B : Quelle stratégie de communication iranienne ?
:
Nous allons analyser dans cette partie la stratégie de
communication iranienne sur le nucléaire afin de déceler les
orientations de celle-ci. Dans un premier temps nous allons nous
intéresser aux communications officielles des acteurs responsables de la
crise nucléaire iranienne. Nous allons tenter de déceler une
éventuelle stratégie de contestation derrière le discours
révisionniste. Ensuite nous chercherons des tentatives de provocation ou
d'incitation à la tricherie. Enfin nous verrons s'il y a des
différences dans les discours des acteurs ce qui pourra nous orienter
sur la piste d'une instrumentalisation du système par l'utilisation d'un
double langage. Nous aurons ainsi couvert l'ensemble moyen de persuasion
politique de l'argumentation à la provocation, de l'incitation directe
à la manipulation. Nous pourrons ainsi nous prononcer sur
l'hypothèse d'une utilisation de la position révisionniste afin
de mettre en place une stratégie contestataire.
1. Le discours iranien sur la crise du
nucléaire :
Dans un premier temps, nous analyserons le discours du
président Ahmadinejad, ensuite nous nous intéresserons aux
discours des officiels en poste à l'AIEA.
a. Les discours du président
Ahmadinejad :
Le président Ahmadinejad lors de ses
déplacements officiels prononce des discours ou il va prendre à
partie ses interlocuteurs. Chacun de ses discours est agencé selon un
but précis et il va moduler et choisir selon ce but le thème
qu'il va aborder. La manière de présenter les grandes
thématiques de sa politique étrangère va varier, elle
aussi. L'étude « rhétorique » de ces discours
a permis de montrer le déroulement des arguments et de la logique et
surtout de tenter d'observer les choix dans les thèmes et dans les
techniques pour tenter de plaire et de persuader son auditoire.
A partir du corpus, plusieurs thèmes se
dégagent :
Le changement du monde actuel, la science et son rôle,
le nucléaire et le problème actuel, la bombe atomique, le conseil
de sécurité et les instances internationales, le monde tel qu'il
devrait être et la religion.
Voilà l'ensemble des thèmes (se rapportant au
sujet de ce mémoire) que le président va aborder. Afin de
déceler une volonté de prise à partie des autres pays et
une volonté de les convaincre il est possible d'étudier les
éléments dans la construction et dans la présentation des
discours. Nous pouvons dans un premier temps présenter les
séquences argumentatives du président et tenter d'y
déceler les éléments prononcés dans le but de
persuader ou de convaincre l'autre, ouvertement ou sous forme
rhétorique. Dans un deuxième temps, nous nous
intéresserons aux communications officielles des représentants
iraniens dans les organisations internationales et après avoir fait le
même travail nous tenterons de les comparer dans les thèmes
abordés et dans la manière de les présenter.
· Le premier discours est prononcé à
l'université de Columbia, le 25 septembre 2007 lors du
déplacement du président Iranien aux Etats-Unis :
Le thème abordé est la science. Voilà le
schéma rhétorique après codage :
« Faire des armes atomiques est un
détournement de la science, les oppresseurs manipulent et contraignent
les scientifiques pour créer de telles armes. Ces oppresseurs ont le
monopole de la science et empêchent les autres nations de se
développer car ils sont éloignés des valeurs humaines et
religieuses. La science doit rester pure et non
politisée »
On peut remarquer qu'ici il déculpabilise en premier
lieu les scientifiques, et tente de trouver avec les chercheurs
américains auxquels il s'adresse un ennemi commun. Après avoir
introduit et définis cet ennemi comme le responsable des victimes des
bombes atomiques au Japon, il revient sur ce qui l'intéresse,
c'est-à-dire expliquer la crise nucléaire actuelle comme la
tentative de monopole de la science par des grandes puissances. La raison pour
laquelle ces oppresseurs inhumains empêchent l'Iran de se doter de la
technologie nucléaire civile est un éloignement des valeurs
humaines et religieuses et en aucun cas des raisons techniques. On voit ici un
rappel au « pathos » et à ce à quoi ont
déjà dû réfléchir beaucoup des jeunes
étudiants dans cette université, l'éthique et la
moralité dans la science. Apres les avoir déculpabilisés,
il tente de créer une sympathie envers le sujet qui le préoccupe,
c'est une tentative de persuasion touchant à l'affectif et au sentiment
de culpabilité des étudiants et chercheurs. Le rappel à la
pureté de la science permet d'introduire l'idée suivante :
« J'espère qu'un jour les étudiants et les
scientifiques domineront le monde et dieu arrivera lui-même avec
Moïse, Christ et Mohamed pour dominer ce monde et nous amener vers la
justice ».
