La souveraineté de l'état au début du XXIème siècle: L'exemple du Congo-Brazzaville( Télécharger le fichier original )par Aymar DE LA KIMEL Université de Poitiers - Master Recherche 2007 |
CHAPITRE I : LA SOUVERAINETE MENACEELa personnalité morale de l'Etat est le corollaire de sa souveraineté. Cette dernière procure à l'Etat la capacité d'agir sur la scène internationale. Mais il arrive que l'Etat mène une politique subsidiaire d'un autre Etat28(*). La République du Congo, Etat souverain, est organisée sur le modèle français qui reste jusqu'alors la source principale de son droit positif. De nombreux juristes29(*) ou sociologues, voire les philosophes ont élaboré des théories abondantes sur la notion de la souveraineté. Celles-ci tendent à défendre une sorte de société par laquelle les maux seront éradiqués parmi les hommes. Toutes ces théories se sont confrontées au cours de l'histoire30(*) tout en engendrant des conséquences de toutes natures31(*). L'évolution humaine a des impacts sur le cadre même de l'exercice du pouvoir. Ces impacts peuvent constituer une menace pour la souveraineté de l'Etat. Mais, quels sont ces impacts? La réponse à cette question est à rechercher dans la souveraineté considérée comme un élément définitionnel attribué à l'Etat32(*) (section I), puis sa confrontation avec le nouvel ordre juridique international (section II). Aujourd'hui, l'Etat n'est plus seul sur la scène internationale et l'individu commence même à bouleverser l'ossature d'une matière qui le considérait comme son objet en lui procurant des droits directement sans que son Etat ne fasse écran. D'ailleurs, cette configuration a des conséquences sur l'Etat qui se voit dépouillé de sa compétence primordiale (section III). SECTION I : LA SOUVERAINETE : ELEMENT FONDAMENTAL DE L'ETATAucun Etat n'aurait de vie sur la scène internationale ainsi que sur la scène nationale en dehors de sa souveraineté. Elle est le principe vital de l'Etat. Mais la souveraineté inhérente à la nature de l'Etat est restée implicite à l'apparition de l'Etat moderne. Elle s'est affirmée avec succès entre le XVIIe et le XXe siècle par l'apparition de nouveaux Etats issus de l'éclatement des empires33(*). Le Congo-Brazzaville concerné par ce mouvement se voit souverain pour être ou rester en vie. On va donc élucider cette notion par son évolution historique (§1) et sa consécration (§2). § 1 : BREF HISTORIQUE DE LA SOUVERAINETE AU CONGO C'est par la France qu'on a connu la première théorie sur la souveraineté34(*) digne de ce nom dès le XVIe siècle. Cette élaboration s'inscrit dans la perspective d'une autonomie politique vis-à-vis de la papauté avec les slogans : le roi de France est empereur dans son royaume. Mais on ne saurait appréhender la souveraineté au Congo-Brazzaville sans pourtant une analyse rétrospective de la vie politique sur l'aire dénommée aujourd'hui République du Congo. A/ - La souveraineté dans la phase précoloniale Il y a une déduction claire d'une analyse des théories abondantes sur l'apparition de l'Etat : c'est la souveraineté qui fonde l'Etat moderne35(*). En revanche, l'époque historique concernée est celle d'avant l'Etat moderne au Congo. Seule la religion est souveraine dans cette époque. En effet, celle-ci est dévolue au roi par transposition. Il est l'incarnation des dieux, le représentant légal des mânes. Le roi est souverain puisqu'il est sacré36(*). Il parle devant son peuple au nom de Mâ-Npungu37(*) et des ancêtres. Le roi souverain détient un pouvoir qui n'a de contre poids que son coeur, le siège de l'Être Suprême et des mânes. C'est son coeur qui le pousse à demander conseil auprès du ministre du culte. Ainsi, il est souverain par le pouvoir qui lui est dévolu. La souveraineté est, ici, synonyme de pouvoir. Dans cette perspective, elle