|
CAMPUS NUMERIQUE
CODES
« Campus Ouvert Droit, Ethique et
Société »
|
UNIVERSITE DE NANTES - UNIVERSITE PARIS II PANTHEON ASSAS -
UNIVERSITE PARIS X NANTERRE -
UNIVERSITE PARIS XII VAL DE MARNE - AGENCE UNIVERSITAIRE DE LA
FRANCOPHONIE
__________________________
ANNEE UNIVERSITAIRE 2007-2008
Les publications des violations des droits de
l'homme dans la presse écrite au Burkina : Essai d'analyse
éthique
MEMOIRE DE RECHERCHE
POUR L'OBTENTION DU DIPLÔME D'UNIVERSITÉ DE
3e CYCLE
"DROITS FONDAMENTAUX"
présenté par :
Mahamadou SORE
Tuteur :
Jacques AMAR
Maître de conférences, Université de Paris
IX Dauphine
Les publications des violations des droits de l'homme dans la
presse écrite au Burkina : Essai d'analyse éthique
Mahamadou SORE
Mots clés : droit de l'homme,
presse, déontologie, éthique, responsabilité
Sommaire
Sommaire
3
Remerciements
6
Liste des sigles et
abréviations
7
Introduction générale
8
Première partie :
L'éthique dans les publications des violations des droits de l'homme
14
Chapitre 1 : Distinctions
15
Chapitre 2 : L'impartialité et
la promotion du respect des droits de l'homme comme principes
éthiques
18
Chapitre 3. L'éthique des droits de
l'homme dans la pratique de la presse
22
Deuxième partie : Les
systèmes de garantie de l'éthique des droits de l'homme par la
presse au Burkina Faso
28
Chapitre 1. Les outils
29
Chapitre 2. Les mécanismes de
garantie de l'éthique des droits de l'homme dans la presse
43
Troisième partie : Pour une
presse respectueuse de l'éthique des droits de l'homme
56
Chapitre 1 : Les facteurs explicatifs
de la non observance de l'éthique des droits de l'homme par les
publications de la presse écrite
57
Chapitre 2. Pour des publications
éthiques dans la presse écrite
72
Conclusion
75
Bibliographie
77
Quelques liens utiles
80
Tables des matières
81
Annexes
83
A :
· ma maman Anta, première
« victime » de mon engagement pour les droits de
l'homme !
· tous ceux d'Abrass (Adjamé -
Côte d'Ivoire), éternelles victimes de violences policières
acceptées, ce mémoire est votre mémoire en
défense !
A la mémoire de :
· Norbert Zongo, journaliste
retrouvé calciné le 13 décembre 1998 alors qu'il
enquêtait sur des violations des droits de l'homme au Burkina
Faso !
· Pascal Kabungulu Kibembi,
défenseur des droits de l'homme au Congo Démocratique, membre du
réseau des formateurs en surveillance des violations des droits de
l'homme du Programme Spécial Afrique d'Amnesty International -
Pays-Bas, lâchement assassiné en juillet 2005 !
Remerciements
Aux personnes qui m'ont soutenu moralement ou techniquement
à la réalisation du présent travail de recherche, je leur
exprime mes reconnaissances. Un proverbe au Burkina Faso dit que la vache qui
s'abreuve au marigot ne lui dit pas merci, car elle sait qu'elle y reviendra.
C'est mon cas.
Je cite :
· Mon épouse Kady, pour m'avoir
rappelé à l'ordre quand elle sentait que certaines de mes
activités risquaient de prendre le pas sur la formation en droits
fondamentaux ;
· Monsieur Jacques Amar, mon tuteur
à distance qui, dès ses premiers messages m'a accordé sa
confiance ;
· Professeur Patrick Chaumette,
coordinateur pédagogique du DUDF, à travers son encadrement et
ses mots pleins d'interrogations dignes de la maïeutique
socratique ;
· L'infatigable Brigitte Gassié,
pour son appui technique à la formation,
· Ibrahiman Sakandé du journal
Sidwaya et Songré Etienne Sawadogo du Conseil
Supérieur de la Communication (CSC) du Burkina Faso, pour m'avoir
donné quelques éclairages sur le thème.
· Les amis et parents qui m'ont encouragé dans ce
travail.
Liste des sigles et
abréviations
ACAT : Action des Chrétiens pour l'Abolition de la
Torture
AFJB : Association des Femmes Juristes du Burkina Faso
AJB : Association des Journalistes Burkinabé
CADHP : Charte Africaine des Droits de l'Homme et des
Peuples
CEDH : Convention Européenne des Droits de l'Homme
CNDH : Commission Nationale des Droits Humains
CNE : Comité National d'Ethique
CODES : Campus Ouvert Droit, Ethique et
Société
CSC : Conseil Supérieur de la Communication
DH : Droits de l'Homme
DUDH : Déclaration Universelle des Droits de
l'Homme
FCFA : Franc de la Communauté Financière de
l'Afrique
ICHRP: International Council on Human Rights policy
LIDEJEL : Ligue pour la Défense de la Justice et la
Liberté
MBDHP : Mouvement Burkinabé des Droits de l'Homme et
des Peuples
MBEJUS : Mouvement Burkinabé pour l'Emergence d'une
Justice Sociale
NDLR : Note De La Rédaction
ONAP : Observatoire National de la Presse
ONG : Organisation Non Gouvernementale
PIDCP : Pacte International relatif aux Droits Civils et
Politiques
RSF : Reporters Sans Frontière
UEMOA : Union Economique et Monétaire de l'Afrique de
l'Ouest
UIDH: Union Interafricaine des Droits de l'Homme et des
Peuples
Introduction générale
« Si chercher le paradoxe est d'un sophiste, le
fuir, quand il est imposé par les faits, est d'un esprit sans courage ou
sans foi dans la science »
Emile Durkheim, Les règles de la
méthode sociologique, (préface à la première
édition)
Dans les Etats de droit, la liberté d'expression dont
la liberté de presse constitue la principale traduction est reconnue
comme faisant partie des droits fondamentaux. La presse joue un rôle
déterminant dans la construction et la consolidation de la
démocratie de par sa fonction d'expression des opinions plurielles. A
coté des trois pouvoirs qui constituent les institutions
démocratiques au sein des Etats modernes à savoir
l'exécutif, le législatif et le judiciaire, la presse est souvent
classée comme étant le quatrième.
Dans le domaine particulier des droits de l'homme, les
médias jouent un rôle important en publiant leurs violations ou
les actions en faveur de la promotion de leur respect. Ce dernier aspect est
d'autant important que la Déclaration universelle des Droits de l'Homme
(DUDH) adoptée par les Nations Unies en 1948 reconnaît dans son
préambule que c'est entre autres la méconnaissance des
droits de l'homme qui a conduit aux atrocités des deux guerres
mondiales.
Pour s'en convaincre, l'organisation mondiale, de
renommée internationale, de protection des droits de l'homme qu'est
Amnesty International1(*)
(AI) est née en 1961 suite à une publication par la presse
britannique d'une violation des droits de l'homme. En effet, c'est
consécutivement à la révélation, par la presse
écrite, de la détention de deux jeunes portugais qui auraient
levé un toast à la liberté que vint à l'idée
de l'avocat britannique Peter Benenson de lancer un appel pour leur
libération. Cet appel est publié dans la presse britannique sous
le titre de « forgotten prisonners 2(*)» le 28 mai 1961. L'appel se
base sur la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme -
adopté en 1948 - notamment en ces articles 18 et 19, pour exiger la
libération sans condition de tous « les prisonniers
d'opinion »3(*) à travers le monde.
Dès lors, on perçoit le rôle que joue la
presse aussi bien dans la révélation des atteintes aux droits
fondamentaux de l'homme que dans la médiatisation des actions en faveur
de leur cessation.
Aujourd'hui encore, que ce soit pour Amnesty International ou
d'autres organisations de promotion et de protection des droits de l'Homme, et
surtout pour l'opinion publique, la presse demeure une source
privilégiée de révélation des violations comme pour
leur dénonciation. C'est en cela que la résolution 1995/40 de la
Commission des droits de l'homme4(*) des Nations Unies du 3 mars 1995 sur le droit à
la liberté d'opinion et d'expression mentionne les « liens
d'interdépendance qui existent entre le droit à la liberté
d'opinion et d'expression et tous les autres droits de l'homme dont ils
renforcent l'exercice ».
Dans la fonction de dévoilement des infractions aux
droits fondamentaux, il se trouve toutefois que les publications de la presse
fassent fi de l'éthique, agissant ainsi à contre-courant de la
promotion de ces droits. Autrement dit, parfois, les articles publiés
bien que révélant des cas de violations en font un traitement qui
dévoie ce qu'on pourrait appeler le « message des droits de
l'homme ». Si fait qu'au lieu de promouvoir ces droits
inhérents aux individus, elles font un black-out sur les droits
violés si ce n'est une apologie à peine voilée des
violations constatées. En conséquence, l'intervention de la
presse dans le domaine des droits de l'homme peut s'avérer
contreproductive. Ceci d'autant, que la presse de par son audience joue un
rôle déterminant sur la formation des opinions et partant sur les
actes des individus.
En plus, la plupart des restrictions à la
liberté de presse concernent des violations dont les victimes,
facilement identifiables, disposent de capacité d'ester en justice ou de
demander toute autre forme de réparation. Il s'agit, en l'espèce
des délits liés au respect des droits ou de la réputation
d'autrui et de ceux visant à la sauvegarde de la sécurité
nationale, de l'ordre public, de la santé ou de la moralité
publique. Ce qui n'est pas forcement le cas des publications qui portent
atteinte à l'éthique des droits de l'homme. Ces derniers types de
violations n'ont pas une victime connue ou identifiable car enfreignant
à des principes d'ordre éthique en matière des droits de
l'homme. A titre d'illustration, c'est le cas par exemple d'un journal, qui
publiant un cas avéré d'exécution extrajudiciaire de
présumés délinquants, en arrive à louanger l'acte
comme une participation à la sécurité des populations. Ces
types de violations sont, de ce fait insidieux, et nécessitent pour leur
respect non une action civile de la victime mais celle d'une puissance publique
habilitée qui peut être au delà du juge - gardien des
droits fondamentaux - une ONG ou un organe consultatif le cas
échéant.
Ramener au cas du Burkina Faso, la présente
étude a pour but d'analyser la fonction de révélation -
autrement dit de surveillance - des violations des droits de l'homme à
travers les publications de la presse écrite quotidienne sous une
perspective éthique. Sous une forme interrogative, il s'agira de
répondre à la question suivante : « Les
publications relatives aux violations des droits fondamentaux publiés
par la presse écrite au Burkina Faso sont elles éthiquement
acceptables ? »
A travers, la recherche, il s'agira plus spécifiquement
de mener de réflexions autour des axes suivants :
1. étudier certains articles publiés sur des
violations des droits de l'homme dans la presse burkinabé afin d'en
abstraire les questions éthiques qu'ils posent ;
2. analyser les instruments et mécanismes
d'encadrement de la presse en ce qui concerne la relation des violations des
droits de l'homme au Burkina Faso ;
3. proposer, à partir d'une analyse des facteurs
juridiques et sociologiques explicatifs de la réalité
étudiée, des recommandations pour une presse écrite
éthique en matière de traitement des violations des droits de
l'homme.
La présente recherche se veut donc une réflexion
sur le rôle de la presse dans la promotion des droits fondamentaux, de
l'Etat de droit et de la démocratie à travers sa fonction de
révélation des violations des droits de l'homme. Elle
s'insère dans un champ dans lequel les garanties offertes par les textes
internes et internationaux restent peu effectives. Car dans la
réalité, la plupart des instruments internationaux sur la
liberté d'expression et de presse évoquent davantage les droits
liés à ces libertés que les obligations qui doivent y
être associées. En conséquence, les restrictions à
ces libertés restent limitées à l'atteinte de quelques
droits subjectifs individuels (vie privée, diffamation) ou collectifs
(ordre public, santé publique, sécurité publique). Il
existe certes, des textes relatifs au rôle de la presse soit dans la
contribution de la promotion des droits de l'homme soit à l'interdiction
d'atteinte à ceux-ci. Mais, la plupart de ces instruments sont de type
déclaratoire donc dénués de force obligatoire. C'est le
cas par exemple de :
· la déclaration universelle des droits de
l'homme à travers son article 30 ;
· la déclaration sur les principes fondamentaux
concernant la contribution des organes d'information au renforcement de la paix
et de la compréhension internationale, à la promotion des droits
de l'homme et à la lutte contre le racisme, l'apartheid et l'incitation
à la guerre - 28 novembre 1978,
· la résolution 1995/40 de la Commission des
droits de l'homme du 3 mars 1995 sur le droit à la liberté
d'opinion et d'expression
Et au niveau national, les restrictions à la
liberté de la presse sont à l'image de ceux édictés
dans l'ordre international. Si fait que les manquements à
l'éthique des droits de l'homme contenus dans les publications des
quotidiens restent « impunis » contrairement aux atteintes
faites à l'ordre public ou à la réputation d'autrui. De
même, les mécanismes nationaux de garantie des droits de l'homme
constitués par l'articulation des juridictions nationales, du
ministère de la promotion des droits humains, du Comité National
d'Ethique, du Conseil Supérieur de la Communication (CSC), de la
Commission Nationale des Droits de l'Homme (CNDH), des associations des droits
de l'homme et de la presse n'ont - à ce jour - interpellé un
quotidien sur un traitement peu éthique d'une violation des droits de
l'homme. Ceci bien que la réalité offre à lire ce genre
d'articles dans les journaux. Par contre, en ce qui concerne les publications
ayant un caractère attentatoire à la sûreté de
l'Etat5(*), aux valeurs
culturelles nationales, à la réputation d'individus6(*) y compris les autorités
politiques,... les cas de saisine des mécanismes sont légion.
Par ailleurs, la presse jouant un rôle
prépondérant dans la formation des opinions et par delà
des attitudes, il s'en suit que ses dérives peuvent être
préjudiciables à la construction puis à la consolidation
de l'Etat de droit en construction dans un pays comme le Burkina Faso. Cette
affirmation est d'autant importante qu'au regard de l'audience et de la
crédibilité dont ils jouissent, les journaux au Burkina Faso
constituent une alternative pour la garantie des droits fondamentaux. Elles ont
aussi dans ce sens un rôle de « watch dog »7(*) de la situation de l'Etat de
droit.
Sur un plan sociopolitique, le Burkina Faso est un Etat qui
vient de renouer avec la démocratie et l'Etat de droit depuis 1991 avec
l'adoption d'une constitution. Toutefois, selon les constitutionnalistes
burkinabé Augustin Loada et Luc Marc Ibriga, « la culture
des droits de l'homme n'est pas assez ancrée au Burkina Faso.
L'ignorance, la pauvreté, les coutumes rétrogrades conduisent
souvent les individus et les groupes sociaux à méconnaître
les droits fondamentaux dans leurs relations sociales. La violence sociale, les
mutilations génitales féminines, les lynchages des
délinquants ou présumés voleurs par les populations
elles-mêmes sont autant d'exemples. Les autorités étatiques
elles-mêmes ne sont pas non plus irréprochables... Il en va ainsi
des disparitions ou des exécutions sommaires enregistrées dans le
cadre de la lutte contre l'insécurité menée par les forces
de l'ordre, souvent elles mêmes victimes des braqueurs. Ces pratiques
sont cependant niées par les autorités du ministère de la
sécurité. Mais les rapports et les témoignages de
la presse8(*) et de
certaines organisations de défense des droits de l'homme son assez
éloquents. De même, les traitements inhumains, cruels,
dégradants et humiliants, la torture physique ou morale ne sont pas
rares »9(*).
C'est un tel contexte, que la presse écrite du Burkina Faso vit, avec de
toute évidence, une influence de son milieu. Autrement dit, les
représentations que les populations ont des droits fondamentaux ont des
répercussions sur le traitement de l'information y afférent par
la presse écrite et vice-versa.
Enfin, la fonction de révélation des violations
des droits de l'homme, ou disons de dénonciations desdites violations
n'est pas la chose la plus aisée pour la presse au Burkina Faso. En
rappel, c'est pendant qu'il faisait des publications sur un meurtre impliquant
le frère cadet du chef de l'Etat du Burkina Faso que le journaliste
Norbert Zongo a été retrouvé mort, criblé de balles
puis calciné le 13 décembre 1998. C'est justement suite à
la grave crise sociopolitique née de ce meurtre que de nombreuses
reformes institutionnelles ont été initiées par le
gouvernement. Le Comité National d'Ethique fait partie des organes
créés à cette occasion. Dans cette situation, faire table
rase voire faire l'apologie des atteintes des droits de l'homme au Burkina Faso
semble - consciemment ou inconsciemment - le penchant naturel vers lequel
tendent les écrits de la presse lorsqu'ils en relatent des cas.
En définitive, il s'agit de mener une étude sur
une fonction ignorée de la presse qui a un impact sur l'Etat de droit,
les droits de l'homme et la démocratie. Ceci dans le but d'aboutir
à une réflexion sur une presse écrite respectueuse des
principes éthiques des droits fondamentaux.
Première partie : L'éthique dans les publications des
violations des droits de l'homme
Avant d'aborder les questions d'éthique des droits de
l'homme que peuvent poser les publications de la presse écrite dans le
contexte du Burkina Faso, il sied d'un point de vue méthodologique de
procéder à une distinction des concepts qui seront
utilisés dans le présent document. Mais avant cela, il est utile
de préciser que la presse quotidienne écrite au Burkina Faso
concerne quatre journaux. Les plus importants en termes d'audience, de tirage
et de régularité dans leurs parutions sont les trois
suivants :
1. « L'observateur Paalga » : Organe
privé et premier quotidien national crée le 28 mai 1973. Entre
1984 et 1991, le journal a cessé de paraître suite à un
incendie motivé par des raisons politiques10(*).
2. « Sidwaya » : quotidien
gouvernemental crée le 5 avril 1984 sous la
« Révolution » du président Thomas Sankara
pour contrebalancer « L'observateur Paalga » tout en
offrant au régime en place un organe de communication et de propagande
politiques.
3. « Le Pays », a été
crée le 30 Octobre 1991 dans l'effervescence du vent de
démocratisation de l'après discours de la Baule11(*). C'est un organe privé
qui, semble être reconnu dans le paysage médiatique national comme
l'un des plus indépendants.
Chacun des ces trois journaux tirent en moyenne à
7 000 exemplaires journellement. Et chacun de ces journaux dispose d'une
version électronique publiée sur leurs sites Internet
respectifs.12(*)
Chapitre 1 : Distinctions
Les droits de l'homme sont des prérogatives
universellement reconnus à tout individu quelle que soit sa provenance
nationale. Ces droits inhérents à tout homme transcendent les
normes juridiques. L'ensemble de ces droits est consacré au niveau
international par un certain nombre de textes juridiques dont le socle est la
charte internationale des droits de l'homme. En rappel, la charte des droits de
l'homme est composée de la Déclaration Universelle des Droits de
l'Homme (1948), du Pacte international sur les droits civils et politiques
(1966) et ses deux protocoles facultatifs13(*) ainsi que du pacte international sur les droits
économiques, sociaux et culturels (1966). En plus de cette charte, on
compte de nombreux textes à vocation catégorielle :
convention contre la torture, convention internationales sur les droits des
enfants, convention internationale sur l'élimination des toutes les
discriminations à l'égard des femmes. Au niveau régional
également, on retrouve une déclinaison des outils internationaux.
Ainsi en Afrique on citera la CADHP, la charte africaine du bien être et
des droits de l'Enfant. Enfin, de nombreuses dispositions de ces instruments
internationaux ont été intégrées dans les ordres
juridiques nationaux. C'est le cas au Burkina Faso avec la constitution de
1991. Celle-ci renvoie clairement dans son préambule à la DUDH.
Mieux, elle contient avec des dispositions expressément
dédiées aux droits fondamentaux : droit à la vie,
interdiction de la torture des traitements inhumains cruels et
dégradants.
Au regard de ce qui précède, une violation des
droits de l'homme dans ce document renvoie à toute forme d'atteinte aux
droits fondamentaux protégés par la charte internationale des
droits de l'homme et les autres textes internationaux, régionaux ou
nationaux des droits de l'homme.
Quant à l'éthique, elle vient du terme grec
ethikos. L'éthique renvoie à des valeurs d'ordre moral
partagées au sein d'une communauté. Pour Daniel Cornu
« l'éthique peut être considérée comme
une instance supérieure à la morale car elle légitime les
fondements moraux eux-mêmes »14(*). Des auteurs comme Ruwen
Ogien15(*), ne font pas
de distinction entre les deux concepts que sont morale et éthique. Une
autre notion liée à l'éthique est la déontologie.
Etymologiquement, la déontologie vient de
déon (devoir) et logos (science). Elle se
définit comme « l'ensemble des devoirs inhérents
à l'exercice d'une activité professionnelle libérale le
plus souvent définis par un ordre
professionnel »16(*). La déontologie serait donc une
catégorie de règles éthiques spécifiques à
un corps de métiers. Elle se trouve très souvent inscrits dans un
code ou une charte comme la charte des journalistes du Burkina Faso de 1990.
