés par les adverbes
seul et même et sont
très indépendants du fait de leur accentuation. Tandis que le
pronom personnel atone est généralement en liaison très
étroite avec le verbe.
Dans une construction directe, ce dernier, se place
régulièrement devant le verbe et est défini par
Georges et Robert Lebidois « Comme
une préflexion
nécessaire. »10
« Comme
elle gardait la même attitude,
il fit plusieurs tours de droite et de gauche
pour dissimuler sa manoeuvre, puis il se planta tout
prêt de son ombrelle, posée contre le bans, et
il affectait d'observer une chaloupe sur la
rivière. »
(Flaubert, Ed.
sent.- p.7)
(10) Lebidois (Georges et Robert), Syntaxe du
français moderne, ses fondements Historiques et psychologiques,
Tome I, Paris, Picard, 1935..P.127
Comme le montre cet exemple du français
moderne, le verbe vient juste après le pronom personnel sujet et
ils ne peuvent être ni éloignés, ni séparés
par un autre mot de la phrase. Cette règle est tout aussi valable en
français classique, tel que nous l'avons trouvé dans les textes
de cette époque.
« Mon père est d'une humeur à
consentir à tout,
Mais il met peu de
poids aux choses qu'il résout ;
Il a reçu du ciel une
bonté d'âme... »
(Molière, Fem.sav.v.205-7)
«
Il parut alors une beauté à la cour,
qui attira les yeux de tout le monde, et l'on doit
croire que c'était une beauté parfaite,
puisqu'elle donna de l'admiration dans un lieu
où l'on était accoutumé à
voir de belles personnes. »
(La fayette, Pr. de Clèves, p.136)
La position du pronom personnel sujet par rapport au syntagme
verbal n'a pas changé entre la langue classique de la fin du XVIIe
siècle et la langue moderne. Cette absence d'écart entre ces deux
périodes est due au fait que les écrivains de cette
première époque ont eu le temps d'adopter la règle
d'emplacement du pronom personnel sujet. En effet, elle a été
fixée, bien avant le français classique, après que
celui-ci est devenu atone.
En ancien et moyen français,
il était accentué et pouvait se mettre
à l'écart. Mais au cours du temps, il a fini par perdre son
accent et s'est ainsi rapproché du verbe. Selon Nyrop,
« l'usage médiéval est
représenté par le passage suivant :
« Et
il qui mout estoit soutils (Joinville
? 583).»11
(11) Nyrop (Kr.), Grammaire Historique de la langue
française, TV, Paris, Picard et fils 1925, .P.212
Ce que le français moderne aurait rendu
par : Et lui qui était très
subtil en remplaçant le il
devenu atone dès lors, par la forme forte
lui qui convient actuellement
Ce type de construction ne s'est pas limité
à cette période car il continue jusqu'au XVIe siècle,
période transitoire entre la langue médiévale et la langue
classique, où on observe des cas d'emploi où le pronom personnel
sujet n'était pas encore tout à fait faible et restait
éloigné du verbe. Mais ils ne sont qu'une pure imitation de la
langue de l'époque précédente car par la suite on ne les
retrouve que dans quelques tournures archaïques chez certains auteurs
classiques. Cependant, ils n'ont pas totalement disparu du moderne qui en a
gardé une survivance avec le pronom personnel de la première
personne je dans la formule administrative
Je soussigné...
Ainsi, malgré quelques exceptions, l'usage
classique a fini par admettre que le pronom
sujet il était devenu
complètement faible.
En ce sens, il ne diffère pas de la langue
moderne qui a hérité des normes du XVIIe.
Il, pronom faible, ne pouvait donc plus être
employé à la place de la forme forte
lui. Sa place était alors fixée devant
le verbe auquel il était étroitement lié.
Mais cette règle n'est valable que dans les
constructions directes (sujet + verbe), c'est-à-dire dans les phrases
affirmatives, car dans tout autre cas, le pronom personnel sujet peut occuper
une autre place que celle qui lui est généralement
attribuée.
I- Le pronom personnel sujet
séparé du verbe :
Nous avons dit que le pronom sujet, dans une construction
directe, se plaçait régulièrement juste devant le verbe,
et était comme « une
préflexion ». Ceci n'est pas tout à
fait vrai cependant dans les cas où :
- Le verbe est à la forme négative
- Le verbe est précédé d'un pronom
personnel complément
1-1- Le pronom personnel sujet suivi d'une
négation :
Lorsque le pronom personnel sujet se construit avec le verbe
à la forme négative, ce dernier s'accompagne des locutions
adverbiales ne...pas,
ne...plus,
ne...guère,
ne...point,
ne...rien.
Celles-ci se mettent de part et d'autre du verbe
dans la formule ne + verbe + pas
(plus, point,
etc....)
La particule négative ne
vient après le sujet et le sépare alors du verbe. Ceci est
applicable aussi bien en français classique qu'en français
moderne puisqu'il en est ainsi depuis l'ancien français.
En effet, A. Dauzat, situant le groupe
négatif dans la phrase précise qu'
« avec les temps personnels, la place n'a pas
changé depuis le XVIIe siècle : ne
précède le verbe, et la particule de renforcement
(mie, point,
pas) suit le temps simple et s'intercale entre l'auxiliaire
et le participe. »12
« Vous savez que de bien
il n'a pas
l'abondance. »
(Molière. Fem.sav.
v403)
(12) Dauzat (A), Historique de la langue
française, Paris, Payot, 1930, .P.433
« Il ne prit pas seulement
le soin de chercher des prétextes pour rompre avec elles ;
il ne put se donner la patience d'écouter
leurs plaintes et de répondre à leurs
reproches. »
(La
fayette, Pr. de Clèves, p.162)
« Mais au souvenir de Madame Arnoux,
son chagrin s'évanouit.
Il
ne parla pas d'elle, retenu par une
pudeur. »
(Flaubert, Ed .sent . p.18)
Ne fonctionne
dans ces exemples comme un proclitique et rompt le lien qui unissait le pronom
personnel sujet atone au verbe. Mais, il n'est pas seul à avoir cette
possibilité, car il peut être suivi d'un pronom
complément.
« Du nom
de philosophe elle fait grand mystère,
Mais elle
n'en est pas pour cela moins
colère.»
(Molière, Fem. sav. v 667.8)
« Elle
ne se flatta plus de
l'espérance de ne le pas aimer ; elle songea à ne lui en
donner jamais aucune marque. »
(La fayette, Pr. de Clèves, p.194)
1-2- Le pronom personnel sujet suivi d'un
pronom personnel complément :
Lorsque les pronoms personnels
compléments me, te,
se, le,
la, les,
leur viennent seconder le pronom personnel
sujet, ils se placent entre celui-ci et le
verbe dont ils sont compléments. Il en est ainsi
depuis la période de l'ancien français car ils sont des pronoms
atones qui suivaient généralement le verbe en latin. Mais, en
français ils ont toujours fonctionné comme des proclitiques (sauf
parfois à l'impératif où ils peuvent suivre le verbe).
Ainsi, au XVIIe siècle, Vaugelas exige qu'ils soient
mis auprès du verbe dont ils sont compléments.
« Il
me le dit, ma soeur, et,
pour moi, je le crois. »
(Molière, Fem. sav. v.113)
Les pronoms personnels nous et
vous ainsi que le personnel
lui, peuvent aussi se mettre entre le pronom
personnel sujet et le verbe et dans ce cas, ils deviennent des proclitiques
atones.
« Et d'un coeur qu'on
vous jette, on vous voit
toute fière.»
(Id. ib. v. 191)
« Cette
fermeté d'âme à vous si singulière
Mérite qu'on
lui donne une illustre
matière »
(Id. ib v. 1554)
« Je
lui ai ouï dire plusieurs fois dire qu'elle
était née le jour que Diane de Poitiers avait été
mariée ; »
(La fayette, Pr. de Clèves, p.158)
Et en français moderne :
« Mme Arnoux s'était avancée l'antichambre.
Dittmer et Hussonet la saluaient, elle leur tendit
la main ; elle la tendit également
à Frédéric ; ... »
(Flaubert, Educ. sent.
p.58)
Il en est de même avec les adverbiaux
en et y
qui ont pris la valeur de pronom personnel complément depuis
l'ancien français.
«
Il est vrai que l'on sue à souffrir ses discours. Elle
y met Vaugelas en pièce tous les
jours ; »
(Molière, Fem. sav.
v. 521-2)
« ...il
aimait Mme de Tournon, il en était aimé
et ne le verra jamais ; »
(La fayette, Pr. de Clèves, p.186)
Concernant ces constructions (avec la
négation ne et les pronoms personnels
compléments), il n'y a pas eu de différence entre le
français classique et le français moderne parce que les
règles ont été mises en place depuis l'origine.
Dans tous ces cas, le pronom personnel sujet bien
qu'étant séparé du verbe, se plaçait toujours
devant. Cependant, il peut être placé après le verbe.
II- Le pronom sujet dans une construction
inversive :
Dans la construction inversive, le pronom sujet est
transposé derrière le verbe. Il en est ainsi dans deux cas
typiques.
2-1 Le pronom dans une tournure
interrogative :
La tournure interrogative :
verbe + pronom personnel
sujet est très usitée en langue classique car elle
était encore très à la mode. En effet, selon
Dauzat :
« Le type verbe-
sujet -complément s'est spécialisé dans
le Moyen Age au tour interrogatif. »13
Cet emploi a eu beaucoup de succès au XVIIe siècle : dans
Les Femmes Savantes de Molière nous avons
constaté que près de 40% des tours interrogatifs présents
dans l'oeuvre ont été construits sous la forme d'une simple
inversion du genre verbe +
sujet.
« Ah ! Ce oui se peut-il
supporter ?
Et sans un mal de coeur
saurait-on
l'écouter ? »
(v.5 - 6)
« _ Votre
visée au moins n'est pas à Clitandre ?
Et par quelle raison n'y
serait-elle pas ?
_Manque-t-il de mérite ? Est-ce un choix
qui soit bas ? »
(v.88-9 - 90)
Cette tournure est d'autant plus employée
qu'on la met parfois même après le pronom interrogatif pour mieux
marquer l'interrogation.
« Je ne crois pas en effet qu'elle le puisse
être, (...) ; et quand il serait possible qu'elle le fût, par
où l'aurait-on
pu savoir ? »
(La fayette, Pr. de Clèves, p.257)
« En
quel estime est-il, mon frère, auprès
de vous ? »
(Molière, Fem.
sav.v.338)
« Mais quelle fantaisie
a-t-elle donc pu
prendre ? »
(Id., ib.v.1430)
« Quel malheur
digne de nous troubler pourrait-on nous
écrire ? »
(Id., ib.v.1693)
(13) Dauzat (A), Historique de la langue
française, Paris, Payot, 1930, .P.434
Cette tournure inversive très fréquente en
langue classique, reste encore valable en français moderne même si
l'interrogation y est autant construite avec l'aide des pronoms interrogatifs
(suivie d'une inversion du pronom sujet ou pas).
« Peut-être valait-il mieux
courir droit au but, déclarer son
amour. »
(Flaubert, Educ.sent. p. 28)
Ou encore avec un pronom interrogatif :
« Arnoux
prêt de se coucher, défaisait sa redingote.
Eh bien, comment
va-t-elle ?
Oh mieux dit
Frédéric. Cela se passera. »
Id.
ib. p.197)
2-2- Le pronom dans une tournure
explicative :
Les tournures explicatives, du genre
dit-il, sont utilisées pour indiquer l'auteur
des prises de paroles, ou des discours directs rapportés dans les textes
littéraires.
Ce genre d'emploi est presque absent dans le texte des
Femmes savantes car il s'agit là d'une
pièce de théâtre et il n'y a pas de discours
rapporté. C'est pourquoi on ne pourrait y trouver cette tournure avec
les pronoms personnels de la troisième personne.
Cependant, il n'en est pas moins que cet emploi existait et
était très utilisé par les auteurs classiques.
« Des
chimères - là vous devez vous défaire.
Ah !
Chimères ? Ce sont des chimères,
dit-on ?»
(Molière, Fem. sav v. 392-3)
« Je
sais mon bonheur ; laissez m'en jouir, et cessez de me rendre malheureux.
Est- il possible, reprenait-il, que je sois
aimé de Mme de Clèves et que je sois
malheureux ? »
(La fayette, Pr. de Clèves, p.285)
« Je ne
vous apprends, lui répondit-elle, en souriant,
que ce que vous ne saviez déjà que
trop. »
(La fayette, Pr. de Clèves, p.303)
Cette tournure inversive reste employée jusqu'en
français moderne et elle est très fréquente dans les
textes à dialogue.
« - Qu'est-ce donc ?
dit-elle, tu trembles ?
-Je n'ai rien !
répliqua Frédéric. »
(Flaubert, Ed.sent
p109)
« A Marmars, on entendit
sonner une heure et un quart. - C'est donc aujourd'hui,
pensa-t-il, aujourd'hui même,
tantôt. »
(Id. ib. p 122)
En plus de ces deux cas on peut trouver l'emploi
inversif du pronom personnel sujet auprès de certains adverbes comme
aussi, ainsi,
donc etc....
Il n'est pas très fréquent, ni en
français classique, ni en français moderne. Mais
néanmoins, il reste utilisé comme dans ces exemples tirés
de nos textes classiques.
« Aussi fais-je
Oui ma femme avec raison vous
chasse. »
(Molière, Fem.sav. v.443)
« Aussi ne se pouvait-elle
défendre d'en avoir, mais cette pitié ne la conduisait pas
à d'autres sentiments »
(La fayette, Pr. de Clèves, p.150)
Dans la construction inversive, le pronom personnel sujet fait
corps avec le verbe et devient enclitique « Dans ces
inversions, le personnel n'est pas moins partie intégrante du verbe que
dans la construction directe, il est là comme une flexion
d'arrière, qui rend en somme le même service que rendait autrefois
la désinence du verbe : il indique la personne et le
nombre. »14
En plus, dans la transposition du pronom personnel de la
troisième personne, il peut arriver que celui-ci soit
séparé du verbe. En effet, quand ce dernier n'est pas
terminé par les occlusives t et
d (prononcé t dans
la liaison avec il, elle ou
on) il se glisse alors un t
graphique entre le verbe et le pronom personnel sujet de la
troisième personne. Ce phénomène linguistique est tout
aussi utilisé en français classique qu'en français
moderne.
En plus de ces sujets atones
il, elle et
on il y a des pronoms lui,
elle (s) et
eux qui, outre leur fonction de
complément, ont parfois celle de sujet. Et contrairement aux autres
pronoms personnels sujets, ils ont gardé leur nature forte et peuvent en
langue classique être éloignés du verbe comme le faisait
l'ancien et le moyen français. Et dans ce cas, ils sont souvent
renforcés par les adverbes seul,
même, aussi...
(14) Lebidois (G. et R.), Syntaxe du français
moderne, ses fondements Historiques et psychologiques, Tome I, Paris,
Picard, 1935. .P127
« Lui
seul des vers aisés possède le
talent ! »
(Molière, Fem.sav. v 766)
En français moderne cependant, ce sont les
formes faibles qui sont généralement utilisées en
fonction- sujet. En effet, il peut arriver, comme le disent Georges et
Robert Lebidois : « Que ces formes
inaccentuées paraissent trop peu frappantes pour satisfaire l'esprit,
pour le saisir avec force de la désignation de personne ; aussi
a-t-on recours aux formes fortes. »15 On
retrouve alors toujours le pronom personnel tonique en fonction sujet dans la
langue moderne, mais il est dans ce cas en emploi emphatique, il est alors
repris par un autre sujet.
« Martinon ne comprit rien à ses lamentations
sur l'existence. Lui, il
allait tous les matins à
l'école... »
(Flaubert,
l'Educ. sent. p.27)
Le pronom tonique lui est
secondé ici par le pronom atone il pour mieux
insister sur le sujet Martinon
« ...et,
quinze jours plus tard, Arnoux
lui-même les vendait
à un espagnol, pour deux mille francs ».
(Id. ib. p
50)
Il y a ici la forme tonique, renforcée par l'adverbe
même elle est employée pour insister sur
le nom Arnoux afin de mieux
l'identifier.
Il peut aussi apparaître comme sujet de
l'impératif dans les constructions du genre :
« Lui, qu'il
vienne. »
Dans tous ces cas le pronom personnel
accentué se rapproche beaucoup plus du verbe qu'en français
classique où ce pronom avait plus d'autonomie.
(15) Lebidois (G. et R.) Syntaxe du français
moderne, ses fondements Historiques et psychologiques, Tome I, Paris,
Picard, 1935. .P129
En plus en français moderne, il n'est pas parfois un
véritable sujet car il fonctionne comme un cercle
antécédent, comme c'est le cas avec la forme emphatique
c'est lui suivi du pronom relatif
qui + le verbe. Cette tournure
était également utilisée en langue classique mais,
là aussi, le pronom lui pouvait être
plus éloigné du verbe.
« C'est lui qui dans des
vers vous a tympanisé »
(Molière, Fem. sav. v.611)
Donc, en ce qui concerne l'étude de la place
du pronom personnel sujet il n'y a pas d'écart notable entre le
français moderne et la langue littéraire classique (exception
faite cependant des pronoms sujets accentués qui pouvaient être
employés seuls,tout en étant éloignés du verbe).
En effet, les règles de l'emplacement du
pronom personnel sujet ont été fixées bien avant le
XVIIe siècle, et elles étaient respectées par les
écrivains classiques qui étaient plus inspirés par la
langue française des siècles précédents. Mais, s'il
y a un fait concernant le pronom personnel sujet qui présente des zones
de divergences entre la langue classique et la langue moderne : c'est son
omission devant le verbe.
2-3- L'absence du pronom
personnel sujet :
La suppression du pronom personnel sujet est un
phénomène fréquent chez les premiers écrivains
classique qui ont tenté d'imiter la vieille langue, en usant de cette
tournure archaïque. En effet, nous avons vu que l'emploi du pronom
personnel sujet n'était pas partout obligatoire en ancien
français. Ce fait
a beaucoup suscité l'intérêt des
grammairiens et il était, dans certains cas, condamné par les
grammairiens et les théoriciens de la langue française du XVIIe
siècle. En ce sens, Brunot, dans Histoire
de la langue française, explique que les pronoms
personnels « étaient devenus des particules
de conjugaison et comme tels avaient été déclarés
nécessaires. La règle faite à la période
précédente était universellement admise. Tout verbe sans
sujet substantif devait être accompagné d'un pronom
sujet. » 16 Il nous rapporte aussi dans
le Tome VI du même ouvrage, une déclaration faite par
l'Académie Française en 1704 :
« Il n'est presque jamais permis de supprimer les
pronoms personnels devant les verbes quoiqu'ils ayent été
exprimé dans le premier membre de la
période. » Il ajoute à la suite que
« cette phrase résume tout l'effort des
grammairiens du XVIIe siècle comme il annonce ce qui va
suivre ».
Dans la même lancée, Wagner et
Pinchon, parlant des pronoms personnels sujets,
disent : « Ils sont devenus indispensables
depuis que les désinences verbales, au mode personnel, ne
présentent plus de différences sensibles à l'oreille et
qu'elles se confondent parfois dans
l'écriture ».17
Suite à ces remarques des grammairiens,
l'omission du personnel sujet devant les verbes disparaît petit à
petit de la langue classique. Et elle ne subsiste que dans quelques
formulations archaïsantes comme les maximes.
Cependant, devant le second verbe de deux
propositions coordonnées ou juxtaposées, elle subsiste dans
l'usage jusqu'à la fin de l'époque classique, et même, dans
certains cas, en français moderne.
« -Et croyez, quand il dit qu'il me quitte et vous
aime.
Qu'il n'y songe pas bien et se trompe
lui-même. »
(Molière,
Fem.sav. v. 115-6)
(16) Brunot (F), Histoire de la langue
française, T.IV et VI, Paris, Colin, 1966.pp 837 et 1624
(17) Wagner (R.L.) et Pinchon (J), Grammaire du
français classique et moderne, Paris, Hachette, 1962.p.172
Ainsi des grammairiens comme
Vaugelas admettent quelques tournures d'omission du pronom
sujet et en condamnent d'autres. En effet, il note, après avoir
donné l'exemple : « Nous avons
passé les rivières les plus rapide et des places que l'on
croyait imprenables, et n'aurions pas fait tant de belles actions, si nous
étions demeurés oisifs ... », qu'il
est bien plus élégant de
dire : « Et n'aurions pas fait de belles
actions » que si l'on disait
« Et nous n'aurions pas
fait... » Il ajoute :
« qu'il en est de même de tous les autres
pronoms personnels de la seconde et de la troisième personne
singulière et plurielle... »
« Je le laisse à quelque autre et vous jure
entre nous
Que je renonce au bien de vous
voir mon époux. »
(Molière,
Fem.sav. v. 211)
Le pronom je dans cette proposition
coordonnée peut ne pas être repris en français classique,
car cette dernière est une continuité de la première
proposition. En effet, la reprise n'est nécessaire que quand les deux
propositions s'opposent du point de vue thématique et syntaxique. C'est
pourquoi Vaugelas condamne son exemple :
« Nous ne sommes pas contents de nous informer du
fond de celui qui emprunte, mais fouillons jusque dans sa
cuisine » et nous suggère :
« il faut dire, « mais
nous fouillons » parce que
cette particule mais fait une séparation qui
rompt le lien de la construction précédente et en demande une
nouvelle. »18
Cependant, les auteurs classiques n'ont pas su
distinguer, dans leur imitation de la langue ancienne, les formules en usage de
celles qui sont hors usage. C'est ainsi que Molière
écrit :
(18) Vaugelas (Claude F.), 1647, Remarques sur la
langue française, Edition Champs libres, 1981 p.58
« Et j'ai des serviteurs et ne suis point
servi »
(Molière, Fem. sav v.602)
Ici la négation crée une opposition
entre la première et la deuxième proposition. En plus le
et de coordination a la valeur de
mais. C'est pourquoi le pronom personnel sujet devait
être repris dans la proposition coordonnée.