Il exprime sa croyance dans le fait que la science ne peut
être séparée de la religion mais pour une personne croyante
ce genre de discours a une portée exceptionnelle, si tant est que
l'orateur a réussi à obtenir un degré minimum d'attention
et de confiance. S'adressant à des étudiants un minimum au fait
des relations internationales ce genre de discours biblique peut jouer sur
l'affectif et entraîner la fascination devant l'interdit, devant
l'inconnu.
Le deuxième thème qu'il aborde est le
nucléaire et la crise actuelle.
Tout d'abord il commence ce sujet par une introduction
particulière : « Je sais que le temps est
limité mais j'ai besoin de temps, je veux dire que beaucoup de temps m'a
été pris » (sous entendu je n'ai pas eu
beaucoup de temps pour parler sur ce sujet).
Cette introduction donne l'impression que quelque chose de
nouveau va être dit, elle pousse le public à la sympathie en
faisant référence à la liberté d'expression,
préoccupation centrale chez les américains. L'argumentaire est
progressif et cherche à créer une logique par la
déduction.
« Nous sommes membres du TNP depuis 33 ans et la
loi est de notre coté, nous sommes un des pays qui a reçu le plus
d'inspections et l'AIEA a répété inlassablement que nous
n'avons aucune activité militaire »
Cette introduction est bien construite, elle tente de
construire sa propre logique. Comme nous sommes membres et nous avons la loi de
notre coté, que nous avons reçu le plus de visites et que l'AIEA
est avec nous, nous ne pouvons pas être coupables. Cependant le fait
d'être membre depuis 33 ans ne garantie en rien la bonne fois, encore
moins le fait d'avoir été inspecté le plus. De plus l'AIEA
émet des réserves. Certes, elle annonce bien que parmi ses
contrôles aucun matériel n'a été
détourné mais elle expose aussi qu'elle n'a aucune certitude sur
ce qu'elle n'a pas pu observer. C'est un raccourci qui ne peut pas être
considéré comme un argument ayant la force que le locuteur veut
lui donner.
La suite est, elle aussi composée de figures de styles
dans le but de convaincre son auditoire :
« Mais « malheureusement »
les oppresseurs veulent imposer leur vue aux iraniens et les priver de leurs
droits »
Il donne le sentiment d'un gâchis. Ensuite il se livre
à un très court monologue sensé montrer la bonne fois du
locuteur débordé par l'injustice ou l'incompréhension. Il
fait parler ses détracteurs : « Ils nous disent vous ne
nous laissez pas inspecter- ils ne nous laisseront pas inspecter ?
Pourquoi pas ? Bien sûr nous les laissons » Il
répète l'élément « ne pas
laisser » à deux personnes différentes. C'est ce
mécanisme qui est censé montrer l'exaspération du locuteur
face à une situation qui semble née de l'incompréhension
ou du mensonge des détracteurs.
