L'annonce de la maladie d'Alzheimer aux aidants
naturels :
Les facteurs influençant
leur vécu
Présenté et soutenu publiquement par
Caroline CHAPELIER le 24 Juin 2008
Sous la direction de l'enseignant-chercheur
Valérie IGIER et du Docteur
André STILLMUNKÉS
JURY
§ Enseignant-Chercheur Laurencine
PIQUEMAL-VIEU
§ Enseignant-Chercheur Valérie
IGIER
§ Médecin André
STILLMUNKÉS
Juin
2008
Université Toulouse II - Le Mirail 5 allées
Antonio Machado 31058 TOULOUSE Cedex 9
Mémoire de Master 1
Discipline : Psychologie
Spécialité : Géronto-psychologie
Remerciements
Mes plus sincères remerciements,
à Mlle V. Igier et au Docteur A. Stillmunkés pour
leur implication tout au long du mémoire ainsi que pour leurs
conseils,
à Madame Piquemal-Vieu pour l'honneur qu'elle me fait
d'être présente au sein de ce jury de mémoire.
Un grand merci au Docteur Ousset, à Christine, et
à l'équipe de consultation mémoire de Purpan qui ont bien
voulu m'accueillir au sein du service.
Remerciements à l'ensemble des personnes ayant bien
voulu participer à l'étude,
Un grand merci à H. Meeus pour son soutien tout au long
de la réalisation du mémoire.
Résumé
L'évolution des techniques de dépistage de la
maladie d'Alzheimer permet un diagnostic de plus en plus précoce, posant
de nombreuses questions éthiques quant à l'annonce de la maladie
au sujet atteint et à son entourage. Les aidants naturels sont des
personnes dont le rôle auprès du proche est informel mais d'une
grande importance tout au long de la prise en charge (Fior, 2003) [9]. A
l'annonce, des réactions variées peuvent survenir de la part des
aidants qui vivent une grande souffrance psychique (Pitaud, 2006) [34].
Nous avons cherché à mettre en évidence
les facteurs influençant le vécu des aidants à l'annonce
de la maladie de leur proche. Le vécu est apprécié dans
notre étude par les réactions (comme l'anxiété) et
les réajustements psychologiques (mécanismes de défenses
et stratégies de coping) des aidants. Notre échantillon est
composé de trente aidants, en majorité des femmes, venus
accompagner leur proche lors d'une consultation mémoire à
l'Hôpital Purpan (Toulouse). Nous avons choisi de mener notre
étude suivant deux approches, l'une quantitative à l'aide de
questionnaires et l'autre qualitative par des entretiens individuels.
L'analyse quantitative de notre étude a permis de
montrer qu'un niveau de connaissances faible (connaissances erronées et
ignorance) sur la maladie et un sentiment de menace élevé
(appréhension d'être soi-même atteint par la maladie)
augmentent l'anxiété de l'aidant à l'annonce.
L'étude de variables sociodémographiques a montré que le
lien de parenté peut avoir une influence sur le vécu de l'aidant
à l'annonce : les époux présentent en effet davantage
d'anxiété que les enfants. Par l'approche qualitative, nous
avons mis en évidence que le déni est le mécanisme de
défense souvent mis en place par l'aidant pour faire face aux premiers
signes de la maladie chez son proche. L'annonce du diagnostic semble ensuite
déstabiliser ce déni et provoquer un effondrement
émotionnel et l'utilisation des stratégies de coping
centrées sur le problème (plans d'action, projet
institutionnel...).
Pour faciliter l'acceptation par les aidants de l'annonce, il
semblerait important d'améliorer la communication sur la maladie
d'Alzheimer. Cela permettrait de réduire l'importance du déni de
la part de l'aidant lors des premiers signes de la pathologie et ainsi d'aider
le sujet à se préparer à l'annonce.
Mots Clés : Maladie
d'Alzheimer - aidants naturels - annonce du diagnostic - anxiété
- mécanismes de défense - stratégies de coping
Abstract
The evolution of techniques for the Alzheimer's disease
screening allows a more and more premature diagnosis, raising numerous ethical
questions about the announcement of the disease to the affected subject and to
its circle of acquaintances. The de facto caregivers are persons whose role
surrounding the sick person is informal but very important throughout the
medically supervised personal care plan (Fior, 2003) [9]. At the announcement
moment, varied reactions can arise on behalf of the caregivers who live a big
psychic suffering (Pitaud, 2006) [34].
This study aims at bringing to light the factors influencing
the reactions of the caregivers when the disease is being declared to their
acquaintance. The way the caregivers face this, is assessed herein by their
reactions (e.g. anxiousness) and their psychological readjustments (e.g.
defense mechanisms and coping strategies). The sample studied consists of
thirty caregivers, with a greater part of women, come to support their
acquaintance during a thesis consultation in Purpan Hospital (Toulouse). The
choice has been made to lead the study by two approaches, one quantitative by
means of thirty questionnaires and the other one qualitative with ten
individual interviews.
The quantitative part of the study allows showing that a weak
level of knowledge on illness (wrong knowledge and ignorance) and a high
feeling of threat (apprehension to be oneself attained by the disease) enhance
the anxiety of caregivers at the announcement. The study of socio-demographic
variables showed that the family tie could have an influence on the way the
caregivers face the announcement: the spouses indeed present more anxiety than
children. By the qualitative approach, the denial is emphasized as the
mechanism of defense most often set up by caregivers to face the first signs of
the disease. The announcement of the diagnosis then seems to destabilize this
denial and to provoke an emotional collapse and the use of coping strategies
centered on the trouble (action plan, institutional project).
To facilitate the acceptance of the announcement by the
caregivers, it would seem important to improve the information about the
Alzheimer's disease. It would allow to reduce the importance of the denial from
caregivers during the first signs of the pathology and so to help the subject
to get ready for the announcement.
Keywords: Alzheimer's disease - de
facto caregivers - announcement of the diagnosis - anxiety - mechanisms of
defense - strategies of coping
Table des matières
Introduction
1
1ère partie : Ancrage
théorique de la recherche
3
1.Éthique et déontologie autour de
l'annonce du diagnostic de la maladie d'Alzheimer
3
1.1 Les cadres juridiques et déontologiques
de l'annonce de la maladie d'Alzheimer
3
1.2 Les questions d'éthiques autour de
l'annonce
4
2. Différentes manières d'annoncer la
maladie d'Alzheimer aux patients et à l'entourage
6
2.1 Les outils de dépistage de la maladie
d'Alzheimer
6
2.2 Les spécificités de l'annonce de
la maladie d'Alzheimer
7
2.3 Les méthodes existantes autour de
l'annonce du diagnostic
7
2.4 La qualité de l'annonce, perçue
par les aidants
10
3. Réactions, réajustements
psychologiques et anxiété de l'aidant à l'annonce du
diagnostic
10
3.1 Qui sont les aidants ?
10
3.2 Les différents types de réactions
des aidants à l'annonce
12
3.3 Réajustements psychologiques des aidants
: mécanismes de défenses et stratégies de coping
15
3.4 La perception des aidants de la réaction
de leur parent à l'annonce
18
4. Représentations sociales, connaissances
des aidants sur la maladie d'Alzheimer et sentiment de menace perçue
18
4.1 La notion de « représentation
sociale »
18
4.2 Les représentations sociales et les
théories profanes concernant la maladie
19
4.4 La notion de menace perçue
22
5. Problématique de la recherche
23
2ème partie :
Méthode de la recherche
25
1. Variables et hypothèses
25
2. Méthodologie
26
2.1 Population d'étude
26
2.2 Méthodes choisies
28
2.3 Présentation des outils
29
2.4 Contexte, passations et consignes
32
2.5 Limites des outils utilisés
33
3ème partie :
Résultats et analyse de la recherche quantitative
34
1. Résultats de l'étude
quantitative
34
1.1 Etude de la fiabilité des
variables utilisées dans le questionnaire
34
1.2 Etude des déterminants psychologiques de
l'anxiété
35
1.3 Effet du statut du médecin sur
l'anxiété et sur la qualité de l'annonce
38
1.4 Etude des variables sociodémographiques
sur l'anxiété
38
1.5 Effet du temps écoulé depuis
l'annonce du diagnostic sur l'anxiété de l'aidant
40
1.6 Etude du taux d'ignorance au sein de la
variable connaissance
40
2.Interprétations des résultats de la
recherche quantitative
41
1.1 Analyse des déterminants psychologiques
sur l'anxiété de l'aidant à l'annonce
41
1.2 Etude des liens entre les déterminants
psychologiques
44
1.3 Etude de l'effet des variables
sociodémographiques et du temps écoulé depuis l'annonce
sur l'anxiété et sur le sentiment de menace perçue
45
4ème partie :
Résultats et analyse de la recherche qualitative
48
1.Résultats de l'étude
qualitative
48
2. Interprétations de la recherche
qualitative
49
2.1 Analyse de l'apparition des thèmes au
sein des entretiens
49
2.2 Analyse thématique par entretiens
49
2.3 Synthèse de l'analyse qualitative
50
5ème partie :
Discussion et conclusion
53
Annexes
1
ANNEXE 1 : Caractéristiques de
l'échantillon
2
ANNEXE 2 : Questionnaire
5
ANNEXE 3 : Grille d'analyse des entretiens
individuels
13
ANNEXE 4 : Retranscription des entretiens
individuels
15
ANNEXE 5 : Comparaison thématique des
entretiens
45
ANNEXE 6 : Fréquence d'apparition des
thèmes
48
ANNEXE 7 : Résultats qualitatifs,
thèmes des entretiens
51
ANNEXE 8 : Analyse de contenu par
entretien
68
Annexe 9 : Résultats statistiques
94
Bibliographie
98
Introduction
En France, plus de 850 000 personnes sont atteintes de la
maladie d'Alzheimer, maladie dont l'incidence et la prévalence vont
augmenter dans les prochaines années. L'évolution des techniques
permet un diagnostic de plus en plus précoce, ce qui amène
à se poser la question de l'annonce de la maladie dès les stades
légers à modérés.
Cette annonce soulève de nombreuses questions d'ordre
éthique et déontologique, auxquelles il est parfois difficile de
répondre. L'annonce de la maladie d`Alzheimer ne présente pas les
mêmes difficultés et n'insuffle pas les mêmes pratiques que
les autres pathologies. Le rapport entre le médecin, le patient et la
famille, le caractère incurable de la maladie, la représentation
négative que celle-ci peut éveiller chez de nombreuses
personnes... sont autant d'éléments rendant compliquée
l'annonce de la maladie. Un débat s'est dés lors
élevé sur le choix d'annoncer ou non cette pathologie.
Aujourd'hui, lorsque le médecin choisi d'informer le
patient du diagnostic, la problématique dépasse le fait
d'annoncer la maladie, mais se porte davantage sur la manière dont la
personne va réagir et à ce qu'elle peut entendre. Des
études ont été réalisées sur cette question
dont la recherche menée par l'INPES (Institut National de
Prévention et d'Education pour la Santé) sur la démarche
éducative du patient atteint de la maladie d'Alzheimer. L'outil
créé à la suite de cette étude (« maladie
d'Alzheimer et maladies apparentées », 2005) a pour objectif
de placer davantage le patient au centre de la relation de soin. Cependant, peu
d'études ont été menées sur l'annonce aux aidants
naturels, alors que leur rôle auprès du patient est primordial. La
plupart des recherches sur la maladie d'Alzheimer mettent effectivement en
évidence la place centrale de l'entourage, de l'annonce à la
prise en charge globale du patient. La famille est confrontée aux
nombreux changements de comportements de son parent et se retrouve face
à des décisions essentielles à prendre. Mais la plus
importante des difficultés réside dans l'acceptation des
transformations des relations avec la personne, de la perte de son
identité (personnelle et sociale) et parfois de la non reconnaissance de
ses proches. Cependant, la communication aux aidants du diagnostic de leur
parent n'a pas fait l'objet de recherches poussées. En effet, des
études montrent que différentes réactions peuvent
être observées lors de l'annonce par le médecin (Pitaud,
2006), mais de nombreuses questions persistent. Il serait de ce fait
intéressant de chercher quels sont les facteurs pouvant influencer la
manière de réagir de l'aidant. La représentation qu'il se
fait de la maladie, les connaissances qu'il en a, la manière dont a
été réalisée l'annonce... sont des
éléments qui posent question lorsque l'on se penche sur ce sujet.
Les études réalisées sur l'annonce aux
familles montrent que celles-ci apprennent parfois la nature de la maladie de
manière accidentelle, par exemple lors de la lecture d'un compte rendu
médical ou en entendant des soignants à l'hôpital.
L'entourage, futur aidant naturel doit être également placé
au centre du dispositif puisque c'est lui (surtout l'aidant principal) qui va
accompagner la personne, subir le poids de l'organisation de la prise en charge
et des conséquences de la maladie sur la dynamique familiale. Il parait
être important, une fois que le patient est replacé en tant que
sujet dans la relation de soin, de prendre en compte la place de la famille et
de comprendre quels sont les facteurs pouvant influencer leur réactions
au moment de l'annonce. Obtenir des données sur ces facteurs et
comprendre le fonctionnement de l'entourage permettront au médecin
d'adapter son discours et de gérer les réactions
émotionnelles au cours de la consultation.
Le but de notre recherche est ainsi dans un premier temps de
mettre en évidence les conclusions des études
réalisées sur le thème de l'annonce. Nous
présenterons tout d'abord le contexte de l'annonce de la maladie
d'Alzheimer d'un point de vue éthique, juridique et déontologique
au sein d'une revue de littérature. La seconde partie du mémoire
présentera la méthodologie de notre recherche en précisant
les variables de l'étude, les caractéristiques de notre
échantillon ainsi que les outils construits et utilisés. Les
résultats seront exposés lors d'une troisième partie,
concernant les approches quantitative et qualitative de l'étude. Enfin,
suite à l'analyse de ces données en quatrième partie, une
discussion viendra conclure notre mémoire.
1ère partie : Ancrage
théorique de la recherche
1. Éthique et déontologie
autour de l'annonce du diagnostic de la maladie d'Alzheimer
1.1 Les contextes juridique et
déontologique de l'annonce de la maladie d'Alzheimer
L'annonce aux patients du diagnostic d'une maladie grave non
curable, telle que la maladie d'Alzheimer, est aujourd'hui une obligation
légale (Loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à
la qualité du système de santé). Elle s'inscrit dans la
tendance actuelle d'une plus grande transparence. Pourtant, cette annonce entre
parfois en conflit avec le devoir, voire le désir, de protection du
patient par son médecin (suite aux interprétations du serment
d'Hippocrate).
Le diagnostic précoce de la maladie d'Alzheimer place
les médecins face à un conflit éthique. Effectivement, ils
sont confrontés aux problèmes de l'annonce de la pathologie,
c'est à dire au fait de dire la vérité ou de la taire au
patient et à son entourage, mais aussi à la nature des
informations révélées. Le praticien est alors guidé
par divers éléments : sa formation, ses repères
juridiques, déontologiques, culturels et moraux ainsi que par la
dimension épistémologique et psychologique du soin (Pancrazi,
2004). [29]
Nous allons replacer l'annonce de cette pathologie dans ses
différents contextes
- Contexte juridique
La législation Française en matière
d'annonce ne stipule rien sur le sujet dément. Cependant, la convention
des droits de l'Homme au sein de l'article 10 émet que « toute
personne a le droit de connaître toute information recueillie sur sa
santé, de façon claire ». Cet élément a
été souligné par la loi Kouchner (Mars 2002) qui permet un
accès libre au dossier par le patient.
En cas d'incapacité du patient à comprendre les
informations données, la loi de 1968 sur les incapables majeurs met en
évidence le droit de donner l'information aux proches du patient.
Cependant, ce droit pose un problème particulier en France, lié
à la gestion des biens : la personne qui représente
juridiquement le sujet malade est la personne responsable à qui le
médecin peut confier le diagnostic. Nous pouvons nous
demander quelle est alors la qualité du consentement dans cette
situation.
La loi du 22 août 2002 concernant le droit à
l'information met en relief un élément important relatif à
la représentation du sujet lors de l'annonce. Selon l'article 14, le
patient peut désigner une personne pour se substituer à lui tant
qu'il ne peut exercer ses droits (personne dite « de
confiance »).
- Contexte déontologique
Le code de déontologie des médecins met en avant
le principe d'autonomie de l'individu. Selon ce code, tout acte médical
doit faire l'objet d'une information au patient, Art 36 : « Le
consentement de la personne examinée ou soignée doit être
recherché dans tous les cas ». Cependant, cette recherche de
consentement pose un problème majeur dans le cas de la maladie
d'Alzheimer puisqu'elle nécessite au préalable une
compréhension des informations données par le médecin. Le
médecin doit donner une information claire et appropriée au
malade, mais, selon le Dr Stillmunkés (2002), le sujet peut être
tenu dans l'ignorance pour l'intérêt de celui-ci. Le but n'est pas
de « tout dire à tout le monde » puisque le patient
peut ne pas vouloir entendre la vérité mais simplement vouloir
comprendre la gravité de son état. [38]
1.2 Les questions
d'éthiques autour de l'annonce
Selon le Dr Pepinster (2006), la question de la
vérité n'est pas la plus facile à aborder car au moment du
diagnostic, personne ne connaît la stricte vérité : au plan
individuel, le pronostic n'est jamais définitivement établi.
L'annonce de la maladie d'Alzheimer va dans ce sens puisque cette pathologie ne
peut être confirmée qu'au décès du sujet par
autopsie.
Selon ce praticien, la vérité n'est pas une
annonce en soi, mais elle est une inscription dans une dynamique relationnelle.
C'est la mise en contact de deux subjectivités dans une relation de
confiance entre soigné et soignant qui permet de construire une
vérité. [33]
Dire ou ne pas dire ?
Le contexte de la maladie d'Alzheimer est source d'angoisse ;
par conséquent, l'annonce de cette pathologie n'est pas chose
aisée.
Cette difficulté a été longtemps
éludée en n'annonçant pas le diagnostic : le manque de
réflexion éthique sur le sujet et le caractère incertain
du diagnostic lui-même ont contribué à cette
non-communication.
Aujourd'hui, la considération du patient en tant que
sujet, les avancées juridiques ainsi que la prise de conscience des
conséquences positives d'une prise en charge organisée,
permettent une évolution dans la manière d'annoncer.
En conséquence, selon certains, la question actuelle
est davantage « comment annoncer ce diagnostic » et non
plus « faut-il l'annoncer ? ».
Difficultés de l'annonce
Une des difficultés s'argumente autour du
caractère incurable de la maladie d'Alzheimer. Cela implique
que la dimension « tragique » de l'annonce de la
démence est à prendre en considération.
L'incertitude diagnostique est un des facteurs de non-annonce
de cette pathologie. D'après une enquête réalisée en
Grande Bretagne (Vassilas et al. 1999), les médecins auraient davantage
tendance à annoncer un cancer en raison de la certitude de celui ci.
Cependant, les procédures de dépistage de la maladie d'Alzheimer
s'améliorent de jour en jour et les points de vue sur ce sujet
évoluent. [43]. Au delà du caractère incurable de la
maladie, un des aspects dramatiques consiste en la perte
d'identité dont souffrira le patient. Les partisans de la
non-annonce se demandent pourquoi annoncer au sujet qu'il va perdre ses
fonctions cognitives, qu'il ne sera plus lui-même. D'autres se
questionnent sur le sens de cette annonce lorsque le sujet n'a pas les
capacités mnésiques pour mémoriser la signification de ce
diagnostic. La médiatisation d'une image négative de la maladie
concourt à cette non-annonce : le patient est souvent perçu
comme inexistant, ce qui participe aux réactions d'effroi lors de
l'annonce.
Les arguments en faveur de l'annonce du diagnostic :
Une étude Irlandaise (Maguire, 1996) met en
évidence que 80% des personnes de l'entourage du patient voudraient que
le patient ne sache pas le diagnostic mais par contre 71% le souhaiteraient
pour eux. La possibilité de dépister la maladie de manière
plus précoce permet d'annoncer au patient sa maladie pour qu'il puisse
s'organiser dans l'avenir et intégrer cette annonce. [24]
L'annonce de la maladie d'Alzheimer conserve une forte
potentialité traumatique. Souvent, pour des raisons éthiques ou
d'évitement, les praticiens privilégient l'annonce à la
famille en dehors de la présence du sujet âgé. Selon Talpin
(1999), cela « hypothèque » les chances du sujet
âgé de pouvoir parler quand il le souhaite de sa pathologie.
[39]
Concernant la réalité des consultations,
Trichet-Llory et Mieux (2005) ont mis en évidence que parmi les
praticiens réalisant l'annonce du diagnostic, 70% disent l'annoncer au
patient dont 29% sans prononcer le mot « Alzheimer ». Dans
89% des cas, l'annonce faite au patient était faite en présence
de la famille, et les praticiens disaient demander au patient son accord avant
de mettre l'entourage au courant. Selon le Dr Pepinster, les médecins
n'annoncent qu'à 55% le diagnostic au patient, alors qu'ils l'annoncent
à pratiquement 100% à la famille.
[33] [41]
L'accueil du diagnostic dépend de la
représentation dramatique que chacun se fait de la pathologie. L'annonce
vient souvent confirmer ce que chacun s'était dit sans vouloir y croire.
L'entendre dire par quelqu'un « d'autorisé » et voir
les résultats des examens produit un effet d'autorité conduisant
à suspendre le doute.
Le temps de l'annonce est souvent traumatique, car le mot
« démence » surgit avec la réalité. La
scène de l'annonce du diagnostic correspond ainsi à la
cristallisation de nombreux enjeux psychiques.
2. Différentes
manières d'annoncer la maladie d'Alzheimer aux patients et à
l'entourage
2.1 Les outils de
dépistage de la maladie d'Alzheimer
Il existe de nombreux tests qui associent la recherche de
signes cliniques, des tests neuropsychologiques et des techniques d'imagerie
cérébrale pour permettre d'évoquer une Démence de
Type Alzheimer (DTA).
2.1.1 L'évaluation neuropsychologique
Elle comprend des tests psychométriques qui ont pour
but de « mesurer » les troubles mnésiques, les
fonctions exécutives, les aphasies, les agnosies et les apraxies
dont :
- Le MMSE (Mini Mental State Evaluation ou test de
Folstein)1(*)
- Le test de l'horloge (permet de mesurer la praxie)
- Les tests de rappel (explorent la mémoire)
2.1.2 Les tests complémentaires
- Le scanner cérébral ou
l'IRM cérébral : rôle essentiel afin d'écarter
les autres causes comme les tumeurs, les accidents vasculaires
cérébraux...
La tomographie par émission de positrons ou TEP :
va permettre l'analyse de traceurs radioactifs injectés dans l'organisme
(exemple : peut mettre en évidence une atrophie de
l'hippocampe). Aucun diagnostic de certitude
n'existe du vivant du patient. Après la passation de cette série
de tests, la maladie d'Alzheimer est diagnostiquée comme probable :
la certitude ne pourrait être obtenue que par un examen histologique du
cerveau réalisé après autopsie. (Wikipédia,
2007).
2.2 Les
spécificités de l'annonce de la maladie d'Alzheimer
En grande Bretagne, une enquête a pu montrer que le
choix de l'annonce dépendait du stade de la maladie et de
l'interlocuteur. Les médecins annoncent d'avantage le diagnostic au
stade précoce de la pathologie : annonce systématique au stade
précoce pour 37% des patients contre 7% lors d'un stade
évolué.
Le Réseau Sentinelles (INSERM, 2003)
met en évidence que neuf médecins
généralistes sur dix annoncent les résultats des tests
à la famille en disant clairement qu'il s'agit de la maladie
d'Alzheimer. Ce n'est pas la même chose pour le patient : seulement un
malade sur deux apprend son diagnostic, souvent celui d'une «
altération de la mémoire ».
Le tableau 1 mettant en évidence les résultats
de l'étude « Sentinelles », montre que la
nomination de la maladie est beaucoup plus systématique dans le cas de
l'annonce à la famille (78% pour la famille contre 22% pour les
patients). Cependant, les médecins parlent d'avantage d'
« altération de la mémoire » aux patients
(70% contre 10% à la famille).
Tableau 1 : Termes utilisés lors de l'annonce
réalisée au patient ou à la famille
|
Annonce
|
Au patient
|
A la famille
|
Altération de la mémoire
|
70%
|
10%
|
|
|
|
Démence
|
2%
|
10%
|
|
|
|
|
|
Maladie d'Alzheimer
|
22%
|
78%
|
|
|
|
Autre
|
6%
|
2%
|
|
|
|
|
|
|
Source: Inserm, 2003.
2.3 Les méthodes
existantes autour de l'annonce du diagnostic
Selon le Dr. Pepinster (2006), il existe trois types
d'attitudes médicales face à l'annonce de la
vérité. [33]
Tout d'abord, le mode
« Américain » selon lequel on doit
« tout dire à tout le monde », quelques soient les
circonstances. Ce mode ne permet pas de chercher quelles pourraient être
les réactions du sujet et ce dont il est capable d'entendre.
Le second mode, qualifié de
« Français », propose de ne « jamais
rien dire ». Cette méthode ne permet pas de se demander si le
sujet est en recherche de vérité ou non. Selon l'auteur, cette
technique est une source de diminution de l'angoisse du soignant mais ne traite
pas le problème de l'annonce lui-même.
Enfin, le dernier mode consiste à se demander
comment s'y prendre pour annoncer la vérité. Mais le Dr.
Pepinster explique que cette approche, beaucoup plus Humaine, est tout aussi
« fausse » car celui qui se demande comment s'y prendre
pense qu'il existe une technique pour annoncer ce type de diagnostic difficile.
Selon l'auteur, c'est l'inattendu qui compte dans ces situations.
- Le protocole d'annonce en six étapes selon
Buckman (1994) [4]
« L'outil d'éducation pour la santé du
patient », réalisé par l'INPES, propose une
démarche adaptée du protocole en six étapes
recommandé par Buckman pour l'annonce des « mauvaises
nouvelles » en médecine.
Etape 1 - les préliminaires :
Selon certains médecins, l'annonce du diagnostic de la maladie
d'Alzheimer constitue un des moments les plus délicats de la prise en
charge (Gallarda, 2003). Certains préliminaires peuvent contribuer
à faciliter l'annonce, comme le fait de solliciter la présence
d'un autre soignant pendant la consultation (infirmier, psychologue...) pour
prendre le relais en cas de besoins, prévoir du temps...
De plus, le choix du lieu et du moment est important dans le
processus d'annonce. [11]
Etape 2 - Se demander ce que sait
déjà la personne : Le médecin cherche à
explorer la manière dont le sujet perçoit et vit la maladie ou
les troubles qui y sont associés. Il s'agit ainsi de comprendre quelles
sont les représentations sociales et les croyances du patient et de son
entourage sur la maladie et la santé.
Etape 3 - Se demander ce que la personne veut
savoir.
Etape 4 - Communiquer des informations :
diagnostic, pronostic, traitement, soutien : Le médecin sera
attentif au ressenti de la personne et en offrant des solutions : traitement,
soutien...
Etape 5 - Offrir de répondre aux sentiments
du sujet et de son entourage.
Etape 6- Réaliser des propositions de
traitements et de suivis : Le but sera alors de clore la consultation
en s'assurant d'avoir répondu aux principales inquiétudes des
personnes et en synthétisant et planifiant les prochaines étapes
du suivi.
- Les recommandations lors de
l'annonce selon Hoerni (L'annonce du diagnostic difficile, séminaire de
gérontologie, Pepinster) [33]
Selon cet auteur, il est important d'essayer de rester simple
sans donner trop de détails techniques ainsi que de tenir compte de ce
que le sujet sait déjà. Un contexte calme permet de transmettre
de manière sereine les informations aux sujets. Hoerni recommande
également de fragmenter les nouvelles et d'attendre les questions
complémentaires des sujets. Enfin, l'auteur pense qu'il n'est pas
préconisé de discuter de ce que le sujet semble refuser de
connaître, cela pourrait créer un blocage. En fin d'entretien, le
médecin demandera aux personnes si elles ont bien compris et si elles
désirent des informations supplémentaires. Lors de l'ensemble de
l'entretien, le praticien fera attention de ne pas supprimer tout espoir,
autant pour le patient que pour son entourage.
- L'annonce du diagnostic, un acte
thérapeutique selon Bachkine
Pour cet auteur, l'annonce du diagnostic se déroule
selon trois étapes. Avant l'annonce, le médecin se prépare
(choix du lieu, renseignement sur le patient...). Pendant l'entretien, le
praticien doit savoir comment délivrer une information et savoir
gérer les réactions émotionnelles. Enfin, après le
moment d'annonce, il cherche à suivre l'état émotionnel
des sujets et à répéter les informations importantes.
[33]
Selon Buckman, l'annonce peut être faite par le
médecin spécialisé (en consultation mémoire par
exemple), le médecin traitant ou de manière fortuite
(informations sur les médicaments, courrier,
« gaffe » d'un soignant).
Les termes recevables sont ceux qui qualifient la personne
malade, parlent de maladie et non pas d'état, parlent de la maladie
d'aujourd'hui, expliquent la maladie, proposent des solutions, parlent de la
prise en charge, permettent un dialogue.
Exemples de termes pour parler de la maladie :
maladie d'Alzheimer, maladie de la mémoire, perte de mémoire,
trouble de la mémoire.
Les termes souvent mal reçus sont ceux qui parlent de
stade terminal, qui évoquent une maladie proche de la folie, le jargon
médical et le vocabulaire dépassé et humiliant.
Exemples de termes mal reçus : démence,
démence sénile, dégénérescence,
dégradation intellectuelle, dépendance, gâtisme,
incurabilité.
2.4 La qualité de
l'annonce, perçue par les aidants
Dans l'étude PIXEL (Thomas, 2002), l'entourage familial
de patients atteints de Maladie d'Alzheimer estime disposer d'une information
claire mais la moitié des personnes interrogées la
considèrent insuffisante et aimeraient disposer d'informations plus
scientifiques de la part des médecins, sur la nature et
l'évolution de la maladie elle-même. [40]
La recherche de Biedermann (2004) sur l'annonce du diagnostic
de Maladie d'Alzheimer à l'entourage des patients montre que 8
accompagnants sur 10 estiment avoir été bien ou suffisamment
informés (37/46). [1] Cette recherche met en avant que les personnes
interrogées estiment avoir été plutôt bien
informées. Les médecins emploient un vocabulaire
compréhensible et le nom de Maladie d'Alzheimer est clairement
prononcé dans une grande majorité des cas.
Généralement, elles connaissent déjà un patient
dans leur entourage, source vraisemblable d'une représentation de la
maladie participant à un sentiment de connaissance de la pathologie.
Cependant, l'étude montre aussi qu'il existe une contradiction entre la
qualité ressentie de l'information et son contenu réel : alors
que l'entourage des patients estime que l'information donnée par les
médecins est satisfaisante et exprimée dans un langage
accessible, il n'est pas préparé à affronter deux des
signes cliniques majeurs de la Maladie d'Alzheimer que sont les troubles
mnésiques et les difficultés à la réalisation des
actes de la vie quotidienne.
3. Réactions,
réajustements psychologiques et anxiété de l'aidant
à l'annonce du diagnostic
3.1 Qui sont les
aidants ?
Selon le Dr Eprinchard (CHU Niort), l'aidant est
« une personne de la famille non formée, non
rémunérée et non reconnue, qui apporte une surveillance,
un soutien, une aide, un soin à une personne en perte
d'autonomie ». L'aide apportée à une personne
dépendante peut être formelle ou informelle. L'aide formelle est
produite par l'ensemble des professionnels et est encadrée par une
fonction objectivante. L'aide informelle provient du réseau familial ou
amical et est contractualisée par un réseau d'affects (Pitaud,
2006). Selon le Conseil de l'Europe (ENA, 2000), « les aidants
informels sont les personnes de la famille, amis, voisins ou membres
d'organisations, qui accompagnent une personne dépendante mais qui n'ont
pas de statut professionnel ». Pour Fior (2003), le terme d'aidant ne
peux renvoyer à une définition précise, mais des
critères peuvent permettre de les identifier : quantité d'aide
fournie, type d'aide, niveau et type d'incapacité de la personne malade.
Les études Pixel ont montré que les aidants sont les conjoints
pour 51%, les enfants pour 45% et 4% d'autres personnes (voisins, amis...).
[34] [9]
Enfin, Pitaud a mis en évidence qu'il existe dans les
familles un « enfant désigné ». Il s'agit
d'une désignation inconsciente dans une fratrie, de la personne qui fait
preuve de la plus grande disponibilité (sentimentale,
professionnelle...). Ce sujet est souvent, selon l'auteur, très fragile
narcissiquement et dépendant de ses parents. La personne
âgée a souvent choisi implicitement son aidant parmi ses enfants
et lui confère une responsabilité symbolique, ce qui va donner un
sens pour l'aidant. [34]
Selon Lavoie (2000), on ne peut pas parler d'assignation ou de
désignation dans l'accession au rôle d'aidant. L'auteur
évoque le concept de « responsabilisation » : selon
lui, des règles vont intervenir dans cette décision. Les
règles du statut familial, proximité affective, ressources
personnelles (sentimentales et financières), règle du genre
(relation mère/fille) vont obliger le sujet à
« faire » et permettre au reste de la famille de lui
« faire faire ». [20] Le groupe des conjoints aidants se
compose de deux tiers de femmes et le groupe des enfants de 72% de femmes.
Pitaud met en avant une certaine hiérarchisation dans l'aide : les
femmes, filles et belles-filles sont majoritaires dans les aidants, puis les
fils, membres de la famille plus éloignés et personnes
extérieures à la famille. [34]
La maladie d'Alzheimer possède un statut particulier
au sein des pathologies de la personne âgée. Effectivement, il
s'agit d'une maladie qui affecte le sujet au niveau social, comportemental,
cognitif et affectif mais elle représente également une
« maladie familiale ». La démence n'est pas
repérée comme telle d'emblée par l`entourage : elle
s'installe lentement par une suite d'événements : les signes
passent inaperçus parce qu'ils sont compensés par le sujet
(d'abord de manière préconsciente puis volontairement); ou alors
ils sont perçus mais sont banalisés. Cette banalisation s'appuie
sur une représentation déficitaire de la vieillesse qui permet de
ne pas pathologiser les troubles. Il s'agit ici de dénégation de
la part de l'entourage du patient. L'absence de preuve anatomique ou
biologique, les faibles modifications mnésiques du sujet au début
de la maladie, les pertes sociales perçues comme dues au vieillissement
naturel, sont autant de difficultés pour la famille à accepter le
diagnostic.
Selon le Dr Rousset (Congrès de
psychogériatrie, Pau, 2000), les conséquences de l'annonce du
diagnostic seront différentes selon les liens familiaux
antérieurs : le conjoint peut être dans la position de celui qui
sait sans savoir, ou de celui qui reste confronté uniquement à la
réalité du quotidien. L'enfant peut se positionner dans
l'effacement de l'inscription symbolique et alors resté dans la seconde
phase du stade du miroir. La fratrie peut voir dans le patient une sorte
d'anticipation imaginaire (bouleversements narcissiques car le sujet a peur de
devenir comme l'autre).
Globalement, une prise de conscience s'élabore petit
à petit chez le sujet âgé mais surtout chez ses proches.
Les études montrent que la demande de consultation est le fruit d'un
travail de maturation. De plus, le choix du professionnel consulté est
un indicateur des représentations que le demandeur a de la
démence (par exemple, le choix d'un neurologue peut traduire la
volonté de recevoir une prescription de médicaments, celui d'un
psychologue le souhait d'une évaluation ou d'une prise en charge
psychothérapeutique).
Le moment de la consultation, quelle qu'elle soit, est
chargé d'ambivalence quant au désir de savoir ou de ne pas
savoir.
Lors de l'annonce de la maladie à l'entourage, de
nombreuses réactions peuvent survenir de leur part. Agressivité,
déni, consternation et effondrement émotionnel... sont autant de
modes possibles de réactions. Cette annonce va attaquer les liens
familiaux, inverser les rôles dans la famille et confronter les aidants
à une grande souffrance psychique (nommé « stress
familial » par Pitaud, 2006). [34]
3.2 Les différents types
de réactions des aidants à l'annonce
La présentation des réactions possibles des
aidants lors de l'annonce de la malade d'Alzheimer permettra de créer
une grille d'analyse des entretiens de recherche au sein de notre
étude.
3.2.1 Un temps nécessaire pour l'acceptation du
diagnostic
Après l'annonce, il existe un temps nécessaire
au sein du groupe familial pour la recherche d'un sens, d'une étiologie
à cette pathologie. Ce temps aura différentes visées
(Pitaud, 2006) :
1. Tentative de maîtriser (sur le plan cognitif) ce qui
arrive.
2. S'approprier ce qui arrive en donnant une dimension
subjective à ce qui est présenté dans un discours
scientifique.
3. Donner un sens à un événement qui
serait inappropriable psychiquement car il paraît injuste,
insensé. Le sujet et sa famille s'inventent une causalité pour
restaurer une continuité là où le traumatisme avait fait
rupture.
4. Les théories avancées vont permettre de
manifester de la culpabilité. La famille relit les signes dans la
recherche de ce qui a été raté et reconstruit après
coup les événements. [34]
Les effets de l'annonce tiennent à la manière
dont le diagnostic est dit mais également à la manière
dont il est entendu : cela dépend des attentes du sujet et de sa
famille, des représentations préalables de chacun sur la maladie
et du lien entre le patient concerné et celui qui écoute le
diagnostic.
La découverte accidentelle de l'annonce a un
impact traumatique important car elle ne permet pas de proposer un
accompagnement relationnel et ne donne pas d'explications sur la maladie. Ce
type de découverte a également un effet déstructurant pour
le narcissisme familial (le déni s'effondre).
3.2.2 Effets de l'annonce sur la dynamique
familiale
Selon Selmés et Derouesné (2007), le temps joue
un rôle essentiel en ce qui concerne les réactions des aidants
à l'annonce. Les premières réactions sont dîtes
« émotionnelles » et sont dues au choc d'apprendre
qu'il s'agit d'une maladie d'Alzheimer. Ces réactions sont à
différencier avec celles qui traduisent la prise de conscience et
l'assimilation de ce que va représenter la maladie dans la vie de
l'aidant et de celle du malade.
Pour ces auteurs, chaque famille a sa propre dynamique pour
affronter les événements adverses de la vie, chacun réagit
selon ses caractéristiques et ses valeurs. Ils mettent en
évidence plusieurs « types » de famille dont la
famille attentiste on l'on observe que le reste de la famille minimise ce que
dit l'aidant principal par rapport à la maladie du parent, la famille
négationniste qui pratique le déni comme mécanisme de
défense et enfin la famille responsable, consciente de la prise en
charge à venir du proche.
Selon Talpin (1999) et Pouillon (2003), l'annonce du
diagnostic peut avoir des impacts différents sur l'entourage du patient.
Nous allons voir chacun des modes de réactions possibles. [39] [35]
Gely-Nargeot et al (2003) ont mis en évidence la fréquence
d'apparition des différentes réactions lors de l'annonce. Chez le
conjoint de la personne atteinte, l'anxiété domine avec 48%, la
résignation (28%), le soulagement (17%), le rejet initial (16%), le
déni (12%) et enfin la colère (12%). [13]
3.2.3 Types de réactions des aidants à
l'annonce du diagnostic
L'annonce peut être vécue sur le mode d'une
catastrophe, d'un effondrement émotionnel. L'entourage va alors
se faire un devoir de soutenir le patient en étant fort.
Pouillon montre que les sujets peuvent pleurer, avoir des
paroles conjuratoires (« c'est pas possible »), exprimer le
besoin de sortir du bureau, ou émettre un flot de questions
angoissées pour tenter de (re)prendre le contrôle de la situation.
[35]
Des angoisses peuvent alors émerger chez la
famille. Il peut s'agir d'angoisses narcissiques : l'entourage éprouve
la crainte que la pathologie soit héréditaire et pose alors au
praticien la question de la transmission (qui témoigne de la
manière dont ils perçoivent le lien à travers la
filiation). Le cas particulier du conjoint met en évidence que le
vieillissement de l'autre sert de modèle à la
représentation du vieillissement propre : il existe une dimension
narcissique du deuil de l'autre du passé. Des angoisses de type
objectales peuvent également survenir. L'expression d'inquiétudes
proches des dimensions concrètes de la réalité peuvent
permettre de contenir les angoisse en leur donnant un espace psychique et une
représentation ainsi qu'en citant des réponses opératoires
ou des actions pour s'approprier ce qui arrive.
L'aidant peut recevoir un « choc » lors de
l'annonce car celle-ci peut être trop soumise à une approche
médico-technique, à un discours objectivant, excluant le sujet de
sa singularité. L'aidant cherche alors dans une démarche de
réassurance, à trouver une cause à la
déchéance, soit en projetant sur le malade l'origine de la
démence (mode de vie) ou sur des événements (deuil par
exemple). Cette rationalisation montre le désir de l'aidant de
réintroduire du maîtrisable dans une situation qui lui
échappe complètement. L'annonce est ressentie dans ce cas par
l'aidant comme un véritable choc traumatique. Un trauma qui est une
blessure narcissique importante où se trouve bouleversé le jeu
des identifications, des images incorporées idéalisées
pendant l'enfance.
Nous pouvons observer un mouvement de régression de
l'appareil psychique familial vers des positions psychiques
indifférenciées, traduit par un refus plus ou moins
actif du diagnostic. Cette régression aura pour but de garder le
sujet au sein de la famille, de le mettre à l'abri de certains des
membres. Le problème de cette dédifférenciation
(symbiose), selon Talpin (1999), est qu'elle fait émerger chez les
non-déments la menace d'une contamination de la démence. Ce
fantasme peut conduire à des mouvements contradictoires de sur et
désinvestissements. [39]
Le déni du diagnostic est considéré par
Pouillon comme le refus de la maladie (l'entourage va dire « c'est la
vieillesse »). Une agressivité et/ou une agitation motrice
peuvent alors apparaître lors de la consultation et l'entourage peut
demander des explications exhaustives ou même menacer le praticien
d'aller chercher un deuxième avis. [35]
La démence semblerait survenir pour la famille sans
qu'elle ne s'y attende. Certaines familles refuseraient alors dans ces
conditions « volontairement » ou non de se
préparer à cette déchéance annoncée, il
s'agirait d'une forme de déni.
L'acquiescement passif est une autre
réaction possible qui se traduit par le blocage des affects, une sorte
d'état de sidération du sujet. Pouillon montre que cet
acquiescement est rarement dépassé. Il peut traduire
différents affects : un soulagement, un effondrement intérieur,
Un refus d'admettre la réalité, une incompréhension...Le
diagnostic qui constitue une blessure narcissique pour le groupe familial
s'accompagne de honte, la famille se replie sur elle même. [35]
Certains sujets, face à l'annonce d'une maladie grave,
vont chercher à réorganiser la vie du patient et la leur, montrer
une volonté de lutte contre les effets de la pathologie et
élaborer de nouveaux projets. Des changements positifs se
mettent alors en place.
Selon le Dr. Ponticaccia (CHU de Montpellier, 2004), un stress
chronique et intense peut être observé chez les aidants à
tous les stades, et ceci dès l'annonce du diagnostic. Cette
anxiété est très fréquente (jusqu'à
96% de sujets atteints selon les études) et semble liée à
deux facteurs : la multiplication des tâches après l'annonce et la
dégradation progressive du patient. Une anxiété
généralisée peut être vécue par certains
aidants déclenchée lors de l'annonce mais qui s'observe au sein
de toutes les étapes après ce moment difficile. Selon les
critères du DSM IV, l'anxiété appartient aux troubles
anxieux. Cette notion s'accompagne de soucis excessifs qui surviennent la
plupart du temps durant au moins 6 mois, concernant un certain nombre
d'événement ou d'activités. [44]
L'anxiété généralisée se
caractérise par des préoccupations difficiles à
contrôler et d'au moins trois symptômes parmi l'agitation, la
fatigabilité, un trouble de la concentration, une irritabilité,
une tension musculaire et des troubles du sommeil. L'anxiété
altère la vie sociale, familiale et professionnelle de la personne, et
ceci de manière significative. Le terme
« anxiété » est relativement flou dans la
littérature psychologique. La plupart du temps, l'anxiété
est perçue par l'individu et son entourage comme un trait de
personnalité. On évoque alors dans ce cas une
caractéristique figée, alors que le trouble anxieux correspond
à une tendance mouvante.
