V.7 - MESURES PREVENTIVES-DEMARCHE A SUIVRE POUR
REHABILITER UN OUVRAGE EN BETON ARME DONT LES ARMATURES SONT CORRODEES
V.7.1 - Mesures préventives
Très souvent, il n'y a intervention sur un
ouvrage qu'à partir du moment où les désordres deviennent
nettement visibles et que les morceaux de béton qui se détachent
mettent en jeu la sécurité des usagers et des tiers. Les
réparations à effectuer sont donc lourdes et coûteuses
(élimination du béton pollué, reconstitution de l'enrobage
des armatures,...). Pour remédier à une telle situation, des
mesures préventives doivent être prises dans un premier temps lors
de la mise en oeuvre de l'ouvrage puis dans un second temps durant la vie de
l'ouvrage sous réserve d'effectuer périodiquement quelques
campagnes de mesures. Une telle attitude a pour avantages :
- d'empêcher les agents agressifs de
pénétrer dans le béton ;
- de détecter les désordres et les
défauts que peut présenter le béton ;
- de permettre à l'ouvrage de remplir convenablement
les fonctions pour lesquelles il a été conçu pendant
longtemps ;
Plusieurs stratégies sont disponibles pour
prévenir les ouvrages de la corrosion et une attention
particulière doit leur être portées car comme dit un adage
populaire, « prévenir vaut mieux que
guérir ».
V.7.1.1 - Enrobage des armatures
L'enrobage assure la protection physique en jouant un
rôle de barrière vis-à-vis de l'environnement. Sa
qualité (compacité, teneur en ciment, etc.) et son
épaisseur (3 cm en milieu non agressif et 5 cm en milieu marin) sont des
facteurs essentiels à la bonne tenue des armatures face à la
corrosion.
Le tableau ci-dessous donne les exigences sur le béton
en fonction des classes d'exposition, d'après la norme ENV 1992.1.1
« Eurocode 2 »
Environnement
|
Classe d'exposition
|
Dosage minimal en ciment
(kg/m3)
|
Minimum du Eau/ciment (E/C)
|
Sec
|
1
|
280
|
0,65
|
Humide
|
Avec gel
|
2a
|
280
|
0,60
|
Sans gel
|
2b
|
280
|
0,55
|
Humide et gel avec emploi de sel anti-verglas
|
3
|
300
|
0,50
|
Marin
|
Avec gel
|
4a
|
300
|
0,55
|
Sans gel
|
4b
|
300
|
0,50
|
Chimique
|
Légèrement agressif
|
5a
|
280
|
0,55
|
Moyennement agressif
|
5b
|
300
|
O, 50
|
Fortement agressif
|
5c
|
300
|
0,45
|
Tableau n°5 : Exigences sur
le béton en fonction des classes d'exposition, d'après la norme
ENV 1992.1.1 « Eurocode 2 »
V.7.1.2 - Prévision de la
carbonatation
La carbonatation correspond à une valeur
particulière de la teneur en dioxyde de carbone dans le béton.
Cette pénétration de la carbonatation correspond à une
diffusion de dioxyde de carbone.
Pour déterminer la diffusivité D de la
carbonatation, la profondeur Xc est mesurée à divers
âges t. Dans une première approximation, ces grandeurs sont
reliées par la loi de FICK qui donne :
Xc = k (11 )
Cette approximation n'est pas rigoureuse car la loi de FICK ne
convient pas en présence de réaction chimique (ici, de
carbonatation). Toutefois dans la pratique, c'est cette loi qui est
utilisée, surtout pour un béton qui est assez
âgé.
Ainsi, pour prévoir l'évolution de la
profondeur de carbonatation, il faut déterminer D à une date
donnée car la carbonatation est un phénomène progressif
qui, avec le temps, atteint des couches de en plus importantes.