peut être dévolue à un prince, à tout le peuple ou une partie de ce dernier38(*). Elle est unique et indivisible. Cela se ramène à l'idée que le souverain est celui sans l'assentiment duquel il n'est pas d'idée de droit valable dans la communauté39(*). C'est le roi qui est la source du droit et délègue à certains membres de la communauté l'exécution de ses décisions dans tout le royaume. Le roi détient un pouvoir absolu sans partage. Mais ce pouvoir était encadré par une coutume connue par les seuls initiés, les notables et les membres de la cour royale. Nous sommes dans une situation identique à la conception théologique de plenitudo potestatis attachée au pouvoir spirituel40(*). La souveraineté est un élément non négligeable, s'il faudrait la considérer sous l'aspect intérieur par lequel se révèle la puissance pour que certains hommes soient sous l'autorité d'un homme ou d'un petit groupe. En effet, la relation de subordination entre les hommes constitue la source principale de la cohérence sociale et le fait générateur de l'Etat moderne. Par ses différentes manifestations, la forme d'organisation des sociétés a subi des mutations au cours de l'histoire. S'il faudrait la considérer cette fois-ci sous un aspect extérieur, on en déduira que la puissance doit exister pour que se forme un Etat41(*). Cette époque est jusqu'alors ignorée par les juristes42(*). Ce sont les historiens et les sociologues43(*), voire les littéraires et les scènes de la vie courante qui se sont intéressés aux enjeux politiques de la phase précoloniale congolaise. On est même tenté d'affirmer que les différents royaumes dominant le territoire hérité par le Congo ainsi que la venue de deux explorateurs d'obédience différente44(*) constituent une cause qui génère un comportement divergeant quant à la manière de concevoir le pouvoir. Mais aussi une source du comportement affiché par les populations au cours de la pénétration coloniale. L'organisation du pouvoir est fondée sur une subsidiarité entre le roi et ses représentants au niveau de différentes communautés constitutives du royaume. En effet, chaque communauté est sous l'autorité d'un chef apparenté45(*) au roi. Celle-ci n'est que le résultat des chefs de famille à la recherche d'une localité propice pour l'émancipation de leur vie par l'appropriation des terres sans chef46(*), les terres sous l'autorité du roi mais n'ont point été reconnues comme propriété privée. L'appartenance des terres au roi justifie le tribut que tout membre des communautés devait s'acquitter annuellement par des présents de toutes natures auprès du roi, le souverain et garant de la sécurité des personnes. La nature de ces présents diffère en fonction de l'activité individuelle47(*). Le point de repère demeure le calendrier agricole. Ainsi, le foyer devra donner, par exemple pendant la récolte d'arachide, une petite partie de sa production au chef de la communauté et cela en forme de chaîne jusqu'au roi. Mais cette situation a changé pendant la colonisation. B/ - La souveraineté dans la période coloniale La pénétration coloniale s'est faite pacifiquement avant que la violence ne naisse pour réprimer les résistants à l'autorité coloniale. Le royaume se trouva à la fin du XVIIIe siècle dans une zone convoitée par les puissances européennes et les Etats-Unis d'Amérique pour un intérêt commercial. Cette région récemment découverte permit, grâce au fleuve Congo, une prolifération des rapports commerciaux entre le Nord du continent48(*) et la région de Zambèze. Tous les comptoirs commerciaux de cette zone finirent progressivement par être la propriété de l'Association internationale du Congo. Cette dernière est devenue un Etat dont la reconnaissance ne fit pas l'unanimité entre les super-grands de l'époque. Déjà, elle fut reconnue