ANNEXE 8 : Analyse de
contenu par entretien Entretien 1
Analyse de l'énonciation
Lors de l'analyse catégorielle de l'entretien, il nous
a parut important de souligner certains aspects du discours :
-Alternance entre l'investissement personnel et la
prise de distance dans la narration
L'aidant utilise dans son discours principalement les pronoms
« je » et « on ». Nous pouvons mettre
en évidence que le « je », démontrant
l'implication personnelle du sujet, est utilisé lorsque l'aidant
évoque des sujets personnels, sensibles, souvent liés à
son vécu. A l'inverse, le pronom « on »,
témoignant d'un certain recul et d'une prise de distance, est
employé pour parler de l'organisation davantage matérielle autour
de la maladie du père.
- Agencement et dynamique du discours
De manière générale, le style du discours
est linéaire : nous n'observons pas de failles logiques, de pertes
de contrôle ou de ruptures. Le sujet parle très vite et
enchaîne rapidement les propositions, sans répondre directement
aux questions. Par conséquent, cela traduit un besoin de se confier, de
raconter son vécu.
Une phase du discours est néanmoins
particulièrement confuse, dans la séquence 4, lorsque l'aidant
évoque la réaction de son père à l'annonce. Elle se
contredit de nombreuses fois au sein du même paragraphe sans savoir si
son père se rend compte ou non de la maladie dont il souffre.
Interprétation de l'analyse
thématique et de l'énonciation, réalisation d'un lien avec
les résultats obtenus au questionnaire.
Analyse des mécanismes de défense à
l'annonce, des circonstances selon lesquelles le sujet est devenu aidant, de la
perception de la qualité de l'annonce et de la réaction du
parent.
- Découverte de la maladie
La fille de M. A dit ne s'être jamais aperçue de
la maladie de son père auparavant. Cependant elle exprime se souvenir
avec du recul qu'il y avait des signes visibles comme l'agressivité ou
la brutalité de son père envers son épouse. Le premier
symptôme ayant réellement alerté l'aidant est un sentiment
de persécution de la part de son père. Nous pouvons alors
supposer que le sujet a dénié certains signes avant coureurs de
la maladie d'Alzheimer de son père.
L'aidant évoque différentes étapes avant
que le diagnostic de la maladie ne soit posé par le médecin. Nous
pouvons nous demandé si ces étapes n'ont pas également
permis à l'aidant lui-même d'accepter la maladie de son
père.
- Devenir aidant
Le sujet est devenu l'aidant principal de son père sous
la forme de « désignation inconsciente et
naturelle ». Effectivement, même si le sujet évoque le
partage des rôles dans la gestion quotidienne de son père, elle
est la personne de confiance et le principal référent par rapport
à la pathologie paternelle. De plus, elle gère l'organisation
administrative. Nous pouvons percevoir dans le discours du sujet qu'elle ne
répond pas directement à la question sur la manière dont
elle est devenue aidante mais qu'elle contourne le sujet en expliquant quelle
est l'organisation quotidienne mise en place.
- Perception de la qualité de
l'annonce
Le médecin traitant de la famille avait visiblement
déjà donné des informations sur la maladie à
l'aidant. La fille de M. A explique qu'elle avait rencontré un
gériatre lui ayant tout expliqué et le terme « Maladie
d'Alzheimer » a été clairement annoncé lors de
la consultation. L'aidant met en avant les recommandations pratiques pour
l'habitation et la prise en charge en institution évoquées par le
médecin et parait très satisfaite des éléments qui
lui ont été transmis lors de l'annonce elle-même.
Le protocole d'annonce évoqué par R. Buckman
(1994) a été mis en place tout au long du processus d'annonce de
la maladie à l'aidant. Effectivement, selon les dires du sujet, le
médecin a commencé à évoquer la maladie d'Alzheimer
avec l'aidant en lui expliquant les raisons de certains troubles du
comportement de son père. Cette étape peut être
apparentée à celle des
« préliminaires » selon Buckman, puisque ce moment a
permis de faciliter l'annonce. [4]
L'ensemble des autres étapes ont également
été suivies par le médecin : celui-ci a
demandé au sujet ce qu'il voulait savoir des troubles de son parent,
l'ensemble des informations liées au diagnostic ont été
transmises (évolution, traitement, prises en charges...). De plus,
l'aidant souligne comme le montre le questionnaire, que le médecin a
répondu clairement aux questions qu'elle se posait.
D'une manière générale, l'aidant est
satisfait (5/5 sur le ressenti lié à l'annonce dans le
questionnaire) de la manière dont l'annonce lui a été
communiquée. Cela peut être expliqué par les étapes
importantes respectées par le médecin lors de l'annonce, par
l'empathie dont il a fait preuve, mais peut être aussi par le fait que
l'aidant semblait s'attendre à cette annonce (évoqué dans
l'entretien) ainsi que par la présence d'un soutien social au moment
même de l'annonce.
- Perception de la réaction du parent
à l'annonce
La fille de M. A est très confuse dans son discours
à ce sujet : elle se contredit de nombreuses fois lorsqu'elle
explique la manière dont son père a réagit à
l'annonce de sa propre maladie. Elle ne parait pas savoir, ou ne pas vouloir
savoir, si son père est conscient de la maladie dont il souffre.
- Réactions, mécanismes de
défenses, stratégies de coping
Le déni s'avère avoir
été le mécanisme de défense principal de l'aidant
avant que le diagnostic de la maladie d'Alzheimer n'ait été
posé. La fille de M. A dit ne pas s'être aperçue des
troubles de son père, de l'avoir trouvé agressif pendant
plusieurs années mais sans associer cela à la maladie
d'Alzheimer. Lorsque l'on pose la question du vécu de la personne au
moment de l'annonce, celle-ci parait fuir la première fois le sujet, et
expose de manière détaillée les aménagements
matériels réalisés au sein de la maison après
l'annonce du diagnostic. Nous pouvons nous poser la question d'une certaine
« résistance » chez le sujet à évoquer
ses propres sentiments et son vécu personnel au moment de l'annonce.
Elle utilise d'ailleurs le pronom « on » durant toute cette
partie de l'entretien, comme si elle refusait de parler en son nom.
Ce n'est qu'à la seconde reprise qu'elle répond
à la question sur son vécu en utilisant le pronom
« je ».
Tout d'abord, le sujet utilise lors du thème de la
qualité de l'annonce de nombreuses fois une formulation
négative : « je n'ai pas du tout été
choqué », comme si elle cherchait à persuader
l'interlocuteur ou même à se persuader elle-même qu'elle ne
s'est pas effondrée à l'annonce. La présence de
dénégation comme mécanisme de
défense peut être envisagée ici à travers le
discours de l'aidant : la fille de M. A utilise cette formulation trois
fois au sein de la même phrase. Puis, à force de dire qu'elle
s'attendait au diagnostic, qu'elle a connu beaucoup de personnes atteintes de
cette maladie, elle commence à laisser transparaître certaines de
ses émotions et son vécu autour de l'annonce.
La première phrase du discours de l'aidant se rapproche
d'une étape évoquée par P. Pitaud (2006), au sujet du
temps nécessaire à l'entourage pour s'approprier un diagnostic.
La fille de M. A explique avoir posé plusieurs questions au
médecin sur la maladie : cette étape correspondrait à
la tentative de maîtriser sur le plan cognitif ce qui arrive. Le sujet
cherche à donner du sens à la maladie, à comprendre sa
cause pour « restaurer une continuité là où le
traumatisme avait fait rupture ». [34]
La suite du discours de l'aidant se porte d'avantage sur les
aspects émotionnels liés à la maladie du proche. La fille
de M. A évoque de nombreuses fois le mot
« dégradant » et « horrible »,
mots ayant une connotation négative, douloureuse. Le sujet explique
d'ailleurs qu'elle préfère avoir perdue sa mère
plutôt que de l'imaginer atteinte de la maladie d'Alzheimer comme son
père.