Des définitions qui précèdent,
l'expression « éthique des droits de l'homme »
serait l'ensemble voire l'observance des principes et valeurs contenus dans les
instruments internationaux de protection des droits de l'homme comme le droit
à la vie, la dignité, l'égalité, la
non-discrimination, l'interdiction de la torture, des traitements inhumains,
cruels et dégradants, l'interdiction de l'esclavage... Dès lors,
rapportée aux publications de la presse écrite sur des cas de
violations des droits de l'homme, l'éthique repose sur un certain nombre
de principes. Pour le guide de l'animateur en surveillance et documentation des
violations des droits humains produit par le Programme Spécial Afrique
d'Amnesty International17(*), les principes de recherche applicables aux
violations des droits de l'homme sont : l'impartialité,
l'exactitude, la confidentialité et l'approche "sexospécifique"
autrement dit la prise en compte de la dimension genre.
Dans le cadre de la présente étude, deux
principes serviront de repères pour l'appréciation éthique
des écrits publiés par les journaux burkinabé relativement
à des cas d'atteinte des droits de l'homme. Pour la présente
recherche, l'analyse portera spécifiquement sur deux principes à
savoir l'impartialité et la promotion du respect des droits de l'homme.
Ces deux principes seront appréciés à travers le cas des
quotidiens d'informations générales paraissant au Burkina
Faso.
Dès lors comment interviennent ces principes d'ordre
éthique dans la relation que fait la presse écrite
burkinabé des cas de violations des droits de l'homme qu'elle est
amenée à publier ?
Chapitre 2 : L'impartialité et la promotion du respect des droits
de l'homme comme principes éthiques
2.1.
L'impartialité
L'impartialité est définie par Gérard
Cornu comme l'« absence de partie pris, de préjugé,
de préférence, d'idée préconçue, exigence
consubstantielle à la fonction juridictionnelle dont le propre est de
départager des adversaires en toute justice et
équité »18(*).
De cette définition, l'impartialité se rapproche
d'autres notions comme l'égalité, l'équité et la
non-discrimination qui sont des principes fondateurs des droits de l'homme.
Plus prosaïquement, l'impartialité décrirait une situation
sociale, juridique qui offre aux parties ou aux protagonistes en
présence, les mêmes chances dans un traitement particulier. C'est
pour cette raison, qu'en plus de l'indépendance, que le droit
international des droits de l'homme requiert19(*) des juridictions l'impartialité dans le
traitement des affaires Cette disposition est aussi exigée des autres
corps sociaux qui sont amenés à traiter des faits impliquant au
moins deux parties. Il est ainsi de l'administration publique voire des
organisations des droits de l'homme20(*) et aussi de la presse. Dans cette acception, le
concept d'impartialité apparaît comme le pendant nécessaire
aux principes d'égalité, de non discrimination qu'il contribuer
à fonder. Quel peut être le contenu de l'égalité et
de la non discrimination en dehors de l'impartialité dans le traitement
des individus en tant que sujet de droit ?
C'est sans doute pour cette raison que la Déclaration
sur les principes fondamentaux concernant la contribution des organes
d'information au renforcement de la paix et de la compréhension
internationale, à la promotion des droits de l'homme et à la
lutte contre le racisme, l'apartheid et l'incitation à la guerre du 28
novembre 1978 affirme en son article 5 que « Pour que soit
respectée la liberté d'opinion, d'expression et d'information, et
afin que l'information reflète tous les points de vue, il est important
que soient publiés les points de vue présentés par ceux
qui considéreraient que l'information publiée ou diffusée
à leur sujet a gravement porté préjudice à l'action
qu'ils déploient en vue de renforcer la paix et la compréhension
internationale et de promouvoir les droits de l'homme, ou de lutter contre le
racisme, l'apartheid et l'incitation à la guerre ».
Egalement, les chartes de déontologie des journalistes promeuvent une
approche impartiale dans le traitement des faits. Ainsi l'article 8 de la
charte des devoirs professionnels des journalistes français de 1918,
édicte qu'il faut « recueillir tous les points de vue
nécessaires. A cet effet, un contact est recherché avec les
principales parties concernées par une affaire traitée par le
journal, dans le souci de recueillir leur point de vue et de traiter
l'information de manière équitable ». Cet esprit est
aussi précisé dans le code des principes de journalisme de
Belgique. « Les faits doivent être recueillis et
rapportés avec impartialité »21(*) dit-il. Pour la charte du
journaliste burkinabé de 1990, l'article 8 dit que
celui-ci « doit éviter à tout prix de verser dans
la partialité et l'esprit partisan».
De ces textes, on perçoit l'importance de
l'impartialité dans le processus du traitement éthique de
l'information par les journalistes.
Au-delà de l'éthique, l'impartialité
conditionne un traitement pluraliste de l'information au sens où elle
permet la prise en compte des opinions et points de vue des parties en
impliquées dans le fait relaté. Or, le pluralisme, du moins son
expression est un principe intimement lié à la démocratie,
un gage de la liberté d'expression voire de la liberté tout
court. C'est dans ce sens que dans certains systèmes juridiques,
l'approche pluraliste de l'information a acquis le statut de principe de valeur
constitutionnelle22(*) de
garantie du droit du citoyen à l'information.
Si l'impartialité est admise comme un principe
éthique en matière de droit de l'homme et aussi comme un devoir
pour le journaliste, qu'en est-il de la promotion du respect des droits de
l'homme?
2.2. La promotion du respect des
droits de l'homme par la presse écrite
La liberté d'expression en tant que liberté
fondamentale est une prérogative reconnue à tout individu. Comme
droit, elle reste toutefois assujettie au principe selon lequel qui veut que sa
limite soit là où elle empiète sur d'autres
libertés et droits. De ce point de vue, l'exercice de la liberté
de presse fait donc obligation à celui qui en jouit de respecter les
autres droits fondamentaux. C'est dans ce sens que doit être comprise la
dernière disposition de la DUDH, en l'occurrence l'article 30. Celui-ci
dit clairement qu' « aucune disposition de la
présente Déclaration ne peut être interprétée
comme impliquant, pour un Etat, un groupement ou un individu, un droit
quelconque de se livrer à une activité ou d'accomplir un acte
visant à la destruction des droits et libertés qui y sont
énoncés ». Une restriction générale
semblable est également reconnue par le PIDCP de 1966. L'article 46 de
cette convention dit qu'« Aucune disposition du présent Pacte
ne doit être interprétée comme portant atteinte aux
dispositions de la Charte des Nations Unies et des constitutions des
institutions spécialisées qui définissent les
responsabilités respectives des divers organes de l'Organisation des
Nations Unies et des institutions spécialisées en ce qui concerne
les questions traitées dans le présent Pacte. »
De la lecture de ces dispositions, on constate que la
jouissance d'un droit reconnu par les textes fondateurs - fusse t'il lié
à la libre expression des opinions - n'autorise pas l'atteinte aux
autres. Dès, lors l'exercice de la liberté de presse doit se
faire en respectant droits de l'homme, leurs caractères
inaliénable, indivisible, interdépendant et universel.
Si donc du point de vue juridique, la jouissance de la
liberté de presse fait corps avec le respect des autres droits, au point
de vue pratique, ce lien se justifie également. En effet, la presse en
tant que vecteur, moyen de médiatisation de la pensée joue un
grand rôle dans la formation des façons de faire, d'agir et de
sentir des hommes pris individuellement et des sociétés. Dans nos
pays, il n'est pas rare d'entendre dire « je l'ai lu dans le
journal » pour affirmer que l'information est fondée,
crédible. Car, comme le reconnaît à juste titre Dreyer,
« ce que le message, nécessairement impersonnel, perd de force
de conviction immédiate est compensé par l'élargissement
de son champ de diffusion »23(*).
Pour mémoire, on se rappellera du rôle qu'ont
joué les « médias de la haine » dans le
déclenchement puis dans l'envenimement des tueries interethniques lors
du génocide survenu au Rwanda en 1994.
De ce qui précède, la presse a donc une fonction
qui est consubstantielle au droit qui le protège. La liberté de
la presse ne saurait détruire les autres libertés sans risque de
se détruire elle même. La presse a donc une responsabilité
sociale de laquelle elle ne peut se départir au risque de mettre en
péril les droits fondamentaux. Il lui incombe comme une obligation
découlant de son droit à la libre expression un respect rigoureux
des droits l'homme et partant une promotion effective du respect des droits de
l'homme. La résolution 59(I) de l'Assemblée
générale des Nations Unies, adoptée en 1946,
déclare à ce sujet : " La liberté de l'information est un
droit fondamental de l'homme et la pierre de touche de toutes les
libertés à la défense desquelles se consacrent les Nations
Unies... La liberté de l'information exige nécessairement que
ceux qui jouissent de ses privilèges aient la volonté et le
pouvoir de ne pas en abuser. L'obligation morale de rechercher les faits sans
préjuger et de répandre les informations sans intention
malveillante constitue l'une des disciplines essentielles de la liberté
de l'information. .. ».
Même dans les cas où il apparaîtrait un
conflit éventuel entre cette liberté de presse et d'autres droits
garantis, il peut être fait appel au principe de la fondamentalité
du droit en cause, de son caractère dérogeable ou non en droit.
Certains droits étant reconnus comme indérogeables (droit
à la vie, interdiction de la torture, des traitements cruels, inhumains
et dégradants, interdiction de la torture), ils doivent être
respectés, protégés en toute circonstance. Dans le cas de
la Belgique par exemple, le code des principes de journalisme de Belgique met
le respect des droits fondamentaux au coeur des règles. Il érige
en devoir le respect de la dignité humaine. Ce texte prévoit
d'ailleurs qu'en cas de conflit entre la liberté d'expression et
d'autres droits fondamentaux, « il appartient aux éditeurs et
rédacteurs en chef, après consultation de tous les journalistes
intéressés, de décider, sous leur seule
responsabilité, du droit auquel ils accordent la
priorité ». De là, on perçoit clairement la
responsabilité personnelle des hommes de médias qui, dans le cas
de conflit entre deux droits fondamentaux, auraient contrevenu à l'un
des ceux-ci. Donc liberté de presse et respect des droits de l'homme
sont définitivement liés. Et, le professeur Serge
Théophile Balima de l'université de Ouagadougou (Burkina Faso)
d'affirmer que le journaliste professionnel défend quatre valeurs
fondamentales liées à la liberté d'expression ; la
première étant relative au respect de la vie humaine, de la
justice et du droit de la personne24(*).
A partir de cette théorisation sur la relation entre
liberté de presse et éthique des droits de l'homme, il serait
intéressant d'aborder la question d'un point de vue pratique :
celui des quotidiens de la presse écrite au Burkina Faso, lorsqu'ils
publient des informations ayant un rapport avec des atteintes aux droits
fondamentaux.
Chapitre 3. L'éthique des droits de l'homme dans la pratique de la
presse
Au Burkina Faso, on peut d'emblée, dire de façon
absolue (péremptoire) que la presse participe de la promotion de
l'éthique des droits de l'homme. Sa simple existence plurielle peut
déjà être considérée comme un gage d'exercice
de la liberté de d'expression - pendant indissociable - de l'Etat de
droit. Lorsqu'on lit la presse écrite burkinabé on y lit
régulièrement les messages provenant des organisations et
institutions de promotion et de protection des droits de l'homme ainsi que des
articles sur les manifestations de celles-ci. Ces messages sont publiés
à titre onéreux et le plus souvent gratuit. Ainsi, les
conférences, les ateliers et séminaires, les actions de lobbying
relatives à la promotion des droits des l'homme paraissent
régulièrement dans la presse écrite. Parfois, il s'agit de
cas de violations présentés par les services de police ou de
l'action sociale comme ceux relatifs aux mutilations génitales
féminines, aux mariages forcés et/ou précoces, à la
maltraitance d'enfants ...
Le plus important à noter est qu'au delà des
publications suscitées de tiers, il y a quelques fois, l'intervention
autonome des organes de presse pour dénoncer des cas de violations des
droits fondamentaux. Autrement dit, sans avoir été
expressément sollicités, il arrive que des journaux publient de
leur propre chef des violations aux droits de l'homme. Ce fut le cas par
exemple du journal « l'Observateur Paalga » qui publiait en
juillet 2007, un article sur une orpheline objet de traitements
inhumains25(*). Il
s'agissait, en fait, d'une fillette d'une douzaine d'années née
avec des malformations aux membres. Elle marchait de ce fait à quatre
pattes. Comme la mère de la fillette est morte quelque temps
après sa naissance, celle-ci est - dans la représentation locale
- perçue comme une enfant maléfique. En conséquence, elle
n'avait pas droit aux mêmes égards que les humains. La fille
« Wendemi », gîtait dans une sorte de niche de chien,
jusqu'au jour où l'article du journal révéla son cas. Il
s'en est suivi des réactions dont la plus importante fut la
décision du Ministère de l'Action Sociale et de la
Solidarité du Burkina Faso de prendre totalement en charge la victime.
Alors on peut se demander de ce que serait devenue cette victime innocente sans
le travail de promotion du respect du droit fondamental à la
dignité et à la vie qu'a fait « l'Observateur
Paalga » ?
Prenons également cet autre exemple du quotidien
« Sidwaya ». L'article, publié le 20 août
2007, fait suite à une demande de pardon consécutivement à
des violences que des militaires ont fait subir à des populations
civiles dans la ville de Dédougou26(*). En l'absence de poursuites judiciaires contre les
militaires fautifs, le journaliste signataire de l'écrit conclut en se
demandant ceci : « Doit-on supposer que les militaires qui ont
bastonné les populations ont été sanctionnés ou les
a-t-on tolérés en vue de sévir rigoureusement la prochaine
fois ? Il serait superfétatoire de croire que l'on peut "chicoter"
impunément des gens et leur demander pardon sans aucune justice ni
assurance. Et puis, et les affrontements entre militaires et civils à
Ouahigouya [une autre ville du Burkina Faso] ?»27(*).
Ici, le quotidien alerte l'opinion publique sur le risque de
l'impunité des violences récurrentes que font subir les
militaires aux civils.
Même sans faire de dénonciation
systématique, on peut avancer que quel que soit le traitement que la
presse écrite au Burkina Faso fait des cas de violations des droits de
l'homme, le simple fait de publier ces atteintes peut être
considéré comme une participation à leur
révélation. Ceci est d'autant important que dans le processus de
protection des droits de l'homme, le dévoilement, la publication des
situations attentatoires fonctionne comme le préalable à toute
action protectrice. Il est pratiquement impossible d'agir pour des droits
violés quand les faits ne sont pas connus. C'est en cela que la presse
est aussi réputée comme une des sources pour la connaissance des
infractions pour leurs éventuelles poursuites par le ministère
public28(*). Vue sous cet
angle, la presse burkinabé peut être considérée
comme une véritable sentinelle des droits de l'homme. Du reste, c'est
sur la base d'articles publiés par ces organes que la présente
recherche tire sa substance.
Pour revenir aux questions d'éthique des droits de
l'homme, on peut se demander si au delà de cette fonction de
dévoilement, de dénonciation, le traitement des situations
d'atteintes aux droits de l'homme tels qu'il est fait par la presse
écrite respecte toujours l'éthique des droits de l'homme à
travers l'observance de l'impartialité et de la promotion du respect des
droits de l'homme ?
La réponse à cette question, au regard de
l'analyse d'un certain nombre d'écrits peut revêtir une forme
affirmative comme nous l'avons montré plus haut mais elle peut aussi
être totalement négative.
Parlant de la presse en Afrique de façon
générale, le rapport final de la conférence africaine sur
« Le journalisme et les droits de l'homme en Afrique » -
cité par Réné Dégni Ségui29(*) - reconnaissait que
« la presse en Afrique souffre de liberté d'expression et
d'une information impartiale et objective comme c'est le cas dans la plupart
des pays du tiers monde » ».
La presse au Burkina Faso ne fait pas exception à ce
constat général. Les principes éthiques souffrent d'une
certaine inobservance par les publications de la presse écrite traitant
des atteintes aux droits de l'homme.
Pour apprécier le rôle équivoque de la
presse dans la révélation des violations, en voici des morceaux
choisis. La période de référence des articles
analysés se situe entre 2006 et mai 2008.
Dans sa livraison du 2 Novembre 2006, le quotidien national
Sidwaya30(*) publiait un
article signé par Aké Loba Lankoandé. L'article faisait
suite à des exécutions extrajudiciaires de présumés
« coupeurs de route ». Voilà un extrait de ce qui
était écrit : «Il convient de saluer à sa juste
valeur le courage et la bravoure des agents de la sécurité qui,
malgré la modestie des moyens mis à leur disposition sont
arrivées à mettre hors d'état de nuire le gang de Djolgou
Yarga ». Déjà en titre on lisait « Le gang de
Djolgou Yarga hors d'état de nuire». Or il se trouve que
Djolgou Yarga était un conseiller municipal d'un parti d'opposition. Il
a été établi qu'il avait été
arrêté par la police avant que sa famille ne découvre son
corps après. En conséquence, la famille a usé de son droit
de réponse pour dénoncer l'exécution extrajudiciaire de
leur parent. Mais, en dépit de la publication de ce droit de
réponse de la famille de la victime dans la parution du même
journal en date du 17 novembre, la rédaction sous une NLDR31(*) écrivait qu'elle ne
reprochait rien à son correspondant sur cette affaire. Du reste, il a
été, plus tard, établi, par des enquêtes internes de
la police ainsi que des rapports circonstanciés, que Djolgou Yarga et
ses compagnons d'infortune étaient des innocents qui avaient
été sommairement abattus par la police après avoir
été ligotés32(*).
Dans un autre quotidien, à savoir cette fois-ci,
« Le pays ». Dans l'édition du 15 juin 2007, on
pouvait lire sous le titre « Un voleur
téméraire » ceci : « ... Il avait
à peine bougé avec son butin qu'il fut rattrapé par la
foule. Il fut lynché jusqu'à ce que mort s'en suive, puis
balancé dans un caniveau. La scène s'est passée la semaine
dernière à Ouaga 2000 aux environs de 20 h. Les voleurs sont
assurément de plus en plus téméraires et rien ne les
arrêtera. Pas même la colère des foules ».
Quand au journal « L'observateur Paalga »,
il publiait en fin août 2006, dans sa rubrique « faits
divers » la mort en détention d'un présumé
délinquant à Bobo Dioulasso. L'article signé de Jonas
Apollinaire Kaboré a été écrit sur la base d'une
conférence de presse donnée par le Service régional de la
Police Judiciaire (SRPJ) de Lafiabougou. Le titre est sans équivoque
« Lutte contre le grand banditisme : le tueur de Colma meurt
dans sa cellule 33(*)». Le texte commence par une interrogation qui ne
laisse aucun doute sur la position de l'auteur en ce qui concerne cette mort
d'homme : « Pouvait-il en être autrement pour cet
individu qui, à l'évidence n'avait aucun respect pour la vie
humaine et qui avait à son actif cinq morts ? »
Dans les extraits ci-dessus, il apparaît clairement
qu'en plus de propos apologétiques de crimes qu'ils expriment, ces
articles tout en révélant des violations aux droits de l'homme,
des tueries en l'espèce, portent atteinte à ces mêmes
droits ainsi qu'aux valeurs qui y sont contenues. Sont ainsi bafoués
pour ne citer que ceux ci :
· Le manquement le plus grave car justifiant, à
certains égards, les autres violations des droits de l'homme est la
présomption d'innocence. C'est un principe fondamental qui
établit que toute personne accusée d'un fait est
réputée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité
soit établie par une décision juridictionnelle même si
cette personne fait l'objet d'une poursuite pénale. La
présomption d'innocence est reconnue par la charte internationale des
droits de l'homme ainsi que par la charte africaine des droits de l'homme et
aussi le code de procédure pénale. Dans l'ensemble des articles
cités en exemple, aucun des auteurs n'a posé la question
légitime, quasi évidente, de savoir si les suppliciés
étaient coupables. Et même s'ils l'étaient, est-ce que le
sort qui devait leur être réservé était la mort
extrajudiciaire ou la procédure légalement établie au
Burkina Faso. Ni Djolgou Yarga et ses compagnons, ni « le voleur
téméraire » encore moins « le tueur de
Colma » n'auront jamais l'occasion d'être entendus par le juge
seul compétent pour décider de leur culpabilité. Pour la
presse, leur culpabilité a été déjà
reconnue.
· Un autre droit violé par les faits
relatés est le droit intangible à la vie et à
l'intégrité physique. Ce droit est protégé par
l'article 2 de la constitution du Burkina Faso, l'article 4 de la charte
africaine des droits de l'homme et des peuples, l'article 3 (o) de l'acte
constitutif de l'Union africaine qui proclame « le respect du
caractère sacro-saint de la vie humaine ». Aucun des textes ne
s'indigne de la mort ainsi infligée à des hommes, fussent-ils des
délinquants. Au contraire !