3.3 Réajustements
psychologiques des aidants : mécanismes de défenses et
stratégies de coping
Ø Mécanismes de défense
Selon Ionescu (2005), les mécanismes de défense
sont souvent désignés comme des « processus
psychologiques automatiques et inconscients ». [16]
Nous pouvons mettre en évidence deux propositions de
définitions, la première relevant du dynamisme psychanalytique et
la seconde évoquée par le DSM IV (American Psychiatric
Association, 1994-1996). Tout d'abord, pour Widlöcher (1971), la
défense apparaît comme l'ensemble des opérations dont la
finalité est de réduire un conflit intrapsychique en rendant
inaccessible à l'expérience consciente un des
éléments du conflit. Dans le DSM IV, les mécanismes de
défense sont définis comme « des processus
psychologiques automatiques qui protègent l'individu de
l'anxiété ou de la perception de dangers ou de facteurs de stress
internes ou externes ». Il s'agirait de ce fait de médiateurs
de la réaction du sujet aux conflits émotionnels et aux facteurs
de stress. [44]
Hekmiboulet (1998) montre que les mécanismes de
défense chez l'aidant lors de l'annonce sont plus ou moins
opérants selon l'intensité des conflits et des liens entre
patient et aidant. Ces réajustements peuvent aller de
l'éloignement teinté d'agressivité au maternage intensif
de la personne malade. Le groupe familial développe des réactions
(mis en oeuvre d'un système inconscient de méta-défenses)
pour se protéger en tant que structure humaine constituée. La
famille se conduit psychiquement comme tout groupe humain en appareil psychique
groupal (Kaës, 1982). [14] [19]
Le déni de la réalité est une
forme de méta-défense, il s'agit d'incapacité
fonctionnelle à entendre un diagnostic et ses conséquences. La
famille attribue alors les troubles du sujet à toute autre cause
qu'à celle de la maladie (Pitaud, 2006). « Je n'y crois pas,
le médecin s'est trompé » traduit le refus de
reconnaître le diagnostic, souvent parce que l'aidant a en tête des
images négatives de la maladie d'Alzheimer. [34]
Un autre mode de défense relève du
clivage. La banalisation du déficit permet à la famille
de ne pas concevoir le patient comme malade mais comme victime d'une
difficulté temporaire. Nous observons que les familles réalisent
un écart entre l'incapacité du proche et ce qui se passe au sein
de son cerveau.
Attribuer la maladie à une cause externe
constitue un troisième type de mécanisme de défense.
Cela permet de maintenir l'isomorphie du groupe familial.
L'aidant peut utiliser à l'annonce la fonction de
« bouc émissaire » pour désigner un
individu comme étant la cause des difficultés. La surprotection
du malade et les anticipations sur ses incapacités sont souvent le
support de ce mécanisme de désignation. Ici, l'aide
apportée devient la cause de l'incapacité (Pitaud, 2006). [34]
D'autres mécanismes de défense comme
l'humour, l'anticipation, la recherche de soutien envers
des proches...peuvent être utilisés car tout dépend
des caractéristiques propres de l'individu, de l'environnement qui
l'entoure et des interactions qui s'effectuent entre les deux.
Ø Stratégies
de coping
Trois types de stratégies de Coping (stratégies
de « faire face ») peuvent émerger, en lien ou non
avec l'utilisation des mécanismes de défense. Pour Lazarus et
Folkman (1984), le terme de coping fait référence à
l'ensemble des efforts cognitifs et comportementaux destinés à
maîtriser, réduire ou tolérer les exigences internes ou
externes qui menacent ou dépassent les ressources d'un individu. Les
stratégies de coping auraient deux fonctions principales : elles
peuvent permettre à l'individu de modifier le problème qui est
à l'origine du stress ou lui permettre de réguler les
réponses émotionnelles associées à ce
problème. [23]
Il existe différents types de coping (Paulhan et
Bourgeois, 1995) :
- Coping centré sur le
problème : Ce coping permet la résolution du
problème de manière immédiate si une possibilité
existe ainsi que l'affrontement de la situation. Il peut s'agir de la recherche
d'informations, de l'élaboration de plans d'actions, des efforts et des
actions directes. Par exemple, l'introduction progressive d'un aidant
professionnel ainsi que l'élaboration d'un projet institutionnel va
avoir pour effet de diminuer l'angoisse face à l'avenir (dépend
de nombreux facteurs comme par exemple l'aisance financière des
familles, car la prise en charge par des professionnels s'avère
être onéreuse).
- Coping centré sur
l'émotion : peut se manifester par une minimisation de la
menace, une prise de distance (ex : j'ai fait comme si rien ne
s'était passé), une réévaluation positive
(ex : je suis sortie plus forte...), l'auto-accusation, le recherche de
soutien émotionnel et social.
- Coping évitant : les aidants qui
utilisent cette stratégie ne fuient pas en général la
situation problématique mais nient en revanche souvent sa
gravité ainsi que leur épuisement. Le sujet utilise des
stratégies passives (évitement, déni,
résignation...) pou réduire la tension émotionnelle.
- Coping vigilant : les aidants vont
développer des stratégies actives (par la recherche
d'informations, de soutien social, de moyens...) d'affronter la situation pour
la résoudre. [30]
Nous pouvons considérer que ces défenses et
stratégies de coping font parties d'un continuum défensif allant
de mécanismes inconscients à des stratégies volontaires et
conscientes. Il n'existe pas de ligne de démarcation précise les
séparant.
Le parent malade et l'aidant doivent vivre avec la souffrance.
Pour échapper à la douleur, l'accompagnant peut aussi utiliser
une organisation basée sur le mode opératoire : le
« faire » domine la rencontre et tient à
l'écart les émotions douloureuses, l'agir et le factuel
l'emportent sur l'empathie et insensiblement la relation se
« dépsychise » et se
« déshumanise » parfois jusqu'à la
maltraitance (Pitaud, 2000). [34]
3.4 La perception des aidants
de la réaction de leur parent à l'annonce
La réaction du patient à l'annonce de sa maladie
n'est pas chose aisée à analyser, de nombreux facteurs peuvent
intervenir sur cette réaction et sur la manière dont l'aidant la
perçoit. Il est important de souligner que certaines familles (par choix
ou sur recommandations du médecin) décident de ne pas informer le
patient de son diagnostic. Des personnes ressentent tout de même ce
non-dit.
Tout d'abord, concernant les personnes au courant de leur
pathologie, le stade de la maladie joue sur leurs réactions : la
personne peut ne pas comprendre l'information contenue dans le diagnostic si le
stade de la maladie est avancée, ou ne pas s'en souvenir (lié aux
troubles mnésiques). Dans ce second cas, il n'est pas facile de savoir
si la personne a une réaction de déni de sa maladie ou si ses
capacités cognitives ne lui permettent pas de retenir l'information.
Ensuite, la réaction du patient dépend des
éléments d'informations contenus dans l'annonce. Si le
médecin ou la famille parle de « troubles de
mémoire », cela est différent que d'évoquer le
terme « maladie d'Alzheimer ». Les deux expressions n'ont
pas la même signification.
4. Représentations
sociales, connaissances des aidants sur la maladie d'Alzheimer et sentiment de
menace perçue
4.1 La notion de
« représentation sociale »
La représentation est une façon d'organiser
notre connaissance de la réalité, elle-même construite
socialement. Cette connaissance s'élabore à partir de nos codes
d'interprétation, culturellement marqués et va constituer un
phénomène social.
La représentation est ainsi un processus de
reconstruction de la réalité intégrant la dimension
psychologique (individuelle) et sociale. Selon Jodelet (1989), le concept de
représentation sociale désigne « une forme de
connaissance spécifique, le savoir de sens commun, dont les contenus
manifestent l'opération de processus génératifs et
fonctionnels socialement marqués. Plus largement, il désigne une
forme de « pensée sociale ».
Cet auteur montre que les représentations sociales sont
orientées vers la maîtrise de l'environnement social,
matériel et idéal. [17]
Pour Moscovici (1973), les représentations sociales
peuvent avoir diverses fonctions. Tout d'abord, la fonction de
« savoir » qui sert aux individus à expliquer,
comprendre et à avoir des actions concrètes et cohérentes
sur le réel. Ces représentations prescrivent des pratiques, des
actions concrètes. Dans le cas de la maladie d'Alzheimer, ces
représentations permettent de créer pour le sujet des
connaissances sur la pathologie, mais aussi des explications sur les causes de
son apparition. Ensuite, elles peuvent jouer une fonction identitaire, c'est
à dire que les représentations sont un produit collectif, elles
permettent de définir et de distinguer les groupes. Enfin, elles ont
fonction de justification, elles donnent une identité qui permet aux
individus membres du groupe de justifier leurs comportements. [27]
4.2 Les représentations
sociales et les théories profanes concernant la maladie
Les représentations sociales peuvent transformer chaque
réalité selon des dimensions personnelles et sociales. Concernant
la santé, des chercheurs de ce domaine ont mis en évidence que
les cognitions (croyances, conceptions, représentations, théories
profanes) déterminent les comportements de santé des individus
(Bruchon- Schweitzer 2002). Les représentations de la maladie
diffèrent selon les cultures : chaque société a ses
propres conceptions de la santé et un comportement différent
devant la maladie. [3]
En Occident, les croyances religieuses sur la santé et
la maladie se sont effacées, suite à la contribution des
progrès sur les connaissances biologiques et médicales. Ces
avancées technologiques permettent de progresser dans la
compréhension de l'étiologie de diverses pathologies. Cependant,
on observe une attention culturelle extrême portée au corps, ce
qui va de pair avec l'individuation contemporaine. Le début du
21é siècle correspond au renforcement des prescriptions
normatives : on « doit » être jeune, en bonne
santé et beau pour être intégré dans la
société. Là peut alors se placer la conception de la
vieillesse, qui ne correspond pas à l'idéal prodigué par
la société et à la conception de la démence, qui
s'éloigne encore plus de ces normes.
Chaque culture possède une représentation
différente de la maladie. L'annonce d'un diagnostic à un patient
et à son entourage n'aura ainsi pas du tout le même impact sur les
personnes et sur leur façon de vivre la maladie, selon leurs conceptions
de la santé en générale, de la maladie et de la pathologie
en question.
Pédinielli (1996, 1999) montre qu'il existe un
décalage entre les théories « profanes » et
les conceptions « savantes, biomédicales ». Selon
lui, il est essentiel d'étudier les conceptions et les
représentations des individus pour mieux comprendre comment se construit
l'expérience individuelle subjective de la maladie et quel sens donne le
sujet à celle-ci. Pour ce chercheur, il est important que le
médecin connaisse les représentations individuelles des patients
et de son entourage ainsi que les théories de la maladie qu'ils
élaborent car cette expérience subjective va intervenir, entre
autre, sur la compréhension et l'acceptation du diagnostic. [31]
L'étude de Pédinielli (1996, p.139-144) porte sur les croyances
des patients et leurs relations avec les conceptions médicales.
L'analyse du discours a permis de montrer que les conceptions
étiologiques naïves font références à des
causes « externes » et
« internes » mais qu'elles s'organisent aussi en
fonction du sens donné à la maladie. Ces conceptions
étiologiques ont pour fonction de trouver des causes à la
maladie, d'identifier, d'apprivoiser une réalité souvent
effrayante et de ne pas être submergé par la détresse.
Cependant, les études narratives mettent en évidence la question
du sens de la maladie. Selon les études citées par Marks (2000),
le sujet donne du sens aux situations pour qu'elles prennent une place et un
sens. [25] Une grande diversité de significations peut être
donnée à une pathologie: défi, valeur, soulagement,
stratégie, faiblesse, perte, ennemie, punition...
Les théories naïves de la maladie correspondent
à la recherche d'un sens où l'identification, la description et
l'interprétation sont étroitement imbriqués. Les sujets
essayent d'intégrer cette histoire à leur histoire
individuelle.
Les fonctions psychologiques des théories subjectives
de la maladie
(Santiago, Professeure de Psychologie, université de
Lausanne)
Les théories savantes et profanes sont
étudiées pour améliorer le dialogue entre les
médecins et les patients ainsi que pour comprendre comment le patient et
son entourage abordent la maladie. Les théories profanes sont
composées de représentations originales ou de groupes de
représentations sans organisation méthodique intellectuelle.
Description de la maladie : Le sujet décrit
la maladie avec des mots déformés, des images utilisant des
métaphores, des opérations de substitution et des
déplacements.
Explication de la maladie : Les explications
données par les sujets sont fondées sur des raisonnements
inductifs en utilisant des liens de cause à effet.
La rigueur du raisonnement est souvent faible (fondé
sur une tautologie, des interprétations de principe...). Il existe deux
modèles explicatifs de la santé mis en avant par M.
Santiago :
- Le Health Belief Model par Rosenstock (1950, 1974) :
analyse des croyances en matière de santé
Selon ce modèle, les théories profanes sur la
maladie sont composées de représentations individuelles (comme la
vulnérabilité perçue, la gravité de la maladie...)
et d'un décalage entre
les aspects objectifs de la maladie, la conscience de celle-ci
et la perception qu'en ont les sujets. Ce modèle explique
également que les variables culturelles, sociales et la
personnalité ont un rôle pour expliquer les maladies.
- Le modèle cognitif de l'adaptation à la
maladie
Ce modèle apporte des informations sur l'annonce d'une
maladie. Selon lui, l'annonce déclenche une situation de stress chez le
sujet puis une phase d'ajustement. Les croyances négatives sur la
maladie auraient une influence sur l'intensité de la dépression
et sur son évolution.
Selon la figure 1 de Santiago, les théories profanes de
la maladie se construisent de manière
hétérogène.
Figure 1 :
Hétérogénéité des théories
profanes
Supports sociaux (familles, amis...)
Hétérogénéité des
théories profanes
Corporéité
Sensation
Tonus
Émotions
Entourage, travail, associations...
Milieu de vie, culture, média
La maladie d'Alzheimer est présente dans les
expériences individuelles, familiales, sociales, politiques et
économiques : elle suscite une masse d'informations,
d'idées, de préjugés et d'attitudes sociales (Pitaud,
2006). [34] Considérée comme étant un type de
démence, cette maladie engendre dans les représentations des
individus la notion de « folie » car elle est
associée à la non reconnaissance des proches, la perte du temps
et de la conscience de l'espace, et enfin à des productions non
ancrées dans la réalité.
Herzlich (1996) a travaillé sur les
représentations de la « folie » dans notre
société. Selon l'auteur, la folie effraie et suscite une mise
à l'écart. Face à l'opacité de la folie, les sujets
essayent de la transformer en réalité concrète. Ces
représentations vont amplifier les représentations de la
« maladie » sous ses aspects les plus négatifs. Les
individus parlent de « souillure »,
« dégénérescence »,
« hérédité »,
« contagion »... [15]
4.4 La notion de menace
perçue
Le sentiment de « menace perçue »
se caractérise par la probabilité perçue d'être
atteint par une maladie ainsi que par les inquiétudes liées. La
recherche de Roberts et Connell (2000) avait pour but d'étudier les
attitudes, croyances et expériences sur la maladie d'Alzheimer parmi les
proches des patients au stade précoce de cette pathologie. Le sentiment
de menace perçue a été mesuré par sept items, par
une échelle en cinq points, regroupés selon trois
éléments : la probabilité perçue d'être
atteint par la maladie (deux items), les inquiétudes (trois items) et
les conséquences (deux items).
Les résultats de cette étude ont mis en avant
que de manière générale, les participants ne croyaient pas
développer la maladie d'Alzheimer dans les cinq prochaines
années. Cependant, la plupart considéraient qu'ils allaient
développer celle-ci dans leur vie. De plus, un peu plus de la
moitié d'entre eux disaient être vraiment concernés
à propos du développement de la maladie dans leur vie. [37] Lors
de la discussion de cette étude, les chercheurs mentionnent que selon
Becker (1974), la menace perçue peut être une motivation dans le
comportement à propos de la santé, alors que les croyances
erronées sur la maladie peuvent provoquer une situation de
« burden » dans la prise en charge et dans les
décisions des proches. [37] La discussion met également en avant
le fait que la menace perçue est un élément clé
dans la perception de la maladie d'Alzheimer : les recherches en
psychologie de la santé montrent que le sentiment de menace est
important dans la détermination des attitudes par rapport à la
santé. De plus, la menace perçue déclencherait chez les
aidants une attention particulière envers les tests
génétiques sur la maladie d'Alzheimer.
5. Problématique de
la recherche
De nombreuses études ont été
réalisées sur l'annonce de la maladie d'Alzheimer. Le fait de
dire ou de taire la vérité soulève une multitude de
questions éthiques. Les médecins, soumis à l'obligation
d'annoncer le diagnostic au patient, sont confrontés à
l'incertitude du diagnostic de cette maladie, à la question du
degré de compréhension du patient ainsi qu'à la position
de l'entourage sur le sujet. La famille occupe une place centrale au sein de la
prise en charge, de l'annonce à l'ensemble des prises de
décision. Les études mettent en évidence que l'aidant
principal est la plupart du temps mis au courant de la maladie d'Alzheimer de
son proche, mais refuse que ce dernier le sache.
Actuellement, la réflexion se porte au-delà du
fait d'annoncer ou non la maladie d'Alzheimer. De ce fait, la question concerne
la manière d'annoncer le diagnostic et les réactions de la
personne ainsi que de son entourage.
La démarche éducative menée par l'INPES
lors de l'annonce du diagnostic ne se centre uniquement sur le patient. La
famille, nommée « aidant informel » est
néanmoins, la plupart du temps, présente lors de cette annonce.
Les réactions de l'entourage au moment de l'annonce lors de la
consultation mémoire vont avoir une influence sur la réaction du
sujet lui-même. Les études réalisées sur l'annonce
aux familles montrent que celles-ci apprennent parfois la nature de la maladie
de manière accidentelle par exemple lors de la lecture d'un compte rendu
médical ou en entendant des soignants à l'hôpital. Mettre
le patient au centre de la relation de soin et au coeur de l'annonce est un
élément essentiel puisqu'il est la première personne
concernée par la maladie. Mais l'entourage, futurs aidants, peut
être également placé au centre du dispositif puisque ce
sont eux qui vont accompagner la personne, subir le poids de l'organisation de
la prise en charge et des conséquences de la maladie sur la dynamique
familiale.
Il semble alors être important, une fois que le patient
est replacé en tant que sujet dans la relation de soin, de prendre en
compte la place de la famille et de comprendre quels sont les facteurs pouvant
influencer leurs réactions au moment de l'annonce. Obtenir des
données sur ces facteurs et comprendre la dynamique de la famille
permettront au médecin d'adapter son annonce et de gérer les
réactions émotionnelles après l'annonce.
Nous avons vu lors de l'ancrage théorique que de
nombreux facteurs seraient susceptibles d'avoir un impact sur les
réactions des aidants après l'annonce. Nous allons nous demander
quels facteurs influencent les réactions et l'anxiété de
l'aidant à l'annonce du diagnostic de la maladie d'Alzheimer de son
parent ?
Cette question nous amène à formuler deux
hypothèses générales sur les facteurs pouvant influencer
les réactions et l'anxiété des aidants à l'annonce
du diagnostic. La première concerne l'anxiété souvent
ressentie par les aidants informels et la seconde sur les autres types de
réactions et les réajustements psychologiques mis en place
à l'annonce :
- « Les connaissances de l'aidant sur la maladie
d'Alzheimer, son sentiment de menace perçue, la qualité de
l'annonce, le statut du médecin et la présence ou non de soutien
social influencent l'anxiété de l'aidant à l'annonce de la
maladie d'Alzheimer de son parent ».
- « La perception de la réaction du parent
à l'annonce du diagnostic et la manière dont le sujet devient
l'aidant principal ont une influence sur le type de réaction et les
réajustements psychologiques utilisés ».
2ème partie :
Méthode de la recherche
1. Variables et
hypothèses
Dans cette partie, nous allons préciser les variables
utilisées dans notre étude, découlant de la
problématique. Nous présenterons également nos
hypothèses de recherche.
Ø Approche quantitative
Nous cherchons à étudier le vécu de
l'annonce par l'aidant du patient. Celui-ci est apprécié dans
notre étude selon deux variables : les réactions à
l'annonce et les réajustements psychologiques mis en place. Ici, nous
allons utiliser la mesure de l'anxiété de l'aidant comme
modalité du vécu au moment de l'annonce de la maladie d'Alzheimer
de son parent.
- Variable dépendante 1
(VD1) : L'anxiété de l'aidant
L'objet de notre étude est la recherche des facteurs
influençant les réactions des aidants lors de l'annonce de la
maladie d'Alzheimer de leur proche. Cinq variables indépendantes sont
étudiées ici :
- Variable indépendante 1 (VI1) : menace
perçue par l'aidant
- Variable indépendante 2 (VI2) : connaissance sur
la maladie par l'aidant
- Variable indépendante 3 (VI3) : qualité
perçue par l'aidant de l'annonce réalisée par le
médecin
- Variable indépendante 4 (VI4) : statut du
médecin ayant annoncé la maladie. Deux modalités :
médecin généraliste, gériatre et neurologue
- Variable indépendante 5 (VI5) : soutien social.
Deux modalités : présence de soutien social, absence de
soutien social
De nombreuses variables parasites semblent être
présentes pour cette étude et pourraient influencer les variables
indépendantes choisies. Nous essayerons donc de contrôler les
variables suivantes : le sexe de l'aidant, le lien de parenté entre
l'aidant et le patient et le temps écoulé depuis l'annonce du
diagnostic.
Hypothèses générales et
opérationnalisées
Ø Hypothèse générale :
Les connaissances de l'aidant sur la maladie d'Alzheimer, son
sentiment de menace perçue, la qualité perçue de
l'annonce, le statut du médecin et la présence ou non de soutien
social influencent l'anxiété de l'aidant à l'annonce de la
maladie d'Alzheimer de son parent.
Ø Notre hypothèse générale
peut-être opérationnalisée ainsi :
HO 1 : L'anxiété éprouvée par
l'aidant est plus importante lorsque l'annonce est de mauvaise
qualité.
HO2 : L'anxiété éprouvée par
l'aidant à l'annonce est plus importante lorsque la menace perçue
est élevée.
HO3 : L'anxiété éprouvée par
l'aidant est plus importante lorsque ses connaissances sur la maladie
d'Alzheimer sont faibles.
H04 : L'anxiété éprouvée par
l'aidant à l'annonce est plus importante lorsqu'il n'a pas de soutien
social lors de la consultation.
HO5 : L'anxiété éprouvée par
l'aidant à l'annonce est plus importante lorsqu'elle est
réalisée par un gériatre ou un neurologue que par le
médecin généraliste.
Ø Approche qualitative
Nous allons étudier les types de réactions et
les réajustements psychologiques de l'aidant à l'annonce du
diagnostic de la maladie d'Alzheimer. Notre objectif est de mettre en
évidence les différentes réactions selon la
perception de la réaction du parent à l'annonce et la
manière dont le sujet est devenu aidant.
2. Méthodologie
2.1 Population d'étude
Les caractéristiques de notre échantillon sont
présentées de manière détaillée au sein de
deux tableaux en ANNEXE 1.
Ø Approche quantitative
Le tableau 2 montre que notre échantillon se
compose pour la grande majorité de femmes (67%),
âgées entre 51 et 70 ans, filles des patients atteints par la
pathologie. Ces aidants ont réalisés des études
supérieures (pour 40%) et sont pour plus de la moitié à la
retraite (57%) et presque tous mariés (87%). A l'exception d'un aidant,
les sujets sont les personnes de confiance de leur proche. Le temps depuis
l'annonce est très hétérogène pour notre
population, mais nous pouvons mettre en évidence que pour 36,6% des
sujets, entre un an et demi et trois ans se sont écoulés depuis
l'annonce de la maladie.
Tableau 2 : Caractéristiques de
l'échantillon pour l'approche quantitative
CARACTERISTIQUES
|
POURCENTAGE
|
Enfants
|
53%
|
Sexe Féminin
|
67%
|
Entre 51 et 70 ans
|
57%
|
Retraité
|
57%
|
Marié
|
87%
|
Bac et études supérieures
|
40%
|
personne de confiance
|
90%
|
1,5 à 3 ans depuis l'annonce
|
37%
|
Ø Approche qualitative
Les sujets ayant participé aux entretiens individuels
sont, selon le tableau 3, des enfants (60%) ou des époux (se) (40%) de
personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer. La majorité des sujets
sont des femmes (70%) ayant entre 51 et 70 ans (50%) et dont le niveau
d'études atteint est le bac ou un niveau supérieur (60%).
L'ensemble des sujets est marié et à la retraite ou
employé. Pratiquement tous les sujets sont considérés
comme la personne de confiance de leur proche (90%).
Tableau 3 : Caractéristiques de
l'échantillon pour l'approche qualitative
CARACTERISTIQUES
|
POURCENTAGE
|
Enfants
|
60%
|
Sexe féminin
|
70%
|
51/70 ans
|
50%
|
Retraité
|
40%
|
Employé
|
40%
|
Marié
|
100%
|
Bac ou Bac +
|
60%
|
Personne de confiance
|
90%
|
2.2 Choix de l'échantillon
L'équipe du service de consultation mémoire de
l'hôpital Purpan-Casselardit à Toulouse a eu l'amabilité de
nous accepter pour réaliser la passation des questionnaires et des
entretiens. Nous avons donc pu rencontrer durant plusieurs mois des aidants de
personnes atteintes de la Maladie d'Alzheimer venus réaliser des examens
au sein du service.
Au début de l'étude, nous avions choisis de ne
rencontrer que des aidants à qui l'annonce avait été faite
il y a 6 mois, pour limiter les biais liés au temps. Cependant, la
durée depuis l'annonce est beaucoup plus hétérogène
que prévu, compte tenu du peu de sujets disponibles. Les deux
critères retenus étaient donc que la personne soit l'aidant et
que l'annonce lui ait été faite directement par un
médecin, gériatre ou autre.
Nous avons choisi de rencontrer une trentaine de sujets pour
la passation des questionnaires. Cette partie de l'étude correspond
à une approche quantitative, il est donc nécessaire d'obtenir le
nombre le plus important possible de sujets, même si cela est difficile
compte-tenu du contexte de passation. Cependant, l'approche qualitative a pour
but de compléter la partie chiffrée de la recherche. Nous avons
donc demandé à 10 personnes de bien vouloir participer aux
entretiens individuels.
2.2 Méthodes
choisies
Nous avons choisi de travailler suivant deux méthodes
pour réaliser cette recherche avec l'utilisation de deux outils
différents mais complémentaires :
2.2.1 Méthode quantitative
Cette approche a pour but d'objectiver le plus possible les
données obtenues par l'étude. Différents items seront donc
utilisés pour tenter de comprendre de manière le vécu des
aidants lors de l'annonce de la maladie d'Alzheimer de leur proche.
L'utilisation des statistiques est une technique privilégiée pour
la mise en évidence de faits sociaux ainsi que des facteurs les
déterminants. Dans le réel, le social est mélangé
à l'individuel, la méthode statistique permet de dissocier les
deux, d'isoler les éléments sociaux.
Nous parlons de méthode quantitative mais le nombre de
sujets est très faible (N=30) par rapport à la population totale
(au moins 850 000 aidants en France).
2.2.2 Méthode qualitative
Comme nous l'avons vu, la méthode quantitative permet
d'obtenir des données quantitatives relativement objectives mais elle
présente néanmoins des limites importantes (comme la
désirabilité sociale). Nous avons donc choisi pour
compléter notre étude semi-quantitative de réaliser une
approche qualitative par entretiens individuels. En effet, l'analyse du contenu
de ces derniers met en exergue des processus plus ou moins inconscients qui ne
peuvent être révélés par les questionnaires.
L'entretien semi-directif, que nous utiliserons, permet d'orienter le
sujet vers différents thèmes désirés par
l'interviewer et de rendre compte de la dynamique des processus psychiques.
L'entretien non-directif ne semble pas approprié dans le cadre de notre
étude car celle-ci a pour but de répondre à une
problématique précise et donc de recueillir certains
éléments.
2.3 Présentation des
outils
2.3.1 Le questionnaire
Le questionnaire est structuré en plusieurs parties
(numérotées ci-dessous) correspondantes aux variables
recherchées. Au sein de chaque partie divers items permettent de mesurer
la variable en question (exemplaire du questionnaire ANNEXE 2). Pour l'ensemble
du questionnaire, l'échelle de réponse proposée est en
cinq points, 1 correspondant à « pas du tout
d'accord » et 5 à « tout à fait
d'accord ».
Questions sur les déterminants sociaux :
Diverses questions sur l'aidant et de son parent permettent d'établir
les caractéristiques de la population étudiée.
Voici les différents items contenu dans la demande de
renseignements : l'âge et le sexe du sujet, son niveau
d'études, sa catégorie socioprofessionnelle, son statut marital,
le fait d'être ou non la personne de confiance, l'âge et le sexe du
parent, le niveau d'études et la profession du parent, le lieu
d'habitation du parent, le temps écoulé depuis le diagnostic, le
score au MMS (mesure de capacités cognitives), niveau GIR (niveau de
dépendance).
Ces déterminants ne rentrent pas directement en ligne
de compte dans notre étude mais ils permettront de contrôler
certaines variables.
Soutien social de l'aidant au moment de l'annonce :
Nous considérons qu'il y a eu soutien social lors de l'annonce si un
proche accompagnait l'aidant et/ou si un professionnel autre que le
médecin était présent.
Vécu de l'annonce par l'aidant : Nous avons
construit cette échelle à partir des éléments
théoriques présentés au sein de la revue de
littérature, pour mesurer la qualité perçue de l'annonce.
Les items correspondent aux différentes caractéristiques de
l'annonce évoquées au sein de la partie théorique
(exemple : « Lors de l'annonce de la maladie de votre parent, est-ce
que le médecin vous a laissé le temps de lui poser toutes les
questions ? »). La qualité de l'annonce est
appréciée par des éléments comme l'empathie du
médecin, la préparation à l'annonce
(« préliminaires »), les réponses aux
questions de l'aidant, les termes utilisés pour évoquer la
maladie d'Alzheimer et les explications fournies par le médecin, par
exemple sur les troubles du comportement, la prise en charge, les traitements,
l'évolution de la maladie...
Le score de cette variable va de 0 à 80. Plus le score
est élevée plus l'annonce est perçue comme de bonne
qualité par l'aidant.
Menace perçue de la maladie : Cette
échelle est issue de l'étude menée par Roberts et Connell
(2000) et est constituée d'items sur la peur de l'aidant d'être
atteint de la maladie d'Alzheimer (exemple : « Depuis l'annonce
de la maladie de mon proche, je pense beaucoup plus à la maladie
d'Alzheimer »). Le score varie de 0 à 30 : plus le score
est élevé, plus la menace perçue par l'aidant est
importante.
L'échelle d'anxiété : Cette
échelle a été créée à partir des
critères du DSM IV (Diagnostic and Statistical Manual - Revision
4).
Selon ce dernier, l'anxiété
généralisée se caractérise par des
préoccupations difficiles à contrôler et d'au moins
trois symptômes parmi l'agitation, la fatigabilité, un
trouble de la concentration, une irritabilité, une tension musculaire et
des troubles du sommeil. L'anxiété altère la vie sociale,
familiale et professionnelle de la personne, et ceci de manière
significative.
Nous avons demandé aux sujets de coter sur une
échelle de 1 à 5 allant de « pas du tout
d'accord » à « tout à fait
d'accord » les sensations associées : Inquiétudes
excessives ou exagérées, inquiétudes quotidiennes,
difficultés à contrôler ces inquiétudes,
altération de la vie sociale, professionnelle et/ou familiale,
agitation, fatigabilité, trouble de la concentration,
irritabilité, tension musculaire et troubles du sommeil.
Le score d'anxiété varie de 0 à 40. Plus
le score est élevé, plus l'anxiété ressentie par le
sujet est importante.
Connaissance sur la maladie d'Alzheimer.
Nous avons construit cette échelle à partir des
différents domaines de connaissances sur la maladie (domaine
médical, symptômes cognitifs, troubles du comportement...). Il
s'agit ici d'items pour lesquels le sujet doit coter de 1 à 5 selon son
accord avec l'affirmation énoncée. Les items 12, 13, 14 et 15
n'ont pas été pris en compte dans les calculs statistiques car
ils correspondent davantage à des croyances sur la maladie (par exemple
l'item « le fait d'être croyant augmente les risques
d'être atteints de la maladie d'Alzheimer ») ou à des
affirmations à l'étude (« l'aluminium augmente les
risques d'être atteints de la maladie d'Alzheimer »).
La variable connaissance est constituée de deux
scores :
- Le score de connaissances qui sera calculé à
partir des réponses des sujets et qui permet de savoir si l'aidant a de
bonnes connaissances ou non sur la maladie.
- Le score d'ignorance qui sera calculé à partir
des non réponses des sujets. Ce score est donné à titre
indicatif car notre étude n'en tiendra pas compte mais cela permettra
d'expliquer certaines données au sein du chapitre consacré
à l'analyse.
Le taux de connaissance varie de 0 à 90. Plus le score
est élevé, plus l'aidant est considéré comme
possédant de bonnes connaissances sur les caractéristiques de la
maladie d'Alzheimer. Cependant, un faible score peut témoigner de
connaissances erronées sur la maladie ou d'une ignorance.
2.3.2 L'entretien individuel
A travers les entretiens individuels, nous cherchons à
mettre en évidence divers éléments permettant à
mieux comprendre le vécu de l'annonce par l'aidant,
c'est-à-dire :
- Les types de réactions que l'aidant a
eu à l'annonce
- Les réajustements psychologiques des aidants
(mécanismes de défense et stratégies de coping).
L'entretien a également pour objectif de rechercher
différentes variables :
- Qualité de l'annonce réalisée par le
médecin.
- Circonstances selon lesquelles la personne est devenue
l'aidant principal du parent
- La perception de l'aidant par rapport à la
réaction de son parent au moment de l'annonce (si celui-ci était
présent) ou lorsque la famille le lui en a parlé.
La grille des entretiens est présentée en ANNEXE
3. Voici les thèmes évoqués lors des entretiens
individuels :
Thème 1 : histoire de la famille et de la
découverte de la maladie.
Le premier thème évoqué lors de
l'entretien permet d'introduire le sujet de l'annonce de la maladie d'Alzheimer
du parent sans affronter immédiatement le vécu de celle-ci.
L'aidant peut alors parler de ce qu'il souhaite au sujet des premiers signes de
la pathologie et de l'annonce.
Thème 2 : manière dont la personne est
devenue aidante.
Ce thème a pour objectif d'amener la personne à
expliquer les circonstances selon lesquelles elle est devenue aidante de son
parent (de manière naturelle selon la dynamique familiale, selon une
obligation plus ou moins explicite...).
Thème 3 : perception de la qualité de
l'annonce par le sujet
Nous cherchons à comprendre comment la personne a
perçu l'annonce proprement dite (préparation à l'annonce,
réponses aux questions par le médecin...).
Thème 4 : perception de l'aidant de la
réaction du parent lors de l'annonce du diagnostic.
La proposition de ce thème a pour but de mettre en
relief la manière dont l'aidant a perçu et vécu la
réaction de son proche lorsque la maladie d'Alzheimer lui a
été annoncée.
Thème 5 : vécu de l'aidant au moment de
l'annonce de la maladie d'Alzheimer de son proche.
Nous nous attachons à mettre en évidence le
vécu de l'aidant au moment de l'annonce, c'est-à-dire les
réactions à l'annonce, les mécanismes de défense et
les stratégies de coping mis en place. Ce thème constitue
l'élément essentiel de l'entretien car il s'agit de l'exploration
du vécu même du sujet face à l'annonce, ce qui n'est pas
évoqué au sein du questionnaire.
2.4 Contexte, passations et
consignes
2.4.1 Présentation de la recherche à
l'aidant
Nous allons à la rencontre de l'aidant dans la salle
d'attente de la consultation mémoire en nous présentant comme
étudiantes en psychologie, réalisant notre mémoire au sein
de ce service. Nous demandons à la personne si elle accepte de
répondre à des questions. Lorsque celle-ci accepte la
démarche, nous nous isolons dans un bureau de consultation
réservé à cet effet. Une fois installé au calme
dans le bureau, nous présentons de manière plus approfondie notre
étude. Nous expliquons donc à la personne que nous travaillons
plus particulièrement sur la maladie d'Alzheimer et que nous avons
choisi de nous intéresser à l'annonce du diagnostic faite
à la famille, aux aidants. Selon le contact établit avec la
personne et le temps dont nous disposons, nous proposons le questionnaire seul
ou associé à l'entretien en seconde partie.
2.4.2 Passation et consignes
Nous présentons le questionnaire au sujet en
précisant que celui-ci est totalement anonyme. Deux essais ont
été nécessaires avant de trouver l'attitude la plus
adéquate à la passation : tout d'abord nous restons en
présence de la personne lorsqu'elle remplit le questionnaire. Le
phénomène de désirabilité sociale est alors
fortement ressenti et le sujet cherche par le questionnaire à nous
expliquer à l'oral chaque réponse. Ensuite, nous laissons
entièrement seule la personne, mais celle-ci se sent vite
désemparée face à la tâche et a tendance à
répondre sans motivation.
L'attitude retenue est donc de présenter l'ensemble des
parties du questionnaire au sujet, de répondre à ses questions,
de rester avec lui pour les deux premières pages (renseignements sur la
personne et son parent) puis de lui indiquer que nous restons à
l'extérieur de la pièce pour le laisser répondre
tranquillement. Néanmoins, nous indiquons à la personne que nous
sommes disponibles pour toutes questions.
La consigne est de répondre aux questions et d'entourer
les échelles de 1 à 5, en précisant que la réponse
1 correspond à « pas du tout d'accord ou à
non » et que la réponse 5 correspond à « tout
à fait d'accord ou à oui ». Nous précisons au
sujet que lorsqu'il ne souhaite pas répondre ou qu'il ne connait pas la
réponse de ne rien inscrire.
2.5 Limites des outils
utilisés
Le questionnaire présente de nombreux biais dont
le principal représentant est la désirabilité sociale. En
effet, le sujet va avoir tendance à choisir la réponse attendue
par l'enquêteur et cherche d'ailleurs souvent son approbation lorsqu'il
complète le questionnaire. Ensuite, l'effet de lassitude est souvent
observé, c'est-à-dire le fait que le sujet manque de motivation
lors de la participation à l'étude ; il va donc
répondre plus ou moins au hasard aux questions posées.
L'entretien semi-directif, pour sa
part, présente des biais induits par l'interviewer car c'est lui qui
pose le cadre de l'entretien par ses questions. L'orientation des
réponses est parfois inévitable selon l'intonation de la voix, la
syntaxe des questions, les relances de l'interviewer.
3ème partie :
Résultats et analyse de la recherche quantitative
1. Résultats de
l'étude quantitative
A partir des données brutes issues de notre recherche,
nous avons réalisé différents tests statistiques à
l'aide du logiciel STATISTICA 8.0.
Les tests utilisés pour établir les
résultats sont les suivants :
- Test T : méthode d'analyse de variance.
Il correspond à un test statistique permettant de comparer les moyennes
de deux groupes afin d'inférer une relation entre X et Y. Ce test est
choisi lorsque notre variable dépendante (comme le score
d'anxiété) est une variable quantitative et que les groupes sont
considérés comme indépendants.
- Corrélations : Il s'agit d'étudier
l'intensité de la liaison qui peut exister entre deux variables. Une
mesure de cette corrélation est obtenue par le calcul du coefficient de
corrélation linéaire qui est compris entre -1 et 1.
- Régression multiple : La régression
permet d'étudier l'association entre deux variables quantitatives, en
étudiant les variations de l'une en fonction des valeurs de l'autre.
L'ensemble des résultats statistiques sont
présentés en ANNEXE 9.
1.1 Etude de la
fiabilité des variables utilisées dans le questionnaire
Le coefficient alpha de Cronbach (á) permet de
vérifier l'homogénéité (ou la cohérence
interne) d'un instrument d'évaluation. L'ensemble des items de
l'instrument devrait en effet contribuer à appréhender une
même entité ou dimension. L'indice donné par l'alpha de
Cronbach traduit un degré d'homogénéité d'autant
plus élevé que sa valeur est proche de 1. Cependant, dans la
pratique, on considère généralement que
l'homogénéité est satisfaisante lorsque la valeur du
coefficient est au moins égale à .80 (Wikipédia 2007).
D'après le calcul de la fiabilité des
résultats (tableau 4), nous pouvons dire que la moitié des
variables utilisées dans le questionnaire présente une
très bonne fiabilité. Il s'agit de l'échelle sur la
qualité de l'annonce et de l'échelle sur l'anxiété
de l'aidant. La première a en effet repris les éléments de
la littérature sur les processus d'annonce de maladies et plus
particulièrement de la maladie d'Alzheimer. Les items sont donc
corrélés entre eux (.36). La seconde variable présentant
une bonne fiabilité est l'échelle d'anxiété.
Celle-ci est également issue des items employés par le DSM IV
pour établir le diagnostic de troubles anxieux. [44]
L'échelle sur la menace perçue semble peu
fiable. La construction de cette échelle présente donc certaines
erreurs. Cependant, nous pouvons mettre en avant ici le phénomène
de désirabilité sociale : il n'est pas aisé pour les
sujets d'exprimer leur peur d'être atteint de cette maladie dont les
représentations sont souvent négatives. Enfin, l'échelle
de connaissance est la variable la moins fiable de toutes. Une hypothèse
qui peut expliquer cela est que la connaissance de la maladie d'Alzheimer est
exprimée selon trop de variables au sein du questionnaire (causes
externes, causes internes, symptômes cognitifs, symptômes
comportementaux...).
Tableau 4 : Présentation de la fiabilité
de chaque échelle du questionnaire
Fiabilité des échelles
|
|
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|
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|
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|
|
Alpha
|
Corrélations inter-items
|
|
|
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|
|
Echelle sur la qualité de l'annonce
|
.89
|
.36
|
|
|
|
|
|
|
Echelle d'anxiété
|
.85
|
.38
|
|
|
|
|
|
|
Echelle de menace perçue
|
.67
|
.25
|
|
|
|
|
|
|
Echelle de connaissance
|
.60
|
.08
|
|
|
|
|
|
|
1.2 Etude des
déterminants psychologiques de l'anxiété
Ø Lien entre les déterminants psychologiques et
l'anxiété de l'aidant à l'annonce.
La qualité de l'annonce et l'anxiété sont
corrélés négativement : plus la qualité de
l'annonce est mauvaise (c'est-à-dire qu'elle est mal perçue par
l'aidant), plus l'anxiété de l'aidant est
élevée.
La menace perçue et l'anxiété augmentent
proportionnellement dans notre étude, c'est-à-dire que plus
l'aidant se sent menacé par la maladie d'Alzheimer, plus son
anxiété à l'annonce sera importante.
Concernant le niveau de connaissance de l'aidant sur la
maladie d'Alzheimer et l'anxiété de ce dernier, la
corrélation est négative. En effet, moins la connaissance est
bonne (connaissances erronées), plus l'anxiété du sujet
à l'annonce sera importante.
Le soutien social et l'anxiété sont des
variables corrélés positivement d'après les
résultats statistiques : lorsque les sujets étaient
accompagnés à l'annonce (par une personne de son entourage), leur
anxiété est plus élevée que les sujets non
accompagnés. Ceci n'est cependant pas significatif car seulement deux
sujets sur les 30 interrogés ayant reçu un soutien social lors de
l'annonce, sont à la base de ce résultat.
Tableau 5 : Lien entre les déterminants et
l'anxiété
Corrélations entre les déterminants
psychologiques et l'anxiété
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Variables
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R
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Qualité de l'annonce
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-.25
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Menace perçue
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.31
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Connaissance
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-.41
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Connaissance perçue
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-.24
|
|
|
|
|
Soutien social
|
.24
|
P<.05
Ø Etude des variables prédictrices de
l'anxiété
La régression multiple est utilisée ici pour
savoir comment va se comporter l'anxiété en fonction des
différentes variables tout en prenant en compte la corrélation
entre les variables indépendantes elles-mêmes.
De manière générale, le modèle
retenu expliquerait 43% de la variance en considérant le R². Nous
pouvons donc supposer que d'autres variables non mises en évidence ici
seraient à considérer pour expliquer l'anxiété.
D'après la figure 2, obtenue à partir de la
régression multiple, parmi les 5 variables considérées
seulement 2 paraissent prédictrices de l'anxiété
(significatif à p<.01) : la menace perçue et la
connaissance. Le soutien social semble également être une variable
prédictrice, mais dans une proportion moindre par rapport aux deux
autres.
Figure 2 : Variables prédictrices de
l'anxiété
Qualité de l'annonce
Anxiété
.26
.47
.51
.09
Soutien
social
Menace
perçue
Connaissance
P < .01
Ø Etude des relations entre les déterminants
psychologiques
Les résultats du tableau 7montrent un lien significatif
(p<.10) entre la connaissance perçue et les connaissances du sujet su
la maladie d'Alzheimer. La relation entre ces deux déterminants est
positives, plus la connaissance perçue est importante et plus la
connaissance élevée.
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Connaissance
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Connaissance perçue
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.22
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P<.10
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Tableau 7 : Relation entre la connaissance et la
connaissance perçue sur la maladie d'Alzheimer
D'après le tableau 8, les résultats montrent
qu'il existe un lien significatif (p<.10) entre les connaissances
sur la maladie d'Alzheimer et la menace perçue de l'aidant. Cette
relation est positive, plus la connaissance est importante et plus la menace
perçue est élevée.