souveraine en 1883 par l'Allemagne et les Etats-Unis d'Amérique, par un vote au Congrès, reconnurent sa souveraineté en avril 188449(*). Cette zone fut à l'origine de deux conférences internationales50(*): celle de Bruxelles de 1876 et celle de Berlin de 1885. Le roi est resté fidèle à la paix et comprit vite la faiblesse de son armée qui n'avait pas l'arme à feu, objet de discorde parmi les siens : certains la convoitent et d'autres non car ils en connaissent les méfaits. Cette attitude est approuvée par ses propos et comportement tenus devant De Brazza. Il lui envoya un émissaire dès qu'il fut entré pour la deuxième fois par l'Ogooué dans ses eaux territoriales. Son émissaire conduit cet explorateur devant le roi qui dit : je te reçois dans la paix et la tranquillité car ces terres sont des terres de paix51(*). Par la suite, il va conclure des traités52(*) avec son hôte. Au fur et à mesure que s'affirmait l'autorité du colon grâce à un abandon de Mâ-Koko53(*) à l'égard d'un hôte qui n'avait pas la même culture que lui et qui n'était pas par essence censé vivre avec lui, nous voyions émerger une dyarchie dans le royaume. Sur ce modèle, l'exploration débouchait sur un grand espace qui échappait au contrôle de la souveraineté royale. L'explorateur incorporait les territoires d'autres royaumes54(*) dans son domaine d'action. Cela affaiblissait l'autorité du roi qui est remplacée par celle du colon, le vrai souverain. Ils entretenaient par conséquent des rapports non pas horizontaux comme au départ mais plutôt verticaux. Les différents accords procurent un droit de propriété à De Brazza sur certaines terres. Par un « malentendu », le pavillon français est devenu le symbole du royaume pour le protéger contre tout ennemi. Tous les chefs de communautés reçurent l'information et durent se conformer à cette nouvelle mesure concernant l'installation du drapeau de la France de temps à autres dans leur cour, un vrai symbole de paix. Dans cette perspective, la souveraineté de la France prit le dessus sur celle du roi. Son chef de l'Etat est l'homme habilité à créer le droit55(*). Cette situation a mis successivement fin à l'ordre ancien et il en découle des conséquences56(*) pour le Congo-Brazzaville ainsi que les autres colonies françaises. La puissance de nouveaux arrivants est l'objet de contemplation et un don des dieux. Toute autorité dans le royaume est concurrencée par des commis de l'explorateur. Il est le symbole d'une nouvelle organisation de la société royale. Cette dichotomie prit une autre forme avant même l'accession à l'indépendance. C'est à un intérêt purement touristique que se situent les Mâ-Koko et Mâ-Loango aujourd'hui. Le nouveau souverain, c'est le chef du gouvernement, élu au suffrage universel, avant le transfert au Congo-Brazzaville de l'institution du président de la République par la métropole. Mais la conception de la souveraineté nationale reste une fiction dans cet Etat ; la souveraineté est une illusion. La forme dichotomique concerne aujourd'hui les gouvernants et les gouvernés. A chaque catégorie, il y a une dichotomie entre les privilégiés et les non privilégiés ou entre le détenteur de la puissance et l'individu qui en est titulaire. La « statogenèse57(*) » de la République du Congo à l'image de celle des autres Etats issus des territoires de l'Afrique équatoriale de l'empire français s'est faite par l'absorption du modèle français58(*) à quelques exceptions près. Le Congo-Brazzaville reproduit la conception française de la souveraineté. Tout dirigeant fait référence à la souveraineté dans les discours internes ou non. Un discours associant souvent ce terme à celui de « l'indépendance ». D'ailleurs, la doctrine59(*) parle d'une synonymie entre les deux mots. § 2 : LA CONSECRATION DE LA SOUVERAINETE AU