En terme de coping, la stratégie adoptée par le
sujet est le « coping centré sur le
problème ». Face à l'annonce de la maladie, la
fille de M. A parle des actions entreprises dans la maison pour la protection
matérielle de son père. De même, elle évoque les
éléments sur la prise en charge et l'aide quotidienne de son
père ainsi que des anecdotes au sujet des troubles de celui-ci. Mais
l'aidant ne parait pas essayer de revenir sur ses propres émotions, sur
la façon dont elle les gère, elle ne s'intéresse
uniquement aux aspects concrets et matériels de la vie familial.
Entretien 2
Analyse de l'énonciation
Cet entretien, riche d'un point de vue du flux de parole et de
l'expression des affects du sujet, est marqué par certains
éléments relevant de l'énonciation :
- Rythme de l'entretien
Le flux de parole du sujet augmente au fur et à mesure
de l'entretien, allant de pair avec les émotions
dévoilées. Au début de l'entretien, l'aidant est assez
pragmatique, expliquant la manière dont lui a été
annoncée la maladie. Ensuite, les affects sont de plus en plus
exprimés et le sujet parle beaucoup, comme si elle avait besoin de se
libérer du poids de cette émotion, difficile à
contenir : nous pouvons supposer que l'entretien est contrôlé
par le sujet au début mais que l'évocation de ce sujet fait
émerger des émotions, difficiles à contrôler par la
suite.
- Style de l'entretien
Un certain lyrisme peut être noté dans le style
de l'entretien (M.C D'Unrug, 1974), traduisant une force d'investissement dans
le thème de l'annonce du diagnostic de la maladie d'Alzheimer du
père du sujet. L'entretien est ponctué de signes
d'énervement (marqué par le ton de la voix) ou d'émotions
vives et difficiles (pleure). [47]
Interprétation de l'analyse
thématique et de l'énonciation, réalisation d'un lien avec
les résultats obtenus au questionnaire.
Analyse des mécanismes de défense à
l'annonce, de la manière dont le sujet est devenu aidant, de la
perception de la qualité de l'annonce et de la réaction du
parent.
- Découverte de la maladie
Le sujet, au cours de l'entretien, évoque plusieurs
fois son déni de la situation avant que la maladie de
son parent de lui soit annoncée. L'aidant prend du recul sur son
vécu en expliquant clairement que certains signes étaient visible
mais qu'elle n'a pas pu ou pas voulu les percevoir (« je
préférais imaginer que c'était pas ça »).
La découverte de la maladie de s'est ainsi pas faite progressivement
mais de manière « violente », d'une part car le
sujet avait refusé d'admettre les signes précurseurs et d'autre
part par la manière dont l'annonce a été
réalisée, c'est-à-dire au téléphone, par un
médecin pensant que l'aidant était déjà au
courant.
- Devenir aidant
La manière dont le sujet est devenu aidant est assez
complexe. Le sujet est l'unique fille du parent atteint de la maladie
d'Alzheimer : elle est de ce fait l'aidante désignée
puisqu'aucun autre membre de la famille n'est proche du parent. Cependant, pour
le sujet, cette désignation naturelle n'est pas aussi évidente.
C'est à ce moment de l'entretien que les affects du sujet ont
commencé à surgir, à prendre place au milieu des mots.
Elle recherche une responsabilité symbolique, une reconnaissance de son
rôle d'aidante principale et surtout un besoin de
légitimité. Le fait de recevoir l'accord du juge pour devenir
tutrice de son père est un fait marquant dans l'aide qu'elle lui
apporte. Effectivement, cela lui permet d'avoir confiance en ses
capacités d'aide envers son père : il s'agit d'une certaine
justification et d'un sentiment de devoir le faire. Plusieurs de ses actes
concrets dans la relation d'aide ont pu être réalisés par
cette légitimité accordée par le rôle de tutrice.
- Perception de la qualité de
l'annonce
L'annonce réalisée par le médecin pour
informer le sujet de la maladie d'Alzheimer de son père ne comporte pas
les éléments importants pour permettre l'acceptation de la part
de l'aidant : aucune étape que le chercheur Buckman (1994) met en
évidence ne peut être repérée lors de cette annonce.
Le médecin ne savait pas que l'aidant n'était pas au courant de
la maladie dont souffrait son père, il a alors évoqué
celle-ci sans aucune précaution. « Les
préliminaires » nécessaires avant l'annonce n'ont ainsi
pas été mises en place ainsi que la recherche de ce que le sujet
sait déjà ou souhaite savoir. De plus, l'annonce de la maladie a
eu lieue au téléphone, ce qui ne facilité pas la gestion
des réactions émotionnelles de la personne ainsi que la
délivrance d'informations. [4]
La partie du questionnaire portant sur la manière dont
a été perçue la qualité de l'annonce du diagnostic
va dans le sens de ce que le sujet évoque lors de l'entretien. Les seuls
éléments positifs de l'annonce sont l'utilisation claire du terme
« maladie d'Alzheimer » et les réponses aux
questions du sujet. En dehors de cela, le médecin n'a pas semblé
faire preuve d'empathie envers l'aidant et n'a pas apporté
d'informations concernant l'évolution de la maladie, ses troubles
comportementaux, les formes de traitements ou les possibilités de prise
en charge... L'aidant a jugé très mauvaises la qualité de
la relation entretenue avec le médecin ainsi que la manière dont
l'annonce a été réalisée.
- Perception de la réaction du parent
à l'annonce
L'aidant ne parait pas savoir si son père a compris de
quoi il souffrait. Au début, le sujet dit qu'il a entendu parler de la
maladie d'Alzheimer mais que cela ne le concernait pas, que ce n'était
pas lui qui était atteint. L'aidant pense que son père a
dénié sa pathologie, du moins lors des premiers symptômes.
Cependant, elle dit commencer à parler plus ouvertement de la maladie,
surtout autour de son père. Cela a permis à celui-ci de demander
s'il est atteint de la maladie d'Alzheimer et d'engager des discussions sur ce
thème avec sa fille.
- Réactions, mécanismes de
défenses
Lors de l'annonce fortuite de la maladie d'Alzheimer de son
père, le sujet a eu deux réactions :
Tout d'abord, l'effondrement du déni a
pu être repéré au sein du discours du sujet. L'aidant
évoque qu'elle a refusé d'admettre les signes précurseurs
de la maladie de son père : elle dit être consciente d'avoir
occulté des éléments en sa possession mais que cela
n'était pas possible à admettre à ce moment là.
Lorsque le médecin lui annonce sans ménagement, c'est tout ce
qu'elle a refusait d'admettre qui s'effondre et la vérité
s'impose à elle. La découverte accidentelle de l'annonce a un
impact traumatique important car elle n'a pas permis un accompagnement
relationnel immédiat ni d'apport d'explications sur la maladie ou ses
éventuelles causes, dans le but de répondre à la recherche
de sens du sujet. Selon les recherches sur ce thème, ce type de
découverte a un effet déstructurant pour le narcissisme du sujet
puisque le déni mis en place depuis longtemps s'effondre, laissant
l'aidant face à la réalité de la pathologie.
Ensuite, l'effondrement émotionnel a
été une réaction importante au moment de l'annonce.