Tableau 8 : Relation entre la connaissance sur la
maladie d'Alzheimer et la menace perçue
|
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Connaissance
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|
Menace perçue
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.22
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|
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|
|
|
|
|
|
|
P<.10
|
|
|
|
|
|
1.3 Effet du statut du
médecin sur l'anxiété et sur la qualité de
l'annonce
Deux groupes sont considérés dans notre
étude :
- les médecins généralistes
- les neurologues et gériatre
Ø Effet du statut du médecin sur
l'anxiété de l'aidant
A partir des résultats observés, nous n'obtenons
aucune différence significative (t= -.07 ; p=.94) entre les scores
d'anxiété des généralistes (x=26,83) et des
neurologues et gériatres (x=27,13).
Il n'y a ainsi pas de différence significative entre
l'anxiété des aidants lorsque l'annonce a été
réalisée par des médecins généralistes et
lorsque ce sont des neurologues ou des gériatres qui l'ont
réalisé.
Ø Effet du statut du médecin sur la
qualité de l'annonce
A partir des résultats observés, nous n'obtenons
pas de lien significatif (F(2,27)=1,39 ; p=.26) entre le statut du
médecin et la qualité de l'annonce.
1.4 Etude des variables
sociodémographiques sur l'anxiété
Ø Effet
du lien de parenté sur l'anxiété de l'aidant
Deux groupes sont considérés :
- Enfants des patients atteints de la maladie d'Alzheimer
- Epoux des patients atteints de la maladie d'Alzheimer
Nous cherchons à comparer le score
d'anxiété de ces deux groupes.
A partir des résultats observés, nous obtenons
une différence significative (t(1,26)=1.95 ; p=.06) entre les
scores d'anxiété des enfants (x=31,33) et des époux
(x=25,31). Ces résultats mettent donc en évidence que les enfants
des patients atteints de la maladie d'Alzheimer ressentent d'avantage
d'anxiété à l'annonce de la pathologie par rapport aux
époux.
Ø Effet
de l'interaction entre le sexe et le lien de parenté de l'aidant sur son
anxiété
Les résultats obtenus ne sont pas significatifs
(p=.22). D'après le tableau 3, le sexe des aidants n'a pas d'influence
sur l'anxiété à l'annonce pour notre population.
Cependant, les résultats mettent en avant qu'au sein du groupe des
époux, les hommes éprouvent beaucoup plus d'anxiété
que les femmes.
Figure 3 : Graphique présentant le score
d'anxiété selon l'interaction entre le sexe et le lien de
parenté
Ø Effet du lien de parenté sur la menace
perçue de l'aidant
D'après les résultats observés, nous
n'obtenons aucune différence significative (t=-1,35; p=.19) entre le
score de menace perçue des époux (x=18,42) et celui des enfants
(21,11).
Néanmoins on observe une moyenne
légèrement plus élevée pour le groupe des enfants.
Ils ressentent donc de manière un peu plus forte un sentiment de menace
perçue par rapport au groupe des époux.
1.5 Effet du temps
écoulé depuis l'annonce du diagnostic sur l'anxiété
de l'aidant
Nous cherchons à mettre en évidence la
corrélation entre la variable contrôlée « temps
écoulé depuis l'annonce » et la variable
dépendante « anxiété ».
D'après les résultats obtenus,
présentés dans le tableau 6, nous n'observons pas de lien
significatif entre le temps écoulé et l'annonce.
Tableau 6 : Relation entre le temps
écoulé depuis l'annonce et l'anxiété de
l'aidant
|
|
Anxiété
|
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|
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|
Temps écoulé
|
.16
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|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
p>.10
|
|
|
|
|
|
1.6 Etude du taux d'ignorance
au sein de la variable connaissance
Nous avons remarqué que les sujets n'ont pas su
répondre à toutes les questions. Le taux d'ignorance de notre
population concernant la variable connaissance est de 35%. Le graphique 4
montre que le taux d'ignorance dépend des questions posées au
sujet. Tout d'abord, les questions 12 (lien entre le niveau d'étude et
la maladie d'Alzheimer), 13 (lien entre l'exercice physique et la maladie), 14
(lien entre l'exposition à l'aluminium et la maladie) et 15 (lien entre
la religion et la maladie) ne présentent aucun score car nous ne les
avons pas pris en compte dans notre étude (représentations et
croyances).
Les questions pour lesquelles le taux d'ignorance est le plus
élevé sont les questions N° 2 (désordres biochimiques
de la pathologie), 3 (rôle de l'acétylcholine), 16 (l'impact
d'une infection virale sur le développement de la maladie) et 17 (risque
génétique). Ces questions portent donc sur les aspects
médicaux de la maladie d'Alzheimer.
Les questions pour lesquelles le taux d'ignorance est le plus
bas sont les questions N° 1 (la maladie d'Alzheimer comme étant une
dégénérescence cérébrale), 4 (les troubles
de la mémoire sont les premiers symptômes de la maladie) et 10
(non reconnaissance des proches de la part du patient). Ces deux
dernières questions portent donc sur les caractéristiques de la
maladie d'Alzheimer, et plus particulièrement sur les troubles du
comportement.
Figure 4 : Graphique présentant le taux
d'ignorance selon chacune des questions de l'étude
2. Interprétations des
résultats de la recherche quantitative
Nous allons interpréter les résultats de
l'étude quantitative réalisée au moyen de questionnaires.
Cette partie nous amènera à comprendre si nos résultats
vont dans le sens ou non de nos hypothèses opérationnelles.
Tout d'abord, nous allons évoquer les impacts des
variables indépendantes sur la variable dépendante,
c'est-à-dire l'anxiété. Ensuite, nous verrons les liens
existants ou non entre les variables indépendantes elles-mêmes
ainsi qu'une étude sur des variables annexes présentes au sein du
questionnaire.
1.1 Analyse des
déterminants psychologiques sur l'anxiété de l'aidant
à l'annonce
Les déterminants de notre recherche sont la
connaissance, la menace perçue, le soutien social à l'annonce, le
statut du médecin et la qualité de l'annonce perçue par
l'aidant. Nous allons analyser les résultats en fonction de nos
hypothèses de départ :
§ Notre première hypothèse est que
l'anxiété éprouvée par l'aidant est plus importante
lorsque l'aidant perçoit l'annonce comme étant de mauvaise
qualité. Les résultats montrent qu'effectivement, plus
l'annonce est considérée comme de mauvaise qualité par le
sujet, plus son anxiété au moment de l'annonce, et par la suite,
sera élevée. Les questions de cette partie ont été
rédigées à partir des critères
énoncés par les auteurs sur ce thème (cf. partie
« ancrage théorique ») mais c'est la perception de
l'aidant sur la qualité de l'annonce que nous avons cherché
à comprendre. Un bémol peut cependant être apporté
ici : la régression multiple nous montre que la variable
« qualité de l'annonce » n'est que très peu
prédictrice de l'anxiété chez l'aidant : même
si la mauvaise qualité a un impact sur l'anxiété du sujet,
d'autres variables expliquent davantage l'anxiété des aidants.
§ Ensuite, nous avons émis l'hypothèse
selon laquelle la menace perçue a une influence sur
l'anxiété, dans le sens où plus l'aidant se sent
menacé par la maladie d'Alzheimer, plus son anxiété est
élevée à l'annonce de la maladie de son parent. Les
résultats de notre recherche vont dans le sens de cette
hypothèse : le score d'anxiété de l'aidant est plus
important lorsque son sentiment de menace est fort.
La régression multiple montre que la variable
« menace perçue » est fortement prédictrice
de l'anxiété comparé aux autres variables de notre
modèle. Cela suggère que pour notre étude, le sentiment de
menace perçue des aidants a un impact important sur leur
anxiété.
Nous pouvons ici réaliser un lien avec la
représentation héréditaire que certains sujets ont de la
maladie d'Alzheimer. Lorsque la démence de type Alzheimer est
annoncée à l'aidant, celui-ci se retrouve confronté non
seulement à la perte de l'identité antérieure de son
proche mais aussi par identification au risque qu'il encourt d'être
atteint de la même pathologie. L'anxiété serait alors due
à l'ensemble des difficultés liées au proche mais aussi
à ce que la maladie renvoie pour soi même et dans le futur, plus
ou moins proche selon l'âge du sujet. Cette réaction est
décrite par Pouillon (2003) comme une angoisse narcissique,
c'est-à-dire que l'aidant éprouve la crainte que la pathologie
soit héréditaire et laisse émerger son angoisse. [35].
Le troisième résultat concerne l'impact du
niveau de connaissance de la maladie d'Alzheimer sur
l'anxiété de l'aidant. Il montre que moins le niveau est bon
plus l'anxiété du sujet sera importante. Cela va dans le sens de
notre hypothèse opérationnelle : l'aidant ressent davantage
d'anxiété face à la maladie de son proche lorsqu'il a peu
d'informations. Pédinielli (1996, 1999), montre qu'il existe un
décalage entre les théories « profanes » et
les conceptions « savantes, biomédicales » au sein
de la population. Selon ce chercheur, les connaissances et l'expérience
subjective du sujet vont intervenir non seulement sur la compréhension
du diagnostic mais aussi sur l'acceptation de celui-ci. Attribuer une cause
scientifique, savoir quel est le fonctionnement de la maladie d'Alzheimer
permet aux aidants d'identifier, de s'approprier les troubles de la pathologie
de leur parent, et par suite d'apprivoiser une réalité souvent
effrayante. Les aidants possédant de bonnes connaissances sur la maladie
d'Alzheimer peuvent par conséquent ne pas être submergés
par l'anxiété à l'annonce. [31]
La régression multiple révèle que cette
variable est la plus prédictrice de l'anxiété parmi les 5
variables de notre études.
Cependant, il paraît important de souligner que la
variable « connaissance » ne se traduit pas uniquement par
le questionnaire en terme de « bonnes » ou de
« mauvaises » connaissances sur la maladie
d'Alzheimer : avoir un savoir erroné sur les
caractéristiques de la maladie est différent que de ne pas savoir
du tout. Nous avons ainsi cherché à savoir quelle part
l'ignorance représente au sein du questionnaire pour la variable
« connaissances ». Les résultats montrent que le
taux d'ignorance représente un tiers des réponses des sujets.
L'anxiété pourrait être expliquée pour notre
population par des connaissances erronées sur la maladie mais aussi par
une ignorance des symptômes et du fonctionnement de la pathologie.
Ce taux d'ignorance varie selon les questions. Nous avons pu
montrer par le graphique au sein de la partie résultats que pour
certaines questions le taux d'ignorance était particulièrement
élevé et qu'à l'inverse il était très faible
pour d'autres questions. D'après ces résultats, les sujets
ignorent majoritairement les aspects médicaux de la maladie
d'Alzheimer. Les théories scientifiques sous-jacentes à ces
affirmations ne paraissent pas connues par ces aidants. Un autre des taux
d'ignorance élevé porte sur le risque génétique au
sein de la maladie d'Alzheimer. Nous pouvions supposer que les aidants avaient
des connaissances sur le risque génétique de la maladie, surtout
les enfants des patients. Cela est contradictoire avec les taux de menace
perçue : les aidants n'ont pas d'informations sur le risque
génétique de la maladie mais ils ressentent souvent une menace
importante de la développer.
D'autres éléments sur la maladie d'Alzheimer
présentent au contraire un score d'ignorance très bas. Les
affirmations sur les symptômes de la maladie d'Alzheimer ont un taux
d'ignorance très bas. Les sujets possèdent de ce fait des
connaissances (erronées ou non) sur les premiers symptômes
apparaissant dans cette maladie. En analysant ces réponses, nous pouvons
nous apercevoir que les aidants ont d'ailleurs souvent de bonnes connaissances
sur ces éléments.
§ Une autre des variables présente au sein de
notre étude est le soutien social de l'aidant au moment de
l'annonce. Notre hypothèse est que l'anxiété du sujet
à l'annonce est moins importante lorsque celui-ci a
bénéficié d'un soutien social, c'est-à-dire qu'un
proche ou un autre professionnel était présent lors de la
consultation. Les résultats de notre étude ne vont pas dans ce
sens car ils montrent que le soutien social augmente l'anxiété de
l'aidant à l'annonce. Cette infirmation peut être expliquée
par le manque de sujets dans notre recherche ayant reçu un soutien
social : lorsque nous analysons de plus près les données des
questionnaires, nous pouvons mettre en évidence que la population ayant
reçue un soutien social ne comporte que 6 personnes sur les 30
interrogées, c'est-à-dire 20%. Cela implique que
l'anxiété pourrait être expliquée par d'autres
variables.
§ Enfin, notre dernière hypothèse porte sur
le statut du médecin à l'annonce. Nous supposons que
l'anxiété éprouvée par l'aidant à l'annonce
est plus importante lorsqu'elle est réalisée par un
gériatre ou un neurologue que par le médecin
généraliste. La comparaison de moyenne utilisée pour
établir les résultats de notre recherche montre que le statut du
médecin n'a pas d'effet sur l'anxiété de l'aidant à
l'annonce de la maladie d'Alzheimer de son proche car le test n'est pas
significatif. Par conséquence, ce résultat ne va pas dans le sens
de notre hypothèse et l'infirme. De même, la régression
multiple montre que la variable « statut du
médecin » n'est pas prédictrice de
l'anxiété de l'aidant. Cependant, seul 20% des sujets ont
été informés de la maladie de leur proche par le
médecin généraliste, ce qui explique peut-être que
le résultat ne soit pas significatif.
1.2 Etude des liens entre les
déterminants psychologiques
D'après les résultats quantitatifs de notre
étude, il existe un lien entre différentes variables
indépendantes de la recherche.
Nous avons montré que la connaissance de la maladie et
la connaissance perçue sont deux variables corrélées
positivement. Cela traduit que les sujets savent reconnaître leur niveau
de connaissances sur la maladie d'Alzheimer.
Ensuite, les résultats mettent en évidence que
plus la connaissance est élevée plus la menace perçue est
importante. Cela peut paraitre contradictoire par rapport à notre
analyse puisque nous avons vu que c'est la connaissance de la maladie qui
permet de diminuer l'anxiété de l'aidant. Nous pouvons cependant
donner une explication à ce résultat : la menace
perçue et l'anxiété sont deux variables
différentes. Il s'avère cohérent, selon les recherches
établi auparavant, qu'un manque de connaissance produise de
l'anxiété chez une personne, puisqu'elle se retrouve
confrontée à une maladie chez l'autre qu'elle ne peut pas
expliquer, qu'elle ne peut pas s'approprier. Lorsque le sujet réalise
des recherches et s'informe sur la maladie, l'anxiété de
l'inconnu va alors laisser place à d'autres sentiments : le sujet
entend parler d'hérédité dans la maladie d'Alzheimer, de
perte d'identité, de transmission...le sentiment de menace perçue
augmente au fur et à mesure des connaissances sur la maladie, notamment
sur ses causes et ses caractéristiques.
Parmi les différentes variables contenus dans le
questionnaire, nous nous sommes demandé si le statut du médecin
n'avait pas un impact sur la qualité de l'annonce. Les résultats
ne montrent cependant aucun lien significatif entre ces deux variables :
le statut du médecin n'influence pas la qualité de l'annonce au
sein de notre population. Cependant, comme nous l'avons lors de l'analyse de
cette variable indépendante sur l'anxiété, le pourcentage
d'annonce par le médecin généraliste est très
faible dans notre population.
1.3 Etude de l'effet des
variables sociodémographiques et du temps écoulé depuis
l'annonce sur l'anxiété et sur le sentiment de menace
perçue
Nous avons demandé aux sujets de spécifier le
lien de parenté existant entre eux et leur proche. Nous avons choisi de
nous intéresser en ce qui concerne les variables annexes à deux
groupes : les époux et les enfants car ils représentent
93,3% de notre population.
Nous avons voulons voir si le lien de parenté avait
une influence sur l'anxiété des aidants et sur leur sentiment de
menace perçue. Les résultats mettent en évidence que
le score d'anxiété est plus élevé pour les
époux des patients que pour les enfants. Cela peut être
expliqué tout d'abord par la proximité géographique entre
l'aidant et son conjoint, puisqu'ils vivent ensemble, alors que les enfants ont
le plus souvent leur propre domicile. Ensuite, nous pouvons supposer que les
enfants des patients ont fondé une famille, ils peuvent y trouver un
certain soutien lors de l'annonce de la maladie de leur parent, et leur
quotidien, même s'il change, peut conserver certaines habitudes. Les
époux, eux, sont souvent seuls avec le patient, les enfants ont
quitté le domicile, ils ont construit leur vie de famille et ils
doivent faire face à la perte de l'être aimé comme il
était auparavant. Cela peut expliquer que l'anxiété soit
plus importante pour les époux que pour les enfants des personnes
atteintes de la maladie d'Alzheimer. Le lien de parenté ne parait pas
avoir d'effet sur le sentiment de menace perçu car les résultats
ne sont pas significatifs. Nous observons tout de même un score
légèrement plus élevé concernant la menace
perçue pour les enfants que pour les époux. Cela parait logique
puisque la menace perçue est très souvent liée à la
notion d'hérédité dans la maladie d'Alzheimer et ce sont
les enfants qui sont directement concernés par cette peur. Les
époux peuvent également ressentir un sentiment de menace mais
lié à l'âge, souvent proche de celui de la personne
atteinte par la maladie.
Ensuite, nous avons cherché à savoir s'il
existait un lien entre le sexe de l'aidant et son
anxiété à l'annonce de la maladie d'Alzheimer du
proche. Les résultats pour ces variables ne sont pas significatifs, il
n'y aurait par conséquent pas d'influence du sexe du sujet sur son score
d'anxiété. Cependant, un élément paraît
important à souligner : lorsque nous croisons les variables
« lien de parenté » et « sexe »,
nous pouvons nous apercevoir qu'au sein du groupe des époux, le score
d'anxiété est beaucoup plus élevé pour les hommes
que pour les femmes. On en déduit que les époux ressentent de
fortes inquiétudes face à la pathologie de leur femme. Nous
pouvons émettre plusieurs hypothèses ici : l'épouse
serait peut-être plus à- même de développer des
stratégies de coping de type soutien, en recherchant des informations et
la présence de ses proches (enfants, amis, activités...), alors
que le mari se renfermerait davantage sur ses propres émotions, sans
arriver à les partager et essaierait de maîtriser le
côté pratique, matériel, lié à la maladie.
Les sujets de notre étude ont été
interrogés à des temps très
hétérogènes depuis l'annonce de la maladie d'Alzheimer de
leur proche. Ce temps varie de 6 mois à parfois plus de 10 ans. Nous
nous sommes demandé si ce temps écoulé depuis
l'annonce a un impact sur l'anxiété du sujet au
moment où il remplit le questionnaire. Les résultats ne sont pas
significatifs concernant ces données, ce qui montre qu'il n'existe pas
de lien, dans notre étude, entre le temps écoulé et
l'anxiété. Cependant, nous pouvons expliquer cette non
significativité par différents éléments : les
sujets à qui l'annonce a été faite il n'y a pas
très longtemps ressentent une anxiété liée à
l'affrontement de ce qui a été dit. Nous verrons plus tard que
cela se traduit par exemple par un effondrement émotionnel. Ensuite,
avec le temps, nous pouvons supposer que l'anxiété toujours
présente se déplace sur l'évolution de la maladie,
c'est-à-dire les troubles du comportement certainement de plus en plus
importants chez le proche. Notre hypothèse sur le temps
écoulé est qu'il n'influence pas le score d'anxiété
de façon quantitative mais qu'il a peut être un impact sur le
déplacement de l'anxiété sur d'autre domaines par rapport
au moment de la découverte de la maladie. Nous nous étions
posé cette question puisque selon Selmés et Derouesné
(2007), le temps joue un rôle essentiel en ce qui concerne les
réactions des aidants à l'annonce. Les premières
réactions sont dîtes « émotionnelles »
et sont dues au choc d'apprendre qu'il s'agit d'une maladie d'Alzheimer. Ces
réactions sont à différencier avec celles qui traduisent
la prise de conscience et l'assimilation de ce que va représenter la
maladie dans la vie de l'aidant et de celle du malade. Dans le cadre de notre
étude, le temps n'a pas d'effet sur l'anxiété des aidants
mais cela n'exclut pas que le temps puisse avoir un impact sur le type de
réaction des sujets.
En conclusion sur l'analyse des résultats de
l'étude quantitative, nous pouvons dire qu'au sein de la population
étudiée, le niveau de connaissance et le sentiment de menace
perçue ont un impact sur l'anxiété de l'aidant à
l'annonce du diagnostic de la maladie d'Alzheimer de son parent. Effectivement,
plus le niveau de connaissance est faible, plus l'anxiété du
sujet est importante et plus la menace perçue est importante plus
l'anxiété du sujet est élevée. Concernant les
autres variables indépendantes, le statut du médecin n'aurait
aucun impact sur l'anxiété de l'aidant, mais la mauvaise
qualité de l'annonce jouerait un rôle pour expliquer
l'anxiété, même si celui-ci est minime comparé aux
autres variables de l'étude. Les variables étudiées sont
prédictrices de l'anxiété en expliquant 43% de la
variance, ce qui signifie que d'autres variables ont un impact sur
l'anxiété de l'aidant à l'annonce. Nous avons mis en
évidence par notre étude que le lien de parenté pouvait
jouer un rôle par exemple, en montrant que les époux sont plus
anxieux que les enfants. Par contre, le sexe de l'aidant ne parait pas avoir
d'influence sur l'anxiété de celui-ci. Il serait alors
intéressant de chercher quelles autres variables pourraient avoir un
effet sur l'anxiété de l'aidant à l'annonce du diagnostic
de la maladie d'Alzheimer du proche. Pour tenter de répondre à
cette question, nous allons analyser les résultats de l'étude
qualitative. Cependant, de futures recherches quantitatives pourraient avoir
comme objectif de mettre en évidence de nouvelles variables.
4ème partie :
Résultats et analyse de la recherche qualitative
1. Résultats de l'étude
qualitative
Les dix entretiens ont été retranscrits et
figurent en ANNEXE 4. Nous avons mis en évidence par le
tableau 7 les thèmes évoqués par les sujets au sein des
entretiens individuels. Ces thèmes ont été
révélés par des indicateurs (extraits du texte des
entretiens) qui constituent la seconde colonne de la présentation des
résultats qualitatifs (Cf. ANNEXE 5). Nous avons également choisi
d'indiquer les éléments d'énonciation, c'est-à-dire
les aspects non verbaux des entretiens, associés aux thèmes. Les
thèmes des entretiens sont présentés ici dans le tableau 7
et sont plus détaillés en ANNEXES 6 et 7.
Tableau 7 : Présentation des thèmes
évoqués au sein des entretiens
N°
|
Thèmes
|
1
|
Découverte de la maladie d'Alzheimer
|
|
- troubles psycho-comportementaux
|
|
- troubles cognitifs
|
2
|
Organisation matérielle de l'aide
|
3
|
Perception de la qualité de l'annonce
|
4
|
Réactions de l'aidant à l'annonce
|
5
|
Réactions du patient à l'annonce
|
6
|
Devenir aidant
|
Autres thèmes
|
critiques du système médical, troubles actuels du
proche, hérédité dans la maladie d'Alzheimer, perception
dégradante de la maladie, situation familiale difficile
|
2. Interprétations
de la recherche qualitative
2.1 Analyse de l'apparition des
thèmes au sein des entretiens
Nous avons mis en évidence les thèmes
présents au sein de chaque entretien dans la partie
« résultats ». Les questions posées ou les
thèmes proposés aux aidants ont bien entendu influencés
les sujets évoqués, mais notre but est de chercher les
thèmes communs des aidants.
Le tableau 7 présentant les thèmes des
entretiens montre que 6 thèmes sont principalement évoqués
par les aidants : la découverte de la maladie (avec les troubles
observés chez le parent), l'organisation matérielle de l'aide, la
perception de la qualité de l'annonce, la réaction du sujet et
celle du parent à l'annonce de la maladie et enfin les circonstances
selon lesquelles le sujet est devenu aidant.
Tour d'abord, nous pouvons noter que 5 thèmes
évoqués par les sujets sont les thèmes proposés par
l'interviewer. Le sixième thème correspond à
« l'organisation matérielle de l'aide », mis
en évidence dans la moitié des entretiens. Nous n'avons pas
posé de questions sur ce sujet à l'aidant mais plusieurs y font
tout de même référence. Cela suggère que le
côté pratique et matérielle au sein de l'aide a une
importance pour les sujets. L'expression d'inquiétudes ou de
thèmes relatifs à des dimensions concrètes de la
réalité peuvent permettre, selon Talpin (1999), de contenir
certaines angoisses en leur donnant un espace psychique et une
représentation. Citer les réponses opératoires en
réponse à la maladie ainsi que les actions mises en place ont
pour but d'éviter d'affronter la maladie d'un point de vue
émotionnel. [39]
Enfin d'autres thèmes sont apparus, et même s'ils
ne sont présents que dans un entretien ou deux, il s'avère
important de les noter : les critiques concernant le système
médical, l'hérédité dans la maladie d'Alzheimer, la
perception dégradante de la maladie ou l'évocation de situation
familiale difficile (antérieure à l'annonce ou liée aux
relations mère/fille).
2.2 Analyse thématique
par entretiens
Nous avons mis en évidence au sein de la partie
concernant les résultats de la recherche les thèmes
évoqués par les sujets lors des entretiens. Ici, à l'aide
de l'analyse de contenu, nous allons réaliser une analyse de ces
thèmes, en fonction des variables recherchées dans notre
étude et en nous appuyant sur les éléments
théoriques présentés dans la première partie de
notre étude. Nous avons choisi d'étudier chaque entretien de
manière indépendante (Cf. ANNEXE 8), puis de synthétiser
ces analyses.
2.3 Synthèse de
l'analyse qualitative
Il est important de souligner que les entretiens
révèlent un vécu singulier pour chaque aidant au moment de
l'annonce. Chaque sujet réagit selon son passé, le lien
établit avec le parent atteint de la maladie, le soutien qu'il a pu
obtenir auprès de son entourage...Néanmoins, certaines
réactions sont communes aux aidants lors de l'annonce de la maladie
d'Alzheimer de leur proche. Par conséquent, nous allons essayer de
mettre en évidence les facteurs à l'issus de ces réactions
pour les aidants de notre population.
Nous avons pu synthétiser les perceptions des aidants
concernant la réaction de leur parent à l'annonce de la maladie.
Sur les 10 sujets, 4 ont été très confus par rapport
à cette réaction, sans pouvoir la spécifier ou en
exprimant des propos très contradictoires. Il apparait que ces sujets
ont utilisé des stratégies de coping essentiellement
centrées sur le problème lors de l'annonce, en intellectualisant
par exemple ou en se centrant sur l'organisation matérielle de l'aide.
Un seul aidant ayant été confus concernant la réaction de
son parent a acquiescé passivement lors de l'annonce, mais cela peut
être expliqué par le sexe masculin de l'aidant, qui a
intériorisé sa réaction.
Quatre des autres aidants ont perçu un refus plus ou
moins actif de la maladie par leur parent. Ce type de réaction s'est
manifesté de deux manières différentes selon les
patients : un refus actif centré sur le maintien des
activités et la volonté de guérir, ou le déni,
c'est-à-dire que la personne ne reconnaît pas ses symptômes
et sa maladie. Les réactions des aidants sont diverses : coping
vigilant ou centré sur le problème, sentiment de soulagement,
effondrement émotionnel.
Concernant les deux derniers aidants, l'un n'a pas
perçu de réaction particulière de la part de son parent
à l'annonce de la maladie et l'autre n'a pas mis au courant son proche
de sa maladie. Les réactions des deux aidants sont semblables à
l'annonce, se traduisant par un effondrement émotionnel.
Hormis un sujet, chacun est devenu aidant par assignation
naturelle. Aucun choix n'a pu être effectué directement par la
personne, mais un rapprochement géographique, une proximité
affective ou la présence unique de cette personne, expliquent la
manière dont elle est devenue aidant principal. Un seul sujet est devenu
aidant par obligation, ayant été délaissé par le
reste de la famille pour s'occuper de sa mère.
La plupart des sujets ayant participé à notre
étude qualitative paraissent avoir refusé la maladie de leur
proche avant l'annonce. Effectivement, le déni est une réaction
commune aux aidants qui justifient les différents troubles (cognitifs ou
comportementaux) par le vieillissement de la personne ou par un manque de
vigilance à cet égard. La plupart des aidants, avec le recul, se
rendent compte des éléments qu'ils ont occultés avant
l'annonce et que certains signes auraient pu les avertir du lien avec la
maladie d'Alzheimer. Il apparait qu'à l'annonce, c'est l'effondrement du
déni qui constitue la difficulté du vécu. Les sujets se
sont construit leurs propres explications sur les troubles de leurs parents et
ils ont repoussé le plus possible le moment de l'annonce. Lorsque
quelqu'un d'autorité les informe de la pathologie de leur proche, leurs
explications s'écroulent, ils se retrouvent alors face à la
réalité, indéniable et douloureuse. De plus, des signes de
culpabilité de ne pas « avoir vu avant » se greffent
à cela.
Le déni ne constitue pas pour nos sujets une
réaction à l'annonce mais est présent avant celle-ci.
C'est l'effondrement du déni qui va engendrer les difficultés
d'acceptation du diagnostic. Nous avons effectivement vu que pour les sujets
préparés à l'annonce, c'est-à-dire qui se doutaient
de la concordance entre les troubles et la maladie d'Alzheimer, l'acceptation
de la nouvelle, même si elle est difficile, est moins vécue sur un
mode catastrophique.
Les deux principales réactions des aidants ayant
participé à l'étude sont l'effondrement
émotionnel à l'annonce et l'utilisation d'une
stratégie de coping centré sur le problème.
L'annonce peut être vécue sur le mode d'une
catastrophe, d'un effondrement. Pouillon (2003) montre que les sujets
pleurent souvent, ce que nous retrouvons au cours des entretiens : les
sujets se mettent à pleurer lorsqu'ils évoquent le sujet
difficile de l'annonce de la maladie d'Alzheimer de leur proche. Nous pouvons
analyser cette réaction d'effondrement par deux
éléments : pour les enfants, il peut s'agir du sentiment de
perte d'identité personnelle et sociale du parent comme il était
avant, de l'effondrement de la dynamique familiale à travers la maladie.
Nous avons remarqué que le sentiment de menace de la maladie (lié
à la notion d'hérédité) était
également présent chez ces sujets, même si cela est
exprimé rarement. Pour les conjoints, nous pouvons supposer que le
vieillissement de l'autre sert de modèle à la
représentation de son propre vieillissement : l'aidant
éprouve la perte de l'être aimé, ce qui traduit la
« dimension narcissique du deuil de l'autre passé »
(Pouillon, 2003), mais aussi affronter la peur d'être soi même
atteint de la maladie. [35]
Outre cette réaction d'effondrement, les sujets
évoquent des inquiétudes proches des dimensions concrètes
de la réalité. Comme l'analyse thématique le montre, le
thème « organisation matérielle de l'aide »
est souvent exprimé par les aidants lors des entretiens. Cela traduit
l'utilisation de stratégie de coping centré sur le
problème à l'annonce de la maladie. Soit après avoir
ressenti un sentiment de catastrophe soit pour éviter celui-ci, les
aidants se rattachent à des éléments concrets pour
contenir leur angoisse en leur donnant un espace psychique et une
représentation. Les réponses opératoires et les actions
réalisées permettent de s'approprier la maladie de l'autre et en
quelque sorte d'avoir l'impression de la maîtriser. Le coping
centré sur le problème mis en place par les aidants de notre
étude correspond par conséquent à la recherche de
solution immédiate, la recherche d'informations dans le but de
comprendre et de se rassurer, l'élaboration de plans d'action (recherche
d'institution, sécurisation du domicile, organisation de l'aide au
quotidien...). Le but de cette étude qualitative était de mettre
en évidence les réactions et les réajustements
psychologiques des aidants lors de l'annonce de la maladie d'Alzheimer de leur
proche ainsi que les facteurs communs à ce vécu. L'axe principal
de recherche était de montrer l'impact de la perception de la
réaction du parent et de la manière dont le sujet est devenu
aidant principal sur les réactions à l'annonce.
Notre recherche qualitative a pour but d'étudier les
différentes circonstances selon lesquelles les sujets sont devenus
aidants ainsi que l'impact de celles-ci sur le vécu de la personne
à l'annonce. Nous avons vu que 90% des sujets ayant participé
à notre étude sont devenus l'aidant principal de leur parent de
manière naturelle, selon une explication familiale (enfant unique,
conjoint) ou une proximité géographique. Par conséquent,
cette variable ne possédant pas différentes modalités,
nous ne pouvons mettre en évidence son impact sur le vécu des
sujets.
La perception de la réaction du parent à
l'annonce ne parait pas avoir un impact direct sur les réactions du
sujet à l'annonce. Cependant, nous pouvons noter que les sujets sont
souvent confus lorsqu'ils expliquent leur perception de la réaction de
leur parent à l'annonce. Cela traduit des difficultés de
communication autour de ce thème au sein des familles de nos sujets.
Nous avons remarqué que parmi nos sujets ayant été
très confus dans la perception de cette réaction, plusieurs ont
utilisé une stratégie de coping centré sur le
problème. Cela implique que les aidants ayant du mal à
évoquer la réaction de leur parent à l'annonce de la
maladie se réfugient dans la gestion matérielle de l'aide, dans
le concret, pour échapper aux angoisses liées à la maladie
elle-même.
5ème partie :
Discussion et conclusion
Notre étude, menée suivant deux approches,
quantitative et qualitative, a mis en évidence plusieurs facteurs
influençant le vécu de l'aidant à l'annonce du diagnostic
de la maladie d'Alzheimer de son parent. Ce vécu est
apprécié par les réactions des aidants dont
l'anxiété, ainsi que par les réajustements psychologiques
qu'ils ont pu mettre en place (mécanismes de défense et
stratégies de coping).
L'approche quantitative a permis de montrer que
l'anxiété de l'aidant à l'annonce peut être
augmentée par un niveau de connaissance faible et une
appréhension importante d'être atteint soi-même de la
maladie. Notre étude a également révélé que
l'anxiété du sujet était plus élevée pour
les époux des patients que pour les enfants. Effectivement, le conjoint,
contrairement aux enfants, a souvent peu de soutien social puisqu'il a
construit sa vie autour de l'être aimé et qu'il vit souvent seul
avec lui.
La recherche par entretien est venue compléter ces
résultats en montrant que les réactions de l'aidant à
l'annonce n'étaient pas influencées par les circonstances selon
lesquelles il est devenu aidant, puisque cela s'est déroulé de
manière naturelle pour la majorité des sujets de notre
population. Nous rejoignons ici Lavoie (2000) qui explique que l'on ne peut pas
parler d'assignation ou de désignation dans l'accession au rôle
d'aidant. L'auteur évoque le concept de
« responsabilisation ». Il existe des explications
différentes dans cette accession naturelle : règles du
statut familial, proximité affective, ressources personnelles
(sentimentales et financières), règle du genre (relation
mère/fille). [20]
Les aidants sont souvent confus et hésitants lorsqu'ils
évoquent la manière dont ils ont perçu la réaction
du patient à l'annonce. Nous avons vu que cela témoigne d'une
difficulté de communication à propos de la maladie au sein des
familles de notre population.
Lorsque les aidants ont dénié les troubles de
leur proche, le dépistage de la maladie est difficilement vécu.
Le déni s'écroule à l'annonce et laisse place à
l'effondrement émotionnel et à l'utilisation de stratégies
de coping centrées sur le problème (recherches d'informations,
mises en place de plan d'actions, projets institutionnels...). Effectivement,
le déni s'écroule et le sujet ne peut plus maîtriser les
événements comme avant et se retrouve confronter à ce
qu'il ne voulait pas voir.
Un lien peut être fait entre le mécanisme de
déni, mis en place avant l'annonce, et les connaissances des aidants sur
la pathologie. L'approche quantitative a mis en évidence qu'un manque de
connaissances et une ignorance sur les caractéristiques de la maladie
accroissent l'anxiété de l'aidant à l'annonce. Nous
pouvons supposer que si ces personnes avaient davantage de connaissances sur la
maladie d'Alzheimer, ils pourraient réaliser un lien entre les troubles
de leurs parents et la pathologie. Ces éléments permettraient
peut-être aux aidants d'accepter progressivement la maladie de leur
proche et de s'attendre à l'annonce. L'effondrement émotionnel
serait moins prégnant et des stratégies de coping adaptées
se mettraient en place dans le but de s'approprier ce qui a été
dit lors de la consultation et d'accompagner au mieux le patient.
D'autres recherches pourraient découler de la
nôtre. Tout d'abord, nous avons mis en évidence quelques uns des
facteurs influençant le vécu des aidants à l'annonce. Les
prochaines études pourraient poursuivre cela en dégageant
d'autres facteurs. Lors des prémices de notre questionnement, nous nous
étions par exemple penchés sur le rôle des
représentations de la maladie pour l'aidant. Nous avons finalement
choisis de travailler autour des connaissances des sujets sur Alzheimer, mais
il s'avèrerait intéressant de réaliser d'autres
études sur ce thème et sur les autres variables, susceptibles
d'influencer les réactions des aidants.
Ensuite, exposer ces éléments ayant un impact
sur les réactions des aidants est important, mais il semble
nécessaire de se servir de ces données pour aider les
sujets : un projet pourrait consister à créer un outil
(questionnaire, livret, guide...) sur la base de ces facteurs pour permettre au
médecin de cerner les connaissances de l'aidant sur la maladie, ses
représentations, son sentiment de menace...Mieux comprendre ces
éléments donnerait certainement lieu à une meilleure
gestion des réactions de l'aidant au moment même de l'annonce.
Depuis 2002, Edusanté a conçu Fil mauve, un programme de soutien
à l'entourage des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer. Il
s'agit ici de leur permettre de comprendre la maladie et de mieux communiquer
avec le parent malade. Cependant, ce projet ne permet pas d'intervenir avant
l'annonce de la maladie pour permettre à l'aidant de mieux accepter
celle-ci. Un projet pourrait alors travailler sur ce domaine.
Notre étude révèle certaines failles et
peut être critiquée dans le but d'améliorer notre
méthode de recherche : Tout d'abord, notre étude de type
quantitatif présente un nombre de sujets trop insuffisant, les
résultats permettent alors de proposer des pistes de réflexions
et de recherches mais aucune généralisation ne peut être
réalisée. Ensuite, en ce qui concerne notre méthode, nous
pouvons mettre en évidence plusieurs erreurs. Lors de la création
du questionnaire, nous n'avons pas réalisé de pré-test. La
passation de l'outil une première fois aurait permis de
réfléchir sur le type de cotation, la compréhension des
items par le sujet... Par exemple, il s'avère que les aidants ont
été très peu nombreux à comprendre le sens du mot
« empathie », cette donnée a pu influencer les
résultats, ce qui aurait pu être maîtrisé par un
pré-test. De plus, la recherche de variables découlant de la
problématique de notre étude a été très
vaste. Nous nous sommes intéressés à deux variables
dépendantes (anxiété et réajustements
psychologiques) et à cinq variables indépendantes, ce qui parait
beaucoup avec le recul. Limiter le nombre de variables à étudier
aurait peut-être permis d'approfondir la recherche en se centrant sur
certains points. A l'inverse, nous n'avons pas contrôlé un nombre
suffisant de variables parasites qui ont pu influencer les scores
d'anxiété. Par exemple, nous n'avons pas étudié
l'influence de l'âge des aidants.
Enfin, certaines de nos mesures se révèlent de
manière générale peu fiables. En analysant notre travail,
nous nous apercevons par exemple que le score de connaissance au moment T
où nous faisons passer le questionnaire est certainement
différent du score du sujet juste après l'annonce du diagnostic
(parfois 10 ans après !). Le meilleur moyen de saisir ces
données de manière fiable aurait été de faire
passer un premier questionnaire avant l'annonce (avec étude des
connaissances, de l'anxiété et de la menace perçue du
sujet), puis de recommencer à la seconde visite 6 mois après.
Cependant, d'un point de vue éthique et déontologique, ceci
n'était pas réalisable. De plus, l'organisation du service et le
temps qui nous était impartis ne nous ont pas permis pas d'envisager
cela.
En conclusion, nous pouvons dire que cette recherche a permis
de mettre en lumière certaines pistes pour étudier les
réactions des aidants lors de l'annonce de la maladie d'Alzheimer de
leur proche, mais aussi de faire naître des réflexions quand
à la prise en charge du vécu de ces aidants et de l'impact de
cela sur le patient lui-même.
D'un point de vue personnel, cette étude nous a permis
de comprendre comment mener une recherche, de l'étape théorique
à la mise en place de la méthode ainsi que de nous questionner
sur la maladie d'Alzheimer touchant de plus en plus de sujets. De plus, nous
avons pu apprécier deux outils, le questionnaire et l'entretien, qui se
sont révélés différents dans leur buts mais
complémentaires par rapport à notre étude. Il
apparaît tout de même clairement que l'utilisation de
questionnaires présente des biais, comme la désirabilité
sociale, et que des informations peuvent être mieux comprises par
l'analyse du discours de la personne.
Enfin, les entretiens de recherche ont été une
expérience très riche d'un point de vue professionnel, car ils
nous ont permis de nous remettre en question concernant notre pratique de
future praticienne.
Annexes
ANNEXE
1 : Caractéristiques de l'échantillon
Tableau 8 : Caractéristiques de la population
totale
N=30
Caractéristiques
|
Nombre
|
%
|
Lien de parenté avec le proche
|
Epoux/se
|
12
|
40%
|
Fille/fils
|
16
|
53%
|
belle fille/beau fils
|
2
|
6%
|
sexe
|
homme
|
10
|
33%
|
Femme
|
20
|
67%
|
Age
|
30/50
|
3
|
10%
|
51/70
|
17
|
57%
|
71/90
|
10
|
33%
|
CSP
|
Artisans, commerçants, libéral
|
3
|
10%
|
cadre
|
1
|
3%
|
employé
|
9
|
30%
|
retraité
|
17
|
57%
|
Statut marital
|
marié
|
26
|
87%
|
divorcé
|
1
|
3%
|
veuf
|
1
|
3%
|
célibataire
|
2
|
7%
|
Niveau d'étude
|
Certificat d'étude
|
2
|
7%
|
BEPC
|
1
|
3%
|
BEP
|
1
|
3%
|
CAP
|
7
|
23%
|
BAC
|
4
|
13%
|
BAC +
|
12
|
40%
|
pas d'étude
|
3
|
10%
|
Personne de confiance
|
oui
|
27
|
90%
|
non
|
2
|
7%
|
pas de réponse
|
1
|
3%
|
Temps depuis l'annonce
|
moins de 6 mois
|
1
|
3%
|
de 6 mois à 1 an
|
1
|
3%
|
de 1,5 an à 3 ans
|
11
|
36%
|
de 3,5 à 5 ans
|
5
|
16%
|
de 5,5 à 7 ans
|
6
|
20%
|
de 7,5 à 9 ans
|
3
|
10%
|
Plus de 10 ans
|
1
|
3%
|
pas de réponse
|
2
|
6%
|
SUJETS
|
lien de parenté avec le
proche
|
sexe
|
âge
|
CSP
|
statut marital
|
niveau d'études
|
personne de confiance
|
sujet 1
|
fille
|
F
|
60
|
5
|
1
|
4
|
Oui
|
sujet 2
|
fils
|
H
|
61
|
2
|
1
|
4
|
Non
|
sujet 3
|
fille
|
F
|
48
|
5
|
1
|
6
|
Oui
|
sujet 4
|
épouse
|
F
|
71
|
7
|
1
|
4
|
Oui
|
sujet 5
|
fille
|
F
|
51
|
5
|
1
|
2
|
Oui
|
sujet 6
|
fille
|
F
|
62
|
5
|
1
|
6
|
Oui
|
sujet 7
|
époux
|
H
|
71
|
7
|
1
|
6
|
Oui
|
sujet 8
|
épouse
|
F
|
60
|
7
|
1
|
5
|
Oui
|
sujet 9
|
époux
|
H
|
77
|
7
|
1
|
6
|
Oui
|
sujet 10
|
fille
|
F
|
45
|
2
|
1
|
6
|
Oui
|
Tableau 9 : Caractéristiques de la population
ayant participé aux entretiens individuels
N= 10
ANNEXE 2 :
Questionnaire
Ne portez pas votre nom. Ce questionnaire doit rester
anonyme.
Ce questionnaire s'adresse aux personnes à qui le
médecin a annoncé personnellement le diagnostic de maladie
d'Alzheimer de leur proche.
Il a pour objectif de connaître votre ressenti lors de
l'annonce de ce diagnostic.
Nous vous demandons de bien vouloir répondre aux
différentes questions suivantes en employant à chaque fois
l'échelle de réponse proposée.
Merci de votre participation.