En français moderne, l'omission du pronom sujet dans
une coordonnée est régularisée. La reprise du sujet n'est
pas obligatoire, cependant elle est usuelle lorsque les verbes s'opposent
par :
- les conjonctions du genre mais, or...
- la négation.
L'omission est admise lorsque l'on a une
série d'actions qui se succèdent dans la phrase.
« Lui, il allait tous
les matins à l'école, se promène ensuite dans le
Luxembourg, prenait le soir sa demie tasse au
café, et, avec quinze cents francs par an et l'amour ouvrière,
il se trouvait parfaitement
heureux. »
(Flaubert, Ed.sent.p.27)
Dans cet exemple, le sujet n'est pas repris dans la liaison
continue des actions, puisque cela n'est pas nécessaire. Cependant, dans
la dernière proposition, le pronom il est
repris parce que le verbe se trouver exprime un
état et s'oppose aux verbes d'actions précédents. Dans ce
cas la répétition du pronom sujet est aussi obligatoire.
En guise de conclusion, nous citons Jean
Claude Chevalier et alii qui disent que :
« Le pronom n'est généralement pas
répété dans une série de verbes coordonnés
de valeur identique, il reparaît pourtant dès qu'intervient une
raison d'opposer les verbes (contraste d'affirmation, de négation,
détachement stylistique
...) ».19
(19) Chevalier (J.C), Benveniste (C.B), Arrivé (M,
Peytard (J), Grammaire du français contemporain, Larousse
Bordas, 1997. p. 231
CHAPITRE II.
Le pronom
personnel objet / complément :
Comme nous l'avons vu antérieurement, les pronoms
personnels objets atones le, la,
les, se, leur et
lui (non précédés d'une
proposition) sont généralement antéposés au verbe
sauf quand celui-ci est à l'impératif. Parmi ces pronoms
personnels objets de la troisième personne, il existe ceux qui sont
directs et ceux qui sont indirects, et leurs emplacements ont été
essentiellement fixés dès l'origine. Selon A.
Dauzat : « Lorsque deux personnels
atones se suivent, l'un au régime direct, l'autre indirect, l'ancien
français plaçait toujours le premier en
tête. »20
« Il la
vangera
Se Damedex le li
consant »21
Et concernant les adverbes
en et y, il ajoute que
s'ils « se trouvent en présence d'un pronom
personnel, celui-ci occupe le premier rang car il
s'élide. »22
« Et quant il ot
reconté son songe, si prie le preudome qu'il l'en die la
senefiance. »23
(20), (22) Dauzat (A), Historique de la langue
française, Paris, Payot, 1930, p 429
(21), (23) Exemples cités par Lucien Foulet,
Petite syntaxe de l'ancien français, 3e ed. Paris,
Champion, 1982, pp. 147 et 157
Ces règles très tôt établies dans
la langue, ont été conservées dans l'usage jusqu'en
français moderne.
Mais la langue classique a tenu à faire
précéder le pronom personnel objet indirect de la première
et de la deuxième personne de celui direct de la troisième
personne comme l'exige Vaugelas qui, parlant des pronoms
le, la,
les transposés veut que l'on
dise : « je vous le
promet et non je le vous promet, comme le disent tous
les anciens écrivains et plusieurs modernes
encore. »24
En effet, plusieurs classiques ont tenu à
conserver la tournure ancienne objet direct suivi de
objet indirect. Spillebout le
confirme ainsi : « on trouve encore dans la
première partie du XVIIe siècle l'ordre ancien
complément direct troisième
personne + objet secondaire deuxième
personne », et donne l'exemple
suivant : « Dieu qui nous l'a donné
le nous peut
conserver. »25
Montchrestien, Hector,
101 (1604)
En dehors de ces emplois, qui ont fini par
disparaître dans l'usage à la fin du XVIIe siècle --
puisqu'ils étaient quasiment inexistants dans Les femmes
savantes (texte très illustratif des traits de la langue
classique.) - il n'y a pas eu de changement entre la fin de l'époque
classique et le français moderne concernant la place d'un ou de deux
pronoms personnels objets auprès du verbe.
Néanmoins, l'ordre dans lequel se place le
(ou les) pronom (s) personnel (s) objets par rapport au verbe dans la
construction phrastique présente des divergences entre la langue
classique et la langue moderne, du fait de la mobilité de
celui-là dans cette première époque.
(24) Vaugelas (C.F), 1647, Remarques sur la langue
française, Edition Champs libres, 1981, P.58
(25) Spillebout (Gabriel), Grammaire de la langue
française du XVIIe siècle, Paris, Picard, 1985, .P.406
I. Le pronom personnel objet employé avec
deux verbes successifs :
Lorsque le pronom personnel objet est construit
avec deux verbes qui se suivent, le second étant à l'infinitif,
il est le complément de ce dernier. Et dès l'ancien
français, il s'est placé devant les deux verbes. En effet, pour
Marcel Galliot : « l'ancienne
langue considère alors le groupe (auxillaire + infinitif) comme un
groupe verbal indissociable (verbe : venir accoster, falloir entre aider)
et place normalement le pronom objet avant le groupe
entier. »26
Jusqu'au XVIIe siècle, la règle
exigeait qu'il se mit devant les deux verbes dans la formule : pronom
personnel objet + verbe conjugué + verbe à l'infinitif.
Spillebout, dans sa Grammaire de la langue
française du XVIIe
siècle, écrit :
« quand un infinitif est
précédé d'un verbe qui le régit, le pronom
complément de l'infinitif se place devant le premier verbe et non devant
l'infinitif. »27
Mais au cours de l'époque classique, cette
règle s'est peu à peu modifiée,
car « c'est seulement au XVIIe siècle, sans
doute après l'usage populaire et pour rapprocher la particule du verbe
dont elle dépend que celle-ci s'introduit entre les deux
verbes... »28
C'est pourquoi dans la langue classique du XVIIe
siècle, nous avons trouver les deux emplois ; celui où le
pronom personnel complément de l'infinitif se mettait devant le verbe
régisseur et celui où il se plaçait entre les deux verbes
afin de rapprocher du verbe dont il est le complément. Enfin, dans les
textes classiques les deux emplois sont en concurrence.
(26) Galliot (M), Etudes d'ancien français,
moyen. Age et XVIe siècle, Paris, 4 et 6 de la Sorbonne1967
(corrigés de textes du moy.Age et du XVIe siècle), p.338
(27) Spillebout (G), Grammaire de la langue
française du XVIIe siècle, Paris, Picard, 1985, p.407
(28) Dauzat (A), Historique de la langue
française, Paris, Payot, 1930, P. 429
« Ah ce oui
se peut il supporter ?
Et sans un mal au coeur saurait -on
l'écouter »
(Molière, Fem.sav
v.5-6)
« Quand
sur une personne on prétend se régler,
C'est par les beaux
côtés qu'il lui faut ressembler ».
(Id. ib. v.73-74)
Mais avec un plus grand penchant pour la tournure ancienne
car les auteurs classiques se sont plus inspirés de la vieille langue
que des règles de leur époque. C'est ainsi que nous avons
trouvé des exemples avec tous les pronoms personnels objets.
« Que vous
importe-t-il qu'on y puisse prétendre.
(Id. ib. v.100)
« Si
vos yeux sur moi le pouvait ramasser,
Ils prendraient
aisément le soin de se
baisser.
(Id. ib. v.193-4)
« Nous verrons qui sur elle aura plus de pouvoir
Et si je la saurai réduire
à son devoir. »
(Id. ib. v.1415-6)
« Mais si la bouche vient à
s'en vouloir mêler.
Pour jamais de ma vie il vous
faut exiler. »
(Id. ib. v.285-6)
« M. de
Clèves ne voyait que trop combien elle était
éloignée d'avoir pour lui des sentiments qui le pouvaient
satisfaire »
(La fayette, Pr. de
Clèves. p.150)
« Elle était si préoccupée de
ce qui se venait de passer qu'à peine pouvait-elle cacher la
distraction de son esprit. »
(Id. ib.
p.193)
« Tout le monde l'alla voir ; j'y allai comme
les autre, mais sans lui dire qui j'étais, »
(Id. ib. p.196)
Cette règle qui s'est instaurée au
cours du XVIIe siècle et qui exigeait que le pronom personnel
complément soit rapproché de l'infinitif dont il est le
complément, est devenu plus effective dans les siècle suivants
car en français moderne, il ne se place plus devant le verbe
régisseur du groupe, mais devant l'infinitif. Cette transposition vers
l'intérieur a pour but de rapprocher le verbe de son
complément.
George et Robert Lebidois le
confirment dans leur Syntaxe du français
moderne : « Quand l'infinitif est
régi par un autre verbe (...) ce n'est pas devant le groupe verbal tout
entier que se place le personnel régime, mais à
l'intérieur du groupe, devant l'infinitif.
»29
« La petite fille jouait
autour de lui. Frédéric voulut la
baiser.
Elle se cacha derrière sa
bonne ; »
(Flaubert, Ed. sent. p.10)
« Elle (la négresse de Mme
Arnoux) devait y venir comme les autres ;
toutes les fois qu'il traversait les Tuileries, son coeur battait
espérant la
rencontrer. »
(Id. Ibid. p. 28)
(29) Lebidois (G et R), Syntaxe du français
moderne, ses fondements Historiques et psychologiques, Tome I, Paris,
Picard, 1935, p.157
« Arnoux paraissait
l'estimer infiniment. Il dit un jour à
Frédéric :
- celui
là en sait long, allez ! C'est un homme
fort ! »
(Id. Ibid. p. 47)
« A la nouvelle du départ d'Arnoux, une joie
l'avait saisi. Il pouvait se présenter
là bas tout à son aise sans crainte d'être interrompu
dans ses visites. »
(Id. Ibid. p. 74)
Dans ces exemples, le pronom objet a cessé de
se mettre devant le premier verbe, comme l'aurait permis la langue classique,
pour se mettre devant l'infinitif dont il est le complément. Ainsi,
selon J.C. Chevalier et alii :
« L'antéposition du pronom complément
d'un infinitif devant le verbe auxiliaire était courante aux
siècles classiques. Elle n'est plus aujourd'hui qu'une
élégance facile qui a eu un certain succès il y'a quelques
décennies. »30
Cependant, il existe des exceptions à cette
règle d'emplacement du pronom personnel objet car en français
classique comme en français moderne, ce dernier est resté devant
le groupe verbal tout entier dans certains cas :
* Lorsque l'infinitif est régi par les verbes
faire, voir,
entendre, laisser,
emmener, amener, le pronom
se met impérativement devant le groupe. Et dans ce cas, il n'est plus
complément de l'infinitif mais celui du verbe régisseur qui peut
être conjugué ou pas.
« Ah ! Je leur
ferai voir si, pour donner la loi
Il est dans ma maison d'autre maître que
moi. »
(Molière Fem. sav. v.1443-4)
(30) Chevalier (J.C.) et alii, v Grammaire du
français contemporain, Larousse Bordas, 1997. P.239
« Elle (la
maréchale) se laissa renverser sur le divan et
continuait à rire sous ses baisers.
Ils passèrent
l'après-midi à regarder, de leur fenêtre, le peuple dans
la rue. Puis il l'emmena dîner aux Trois
Frères- Provençaux. »
(Flaubert, Ed. sent. p.330)
* Lorsqu'il est régi par les verbes
envoyer et falloir dans
certains emplois. En effet avec ceux-ci, le pronom change de place selon
qu'il est complément du verbe régisseur ou de l'infinitif.
« Il (Arnoux)
« avait besoin » de manger une omelette ou des pommes
cuites ; et, les comestibles ne se trouvant jamais dans
l'établissement, il les envoyait
chercher. »
(Flaubert, Ed. sent. p.201-2)
« Il lui
fallait compter son linge et subir le concierge, rustre à tournure
d'infirmier, qui venait le matin retaper son lit en sentant l'alcool et en
grommelant. »
(Id. Ibid. p. 26)
« Il fallait
en inventer aussi pour Rosanette. Elle ne comprenait
pas à quoi il employait toutes ses soirées ; et, quand on
envoyait chez lui, il n'y était jamais !
(Id. Ibid. p. 454)
Dans les deux premiers phrases les pronoms
personnels objets les
et lui sont respectivement
compléments des verbes envoyait
et fallait, raison pour laquelle ils sont
placés devant les groupes verbaux que forment ces auxiliaires.
Il en est de même lorsque le personnel objet
est employé avec des verbes conjugués aux temps
composés : il se place alors devant le groupe auxiliaire +
participe. Cependant dans le 3e exemple, le pronom en s'intercale
entre le verbe régisseur et l'infinitif parce qu'il est
complément de ce dernier.
En ce sens, le français classique et le
français moderne s'accordent parfaitement concernant ces exceptions
car lorsque les verbes faire,
voir, entendre,
laisser, emmener,
amener sont auxiliaires d'un groupe verbal, le pronom
personnel complément ne peut se mettre entre deux verbes sauf si le
premier est à l'impératif. En effet dans ce cas le pronom
complément se met derrière l'impératif et sépare
ainsi le groupe verbal.
« Faites-la sortir, quoi qu'on
die ;... »
(Molière, Fem. sav. v.782)
II. Le pronom personnel objet
employé avec l'impératif.
Le pronom personnel objet atone a toujours
précédé le verbe dont il est complément, sauf
lorsque celui-ci est conjugué au mode impératif. Dans ce cas le
pronom atone de la troisième personne est transposé après
le verbe et porte ainsi l'accent du groupe, car avec les pronoms personnels
objets de la première et de la deuxième personne, ce sont les
formes accentués moi et
toi qui sont employés dans la transposition.
Cependant, la postposition du pronom atone au verbe n'est vraie que dans les
cas où la phrase impérative est à la forme affirmative
Cet usage, qui constitue la norme en français moderne,
n'était pas toujours valable dans la langue classique où l'on
constate que le pronom personnel complément de l'impératif se
place avant le verbe dans beaucoup d'exemples. En ce sens, selon Brunot
et Bruneau : « En ancien
français, quand la proposition impérative commence par un adverbe
(ou même par la conjonction et), le pronom complément de
l'impératif conserve sa place devant le
verbe. »31
Cette règle de la langue primitive a eu des
reflets dans la langue littéraire classique et à ce propos,
Spillebout écrit qu'
« au XVIe s. le pronom personnel complément
de l'impératif est régulièrement
antéposé ; »32 L'usage
s'est poursuivi tout au long de cette période jusqu'au XVIIe
siècle où il a commencé à se mettre
nécessairement derrière
« ...Clitandre, expliquez votre coeur,
Découvrez-en le fond, et nous daignez apprendre
Qui de nous à vos voeux est en droit de
prétendre. »
(Molière, Fem. sav. v.782)
« Allons, prenez sa main et passer devant nous,
Menez-la dans sa chambre. Ah ! les douces
caresses ! »
(Id. ib v.1117)
Dans ces exemples tirés de la langue
littéraire classique, les pronoms compléments sont placés,
comme le veut la norme du français classique et moderne, derrière
l'impératif.
(31) Brunot (F) et Bruneau (CH), Précis de
grammaire historique de la langue française, 4e ed.
.Paris, Masson et Cie 1956. P.272
(32) Spillebout (G), Grammaire de la langue
française du XVIIe siècle, Paris, Picard, 1985, P.146
Mais, il n'en demeure pas moins que, toujours dans
la langue du XVIIe siècle, la vieille règle subsiste lorsque deux
propositions impératives sont coordonnées. En effet, dans ce cas,
si l'impératif de la seconde proposition coordonnée est
accompagné d'un pronom personnel complément, celui-ci garde son
antéposition au verbe. Cette construction est essentiellement
illustrée par les écrivains classiques.
« Touchez à Monsieur dans la main,
Et le
considérez désormais dans votre
âme.»
(Molière, Fem. sav. v.1101-2)
« Dites-lui ma
pensée et l'avertissez bien
Qu'elle ne vienne pas m'échauffer les
oreilles. »
(Id. ib v.1112-3)
« Reportez tout
cela sur l'heure à votre maître
Et lui dites qu'afin de lui
faire connaître
Quel grand état je fais de ses nobles
avis... »
(Id. ib
v.1401-3)
On constate alors dans tous ces exemples que le pronom
personnel d'objet, qui précède l'impératif, s'appuie sur
la conjonction de coordination et, et rappelle ainsi
la règle de l'ancien français.
Cependant, cet emploi très usité
était devenu très vieux, et allait disparaître de la langue
littéraire vers la fin de l'époque classique, car les auteurs
commençaient à respecter les règle du XVIIe siècle
concernant la place du pronom personnel complément de
l'impératif.
C'est pourquoi, on ne retrouve plus ces tournures
anciennes dans la langue actuelle. En effet, en français moderne, le
pronom personnel objet se positionne derrière le verbe lorsque celui-ci
est à l'impératif que ce soit avec une seule ou deux propositions
coordonnées.
-Avec une seule proposition :
(La maréchale ordonne à
Delphine) :
« - Ah !
Quel embêtement ! Flanque-la
dehors ! »
(Flaubert, Ed. sent. p
157)
(La maréchale à
Frédéric) :
« Priez-le donc de venir, pas devant son
épouse, bien entendu. »
(Id. ib p 496)
-Avec deux propositions coordonnée :
(Mademoiselle Roque à
Frédéric) :
« Viens demain soir,
comme par hasard, et profites-en pour me demander
en mariage. »
(Id. ib p 408)
Ici le pronom personnel
objet en se serait placé avant le
verbe en français classique ; mais cette tournure n'a pas
survécu jusque dans la langue actuelle. Selon Jean Claude
Chevalier et alii :
« L'antéposition du pronom devant un impératif
coordonné est un
archaïsme. »33
Certains écrivains modernes ne l'utilisent dans les textes
(surtout dans les poésies) que pour pasticher la vieille langue.
(33) Chevalier (J.C) et alii, Grammaire du
français contemporain, Larousse Bordas, 1997, p.239
Cependant la règle ne diffère pas
entre le français classique et le français moderne lorsqu'
intervient une négation. En effet, si l'impératif est
négatif, le pronom personnel complément de l'impératif se
place entre la particule négatif
ne et le verbe. Il garde alors sa
position devant ce dernier.
« Tout beau, monsieur !
Il n'est pas fait encore !
Ne vous pressez pas
tout. »
(Molière, Fem. sav. v.1082-3)
Le pronom personnel
complément vous s'est placé
ici devant le verbe puisque la négation accompagne l'impératif.
Cette construction n'a pas changé en français moderne.
En définitive, que ce soit avec deux verbes
successifs ou avec l'impératif, le pronom personnel complément,
placé avant ou après le verbe, a toujours gardé sa place
auprès de celui-ci : sans aucun mot entre eux. Cependant il peut
arriver qu'ils soient séparés dans la construction phrastique.
I. le pronom personnel objet séparé
du verbe.
Nous avons vu que les pronoms personnels objets atones se
plaçaient régulièrement auprès du verbe et
fonctionnaient comme des proclitiques ou des enclitiques lorsqu'ils
étaient complément de l'impératif. Mais ils n'en est pas
de même pour les pronoms personnels objets accentués
lui, elle, eux,
soi. Généralement, ils se placent
derrière le verbe et sont toujours précédés de
prépositions à,
de, avec,
sur... qui les séparent
obligatoirement de ce dernier.
Très éloignés parfois du verbe du fait de
leur accentuation, ils sont très indépendants et peuvent, en
fonction de complément circonstanciel, être placés avant
où après.
« Entre elle
et moi, Clitandre, explique votre
coeur ;... »
(Molière, Fem. sav. v.122)
« Vous me voyez, ma soeur,
chargé par lui
D'en faire la demande à son père
aujourd'hui »
(Id. ib v.361-2)
«Et, dans
l'excès de son émotion, Arnoux voulait courir chez
elle. »
(Flaubert, Educ.sent. p 198)
En français moderne, les formes accentuées sont
parmi les pronoms personnels objets, les seules qui peuvent se mettre à
l'écart du verbe qu'elles accompagnent. Et cela, parce qu'ils sont
restés accentués, ils sont ainsi indépendants par rapport
au reste de la phrase.