· Le droit à la justice, le droit à
l'égalité de même que l'impartialité dans le
traitement de l'information sont, dans ces publications, autant de principes et
de valeurs des droits de l'homme qui sont ainsi foulés au pied. Ainsi,
par exemple, les versions données dans les écrits
reflètent toujours celle d'une partie ou de la même position. Pour
le cas du « tueur de Colma », quelle a été la
version des codétenus, des présumées victimes ? Les
victimes ont' ils formellement identifié le présumé
délinquant comme étant leur agresseur ? Le suicide est-ile
fondé ? Au quel cas, quelles sont les mesures prises pour que de
pareilles morts ne surviennent plus dans les lieux de détention ?
Autant de questions dont les réponses auraient permis aux articles
publiés d'être en plus en phase avec les valeurs des droits de
l'homme.
A partir de ces quelques extraits de publications parues dans
la presse écrite au Burkina Faso, on perçoit clairement que
contrairement à son rôle de dénonciation, de promotion du
respect des droits de l'homme que l'on attend légitimement d'elle, il
arrive que les médias fassent totalement fi de ces droits fondamentaux,
s'ils n'y portent pas directement atteinte.
Dès lors se pose la question de savoir s'il existe un
système ou des systèmes de garantie éthique de
l'intervention de la presse dans le champ des droits de l'homme, du moins dans
la relation de leur violation ? De façon plus
générale, quelles sont les dispositions applicables en
matière de respect de l'éthique des droits fondamentaux par la
presse ? Et quelles peuvent être leurs limites ?
Deuxième partie : Les systèmes de garantie de
l'éthique des droits de l'homme par la presse au Burkina Faso
Les systèmes juridiques de garantie des droits de
l'homme pour être efficaces et effectifs reposent sur deux facteurs
complémentaires et indissociables. Il s'agit d'une part, des textes
applicables et d'autre part des organes de contrôle de
l'effectivité de l'application desdits textes. Les textes renvoient aux
dispositions réglementaires, légales, à loi. Ils sont
souvent regroupés sous les termes d'outils ou d'instruments juridiques.
Quant aux organes de contrôle, ils désignent toute sorte de
mécanisme de nature juridictionnelle ou quasi-juridictionnelle ou encore
non juridictionnelle mis expressément en place pour surveiller
l'application effective d'un texte particulier.
Il s'agira, ici, de faire le point des instruments applicables
aux questions éthiques liées aux publications de la presse
écrite relatifs aux violations des droits fondamentaux ainsi que leurs
mécanismes de leur garantie.
Chapitre 1. Les outils
La liberté de presse est reconnue comme une des
libertés fondamentales. Elle est en ce sens consacrée par un
ensemble d'instruments juridiques relatifs aux droits de l'homme et aux
libertés fondamentales. Egalement, la liberté de presse se
trouve encadrée par des textes non juridiques ; des textes faisant
référence en l'occurrence à des valeurs d'ordre
éthique. De cet état de fait, on peut dire que la jouissance et
l'effectivité de la liberté de presse se trouvent doublement
contrôlées : au niveau juridique et au niveau éthique.
Les garanties de la liberté de presse renvoient donc aux systèmes
juridiques c'est-à-dire à l'articulation de textes juridiques et
à un corpus de valeurs d'ordre moral ; l'ensemble assorti ou non de
mécanismes de leur contrôle.
1.1. La garantie de la
liberté de presse au niveau juridique
Les outils de garantie, de protection des droits liés
à la liberté d'expression et par delà la liberté de
presse peuvent se classer au triple niveau international, régional et
national. Il est, toutefois, important de souligner que sur le plan du droit,
la liberté de la presse n'est pas souvent littéralement inscrite
dans les textes qui la consacrent. Elle se trouve associée à la
liberté d'expression dont elle est une traduction.
1.1.1. Les textes
internationaux
Les textes internationaux de garantie juridique de la
liberté de presse sont comme décrits ci-dessous.
1.1.1.1. La Déclaration
universelle des droits de l'homme
La déclaration universelle des droits de l'homme
constitue l'instrument juridique de base de portée internationale sur
les droits de l'homme. Rédigée dans la dynamique des textes
précurseurs des droits de l'homme comme la déclaration des droits
de l'homme et du citoyen de 1789, la déclaration d'indépendance
des Etats-Unis et de l'habeas corpus entre autres, la DUDH a été
adoptée le 10 décembre 1948 par l'assemblée
générale des Nations Unies dans sa résolution 217 A (III).
En tant qu'elle est une résolution de l'assemblée
générale, la déclaration de 1948 n'a pas force obligatoire
pour la communauté internationale des Etats. Toutefois, bien que de
portée déclaratoire, cet instrument constitue le socle des droits
fondamentaux. Dès son préambule, la DUDH reconnaît
implicitement l'importance de la diffusion des valeurs des droits de l'homme
dans le processus historique de promotion et de protection de ceux-ci. Car il y
est reconnu que c'est « la méconnaissance et le mépris
des droits de l'homme [qui] ont conduit à des actes de barbarie qui
révoltent la conscience de l'humanité et que l'avènement
d'un monde où les êtres humains seront libres de parler et de
croire, libérés de la terreur et de la misère, a
été proclamé comme la plus haute aspiration de
l'homme ». On peut en déduire que la garantie effective des
droits de l'homme passe entre autres par une large diffusion de ceux-ci par les
moyens de communication y compris la presse. Car plus les droits des individus
sont connus par leurs détenteurs, il devient plus difficile de les
violer. Concernant plus spécifiquement, la liberté de la presse,
le texte de la DUDH l'a consacré à travers son article 19 en
stipulant que « Tout individu a droit à la liberté
d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être
inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et
de répandre, sans considérations de frontières, les
informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce
soit».
Il est ainsi admis, les droits pour chaque individu de pouvoir
chercher des informations et de les répandre par tout moyen. Ceci sans
restrictions explicites autres que celles prévues par la disposition
finale de la DUDH à savoir l'article 30 qui dit
qu' « aucune disposition de la présente
Déclaration ne peut être interprétée comme
impliquant, pour un Etat, un groupement ou un individu, un droit quelconque de
se livrer à une activité ou d'accomplir un acte visant à
la destruction des droits et libertés qui y sont
énoncés ». De la lettre de cette disposition, s'il
existe une liberté d'expression et partant une liberté de presse
proclamée, la jouissance de ces droits ne saurait aucunement induire un
droit pour la remise en question des droits de l'homme inscrits dans la DUDH.
En d'autres termes la liberté de presse se limite là où
elle risque de porter atteinte aux droits de l'homme.
1.1.1.2. Le pacte international
relatif aux droits civils et politiques
Le pacte international relatif aux droits civils et politiques
constitue avec le pacte international sur les droits économiques,
culturels et sociaux, un des premiers traités internationaux des droits
de l'homme inspirés de la DUDH ayant force obligatoire pour les Etats
qui y sont parties. Le PIDCP constitue donc à certains égards une
reprise des principes de la DUDH dans un instrument opposable aux Etats qui
l'ont signé. Cette convention a été adoptée le 16
décembre 1966. Elle est entrée en vigueur le 23 mars 1976. Le
texte - comme son nom l'indique porte sur les droits civils et politiques dont
fait partie la liberté de presse. En ce qui concerne cette
liberté, sa garantie est prévue par l'article 19 du pacte.
Celui-ci reconnaît que « 1. Nul ne peut être
inquiété pour ses opinions. 2. Toute personne a droit à la
liberté d'expression ; ce droit comprend la liberté de chercher,
de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute
espèce, sans considérations de frontières, sous une forme
orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de
son choix. 3. L'exercice des libertés prévues au paragraphe 2 du
présent article comporte des devoirs spéciaux et des
responsabilités spéciales. Il peut en conséquence
être soumis à certaines restrictions qui doivent toutefois
être expressément fixées par la loi et qui sont
nécessaires : a) au respect des droits ou de la réputation
d'autrui ; b) à la sauvegarde de la sécurité nationale, de
l'ordre public, de la santé ou de la moralité
publiques ».
Ici, la liberté de presse est clairement reconnue comme
une liberté d'expression. Tout individu peut rechercher, recevoir,
répandre des informations sous forme écrite ou imprimée
est-il précisé. Toutefois, à la différence de la
DUDH, la liberté d'expression et par conséquent la liberté
de presse fait ici l'objet de restrictions particulières pour son
exercice. On pourrait dire, à cet effet, que la DUDH est
généreuse en ce qui concerne cette liberté fondamentale. A
contrario, le PIDCP dans sa disposition applicable à l'espèce,
des dérogations sont précisées. Ces restrictions bien que
prévues doivent cependant obéir à trois exigences. Elles
doivent pour être applicables :
1. être légales c'est-à-dire
prévues par la loi au sens où nullem crimen sine
lege ;
2. être nécessaires au respect des droits ou de
la réputation d'autrui ;
3. être nécessaires à la sauvegarde de la
sécurité nationale, de l'ordre public, de la santé ou de
la moralité publiques ;
En définitive, si le PIDCP reconnaît la
liberté de presse, elle y associe des limites ayant pour but le respect
des principes fondamentaux des droits de l'homme.
Egalement à la différence de la DUDH, le PIDCP
dispose d'un organe de contrôle. Il s'agit du comité des droits de
l'homme des Nations Unies. C'est un organe de recours institué par le
protocole facultatif au pacte de 1966. Les articles premier et deux du
protocole font obligation aux Etats signataires au pacte de reconnaître
la compétence de cet organe en ce qui concerne la connaissance des
communications (ou plaintes) émanant de particuliers s'estimant victimes
de violation par un Etat partie d'une des dispositions du pacte. La
recevabilité des communications n'est toutefois possible qu'après
épuisement des recours dans l'ordre juridique interne.
1.1.1.3. Les textes
internationaux spécifiques
Outre les instruments internationaux de portée
générale sur la question des droits de l'homme, la liberté
de presse a fait l'objet d'un ensemble de textes internationaux
spécifiques. Les principaux dans ce domaine sont :
· La convention relative au droit international de
rectification des Nations unies (résolution 630(VII) du 16
décembre 1952). Cette convention est entrée en vigueur le 24
août 1962. La convention vise à promouvoir le rôle de la
presse dans la sauvegarde des droits fondamentaux et de la paix dans la
coopération interétatique en établissant pour les Etats
des droits de réponse internationale.
· La déclaration sur les principes fondamentaux
concernant la contribution des organes d'information au renforcement de la paix
et de la compréhension internationale, à la promotion des droits
de l'homme et à la lutte contre le racisme, l'apartheid et l'incitation
à la guerre. La déclaration a été adoptée le
28 novembre 197834(*).
Elle vise à promouvoir la participation de la presse à la
promotion des droits de l'homme et de la paix entre les peuples de façon
plus générale.
· La résolution 1995/40 de la Commission des
droits de l'homme du 3 mars 1995 sur le droit à la liberté
d'opinion et d'expression. Cette décision reconnaît le
caractère central de la liberté de presse dans le domaine de
droits de l'homme.
· La Déclaration sur le droit et la
responsabilité des individus, groupes et organes de la
société de promouvoir et protéger les droits de l'homme et
les libertés fondamentales universellement reconnus : elle est a
été adoptée par l'Assemblée générale
des Nations Unies dans sa résolution 53/144 du 9 décembre 1998.
Elle dit dans son article 11 que « Chacun a le droit,
individuellement ou en association avec d'autres, d'exercer son occupation ou
sa profession conformément à la loi. Quiconque risque, de par sa
profession ou son occupation, de porter atteinte à la dignité de
la personne humaine, aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales
d'autrui doit respecter ces droits et libertés et se conformer aux
normes nationales ou internationales pertinentes de conduite ou
d'éthique professionnelle ».
Comme on le constate ici, les textes de portée
spécifique en matière de liberté de presse sont en grande
partie de type déclaratoire donc non contraignants pour les Etats.
1.1.2. Les textes
régionaux
Les instruments juridiques régionaux relatifs à
la liberté de presse renvoient aux traités adoptés au
niveau régional par les organisations intergouvernementales. On en
dénombre essentiellement trois, au niveau européen, au niveau
africain et au niveau américain. Celui qui est applicable dans
l'espèce présente est la charte africaine des droits de l'homme
de 1986.
1.1.2.1. Le cadre africain
Au niveau africain, le texte de référence en
matière de liberté de presse est la charte africaine des droits
de l'homme et des peuples. Adoptée le 12 juillet 1981 par les Etats
membres de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA) devenue Union
Africaine34(*) depuis
2000, cette convention régionale est entrée en vigueur le 21
octobre 1986. Elle est au plan africain, la norme internationale des droits de
l'homme. L'une des particularités qu'on reconnaît à ce
texte est qu'il a prévu à coté des droits, des devoirs
incombant aux individus.
A l'instar des textes internationaux, la charte africaine
proclame la liberté d'expression. Elle dispose dans son article 9 que
« Toute personne a droit à l'information. Toute personne a
le droit d'exprimer et de diffuser ses opinions dans le cadre des lois et
règlements en vigueur ».
Dans la charte Africaine des droits de l'homme, il n'est pas
prévu des clauses dérogatoires spécifiques à la
liberté d'expression qui fonde celle de la presse. Il est seulement
précisé que cette liberté doit être exercée
dans le cadre des lois et règlements. Autrement dit, la jouissance de ce
droit doit être faite en conformité avec les dispositions
légales en vigueur dans le ressort d'exercice de cette liberté.
A la différence des textes internationaux
généraux sur les droits de l'homme, la charte africaine introduit
la notion de devoirs. Dans cette perspective, elle soumet dans son article 27.2
la jouissance des droits et partant ceux relatifs à la liberté de
la presse au « respect du droit d'autrui, de la
sécurité collective, de la morale et de l'intérêt
commun ». Il ne s'agit donc pas d'une restriction spécifique
à la liberté de presse mais d'une limitation valable pour
l'ensemble des droits garantis par la charte.
Ce vide de l'article 9 de la CADHP, semble toutefois,
être comblé par la Déclaration de principes sur la
liberté d'expression en Afrique adoptée par l'Union Africaine en
2002. Ce texte dispose dans son article 13 des mesures pénales ainsi
qu'il suit : « 1. Les Etats doivent revoir toutes les
restrictions pénales sur le contenu en vue de s'assurer qu'elles servent
un intérêt légitime dans une société
démocratique. 2. La liberté d'expression ne devrait pas
être restreinte pour des raisons d'ordre public ou de
sécurité nationale, à moins qu'il n'existe un risque
réel de menace imminente d'un intérêt légitime et un
lien causal direct entre la menace et l'expression ».
Pour garantir l'exercice de la liberté de presse et des
autres droits contenus dans la charte, il a été
créé une commission et une cour africaines des droits de l'homme.
Cette dernière a été instituée par le protocole du
9 juin 1998 adopté à Ouagadougou, au Burkina Faso. Egalement, un
rapporteur spécial sur la liberté de la presse a
été institué en 2005 par l'Union Africaine.
La cour et la commission africaines des droits de l'homme sont
réputées recevoir les communications émanant d'individus
victimes d'une violation de la convention. Dans la réalité, ces
organes restent peu actifs au regard de la forte implication des organes
politiques dans leur fonctionnement. Pour ce qui est de la Cour par exemple,
les juges sont désignés par leurs Etats. Ce qui fait douter
certains spécialistes des droits de l'homme africains35(*), du pouvoir réel de cet
organe judiciaire formulé à l'image de la cour européenne
des droits de l'homme.
1.1.2.2. Les autres cadres
régionaux
A coté des instruments africains, il existe d'autres
normes régionales applicables en matière de liberté de la
presse. Il s'agit de la CEDH et de la convention américaine relative aux
droits de l'homme. Il est important d'aborder ces textes notamment la CEDH. En
effet, le système européen représente le système
modèle en matière de garantie des droits de l'homme. Mieux,
l'interprétation que sa cour fait des instruments internationaux,
influence grandement la jurisprudence en matière du droit international
des droits de l'homme.
Au niveau européen, l'instrument international de
référence en matière des droits de l'homme est la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales. Ce traité a été
adopté le 4 novembre 1950. Il est entré en vigueur le 3 septembre
1953 et compte à ce jour 47 Etats signataires. L'article 10 de cet
instrument stipule que « 1. Toute personne a droit à la
liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et
la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des
idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités
publiques et sans considérations de frontières. Le présent
article n'empêche pas les États de soumettre les entreprises de
radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un
régime d'autorisations. 2. L'exercice de ces libertés comportant
des devoirs et des responsabilités peut être soumis à
certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions
prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans
une société démocratique, à la
sécurité nationale, à l'intégrité
territoriale ou à la prévention du crime, à la protection
de la santé ou de la morale, à la protection de la
réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation
d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et
l'impartialité du pouvoir judiciaire ».
La liberté de presse est reconnue comme liberté
fondamentale au niveau européen avec toutefois des clauses
dérogatoires. Ainsi, les restrictions possibles à la
liberté de presse sont indiquées. Elles doivent obéir aux
critères suivants :
1. être prévues par la loi,
2. protéger l'un des intérêts ou
valeurs suivants :
a. la sécurité nationale,
b. l'intégrité territoriale ou à la
prévention du crime,
c. la protection de la santé ou de la morale,
d. la protection de la réputation ou des droits
d'autrui,
e. empêcher la divulgation d'informations
confidentielles
f. l'impartialité du pouvoir judiciaire.
3. enfin, constituées des mesures
nécessaires dans une société démocratique,
En plus de ces restrictions, pour la commission
européenne, l'exercice de la liberté d'expression peut faire
l'objet d'une ingérence de la puissance publique36(*) en vertu de l'article 17 de la
convention européenne. Cet article dit qu' « Aucune des
dispositions de la présente Convention ne peut être
interprétée comme impliquant pour un Etat, un groupement ou un
individu, un droit quelconque de se livrer à une activité ou
d'accomplir un acte visant à la destruction des droits ou
libertés reconnus dans la présente Convention ou à des
limitations plus amples de ces droits et libertés que celles
prévues à ladite Convention. »
Comme pour le PIDCP, la convention européenne dispose
d'un organe de contrôle. Mais dans le cas européen, le
mécanisme de contrôle est de type juridictionnel au sens où
ses décisions sous forme d'arrêt ont un caractère juridique
contraignant. Elles sont revêtues de l'autorité de la chose
jugée. La cour européenne est compétente pour
connaître des plaintes individuelles relativement aux violations des
droits promus par la convention. Ceci, une fois les recours juridiques internes
épuisés.
Dans la convention européenne, la liberté de
presse n'est pas expressément visée mais l'interprétation
de cette convention ne peut-être dissociée de la jurisprudence de
la cour; ses arrêts ayant force obligatoire. Ainsi dans les arrêts,
Castells c/ Espagne, 1992 et Prager et Oberschlick c/ Autriche, 1995, la Cour
rappelle que le rôle éminent que joue la presse dans un Etat de
droit. Elle ajoute dans une autre affaire (Lingens, 1986) que
« si [la presse] ne doit pas franchir les bornes fixées en
vue, notamment, de la « protection de la réputation d'autrui
», il lui incombe néanmoins de communiquer des informations et des
idées sur les questions débattues dans l'arène politique,
tout comme sur celles qui concernent d'autres secteurs d'intérêt
public. A sa fonction qui consiste à en diffuser s'ajoute le droit, pour
le public, d'en recevoir ».
En ce qui concerne les Etats américains, l'instrument
régional de garantie des droits de l'homme est la Convention
américaine pour la protection des droits de l'homme. Elle a
été adoptée le 22 novembre 1969 et est entrée en
vigueur le 18 juillet 1978. La convention contient un ensemble de dispositions
relatives à la promotion et à la sauvegarde des droits des
fondamentaux.
Pour ce qui est spécifiquement de la liberté de
presse, la convention américaine dit en son article 13 que
« 1. Toute personne a droit à la liberté de
pensée et d'expression ; ce droit comprend la liberté de
chercher, de recevoir et de répandre des informations et des
idées de toute espèce, sans considérations de
frontières, que ce soit oralement ou par écrit, sous une forme
imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix. 2.
L'exercice du droit prévu au paragraphe précédent ne peut
être soumis à aucune censure préalable, mais il comporte
des responsabilités ultérieures qui, expressément
fixées par la loi, sont nécessaires : a) au respect des droits ou
à la réputation d'autrui ; b) à la sauvegarde de la
sécurité nationale, de l'ordre public, ou de la santé ou
de la morale publique. 3. La liberté d'expression ne peut être
restreinte par des voies ou des moyens indirects, notamment par les monopoles
d'État ou privés sur le papier journal, les fréquences
radioélectriques, les outils ou le matériel de diffusion, ou par
toute autre mesure visant à entraver la communication et la circulation
des idées et des opinions. 4. Sans préjudice des dispositions du
paragraphe 2 ci-dessus, les spectacles publics peuvent être soumis par la
loi à la censure, uniquement pour en réglementer l'accès
en raison de la protection morale des enfants et des adolescents 5. Sont
interdits par la loi toute propagande en faveur de la guerre, tout appel
à la haine nationale, raciale ou religieuse, qui constituent des
incitations à la violence, ainsi que toute autre action illégale
analogue contre toute personne ou tout groupe de personnes
déterminées, fondée sur des considérations de race,
de couleur, de religion, de langue d'origine nationale, ou sur tous autres
motifs ».
