Les publications des violations des droits de l'homme dans la presse écrite au Burkina : Essai d'analyse éthique( Télécharger le fichier original )par Mahamadou Soré Université de Nantes - Diplome universitaire de troisième cycle en Droits Fondamentaux 2008 |
1.2.2. Les facteurs externesQu'est ce qui peut, en dehors, de la corporation journalistique justifier les traitements éthiquement tendancieux que la presse fait des violations des droits fondamentaux de l'homme. Plusieurs facteurs non exhaustifs et non exclusifs sont à prendre en considération. 1.2.2.1. Les risques et menaces liés au traitement des violations des droits l'hommeAu Burkina Faso comme dans nombre d'Etat se déclarant de droit, on est malheureusement obligé de reconnaître que les journalistes font l'objet de répressions. Arrestations, procès, emprisonnement, menaces et même mort sont des risques réels encourus. Pour ce qui des arrestations et procès, plusieurs dizaines ont été énumérés pendant les dix dernières années aussi bien dans les rapports64(*) du MBDHP, d'Amnesty International que de Reporters Sans Frontières. Pour Dégni Ségui, la répression dont sont victimes les hommes de médias trouvent malheureusement des fondements juridiques dans les législations nationales. Ainsi on se retrouve dans des situations dans lesquelles le délit d'opinion est sanctionné comme une « diffamation » ou de la «sédition ». Le rapport 2008 de l'organisation RSF est très clair pour ce qui est des risques qu'encourent les hommes de médias dans l'exercice de leur profession. « En 2007, dit ce rapport, la liberté de la presse en Afrique a été durement blessée. Douze fois dans l'année, au moins, des hommes ont reçu l'ordre d'abattre des journalistes. Près de cent cinquante fois, des unités de la police ont reçu l'ordre d'arrêter, non pas un ministre corrompu ou un assassin notoire, mais un journaliste. Même les gouvernements des pays dans lesquels Reporters sans frontières avait fondé de l'espoir les années précédentes ont fait jouer les instruments de la répression contre la presse. Hormis quelques pays, comme le Ghana ou la Namibie, entre autres, l'année a été marquée par un recul général. Que s'est il passé ? » Dans cet environnement hostile, il v a s'en dire que l'exercice du métier de journaliste devient très risqué. Surtout lorsqu'il s'agit de traiter de façon impartiale et éthique des questions des droits de l'homme. A ce sujet, RSF rappelait dans son rapport 2007 à propos du Burkina Faso que « même si la critique est admise et les enquêtes dérangeantes largement publiées, mettre en cause le chef de l'Etat, sa famille ou ses plus proches alliés reste un exercice à risques. Le bimensuel privé L'Evénement en a fait l'expérience à la fin de l'année, après que François Compaoré65(*) eut porté plainte pour «diffamation» à son encontre». Cette assertion semble être confirmée par le CSC. Ainsi, dans sa recommandation n°001/2008/CSC/SG/CAB parue dans « l'Observateur Paalga » du 14 mars 2008 relativement à « des graves manquements professionnels », cet organe de régulation rappelle que ceux-ci « portent sur des articles écrits sur fond de rumeurs de toutes sortes, d'incitations à la haine, d'anathèmes basés sur des considérations régionalistes et ethnicistes. Cette fracture avec les normes professionnelles porte également sur des allégations et des insinuations ne reposant sur aucune preuve matérielle sur l'état de santé du Président du Faso »66(*). A titre de comparaison avec le contexte des pays occidentaux, « no one in a New York, London or Paris editorial conference will say, If we say this, will the authorities kill us or put us in jail?. Editors would be concerned about issues of libel and litigation67(*) ». C'est une réalité car, encore à ce jour, de nombreuses infractions de presse sont passibles de peines pénales en Afrique comme on l'a vu à travers le code de l'information du Burkina Faso. Le risque d'être emprisonné n'est donc pas seulement de jure, il est réel, permanent. A ce propos, on remarquera que la dépénalisation des délits de presse est un combat actuel des journalistes. Ils l'ont réaffirmé lors de la 36e Assises de la presse francophone tenue en novembre 2004 à Ouagadougou, Burkina Faso en appelant à la dépénalisation de ces délits qui constituent une menace sur liberté de presse. Mais, le pire des risques auquel peut être confronté un journaliste qui traite des sujets liés à des violations des droits de l'homme est la disparition physique. La mort du journaliste burkinabé Norbert Zongo aurait un lien avec ses enquêtes sur des atteintes aux droits de l'homme. En rappel, Norbert Zongo était un journaliste burkinabé qui a été retrouvé mort, criblé de balles et brûlé avec trois de ses compagnons, le 13 décembre 1998. Cette mort est survenue alors que le journaliste enquêtait sur la mort suspecte du chauffeur du frère cadet du chef de l'Etat. En dépit, de la désignation de « six suspects sérieux »68(*), membres du Régiment de Sécurité Présidentielle, par la commission d'enquête indépendante créée à cet effet, la justice burkinabé a finalement décidé d'un non lieu en 2006. Dans ce contexte, le choix éditoriale du journaliste qui traite des questions des violations semble être clair. Il faut éviter de mettre en exergue la responsabilité de ceux qui paradoxalement ont l'obligation impérieuse de promouvoir et de protéger les droits de l'homme au nom de tous les Burkinabé. * 64 Amnesty International, Rapport annuel 2000, Londres, P 94. MBDHP, Rapport 2002, * 65 François Compaoré est le frère cadet du chef de l'Etat burkinabé. Conseiller à la présidence, son nom est cité dans la mort du journaliste Norbert Zongo parmi les présumés commanditaires. * 66 Voir le texte intégral en annexe 3 * 67 Notre traduction « Personne dans une conférence de rédaction à New York, Londres ou Paris ne dira, si nous disons ceci, les autorités nous tueront t`ils ou nous mettrons t'ils en prison ? Les éditeurs s'inquiéteraient des questions de diffamation ou de procès. » ICHRP, Journalism, media and the challenge of human rights reporting, 2002, Page 74. * 68 Rapport de la commission d'enquête indépendante sur la mort de Norbert Zongo et trois de ses compagnons, Mai 1999. |
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