L'aidant préférait imaginer que ce n'était pas la maladie
d'Alzheimer et l'annonce, brutale, l'oblige à un face à face avec
tout ce qu'elle comporte. L'annonce est ainsi vécue ici sur le mode
d'une catastrophe, d'un effondrement : le sujet utilise le mot
« assommée » pour parler de son vécu lors de
l'annonce.
Une autre hypothèse sur les réactions de
l'aidant peut être d'avoir attribué la fonction de
« bouc émissaire » à la compagne de
son père (Pitaud, 2006) : ici, l'aidant pense que celle-ci a eu un
rôle à jouer dans le déclenchement de la maladie, de part
son implication auprès de ses propres parents et par conséquent
de l'ennuie du père qui en a découlé. La compagne, est
considérée comme une des causes des difficultés. [34]
Lors du thème sur la réaction du parent à
l'annonce de la maladie, l'aidant évoque de nombreuses critiques face
à l'organisation du système médical (non communication des
données entre praticiens, non respect de la confidentialité sur
les pathologies de son père...). Le sujet parle de ce sujet avec
agacement et en haussant fortement le ton. Sous cette critique, nous pouvons
percevoir un besoin de contrôle de la part de l'aidant, notamment de
contrôler cognitivement la prise en charge de son père. Ici, nous
pouvons ainsi évoquer la mise en place d'une stratégie de coping
centrée sur le problème.
Entretien 3
Analyse de l'énonciation
- Agencement et dynamique du discours
Le discours est sobre, le sujet est engagé dans la
situation de manière réelle. Ses phrases sont succinctes, il est
souvent nécessaire de le relancer car il élabore peu sur les
sujets proposés. Cela traduit peut-être une difficulté
à parler de son vécu par rapport à la pathologie de sa
mère.
Interprétation de l'analyse
thématique et de l'énonciation, réalisation d'un lien avec
les résultats obtenus au questionnaire.
Analyse des mécanismes de défense à
l'annonce, des circonstances selon lesquelles, le sujet est devenu aidant, de
la perception de la qualité de l'annonce et de la réaction du
parent.
- Découverte de la maladie
Tout d'abord, un blocage parait avoir eu lieu en début
d'entretien lorsque nous avons posé la question de la manière
dont la maladie a été découverte : le sujet n'a pas
répondu directement à la question mais a demandé
« vous voulez que je dise ce que je vous ai dit en
arrivant ? ». L'aidant essaye peut-être de contrôler
la dynamique de l'entretien, comme s'il cherchait à faire reculer le
moment où il aura à se livrer, à parler de lui et de son
vécu lors. La seconde phrase évoque la volonté du sujet de
se laisser aller, par « heu, je vais tout vous dire »,
à finalement se confier.
La découverte de la maladie d'Alzheimer a
commencé par l'observation de troubles du comportement par rapport aux
dépenses financières de la mère du sujet. C'est à
partir de cette observation qu'il a décidé de lui faire passer un
test de mémoire auprès d'un gériatre. Il s'avère
que c'est l'aidant lui-même qui a découvert les troubles de sa
mère (utilisation du pronom personnel « je »).
- Devenir aidant
La manière dont le sujet est devenu l'aidant principal
de sa mère est particulière. Elle se situe entre la
volonté propre du sujet de prendre en charge sa mère et le refus
des membres de la fratrie de partager avec lui cette prise en charge, au
domicile de chacun selon ce qu'il avait proposé. La mise en place de
l'aide au sein de cette famille a était source de conflits dans la
fratrie: il s'agit ici d'un « enfant
désigné », désigné par le refus de la
fratrie de gérer l'aide à ses côtés mais
également choisi par le sujet lui-même puisque c'est lui qui
demande la mise sous curatelle et d'habiter avec sa mère. Nous pouvons
nous demander ici ( Pitaud, 2004), quelle est la structure narcissique du sujet
et sa relation avec sa mère car l'aidant choisi de vivre au domicile de
sa mère en disant vouloir préserver ses repères.
Cependant, celui-ci quitte sa vie personnelle, et, comme un retour en enfance,
revient vivre auprès de sa mère, dans le cocon familial. La
responsabilité symbolique que l'aidant recherche et obtient parait ainsi
lui permettre de donner un sens à son aide. [34]
- Perception de la qualité de
l'annonce
Le sujet ne parait pas satisfait de la manière dont
l'annonce de la maladie de sa mère lui a été faite.
L'entretien révèle que certaines informations sur la pathologie
lui ont été transmises mais que ce n'est pas le cas pour
toutes.
L'aidant souligne que le terme « maladie
d'Alzheimer » a été annoncé directement, en
expliquant que la patiente était perdue dans le temps et dans l'espace
en précisant l'évolution possible de la maladie. Cependant, le
sujet explique que plusieurs informations n'ont pas été
mentionnées, comme le rôle des médicaments ou le
fonctionnement de la maladie.
Le questionnaire apporte des éléments
complémentaires sur la perception de la qualité de l'annonce par
l'aidant. Tout d'abord, la préparation à l'annonce
(« préliminaires » selon B. Buckman) n'a pas eu
lieue (aidant non mis à l'aise, pas de demande de ce que le sujet veut
savoir des troubles...). Malgré le fait que les mots utilisés
soient simples et à la portée de l'aidant, le médecin n'a
pas répondu à toutes ses questions. Enfin, la transmission des
informations n'a pas été complète : le médecin
n'a pas évoqué les troubles comportementaux, la prise en charge,
les différents traitements... [4]
Le questionnaire met en évidence une perception
négative de la qualité de l'annonce réalisée par le
médecin (1/5).
- Perception de la réaction du parent
à l'annonce
L'aidant est très confus par rapport au sujet de la
réaction de sa mère face à l'annonce de la maladie :
il se contredit en évoquant tout d'abord l'incompréhension de sa
mère face au diagnostic puis le fait qu'elle ne l'a pas entendu
(liée à un problème d'audition), qu'elle a accepté
la maladie ou bien à la fin qu'elle a posé des questions lors du
stade léger. Nous pouvons nous demander si la confusion du sujet dans
ses propos sur la réaction de sa mère n'exprime pas ses propres
difficultés pour en parler avec elle.
- Réactions, mécanismes de
défenses
Lorsque nous posons la question du vécu de l'annonce,
l'aidant évoque immédiatement les problèmes
matériels, concrets, liés à l'organisation. Il ne parle
pas, au début, de son vécu propre, en rapport avec ses sentiments
et ses émotions. Nous pouvons émettre l'hypothèse de
l'utilisation de l'intellectualisation comme mécanisme de
défense : le sujet a eu recours à la
généralisation face à la situation conflictuelle
évoquée par la question, qui l'angoisserait peut être trop
s'il reconnaissait être impliqué affectivement.
Au fil de la réponse à la question du
vécu, le sujet se livre par rapport à ses émotions lors de
l'annonce. La présence d'anxiété peut être
soulignée à travers son discours, il répète
d'ailleurs à trois reprises « ça angoisse »
au sein de la même phrase. L'anxiété du sujet n'est
cependant pas mise en évidence par le questionnaire. L'aidant
éprouve des inquiétudes quotidiennes depuis l'annonce de la
maladie et avoir du mal à les contrôler, mais celles-ci
interfèrent peu avec sa vie personnelle. Il s'avère tout de
même important de préciser que le questionnaire peut provoquer un
certain contrôle, plus difficile à maîtriser dans
l'entretien. L'évocation « d'angoisse » par le sujet
lui-même traduit tout de même son inquiétude liée
à la maladie de sa mère.
