Université Paris 1 « Panthéon
Sorbonne » Octobre 2007
UFR 02 ÉCONOMIE
« Concurrence et
Innovation »
Peut-on parler de corrélation ? De
quelle nature ?
Mémoire présenté et soutenu par :
Pierre PREISSER
Dans le cadre du :
M2 RECHERCHE « ÉCONOMIE INDUSTRIELLE
ET POLITIQUES ÉCONOMIQUES »
Sous la direction de M. David ENCAOUA
« L'université de PARIS 1
PANTHEON-SORBONNE n'entend donner aucune approbation ni désapprobation
aux opinions émises dans ce mémoire, elles doivent être
considérées comme propres à leurs
auteurs. »
Remerciements :
Avant d'introduire ce mémoire, je souhaiterais tout
d'abord remercier tous les professeurs que j'ai pu rencontrer durant ces cinq
années d'université.
J'aimerais également remercier tout
particulièrement mon directeur de mémoire M. David Encaoua pour
son enseignement enrichissant durant ces deux dernières années et
également pour son aide précieuse. Si j'ai pu travailler
efficacement et réaliser ce mémoire, je le dois en partie
grâce à sa disponibilité et son implication.
Enfin, je tiens à remercier chaleureusement toute ma
famille qui m'a soutenu tout au long de ce mémoire.
Résumé :
L'innovation est le moteur de la croissance de
l'économie, cette affirmation n'est plus à prouver. Cependant il
faut la préserver afin que les économies continuent de
croître. Pour cela, nous avons créé les autorités de
la concurrence. Ces dernières ont pour principal objectif de maintenir
la concurrence sur le marché car selon elles, celle-ci est
nécessaire pour l'activité d'innovation. Elle encourage
l'entrée de concurrents et parce qu'elle maintient des firmes actives,
elles les obligent à innover pour survivre à la
compétition. Tout le monde ne partage pas ce point de vue, notamment
Schumpeter qui, en 1943 stipulait déjà à cette
époque, que la concurrence était néfaste pour
l'activité de R&D, puisqu'elle dissipait la rente qu'espérait
obtenir l'innovateur. Qui a tort et qui a raison ? Peut-on adopter un
point de vue clair et définitif ? Cette analyse étudiera
l'impact de la concurrence sur l'innovation dans différents cadres
d'analyses, comme le cas d'une firme en place qui fait face à
l'entrée de concurrents, de firmes asymétriques, de processus de
découverte déterministe et stochastique. Pour aboutir à la
conclusion suivante qu'il n'existe pas de forme définitive de la
relation entre concurrence et innovation, tout dépend des
hypothèses retenues.
Mots clés : processus
d'innovation, incitation à innover, concurrence, croissance
Abstract :
The innovation is the mainspring of the growth of the economy,
it is not to be any more proved. However it is necessary to protect it so that
savings continue to grow. For it we created the authorities of the competition.
These last ones have for objective to maintain the competition on the market
because according to them the competition is necessary for the activity of
innovation. It encourages competitor's entrance and because it maintains of
active firms, they oblige them to innovate to survive the competition.
Everybody does not share this point of view, notably Schumpeter who, in 1943
already, stipulated that the competition was fatal for the activity of R&D
because it dissipated the rent that hoped to obtain the innovator. Who is wrong
and who is right? Can we adopt a clear and definitive point of view? This
analysis will study the impact of the competition on the innovation in various
frames of analysis, as the case of a firm in place which faces competitors'
entrance, of asymmetric firms, of process of determinist and stochastic
discovery. To end in the following conclusion: there is no definitive shape of
the relation enter competition on the product market and innovation.