Il continue :
« Ils nous disent, ne le faites pas
vous-même nous vous le donnerons, hors dans le passé vous n'avez
pas tenu parole, pourquoi vous croirais-t-on ? Vous ne nous donnez
même pas des pièces de rechange pour nos avions. Vous nous
sanctionnez car vous dîtes que nous sommes, par exemple, contre les
droits de l'Homme ? C'est sous ce prétexte que vous nous refusez la
technologie ? Nous voulons être indépendants et disposer de
nous-même. C'est notre droit, nous voulons notre droit, rien en dehors de
la loi. Nous sommes pacifiques, nous aimons les autres
nations »
Ici, le président continue un temps à faire
parler ses détracteurs, il peut ainsi s'approprier leurs paroles et
donner plus de crédit à ses propos. La première
idée est que la confiance est rompue à cause des
« oppresseurs », l'Iran est une victime. Ensuite, il parle
des sanctions et peut-être avons-nous là un cri du coeur, quelque
chose de personnel, « c'est sous ce prétexte que vous nous
refusez la technologie » montre que pour le locuteur il existe
une hiérarchie des normes et le progrès technologique se situe en
dessus des droits de l'homme. Il fait ensuite appel à des principes
généraux, ces phrases renvoient clairement au principe des
peuples à disposer d'eux-mêmes et à la souveraineté
d'un état quand au choix de sa politique étrangère. Il
termine son discours par une preuve d'amour entre les peuples qui peut
détonner après l'analyse de son argumentation.
· Le deuxième discours étudié est
celui prononcé devant l'assemblée générale des
Nations Unies. Les sujets ici n'ont plus rien à voir du tout avec les
discours précédents. Il commence son discours en
désavouant l'autorité de l'assemblée face à
laquelle il s'exprime et en remettant en cause la partialité de ses
dirigeants.
Il va aborder dans ce discours le thème du changement
de régime international.
« La course aux armements est dangereuse pour
tout le monde hors les instances nées de la deuxième guerre
mondiale sont injustes et impuissantes car elles ne peuvent régler
impartialement les problèmes du monde, les puissances agissent de la
sorte car elles ne se rendent pas compte des changements que le monde est en
train de connaître »
Il commence son argumentation par un symbole fort de
l'échec des instances de régulation, la course à
l'armement. Bien que celle-ci ait réduit les arsenaux elle ne les a pas
éliminés et la croissance verticale continue. Pour lui, c'est le
fait que les instances soient inefficaces et non indépendantes qui les
rendent obsolètes, les grandes puissances continuent d'agir comme dans
la période précédente et c'est cela qui crée les
tensions actuelles notamment celles qui sont autour du nucléaire
iranien.
Ensuite il parle du nucléaire face à tous les
chefs d'état du monde :
« L'Iran a respecté l'AIEA, mais n'a pas
eu droit à l'assistance technique car les super-puissances
empêchent l'Iran d'accéder à la technologie. Les Iraniens
ont eu confiance pendant 3 ans dans la négociation, mais ce temps leur a
permis de se rendre compte que la volonté de ces États oppresseur
est uniquement d'empêcher l'Iran d'avoir la technologie, ils ne
souhaitent pas établir la confiance. Deux États nous accusent et
nous font des menaces mais grâce à notre
persévérance nous avons réussi à résoudre le
problème, c'est pourquoi nous offrons notre assistance technique
à tout ceux qui le souhaiteraient mais ne refaites ça à
aucun autre pays. »
Avec l'opposition entre le respect de l'AIEA et la coupure des
aides techniques, le président veut créer une idée
d'injustice. Cette idée est reprise dans la phrase suivante,
l'interruption volontaire de l'enrichissement pendant trois ans n'a pas permis
de créer la confiance, et par déduction, si l'interruption
n'était pas dans l'optique de créer de la confiance, elle n'a que
pour but de ralentir les progrès. L'idée suivante est à
contextualiser, avant la venue du président aux Etats-Unis, le dossier
était revenu temporairement à l'AIEA qui devait se prononcer sur
le sort de l'AIEA dans son rapport suivant. Le président lie la
persévérance et le refus total d'interrompre l'enrichissement
avec cette acalmie. C'est un donc un moyen de justifier sa position, son
attitude et de dénigrer ses détracteurs. Enfin, la
dernière phrase veut montrer à quel point les autorités
iraniennes sont fair-play. Malgré toute l'injustice vécue, l'Iran
est prêt à accorder une assistance technique à qui le
souhaiterait et surtout prescrit de ne pas reproduire la même erreur avec
d'autres. Cette manière de montrer qu'on est bon joueur, qu'on accepte
malgré tout d'aider les autres sous entend le fait que l'Iran est devenu
un pays maîtrisant l'énergie nucléaire et qu'il doit donc
être classé parmi les puissances, c'est une tentative, voir une
demande de réévaluation de la position de son pays face à
la possession de la technologie nucléaire. La prescription finale est un
moyen d'absoudre les fautifs de leur faute, cette déclaration donne
l'impression d'être destinée au bien-être des autres membres
de la société, mais semble être là, pour
répéter une fois de plus que l'Iran est victime et que les
« États oppresseurs » ont commis une faute.