Fiche de renseignements
I. Vous concernant
1. Age : ........... 2.
Sexe : F ? M ?
3. Niveau d'étude (veuillez cocher la
réponse correspondante) :
? Certificat d'études ? BEPC ? BEP
? CAP ? BAC ? BAC +....
? Autre Veuillez préciser :
.......................................................................
4. Profession :
.............................................................................................
5. Statut marital (veuillez cocher la réponse
correspondante) :
?Marié(e) ? Divorcé(e) ?Veuf (ve) ?
Concubinage ? Célibataire
6. Quel est le lien de parenté qui vous unie au
patient ?
...............................................................................................................
7. Vous êtes l'aidant principal du patient.
Êtes-vous également la personne de confiance ?
? oui ? non
8. Qui vous a annoncé la maladie de votre
proche :
? Généraliste (médecin traitant) ?
Gériatre ? Neurologue
? Autres spécialistes (Veuillez
préciser) :
........................................................................................................................
II. Concernant votre parent
9. Age : ........... 10.
Sexe : F ? M ?
11. Niveau d'étude (veuillez cocher la
réponse correspondante) :
? Certificat d'études ? BEPC ? BEP
? CAP ? BAC ? BAC +....
? Autre Veuillez préciser :
.......................................................................
12. Profession :
............................................................................................
13. Votre parent :
q Habite avec vous ? habite seul(e) ?
habite avec son époux (se)
q vit en structure d'hébergement (veuillez
préciser le type de structure))
........................................................................................................................
Cette structure est-elle une unité de soins et de vie
protégée pour les patients atteints de la maladie d'Alzheimer.
? oui ? non
14. Depuis combien de temps la maladie d'Alzheimer de votre
parent a-t-elle été diagnostiquée ?
...............................................................................................................
15. Veuillez préciser le stade d'évolution de la
maladie ou le score obtenu au dernier MMS :
.................................................................................................................
16. Veuillez indiquer le score GIR (Niveau de
dépendance) si vous le connaissez ?
...............................................................................................................
___________________________________________________________________
17. Lors de l'annonce de la maladie de votre parent, votre parent
était-il présent ?
Oui ? Non ?
Ø Si la réponse est oui, veuillez expliquer en
quelques mots comment vous avez perçue et ressentie la réaction
de votre parent au moment de l'annonce ?
........................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................
Ø Si la réponse est non, veuillez expliquer
pourquoi votre parent n'était-il pas présent ?
............................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................
18. Lors de l'annonce de la maladie de votre parent, est-ce
qu'une personne proche autre que votre parent vous accompagnait ?
Oui ? Non ?
19. Lors de l'annonce de la maladie de votre parent, est-ce qu'un
autre professionnel était présent :
Oui ? Non ?
Si oui, lequel :
.......................................................
Vécu de l'annonce :
20. Avant de vous annoncer la maladie de votre parent, est-ce que
le médecin a essayé de vous mettre à l'aise ?
Pas du tout d'accord 1 2 3 4 5 Tout à fait d'accord
21. Avant de vous annoncer la maladie de votre parent, est-ce que
le médecin vous a demandé ce que vous vouliez connaître des
troubles ou de la maladie de votre parent ?
Pas du tout d'accord 1 2 3 4
5 Tout à fait d'accord
22. Lors de l'annonce de la maladie de votre parent, est-ce que
le médecin a utilisé clairement le nom de maladie d'Alzheimer
pour nommer la maladie de votre parent ?
Oui ? Non ?
Si la réponse est non, veuillez préciser clairement
les termes qu'il a employés pour désigner la maladie de votre
parent ?
.................................................................................................................................................................................................................................................
23. Lors de l'annonce de la maladie de votre parent, est-ce que
le médecin a adopté un ton détaché et distant ?
Pas du tout d'accord 1 2 3 4 5 Tout à fait d'accord
24. Lors de l'annonce de la maladie de votre parent, est-ce que
le médecin a utilisé des mots simples, à votre
portée ?
Pas du tout d'accord 1 2 3 4 5 Tout à fait d'accord
25. Lors de l'annonce de la maladie de votre parent, est-ce que
vous avez ressenti de la gêne de la part du médecin pour vous
décrire la maladie ?
Pas du tout d'accord 1 2 3 4 5 Tout à fait d'accord
26. Lors de l'annonce de la maladie de votre parent, est-ce que
le médecin vous a laissé le temps de lui poser toutes les
questions ?
Pas du tout d'accord 1 2 3 4 5 Tout à fait d'accord
27. Lors de l'annonce de la maladie de votre parent, est-ce que
le médecin a répondu clairement à toutes vos
questions ?
Pas du tout d'accord 1 2 3 4 5 Tout à fait d'accord
28. Lors de l'annonce de la maladie de votre parent, est-ce que
le médecin a fait preuve d'empathie ?
Pas du tout d'accord 1 2 3 4 5 Tout à fait d'accord
29. Lors de l'annonce de la maladie de votre parent, est-ce que
le médecin vous a parlé de l'évolution de la
maladie ?
Pas du tout d'accord 1 2 3 4 5 Tout à fait d'accord
30. Lors de l'annonce de la maladie de votre parent, est-ce que
le médecin vous a parlé des différents troubles
comportementaux qui accompagnent la maladie ?
Pas du tout d'accord 1 2 3 4 5 Tout à fait d'accord
31. Lors de l'annonce de la maladie de votre parent, est-ce que
le médecin vous a parlé des différentes formes de prise en
charge ?
Pas du tout d'accord 1 2 3 4 5 Tout à fait d'accord
32. Lors de l'annonce de la maladie d'Alzheimer de votre parent,
est-ce que le médecin vous a parlé des différentes formes
de traitements ?
Pas du tout d'accord 1 2 3 4 5 Tout à fait d'accord
33. Lors de l'annonce de la maladie de votre parent, est-ce que
le médecin vous a demandé, comment vous envisagiez l'avenir ?
Pas du tout d'accord 1 2 3 4 5 Tout à fait d'accord
34. Comment jugez-vous la qualité des relations
entretenues avec le médecin qui vous a annoncé la maladie de
votre parent :
Très mauvaise 1 2 3 4 5 Excellente
35. Quelle est votre ressenti concernant la façon dont
l'annonce de la maladie de votre parent a été faite ?
Très insatisfait 1 2 3 4 5 Très satisfait
1. Depuis l'annonce de la maladie de votre parent, vos
inquiétudes, vous semblent-elles excessives ou
exagérées ?
Pas du tout d'accord 1 2 3 4 5 Tout à fait d'accord
2. Depuis l'annonce de la maladie de votre parent, vos
inquiétudes sont-elles quotidiennes ?
Pas du tout d'accord 1 2 3 4 5 Tout à fait d'accord
3. Depuis l'annonce de la maladie de votre parent, est-ce que
vous avez des difficultés à contrôler vos
inquiétudes ?
Pas du tout d'accord 1 2 3 4 5 Tout à fait d'accord
4. Depuis l'annonce de la maladie de votre parent, Avez-vous
été souvent troublé par l'une ou l'autre des sensations
suivantes ? (Coter chaque sensation à l'aide de
l'échelle).
Aucunement 1 2 3 4 5 Très sévèrement
____ Agité(e), surexcité(e) ou avoir les nerfs
à vif
____ Facilement fatigué(e)
____ Difficulté à se concentrer ou trous de
mémoire
____ Irritabilité
____ Tensions musculaires
____ Problèmes de sommeil (difficulté à
tomber ou rester endormi(e) ou sommeil agité et insatisfaisant)
5. Depuis l'annonce de la maladie de votre parent,
jusqu'à quel point l'anxiété ou l'inquiétude
interfère avec votre vie sociale, professionnelle et ou
familiale ?
Aucunement 1 2 3 4 5 Très sévèrement
1. Depuis l'annonce de la maladie de votre parent, pensez-vous
plus souvent à la maladie d'Alzheimer ?
Pas du tout d'accord 1 2 3 4 5 Tout à fait d'accord
2. Depuis l'annonce de la maladie de votre parent pensez-vous
plus souvent au fait, d'être atteint vous-même par la maladie
d'Alzheimer ?
Pas du tout d'accord 1 2 3 4 5 Tout à fait d'accord
3. Depuis l'annonce de la maladie de votre parent, pensez-vous
plus souvent que la maladie d'Alzheimer soit la pire des maladies ?
Pas du tout d'accord 1 2 3 4 5 Tout à fait d'accord
4. Depuis l'annonce de la maladie de votre parent, aimeriez-vous
connaître les risques que vous encourrez à développer cette
maladie ?
Pas du tout d'accord 1 2 3 4 5 Tout à fait d'accord
5. Depuis l'annonce de la maladie de votre parent, la
pensée d'être atteint de la maladie d'Alzheimer vous fait
peur ?
Pas du tout d'accord 1 2 3 4 5 Tout à fait d'accord
6. Depuis que je sais que mon parent est atteint de cette
maladie, je pense que mes probabilités de chance de contracter la
maladie d'Alzheimer sont de :
0% 25% 50% 75%
100
________________________________________________________________________
1. Je pense bien connaître la maladie dont souffre mon
parent.
Pas du tout d'accord 1 2 3 4 5 Tout à fait d'accord
1. La maladie d'Alzheimer se caractérise par une
dégénérescence cérébrale
Pas du tout d'accord 1 2 3 4 5 Tout à fait d'accord
2. La maladie d'Alzheimer se caractérise par un
désordre biochimique
Pas du tout d'accord 1 2 3 4 5 Tout à fait d'accord
3. La maladie d'Alzheimer se caractérise par une
diminution importante d'un neurotransmetteur appelé :
Acétylcholine
Pas du tout d'accord 1 2 3 4 5 Tout à fait d'accord
4. Les premiers symptômes de la maladie d'Alzheimer se
caractérisent par des pertes de mémoire
Pas du tout d'accord 1 2 3 4 5 Tout à fait d'accord
5. Les malades d'Alzheimer sont souvent très
agités
Pas du tout d'accord 1 2 3 4 5 Tout à fait d'accord
6. Dans la maladie d'Alzheimer, le cycle veille-sommeil est
souvent très perturbé
Pas du tout d'accord 1 2 3 4 5 Tout à fait d'accord
7. Les malades d'Alzheimer n'ont jamais de moments de
conscience
Pas du tout d'accord 1 2 3 4 5 Tout à fait d'accord
8. La maladie d'Alzheimer se caractérise par le
tremblement des bras et des jambes
Pas du tout d'accord 1 2 3 4 5 Tout à fait d'accord
9. Les malades d'Alzheimer répètent souvent les
mêmes gestes
Pas du tout d'accord 1 2 3 4 5 Tout à fait d'accord
10. Les malades d'Alzheimer peuvent ne plus reconnaître
leur(s) proche(s)
Pas du tout d'accord 1 2 3 4 5 Tout à fait d'accord
11. Plus on est âgé et plus on a de chance de
développer la maladie d'Alzheimer
Pas du tout d'accord 1 2 3 4 5 Tout à fait d'accord
12. Plus notre niveau d'études est faible et plus on a de
chance de développer la maladie d'Alzheimer
Pas du tout d'accord 1 2 3 4 5 Tout à fait d'accord
13. Moins on fait d'exercices physiques et plus on a de chance de
développer la maladie d'Alzheimer
Pas du tout d'accord 1 2 3 4 5 Tout à fait d'accord
14. L'exposition à l'aluminium augmente les chances de
développer la maladie d'Alzheimer
Pas du tout d'accord 1 2 3 4 5 Tout à fait d'accord
15. Le fait d'être croyant diminue les chances de
développer la maladie d'Alzheimer
Pas du tout d'accord 1 2 3 4 5 Tout à fait d'accord
16. Une infection virale augmente les chances de
développer la maladie d'Alzheimer
Pas du tout d'accord 1 2 3 4 5 Tout à fait d'accord
17. Il y a un risque génétique dans le
développement de la maladie d'Alzheimer
Pas du tout d'accord 1 2 3 4 5 Tout à fait d'accord
18. On prescrit des tranquillisants pour calmer l'agitation des
patients Alzheimer
Pas du tout d'accord 1 2 3 4 5 Tout à fait d'accord
19. Il existe des médicaments qui permettent de diminuer
le risque de développer la maladie d'Alzheimer
Pas du tout d'accord 1 2 3 4 5 Tout à fait d'accord
20. Une prise de sang permet de diagnostiquer la maladie
d'Alzheimer
Pas du tout d'accord 1 2 3 4 5 Tout à fait d'accord
21. Il existe des médicaments qui permettent de ralentir
la progression de la maladie d'Alzheimer
Pas du tout d'accord 1 2 3 4 5 Tout à fait d'accord
22. Des exercices de mémoire permettent de ralentir la
progression de la maladie d'Alzheimer
Pas du tout d'accord 1 2 3 4 5 Tout à fait d'accord
Merci beaucoup de votre
participation !
ANNEXE 3 : Grille
d'analyse des entretiens individuels
Tableau 10 : Grille d'analyse des entretiens
Découverte de la maladie du proche
- Premiers signes découverts
- Annonce de la maladie
|
Manière dont la personne est devenue
aidante
- Qui est l'aidant par rapport à la personne.
- Désignation inconsciente.
- Assignation.
|
Manière dont a été perçue la
qualité de l'annonce
- Préliminaires : empathie, mise à l'aise, ton
employé, écoute...
- Demander ce que le sujet sait déjà et ce qu'il
veut savoir.
- Annonce claire du terme « Maladie
d'Alzheimer ».
- Réponses aux questions du sujet.
- Proposition de suivi et de traitements.
|
Perception de la réaction du
parent au moment de l'annonce de la maladie
- Incompréhension
- Refus actif
- Déni
- Soulagement
- Acquiescement
|
Type de réactions de l'aidant au moment de
l'annonce
- Effondrement émotionnel.
- Angoisses narcissiques ou objectales
- Acquiescement
- Changement positif
- Angoisse, anxiété
|
Mécanismes de défense
- Déni de la maladie
- Rationalisation
- Fonction de bouc émissaire
- Attribuer la maladie à une cause externe
|
Stratégies de coping
- Coping centré sur le problème
- Coping centré sur les émotions
- Coping évitant,
- Coping vigilant
|
ANNEXE 4 :
Retranscription des entretiens individuels
Entretien 1. Fille de Mr A.
Le 7/02/08
Interviewer: Tout d'abord
merci beaucoup d'avoir bien voulu participer à cette recherche. Cet
entretien respectera votre anonymat, il ne sera utilisé que dans le
cadre de mon mémoire. Cela me permettra de le retranscrire le plus
fidèlement possible, bien entendu à la fin de sa retranscription
je détruirais la bande.
Je vais vous proposer davantage des thèmes que des
questions.
D'abord, je vais vous demander de resituer l'histoire de votre
papa, de la manière dont vous vous êtes aperçu de sa
maladie.
Sujet : Déjà, non,
la maladie il doit y avoir très longtemps qu'il l'a, mais on ne s'en
est jamais aperçu. Parce que il était très agressif et je
dirai très méchant avec ma mère, chose qu'il
n'était pas avant, quand on était jeune à la maison avec
mon frère, on avait jamais vu des signes pareil. Mais là il y
avait bien 5 ou 6 six ans qu'il était brutal. On se demandait pourquoi
mais on a jamais associé ça à la maladie, on pensait
plutôt ayant pris la retraite, étant tous les deux ensemble, il y
avait des heurts, mais on a jamais pensé à la maladie. Alors
ensuite, ça a été par des troubles... alors pas tellement
des troubles de mémoire, mais surtout des choses qu'il inventait. On
l'avait volé, par exemple, quelqu'un lui avait volé le porte
monnaie, des gens étaient rentrés, lui avaient dit des choses.
Voilà, ça a été surtout comme ça, ça
a duré un certain temps, j'en avais parlé à son docteur
traitant qui m'avait dit ce que je met dans le résumé : au
départ, on le prenait plutôt pour de la dépression nerveuse
suite au décès de ma mère, même si le docteur qui le
suit, là, la première fois où je le lui ai amené
m'a dit, votre papa n'est pas du tout atteint de la maladie d'Alzheimer, il
fait de la dépression nerveuse, parce que son comportement faisait... et
puis, ils sont quand même, comment disais-je, je ne dirai pas coquins,
mais ils ont quand même quelque chose, ils doivent se sentir atteint de
quelque chose et ils veulent le cacher. Parce que à Mme L. (docteur), la
première fois, il lui a parlé bien comme tout, et surtout il
s'est mit à lui raconter sa vie, à pleurer, maman qui
était décédée. Enfin, voilà, elle m'a dit il
est atteint. Moi, je lui ai dis « écoutez, il faudrait peut
être faire des examens plus approfondis, moi, à voir ce qu'il
fait à la maison, je ne le vois pas du tout atteint de dépression
nerveuse ». Donc, on s'était donné 6 mois pour se
revoir et faire les examens, alors scanner, analyse et tout. Et donc à
ce moment là elle a bien décrété que j'avais
raison, qu'il y avait quelque chose, que les neurones il y en avait beaucoup
qui était atteints. Et c'est depuis ce moment là qu'on le soigne.
Qu'on le soigne, heu...y a eu pire que... en ce moment. Je dirai que là
ça stagne un peu, depuis qu'on lui a donné l'Ebixa. Ca ralentis,
il a moins d'hallucinations, par contre il oublie tout. Les hallucinations,
genre on vient le voler, ça s'est passé. Il entend, la nuit,
comme il est tout seul on ne sait pas si c'est vrai, s'il le rêve, s'il
fait des cauchemars, il entend des bruits dans le grenier, il est obligé
de monter, de les faire arrêter. C'est la seule chose qu'il nous dit
maintenant, par contre, mémoire, ça, zéro.
Il ne se rappelle pas. Voilà, en ce moment c'est
ça, il ne se rappelle de rien. Autrement, la progression, je dirai que
ça suit son cours, mais il me semblerait, par rapport à ses
hallucinations, et à sa nervosité. Moi, mon frère mange
avec lui tous les jours, midi et y a des fois où c'est insupportable,
insupportable. Là c'est un peu plus calme.
I : Vous êtes deux aidants,
votre frère et vous. Comment êtes vous devenue aidante ?
S : Alors bon, on n'habite pas
avec lui, il est pas chez nous, il est tout seul, il ne veut pas partir de sa
maison. Y a rien à faire. Nous, on serait plus tranquille d'avoir
quelqu'un le soir, ce qu'in n'est pas facile à trouver. Dans la
journée il a du monde qui l'aide, mais pas beaucoup. Alors on m demande
le GR, je m'en rappel pas, il est très faible, il a quelqu'un, une aide
ménagère, 6h par semaine, et ça fait pas beaucoup. Donc il
a l'infirmière tous les jours qui vient lui faire la toilette. Cette
aide soignante. Mon frère qui mange ave lui tous les midis donc qui le
fait manger. Et moi qui en sortant de mon boulot y passe tous les soirs, le
faire manger le soir. Et après il est seul.
Mais autrement c'est nous qui nous occupons de tout. Pareil.
Mon frère fait les commissions pour toute la semaine. Peut être
moi plus pour ce qui est du côté administratif, papier...venir
l'amener ici. Mon frère, beaucoup plus ce qui est à la maison. Ma
belle soeur étant à la retraite, elle prépare des
plats.
Mais je dirai que c'est à peu près, on s'entend
très bien pour ça donc y a aucun problèmes.
Oui, là oui. Tout ce qui est sous, là, tout
ça, machin... Autant mon frère, on a toutes les procurations.
Mais s'il a quelque chose il est plu tranquille, quand je pars en vacances,
quand on se relais avec mon frère, surtout ce qui le chagrine, les
papiers, qui c'est qui va faire les papiers ? Comme si mon frère ne
savait pas les faire ! (ironique)
I : Ensuite, par rapport à
l'annonce même, le jour où on vous a annoncé la maladie de
votre papa, comment vous avez perçu la qualité de
l'annonce ?
S : Moi, déjà,
c'était le médecin traitant qui m'en avait parlé un petit
peu. Pour dire des vols dont il faisait l'objet, elle me dit ce n'est pas
normal, il y a quelque chose. Nous, malheureusement, dans la famille de mon
mari, j'ai deux personnes qui sont atteintes de la maladie d'Alzheimer, et la
mère de ma meilleure amie aussi. Donc déjà on m'a
déjà un peu averti. Déjà, je savais, à voir
ce qu'il faisait, on me disait, tu sais, je pense qu'il a un début de
maladie. Donc le docteur traitant m'en avait parlé comme ça, mais
elle en était pas sure, hein, elle était plutôt
porté comme Mme L., à dire quand je suis venue que ça
avait des traits dépressifs parce que il a eu un sentiment de
culpabilité quand maman est décédée, parce que il a
refait quand même un historique, comment il était avec elle, tout
ça. Donc maman était partie se reposer parce qu'elle en pouvait
plus, dans une maison de repos, et malheureusement, ça s'est mal
passé et elle est décédée. Et il avait ce sentiment
de culpabilité, et il arrêté pas d'en parler. A ce moment
là il parlait de sa pauvre femme, machin truc, et alors là les
gens sont partis, ils ont été un peu faussés, par son
comportement. Et on ne m'a pas beaucoup parlé. Et alors là c'est
Mme L. lors des examens, qui m'a dit vous aviez raison, il a vraiment la
maladie d'Alzheimer. Mais je n'ai pas été choqué parce que
je m'y attendais. Je voyais au quotidien, je vous disais mon amie là. Et
je me disais papa commence pareil, j'ai pas été choqué,
j'ai pas été du tout choqué.
Elle me l'a bien expliquée. Nan, alors ça c'est Mme
L. par contre, qui m'a tout expliqué. Elle m'a même fait une note,
ce qu'il fallait faire de suite, sécuriser le gaz, enfin pleins de
choses qu'il fallait faire à la maison, elle m'a même dit de me
mettre sur une liste d'attente d'une maison pour malade d'Alzheimer car elle
m'a dit c'est très long si un jour vous êtes confrontés, je
vais devoir l'y mettre dans le mois qui suit vous ne pourrez pas. Donc mettez
vous sur une liste d'attente quelque part, si vous avez besoin vous avez
besoin, si vous n'avez pas besoin ben tant mieux.
J'ai là d'ailleurs ce qu'elle m'avait fait. Je peux
vous montrer. J'avais trouvé ça très très bien. Je
peux vous dire quand c'était, on va voir les dates. C'est plus ancien...
ah non c'est là. Voyez ce qu'elle m'avait fait.
I : Votre père est-il au
courant de la maladie d'Alzheimer dont il souffre ? Comment vous avez
l'impression qu'il ait réagit au moment où on lui a
annoncé ?
S : Oui, il est au courant. Son
docteur traitant lui en a parlé. Il lui a dit qu'il avait une... le mot
d'Alzheimer il ne sait pas trop. Quand il dit, il dit j'ai une maladie avec un
drôle de nom.
Oui, oui, oui... Mme G. qui l'a eu, qu'il connaît depuis
longtemps, lui a dit qu'il avait une maladie qui lui faisait perdre la
mémoire. Parce que ça il s'en rend compte. Maintenant moins, mais
à l'époque il se rendait compte, il se perdait. Maintenant il ne
prend plus le bus. Parce qu'il est alerte, physiquement il est, vous savez
comment il est. Il n'a plus de soucis. C'est une personne qui a
été toujours soucieuse dans sa vie. Les papiers, manger à
l'heure, ça, machin... tout ça il a occulté. Et alors,
point de vue santé physique, il est mieux qu'avant. Voilà. Mais
moral, la tête... Et donc, Mme G. lui avait dit que ses pertes de
mémoire venaient d'une maladie, tout ça. Et ça s'est fait
progressivement, il ne s'en est pas trop fait. Ou alors il ne s'est pas rendu
compte de ce que c'était mais par contre là y a des fois.
Là hier il parlait avec mon mari, ma belle mère est
hospitalisée, il y a demandé 20fois, « comment va
mamie ? ». Alors Jean Pierre lui disait, « mais elle
va bien, elle sort demain ». Puis il repartait « comment va
mamie ? ». Et alors après il vous dit, « je
l'ai répété souvent non, il me semble ? ».
Voilà, ça lui revient, mais « je pers la
mémoire, je pers la mémoire ». Il se rend compte
là quand même. Par contre il est encore à un stade
où il nous reconnaît, tout ça. Ca c'est pas un
problème, voilà.
I : Comment vous avez réagit
après l'annonce. Est ce qu'il y a eu un changement, comment avez vous
vécu l'annonce ?
S : Après l'annonce, et
après ce que m'avez dit Mme L. Par rapport à lui, la
sécurité. Il avait un gaz, il s'en servait, c'est lui même
qui s'en servait. Tout dans la maison faisait que c'était pour une
personne normale. Donc là on a commencé à changer certains
trucs dans la maison. Il a plus de gaz, on a fait sécuriser. Le portail
d'entrée aussi, on a fait sécuriser. On a fait pleins de petites
choses. Le chauffe-eau par exemple, on l'a mit électrique, avec une
température, qu'il ne se brûle pas. Plutôt la
sécurité à lui et la sécurité des voisins.
Parce que par contre, le voisinage, comment dirais je, pas à l'annonce
parce qu'on n'a pas pris le micro pour dire ce qu'il avait. Mais bon ils le
voient, il habite dans le quartier depuis 40 ans, et donc les gens ont vu son
comportement, il se retrouve au milieu sur le trottoir. Les gens ont vu qu'il y
avait quelque chose. Bon, ils savent ce qu'il a maintenant, je leur ai dit. Il
allait emprunter de l'argent aussi. Donc il a fallu faire quelque chose de
très sérieux là, lui donner l'argent au compte goutte.
Mais il préfère, parce qu'il allait chercher sa retraite 3fois
dans le mois. Alors c'était ... et puis alors le postier nous a dit...
et puis mon compte je voyais. Jusqu'à là on l'avait pas
privé d'argent. Jusqu'au moment où Mme L. a dit faites quelque
chose, parce que là... donc on lui donne, on lui donnait 20euros par
jour, mais il n'a que le pain à aller chercher. On maintenait qu'il
aille à la boulangerie pour que ça lui fasse...bon... Alors ca il
y pense dès fois il y pense pas. Mon frère arrive, dés
fois à midi où il n'y a plus de pain. Et là on a
baissé, parce que 20euros pour le pain il ne sait pas où il les
met. Alors on lui donne 10euros tous les jours. Après, ave tout les
commerçants du quartier, s'il lui manque quelque chose, qu'il y aille
sans argent, qu'il lui donne, moi après je passe, il ne vous doit rien
ou autre.
Donc ce que vous me demandiez au départ, la
sécurité pour lui et pour les voisins. Parce que c'est des
maisons, pas de village, mais mitoyennes, alors maintenant les gens ont peur,
qu'il fait péter le gaz ou autre. Donc il a fallu le dire au voisinage,
qu'on avait sécurisé, que ça risquait rien, qu'on avait
enlevé les allumettes...par exemple... il a fallu prendre ces
précautions, beaucoup plus pour le voisinage je dirai, que pour lui.
Pour les deux, mais enfin pour le voisinage. Dans un immeuble, quand
même, quand vous savez qu'il y a une personne atteinte de la maladie
d'Alzheimer, bon ça fait peur.
Ca n'a pas réduit mon anxiété, non, parce
que bon on s'y attendait un peu, par contre oui, j'ai pas mal posé de
questions, oui, sur la maladie. Qu'est ce qui se passait, au fil des ans, est
qu'il y avait un remède qui le stabilisait ? J'entendais mon amie
qui disait « maman prends ce remède mais ça lui fait
plus rien parce que ça fait deux ans qu'elle le prend ». Bon,
je sais qu'il n'y a pas grands choses, bon on m'a expliqué qu'y avait en
définitive rien, bon, qu'y avait ibixia en dernier qui temporise un peu
mais qui au bout d'un moment, bon là je vois ça lui fait pas
grand chose. Donc, non, non, parce qu'en plus j'ai un cousin dans ma famille,
qui a monté à St Loup, qui est sensibilisé par ça,
une maison d'Alzheimer. Donc je sais un peu ce qu'il en retourne. Non, je n'ai
pas été très affolée, bon, je connaissais un peu.
Bon, je dirai, c'est pas une maladie qui plaît. C'est une maladie qui est
très dégradante. Bon, pour le malade, à certain niveau je
crois qu'il ne s'en rend pas compte et tant mieux. Mais pour l'entourage c'est
très dur. Quand vos parents ne vous reconnaissent pas, moi j'ai la maman
de mon amie qui lui dit dés fois « madame », enfin
des trucs horribles, « je t'ai trouvé dans la rue, je t'ai
ramassé ». Ça a été horrible quoi... on
sait ce que sait, on ne s'arrête pas là, mais ça fait mal,
c'est dégradant. Alors, je vais vous dire, moi, ma pensée, maman
est décédée dans un truc atroce, elle a eu une perforation
de l'intestins, nous on s'est pas rendu compte. Elle était dans une
maison justement pour partir un peu, parce qu'elle en pouvait plus. Elle avait
voulu aller dans une maison de convalescence 15j un mois, et elle a eu
ça là bas, ils ne s'en sont pas rendus compte, donc elle est
décédée, heu, assez dramatiquement, assez jeune,
là, y a pas longtemps, y a trois ans. Et je me dis que j'ai eu beaucoup
de peine, mais je me dis que je préfère la voir là que la
voir avec la maladie. Parce que c'est tellement dégradant et
c'était une femme énergique, qui se serait vraiment rendu compte
de ce qu'elle avait. Et je me dis, à choisir, j'ai eu beaucoup de peine,
mais je préfère la voir là que de la voir comme ça.
Papa, encore, j'en suis pas au stade de mon amie. Je me rends pas bien compte.
Encore, quand même, on n'arrive à avoir une conversation, hein,
vous voyez. Mais quand on arrive au stade de mon amie, là je dis que
c'est horrible. Et pour moi c'est la maladie la plus horrible, c'est
dégradant. Voilà...
On arrive à maintenir un lien... y a pas de
problèmes... Encore là, même il arrive, ça fait un
petit moment qu'il ne l'a pas fait, mais à me téléphoner.
Ah oui, il a un gros téléphone, avec des gros numéros.
Bon, alors à un moment c'était la nuit, quelle heure est il, il
fait jour ? Bon, c'était des choses comme ça. Mais il savait
faire le numéro, ce que l'on trouve étonnant d'ailleurs dans
cette maladie, je trouve qu'ils ont une part quand même de bien où
il arrive à faire mon numéro et puis il va m'appeler pour une
bêtise. « J'entends du bruit dans le grenier, il te faut
venir. » Il aura fait le numéro très bien. C'est
hallucinant, c'est hallucinant... Bon, pour le moment, moi j'ai encore, enfin
on a encore des relations, mon petit fils a fait son anniversaire là heu
pour après noël, c'était le soir, il était bien comme
tout. Il a très très bien mangé, enfin on a encore des
relations je dirai presque normales. On peut encore, oui oui oui... enfin
ça aussi c'est des périodes. Il va passer 15j ou t'en sors rien,
mais rien. Et puis alors 15 jours après, et ben quelqu'un va le voir et
va me le dire, mais tu m'as dit ça, mais je l'ai trouvé bien ton
père.
Comme la nourriture, mon frère fait les commissions,
par contre maintenant il va falloir qu'on fasse au jour le jour. Il va manger
20 yoghourts. La facilité, on ouvre et on mange, parce qu'il
était très très bon mangeur. Et donc il y a eu des fois,
où il ne sait même plus comment il mange le plat, et dans la
journée il oublie.
Ah oui, on s'organise, voilà... jusqu'à
présent on lui faisait le plein, tout allez bien. Maintenant c'est pas
la peine. La semaine dernière il y a été à la
boulangerie et la boulangère m'a dit, « je lui ai dit, vous
êtes venus chercher trois fois aujourd'hui des gâteaux des rois, je
ne vous en donne plus ». Il a été venu chercher trois
fois. Mais ça op, ça a été. C'est pas qu'il se
cache, il nous garde les fèves, tiens regarde ! Alors on fait
suivant l'évolution.
Suivant l'évolution, selon la semaine. Voilà,
les goût aussi, tout d'un coup il a plus envie d'un truc. Il peut plus le
voir, on sait pas pourquoi.
Voilà...
I : Ok.
S : Autrement, bon, y a pas
à dire, bon, vous le savez puisque vous étudiez la dessus, hein,
c'est, à mon avis, y a des choses qui sont aussi pénibles, hein,
un cancer ou autre on souffre hein, c'est pas ce que je veux dire. Mais, je
sais pas, je le perçois pas pareil. Cette dégradation
là... hier, j'étais chez mon amie, là, quand je vois sa
maman, moi elle me reconnaît plus y a bien longtemps, mais à elle,
« madame sil vous plait »... voilà, c'est pas
facile. C''est pas facile, t'as envie de te tourner, de pleurer, de machin...
bon, c'est sur, on va s'y habituer, on va s'habituer, tout le monde... elle,
elle y fait plus attention. J'y fais plus attention, bon, elle m'appelle
madame, je la détrompe pas. Je crois qu'il faut pas, parce que je crois
que quand on essaie... je vois papa, quand je lui disais « tu te
trompes papa, personne est venu te le voler, ta du le
délacer ». Mais, ou il les a donné, parce qu'il a bien
disparu des choses dans la maison. Voilà... et après les voisins
disaient je sais pas, l'autre jour il est parti avec une statue sous le bras.
S'il faut il est allé la donner à quelqu'un, on sait pas à
qui, mais bon, voilà. Mais si on essaie de le détromper, alors
là ça le trouble, et il s'énerve.
On ta volé, bon, ben va falloir faire attention avec
les serrures, on va faire ça...Et puis le lendemain il y pense plus.
Mais si sur le moment vous lui dites que « tu t'es trompé,
mais non papa, personne n'est venu te voler, c'est dans ta
tête », tout ça, alors, là non...
« Oui, mais vous me prenez pour un fou, mais je suis pas
fou » alors avec mon frère on le rassure comme ça. On
changera rien, on changera rien. Ca va l'énerver, pourquoi, c'est pas la
peine. On ta volé, et bon, alors il des gros mots, machin,
« oui, ta raison, une bande de vaux rien...tu verras, on les
arrêtera, la police... ». C'est qu'au début on y
croyait, c'est qu'on a été trois fois porter plainte. Au
début, le porte monnaie, on lui avait pris 400euros, on lui avait pris
l'argent, mais on lui avait laissé le porte monnaie. On avait
trouvé un peu bizarre, on s'est dit quelqu'un qu'il connaît, qu'il
fait rentrer, qui préfère en prendre un peu, pour revenir. Et
puis après cette fameuse statue, et puis après mais non il me
dit, le Mr de casino, on l'a vu partir avec. Alors bon on est plutôt dans
son sens que de l'énerver. L'aide ménagère c'est pareil,
elle le connaît bien, elle vient depuis maman, donc il y a 15ans qu'elle
est dans la maison. Et donc, dés fois, elle fait pareil, ça va
pas ni l'arranger, ni le... pourquoi le faire mettre en colère, c'est
pas la peine. Voilà, ce que je peux vous en dire.
I : Et bien merci
beaucoup, d'avoir répondu.
S : De rien, de rien,
écoutez, si ça vous a rendu service.
Entretien 2. Fille de M. B
21/02/2008
Interviewer: Tout
d'abord merci beaucoup d'avoir bien voulu participer à cette recherche.
Cet entretien respectera votre anonymat, il ne sera utilisé que dans le
cadre de mon mémoire. Cela me permettra de le retranscrire le plus
fidèlement possible, bien entendu à la fin de sa retranscription
je détruirais la bande. Je vais vous proposer davantage des
thèmes que des questions.
D'abord, je vais vous demander de resituer l'histoire de
votre papa, de la manière dont vous vous êtes aperçu de sa
maladie.
Sujet : Donc mon père est
diagnostiqué depuis 2002, c'est je pense son médecin de famille
qui l'a adressé au service mémoire, donc parce qu'il avait des
troubles de la mémoire. Au début c'était assez
léger bien sur, j'ai pas tout de suite comprit de quoi il était
question quand il m'en a parlé parce qu'il allait bien à ce
moment là, que c'était pas dans mes préoccupations. Et
puis c'est au fur et à mesure des mois et des années aussi, que
je trouvais qu'il était pas bien et à un moment donné, je
le trouvai assez déprimé. J'ai voulu appeler son médecin
de famille, pour lui demander qu'est ce qu'il en pensait, s'il ne faisait pas
une dépression. Et donc il m'a annoncé, comme ça au
téléphone, c'était une personne que je ne connaissais pas,
en plus, le médecin de famille, que de nom, mais je ne l'avais jamais
rencontré, et il m'a dit « ah bon, vous pensez que votre
père fait une dépression suite à son
Alzheimer ? ». Alors je lui ai demandé, mais attendez,
vous me dites quoi, vous êtes entrain de me dire qu'il a la maladie
d'Alzheimer ? Il me dit, ah bien oui. Ben vous n'y allez pas doucement
quand vous annoncez les choses, puisque je ne savais pas du tout, parce que je
n'avais pas réalisé comme ça. Là il a
réalisé que il avait été un brusque dans sa
façon...Il s'est excusé, il m'a dit « ah bon, je
pensais que vous le saviez. Comment ça se fait que vous ne le saviez
pas ? ». Donc après on a parlé un peu plus
longuement de la maladie, et il s'en ait suivi que je l'ai rencontré, et
depuis c'est vrai que les relations se sont améliorées, bien
sûr, elles ne sont pas restées sur ce registre là, je pense
que c'était un erreur, due, au téléphone, qui est un outil
un peu tordue, hein, et aussi à la maladresse, parce que c'est un
généraliste, qui a du boulot, qui ne se rendait pas rendu compte
sur le moment. Bon, maintenant, c'est l'interlocuteur privilégié
sur le village, je me réfère à lui sur le village
dès qu'il y a un problème, c'est vraiment un partenaire. Mais
c'est vrai que l'annonce en elle-même, elle a été, et
d'ailleurs il m'en reparle presque à chaque fois qu'il me voit en disant
« vous étiez pas au courant, je suis
désolée »... mais c'était un peu tard.
Oui, oui... après, je reconnais que j'avais
sûrement occulté des éléments que j'avais devant moi
et que je n'avais pas rassemblé, parce que ce n'est pas possible
à ce moment là. J'étais quand même pas
complètement innocente, je savais ce que c'était la maladie
d'Alzheimer donc c'est sur que... je préférais imaginer que
c'était pas ça.
I : Donc ensuite
vous êtes devenue l'aidante principale autour de votre papa, comment
ça s'est passé ?
S : La situation de famille est
un peu compliquée, parce que mes parents sont divorcés depuis
très longtemps. Mon père a été remarié, il a
été veuf il y a une vingtaine d'années, donc ensuite il a
vécu un petit seul mais pas très longtemps. Puis il s'est remit
plus ou moins en ménage avec une compagne, avec qui il vivait à
ce moment là, et jusqu'à il n'y a pas très longtemps. Sauf
qu'il n'était ni marié, ni pacsé, ni rien du tout, que les
relations avec cette compagne ont toujours été difficile quand
même entre la famille et elle. Mais bon, tant que lui, c'était sa
vie, il faisait ce qu'il voulait, voilà... on avait convenu qu'on se
voyait nous... on était pas obligé de reconstituer une famille.
On pouvait très bien se voir, qu'il voit ses petits enfants.
Voilà, c'était le lien entre lui et nous, ou les autres
personnes. Mais petit à petit, avec l'évolution de la maladie,
quand j'ai commencé à l'accompagner ici parce que sa compagne ne
voulait pas y aller. Elle me disait du genre « oh il a rendez vous
demain, moi je veux pas y aller, faut que vous y alliez ». Bon, moi
je disais oui. Je me suis rendue compte qu'il y avait des données
importantes à prendre en compte, de protection, de lui, de ses biens.
Parce que, comme on m'a dit ici dans le service, tôt ou tard, il aura
besoin, s'il a un peu d'argent, il en aura besoin. Donc, ba j'y
réfléchissais, dans tous les sens, comment faire, et comme je
suis fille unique, de tout façon bon, il a d'autres personnes dans son
entourage, mais ce sont pas des liens directs, ce sont soit des enfants de sa
femme qui est décédée, mais qui ne sont pas ses enfants
à lui. Enfin, bref, des frères et soeurs à lui mais qui
sont âgés. Donc de toute façon, j'avais beau le tourner
dans tous les sens, ça me retombait dessus. Je suis sa seule fille,
c'était à moi à prendre les choses en main et à
personnes d'autres. Donc dans le même temps j'ai pris contact avec son
médecin, je me suis intéressée à comment il vivait
de plus près, je trouvai que c'était pas très
satisfaisant, il était très isolé, sa compagne, ça
me parait pas gentille de dire ça, sa compagne l'isolait beaucoup, je
pense qu'y a eu son rôle à jouer dans le déclenchement de
la maladie, c'est à dire qu'à un moment donné, elle, elle
a commencé à s'occuper au quotidien, tous les jours, de ses
parents. Elle a des parents très âgés, et devenir
l'aidant principal de ses parents, et du coup elle le laissait seul. Et je
pense qu'à partir de là il s'est beaucoup ennuyé et bon,
ça a du jouer dans le fait que il est tombé malade. Donc, je
n'étais pas satisfaite de ses conditions de vie, il y a avait aucune
prise en charge, à part la visite ici tous les 6 mois, c'était
tout. Voilà, donc j'ai tourné dans tous les sens. Et puis il y a
à peu près 1 an et demi, j'ai fait le demande de mise sous
tutelle et à partir de là ben ça s'est un peu plus
enclenché, parce que moi ça m'a aidé.
I : C'est quelqu'un
d'extérieur qui...
S : Non, non, c'est moi qui suis
tutrice. Mais cette démarche, de faire cette démarche,
d'écrire au juge pour demander, etc., et qu'il me l'accorde, aussi,
ça a fait aucun problèmes, mais je pense que ça m'a
beaucoup aidé, dans le sens où cela m'a légitimé,
c'est bizarre de dire ça parce que je suis sa seule fille, mais il
n'empêche que je me suis sentie plus légitime (larmes
aux yeux), et j'ai pu tout simplement ouvrir les armoires,
regarder les papiers, des choses que je n'avais jamais fait avant et que je
n'osais pas faire.
Aussi, ça simplifiait pas, même qu'elle, elle
disait qu'elle ne voulait plus s'occuper de rien, parce qu'elle n'y arrivait
plus, c'était trop lourd pour elle. N'empêche que moi j'avais du
mal à franchir le pas. Donc cette démarche juridique m'a aussi
aidé à prendre confiance, et à me dire, ben oui, c'est
à toi de l e faire mais il faut aussi que tu t'en donnes les moyens, et
que ces moyens, quelqu'un d'extérieur, enfin le juge il te
reconnaît capable, donc quelque part tu dois l'être. Silence. Donc
après, à partir de là, dès que j'ai
enclenché ça, j'ai pu faire la demande d'APA, faire intervenir
une orthophoniste, enclencher des choses. Maintenant, depuis 1an et demi
à peu près, il a une aide ménagère, au début
c'était que quelques heures par jour, là maintenant il est au
maximum, il a trois heures par jour. Il a de l'orthophonie deux fois par
semaine, et un kiné aussi deux fois par semaine. Bon, et on cherche tout
ce qui pourrait être aidant, les exercices qu'on peut faire avec lui, la
kiné travaille avec les aides ménagères. Et malgré
ça les conditions de vie avec sa compagne ont continué à
se dégrader parce que c'était bizarre. En fait elle voulait pas
faire des choses, elle disait qu'elle pouvait plus, mais quand je le faisais
ça n'allait pas non plus. C'était toujours conflictuel,
c'était assez compliqué. Quand je lui disais mais qu'est ce que
vous voulez faire, vous voulez partir, elle me disait, « non, moi je
ne peux pas choisir ». Enfin, bon, jusqu'à que ça
atteigne des sommets de conflits. Donc à un moment donné je me
suis rendue compte que même les conditions de vie de mon père
n'étaient pas satisfaisantes, parc que elle était à bout,
elle se mettait en colère, elle criait à des moments, et lui
disait « elle crie, ça me fait peur ». Enfin bon,
là je me, suis dit, en tant que tutrice tu dois aussi t'assurer que ses
conditions de vie sont correctes, là c'est pas le cas. Donc je lui ai
demandé de partir. Je lui ai dit, « à partir de
maintenant c'est moi qui m'occupe de lui, je vous demande de partir, moi je
vais venir habiter ici, voilà... vous pourrez le voir quand vous voulez
bien sûr, mais plus au quotidien ». Donc c'était un peu
dur pour elle sur le moment mais je pense qu'elle est soulagée quand
même, parce qu'elle a retrouvé un autre place en fait, une place
affective en fait. Et donc c'est quand même mieux, mais du coup c'est moi
qui gère tout quoi. Donc ça c'est un peu plus compliqué.