CONGO . La volonté de l'Etat, symbole de la souveraineté étatique, est encadrée par un processus de décision. En effet, le pouvoir dévolu à un parti et exercé par un seul individu a exigé une organisation de l'Etat par un principe de trilogie60(*) en vertu des auteurs de décisions. Ce principe consacré pendant l'ère du marxisme-léninisme, appelé par le « socialisme scientifique », détermine l'association de trois couches de la société pour la prise des décisions de la Nation : les gouvernants, le syndicat et la représentation de masse populaire. La volonté de l'Etat est donc celle de ce trio. En revanche, cette situation diffère pour ce qui relève de la politique extérieure. Les gouvernants associent le trio pour la gestion nationale dans l'Etat. Concernant celle-ci, le peuple est conscient de la réalité et apte à faire valoir son point de vue par rapport à la vie quotidienne. Il en est différent des questions internationales, domaine réservé du président de la République pour ne pas parler de l'Etat ; il exerce la souveraineté sur ce terrain animé par la « reconnaissance » et l'« effectivité ». La théorie de la souveraineté serait illusoire si l'autorité de l'Etat n'est pas effective. Dans un Etat où ne compte que la volonté des gouvernants, on ne saurait parler de souveraineté. Cette dernière, associée à la notion de norme, signifierait que la souveraineté de l'Etat est l'expression du respect du droit. Les gouvernants agiraient conformément au droit car le rôle de celui-ci est d'être au service des hommes qui composent la collectivité61(*). Un droit au service des besoins de la population. Toutes les constitutions congolaises ont toujours consacré la sociabilité de l'Etat ; elles seraient en ce sens au service du bien être de la population. C'est donc un objectif que cet Etat est loin d'atteindre. L'accession à la souveraineté internationale de cet Etat62(*) est le fruit d'un processus motivé par la politique des années 196063(*). La souveraineté est affirmée d'une façon négative à l'égard de l'ancienne puissance coloniale : l'ébranlement de la communauté ampute la souveraineté à la métropole en matière internationale64(*). Le président du nouvel Etat hérite tous les attributs du président de la communauté65(*). La souveraineté est affirmée depuis l'indépendance dans toutes les constitutions66(*) : un Etat souverain, indivisible, laïc et social. Mais, nous ne devons pas rester dans une perspective de la doctrine internationale sur la souveraineté qui se contente seulement de l'aspect externe de celle-ci. Cet aspect n'est en principe que le corollaire de l'aspect interne de la souveraineté67(*). Nous pouvons remarquer sur le plan interne de la souveraineté l'existence d'une dégradation de trois éléments68(*) qui expliquent la faiblesse de l'Etat ; une raison de la remise en cause de la souveraineté interne et la souveraineté externe. Mais une distinction pareille constitue la souveraineté car cette division a seulement une valeur pédagogique pour un juriste69(*). Dans cet Etat, c'est le peuple qui est souverain. Cette souveraineté reconnue au peuple par le biais de la Nation est fictive70(*). Le peuple ne possède pas des conditions d'exercice de cette puissance71(*). En effet, ce n'est pas la volonté du peuple qui s'exprime dans le processus de prise de décision. Le referendum est souvent utilisé au cas où les gouvernants ne semblent pas s'accorder sur un point. Ils ont recours à l'arbitrage du peuple. Même avec le système de « trilogie », le peuple n'a pas de voix car seul le parti unique qui dicte sa règle. Le peuple est donc marginalisé par des gouvernants. En se référant aux éléments constitutifs de la souveraineté dans l'Etat, nous en déduirons l'atténuation de la souveraineté dont la faiblesse relève non seulement du