Du contenu de l'article 13, on peut déduire les
restrictions possibles à la liberté de presse. Les limitations
prévues doivent en plus d'être stipulées par la loi
être nécessaires :
a) au respect des droits ou à la réputation
d'autrui ;
b) à la sauvegarde de la sécurité
nationale, de l'ordre public, ou de la santé ou de la morale publique.
Par ailleurs, le texte interdit expressément toute
propagande constitutive d'incitations à la violence en faveur de la
guerre, tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse, de
même que toute autre action illégale analogue contre toute
personne ou tout groupe de personnes déterminées, fondée
sur des considérations de race, de couleur, de religion, de langue
d'origine nationale, ou sur tous autres motifs.
1.1.3. Les normes nationales
Comme dit précédemment, la liberté de
presse de façon générale est réglementée par
un certain nombre d'instruments internationaux dont la plus importante est la
charte internationale des droits de l'homme. De même, l'ensemble de ces
textes précise, le cas échéant, les limitations possibles
à ce droit notamment lorsqu'il entre en conflit avec d'autres droits ou
valeurs contenus dans ces droits. Dans l'ordre juridique interne au Burkina, la
norme supérieure dans l'ordonnancement juridique national qui est la
constitution renvoie clairement à ces normes internationales. En rappel,
la constitution du Burkina Faso a été adoptée par
référendum le 2 juin 1991. Ainsi, le préambule de la
constitution de 1991 - partie intégrante de cette loi - reconnaît
la DUDH, la CADHP et les « autres instruments internationaux des
droits de l'homme ». Plus loin dans ses dispositions, la constitution
de 1991 reprend les grands principes fondateurs des droits de l'homme :
l'égalité et la non discrimination (articles 1 et 4), la
protection de la vie, l'intégrité physique (article 2), la
protection de la vie privée (article 6), la liberté de croyance
et de non croyance (article 7), les libertés d'opinion et de la presse
(article 8).
En ce qui concerne spécifiquement la presse, voici ce
qu'en dit la constitution du Burkina Faso en son article 8 :
« Les libertés d'opinion, de presse et le droit à
l'information sont garanties. Toute personne a le droit d'exprimer et de
diffuser ses opinions dans le cadre des lois et règlements en
vigueur ».
A partir de ce constat, on peut dire qu'au Burkina Faso, la
liberté de la presse est juridiquement garantie car
protégée par la norme supérieure dans l'ordonnancement
juridique nationale.
En vue de rendre effective la garantie, le Burkina Faso a
adopté en outre, un code de l'information37(*). Le code de l'information va
plus loin que la constitution en protégeant les hommes de médias
dans l'exercice de la fonction de presse. En ce sens, l'article 108 dit
clairement que « Les offenses par actes, propos ou menace contre un
journaliste professionnel pendant ou à l'occasion de l'exercice de sa
profession, seront punis conformément au texte en
vigueur. »
Egalement, pour revenir à la constitution, son texte
dispose que les restrictions possibles à la liberté de presse
sont les seules déterminées par la loi. Autrement dit, les
dérogations possibles à la liberté de la presse doivent
être légales. Alors que dit la loi en l'espèce ?
Le code pénal à travers le code de
l'information prévoit les infractions commises par voie de presse ou par
tout autre moyen de publication. A la lecture de ce code, les faits
incriminés renvoient à trois grandes catégories
d'infractions de commission.
La première catégorie comprend les contenus
portant atteintes aux personnes. Elles concernent les actes comme l'offense,
la diffamation et l'injure à l'égard des citoyens et des
autorités publiques (chef de l'Etat, membres du gouvernement, diplomates
et chefs d'Etat étrangers). Les peines prévues pour les
infractions liées aux personnes vont de quinze jours ou 5 000 FCFA
ou les deux à la fois à une peine d'emprisonnement de deux ans.
La seconde catégorie d'infractions est
constituée des contenus relatifs à l'ordre et à la
moralité publics. Il s'agit des atteintes au secret militaire, à
la décence et aux bonnes moeurs, à l'intimité de la vie
privée, aux lois nationales, au secret de la procédure
pénale ainsi que des informations erronées portant atteinte
à la sûreté de l'Etat. Ces délits sont passibles de
peines minimales pécuniaires de 5 000 FCFA et/ou de peines
pénales d'un mois à 1 000 000 FCFA et/ou trois ans de
prison.
Et enfin, la dernière catégorie est
composée des informations au contenu apologétique ou provocateur
de comportements réprouvés. Le contenu apologétique
encense un acte prohibé ou son auteur tandis que la provocation
encourage à la commission d'un délit. On pourrait à
certains égards affirmer que la provocation est antérieure
à l'infraction alors que l'apologie, elle, est postérieure. Dans
le code de l'information, il n'est pas fait pas de distinction entre ces deux
notions. Car dans son article 103, il est dit que « Seront punis
comme complices d'une action qualifiée de crime ou délit ceux qui
auront directement ou indirectement fait par tous les moyens d'information,
l'apologie d'actes qualifiés de crime ou délit. Cette disposition
sera également applicable lorsque la provocation n'aura
été suivie que d'une tentative de crime ou délit
punissable. Ceux qui, par les mêmes moyens, auront directement
provoqué l'un des crimes contre la sûreté intérieure
de l'Etat, seront poursuivis et punis comme complices lorsque la provocation
aura été suivie d'effet. Lorsque la provocation n'aura pas
été suivie d'effet, la peine sera de six mois à cinq ans
d'emprisonnement. Ceux qui par tout moyen auront fait l'apologie du racisme, du
régionalisme, du tribalisme, de la xénophobie seront punis d'un
emprisonnement de six mois à un an et d'une amende de 200 000 à
300 000 FCFA ou de l'une de ces deux peines seulement. »
On le constate, les délits de presse sont
sévèrement punis au Burkina Faso car leurs auteurs peuvent
encourir jusqu'à de cinq années d'emprisonnement fermes. Au
même moment le délit d'apologie, la provocation d'actes
prohibés ne concerne que ceux qui sont légalement
incriminés. Dès lors, l'apologie ou la provocation d'actes
attentatoires aux principes des droits de l'homme même de valeur supra
législative n'est pas sanctionné. Ainsi par exemple, un journal
peut publier un texte enfreignant à la présomption d'innocence ou
un autre principe en agissant ainsi en contre-courant des valeurs
fondateurs des droits de l'Homme. Peut-être que c'est la présence
de telles lacunes juridiques qui explique l'existence de textes alternatifs
réglementant l'exercice de la liberté de la presse comme les
codes ou chartes de déontologie ?
1.2. La garantie de la
liberté de presse au niveau éthique
L'une des spécificités de la liberté de
presse réside dans le fait qu'en plus des garanties juridiques qui
l'encadre, elle fait l'objet d'une codification au plan de l'éthique
professionnelle. Ainsi, la pratique révèle que dans de nombreux
pays, les hommes de médias se sont dotés de textes
réglementaires ayant pour vocation de contrôler le respect des
principes propres à la profession.
En plus de cette protection juridique et judiciaire, les
journalistes ont des droits qui leurs sont reconnus par des textes d'ordre
éthique. Ce sont en général, les codes de
déontologie. Les chartes de déontologie sont des textes contenant
des principes et des règles applicables à une corporation, ici
les journalistes. Elles ont une valeur beaucoup plus morale que juridique. Ce
sont donc des chartes d'autorégulation visant à une pratique
saine du métier de journaliste. Ces codes sont souvent
édictés par un syndicat ou une association professionnelle
nationale à l'intention de ses membres et militants. Dans certains cas,
le code de déontologie à une vocation nationale voire
internationale. Ces textes également font l'objet pour certains de
mécanisme de contrôle, de régulation.
Le texte international de référence en
matière de déontologie journalistique et « la
déclaration des devoirs et des droits des journalistes ».
Cette charte a été adoptée à Munich en 1971 par
les représentants des fédérations de journalistes de la
Communauté européenne, de Suisse et d'Autriche, ainsi que de
diverses organisations internationales de journalistes. Elle a
été ensuite adoptée par la Fédération
International des Journalistes (FIJ) l'année suivante, en 1972, à
Istanbul. Historiquement, cette charte est la version complète d'un code
dont la première version datant de 1918 a été
adoptée par le syndicat national des journalistes (SNJ) en France sous
le nom de « la charte des devoirs professionnels des journalistes
français » puis révisée et
complétée en 1938.
En plus de la déclaration de Munich, les organisations
de journalistes ont dans de nombreux pays édicté des
règles de déontologie. Ainsi dans le monde francophone on peut
citer entre autres les exemples des pays suivants :
· le Québec avec le guide de déontologie de
la fédération professionnelle des journalistes du Québec
de 1966 ;
· la Belgique avec le code des principes de journalisme
de Belgique de 1982 ;
· et le Mali avec le code de déontologie du
journaliste au Mali de Décembre 1991
Au Burkina Faso, le code de référence en
matière de déontologie journalistique est « la charte
des journalistes burkinabé ». Elle a été
adoptée par l'Association des Journalistes du Burkina (AJB) en 1990
à Bobo Dioulasso. C'est un corpus de devoirs et de droits reconnus aux
hommes de médias au Burkina Faso. Même si c'est un document
émanant au départ d'une association, la pratique
révèle qu'il fait autorité dans la profession. En effet,
en plus du code de l'information, le CSC utilise la charte du journaliste
Burkinabé pour apprécier les cas litigieux dont elle a à
connaître.
Mais ici, il est important de souligner que l'éthique
des droits de l'homme transcende les règles de déontologie. Elle
fait référence à des normes, des valeurs et des principes
universellement reconnus aux hommes. Comme dirait Nathalie Dollé
« L'éthique ne se réfère qu'aux droits de
l'homme, elle peut donc transgresser la déontologie aux
intérêts catégoriels. Au nom de la liberté
d'expression qui fonde son métier, le journaliste a « le
droit » de révéler que cette femme est homosexuelle
s'il en a la preuve. Une décision éthique peut lui faire garder
le silence s'il pense par exemple qu'elle ne pourra pas assumer cette
révélation publique. Le droit « autorise »
mais le choix éthique peut consister à ne pas utiliser ce
droit ». 38(*)
Chapitre 2. Les mécanismes
de garantie de l'éthique des droits de l'homme dans la presse
Les mécanismes de garanties des textes juridiques
peuvent être soit de type contentieux ou juridictionnels, soit de type
non contentieux c'est-à-dire non juridictionnels. Ces deux types seront
analysés en référence aux textes applicables en
matière de publication de la presse.
2.1. Les mécanismes
juridictionnels
Au Burkina Faso, la justice est la seule institution
légale chargée de l'application effective de la loi par voie
judiciaire. Elle est habilitée par la constitution39(*) à cet effet.
Dans le principe, les traités internationaux sont de
facto intégrés dans l'ordre interne dans le bloc de
conventionalité. Ce statut est reconnu aux conventions en vertu de
l'article 151 de la constitution de 1991. La constitution dispose que
« Les traités et accords régulièrement
ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une
autorité supérieure à celle des lois, sous réserve,
pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre
partie ».
Mais, en l'absence de textes d'application spécifiques,
les dispositions de certains traités sont difficilement justiciables
devant les tribunaux nationaux même si le juge national est tenu de ne
pas appliquer des lois contraires aux conventions liant le Burkina Faso. C'est
pourquoi le texte de référence en matière de presse reste
pour le juge - gardien des libertés individuelles et collective - le
code de l'information.
Le code énumère les infractions liées
à la presse ainsi que les sanctions applicables. Les infractions y sont
classées en deux chapitres : les crimes et délits commis par
voie de presse ou par tout autre moyen de publication (Chapitre 2) et la
protection de l'autorité publique et du citoyen (Chapitre 3).
Sur la base de ce recueil de textes, l'initiative de la
poursuite des d'infractions liées aux personnes physiques ou morales
(diffamation, offense, injure) incombe à la victime mais la
requête du ministère public est nécessaire pour le
déclenchement de l'action publique. Le code de l'information dit en son
article 123. : « La poursuite des délits et
contraventions de simple police commis par la voie de la presse écrite,
parlée ou filmée ou par tout autre moyen de publication aura lieu
d'office ... et à la requête du ministère
public ». Dans le cas spécifique des délits de
diffamation, l'article 122 précise que l'action civile, sauf dans le cas
de décès de l'auteur du fait incriminé ou d'amnistie, ne
peut être séparée de l'action publique.
De ces dispositions, il est clairement établi que le
parquet joue un rôle central pour mettre en mouvement l'action publique
même si il faut au départ une plainte de la partie
lésée. Or, comme il est légalement reconnu au
ministère public le droit d'apprécier l'opportunité ou non
de la poursuite, il s'en suit que la partie lésée apparaît
dépossédée d'une prérogative déterminante
pour accéder à la justice. Par ailleurs, la loi prescrit la
poursuite des infractions après un délai de trois mois
révolus. Ceci, à compter du jour de la commission de celles-ci ou
du jour du dernier acte de poursuite le cas échéant (article
140).
Au regard de cette situation, il semble - selon certains
auteurs comme E. DREYER - que la motivation du législateur ait
été de « considérer qu'un procès
médiatique risquerait d'accroître le scandale au lieu de laver
l'affront 40(*)».
Par ailleurs, dans le cas du Burkina Faso, en dehors de la
victime et du ministère public, aucune autre forme de saisine n'est
possible pour les atteintes que la presse pourrait faire aux droits
fondamentaux pris comme principes ou valeurs protégées par des
instruments internationaux contraignant auxquels le Burkina est partie.
L'actio popularis, c'est-à-dire la possibilité pour un
individu ou une association d'ester en justice au nom de la protection de
l'ordre public ou du bien collectif n'est pas prévu dans le
système judiciaire au Burkina Faso.
S'il apparaît difficile du point de vue du droit pour
une victime de délit de presse d'engager une action en justice en
l'absence de la requête du parquet, le code a toutefois
déterminé les personnes dont les responsabilités sont
engagées dans les cas prévus (article 117). C'est une
responsabilité en cascade car en l'absence d'une des personne
présumée auteur du délit de presse c'est le second qui en
répond et ainsi de suite. Les personnes responsables sont par
ordre :
1. les directeurs de publication ou éditeurs quelle
que soit leur profession ou leur dénomination ou les co-directeurs de
publication dans les cas où les directeurs jouissent d'une
immunité légale ;
2. ou les auteurs ;
3. ou les imprimeurs ;
Enfin, s'il est établi qu'il sont de connivence, la
responsabilité des vendeurs, les distributeurs, les colporteurs et les
afficheurs est engagée au même titre que celle du directeur de
publication, des auteurs et des imprimeurs.
En definitive, la responsabilité première d'une
atteinte au droit par la presse incombe au directeur de publication du journal
en cause.
2.2. Les mécanismes non
juridictionnels
Par mécanisme non juridictionnel, on entend ici des
organes non contentieux chargés de contrôlé la mise en
ouvre de normes juridiques ou non, En ce qui concerne le domaine de
l'observation de l'éthique des droits d el' homme par les écrits
de la presse, on peut regrouper ces mécanismes en deux groupes, ceux qui
internes aux organes de presse et ceux qui leurs sont externes.
2.2.1. Les mécanismes
internes aux organes de presse
En vue de garantir le respect de l'éthique, de la
déontologie et aussi de la loi en vigueur, le monde de la presse dispose
de mécanismes de régulation internes à la corporation. On
peut en distinguer deux types à savoir ceux qui sont internes à
chaque organe de presse en tant que tel, ceux qui relèvent d'une
organisation associative ou qui sont de organes consultatifs de l'Etat.
2.2.1.1. Au sein des organes de
presse
Dans le souci de garantir la qualité professionnelle,
au Burkina Faso, les rédactions des journaux disposent en
général de deux mécanismes : le rédacteur en chef
et la conférence de rédaction. Ces deux dispositifs interviennent
en amont et aval de toute article susceptible de publication dans le journal.
Avant d'écrire, le choix du sujet lorsque le temps le permet est
discuté avec le rédacteur en chef. Dans les cas d'urgence, un
événement soudain, la décision est prise par la
journaliste sans observer la consultation préalable. Le texte une fois
écrit, fait l'objet d'un avis du rédacteur en chef. La
décision finale de publication relève en dernier de la
conférence de rédaction.
Entre ces deux dispositif, les rédactions des journaux
ont des chefs de desk par thème : sports et loisirs, politique,
économie, fait divers... Le nombre et la qualité des desks
dépendent en grande partie de l'effectif de journalistes dont dispose
chaque quotidien. Selon le thème majeur traité par un article, le
chef du desk thématique en question peut être amené
à apporter des observations aux écrits avant leur publication.
Dans ce processus, certains hommes de médias que nous
avons rencontrés affirment que, ni la quantité du travail, ni le
temps ne joue en faveur d'un réel contrôle du contenu de tous les
écrits paraissant dans les quotidiens. En dernier recours, toute
personne se sentant lésée par une publication a, comme
alternative, le droit de réponse. Celle-ci est prévue par la loi
et fait obligation au journal de le publier. Mais, ce droit n'est pas
applicable dans le cas des atteintes à l'éthique et aux principes
de droits de l'homme. Car, ici c'est moins un individu doté de
capacité d'intenter un procès que d'une valeur morale,
éthique, ou d'un principe abstrait des droits de l'homme qui est remis
en cause.
2.2.1.2. Au sein de la profession
de presse
Au dessus des mécanismes internes à chaque
organe de presse écrite dédié à la
régulation des questions éthiques, on note au Burkina Faso,
l'existence d'autres organes qui ont aussi cette vocation. Il s'agit cette
fois, de structures mises en place par les professionnels des médias
(les associations) ou crées par l'Etat avec la participation de ceux-ci
(le CSC). Pour les premiers, on parle d'organes de corégulation alors
que les seconds sont dits d'autorégulation41(*).
· Les associations professionnelles de la presse
Au sein de la profession, les journalistes au Burkina Faso
sont organisés en associations à but non lucratif. Dans une liste
« non exhaustive », le CSC a en dénombré
vingt sept au Burkina Faso. A partir de la liste, on peut faire la
catégorisation ci-dessous :
l Les organisations syndicales : Celles-ci visent
à défendre les intérêts moraux et matériels
de ses membres. On en compte un seul, le syndicat national des Travailleurs de
l'information et de la Communication (SYNATIC),
l Les organisations spécifiques ou
thématiques : Elles réunissent des journalistes partageant
en commun certains attributs (femmes communicatrices) ou des
spécialités thématiques (sport, droit, environnement,
culture). C'est le type d'organisations le plus fréquemment
rencontrées dans le monde des médias. Elles sont plus d'une
trentaine42(*).
l Les organisations à vocation
généraliste réunissent elles, des professionnels des
médias autour d'objectifs plus généraux communs à
toute la profession. Ce type d'organisation fonctionne très souvent
comme un observatoire de la déontologie. C'est le cas par exemple de
l'Observatoire National de la Presse (ONAP) qui publie de temps à temps
des communiqués relatifs à des actions en faveur de journalistes
victimes de violations de leurs droits ou encore sur des questions de
déontologie. Il y a surtout l'Association des Journalistes
Burkinabé (AJB). C'est l'organisation qui est à la base de la
charte du journaliste, document utilisé par le CSC dans
l'appréciation des affaires qu'il a à connaître.
· Le Conseil Supérieur de la Communication
(CSC)
Crée dans la dynamique de la démocratisation
enclenchée au début des années 90 au Burkina Faso, le CSC
s'appelait à sa création « Conseil Supérieur de
l'Information »43(*). Elle a été modifiée par la loi
N° 028 - 2005/AN du 14 juin 2005 portant création, composition et
fonctionnement du Conseil Supérieur de la Communication.
Le CSC est une autorité de régulation des
activités des médias privés et publics exerçant au
Burkina Faso ou qui y sont diffusés. A ce titre, son recours est non
judiciaire. Elle est plutôt un organe non contentieux de règlement
de conflits liés aux médias. Et, à la différence
des pays comme la France, l'autorégulation au Burkina Faso, prend en
compte la presse écrite. L'équivalent français du CSC, le
CSA (Conseil Supérieur de l'Audiovisuel) n'est compétent qu'en
matière de média audiovisuels.
