Introduction
L'économie soviétique se trouve au début
des années 80 dans une situation alarmante. Son système
économique basé sur une économie centralement
planifiée révèle bien des imperfections. Ces
incohérences sont alors le résultat d'un demi-siècle
d'immobilisme devant un système qui se fissure. Le système de
planification centralisé instauré en URSS à la fin des
années 20 est resté pour l'essentiel inchangé pendant les
cinquante années qui ont suivi. Evidemment, les différents
gouvernants ont tous leur part de responsabilité à des
degrés divers. En effet, si Khrouchtchev a tenté, sans
succès, des changements, il n'en a pas été de même
pour ses successeurs. En atteste l'ère Brejnev qui dirigea le pays
pendant vingt ans, et dont le passage au pouvoir fut marqué par un
immobilisme absolu et qualifié par Gorbatchev de période de
stagnation. Enfin, le passage des gérontocrates Andropov et de
Tchernenko sont quasi négligeables en raison de leur durée (trois
ans à eux deux !), mais n'en sont pas moins
révélateurs d'une tendance au conservatisme et au statu quo.
Ainsi à son arrivée au pouvoir, Gorbatchev
trouve l'économie dans une situation catastrophique dans laquelle les
dysfonctionnements systémiques sont la règle et
l'efficacité l'exception. Les facteurs d'inefficacité
touchent toutes les composantes de l'économie et repose sur des causes
de natures idéologique, organisationnelle, systémique... Ces
innombrables incohérences amènent à s'interroger sur la
pertinence de la planification en tant que mode de fonctionnement
économique mais aussi dans la façon de la pratiquer avec les
modes d'organisations qui en découlent. Les caractéristiques en
terme de monnaie, de marché du travail (et de ses conséquences
sur les salaires), de conditions de travail, de comportements individuels d'un
tel système s'éloignent largement de ce que l'on a l'habitude
d'observer dans les systèmes capitalistes traditionnels. C'est donc dans
un état d'esprit volontariste que Gorbatchev a souhaité rompre
avec l'héritage d'une certaine pratique de la planification et sortir le
pays d'un système qui le conduisait vers un inexorable déclin.
Ainsi la perestroïka qu'il lance à partir de 1985 pose le
problème de la transition. Cette transition du plan vers le
marché a été aujourd'hui adoptée par la
totalité des économies socialistes européennes avec plus
ou moins de succès. Elle se retrouve devant un choix : soit, elle
choisit de réaliser le passage ambitieux, mais risqué, de
l'économie soviétique dans l'ère moderne, soit, elle
maintient un système, certes archaïque, mais qui a fait la preuve
de son efficacité quant à l'atteinte de ses objectifs
idéologiques.
L'étude de l'économie russe nécessite une
approche particulière car il est impossible d'évoquer cet
héritage sans évoquer le poids de l'histoire et le rôle de
l'idéologie. En effet deux éléments d'analyse se
dégagent :
D'une part, l'économie soviétique n'a pas le
même statut d'autonomie par rapport aux autres composantes de la vie
sociale dans les pays occidentaux. Toutes les dimensions du système
social soviétique sont intimement liées, mais elles semblent
largement déterminées par l'idéologie et la politique.
Idéologie par la double utopie communiste d'édification d'une
société sans classe et d'entraînement du reste de
l'humanité dans le sillage de la révolution. Politique ensuite
par la prise en charge par un parti, très fortement organisé, de
l'ensemble de la vie sociale d'un pays immense pour mettre en oeuvre, envers et
contre toutes les résistances, cette utopie. Ainsi, l'économie ne
peut être comprise que par référence à la politique
et à l'idéologie.
D'autre part concernant les comportements de la population,
ceux-ci ne sont pas dictés par l'appartenance à un groupe ou
à une classe sociale. En Union soviétique les comportements sont
d'abord individuels, même s'ils sont soumis à des contraintes
étatiques très fortes. Il en résulte qu'aux
décisions politiques, prises souvent de façon arbitraire dans le
domaine économique, vont répondre des comportements rationnels
d'ajustement individuels. Par exemple une baisse de salaire réel va
provoquer non pas un mouvement de protestation ou de grève, mais une
augmentation de l'absentéisme.
Il apparaît donc important de poser avant toute analyse
ces ressorts psychologiques qui contribuent à expliquer la trajectoire
de l'économie soviétique.
Cette trajectoire a été sinueuse pour
l'économie. A cet effet, la perestroïka et la glasnost devaient
aider à sortir de la crise grâce à une réforme de
nature principalement économique mais s'attaquant aussi aux
problèmes concernant la société, l'administration le
système politique et les relations internationales. Gorbatchev s'attaqua
à ces divers problèmes mais se heurta à l'obstruction de
tous ceux qui bénéficiaient du système. C'est pourquoi on
peut résumer la perestroïka en disant qu'elle s'apparente avant
tout à une lutte entre un homme voulant réformer son pays avant
qu'il ne s'effondre totalement et les inerties d'un système tentaculaire
dont profite une classe de privilégiés.
Ainsi nous nous interrogerons tout au long du
mémoire sur ce qui a poussé Gorbatchev à réformer
l'économie russe et pourquoi cette réforme n'a pas connu le
succès escompté ?
Nous nous efforcerons de répondre à ces
interrogations en démontrant dans une première partie en quoi la
perestroïka était nécessaire en expliquant les
dysfonctionnements de ce système.
Dans un second temps nous expliciterons le contenu des
réformes de Gorbatchev et nous expliquerons les raisons de leur
échec.
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