La progression de la carbonatation peut être
également ralenti en :
- augmentation le dosage en ciment ;
- diminuant le rapport eau/ciment (E/C) ;
- en augmentant le temps de cure (traitement du béton
au jeune age pour éviter par exemple la dessiccation.)
V.7.1.3 - Prévision de la
pénétration des chlorures
La pénétration des chlorures est un
processus de diffusion, lorsque le béton est saturé d'eau et que
le ciment ne réagit pas trop avec ces sels. Les armatures sont dans un
béton pratiquement saturé d'eau, lorsque leur enrobage est assez
épais et se dessèche peu (cas des structures en sites maritimes
ou montagneux)
Ainsi, la prévision de la pénétration
des chlorures dans le béton utilise les lois de la diffusion (de FICK)
qui nécessite la connaissance de la diffusivité D ou coefficient
de diffusion.
L'équation de FICK :
(12) permet de déterminer D.
Dans l'équation ( ), C est la teneur en chlorure
à une profondeur x et à l'instant t.
Ce coefficient de diffusion D des chlorures dans le
béton varie, en toute rigueur au fur et à mesure que ce
matériau vieillit. Mais du point de vue, cette grandeur peut être
considérée comme constante, surtout lorsque le béton est
âgé de plus de six mois.
V.7.1.4 - Revêtements organiques
Parmi les revêtements organiques, le revêtement
époxydique (ou époxy) convient le mieux pour protéger les
armatures. Ce processus donne un film épais de 150 à 300 mm.
Une autre méthode consiste à immerger dans un
lit fluidisé de poudre de résine époxydique, des cages
d'armatures, qui peuvent être placées dans le coffrage pour
béton immédiatement après leur traitement. Elle permet
aussi des revêtements plus épais.
Un revêtement époxydique diminue
l'adhérence entre l'armature et le béton, surtout pour les barres
de gros diamètres, ou lisses.
Par ailleurs, les spécifications d'utilisation des
armatures revêtues d'époxy recommandent de limiter le nombre et la
taille des défauts sur le revêtement et de les réparer.
Il est rappelé qu'un revêtement organique est un
isolant électrique qui rend difficile, voire impossible, l'application
de techniques électrochimiques de diagnostic (mesure de potentiel
d'électrode, de vitesse de corrosion) ou de traitement contre la
corrosion (protection cathodique, ré-alcalinisation,
déchloruration).
V.7.1.5 - Le revêtement par
galvanisation
Le revêtement par galvanisation est obtenu en trempant
l'acier préalablement nettoyé et décapé, dans un
bain de zinc à une température voisine de 450°. A
l'immersion de l'acier dans le zinc fondu, il se produit une réaction
entre les deux métaux (diffusion entre fer et zinc) qui entraîne
de couches d'alliages.
Un revêtement de galvanisation augmente la
durabilité des armatures dans un béton qui subit une
carbonatation. Par ailleurs, la mise en place des armatures galvanisées
est moins critique que celle des aciers nus lorsque l'épaisseur
d'enrobage ne peut pas satisfaire les exigences réglementaires.
La teneur en chlorures qui amorce la corrosion des armatures
est plus élevée dans le cas des aciers galvanisés que dans
celui des aciers nus, mais cet effet protecteur cesse si le taux de chlorures
est trop élevé.
La surface des armatures galvanisées est
différente de celle des aciers ordinaires. Ainsi, le diagnostic de leur
état de conservation ne peut pas se faire par des mesures de potentiel
d'électrode. Par ailleurs, il n'est pas conseillé d'appliquer des
traitements électrochimiques de déchloruration ou de
ré-alcalinisation du béton qui pourraient dégrader le
revêtement de galvanisation.
V.7.1.6 - L'utilisation des armatures en acier
inoxydable
L'acier inoxydable peut être utilisé soit comme
un revêtement d'armatures en acier non allié, soit comme
matériau constitutif de l'armature.