procédé d'organisation administrative72(*) mais aussi de la fidélité d'appartenance départementale primant sur celle de l'Etat73(*). Le pouvoir central est non assujetti à l'autorité de la loi. Les liens entre les agents de l'Etat et les gouvernants se fondent sur une logique de propriété privée, une attitude d'encouragement à la corruption74(*). Il y a une défaillance de l'Etat, même sur ses prérogatives prétoriennes. Le service de la justice en est un exemple. Dès lors que les magistrats se trouvent dans une situation trilogique et ont pour chef hiérarchique le chef de l'Etat assisté par un ministre de la justice, l'équilibre des pouvoirs en subit les conséquences. Cette trilogie est constituée autour de trois termes : espoir, crainte et affinité. Par conséquent, ils jugent contra legem. Les juges ont peur des gouvernants et espèrent d'eux une promotion dont l'appartenance soit ethnique, soit partisane est non seulement le noyau dur mais également primordial. Ils sont victimes de beaucoup de critiques après qu'ils aient dit le droit sur une affaire donnée. D'une part, ces critiques proviennent des acteurs politiques. D'autre part, la population ne voient pas en eux des professionnels du droit, représentant de la justice et par conséquent, des personnes en marge de la société disposant d'une neutralité. Tous les considèrent toujours comme des subalternes d'un groupe à partir des critères dépourvus de valeur objective. Par exemple, le lieu de résidence ou l'origine ethnique du juge peut en soi constituer la base de contestation de son impartialité ou neutralité. Les polémiques sur l'affaire des disparus du Beach75(*) peuvent nous servir d'exemple. D'ailleurs, cela résulte des liens que les juges ont entretenus avec le parti unique. Il se pose un problème d'effectivité de l'autorité de l'Etat. En effet, l'administration centrale est mal représentée sur toute l'étendue du territoire76(*). Cela provient d'une inégalité de déploiement des agents publics sur le territoire. Il y a plus de la moitié de ceux-ci dans la capitale politique. Cette dernière ainsi que la deuxième ville, Pointe-Noire, se répartissent presque tout l'effectif de la fonction publique. L'Etat a du mal à faire exécuter ses décisions sur l'ensemble du territoire à défaut d'agents de relais. Ainsi, l'entité étatique fonctionne par intuitu personae. Cette situation crée une nouvelle forme de légalité. Le contrôle de la légalité fondé sur la loi est dépourvu de signification. La loi reste étrangère à une collectivité territoriale qui se fie plus sur l'individu que sur la loi. Cette dernière est réservée aux initiés. Les membres de la collectivité jugent la valeur de leurs actes en fonction des individus, de nouvelles normes naissent du seul fait des comportements des individus77(*). Tous croient que ces normes constituent le droit positif. Il y a donc le contrôle de la légalité intuitu personae. La question de la souveraineté, soulevée ici, concerne le dépositaire de l'autorité étatique. En effet, l'Etat a des organes qui reflètent sa puissance. Il convient de dégager l'organe de la puissance étatique entre le gouvernement, le parlement et l'autorité judiciaire d'un côté et les conseils départementaux d'un autre côté. Cette question avait déjà été tranchée. Il s'agit d'en reproduire la solution : le gouvernement est l'incarnation de cette autorité78(*). Le gouvernement a une machine administrative à sa disposition dont le but consiste à mettre en oeuvre une politique de satisfaction des besoins collectifs. Il doit exercer ses buts pour refléter cette puissance. Il y a une corrélation entre la puissance de l'Etat et ses buts79(*). Le gouvernement a du mal à faire asseoir son autorité. En effet, il lui manque une institutionnalisation administrative. Les normes régissant