Parmi les attributions qui sont reconnues au CSC on note qu'il
doit :
1) veiller à l'application de la législation et
de la réglementation relative à la communication du Burkina Faso
;
2) contribuer au respect de la déontologie
professionnelle ;
3) veiller à la protection de la personne humaine
contre les violences résultant de l'activité du secteur de la
communication ;
4) veiller au respect par les médias de la
législation et de la réglementation en matière de
protection et de promotion de la culture nationale ;
5) fixer les règles d'intervention des médias
appartenant à l'Etat en période électorale ;
Le conseil est composé de douze membres
désignés ainsi qu'il suit :
· quatre membres par le Président du Faso44(*) ;
· trois membres par le Président de
l'Assemblée nationale ;
· un membre par le Président du Conseil
constitutionnel ;
· et quatre membres par les associations professionnelles
de la communication et de l'audiovisuel.
Parmi les membres ci-dessus énumérés,
président du Faso nommé le président du CSC.
Au plan fonctionnel, le conseil est structuré en
commissions. Celle qui a en charge les questions relatives aux manquements
éthiques est la « commission chargée de liberté
de la presse, de l'éthique de la déontologie et de la
publicité dans les médias ». Elle procède par
interpellation puis par audition des responsables des médias qui ont
enfreint aux règles juridiques et/ou déontologique prescrites
invariablement par le code de l'information et la charte des journalistes du
Burkina. En général, les conclusions de ses auditions sont
publiées dans la presse45(*).
Annuellement, le Conseil supérieur de la communication
est tenue d'adresser au Président du Faso, un rapport public. Celui-ci
doit porter sur des éléments comme :
1) l'exécution de ses missions, décisions et
recommandations ;
2) l'état des médias au Burkina Faso ;
3) la situation de la liberté de la presse au Burkina
Faso ;
4) la qualité du contenu des programmes des
médias ;
5) le respect des textes législatifs et
réglementaires relatifs à la communication et à la
publicité ;
6) les recommandations prospectives
La saisine du CSC est ouverte à toute personne physique
ou morale pour examiner une question relevant de sa compétence. Elle a
pouvoir de s'autosaisir également.
Dans les derniers rapports du CSC notamment ceux de 2005 et
2006, il apparaît clairement que ses constatations et arbitrage portent
principalement sur l'observation des médias en période
électorale. Les quelques cas relatifs à la presse écrite
concerne les faits liés à des propos diffamatoires comme ceux
reprochés en 2006 à l'hebdomadaire
« l'indépendant » à propos d'un article
relatif à la vie conjugale d'un député et un autre relatif
à une caricature publiée par l'hebdomadaire satirique
« Journal du Jeudi »46(*).
Appréciant le rôle du CSC, son président,
disait qu' « on peut limiter par la régulation l'exercice
d'une liberté, telle la liberté de presse, si d'autres
libertés plus importantes sont mises en danger par l'exercice non
régulé de la première. Ainsi, l'instauration de la
démocratie participative et de la paix dans un pays demande un respect
strict de la déontologie journalistique. Si celle-ci n'est pas
régulée efficacement par les rédactions ou la profession,
il est acceptable de la voir régulée temporairement par une
instance de régulation publique »47(*). Et de préciser que
contrairement en Occident, où l'intervention d'un organe de
régulation peut apparaître comme une ingérence, celui-ci
permet en Afrique et particulièrement au Burkina Faso d'éviter
des procès ou d'en réduire le nombre.
Enfin, il est à noter que le CSC fait partie d'un
certain nombre de réseaux internationaux. Il s'agit en l'occurrence du
Réseau des instances africaines de régulation de la communication
(RIARC) et le réseau des instances francophones de régulation des
médias (REFRAM).
2.2.2. Les mécanismes
externes aux organes de presse
Par mécanisme externe aux organes de presse on entend
ici, tout dispositif de garantie des droits de l'homme qui n'est pas
spécifiquement dédié aux médias mais qui de par ses
attributions est censé réguler les cas de manquements aux valeurs
des droits fondamentaux.
· La Commission Nationale des droits de l'homme
La commission nationale des Droits de l'Homme a
été créée par le décret n° 2001- ...
/PRES/MJPDH/SEPDH portant création, attributions, composition et
fonctionnement de la commission nationale des droits humains. La CNDH au
Burkina Faso comme ses consoeurs des autres pays fait partie des instances
indépendantes de promotion des droits de l'homme prescrites par la
déclaration de Paris. En rappel, ces principes portent sur le statut des
institutions nationales. Ils ont été consacrés par
l'Assemblée générale des nations Unies dans sa
résolution 48/134 du 20 décembre 1993. Ces institutions ont pour
vocation à être au niveau national ce qu'est le Conseil des Droits
de l'Homme des Nations Unies48(*) au niveau international. Dès lors, elles sont
chargées de contrôler la mise en oeuvre des conventions des droits
de l'homme à l'échelle interne. Elles « sont à
la charnière du pouvoir politique et de la société
civile, du droit international et de l'ordre interne » comme le
dirait DECAUX49(*) dans un
article écrit à l'occasion du dixième anniversaire des
principes de Paris.
Aux termes du décret qui l'institue, la Commission
Nationale des Droits Humains, au Burkina Faso se définit comme est un
cadre national de concertation entre les acteurs publics concernés par
les questions de droits humains, d'une part, et les représentants des
associations, mouvements et organisations non gouvernementales de protection et
de promotion des droits humains d'autre part. En tant qu'il est un organe
consultatif en matière de droits de l'homme, il lui est reconnu,
plusieurs attributions dans ce domaine à savoir :
l l'établissement de rapports et des recommandations
sur la situation des droits de l'homme au Burkina Faso,
l la participation à la rédaction des rapports
que le Burkina doit présenter aux comités et organes des
traités des Nations ainsi que ceux de l'Union Africaine. Ceci
conformément aux obligations conventionnelles de l'Etat.
l alerter les autorités sur les éventuels
écarts de fait et/ou de droit entre la situation des droits de l'homme
au Burkina et les actes internationaux auxquels le pays a souscrit.
l Attirer l'attention des pouvoirs publics sur les mesures
favorables la protection et la promotion des droits humains, notamment en ce
qui concerne : 1) La ratification des instruments internationaux relatifs aux
droits humains ou l'adhésion à ces textes, ainsi que leur mise en
oeuvre au plan national ; 2) Le cas échéant, la mise en
conformité et l'harmonisation de la législation, des
règlements et des pratiques nationaux avec les instruments
internationaux relatifs aux droits humains, auxquels le Burkina Faso est
partie, et leur mise en oeuvre effective ;
La CNDH est composée de 24 membres votants dont 10
provenant des associations et mouvements des droits de l'homme, 6 des
autorités coutumières et religieuses, 5 des syndicats, 2
personnes ressources en DH, un expert en médecine, un expert en
communication et un représentant du médiateur du Faso (sorte de
ombudsman). A ceux ci, il faut ajouter 8 membres représentants les
ministères avec voix consultative.
A travers ses attributions et aussi sa composition, la CNDH
laisse transparaître de jure une organisation à même de
promouvoir le respect de l'éthique des droits de l'homme dans tous les
domaines de la vie. Mais, il semble qu'à ce jour cet organe est
limité du fait de ses moyens limités et aussi de son
incapacité à se saisir de nombreux cas de violations de droits de
l'homme que connaît le Burkina Faso. En tous les cas, la CNDH n'a pas
encore intervenu sur des cas de publications des violations des droits de
l'homme attentatoires aux droits qu'elle est sensée promouvoir et
protéger.
· Le Comité national d'éthique
Le comité national d'éthique du Burkina Faso
fait partie des institutions créées suite à la tension
sociopolitique née de l'assassinat non encore élucidé du
journaliste Norbert Zongo et de trois de ces compagnons en décembre
2008. Il été créé par le décret N°
2001-278/PRES/PM du Président du Faso en date du 8 juin 2001. Il a
été installé le 14 mars 2002. Crée au départ
pour contribuer à l'apaisement d'une situation sociale explosive, le
comité a pour objectif de veiller à la sauvegarde des valeurs
laïques et républicaines aux plans moral, culture et humain. Il est
chargé en outre, « de proposer toutes mesures visant à
la préservation du civisme et à la moralisation de la vie
publique et sociale »50(*). Le comité est composé de neuf membres
nommés par décret pour un mandat de cinq ans non renouvelables.
Les membres désignés se repartissent ainsi qu'il suit :
· Autorités coutumières et
religieuses : trois représentants
· Les grands corps de contrôle de l'Etat (Cour
des comptes, Médiateur du Faso, Inspection Général de
l'Etat) : trois représentants
· Trois personnalités désignées par
le président du Faso.
C'est une structure consultative dont la méthodologie
de travail repose autour de rencontres d'échanges avec les
autorités politiques, administratives, coutumières et
religieuses, les responsables d'associations de jeunesse et de femmes. Sur la
base de ces activités, le comité publie annuellement un rapport
sur l'état de l'éthique au Burkina Faso. Au terme du
décret l'instituant, « les recommandations et avis du
Comité National d'Ethique sont transmis au Président du Faso qui
en assure la publication par toute voie autorisée» (Article
8). En pratique, c'est à l'occasion d'une cérémonie
solennelle que le rapport est remis officiellement au premier ministre qui en
assure la transmission au chef de l'Etat. Pour le rapport 2003 remis au premier
ministre le 31 mars 2005, ce sont principalement trois secteurs de la vie qui
ont fait l'objet d'observation sur la période donnée. Il s'agit
du domaine de la santé, de l'administration générale et
de l'éducation. Pour les années à venir, le comité
a recommandé de poursuivre son action en mettant l'accent sur les codes
d'éthique et de déontologie dans les domaines de l'administration
générale, de l'éducation, de la santé, de
l'administration financière et l'administration sécuritaire.
Dans la pratique, le comité national d'Ethique semble
ne pas avoir gagné ses marques. Car sur de nombreuses questions
éthiques dont celles soulevées par les publications de la presse,
on l'attend toujours.
· Les organisations des droits de l'homme
Par organisation des droits de l'homme, on entend ici, toute
association à but non lucratif dont l'objectif est la promotion et la
protection des droits de l'homme en adéquation avec les normes
internationalement reconnues en matière des droits de l'homme. Au
Burkina Faso, une étude51(*) réalisée en décembre 2002 par le
Centre pour la Gouvernance Démocratique (CGD) en avait
dénombré vingt sept dont les plus actives, du moins visibles sont
sans doute l'ACAT, Amnesty International Burkina Faso, le MBDHP, l'association
« Promo Femme, Développement et Sport, le MBEJUS, la LIDEJEL,
l'AFJB et l'UIDH. Dans le principe, les actions des organisations de droits de
l'homme reposent sur deux volets inséparables qui sont la promotion
d'une part et la protection de l'autre.
La promotion vise de façon générale
à la diffusion, à l'inculcation des valeurs et des principes des
droits de l'homme au sein des communautés. Ces activités
comprennent toutes les tâches relatives aux formations, aux campagnes
médiatiques, à la sensibilisation, au plaidoyer et lobbying pour
l'adoption puis l'application effective de lois protectrices des droits de
l'homme par les Etats. Dans le cadre de tels types d'activités la presse
joue un rôle important en participant à la diffusion des messages
promotionnels de ces organisations.
Quant à la protection elle consisterait à la
surveillance de la situation des droits de l'homme dans une aire précise
en vue d'agir pour la cessation, la réparation, la sanction des
violations constatées et dans certains cas d'apporter une assistance aux
victimes. Dans cette optique, la presse joue un double rôle, elle est une
source de révélation de violations à travers
généralement les « faits divers ». Mais elle
constitue un moyen pour la publication des actions entreprises par les
organisations de la société civile en vue de faire des
violations. Ainsi, en est-il des actions urgentes et autres appels en faveur de
victimes publiés régulièrement dans la presse par les
organisations tels Amnesty International, Human Rights Watch, et le
MBDHP52(*) au Burkina Faso
pour ne citer que ceux-là.
Mais que font ces organisations lorsque la presse
elle-même, se rend coupable d'atteinte à des valeurs et des
principes de droits l'homme en en faisant un traitement équivoque ?
Pis quelles actions sont-elles mises en oeuvre à l'égard des
publications qui objectivement, glorifient des actes violant les principes des
droits fondamentaux ?
Certes, dans le cas des « médias de la
haine »53(*) au
Rwanda appelant au meurtre des tutsi en prélude du génocide de
1994, certaines organisations comme la Commission Internationale des
Juristes54(*) avaient
attiré l'attention de l'opinion internationale. Egalement, il existe de
plus en plus de structures (voir encadré 1) qui veillent sur le respect
de règles d'éthique professionnelle par les médias. Mais
dans le cas du Burkina Faso, une telle réaction n'a pas encore
été notifiée.
Encadré 1 : Une entreprise de veille de
médias : Média ratings en France
Il est à noter l'existence en France d'une structure
privée de veille médiatique, il s'agit de média ratings.
C'est une entreprise privée qui se veut indépendante. Elle a pour
objectif, selon sa charte « d'observer les médias afin d'y
déceler les dysfonctionnements médiatiques. Ainsi, [elle analyse]
le contenu des médias sous différents aspects ». Sont
surveillés entre autres par Média ratings, les journaux
français suivants : le Monde, le Figaro, la Croix,
Libération, l'Humanité, les Echos, Aujourd'hui, la Tribune. Mais
ici, également, les questions d'éthique des droits de l'homme ne
sont pas le critère déterminant dans la veille des
dysfonctionnements de l'information fournie par les médias
observés par Média ratings. Du reste, Média rating a fait
l'objet d'une condamnation en 2006 par le tribunal correctionnel de Paris pour
« avoir accusé le correspondant de France 2 à
Jérusalem, Charles Enderlin, d'avoir "mis en scène" la mort d'un
petit Palestinien sous les balles israéliennes en
2000 »55(*).
Source : média ratings (www.m-r.fr)
Troisième partie : Pour une presse respectueuse de l'éthique des
droits de l'homme
Les précédentes parties du mémoire se
sont articulées sur la pratique journalistique et l'éthique des
droits de l'homme, ainsi que sur les systèmes de garanties juridique ou
non existants en la matière. La rigueur méthodologique implique
que l'analyse de ces éléments aboutisse à des propositions
visant à rendre le paysage médiatique plus respectueux des droits
de l'homme lorsqu'il s'insère dans le champ de la
révélation de leurs atteintes. Mais, de telles propositions ne
peuvent se faire sans avoir au préalable étudier les
différents phénomènes juridiques, sociologiques ou
pratiques qui conditionnent une intervention peu éthique de la presse
dans le domaine de la surveillance des violations des droits de l'homme.
Chapitre 1 : Les facteurs explicatifs de la non
observance de l'éthique des droits de l'homme par les publications de la
presse écrite
A l'analyse des textes juridiques et déontologiques,
des mécanismes y afférents et de la pratique journalistique en
matière de publication des violations des droits de l'homme, on peut en
déduire un ensemble de facteurs explicatifs qui autorisent des
traitements non respectueux de l'éthique des droits de l'homme. Ces
facteurs se retrouvent à un double niveau : juridique et
pratique.
Au niveau juridique, il s'agit principalement des limites
inhérentes au système juridique existant tandis qu'au niveau
pratique un ensemble de contraintes dont certaines internes à la
profession journalistique et les autres, externes, relèvent des
contextes socio politiques particuliers d'exercice de la liberté de
presse.
1.1. Au niveau juridique
A la lecture des instruments tant nationaux qu'internationaux
encadrant la liberté de presse, il apparaît sans
ambiguïté que la liberté de la presse est un droit
fondamental protégé en conséquence. Dès lors, les
possibilités de restreindre cette liberté sont strictes. Ce qui
rend, juridiquement peu aisée tout recours civil ou public en cas de
violation des autres droits à l'occasion de l'exercice de cette
liberté. Cette situation est encore plus difficile lorsqu'il s'agit
l'atteinte porte sur valeurs véhiculées par les droits
fondamentaux comme la non observance de l'impartialité ou de la
promotion du respect de ces droits. Dans le principe, la difficulté
d'intervenir contre la liberté de la presse aussi bien dans les ordres
juridiques international, régional que national.
1.1.1. Le cadre international et
ses limites
Au niveau international, les normes applicables en
matière de liberté de presse comme la charte internationale des
droits de l'homme prévoient une possibilité de déroger
à la liberté de presse. Non seulement, les dérogations
restent soumises à des critères mais elles concernent seulement
les cas de violations liées à la réputation et aux droits
d'autrui ou attentatoire à l'ordre public (santé, moeurs,
sécurité). Elles ne visent pas spécifiquement l'atteinte
par les publications de la presse aux valeurs des droits de l'homme. Dès
lors, on pourrait parler de mutité des normes internationales en qui
concerne la violation des principes, des valeurs des droits de l'homme par les
publications des journaux. Il est existe certes, des dispositions dans des
textes internationaux qui peuvent être invoquées mais celles-ci
relèvent d'instruments à portée déclaratoire. C'est
le cas par exemple de la DUDH. Celle-ci en son article 30 précise que la
jouissance d'un quelconque des droits protégés ne saurait en
aucun cas remettre en cause un des droits y énoncés. Cette
disposition pêche parce qu'elle n'est pas spécifique à la
liberté de la presse mais également par le statut
déclaratoire - donc non juridiquement contraignant - de son texte de
référence.
Il existe par ailleurs d'autres textes de portée
internationale visant à réglementer l'intervention de la presse
dans la promotion des valeurs des droits de l'homme. Mais, ceux-ci restent
également des déclarations sans force obligatoire au sens
juridique. Il s'agit en l'occurrence de :
- la déclaration sur les principes fondamentaux
concernant la contribution des organes d'information au renforcement de la paix
et de la compréhension internationale, à la promotion des droits
de l'homme et à la lutte contre le racisme, l'apartheid et l'incitation
à la guerre - 28 novembre 1978,
- la résolution 1995/40 de la Commission des droits de
l'homme du 3 mars 1995 sur le droit à la liberté d'opinion et
d'expression
Dans le PIDCP par contre, on retrouve dans l'article 19, une
possibilité de dérogation en cas d'atteinte à la
moralité publique pourvue que cette limitation soit légalement
prévue.
Il en découle que les limitations à l'exercice
de la liberté de la presse voire la poursuite pour des manquements -
même grave - au respect de l'impartialité et des valeurs des
droits de l'homme n'est pas chose aisée.
1.1.2. Les limites du cadre
régional
L'esprit des restrictions à la liberté de la
presse véhiculé par les textes internationaux se retrouve en
grande partie repris dans la formulation des instruments des droits de l'homme
au niveau régional. Ainsi, en est-il de la convention européenne,
de la charte africaine et de la convention américaine respectivement
dans leurs articles 10, 27.2 et 13.
Tous ces textes disposent la possibilité de
restrictions - préalablement prévues par la loi - à la
liberté de la presse lorsque celle-ci porte atteinte
« à la protection de la santé ou de la
morale ».
Ici comme au niveau international, l'atteinte aux valeurs des
droits de l'homme n'est pas spécifiquement visée même s'il
est prévu une dérogation en cas de nécessité pour
la prévention de crimes. Ce qui revient à dire qu'une publication
de la presse peut être considérée comme violant la
convention dès lors qu'elle est susceptible d'inciter à des actes
reconnus comme un crime. Ce qui exclue de jure les actes non légalement
constitutifs de crimes comme les atteintes à l'éthique des droits
de l'homme. Néanmoins, il est possible d'invoquer cette disposition si
l'on considère les valeurs inhérentes aux droits de l'homme comme
des valeurs morales. Encore que la morale relève d'une sphère qui
n'est pas clairement établie pour tous les Etats et pour toujours. Reste
à l'interprétation jurisprudentielle ou doctrinale de
déterminer de façon précise quelles valeurs des droits de
l'homme relèvent de la morale. Et dont la violation pourrait
constituée une violation de l'article 10 de la convention
européenne des droits de l'homme. Pour la cour européenne, les
juridictions nationales sont les mieux à même d'en faire une
interprétation applicable car pour les juges de Strasbourg ont
eux-mêmes constaté l'absence d'une notion uniforme de la morale
dans l'ordre juridique et social des divers Etats contractant. Ceci dans le
cadre de l'appréciation de la clause dérogatoire à la
liberté de presse qu'autorise l'expression « nécessaire dans
une société démocratique »56(*).
La convention interaméricaine, quant à elle, va
plus loin en inscrivant dans son article 13. 5 que « sont
interdits par la loi toute propagande en faveur de la guerre, tout appel
à la haine nationale, raciale ou religieuse, qui constituent des
incitations à la violence, ainsi que toute autre action illégale
analogue contre toute personne ou tout groupe de personnes
déterminées, fondée sur des considérations de race,
de couleur, de religion, de langue d'origine nationale, ou sur tous autres
motifs ».
Dans le cas interaméricain, la particularité par
rapport aux autres instruments régionaux réside dans le fait
qu'il est précisé que la liberté de la presse peut
être restreinte en cas d'incitation à des faits constitutifs de
violence liée spécifiquement à des appels à la
guerre ou à la haine nationale, raciale ou religieuse.