Entretien 4
Analyse de l'énonciation
-Rythme de l'entretien
L'aidante a eu un besoin manifeste par l'entretien d'exprimer
de nombreuses inquiétudes par rapport à son mari, et de raconter
certains événements de vie liés ou non à la maladie
d'Alzheimer de son époux. Cette observation peut-être
justifiée par le rythme très soutenu de l'entretien,
c'est-à-dire un flux de parole très important de la part de
l'aidante. De plus, les phrases ne s'enchaînent pas forcément
logiquement mais selon les émotions et les pensées du sujet.
Aucune relance n'a été nécessaire.
- Style de l'entretien
L'entretien comporte une forme de
« litanie », c'est-à-dire que le sujet se
répète souvent, modifie ses phrases comme si elle se parlait
à elle-même. Nous ne pouvons pas observer de progression
réelle au cours de l'entretien mais plutôt une juxtaposition
d'idées et d'affects exprimés. Cela traduit un besoin de parler
pour soulager une tension, de décharger un vécu difficile (Unrug,
1974). [47]
-Elément atypique : lapsus
Au sein de la première séquence de l'entretien,
l'aidante explique qu'elle a « des copines qui ont aussi leur
maladie, leur mari (...) ». Le sujet a par conséquent
remplacé le mot « mari » prévu par la
conscience par le mot « maladie » venu s'interposer
inconsciemment. Cela traduit donc certainement l'instance non maîtrisable
d'une idée refoulée. L'aidante associe inconsciemment la maladie
non pas uniquement au patient lui-même mais aussi à la personne
qui l'accompagne. Ce lapsus exprime peut-être le vécu de la
maladie de son époux comme sa propre maladie.
Un autre élément atypique est présent
dans le discours de l'aidante mais qui ne représente pas
réellement un lapsus : l'aidante explique que son mari lui dit
« tu veux m'enterrer, heu, tu veux, tu veux plus que je fasse
rien ». Au moment où le verbe « enterrer »
arrive à sa conscience, le sujet exprime une certaine gêne et a du
mal à expliquer ce qu'elle entend par ce terme, comme si elle aurait
préférée ne pas le dévoiler. Plusieurs
hypothèses peuvent être émises : l'aidante refuse
cette idée « d'enterrer » son mari et cela lui
évoque sa possible mort, elle est gênée de ce que ce terme
signifie et sent qu'elle a dévoilé quelque chose que son mari lui
a dit.
L'aidante a manifesté ses émotions durant
l'entretien également physiquement : elle a eu les larmes aux yeux
plusieurs fois pendant son discours ; lorsqu'un vécu douloureux
était abordé. A la fin de l'enregistrement, le sujet s'est
excusé de cette « montée d'émotions »
mais il apparait que cela a été une source de décharge
pour elle.
Interprétation de l'analyse
thématique et de l'énonciation, réalisation d'un lien avec
les résultats obtenus au questionnaire.
Analyse des mécanismes de défense à
l'annonce, des circonstances selon lesquelles le sujet est devenu aidant, de la
perception de la qualité de l'annonce et de la réaction du
parent.
- Découverte de la maladie
L'aidante s'est aperçue de certaines pertes de
mémoire de son mari mais elle a expliqué ce trouble par
l'âge avancé de celui-ci. Son mari était visiblement suivi
depuis plusieurs années (environ 4 ans) au sein du service de
consultation mémoire et il lui a été demandé de
l'accompagner il y a 6 mois. C'est lors de cette visite que le médecin
leur a annoncé, à tous les deux, la maladie d'Alzheimer de
l'époux. L'aidante a ensuite été prise à part pour
lui manifester le caractère violent de la maladie de son époux.
- Devenir aidant
La question n'a pas été posée directement
lors de cet entretien, mais il s'avère que la personne soit devenue
naturellement l'aidante principale de son époux, car elle vit avec lui
et qu'ils n'ont pas d'enfants ensemble. L'aidante se pose néanmoins la
question du devenir de son mari si elle meurt avant lui et évoque
l'impossibilité de sa fille de s'en occuper.
- Perception de la qualité de
l'annonce
L'aidante n'a pas répondu à la question sur la
qualité de l'annonce : elle était centrée sur ses
émotions, son vécu, et elle a exprimé sa réaction
au moment de l'annonce et non pas la qualité de celle-ci. Cela renforce
le besoin de se décharger. Cependant, certaines informations sont
données au sein d'autres séquences de l'entretien. Tout d'abord,
le terme « Alzheimer » a été clairement
prononcé et les informations sur la prise en charge
médicamenteuse ont été transmises à l'aidante.
Ensuite, il a été précisé le stade
d'évolution de la maladie (« début
d'Alzheimer ») ainsi que les troubles du comportement associés
pour ce patient (Alzheimer violent).
Le questionnaire apporte d'avantage d'éléments
sur l'annonce : le médecin s'est montré agréable avec
l'aidante, a répondu à ses questions et a fait preuve d'empathie.
Cependant, il n'a pas demandé au sujet ce qu'elle voulait
connaître des troubles de son mari, ce qu'elle en savait
déjà et certains éléments de la prise en charge
n'ont pas été expliqués (évolution, avenir...). De
manière générale, l'aidante estime tout de même
être satisfaite de la manière dont l'annonce lui a
été faite ainsi que de la relation entretenue avec le
médecin.
- Perception de la réaction du parent
à l'annonce
L'époux de l'aidante était présent pour
une partie de l'annonce du diagnostic : le terme « maladie
d'Alzheimer » a été posé mais les
médecins ont expliqué la forme violente uniquement à
l'aidante.
La perception que l'aidante a de la réaction de son
mari lors de l'annonce s'avère correspondre à la
personnalité antérieure de cet homme. Le patient a eu une
réaction de refus actif de la maladie.
D'une part il a entendu le diagnostic et à tenté
de s'en défendre. L'aidante perçoit son mari comme très
volontaire et éprouve une certaine admiration pour lui.
D'un autre côté, le patient, au quotidien, refuse
sa maladie en voulant à tout prix réaliser tout lui-même,
ce qui lui provoque un énervement et un refus lorsqu'il échoue
dans ce qu'il fait. Cette réaction est en concordance avec la
personnalité antérieure du patient, car il est décrit par
son épouse comme étant très exigent et très
décideur auparavant, trait de personnalité accentué avec
la maladie.
La dernière phrase de l'entretien est
intéressante à ce sujet : l'aidante évoque tout au
long de l'entretien le souhait profond de son mari de guérir et
d'avancer. A la fin de l'entretien, elle précise qu'elle aussi le
souhaite. Cela traduit peut être la manière dont elle rejoint son
époux malgré les difficultés éprouvées
autour de son refus d'admettre la maladie.
- Réactions, mécanismes de
défenses, stratégies de coping
La première réaction traduite par le discours de
l'aidante est le déni de la maladie : lors de la
question sur ses réactions à l'annonce, celle-ci est très
confuse et dit « non » six fois dans les deux
premières phrases. Elle se demande « est ce que dans ma
tête je... ? » mais ne finit pas sa phrase et explique
qu'elle ne s'était pas rendu compte tout de suite. Après cette
phase de refus de la maladie, l'aidante a pris la décision de
rechercher des informations sur la maladie d'Alzheimer auprès
de proches et par les médias. Cela induit que cette étape lui a
permis de s'approprier la maladie et de lui donner un sens.