l'Etat sont inconnues non seulement des agents de l'Etat mais aussi de toute la population. La publication difficile80(*) par exemple du journal officiel ne permet pas que ses informations soient à la portée de tous. Même pour les arrêtés de nomination, les concernés sont dans l'obligation de se rendre à la direction des archives nationale dès lors qu'ils sont devant un fait exigeant un tel acte. L'absence de centre de documentation notamment la bibliothèque nationale rend davantage difficile l'accès à l'information ; le non-regroupement des normes dans un recueil ou bien l'absence de mise à jour des documents existants débouche sur une confusion causant l'ignorance des normes voire le risque de l'application d'une norme déjà abrogée. La crise politico-militaire de 199781(*) a aggravé cette situation. L'Etat est devenu un village grandiose dans lequel seul le chef par sa personne représente la loi, une volonté de tous les occupants de son village. Une telle hypothèse ne reflète pas la réalité historique des bantous. Déjà, le village est un ensemble d'individus fixés sur un territoire avec des liens de sang. Le chef d'une telle communauté est à la fois chef de famille, du village et le représentant des mânes. Il administre son village avec humanité et sagesse. Il est au service de ses parents pour assurer leur bien-être. En considérant l'Etat d'une façon différente de cette tradition, il perd sa souveraineté au profit d'un individu qui règne en maître absolu. Ce maître se voit au-dessus de toute chose et toute personne qui est proche de lui, est ipso facto dépositaire de l'autorité de l'Etat vis-à-vis de la population. Par conséquent, une telle situation ouverte à la portée des acteurs internationaux de la société internationale dont leur différente nature produit des impacts non négligeables pour l'Etat entretenant des relations dans ladite société. L'Etat se confronte à cette nouvelle réalité. * 28 C'est le cas de l'ex-Biélorussie (devenue le Belarus depuis la notification au secrétariat général de l'ONU du 19 septembre 1991), entité étatique fédérée mais membre de l'ONU depuis le 24 octobre 1945 et ne peut mener une diplomatie autre que celle de l'Etat fédéral, l'URSS. C'est dans cette même perspective que s'inscrivent des sommets d'un groupe d'Etats pour uniformiser leur point de vue avant des conférences diplomatiques multilatérales comme la conférence France-Afrique. * 29 BODIN J., LOYSEAU ; JELLINEK ; KELSEN ; DUGUIT L. ; WEBER M., etc. * 30 Sur cette évolution dialectique, v. notamment PORTALIS J, Examen critique de quelques théories sur les limites de la souveraineté interne de l'Etat, thèse de Droit, Montpellier, éd. G. Mathieu, Nice, 1927 ; CHALTIEL F., La souveraineté de l'Etat et l'Union européenne, LGDJ, 2000 et aussi Picq J, Histoire et droit des Etats, Sciences po, 2005. * 31 Voir BADIE B., Le monde sans souveraineté, Fayard, 1999 ; il y a deux doctrines : une favorable à la souveraineté et l'autre non favorable. C'est le cas de DUGUIT qui voit en cette notion un concept vide de tout contenu car elle ne reflète pas la réalité d'aujourd'hui sauf dans les relations internationales où la souveraineté a un sens, v. L'Etat : le droit objectif et la loi positive, Dalloz, 2003, p 349. * 32 La souveraineté est un attribut de l'Etat dont l'indépendance constitue une base mais avec la prolifération du phénomène de l'Etat, ce mot s'affirme avec acuité après la moitié du XXe siècle, cf. rés. AG/ONU 1514 du 14 décembre 1960 sur l'octroi de l'indépendance aux peuples coloniaux et 1803 du 14 décembre 1962 sur la Déclaration permanente de souveraineté des Etats sur les ressources et les richesses naturelles. * 33 Il s'agit notamment de l'empire romain ou prussien et ceux formés grâce à la colonisation ainsi que l'Empire russe (URSS). * 34 Cf. BODIN J., La République (IV livres), Fayard, 1986 ; v. aussi BEAUD O., La puissance de l'Etat, PUF, 1994, p 65. * 35 Cf. LAGROYE J., Sociologie politique, presses de la FNSP et Dalloz, 1993, p 72. * 36 V. sur la sacralité du pouvoir en Afrique KAMTO M., Pouvoir et droit en Afrique noire, LGDJ, 1987. * 37 Dieu Créateur dans la civilisation Kongo. * 38 BODIN J., La République II, Fayard, 1986, p 7. * 39 BURDEAU G. cité par CHALTIEL F., op.cit., p 24. * 40 PORTALIS J., op.cit., on déduit de son analyse sur la pensée de KANT qu'il considère la souveraineté comme sacré ou divin, dont le repère n'est que la maxime paulinienne de « toute autorité vient de Dieu », pp 25 et s. * 41 BURDEAU G., Traité de science politique, t II, LGDJ, 1980, p 104. * 42 Il s'agit des juristes congolais. En revanche, d'autres juristes y font référence implicitement ou explicitement dans leurs travaux tel est le cas de KAMTO M. dans l'ouvrage cité, pp 411 et ss. et L. SINDJOUN, L'Etat ailleurs, Economica, 2002 : l'Etat ailleurs étudie l'Etat du Cameroun dont les caractéristiques de formation et l'organisation sont identiques à celles du Congo, deux Etats héritiers de la colonisation. * 43 Les Cahiers d'anthropologie de l'université Marien Ngouabi (Brazzaville) et les oeuvres de MALONGA J., MBEMBA S., OBEGA T., ELIKIA MBOKOLO, etc. * 44 De Brazza P-S., agent de la France, et Stanley, agent du roi Léopold II. * 45 Un lien d'apparenté fondé sur la langue et non sur la famille sauf au sens élargi. * 46 Les premiers occupant les terres en sont les propriétaires à perpétuité et indiquent les nouveaux venus les terres non appropriées jusqu'alors. * 47 Chaque personne imposable apporte son dû en vertu de sa profession par exemple la tête du gibier ou le gibier pour le chasseur... * 48 Il s'agit de la région du Tchad ou de l'Afrique de l'ouest et non le nord de l'Afrique. * 49 Sur cette question, voir F. ALEXIS-M.G., Le Congo français illustré, 2 éd. H. Dessain, Paris, 1892, disponible sur www.gallica.bnf.fr (23 décembre 2006). * 50 Convoquées pour résoudre les questions d'abus de position pour éviter les conflits armés entre puissances à la recherche des débouchés : d'où la balkanisation de la région. V. GOUREVITCH J-P., La France en Afrique, Le Pré aux Clercs, 2004. * 51 Phrase corrigée par l'auteur et citée par F. ALEXIS-M.G., op.cit., p 66. * 52 Les traités de septembre et octobre 1880 par lesquels, respectivement, ce royaume Téké devenait un protectorat de la France et le roi concédait des terres à De Brazza. * 53 Appellation honorifique du roi chez les Tékés. * 54 C'est le cas du royaume Loango situé sur la côte de l'Atlantique devenu territoire de la France par le traité du 12 mars 1883 entre De Brazza P-S.et le Mâ-Loango (roi des Loango). * 55 Le Sénatus-consulte du 03 mai 1854 habilite le chef de l'Etat français à légiférer sur les colonies. * 56 Pour en connaître davantage, v. NIKIEMA A, L'Evolution du régime politique de la Haute-Volta depuis l'indépendance, Thèse de droit, Poitiers 1979, p 19 ; 23 et s. * 57 Genèse de l'Etat, terme emprunté à L. SINDJOUN, L'Etat ailleurs, Economica, 2002, p 25. * 58 Cf. BRETON J-M., « Portée et limites de la réception des modèles exogènes : réflexions sur la socialisation du système juridique dans l'expérience marxiste congolaise (1963-1991)», in La Création du droit en Afrique, Karthala 1997, p 247-271. * 59 CHARPENTIER J., « Le phénomène étatique à travers les grandes mutations politiques contemporaines », colloque de Nancy sur l'Etat souverain à l'aube du XXIe siècle, Pédone, 1994, pp 11-38 ; COMBACAU J. et SUR S., manuel de Droit international public, Dalloz, 2006, p 235. * 60 BRETON J-M., article précité, il parle de « trois co » : il s'agit de la répartition du pouvoir de décision entre le