* Les pronoms personnels objets atones n'ont pas
cette même souplesse mais la langue littéraire classique les a,
eux aussi, séparés du verbe dans certains types d'emploi. En
effet, à cette période, on constate que lorsque le pronom
personnel objet atone est complément d'un infinitif accompagné
d'un adverbe monosyllabe comme mieux,
rien, tout,
trop, bien... il est
placé devant la combinaison adverbe +
infinitif, et se trouve ainsi séparé de
son verbe. Cette tournure archaïque a été employée
par les écrivains classiques par référence à
l'ancien français où ces adverbes étaient
considérés comme des proclitiques encore moins faibles que les
pronoms personnels atones.
« Il faut !
Se trop peiner pour avoir
l'esprit. »
(Molière, Fem. sav. v.1056)
« Il sait que, Dieu merci, je me
mêle d'écrire,
Et jamais il ne m'a prié de lui
rien lire. »
(Id. ib v.1138)
« Je veux, je veux apprendre
à vivre à votre mère ;
Et, pour la
mieux braver, voilà, malgré ses
dents,
Martine que j'amène et rétablis
céans. »
(Id.
ib v.1566-8)
« (...) c'est une chose agréable pour
l'amant, que sa maîtresse le voie le maître d'un lieu où est
toute la cour, et qu » elle le voie se bien
acquitter d'en faire les honneurs. »
(La fayette, Pr. de
Clèves, p.166)
Par contre le français moderne ne sépare pas le
pronom personnel objet atone de son verbe, il place, alors dans ces cas-ci,
l'adverbe avant le pronom.
* Il en est de même lorsque le pronom
complément de l'infinitif est accompagné d'une négation.
Dans ce cas, les locutions négatives ne...pas,
ne...plus, ne...point etc. ; ne se
mettent plus de part et d'autres du groupe pronom +
verbe mais elles se réunissent devant celui-ci. Cette
transposition du groupe négatif entier devant l'infinitif s'est
effectuée depuis l'ancien français.
Cependant jusqu'en français classique on
constate que certains écrivains sont tentés de placer le second
élément du groupe négatif entre le pronom personnel objet
et l'infinitif.
« Non ; mais je sais fort bien
Qu'à ne le point flatter son sonnet ne vaut
rien. »
(Molière, Fem. sav
v.991-2)
Ce procédé n'est plus possible en
langue moderne et selon Dauzat :
« Depuis la fin du XVIIe siècle, les deux
éléments (affaiblis) de la négation (...) se
réunissent devant le pronom. »
34
La langue classique n'avait gardé ses tournures que
pour avoir un style élégant, car à cette époque le
pronom personnel complément était déjà
inséparable de son verbe. Raison pour la quelle elles n'ont pas
survécues en français moderne où l'adverbe et le groupe
négatif, dans ces cas précités, viennent avant le groupe
pronom personnel objet infinitif.
Enfin, en guise de conclusion dans cette
étude concernant la place du pronom personnel de la troisième
personne en français classique et en français moderne, nous avons
retenu que ces deux périodes partagent un certain nombre similitudes.
Ceci parce que, la règle de l'emplacement des pronoms a
été, en grande partie, régularisée et
codifiée à une époque préclassique. Et il n'y a pas
eu de changement jusqu'à nos jours. Il s'agit par exemple de la place du
pronom sujet atone dont la règle n'a pas changé depuis le moyen
français. Toutefois il y'a des écarts entre la langue
littéraire classique et la langue moderne (surtout en ce qui concerne le
pronom personnel complément), puisque les écrivains de cette
première période sont restés fidèles à
certaines normes de l'ancien et du moyen français, qui ont
été revues et changées par les grammairiens du XVIe et du
XVIIe siècle, dans un but de restaurer et de réhabiliter la
langue. Le français classique, cependant, malgré l'intervention
de ces grammairiens, se caractérise
(34) Dauzat (A), Historique de la langue
française, Paris, Payot, 1930, P.431
par une très grande liberté s'agissant de la
place du pronom personnel par rapport au verbe. C'est le cas par exemple du
pronom personnel objet atone éloigné parfois de l'infinitif dont
il est le complément.
Il y'a donc eu ces écarts parce que la langue
moderne s'est inspiré, non pas des écrivains classiques, mais des
normes de la langue du XVIIe siècle. La langue actuelle veut,
contrairement à celle classique que les pronoms personnels s'appuient
sur le verbe dont ils sont sujets ou complément, du fait de leur manque
d'autonomie. En effet, selon Lucien Foulet
« qu'elle précède ou
exceptionnellement suive le verbe ; une forme faible de pronom personnel
ne peut être séparé de son verbe que par une autre forme
faible de pronom personnel, ou par les adverbe
en, i, qui
ont la même valeur. Les formes pleines ont une accentuation
indépendante et par conséquent, plus de souplesse et de
mobilité, elles s'emploient tout particulièrement après
les prépositions. »35
(35) Foulet (Lucien), Petite syntaxe de l'ancien
français, 3e ed. Paris, Champion, 1982, P.107-8
DEUXIEME PARTIE
La référence du pronom personnel de la 3e
personne
Les formes du pronom personnel de la troisième personne
sont issues, à l'exception de se et
soi, du démonstratif latin
ille qui désigne une personne, une chose ou un
événement éloigné dont on parle. De ce fait,
il et ses variantes allomorphiques possèdent
les mêmes propriétés syntaxiques que ce
démonstratif. Ils ont, contrairement aux autres pronoms personnels de la
première et de la deuxième personne, la capacité de
référer à une personne ou une chose présente dans
l'énoncé mais non protagoniste de l'acte d'énonciation.
C'est pourquoi, dans un texte, ils ont le rôle syntaxique de
représentants et sont considérés comme
des « signes
incomplets » ayant toujours une
référence.
CHAPITRE I :
Qu'est ce que la référence d'un
pronom ?
Selon une définition du Robert
36, le mot
référence est emprunté à
l'anglais reference, substantif du verbe
to refer qui lui-même provient du latin
referre signifiant
reporter,
rapporter, viser. Le
re marquant le mouvement en arrière et
ferre ayant le sens de
porter. La référence désigne
alors, en linguistique, la fonction par laquelle un signe renvoie à
quelque chose parfois nommé référent. D'un point de vue
grammatical, le Pr. NGuissaly Sarré explique dans son
cours de C.S de grammaire intitulé la
référence des démonstratifs
que : « Le référent d'une
unité linguistique (mot, syntagme,
proposition ou phrase) est la
réalité extra linguistique
(être, objet,
propriété,
procès,
évènement) que cette unité
linguistique permet de désigner par l'intermédiaire d'un acte
d'énonciation. »37
Le pronom personnel de la troisième personne
désigne un référent en servant de substitut à un
mot ou expression de référence appelée
antécédent. Pour expliquer le phénomène de
référence pronominale, Corblin tente de
schématiser ainsi la relation entre le pronom et le mot qu'il
représente c'est-à-dire son antécédent :
« il y a interprétation par reprise si un
terme, b, exige pour être
interprété l'emprunt à un terme proche
a d'un élément qui fixe
(36) Robert (Paul), Dictionnaire historique de la
langue française, Paris, Le Robert, 1998
(37) Sarré Nguissaly (Professeur) Cours de CS
de grammaire : La référence des pronoms
démonstratifs
l'interprétation de b :
cela s'applique par exemple aux couples dont le second terme est un
pronom. »38 Cette théorie prend
son sens lorsque par les
termes interprétation par
reprise et les lettres a, b nous
entendons respectivement référence
pronominale et antécédent,
pronom.
Ce qui veut dire que pour avoir une valeur
sémantique, le pronom représentant a besoin d'un
antécédent dans l'énoncé. Cet
antécédent n'est pas seulement le mot qui donne au pronom une
signification c'est-à-dire sa charge sémantique, mais aussi, dans
le cas des pronoms personnels de la troisième personne, il
confère au pronom son aspect morphologie à travers les marques de
genre et de nombre. Cette notion, l'antécédent est appelée
aussi
« source »39
chez Louis Tesnière, et elle ne prend son sens que
lorsque le pronom a la valeur d'un représentant dans le texte.
Les pronoms personnels de la troisième
personne qui ont la propriété de reprendre un terme nommé
dans le texte, participent à la cohérence de
l'énoncé en assurant sa continuité. Et en ce sens, ils se
différencient des autres pronoms personnels de la première et de
la deuxième personne singulière et plurielle. Je
et tu ainsi que leurs variantes,
prennent leur signification dans l'acte d'énonciation. Ils n'ont besoin
d'aucun autre terme pour être interprété car ils
désignent respectivement la personne qui parle, qui agit : le
locuteur, et celui avec qui je parle c'est-à-dire l'interlocuteur.
Nous et vous que l'on
considère comme les pluriels de je
et tu représentent :
- Le premier : je + une ou
plusieurs autres personnes.
- Le second : tu + une ou
plusieurs autres personnes.
Ces pronoms sont déictiques puisqu'ils
désignent des personnes présentes au moment de la
communication. Grevisse le dit clairement :
« C'est
(38) Corblin (F), Les formes de reprises dans le
discours. Anaphores et chaîne de référence,
édition, paris. P 112.
(39) Tesnière (Louis), cf. Corblin (F), Les
formes de reprises dans le discours. Anaphores et chaîne de
référence, édition, paris. P 112.
seulement à la troisième personne que le pronom
personnel représente, remplace un nom déjà
exprimé. »40 Et ce nom n'est pas
nécessairement une personne ; le pronom de la troisième
personne est donc faussement appelé pronom personnel, il n'a eu ce nom
que par référence aux autres pronoms.
La référence du pronom personnel de
la troisième personne a longtemps constitué un problème
pour les écrivains de la langue française à cause des
ambiguïtés sur les valeurs sémantiques que posait la
référence pronominale chez les auteurs classiques. Elle a
était spécialement étudiée et
régularisée par des grammairiens et remarqueurs de cette
époque comme : Vaugelas, le Père
Bouhours qui ont « assaini » la
langue française en exigeant plus de clarté et de netteté
dans l'usage.
Ferdinand Brunot qui étudie
les traits de la langue classique explique dans un chapitre intitulé
les pronoms et la représentation que :
«visiblement on s'efforce de toute façon à
régler la représentation des mots qu'on ne peut pas
répéter, on la veut régulière et claire, qui
satisfasse la grammaire et qui jette aucune ombre sur le sens. Dés le
XVIIe siècle, sans être coordonnés, les efforts sont si
nombreux, si nettement dirigés vers un but que les grammairiens (...)
témoignent sur ce point des soucis les plus louables et de clairvoyance
parfois extrême. »41 Malgré
ces efforts qui ont été consenti par les grammairiens afin de
parfaire le français, la langue a parfois manqué de concision
dans la représentation du pronom personnel.
C'est pourquoi, on observe en comparant la langue du
XVIIe siècle à celle du français moderne, une nette
différence concernant l'application des règles de
référenciation instaurées pourtant en période
classique.
Mais avant d'étudier les problèmes
que pose l'interprétation du pronom
(40) Grevisse (Maurice), Précis de grammaire
française, 28e ed. Paris, Duculot, 1969. .P.112
(41) Brunot (F), Histoire de la langue française,
T.IV, Paris, Armand Colin, 1966..P. 876
personnel de la troisième personne, ses rapports avec
le mot auquel il renvoi, et la classe référentielle qu'il est
censé représenter, il nous faut d'abord étudier les
différents modes de référence qu'il peut
avoir dans l'énoncé en français classique et en
français moderne.
I/ Les modes de références
du pronom personnel de la troisième personne :
Pour définir quel est le mode de
référence que vise le pronom personnel dans un emploi
donné, il faut tout d'abord procéder à la
localisation de son référent : dans le
texte ou dans l'univers du locuteur.
Nous avons vu que, il et
ses variantes allomorphiques ont presque toujours la valeur de
représentant, qu'ils sont employés pour reprendre un
élément présent dans l'énoncé. C'est
pourquoi on les désigne essentiellement sous le terme de pronoms
personnels anaphoriques ces derniers sont très utiles pour éviter
les répétitions et assurer la cohérence et la
clarté d'un texte. Ils permettent d'avoir des phrases précises et
concises en renvoyant à un substantif, une partie de phrase ou
même des phrases entiers qui leur servent alors
d'antécédents.
Cependant, il peut arriver que le pronom personnel
de la troisième personne ne fasse appel à aucun mot du texte pour
son interprétation et dans ce cas il n'est plus un représentant.
Alors la localisation du référent devra se faire du hors du
texte. En effet, il existe d'autres zones de références où
le pronom il et ses variantes allomorphiques
peuvent trouver leur antécédent. Il peut s'agir de la
situation de la communication car le texte ne peut se faire
indépendamment du contexte d'énonciation qui
constitue le repère des événements contenus dans le texte.
Dans le cas où la référence est faite à partir de
données situationnelles, le pronom personnel de la troisième
personne prend la valeur d'un pronom personnel déictique comme
je et tu .C'est le cas
dans la phrase il arrive (dite en montrant du
doigt le professeur que les élèves attendaient et qu'ils peuvent
désigner du doigt)
Lorsque le référent ne se trouve ni
dans l'énoncé, ni dans le contexte, le pronom fait appel à
une interprétation générique : c'est la
référence absolue. On trouve ce mode de référence
avec le pronom personnel sujet on et parfois,
spécialement en langue classique, avec le pronom personnel pluriel
ils. Ces deux pronoms peuvent poser un
problème d'indétermination lorsqu'ils établissent une zone
de référence sans limite.
1-1- La référence hors du
texte :
Le pronom personnel de la troisième personne est
considéré parmi tous ceux de même nature comme le seul qui
est habilité à faire la reprise d'un terme présent dans
l'énoncé. Il a donc, dans la plupart de ses emplois, une valeur
de représentant. Cependant, cela n'exclut pas qu'il puisse avoir
d'autres zones de référence.
1-1-1- La référence
déictique du pronom personnel de la troisième
personne :
Lorsque le pronom personnel de la troisième
personne à l'exception de il impersonnel,
on et ils (qui peut parfois
avoir une référence indéterminée), ne
réfère pas à un être ou une chose
désigné dans le texte, la localisation du
référent doit alors s'effectuer dans la situation de
communication. Si le référent se trouve dans le contexte
d'émission de l'énoncé, le pronom personnel est en emploi
déictique.
Du grec
« déiktikos » qui signifie
démonstratif c'est-à-dire qui sert
à montrer, à désigner un objet singulier.
« Les déictiques dépendent de
l'instance du discours » selon le
Robert .Le pronom personnel peut alors dans ce cas pointer du doigt
celui ou ce dont on parle. Ce mode de référence, bien que peu
fréquent avec les pronoms personnels de la troisième personne,
reste encore valable dans certain emplois jusqu'en français moderne.
Mais, il apparaît plus souvent dans la langue orale que dans la langue
écrite. Ce phénomène s'explique par le fait que ce mode de
référence donne au pronom sa signification dans l'acte de parole
même. Il est actuel et s'accompagne parfois d'un geste
désignateur. Raison pour laquelle on retrouve la référence
déictique avec les pronoms personnels dans les phrases du type
il arrive (ci-dessus), mais aussi avec les pronoms
démonstratifs accompagnés des particules
ci et là.
Celui là est mon père.
* Le pronom personnel de la troisième
personne devient un déictique lorsqu'il sert à désigner
ce/celui à qui on
pense ou ce/celui dont
on parle dans les cas où une tierce personne se joint à la
situation de communication. On peut le retrouver dans ce type d'exemple :
Nafi et Khady tapent à une porte fermée, elles insistent sans
réponse. Elles décident de repartir quand un bruit se fait
entendre. L'une d'elles dit alors :
« il ouvre
enfin ».
Dans cet exemple il ne
renvoie à aucun mot du texte, mais si on se réfère au
contexte, on suppose que il représente une
personne de sexe masculin qu'elles (Nafi, et Khady)
étaient venues voir. Le référent de
il ne peut être identifiable que dans le
moment et désigne une personne présente dans la
mémoire immédiate du locuteur et de son interlocuteur.
Dans la comédie de Molière Les
femmes savantes, ont retrouve ce mode de référence
puisqu'il s'agit d'une pièce de théâtre, donc
essentiellement constituée de dialogues et qui met en scène
plusieurs personnages c'est ainsi qu'on retrouve dans le passage suivant
quelques pronoms personnels en emploi déictique.
« _Votre
sincère aveu ne l'a pas peu surprise.
_Elle
mérite assez une telle franchise. »
(v.199-200)
Dans ces vers les locuteurs désignent
directement Armande par les pronoms l' et
elle sans que celle-ci soit nommée dans les
vers précédents. Ceci s'explique par les faits qu'Armande
était présente dans la scène d'avant et que les locuteurs
pensaient conventionnellement à elle lorsqu'ils ont employé les
pronoms personnels l' et elle
.C'est encore le cas dans La Princesse de
Clèves
« _Il
est vrai, répondit Mme la Dauphine ; mais je n'aurai pas
pour elle la complaisance que j'ai accoutumé
d'avoir. »
(La
fayette, Pr. de Clèves, p.254)
Le pronom elle désigne Mme de
Clèves présente au moment de l'énonciation
* En plus, comme cela s'applique
aux pronoms démonstratifs, on peut avoir des pronom personnels
compléments le, la,
les en emploi déictique,
lorsqu'ils sont renforcés par les particules
présentatifs voici et
voilà. Alors ils deviennent
impérativement des indicateurs.
« La
voici qui conduit le notaire avec
elle »
(Molière, Fem.sav.v.1598)
« La
voilà Monsieur ; Henriette est son
nom »
(Id. ib v.1620)
« Le voilà
lui-même, et je veux lui demander ce qui en
est. »
(La
Fayette, Pr. de Clèves, p.254)
Dans ces deux exemples les pronoms personnels sont
avant tout anaphoriques car ils représentent des noms déjà
exprimés. Dans le premier exemple la
remplace ma femme du vers
précédent, dans le second, le pronom reprend la
cadette nommée dans le vers précédent dans
la troisième le renvoie à M. de Nemours
dont le locuteur parlait. Mais en plus de cela les particules déictiques
voici et voila viennent
s'appuyer sur eux pour désigner du doigt l'être ou l'objet
représenté. Il confère ainsi aux pronoms
représentants une portée déictique. Ces derniers
deviennent alors à la fois anaphoriques et situationnels.
* Le pronom
il ou elle peut être
en emploi déictique lorsqu'il désigne l'interlocuteur qui est
régulièrement pronominalisé par
tu ou vous (de politesse). En effet,
à l'époque classique, dans le langage aristocratique, pour
formuler une demande il était d'usage que l'on nomme son interlocuteur
à la troisième personne si ce dernier est une personne
supérieure, gradée ou importante. Cette tournure est une marque
de respect ou une formule de politesse envers celui à qui on parle.
C'est pourquoi, on la trouve plus souvent dans le langage de la cour lorsque
les gens s'adressent par exemple au roi.
« _Au moins, Sire, lui
dit-il, si je m embarque dans une entreprise chimérique par le conseil
et pour le service de Votre Majesté, je
la supplie
de me garder le secret jusqu'à ce que le succès me justifie vers
le public, »
(La
fayette, Pr. de Clèves, p.136)
« ...et je
jure à votre majesté, avec tout le respect que je
lui dois, que je n'ai d'attachement pour aucune femme
de la cour. »
(Id. ib. p.220)
On peut aussi avoir ce type d'emploi lorsqu'un
employé de maison, comme le majordome qui est une personne respectueuse
et cultivée parle à son maître. Brunot qui
parle à ce sujet écrit ceci :
« la politesse a amené un changement assez
singulier dans l'emploi des personnes. Depuis le XVIIe siècle, s'est
répandu l'usage que les serviteurs parlassent à leurs
maîtres à la troisième personne au lieu d'employer la
deuxième. Sur le modèle des formes : Sa majesté
veut-elle ? (...) Aujourd'hui la bourgeoise a fait de cette
troisième personne une règle obligatoire pour les
domestiques »42 . L'emploi s'est donc
conservé jusqu'en français moderne où on peut le trouver
dans les textes où il est question de bourgeoisie ou de noblesse. En
effet dans le texte de Flaubert, on constate que
l'employé de maison s'adresse à Frédéric en ces
termes :
« Madame priait Monsieur de revenir, et, craignant
qu'il n'eut froid, elle lui envoyait son
manteau »
(Educ.sent. p 19)
Dans cet exemple le pronom
il désigne l'interlocuteur et a la valeur d'un
pronom déictique comme les personnels tu et
vous.