Tout au long de l'entretien, l'aidante exprime des
inquiétudes proches des dimensions concrètes de la
réalité (voyage de son époux, organisation...). Selon
les explications données par Pouillon (2003) sur ce sujet, ces
inquiétudes peuvent permettre de contenir les angoisses de type
objectales en leur donnant un espace psychique et une représentation. De
plus, l'aidante cherche à se rassurer en expliquant à maintes
reprises qu'il ne s'agit qu'un début d'Alzheimer. [35]
Enfin, ce qui inquiète le plus l'aidante est la
violence et l'agressivité dont fait preuve son mari de manière
générale et envers elle. Il apparait qu'elle a du mal à se
protéger contre cela et à trouver des solutions adéquates
en réponse à cette violence. La mise en place d'un
« coping évitant » parait avoir
été conseillée par les médecins qui lui proposent
de fuir la situation quand son mari est en proie à un énervement
considérable. Cependant, un « coping
vigilant » parait davantage utilisé par l'aidante qui
recherche de l'information autour d'elle ainsi qu'un soutien social
auprès de sa belle-fille et des ses amies vivant la même
situation.
Entretien 5
Analyse de l'énonciation
-Rythme et style de l'entretien
Les phrases du discours de cette aidante s'enchaînent de
manière logique et compréhensible. Nous ne remarquons pas de
coupures brusques dans l'énonciation ou de ruptures dans les
idées : l'entretien est linéaire sans interpolations ni
confusion.
Un élément important qui peut être
noté à travers l'analyse de l'énonciation est
l'énervement dont fait preuve l'aidante à plusieurs moments.
Cette émotion se traduit par un haussement de la voix et une
accélération du débit de parole. Cet énervement
apparait lorsque le sujet aborde les critiques faites au système de
santé autour de sa mère et au manque de prise en charge qu'elle
observe.
Interprétation de l'analyse
thématique et de l'énonciation, réalisation d'un lien avec
les résultats obtenus au questionnaire.
Analyse des mécanismes de défense à
l'annonce, des circonstances selon lesquelles le sujet est devenu aidant, de la
perception de la qualité de l'annonce et de la réaction du
parent.
- Découverte de la maladie
Ce sont des troubles cognitifs (répétitions
verbales) et une désorientation spatio-temporelle qui ont alertés
l'aidante sur la maladie de sa mère. Suite à ces observations,
celle-ci a conduit son parent en consultation mémoire où le
diagnostic de la maladie d'Alzheimer a été posé. Il
s'avère que la maladie n'est pas acceptée par l'ensemble de la
famille de l'aidante. Effectivement, elle évoque le déni de son
entourage des troubles de sa mère et même l'accusation d'avoir
elle-même la maladie d'Alzheimer, d'être
« folle ». Nous pouvons voir ici que l'annonce de la
maladie a perturbé la dynamique familiale. Selmés et
Derouesné (2007), parle de « famille
négationniste » qui pratique le déni comme moyen de
défense de la maladie du proche.
- Devenir aidant
La fille de la patiente est devenue aidante principal, de la
même manière que son frère. Une division des tâches a
pu être mise en place entre ces deux personnes. Nous pouvons ainsi
émettre l'hypothèse selon laquelle le sujet est devenu aidante
naturellement. Il s'agit ici d'une « désignation
inconsciente ».
- Perception de la qualité de
l'annonce
L'aidante ne répond pas directement à la
question de la qualité de l'annonce de la maladie de sa mère.
Néanmoins, cette annonce a été de qualité :
des informations ont été transmises sur la prise en charge
médicamenteuse et sur l'avenir, le terme « maladie
d'Alzheimer » a été clairement énoncé et
l'aidante dit avoir après des choses lors de cette annonce même si
elle s'attendait au diagnostic.
Le sujet évoque par contre tout au long de cette
séquence les divers troubles comportementaux et cognitifs de sa
mère ainsi que leur évolution.
- Perception de la réaction du parent
à l'annonce
La mère de l'aidante a été mise au
courant de la pathologie dont elle souffre et ceci en communiquant sur ce sujet
et en annonçant sa pathologie à ses proches. Cependant, une
réaction de refus des symptômes s'est installée au
début de la maladie : la patiente se mettait en colère
lorsqu'elle s'apercevait de ses pertes de mémoire.
- Réactions, mécanismes de
défenses
La première réaction de l'aidante a
été un soulagement, de pouvoir poser un mot sur le
trouble dont elle s'était aperçue et d'accéder à
des traitements pour sa mère. Le sujet reconnait elle-même au
cours de l'entretien « ça nous fait du bien à
nous » lorsqu'elle évoque l'annonce ou la prise en charge.
L'entourage de l'aidante n'a pas reconnu la maladie de la patiente et ses
troubles : le diagnostic médical lui permet peut-être de
montrer la réalité aux autres membres.
Ensuit, après l'annonce, l'aidante dit avoir
« foncé », ce qui peut traduire l'utilisation d'un
coping centré sur le problème (mise en place de l'aide,
organisation matérielle...). Il a pu s'agir pour elle de rechercher
d'informations, d'élaborer des « plans d'actions »
et des actions directes.
Entretien 6
Analyse de l'énonciation
-Rythme et style de l'entretien :
L'ensemble de l'entretien se déroule de manière
logique, les idées s'enchaînent sans blocages. Le discours est
fluide, nous n'avons pas besoin de relancer l'aidante car son expression est
très riche.
Cependant, nous pouvons remarquer que celle-ci contrôle
ses émotions pendant plus de la moitié de l'entretien et que ce
contrôle est lâché de manière brutale à la
question sur ses réactions au moment de l'annonce. Les larmes et le
silence prennent alors place au sein de l'entretien, ce qui nous amène
à arrêter l'enregistrement dans un souci de respect de la
personne. De même, les pleurs resurgissent en fin d'entretien lorsque
l'aidante évoque ses relations mère/fille. Nous pouvons alors
émettre l'hypothèse selon laquelle le sujet libère ses
émotions et diminue son contrôle au fur et à mesure de
l'entretien pour finalement laisser entrevoir les difficultés affectives
engendrées par l'annonce de la maladie.
- Elément atypique : le lapsus :
L'aidant évoque « un problème
d'audition » en parlant de sa maman au lieu de dire un
« problème de mémoire ». Le lapsus traduit
l'insistance non maîtrisable d'une idée refoulée. Ici, le
sujet se rend compte néanmoins juste après de son erreur. Nous
pouvons nous demander si ce lapsus n'entre pas en rapport avec le fait que sa
mère refuse la maladie (ce dont l'aidante parle juste après) ou
s'il n'existe pas un lien avec le fait que l'aidante dénie
elle-même la maladie de sa mère.
- Elément non verbal : rire.
L'aidante rit sept fois tout au log de l'entretien. En
repérant les moments de l'utilisation de ce moyen de communication non
verbale, nous nous sommes aperçus que le sujet riait trois fois
lorsqu'elle évoque des anecdotes, une fois pour parler de sa relation
mère/fille (mais elle pleure à la seconde fois où le sujet
est évoqué), deux fois pour évoquer des formations
professionnelles dans le milieu sociale et enfin une fois lors de son lapsus.
Nous pouvons nous demander si le rire ne permet pas à
l'aidante de se détacher de son discours et surtout des affects
douloureux qui y sont associés. Le rire est par exemple présent
lors du thème sur les relations mère/fille alors qu'elle pleure
lorsqu'elle parle de ce sujet un peu plus tard dans l'entretien : le rire
traduit peut-être un moyen de dissimuler un vécu difficile.
Interprétation de l'analyse
thématique et de l'énonciation, réalisation d'un lien avec
les résultats obtenus au questionnaire.
Analyse des mécanismes de défense à
l'annonce, de la manière dont le sujet est devenu aidant, de la
perception de la qualité de l'annonce et de la réaction du
parent.