syndicat, le parti unique et les organisations de masse, p 255. * 61 TRAVERS E., « Volonté et puissance étatiques », in RRJ 2004- 4, p 1712. * 62 Après les accords bilatéraux de transfert de compétence entre la France et le Congo conclus au début d'août et en juillet, le Congo est devenu indépendant le 15 août 1960 et fut admis à l'ONU le 20 septembre 1960 par rés. (XV) 1486 après recommandation du conseil de sécurité par rés.152 du 23 août 1960. * 63 Les Etats-Unis d'Amérique et l'URSS mènent une politique anticolonialiste et affirment avec acuité le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes dès la fin de la grande guerre en 1945. * 64 Titre XIII de la constitution de 1958 (rédaction originelle avant son abrogation par une loi constitutionnelle de 1995 puis sa consécration à la nouvelle Calédonie par une loi constitutionnelle de 1998). * 65 Art. 80 et ss., constitution du 4 octobre 1958 avant la modification d'août 1995. * 66 Depuis 1961, le titre I des constitutions congolaises est intitulé « de l'Etat et de la souveraineté ». * 67 CHARPENTIER J., colloque déjà cité, p 23. * 68 Pour CHARPENTIER J., op.cit., ce sont : une autorité centrale concentrant entre ses mains la totalité du pouvoir, la soumission de la population à cette autorité et la séparation entre l'exercice de prérogatives de puissance publique et la société civile, article op.cit., pp 25 et ss. * 69 MOUTON J-D., « L'Etat selon le droit international », in colloque de Nancy, op.cit., p 88. * 70 DUGUIT L., op.cit., et BACOT G., Carré de Malberg et l'origine de la distinction entre la souveraineté du peuple et la souveraineté nationale, Editions du CNRS, 1985, introduction, p 8. * 71 LEFORT C., « Nation et souveraineté », in Temps Modernes, vol 610, 2000, p 39. * 72 MOUTSOUKA K-M., Thèse : Les disparités d'encadrement administratif en république populaire du Congo, Paris V, 1987, pp 156 et s. * 73 Voir dans ce sens, LISSOUBA P., Conscience du développement et démocratie, Nouvelle Edition africaine, 1976 ; LOPEZ H., Tripaliques, éd. Clé, 1971. * 74 MOUDOUDOU P., Droit administratif congolais, Flammarion, 2003, p 52. * 75 Suite à une instruction judiciaire ouverte à Meaux et la portée médiatique que prenait cette affaire des disparus du Beach après la crise de 1998, le gouvernement exprima sa volonté de démontrer qu'il n'y a jamais eu des disparus. C'est ce point de vue que la décision de la Cour criminelle de Brazzaville rendue en avril 2005 confirme car il n'y a pas eu des disparus sinon des martyrs tels sont les propos par lesquels elle tire sa conclusion. * 76 MOUTSOUKA K-M., Thèse, op.cit., p 161 et s. * 77 KUYU MWISSA C., « La production des normes juridiques par les enfants des rues des métropoles africaines : Kinshasa », La création du droit en Afrique, Karthala, 1997, pp 82 et 86. * 78 Voir en ce sens : CARRE DE MALBERG R., Contribution à la théorie générale de l'Etat, op.cit., pp 79 et 87. * 79 J. PORTALIS, Thèse, op.cit. Introduction, p VI ; voir aussi DUGUIT dans l'ouvrage précité, et CARRE DE MALBERG, op.cit., p 265. * 80 Le journal officiel est vendu entre 1500 et 2500 francs CFA (environ 2 et 3.5 euros) en fonction de son volume mais le gouvernement a du mal à assurer sa publication périodique. Bien que l'Etat soit fortement alphabétisé, la population ne lit plus les journaux sinon les titres. Payer un journal de 500 francs est un acte de gaspillage car il ne fera qu'un « griotisme » fatigué à être écouté. * 81 Il s'agit d'un conflit interne opposant les forces des armées congolaises à la milice du général SASSOU- NGUESSO du 5 juin au 10 octobre 1997. Elle prit fin par la victoire de ce dernier. Cette crise a plongé l'Etat dans un chaos dont le redressement est encore loin à être atteint. |
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