· Le discours suivant est la transcription d'une
interview donné à la chaîne de télévision
Channel 4 News. C'est en réalité un entretien semi directif
où le journaliste impose le choix des thèmes et n'hésite
pas à couper la parole.
Il va répondre dans un premier temps sur le
nucléaire face à un journaliste très peu neutre, qui va
multiplier les familiarités et ne montrer qu'un respect de façade
face à un chef d'État. Face à des questions inquisitoires
sur le dossier du nucléaire le président Ahmadinejad va
reprendre son argumentaire habituel :
« Nous sommes membres et nous ne pouvons pas
utiliser notre droit à cause de l'hostilité des
américains. Les américains ont politisé le dossier
à cause de leur haine envers nous et seule l'AIEA devrait traiter avec
nous. »
On peut noter qu'ici il nomme directement les responsables,
chose que dans les discours précédents il n'avait pas fait. Le
président semble s'être mis au niveau de son interlocuteur. Ici il
répond de manière rapide et sans grande argumentation. Il va
utiliser pour contrer ce journaliste la comparaison, de ce fait mettre
implicitement les États-Unis et l'Iran sur le même niveau chose
qui semble agacer le journaliste. A la question :
« m'amèneriez vous demain visiter une de vos installations
suspectes » il répond « nous ne montrons
pas tout, nous feriez vous visiter vos installations ultra
secrètes ? ». A la question « allez
vous arrêter l'enrichissement d'uranium ? » il
répond « pourquoi arrêterions nous alors que vous
continuez toujours ? ». Il rajoute :
« Pourquoi vouloir arrêter notre programme débutant
alors que votre est déjà bien
avancé ? »
Ces réponses permettent d'invoquer une
réciprocité et un bon sens afin de
« remballer » ce journaliste trop inquisiteur. Elles
permettent de détourner la question et donne l'impression d'une
réponse appropriée à la rudesse de ce journaliste.
A la question : « laissez moi vous
demander, `hand on heart', do you want a bomb ? Il répond
« pourquoi vouloir une bombe ? Elle n'a servi à rien
aux américains et aux anglais qui la possèdent ».
C'est une forme de provocation pour rester dans le ton de
l'interview, cependant c'est une opinion partagée par un grand nombre de
personnes réfutant les avantages de la dissuasion nucléaire.
Passons maintenant aux deux discours les plus
intéressants dans la volonté de déceler des tentatives de
persuasion et de prise à partie des autres pays.
· Tout d'abord le quatrième discours,
prononcé lors de la deuxième assemblée
générale de l'APA (Asian Parlementary Assembly).
L'enjeu est grand, cette assemblée comprend notamment
le Pakistan, la Corée du Nord, la Russie, la Chine, le Japon, l'Inde,
les Emirats Arabes Unis, l'Arabie saoudite. Cette conférence est une
occasion de pouvoir parler à tous les acteurs sauf ceux qui sont
considérés par l'Iran comme oppresseurs ou menaçants. Les
idées développées ici vont avoir une importance capitale.
Le président va ici commencer par tenter de créer un effet de
proximité.
Il va discourir sur les points communs pouvant lier les
membres de cette assemblée :
« Nous aimons la paix, les gens de l'ouest ne
sont pas comme nous et l'Iran se place dans la sphère asiatique. Nous
avons des relations humaines plus conviviales et nos sociétés
sont plus respectueuses des traditions, de notre culture ».
C'est évidement pour faire appel à l'affectif en
se basant sur l'argument suivant, la montée de l'individualisme dans les
sociétés occidentales détruit la solidarité et la
cohésion dans la société.