(42) Brunot (Ferdinand) La pensée et la langue,
3ème édition revue, Paris, Masson &Cie 1936,
p. 273
Cette tournure, bien qu'étant admise dans la
norme du français moderne tend à disparaître avec
l'évolution de la langue. Elle est considérée à
présent comme un archaïsme et ne subsiste que dans des cas
très rares lorsqu'on s'adresse à des personnes qu'on
désigne par les titres tels que Son
Excellence. Et même dans ces cas le pronom
vous (de politesse) prend souvent la place du pronom
de la troisième personne en emploi déictique.
Ces trois sortes d'emploi du pronom personnel de la
troisième personne montrent que celui-ci peu avoir dans la langue
parlée d'autres propriétés syntaxiques que celui de
représentant.
1.1.2 La référence indéfinie
du pronom personnel de la troisième personne : on et
ils :
Le pronom sujet on est
à l'origine un infini à valeur générale. Provenant
du nominatif latin homo qui donne à
l'accusatif hominem (qui signifie
homme), on est
exclusivement réservé à la référence
humaine. Il est considéré comme un pronom personnel de la
troisième personne parce que son emploi est entré en concurrence
avec celui du pronom ils avec lequel il partage
parfois la même valeur indéfinie.
- Le pronom personnel
ils
Le pronom pluriel ils a longtemps
été employé dans la langue là où en
français moderne on est employé. En
effet, « l'ancien français comme le latin, emploie
ils avec une valeur indéfinie. Il n'existait
pas en latin de pronom personnel indéfini, le latin employait la
troisième personne du
pluriel. »43
(43) Brunot (F) et Bruneau (Ch.), Précis de
grammaire historique de la langue française 4e ed. .Paris,
Masson et Cie .1956 p.272
On trouve cet emploi en français jusqu'au XVIe
siècle, et même au XVIIe siècle mais de manière
moins constante (parce qu'inexistant dans le texte des
Femmes savantes). Ainsi, l'exemple que l'on trouve
à ce sujet est celui qu'en ont donné la plupart des manuels de
grammaire du français classique.
« Madame, ils ne
vous croiront pas ;
Ils sauront récuser
l'injustice stratagème
D'un témoin irrité
qui s'accuse lui-même »
(Racine, Britannicus, v.854-6 )
Ici le pronom il a une valeur
générale puisqu'il réfère à des gens
inconnus et d'un nombre indéterminé, il équivaut
à tout le monde. Cet emploi, bien
qu'étant non illustré dans notre texte classique, était
encore présent dans l'usage à cette période. En effet,
« Vaugelas mêle
on et ils sans aucun scrupule et
emploie souvent l'expression qu'ils appellent
après un substantif, avec le sens de « ainsi
appelé »44
En français moderne, l'emploi de
ils avec une référence indéfinie
a beaucoup diminué car il a été supplanté par celui
du pronom personnel on. Toutefois
ils continue à être employé avec
une valeur générale, mais à titre exceptionnel.
Wagner et Pinchon considèrent que
« dans la langue familière,
ils s'emploie avec une valeur ironique ou
méprisante pour symboliser des gens qu'on ne veut pas désigner
d'une façon explicite. »45
- Le pronom on à
référence générale ou
indéfinie :
Contrairement aux autres pronoms personnels du
même rang qui
(44) Vaugelas (C. F), Remarques cf. Haase (A),
Syntaxe du français du XVIIe siècle éd. Traduite et
remaniée par Monsieur Obert, Paris, Delagrave, p.4
(45) Wagner (R.L) Pinchon (J.), Grammaire du
français classique et moderne, Paris, Hachette, 1962, p.169
représentent un antécédent bien
précis, le pronom on a essentiellement une
valeur indéfinie surtout en français moderne. Lorsque ce pronom
désigne des personnes inconnues, non précisées dans le
texte il a une référence dite absolue puisqu'il
n'établit pas une zone de référence
déterminée et dans ce cas, il équivaut aux locutions
n'importe qui, tout le
monde, les gens, etc.
« Vous avez notre
mère en exemple à vos yeux
Que du nom de savante on
honore en tous lieux ; »
(Molière, Fem.sav. V.37-8)
On équivaut à
tout le monde
« Elle la pria, non
pas comme sa mère, mais comme son amie, de lui faire confidence de
toutes les galanteries qu'on lui
dirait, »
(La fayette, Pr. de Clèves, p.143)
On représente les gens de la
cour
« Le chef d'orchestre, debout,
battait la mesure d'une façon automatique. On
était tassé, on
s'amusait, les brides dénoués des chapeaux effleuraient les
cravates ».
(Flaubert, Ed. sent. p.84)
On = les gens (hommes et femmes) qui
se trouvaient là
Cependant, dans la langue du XVIIe siècle, en
dehors de sa référence générale le pronom personnel
indéfini on pouvait être
l'équivalant de toutes les autres formes du pronom personnel.
- Le pronom on
à référence individuelle :
En français classique, le pronom personnel
on a eu différentes valeurs, ce qui rendait
difficile son interprétation dans un texte. Il pouvait, au sens
figuré, se substituer à tous les autres pronoms personnels pour
exprimer des valeurs stylistiques.
« Hé !
Qui vous dit, monsieur que l'on ait cette envie,
Et que de vous enfin si fort on se
soucie ? »
(V. 155-6)
Ici on représente je c'est à dire la
personne qui parle
Lorsqu'il représente les autres
pronoms, on peut avoir aussi bien une valeur
anaphorique que déictique suivant que
la personne qu'il remplace dans le texte est présente ou non dans l'acte
d'énonciation.
Le pronom on peut s'identifier
à la première personne je qui est un
pronom déictique. Selon Brunot,
« pour éviter de se mettre en avant, au
nominal personnel, les raffinés se substituaient fort souvent
l'indéterminé on, qui étant plus
vague, ne choque pas. »46 Dans les textes
classiques ce pronom qui a généralement en français
moderne une valeur indéfinie a souvent représenté la
personne qui parle.
« Il suffit que
l'on est contente du détour
Dont s'est adroitement avisé votre
amour » (Bélise)
(Molière,
Fem .sav. v 313-14)
(46) Brunot (F.), La pensée et la langue, Paris,
Masson et Cie, 3e ed. 1936, p.196
« On est faite d'un air je
pense à pouvoir dire
Qu'on a pas pour un coeur soumis à son
empire » (Bélise)
(Id. ib. v. 375-6)
« Je
résolus de vous écrire des lettres tièdes et languissantes
pour jeter dans l'esprit de celle à qui vous les donniez que
l'on cessait de vous
aimer. » (Je)
(La fayette, Pr. de Clèves, p.211)
Dans ces exemples le pronom
on est déictique parce qu'il s'identifie au
je parlant. En plus l'accord du participe ou de
l'adjectif attribut de on dans les passages
l'on est contente et on est
faite, montre son assimilation totale de ce pronom à la
personne qu'il désigne.
Molière donne l'explication
suivante à propos de on :
« on peut remplacer, dans la
langue familière, un pronom personnel de l'une des trois personnes, mais
il donne à la phrase une nuance tantôt ironique tantôt
affectueuse.»47 Ces emplois sont très
fréquents en langue classique :
« Dès le lendemain, ce prince fit parler
à Mme de Chartres; elle reçut la proposition
qu'on lui faisait et ne craignit point de donner
à sa fille un mari qu'elle ne pût aimer en lui donnant le prince
de Clèves. »
(La
fayette, Pr. de Clèves, p.149)
On représente le prince
de Clèves
Le pronom on est
également déictique lorsqu'il représente la
deuxième personne tu ou
vous pour exprimer la distance entre le locuteur
et son interlocuteur.
(47) Molière, Les Femmes Savantes,
édition Larousse (classiques), 1672. p.41.cf note de bas de
page n.6
« Ce monsieur
Trissotin dont on nous fait crime
Et qui n'a pas l'honneur
d'être à votre estime »
(Id. ib v.631-2)
Ici on représente Chrysale
qui est l'interlocuteur.
On est cependant
anaphorique lorsqu'il prend la place du pronom personnel de la troisième
personne dans un texte.
« Elle entra
aisément dans l'opinion qu'il ne fallait pas aller chez un homme dont
on était
aimée, »
(La fayette, Pr. de Clèves, p.166)
On et elle
désigne la même personne
« Quelque important que soit ce
qu'on veut que je lis,
Apprenez mon ami, que c'est une
sottise... »
(Molière, Fem. sav.v.1389-90)
Dans cet exemple le pronom on
anaphorise le savant nommé
précédemment dans le texte.
Ces emplois individualisants du pronom personnel
on ont disparu petit à petit de la langue
à la fin de l'époque classique. Toutefois, il reste des
survivances en français moderne dans le langage familier lorsqu'on
s'adresse à un ami par exemple, au lieu de
dire tu, on peut employer : On se
repose ?
La langue moderne conserve également un
emploi très courant du pronom on avec une
valeur collective pour dire nous.
« On
n'avait fait cinq kilomètres, tout au
plus »
(Flaubert, Educ. sent.
p.12)
1-2- La
référence au texte :
Le pronom personnel de la troisième personne
est employé pour ses capacités à reprendre un nom, une
phrase ou une idée qu'on ne veut pas répéter dans
l'immédiat. Il assure la continuité de l'énoncé
tout en évitant les occurrences des mots déjà
présents. En ce sens Wagner et Pinchon
explique : « La troisième personne, au
singulier comme au pluriel désigne la ou les personnes, la ou les choses
dont on parle et représente un terme déjà exprimé.
Il en résulte pour la clarté du style que ces pronoms doivent
sans équivoque possible renvoyer à ce
terme. »48 Cette pensée
résume l'essentiel de la représentation du pronom de la
troisième personne.
Sur le plan linguistique, lorsque le pronom assure
la répétition d'un mot ou d'un groupe de mots dans le discours,
il est en emploi anaphorique. L'anaphore est une figure de style qui exprime la
redondance.
Cependant, dans la référence au texte
si le pronom représentant est annoncé avant
l'antécédent, en d'autres termes, lorsque le pronom personnel de
la troisième personne renvoie à un élément
postérieur de l'énoncé, l'emploi est dit cataphorique.
1.2.1. L'anaphore par le pronom personnel de la
3e personne.
Etymologiquement, le substantif
anaphore (du latin
anaphora) provient de la combinaison de leurs mots
grecs ana et pherein qui
signifient respectivement de bas en haut,
en arrière et
porter l'anaphore désigne alors ce
(48) Wagner (R.L.) et Pinchon (J.) Grammaire du
français classique et moderne, éd. revue et corrigée,
Paris, Hachette, 1962 .P. 169
qui porte vers le haut, ce qui renvoie à
l'arrière. Elle est « La reprise du
signifié d'un mot par le moyen d'un autre signe (pronom
etc.). »
Le pronom personnel de la troisième personne
a essentiellement une valeur anaphorique et ceci depuis l'origine de langue.
Cependant il a commencé à être étudié de
manière beaucoup plus régulière à partir de
l'époque classique. En effet, avant cette période l'usage du
pronom personnel anaphorique ne facilitait pas toujours la compréhension
du texte. Son interprétation posait souvent un problème à
cause de certaines difficultés à identifier
« la source ». Ces
dernières étaient dues soit à la construction de
la phrase, soit à la morphosyntaxe des pronoms personnels
anaphoriques.
Les grammairiens du XVIIe siècle se sont alors
intéressés à l'étude de ces pronoms et ont
exigé plus de netteté dans leur emploi. C'est pourquoi, en
français classique l'usage a commencé à devenir plus
régulier et on trouve dans les textes de cette époque de plus en
plus d'emplois anaphoriques où l'antécédent est clairement
indentifiable.
« Quand
sur une personne on prétend se régler,
C'est par les beaux cotés qu'il
lui faut ressembler
Et ce n'est point du tout
la prendre pour modèle
Ma Soeur que de tousser et de cracher comme
elle »
(Molière,
Fem.sav. v.73-6)
Dans ce passage les pronoms
lui, la et
elle reprennent le substantif d'une personne au
premier vers pour ne pas qu'il soit répété. De ce fait,
ces pronoms assurent les occurrences de ce mot dans la suite de
l'énoncé et s'accordent en genre et en nombre avec celui-ci.
Ainsi dans l'exemple :
« Mon père est d'une humeur
à consentir à tout
Mais il
met peu de poids aux choses qu'il résout
Il a reçu du ciel
certaine bonté d'âme
Qui le soumet d'abord
à ce que veut sa femme
C'est elle qui gouverne et
d'un ton absolu
Elle dicte pour la loi ce
que qu'elle a
résolu. »
(Id. ib. V.205-210)
Les pronoms personnels masculins
anaphorisent mon père alors que
les pronoms féminins reprennent sa
femme. De même :
« Il (M. de Nemours)
était inconsolable de lui (Mme de
Clèves) avoir dit des choses sur cette aventure qui, bien que galantes
par
elles mêmes, lui paraissaient, dans ce moment,
grossières et peu polies, puisqu'elles avaient
fait entendre à Mme de Clèves qu'il
n'ignorait pas qu'elle était cette femme qui
avait cette passion violente et qu'il était celui pour
qui elle l'avait. »
(La
fayette, Pr. de Clèves, p.263)
Dans cet exemple, les pronoms anaphoriques indiquent par leurs
morphologies les mots qu'ils représentent.
L'accord du pronom anaphorique est donc un moyen de
repérage du mot auquel il renvoie. Il permet aussi de
démontrer que l'antécédent et le pronom
représentent la même chose, qu'ils sont
coréférentiels. En effet, dans la
représentation anaphorique, le pronom personnel de la troisième
personne doit être coréférent à la chose
représentée.
Dans ces exemples d'anaphores précités,
l'antécédent est clairement identifiable puisqu'il n'y a aucune
équivoque possible. Employé de cette manière, comme l'ont
exigé les grammairiens et remarqueurs de l'époque classique, il
n'y a pas
d'écart entre la langue française du XVIIe
siècle et celle du français moderne. En effet les
écrivains de cette dernière période se sont
inspirés de manière essentielle des règles d'usage, qui
ont été établies par les grammairiens de la langue
française du XVIe siècle et du XVIIe siècle.
« La
petite fille jouait autour de lui. Frédéric
voulut
la baiser. Elle se
cacha derrière sa bonne, sa mère la
gronda de n'être pas
aimable pour le monsieur qui aurait sauvé son
chat. »
(Flaubert. Educ. sent. p.10)
Les pronoms personnels la et
elle anaphorisent la petite fille nommé
précédemment. De même :
« Arnoux
rentra, et par l'autre portière, Madame Arnoux parut. Comme
elle se trouvait enveloppée d'ombre,
il ne distingua d'abord que sa
tête. Elle avait une robe de velours
noir »
(Id. ib p. )
Le pronom féminin elle
anaphorise Madame Arnoux et le pronom masculin
il est mis pour reprendre Arnoux.
Dans ces exemples du français
classique et du français moderne, les
pronoms personnels employés représentent des noms et groupes
nominaux précis et identifiables. Mais nous verrons que ce n'est pas
toujours le cas, car les pronoms personnels peuvent aussi anaphoriser un
énoncé, un groupe verbal, ou un adjectif comme c'est le cas
parfois avec le pronom neutre le et les adverbiaux en et y.
1-1-3- La cataphore par le pronom personnel de
la troisième personne :
Bien que la plupart des grammairiens du XVIIe
siècle ne l'aient pas mentionné dans leur étude de la
représentation pronominale, la référence cataphorique est
un emploi à part entière. Elle est à l'opposé de
l'anaphore, ce qui porte vers l'avant ou vers le bas. Lorsque le pronom
personnel de la troisième personne renvoie à un
antécédent qui se trouve non pas dans le segment antérieur
(comme le cas de l'anaphore) mais dans le segment postérieur la
référence et dite cataphorique. Et dans ce cas,
Grevisse recommande dans
Le bon
usage de ne plus parler
« d'antécédent »
mais de
« conséquent »
ou de
« postcèdent »49.
Ce mode de référence est plus fréquent en langue classique
où on le remarque souvent avec les pronoms le,
il et en annonçant
une proposition ou un énoncé.
-Avec le pronom neutre
le :
« Nous
l'avons, en dormant échappé
belle :
Un monde près de nous a passé tout du
long,
Est chu tout au travers de notre
tourbillon »
(Molière, Fem. sav.V1266-8)
Le pronom élidé l'a la
valeur d'une cataphore résumante puisqu'il renvoie
à tout l'énoncé qui suit. Il en va de même dans les
exemples suivants où le annonce
la proposition qui suit.
(49) Grevisse (Maurice), Le bon usage,
13e éd. Paris, Duculot, 1993, p. 956
« Si
j'avais un mari, je le dis,
Je voudrais qu'il se fit le maître du
logis. »
(Id. ib v.1647-8)
« Et pour
mari, moi, mille fois je l'ai dit,
Je ne voudrai jamais prendre un homme
d'esprit »
(Id. ib.v.1663-4)
-Avec le pronom sujet
il :
« Par quelle raison, jeune et bien
fait qu'il est lui refuser
Clitandre ? »
(Id. ib v.1655-6)
« Dès qu'il fut
seul, Frédéric se rend chez le célèbre
Pomadère où il se commande trois
pantalons »
(Flaubert, Educ.sent. p.134)
Le pronom il dans ces exemples
renvoie à des noms qui se trouvent dans la suite de
l'énoncé. Ce mode de référence s'obtient aussi avec
le pronom neutre il annonçant une
proposition en français classique.
« Mais
puisqu'il m'est permis, je vais à votre
père »
(Molière, Fem.
sav.v.203)
« Mon frère, il n'est
pas mal d'avoir son agrément »
(Id. ib. v.410)
Le pronom il dans ces exemples-ci
renvoie aux propositions : je vais à votre
père dans le premier exemple et d'avoir
son agrément dans le second. Ces emplois sont
irréguliers en français moderne où le pronom personnel
il cataphorique serait remplacée par
ceci ou cela.
-Avec le pronom en
«Va, va-t-en faire
amende honorable au Parnasse
D'avoir fait à tes vers estropier
Horace. »
(Id. ib.v.1021-2)
Le pronom en introduit la
proposition infinitive qui suit.
La référence cataphorique est encore
en usage en français moderne avec tous les pronoms personnels de la
troisième personne mais elle est beaucoup moins fréquente dans
les textes modernes que dans ceux du français classique. La cataphore
obéit aux mêmes règles sémantiques et morphologiques
que la référence anaphorique.
Il en va de même pour les autres modes de
référence que sont la référence déictique
(où le pronom indique clairement la personne) et celle du pronom
indéfini on qui s'est parfois accordé
avec son référent dans certains emplois où il s'est
substitué aux autres pronoms personnels.
Contrairement à la référence au
texte, la référence déictique du pronom personnel de la
troisième personne (que l'on trouve plus souvent dans la langue orale)
ne pose pas de problème pour l'interprétation du pronom. C'est
pourquoi dans la représentation des pronoms personnels de la
troisième personne, les grammairiens et remarqueurs de l'époque
classique, dans leur souci de clarifier la langue, se sont plus
intéressés à la représentation anaphorique pour
tenter de corriger les points où l'usage a manqué de
précision dans l'emploi des pronoms.
La suite de notre travail portera alors sur
l'étude approfondie de la référence du pronom personnel
anaphorique et de son antécédent en français classique et
en français moderne.
II- La relation entre le pronom et son
antécédent :
Selon l'étude des grammairiens de la langue
française comme Brunot, Haase etc.,
l'attention des remarqueurs du XVIIe siècle s'est
particulièrement portée sur la représentation des pronoms
et sur leur rapport avec le mot qu'il anaphorisent. En effet, ces derniers
voulaient que la relation entre le pronom et l'antécédent soit
claire et nette. Brunot rapporte comme tels ces propos de
Bayle : « Vous savez
mieux que moi (...) que le caractère de notre langue et ce qui le
distingue de toutes les autres, est une manière nette, coulante
débarrassée, de ranger les mots, qui fait qu'un lecteur ne
balance point à quoi il doit rapporter les particules qui,
le, son,
que. »50
La relation pronom -
antécédent s'appuie sur des règles fondamentales
qui établissent entre ces deux termes un lien de dépendance. Ces
règles reposent sur l'accord du pronom
représentant avec le mot représenté mais aussi sur
la mise en évidence de l'antécédent afin
que le lecteur ne confonde pas le terme auquel il doit rapporter le pronom.
2-1- L'accord du pronom représentant
à son antécédent :
Dans la représentation anaphorique, le pronom
personnel doit prendre les mêmes marques morphologiques de genre et de
nombre que le terme anaphorisé.
« Une pauvre
servante au moins m'était restée,
Qui de ce mauvais air n'était infectée,
(50) Brunot (Ferdinand), Histoire de la langue
française des origines à nos jours - TIV la langue
classique, Paris, Armand Colin 1966.P.876
Et voilà qu'on
la chasse avec un grand fracas
A cause qu'elle manque de parler
Vaugelas. »
(Molière, Fem. sav. v.603-606)
Les pronoms personnels féminins singuliers
la et elle reprennent une
pauvre servante. L'accord grammatical permet facilement de repérer dans
le texte l'antécédent du pronom. Il permet aussi de lever
l'équivoque au cas où il y aurait possibilité de confondre
la «source ».