Oui, parce que quand même quand elle y était, bon j'y pensais mais
je me faisais moins de souci. Là, il faut que je coordonne, donc j'ai
pris une garde de nuit, pendant 3 jours par semaine. Et les autres 4 nuits
c'est moi qui y vais, ou mon mari, ou tous les deux, à tour de
rôle. Pour le moment c'est comme ça.
I : Donc vous avez
reçu l'annonce du diagnostic, comment vous avez perçu la
qualité de cette annonce ?
S : Très maladroite,
très maladroite. Bon, je pense que ce n'était pas intentionnel,
qu'il pensait... connaissant mieux la personne, c'est pas quelqu'un ni je m'en
foutiste, ni... c'est pas du tout ça. C'était mal à droit,
il n'a pas réalisé que j'étais pas au courant. Bon, je
sais qu'il a beaucoup d'autres malades d'Alzheimer, puisque c'est en milieu
rural, et qu'il en a pas mal. Il ne s'est pas douté une minute que
j'étais pas vraiment au courant. Mais c'est vrai que sur le moment
c'était vraiment assommant, je ne m'attendais pas du tout à
ça. Je ne l'appelais pas du tout. Je lui ai même dit sur le moment
« ben dîtes donc, vous, vous y allez pas mollo quand vous
annoncez les trucs. Si c'est comme ça que vous faites pour annoncer aux
gens qu'ils ont une grave maladie, vous devez avoir quelques retours
saignants ».
I : D'accord...et
donc par rapport à votre papa, est ce que vous pensez que l'annonce lui
a été faite ? Comment vous avez perçu sa
réaction ?
S : Je ne sais pas. Pendant
longtemps, donc, quand il venait ici, il n'avait pas bien enregistré,
ça avait pas l'air de le concerner. Il entendait parler de cette
maladie, mais c'était pas lui, c'était, on s'est pas qui...
silence... Il a aussi d'autres pathologies, il est un peu diabétique, il
a des troubles du sommeil, avec des apnées du sommeil, il a aussi une
petite dégénérescence sanguine, alors tout ça,
ça se mélangeait un peu. En plus, le suivi médicale
était pas du tout coordonné, bon, bien que ce soit son
généraliste qui l'envoyé, mais, sa compagne aussi, faisait
beaucoup pour que ca reste très cloisonné. Par exemple, je me
suis retrouvée dès fois à aller en consultation pour le
sommeil avec lui, voir un neurologue. Et dire au neurologue, « vous
savez, c'est difficile la machine pour le sommeil, la c'est du, bon, à
sa maladie d'Alzheimer ». Et que le neurologue me dise
« Alzheimer, mais qu'est ce que c'est que ça ? Ah
bon... ». Mais je me disais, je rêve là
(s'énerve), je suis à l'hôpital
à R., chez un neurologue, et il sait pas qu'il a Alzheimer, mais on
est... c'est complètement surréaliste. Parce Qu'en fait tout
était très cloisonné. Ca c'est vraiment, quand
même... je trouve ça incroyable... Et puis je suis quand
même très étonnée que les généralistes
ne fassent pas une lettre d'accompagnement, en récapitulant la
pathologie de la personne, parce qu'il peut s'en suivre des erreurs, hein,
complètement incroyable. J'ai aussi vu dès fois mon père,
arriver, pareil, dans une autre consultation, pour son histoire de sang,
sanguine, avec sa compagne qui l'avait amené, donc moi je faisais juste
l'accompagner, je savais pas trop où... il arrive, il avait à la
main la lettre, une lettre d'accompagnement, et il donnait sa lettre à
tout le monde, à l'un à l'autre, à la secrétaire,
à l'infirmière. Au bout d'un moment je lui dis « c'est
quoi ta lettre », je regarde, et dessus y avait marqué en
toutes lettres, patient présentant une démence sénile,
mais c'est quand même affreux quoi (pleure)
silence... Ca donne des trucs, mais vraiment incroyable, que les gens soient...
mais où est la place de la personne...
Il était pas capable à ce moment là,
déjà il était pas capable. Mais moi je trouve que pour le
trimbale...bon, je sais pas, c'est parfois des concours de circonstances, mais
il n'empêche que c'est pas très bien. Je trouve qu'il y a un
manque de prise en charge et globale de la personne. Ca c'est vraiment un truc
qui me tient à coeur.
Donc lui qu'est ce qu'il en comprend, je ne sais pas. Depuis
quelques temps on en parle plus, plus ouvertement. A un moment donné moi
j'ai voulu casser ce tableau donc j'en ai parlé... autour, aux voisins,
aux amis, à la famille... en disant le mot. Parce que pendant longtemps
on disait pas trop. « Il dort, il est fatigué ».
Bon, à un moment donné j'ai arrêté, j'ai dis bon, on
dit ce qu'il a. C'est qu'il a la maladie d'Alzheimer, ça évolue
comme ça, vous avez tous des oreilles, vous entendez, on en parle
à la télé, on en parle partout, faut parler, faut appeler
un chat un chat. Ca a un peu aidé je crois, et depuis, lui, dès
fois, il dit « mais c'est ça que j'ai moi ?» Alors
je lui dis ben « oui, oui c'est cette maladie que tu as. Oui,
oui ». Surtout au moment où il dit « mais regardes
comment je deviens, on peut pas faire quelque chose pour moi, quand même
y a bien quelque chose, on doit pouvoir me soigner ». Dés
fois, pas à chaque fois, on élude un peu, en disant
« ben oui tout le monde vieillit », mais dés fois on
dit « ben oui c'est cette maladie, c'est la maladie d'Alzheimer,
c'est comme ça, ben y a des gens qui ont d'autres maladies, ben toi tu
as celle là. C'est vrai, c'est pas drôle, c'est la faute à
personne ». Mais je ne pense pas qu'il réalise. Après
il a jamais demandé « mais c'est quoi, qu'est ce que c'est,
comment ça évolue ? ». Il ne demande pas, on
n'insiste pas non plus.
I : Je vais vous
demander d'expliquer un peu vos réactions justes après l'annonce
en fait. Comment ça s'est passé, comment vous avez
réagit ?
S : Non, je n'étais pas
très soulagé parce que je d'abord je ne pensais pas que
c'était ça... parce que ça... je vous dis, j'aurai pu y
penser avant... ça faisait un moment que je me disais non ça doit
pas être ça. Heu, et j'étais un peu assommée, de la
façon dont ça a été présenté,
connaissant un peu quand même la maladie et l'évolution, je me
suis dis « ben d'accord, quoi, là on est bien barré, on
va bien s'amuser dans les années qui viennent ».
Oui, c'est un peu obligé quand même, même
s'il y a des traitements, c'est pour freiner, mais c'est seulement freiner.
Mais c'est surtout ce que ça implique... (Silence)
(Hésitation dans la voix). De la relation quoi...
ça c'est vraiment difficile... parce que la mémoire c'est
vraiment l'intégrité de la personne (voix
chevrotante)... (Silence... pleure)
On va arrêter là. Merci beaucoup.
Entretien 3. Fils de Mme. C
27/02/2008
Interviewer: Tout d'abord
merci beaucoup d'avoir bien voulu participer à cette recherche. Cet
entretien respectera votre anonymat, il ne sera utilisé que dans le
cadre de mon mémoire. Cela me permettra de le retranscrire le plus
fidèlement possible, bien entendu à la fin de sa retranscription
je détruirais la bande.
Je vais vous proposer davantage des thèmes que des
questions.
D'abord, je vais vous demander de resituer l'histoire de votre
mère, de la manière dont vous vous êtes aperçu de sa
maladie.
Sujet : Vous voulez
que je vous dise ce que je vous ai dis tout à l'heure en
arrivant ?
I : Oui, voilà, comment
s'est déclenchée la maladie, comment vous vous en êtes
aperçu ?
Sujet : Bon, déjà
elle vivait seule, bon ben, donc j'ai eu une alerte par la banque qui m'a dit
qu'elle faisait des retraits d'espèces très importants, alors
qu'elle n'en faisait pas avant. Heu, je vais tout vous dire... j'avais une
nièce indélicate qui prenait le liquide tous les jours... et bon,
ma fille s'est rendue compte que ma mère dépensait beaucoup.
Voilà, donc le banquier m'a alerté parce qu'il y avait des
découverts alors qu'il n'y en avait jamais eu. Donc à partir de
là j'ai surveillé les comptes et je me suis rendu compte qu'elle
ne gérait pas de manière normale ses comptes. A partir de
là on a décidé de lui faire faire un test de
mémoire, donc on a pris rendez-vous avec le Pr V. qui a, à la
suite d'examen, diagnostiquer la maladie d'Alzheimer. Voilà comment
ça s'est passé.
I : D'accord. Vous êtes
donc devenu aidant de votre maman. Comment vous êtes devenu l'aidant
principal ?
S : J'ai trois soeurs, donc une
beaucoup plus âgée que moi qui est à la retraite, donc j'ai
proposé de faire une garde alternée à 4, bon ce qui m'a
été refusé, donc heu... on a tenu un conseil de famille
qui s'est plus ou moins bien passé parce que bon, des
intérêts financiers en jeu, des gens qui voulaient, bon... et bon
j'ai refusé donc j'ai fait nommé un curateur, j'ai fait mettre ma
mère sous curatelle, et j'ai décidé que je la gardai avec
une aide ménagère, à l'époque je travaillé,
donc je prenais une ménagère 6h/jour, et je la gardai la nuit.
Maintenant je suis retraité, je la garde toujours la nuit et j'ai
toujours une aide ménagère qui vient 8h/jour, voilà...
Je ne l'ai pas accueilli chez moi, puisqu'à
l'époque, et c'est ce qui a un peu créé le
différent, je n'ai pas voulu qu'on la change d'endroit, pour ne pas lui
perdre ses repères. Parce que moi je vivais en appartement, elle avait
ses repères dans la maison, et bon, tous les souvenirs... donc j'ai pas
voulu la changer brutalement, donc c'est ce qui a créé un petit
peu le différent.
I : D'accord. Est ce que vous
pouvez expliquer un petit peu comment vous avez perçu la qualité
de l'annonce ?
S : Donc, à la suite des
examens, V. nous a dit qu'elle était atteinte d'une maladie d'Alzheimer,
qu'elle était perdu dans le temps et dans l'espace, et que donc, qu'il y
aurait une évolution de la maladie, qu'il fallait la mettre
immédiatement sous Aricept, par contre là il n'a pas
expliqué le rôle des médicaments, bon je l'ai
découvert après, et le fonctionnement de la maladie il ne nous
l'a pas expliqué, la destruction des synapses, tout ça, il l'a
pas expliqué. Il a dit que c'était une
dégénérescence cérébrale.
I : Il vous a
parlé un petit peu de l'avenir, de comment vous envisagiez la
suite ?
S : Oui, il a... il a
évoqué, il a évoqué le fait qu'il y aurait une
dépendance qui augmenterait avec le temps.
I : D'accord...donc, au moment de
l'annonce, votre maman était présente. Comment vous avez
l'impression qu'elle ait réagit au moment où on lui a
annoncé ?
S : Sur le moment, bon, y a le
fait qu'elle est mal entendant, sur le moment je pense qu'elle pas mal entendu,
qu'elle a pas trop trop compris, donc je pense qu'il n'y pas eu de
réaction. Et, après, elle a pas cherché à se
documenter, elle a accepté la maladie, elle n'a rien dit.
I : Et vous en avez
parlé avec elle après l'annonce ?
S : Dès fois, elle me le
dit, enfin maintenant rarement mais il y a ¾ ans, elle me demandait ce
qu'était la maladie d'Alzheimer, je lui expliquais, elle l'acceptait.
Parce que bon, c'est difficile à lui faire comprendre,
il y aussi le fait que la maladie agit, on a beau expliquer, c'est difficile de
voir la perception qu'elle ne a.
I : Comment vous avez
réagit après l'annonce ? Est ce qu'il y a eu un changement,
comment avez vous vécu l'annonce ?
S : Quand on m'a dit, bon, je
m'étais déjà rendu compte que je ne pouvais pas trop trop
la laisser seule, donc bon, au niveau de moi, moi ca ma posé des
problèmes d'organisation professionnelle, j'avais un travail qui me
prenait pas mal de temps, donc bon ça ma posé de problèmes
de gestion du temps, et puis aussi bon, ca m'a préoccupait, ce qui est
tout à fait normal. Mais bon, on est arrivé à trouver des
solutions, mais ca a pris du temps. Ca angoisse un peu, c'est vrai que
ça angoisse, vous savez pas où vous allez... donc ça
angoisse. (Silence)
I : Bon, et bien
merci beaucoup d'avoir répondu à ces questions.
Entretien 4 Epouse de M. D
24/04/2008
Interviewer: Tout d'abord
merci beaucoup d'avoir bien voulu participer à cette recherche. Cet
entretien respectera votre anonymat, il ne sera utilisé que dans le
cadre de mon mémoire. Cela me permettra de le retranscrire le plus
fidèlement possible, bien entendu à la fin de sa retranscription
je détruirais la bande.
Je vais vous proposer davantage des thèmes que des
questions.
D'abord, je vais vous demander de resituer l'histoire de votre
époux, de la manière dont vous vous êtes aperçu de
sa maladie.
Sujet : Je me suis
aperçue, bon, qu'il oubliait des choses, et dans ma tête moi je me
disais que c'était normal, parce que vu son âge, voilà.
Mais une fois on m'a dit de l'accompagner à Purpan et on m'a dit vous
savez votre mari, mon mari était avec moi aussi, on nous a dit vous
savez votre mari il fait un début d'Alzheimer. Et, bon, j'ai dit un
début bon, et puis après ils m'ont pris à part et ils
m'ont dit ça sera surement un Alzheimer violent, ils m'ont posé
des questions, comme ça, et puis on m'a dit ça. Alors là
ça m'a un peu plus inquiété, et j'avais jamais entendu
dire ça et après à la télévision j'ai vu
des reportages sur la MA, je me suis plus intéressée à ca,
des livres, et des copines qui ont aussi leur maladie , leur mari, j'ai
posé des questions et ils m'ont dit, oui il ya plusieurs sortes de, de
MA, et puis il y a aussi, alors ça me fait un peu peur, il a
déjà été violent, il m'a déjà
frappé. Là pour l'instant ça va, heu, ça s'est
passé ça. Parce que je l'ai dit à sa fille ça,
qu'il m'avait frappé. Bon, et puis ça va mieux, et puis mes
enfants aussi, parce que c'est un remariage, hein ? Oui, oui, avec lui
j'ai pas eu d'enfants, moi j'ai eu 4 enfants, avec lui j'ai pas eu, mais lui il
a une fille, qui est très gentille. Alors j'ai raconté, et elle a
téléphoné au ..., la fille de mon mari a
téléphoné au Dr F., pour avoir des explications. Parce
qu'elle a fait un voyage avec lui, et elle s'est beaucoup rendu compte, ils
sont allé au canada ensemble, lui il voulait faire un voyage avec sa
fille, et pis il sait que moi des grands voyages c'est finit. Alors j'ai dis
oui va avec Babé, et ils sont partis, et là elle s'est
aperçu, mais sorti de son contexte elle dit, mais il est
complètement perdu, qu'elle m'a dit ? Et tu sais, elle en revenait
pas, mais c'est ce voyage qui a du le fatigué, l'avion ou quoi, parce
que moi à la maison c'était pas si grave que ça. Ca
ça m'a éclairé encore plus que quand on m'a dit à
l'hôpital MA, heu. C'est son docteur, ca fait 4 ans qu'il est suivi,
c'est son Docteur traitant, el Dr R. à R., il lui a proposé de
faire, il a fait 4 ans avec Tanacan, alors sil venait de temps en temps faire
des tests ici, et puis en 2007 on m'a dit Mme P vous accompagnez votre mari, la
prochaine fois. Alors je suis venue et c'est là qu'on m'a dit vous savez
il se passe ça, un début d'Alzheimer. Oui, voilà... et ils
ont arrêté Tanacan, et ils ont mis un autre médicament,
Exelon à 1,5, et ça s'est bien passé. Mais je trouve pas
trop de changements, au contraire, je voyais de temps en temps une bêtise
mais pas, comment je vais dire, par exemple, il me sortait une pile de linge de
son placard, il pose sur le lit, mais c'est quoi ça, ça sert
à quoi ? Et c'&tait sa pile de pyjama. Alors quelque fois, il
fait.... Et lui il a beaucoup de difficultés, ça je m'en suis
aperçue dans ses papiers il cherche il cherche, parce qu'il se
mélange beaucoup les papiers. Mais il veut le faire, il ne veut pas que
j'intervienne, et, parce qu'il a beaucoup de caractère, de
tempérament, il veut arriver de lui-même, il cherche, il cherche,
il s'épuise, ça l'excite. Et, ça le fatigue et ça
l'énerve, on en est là. Et bon, après, sa fille elle en
parlé au Dr F. quand on a su, et elle a du lui raconter ce qui
c'était passé pendant le voyage, et là c'était,
d'après ma belle fille, c'était très important, hein, elle
m'a dit « on était pas à paris, et c'était pas
un vilain trou, vraiment, il avait prit l'avion au canada, ils étaient
arrivés à Paris, et puis il a dit on et pas arrivé, il
faut téléphoner à Geneviève, c'est moi, sa femme,
heu, et elle dit mais si on est à paris, on est plus au canada, lui il
disait qu'on était pas parti du canada. Là oui tout le trajet il
s'était tout perdu pendant le trajet. Donc c'est là qu'on voit
qu'il se perd aussi pendant les trajets. Alors il me dit je vais à
Toulouse, je dis non tu ne dois plus prendre la voiture pour aller à
Toulouse, bon maintenant ça va à R. on a le métro, il
prend un peu le métro, mais à R. il prend encore la voiture. Et
quand il va chez un copain à Toulouse parce qu'il n'a pas le
métro tout prêt, il prend la voiture. Ca m'inquiète, parce
que du mois de novembre au mois de décembre, il a eu en un mois trois
accidents de voiture à R. Il se cogne les voitures, à droite,
à gauche, on fait deux fois le parallélisme de la voiture
tellement il se cogne, et une fois il est tombé au fo... au
fossé. Mais là ce jour là c'est excusable parce qu'il y
avait du brouillard, quand même ce soir là, moi j'étais pas
avec lui, j'avais ma voiture et lui il était... parce que j'ai peur
d'aller avec lui, c'est peut être pas bien de... et quand il ne veut pas
que je conduise, je ne pars pas avec lui. C'était à R. Et
ça les docteurs lui ont dit de ne plus conduire, mais il fait encore, si
c'est à R. Mais tout ça, ça m'inquiété quand
même, quand, voilà. Et là il prévoit un voyage et
ça m'inquiété. J'aimerai bien, que quelqu'un le prenne en
charge pour ce voyage, et, moi je ne peux pas l'empêcher de faire ce
voyage, c'est d'aller en Italie, y a des heures de bus, je sais qu'il va
être fatigué, parce que quand il travaille ses paperasses deux
heures, il devient tout excité, fatigué. Et, je, quand ont sort
avec le club une journée, il est très fatigué, dans le bus
il ne supporte pas le bruit, ou quand on va avec le club, le loto, il dit
« oh il faut que je sorte, j'ai la tête comme ça, j'ai
la grosse tête, il faut que je sorte ». Moi je me demande
comment il va faire cette semaine en voyage. Beaucoup d'heures de bus et
beaucoup de bruit. Il va être... bon, là ça
m'inquiète. Et je peux pas l'empêcher, parce qu'il me dit tu veux
m'enterrer, heu, tu veux, tu veux plus que je fasse rien, alors lui il a envie
de le faire. Alors bon... il faudrait que je trouve quelqu'un qu'il faut qu'il
le prenne en charge, mais ça c'est autre chose. Voilà...
I : Maintenant j'ai
une question, par rapport à l'annonce, comment vous avez perçu la
qualité de l'annonce ?
S : Ben, quand ils m'ont dit
votre mari heu, a un début d'Alzheimer, ça m'a pas très
très surpris, parce que je pensais que son père avait
déjà eu ce problème, alors j'avais déjà vu
son père, et avec mon mari, comme ils m'ont dit que c'était un
début d'Alzheimer, j'ai dis, bon un début, on va le soigner, il a
84 ans, ça peut être normal, c'est son âge, il oublie des
choses, et tt ça. J'ai pas trouvé très grave. Non, non.
Comme ils m'ont dit que c'était qu'un début, et je vois bien
quand même, que ce n'est qu'un début, qu'un début. Heu,
j'ai seulement peur quand il est excité et fatigué. Alors le DR.
F. il lui a ordonné Ceresta, et je pense que ça lui fait du
bien.
I : Par rapport
à l'annonce, votre mari était présent. Comment vous avez
l'impression qu'il a réagi à l'annonce ?
S : Il a eu une réaction,
il faut dire positive, parce que il a dit, heu, je veux absolument que vous me
soignez, je veux me défendre de ça, je veux continuer. Et il
essaye vraiment de continuer ses activités, il veut vraiment. Et ca
là qu'il peine. Il dit « et ils vont me guérir, il
faut ». Oui, il est très volontaire, hein, d'abord il a
toujours été, il est très courageux, hein, il a beaucoup
travaillé dans sa vie, il est très volontaire oui, et très
exigent. Et quand il veut quelque chose, surtout maintenant, c'est de plus en
plus tout de suite, et si, heu, hier pour les vêtements pour venir, il me
dit qu'est ce que je mets ? Je lui dis tu mets ça, il me sort non
je mettrais ça. Tu me demandes pourquoi ? Tu veux mettre ça,
et moi tu me demandes, moi je te dis non mais ça parce que celui
là tu l'as déjà porté, il est pas bien propre. Ca
se passe toujours des conflits, comme ça. Alors je dis moi je t'ai mis
cette pile, tu mets ça demain si tu veux, si tu veux pas, et
après moi je m'en vais. Oui oui, fous moi le camp dans ta chambre. Il
faut, parce que après ça irait trop loin. Parce qu'ici les
médecins ils m'ont avertis aussi, attention, partez, il faut le laisser.
Parce que s'il a un geste violent, heu, tout de suite, bon, s'il me voit pas
ça va, je pars hein. Et je reviens c'est fini. On dirait bientôt
qu'il a oublié ce qu'il a fait. Parce qu'il ne va pas s'excuser,
plusieurs fois déjà il m'a jeté son fauteuil roulant, je
ne sais pas si je vais le... il jette les choses quand il n'y arrive pas. Il
arrive pas à sortir son médicament, la gélule, il
écrase, l'excitation c'est jsais pas. Ah, une fois on était sur
la rocade, et à ça c'était il ya plus d'un an, il y a
presque deux ans. Et, mon frère était venu passer une semaine,
alors mon frère et sa femme était derrière, c'est moi qui
conduisait, mon mari était à côté, parce qu'il y a
déjà un moment que, il m'a fait peur de conduire, parce que heu,
avec moi il a déjà passé trois feu rouge, il y a
déjà quelques années, hein, deux trois ans. Et, les
piétons « ils font exprès, ils vont trop
doucement ». Il les rase. Alors moi ça me fait peur, je ne
conduis pas comme ça moi. Et pis je, mais qu'est ce qu'il fout celui
là, il ne supporte pas, il va doubler, il ne supporte pas, il faut qu'il
passe, il faut qu'il y aille. Et quand on était sur la rocade avec mon
frère, il a dit on va aller voir l'aérospatial. Mon frère
il l'avait déjà vu, et puis il était tard, on était
allé à Auch sur la tombe de maman, on avait fait des km. J'ai dit
non non on rentre. Et ben il était assis, ah il était assis
derrière avec ma belle soeur, assis derrière il s'est
levé, il a pris le volant sur la rocade, pour me faire ça. Non,
il était assis à coté de moi, il a pris le volant comme
ça, et mon frère derrière s'est levé il a
rattrapé le volant. Il lui a dit mais tu es complémentent fou, tu
ne te rends pas compte qu'on est sur la rocade à 90, mais tu risques
vraiment l'accident. Parce qu'il voulait vraiment que je sorte de la rocade
pour aller à droite pour aller à l'aérospatial. Mais
qu'est ce que je t'ai dis, alors moi je ne veux plus sortir en voiture avec
lui, je, voilà...
I : Comment
avez-vous réagit, au moment de l'annonce ? Le fait qu'on vous dise
c'est une maladie d'Alzheimer, qu'est ce que ça a fait chez vous,
comment vous avez pris les choses ?
S : Non, sur le moment, non,
parce qu'ils m'ont dit...est ce que dans ma tête je ? Non, est ce
que dans ma tête je ? Non, je voyais pas, je voyais pas, je ne
peux pas dire...je peux pas dire, je n'ai pas vu tout de suite. Non, non, je ne
me suis pas rendu compte tout de suite, et c'est après que je m'y suis
intéressée. J'ai deux copines qui ont leur mari qui sot comme
ça, avec la MA, qu'on en discute. Et après j'ai une autre copine
à la gym qui m'a dit j'ai eu ma soeur qui est
décédée, elle me dit c'est pas grave ce qu'il fait M. Non,
non, ce n'est pas encore beaucoup, alors ça m'inquiète pas trop
quand même, et la suite on verra, parce que maintenant que je m'y suis
intéressée je vois bien que c'est quand même une maladie
qu'on arrive pas à guérir, et pis qui évolue, mais je
pense vraiment qu'avec déjà les médicaments qu'ils
apportent, ça apporte déjà un bien, ça ralentis,
ça maintiens je crois. Alors je ne suis pas trop trop inquiète,
je ne veux pas trop savoir. Je pense pas qu'on ira jusque là, je me dis
que je suis tellement fatiguée que je partirai avant lui et après
je me dis que si lui il est tout seul, qui est ce qui s'occupera de lui ?
Voilà, que je pense comme ça. Parce que sa fille est bien
gentille, mais elle n'aura pas le temps, elle a eu assez d'épreuves.
Dans le temps elle m'avait dit de toute façon je ne m'occuperai pas de
lui, parce qu'ils étaient en bizbiz, beaucoup. Maintenait ça va
mieux, ils se rapprochent un peu. Parce que elle a beaucoup souffert, elle a
une fille autiste et elle a perdu son mari, depuis qu'elle a perdu son mari,
mon mari a rapproché sa fille, parce que avec le beau fils ça
n'allait pas trop. Et puis je sais que quand il a annoncé qu'il se
remariait, elle a pas apprécié, elle voulait pas qu'il se
remarie. Elle voulait bien qu'il ait quelqu'un mais pas un remariage. Bon, et
maintenant on s'apprécie beaucoup mieux. C'est elle qui avait
coupé les...pendant elle n'a pas parlé à son père,
quand elle a su qu'on... deux ans, après lui il était froid et
dur avec elle, maintenant, bon, elle a assez souffert, chacun sa vie hein, elle
a toute sa vie un enfant autiste. Elle a peut être 29ans peut être
G. maintenant, et pis perdre son mari, heu, sur un terrain de sport,
anévrisme comme on dit. Il est tombé, carrément sur...
bon, voilà silence... et moi, bon ben, c'est tout, j'attends, on fera
pour le mieux. Les médecins ils s'en occupent beaucoup, j'ai
déjà cette chance, parce qu'ils ne sont pas tous suivis comme mon
mari est suivi, c'est Mme R. qui l'a envoyé, et à faire des tests
avec Tanacan, et maintenant il est ici, on est suivi, et je pense que, et lui
aussi mon mari, fermement, il, il dit aussi ils vont me soigner, et moi je veux
aussi, voilà, on en est là.
I : Merci beaucoup
d'avoir répondu à mes questions.
Entretien 5 Fille de Mme E
27/02/2008
Interviewer: Tout d'abord
merci beaucoup d'avoir bien voulu participer à cette recherche. Cet
entretien respectera votre anonymat, il ne sera utilisé que dans le
cadre de mon mémoire. Cela me permettra de le retranscrire le plus
fidèlement possible, bien entendu à la fin de sa retranscription
je détruirais la bande.
Je vais vous proposer davantage des thèmes que des
questions.
D'abord, je vais vous demander de resituer l'histoire de votre
mère, de la manière dont vous vous êtes aperçu de sa
maladie.
Sujet : Et ben oui, je passai que
les weekends, et, enfin, c'est moi qui m'en suis rendue compte parce que j'y
étais 24h/24h. Et c'est au bout de plusieurs weekend que je me suis
rendue compte qu'elle répétait toujours la même chose, et
petit à petit, elle était désorienté, elle ne
faisait plus à manger, ou elle ne faisait que des bêtises. Ca
c'est sur qu'elle nous a bien... et après je me suis, j'ai
décidé, je connaissais le centre, donc j'ai décidé
de, de prendre rendez-vous ici.
Vous êtes devenue l'aidant principal de votre maman.
Moi je suis pour la maladie, et mon frère est au
quotidien, étant donné qu'il a une maison accolé à
elle, mais elle vit seule.
Voilà, voilà, et là il y avait encore mon
père, qui, c'est vrai, heu, la remettait souvent sur le droit... quand
elle disait une bêtise, il l'a contraint...enfin, il l'a remettait sur le
doit chemin. Donc quand en 2005 on a perdu papa, il est
décédé, alors là, ça a été la
chute libre, parce que l'un avait la tête, l'autre les jambes, Ils se
complétaient complètement. Bon, ça on nous l'avait dit
que... et depuis, bon, c'est de la déprime, bon, elle a toujours
été déprimée, toute sa vie, ça se retrouve
aussi je pense aussi, elle a toujours pris, je pense c'était du Transen.
Plus ou moins elle a toujours été dépressive, enfin bon
elle était pas... enfin, elle faisait à manger, le weekend quand
on y allait on avait notre repas. Là, depuis quatre ans, ça fait
quatre ans, c'est finit. Voilà...et là elle en est au stade de ne
plus reconnaître ses petits enfants, et nous avec ma soeur elle nous
confond.
I : Donc comment
avez-vous perçu la qualité de l'annonce de la maladie de votre
maman ?
S : On m'a dit, bon,
voilà, la maladie d'Alzheimer, comme on connaissait plus ou moins, je
suis venue ici, heu, comme je dis, ça nous fait du bien à nous.
On lui a donné l'Aricept, qui, enfin bon, qui a pas trop, enfin... on
n'a pas trouvé que ça... enfin c'est un médicament, mais
ça a pas trop arrêté la maladie, enfin l'évolution,
mais après contre après, comme on a dit tous les 6 mois, c'est
sur que pour nous on voit l'évolution, ça fait du bien, enfin
ça nous fait du bien, oui, on est... Parce que bon, ces maladies
là, les gens de l'extérieur, viennent la voir une heure, vous
dise que ça va très bien, que c'est nous qui avons la maladie
d'Alzheimer, à la limite. Moi, au début, tout le monde,
c'était moi qui était folle...même mon frère, ne
voulait pas, comme il ne faisait que l'aller et que des allers et retour,
alors quand je lui disais des trucs, il me... enfin, tout juste c'était
pas nous qui étions complètement... et maintenant encore, quand
j'annonce à la famille qu'on va la mettre dans une maison de retraite,
on va la placer, on me dit, enfin, c'est dur, enfin je trouve que les gens ne
sont pas trop sensibilisés, ils le savent, mais il faut y vivre,
voilà, il faut y vivre au quotidien pour être vraiment, pour se
rendre compte que... de la maladie. Parce que là elle tremble, ce
qu'elle ne faisait pas, bon, après, dépressive, on dit que c'est
la dépression, on le met là-dessus, mais enfin, peut être
qu'elle a autre chose, on s'était dit... c'est pour ça
qu'aujourd'hui j'aimerai bien voir le médecin pour lui en parler, pour
lui en parler, si elle a quelque chose... il ne faudrait pas passer à
côté de quelque chose... voilà, parce que là elle se
renferme, parce que ici on avait dit qu'l y avait d'autres traitements, donc,
on lui a redonné, le traitement le plus fort, j ne sais plus comment il
s'appel. Donc on m'a parlé des traitements, et si je voulais rentrer
dans un protocole aussi, mais là j'ai pas pu, parce que bon,
déjà, elle est dans les Hautes Pyrénées, ça
me fait une heure, une heure et demi de route, c'était tous les 8jours,
et puis moi je n'ai pas le droit à quoi que ce soit, donc,
c'était, donc j'ai di que non, et elle pour la perturber encore plus,
c'était trop loin, il y avait trop de distance, et tout. Il fallait
venir trop souvent. Ca on m'en a parlé aussi, heu, et le traitement, et
on m'a dit l'évolution, et après bon, on en parle assez de la
maladie d'Alzheimer. Y a 20 ans c'était la découverte, maintenant
c'est heu, par contre ce qu'il y a, c'est que elle, elle ne fugue pas. Ca c'est
le gros... elle a passé des moments agressive, là elle en est
moins, mais elle a des comportements différents avec les personnes. Elle
a des comportements différents avec moi, avec ma soeur, et ou ma belle
soeur, c'est incroyable. Et à la limite, y a des moments on se dit elle
joue la comédie, c'est surtout ça aussi, parce que, comme des
fois, on se dit elle serait bien au théâtre, nan nan, mais enfin,
ya pleins de choses (rire), c'est dur à cibler heu, parce que un jour,
je viens la voir, je m'en vais, quoi, ¼ d'heure, 20minutes chez mon
frère, elle me dit ah bon t'es là. D'ailleurs maintenant on lui
dit même plus qu'on vient, elle a une perte de mémoire
très...pff elle oublie très très vite. Très
très vite. Hier soir, je lui ai dit qu'elle venait ce matin, et puis ce
matin elle s'en rappelait plus. Donc, heu, c'est comme ça. Mais bon,
autrement ici, on m'a apprit des choses, je ne veux pas dire que, mais bon,
vraiment me l'annoncer, non, je le savais, enfin je le savais, je m'en doutais.
Des conseils on m'en a donné, mais maintenant, au pied, là,
personne ne... parce que au début on m'avait dit oui, si vous, si vous
voyez que ça va pas parce que on est dans les hautes
Pyrénées, on a aucune structure. Donc, et puis, formidable, il y
a trois semaines... il n'y a pas de moyen séjour, y a pas de placements,
on les a sur les bras, on a fait des demandes, mais on ne sait pas quand... ca
va aboutir. Là, on est un peu, voilà...Et encore, on s'y est
prit, c'est au mois de juin qu'on a fait les demandes. Parce qu'on le voyait
venir, on s'est dit l'hiver ça va être très dur, et puis,
on connait quand même les personnes. Quand vous la retrouvez à 7H
du soir dans le noir, qu'elle a passé toute la journée dans le
noir, elle allume même pas la télé...c'est bon... elle se
laisse mourir, inconsciemment, elle se laisse mourir. Donc bon...
I : Et comment
avez-vous perçu sa réaction lors de l'annonce de la
maladie ?
S : Et bien je pense qu'elle s'en
ait douté elle, y a des fois encore où elle dit pff, je deviens
folle. Elle est pas complètement encore... hors... et elle avait des
cousins qui l'ont eu, ses quatre cousins germains sont morts de ça.
C'est pour ça que... pour moi il y a une hérédité,
enfin, et heu, elle l'a dit, elle l'a annoncé à tout le monde,
elle a parlé, enfin pas maintenant, mais elle a parlé qu'elle a
la maladie d'Alzheimer. On en parlait, on en parlait, mon père l'a moins
accepté qu'elle, pour lui c'était, enfin, ça a
été un peu tabou. Je pense parce que lui il subissait, alors
qu'elle elle ne s'en rendait pas compte, quand toute la matinée, elle
vous disait « il va faire beau aujourd'hui » et deux
secondes après « il va faire beau
aujourd'hui ». Enfin, c'est vrai à force on pète les
plombs, moi, moi en premier, même que ça soit ma mère, y a
des fois, j'ai envie de... c'est bon, hein... et si on lui en a parlé,
elle sait qu'on vient, enfin n là peut être moins, elle savait
qu'elle venait pour ça. Qu'elle était suivie pour la maladie
d'Alzheimer.
Et bon elle l'a prit, on y est pas après dans la
tête des gens, hein, ça on peut pas, hein, parce que bon comme on
le dit, comme ils jouent un peu, on ne sait pas trop comment ils
réagissent, qu'est ce qu'il pense, qu'est ce qu'il a ... je sais
qu'à un moment donné elle se mettait en colère parce
qu'elle oubliait tout, là maintenant, elle ne s'habille plus seule.
Enfin, elle s'habille pour tous les jours, un pied de l'autre, enfin bon, c'est
la campagne, qu'est ce que vous voulez faire, mais quand elle part quelque
part, il faut qu'on l'habille tout. C'est vrai que c'est un poids.
I : Comment vous,
personnellement, vous avez réagit à l'annonce de la
maladie ?
S : Au début ça a
été, j'ai foncé, j'ai, ouai, et puis plus le temps passe
et plus je lâche un peu, je, quand je vois, déjà, comment
on est entendu, ça, ça me met hors de moi, et, après, bon,
je suis entrain de lâcher un peu prise pour être... moi, maintenant
ça va être dur de la placer, mais au jour d'aujourd'hui, c'est le
placement, parce que elle aura à manger, à boire, qu'on
s'occupera d'elle, et, heu, après elle dira des conneries toute la
journée, mais c'est pas grave. Entre eux, enfin, je veux dire
après là, on ira la voir que pour le bon moment. Parce que
là, quand je la vois, au début non, au début ça a
été, ça passé, Parce qu'elle était moins
atteinte, ça passe toujours au début. Après, quand vous
les voyais petit à petit, heu, c'est vrai que... là j'ai
passé des périodes d'agressivité, et elle aussi avec moi.
Je pense que c'est mère/fille ça, le contact.... Mais bon, c'est
comme ça, c'est dur, après je me dis t'es bête, bon, je me
raisonne, je me dis il faut que tu, mais bon, c'est comme ça,
voilà...
I : Merci
beaucoup.
Entretien 6. Fille de Mme
I.
28/03/2008
Interviewer: Tout d'abord
merci beaucoup d'avoir bien voulu participer à cette recherche. Cet
entretien respectera votre anonymat, il ne sera utilisé que dans le
cadre de mon mémoire. Cela me permettra de le retranscrire le plus
fidèlement possible, bien entendu à la fin de sa retranscription
je détruirais la bande.
Je vais vous proposer davantage des thèmes que des
questions.
D'abord, je vais vous demander de resituer l'histoire de votre
mère, de la manière dont vous vous êtes aperçu de sa
maladie.
Sujet : Heu, ben depuis plusieurs
années, ben maman a 89ans, hein, donc heu, j'ai perdu mon père
ya une vingtaine d'année, maman est venue habiter près de chez
nous, et depuis 7/8 ans on avait la sensation qu'elle oubliait des choses, mais
enfin comme c'était une dame vieillissant, on s'en est pas
inquiété plus que ça. Et, les dernières
années ça semblait être plus systématique, et c'est
elle un jour qui a dit a son généraliste heu mes filles disent
que j'oublie pleins de choses, et en fait c'est qu'elles oublient de me les
dire... donc heu le généraliste a qui on en avait
déjà un petit peu parlé a saisi la balle au bond et lui a
dit ben écoutez si vous voulez on va faire un bilan, comme ça
vous saurez vraiment où ça en est. Donc on a pris rendez vous
à ce moment là, heu, elle était pas très d'accord,
elle avait pas très envie, et, on a essayé de lui expliquer avec
ma soeur que si il y avait un problème peut être qu'il y avait de
nouveaux médicaments qui permettraient de reculer
l'échéance ou de perdre la mémoire moins rapidement, donc,
on a pas parlé de la maladie en tant que telle, mais de ses troubles de
mémoire. Voilà. Et donc c'est moi qui l'ai amenée ici et
la première chose qu'elle a vu « gériatrie »,
et elle m'a dit « tu m'emmènes chez les vieux, chez un
médecin pour les vieux » (rire). Alors j'ai plaisanté
en lui disant ben je vais pas t'amener en pédiatrie quand même
(sourire), bon, on, voilà...donc ça s'est passé comme
ça. Ensuite y a eu un scanner, etc., le diagnostic était fait et
le médecin qui nous a reçu a prononcé le mot de maladie
d'Alzheimer. Voilà, c'est comme ça qu'on l'a su.
I : Vous êtes
l'aidant principal de votre maman. Comment êtes vous devenue
aidante ?
S : Et bien maman habite juste
à côté de chez nous, elle habite toute seule, il est pas
question qu'elle aille en maison de retraite, ça c'est quelque chose
qu'elle nie complètement, qu'elle veut pas entendre. Pour l'instant
ça serait dommage en plus parce qu'elle est très bien chez elle,
elle se débrouille très très bien. Par contre on essaie de
mettre en place un certains nombre de choses autour d'elle, sur le plan des
moyens financiers elle peut se permettre, donc c'est quand même quelque
chose d'important, heu, donc ma soeur est su B. et vient
régulièrement, et moi et bien je suis là tout le temps,
c'est-à-dire je ne suis pas tous les jours chez elle, je, mais, j'ai un
oeil sur elle, j'ai la possibilité, je l'emmène faire ses
courses, enfin, bon, et on a quelqu'un qui vient une fois par semaine, on est
arrivé à introduire quelqu'un d'autre, parce que les
médecins nous ont dit que c'était important que ce ne soit pas
toujours nous qui soyons là. Donc on a une personne qui vient une fois
par semaine pendant deux heures, heu, pour l'aider à faire son
ménage, voilà, et aussi un peu une compagnie extérieure
parce qu'elle est assez solitaire, elle refuse assez les gens autour d'elle.
Voilà, donc ça c'est fait comme ça, disons que c'est la
logique des lieux qui ont fait que je suis là. En plus, nous avons deux
fils qui habitent tout près et heu avec lesquels elle s'entend
très très bien et heu les relations mère/fille sont pas
toujours évidentes, mais ça c'est pas du à l'âge
(rire), enfin que, bon, et par contre on fait passer beaucoup de choses par les
garçons. Notre fils aîné en particulier, bon, il est
éducateur spécialisé de formation, donc je pense que
ça doit l'aider quelque part (rire), il a des relations
extrêmement fines avec sa grand-mère, et y a pleins de choses qui
passent par les garçons, et puis par ma petite belle-fille qui est
très proche, qui a été élevée par sa
grand-mère, donc très proche des personnes âgées,
enfin y a tout un, tout un, enfin un, des liaisons qui se sont faites, heu, un
petit peu, elle est très entourée. Ca elle le reconnaît,
elle dit ,elle en parle beaucoup, elle dit qu'elle est très, tout le
monde s'occupe d'elle, presque trop, etc. Voilà, au niveau de la famille
je pense que les liens se sont faits, chacun a trouvé sa place, heu, et
elle sait bien à qui elle va s'adresser pour telle chose ou telle
chose.
I : D'accord.
Comment vous avez perçu la qualité de l'annonce ? Donc quand
on vous a annoncé le diagnostic, comment vous avez perçu
cela ?
S : Heu, je l'ai trouvé
très professionnel, heu, sur le plan humain sans plus, mais très
professionnel, heu, bon, il a pas pris de fioritures, un professionnel. Par
contre, au niveau du suivi après, je trouve que l'équipe qui suit
maman est vraiment très professionnelle, mais aussi très
psychologue, et heu, bon, y a jamais un mot plus haut que l'autre, y a
toujours un geste gentil, enfin, c'est très important. Je trouve qu'ils
prennent les personnes malades d'une façon, vraiment, c'est très
doux, c'est, c'est presque personnalisée alors qu'elles doivent en
voir toute la sainte journée. Mais on a la sensation que chaque
personne est un individu, et ça c'est important. Et quand on est
reçu, nous, en tant que famille, c'est pareil, on a vraiment
l'impression que l'on nous écoute, heu, et que l'on répond
à nos attentes, à nos inquiétudes, etc.
I : Votre maman
était présente au moment de l'annonce. Comment vous avez
l'impression qu'elle a réagit ?