- Découverte de la maladie
L'aidante s'est aperçue de troubles de la
mémoire de sa mère mais a mis cela sur le compte de son âge
avancé. Ces troubles ont finalement amené le sujet à
prendre rendez-vous chez un gériatre pour pratiquer des examens. C'est
ce dernier qui a annoncé à l'aidante la maladie d'Alzheimer de sa
mère.
- Devenir aidant
Selon Lavoie (2002), des règles vont intervenir dans le
choix de devenir aidant. Ici, la proximité géographique est
l'explication principale dans le fait que le sujet soit devenu l'aidante
principale. De plus, le thème des relations mère/fille est
évoqué deux fois au cours de l'entretien, ce qui peut laisser
supposer que la proximité de l'aidante et de sa mère a
influencé l'assignation dans le rôle d'aidante principal. [20]
- Perception de la qualité de
l'annonce
L'aidante explique qu'elle a trouvé le gériatre
très professionnel lors de l'annonce de la maladie et qu'il est
allé droit au but. Cependant, le sujet souligne le manque d'humanisme
dans la consultation menée par le médecin : celui-ci n'a pas
fait preuve d'empathie lors de l'entretien.
- Perception de la réaction du parent
à l'annonce
Il s'avère que le parent souffrant de la maladie
d'Alzheimer a refusé d'admettre sa pathologie. L'aidante évoque
deux éléments autour de ce refus : la manière de
vouloir poursuivre sa vie comme elle était antérieurement ainsi
que de minimiser ses troubles de mémoire. Le déni a ainsi
été le principal mécanisme de défense mis en place
par le parent lors de l'annonce. Ce refus s'est basé sur l'action au
sein de son quotidien.
- Réactions, mécanismes de
défenses, stratégies de coping
L'aidante a eu deux réactions contradictoires lors de
l'annonce de la maladie de sa mère. Tout d'abord, l'effondrement
émotionnel a été la première
réaction : à l'annonce, l'aidante a imaginé
l'évolution de la maladie et explique avoir eu un moment très
difficile à passer. L'énonciation du sujet renforce cette
idée d'effondrement : le fait d'évoquer son vécu de
l'annonce, l'aidante se met à pleurer et ses émotions
resurgissent.
Un second sentiment s'est associé à ce
vécu difficile : l'aidante a semble-t-il ressenti un
soulagement de savoir de quoi souffrait sa mère et de poser les
choses en terme d'organisation.
Enfin, en matière de type de coping, il apparait que
l'aidante a mis en place un coping vigilant centré sur la
recherche de soutien, auprès de ses fils et surtout de son époux.
Le renforcement des liens familiaux autour de la grand-mère permet au
sujet de s'appuyer sur ses proches.
Entretien 7
Analyse de l'énonciation
Lors de l'analyse catégorielle de l'entretien, il nous
a semblé important de souligner certains aspects du discours :
- Agencement et dynamique du discours
Tout d'abord, il est important de souligner que le discours de
l'aidant est très bref. Il répond de manière succincte
à chaque question, sans élaborer autour de ses émotions ou
de son vécu. La fin du premier thème montre bien la
volonté du sujet de maîtriser son discours et de limiter ses
propos : il termine son explication sur la découverte de la maladie
de son épouse par « je crois qu'il n'ya rien d'autres
à ajouter là ». Cette phrase ne laisse ainsi pas la
possibilité de relance. L'ensemble de l'entretien contient des
propositions logiques sans failles dans le discours.
Ensuite, lors de l'analyse globale de l'entretien, nous
pouvons nous apercevoir que le terme « maladie
d'Alzheimer » n'apparaît pas une seule fois dans le discours de
l'aidant. Le sujet évoque les symptômes de la maladie et le terme
employé par le médecin « lésions
irréversibles » mais pas de la maladie elle-même. Nous
pouvons nous demander ce que cette absence signifie dans le discours de
l'aidant : est-ce le signe du déni de la maladie de la part du
sujet, même s'il est bien conscient de l'ensemble des troubles
engendrés ? Ou bien la peur de ce terme et de tout ce qu'il
signifie, comme lorsqu'il évoque l'appréhension de
l'avenir ?
- Analyse non verbale
§ le silence : Chaque séquence se
termine par un silence, parfois un peu pesant, qui oblige l'interviewer
à proposer le thème suivant immédiatement. L'aidant n'a
pas envie d'élaborer autour des sujets proposés et paraît
réticent à parler de son vécu autour de l'annonce, de ses
émotions.
§ La toux : Lorsque nous demandons au sujet
d'expliquer ses réactions à l'annonce du diagnostic de la maladie
d'Alzheimer de son épouse, celui-ci se met d'abord à tousser.
Outre l'association à un rhume par exemple, nous pouvons nous demander
si cela ne traduit pas la difficulté de l'aidant à évoquer
ce sujet et si la toux ne remplacerait pas les émotions impossibles
à exprimer.
Interprétation de l'analyse
thématique et de l'énonciation, réalisation d'un lien avec
les résultats obtenus au questionnaire.
Analyse des mécanismes de défense à
l'annonce, de la manière dont le sujet est devenu aidant, de la
perception de la qualité de l'annonce et de la réaction du
parent.
- Découverte de la maladie
C'est la patiente elle-même qui a alerté son
époux au sujet de difficulté mnésiques qu'elle
éprouvait. Un rendez-vous avec le gériatre a ensuite
été pris pour réaliser des tests.
- Devenir aidant
Le sujet est devenu aidant de manière tout à
fait naturelle, car il vit avec la patiente et leurs enfants sont
éloignés géographiquement : aider son épouse
lui incombait obligatoirement.
- Perception de la qualité de
l'annonce
L'aidant dit avoir la vision d'une annonce
« normale » sur la forme de celle-ci, mais n'explique pas
pourquoi. L'annonce du terme « maladie d'Alzheimer » n'a
pas été faite clairement mais le médecin a parlé
lors de la consultation de « lésions
irréversibles ». Une autre séquence de l'entretien
montre que le sujet a reçu des informations sur les possibilités
de traitements de la maladie de son épouse.
Le discours de l'aidant ne révèle aucunes autres
informations sur la qualité perçue de l'annonce.
Nous nous intéressons au questionnaire, et plus
particulièrement aux questions portant sur la manière dont a
été réalisée l'annonce. D'une manière
générale, l'analyse de cette partie montre que le sujet a une
perception positive de la manière dont s'est déroulée
l'annonce de la maladie : 5/5 pour la qualité des relations avec le
médecin et 4/5 pour le ressenti sur la manière dont a
été réalisée l'annonce. Cependant, le
médecin n'a pas évoqué clairement le nom
« maladie d'Alzheimer » mais l'a remplacé par un
terme peu recevable car difficile à entendre et technique :
« lésions irréversibles ». Ensuite, le
médecin n'a pas trop abordé la question de l'avenir, point sur
lequel le sujet dit avec une appréhension. L'annonce des
différentes informations a été réalisée pour
une grande majorité (prise en charge, traitements, troubles...) et le
médecin parait s'être montré à l'écoute.
- Perception de la réaction du parent
à l'annonce
L'aidant explique que, selon lui, son épouse a
réagit de façon « normale » lors de l'annonce
de la maladie. Mais il n'explique pas ce qu'il entend par normal ou par
personne équilibré. Il dit simplement que sa femme est consciente
de ses troubles de mémoire et des « choses qu'elle avait
perdu », mais ne rentre pas dans les détails de ses
réactions. L'aidant n'a cependant pas mal vécu la réaction
de son épouse à l'annonce.