«Et nous voyons
que d'un homme on se gausse.
Quand sa femme chez lui porte
le haut de chausse »
(Id. ib V.1646-7)
Ici la marque de genre du pronom lui
(masculin) permet de désigner l'antécédent comme
étant un homme et non sa
femme
Remarque : Le pronom
personnel complément lui employé en
position accentuée après une préposition est
impérativement du genre masculin, de même que lorsqu'il est en
fonction sujet. Mais, il peut être indistinctement du genre masculin ou
féminin lorsqu'il est proclitique au verbe. En effet Georges et
Robert Lebidois expliquent :
« lui de par son origine,
est indifféremment d'un genre ou de l'autre mais il ne garde ce
caractère épicène que dans un cas : lorsqu'il
accompagne un verbe, auprès duquel il fait fonction d'objet secondaire
(...) Dans tous les autres rôles, (sujet, complément d'objet
premier, complément de proposition), il ne représente qu'un
être masculin. » 51
Malgré les efforts de
certains grammairiens qui tentent de faire respecter toutes les règles
favorisant la clarté dans la représentation des pronoms, les
écrivains classiques n'ont pas toujours respecté dans leurs
textes la règle la plus
(51) Lebidois (G. et R.) Syntaxe du français
moderne, Tome I. Paris, Picard, 1935. P.144
élémentaire : celle de l'accord. En effet,
dans certains de leurs emplois ils ont favorisés l'accord avec le sens
du mot. Ce phénomène est appelé syllepse
et peut aussi bien toucher les marques morphologiques de genre, de nombre que
les marques de personne. Par syllepse on entend un
accord non pas grammatical mais conceptuel.
2-1-1- Syllepse de genre en français
classique :
Dans la représentation anaphorique, on a un
syllepse de genre lorsqu'un antécédent masculin est repris par un
pronom féminin ou encore lorsqu'un pronom masculin reprend un nom
féminin. Ce genre d'emploi crée un décalage entre le mot
anaphorisé et le terme anaphorique puisque ce dernier représente
un mot employé au sens figuré en lui donnant sa vraie
signification ou vice-versa.
«C'est à
vous non à moi, que sa main est donnée.
Je vous le cède tout,
comme à ma soeur. »
(Molière, Fem. sav. v.1089-90)
Dans cet exemple : le (pronom
masculin) anaphorise sa main
(féminin) qui est en emploi métonymique (la partie pour le tout),
mais il s'accorde avec celui à qui appartient
cette main : Trissotin. Le pronom personnel
s'accorde alors par syllepse de genre avec le vrai sens de
l'antécédent. De même :
« Pour moi,
par un malheur, je m'aperçois, madame
Que j'ai ne vous déplaise, un corps tout comme une
âme
Je sens qu'il
y tient trop pour le laisser
partir » (2)
(Id. ib v.1213-5)
Dans cet exemple le mot âme
est personnifié ce qui explique l'accord par syllepse lorsqu'il est
repris par le pronom masculin il.
L'accord par le syllepse était courant en
ancien et moyen français mais il était considéré
comme source d'ambiguïtés à l'époque classique. C'est
pourquoi les grammairiens voulaient qu'on l'évite dans les textes.
Cependant l'emploi est resté chez certains auteurs de cette
époque. Ferdinand Brunot et Charles
Bruneau 52 explique cela par le
fait qu' « au XVIIe siècle, l'accord
« par syllepse » était considéré comme
une élégance ». Et pour cette raison,
il y avait une certaine tolérance à propos des syllepses.
Molière fait dire à Clitandre :
« Vous en vouliez beaucoup
à cette pauvre cour.
Et son malheur est grand de voir que chaque jour
Vous autres, beaux esprits, vous déclamiez contre
elle,
Que de tous vos chagrins vous lui fassiez querelle,
Et, sur son méchant goût lui faisait son
procès
N'accusiez que lui seul de vos
méchants succès. »
(Fem.sav. v 1331-6)
Le pronom personnel lui (masculin)
anaphorise cette pauvre cour (féminin) qui est
personnifiée par le locuteur, alors que dans les vers
précédents, il l'a reprise par le pronom
elle. La reprise par lui
est du au fait que le locuteur identifie la cour
à un homme. L'équivoque se trouve ici dans la possibilité
que lecteur pense que elle et
lui ne représentent pas la même chose,
ce qui ne faciliterait pas la compréhension du texte.
(52) Brunot (F.) et Bruneau (Ch.) Précis de
grammaire historique de la langue française, Paris, Masson et Cie ,
1956 P.286
2-1-2- Syllepse de nombre en français
classique :
Ce genre d'emploi est courant au XVIIe.
Il est beaucoup plus facile à justifier que l'accord par syllepse
de genre car on l'obtient surtout lorsqu'un pronom personnel pluriel reprend un
groupe nominal singulier qui désigne un groupe de personnes.
On a un tel emploi dans cette réplique
d'Ariste :
«Vous laisserez sans honte
immoler votre fille
Aux folles visions qui tiennent la
famille.
Et de tout votre bien revêtir un nigaud
Pour six mots de latins qu'il
leur fait sonner haut »
(Molière, Fem.sav. v.687-90)
Dans cet exemple leur (pluriel) anaphorise le groupe
nominal la famille qui est un nom collectif
singulier et qui désigne dans la pensée d'Ariste :
Philaminthe, Bélise
et Armande (admiratrices de Trissotin). Le locuteur
les nomme d'abord par la famille et en disloquant le
mot il le reprend par le pronom leur. Ce
phénomène était tellement à la mode en
français classique que d'après Brunot,
« on voit des grammairiens aller jusqu'à
prétendre que il,
lui au singulier, ne peuvent pas représenter
les noms collectifs Assemblée,
Conclave,
etc. »53
Cependant, tout comme la syllepse de genre, ce type
d'accord est considéré par les remarqueurs comme étant
source d'équivoques pour le lecteur. Et, suite à la norme
classique, il n'est pas admis en français moderne où l'accord du
terme anaphorique avec son antécédent est grammatical et non
conceptuel.
(53) Brunot (F.), Histoire de la langue
française, T.IV, Paris, Armand Colin, 1966, p.890
« La foule oscilla, et, se
pressant contre la porte de la cour qui était
fermée, elle empêche le professeur
d'aller plus loin »
(Flaubert, Ed. sent. p.35)
L'accord est grammatical lorsque le pronom
elle (féminin, singulier) anaphorise un nom
collectif féminin, singulier la foule.
En français moderne le pronom personnel
représentant prend les marques morphologiques de genre et de nombre du
mot qu'il représente.
2-1-3- Syllepse de
personne :
On a une syllepse de personne lorsque le pronom de
la troisième personne anaphorise un autre pronom d'une autre personne ou
un groupe équivalent. En français classique, on peut l'obtenir
avec le pronom sujet on à
référence individuelle, lorsqu'il est employé pour
représente une personne nommée et qui représente le ou
les interlocuteurs.
« Qu'est ce
qu'à mon âge on a de mieux à
faire... »
(Molière, Fem. sav.v.20)
On est employé à la
place de je qui convient après le syntagme
prépositionnel à mon âge. Ce
genre d'emploi peut également s'opérer avec les autres pronoms
personnels.
« Que
craignez-vous ? Parlez : c'est trop se
taire »
(Racine,
Bérénice V.183) 54
Le français moderne a également
renoncé à ce genre de syllepse.
(54) Exemple cité par Spillebout (G.),
Grammaire de la langue française du XVIIe siècle, Paris,
Picard 1985 P. 141
2-2- La mise en évidence du terme
anaphorisé :
Lorsque le pronom personnel anaphorique reprend un
terme, celui-ci doit être clairement identifiable dans le texte. Pour
cela il est établi que le pronom doit être du même genre et
du même nombre que l'antécédent.
Cette règle bien qu'étant essentielle
pour repérer l'antécédent, n'est pas toujours suffisant
pour lever l'équivoque. En effet, le choix du bon référent
n'était pas toujours évident pour le lecteur au cas où il
y avait dans l'énoncé plusieurs termes dont les marques
morphologiques de genre et de nombre étaient identiques à celles
du pronom représentant.
Avant le XVIIe siècle, il n'y avait pas de
lois qui permettaient dans ce cas de désigner clairement le bon
référent. Ce qui fait que dans les textes anciens, on peut
remarquer des constructions où il manquait de précision pour
trouver le mot qui sert d'antécédent au pronom.
Au XVIIe siècle, les remarqueurs, comme
Vaugelas, le père Bouhours et
Andry de Bois -Regard, vont alors
s'appliquer à éviter toute ambiguïté. Ils
établissent des règles qui permettent au lecteur
d'interpréter facilement le pronom. Ces règles reposent sur deux
critères qui facilitent la relation de transparence entre le pronom et
l'antécédent.
* Le premier critère est celui de la proximité
entre les deux termes
* Le second est en rapport avec la cohérence du
texte : deux pronoms personnels identiques qui se suivent, doivent
nécessairement avoir le même antécédent.
2.2.1 Le rapprochement de
l'antécédent au pronom :
Lorsque le terme anaphorique se trouve dans un
énoncé où il y a plusieurs mots susceptibles d'être
pris pour son antécédent, les grammairiens classiques exigent que
le pronom représentant soit renvoyé au terme le plus proche. En
effet, Brunot soutient que :
« Un des meilleurs moyens pour parvenir à la
clarté, est le rapprochement du représentant et du
représenté. »55 En effet,
pour les remarqueurs classiques, l'éloignement entre le mot
représenté et le terme qui le représente était
à l'origine de beaucoup d'ambiguïtés dans la
compréhension du texte. C'est pourquoi, ils ont exigé des
écrivains plus de clarté dans la relation pronom
antécédent, en proposant la proximité entre ces deux
termes.
« Ma fille est
ma fille et j'en suis le maître,
Pour lui prendre un mari qui
soit selon mes voeux »
(Id. ib v.704-5)
Les pronoms en et lui
se substituent au groupe nominal le plus proche ma
fille
Il en est de même pour :
« Contre de pareils coups,
l'âme se fortifie
Du solide secours de la philosophie,
Et par elle on se peut mettre
au dessus de tout »
(Id. ib V.114)
Le pronom elle anaphorise
la philosophie
Si ces exemples classiques ne font pas entorse aux
exigences de la norme de l'époque concernant la relation de clairvoyance
entre l'antécédent et le
(55) Brunot (F), La pensée et la Langue,
3e édition revue, Paris, Masson et Cie 1936. p.196
pronom, il n'en demeure pas moins, que certains
écrivains ont continué à maintenir parfois les deux termes
séparés, créant ainsi des ambiguïtés dans les
textes.
« Elle
exécuta enfin la résolution qu'elle avait prise de sortir de chez
son mari lorsqu'il y
serait. »
(La fayette, Pr. de Clèves, p.195)
Il représente ce
prince qui est un antécédent éloigné
et non son mari.
Celles-ci sont condamnées par presque tous les
remarqueurs du XVIIe siècle. En effet Brunot rapporte
que « Malherbe a blâmé ces
séparations si dangereuses pour le
style. »56
Malgré cela, dans la pratique, certains
auteurs classiques sont loin de se conformer à une réglementation
aussi rigoureuse. Et dans leurs textes, on peut parfois constater les manques
de précision à propos du choix entre plusieurs
antécédents. Ces exemples du français classique illustrent
parfaitement ces lacunes :
«_Voilà
certainement d'admirables projets
_Vous verrez nos statuts quand
ils seront tous faits »
1
(Molière, Fem. sav. v.920)
En lisant les deux vers de l'exemple 1 dits
respectivement par Trissotin et Bélise, on peut se poser la
question : à quoi
réfère ils ? A
statuts qui est le terme le plus proche
ou à projets qui s'accorde mieux
avec la notion du verbe faire
(ils seront faits) ?
Ici l'ambiguïté repose sur l'agencement de la phrase parce
que ils renvoie plus à
projets. En effet, c'est pour conserver la
rime (projets / faits) que la proposition temporelle
Quand ils seront tous faits vient
après la principale vous verrez nos
statuts.
(56) Brunot (F), La pensée et la langue,
3e édition revue, Paris, Masson et Cie 1936. p.197
Vu que le référent de ils est projets et non
statuts, ce passage paraîtrait plus clair pour le lecteur s'il
était construit ainsi : _ Voilà certainement
d'admirables projets /_ Quand ils seront faits vous verrez nos statuts
.Mais cela gâcherait la rime de l'auteur et il préfère
créer l'équivoque plutôt qu'enfreindre les règles de
style.
« Et
je ne pensais pas que la philosophie
Fut, si belle qu'elle est, d'instruire ainsi les gens
A porter constamment de pareils accidents
Cette fermeté d'âme à vous si
singulière,
Mérite qu'on lui donne
une illustre matière » 2
(Id. ib v.1550-4)
Entre les deux groupes nominaux la
philosophie et cette fermeté
d'âme, le lecteur ne saurait trancher automatiquement sur
le choix de l'antécédent du pronom lui,
d'une part il y a le groupe nominal le plus proche : cette
fermeté d'âme et d'autre part la
philosophie qui peut aussi bien constituer
d'antécédent
à ce pronom puisqu'il est thème le plus saillant
et qu'il s'accorde plus avec le sens du groupe verbal donne une
illustre matière (que l'auteur traduit par
donne occasion de s'exercer)
« Lorsque
l'Empereur passa en France, il donna une préférence
entière au duc d'Orléans sur M. le dauphin qui la ressentit si
vivement que, comme cet Empereur était à Chantilly
il voulut obliger M. le connétable à
l'arrêter sans attendre le commandement du
roi. »
(La
fayette, Pr. de Clèves, p.159)
Les pronoms il et
l' ne désignent pas clairement leurs
antécédents. En effet entre les trois noms présents dans
le texte on se demande auquel réfère il
et lequel constitue l'antécédent du pronom
l'.
« La
reine dauphine faisait faire des portraits en petit de toutes les belles
personnes de la cour pour les envoyer à la reine sa mère. Le jour
qu'on achevait celui de Mme de Clèves, Mme la dauphine vint passer la
journée chez
elle. »
(Id. ib, p.202)
Le pronom elle réfère
t-il à Mme de Clèves ou Mme la dauphine ?
Ces exemples ne répondent pas à la
norme qui exige la clarté et la netteté dans les textes parce
qu'il est possible que le pronom ne représente pas
l'élément le plus proche. Et dans ces cas, il est
nécessaire que le lecteur fasse une analyse profonde de
l'énoncé pour pouvoir comprendre. Ces phénomènes
que les remarqueurs considèrent comme des incorrections, sont dus ou
à une exigence du style (exemple 1) ou à une
liberté de construction que les auteurs classiques ont
hérité de la langue médiévale. Quoiqu'il en soit,
ces modes de référence pronominale n'obéissent pas
à la règle de proximité de l'antécédent qui
convient le plus à l'anaphore textuelle. Cependant ils peuvent
répondre à une autre règle de représentation
qu'explique le Pr. Nguissaly Sarré, dans son cours de
C.M de grammaire intitulé la référence
pronominale en français classique et français
moderne. Après la citation de quelques
énoncés où la loi de proximité de
l'antécédent n'était pas tenue en compte, elle a
ajouté ceci : « Ils (ces
énoncés) ne s'adaptent pas à une approche textuelle de
l'anaphore qui ne conçoit les anaphoriques que comme des anaphoriques de
position (...). Ainsi, faudrait-il se demander si ces
énoncés ne relèvent pas d'une approche mémorielle
de l'anaphore comme renvoi non pas au référent le plus proche
mais au référent le plus saillant parce que présent dans
la mémoire immédiate des énonciateurs. Cette approche
mémorielle de l'anaphore semble donc convenir aux textes
classiques ».
« Elle
exécuta enfin la résolution qu'elle avait prise de sortir de chez
son mari lorsqu'il y serait ; ce fut toutefois
en se faisant une extrême violence. »
(La
fayette, Pr. de Clèves, p.195)
Il ne reprend pas le terme le plus
proche son mari qui peut être un
antécédent potentiel car il anaphorise M. de
Nemours cité plus loin dans le texte, mais qui est plus
présent dans la mémoire du locuteur.
En français moderne, cette
« approche
mémorielle » s'applique mieux
à la référence situationnelle. En effet, la
représentation anaphorique des pronoms y est fait suivant le principe
des marqueurs classiques : celui de la proximité de
l'antécédent et du pronom. Les ambiguïtés que
présentait la langue classique sont considérées à
présent comme des négligences qui ne sont plus admises dans la
syntaxe. Cet écart dans l'usage de la langue entre ces deux
périodes a été facilité par le fait qu'en
français moderne, les phrases sont beaucoup moins complexes que chez
les auteurs classiques. Ce qui explique actuellement la netteté dans la
représentation pronominale. Le pronom personnel se substitue au terme le
plus proche au cas où il y a possibilité de confondre.
« Quand il
(Frédéric) arrivait de bonne heure, il le surprenait dans son
mauvais lit de sangle, que cachait un lambeau de
tapisserie ; car Pellerin se
couchait tard, fréquentait les théâtre avec
assiduité. Il était servi par une
vieille femme en haillons, dînait à la gargote et vivait sans
maîtresse.»
(Flaubert, Educ. sent. p.45)
Le pronom il (il était
servi) anaphorise le nom Pellerin qui est plus
proche.
Au cas où l'antécédent est un peu
éloigné aussi, la phrase est construite de manière
à ne laisser aucun doute sur le choix de l'antécédent.
« Il
n'éprouve plus aucun trouble. Les globes des lampes recouverts d'une
dentelle en papier, envoyaient un jour laiteux et qui attendrissait la couleur
des murailles tendues de satin mauve. »
(Id. ib.
p.54)
Il renvoie à
Frédéric qui est nommé deux
paragraphes plus haut. Cependant on ne peut confondre
l'antécédent avec un autre puisqu' il n'y a pas d'autre nom, dans
l'intervalle, susceptible d'être le référent du
pronom il.
A propos du critère de proximité du
pronom, on remarque que la divergence entre la langue classique et la langue
moderne se trouve uniquement dans l'usage de certains écrivains. En
effet, l'exigence de la norme est la même : la relation entre le
pronom et l'antécédent doit être d'une netteté
absolue. Pour cela les grammairiens et remarqueurs du XVIIe siècle ont
aussi donné un autre moyen de repérage du
référent.
2-2-2- La coréférence
de deux pronoms identiques dans une phrase
En français moderne, lorsque deux pronoms
identiques se suivent, ils ont nécessairement le même
référent. Il y va de la cohérence et de la clarté
de l'énoncé.
«
Frédéric fit un signe d'assentiment. Il
attendait que Deslauriers parlât. Au moindre mot d'admiration,
il se serait épanché largement,
était tout près à le chérir ; l'autre se
taisait toujours, »
(Flaubert,
Educ. sent. p.71).
Les pronoms personnels il successifs
représentent Frédéric. Pour ne
pas amener la confusion, l'auteur emploie le terme
l'autre pour désigner
Deslauriers au lieu de le reprendre par un autre
pronom il qui n'aurait pas le même
référent que le premier. La coréférence des pronoms
dans ce cas fait partie des principes que les grammairiens classiques ont
tenu à faire respecter, pour éviter toute équivoque
dans les textes. Brunot qui étudie la théorie
des grammairiens remarque que : « Des
ils successifs ne doivent pas se rapporter à
des sujets différents, ou du moins jamais le lecteur ne doit
confondre. »57
Cette théorie était aussi valable pour les
textes classiques.
« L'hymen
d'Henriette est le bien ou j'aspire.
Vous y
pouviez beaucoup, et tout ce que je veux,
C'est que vous
y daigniez favoriser mes
voeux. »
(Molière, Fem. sav .v.300- 2)
(57) Brunot (F), Histoire de la langue
française, IV, Paris Armand Colin, 1966. p. 895
Les deux pronoms y sont
coréférentiels.
De même :
« L'impatience et le trouble où
elle (Mme de Clèves) était ne lui
permirent pas de demeurer chez la reine ; elle
s'en alla chez elle, quoiqu' »il ne fut pas
l'heure où elle avait accoutumé de se
retirer. »
(La
fayette, Pr. de Clèves, p.210)
Ces exemples du français classique sont conformes
à la règle de clarté et de netteté. Mais, il n'en
demeure pas moins que, dans cette même période et dans les
mêmes textes où il y a des énonces sans équivoques,
on voit d'autres énoncés qui ne respectent pas le critère
de coréférence de deux « occurrences
successives » d'un pronom. Ce fait se justifie dans
nos textes classiques où nous pouvons constater des passages pleins
d'ambiguïtés.
« Et ma femme
est terrible avec que son humeur.