Vient ensuite une déclaration sur ce que serait un
monde idéal :
« C'est un monde où personne n'est
blessé, personne ne manque de ressources, une société
amicale et juste. L'injustice la plus grande est la guerre, si l'on respecte
l'humanité, le territoire, les lois nationales, il n'y a pas de raisons
pour l'invasion, mais les puissances menaçantes envahissent les
États ».
Cela renvoie plus qu'explicitement aux 5 principes de
coexistence pacifique de la diplomatie Chinoise par exemple et plus
généralement aux discours diplomatiques pacifiques de la zone
asiatique, avec notamment le Japon. Ce développement permet de toucher
l'affect des diplomates présents pour qui ces questions sont
fondamentales et aussi de toucher le plus grand nombre par un discours faisant
allusion à la paix, au bonheur. Il faut suivre le déroulement
pour réussir à déceler un sens caché.
Il parle ensuite de la bombe atomique :
« Si les racines du système international étaient
basées sur la justice, toutes les armes de destruction massive seraient
détruites. Mais les organisations internationales sont basées sur
des mauvaises racines. ».
Voilà qui devient fort préoccupant, après
avoir parlé d'un monde parfait, il énonce un argument sous forme
de vérité, de lieu commun. Si le monde était juste, il n'y
aurait pas de guerre. Cela n'est pas une évidence. Mais nous avons
affaire ici à un enthymème. Donc pour le décortiquer
referons nous d'abord au syllogisme qu'il sous entend :
Si les racines du système sont justes il n'y a pas
besoin d'armes atomiques
Les racines sont injustes
Il y a un besoin d'armes atomiques
L'enthymème sert donc ici à clairement
suggérer la fin du syllogisme sans oser le dire. C'est une technique
rhétorique permettant de signifier aux puissances nucléaires
présentes qu'il justifie complètement la possession d'armes
atomiques.
Cela suggère aussi, qu'étant donné que le
système international juste est censé se substituer aux armes
atomiques afin de faire régner la justice, étant donné
qu'il est injuste les armes atomiques restent le moyen de faire régner
la justice. L'analyse de ce passage amène une information importante,
cependant il est fort possible que cet effet soit volontairement
créé afin de plaire aux interlocuteurs et peut ne pas indiquer la
position du locuteur.
Le « pire » se trouve dans le dernier
thème abordé qui révèle sa demande à cette
assemblée :
« Je veuxt proposer l'établissement d'un
institut de recherche asiatique, capable d'identifier les capacités de
recherche des pays asiatiques et disséminer les informations de cet
ordre (sous entendu de recherche) ».
Le terme disséminé est traduit de l'anglais
« disseminating », il n'est pas question ici de
« share » ou de « teach » mais bien de
dissémination. Terme qui renvoie à la propagation voire la
prolifération. Cette demande est encore significative quand on imagine
qu'il l'adresse à la Corée du Nord, au Pakistan, où
à d'autres États ne se reconnaissant pas dans les valeurs du
traité de non-prolifération. C'est comme une demande d'aide ou un
appel à continuer une quelconque coopération secrète. Le
spectre de la triade Pakistan - Corée du Nord - Iran ressurgit ici.
Enfin nous allons étudier le dernier discours compris
dans le corpus de textes. Il s'agit d'un discours prononcé lors du 11eme
sommet de l'organisation de la conférence islamique (OIC) au
Sénégal. Il va aborder ici deux thèmes tout à fait
en lien avec le sujet de la conférence. La religion et le conseil de
sécurité :
Tout d'abord au sujet du conseil de
sécurité :
« Le conseil de sécurité n'est pas
indépendant, il viole les lois et la régulation crée par
les pays qui le composent, il reconnaît et valide des informations
fausses et fabriquées de toutes pièces. Il n'est pas capable
d'établir l'ordre et la sécurité, il est fondé sur
un ordre qui permet d'imposer les volontés des puissants et ne respecte
pas le droit des nations. Il a perdu sa
crédibilité »
Voilà une attaque en règle contre le
système international. Il cherche à faire prendre conscience aux
interlocuteurs d'une contradiction entre les lois et l'action de ceux qui les
ont écrits. Il renvoie ainsi à un schéma d'injustice
très bien connu. Il glisse une information quand au cas de l'Iran et
réitère son argument de politisation de la crise
nucléaire. Il juge enfin la capacité et la
crédibilité du conseil de sécurité à la vue
de ses résultats et des principes qui l'animent. Il nous montre bien
là sa position face aux régimes internationaux.