En ce qui concerne la corrosion, un acier inoxydable risque
de se corroder par piqûre en présence de chlorures, surtout si la
nuance a été mal choisie. Les nuances les plus couramment
utilisées sont alliées au chrome et au nickel : Z 6CN18-09
à 18% de Ni (d'après AISI 304), et Z2CND17-13 à 17% de cr
et 13% de Ni (selon AISI 3/6L). Ces aciers particuliers tolèrent une
concentration en cl- au moins 10 fois plus grande que celle pouvant amorcer la
corrosion de l'acier ordinaire.
On pourrait utiliser l'acier inoxydable seulement aux
endroits qui présentent un risque élevé de corrosion et
l'acier ordinaire dans les zones à faible risque. On éliminerait
ainsi la nécessité de recourir à d'autres
stratégies préventives.
L'acier inoxydable est plus coûteux que l'acier
ordinaire mais il peut durer 3 à 4 fois plus longtemps que ce
dernier.
V.7.2 - Démarche à suivre pour
réhabiliter un ouvrage en béton armé dont les armatures
sont corrodées
Il convient de suivre la démarche
développée ci-après lorsqu'un ouvrage en béton
armé est dégradé par corrosion.
La méthodologie à appliquer pour
déterminer la ou les techniques de réhabilitation comprend les
quatre étapes suivantes.
Le diagnostic : il a pour but de
déterminer la nature des désordres, l'origine de celle-ci et son
étendue. Il permet de savoir si la corrosion est localisée ou
généralisée ce qui a une très grande importance
dans le choix des techniques de réparation.
Les exigences et les contraintes : le
maître de l'ouvrage doit préciser dans « son
programme » ses exigences (s'agissant d'une réhabilitation,
l'ouvrage doit être livré dans son état originel, en tenant
compte de son état de conservation (force portante, etc.) Le
maître d'oeuvre devra respecter le programme à la lettre sauf
impossibilité technique avérée.
Il doit aussi recenser ou faire recenser les contraintes
imposées durant les travaux (maintien en service partiel ou total de
l'ouvrage etc.), d'environnement (pollution, bruit, hygiène,
sécurité etc. et techniques pour la mise en oeuvre de la
méthode de réhabilitation( condition de température et
d'hygrométrie à respecter, prise en compte des chocs et
vibrations dus au trafic, aux engins de démolition et incidence sur la
tenue des produits de réparation en cours d'application,
détermination des matériels nécessaires pour
accéder à l'ouvrage et pour effectuer les travaux etc...)
L'étude
technico-économique : cette étude comparative
concerne le choix des actions à entreprendre (fermeture
définitive, réparation, remplacement, maintien en
état,...) avec leur incidence économique. La décision
finale incombant au maître de l'ouvrage. Si cette étude aboutit
à la décision d'une étude réhabilitation, elle doit
alors permettre de choisir la ou les techniques les mieux adaptées.
La mise au point du marché de
réparation : le maître d'oeuvre doit préciser
les hypothèses sur l'état de l'ouvrage si cela est
nécessaire (contractualisation partielle ou totale des résultats
des études effectuées pendant les phases
précédentes, visite contradictoire de l'ouvrage avec chacun des
candidats de la consultation, état des lieux avec le candidat
désigné...), les différentes contraintes imposées,
les variantes et les propositions techniques autorisées.
En outre, le maître d'oeuvre doit indiquer quelles
garanties ou responsabilités seront demandées à
l'entrepreneur (par exemple, responsabilité civile en cours de travaux
contre les dommages causés à l'ouvrage à réparer,
à d'autres ouvrages, aux usagers et aux tiers, etc.) garanties
particulières de durée fixée sur certains travaux de
réparation (par exemple, revêtement de protection, inhibiteur de
corrosion, etc.).
QUELQUES SOLUTIONS PRATIQUES POUR PROTEGER LES
FONDATIONS CONTRE LA CORROSION
Figure n°13 : Principe du drain
Figure n°14 : Dégagement de la coupure
de capillarité
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