S : Alors moi j'ai l'impression,
j'ai eu la sensation que, elle ne l'entendait pas, elle n'a pas entendu, enfin,
de l'extérieur elle n'a pas entendue le nom de la maladie. Heu, elle
heu, elle a, de toute façon elle l'a refuse, dans sa façon
d'être, dans sa vie de tous les jours, c'est un refus complet de la, elle
ne veut pas l'entendre, et voilà. Comme elle veut pas entendre, ou
qu'elle entend très bien (rire), physiquement parlant. Et, bon...
silence c'est vrai que de temps en temps on lui dit ben oui t'as un
problème, comme y en a d'autres qui ont un problème pour marcher,
ben toi tu as un problème d'audition, de, heu, d'audition (rire), le
pléonasme, tu as un problème de mémoire, et, c'est vrai
que j'arrive à le lui dire depuis pas très longtemps, et je suis
arrivée à introduire chez elle pleins de petits post-It que je
n'aurai pas pu faire il y a quelques temps, heu, parce qu'elle me les aurait
refusé en disant « mais de toute façon je m'en
souviens » etc., alors que maintenant c'est elle qui me dit
« marque le moi », donc a des petits post-It jaunes partout
dans la maison, heu, voilà, ça s'est arrivé depuis un an,
un an et demi, pas plus. Mais il a fallu, il a fallu y travailler. Donc je
pense que la maladie en tant que telle elle est consciente qu'il y a un
problème mais elle la refuse. Alors elle la refuse, il y a le bien et le
mal de ce refus. C'est-à-dire qu'elle se vat énormément,
elle se bat pour se souvenir, s'il y a quelque chose qu'elle a oublié
elle va le chercher jusqu'à ce qu'elle trouve, enfin, ça devient
presque obsessionnel, quand par exemple elle perdu le nom de quelqu'un elle va
rechercher jusqu'à ce qu'elle trouve le nom de la personne qu'elle a
oublié. Là elle est, on va avoir un petit enfant dans pas
longtemps, elle a décidée de se remettre au tricot, alors qu'elle
ne tricoté plus depuis des années, et en plus elle a prévu
de faire un petit pull avec des torsades, donc il faut compter à tous
les rands, etc, et on lui, avec ma soeur on lui a dit
« peut-être que tu pourrais chercher quelque chose de plus
simple », non c'était ça, donc elle est partie, et
alors depuis un mois et demi elle y passe un temps infini, elle défait,
elle refait, elle défait, mais elle y arrive, elle a fait un dos, un
devant avec les torsades, elle y arrive. Donc ça c'est le
côté positif de l'histoire, parce que ça l'aide à,
ça la booste un peu. Le côté négatif c'est que, on
se fait remballer de temps en temps (rire), quoi, elle se met en colère
sur des trucs, des petites choses, et bon. Elle s'en veut après, mais
bon, je la comprends en plus, c'est dur parce d'accepter une déficience
quelconque. Voilà, donc au moment où on l'a apprit la maladie, on
a eu la sensation, ma soeur a eu la même que moi parce qu'on en a
reparlé après, que elle avait pas voulu l'entendre. Oui elle
avait des problèmes de mémoire, point, mais c'était pas la
maladie d'Alzheimer .Oui, elle a dit, je me souviens moins maintenant mais
voilà c'est tout.
I : Par rapport
à vous. Comment vous avez réagit au moment de
l'annonce ?
S : On y pensait, on y pensait
depuis un moment, heu, et c'est vrai que comme tout diagnostic bien
établit c'est un peu dur à entendre. Et puis, alors je ne sais
pas si ma soeur l'a vécu comme moi, mais moi j'ai eu le flash de tout ce
qui allait suivre, de l'évolution de la maladie. Je...y a eu un moment
(larmes) diff...j'ai même du mal en parler, y a
eu un moment difficile. (Silence).
Arrêt de l'enregistrement
Le savoir a permis de poser les choses. Ca calme les choses
dans la mesure où on se dit heu comme nous a dit le
généraliste, elle a 89ans, elle va peut être mourir d'autre
chose que des suites de cette maladie, et elle vivra peut être pas les
moments difficiles de la maladie. voilà...On est très proche avec
ma soeur par rapport à la maladie de maman, tout en ayant chacune, heu,
une vision complètement différente, c'est-à-dire que, bon,
alors c'est pareil, je pense que notre formation professionnelle heu enfin, je
l'analyse comme ça, je sais pas (rire), moi je l'analyse comme
ça : ma soeur a une formation d'expert comptable, très
carrée, il faut que ça soit logique, et moi j'ai une formation
d'éducatrice spé, et je suis plus sensible aux côtés
psychologiques de l'histoire, et c'est vrai qu'inconsciemment on s'est
partagé les tâches, donc, elle s'occupe elle, en plus de tout ce
qui me casse les pieds, donc c'est-à-dire heu, paperasse, banque, tout
ce qui est, je dirai, très matériel, par contre elle gère
beaucoup plus difficilement et elle le dit, els sauts d'humeur que peut avoir
maman, quand il y quelque chose qui ne va pas, elle, elle a tendance à
déprimer, ma soeur a tendance à la secouer un peu, et, et elle
s'est rendu compte que moi j'arrivé à faire passer des choses que
elle, elle n'arrivait pas à faire passer. Pour vous donner un exemple
type, heu, il arrivé, alors ça date de deux ans à peu
près, un moment où elle ne se souvenait plus du numéro de
sa carte bleue, donc on allait faire les magasins, elle avait sa carte bleue,
son numéro à côté et elle tapait le numéro en
disant bien fort les numéros. Alors on a trouvé ça
très dangereux. On en a parlé ici avec les médecins qui
nous ont dit ben il faut lui enlever sa carte bleue. Je leur ai dit, ben oui,
c'est bien joli. Donc heu, ma soeur m'a dit moi je ne peux pas. Alors moi je
suis arrivée un moment un jour où on est allé faire nos
courses ensemble, elle a fait son numéro, la caissière m'a dit
c'est très dangereux ce qu'elle fait votre maman, tout fort devant
maman. Donc en sortant j'ai dis « tu vois y a pas que moi qui dit que
c'est dangereux ». J'ai essayé de lui faire un petit peu peur
en lui disant « quelqu'un qui est derrière toi qui a entendu
va essayer de te piquer ta carte, donc ça peut être une
agression ». Oui t'as raison, je te la donne. Donc elle m'a
donné sa carte bleue. Mais le soir à 9h du soir, la sonnette,
chez nous, et elle est arrivée comme une folle en disant des
insanités, et je lui ai rendue sa carte, elle avait plus son
numéro de toute façon (rire), parce que elle s'en souvenait pas.
Et, et elle l'a cassée devant moi, et elle a dit « tu t'en
serviras pas plus que moi je m'en sers ». Bon, ca m'a
bouleversé bien sûr. Par contre, elle a eu une réaction,
heu, à mon avis intéressante, c'est que le lendemain, elle a
convoqué son médecin, son généraliste, et elle m'a
dit « je veux que tu sois là ». Et elle a dit au
médecin ce qu'elle avait fait. Et alors le médecin l'a, l'a
disputé en lui disant qu'elle avait une bêtise, qu'elle l'avait
reconnu c'était bon, mais, heu, donc la présence du
médecin, elle ne pouvait pas me dire à moi que c'était pas
bien ce qu'elle avait fait et en même temps il fallait qu'elle me le dise
quelque part. Donc voilà, et on en a reparlé après toutes
les deux, et heu, bon, donc, je pense qu'il y a des choses qui se sont
créées, des liens qui se sont créés sur le plan
psychologique, heu, qui fonctionnent pour l'instant. Jusqu'à quand et
comment, heu voilà. Donc ca calme le jeu aussi, quand elle a ses moments
de déprime ou quand elle a des moments de colère, elle fait pas
des colères à tout casser, ou, enfin, d'après ce que
j'entends ça arrive, heu, j'arrive jusqu'à présent
à calmer le jeu, voilà, mais par contre ma soeur s'occupe de tout
ce qui est, par contre on se tient au courant l'une et l'autre de ce que l'on
fait, des... oui, oui, on communique. Mais on s'est partagé, c'est assez
drôle parce qu'on s'est partagé les tâches comme ça
sans se le dire, heu, ça a été naturel, disons. Et puis il
y a surtout le gendre, alors là mon mari c'est vraiment la crème,
mamie, ma mère quand elle parle de son gendre, heu, donc je pense que
lui aussi est très médiateur, heu, par rapport à pleins de
choses, et puis aussi par rapport, par rapport à nos relations
mère/fille, quand moi je vais moins bien il est là.
(Pleure).
I : Merci beaucoup
d'avoir répondu à mes questions
Entretien 7. Epoux de Mme J.
02/04/2008
Interviewer: Tout d'abord
merci beaucoup d'avoir bien voulu participer à cette recherche. Cet
entretien respectera votre anonymat, il ne sera utilisé que dans le
cadre de mon mémoire. Cela me permettra de le retranscrire le plus
fidèlement possible, bien entendu à la fin de sa retranscription
je détruirais la bande.
Je vais vous proposer davantage des thèmes que des
questions.
D'abord, je vais vous demander de resituer l'histoire de votre
épouse, de la manière dont vous vous êtes aperçu de
sa maladie.
Sujet : Les troubles... c'est des
troubles de mémoire, qui semblaient être très important et
préoccupants, donc c'est elle qui a m'a alerté en me disant que,
elle avait ces difficultés là et donc nous avons recherché
si y avait un endroit ou on pouvait consulter. Alors je sais plus comment on a
trouvé celui-ci, mais enfin ça devait être assez facile
puisqu'on a prit rendez-vous tout de suite ici auprès du Dr O.
Heu... point de vue familiale je ne vois pas ce qui vous
intéresse là. Vous m'avez dit, histoire de ma famille...
Voilà c'est ça, je crois qu'il n'y a rien
d'autres à ajouter là.
I : Vous êtes
devenu l'aidant principal de votre femme, comment ça s'est
passé ?
S : Nous vivons seul tous les
deux. Naturellement, puisque, on est tous les deux donc... heu, nous
étions tous les deux avant, et, donc moi je suis devenu naturellement
l'aidant principal, le seul, l'unique. Non, nous avons deux enfants, qui sont
en région Parisienne.
(Silence)
I : On vous a
annoncé le diagnostic de la maladie de votre épouse. Comment
avez-vous perçu la qualité de cette annonce ?
Heu...bon, sur le fond, évidemment on est
catastrophé, mais sur la forme ça s'est passé de
façon tout à fait normal. Y a pas eu d'annonce, ça n'a pas
été. Je vous ai dis, on annoncé des lésions
irréversibles qui expliquaient que... alors y a eu peut être une
petite évolution en ce sens que comme on faisait pas des tests on ne
savait pas où elle en était. Donc les premiers tests se sont
révélés assez catastrophiques d'ailleurs, mais, y avait
aussi de l'émotion et tout ça. Et ces tests ont permis de
confirmer ce que l'IRM montrait.
(Silence)
I : Votre
épouse était présente au moment de l'annonce. Comment vous
avez l'impression qu'elle ait réagit ?
S : Bon, elle a pas, elle
a...comment dirais-je, elle a réagit de façon normale, comme
quelqu'un d'équilibré, raisonnable, qui se rend compte qu'il a
une maladie. Surtout qu'on nous dit, qu'on a dit qu'il y avait quand même
des traitements qui permettaient de limiter les dégâts en quelques
sortes. Bon, ben, elle a été consciente qu'y a des choses qu'elle
avait perdu, et qui, qu'ils ne se rétabliraient pas. Et elle a des
difficultés dans certains domaines, qui sont mises, qui sont mises en
évidence par les tests qu'on lui fait faire. Voilà... sur le plan
domestique, c'est le rangement par exemple. Le rangement, heu, ça elle
le fait pas bien. Mais après...
(Silence)
I : Comment vous
avez réagi à l'annonce ?
S : (Tousse). Alors moi je me
suis pas jeté contre les murs, heu, mais heu, j'ai été
vraiment catastrophé quoi, parce que je savais, enfin je, j'envisageai
l'avenir avec beaucoup d'appréhension quoi. Et, bon, depuis 5 ans,
ça ne... j'avais raison de me faire du souci
(rire), mais je me dis que ça pourrait
être bien pire. Donc, heu, voilà où j'en suis quoi.
J'ai été obligé de penser que je perdais,
disons, une certaine autonomie. Elle perdant son autonomie, moi je la perdais
aussi quoi, c'était... donc ça c'est... c'est vrai, c'est
réel, on a beau le tourner dans tous les sens, heu, je m'absente
rarement plus d'une journée. Et encore, on a des amis, des voisins, des
choses comme, des gens comme ça quoi. Bon, c'est pas que ça
s'avère catastrophique, mais ça pourrait l'être, ça
pourrait le devenir. Silence. Voilà, donc il faut quelqu'un pour
s'occuper d'elle. Mais elle est pas dépendante, bon, moi je m'occupe
d'elle pour la nourriture, pour des choses comme ça quoi, mais heu, elle
fait sa toilette, elle s'habille. Bon, parce que par contre elle va pas faire
des courses, donc c'est moi qui fais tout. Silence. Donc, voilà, vous
pouvez n déduire quel est mon niveau et heu, enfin mon niveau
d'occupation et mon comportement vis-à-vis de ça, ça a
changé complètement. Parce que avant c'était quelqu'un de
totalement différent.
(Silence)
I : Merci beaucoup
d'avoir répondu à mes questions.
Entretien 8 épouse de M. H
Le 08/04/2008
Interviewer: Tout d'abord
merci beaucoup d'avoir bien voulu participer à cette recherche. Cet
entretien respectera votre anonymat, il ne sera utilisé que dans le
cadre de mon mémoire. Cela me permettra de le retranscrire le plus
fidèlement possible, bien entendu à la fin de sa retranscription
je détruirais la bande.
Je vais vous proposer davantage des thèmes que des
questions.
D'abord, je vais vous demander de resituer l'histoire de
votre mari, de la manière dont vous vous êtes aperçu de sa
maladie.
Sujet : Et bien comme je vous
l'expliquais tout à l'heure, en fait je me suis rendue compte que mon
mari oubliait heu des données, heu, par exemple aller
récupérer quelque chose dans la maison et il avait tout autre
envie effectivement de, de faire autre chose en même temps. Donc ce que
je lui avais demandé passé aux oubliettes en fait. Donc je suis
arrivé à consulter le médecin et demandé à e
qu'une série de test soit faite, et c'est comme ça qu'on s'est
aperçu qu'effectivement que les tests étaient positifs à,
ce type de maladie quoi. Voilà...
I : Vous êtes
devenu l'aidant principal de votre époux. Comment cela s'est il
passé ?
S : Ben au début il a
refusé parce qu'il se disait qu'effectivement c'était pas
possible qu'il ait ce type de maladie parce que bon, pour lui c'était
vraisemblablement difficile de l'accepter et en fait, au fil des jours, il se
rendait compte, enfin il s'en voulait à lui-même, se disant qu'il
oubliait quelque chose, que c'était pas normal qu'il ait autant
d'oublis. C'est comme ça que lui-même aussi a prit sur lui et il
`a accepté, quelque part.
I : Au début
vous avez commencé à l'aider.
S : C'était quand
même un certain refus. Y avait du refus au départ. Par ce que bon,
il n'acceptait pas, et puis bon on ne connaissait pas la maladie, on n'en
parlait beaucoup moins qu'actuellement. Donc, pour lui c'était quelque
chose qui démarrait, une nouvelle maladie, heu, quelque chose d'inconnu
quoi.
I : Comment il a
réagit à l'annonce du diagnostic ?
S : Ben, comment dire... au
départ il a dit oui, il était d'accord d'ailleurs pour faire ce
type de test, et lorsque M. O. lui a annoncé ici, je veux dire qu'il l'a
plus ou moins bien accepté. Sachant que comme on dit toujours, les
maladies n'arrivent malheureusement qu'aux autres et pas à soi
même. C'est au fil des jours qu'il s'est rendu compte que,
malheureusement il était vraisemblablement atteint de, de ces
symptômes quoi.
I : Donc, par
rapport à l'annonce même, comment avez-vous perçu la
qualité de l'annonce par le médecin ?
S : Heu, ça c'est
très bien passé, parce qu'on a été mis en confiance
tout de suite, heu, on nous a expliqué qu'il y avait... qu'on allait
faire des séries d'examens, des traitements, enfin etc etc, qui allait
au moins stabiliser pendant un certain temps heu, la
dégénérescence des cellules quoi. Donc, heu, le traitement
a été bien accepté au départ. Au début il
oubliait parce que...et puis petit à petit on est passé de 4mg
à 8 et là on est actuellement à 16mg de traitement.
Plutôt que de prendre deux comprimés, parce qu'aussi, un matin un
soir, on avait tendance oublier, enfin il avait tendance à oublier
(rire), si je n'avais pas été là, je pense qu'il ne les
aurait pas pris. Mais après, maintenant il pense pour lui que c'est
un médicament dont il a besoin en permanence, donc ça veut dire
qu'il accepte quelque part... bon, ça se passe bien quoi. Voilà
voilà.
I : Quelles ont
été vos réactions à l'annonce ?
S : Disons que moi je m'y
attendais un peu, parce que c'est moi-même qui ai découvert qu'au
fil des jours il avait tendance à oublier de plus en plus. Donc, heu,
lors d'une consultation banale chez le médecin, avec qui nous sommes
quand même relativement liés parce que nous nous connaissons
depuis plus de 30 ans. Toujours pareil, je lui demandai si on pouvait faire des
tests, et lui-même nous l'a proposé donc nous avons pu faire ces
tests ici et nous avons vu le Dr O. qui a confirmé la maladie et
là il l'a bien accepté. Ben moi, c'est toujours un moment
délicat et difficile, pour quelqu'un de la famille, notamment un proche.
Mais en fait je me suis rendue compte que nous étions dans de bonnes
mains heu, quand au diagnostic et à la prise en charge de la maladie au
fil de jours, quoi, puisque on sait très qu'il y a plusieurs
équipes européennes et voir mondiales qui travaillent dessus. Ce
qui permettra vraisemblablement au bout de quelques années de trouver
heu, peut être pas un médicament miracle mais quelque chose qui
stabilisera ou qui détruira peut être ce, ce système, de,
comment on va dire, de neurones paralysés, enfin, moi je l'attribue
à ça, parce que je, je n'ai pas fait d'études
là-dessus, ne sachant pas heu, ou est ce que pouvais amener les
recherches actuelles quoi.
I : Merci beaucoup
d'avoir répondu à mes questions.
S : C'est moi qui vous
remercie.
Entretien 9 époux de Mme I
10/04/2008
Interviewer: Tout d'abord
merci beaucoup d'avoir bien voulu participer à cette recherche. Cet
entretien respectera votre anonymat, il ne sera utilisé que dans le
cadre de mon mémoire. Cela me permettra de le retranscrire le plus
fidèlement possible, bien entendu à la fin de sa retranscription
je détruirais la bande.
Je vais vous proposer davantage des thèmes que des
questions.
D'abord, je vais vous demander de resituer l'histoire de votre
épouse, de la manière dont vous vous êtes aperçu de
sa maladie.
Sujet : Bien... la
première fois que je suis venue ? Ben c'était ça, des
pertes de mémoire. Mais c'était elle qui le disait hein
« oh je me rappel plus ». Et, et comme sa soeur elle avait
eu à peu près les mêmes symptômes, et sa soeur, qui
était quand même, 20 ans, près de 20 ans d'écart, et
qui l'a élevé en plus. Et ça a commencé comme
ça. Je suis venu, j'ai demandé un... je suis venu consulter le Dr
A., je ne sais pas si vous l'avez connu. Et ça a commencé comme
ça. C'est lui au dit qui a dit bon on va faire des tests, des tests de
mémoire, des tests, on fait des scintigraphies, enfin...et, ça a
commencé comme ça. Et pendant, je suis venu à peu
près tous les 6 mois, quoi, deux fois par an, bon ben, je lui disais bon
ben les symptômes que j'avais remarqué, mais apparemment ça
ne s'aggravait pas hein quand même. Et, presque brutalement, il y a deux
ans...silence...là ça a été...silence...brutal,
net, plus envie de faire quoique ce soit, le, la cuisine elle ne voulait plus
le faire, les courses non, ça...je suis revenu de chez le Dr O.
après....ou est ce que le Dr. A n'a pas voulu noircir le tableau, je
sais pas...et quand le Dr O. a pris la succession du Dr. A, c'est-à-dire
y a deux ans, je crois, les symptômes ont été beaucoup plus
flagrants quoi...je me suis dis bon, y a de l'agressivité de sa part, y
avait des problèmes de vie commune quotidienne quoi...et puis bon, on
est, apparemment ça ne s'aggrave pas. Mais depuis le début de
l'année elle a eu deux malaises, alors est ce que c'est les
médicaments qui...le Riminil...parce que la dose a été
augmenté. Disons que ça fait la troisième ou
quatrième fois que je viens. Et, silence, ça s'est aggravé
quand même. Là maintenant les courses, je n'arrive plus à
l'amener faire des courses hein. Ca l'agasse, la cuisine elle ne veut pas que
je la fasse, je ne suis d'ailleurs pas très doué hein, mais
enfin, j'ai été mal habitué peut être
(sourire). Et là effectivement, mais il faut
que je lui dise, bon ben on va faire de, des pommes de terre, des pâtes,
je suis allé chercher la viande. Mais elle ne va plus faire de courses,
si ce n'est quelques légumes, quelques fois, parce que y a un marchand
de légumes à 500m de la maison, quoi, et elle y va, toute seule,
et par contre ce qu'il y a c'est qu'elle fait de la marche deux fois par
semaine. Et, le mardi et le jeudi, mais elle le fait quand même
accompagnée d'une ancienne collègue qui...on avait essayé
avec nos enfants d'avoir quelqu'un qui vienne à domicile, qui l'a, qui
l'accompagne quoi, avec une association. Alors là elle a
été furieuse, elle l'a accepté, j'avais pris toutes les
dispositions, et rien à faire. Ca alors, elle l'a pas accepté, et
elle l'a renvoyé violemment, et méchamment hein. Alors j'ai dis
écoutez. Alors depuis, bon, ben, elle est seule, avec moi-même.
I : Vous êtes
l'aidant principal de votre épouse. Ca s'est fait comment ?
S : Au fur à mesure
quoi...oui, bon ben, elle s'occupe quand même, bon en le linge, le
repassage, tout ça elle le fait comme elle le faisait avant, mais elle
n'a pas les mêmes occupations. Alors, et puis la télé, rien
à faire, la lecture heu, je lui emmène des bouquins, elle
commence mais elle ne finit pas un livre, parce qu'elle dit ben oui mais je
m'en rappel plus quand j'ai arrêté de lire. Elle voit pas
l'intérêt quoi. Un film, bon, si effectivement elle
s'intéresse elle arrive à suivre, mais voyez les marches qu'elle
fait. Elle essaye de prendre des notes, pour se rappeler d'où elle a
été. Si elle n'a pas pris de notes, elle ne se rappel pas
d'où elle a été. Je crois qu'elle en souffre beaucoup de
ça, de là où elle a été. Bon, quelque fois
elle a pas le temps de prendre des notes, bon je lui dis c'est pas grave, peu
importe, tant que t'es pas toute seule. Et là je l'ai dis, je sais pas
si c'est pas les médicaments, on fêtait notre anniversaire de
mariage, au restaurant, le 24 février, elle a eu un malaise, elle a
rendu, il a fallu qu'on...bon, y avait les enfants. On a terminé le
repas, dans l'embarras. Et l'autre jour, elle était parti faire de la
marche, elle a pris le métro, je l'ai amené avec sa copine au
métro, elle descendait à Jaurès, et...silence...en
changeant de ligne, elle a eu un malaise et les pompiers m'ont appelé et
m'ont dit elle a eu un malaise et elle a perdu connaissance. Mais une fois
qu'elle a, que le mauvais moment était passé, elle a
retrouvé ses esprits, elle ne se souvenait pas de ce qui s'était
passé, ni comment...elle est rentré et depuis je suis toujours
inquiet de savoir qu'est ce qui...à chaque fois que je vais quelque
part...heu, elle me pousse d'ailleurs, elle ne veut pas que je reste à
la maison entrain de la regarder, et heu, alors je fais parti d'un, je joue au
bridge. Mais le bridge quand j'y vais, ça dure 4h quoi, alors je suis
toujours inquiet, j'ai toujours le portable sur moi, mais, pff...bon...mais la
vie quotidienne n'est pas facile. Les enfants ils s'en inquiètent. J'ai
un fils qui est à B., sa fille, qui est à N., elle est venue le
weekend dernier, bon, elle l'a amené faire des courses, elle
était contente, elle était heureuse. Mais, ce qui a, c'est que
toute seule, elle est trop dépendante maintenant. Et puis je suis des
fois souffre-douleur, d'ailleurs, parce que elle sent quand même que je
ne fais pas ce que je voudrais faire, alors elle se culpabilise, heu, je lui
dis qu'est ce que ça peut bien faire, je vais pas au bridge, j'y vais
pas. Non non, ben non, si t'es pas bien, quand même... si si, je vais
aller voir la voisine...on a une voisine qui a 85ans, qui bouge pas beaucoup
alors elle va la voir. Enfin, c'est pas l'idéal, mais bon, faut faire
avec. Qu'est ce que vous voulez...
I : J'ai une
question par rapport à l'annonce. Comment avez-vous perçu la
qualité de l'annonce ?
S : Ben, ça m'a pas
frappé, parce que je savais. Oui, oui, il m'a dit bon c'est, mais il m'a
pas vraiment dit ce que je devais m'attendre... l'évolution de la
maladie, est ce que ? Bon, y a des malaises, je l'ai vu, je me suis
méfié quand même sur la notice du médicament quoi,
il l'indiquait. Alors est ce que c'est la conséquence du
médicament ? Je l'ai dis au Dr L. tout à l'heure, elle m'a
dit il faut peut être réduire la dose. Mais non, je n'ai pas
été frappé, donc, heu, bon, maladie d'Alzheimer...mais
enfin je ne connais pas les différents degrés,
l'évolution, hein, de savoir bon, est ce que ? Quand on va voir
qu'elle perd connaissance, bon ben c'est une évolution que...difficile.
Disons que je n'avais pas subodoré si on peut dire, parce que ça
m'a frappé, vous savez quand on vous téléphone...heu...
enfin bon
I : Par rapport
à votre épouse, le médecin ne lui a pas dit qu'elle
était atteinte de la maladie d'Alzheimer, mais vous dites qu'elle le
sait. Comment vous avez l'impression qu'elle réagit à
cela ?
S : Ah, elle sait qu'elle l'a, la
maladie d'Alzheimer, non non. Et puis tout est...mais on n'en parle pas, elle
non plus. C'est pas la peine d'aller aggraver une situation où...on a
aucun moyen...je ne connais pas l'évolution. D'ailleurs il faut que je
leur pose la question, l'évolution à laquelle je dois m'attendre.
Mais elle, elle ne sait pas bien entendu, je crois pas...ces relations, bien
qu'elle est pas gênée, en compagnie, elle discute normalement,
elle ne donne pas l'impression de...sauf quelques fois si effectivement si y a
des, comment dirais-je, des cabrioles qu'elle fait, dans ses raisonnements, qui
peuvent donner à supposer que ça marche pas droit quoi. Et bon,
on faisait beaucoup de voyages avant, et bon, je ne peux plus m'engager
à passer 15j à en Indonésie ou ailleurs...alors bon, on
n'y va pas, alors qu'on faisait des voyages régulièrement chaque
année quoi. Mais on s'en passe, de beaucoup de choses...les enfants sont
charmants, mais ils bossent, ils ne peuvent pas. Ils me reprochent de ne pas
les informer suffisamment, mais je leur dit « mais vous vous
enquiquinez, mais qu'est ce que vous pouvez faire ? Vous êtes
à N. à B. je vais pas vous faire venir pour heu... »
mais enfin c'est...elle en souffre, mais elle ne parle pas de ses
souffrances...quand même...mais, elle sait que bon, je dois en souffrir
aussi, mais on n'en parle pas...chacun reste sur des positions qui sont...tout
à fait, disons humaines. Chacun réagit avec son
tempérament, bon, ben quelques fois des périodes d'agacement.
Elle réagit avec son tempérament et elle me dit « oh
oui, excuse moi ». Elle le sent, et moi aussi. On se passe des
excuses les plus plates, sans convaincre ni l'un ni l'autre quoi.
I : Une question par
rapport à vous. Lors de l'annonce de la maladie, même si vous vous
en doutiez déjà, comment vous avez réagit ?
S : Non, ça m'a
pas...j'étais persuadé. Ce qui est clair c'est que j'ai
loupé l'occasion de dire quelle est l'évolution à laquelle
je dois m'attendre ? Mais est ce qu'ils le savent ? Je n'en, j'en
suis pas sur. C'était pas du tout une surprise, non non non, j'ai pas
été frappé ni choqué. Dès le départ
j'en étais persuadé, qu'elle avait les signes. Mais bon les
médecins on est obligé de les croire quand même. Quand le
Dr A. me disait « mais non, mais non, mais ça peut
évoluer ». Bon, son médecin traitant pareil.
Voilà... silence. On vit avec eux, mais c'est pas toujours
évident... je lui dis, ça elle veut rien entendre pour le moment.
Parce que j'avais demandé l'APA, alors on a eu la visite de l'assistance
sociale. Mais alors elle est réticente, ah ouai. On a donné les
certificats correspondants, j'avais transmis à la sécu, et puis,
ça, ça a mis en branle tout le système d'aide social. Mais
elle refuse, elle ne veut rien savoir. Pour l'aider, on a essayé...mais
sa fille a dit « ca te soulagera toi ». « Mais
j'ai pas besoin, j'ai besoin de personne, je me suffit à
moi-même ». Et depuis on est resté sur cette base
là. Moi pour l'instant je vis au jour le jour, je ne fais pas de
pronostic sur le, ni des plans sur la comète. Mais l'évolution je
voudrais bien savoir, mais est ce qu'ils le savent ? ca dépends des
éléments, des malades... les évolutions sont sans doute
pas mathématiquement calculées à l'avance... on
attend...pour l'instant, si ça ne s'aggravait pas, si ça restait
comme ça, je demande pas plus hein. Bon, elle vit, elle vite
normalement, bon, elle s'ennuie. Bon, la nuit elle fait des cauchemars, bon,
ça aussi ça m'inquiète un peu aussi. Enfin...
I : Merci d'avoir
répondu à mes questions.
Entretien 10 Fille de Mme K
14/04/2008
Interviewer: Tout d'abord
merci beaucoup d'avoir bien voulu participer à cette recherche. Cet
entretien respectera votre anonymat, il ne sera utilisé que dans le
cadre de mon mémoire. Cela me permettra de le retranscrire le plus
fidèlement possible, bien entendu à la fin de sa retranscription
je détruirais la bande.
Je vais vous proposer davantage des thèmes que des
questions.
D'abord, je vais vous demander de resituer l'histoire de
votre époux, de la manière dont vous vous êtes
aperçu de sa maladie.
Sujet : Oui, donc c'est le
médecin traitant qui, parce qu'elle avait des comportements u peu
bizarre, donc, heu, il me l'a signalé et il a prit rendez-vous avec le
Dr O. Voilà, on a lancé le protocole avec u traitement sur
plusieurs semaines, bon et puis voilà. On en est là, ça a
quand même ralentis le processus, après un examen clinique,
scanner, tout était mis de côté pour penser que
c'était la maladie d'Alzheimer, bien sûr. Voilà. Au
début je pensais juste à sa dépression après la
mort de papa, mais mon mari avait trouvé des choses bizarres dans le
comportement de maman. Le médecin, qui est le médecin de famille
que je connais bien, est venu chez moi me l'annoncé, j'étais avec
mo mari. Voilà.
I : Vous êtes
devenue l'aidant principal de votre maman. Comment cela s'est
passé ?
S : Ca s'est passé que moi
j'étais revenue au village, donc heu, forcément, mais bon, maman
elle habite à la campagne, quoi, elle était loin de tout, moi
j'avais un bébé, donc j'ai pas pu y aller tous les jours tous les
jours quand elle m'appelait, par ce qu'elle m'appelait 50 fois dans la
journée, et en fait, au bout d'un an, j'ai pris la décision de la
placer dans un foyer logement, une structure qui n'est pas
médicalisée, elle a son studio, et puis je l'ai à
côté, je l'ai à 30m de chez moi. Donc là elle a
accepté assez facilement, lui répétant tous les jours que
j'allais la placer. Ca s'est fait petit à petit. En fait, moi je me
voyais pas la laisser, faire 5 km, enfin elle avait perdu ses repères,
elle...elle était dans une grande maison, elle ne pouvait pas vivre
seule comme ça. C'est vrai que cette structure moi ça m'a
apaisé, et elle aussi, parce qu'elle se sentait chez elle, elle prend
les repas au restaurant, enfin à la salle de restaurant, enfin je veux
dire elle est, quand je venais, la bichonner. Elle a pas de, de penser à
laver son linge, c'est moi qui gère ça. Enfin toute la logistique
elle a pas besoin de s'en occuper, du moins elle avait plus envie de s'en
occuper du reste puisqu'elle ne se faisait plus à manger depuis un
moment. Voilà.
I : Donc, au moment
où le médecin vous a parlé de la maladie, votre maman
n'était pas là. Si vous en avez parlé avec elle
après, pouvez-vous m'expliquer comment vous avez l'impression qu'elle
ait réagit ?
S : Ben oui, en fait, il a prit
rendez-vous avec le neurologue, et puis heu, moi j'en ai parlé à
maman, en lui expliquant qu'elle avait des troubles de la mémoire, et
qu'il fallait absolument déterminer ce que c'était, qu'il fallait
faire des examens, un scanner, pour voir, pour éliminer tout ce qui
était médical, tumeur... Oui, elle l'a bien accepté, au
début elle a était un peu étonnée mais bon. Alors
le neurologue n'a pas voulu que j'en parle à maman. En fait moi je lui
en avais parlé, mais comme elle oubliait, je veux dire, on a pas... il
voulait pas que je lui en parle, parce qu'il l'a trouvait bien dans ses, dans
ses baskets, elle était heureuse de vivre, elle était
passé au dessus de tous ses problèmes déprimés tout
ça, elle était bien. Donc il m'a dit on n'en parle pas, on n'en
parle pas...heu, on fait des examens, on dit qu'il y a des troubles de la
mémoire, heu, mais maman elle ne savait pas trop ce que c'était
parce qu'en fait elle était à la campagne, donc elle, à
part la télé, elle lisait un peu moins, parce que bon, elle
était moins, bon, avec cette pathologie, mais aussi je m'étais
pas trop aperçu et bon, c'est vrai qu'elle lisait moins, presque plus,
donc elle savait, elle était plus trop au courant...la maladie et tout
ça...donc heu. Donc ça s'est fait normalement, après on a
fait les protocoles et puis...mais elle me pose pas des questions. Ce matin j'y
suis allée, je lui ai dit je vais venir te chercher pour faire ta
visite, elle avait oublié. A 12h30 on est parti elle avait
oublié, elle est habituée à venir, ça fait 9 ans
qu'elle vient. Non, elle pose pas de question...au début ça l'a
trapiné un petit peu et puis maintenant non.
I : Par rapport
à l'annonce, donc quand le médecin généraliste vous
en a parlé, comment vous avez perçu la qualité de cette
annonce ?
S : Alors, il a été
super, il a été, il a dit ça... y avait mon mari
d'ailleurs. Mais c'est moi qui étais effondrée quand
même...après... (Silence)...
(Pleure). Excusez-moi...
Arrêt de l'enregistrement
S : Alors le médecin il me
dit ne t'en fais pas, on va prendre rendez-vous avec le neurologue, et puis, on
va faire le point d'abord. Mettre en évidence, enfin d'abord enlever
les, tout ce qui est médical, faire un scanner, qu'il n'y ait pas une
tumeur...après on verra. Donc voilà, ça s'est fait
très rapidement puisqu'il m'a pris rendez-vous et puis voilà.
I : Au moment de
l'annonce et après l'annonce, quelles ont été vos
réactions ?
S : Ben ouai, après j'ai
dis qu'est ce qu'elle va...qu'est ce qui se passe ? Je me suis posé
pleins de questions, et puis mon mari aussi d'ailleurs, on s'est posé
pleins de questions. Comment on va faire, elle peut plus vivre dans cette
maison ? Et puis mon mari m'a dit tu sais, si c'est ça, il faut
absolument que tu la places, elle pourra plus rester chez elle, etc...Mais moi
j'ai dis mais non, je ne placerai pas maman, de toute façon, heu, pour
moi, c'était le grand pas à faire. Mais il m'a dit mais si tu
verras, tu seras obligé, parce qu'elle va se mettre en danger, il va
falloir surveiller la gazinière pour qu'elle n'éteigne pas,
enfin, elle sera en danger, tu verras...enfin lui il est très objectif,
très terre à terre. Moi non, je suis un peu sur un nuage, et puis
bon là, les semaines après ont montré qu'il avait raison,
qu'elle ne pouvait plus rester seule, et qu'elle a commencé à
tomber et puis je l'ai trouvé avec des bleus, des yeux comme
ça...et puis là c'est vrai que, là j'ai pris ma
décision. Je suis allée voir le directeur, j'ai dit voilà,
j'ai maman qui a un début d'Alzheimer, je lui ai rien caché,
voilà, j'aimerai que vous me mettiez une option sur un studio. C'est
vrai que ce que m'avait dit mon mari s'est avéré, enfin dans les
semaines qui ont suivi... les examens, bon, c'est sur qu'on a fait les examens
assez rapidement, il s'est avéré que c'était ça.
Donc la pathologie étant lourde, heu, bien sûr, rester seule, elle
était en danger constamment, constamment. Dehors elle était
tombé, enfin je veux dire donc voilà. Ca aussi ça a
été il a fallu lui expliquer, mais ça s'est bien
passé. L'annonce, ça choque quoi, ça choque...mais cela
dit, il fallait vite trouver, heu, prendre rendez-vous...avancer...enfin moi je
voulais vraiment savoir si c'était ça parce que en fait, dans ma
tête peut-être qu'il s'est trompé, aussi, que c'était
autre chose. En fait j'ai posé des questions par rapport à la
mort de papa, parce que je pensai que c'était des conséquences de
la mort de mon père, et puis sa dépression qu'elle avait eu avant
donc j'ai dit...donc il m'a dit on fera les examens mais il m'a dit moi je
pense que c'est Alzheimer, mais bon, je te préviens...mais c'est vrai
que mon mari s'était aperçu qu'elle était bizarre. C'est
vrai qu'il avait raison. Il avait vu qu'elle rachetait plusieurs trucs...il
voyait des détails, même avant que papa ne meurt...c'était
un peu bizarre. C'est vrai que moi je travaillé, je me rendais pas trop
compte, je, on fait pas attention, on n'est pas vigilant à ce genre de
chose. Et puis ça ne faisait pas très longtemps que
j'étais rentré au village donc c'est vrai que, quand on voit les
parents comme ça pour les vacances, heu, ou un weekend, on est pas
capable de ...et après j'ai été vigilante, et je me suis
aperçue qu'il ya avait de la viande avariée au frigidaire, et
que, après vraiment, en fait je me dis qu'elle était peut
être très mal nourrie pendant un an, et on était pas
là, on était pas là...mais bon, le fait d'apprendre
ça, ça refroidit. Enfin moi je n'ai pas pensé à moi
du tout, c'est à la première visite chez le Dr O., bon, on en
parlé, moi je le trouvé un peu distant, je l'ai pas trouvé
très...j'ai pas trop accroché ici. Moi je lui ai dit je place
maman, il m'a dit vous avez tord de placer maman. Je lui ai dis non, moi je
place maman parce qu'elle est en danger, j'ai pas le temps matériel
d'être là tout le temps avec elle. Moi je travaille, j'ai, des
enfants petits, je ne peux pas me libérer. Donc la première
consultation, on avait discuté tous les deux, donc on avait parlé
de ça, il m'a dit on va faire le scanner, et puis après il me dit
vous avez d'autres questions. Et alors je l'avais regardé et je lui ai
dis (rire), j'aimerai savoir si c'est
génétique...et, il m'a dit ça je ne peux pas vous
répondre.
(Téléphone portable de
l'aidant)
I : Pas de souci, on va
arrêter là de toute façon.
Remerciement du sujet hors enregistrement
ANNEXE 5 : Comparaison
thématique des entretiens
Tableau 11 : Tableau présentant la
fréquence des thèmes au sein des entretiens
|
THEMES
|
1
|
2
|
3
|
4
|
5
|
6
|
7
|
8
|
9
|
10
|
Thème 1
|
découverte de la maladie d'Alzheimer du
parent
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
observation d'une diminution des fonctions exécutives
|
|
|
|
×
|
|
|
|
|
|
|
|
observation d'un délire de persécution
|
×
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
observation de troubles du comportement
(agressivité...)
|
×
|
|
×
|
×
|
|
|
|
|
×
|
×
|
|
observation d'une désorientation spatio-temporelle
|
|
|
|
|
×
|
|
|
|
|
|
|
observation de répétitions verbales
|
|
|
|
|
×
|
|
|
|
|
|
|
trouble de la pensée
|
|
|
|
|
|
|
|
|
×
|
|
|
observation de troubles mnésiques
|
|
|
|
×
|
|
×
|
×
|
×
|
×
|
|
|
observation de trouble dépressif
|
×
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Thème 2
|
organisation matérielle de
l'aide
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
organisation financière
|
×
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
organisation autour du quotidien
|
×
|
×
|
|
|
|
×
|
|
×
|
|
|
|
répartition des tâches entre aidants
|
|
|
|
|
×
|
×
|
|
|
|
|
|
sécurisation de l'habitation
|
×
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Thème 3
|
perception de la qualité de
l'annonce
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
annonce fortuite
|
|
×
|
|
|
|
|
|
|
|
×
|
|
satisfaction globale de la manière d'annoncer et de la
relation avec le médecin
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
insatisfaction de l'annonce et de la relation avec le
médecin
|
|
|
×
|
|
|
×
|
|
|
×
|
|
|
annonce du terme exacte "maladie d'Alzheimer
|
×
|
×
|
×
|
×
|
×
|
|
|
|
|
|
|
annonce d'autres termes
|
|
|
|
|
|
|
×
|
|
|
|
|
apports d'informations sur les traitements, les examens...
|
|
|
|
|
|
|
×
|
×
|
|
|
|
très bon suivi par l'équipe de consultation
mémoire
|
|
|
|
|
|
×
|
|
|
|
|
Thème 4
|
vécu de l'annonce
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
sentiment de préparation à l'annonce
|
×
|
|
|
|
|
|
|
×
|
|
|
|
questions et recherche sur la maladie (proches,
médias...)
|
×
|
|
|
×
|
|
|
|
|
|
|
|
soulagement
|
|
|
|
|
×
|
×
|
|
|
|
|
|
déni
|
|
×
|
|
×
|
|
|
|
|
|
×
|
|
acquiescement actif
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
×
|
|
effondrement émotionnel
|
|
×
|
|
|
|
×
|
×
|
×
|
|
×
|
|
problèmes matériels engendrés
|
|
|
×
|
|
|
|
×
|
|
|
|
|
angoisse / anxiété
|
|
|
×
|
×
|
|
|
|
|
|
|
|
déni du reste de l'entourage
|
|
|
|
|
×
|
|
|
|
|
|
|
espoir dans la recherche
|
|
|
|
|
|
|
|
×
|
|
|
|
recherche de soutien
|
|
|
|
×
|
|
|
|
|
|
|
|
pas de choc à l'annonce, acceptation
|
|
|
|
|
|
|
|
|
×
|
|
Thème 5
|
perception de la réaction du parent à
l'annonce
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
déni
|
|
|
|
|
|
×
|
|
×
|
|
|
|
conscience du trouble
|
|
|
|
|
|
|
×
|
×
|
|
|
|
refus actif
|
|
|
|
×
|
|
×
|
|
|
|
|
|
pas de compréhension, de réaction
|
|
×
|
|
|
|
|
|
|
×
|
|
|
culpabilité
|
|
|
|
|
|
|
|
|
×
|
|
|
confusion par rapport à la perception de la
réaction du proche
|
×
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
souffrance
|
|
|
|
|
|
|
|
|
×
|
|
|
pas d'annonce au parent
|
|
|
|
|
|
|
|
|
×
|
×
|
|
discussion entre l'aidant et le proche atteint
|
|
×
|
×
|
|
|
|
|
|
|
|
Thème 6
|
devenir aidant
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
obligation de devenir l'aidant principal
|
|
×
|
×
|
|
|
|
|
|
|
|
|
assignation naturelle
|
|
|
|
|
|
|
×
|
|
|
×
|
|
explication géographique
|
|
|
|
|
|
×
|
|
|
|
×
|
|
placement du parent en institution
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
×
|
|
prise de confiance par la demande de mise sous tutelle
|
|
×
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Thème 7
|
critiques du système
médical
|
×
|
×
|
|
|
×
|
|
|
|
|
|
Thème 8
|
troubles actuels du proche : cognitifs et
comportementaux
|
|
|
|
|
×
|
|
|
|
|
|
Thème 9
|
hérédité dans la maladie
d'Alzheimer
|
|
|
|
|
×
|
|
|
|
|
|
Thème 10
|
perception dégradante de la
maladie
|
×
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Thème 11
|
situation familiale difficile
|
|
×
|
|
|
|
×
|
|
|
|
|
ANNEXE 6 :
Fréquence d'apparition des thèmes
Tableau 12 : Thèmes des entretiens
Thème 1
|
Découverte de la maladie
d'Alzheimer
|
9 entretiens
|
|
Troubles psycho-comportementaux
|
8
|
|
dépression
|
1
|
|
trouble psychotique : idée délirante
|
1
|
|
troubles du comportement
|
5
|
|
désorientation spatio-temporelle
|
1
|
|
|
|
|
Troubles cognitifs
|
8
|
|
troubles mnésiques
|
5
|
|
troubles du langage
|
2
|
|
troubles praxiques
|
1
|
|
|
|
Thème 2
|
Organisation matérielle de
l'aide
|
5 entretiens
|
|
Financière
|
1
|
|
Quotidienne
|
3
|
|
Répartition des tâches entre aidants
|
3
|
|
Sécurisation de l'habitation
|
1
|
|
|
|
Thème 3
|
Perception de la qualité de
l'annonce
|
10 entretiens
|
|
Annonce fortuite
|
2
|
|
satisfaction de l'annonce
|
5
|
|
Insatisfaction de l'annonce
|
4
|
|
annonce du terme « maladie d'Alzheimer »
|
4
|
|
annonce d'autres termes
|
1
|
|
Apports d'informations de la part du médecin
|
2
|
|
Qualité du suivi de l'équipe
|
1
|
|
|
|
Thème 4
|
Réactions de l'aidant à
l'annonce
|
10 entretiens
|
|
Sentiment de s'être préparé avant
l'annonce
|
2
|
|
Déni de l'aidant
|
3
|
|
déni de l'entourage
|
1
|
|
Soulagement
|
2
|
|
Coping Vigilant (recherche d'informations, de soutien...)
|
3
|
|
Acquiescement actif
|
1
|
|
effondrement émotionnel
|
5
|
|
angoisse
|
2
|
|
acceptation
|
1
|
|
espoir placé dans la recherche
|
1
|
|
|
|
Thème 5
|
Réactions du parent à
l'annonce
|
9 entretiens
|
|
déni
|
2
|
|
conscience du trouble
|
2
|
|
refus actif
|
2
|
|
pas de compréhension, de réaction
|
2
|
|
culpabilité
|
1
|
|
confusion par rapport à la perception de la
réaction du proche
|
1
|
|
souffrance
|
1
|
|
Pas d'annonce au parent
|
2
|
|
communication aidant / patient autour de la maladie
|
2
|
|
|
|
Thème 6
|
Devenir aidant
|
5 entretiens
|
|
Obligation (familiale ou matérielle) de devenir aidant
|
2
|
|
Assignation naturelle
|
2
|
|
Explication géographique
|
2
|
|
Placement du parent en institution
|
1
|
|
Prise de confiance par la demande de mise sous tutelle
|
1
|
|
|
|
Autres thèmes
|
Critiques du système
médical
|
1
|
|
|
|
|
Troubles actuels du patient
|
1
|
|
|
|
|
Hérédité dans la maladie
d'Alzheimer
|
1
|
|
|
|
|
Perception dégradante de la
maladie
|
1
|
|
|
|
|
Situation familiale difficile
|
2
|
ANNEXE 7 :
Résultats qualitatifs, thèmes des entretiens
Entretien 1
Thèmes
|
Indicateurs
|
Enonciation
|
· Découverte de la maladie
d'Alzheimer
- Observation de l'agressivité du père
- Observation de troubles de persécution
- Hypothèse trouble dépressif du père
- Diagnostic de la maladie d'Alzheimer
|
- « (...) très agressif et je dirai
très méchant avec ma mère (...) »
« (...) il y avait bien 5 ou 6 ans qu'il était
brutal »
- « (...) surtout des choses qu'il inventait
(...) » « on l'avait volé (...) des gens
étaient rentrés, lui avaient dit des choses »
-« on le prenait plutôt pour de la
dépression nerveuse » « elle m'a dit il est
atteint »
-« (...) elle a bien décrété
que j'avais raison (...) que les neurones il y en avait beaucoup qui
étaient atteints » « et c'est depuis ce moment
là qu'on le soigne »
|
|
· Organisation matérielle
- Répartition des tâches
- Sécurité
- Finance
|
- « (...) une aide ménagère, 6h
par semaine (...) il a l'infirmière qui vient tous les jours »
(...) mon frère qui mange avec lui tous les midis (...) et moi qui en
sortant du boulot y passe tous les soirs, le faire manger »
« Mon frère fait les commissions (...) moi plus pour ce qui
est du côté administratif »
-« (...) on a commencé à changer
certains trucs dans la maison (...) il a plus le gaz, on la fait
sécuriser » « le portail d'entrée aussi
(...) »
-« il allait emprunter de l'argent aussi
(...) » « on lui donnait 20€ par jour (...)
|
|
· Vécu de l'annonce
- Sentiment de préparation à l'annonce
- Explications par le médecin
- Questionnement par l'aidant
|
-« moi, déjà, c'était le
médecin traitant qui m'en avait parlé un petit peu »
« (...) déjà on m'a déjà un peu
avertis » « déjà je savais à voir ce
qu'il faisait » « je n'ai pas été
choquée parce que je m'y attendais »
-« elle me l'a bien expliqué »
« elle m'a même fait une note (...) pleins de choses qu'il
fallait faire à la maison » « j'avais trouvé
ça très bien »
-« par contre j'ai pas mal posé de
questions, oui, sur la maladie »
|
|
· Perception de la réaction du parent
à l'annonce
|
-« (...) il est au courant » « (...)