- Réactions, mécanismes de
défenses
La première réaction du sujet, même s'il
s'attendait à cette annonce, a été l'effondrement
émotionnel : il explique avoir été
« catastrophé » par l'annonce et
particulièrement inquiet pour l'avenir. De plus, le sujet évoque
sa perte d'autonomie. Ses difficultés s'orientent ainsi surtout autour
de la gestion quotidienne et sur les changements d'organisation et de mode de
vie. L'aidant essaye de relativiser en se disant que la situation pourrait
être pire mais il se rend compte que ses soucis lors de l'annonce
étaient fondés.
L'acquiescement passif a pris place
après la sensation de catastrophe. Le sujet évoque plusieurs fois
le mot « normale » et ne parle pas du tout dans l'entretien
des choses qu'il a mis en place autour de sa femme ou de la recherche
d'information et de soutien face à la maladie. L'aidant parait avoir
accepté la pathologie sans chercher à comprendre, à faire
évoluer la situation d'une manière ou d'une autre.
Entretien 8
Analyse de l'énonciation
-Rythme et style de l'entretien
L'entretien est linéaire, sans failles logiques ni
interruptions. Le sujet explique de manière sobre son vécu
concernant la découverte et l'annonce de la maladie d'Alzheimer de son
époux, sans lyrisme. Cependant, les émotions transparaissent peu
au niveau de l'énonciation. Un élément important peut
être noté : le sujet ne répond pas à la
question sur la manière dont elle est devenue l'aidante principale.
Effectivement, lorsque nous abordons ce thème, elle répond en
expliquant les réactions de son époux à l'annonce.
Même lors de la relance, l'aidante parait ne pas entendre le thème
questionné et dit à nouveau « c'était quand
même un certain refus ». Le thème de l'aide est sans
doute difficile à aborder par le sujet qui occulte la question pour se
baser sur le refus de son mari à accepter la maladie.
Interprétation de l'analyse
thématique et de l'énonciation, réalisation d'un lien avec
les résultats obtenus au questionnaire.
Analyse des mécanismes de défense à
l'annonce, des circonstances selon lesquelles le sujet est devenu aidant, de la
perception de la qualité de l'annonce et de la réaction du
parent.
- Découverte de la maladie
Ce sont des troubles de mémoire qui ont alerté
l'aidante et qui l'ont poussé à prendre rendez-vous chez un
médecin pour que son mari réalise des tests.
- Devenir aidant
L'aidante refuse, certainement inconsciemment, de parler de ce
thème, en occultant la question et en abordant le refus de la maladie de
la part de son mari. Même lorsque nous la relançons sur la
manière dont elle est devenue aidante, celle-ci semble ne pas entendre
et réponds par la perception de la réaction de son mari.
- Perception de la qualité de
l'annonce
L'annonce s'avère s'être déroulée
dans de très bonnes conditions, suivant les recommandations lors de ce
type de consultation. Tout d'abord, l'aidante explique avoir été
mise en confiance par le médecin et avoir reçu des explications
sur les examens réalisés et sur les traitements proposés.
L'analyse détaillée du questionnaire montre que la phase
« préliminaire » selon Buckman (1994) a
été mise en place par le médecin, en demandant à
l'aidant ce qu'il voulait savoir des troubles de son mari, en utilisant des
mots simples et en faisant preuve d'empathie. Les informations concernant le
diagnostic, les traitements, la prise en charge ont été
délivrés. Ces éléments positifs dans l'annonce sont
confortés par le fait que l'aidante juge excellente les relations
entretenues avec le médecin ainsi que le ressenti sur le
déroulement de l'annonce. [4]
- Perception de la réaction du parent
à l'annonce
Ce thème apparait comme central au sein du discours de
l'aidante : celle-ci évoque le refus de la maladie par son mari en
réponse à la question sur ce point mais également lors de
la séquence sur la manière dont elle est devenue l'aidante
principal. La récurrence de ce thème traduit l'importance qu'il a
pour le sujet.
L'aidante perçoit la réaction de son
époux à l'annonce comme un refus, un déni de la maladie.
Elle explique ce refus du diagnostic et des symptômes par le manque
d'informations et de connaissances sur la maladie d'Alzheimer. Il
s'avère qu'une évolution s'est ensuite opérée dans
le ressenti du patient : celui-ci a peu à peu accepté la
maladie, par la prégnance de ses troubles, qu'il ne pouvait plus
ignorer.
- Réactions, mécanismes de
défenses
L'aidante explique son sentiment d'avoir été
préparée à l'annonce par sa découverte des troubles
de mémoire de son époux. Cependant, le sujet met en avant la
difficulté du moment à passé lors de la consultation
d'annonce, malgré les bonnes relations entretenues avec le
médecin. Ce vécu difficile a très vite laissé place
à un sentiment d'espoir par les recherches entreprises au mondial sur
cette maladie ainsi que sur les traitements. L'aidante croit en un
« médicament miracle » qui pourrait sauver son mari.
Nous pouvons dire qu'elle accepte la maladie mais à la seule condition
de pouvoir croire en une guérison et en les recherches actuelles.
Entretien 9
Analyse de l'énonciation
Lors de l'analyse catégorielle de l'entretien, il nous
a semblé important de souligner certains aspects du discours :
- Agencement et dynamique du discours
Le discours du sujet est linéaire, sans failles
logiques. L'aidant développe ses réponses en exprimant son
vécu et ses émotions, sans qu'il y ait besoin de le relancer.
Interprétation de l'analyse
thématique et de l'énonciation, réalisation d'un lien avec
les résultats obtenus au questionnaire.
Analyse des mécanismes de défense à
l'annonce, des circonstances selon lesquelles le sujet est devenu aidant, de la
perception de la qualité de l'annonce et de la réaction du
parent.
- Découverte de la maladie
L'aidant s'est d'abord questionné sur les pertes de
mémoire de son épouse qui l'ont poussé à se rendre
en consultation mémoire. Une aggravation brutale de l'état de
son épouse a été constatée il y a deux ans, avec
une perte d'intérêts, une diminution des activités et un
comportement agressif.
- Devenir aidant
Le sujet est l'époux de la patiente, il est ainsi
devenu naturellement son aidant principal, de part son lien de mariage et de
proximité géographique puisqu'ils habitent ensemble.
- Perception de la qualité de
l'annonce
Le sujet ne parle pas du déroulement de l'annonce mais
d'une information non délivrée par le médecin et non
demandé sur le moment par l'aidant : il évoque trois fois
durant l'entretien son questionnement sur l'évolution de la maladie de
son épouse et se demande si les médecins le savent eux
même. L'aidant regrette d'avoir oublié de poser cette question lui
tenant à coeur au moment de la consultation mémoire. Il tente
même d'avancer ses propres théories et réflexions sur le
sujet pour répondre à sa question et se rassurer. L'analyse du
questionnaire va dans le sens de ce manque en ce qui concerne
l'évolution de la maladie, le sujet a effectivement répondu
« pas du tout d'accord » lorsqu'on lui demande si le
médecin a parlé de l'évolution lors de l'annonce.
Cependant, le questionnaire met en avant une annonce de
qualité concernant les autre éléments : le
médecin s'est montré à l'écoute, a utilisé
des mots simples et a répondu clairement aux questions de l'aidant.
Certaines informations ont été omises par le médecin,
comme les modes de prises en charge, le traitement ou le questionnement sur
l'avenir. Le terme « maladie d'Alzheimer » a
été évoqué clairement par le médecin au
cours de l'entretien. Enfin, la relation entretenue avec le médecin et
la qualité de l'annonce ont été très perçu
par l'aidant, et noté 5/5 lors du questionnaire.