Du nom de philosophe elle
fait grand mystère,
Mais elle n'en est pas pour
cela moins colère ; »
(Molière, Fem. sav. V. 666-8)
Dans cet exemple les deux pronoms
elle ne semble pas reprendre le même
antécédent. En effet, si le premier représente sans aucun
doute le groupe nominal ma femme, il n'en n'est pas
de même du second pronom qui, d'après le contenu
sémantique du vers, ne réfère pas à ma
femme mais à son humeur (son
humeur n'est est pas pour cela moins colère)
Cette succession de deux pronoms identiques non
coréférentiels est une construction qui entrave la clarté
du texte.
Il en va de même dans l'exemple :
« -
Voilà certainement d'admirables projets
- Vous verrez nos statuts quand ils
seront tous faits.
- Ils ne sauraient manquer
d'être tous beaux et sages. »
(Id.ib.v.919-21)
Le premier ils, a pour
antécédent projets comme nous l'avons
dit dans la partie précédente. Alors que le second fait
référence à statuts
d'après la proximité et le sens des attributs
beaux et sages .Les deux
occurrences de ils sont alors non
coréférentiels. Ces types d'emplois pleins d'équivoque
pour le lecteur sont également très présents dans le texte
de Mme de La fayette comme en témoignent ces
quelques exemples.
« (...)
quoique sa passion pour Diane de Poitiers, duchesse de Valentinois, eût
commencé il y a plus de vingt ans, elle n'en
était pas moins violente, et il
n'en (sa passion) donnait pas des
témoignages moins éclatants. »
(Pr. de Clèves, p.129)
« (...)
comme cet Empereur était à Chantilly, il voulut obliger M. le
connétable à l'arrêter sans attendre le commandement
du roi. M. le connétable
ne le (l'arrêter) voulut pas; et le
roi le (M. le connétable) blâma
pour dans la suite pour n'avoir pas suivi le conseil de
fils. »
(Pr. de Clèves, p.159)
« Son
pouvoir parut plus absolu sur l'esprit du roi qu'il
(son pouvoir) ne paraissait encore pendant qu'il
(le roi) était
dauphin. »
(Id. ib. p.161)
« (...) et
elle aurait eu peine à s'en apercevoir elle-même, si l'inclination
qu'elle avait pour lui (M. de Nemours)
ne lui (Mme de Clèves) eût
donné une attention particulière pour ses actions, qui ne lui
permît pas d'en douter. »
(Id. ib. p.163)
« Ils
convinrent qu'il ne fallait point rendre la lettre à la reine dauphine,
de peur qu'elle ne la montrât à Mme de Martigues, qui connaissait
l'écriture de Mme de Thémines et qui aurait aisément
deviné par l'intérêt qu'elle
(Mme de Thémines) prenait au vidame,
qu'elle (la lettre) s'adressait à
lui. »
(Id. ib. p.231)
« Il
écrivit à Mme de Clèves, pour lui apprendre ce que ce que
le roi venait de lui (M. de Clèves)
dire, et il lui (Mme de Clèves) manda
encore qu'il voulait absolument qu'elle revînt à
Paris. »
(Id. ib. p.247)
Ces passages montrent des emplois irréguliers que
condamne pourtant la norme du français classique. Mais les
écrivains de cette époque n'ont pas tenu compte de la confusion
que cela pouvait créer dans l'interprétation de leurs textes. Et
c'est pour cette raison que ces emplois ont été
rigoureusement
condamnés par les grammairiens. Pour plus de
netteté, les remarqueurs comme Bouhours
considèrent qu'il vaut mieux répéter le mot qui sert
d'antécédent au second pronom au lieu d'employer deux pronoms
identiques non coréférentiels. Selon lui, il est mieux de dire
« il a imité Démosthène en tout ce que
Démosthène a de beau », que
de dire « en tout ce qu'il a de
beau ».58
Si on appliquait cette méthode à un de nos
exemples on aurait :
- Vous verrez nos statuts
quand ils (projets) seront tout faits.
-Vos/ces
statuts ne sauraient manquer d'être tout beaux et
sages
Construites de cette manière, ces deux propositions
paressent plus claires aux yeux des lecteurs et elles conviennent mieux
à la syntaxe du français moderne où ces phrases classiques
sont considérées comme mauvaises. La plupart des grammairiens et
théoriciens de la langue française se sont employés de
manière ardue à combattre le manque de précision dans les
textes du XVIIe siècle. En effet à cette période qui suit
de prés la renaissance de la langue française, ils ont voulu
donné à celle-ci la grandeur et la netteté des anciennes
langues comme le latin et le grec. Mais leurs efforts ne seront
entièrement récompensés que dans les siècles
suivants, notamment en français moderne où les écrivains,
contrairement à leurs prédécesseurs, ont eu le temps de se
conformer à la norme classique.
Après cette étude de la
référence du pronom personnel de la troisième
personne, nous avons constaté que celui-ci partageait beaucoup de
caractéristiques avec les autres catégories de pronoms (relatifs,
démonstratifs et
(58) Bouhours (père), Remarques sur la langue
française p.21, cf. Brunot (F) Histoire de la langue
française, T. IV, Paris, Armand Colin 1966. p 895.
indéfinis...) que ce soit dans les modes de
référence ou dans la relation du pronom avec son
antécédent. Cependant chacune de ces catégories de pronom
a son propre domaine de référence, c'est-à-dire une classe
limitée de mots qu'elle peut représenter. Par exemple certains
pronoms sont faits pour représenter des personnes, d'autres, à
référer à des choses ou des idées etc....
Et à ce propos, nous allons orienter la suite
de notre travail sur l'étude des classes de référents que
peuvent avoir les pronoms personnels de la troisième personne en
français classique et en français moderne.
Chapitre II
La classification
référentielle du pronom personnel de la troisième
personne et les écarts qu'elle pose entre le français classique
et le français moderne :
Si on se fonde sur l'appellation pronom
personnel, on serait tenté de croire que il
et ses variantes allomorphiques ne représentent que des
noms de personne. Cependant, comme nous l'avons déjà vu, ils
n'ont eu ce nom que par référence aux autres pronoms personnels
de la première et de la deuxième personne qui ne remplacent que
des humains. Les pronoms de la troisième personne ont alors une classe
de référence beaucoup plus vaste que ceux de même
catégorie en français classique et en français moderne.
Ils ont la propriété de référer à un
antécédent qui peut être un groupe nominal (humain ou
chose), un groupe verbal, un adjectif, une proposition, un
énoncé.
En ancien et en moyen français les emplois
étaient plus libres qu'en français classique. En effet, c'est
à cette période que les grammairiens ont établi des
règles qui sélectionnaient, pour chacune des formes du pronom
personnel de la troisième personne, une classe de
référents possible. Cette classification
référentielle, faite à cette période est celle qui
prévaut jusque dans la norme du français moderne.
Bien qu'ils partagent la même valeur de
représentant dans le texte, les pronoms il
(s), elle (s),
on, le,
la, les,
lui, leur,
eux, se,
soi, en et y
sont différenciés les uns les autres par la
catégorisation de leur référence. Cependant, en dehors du
pronom indéfini on à valeur
générale, ces pronoms ont une propriété qu'ils
partagent tous, ces celle d'anaphoriser un groupe nominal (déterminant +
nom).
I. La représentation d'un groupe nominal,
d'un adjectif, d'un verbe ou d'un énoncé :
A l'exception des pronoms adverbiaux
en et y et du pronom neutre
le, en français moderne, tous les pronoms
personnels de la troisième personne sont spécifiquement
réservés à la représentation d'un groupe nominal ou
d'un nom propre. Cette norme qui date de l'époque classique n'a pas
toujours été adoptée par l'usage. Nous allons ainsi
étudier les capacités référentielles du pronom
personnel et plus particulièrement les emplois qui différencient
l'usage de ces pronoms en français classique par rapport en
français moderne.
1.1. Les pronoms sujets il et
elle :
D'après la spécialisation qui s'est
effectuée sur la référence des pronoms en français
classique, il (s) et elle
(s) servent désormais exclusivement à la
représentation d'un groupe nominal ou d'un nom propre.
« Et si vos
yeux sur moi le pouvaient ramasser
Ils prendraient
aisément le soin de se baisser »
(Molière, Fem. sav.
V.193-4)
Les anaphorise vos
yeux.
« Mme de Clèves
s'était bien doutée que ce prince s'était aperçu de
la sensibilité qu'elle avait eue pour lui et
ses paroles lui firent voir qu'elle ne s'était
pas trompée. »
(La
Fayette, Pr. de Clèves, p.209)
« Elle (la
vie) fut charmante, grâce à la beauté de leur jeunesse
Deslauriers, n'ayant parlé d'aucune convention
pécuniaire, Frédéric n'en parla pas.
Il subvenait à
toutes les dépenses. »
(Flaubert, Educ.sent. p.63)
Il reprend
Frédéric.
« Non !
rien ! rien ! balbutia le jeune homme, cherchant un
prétexte à sa visite. Enfin il
dit qu'il était venu savoir de ses nouvelles,
car il le croyait en
Allemagne »
(Id. ib. p. 75)
Ces exemples du français classique et du
français moderne rendent compte de la classification dans l'emploi des
pronoms il et elle. Ils ne
peuvent anaphoriser un énoncé que lorsque celui-ci sert à
paraphraser un groupe nominal.
« De
répondre à l'amour que l'on vous fait paraître
Sans le congé de ceux qui vous ont
donné l'être.
Sachez... qu'ils ont sur
votre coeur l'autorité suprême. »
(Molière, Fem. sav v.163-4-7)
En dépit de cette classification, on remarque
dans la langue classique l'emploi du pronom personnel
il référent à un
énoncé, à la manière des pronoms
démonstratifs neutres ce,
ceci, cela qui ont
généralement une valeur résumante.
1-1-1- Le
pronom il anaphorisant un énoncé :
Les emplois du pronom il
neutre résumant un énoncé précédent sont
récurrents dans le texte des Femmes savantes.
Dans ces cas, il accompagne souvent le verbe impersonnel qui n'avait pas de
sujet dans l'ancienne langue.
Ariste : «- Parlons à votre femme, et
voyons à la rendre favorable...
Chrysale : - Il suffit je
l'accepte pour gendre. »
(Molière, Fem. sav v.407-8)
Au lieu de dire cela ou
ça suffit comme il
convient en français moderne, le pronom il est
employé pour résumer l'idée de la phrase
précédente. Il en est de même dans :
« -ce n'est pas mon fait que les choses
d'esprit
-il n'importe. »
(Id. ib. v.730-1)
« Et, pourvu que j'obtienne un
bonheur si charmant
Pourvu que je vous aie, il
n'importe comment. »
(Id. ib. v.1535-6)
Il reprend le fait exprimé
dans la proposition précédente dans ces exemples.
Ces tournures ne sont plus admises en
français moderne où le pronom démonstratif neutre a pris
la place du il dans ces emplois. Cependant la
concurrence du pronom il et les démonstratif
subsistent dans l'usage, en français classique et dans certains emplois
jusque dans la langue actuelle.
1-1-2- Le pronom il
impersonnel en concurrence avec le démonstratif ce :
Employés comme sujet du verbe
être + un adjectif, le pronom
il a représenté une proposition. Au XVIIe
siècle, les grammairiens ont commencé à fixer des
règles dans son emploi. Brunot qui étudie ce
cas à travers les emplois en français classique, trouve que le
pronom il convient lorsqu'un adjectif suit le verbe
comme dans l'expression il est bon de, ou encore
lorsqu'un nom de temps suit le verbe être comme
dans il est temps.
Cependant il émet quelques réserves
quant à cette règle et expose ainsi l'incertitude de certains
grammairiens classiques. En effet, il écrit à propos de
il devant le verbe être et un
adjectif que : «Furetière se
demande s'il est mieux de dire il ou
cela devant le verbe
être : «Est-il vray
que cet homme fait tant de dépenses ?
Faut-il répondre : il est vray ou
cela est vray ? » Il croit que les
deux expressions sont bonnes. »59 Cette
incertitude dans l'emploi de ces deux pronoms de classes
différentes ne répond pas au principe de netteté qui
prévalait dans la norme du français classique. La règle
reste imprécise et dans la plupart des cas les grammairiens
préfèrent les pronoms neutres ce et
cela à la place de
il. En effet dans la norme des restrictions sont
faites dans l'emploi de il + verbe
être + adjectif.
L'Académie propose le pronom ce ou
cela à la place de
il lorsque l'antécédent est
antéposé. Cependant, l'usage des écrivains de cette
époque n'a pas tenu compte de cette règle. Et on peut ainsi
relever dans nos textes classiques divers emplois qui ont gardé l'usage
de il résumant un énoncé précédent :
« Vous
moquez vous ? Il n'est pas
nécessaire. »
(Molière, Fem. sav v.411)
« -De ma douceur elle a trop
profité
-Il est
vrai. »
(Id. ib. v.701-2)
« Madame, et cet hymen dont je
vois qu'on m'honore.
Me met ... Tout beau, monsieur
il n'est pas fait
encore. »
(Id. ib. V.1081)
« Vous
m'étonnez, reprit Mme de Clèves, et je vous ai ouï dire
plusieurs fois qu'il n'y avait point de femme à la cour que vous
estimassiez davantage.
-Il est vrai,
répondit-il, »
(La Fayette, Pr. de Clèves, p.174)
(59) Brunot (F), Histoire de langue
française. T. IV, Paris, Armand Colin, 1966. p. 859
« Je
souffre en apparence sans peine, l'attachement du roi pour la duchesse de
Valentinois ; mais il m'est
insupportable. »
(Id. ib.
p.221)
Dans ces exemples, le pronom
il suit l'énoncé qui lui sert
d'antécédent. Ces emplois ne sont pas en accord avec la
règle en français classique, et ils ne sont pas admis en
français moderne où il serait
remplacé par les pronoms ce ou
cela. En effet Haase soutient que
« le pronom neutre il
inconnu à la plus ancienne période de la langue, gagne de plus
en plus du terrain et tient souvent la place du démonstratif
cela et ce, tandis que le
français moderne ne l'emploi que dans les incises comme :
il est vrai »60
Le pronom il n'a donc
survécu en français moderne dans les tournures de ce genre
qu'avec quelques expressions qui servent à introduire une proposition
infinitive ou une complétive. Et dans ces cas le pronom
il a son antécédent postposé car
dans le cas contraire il convient de mettre le démonstratif neutre.
Il est vrai qu'il doit
partir.
Il doit partir, c'est
vrai.
Pour toutes ces raisons les emplois du
il neutre, anaphorisant un énoncé, sont
plus fréquents dans la langue classique que dans la langue moderne
où on ne le retrouve plus que dans les expressions comme : il
est temps, il est mieux, il est bon, il est
nécessaire, il est possible, il est probable,
il est + adjectif etc....introduisant une complétive
ou une proposition infinitive.
« Il était
impossible de la connaître, de savoir,
par exemple, si elle aimait
Arnoux, »
(Flaubert, Educ. sent. p. 175)
(60) Haase (A), Syntaxe française du XVIIe
siècle, éd. traduite et remaniée par Monsieur Obert,
Paris, Delagrave,1971 p.2.
« Il serait
temps, peut être, d'aller instruire les
populations. »
(Id. ib p.343)
L'emploi du pronom il dans ces
exemples convient parfaitement à la syntaxe du français moderne.
Alors que la plupart des emplois du français classique sont aujourd'hui
incorrects.
« Sachez
que le devoir vous soumet à leurs lois,
Qu'il ne vous est permis
d'aimer que par leur
Qu'ils ont sur votre coeur
l'autorité suprême,
Et qu'il est criminel
d'en disposer vous-même.»
(Molière, Fem. sav. v.165-8)
L'Académie française s'en est pris à cet
exemple, et signale qu' « il est
criminel » pour dire c'est une chose
criminelle a été blâmé par
plusieurs »61. En effet la
règle exigeait que l'on emploie le pronom neutre
ce à la place de il
lorsque le verbe être était suivi d'un
groupe nominal au lieu d'un adjectif.
« Ce lui était une grande
douleur de voir qu'elle n'était plus maîtresse de cacher ses
sentiments et de les avoir laissés paraître au chevalier de
Guise. »
(La fayette,
Pr. de Clèves, p.209)
Cependant malgré la distinction faite par la norme, en
français classique l'usage a parfois enfreint cette règle en
employant il à la place de
ce.
« J'ai
laissé tomber cette lettre dont je parlais hier ;
il m'est d'une conséquence extrême que
personne ne sache qu'elle s'adresse à
moi. »
(Id. ib.
p.216)
(61) Brunot (F), Histoire de la langue
française, T VI éd. Paris Armand Colin 1966 p 1644
« Depuis
qu'elle l'aimait, il ne s'était point passé de jour qu'elle
n'eût craint ou espéré de le rencontrer et elle trouva une
grande peine à penser qu'il n'était
plus au pouvoir du hasard de faire qu'elle le
rencontrât. »
(Id. ib.
p.278)
Ces emplois irréguliers montrent l'écart qu'il y
a entre d'une part l'usage et d'autre part la norme en cours, surtout en ce qui
concerne cette règle. En effet, même les grammairiens ont
été, pour la plupart, indécis dans leurs suggestions pour
l'emploi du pronom neutre il ou du
démonstratif résumant suivi du verbe être
et d'un adjectif. C'est pourquoi, les écrivains
classiques ont gardé les tournures qui étaient d'usage dans le
siècle précédent.
1-2- Les pronoms personnels
compléments :
Les pronoms compléments le,
la, les représentent
un groupe nominal ou un nom propre en français classique et en
français moderne.
« Et je
le (Trissotin) connaissais avant que l'avoir
vu »
(Molière, Fem. sav. v.250)
« Parlons à votre
femme, et voyons à la rendre
favorable »
(Id. ib v.407-8)
Il en est de même pour les autres pronoms personnels
compléments lui,
leur, eux ainsi que
se et soi (qui assurent la
réflexion des pronoms sujets il et
elle ou un groupe nominal équivalent)
Cependant, le pronom personnel le
neutre (ou l' lorsqu'il est élidé
devant une voyelle) a des capacités de référence plus
grandes car il peut anaphoriser un adjectif, un verbe, une idée ou un
énoncé en français classique et moderne.
1-2-1-
Le pronom le
référant à une idée, un
énoncé ou un groupe
verbal :
« Croyez-vous
pour vos yeux sa passion bien forte,
Et qu'en son coeur pour moi toute flamme soit morte
-Il me le dit, ma soeur, et,
pour moi, je le croi.»
(Molière, Fem.sav.
V.111-3)
Le refére dans cet exemple
à une idée, celle de la réponse d'Henriette qui n'est pas
textuellement formulée : le = que sa
passion est bien forte et qu'en son coeur pour toi toute flamme est morte.
« (...) le maréchal de
Saint-André, quoique audacieux et soutenu de la faveur du roi,
était touché de sa beauté, sans oser
le lui faire paraître que par des soins et des
devoirs. »
(La
Fayette, Pr. de Clèves, p.152)
Le pronom le anaphorise dans cet
exemple l'énoncé précédent. Il a alors une valeur
d'anaphore résumante.
« Et faites
le contrat ainsi que je l'ai
dit. »
(Molière, Fem. sav. V. 1778)
Le pronom le reprend le
verbe faire : faites le contrat
ainsi que j'ai dit de faire
1-2-2- Le pronom
le représentant un adjectif ou ayant la fonction d'un
attribut :
« Ma tante, et bel esprit, il
ne l'est pas qui
veut. »
(Id. ib V.822)
« Que peu
philosophe est ce qu'il vient de faire
Je ne me vante point de
l'être, mais
enfin »
(Id. ib. V.1728-9)
« - L'on ne
peut être plus surprise que je le suis, dit
alors Mme de Clèves, et je croyais Mme de Tournon incapable
d'amour et de tromperie. »
(La
Fayette, Pr. de Clèves, p.186)
« Elle
était si belle, ce jour-là, qu'il en serait devenu amoureux quand
il ne l'aurait pas
été. »
(Id. ib.
p.202)
Le
(l') anaphorise dans
ces exemples un adjectif ou un nom qui a la valeur d'un adjectif.
L'a la fonction d'un attribut parce qu'il accompagne
le verbe être.
Dans ces emplois le pronom
le est neutre, et selon la norme établie
en français classique, il ne peut pas varier en genre et en nombre, ni
lorsqu'il reprend une idée ou un énoncé, ni lorsqu'il
reprend un verbe. Cependant le, employé en
fonction attributive, n'a commencé à devenir invariable
qu'à partir du français classique.
1-2-3- Les pronoms
la, les à la place du pronom
neutre le :
Avant la période classique,
le attribut prenait la marque du féminin
la et
du pluriel les suivant que le sujet
qu'il déterminait était du genre féminin ou du nombre
pluriel.
Au XVIIe siècle, Vaugelas condamne
l'accord dans l'exemple « Etes-vous
malade, Madame ? Je la suis » et assimile l'emploi
du pronom la à
« cette faute que font presque toutes les femmes et
de Paris et de la cour. »62
Mais malgré l'interdiction, l'emploi de
la et les à la place
du pronom le neutre continue chez les
écrivains. En effet, Haase trouve que
« le pronom le, attribut
du verbe être, s'accorde avec son sujet au XVIIe siècle
et les formes la, les
remplacent le neutre le dans la langue
actuelle. »63 Et il nous donne ces
quelques exemples pris dans des textes de Corneille et de Molière.
