3.2 Migration et filtrage social
Les grandes villes d'Ile-de-France semblent sélectives
et nous devons comprendre quelles catégories sociales sont
concernées et quelles sont celles qui s'orientent vers des zones
pavillonnaires après leur passage en Ile-de-France.
C'est la notion de filtre8 qui nous permettra de
voir quelle population reste en région parisienne et quelle est celle
qui en part. Bien sûr, cette notion est très large et nous
pourrions traiter de nombreuses problématiques à travers elle.
C'est pourquoi il est important de préciser que nous n'étudierons
pas tous les filtres qui opèrent une sélection. C'est le filtre
social et familial qui occupera une partie de l'analyse.
Cette notion avait permis à Park et Burgess de
définir la ville comme un espace morcelé en aires concentriques.
Selon les auteurs, la ville est divisée en zones et chacune est
habitée par des personnes ayant des caractéristiques communes
selon l'appartenance culturelle et sociale; ce phénomène
s'établissant de façon naturelle et fataliste. Seulement, les
auteurs ont un raisonnement déterministe qui ne fait pas assez
référence à des données économiques.
Les lotissements pavillonnaires, relativement excentrés
du centre-ville seraient-ils aussi caractérisés par un profil
type d'habitants ?
Et y a-t-il un phénomène d'entre-soi dans les
lotissements étudiés puisque le choix de localisation se fait en
partie selon «la morphologie sociale du quartier, c'est à dire la
composition sociale du voisinage»9?
3.3 Migration et statut d'occupation
Catherine Rhein10 a étudié les
stratégies résidentielles également en utilisant le
critère du type d'habitat antérieurement occupé qui induit
des mobilités plus ou moins denses.
Elle a fait un diagnostic du statut des logements en
Ile-de-France et elle en arrive au résultat suivant : A Paris, 60% des
logements sont des collectifs anciens en location ; en petite couronne, il y a
48% de collectifs
6 Bonvalet C., et Lelievre E., « Mobilité en France
et à Paris depuis 1945, le filtre parisien », Population,
n°5, 1991.
7 Rhein C., « Mobilité résidentielle et
dynamique urbaine », Revue de Géographie de Lyon, n°3,
1990, p.184.
8 Pumain D., Robic M.C, Pinchemel P., « Croissance urbaine
et échanges migratoires », Revue géographique Alpine,
1972.
9 Maurin E., Le ghetto français, Ed. Seuil, la
République des idées, 2004, p.21.
10 Rhein C., op.cit., 1990.
récents, mais avec une moindre proportion de locatif
qu'à Paris. En grande couronne, le nombre de logements collectifs
diminue encore et le nombre de propriétaires augmente.
Elle en conclut que les ménages qui habitent dans le
collectif sont nettement plus mobiles que ceux qui résident dans une
maison individuelle. Ce fait s'accentue si les occupants des logements
collectifs sont locataires. Ces conclusions sont intéressantes du fait
que, dans notre échantillon diversifié, nous aurons aussi bien
des propriétaires et des locataires de logement collectif que des
propriétaires et des locataires de logement individuel. Nous pourrons
ainsi comparer le statut d'occupation antérieur avec les causes de
migrations. Cette comparaison pourra être utile en ce qui concerne le
rêve de l'accession à la propriété.
Comme le montre l'enquête intitulée « Qui
habite quoi ? »11 réalisée par l'INED, nous voyons que
l'accession à la propriété est propre à un type de
ménage puisque ce sont les couples mariés avec enfants qui
mentionnent en priorité « vouloir changer de logement pour
être propriétaire » alors que les couples célibataires
avec enfants, disent en premier lieu, qu'ils ont « besoin d'espace »,
en parlant dans une moindre proportion de l'importance d'être
propriétaire par rapport aux couples mariés avec enfants.
Nous nous apercevons que les causes de déménagement
sont toutes liées entre elles. En effet, un type de logement peut
être recherché selon un statut social et/ou familial à un
moment particulier mais comme la situation peut évoluer, elle induira
éventuellement un autre changement pour répondre aux besoins
actuels. Ce n'est qu'en croisant toutes les variables que nous pourrons
établir un schéma logique des stratégies
résidentielles et établir des profils-types.
Pierre Bourdieu et Monique de Saint Martin12 ont
critiqué fermement les analyses sur les migrations résidentielles
qui ne prenaient pas en compte le capital économique, culturel, ainsi
que les effets de la politique et de l'offre en logement. Selon ces auteurs,
nous ne pouvons faire d'analyses complètes et sérieuses si, et
seulement si, le raisonnement est basé entre autre sur le critère
de la structure en capital des ménages13. Cette
manière de résonner induit de prendre en compte chaque
caractéristique de l'individu et de ne pas isoler un critère
particulier comme la composition du ménage, la profession... tout doit
être intimement lié et mis en cohérence.
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