On le perçoit assez clairement, les textes
régionaux relatifs aux droits de l'homme sont allés un peu plus
loin que les instruments internationaux pour empêcher une possible
atteinte des valeurs des droits de l'homme par la presse. Mais, les textes
restent limités car ils ne visent pas spécifiquement les actes
des médias qui porteraient directement atteinte aux principes qui font
l'objet du présent mémoire à savoir l'impartialité
et la promotion du respect des droits de l'homme.
Qu'en est-il au niveau national ?
1.1.3. Les limites ou la
mutité dans l'ordre juridique interne
A titre comparatif, il est important d'évoquer
l'état du droit positif dans d'autres Etats avant de présenter ce
qu'il en est du Burkina Faso de façon spécifique. Pour cela,
l'étude se réfère d'abord aux cas français et belge
puis à la jurisprudence.
Le ton est donné en France par la déclaration
des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Ce texte qui a acquis le rang de
loi constitutionnelle proclame en son article 11, la liberté de presse
en ces termes : « La libre communication des pensées et
de opinions est un des droits les plus précieux de l'homme tout citoyen
peut donc parler, écrire, imprimer librement sauf à
répondre de l'abus de cette liberté dans les cas
déterminés par la loi ».
Pour un auteur comme E. DREYER57(*), il y a en France une pléthore de textes en ce
qui concerne la matière. Il y a d'une part le droit commun à
travers le code pénal, le code de la santé, le code de justice
militaire et de façon plus spécifique par la loi de 1881 qui
dispose en son article premier que « l'imprimerie et la librairie
sont libres » d'autre part. Pour ce qui concerne la présente
recherche, l'étude portera uniquement sur les lois incriminant
directement les faits relatifs aux valeurs objet de l'étude à
savoir l'impartialité et la promotion des droits de l'homme par les
publications de la presse écrite.
La loi du 29 juillet 1881 est la loi de
référence en matière de liberté d'expression et
donc de liberté de la presse en France. Son autorité dans la
matière est affirmée dans la jurisprudence. Ainsi, la cour de
cassation a affirmé dans un arrêt en date du 12 juillet 2000 que
« les abus de la liberté d'expression prévus et
réprimés par la loi du 29 juillet 1881 ne peuvent être
réparés sur le fondement de l'article 138258(*) du code civil ».
Relativement aux abus, la loi de 1881 distingue les actes
d'omission et les actes de commission. Les actes d'omission porte sur
exclusivement sur la non publication des droits de réponse ou des
rectifications. Les infractions de commission porte sur trois types de
contenus. On a les contenus liés aux personnes, les contenus liés
aux actes et enfin ceux liés à certaines informations.
L'atteinte aux valeurs des droits de l'homme s'inscrit dans
les actes de commission liés non aux personnes mais aux actes et aux
informations. Dans ce domaine précis, les infractions prévues
portent sur les actes apologétiques de délits ou la contestation
des crimes contre l'humanité. Selon DREYER, le législateur n'a
pas donné un contenu exact à l'apologie des infractions. Et,
aussi on établit souvent une distinction entre l'apologie et la
provocation au crime. Pour des auteurs, « l'apologie peut-être
définie comme tendant à justifier une action condamnée par
la loi et à encenser celui qui l'a perpétrée »
(P. 116). Aux termes de l'article 24, alinéa 3 de la loi de 1881,
l'apologie incriminée ne concerne qu'une liste limitée
d'infractions. L'incrimination de l'apologie porte sur les louanges des
infractions de droit commun (comme le vol, l'extorsion, les destructions, les
dégradations et détérioration dangereuses pour les
personnes...), les crimes de guerre, les « infractions
politiques » comme les infractions de collaboration avec l'ennemi et
celle des crimes contre l'humanité.
La liste des actes dont l'apologie est incriminée par
la loi de 1881 étant limitative, il s'en suit, dès lors, que la
répression de l'apologie ne saurait concernée les louanges faites
relativement à d'autres actes même répréhensibles
à fortiori à des actes non juridiquement incriminés comme
les atteintes à l'éthique des droits de l'homme. Donc, en droit
français, il serait difficile d'incriminer un acte constitutif d'une
violation des valeurs des droits de l'homme lato sensu. Pis, un annotateur d'un
arrêt de la chambre criminelle de la cour d'appel de Bourges en date du
28 novembre 1962, cité par DREYER, relativement à une affaire de
publication vantant les mérites d'un guérisseur a observé
que « l'article ne faisait qu'encourager d'hypothétiques
infractions futures dont on ne savait même pas si elles auraient lieu,
sous quelles modalité et avec quels participants. Ces délits
futurs n'avaient encore aucune consistance réelle et n'étaient
même pas arrivés aux actes
préparatoires »59(*).
On peut donc en conclure que ni la loi, ni la jurisprudence
encore moins la doctrine n'autorise une incrimination directe des faits de
publication de la presse attentatoires aux valeurs éthiques des droits
de l'homme.
Dans certains pays comme la Belgique, les journalistes
jouissent d'un privilège de juridiction pour les délits autres
que ceux liés à la xénophobie et au racisme. En effet, la
constitution de la Belgique dispose que les délits de presse sont
passibles de la cour d'assises ; une façon de décourager les
poursuites contre la presse.
A l'instar du cas français, au Burkina Faso, les
délits de presse se retrouvent dans le droit commun mais surtout dans le
droit spécial de la matière contenu dans le code de
l'information.
En dehors des infractions liées aux individus et
à l'ordre public, il y est prévu ceux qui portent sur la
publication de textes aux contenus apologétiques ou provocateurs
d'infractions. En ce sens, l'article 103 du code de l'information incrimine
sans distinction l'apologie de tout acte pourvu que ce dernier soit
légalement reconnu comme un délit ou un crime. Les auteurs de
telles publications sont punis au même chef comme complices de l'acte
principal. Cette disposition va plus loin en incriminant les louanges faites
aux actes de racisme, du régionalisme, du tribalisme, de la
xénophobie. En rappel, si le racisme et la xénophobie peuvent
être définies respectivement comme la haine contre les individus
de race différentes et de non nationaux, le régionalisme et la
tribalisme renvoient à la haine ou l'hostilité à
l'encontre d'individus provenant de régions nationales ou de groupes
ethniques différentes.
Egalement, les mécanismes existants qui auraient pu -
en cas de non respect de ces valeurs - être mis en mouvement dispose
d'une marge de manoeuvre qui n'est pas forcement incitatif à la
poursuite des potentiels auteurs de violation.
D'abord parce que dans le cas des propos faisant l'apologie
des crimes ou délits, l'initiative de la poursuite relève de la
discrétion du ministère publique. Si fait que dans le cas du
Burkina Faso, on a rarement assisté à une poursuite contre
l'auteur d'une publication sur des violations des droits de l'homme qui
n'auraient pas respecté l'impartialité voire qui en auraient fait
l'apologie.
Dans la législation burkinabé, il ressort donc
que la poursuite pour des publications de presse non respectueuses de
l'éthique des droits de l'homme n'est pas directement prévue.
Pourtant, ces principes éthiques ont une valeur supra législative
qui, en principe, devrait les rendre justiciables devant leurs juridictions
nationales. Cet état s'expliquerait par la désarticulation entre
l'ordre interne et l'ordre international.
1.1.4. La désarticulation
ou la disharmonie entre l'ordre interne et les normes internationales
En comparant les dispositions juridiques relatifs au respect
de l'éthique des droits de l'homme dans l'ordre interne et dans l'ordre
international, il ressort une certaine disharmonie entre les deux niveaux. Ce
phénomène n'est pas spécifique à la liberté
de presse. On la retrouve pour d'autres types de droits reconnus,
protégés par le droit international des droits de l'homme. En
effet, bien que parties à de nombreux instruments internationaux des
droits fondamentaux, de nombreux Etats dérogent à leur obligation
positive consistant à rendre effectifs et applicables les dispositions
de ces normes dans l'ordre juridique interne. Pour le Burkina Faso, la
situation semble très criarde car dans une communication non
publiée, le ministère de la promotion des droits humains a noter
qu'en dépit de la signature de nombreuses conventions internationales
par le gouvernement, aucune mesure n'était systématiquement prise
pour leur internalisation. Si fait que ces textes internationaux restaient
pratiquement sans effet dans le système juridique national. C'est
l'exemple type du traité de Rome instituant la Cour pénale
internationale. Elle a été ratifiée par le Burkina Faso le
16 avril 2004 mais n'a pas encore fait l'objet à ce jour d'une loi de
mise en oeuvre en conformité avec la convention.
Certes au Burkina Faso, la DUDH, la charte africaine des
droits de l'homme et des peuples ont un statut de loi constitutionnelle car
inscrits dans le préambule de la constitution de 1991, mais de là
à être invoquée devant une juridiction nationale, la
situation de jure et de fait en est loin. Ainsi, des publications de la presse
écrite peuvent impunément violer les valeurs qui constituent les
fondements des droits de l'homme et par conséquent l'Etat de droit.
1.2. Les facteurs
sociologiques
1.2.1. Les
facteurs internes au monde des médias
En plus des lacunes inhérentes aux systèmes
juridiques pour une garantie effective du traitement éthique des
violations des droits de l'homme dans la presse quotidienne burkinabé,
il y a une série de facteurs d'ordre pratiques et sociologiques qui
concourent à cet état, si elles ne les encouragent pas. Parmi les
facteurs les plus importants on peut citer :
1.2.1.1. Le manque de formation en éthique des droits
de l'homme
Le manque de formation en éthique des droits de l'homme
est une lacune largement partagée par les hommes de médias dans
de nombreux pays y compris ceux du Nord. Dans un rapport destiné au
Ministre de la Culture et de la Communication intitulé
« réflexions et propositions sur la déontologie de
l'information » et rédigé en 1999, Jean-Marie CHARON,
notait que la réduction de la durée de la formation des
journalistes ainsi que l'absence des curricula juridiques dans ces formations
constituaient en amont, une porte ouverte à des dérives dans le
traitement des informations ayant un contenu juridique ou ayant un rapport avec
les questions de droit de l'homme.
En plus du manque de formation appropriée des
journalistes en droit fondamentaux, on observe dans la pratique au Burkina Faso
que de nombreux hommes de média n'ont même pas la formation de
base dans en journalismes. Le manque d'emploi associé aux bas salaires
attire des diplômés dans d'autres domaines (philosophie, lettres,
...), dans le métier de journalistes. Pour ce qui est des correspondants
de presse, très souvent le niveau d'instruction de base ne
dépasse guère le baccalauréat. De ce fait, ni les
principes de déontologie ni les règles de base du métier
ne sont observés.
1.2.1.2. Les limites des codes de déontologie
Les chartes de déontologie sont par essence des textes
à valeur morale. Elles ne comportent pas de sanctions. A titre
d'illustration, le guide de déontologie de la Fédération
professionnelle des journalistes du Québec en 1996 se reconnaît
explicitement comme dépourvu de force contraignante même à
l'égard de ses membres. « Le présent Guide n'a donc pas
de pouvoir coercitif, dit -il. ». Pour utiliser une expression
consacrée les chartes déontologiques relèvent de
« la justice des pairs » des journalistes. Dès lors,
en cas de transgression ces chartes, les seules réprobations admises
sont le rappel à l`ordre par des moyens comme la publication des
articles incriminés et de recommandations voire au pire des cas
l'exclusion de l'auteur de l'association.
Enfin, bien que certains organes de presse aient leur propre
code déontologique qui sont en général est une
déclinaison spécifique des codes connus, ceux-ci restent
d'application limitée au personnel de cet organe.
N'est-ce face à cette situation que la
Fédération International des Journalistes (FIJ) entrevoit, pour
cette année 2008, de lancer une campagne internationale sur le
thème « Initiative pour un journalisme
éthique »61(*). Cette action, selon l'organisation, vise à
rétablir les valeurs et mission propres au journalisme.
1.2.1.3. La précarité du statut matériel
des journalistes
Publier un article dans un journal relève d'une
profession dont le statut professionnel a de la peine à être
officiellement reconnu. Déjà en France, un rapport établi
en 1935, relativement à la proposition de loi sur le statut
professionnel des journalistes, reconnaissait « qu'une des conditions
de la liberté de la presse résidait dans la liberté du
journaliste, et que celui-ci ne pouvait se sentir libre que dans la mesure
où sa profession était assurée de l'indépendance
matérielle et de la dignité ».
Dans le cas du Burkina Faso, les conditions de travail des
journalistes reviennent toujours comme l'un des problèmes actuels
auxquels ces travailleurs sont confrontés. Cette situation est si mal
vécue qu'aussi bien les organisations professionnelles de journalistes
que le CSC font de la nécessité d'une convention collective une
des principales recommandations des rapports produits sur la presse au Burkina
Faso62(*).
A l'absence d'une convention collective, on assiste à
des phénomènes comme ce qu'on appelle au Burkina Faso, le
« journalisme alimentaire ». Il agit de la course à
l'argent avec les risques de partialité que cela peut faire peser sur le
traitement de l'information voire sur la ligne éditoriale du journal. Le
constat est ainsi établi par un rapport du MBDHP :
« Contre toute attente, l'assassinat de Norbert Zongo a
consacré une division nette au sein des journalistes burkinabé.
Certains se sont érigés en véritables défenseurs du
pouvoir ... Ces journalistes « alimentaires » ont
ignoré les règles déontologiques et se sont assis sur leur
conscience... Dérogeant aux règles de la déontologie de la
profession, des média proches du pouvoir se sont singularisés par
la haine déversée régulièrement dans leurs
colonnes »63(*)
A coté des contraintes inhérentes à la
profession de journaliste au Burkina Faso, il en existe un certain nombre
d'autres, propres à l'environnement national ; environnement
national qu'il est utile de prendre en considération pour mieux
apprécier son influence sur l'inobservance de l'éthique des
droits de l'homme par les publications de la presse.
1.2.2. Les facteurs
externes
Qu'est ce qui peut, en dehors, de la corporation
journalistique justifier les traitements éthiquement tendancieux que la
presse fait des violations des droits fondamentaux de l'homme. Plusieurs
facteurs non exhaustifs et non exclusifs sont à prendre en
considération.
1.2.2.1. Les risques et menaces liés au traitement des
violations des droits l'homme
Au Burkina Faso comme dans nombre d'Etat se déclarant
de droit, on est malheureusement obligé de reconnaître que les
journalistes font l'objet de répressions. Arrestations, procès,
emprisonnement, menaces et même mort sont des risques réels
encourus.
Pour ce qui des arrestations et procès, plusieurs
dizaines ont été énumérés pendant les dix
dernières années aussi bien dans les rapports64(*) du MBDHP, d'Amnesty
International que de Reporters Sans Frontières.
Pour Dégni Ségui, la répression dont sont
victimes les hommes de médias trouvent malheureusement des fondements
juridiques dans les législations nationales. Ainsi on se retrouve dans
des situations dans lesquelles le délit d'opinion est sanctionné
comme une « diffamation » ou de la
«sédition ».
Le rapport 2008 de l'organisation RSF est très clair
pour ce qui est des risques qu'encourent les hommes de médias dans
l'exercice de leur profession. « En 2007, dit ce rapport, la
liberté de la presse en Afrique a été durement
blessée. Douze fois dans l'année, au moins, des hommes ont
reçu l'ordre d'abattre des journalistes. Près de cent cinquante
fois, des unités de la police ont reçu l'ordre d'arrêter,
non pas un ministre corrompu ou un assassin notoire, mais un journaliste.
Même les gouvernements des pays dans lesquels Reporters sans
frontières avait fondé de l'espoir les années
précédentes ont fait jouer les instruments de la
répression contre la presse. Hormis quelques pays, comme le Ghana ou la
Namibie, entre autres, l'année a été marquée par un
recul général. Que s'est il passé ? »
Dans cet environnement hostile, il v a s'en dire que
l'exercice du métier de journaliste devient très risqué.
Surtout lorsqu'il s'agit de traiter de façon impartiale et
éthique des questions des droits de l'homme. A ce sujet, RSF rappelait
dans son rapport 2007 à propos du Burkina Faso que
« même si la critique est admise et les enquêtes
dérangeantes largement publiées, mettre en cause le chef de
l'Etat, sa famille ou ses plus proches alliés reste un exercice à
risques. Le bimensuel privé L'Evénement en a fait
l'expérience à la fin de l'année, après que
François Compaoré65(*) eut porté plainte pour «diffamation»
à son encontre». Cette assertion semble être confirmée
par le CSC. Ainsi, dans sa recommandation n°001/2008/CSC/SG/CAB parue dans
« l'Observateur Paalga » du 14 mars 2008 relativement
à « des graves manquements professionnels », cet
organe de régulation rappelle que ceux-ci « portent sur des
articles écrits sur fond de rumeurs de toutes sortes, d'incitations
à la haine, d'anathèmes basés sur des
considérations régionalistes et ethnicistes. Cette fracture avec
les normes professionnelles porte également sur des allégations
et des insinuations ne reposant sur aucune preuve matérielle sur
l'état de santé du Président du Faso »66(*).
A titre de comparaison avec le contexte des pays occidentaux,
« no one in a New York, London or Paris editorial conference will
say, If we say this, will the authorities kill us or put us in jail?. Editors
would be concerned about issues of libel and litigation67(*) ». C'est une
réalité car, encore à ce jour, de nombreuses infractions
de presse sont passibles de peines pénales en Afrique comme on l'a vu
à travers le code de l'information du Burkina Faso. Le risque
d'être emprisonné n'est donc pas seulement de jure, il est
réel, permanent. A ce propos, on remarquera que la
dépénalisation des délits de presse est un combat actuel
des journalistes. Ils l'ont réaffirmé lors de la 36e Assises de
la presse francophone tenue en novembre 2004 à Ouagadougou, Burkina Faso
en appelant à la dépénalisation de ces délits qui
constituent une menace sur liberté de presse.
Mais, le pire des risques auquel peut être
confronté un journaliste qui traite des sujets liés à des
violations des droits de l'homme est la disparition physique. La mort du
journaliste burkinabé Norbert Zongo aurait un lien avec ses
enquêtes sur des atteintes aux droits de l'homme. En rappel, Norbert
Zongo était un journaliste burkinabé qui a été
retrouvé mort, criblé de balles et brûlé avec trois
de ses compagnons, le 13 décembre 1998. Cette mort est survenue alors
que le journaliste enquêtait sur la mort suspecte du chauffeur du
frère cadet du chef de l'Etat. En dépit, de la désignation
de « six suspects sérieux »68(*), membres du Régiment de
Sécurité Présidentielle, par la commission d'enquête
indépendante créée à cet effet, la justice
burkinabé a finalement décidé d'un non lieu en 2006.
Dans ce contexte, le choix éditoriale du journaliste
qui traite des questions des violations semble être clair. Il faut
éviter de mettre en exergue la responsabilité de ceux qui
paradoxalement ont l'obligation impérieuse de promouvoir et de
protéger les droits de l'homme au nom de tous les Burkinabé.
1.2.2.2. Le contexte sociopolitique
A coté des menaces que fait peser le pouvoir d'Etat sur
les journalistes, il y a les pesanteurs d'ordre sociologique. Dans cet ordre
d'idées on citera :
· Le fort taux d'analphabétisme de la population
qui atteint plus de 75 % des adultes. Dans son rapport sur le
Développement durable 2006, le PNUD estimait à 21,8%, le
pourcentage des adultes alphabétisés au Burkina Faso. A ce sujet,
est-il important de rappeler que dans le préambule de la
déclaration française des droits de l'homme et du citoyen de
1789, « Les Représentants du Peuple Français,
constitués en Assemblée Nationale, [ont considéré]
que l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de l'Homme sont les
seules causes des malheurs publics et de la corruption des
Gouvernements... »
· Le consensualisme propre aux coutumes traditionnelles
qui veut que l'autorité du chef ne soit pas récusée
même s'il est en faute.
· La perception des défenseurs la promotion et de
la protection des droits de l'homme comme des opposants politiques
· L'impunité des violations des droits de
l'homme ; les lynchages publics de présumés
délinquants, les exécutions extrajudiciaires des prétendus
bandits font rarement suivies de poursuites. Et pour les populations, ces actes
s'apparentent aux meilleures méthodes de rendre justice.
Bien que l'Etat ait ratifié un certain nombre de textes
protégeant les DH, la situation de facto montre peu d'entrain au respect
des règles contenues dans ces instruments. On peut dire qu'
« au regard de l'arsenal juridique
« démocratique » existant au Burkina Faso, il n'est
pas abusif de prétendre que l'Etat de droit existe, mais son
effectivité reste sujette à caution dans la mesure où se
pose la question de l'application des textes en vigueur »69(*). Dans ces conditions, les
individus, les journalistes qui promeuvent ces valeurs sont souvent
perçus comme des personnes subversives. Car intervenir pour la promotion
des droits de l'homme équivaut en général à
rappeler aux Etats et par delà les gouvernants leurs obligations
conventionnelles. C'est pourquoi de nombreux journalistes
préfèrent au mieux traiter des questions des droits de l'homme
dans les sens souhaité par les Etats et du milieu social. Il est
important de souligner qu'en plus de l'Etat qui dont la responsabilité
est engagé dans les violations des droits de l'homme, il y a un contexte
sociopolitique peu favorable à la promotion des valeurs des droits de
l'homme. A ce propos, le doyen Réné Dégni-Ségui
écrit que « la presse devient en effet désormais une
des cibles privilégiées des pouvoirs publics, parce qu'elle
entend jouer le rôle qui est le sien, à savoir le vecteur
transducteur des aspirations profondes et des revendications légitimes
des citoyens »70(*).