«Vous
êtes satisfaite, et je ne la suis
pas »
(Corneille, Pompée v.2)
«
Infidèles terrain du feu mal allumé, soyez
les de ma honte »
(Id., Galeries. du Palais. III, 10)
«Je veux
être mère parce que je la suis et ce
serait en vain que je ne voudrais pas
être »
(Molière, Les amants magnifiques
I, 2)
Ces emplois n'existent plus dans l'usage en
français moderne où l'on n'emploie que le pronom neutre dans ces
cas, que ce soit avec un sujet féminin ou pluriel. En effet, dans la
langue moderne, les pronoms compléments variables comme
la, les,
lui etc. ne peuvent pas anaphoriser un adjectif ou
autre chose qu'un groupe nominal déterminé.
(62) Vaugelas (C. Fabre de) 1647, Remarques sur la
langue française, Paris, Ed. Champs Libres 1987
(63) Haase (A), Syntaxe française du XVIIe
siècle, éd. traduite et remaniée par Monsieur Obert,
Paris, Delagrave, 1971. p 11
En dehors du pronom neutre le, seuls les pronoms
en et y peuvent
représenter en plus du groupe nominal, d'autres termes qui composent
l'énoncé.
1-2-4- Les pronoms adverbiaux en et
y :
En et
y ont des emplois plus libres que les autres pronoms
personnels de la troisième personne. Ils peuvent représenter un
groupe nominal en le faisant précéder de la proposition
de (en) et à (y).
*Avec en :
« Le
défaut des auteurs dans leurs productions
C'est
d'en tyranniser les
conversations »
(Molière, Fem. sav v.
955-6)
Le pronom en anaphorise
leurs productions : c'est de tyranniser
les conversation de leurs productions.
« (...)
elle avait été élevée à la cour de France,
elle en avait pris toute la politesse, et elle
était née avec tant de dispositions pour toutes les belles choses
que, malgré sa grande jeunesse, elle les aimait et s'y connaissait mieux
que personne. »
(La
fayette, Pr. de Clèves, p.130)
En représente la
cour
*Avec y :
« Ces
paroles firent rougir Mme de Clèves, et elle y
trouva un certain rapport avec l'état où elle
était,... »
(Id. ib. p.181)
Y refére à
ces paroles
« C'et
obligeant amour a de quoi me confondre
Et j'ai regret, monsieur, de
n'y pouvoir
répondre »
Y = à cet obligeant
amour
En français classique ces pronoms ont eu
différentes valeurs qui ont pour la plupart survécu dans la
langue moderne. Et tout comme le pronom neutre le,
les adverbiaux en et y, ont
la possibilité d'anaphoriser un énoncé, un groupe verbal
ou de reprendre une idée en français classique et en
français moderne.
*Avec y :
« Faites-vous sur mes voeux un pouvoir légitime
Et ne donnez moyen de vous aimer sans crime
-J'y vais de tous mes soins
travailler hautement »
(Molière, Fem. sav. v.175-7)
« (...) Mme
de Chartres lui dit qu'il y avait tant de grandeur et de bonnes qualités
dans M. de Clèves et qu'il faisait paraître tant de sagesse pour
son âge que, si elle sentait son inclination portée à
l'épouser, elle y consentirait avec
joie. »
(La fayette, Pr. de
Clèves, p.130)
Dans ces exemples le pronom y
résume l'idée de la proposition précédente et peut
être remplacé par à cela.
*Avec en :
« Par un prompt
désespoir souvent on se marie
Qu'on s'en reprend
après tout le temps de sa vie »
(Id. ib v.1775-6)
En anaphorise le groupe
verbal se marie : Qu'on se reprend de
s'être marié.
De même :
« (...)
elle avait fait une forte résolution de s'empêcher de le voir et
d'en éviter toutes les occasions qui
dépendrait d'elle. »
(La
fayette, Pr. de Clèves, p.174)
En reprenant un énoncé le pronom
en peut marquer la cause.
« Ce
prince était galant, bien fait et amoureux ; quoique sa passion
pour Diane de Poitiers, duchesse de Valentinois, eût commencé il y
a plus de vingt ans, elle n'en était pas moins
violente, »
(Id. ib. p.130)
« Ce
prince vit bien qu'elle le fuyait, et en fut
sensiblement touché. »
(Id. ib. p.195)
« Le corps avec l'esprit fait
figure, mon frère
Mais, si vous en croyez
tout le monde savant, »
(Id. ib v.544-5)
Le pronom en a dans ces exemples la
valeur sémantique de à cause de
cela.
De même en français moderne :
« Son
amitié pour Frédéric était morte, et il
en éprouvait de la
joie »
(Flaubert,
Educ.sent. p. 216-7)
Les pronoms adverbiaux en et
y ont eu des emplois très libres en
français classique et la plupart de ceux là ont été
conservés dans la syntaxe du français moderne.
Cependant, le pronom en
a des emplois qui le particularisent par rapport aux autres pronoms de la
troisième personne. Il peut en effet dans la représentation
anaphorique, modifier la charge sémantique de son
antécédent.
II. La représentation non
coréférentiel d'un nom ou d'un groupe nominal par le pronom
personnel de la troisième personne
2-1- L'anaphore non coréférentielle
d'un nom à déterminant zéro en français
classique :
En français classique,
il et ses variantes allomorphiques sont
classifiés pour représenter un groupe nominal qu'ils reproduisent
fidèlement. En français, cette règle demeure toujours et
ces pronoms ne peuvent pratiquer une anaphore non coréférentielle
c'est-à-dire dans laquelle le mot représenté et le pronom
représentant, ne désigne pas la même chose. C'est pour
cette raison, que les pronoms personnels de la troisième personne qui
servent à reprendre un nom déterminé à l'aide d'un
article ou d'un équivalent, ne peuvent plus représenter
un nom à déterminant zéro, sauf si
celui-ci est en emploi extensionnel comme les noms propres. En
effet, si un pronom personnel reprend un nom à déterminant
zéro en emploi intentionnel comme ceux qui se trouvent
dans les locutions verbales du genre : prendre
soin, rendre justice, tenir
rigueur, prendre partie etc.,
il dote ce dernier d'une extension. Cette extension n'est rien d'autre que la
détermination qui donne au mot sa valeur référentielle.
Mais, il arrive aussi qu'il maintienne l'emploi intentionnel et dans ce cas le
nom n'est anaphorisé que pour ses propriétés
sémantiques.
Ce changement qui s'opère dans la
représentation, crée un décalage entre le mot
représenté et le pronom. Ce genre d'anaphore non
coréférentielle était encore présent dans la langue
classique malgré l'intervention des remarqueurs comme
Vaugelas qui s'y opposait.
« Il
serait beau vraiment qu'on le vit aujourd'hui
Prendre loi de qui doit la
recevoir de lui » 64
(Molière, L'école des
femmes. v 1690-1)
« J'offenserais le Roi qui
m'a promis justice.
Vous savez qu'elle marche
avec tant de langueur »65
(Corneille, Cid 882.3)
Les pronoms la et
elle dans ces exemples reprennent respectivement les
mots loi et justice qui
n'ont de sens dans leurs emplois que lorsqu'ils sont accompagnés de leur
noyau verbal que sont successivement prendre et
promettre (a promis). En faisant reprendre
les termes non accompagnés de déterminants que sont ici les mots
loi et justice par les
pronoms la et elle, on
crée un décalage entre le sens des antécédents et
celui de la représentation qu'en font les pronoms. En effet, ces
antécédents, dans les locutions verbales prendre
loi et a promis justice expriment
l'acte, le fait. Ils différent ainsi de la signification que leur donne
le mot accompagné de déterminant dans la
loi et la justice qui ici sont
référentiels, représentant des institutions.
De même, le pronom personnel ne peut pas reprendre
en français moderne un groupe nominal déterminé en en
ôtant son extension, il y aurait alors anaphore non
coréférentiels.
64-65 Exemples citée par Spillebout (G),
Grammaire de la langue française du XVIIe siècle,
Paris, Picard 1985. p 142
« De son
bon goût, monsieur, nous voyons des effets
-où voyez-vous, monsieur,
qu'elle l'ait si
mauvais. »
(Molière, Fem. sav.
v. 1347-8)
Dans cet exemple, le mot goût
dans le groupe nominal son bon goût est repris
dans le second vers par le pronom personnel élidé
l' pour rendre l'expression verbale avoir
mauvais goût dans laquelle le mot
goût n'est pas déterminé.
Avec la classification qui opérée sur
les pronoms personnels à l'époque classique, ces emplois non
coréférentiels ont été condamnés par les
grammairiens. Et par conséquent, ils n'ont pas survécu en
français moderne. En ce sens, Brunot explique qu'
« en f .m, un nom pour être
représenté, a besoin d'être accompagné de l'article
ou d'un de ses équivalents. Cela veut dire qu'une expression verbale ou
nominale une fois composée, on ne peut en détacher un
élément, pour porter sur lui la
pensée. »66
L'anaphore d'un nom à déterminant
zéro est cependant restée un emploi fréquent dans la
langue classique mais on le retrouve surtout avec les pronoms
en et y qui ont de grandes
capacités référentielles aussi bien en français
classique qu'en français moderne.
« Ayez pitié de moi,
Madame, lui dit-il, j'en suis digne
... »
(La fayette, Pr. de Clèves, p.241)
« - Au nom de
Dieu, lui dit-elle, laissez-moi en repos !
- Hélas
Madame, répondit-il, je ne vous y laisse que
trop ; de quoi pouvez-vous vous plaindre ?
(Id. ib. p.250)
(66) Brunot (F), La pensée et la
langue, Paris Masson et Cie 3ème éd. 1936. P
173
Dans ces exemples les pronoms en et
y anaphorisent des noms à déterminant
zéro de manière coréférentielle en
référant à un mot sans déterminant tout en le
maintenant en emploi intentionnel dans une expression verbale :
je ne vous y lisse que trop = je ne vous
laisse que trop en repos. Il y a donc
une saisie purement notionnelle du mot repos
qui n'est pris que pour ses propriétés sémantiques
et non pour une quelconque valeur référentielle.
Cependant le pronom en
est aussi apte à faire une anaphore non coréférentielle
sur un groupe nominal lorsqu'il reprend un nom déterminé en
ôtant sa détermination ou lorsqu'il reprend un nom à
déterminant zéro en le dotant d'une extension.
« (...) il
feignit une grande passion pour la chasse et il en
faisait des parties les mêmes jours qu'il y avait des assemblées
chez les reines. »
(Id. ib. p.194)
Le pronom en refére au groupe
nominal la chasse en ôtant l'extension du mot
dans l'expression : parties de chasse.
« Si
j'avais le courroux dont on veut m'accuser,
Je trouverais assez de quoi l'autoriser.
Vous en seriez trop
digne, »
(Molière, Fem.
sav. v.1167-9)
En reprend le courroux
en ôtant son extension dans la locution adjectivale
digne de courroux. Il en est de même en français
moderne
« Vous
m'avez l'air d'un fameux garde national ! (...)_ Je n'en
suis pas ! »
(Flaubert, Educ. sent. p.63)
En reprend
garde national sans la détermination.
Dans ces exemples il y a anaphore non
coréférentielle. Il en est ainsi dans cet autre exemple
« Enfin une
partie de la nuit était passée devant que M. de Nemours
songeât à le laisser en repos.
Mme de Clèves n'était
pas en état d'en
trouver... »
(La fayette, Pr. de Clèves, p.310)
Le pronom en reprend
le mot repos employé dans une
locution verbale en le dotant d'une extension à l'aide du partitif
du (Madame de Clèves n'était pas en
état de trouver du repos)
Le pronom en peut
également en français classique comme en français moderne
anaphoriser un groupe nominal en modifiant sa détermination.
2-2- L'anaphore non coréférentielle
d'un nom déterminé par le pronom en en
français classique et moderne.
Lorsque le pronom adverbial
en représente un nom déterminé,
il a la capacité d'en changer la détermination en passant du
général au particulier en changeant le nombre du
déterminant ou en passant d'un déterminant massif à un
déterminant comptable et vice versa. Et dans ces cas
l'antécédent et le pronom anaphorique ne représentent plus
la même chose : Ils sont non coréférentiels
2-2-1 Le passage du
général au particulier :
On obtient en général cet emploi lorsque le
pronom en suivi de l'article
un, reprend un groupe nominal.
« Il me tarde de
voir notre assemblée ouverte
Et de nous signaler par quelque découverte
(...) pour moi sans me flatter,
j'en ai déjà fait
une ».
(Molière,
Fem.sav.v.885-9)
Dans cet exemple en
représente quelque découverte. Si on se
limite à cela, on constate que le pronom est
coréférentiel à l'antécédent. Cependant
avec l'adjonction de l'article une, la
détermination change et la représentation devient non
coréférentielle.
Il en est de même :
« Quel malheur
Digne de nous troubler pourrait-on nous
écrire ?
Cette lettre en contient un
que vous pouvez lire »
(Id. ib. v. 1692-4)
« Mme de
Chartres admirait la sincérité de sa fille, et elle l'admirait
avec raison, car jamais personne n'en eu une si
grande et si naturelle. »
(La fayette, Pr. de Clèves, p.150)
« Un jour,
entre autre, on se mit à parler de la confiance. Je dis qu'il n'y avait
personne en qui j'en eusse une
entière; »
(Id. ib. p.217)
2.2.2 Le passage du singulier au
pluriel :
Lorsque le pronom en
reprend un groupe nominal singulier en ajoutant à sa suite un
déterminant massif ou pluriel, on obtient également une
représentation non coréférentielle.
« Le moindre solécisme en parlant
vous irrite
Mais vous en faites vous,
d'étranges en conduite »
(Molière, Fem. sav.
v.553-60)
Dans cet exemple, en
reprend le mot solécisme en changeant son
article le singulier par de, article indéfini
pluriel que l'on emploie devant un adjectif + nom à la place de
l'article des.
« Il me tarde de voire notre assemblée
ouverte
Et de nous signaler par quelque découverte
On en attend
beaucoup de vos vives clartés »
(Molière, Fem. sav. v.
885-7)
Ici le pronom indéfini massif
beaucoup s'ajoute au pronom représentant en
pour modifier la détermination de l'antécédent
quelque découverte. Et ainsi d'un nom
singulier on passe à un nom pluriel.
De même en français moderne :
« Tu as une bonne
tête, ma parole !
-Elle en a fait tourner quelques
unes, repris le jeune magistrat, d'un air à la fois convaincu et
vexé ».
(Flaubert, Ed. sent. p.191)
En anaphorise le mot
tête en changeant l'article
une qui l'accompagne en adjectif indéfini
pluriel quelques-unes. Il opère alors une
représentation non coréférentielle sur
l'antécédent.
2.2.3 - Le passage du pluriel au
singulier :
De la même manière que le pronom
en peut faire d'un nom singulier une représentation
plurielle, il peut aussi reprendre un nom pluriel par un groupe nominal
singulier comme en témoigne l'usage en français classique comme
en français moderne dans ces exemples.
« Ce prince n'avait pas
une fidélité exacte pour ses maîtresses ; il y
en avait toujours une qui
avait le titre et les honneurs ;
mais les dames que l'on
appelait de la petite bande le partageaient tour à tour.
(La
fayette, Pr. de Clèves, p.158)
Le pronom en refére à
ses maîtresses en changeant la
détermination en une.
« Elle interpella Frédéric pour
savoir quelles jeunes personnes lui avaient plu. Il
n'en avait remarqué
aucune, et préférait, d'ailleurs, les
femmes de trente ans. »
(Flaubert, Ed. sent. p.130)
Dans cette anaphore non coréférentielle du
mot personnes par le pronom en, le déterminant
singulier aucune ne se substitue au
déterminant pluriel quelles.
Ces emplois non coréférentiels du pronom
en sont très nombreux dans l'usage en
français moderne où ce pronom bénéficie d'une
très grande liberté par rapport aux autres pronoms personnels de
la troisième personne. En effet, à partir du français
classique, ces derniers ont commencé à connaître des
emplois plus restreints.
Outre leur classification dans l'anaphore d'un nom,
d'un adjectif ou d'un énoncé, les pronoms personnels sont aussi
catégorisés dans leur aptitude à représenter soit
un nom de personne ou de chose.
III. La représentation des
personnes et des choses par le pronom personnel de la troisième
personne :
Le pronom personnel il et
ses variantes allomorphiques sont essentiellement employés pour
représenter un nom de personne ou un animé. Cependant, ils sont
aussi aptes à anaphoriser des noms de chose. En français moderne,
on peut les classer en trois catégories suivant leur aptitude à
reprendre ces noms de personne ou de chose.
* Les pronoms
il(s),
elle(s) ainsi que les
compléments le, la,
les, leur,
se, soi et le pronom
lui en position atone peuvent, selon leur emploi,
représenter des humains ou des objets.
* Les pronoms accentués lui,
elle et eux appuyés
sur une préposition sont spécialisés dans la
représentation humaine. Il en est de même lorsqu'ils sont en
emploi emphatique. En ce sens, Brunot affirme, en parlant du
pronom personnel elle, que selon
Bouhours « au
nominatif, elle convient aux personnes et aux choses,
aux cas obliques, il n'en est pas de même, on dit pas d'un homme qui aime
la philosophie : il s'attache à
elle. »67 Cette
restriction concerne également les pronoms lui
et eux.
* La troisième catégorie que composent
les pronoms en et y fait
spécifiquement référence aux choses et aux animaux. Ils
sont employés là où ces derniers ne peuvent être
repris par le pronom lui,
elle, eux
précédés d'une préposition.
(67) Brunot (F.), Histoire de la langue
française, T. IV, Paris, Armand Colin, 1966.p.880
« Mon coeur sur vos
leçons veut régler sa conduite »
Et pour vous faire voir ma soeur,
que j'en profite.
Clitandre, prenez soin d'appuyer
votre amour... »
(Molière Fem.
sav. v.171-3)
Le pronom en fait
référence à vos leçons qui ne peut être
repris par le pronom lui (de lui).
Ce classement rigoureux en français moderne a
un peu diminué les capacités référentielles du
pronom personnel de la troisième personne. En effet, en français
classique, bien que ces spécialisations aient étés
déjà recommandés par les grammairiens et les remarqueurs,
ces pronoms personnels ont été employés de manière
beaucoup plus libre. C'est pourquoi en étudiant la langue classique
à travers les textes des écrivains de cette période, on a
pu remarquer des emplois où des pronoms à référent
humain se rapportaient à des antécédents non humains et
vice versa.
3-1. Les pronoms soi, en et
y représentant des noms de personnes :
En français classique comme en
français moderne, le problème ne se pose pas avec les pronoms
atones, il, elle, le, la,
les, se, leur qui peuvent
anaphoriser aussi bien les noms de personne que des noms de chose.
Quant aux pronoms personnels
lui, elle,
eux, soi
précédés d'une préposition et les pronoms
adverbiaux en et y, ils
sont à l'origine de certains écarts dans l'emploi entre la langue
classique et la langue moderne.
3-1-1 - Le pronom soi à la place de
lui :
Le pronom soi était
employé en ancien français pour assurer la réflexion du
pronom personnel sujet de la troisième personne ou d'un groupe nominal
équivalent. Il a servi dans beaucoup de cas où l'on trouve
aujourd'hui le pronom réfléchi atone se
comme en témoigne l'expression figée soi
disant.
En moyen français, l'emploi de
soi est petit à petit concurrencé par celui des
pronoms.
Au début de la période classique, la
spécialisation s'est faite dans son emploi. Il continue à
être employé cependant pour la représentation des personnes
et des objets mais de manière plus restreinte. En effet, le pronom
soi est désormais, majoritairement
réservé aux noms de chose et il continue à faire
référence aux humains seulement dans les cas où
l'antécédent est un pronom indéfini (on, chacun, nul,
quiconque...) ou un groupe nominal indéfini.
-Soi référant à
une chose
« Qu'à donc le mariage
en soi qui vous oblige ? »
(Molière, Fem. sav. V.7)
« Le savoir garde en
soi son mérite imminent »
(Id. ib. v.1303)
-Soi référant à
une personne
« Qu'est ce qu'à mon
âge on a de mieux à faire
Que d'attacher à
soi, par le titre d'époux
Un homme qui vous aime et soit armé de
vous »
(Id. ib. V.20-1)
Le pronom soi qui a connu des
restrictions dans la référence humaine à partir du
XVIIe siècle, reprend dans cet exemple le pronom
indéfini on.
Dans les cas où l'antécédent
humain est défini, ce sont les pronoms lui,
elle, eux (précédé d'une
préposition) qui assurent la réflexion du mot.