- Perception de la réaction du parent
à l'annonce
Cette question a permis de mettre à jour une certaine
confusion autour de la communication au sein du couple, du moins sur le
thème de la maladie de l'épouse : le sujet est relativement
confus lorsqu'il évoque la réaction de sa femme à
l'annonce de la maladie. La première phrase en réponse à
la question de l'interviewer va d'ailleurs dans ce sens : « ah,
elle sait qu'elle l'a, la maladie d'Alzheimer, non, non ». L'aidant
exprime deux éléments contradictoire au sein de cette phrase, ne
sachant pas si son épouse a compris de quoi elle était atteinte
ou non. Cette confusion est justifiée un peu plus loin dans l'entretien
par l'évocation du manque de communication par l'aidant. L'épouse
parait avoir quelques notions sur sa maladie et sur les souffrances de chacun
des membres du couple mais « on en parle pas, chacun reste sur ses
positions ». Cette séquence est très enrichissante car
elle permet à l'aidant de mettre à jour l'absence de
communication dans le couple autour de la pathologie. Un autre
élément du discours montre la connaissance mais le refus de la
maladie d'Alzheimer par l'épouse : l'aidant évoque le refus
de sa femme d'accepter une aide extérieure au sein de son domicile, ce
qui traduit le malaise dans la perception de celle-ci.
- Réactions, mécanismes de
défenses
Le sujet a réagit par un acquiescement
passif lors de l'annonce de la maladie d'Alzheimer de son
épouse. Il dit s'y être attendu et même s'être
douté d'une association entre les troubles de sa femme et les
symptômes de la maladie alors que les médecins refusaient
d'évoque cette pathologie. L'aidant dit ne pas avoir été
choqué ni frappé par l'annonce. Selon les éléments
théoriques sur ce thème, cette réaction peut traduire un
blocage des affects, comme si le sujet était en état de
sidération mais que cela se manifestait sous forme d'acquiescement.
Pouillon (2003) explique que cela peut également traduire le refus
d'admettre la réalité ou une incompréhension. [35]
Entretien 10
Analyse de l'énonciation
Lors de l'analyse catégorielle de l'entretien, il nous
a semblé important de souligner certains aspects du discours :
- Agencement et dynamique du discours
Le discours de l'aidant est organisé de manière
logique, sans failles ni blocage particuliers. Il apparait cependant que le
sujet exerce un certain contrôle sur ses dires au début de
l'entretien, en évoquant des faits de façon objective et sans
laisser transparaitre ses émotions. C'est à la question sur la
qualité de l'annonce que l'aidante lâche son contrôle et que
les émotions liées au vécu de cette annonce peuvent
apparaître. C'est à ce moment de l'entretien que les mots laissent
place au silence et aux larmes. Un arrêt de l'enregistrement est alors
nécessaire, par respect pour le sujet. Nous reprenons une fois qu'elle
se sent plus à l'aise et que ses pleurs ont cessé. L'entretien
sera coupé par la sonnerie du téléphone portable de
l'aidante, sur quoi nous arrêterons l'enregistrement.
Interprétation de l'analyse
thématique et de l'énonciation, réalisation d'un lien avec
les résultats obtenus au questionnaire.
Analyse des mécanismes de défense à
l'annonce, des circonstances selon lesquelles le sujet est devenu aidant, de la
perception de la qualité de l'annonce et de la réaction du
parent.
- Découverte de la maladie
La découverte de la maladie ne s'est pas faite par
l'aidante elle-même, car elle se trouvait plutôt en situation de
déni, mais par son époux et le médecin
généraliste, ayant observé des troubles du comportement
chez la patiente. L'aidante cherche d'autres causes à ces troubles,
comme lorsqu'elle pense à des troubles dépressifs survenus
après le décès de son père.
- Devenir aidant
Le sujet est devenu l'aidante principale au fur et à
mesure de l'avancée de la maladie, et cela de manière naturelle
car elle est l'unique fille de la patiente et est revenue au sein du village de
sa mère depuis quelques temps. Le rapprochement géographique et
le lien familial expliquent comment le sujet est devenu aidante.
- Perception de la qualité de
l'annonce
Le médecin a fait preuve d'une grande empathie à
l'annonce du diagnostic : l'aidante évoque la manière dont
celui-ci l'a rassuré et a pris les choses en mains pour la passation de
tests et des examens médicaux. Cependant, l'entretien n'apporte pas
d'autres éléments sur la qualité perçue de
l'annonce. Le questionnaire montre que l'annonce réalisée
correspond aux recommandations des auteurs sur ce thème : le temps
des « préliminaires » a été
respecté et le médecin a transmis l'ensemble des informations
accompagnant le diagnostic (hormis les différentes prises en charge). De
plus, ces éléments sont confirmés par la perception
très positive de l'aidante concernant les relations entretenues avec le
médecin lors de l'annonce ainsi que la manière dont celle-ci a
été réalisée.
- Perception de la réaction du parent
à l'annonce
La patiente n'est pas au courant de sa pathologie, et cela sur
la demande du neurologue. L'aidante a évoqué ce thème avec
sa mère mais en lui expliquant qu'elle souffrait de troubles de
mémoire, sans spécifier le nom de la maladie. La patiente ne pose
pas non plus de questions à son entourage.
- Réactions, mécanismes de
défenses, stratégies de coping
La première réaction du sujet lorsque les signes
de la maladie d'Alzheimer de sa mère devenaient évidents, a
été le déni. L'aidante a expliqué
les troubles par la dépression de sa mère suite au
décès de son mari, mais n'a pas voulu admettre le rapprochement
avec la maladie d'Alzheimer.
Le déni du diagnostic est considéré par
Pouillon (2003) comme le refus de la maladie et l'entourage peut demander des
explications exhaustives ou même menacer le praticien d'aller chercher un
deuxième avis. Ici, l'aidante s'est dit que le médecin
s'était certainement trompé lors de l'annonce, qu'il s'agissait
d'autre chose. La démence semblait survenir pour la fille sans qu'elle
ne s'y attende : elle refuserait dans ces conditions in consciemment de se
préparer à cette déchéance annoncée, il
s'agirait ainsi d'une forme de déni. [35]
Au moment même de l'annonce, la réaction
principale a été l'effondrement
émotionnel. Le déni mis en place depuis un certain
temps, et qui permettait de sauvegarder la dynamique familiale,
s'écroule avec l'annonce. L'aidante explique avoir été
profondément choquée par l'annonce, s'être
effondrée, et accompagne ses paroles par des pleures : nous pouvons
percevoir à quel point ce vécu est difficile.
Ensuite, l'aidante a fait preuve de coping
centré sur le problème pour admettre la maladie et
surtout pour y faire face. Sa réaction, basée sur
« l'actif » a ainsi été de poser des
questions, de chercher du soutien auprès de son mari, de rechercher une
institution pour le placement de sa maman... Cette stratégie de coping
permet la résolution du problème de manière
immédiate car elle permet de ne pas penser aux affects associés
à la maladie mais de se centrer sur les éléments
matériels et sur l'organisation qui en découle. Ici, l'aidante
élabore un plan d'action pour la prise en charge en institution, ce qui
lui permet de diminuer son angoisse.
Nous pouvons également percevoir par le discours de
l'aidante le vécu d'angoisses narcissiques
: elle éprouve la crainte que la pathologie ne soit
héréditaire et pose au praticien la question de la transmission
(qui témoigne de la manière dont elle perçoit le lien
à travers la filiation). Cette peur est d'ailleurs exprimée par
la dernière phrase de l'entretien, qui témoigne une angoisse pour
sa mère, face à l'organisation mais aussi du futur, en lien avec
la possible transmission de la maladie d'Alzheimer.
|