En plus de ce qui précède, il n'est pas vain de
noter que le fait que le Président du CSC, instance de régulation
de la presse au Burkina Faso, soit nommé par le Président du
Faso, place celui-ci dans une situation de potentielle subordination directe
à l'exécutif. N'est-ce peut-être pas cette position qui
justifie la propension de cet organe à réagir lorsque le chef de
l'Etat est cité dans un article de presse. Comme ce fut le cas
récemment concernant sa maladie71(*). Autant, la presse doit être
indépendante pour être impartiale, autant les institutions de
régulations doivent également l'être.
La conjugaison de cet ensemble de facteurs fait du contexte
social un espace très peu favorable à la publication des
violations des droits de l'homme comme telles. Dès, lors, le journaliste
membre de la communauté est tenté de s'accommoder à ces
perceptions. Il écrit et commente les faits dans le sens attendu par son
audience, sa communauté. Il doit être dans l'air du temps. C'est
pourquoi à juste titre, « This reactivity to something that is
in the air also explains what the militants of a cause often deplore as a lack
of consistency in the media coverage of their cause. Since the real motivation
of the news people in treating a story with a human rights content is not
generally to redress a wrong but to share in a collective sensitivity over a
particular issue at a given time, they do not feel the necessity to pursue the
coverage when they feel that the public attention wanes on that
issue. »72(*)
Le journaliste traitant des questions de droits de l'homme est
donc confronté à deux courants d'hostilités, l'un
provenant de l'Etat et des pouvoirs publics et l'autre lié au
l'environnement social défavorable. Avec autant de risques réels,
on peut avancer que l'environnement sociopolitique actuel n'offre pas
suffisamment de garanties incitatives à un traitement éthiquement
approprié des violations des droits de l'homme ; le journaliste
risquant de se retrouver tout seul face aux pouvoirs politiques dans un
environnement social lui même hostile.
En definitive, la presse est libre au Burkina Faso, elle peut
traiter de tous les sujets, sous tous les angles, même en portant
atteinte aux valeurs des droits de l'homme. Les deux seules conditions à
observer seraient seulement :
· Etre, au minimum, conforme aux mentalités, aux
façons de voir de la majorité de la population ;
· éviter, au maximum, d'évoquer des cas de
violations dans lesquels la responsabilité des autorités
étatiques peut être engagée.
Alors, que faire pour contribuer à ce que la presse
burkinabé qui est une sentinelle des droits de l'homme continue, en tant
que acteur clé de l'Etat de droit, à révéler les
violations des droits fondamentaux dans le respect de ces mêmes
droits ?
Chapitre 2. Pour des publications éthiques dans la presse
écrite
A la suite de l'étude de l'intervention de la presse
dans la surveillance des violations de l'homme, il sied à la suite de
l'analyse des problèmes identifiés de suggérer quelques
éléments visant à accroître le niveau éthique
des publications que la presse fait des questions des droits de l'homme.
2.1. Au niveau juridique
A u niveau juridique, il y a tout d'abord la
nécessité d'une harmonisation des lois internes aux normes
internationales qui lient l'Etat du Burkina Faso. On pourrait dire qu'il s'agit
d'une obligation positive qui pèse sur les Etats signataires de
conventions. Car, il existe certes des organes internationaux de contrôle
pour nombre de conventions internationales. Mais l'existence de ces
mécanismes ne dispense pas les Etats parties à remplir leurs
obligations de protéger efficacement les droits de l'homme
conformément aux engagements internationaux qu'ils ont souverainement
pris. Comme le reconnaît F. SUDRE, « un système de
protection des droits de l'homme n`est crédible que s'il offre aux
individus des garanties efficaces pour la protection des leurs
droits »73(*).
Ces garanties comprennent aussi bien l'adoption de lois pénales
réprimant les violations aux droits garantis par les traités que
l'application effective desdites lois.
Par conséquent, si de façon
générale, les droits de l'homme sont garantis par des instruments
internationaux, il ressort que la responsabilité première de leur
protection effective incombe aux Etats qui sont seuls à même
d'adopter les mesures législatives requises.
Dans cet ordre d'idées, il n'est pas superflu de
reconsidérer une des préoccupations des hommes de médias
qui à savoir la dépénalisation des délits presse.
C'est à ce titre semble t'il que le journaliste peut se sentir
suffisamment protéger pour traiter sans crainte mais surtout de
façon éthique les sujets ayant trait aux atteintes des droits
fondamentaux. Car comme l'a reconnu, le comité des droits de l'homme des
Nations Unies, « la détention en tant que sanction
négative de l'expression d'une opinion constitue l'un des moyens les
plus répréhensibles destinés à imposer le silence
et de ce fait, est une violation grave des droits de
l'homme »74(*) . Cela, même si comme l'ont montré
certains auteurs comme Alghassim Khassim 75(*) cette dépénalisation peut faire courir
des risques potentiels de dérapages au sein de la profession.
2.2. Au niveau pratique
Au Burkina Faso, bien que la pratique révèle que
la majorité des hommes de médias est constituée de non
spécialistes, on compte au moins deux écoles publiques de
formation. Il s'agit de la filière « journalisme »
de la faculté des arts et communication76(*) de l'université de Ouagadougou et de le Centre
de Formation Professionnelle de l'Information (CFPI). Mais, à l'instar
des formations dispensées dans d'autres pays comme la France, ces
écoles ne prévoient pas des cours sur les droits de l'homme. Il
est donc important que cette dimension soit systématiquement
intégrée aux contenus des formations dispensées par ces
écoles. Les questions de droits de l'homme étant
évolutives, les stages de formations continues devraient
également contenir des aspects sur les droits fondamentaux ou leur
être spécialement dédiés.
La formation comme indiquée ici, est une mesure qui se
situe en amont de la publication. Ce qui signifie qu'il faut prévoir un
dispositif a posteriori pour réduire au mieux les traitements non
éthiques des violations des droits de l'homme. Il peut s'agir à
l'intérieur des rédactions, de mettre en place un système
de « contrôle éthique » de toute publication
abordant une question des droits de l'homme.
Hors de l'organe de presse, les associations professionnelles
qui ont un volet co régulation, les institutions consultatives
chargées de la régulation des médias, des droits de
l'homme, de l'éthique comme le CSC, la CNDH, le CNE doivent
impérativement inclure dans les critères d'appréciation,
les valeurs et principes fondateurs des droits fondamentaux lorsqu'il s'agit
d'analyser des publications de la presse y afférents. C'est une
obligation qui leur incombe au regard des attributions qui leur sont reconnues
au titre des textes qui les instituent.
De même, les organisations de la société
civile dédiées à la protection et la promotion des droits
de l'homme doivent savoir que les traitements éthiquement
équivoques des violations des droits de l'homme par la presse
constituent également un champ d'activités.
En ce qui concerne la charte de déontologie de l'AJB,
elle pourrait explicitement inscrire le respect de l'éthique des droits
de l'homme pour renforcer son article 12 relatif au respect de la vie
privée de la dignité humaine Car sans un respect des valeurs et
principes fondateurs des droits de l'homme, l'observation des autres principes
aura toujours un goût d'inachevé.
Conclusion
La liberté de la presse constitue une des pierres
angulaires des droits fondamentaux de l'homme. Elle constitue un des ses droits
de même qu'elle contribue à l'effectivité des autres droits
par la diffusion de ceux-ci et aussi par la révélation des
violations. Elle joue de ce fait un rôle sans comme mesure dans la
construction de l'Etat de Droit ainsi que sa consolidation. La presse et la
liberté qui l'encadre sont dont les pendants nécessaires à
la démocratie.
Toutefois, dans sa fonction de participation à la
révélation des atteintes aux droits fondamentaux, il arrive que
les publications des médias écrits en fassent un traitement peu
respectueux des valeurs qui fondent les droits de l'homme. C'est le cas par
exemple que donne à observer des articles publiés par la presse
écrite au Burkina Faso. Cette attitude si elle est contraire à la
déontologie et à l'éthique des droits de l'homme
s'expliqueraient en partie par des facteurs comme : le manque de
professionnalisme, la méconnaissance des fondamentaux des droits d e
l'homme par les journaliste, un cadre juridique plus porté sur la
poursuite des journalistes que de la protection des valeurs des droits de
l'homme, un contexte sociopolitique peu favorable à la promotion des
droits de l'homme.
Il est donc important que le milieu de la presse au Burkina
Faso, intègre les questions des droits de l'homme tant dans la
manière de traiter l'information. Ceci au nom de l'obligation
consubstantielle à la jouissance des droits protégés par
la charte internationale des droits de l'homme. Ce qui du point juridique
nécessiterait la prise en compte des valeurs des droits de l'homme telle
que consacrées par les textes internationaux dans l'ordre interne. Si
l'Etat du Burkina Faso a adhéré à ces normes de valeurs
supra législatives, il lui incombe de les faire respecter, appliquer
effectivement par tout individu relevant de ses juridictions y compris les
journalistes.
Pour finir, il est important de préciser que l'analyse
éthique faite par la présente étude ainsi que les
propositions y relatives visent à rendre compte d'un paradoxe
liée à la liberté de la presse. Doit-on restreindre son
exercice au nom du respect scrupuleux des valeurs des droits de l'Homme. Notre
propos loin de tout « droit-de-l'hommisme » est à
l'image de ce qu'a écrit, à ce propos, le Professeur Alain
PELLET77(*) de
l'Université de Paris X - Nanterre : « Ne pas, donc,
imposer des valeurs qui, faute d'être passées dans le droit
positif ne constituent pas des normes juridiques. Mais, en revanche, veiller,
de manière sourcilleuse - aussi sourcilleuse que le droit le
permet -, au respect de celles qui sont aujourd'hui reconnues comme telles
par la communauté internationale dans son ensemble, et dont certaines
ont acquis une valeur impérative, tant il est vrai que les normes
protectrices des droits de l'homme sont, sans aucun doute, le domaine
privilégié du jus cogens ».
Sans cette disposition, comme Dieu hier et encore de nos
jours, les valeurs des droits de l'Homme risqueraient d'être la raison au
nom de laquelle d'autres abus risquent d'être perpétrés. Il
s'agit plutôt de faire cohabiter tous les droits de l'homme et toutes les
libertés fondamentales dans leur interdépendance, avec toujours
en ligne de mire « l'irréductible humain » selon
l'expression du Professeur Delmas-Marty.
Bibliographie
AKANDJI-KOMBE Jean-François Les
obligations positives en vertu de la Convention européenne des Droits de
l'Homme, Un guide pour la mise en oeuvre de la Convention européenne des
Droits de l'Homme, juillet 2006.
Article XIX L'ABC de la diffamation :
une brève introduction de base des lois sur la diffamation, novembre
2006
Amnesty International Protéger les
droits humains : Outils et mécanismes juridiques
internationaux, Les éditions du Jurisclasseur, 2003, 415 pages
Amnesty International Rapport annuel
1999
Amnesty International Rapport annuel
2000
Amnesty international / CODESRIA
Ukwéli : manuel relatif à la surveillance et la
documentation des violations des droits humains en Afrique, 2005, 81
pages
AURE Anne-Eva, Le journalisme
citoyen : quelle réalité sociale ?
Mémoire de master 1 en communication, Juin 2007, Université
Paul Valery Montpellier 3
Burkina Faso Code pénal du Burkina
Faso, 1996
Burkina Faso La constitution du Burkina
Faso, les éditions du journal officiel, Ouagadougou, 2004, 54
pages
CABRILLAC Remy et al. Dictionnaire du
vocabulaire juridique, Litec, 2002
CHAGNOLLAUD Dominique, DRAGO Guillaume et al.
Dictionnaire des droits fondamentaux, Dalloz, 2006, 751
pages
Conseil Supérieur de la
Communication
Rapport public, Ouagadougou, 2005,
137 pages
Conseil Supérieur de la
Communication
Rapport public, Ouagadougou, 2006,
189 pages
CORNU Gérard Vocabulaire
juridique, PUF, Paris, 2007, 986 pages
DECAUX Emmanuel « Le
dixième anniversaire des principes directeurs des Institutions
nationales des droits de l'homme dits « Principes de
Paris » in Droits fondamentaux, n°3, Janvier -
décembre 2003,
DEGNI-SEGUI Réné Les droits
de l'homme en Afrique Noire Francophone, Théories et
réalités, CEDA, Abidjan, 2e édition, 2001, 343
pages
DOLLE Nathalie Des espaces de
déontologie et d'éthique pour une presse plus responsable,
Mémoire d'études diplôme d'université de 2e cycle,
"éthique des droits de l'homme", 2006-2007.
DREYER Emmanuel Droit à
l'information, responsabilité pénale des médias,
Litec, Paris, 2002, 454 pages.
DURKHEIM Emile Les règles de la
méthode sociologique, Paris, PUF, 1986, 149 p., 22 e
édition
FIALAIRE Jacques, MONDIELLI Eric Droits
fondamentaux et libertés publiques, Ellipses, 2005, 552 pages
Fondation du Roi Baudouin Presse et
justice : Un guide pour les journalistes, juin 2004
GUYOT Jean-Claude, TIAO Luc-Adolphe La
régulation des médias : principes, fondements, objectifs et
méthodes, Institut Panos, Paris, février 2007
GUZMAN Manuel, VERSTAPPEN Bert Qu'est-ce
que la surveillance ?, Série sur la surveillance et la
documentation des droits de l'homme, HURIDOCS, 2005, 39 pages
Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de
l'homme,
Recueil d'instruments internationaux, Volume I,
Instruments universels, Nations Unies, New York et Genève, 2002
ICHRP Journalism, media and the challenge
of human rights reporting, 2002, 143 pages
International IDEA La démocratie au
Burkina Faso, Stockholm, 1998, 176 pages
KHAMIS Alghassim L'analyse de la
liberté de la presse au Tchad, Mémoire de recherche Pour
l'obtention du diplôme d'université de 3e cycle "droits
fondamentaux, année universitaire 2005-2006
LOADA Augustin, IBRIGA Luc M. Droit
constitutionnel et institutions politiques, Collection précis de
droit burkinabé, mars 2007, 655 pages
MACOVEI Monica Liberté
d'expression : Un guide sur la mise en oeuvre de l'article 10 de la
Convention européenne des Droits de l'Homme, Précis sur les
droits de l'homme, n° 2, Conseil de l'Europe 2003
MBDHP Rapport sur l'état des droits
humains au Burkina Faso, période 1996 - 2002, Ouagadougou, 242 pages
OGIEN Ruwen L'éthique aujourd'hui,
Maximalistes et minimalistes, Folio, 2007, 252 pages
RSF Guide pratique du journalisme,
2003
RSF Rapport annuel 2007
RSF Rapport annuel 2008
SOYER Jean Claude Droit pénal et
procédure pénale, LGDJ, 2006, 19e édition, 445
pages
Quelques liens utiles
· Cahiers du journalisme édités par l'Ecole
Supérieure de Journalisme de Lille :
http://www.cahiersdujournalisme.net/
· Conseil Supérieur de la Communication :
www.csi.bf
· Organisations de défense des droits de
l'homme :
- Amnesty International :
www.amnesty.org
· Organisations de protection de la liberté de
presse :
- Reporters sans Frontières :
www.rsf.org ;
- Article 19 :
www.article19.org ,
- Fédération Internationale des
Journalistes :
www.ifj.org/fr
· Quotidiens burkinabé :
- Sidwaya :
www.sidwaya.bf ;
- Le pays :
www.lepays.bf ;
- L'observateur Paalga :
www.lobservateur.bf
· Revue Droits Fondamentaux :
www.droits.fondamentaux.org
· Surveillance et documentation des droits de
l'homme :
- HURIDOCS :
www.huridocs.org;
- Amnesty international :
www.amnesty.nl/in_actie_vervolg/spa_fr
· Médias ratings :
www.m-r.fr
· Mémoires d'études disponibles sur
Internet :
http://www.memoireonline.com/
Tables des matières
Sommaire
3
Remerciements
6
Liste des sigles et
abréviations
7
Introduction générale
8
Première partie :
L'éthique dans les publications des violations des droits de l'homme
14
Chapitre 1 : Distinctions
15
Chapitre 2 : L'impartialité et
la promotion du respect des droits de l'homme comme principes
éthiques
18
2.1. L'impartialité
18
2.2. La promotion du respect des droits de l'homme
par la presse écrite
20
Chapitre 3. L'éthique des droits de
l'homme dans la pratique de la presse
22
Deuxième partie : Les
systèmes de garantie de l'éthique des droits de l'homme par la
presse au Burkina Faso
28
Chapitre 1. Les outils
29
1.1. La garantie de la liberté de presse au
niveau juridique
29
1.1.1. Les textes internationaux
29
1.1.1.1. La Déclaration universelle des
droits de l'homme
30
1.1.1.2. Le pacte international relatif aux droits
civils et politiques
31
1.1.1.3. Les textes internationaux
spécifiques
32
1.1.2. Les textes régionaux
33
1.1.2.1. Le cadre africain
33
1.1.2.2. Les autres cadres régionaux
35
1.1.3. Les normes nationales
38
1.2. La garantie de la liberté de presse au
niveau éthique
41
Chapitre 2. Les mécanismes de
garantie de l'éthique des droits de l'homme dans la presse
43
2.1. Les mécanismes juridictionnels
43
2.2. Les mécanismes non juridictionnels
45
2.2.1. Les mécanismes internes aux organes
de presse
45
2.2.1.1. Au sein des organes de presse
45
2.2.1.2. Au sein de la profession de presse
46
· Les associations professionnelles de
la presse
46
· Le Conseil Supérieur de la
Communication (CSC)
47
2.2.2. Les mécanismes externes aux organes
de presse
50
· La Commission Nationale des droits de
l'homme
50
· Le Comité national
d'éthique
52
· Les organisations des droits de
l'homme
53
Troisième partie : Pour une
presse respectueuse de l'éthique des droits de l'homme
56
Chapitre 1 : Les facteurs explicatifs
de la non observance de l'éthique des droits de l'homme par les
publications de la presse écrite
57
1.1. Au niveau juridique
57
1.1.1. Le cadre international et ses limites
58
1.1.2. Les limites du cadre régional
59
1.1.3. Les limites ou la mutité dans l'ordre
juridique interne
60
1.1.4. La désarticulation ou la disharmonie
entre l'ordre interne et les normes internationales
63
1.2. Les facteurs sociologiques
64
1.2.1. Les facteurs internes au monde des
médias
64
1.2.1.1. Le manque de formation en éthique
des droits de l'homme
64
1.2.1.2. Les limites des codes de
déontologie
65
1.2.1.3. La précarité du statut
matériel des journalistes
66
1.2.2. Les facteurs externes
67
1.2.2.1. Les risques et menaces liés au
traitement des violations des droits l'homme
67
1.2.2.2. Le contexte sociopolitique
69
Chapitre 2. Pour des publications
éthiques dans la presse écrite
72
2.1. Au niveau juridique
72
2.2. Au niveau pratique
73
Conclusion
75
Bibliographie
77
Quelques liens utiles
80
Tables des matières
81
Annexes
83
Annexe 1 : La charte des Journalistes
Burkinabé
83
Annexe 2 : Liste des associations de presse au
Burkina Faso
84
Annexe 3 : Les observations du CSC
(publié dans la presse)
85
Annexes
Annexe
1 : La charte des Journalistes Burkinabé
L'Association des Journalistes du Burkina (AJB) qui s'est
fixé pour objectifs :
De développer des rapports confraternels entre ses
membres ;
De tisser des liens d'amitié avec les journalistes
des autres pays ;
De définir et de défendre l'éthique du
journalisme ;
a élaboré et adopté la présente
charte qui est le cadre de référence pour l'affirmation des
droits et des devoirs des journalistes. Convaincu que le respect de la
liberté de presse et le droit à l'information et à la
communication constituent le fondement du plein exercice et de
l'épanouissement de la profession de journaliste, l'AJB invite les
journalistes du Burkina à observer scrupuleusement ce code
déontologique et à le faire respecter
DES DROITS DU JOURNALISTE BURKINABE
Article 1 : Le journaliste
burkinabé, de par sa profession, a droit à toutes les sources
d'information.
Article 2 : Le journaliste
burkinabé est tenu de publier des informations justes dont les sources
sont vérifiables, dans le souci de l'intérêt
général. Il ne peut être l'objet de menace, de poursuite
judiciaire et ou de sanction.