« Il (le sage) se met au
dessus de ces sortes d'affaires
Et n'a garde de prendre aucune ombre d'ennui
De tout ce qui n'est pas pour dépendre
de lui. »
(Id. ib.
V.1546-8)
« L'on ne
peut exprimer la douleur qu'elle sentit de connaître, par ce que lui
venait de dire sa mère, l'intérêt qu'elle prenait à
M. de Nemours : elle n'avait encore osé se l'avouer à
elle même. »
(La
fayette, Pr. de Clèves, p.169)
« Il
était debout dans sa chambre, avec le visage furieux, marchant et
s'arrêtant comme s'il eût été hors de
lui-même. »
(Id.
ib. p.182)
Les pronoms personnels fortes lui
et elle sont ici employés pour assurer la
réflexion des sujets déterminés
à référence humaine
A ce propos, Brunot confirme
l'emploi restreint de soi en émettant ces
remarques : « Au pluriel d'abord,
dès le commencement du XVIIe siècle,
soi est hors d'usage. Au singulier avec un nom de
personne, quand cette personne est indéterminée, la langue
classique penche peu à peu vers le personnel : cet
homme pense à lui plutôt que cet homme
pense à soi. »68
(68) Brunot (F) La pensée et la langue,
Paris, Masson et Cie1936. p.329
De même Bouhours remarque :
« soi s'emploie en parlant
de personnes, quand on parle d'une manière générale sans
marquer une personne qui soit le nominatif du
verbe. »69 Ce cas se justifie dans les
exemples :
« Ce sont choses de soi qui sont
belles et bonnes. »
(Molière, Fem. sav. V. 1278)
« (...) mais
elle lui faisait voir combien il était difficile de conserver cette
vertu que par une extrême défiance de
soi-même. »
(La fayette,
Pr. de Clèves, p.169)
Ici le pronom soi n'identifie aucun
sujet comme étant son antécédent. Cependant, malgré
les restrictions faites sur l'emploi de ce pronom réfléchi, on
constate que dans les textes classiques, l'emploi de
soi est resté, en concurrence avec celui des
pronoms lui et elle qui,
comme le font les pronoms de la première et de la deuxième
personne moi et toi,
assurent la réflexion de l'antécédent humain.
« Cet indolent état de
confiance extrême
Qui le (Trissotin) rend en tout temps si content de
soi-même »
(Id. ib. V. 255-7)
Soi renvoie ici à un
référent humain bien déterminé, là où
le pronom personnel lui est plus indiqué selon
la règle de cette époque.
De même :
« Il n'est
pour le vrai sage aucun revers funeste ;
Et, perdant toute chose, à soi
même il se reste. »
(Molière, Fem. sav. V.1707-8)
(69) Bouhours (Père Dominique) Remarques sur la
langue française p287-8, cf. Brunot (F), Histoire de la langue
française, T.IV, Paris, Armand Colin, 1966. p 861
Le pronom soi dans cet exemple
serait aussi remplacé en français moderne par
lui qui s'applique régulièrement
à la représentation humaine dans des emplois de ce genre.
Cependant, si la règle en français,
classique et en français moderne ne tolère pas l'usage du
réfléchi soi à la place des personnels
lui et elle, elle le
recommande par ailleurs dans les cas où, selon
Bouhours70, il pourrait y avoir équivoque.
En français moderne, soi
est obligatoire « pour renvoyer
à un sujet défini (...) toutes les fois que la forme non
réfléchie serait équivoque : un homme de bien ne
saurait empêcher par toute sa modestie qu'on ne dise de
lui ce qu'un malhonnête sait dire de
soi (La Bruyère). »71
En effet, ici, l'emploi de deux pronoms lui
successifs non coréférentiels créerait une
ambiguïté.
En dehors du pronom réfléchi
soi qui reprend mal en français classique un
antécédent défini humain, les pronoms adverbiaux
en et y, que nous avons
classé comme étant de préférence
réservés aux objets et aux animaux en français moderne,
ont eu une capacité de référence beaucoup plus
élargie dans l'usage aux XVIIe siècle. Ils ont, eux
aussi, malgré leur catégorisation, concurrencé avec les
pronoms lui et elle dans la
représentation des noms de personnes.
3-1-2- Les pronoms en et
y avec un référent humain
Dans l'ancienne langue, les pronoms adverbiaux
s'employaient pour les humains et les objets. Au XVIIe
siècle, la spécialisation les a réduits à la
représentation des choses, des animaux. Ce qui conduit les grammairiens
et remarqueurs à blâmer les anciens emplois.
(70) Bouhours, Remarques, cf. Brunot (F)
Histoire de la langue française, T.IV, Paris, Armand Colin, 1966.
p. 862
(71) Wagner (R.L.) et Pinchon (J). Grammaire du
français classique .et moderne,. Paris édition Hachette 1962
p183
Selon la règle établie, à ce
sujet, le pronom lui doit être pour les
personnes et les adverbiaux en,
y pour les choses : Cet homme est dangereux, il
faut vous éloigner de lui ; mais ; ce terrain est dangereux,
il faut vous en éloigner, il ne faut jamais y jouer.
Cependant, à cet époque, les emplois de
en et y avec une
référence humaine restent présents dans les textes de tous
auteurs classiques.
* Le pronom
en :
En français classique, ce pronom s'est
référé à un antécédent humain pour
exprimer la possession.
« Et
je lui veux faire aujourd'hui connaître
Que ma fille est ma fille, et que j'en suis le
maître »
(Molière, Fem. sav. V. 703-4)
Le pronom en anaphorise le groupe
nominal humain ma fille (je suis le
maître de ma fille). Cette tournure n'est plus admise dans
la syntaxe du français moderne où la représentation
d'appartenance se fait au moyen des pronoms possessifs. Haase
rapporte en ce sens que « Bouhours, qui seul se
prononce sur ce point, exige son etc., lorsqu'il s'agit de personnes,
et en lorsqu'il s'agit de choses. »72
C'est le cas dans :
« Je
soutiens qu'on ne peut en faire de meilleur ;
Et ma grande raison, c'est que
j'en suis l'auteur. »
(Molière, Fem. sav. V. 999-1000)
Ou encore dans cet exemple du français moderne
(72) Haase (A), 1898, Syntaxe française du XVIIe
siècle, ed. Traduite et remaniée par M.Obert Paris,
Delagrave, 1971. p 22
« Il maniait les spécimens
étalés, en discutait la forme, la couleur, la bordure ; et
Frédéric se sentait de plus en plus irrité par son air de
méditation. »
(Flaubert, Educ. Sent. p.51)
Le pronom en a aussi
été employé en français classique à la place
des pronoms personnels à référent humain avec
de (de moi, de
toi, de lui, etc....)
« (...) La
politique l'obligeait d'approcher cette duchesse de sa personne afin d'en
approcher aussi le roi. »
(La Fayette, Pr. de Clèves, p.130)
« Ils
trouvèrent enfin qu'ils la (Mlle de Chartres) louaient trop, et ils
cessèrent de dire ce qu'ils en
pensaient ; mais ils furent contraints d'en
parler les jours suivants partout où ils se
rencontrèrent. »
(Id. ib. p.140)
« Il aimait une des plus
belles femmes de la cour et en était aimé. »
(Id. ib. p.160)
« Elle se mit
un jour à parler de lui, elle lui en dit du
bien et y mêla beaucoup de louanges empoisonnées sur la sagesse
qu'il avait d'être incapable de devenir
amoureux... »
(Id. ib. p.168)
Ce type d'emploi est toujours en usage dans la langue moderne
malgré les restrictions faites sur la référence du pronom
en. En effet, Wagner et
Pinchon reconnaissent que « le
pronom en peut évoquer une personne, surtout
avec un verbe qui admet pour complément un substantif évoquant
aussi bien un animé qu'un inanimé (dire
de, faire de, obtenir
de, parler de
etc....) » 73
(73) Wagner (RL) à Pinchon (J) Grammaire du
français classique et moderne, Paris, Hachette 1962- p.184-5.
« Enfin, un jour
elle (la Maréchale) répondit qu'elle n'acceptait pas les
restes d'une autre.
-Quelle autre
-Eh oui ! Va retrouver Mme Arnoux.
Car Frédéric en
parlait souvent ; »
(Flaubert, Educ sent. p.175)
Le pronom en représente dans
cet exemple Mme Arnoux qui doit être repris
régulièrement par d'elle.
En français moderne l'usage de
en référant à une
collectivité est également fréquent :
« -Ce soir je
dîne en ville
- Chez les Dambreuse ? Pourquoi ne
m'en parles-tu
jamais. »
(Id. ib. p.53)
« Représentant la compagnie près les
ouvriers, il s'en ferait adorer, naturellement, ce
qui lui permettrait, plus tard, de se pousser au conseil général,
à la députation ».
(Id. ib. p.222)
Dans ces exemples-ci en reprend
successivement les Dambreuses et les
ouvriers et peut être remplacé par
d'eux.
Ces emplois exceptionnels du pronom
en à référent humain
témoignent des écarts qu'il y a toujours entre la règle et
l'usage de la langue. Quant à Georges et Robert
Lebidois, ils considèrent cet emploi comme une faute de
grammaire.
* Le pronom
y :
Tout comme le pronom en, le pronom
y a gardé dans les textes classiques son
emploi pour représenter des personnes. Dans Les femmes
savantes y est souvent employé à la place du
personnel lui précédé de la
proposition à.
« - Votre visée au moins n'est pas mise à Clitandre
- et par quelle raison
n'y serait-elle pas ? »
(V 88-9)
Y anaphorise un nom propre
humain Clitandre
Ensuite aux vers 99-100
« Ainsi, n'ayant au coeur nul
dessein pour Clitandre,
Que vous importe-t-il qu'on y
puisse prétendre »
Ou encore aux vers 1026-7
« - oui, oui, je te renvoie
à l'auteur des Satires
- je t'y
renvoies aussi »
« (...)
c'est ma faute de lui avoir caché que j'aimais Mme de Tournon ; sil
l'eût su il ne s'y serait peut être pas
attaché... »
(La
Fayette, Pr. de Clèves, p.185-6)
Le pronom y réfère
à l'auteur des Satires qui est
également un antécédent humain.
En français moderne le pronom lui
précédé de
à conviendrait plus à la place du
pronom y.
Ces emplois de y représentant
une personne sont hérités de la syntaxe ancienne puisqu'au XVIIe
siècle ce pronom s'est spécialisé dans la
représentation des choses. Cependant l'emploi de
y à la place de lui
a été parfois conservé dans l'usage par les
écrivains jusque dans la langue moderne.
« -Tu
m'y présenteras plus tard, n'est ce pas, mon
vieux ?
- Certainement, dit
Frédéric. »
(Flaubert, Educ sent p.63)
Le pronom y anaphorise ici un
humain, il reprend Arnoux et l'équivalent
de à lui.
De même que les pronoms soi,
en et y qui ont, en
français classique, eu un antécédent humain à la
place de lui, elle et
eux, ceux-ci aussi, ont pu dans les textes du XVIIe
siècle représenter des noms de choses.
3-2 - Les pronoms lui, elle(s),
eux représentant des noms de choses à la place de
soi, en, et
y
Bien qu'au XVIIe siècle
lui, elle et
eux ont été (en position
accentuée) spécialisé dans la représentation
humaine, on constate dans l'usage qu'ils ont continué à cette
période à prendre la place des pronoms
soi, en,
y. Cela est stimulé sans doute par l'extension
donnée à leur emploi (ils remplacent
soi dans la représentation des personnes
définies) au détriment des restrictions faites sur ceux des
pronoms soi, en et
y qui sont réduits à la
représentation des choses dans la plupart de leurs emplois.
3-2-1- Le pronom
lui à la place du
réfléchi soi :
En français classique et en français
moderne, les grammairiens ont établi que le pronom
soi devait être employé pour marquer
la réflexion des noms de chose et des noms de personne
indéfinis (ou pronoms indéfinis).
En effet Brunot confirme :
« soi est aujourd'hui
exclusivement employé pour marquer la réflexion là
où le sujet est
indéterminé.74
Cependant cette règle qui était récente
à l'époque classique avait crée la confusion chez les
écrivains qui ont employé les deux pronoms l'un pour l'autre. Et
lui a été utilisé pour
représenter un antécédent humain indéfini à
la place de soi.
« On
répugne à se faire immoler ce qu'on aime
Et l'on veut n'obtenir un coeur que par
lui-même »
(Molière, Fem. sav
v.1509-10)
Ici lui-même assure la
réflexion du pronom indéfini on. Cet
emploi n'est plus admis en français moderne où le pronom
soi prendrait la place de
lui dans cet exemple.
3.2.2 Le pronom lui à la place de
en et y ou représentant une
chose :
En français classique, les pronoms
lui, elle et
eux ont parfois référé à
des noms de choses alors que la règle les réservait à la
référence humaine.
En effet après leur spécialisation ces pronoms
ont continué à servir dans l'usage dans des cas où la
norme exigeait l'emploi des adverbiaux en et
y.
Ces quelques exemples montrent des emplois irréguliers
des pronoms lui, elle,
eux.
« Ne concevez-vous point ce que, dès qu'on
l'entend,
Un tel mot à l'esprit offre de
dégoûtant,
De quelle étrange image on est par
lui blessée »
(Molière Fem. sav v.9-11)
(74) Brunot (F), La pensée et la langue,
Paris, Masson et Cie, 1936. p.329
Le pronom lui dans cet exemple
reprend mal un nom de chose un tel mot. L'emploi du
pronom en serait plus approprié selon la
règle : de quelle étrange image on en est
blessé.
Il en est de même l'exemple :
« - Mon plus
solide espoir, c'est votre coeur, Madame
- Pour mon coeur, vous pouvez vous
assurer de lui »
(Id.
ib.v.1450)
Lui anaphorise dans ce passage-ci le
groupe nominal mon coeur alors que l'emploi du pronom
en est plus régulier : Vous pouvez
vous en assurer.
En français moderne ces emplois du pronom
à référent humain ne sont possibles que dans les cas
où le nom de chose qu'il reprend est personnifié. On peut voir ce
genre d'emploi dans l'exemple :
« Vous en voulez beaucoup
à cette pauvre cour.
Et son malheur est grand de voir que
chaque jour
Vous autres, beaux esprits, vous
déclamiez contre elle
(Molière, Fem. sav. v.1331-3)
Le pronom elle représente
la cour parce que Clitandre en parle comme d'une
personne.
Le français moderne n'emploie plus ces pronoms
à référent humain pour reprendre des noms de chose, il
utilise à leur place d'autres pronoms ou groupes nominaux
équivalents comme, celui-ci,
ce (s)
dernier (s),
ceux-la, etc. C'est ce qui fait que des exemples
comme :
« Je ne puis consentir, pour
gagner suffrages,
A me déshonorer en prisant ses
ouvrages ;
C'est par
eux qu'à mes yeux, il a d'abord
paru »
(Id. ib v.247-9)
ne s'aurait être en règle dans la langue actuelle
qui n'emploie ces pronoms pour référer à par des choses
que lorsque cet emploi sont strictement nécessaire. En effet,
Haase rapporte à ce sujet, qu'au XVIIe siècle,
« Th. Corneille exige l'emploi qui prévaut
aujourd'hui et consiste à éviter autant que possible le pronom
tonique de la troisième personne en parlant de
choses. »75
Après l'étude de cette partie de notre
travail, nous avons constaté que la référence du pronom
personnel est un thème qui a beaucoup suscité
l'intérêt des remarqueurs classiques (Vaugelas,
Le père Bouhours, Andry de Bois-Regard
etc.) Cela est du au fait que le XVIIe siècle est l'époque
où, les règles visant la stabilité et la clarté
dans la représentation pronominale ont été
instaurés. Ces règles classiques ont cependant connu plus de
succès en français moderne. En effet à cette
première période, les pronoms personnels ont eu, pour la plupart,
des emplois qui n'ont pas survécu dans la langue moderne, soit à
cause :
* de la norme de clairvoyance qui a condamné certaines
tournures ambiguës ou
*de la spécialisation des pronoms qui a limité les
capacités référentielles de certains d'entre eux.
(75) Haase (A) Syntaxe française du
XVIIème siècle éd.
Traduite et remaniée par Monsieur Obert, Paris, Delagrave, p29
CONCLUSION :
Lorsqu'on compare l'état de langue du
français classique à celui du français moderne, on se rend
compte que les écarts ne proviennent pas de la norme mais de l'usage. En
effet ces deux périodes partagent le même système
grammatical et les mêmes principes car le français moderne a
hérité des règles du français classique. Ces
écarts sont dus au fait que la plupart des écrivains du XVIIe
siècle avaient maintenu certaines règles héritées
de l'ancien ou du moyen français en dépit des nouvelles exigences
de leur époque. Cela pourrait s'expliquer ou par des raisons
liées au style ou par une certaine incapacité de se
défaire spontanément d'un état de langue jusque là
utilisé avec beaucoup de liberté pour se plier à une
nouvelle exigence : celles des grammairiens et théoriciens du XVIIe
siècle. Ces derniers ont établi des règles plus
rigoureuses en ce qui concerne la clarté du style et la netteté
dans l'expression comme on le constate dans la norme qui exige la
proximité de l'antécédent et du pronom. En effet ce
procédé permet le repérage facile du
référent dans le cas de l'approche textuelle de l'anaphore.
Cependant, comme le révèle notre
étude, les emplois anaphoriques dans les textes classiques n'ont pas
toujours été fidèles à cette règle de
proximité. Et dans ce cas, trouver l'antécédent du pronom
personnel anaphorique nécessite un autre moyen qui fait appel à
la pensée du lecteur. Cette méthode, c'est
« l'approche
mémorielle » dont parle le Professeur
Sarré, et qui, sur le plan syntaxique, n'exige pas la
même rigueur que la première. Elle convient à
l'étude de la référence pronominale dans les textes
classiques qui manquaient souvent de concision. Ce qui n'est pas le cas dans
les textes du français moderne où la syntaxe indique clairement
le mot auquel rapporte le pronom anaphorique.
Dans la langue actuelle, l'approche
mémorielle pourrait servir dans l'usage du pronom
il déictique qui n'est pas souvent pris en
compte, mais qui néanmoins existe et s'emploie souvent dans les
conversations. Pour trouver le référent du pronom personnel de la
troisième personne en emploi déictique il faudrait faire appel
à la méthode de « l'approche
mémorielle » qui convient lorsque le
référent du pronom représentant n'est pas mis en
évidence. Dans le cas de l'anaphore, cette approche définit comme
référent du pronom le terme le plus saillant du texte. Mais
lorsqu'il s'agit de la référence déictique, le
référent serait alors celui à qui on pense ou ce à
quoi on pense (sans le nommer) au moment de la communication ou de
l'énonciation. Avec ces deux approches, la référence
pronominale est sans équivoques pour le lecteur, comme l'ont toujours
voulu les grammairiens du XVIIe siècle.
Les remarqueurs de la langue classique se sont plus
intéressés à l'étude de la référence
des pronoms personnels qu'à celui de leur place dans la phrase. En
effet, l'essentiel des lois d'emplacement du pronom personnel a
été fixé bien avant la période classique, ce qui
fait que l'usage n'a pas eu du mal à s'y conformer. Et les cas auxquels
ils se sont intéressés sont ceux qui ont été
révisés après le XVIe siècle comme par
exemple :
* la place du pronom personnel, complément de
l'infinitif régi par un autre verbe ou de deux verbes successifs.
* la place du pronom personnel devant un impératif
coordonné.
* l'omission du pronom personnel.
Ces emplois ont été revus à
l'époque classique, ce qui explique les écarts qu'ils
engendrent dans l'usage entre la langue du XVIIe siècle et celle
d'aujourd'hui. En effet, tout comme les règles de la
représentation pronominale qui sont instaurées en
français classique, les lois concernant la place des pronoms personnels,
dans ces cas précités, n'ont pas toujours été
respectées dans l'usage de la langue au XVIIe siècle. Les
écrivains n'avaient pas encore, à cette période,
maîtrisé ces règles récentes qui ont
été appliquées avec plus de rigueur en français
moderne.
Nous remarquons ainsi qu'au XVIIe les tournures
inusitées ne disparaissent pas définitivement ou automatiquement
de l'usage de la langue comme le voudrait la norme établie par les
grammairiens. Elles apparaissent parfois dans la langue écrite comme de
simples faits de style ou bien elles surgissent de temps en temps dans la
langue populaire comme une habitude langagière. Brunot
explique en effet, à propos des règles instaurées pour
l'usage de la langue au XVIIe siècle,
que : « dans la pratique, naturellement,
la langue est loin de se conformer à une réglementation aussi
restrictive, soit tradition, soit nécessité de
style. »76
(76) Brunot (F.), Histoire de la langue
française, Tome VI (2e partie), Paris, Armand Colin,
1966. p.1627
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Les galeries du palais
Le cid (1637)
MOLIERE, Les amants magnifiques
L'école des femmes
(1662)
RACINE, Britannicus (1669)
Bérénice
(1670)
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