ça il s'en rend compte » « maintenant moins mais
à l'époque il s'en rendait compte » « et
ça s'est fait progressivement, il ne s'en ait pas trop fait »
« ou alors il ne s'est pas rendu compte (...) »
« il se rend compte là quand même
|
|
· Perception dégradante de la
maladie
|
-« (... )c'est une maladie
dégradante » « mais ça fait mal, c'est
dégradant » « et pour moi c'est la maladie la plus
horrible, c'est dégradant (...)
|
|
Entretien 2
Thèmes
|
Indicateurs
|
Enonciation
|
· Découverte de la maladie d'Alzheimer
du parent
- Déni de la maladie avant l'annonce
- Annonce fortuite par le médecin
- Perception négative de la qualité de l'annonce
|
-« (...) j'ai pas tout de suite compris de quoi
il était question » « je ne savais pas du tout (...)
je n'avais pas réalisé comme ça »
« j'avais surement occultée des éléments que
j'avais devant moi (...) » « j'étais quand
même pas complètement innocente » « je
préférerais imaginer que ce n'était pas
ça »
-« et donc il m'a annoncé, comme
ça, au téléphone » « là il a
réalisé qu'il avait été brusque dans sa
façon...il s'est excusé »
-« ben vous n'y aller pas doucement quand vous
annoncez les choses » « très maladroite »
« (...) il n'a pas réalisé que j'étais pas au
courant »
|
|
· Situation familiale difficile autour du
père
- Conflit avec la compagne du père
- Conditions de vie néfaste au père
|
-« la situation de famille est un peu
compliquée (...) » « (...) sa compagne l'isolait
beaucoup » « (...) jusqu'à ce que ça atteigne
des sommets de conflits » « elle criait à des
moments » « donc je lui ai demandé de
partir »
-« (...) je me suis rendue compte que
même les conditions de vie de mon père n'étaient pas
satisfaisantes »
|
|
· Rôle d'aidant
- Assignation dans le choix de devenir aidant principal
- Prise de confiance par la demande de mise sous tutelle
- Organisation actuelle de l'aide
|
-« j'ai commencé à l'accompagner
ici parce que sa compagne ne voulait pas y aller » « (...)
je suis sa fille unique (...) j'avais beau le retourner dans tous les sens,
ça me retombait dessus » « je suis sa seule fille,
c'était à moi de prendre les choses en main et à personnes
d'autres »
-« j'ai fait la demande de mise sous tutelle
(...) » « (...) je pense que ça m'a beaucoup
aidé, dans le sens où cela m'a
légitimé (...) » « (...) cette
démarche juridique m'a aussi aidé à prendre confiance
(...) le juge il te reconnaît capable donc quelque part du dois
l'être »
-« (...) c'est quand même mieux mais
c'est moi qui gère tout » « (...) là il faut
que je coordonne » « (...) garde de nuit (...) les autres
4 nuits c'est moi »
|
Larmes aux yeux
Silence
|
· Perception de la réaction du parent
à l'annonce
- Peu de prise de conscience
- Evocation du sujet avec le parent
|
-« (...) il n'avait pas bien enregistré,
ça avait pas l'air de le concerner » « il entendait
parler de cette maladie, mais c'était pas lui (...) »
« il était pas capable à ce moment là
(...) » « donc lui ce qu'il en comprend je ne sais
pas »
« depuis quelques temps on en parle plus
ouvertement (...) j'ai voulu casser ce tableau (...) » « il
ne demande pas, on n'insiste pas non plus »
|
|
· Critiques du système
médical
|
-« (...) le suivi médical était pas
du tout coordonné » « (...) ça reste
très cloisonné » « je trouve ça
incroyable » « (...) pas de lettre
d'accompagnement » « (...) mais c'est quand même
affreux quoi...mais où est la place de la personne »
« (...) je trouve qu'il y a un manque de prise en charge globale de
la personne »
|
Enervement (haussement de ton)
Pleure
|
· Vécu de l'annonce par
l'aidant
- Déni au moment de l'annonce
- Effondrement émotionnel
|
-« je ne pensais pas que c'était
ça » « ça faisait un moment que je me disais
non ça doit pas être ça »
-« (...) sur le moment c'était vraiment
assommant, je ne m'attendais vraiment pas assez » « (...)
mais c'est surtout ce que ça implique...de la relation (...) ça
c'est vraiment difficile (...)
|
Hésitation dans la voix
Silence
Pleure
|
Entretien 3
Thèmes
|
Indicateurs
|
Enonciation
|
· Découverte de la maladie
d'Alzheimer
- Observation de troubles du comportement lié aux
dépenses financières
- Diagnostic de la maladie d'Alzheimer
|
- « (...) elle faisait des retraits
d'espèces très importants, alors qu'elle n'en faisait pas
avant» « le banquier m'a alerté »
« (...) je me suis aperçue qu'elle ne gérait pas ses
comptes de manière normale »
- « (...) lui faire faire un test de
mémoire» « avec le Pr V. qui à la suite d'examen a
diagnostiquer la maladie d'Alzheimer »
|
|
· Assignation dans le choix de devenir aidant
principal
|
- « (...) j'ai proposé de faire une garde
alternée à 4, bon ce qui m'a été
refusé » « (...) conseil de famille qui s'est
plus ou moins bien passé» « j'ai décidé que je
la gardai avec une aide ménagère » « je
ne l'ai pas accueilli chez moi (...) je n'ai pas voulu qu'on la change
d'endroit »
|
|
· Annonce du diagnostic
- Annonce du terme exacte « maladie
d'Alzheimer »
- Explications données par le médecin
- Explications non données par le médecin
|
-« (...) V. nous a dit qu'elle était
atteinte d'une maladie d'Alzheimer »
-« (...) qu'elle était perdue dans le
temps et dans l'espace » « (...) évolution de
la maladie » « (...) mettre immédiatement sous
Aricept »
-« (...) il a pas expliqué le rôle
des médicaments » « et le fonctionnement de la
maladie il ne nous l'a pas expliqué »
|
|
· Perception de la réaction du parent
à l'annonce
- Confusion dans la perception : incompréhension ou
acceptation
- Questionnement antérieures sur la maladie
|
-« je pense qu'elle a mal entendu, qu'elle a pas
trop compris » « je pense qu'il n'y a pas eu de
réaction » « (...) elle a accepté la maladie,
elle a rien dit »
-« (...) elle me demandait ce qu'était la
maladie d'Alzheimer »
|
|
· Vécu de l'annonce
- Problèmes matériels engendrés
- angoisse
|
-« (...) moi ça m'a posé des
problèmes d'organisation professionnelle » « (...)
problèmes de gestion du temps »
-« ça angoisse un peu, c'est vrai que
ça angoisse » « vous ne savez pas où vous
allez donc ça angoisse »
|
|
Entretien 4
Thèmes
|
Indicateurs
|
Enonciation
|
· Observation de troubles du
comportement
- Pertes de mémoire
- Comportements violents et agressivité
- Diminution des fonctions exécutives dans la
conduite automobile
|
-« (...) il oubliait des choses (...) »
« il est complètement perdu » « il se
mélange beaucoup dans les papiers »
-« (...) il a déjà
été violent, il m'a déjà frappé »
« (...) il m'a jeté son fauteuil roulant »
-« (...) il a eu quatre accidents de voiture
(...) » « les docteurs lui ont dit de ne plus
conduire »
|
Larmes aux yeux
|
· Annonce de la maladie
d'Alzheimer
|
-« (...) on nous a dit vous savez votre mari il
fait un début d'Alzheimer » « (...) ce sera surement
un Alzheimer violent »
|
|
· Réaction de refus actif de la maladie de
la part de l'époux
|
-« il a eu une réaction il faut dire
très positive (...) »« il a dit je veux absolument
que vous me soigniez, je veux me défendre de ça, je veux
continuer » « il est très
volontaire »
|
|
· Vécu de l'aidant à l'annonce du
diagnostic
- Confusion et déni de la réalité
- Recherche d'informations sur la maladie
- Anxiété liée à l'annonce de la
violence de la maladie
|
-« non, sur le moment, non, (...) est ce que dans
ma tête ?... » « Non, je voyais pas, je voyais
pas, je ne peux pas dire, je peux pas dire, j'ai pas vu tout de
suite » « Non, non, je ne me suis pas rendu compte tout de
suite » « je ne veux pas trop savoir »
-« c'est après que je m'y suis
intéressée » « (...) j'ai vu des reportages
(...) des livres, des copines qui ont aussi leur maladie, heu leur mari, j'ai
posé des questions »
-« (...) et puis on m'a dit ça. Alors
là ça m'a un peu plus inquiété »
« (...) alors ça me fait un peu peur, il a déjà
été violent (...) » « ça
m'inquiète »
|
|
Entretien 5
Thèmes
|
Indicateurs
|
Enonciation
|
· Découverte de la maladie
d'Alzheimer
- Observation de répétitions verbales
- Observation d'une désorientation
|
-« elle répétait toujours la
même chose »
-« (.. ;) elle était
désorientée »
|
|
· Devenir aidant
- Partage des tâches avec le second aidant
|
-« je suis pour la maladie et mon frère au
quotidien (...)
|
|
· Troubles actuels du proche
- Trouble dépressif
- Perte d'intérêts et diminution des
activités
- Non reconnaissance des proches
- Tremblement
- Trouble du comportement : agressivité
- Diminution des capacités mnésiques
|
-« c'est de la déprime, elle a toujours
été déprimée (...) »
-« elle ne faisait plus à
manger » « elle se renferme » « elle
se laisse mourir, inconsciemment »
-« (...) au stade de ne plus reconnaître ses
petits enfants t nous avec ma soeur elle nous confond »
-« (...) elle tremble, ce qu'elle ne faisait
pas »
-« elle a passé des moments
agressive »
-« (...) elle a une perte de mémoire
très...pff elle oublie très très vite »
|
|
· Perception de la qualité de l'annonce de
la maladie
- Annonce du terme « Alzheimer »
- Informations données par le médecin
|
-« On m'a dit, bon, voilà, la maladie
d'Alzheimer »
-« on m'a parlé des traitements et si
je voulais rentrer dans un protocole aussi » « (...) et on
m'a dit l'évolution »
|
|
· Déni de la maladie par le reste de
l'entourage
|
-« (...) ces gens là, de l'extérieur
(...) c'est nous qui avons la maladie d'Alzheimer à la
limite » « quand j'annonce à ma famille qu'on va la
mettre dans une maison de retraite (...) on me dit... enfin c'est dur
(...) »
|
|
· Critiques du système de
santé
|
-« (...) des conseils ont m'en a donné mais
maintenant, au pied, là, personne ne... »
|
|
· Hérédité dans la maladie
d'Alzheimer
|
-« (...) ses quatre cousins sont morts de
ça. C'est pour ça que...pour moi il y a une
hérédité, enfin, heu... (...) »
|
|
· Perception de la réaction du parent
à l'annonce :
- compréhension du diagnostic
- refus des symptômes
|
-« (...) je pense qu'elle s'en est douté
elle » « (...) elle a parlé qu'elle a la maladie
d'Alzheimer » « elle savait qu'elle venait pour ça,
qu'elle était suivi pour la maladie d'Alzheimer »
-« elle se mettait en colère parce qu'elle
oubliait tout »
|
|
· Vécu de l'annonce par
l'aidant
- Soulagement
- Changement positif au début
- Lâcher prise avec le temps
|
-« ça nous fait du bien à
nous »
-« au début ça a été,
j'ai foncé, ouai »
-« et puis plus le temps passe et plus je
lâche un peu
|
|
Entretien 6
Thèmes
|
Indicateurs
|
Enonciation
|
· Découverte de la maladie
- Pertes de mémoire
|
-« on avait la sensation qu'elle oubliait des
choses »
|
|
· Devenir aidant
- Explication géographique
- Rôle du reste de la famille
- Relation mère/fille difficile
- Organisation quotidienne
- Partage naturel des tâches entre aidants
|
-« maman habite à côté de chez
nous » « c'est la logique des lieux qui ont fait que je
suis là »
-« (...) on fait passer beaucoup de choses par les
garçons » « (...) les liens se sont faits, chacun a
trouvé sa place (...) »
-« (...) les relations mère/fille sont pas
toujours évidentes, mais ça c'est pas du à
l'âge »
-« on a quelqu'un qui vient une fois par
semaine » « on essaie de mettre en place un certain nombre
de choses autour d'elle »
-« (...) c'est assez drôle parce qu'on s'est
partagé les tâches, comme ça sans se le dire, ça a
été naturel, disons »
|
rire
pleure
|
· Qualité de l'annonce
- Annonce professionnelle mais peu humaine
- Suivi par l'équipe très bien perçu
|
-« (...) je l'ai trouvé très
professionnel, sur le plan humain sans plus, mais très professionnel, il
a pas pris de fioritures »
-« je trouve que l'équipe qui suit maman est
vraiment très professionnelle, mais aussi très psychologue (...)
jamais un mot plus haut que l'autre (...) geste gentil (...) on a vraiment
l'impression que l'on nous écoute »
|
|
· Réaction du parent à
l'annonce
- Déni
- Refus actif
|
-« (...) elle n'a pas entendu, enfin, de
l'extérieur » « elle l'a refuse, dans sa
façon d'être, dans sa vie (...) c'est un refus complet »
« oui elle avait des problèmes de mémoire, mais
c'était pas la maladie d'Alzheimer »
-« elle se bat pour se souvenir »
« elle va rechercher jusqu'à ce qu'elle trouve le nom de la
personne qu'elle a oublié »
|
|
· Réaction de l'aidant à l'annonce
du diagnostic
- Effondrement émotionnel
- Soulagement
|
-« (...) c'est un peu dur à
entendre » « (...) j'ai eu le flash de tout ce qui allait
suivre (...) » « j'ai même du mal à en
parler »
-« le savoir a permis de poser les
choses » « ça calme les choses (...)
|
Pleure
silence
|
Entretien 7
Thèmes
|
Indicateurs
|
Enonciation
|
· Découverte de la
maladie
- Observation par la patiente de troubles de mémoire
|
-« (...) c'est des troubles de
mémoire » « c'est elle qui m'a alerté en me
disant qu'elle avait ces difficultés là »
|
|
· Devenir aidant
- Assignation naturelle
|
-« naturellement puisque on est tous les
deux » « (...) je suis devenu naturellement l'aidant
principal, le seul, l'unique »
|
|
· perception de la qualité de
l'annonce
- Annonce de lésions irréversibles
- Explications sur les traitements
|
- « (...) sur la forme ça s'est
passé de façon tout à fait normal »
« (...) on annonçait des lésions
irréversibles
-« on nous a dit qu'il y avait quand même
des traitements »
|
|
· Perception de la réaction du parent
à l'annonce
- Conscience du trouble par le parent
|
-« (...) elle a réagit de façon
normale, comme quelqu'un d'équilibré, raisonnable, qui se rend
compte qu'il a une maladie » « (...) elle a
été consciente qu'y a des choses qu'elle avait
perdu »
|
|
· Réactions de l'aidant à l'annonce
du diagnostic
- Effondrement émotionnel
- Perte de sa propre autonomie par la maladie de
l'épouse
|
-« j'ai été vraiment
catastrophé » « (...) j'envisageai l'avenir avec
beaucoup d'appréhensions »
-« j'ai été obligé de penser
que je perdais, disons, une certaine autonomie
|
tousse
|
Entretien 8
Thèmes
|
Indicateurs
|
Enonciation
|
· Découverte de la maladie
- Pertes de mémoire
|
-« (...) je me suis rendue compte que mon mari
oubliait des données »
|
|
· Réactions de l'époux à
l'annonce de la maladie
- Déni
- Acceptation
|
-« (...) il a refusé parce qu'il disait
qu'effectivement c'était pas possible qu'il ait ce type de
maladie » « (...) difficile à accepter »
« (...) s'en voulait à lui-même »
-« (...) il a pris sur lui et il a accepté
quelque part »
|
|
· Perception de la qualité de
l'annonce
- Mise en confiance par le médecin
- Explication des examens et des traitements
|
-« ça s'est très bien passé
parce qu'on a été mis en confiance »
-« on nous a expliqué qu'on allait faire
des séries d'examens, des traitements » « (...)
allait au moins stabiliser pendant un certain temps »
|
|
· Organisation du traitement
médicamenteux
|
-« le traitement a été bien
accepté au départ » « on est actuellement
à 16mg de traitement »
|
|
· Réactions de l'aidant à
l'annonce
- Sentiment de s'y être attendu
- Vécu difficile
- Espoir dans la recherche
|
-« disons que je m'y attendais un peu, parce que
c'est moi-même qui ait découvert (...) »
-« Ben moi, c'est toujours un moment
délicat et difficile »
-« je me suis aperçu que nous étions
dans de bonnes mains (...) équipes européennes et voir mondiales
qui travaillent dessus » « avoir un médicament
miracle »
|
|
Entretien 9
Thèmes
|
Indicateurs
|
Enonciation
|
· Troubles du parent
- Observation de troubles de mémoire
- Perte d'intérêt et diminution des
activités
- Agressivité du parent
- Refus du parent d'aide extérieure
- Troubles du cours de la pensée
- Malaises du parent
|
-« c'était ça, des pertes de
mémoire. Mais c'était elle qui le disait oh je me rappel
plus »
- « (...) plus envie de faire quoique ce
soit » « elle ne va plus faire les courses »
« (...) elle n'a plus les mêmes occupations »
« elle ne voit pas l'intérêt quoi »
-« (...) de l'agressivité de sa
part »
-« (...) essayé d'avoir quelqu'un qui
vienne à domicile (...) elle a été furieuse (...) elle l'a
renvoyé violemment, méchamment »
-« (...) des cabrioles qu'elle fait, dans ses
raisonnements (...) »
-« on fêtait notre anniversaire de mariage,
elle a eu un malaise » « (...) elle a eu un malaise et les
pompiers m'ont appelé »
|
|
· Culpabilité du parent
|
-« (...) elle sent quand même que je en fais
pas ce que je voudrais faire, alors elle se culpabilise »
|
|
· Perception de la qualité de
l'annonce
- Peu d'informations apportées sur l'évolution et
les médicaments
|
-« mais il m'a pas vraiment dit ce que je devais
m'attendre, l'évolution de la maladie, qu'est ce que ? »
« (...) est ce que c'est la conséquence du
médicament ? »
|
|
· Réaction du parent à l'annonce de
la maladie
- Epouse non au courant de sa maladie
- Souffrance du couple autour de la maladie
|
-« mais elle elle ne sait pas bien entendu
(...) »
-« (...) elle en souffre mais elle ne parle pas de
ses souffrances (...) elle sait que je dois souffrir aussi mais on n'en parle
pas...chacun reste sur ses positions...(...) humaines »
|
|
· Questionnement persistant de l'aidant sur
l'évolution de la maladie
|
-« j'ai loupé l'occasion de dire quelle est
l'évolution à laquelle je dois m'attendre, mais est-ce qu'ils le
savent ? je n'en suis pas sur... » « mais
l'évolution, je voudrais bien savoir, mais est ce qu'ils le
savent ? »
|
|
· Pas de choc à l'annonce
|
-« non, ça m'a pas...j'étais
persuadé » « c'était pas une surprise, j'ai
pas été frappé ni choqué »
|
|
Entretien 10
Thèmes
|
Indicateurs
|
Enonciation
|
· Découverte de la maladie
- Observation de troubles du comportement du parent
- Hypothèse de troubles dépressifs
|
-« (...) c'est le médecin traitant qui, parce
qu'elle avait des comportements un peu bizarres (...) a prit rendez-vous avec
le Dr O. » « (...) mais mon mari a trouvé des choses
bizarres dans le comportement de maman »
-« au début je pensais juste à sa
dépression après la mort de papa »
|
|
· Organisation de l'aide
- Assignation naturelle
- Placement du parent en foyer-logement
|
- « (...) j'étais revenue au village, donc
forcément (...) » « ça s'est fait petit
à petit »
-« (...) j'ai pris la décision de la placer
dans un foyer logement » « cette structure moi ça
m'a apaisé »
|
|
· Pas d'annonce de la maladie d'Alzheimer au
parent
- Refus du neurologue d'annoncer à la patiente
- Informations données à la patiente sur ses
troubles de mémoire »
|
-« (...) alors le neurologue n'a pas voulu que j'en
parle à maman (...) parce qu'il la trouvait bien dans ses
baskets »
-« (...) moi j'en ai parlé à maman en
lui expliquant qu'elle avait des troubles de la mémoire
(...) » « elle me pose pas de questions »
|
|
· Annonce de la maladie
|
« il a été super »
-« le médecin m'a dont ne t'en fais pas, on va prendre
rendez-vous avec le neurologue » « (...) enlever tout ce
qui est médicale (...) »
|
|
· Réactions de l'aidant à
l'annonce
- Déni
- Effondrement émotionnel
- Acquiescement actif
|
-« (...) en fait dans ma tête peut-être
qu'il s'est trompé, que c'était autre chose »
« c'est vrai que je travaillé, je me rendais pas trop compte,
on fait pas attention, on n'est pas vigilant à ce genre de
chose »
-« Mais c'est moi qui était effondrée
quand même ... » « l'annonce ça choque quoi,
ça choque... »
-« je me suis posé pleins de
questions » « j'aimerai savoir si c'est
génétique » « il fallait vite trouver,
prendre rendez-vous, avancer... moi je voulais vraiment savoir (...)
|
Silence...Pleure
|
ANNEXE 8 : Analyse de
contenu par entretien Entretien 1
Analyse de l'énonciation
Lors de l'analyse catégorielle de l'entretien, il nous
a parut important de souligner certains aspects du discours :
-Alternance entre l'investissement personnel et la
prise de distance dans la narration
L'aidant utilise dans son discours principalement les pronoms
« je » et « on ». Nous pouvons mettre
en évidence que le « je », démontrant
l'implication personnelle du sujet, est utilisé lorsque l'aidant
évoque des sujets personnels, sensibles, souvent liés à
son vécu. A l'inverse, le pronom « on »,
témoignant d'un certain recul et d'une prise de distance, est
employé pour parler de l'organisation davantage matérielle autour
de la maladie du père.
- Agencement et dynamique du discours
De manière générale, le style du discours
est linéaire : nous n'observons pas de failles logiques, de pertes
de contrôle ou de ruptures. Le sujet parle très vite et
enchaîne rapidement les propositions, sans répondre directement
aux questions. Par conséquent, cela traduit un besoin de se confier, de
raconter son vécu.
Une phase du discours est néanmoins
particulièrement confuse, dans la séquence 4, lorsque l'aidant
évoque la réaction de son père à l'annonce. Elle se
contredit de nombreuses fois au sein du même paragraphe sans savoir si
son père se rend compte ou non de la maladie dont il souffre.
Interprétation de l'analyse
thématique et de l'énonciation, réalisation d'un lien avec
les résultats obtenus au questionnaire.
Analyse des mécanismes de défense à
l'annonce, des circonstances selon lesquelles le sujet est devenu aidant, de la
perception de la qualité de l'annonce et de la réaction du
parent.
- Découverte de la maladie
La fille de M. A dit ne s'être jamais aperçue de
la maladie de son père auparavant. Cependant elle exprime se souvenir
avec du recul qu'il y avait des signes visibles comme l'agressivité ou
la brutalité de son père envers son épouse. Le premier
symptôme ayant réellement alerté l'aidant est un sentiment
de persécution de la part de son père. Nous pouvons alors
supposer que le sujet a dénié certains signes avant coureurs de
la maladie d'Alzheimer de son père.
L'aidant évoque différentes étapes avant
que le diagnostic de la maladie ne soit posé par le médecin. Nous
pouvons nous demandé si ces étapes n'ont pas également
permis à l'aidant lui-même d'accepter la maladie de son
père.
- Devenir aidant
Le sujet est devenu l'aidant principal de son père sous
la forme de « désignation inconsciente et
naturelle ». Effectivement, même si le sujet évoque le
partage des rôles dans la gestion quotidienne de son père, elle
est la personne de confiance et le principal référent par rapport
à la pathologie paternelle. De plus, elle gère l'organisation
administrative. Nous pouvons percevoir dans le discours du sujet qu'elle ne
répond pas directement à la question sur la manière dont
elle est devenue aidante mais qu'elle contourne le sujet en expliquant quelle
est l'organisation quotidienne mise en place.
- Perception de la qualité de
l'annonce
Le médecin traitant de la famille avait visiblement
déjà donné des informations sur la maladie à
l'aidant. La fille de M. A explique qu'elle avait rencontré un
gériatre lui ayant tout expliqué et le terme « Maladie
d'Alzheimer » a été clairement annoncé lors de
la consultation. L'aidant met en avant les recommandations pratiques pour
l'habitation et la prise en charge en institution évoquées par le
médecin et parait très satisfaite des éléments qui
lui ont été transmis lors de l'annonce elle-même.
Le protocole d'annonce évoqué par R. Buckman
(1994) a été mis en place tout au long du processus d'annonce de
la maladie à l'aidant. Effectivement, selon les dires du sujet, le
médecin a commencé à évoquer la maladie d'Alzheimer
avec l'aidant en lui expliquant les raisons de certains troubles du
comportement de son père. Cette étape peut être
apparentée à celle des
« préliminaires » selon Buckman, puisque ce moment a
permis de faciliter l'annonce. [4]
L'ensemble des autres étapes ont également
été suivies par le médecin : celui-ci a
demandé au sujet ce qu'il voulait savoir des troubles de son parent,
l'ensemble des informations liées au diagnostic ont été
transmises (évolution, traitement, prises en charges...). De plus,
l'aidant souligne comme le montre le questionnaire, que le médecin a
répondu clairement aux questions qu'elle se posait.
D'une manière générale, l'aidant est
satisfait (5/5 sur le ressenti lié à l'annonce dans le
questionnaire) de la manière dont l'annonce lui a été
communiquée. Cela peut être expliqué par les étapes
importantes respectées par le médecin lors de l'annonce, par
l'empathie dont il a fait preuve, mais peut être aussi par le fait que
l'aidant semblait s'attendre à cette annonce (évoqué dans
l'entretien) ainsi que par la présence d'un soutien social au moment
même de l'annonce.
- Perception de la réaction du parent
à l'annonce
La fille de M. A est très confuse dans son discours
à ce sujet : elle se contredit de nombreuses fois lorsqu'elle
explique la manière dont son père a réagit à
l'annonce de sa propre maladie. Elle ne parait pas savoir, ou ne pas vouloir
savoir, si son père est conscient de la maladie dont il souffre.
- Réactions, mécanismes de
défenses, stratégies de coping
Le déni s'avère avoir
été le mécanisme de défense principal de l'aidant
avant que le diagnostic de la maladie d'Alzheimer n'ait été
posé. La fille de M. A dit ne pas s'être aperçue des
troubles de son père, de l'avoir trouvé agressif pendant
plusieurs années mais sans associer cela à la maladie
d'Alzheimer. Lorsque l'on pose la question du vécu de la personne au
moment de l'annonce, celle-ci parait fuir la première fois le sujet, et
expose de manière détaillée les aménagements
matériels réalisés au sein de la maison après
l'annonce du diagnostic. Nous pouvons nous poser la question d'une certaine
« résistance » chez le sujet à évoquer
ses propres sentiments et son vécu personnel au moment de l'annonce.
Elle utilise d'ailleurs le pronom « on » durant toute cette
partie de l'entretien, comme si elle refusait de parler en son nom.
Ce n'est qu'à la seconde reprise qu'elle répond
à la question sur son vécu en utilisant le pronom
« je ».
Tout d'abord, le sujet utilise lors du thème de la
qualité de l'annonce de nombreuses fois une formulation
négative : « je n'ai pas du tout été
choqué », comme si elle cherchait à persuader
l'interlocuteur ou même à se persuader elle-même qu'elle ne
s'est pas effondrée à l'annonce. La présence de
dénégation comme mécanisme de
défense peut être envisagée ici à travers le
discours de l'aidant : la fille de M. A utilise cette formulation trois
fois au sein de la même phrase. Puis, à force de dire qu'elle
s'attendait au diagnostic, qu'elle a connu beaucoup de personnes atteintes de
cette maladie, elle commence à laisser transparaître certaines de
ses émotions et son vécu autour de l'annonce.
La première phrase du discours de l'aidant se rapproche
d'une étape évoquée par P. Pitaud (2006), au sujet du
temps nécessaire à l'entourage pour s'approprier un diagnostic.
La fille de M. A explique avoir posé plusieurs questions au
médecin sur la maladie : cette étape correspondrait à
la tentative de maîtriser sur le plan cognitif ce qui arrive. Le sujet
cherche à donner du sens à la maladie, à comprendre sa
cause pour « restaurer une continuité là où le
traumatisme avait fait rupture ». [34]
La suite du discours de l'aidant se porte d'avantage sur les
aspects émotionnels liés à la maladie du proche. La fille
de M. A évoque de nombreuses fois le mot
« dégradant » et « horrible »,
mots ayant une connotation négative, douloureuse. Le sujet explique
d'ailleurs qu'elle préfère avoir perdue sa mère
plutôt que de l'imaginer atteinte de la maladie d'Alzheimer comme son
père.
En terme de coping, la stratégie adoptée par le
sujet est le « coping centré sur le
problème ». Face à l'annonce de la maladie, la
fille de M. A parle des actions entreprises dans la maison pour la protection
matérielle de son père. De même, elle évoque les
éléments sur la prise en charge et l'aide quotidienne de son
père ainsi que des anecdotes au sujet des troubles de celui-ci. Mais
l'aidant ne parait pas essayer de revenir sur ses propres émotions, sur
la façon dont elle les gère, elle ne s'intéresse
uniquement aux aspects concrets et matériels de la vie familial.
Entretien 2
Analyse de l'énonciation
Cet entretien, riche d'un point de vue du flux de parole et de
l'expression des affects du sujet, est marqué par certains
éléments relevant de l'énonciation :
- Rythme de l'entretien
Le flux de parole du sujet augmente au fur et à mesure
de l'entretien, allant de pair avec les émotions
dévoilées. Au début de l'entretien, l'aidant est assez
pragmatique, expliquant la manière dont lui a été
annoncée la maladie. Ensuite, les affects sont de plus en plus
exprimés et le sujet parle beaucoup, comme si elle avait besoin de se
libérer du poids de cette émotion, difficile à
contenir : nous pouvons supposer que l'entretien est contrôlé
par le sujet au début mais que l'évocation de ce sujet fait
émerger des émotions, difficiles à contrôler par la
suite.
- Style de l'entretien
Un certain lyrisme peut être noté dans le style
de l'entretien (M.C D'Unrug, 1974), traduisant une force d'investissement dans
le thème de l'annonce du diagnostic de la maladie d'Alzheimer du
père du sujet. L'entretien est ponctué de signes
d'énervement (marqué par le ton de la voix) ou d'émotions
vives et difficiles (pleure). [47]
Interprétation de l'analyse
thématique et de l'énonciation, réalisation d'un lien avec
les résultats obtenus au questionnaire.
Analyse des mécanismes de défense à
l'annonce, de la manière dont le sujet est devenu aidant, de la
perception de la qualité de l'annonce et de la réaction du
parent.
- Découverte de la maladie
Le sujet, au cours de l'entretien, évoque plusieurs
fois son déni de la situation avant que la maladie de
son parent de lui soit annoncée. L'aidant prend du recul sur son
vécu en expliquant clairement que certains signes étaient visible
mais qu'elle n'a pas pu ou pas voulu les percevoir (« je
préférais imaginer que c'était pas ça »).
La découverte de la maladie de s'est ainsi pas faite progressivement
mais de manière « violente », d'une part car le
sujet avait refusé d'admettre les signes précurseurs et d'autre
part par la manière dont l'annonce a été
réalisée, c'est-à-dire au téléphone, par un
médecin pensant que l'aidant était déjà au
courant.
- Devenir aidant
La manière dont le sujet est devenu aidant est assez
complexe. Le sujet est l'unique fille du parent atteint de la maladie
d'Alzheimer : elle est de ce fait l'aidante désignée
puisqu'aucun autre membre de la famille n'est proche du parent. Cependant, pour
le sujet, cette désignation naturelle n'est pas aussi évidente.
C'est à ce moment de l'entretien que les affects du sujet ont
commencé à surgir, à prendre place au milieu des mots.
Elle recherche une responsabilité symbolique, une reconnaissance de son
rôle d'aidante principale et surtout un besoin de
légitimité. Le fait de recevoir l'accord du juge pour devenir
tutrice de son père est un fait marquant dans l'aide qu'elle lui
apporte. Effectivement, cela lui permet d'avoir confiance en ses
capacités d'aide envers son père : il s'agit d'une certaine
justification et d'un sentiment de devoir le faire. Plusieurs de ses actes
concrets dans la relation d'aide ont pu être réalisés par
cette légitimité accordée par le rôle de tutrice.
- Perception de la qualité de
l'annonce
L'annonce réalisée par le médecin pour
informer le sujet de la maladie d'Alzheimer de son père ne comporte pas
les éléments importants pour permettre l'acceptation de la part
de l'aidant : aucune étape que le chercheur Buckman (1994) met en
évidence ne peut être repérée lors de cette annonce.
Le médecin ne savait pas que l'aidant n'était pas au courant de
la maladie dont souffrait son père, il a alors évoqué
celle-ci sans aucune précaution. « Les
préliminaires » nécessaires avant l'annonce n'ont ainsi
pas été mises en place ainsi que la recherche de ce que le sujet
sait déjà ou souhaite savoir. De plus, l'annonce de la maladie a
eu lieue au téléphone, ce qui ne facilité pas la gestion
des réactions émotionnelles de la personne ainsi que la
délivrance d'informations. [4]
La partie du questionnaire portant sur la manière dont
a été perçue la qualité de l'annonce du diagnostic
va dans le sens de ce que le sujet évoque lors de l'entretien. Les seuls
éléments positifs de l'annonce sont l'utilisation claire du terme
« maladie d'Alzheimer » et les réponses aux
questions du sujet. En dehors de cela, le médecin n'a pas semblé
faire preuve d'empathie envers l'aidant et n'a pas apporté
d'informations concernant l'évolution de la maladie, ses troubles
comportementaux, les formes de traitements ou les possibilités de prise
en charge... L'aidant a jugé très mauvaises la qualité de
la relation entretenue avec le médecin ainsi que la manière dont
l'annonce a été réalisée.
- Perception de la réaction du parent
à l'annonce
L'aidant ne parait pas savoir si son père a compris de
quoi il souffrait. Au début, le sujet dit qu'il a entendu parler de la
maladie d'Alzheimer mais que cela ne le concernait pas, que ce n'était
pas lui qui était atteint. L'aidant pense que son père a
dénié sa pathologie, du moins lors des premiers symptômes.
Cependant, elle dit commencer à parler plus ouvertement de la maladie,
surtout autour de son père. Cela a permis à celui-ci de demander
s'il est atteint de la maladie d'Alzheimer et d'engager des discussions sur ce
thème avec sa fille.
- Réactions, mécanismes de
défenses
Lors de l'annonce fortuite de la maladie d'Alzheimer de son
père, le sujet a eu deux réactions :
Tout d'abord, l'effondrement du déni a
pu être repéré au sein du discours du sujet. L'aidant
évoque qu'elle a refusé d'admettre les signes précurseurs
de la maladie de son père : elle dit être consciente d'avoir
occulté des éléments en sa possession mais que cela
n'était pas possible à admettre à ce moment là.
Lorsque le médecin lui annonce sans ménagement, c'est tout ce
qu'elle a refusait d'admettre qui s'effondre et la vérité
s'impose à elle. La découverte accidentelle de l'annonce a un
impact traumatique important car elle n'a pas permis un accompagnement
relationnel immédiat ni d'apport d'explications sur la maladie ou ses
éventuelles causes, dans le but de répondre à la recherche
de sens du sujet. Selon les recherches sur ce thème, ce type de
découverte a un effet déstructurant pour le narcissisme du sujet
puisque le déni mis en place depuis longtemps s'effondre, laissant
l'aidant face à la réalité de la pathologie.
Ensuite, l'effondrement émotionnel a
été une réaction importante au moment de l'annonce.
L'aidant préférait imaginer que ce n'était pas la maladie
d'Alzheimer et l'annonce, brutale, l'oblige à un face à face avec
tout ce qu'elle comporte. L'annonce est ainsi vécue ici sur le mode
d'une catastrophe, d'un effondrement : le sujet utilise le mot
« assommée » pour parler de son vécu lors de
l'annonce.
Une autre hypothèse sur les réactions de
l'aidant peut être d'avoir attribué la fonction de
« bouc émissaire » à la compagne de
son père (Pitaud, 2006) : ici, l'aidant pense que celle-ci a eu un
rôle à jouer dans le déclenchement de la maladie, de part
son implication auprès de ses propres parents et par conséquent
de l'ennuie du père qui en a découlé. La compagne, est
considérée comme une des causes des difficultés. [34]
Lors du thème sur la réaction du parent à
l'annonce de la maladie, l'aidant évoque de nombreuses critiques face
à l'organisation du système médical (non communication des
données entre praticiens, non respect de la confidentialité sur
les pathologies de son père...). Le sujet parle de ce sujet avec
agacement et en haussant fortement le ton. Sous cette critique, nous pouvons
percevoir un besoin de contrôle de la part de l'aidant, notamment de
contrôler cognitivement la prise en charge de son père. Ici, nous
pouvons ainsi évoquer la mise en place d'une stratégie de coping
centrée sur le problème.
Entretien 3
Analyse de l'énonciation
- Agencement et dynamique du discours
Le discours est sobre, le sujet est engagé dans la
situation de manière réelle. Ses phrases sont succinctes, il est
souvent nécessaire de le relancer car il élabore peu sur les
sujets proposés. Cela traduit peut-être une difficulté
à parler de son vécu par rapport à la pathologie de sa
mère.
Interprétation de l'analyse
thématique et de l'énonciation, réalisation d'un lien avec
les résultats obtenus au questionnaire.
Analyse des mécanismes de défense à
l'annonce, des circonstances selon lesquelles, le sujet est devenu aidant, de
la perception de la qualité de l'annonce et de la réaction du
parent.
- Découverte de la maladie
Tout d'abord, un blocage parait avoir eu lieu en début
d'entretien lorsque nous avons posé la question de la manière
dont la maladie a été découverte : le sujet n'a pas
répondu directement à la question mais a demandé
« vous voulez que je dise ce que je vous ai dit en
arrivant ? ». L'aidant essaye peut-être de contrôler
la dynamique de l'entretien, comme s'il cherchait à faire reculer le
moment où il aura à se livrer, à parler de lui et de son
vécu lors. La seconde phrase évoque la volonté du sujet de
se laisser aller, par « heu, je vais tout vous dire »,
à finalement se confier.
La découverte de la maladie d'Alzheimer a
commencé par l'observation de troubles du comportement par rapport aux
dépenses financières de la mère du sujet. C'est à
partir de cette observation qu'il a décidé de lui faire passer un
test de mémoire auprès d'un gériatre. Il s'avère
que c'est l'aidant lui-même qui a découvert les troubles de sa
mère (utilisation du pronom personnel « je »).
- Devenir aidant
La manière dont le sujet est devenu l'aidant principal
de sa mère est particulière. Elle se situe entre la
volonté propre du sujet de prendre en charge sa mère et le refus
des membres de la fratrie de partager avec lui cette prise en charge, au
domicile de chacun selon ce qu'il avait proposé. La mise en place de
l'aide au sein de cette famille a était source de conflits dans la
fratrie: il s'agit ici d'un « enfant
désigné », désigné par le refus de la
fratrie de gérer l'aide à ses côtés mais
également choisi par le sujet lui-même puisque c'est lui qui
demande la mise sous curatelle et d'habiter avec sa mère. Nous pouvons
nous demander ici ( Pitaud, 2004), quelle est la structure narcissique du sujet
et sa relation avec sa mère car l'aidant choisi de vivre au domicile de
sa mère en disant vouloir préserver ses repères.
Cependant, celui-ci quitte sa vie personnelle, et, comme un retour en enfance,
revient vivre auprès de sa mère, dans le cocon familial. La
responsabilité symbolique que l'aidant recherche et obtient parait ainsi
lui permettre de donner un sens à son aide. [34]
- Perception de la qualité de
l'annonce
Le sujet ne parait pas satisfait de la manière dont
l'annonce de la maladie de sa mère lui a été faite.
L'entretien révèle que certaines informations sur la pathologie
lui ont été transmises mais que ce n'est pas le cas pour
toutes.