Article 3 : Le journaliste
burkinabé refuse de publier sous sa signature toute information qu'il
juge contraire à ses propres convictions et à l'éthique
professionnelle.
Article 4 : Le journaliste
burkinabé participe directement ou par l'intermédiaire de ses
représentants, à toute décision concernant la vie de
l'entreprise dans laquelle il travaille.
Article 5 : Le journaliste
burkinabé a droit à la sécurité physique,
matérielle et sociale, dans l'exercice de ses fonctions.
Article 6 : Le journaliste
burkinabé a 1e droit de faire valoir la clause de conscience lorsque les
orientations de l'organe de presse dans lequel il travaille ne répondent
plus à ses convictions ou portent atteinte à l'éthique
professionnelle. Par conséquent, il doit bénéficier des
avantages liés à cette clause.
DES DEVOIRS DU JOURNALISTE BURKINABE
Article 7 : Le journaliste
burkinabé est tenu au devoir de vérité par
honnêteté intellectuelle, professionnelle et par souci de
I'intérêt général.
Article 8 : Afin de sauvegarder la
dignité de la profession, le journaliste doit éviter à
tout prix de verser dans la partialité et l'esprit partisan.
Article 9 : Le journaliste digne de ce
nom s'abstient de tout plagiat, de signer des articles qui ne sont pas les
siens ou de se livrer à des manoeuvres de tout genre pour prendre la
place d'un confrère.
Pour sa crédibilité et celle de sa profession,
il se doit de refuser toute forme de corruption et d'allégeance.
Article 10 : Le journaliste s'interdit
toute forme de rémunération illicite directe ou indirecte, tout
avantage proposé en vue d'orienter son traitement de l'information.
Article 11 : Le journaliste est tenu de
protéger ses sources d'information de toute divulgation à
même de le compromettre d'une manière ou d'une autre. En revanche,
il ne doit pas user de moyens illicites pour obtenir des informations. Dans le
respect de la loi, le journaliste peut utiliser tous 1es moyens pour obtenir
une information.
Article 12 : Le respect du droit des
personnes à la vie privée et à la dignité humaine,
en conformité avec les dispositions nationales et internationales en
matière de droit concernant la protection des individus et interdisant
la diffamation, la calomnie, l'injure, l'insinuation malveillante fait partie
intégrante des normes professionnelles du journaliste
burkinabè
Bobo-Dioulasso Avril 1990
Annexe 2 : Liste des
associations de presse au Burkina Faso
1. Association des Journalistes du Burkina (AJB)
2. Observatoire NAtional de la Presse (ONAP),
3. Association des Professionnelles Africaines de la
Communication (APAC)
4. Association des Editeurs et Publicateurs des Journaux en
Langues Nationales (AEPJLN)
5. Union Nationale de l'Audiovisuel Libre du FAso (UNALFA)
6. Association des radios Association des Médias
Communautaires (AMC)
7. Association des Médias communautaires (ARC)
8. Association des Radios Télévisions
Privées du Burkina (ARTPB)
9. Société des Editeurs de la Presse
privée (SEP)
10. Association des Journalistes Sportifs du Burkina (AJSB)
11. Union de la Presse Sportive du Burkina (UPSB)
12. Réseau des Journalistes traitant de l'Information
Judiciaire (REJIJ)
13. REseau des JOurnalistes en MEdecine TRAditionnelle
(REJOMETRA
14. Union Catholique Africaine de la Presse du Burkina
(UCAP-B)
15. Club de la Presse Diplomatique (CPD)
16. Réseau Burkinabè des Communicateurs pour
l'Environnement (RBCE)
17. Club des Journalistes pour l'Environnement (CJE)
18. Réseau des Journalistes en POpulation et
Développement (RJPOD)
19. Réseau des Journalistes de l'Education (RJE)
20. Association Panafricaine des Communicateurs pour
l'Intégration (APCI)
21. Cercle des Journalistes Parlementaires (CJP)
22. Réseau des Journalistes en Information Economique
(RJIE)
23. Réseau des Radios et Revues Rurales (4R)
24. Association des Journalistes d'Information sur le
Bâtiment, l'HAbitat et de la construction (AJIBHA)
25. Club de presse des Nations unies (CPONU)
26. Association pour la promotion des NTIC dans les
médias (CLUBAROBASE)
27. Club Patrick ILBOUDO (CPI)
28. Réseau des Journalistes Burkinabè de Lutte
contre le SIDA et les IST
29. Ligue des communicateurs du Burkina (LICOB)
30. Association Rayimkudumdé (AR)
31. Ligue pour la défense de la liberté de la
presse (LDLP)
32. Reporter du Faso (RF)
33. Union des journalistes et communicateurs culturels du
Burkina (UJCB)
34. SYndicat NAtional des Travailleurs de l'information et de
la Communication (SYNATC),
Source CSC,
www.csi.bf
Annexe 3 : Les
observations du CSC (publié dans la presse)
Le Conseil supérieur de la communication,
gardien du respect de l'éthique et de la déontologie dans les
médias, nous a fait parvenir le 12 mars sa recommandation
n°001/2008/CSC/SG/CAB que voici.
En dépit de conditions matérielles souvent
difficiles, notre paysage médiatique s'illustre par la richesse des
lignes éditoriales et la maturité professionnelle de ses acteurs.
Cette situation vaut aux médias burkinabè d'être
cités en exemple aussi bien dans la sous-région que dans l'espace
francophone.
Le Conseil supérieur de la communication constate
malheureusement que, depuis quelque temps, il est amorcé de
sérieuses atteintes à ces ressorts déontologiques et
éthiques ainsi qu'un processus de rupture de cette assise
professionnelle acquise par nos médias.
A titre illustratif, et non exhaustif, le Conseil
relève les graves manquements professionnels qui ont
caractérisé les livraisons des n°134 du 25 février
2008 et 135 du 10 mars 2008 de l'Evénement, du n°462 du 29
février 2008 de l'Hebdo du Burkina, de l'Observateur Paalga n°7084
du 04 mars 2008, de l'Opinion n°543 du 05 au 11 mars 2008, du Journal du
Jeudi n°859 du 06 au 12 mars 2008, de Bendré n° 485 du 03
mars 2008, du Libérateur n°51 du 05 au 19 mars 2008, de
l'Indépendant n°757 du 11 mars 2008.
Ces manquements, relayés notamment en langues
nationales par certains médias audiovisuels, portent sur des articles
écrits sur fond de rumeurs de toutes sortes, d'incitations à la
haine, d'anathèmes basés sur des considérations
régionalistes et ethnicistes. Cette fracture avec les normes
professionnelles porte également sur des allégations et des
insinuations ne reposant sur aucune preuve matérielle sur l'état
de santé du Président du Faso.
Le Conseil supérieur de la communication invite les
responsables des organes sus-cités et, d'une manière
générale, l'ensemble des professionnels tant du public que du
privé, à cesser immédiatement ces pratiques
antiprofessionnelles.
A un moment où, sur le continent africain, la
liberté de la presse est de plus en plus soumise à de graves
aspérités, le plaidoyer du Conseil supérieur de la
communication pour la dépénalisation des délits de presse
peut se trouver contrarié par des comportements détonnant avec la
responsabilité sociale qui se doit d'être le credo du
journalisme.
Face à de telles dérives, le Conseil
supérieur de la communication rappelle aux organes de presse la
nécessité pour eux de ne pas succomber au sensationnalisme
facile, à la provocation inutile et indécente.
Et cela, surtout pour des faits délitant nos
références culturelles et exposant, en conséquence, toute
la profession à une menace contre la tolérance. C'est au
demeurant sur cette tolérance que repose le large consensus social,
précisément illustré par la diversité des lignes
rédactionnelles et éditoriales.
Le Conseil supérieur de la communication, pour sa part,
n'a cessé de rappeler aux hommes et femmes de médias la
délicatesse de l'exercice de la liberté de la presse. Et cela,
dans un contexte général où la démocratie, dont
elle est une composante essentielle, se révèle être une
oeuvre d'étape. Si l'exercice de la liberté de la presse à
laquelle le Conseil attache du prix est la règle dans le traitement de
l'information, il ne doit servir que l'intérêt
général.
Le Conseil supérieur de la communication sait compter
sur leur sens de responsabilité pour éviter de remettre en cause
les précieux acquis engrangés par notre pays dans la
liberté d'opinion et de presse, surtout lorsque les faits relayés
ne sont pas vérifiés.
Aussi le Conseil invite-t-il les responsables des
médias et les journalistes à éviter toutes les typologies
d'instrumentalisation et à veiller à une stricte observation des
règles fondamentales qui fondent la noblesse et la dignité de la
profession.
En tous les cas, cette recommandation, qui vaut une mise en
demeure, sera suivie en cas de récidive de décisions
administratives du Conseil supérieur de la communication,
conformément à ses attributions et à ses missions
régaliennes.
Le président
B. Luc Adolphe Tiao
Commandeur de l'Ordre national
NDLR : Dans sa recommandation sus-citée, le CSC a
dû se tromper en citant le n°7084 du mardi 4 mars 2008 de
l'Observateur Paalga, car nulle part dans cette édition il n'est fait
cas de la santé du président, ou d'autres articles en rupture
avec les ressorts éthiques et déontologiques.
Par contre, dans l'édition 7082 de notre journal du
vendredi 29 février au dimanche 02 mars, nous avons évoqué
ce sujet "très sensible" de la santé du Président dans
notre rubrique "Une lettre pour Laye".
Si c'est cela l'objet querellé, nous dirons que, pour
une fois, nous ne sommes pas en phase avec le CSC.
Est-ce vraiment faire entorse à l'éthique et
à la déontologie que de se préoccuper de la santé
du Président ?
Vraiment là, pas du tout !
Source : L'Observateur Paalga N° 7092
du 14 mars 2008
(http://www.lobservateur.bf/spip.php?page=rubriquearchive&id_rubrique=7549)
* 1 AI est un mouvement
mondial, indépendant de bénévoles qui interviennent pour
le respect universel des droits de l'homme.
* 2 In « The
observer », 28 mai 1961
* 3 Un prisonnier d'opinion
dans la terminologie d'Amnesty international est toute personne détenu
du fait des distinctions comme la race, le sexe, l'opinion politique ou
l'appartenance religieuse (AI, Mandat 1999).
* 4 La commission des droits de
l'homme a été remplacée en 2006 par le Conseil des Droits
de l'Homme
* 5 Voir à ce sujet
Amnesty International, Rapport annuel 2000, Page 94 ; RSF, Rapport annuel
2007 et MBDHP, Rapport sur l'Etat des droits humains au Burkina Faso,
période 1996 - 2002
* 6 Voir à ce sujet CSC,
Rapport public 2006, Pages 163 à 170
* 7 Expression anglaise
signifiant « chien de garde ». Elle est utilisée
pour qualifier la fonction de surveillance des droits de l'homme
* 8 Souligné par nous
* 9 Augustin LOADA, Luc M.
IBRIGA, Droit constitutionnel et institutions politiques, Collection
précis de droit burkinabé, mars 2007, P.444
* 10 Mouvement burkinabé
des droits de l'homme et des peuples, Rapport 1996-2000. Ouagadougou 2001.
* 11 Discours
prononcé par le président Français F. Mitterrand lors du
sommet Afrique France tenue à la Baule (France) en 1989. Ce discours
inaugurait la conditionnalité de l'aide publique française au
développement à la démocratisation dans les pays
destinataires.
* 12
www.lepays.bf;
www.lobservateur.bf;
www.sidwaya.bf
* 13 Le premier protocole
facultatif (1976) au PIDCP porte sur la procédure des communications
(plaintes) individuelles devant le comité des droits de l'Homme des
Nations unies. Le second (1989) concerne l'abolition de la peine de mort
* 14 Cité par
Anne-Eva AURE, Le journalisme citoyen : quelle réalité
sociale ? Mémoire de master 1 en communication Juin 2007,
Université Paul Valery Montpellier 3, CORNU.D, Ethique de
l'information, Paris, PUF, « Que
sais-je ? », 1997, p.5
* 15 Ruwen Ogien,
L'éthique aujourd'hui, Maximalistes et Minimalistes, Folio, 2007
* 16 Gérard Cornu,
2007
* 17 Amnesty international /
CODESRIA, Ukwéli ; manuel relatif à la surveillance et la
documentation des violations des droits humains en Afrique, 2005, page 33
* 18 G. Cornu, Vocabulaire
juridique, Paris, PUF, 2007 p.468
* 19 Voir à ce sujet les
articles 6.1 de la convention européenne des droits de l'homme et 7.4 de
la charte africaine des droits de l'homme et des peuples.
* 20 Une organisation comme AI
se définit elle-même comme un « mouvement mondial
indépendant et impartial de bénévoles ... »
* 21 Code adopté par
l'Association Générale des Journalistes professionnels de
Belgique (AGJPB), l'Association belge des Editeurs de Journaux (ABEJ) et la
Fédération Nationale des Hebdomadaires d'Information (FNHI) en
1982
* 22 DC n° 81-129 du 30
octobre 1981, Recueil p. 35. cité par Frédérique BROCAL
von Plauen, Le droit à l'information en France : La presse, le
citoyen et le juge - 2004 - thèse de doctorat en Droit -
université de Lyon
* 23 Emmanuel Dreyer, 2003,
page 81
* 24 Serge Théophile
Balima, Un journaliste professionnel est-il universel, réflexions sur la
pratique journalistique en contexte africain, Cahiers du journalisme N°
16, automne 2006, page 193
* 25 In L'observateur Paalga
N° 6934, du 24 juillet 2007, « Wendemi, un don de Dieu mal
entretenu », page 32.
* 26 Rapport sur l'état
des droits de l'homme au Burkina Faso,
http://french.burkinafaso.usembassy.gov/uploads/images/qEM6Ppd3TgMchywy0kUe-g/HRR2008.pdf
page 3
* 27 In Sidwaya du 20
Août 2007 « Du pardon inachevé de l'armée
à Dédougou »
* 28 Jean Claude SOYER, Droit
pénal et procédure pénale, LGDJ, 2006, 19e
édition, page 272
* 29 Réné
Dégni Ségui, page 269
* 30 Sidwaya N° 5741,
page 27
* 31 Sidwaya N° 5754, page
13
* 32 Rapport sur l'état
des droits de l'homme au Burkina Faso du Secrétariat d'Etat
américain
http://french.burkinafaso.usembassy.gov/uploads/images/qEM6Ppd3TgMchywy0kUe-g/HRR2008.pdf,
page 2
* 33 In
« L'Observateur Paalga » N° 6716 du lundi 4 septembre
2006
* 34 L'union Africaine a
été créée en 2000 au sommet de Durban en Afrique
mais c'est en 2002 qu'elle a effectivement remplacé l'OUA lors du sommet
de Maputo au Mozambique.
* 35 In ATANGANA AMOUGOU,
« Avancées et limites du système africain de protection
des droits de l'homme : la naissance de la cour africaine des droits de l'homme
et des peuples », Revue Droits fondamentaux, n° 3,
janvier - décembre 2003
* 36 Arrêt du 2 mai
1988 D.I. c/Allemagne, Rapport de la Commission, 26 juin 1996, cité par
Monica Macovei, 2003
* 37 Loi N° 56/93/ADP du
30 décembre 1993
* 38 Nathalie Dollé,
Des espaces de déontologie et d'éthique pour une presse plus
responsable, mémoire d'études diplôme d'université
de 2e cycle, "éthique des droits de l'homme", 2006-2007. Page 27
* 39 Burkina Faso,
Constitution, titre VIII, page 39
* 40 E. Dreyer, page 192
* 41 Luc Adolphe TIAO, GUYOT,
2007
* 42 Voir la liste des
associations de journalistes en annexe 2
* 43 Décret
n°95-304/PRES/PM/MCC du 1er août 95
* 44 Le président du
Faso est le président de la République,
« Faso » signifiant en langue nationale mooré
« la patrie ».
* 45 In « le
pays » N° 4105 du 28 avril 2008, p 28 : « Respect
de l'éthique et de la déontologie : le CSC auditionne 4
promoteurs de médias »
* 46 CSC, Rapport
d'activités 2006, Page 165.
* 47 Jean-Claude Guyot,
Luc-Adolphe Tiao, La régulation des médias : principes,
fondements, objectifs et méthodes, Institut Panos, Paris, février
2007
* 48 Le Conseil des droits de
l'Homme est l'organe onusien qui a remplacé la commission des droits de
l'homme en 2006. Il a pour vocation de promouvoir universellement le respect
des droits de l'homme.
* 49 In Emmanuel Decaux,
« Le dixième anniversaire des principes directeurs des
Institutions nationales des droits de l'homme dits « Principes de
Paris » in Droits fondamentaux, n°3, Janvier - décembre
2003, p.29
* 50 Alimata
Salembéré, communication au séminaire international sur la
gestion de la transition en RDC, 26-28 avril 2004
* 51 CGD/PNUD Burkina Faso,
Etude sur les compétences et les potentialités des OSC au Burkina
Faso, Ouagadougou, 2002
* 52 Un exemple
récent, le MBDHP a publié dans le quotidien
« L'observateur Paalga » du 22 avril, un communiqué
relatif à la mort d'un détenu à la Maison d'Arrêt et
de Correction de Ouagadougou sous le titre « Mort d'un détenu
à la MACO ».
* 53 En plus de la radio
« mille collines », le journal
« Kangura » a été reconnue comme l'un de ceux
qui ont ouvertement appelé aux tueries.
* 54 JP Chrétien, Presse
libre et propagande raciste au Rwanda, Kangura et les 10 commandements du Hutu,
documents
http://www.politique-africaine.com/numeros/pdf/042109.pdf
* 55 France Matin, 20 octobre
2006
* 56 Monica, 2003 Page 46.
* 57 DREYER, Droit de
l'information, page 3
* 58 L'article 1382 du code
civile dispose que « tout fait quelconque de l'homme qui cause
dommage à autrui oblige celui par la faute duquel il est arrivé
à le réparer »
* 59 60 DREYER,
page 121
* 61Cf.
http://www.ifj.org/assets/docs/056/082/5885b38-02de752.pdf
* 62 CSC, Rapport
d'activités 2005, page 73
* 63 MBDHP, Rapport sur l'Etat
des droits humains au Burkina Faso, période 1996 - 2002, p 72
* 64 Amnesty International,
Rapport annuel 2000, Londres, P 94. MBDHP, Rapport 2002,
* 65 François
Compaoré est le frère cadet du chef de l'Etat burkinabé.
Conseiller à la présidence, son nom est cité dans la mort
du journaliste Norbert Zongo parmi les présumés
commanditaires.
* 66 Voir le texte
intégral en annexe 3
* 67 Notre traduction
« Personne dans une conférence de rédaction à
New York, Londres ou Paris ne dira, si nous disons ceci, les autorités
nous tueront t`ils ou nous mettrons t'ils en prison ? Les éditeurs
s'inquiéteraient des questions de diffamation ou de
procès. » ICHRP, Journalism, media and the challenge of human
rights reporting, 2002, Page 74.
* 68 Rapport de la
commission d'enquête indépendante sur la mort de Norbert Zongo et
trois de ses compagnons, Mai 1999.
* 69 International IDEA, La
démocratie au Burkina Faso, , Stockholm, 1998, P.10
* 70 Réné Degni
Ségui, Les droits de l'homme en Afrique Noire Francophone :
théories et réalités, CEDA, P 268,
* 71 Recommandation
n°001/2008/CSC/SG/CAB du CSC, op cit
* 72 Notre traduction
« Cette réactivité aux faits qui sont dans l'air du
temps explique aussi ce que les militants d'une cause déplorent comme un
manque de consistance dans la couverture médiatique de leur cause.
Dès lors que la vraie motivation des journaux traitant de faits relatifs
aux droits de l'homme n'est pas généralement de corriger un tort
mais de partager la sensibilité collective sur un sujet particulier
à un moment donné, ils ne sentent pas la nécessité
de poursuivre le traitement dès qu'ils sentent un manque
d'intérêt du public pour ce sujet. »
* 73 F. Sudre, « les
mécanismes et les techniques de garantie internationale des droits, les
mécanismes quasi-juridictionnels et juridictionnels », cours
de droits fondamentaux, DUDF
* 74 In « Le
pays » N° 4079 du 19 mars 2008 « Déclaration
des journalistes de l'UEMOA pour la dépénalisation des
délits de presse »
* 75 Alghassim Khamis,
L'analyse de la liberté de la presse au Tchad, Mémoire de
recherche Pour l'obtention du diplôme d'université de 3e cycle
"droits fondamentaux, année universitaire 2005-2006
* 76 Cité parmi les
centres d'excellence, Guy Berger et Corinne Matras, Critères et
indicateurs pour des institutions de qualité de formation au journalisme
& Identification de centres potentiels d'excellence de formation au
journalisme en Afrique, Série UNESCO sur la formation au
journalisme, UNESCO 2007
* 77 In Alain PELLET
"droits-de-l'hommisme" et droit international », Revue Droits
fondamentaux, n° 1, juillet - décembre 2001