Le dernier thème abordé est la religion. Il en
parle après avoir parlé du conseil :
« Aujourd'hui avec l'échec des
écoles de pensée comme le libéralisme et le
sécularisme les peuples du monde sont de plus en plus attirés
vers l'islam, la religion polarise aujourd'hui les volontés de justice
».
Il n'a pas posé cet argument avant de parler de son
problème de politique étrangère ce qui peut laisser croire
qu'il parle en terrain conquis, ou qu'il n'a pas ressenti le besoin de
séduire plus l'auditoire avant d'exposer son argumentation. Il fait ici
le lien entre le sécularisme et le libéralisme. Si le
libéralisme renvoie explicitement aux États-Unis dont ils sont
champions et promoteurs, on peut se demander à qui il se
réfère lorsqu'il parle de sécularisme ? Les
États-Unis sont un pays très religieux, il existe une religion
officielle, elle est inscrite dans la constitution et les dirigeants font
fréquemment référence à dieu. Il faut
peut-être chercher plus loin. En Europe, le nombre de monarchies est
assez élevé et le fait par exemple que la reine d'Angleterre soit
à la fois chef d'État et chef de l'église paraît
aussi éliminer ce pays et peut être cette région. Il se
peut qu'il renvoie aussi aux différents pays arabes, engagés dans
la modernité et qui combattent les plus radicaux des
éléments religieux dans leurs pays. Il fait ici un
parallèle entre la science, l'organisation politique et la religion et
sous-entend que « les peuples du monde », groupe abstrait
de gens, n'indiquant aucune quantité, désignant une
globalité, peuvent trouver comme alternative à la recherche
scientifique ou à l'organisation politique la religion.
Conclusion :
Voilà pour l'analyse des différents discours du
président Ahmadinejad. Tout au long de cette étude il nous a
été possible d'identifier les différents mécanismes
mis en place afin de tenter de convaincre les pays du monde sur des
thèmes bien précis. Il s'est retrouvé face à des
publics convertis ou hostiles et a adapté son argumentation et sa
rhétorique à son auditoire. Ces figures de rhétoriques
sont intentionnelles car bien construites et révèlent une
volonté de persuader. Les thèmes abordés nous montrent que
cette stratégie peut être qualifiée de
révisionniste. Il remet en cause l'intégralité du
système de gouvernance international, identifie un changement dans la
« société internationale » que les pays
leaders n'ont pas identifié et il demande clairement à changer de
statut alors que cela ne serait possible qu'en se dotant de l'arme
nucléaire. Cela est interdit par le TNP, le conseil de
sécurité et les pays les plus développés, il
demande donc ouvertement un changement du régime. Cependant les
déclarations à l'APA et le vocabulaire employé renvoient
clairement à la contestation, les propositions sont certaines fois
irréalistes, empruntent de fantaisies ou de mythologie et font en
permanence référence à l'opposition à des
puissances hostiles. Ce qui serait intéressant de savoir c'est si ces
déclarations sont le fruit de l'adaptation du locuteur à son
public ou si elles dénoncent une réelle ambition ou
stratégie à long terme. La suite du mémoire nous
éclairera peut-être un peu mieux sur ces questions. Le
président Ahmadinejad fait passer un message et propose des options pour
une révision du régime de non-prolifération mais
présente tout cela sous la forme de la contestation aux puissances
hostiles.
Il nous faut maintenant analyser l'argumentation des membres
officiels iraniens à l'AIEA afin d'identifier s'ils ont mis en place une
stratégie de contestation ou s'ils restent dans le cadre de leur
fonction diplomatique et donc de la promotion du révisionnisme.
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