L'aidant souligne que le terme « maladie
d'Alzheimer » a été annoncé directement, en
expliquant que la patiente était perdue dans le temps et dans l'espace
en précisant l'évolution possible de la maladie. Cependant, le
sujet explique que plusieurs informations n'ont pas été
mentionnées, comme le rôle des médicaments ou le
fonctionnement de la maladie.
Le questionnaire apporte des éléments
complémentaires sur la perception de la qualité de l'annonce par
l'aidant. Tout d'abord, la préparation à l'annonce
(« préliminaires » selon B. Buckman) n'a pas eu
lieue (aidant non mis à l'aise, pas de demande de ce que le sujet veut
savoir des troubles...). Malgré le fait que les mots utilisés
soient simples et à la portée de l'aidant, le médecin n'a
pas répondu à toutes ses questions. Enfin, la transmission des
informations n'a pas été complète : le médecin
n'a pas évoqué les troubles comportementaux, la prise en charge,
les différents traitements... [4]
Le questionnaire met en évidence une perception
négative de la qualité de l'annonce réalisée par le
médecin (1/5).
- Perception de la réaction du parent
à l'annonce
L'aidant est très confus par rapport au sujet de la
réaction de sa mère face à l'annonce de la maladie :
il se contredit en évoquant tout d'abord l'incompréhension de sa
mère face au diagnostic puis le fait qu'elle ne l'a pas entendu
(liée à un problème d'audition), qu'elle a accepté
la maladie ou bien à la fin qu'elle a posé des questions lors du
stade léger. Nous pouvons nous demander si la confusion du sujet dans
ses propos sur la réaction de sa mère n'exprime pas ses propres
difficultés pour en parler avec elle.
- Réactions, mécanismes de
défenses
Lorsque nous posons la question du vécu de l'annonce,
l'aidant évoque immédiatement les problèmes
matériels, concrets, liés à l'organisation. Il ne parle
pas, au début, de son vécu propre, en rapport avec ses sentiments
et ses émotions. Nous pouvons émettre l'hypothèse de
l'utilisation de l'intellectualisation comme mécanisme de
défense : le sujet a eu recours à la
généralisation face à la situation conflictuelle
évoquée par la question, qui l'angoisserait peut être trop
s'il reconnaissait être impliqué affectivement.
Au fil de la réponse à la question du
vécu, le sujet se livre par rapport à ses émotions lors de
l'annonce. La présence d'anxiété peut être
soulignée à travers son discours, il répète
d'ailleurs à trois reprises « ça angoisse »
au sein de la même phrase. L'anxiété du sujet n'est
cependant pas mise en évidence par le questionnaire. L'aidant
éprouve des inquiétudes quotidiennes depuis l'annonce de la
maladie et avoir du mal à les contrôler, mais celles-ci
interfèrent peu avec sa vie personnelle. Il s'avère tout de
même important de préciser que le questionnaire peut provoquer un
certain contrôle, plus difficile à maîtriser dans
l'entretien. L'évocation « d'angoisse » par le sujet
lui-même traduit tout de même son inquiétude liée
à la maladie de sa mère.
Entretien 4
Analyse de l'énonciation
-Rythme de l'entretien
L'aidante a eu un besoin manifeste par l'entretien d'exprimer
de nombreuses inquiétudes par rapport à son mari, et de raconter
certains événements de vie liés ou non à la maladie
d'Alzheimer de son époux. Cette observation peut-être
justifiée par le rythme très soutenu de l'entretien,
c'est-à-dire un flux de parole très important de la part de
l'aidante. De plus, les phrases ne s'enchaînent pas forcément
logiquement mais selon les émotions et les pensées du sujet.
Aucune relance n'a été nécessaire.
- Style de l'entretien
L'entretien comporte une forme de
« litanie », c'est-à-dire que le sujet se
répète souvent, modifie ses phrases comme si elle se parlait
à elle-même. Nous ne pouvons pas observer de progression
réelle au cours de l'entretien mais plutôt une juxtaposition
d'idées et d'affects exprimés. Cela traduit un besoin de parler
pour soulager une tension, de décharger un vécu difficile (Unrug,
1974). [47]
-Elément atypique : lapsus
Au sein de la première séquence de l'entretien,
l'aidante explique qu'elle a « des copines qui ont aussi leur
maladie, leur mari (...) ». Le sujet a par conséquent
remplacé le mot « mari » prévu par la
conscience par le mot « maladie » venu s'interposer
inconsciemment. Cela traduit donc certainement l'instance non maîtrisable
d'une idée refoulée. L'aidante associe inconsciemment la maladie
non pas uniquement au patient lui-même mais aussi à la personne
qui l'accompagne. Ce lapsus exprime peut-être le vécu de la
maladie de son époux comme sa propre maladie.
Un autre élément atypique est présent
dans le discours de l'aidante mais qui ne représente pas
réellement un lapsus : l'aidante explique que son mari lui dit
« tu veux m'enterrer, heu, tu veux, tu veux plus que je fasse
rien ». Au moment où le verbe « enterrer »
arrive à sa conscience, le sujet exprime une certaine gêne et a du
mal à expliquer ce qu'elle entend par ce terme, comme si elle aurait
préférée ne pas le dévoiler. Plusieurs
hypothèses peuvent être émises : l'aidante refuse
cette idée « d'enterrer » son mari et cela lui
évoque sa possible mort, elle est gênée de ce que ce terme
signifie et sent qu'elle a dévoilé quelque chose que son mari lui
a dit.
L'aidante a manifesté ses émotions durant
l'entretien également physiquement : elle a eu les larmes aux yeux
plusieurs fois pendant son discours ; lorsqu'un vécu douloureux
était abordé. A la fin de l'enregistrement, le sujet s'est
excusé de cette « montée d'émotions »
mais il apparait que cela a été une source de décharge
pour elle.
Interprétation de l'analyse
thématique et de l'énonciation, réalisation d'un lien avec
les résultats obtenus au questionnaire.
Analyse des mécanismes de défense à
l'annonce, des circonstances selon lesquelles le sujet est devenu aidant, de la
perception de la qualité de l'annonce et de la réaction du
parent.
- Découverte de la maladie
L'aidante s'est aperçue de certaines pertes de
mémoire de son mari mais elle a expliqué ce trouble par
l'âge avancé de celui-ci. Son mari était visiblement suivi
depuis plusieurs années (environ 4 ans) au sein du service de
consultation mémoire et il lui a été demandé de
l'accompagner il y a 6 mois. C'est lors de cette visite que le médecin
leur a annoncé, à tous les deux, la maladie d'Alzheimer de
l'époux. L'aidante a ensuite été prise à part pour
lui manifester le caractère violent de la maladie de son époux.
- Devenir aidant
La question n'a pas été posée directement
lors de cet entretien, mais il s'avère que la personne soit devenue
naturellement l'aidante principale de son époux, car elle vit avec lui
et qu'ils n'ont pas d'enfants ensemble. L'aidante se pose néanmoins la
question du devenir de son mari si elle meurt avant lui et évoque
l'impossibilité de sa fille de s'en occuper.
- Perception de la qualité de
l'annonce
L'aidante n'a pas répondu à la question sur la
qualité de l'annonce : elle était centrée sur ses
émotions, son vécu, et elle a exprimé sa réaction
au moment de l'annonce et non pas la qualité de celle-ci. Cela renforce
le besoin de se décharger. Cependant, certaines informations sont
données au sein d'autres séquences de l'entretien. Tout d'abord,
le terme « Alzheimer » a été clairement
prononcé et les informations sur la prise en charge
médicamenteuse ont été transmises à l'aidante.
Ensuite, il a été précisé le stade
d'évolution de la maladie (« début
d'Alzheimer ») ainsi que les troubles du comportement associés
pour ce patient (Alzheimer violent).
Le questionnaire apporte d'avantage d'éléments
sur l'annonce : le médecin s'est montré agréable avec
l'aidante, a répondu à ses questions et a fait preuve d'empathie.
Cependant, il n'a pas demandé au sujet ce qu'elle voulait
connaître des troubles de son mari, ce qu'elle en savait
déjà et certains éléments de la prise en charge
n'ont pas été expliqués (évolution, avenir...). De
manière générale, l'aidante estime tout de même
être satisfaite de la manière dont l'annonce lui a
été faite ainsi que de la relation entretenue avec le
médecin.
- Perception de la réaction du parent
à l'annonce
L'époux de l'aidante était présent pour
une partie de l'annonce du diagnostic : le terme « maladie
d'Alzheimer » a été posé mais les
médecins ont expliqué la forme violente uniquement à
l'aidante.
La perception que l'aidante a de la réaction de son
mari lors de l'annonce s'avère correspondre à la
personnalité antérieure de cet homme. Le patient a eu une
réaction de refus actif de la maladie.
D'une part il a entendu le diagnostic et à tenté
de s'en défendre. L'aidante perçoit son mari comme très
volontaire et éprouve une certaine admiration pour lui.
D'un autre côté, le patient, au quotidien, refuse
sa maladie en voulant à tout prix réaliser tout lui-même,
ce qui lui provoque un énervement et un refus lorsqu'il échoue
dans ce qu'il fait. Cette réaction est en concordance avec la
personnalité antérieure du patient, car il est décrit par
son épouse comme étant très exigent et très
décideur auparavant, trait de personnalité accentué avec
la maladie.
La dernière phrase de l'entretien est
intéressante à ce sujet : l'aidante évoque tout au
long de l'entretien le souhait profond de son mari de guérir et
d'avancer. A la fin de l'entretien, elle précise qu'elle aussi le
souhaite. Cela traduit peut être la manière dont elle rejoint son
époux malgré les difficultés éprouvées
autour de son refus d'admettre la maladie.
- Réactions, mécanismes de
défenses, stratégies de coping
La première réaction traduite par le discours de
l'aidante est le déni de la maladie : lors de la
question sur ses réactions à l'annonce, celle-ci est très
confuse et dit « non » six fois dans les deux
premières phrases. Elle se demande « est ce que dans ma
tête je... ? » mais ne finit pas sa phrase et explique
qu'elle ne s'était pas rendu compte tout de suite. Après cette
phase de refus de la maladie, l'aidante a pris la décision de
rechercher des informations sur la maladie d'Alzheimer auprès
de proches et par les médias. Cela induit que cette étape lui a
permis de s'approprier la maladie et de lui donner un sens.
Tout au long de l'entretien, l'aidante exprime des
inquiétudes proches des dimensions concrètes de la
réalité (voyage de son époux, organisation...). Selon
les explications données par Pouillon (2003) sur ce sujet, ces
inquiétudes peuvent permettre de contenir les angoisses de type
objectales en leur donnant un espace psychique et une représentation. De
plus, l'aidante cherche à se rassurer en expliquant à maintes
reprises qu'il ne s'agit qu'un début d'Alzheimer. [35]
Enfin, ce qui inquiète le plus l'aidante est la
violence et l'agressivité dont fait preuve son mari de manière
générale et envers elle. Il apparait qu'elle a du mal à se
protéger contre cela et à trouver des solutions adéquates
en réponse à cette violence. La mise en place d'un
« coping évitant » parait avoir
été conseillée par les médecins qui lui proposent
de fuir la situation quand son mari est en proie à un énervement
considérable. Cependant, un « coping
vigilant » parait davantage utilisé par l'aidante qui
recherche de l'information autour d'elle ainsi qu'un soutien social
auprès de sa belle-fille et des ses amies vivant la même
situation.
Entretien 5
Analyse de l'énonciation
-Rythme et style de l'entretien
Les phrases du discours de cette aidante s'enchaînent de
manière logique et compréhensible. Nous ne remarquons pas de
coupures brusques dans l'énonciation ou de ruptures dans les
idées : l'entretien est linéaire sans interpolations ni
confusion.
Un élément important qui peut être
noté à travers l'analyse de l'énonciation est
l'énervement dont fait preuve l'aidante à plusieurs moments.
Cette émotion se traduit par un haussement de la voix et une
accélération du débit de parole. Cet énervement
apparait lorsque le sujet aborde les critiques faites au système de
santé autour de sa mère et au manque de prise en charge qu'elle
observe.
Interprétation de l'analyse
thématique et de l'énonciation, réalisation d'un lien avec
les résultats obtenus au questionnaire.
Analyse des mécanismes de défense à
l'annonce, des circonstances selon lesquelles le sujet est devenu aidant, de la
perception de la qualité de l'annonce et de la réaction du
parent.
- Découverte de la maladie
Ce sont des troubles cognitifs (répétitions
verbales) et une désorientation spatio-temporelle qui ont alertés
l'aidante sur la maladie de sa mère. Suite à ces observations,
celle-ci a conduit son parent en consultation mémoire où le
diagnostic de la maladie d'Alzheimer a été posé. Il
s'avère que la maladie n'est pas acceptée par l'ensemble de la
famille de l'aidante. Effectivement, elle évoque le déni de son
entourage des troubles de sa mère et même l'accusation d'avoir
elle-même la maladie d'Alzheimer, d'être
« folle ». Nous pouvons voir ici que l'annonce de la
maladie a perturbé la dynamique familiale. Selmés et
Derouesné (2007), parle de « famille
négationniste » qui pratique le déni comme moyen de
défense de la maladie du proche.
- Devenir aidant
La fille de la patiente est devenue aidante principal, de la
même manière que son frère. Une division des tâches a
pu être mise en place entre ces deux personnes. Nous pouvons ainsi
émettre l'hypothèse selon laquelle le sujet est devenu aidante
naturellement. Il s'agit ici d'une « désignation
inconsciente ».
- Perception de la qualité de
l'annonce
L'aidante ne répond pas directement à la
question de la qualité de l'annonce de la maladie de sa mère.
Néanmoins, cette annonce a été de qualité :
des informations ont été transmises sur la prise en charge
médicamenteuse et sur l'avenir, le terme « maladie
d'Alzheimer » a été clairement énoncé et
l'aidante dit avoir après des choses lors de cette annonce même si
elle s'attendait au diagnostic.
Le sujet évoque par contre tout au long de cette
séquence les divers troubles comportementaux et cognitifs de sa
mère ainsi que leur évolution.
- Perception de la réaction du parent
à l'annonce
La mère de l'aidante a été mise au
courant de la pathologie dont elle souffre et ceci en communiquant sur ce sujet
et en annonçant sa pathologie à ses proches. Cependant, une
réaction de refus des symptômes s'est installée au
début de la maladie : la patiente se mettait en colère
lorsqu'elle s'apercevait de ses pertes de mémoire.
- Réactions, mécanismes de
défenses
La première réaction de l'aidante a
été un soulagement, de pouvoir poser un mot sur le
trouble dont elle s'était aperçue et d'accéder à
des traitements pour sa mère. Le sujet reconnait elle-même au
cours de l'entretien « ça nous fait du bien à
nous » lorsqu'elle évoque l'annonce ou la prise en charge.
L'entourage de l'aidante n'a pas reconnu la maladie de la patiente et ses
troubles : le diagnostic médical lui permet peut-être de
montrer la réalité aux autres membres.
Ensuit, après l'annonce, l'aidante dit avoir
« foncé », ce qui peut traduire l'utilisation d'un
coping centré sur le problème (mise en place de l'aide,
organisation matérielle...). Il a pu s'agir pour elle de rechercher
d'informations, d'élaborer des « plans d'actions »
et des actions directes.
Entretien 6
Analyse de l'énonciation
-Rythme et style de l'entretien :
L'ensemble de l'entretien se déroule de manière
logique, les idées s'enchaînent sans blocages. Le discours est
fluide, nous n'avons pas besoin de relancer l'aidante car son expression est
très riche.
Cependant, nous pouvons remarquer que celle-ci contrôle
ses émotions pendant plus de la moitié de l'entretien et que ce
contrôle est lâché de manière brutale à la
question sur ses réactions au moment de l'annonce. Les larmes et le
silence prennent alors place au sein de l'entretien, ce qui nous amène
à arrêter l'enregistrement dans un souci de respect de la
personne. De même, les pleurs resurgissent en fin d'entretien lorsque
l'aidante évoque ses relations mère/fille. Nous pouvons alors
émettre l'hypothèse selon laquelle le sujet libère ses
émotions et diminue son contrôle au fur et à mesure de
l'entretien pour finalement laisser entrevoir les difficultés affectives
engendrées par l'annonce de la maladie.
- Elément atypique : le lapsus :
L'aidant évoque « un problème
d'audition » en parlant de sa maman au lieu de dire un
« problème de mémoire ». Le lapsus traduit
l'insistance non maîtrisable d'une idée refoulée. Ici, le
sujet se rend compte néanmoins juste après de son erreur. Nous
pouvons nous demander si ce lapsus n'entre pas en rapport avec le fait que sa
mère refuse la maladie (ce dont l'aidante parle juste après) ou
s'il n'existe pas un lien avec le fait que l'aidante dénie
elle-même la maladie de sa mère.
- Elément non verbal : rire.
L'aidante rit sept fois tout au log de l'entretien. En
repérant les moments de l'utilisation de ce moyen de communication non
verbale, nous nous sommes aperçus que le sujet riait trois fois
lorsqu'elle évoque des anecdotes, une fois pour parler de sa relation
mère/fille (mais elle pleure à la seconde fois où le sujet
est évoqué), deux fois pour évoquer des formations
professionnelles dans le milieu sociale et enfin une fois lors de son lapsus.
Nous pouvons nous demander si le rire ne permet pas à
l'aidante de se détacher de son discours et surtout des affects
douloureux qui y sont associés. Le rire est par exemple présent
lors du thème sur les relations mère/fille alors qu'elle pleure
lorsqu'elle parle de ce sujet un peu plus tard dans l'entretien : le rire
traduit peut-être un moyen de dissimuler un vécu difficile.
Interprétation de l'analyse
thématique et de l'énonciation, réalisation d'un lien avec
les résultats obtenus au questionnaire.
Analyse des mécanismes de défense à
l'annonce, de la manière dont le sujet est devenu aidant, de la
perception de la qualité de l'annonce et de la réaction du
parent.
- Découverte de la maladie
L'aidante s'est aperçue de troubles de la
mémoire de sa mère mais a mis cela sur le compte de son âge
avancé. Ces troubles ont finalement amené le sujet à
prendre rendez-vous chez un gériatre pour pratiquer des examens. C'est
ce dernier qui a annoncé à l'aidante la maladie d'Alzheimer de sa
mère.
- Devenir aidant
Selon Lavoie (2002), des règles vont intervenir dans le
choix de devenir aidant. Ici, la proximité géographique est
l'explication principale dans le fait que le sujet soit devenu l'aidante
principale. De plus, le thème des relations mère/fille est
évoqué deux fois au cours de l'entretien, ce qui peut laisser
supposer que la proximité de l'aidante et de sa mère a
influencé l'assignation dans le rôle d'aidante principal. [20]
- Perception de la qualité de
l'annonce
L'aidante explique qu'elle a trouvé le gériatre
très professionnel lors de l'annonce de la maladie et qu'il est
allé droit au but. Cependant, le sujet souligne le manque d'humanisme
dans la consultation menée par le médecin : celui-ci n'a pas
fait preuve d'empathie lors de l'entretien.
- Perception de la réaction du parent
à l'annonce
Il s'avère que le parent souffrant de la maladie
d'Alzheimer a refusé d'admettre sa pathologie. L'aidante évoque
deux éléments autour de ce refus : la manière de
vouloir poursuivre sa vie comme elle était antérieurement ainsi
que de minimiser ses troubles de mémoire. Le déni a ainsi
été le principal mécanisme de défense mis en place
par le parent lors de l'annonce. Ce refus s'est basé sur l'action au
sein de son quotidien.
- Réactions, mécanismes de
défenses, stratégies de coping
L'aidante a eu deux réactions contradictoires lors de
l'annonce de la maladie de sa mère. Tout d'abord, l'effondrement
émotionnel a été la première
réaction : à l'annonce, l'aidante a imaginé
l'évolution de la maladie et explique avoir eu un moment très
difficile à passer. L'énonciation du sujet renforce cette
idée d'effondrement : le fait d'évoquer son vécu de
l'annonce, l'aidante se met à pleurer et ses émotions
resurgissent.
Un second sentiment s'est associé à ce
vécu difficile : l'aidante a semble-t-il ressenti un
soulagement de savoir de quoi souffrait sa mère et de poser les
choses en terme d'organisation.
Enfin, en matière de type de coping, il apparait que
l'aidante a mis en place un coping vigilant centré sur la
recherche de soutien, auprès de ses fils et surtout de son époux.
Le renforcement des liens familiaux autour de la grand-mère permet au
sujet de s'appuyer sur ses proches.
Entretien 7
Analyse de l'énonciation
Lors de l'analyse catégorielle de l'entretien, il nous
a semblé important de souligner certains aspects du discours :
- Agencement et dynamique du discours
Tout d'abord, il est important de souligner que le discours de
l'aidant est très bref. Il répond de manière succincte
à chaque question, sans élaborer autour de ses émotions ou
de son vécu. La fin du premier thème montre bien la
volonté du sujet de maîtriser son discours et de limiter ses
propos : il termine son explication sur la découverte de la maladie
de son épouse par « je crois qu'il n'ya rien d'autres
à ajouter là ». Cette phrase ne laisse ainsi pas la
possibilité de relance. L'ensemble de l'entretien contient des
propositions logiques sans failles dans le discours.
Ensuite, lors de l'analyse globale de l'entretien, nous
pouvons nous apercevoir que le terme « maladie
d'Alzheimer » n'apparaît pas une seule fois dans le discours de
l'aidant. Le sujet évoque les symptômes de la maladie et le terme
employé par le médecin « lésions
irréversibles » mais pas de la maladie elle-même. Nous
pouvons nous demander ce que cette absence signifie dans le discours de
l'aidant : est-ce le signe du déni de la maladie de la part du
sujet, même s'il est bien conscient de l'ensemble des troubles
engendrés ? Ou bien la peur de ce terme et de tout ce qu'il
signifie, comme lorsqu'il évoque l'appréhension de
l'avenir ?
- Analyse non verbale
§ le silence : Chaque séquence se
termine par un silence, parfois un peu pesant, qui oblige l'interviewer
à proposer le thème suivant immédiatement. L'aidant n'a
pas envie d'élaborer autour des sujets proposés et paraît
réticent à parler de son vécu autour de l'annonce, de ses
émotions.
§ La toux : Lorsque nous demandons au sujet
d'expliquer ses réactions à l'annonce du diagnostic de la maladie
d'Alzheimer de son épouse, celui-ci se met d'abord à tousser.
Outre l'association à un rhume par exemple, nous pouvons nous demander
si cela ne traduit pas la difficulté de l'aidant à évoquer
ce sujet et si la toux ne remplacerait pas les émotions impossibles
à exprimer.
Interprétation de l'analyse
thématique et de l'énonciation, réalisation d'un lien avec
les résultats obtenus au questionnaire.
Analyse des mécanismes de défense à
l'annonce, de la manière dont le sujet est devenu aidant, de la
perception de la qualité de l'annonce et de la réaction du
parent.
- Découverte de la maladie
C'est la patiente elle-même qui a alerté son
époux au sujet de difficulté mnésiques qu'elle
éprouvait. Un rendez-vous avec le gériatre a ensuite
été pris pour réaliser des tests.
- Devenir aidant
Le sujet est devenu aidant de manière tout à
fait naturelle, car il vit avec la patiente et leurs enfants sont
éloignés géographiquement : aider son épouse
lui incombait obligatoirement.
- Perception de la qualité de
l'annonce
L'aidant dit avoir la vision d'une annonce
« normale » sur la forme de celle-ci, mais n'explique pas
pourquoi. L'annonce du terme « maladie d'Alzheimer » n'a
pas été faite clairement mais le médecin a parlé
lors de la consultation de « lésions
irréversibles ». Une autre séquence de l'entretien
montre que le sujet a reçu des informations sur les possibilités
de traitements de la maladie de son épouse.
Le discours de l'aidant ne révèle aucunes autres
informations sur la qualité perçue de l'annonce.
Nous nous intéressons au questionnaire, et plus
particulièrement aux questions portant sur la manière dont a
été réalisée l'annonce. D'une manière
générale, l'analyse de cette partie montre que le sujet a une
perception positive de la manière dont s'est déroulée
l'annonce de la maladie : 5/5 pour la qualité des relations avec le
médecin et 4/5 pour le ressenti sur la manière dont a
été réalisée l'annonce. Cependant, le
médecin n'a pas évoqué clairement le nom
« maladie d'Alzheimer » mais l'a remplacé par un
terme peu recevable car difficile à entendre et technique :
« lésions irréversibles ». Ensuite, le
médecin n'a pas trop abordé la question de l'avenir, point sur
lequel le sujet dit avec une appréhension. L'annonce des
différentes informations a été réalisée pour
une grande majorité (prise en charge, traitements, troubles...) et le
médecin parait s'être montré à l'écoute.
- Perception de la réaction du parent
à l'annonce
L'aidant explique que, selon lui, son épouse a
réagit de façon « normale » lors de l'annonce
de la maladie. Mais il n'explique pas ce qu'il entend par normal ou par
personne équilibré. Il dit simplement que sa femme est consciente
de ses troubles de mémoire et des « choses qu'elle avait
perdu », mais ne rentre pas dans les détails de ses
réactions. L'aidant n'a cependant pas mal vécu la réaction
de son épouse à l'annonce.
- Réactions, mécanismes de
défenses
La première réaction du sujet, même s'il
s'attendait à cette annonce, a été l'effondrement
émotionnel : il explique avoir été
« catastrophé » par l'annonce et
particulièrement inquiet pour l'avenir. De plus, le sujet évoque
sa perte d'autonomie. Ses difficultés s'orientent ainsi surtout autour
de la gestion quotidienne et sur les changements d'organisation et de mode de
vie. L'aidant essaye de relativiser en se disant que la situation pourrait
être pire mais il se rend compte que ses soucis lors de l'annonce
étaient fondés.
L'acquiescement passif a pris place
après la sensation de catastrophe. Le sujet évoque plusieurs fois
le mot « normale » et ne parle pas du tout dans l'entretien
des choses qu'il a mis en place autour de sa femme ou de la recherche
d'information et de soutien face à la maladie. L'aidant parait avoir
accepté la pathologie sans chercher à comprendre, à faire
évoluer la situation d'une manière ou d'une autre.
Entretien 8
Analyse de l'énonciation
-Rythme et style de l'entretien
L'entretien est linéaire, sans failles logiques ni
interruptions. Le sujet explique de manière sobre son vécu
concernant la découverte et l'annonce de la maladie d'Alzheimer de son
époux, sans lyrisme. Cependant, les émotions transparaissent peu
au niveau de l'énonciation. Un élément important peut
être noté : le sujet ne répond pas à la
question sur la manière dont elle est devenue l'aidante principale.
Effectivement, lorsque nous abordons ce thème, elle répond en
expliquant les réactions de son époux à l'annonce.
Même lors de la relance, l'aidante parait ne pas entendre le thème
questionné et dit à nouveau « c'était quand
même un certain refus ». Le thème de l'aide est sans
doute difficile à aborder par le sujet qui occulte la question pour se
baser sur le refus de son mari à accepter la maladie.
Interprétation de l'analyse
thématique et de l'énonciation, réalisation d'un lien avec
les résultats obtenus au questionnaire.
Analyse des mécanismes de défense à
l'annonce, des circonstances selon lesquelles le sujet est devenu aidant, de la
perception de la qualité de l'annonce et de la réaction du
parent.
- Découverte de la maladie
Ce sont des troubles de mémoire qui ont alerté
l'aidante et qui l'ont poussé à prendre rendez-vous chez un
médecin pour que son mari réalise des tests.
- Devenir aidant
L'aidante refuse, certainement inconsciemment, de parler de ce
thème, en occultant la question et en abordant le refus de la maladie de
la part de son mari. Même lorsque nous la relançons sur la
manière dont elle est devenue aidante, celle-ci semble ne pas entendre
et réponds par la perception de la réaction de son mari.
- Perception de la qualité de
l'annonce
L'annonce s'avère s'être déroulée
dans de très bonnes conditions, suivant les recommandations lors de ce
type de consultation. Tout d'abord, l'aidante explique avoir été
mise en confiance par le médecin et avoir reçu des explications
sur les examens réalisés et sur les traitements proposés.
L'analyse détaillée du questionnaire montre que la phase
« préliminaire » selon Buckman (1994) a
été mise en place par le médecin, en demandant à
l'aidant ce qu'il voulait savoir des troubles de son mari, en utilisant des
mots simples et en faisant preuve d'empathie. Les informations concernant le
diagnostic, les traitements, la prise en charge ont été
délivrés. Ces éléments positifs dans l'annonce sont
confortés par le fait que l'aidante juge excellente les relations
entretenues avec le médecin ainsi que le ressenti sur le
déroulement de l'annonce. [4]
- Perception de la réaction du parent
à l'annonce
Ce thème apparait comme central au sein du discours de
l'aidante : celle-ci évoque le refus de la maladie par son mari en
réponse à la question sur ce point mais également lors de
la séquence sur la manière dont elle est devenue l'aidante
principal. La récurrence de ce thème traduit l'importance qu'il a
pour le sujet.
L'aidante perçoit la réaction de son
époux à l'annonce comme un refus, un déni de la maladie.
Elle explique ce refus du diagnostic et des symptômes par le manque
d'informations et de connaissances sur la maladie d'Alzheimer. Il
s'avère qu'une évolution s'est ensuite opérée dans
le ressenti du patient : celui-ci a peu à peu accepté la
maladie, par la prégnance de ses troubles, qu'il ne pouvait plus
ignorer.
- Réactions, mécanismes de
défenses
L'aidante explique son sentiment d'avoir été
préparée à l'annonce par sa découverte des troubles
de mémoire de son époux. Cependant, le sujet met en avant la
difficulté du moment à passé lors de la consultation
d'annonce, malgré les bonnes relations entretenues avec le
médecin. Ce vécu difficile a très vite laissé place
à un sentiment d'espoir par les recherches entreprises au mondial sur
cette maladie ainsi que sur les traitements. L'aidante croit en un
« médicament miracle » qui pourrait sauver son mari.
Nous pouvons dire qu'elle accepte la maladie mais à la seule condition
de pouvoir croire en une guérison et en les recherches actuelles.
Entretien 9
Analyse de l'énonciation
Lors de l'analyse catégorielle de l'entretien, il nous
a semblé important de souligner certains aspects du discours :
- Agencement et dynamique du discours
Le discours du sujet est linéaire, sans failles
logiques. L'aidant développe ses réponses en exprimant son
vécu et ses émotions, sans qu'il y ait besoin de le relancer.
Interprétation de l'analyse
thématique et de l'énonciation, réalisation d'un lien avec
les résultats obtenus au questionnaire.
Analyse des mécanismes de défense à
l'annonce, des circonstances selon lesquelles le sujet est devenu aidant, de la
perception de la qualité de l'annonce et de la réaction du
parent.
- Découverte de la maladie
L'aidant s'est d'abord questionné sur les pertes de
mémoire de son épouse qui l'ont poussé à se rendre
en consultation mémoire. Une aggravation brutale de l'état de
son épouse a été constatée il y a deux ans, avec
une perte d'intérêts, une diminution des activités et un
comportement agressif.
- Devenir aidant
Le sujet est l'époux de la patiente, il est ainsi
devenu naturellement son aidant principal, de part son lien de mariage et de
proximité géographique puisqu'ils habitent ensemble.
- Perception de la qualité de
l'annonce
Le sujet ne parle pas du déroulement de l'annonce mais
d'une information non délivrée par le médecin et non
demandé sur le moment par l'aidant : il évoque trois fois
durant l'entretien son questionnement sur l'évolution de la maladie de
son épouse et se demande si les médecins le savent eux
même. L'aidant regrette d'avoir oublié de poser cette question lui
tenant à coeur au moment de la consultation mémoire. Il tente
même d'avancer ses propres théories et réflexions sur le
sujet pour répondre à sa question et se rassurer. L'analyse du
questionnaire va dans le sens de ce manque en ce qui concerne
l'évolution de la maladie, le sujet a effectivement répondu
« pas du tout d'accord » lorsqu'on lui demande si le
médecin a parlé de l'évolution lors de l'annonce.
Cependant, le questionnaire met en avant une annonce de
qualité concernant les autre éléments : le
médecin s'est montré à l'écoute, a utilisé
des mots simples et a répondu clairement aux questions de l'aidant.
Certaines informations ont été omises par le médecin,
comme les modes de prises en charge, le traitement ou le questionnement sur
l'avenir. Le terme « maladie d'Alzheimer » a
été évoqué clairement par le médecin au
cours de l'entretien. Enfin, la relation entretenue avec le médecin et
la qualité de l'annonce ont été très perçu
par l'aidant, et noté 5/5 lors du questionnaire.
- Perception de la réaction du parent
à l'annonce
Cette question a permis de mettre à jour une certaine
confusion autour de la communication au sein du couple, du moins sur le
thème de la maladie de l'épouse : le sujet est relativement
confus lorsqu'il évoque la réaction de sa femme à
l'annonce de la maladie. La première phrase en réponse à
la question de l'interviewer va d'ailleurs dans ce sens : « ah,
elle sait qu'elle l'a, la maladie d'Alzheimer, non, non ». L'aidant
exprime deux éléments contradictoire au sein de cette phrase, ne
sachant pas si son épouse a compris de quoi elle était atteinte
ou non. Cette confusion est justifiée un peu plus loin dans l'entretien
par l'évocation du manque de communication par l'aidant. L'épouse
parait avoir quelques notions sur sa maladie et sur les souffrances de chacun
des membres du couple mais « on en parle pas, chacun reste sur ses
positions ». Cette séquence est très enrichissante car
elle permet à l'aidant de mettre à jour l'absence de
communication dans le couple autour de la pathologie. Un autre
élément du discours montre la connaissance mais le refus de la
maladie d'Alzheimer par l'épouse : l'aidant évoque le refus
de sa femme d'accepter une aide extérieure au sein de son domicile, ce
qui traduit le malaise dans la perception de celle-ci.
- Réactions, mécanismes de
défenses
Le sujet a réagit par un acquiescement
passif lors de l'annonce de la maladie d'Alzheimer de son
épouse. Il dit s'y être attendu et même s'être
douté d'une association entre les troubles de sa femme et les
symptômes de la maladie alors que les médecins refusaient
d'évoque cette pathologie. L'aidant dit ne pas avoir été
choqué ni frappé par l'annonce. Selon les éléments
théoriques sur ce thème, cette réaction peut traduire un
blocage des affects, comme si le sujet était en état de
sidération mais que cela se manifestait sous forme d'acquiescement.
Pouillon (2003) explique que cela peut également traduire le refus
d'admettre la réalité ou une incompréhension. [35]
Entretien 10
Analyse de l'énonciation
Lors de l'analyse catégorielle de l'entretien, il nous
a semblé important de souligner certains aspects du discours :
- Agencement et dynamique du discours
Le discours de l'aidant est organisé de manière
logique, sans failles ni blocage particuliers. Il apparait cependant que le
sujet exerce un certain contrôle sur ses dires au début de
l'entretien, en évoquant des faits de façon objective et sans
laisser transparaitre ses émotions. C'est à la question sur la
qualité de l'annonce que l'aidante lâche son contrôle et que
les émotions liées au vécu de cette annonce peuvent
apparaître. C'est à ce moment de l'entretien que les mots laissent
place au silence et aux larmes. Un arrêt de l'enregistrement est alors
nécessaire, par respect pour le sujet. Nous reprenons une fois qu'elle
se sent plus à l'aise et que ses pleurs ont cessé. L'entretien
sera coupé par la sonnerie du téléphone portable de
l'aidante, sur quoi nous arrêterons l'enregistrement.
Interprétation de l'analyse
thématique et de l'énonciation, réalisation d'un lien avec
les résultats obtenus au questionnaire.
Analyse des mécanismes de défense à
l'annonce, des circonstances selon lesquelles le sujet est devenu aidant, de la
perception de la qualité de l'annonce et de la réaction du
parent.
- Découverte de la maladie
La découverte de la maladie ne s'est pas faite par
l'aidante elle-même, car elle se trouvait plutôt en situation de
déni, mais par son époux et le médecin
généraliste, ayant observé des troubles du comportement
chez la patiente. L'aidante cherche d'autres causes à ces troubles,
comme lorsqu'elle pense à des troubles dépressifs survenus
après le décès de son père.
- Devenir aidant
Le sujet est devenu l'aidante principale au fur et à
mesure de l'avancée de la maladie, et cela de manière naturelle
car elle est l'unique fille de la patiente et est revenue au sein du village de
sa mère depuis quelques temps. Le rapprochement géographique et
le lien familial expliquent comment le sujet est devenu aidante.
- Perception de la qualité de
l'annonce
Le médecin a fait preuve d'une grande empathie à
l'annonce du diagnostic : l'aidante évoque la manière dont
celui-ci l'a rassuré et a pris les choses en mains pour la passation de
tests et des examens médicaux. Cependant, l'entretien n'apporte pas
d'autres éléments sur la qualité perçue de
l'annonce. Le questionnaire montre que l'annonce réalisée
correspond aux recommandations des auteurs sur ce thème : le temps
des « préliminaires » a été
respecté et le médecin a transmis l'ensemble des informations
accompagnant le diagnostic (hormis les différentes prises en charge). De
plus, ces éléments sont confirmés par la perception
très positive de l'aidante concernant les relations entretenues avec le
médecin lors de l'annonce ainsi que la manière dont celle-ci a
été réalisée.
- Perception de la réaction du parent
à l'annonce
La patiente n'est pas au courant de sa pathologie, et cela sur
la demande du neurologue. L'aidante a évoqué ce thème avec
sa mère mais en lui expliquant qu'elle souffrait de troubles de
mémoire, sans spécifier le nom de la maladie. La patiente ne pose
pas non plus de questions à son entourage.
- Réactions, mécanismes de
défenses, stratégies de coping
La première réaction du sujet lorsque les signes
de la maladie d'Alzheimer de sa mère devenaient évidents, a
été le déni. L'aidante a expliqué
les troubles par la dépression de sa mère suite au
décès de son mari, mais n'a pas voulu admettre le rapprochement
avec la maladie d'Alzheimer.
Le déni du diagnostic est considéré par
Pouillon (2003) comme le refus de la maladie et l'entourage peut demander des
explications exhaustives ou même menacer le praticien d'aller chercher un
deuxième avis. Ici, l'aidante s'est dit que le médecin
s'était certainement trompé lors de l'annonce, qu'il s'agissait
d'autre chose. La démence semblait survenir pour la fille sans qu'elle
ne s'y attende : elle refuserait dans ces conditions in consciemment de se
préparer à cette déchéance annoncée, il
s'agirait ainsi d'une forme de déni. [35]
Au moment même de l'annonce, la réaction
principale a été l'effondrement
émotionnel. Le déni mis en place depuis un certain
temps, et qui permettait de sauvegarder la dynamique familiale,
s'écroule avec l'annonce. L'aidante explique avoir été
profondément choquée par l'annonce, s'être
effondrée, et accompagne ses paroles par des pleures : nous pouvons
percevoir à quel point ce vécu est difficile.
Ensuite, l'aidante a fait preuve de coping
centré sur le problème pour admettre la maladie et
surtout pour y faire face. Sa réaction, basée sur
« l'actif » a ainsi été de poser des
questions, de chercher du soutien auprès de son mari, de rechercher une
institution pour le placement de sa maman... Cette stratégie de coping
permet la résolution du problème de manière
immédiate car elle permet de ne pas penser aux affects associés
à la maladie mais de se centrer sur les éléments
matériels et sur l'organisation qui en découle. Ici, l'aidante
élabore un plan d'action pour la prise en charge en institution, ce qui
lui permet de diminuer son angoisse.
Nous pouvons également percevoir par le discours de
l'aidante le vécu d'angoisses narcissiques
: elle éprouve la crainte que la pathologie ne soit
héréditaire et pose au praticien la question de la transmission
(qui témoigne de la manière dont elle perçoit le lien
à travers la filiation). Cette peur est d'ailleurs exprimée par
la dernière phrase de l'entretien, qui témoigne une angoisse pour
sa mère, face à l'organisation mais aussi du futur, en lien avec
la possible transmission de la maladie d'Alzheimer.
Annexe 9 :
Résultats statistiques
Effet du statut du médecin sur
l'anxiété
|
Synthèse de tous les Effets; plan: (chapdon.sta)
|
|
|
|
|
|
|
1-ANNMED
|
|
|
|
|
|
|
|
dl
|
MC
|
dl
|
MC
|
|
|
|
Effet
|
Effet
|
Erreur
|
Erreur
|
F
|
niveau p
|
1
|
2
|
12,25614071
|
27
|
86,46127319
|
0,141752943
|
0,868477225
|
Corrélations entre l'anxiété et
la qualité de l'annonce (vécu), la menace perçue et la
connaissance
Corrélations (chapdon.sta)
|
|
Corrélations significatives marquées à p
< ,05000
|
N=30 (Suppression des Observ. à VM)
|
|
|
|
|
ANXSC
|
|
VECUSC
|
-0,249
|
|
MPSC
|
0,306
|
|
CONSC
|
-0,408
|
|
Corrélations entre l'anxiété et
le soutien social
Corrélations (chapdon.sta)
|
|
Corrélations significatives marquées à p
< ,05000
|
N=30 (Suppression des Observ. à VM)
|
|
|
|
|
ANXSC
|
|
SS1
|
0,242
|
|
Corrélations entre l'anxiété et
la connaissance perçue
Corrélations (chapdon.sta)
|
|
|
Corrélations significatives marquées à p
< ,05000
|
N=30 (Suppression des Observ. à VM)
|
|
|
|
|
|
|
ANXSC
|
|
|
CP
|
-0,244
|
|
|
Corrélations entre la menace perçue et
la connaissance
Corrélations (chapdon.sta)
|
|
|
Corrélations significatives marquées à p
< ,05000
|
N=30 (Suppression des Observ. à VM)
|
|
|
|
|
|
|
MPSC
|
CONSC
|
|
CP
|
-0,290948549
|
0,22478445
|
|
Corrélations entre la connaissance et la
menace perçue
Corrélations (chapdon.sta)Corrélations
significatives marquées à p < ,05000N=30 (Suppression des
Observ. à VM) CONSCMPSC
0,266174172
Effet de l'annonceur sur la qualité de
l'annonce
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Synthèse de tous les Effets; plan: (chapdon.sta)
|
|
|
|
|
|
|
1-ANNMED
|
|
|
|
|
|
|
|
dl
|
MC
|
dl
|
MC
|
|
|
|
Effet
|
Effet
|
Erreur
|
Erreur
|
F
|
niveau p
|
1
|
2
|
409,670166
|
27
|
293,4318237
|
1,396134019
|
0,264857769
|
Synthèse Régression de la Var.
Dépendante : ANXSC
|
|
|
|
|
|
|
|
R= ,65870257 R²= ,43388907 R² Ajusté=
,34331132
|
|
|
F(4,25)=4,7902 p<,00524 Err-Type de l'Estim.: 7,3087
|
|
|
|
|
Err-Type
|
|
Err-Type
|
|
|
|
BETA
|
de BETA
|
B
|
de B
|
t(25)
|
niveau p
|
OrdOrig.
|
|
|
21,7457217
|
11,97616834
|
1,8157495
|
0,081422158
|
SS1
|
0,25572767
|
0,16167997
|
5,66915071
|
3,584235234
|
1,58169047
|
0,126290619
|
VECUSC
|
-0,0767536
|
0,16137855
|
-0,03987074
|
0,083830358
|
-0,475612138
|
0,638480306
|
MPSC
|
0,47542268
|
0,16117328
|
0,7906327
|
0,268032776
|
2,949761255
|
0,006810558
|
CONSC
|
-0,5069021
|
0,15717909
|
0,35807108-
|
0,111029891
|
3,224997166-
|
0,003494925
|
|
|
Effet du lien de parenté sur
l'anxiété
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Classem. :LIENPARC (chapdon.sta)
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Groupe1: G_1:1
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Groupe2: G_2:2
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Moyenne
|
Moyenne
|
|
|
|
N Actif
|
N Actif
|
Ec-Typ
|
Ec-Typ
|
Ratio-F
|
p
|
|
G_1:1
|
G_2:2
|
Valeur t
|
dl
|
p
|
G_1:1
|
G_2:2
|
G_1:1
|
G_2:2
|
variance
|
variance
|
ANXSC
|
31,33
|
25,3125
|
1,956
|
26
|
0,06
|
12
|
16
|
6,74
|
8,90
|
1,74
|
0,35
|
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Ø http://fr.wikipedia.org/
Ø
http://www.unil.ch/webdav/site/cerpsa/shared/presentations_pdf/pitiediabeto_thsubmal2005.pdf
* 1
Echelle de 30 points, si le score est inférieur à 24/30
une suspicion de démence en découle. Cependant, ce
résultat doit être interprété selon le niveau
socio-culturel. Il faudra aussi s'assurer de l'absence de confusion avant la
passation du test. Ces deux facteurs peuvent constituer un biais pour les
résultats.
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