Key words: innovation's process,
innovation's incentives, competition, growth
Classification JEL : O31, O47, L11, L20
Table des matières
Introduction page 7-8
Première partie page
9-43
Les
premiers travaux d'économie industrielle page 11
I. Schumpeter, le processus de création
destructive page 12
II. Arrow : « l'effet de
remplacement » page 13
i. Planificateur social page 13
ii. iMonopole page 13-14
iii. Concurrence page 14-15
Firme en place et nouvel entrant page 16
1ère PARTIE :
« Preemptive Patenting and the Persistence of Monopoly »... page
17
I. Brevet anticipé page
18-20
II. Commentaire sur le modèle page
21-22
i. Les dépenses en R&D du monopole page
21
ii. Anticipation et « sleeping
patents » page 21-22
iii. Désavantage économique dû à
une mauvaise gestion page 22
III. Développements page
23-24
i. Comportement stratégique page 24
ii. Incertitude page 24
iii. Plusieurs concurrents page 25
IV. Conclusion page 26
2ème PARTIE :
«Uncertain Innovation and the Persistence of Monopoly »... page
27
I. Résultats précédents
page 28
II. Un modèle incorporant l'incertitude
page 28-30
III. Conclusion page 31
Firmes asymétriques page 32
I. Introduction page 33
II. Pression concurrentielle page
34-35
III. Effet de la concurrence sur une firme
page 36-38
IV. Effet de la concurrence sur l'ensemble de
l'industrie page 39-40
V. Théories de la concurrence page
41
VI. Conclusion page 42
Synthèse 1 page 43
Deuxième partie page 44-106
Première classe de modèle page 46
I. Introduction page 47
II. Logique de la relation en U-inversé
page 48
i. Les principales théories page 49
ii. Cadre théorique page 48-50
iii. L'effet « Schumpeter » et l'effet
« échapper à la concurrence » page
50-53
iv. Prédictions supplémentaires
page 53-54
v. Testons ces nouvelles prédictions page
54
III. Conclusion page 55
Deuxième classe de modèle
page 56
I. Introduction page 57
II. Évidence page 59
III. Le modèle page 60
i. Agents et production page
60
ii. Progrès technique et croissance de la
productivité page 61
iii. Contrats, problème d'incitation et contrainte
de crédit page 63
IV. Équilibre page 65
i. Définition de l'équilibre page
65
ii. Investissement d'équilibre et décision
de refinancement page 65
iii. Équilibre dynamique page 68
iv. Stratégie de maximisation de la croissance
page 71
V. Conclusion page 72
Troisième classe de modèle
page 73
I. Introduction page 74
II. Littérature... page 76
i. L'économie industrielle page 76
ii. La croissance page
76
III. L'incitation à innover lorsque
l'innovation est séquentielle page 77
IV. Intensité de la concurrence et incitation
à innover page 79
i. Résultats préliminaires page
79
ii. Principaux résultats
page 82
V. Modèle de croissance page
84
i. Préférence et
technologie page 84
ii. Progrès technologique
page 84
iii. État stationnaire page
85
iv. Équilibre sur le marché des
biens page 85
v. Équilibre dans l'industrie de la recherche
page 86
vi. Concurrence et croissance page
87
VI. Remarque conclusive page 89
Quatrième classe de modèle
page 90
I. Introduction page 91
II. Le modèle basique page 92
i. Production et consommation
page 92
ii. Décision de production de bien
intermédiaire page 92
iii. Taux de croissance à l'état
stationnaire page 93
iv. Équilibre sur le marché du travail
page 94
III. Comportement des entrepreneurs page
95
i. Maximisation du profit des firmes
page 95
ii. Déviation de la maximisation du profit
page 96
IV. Analyse du modèle page
100
i. Un argument intuitif page
98
ii. Analyse générale
page 101
V. Le rôle disciplinant du marché des
capitaux page 102-103
VI. Remarques conclusives page 103
Synthèse 2 page 104
Troisième partie page 105-116
I. Modèle page 107
II. Protocole page 108
III. Benchmark page 109
IV. Résultats page 110
i. Comportement régulier d'investissement
page 111
ii. Déterminants du taux investissement
page 112
iii. Distinction d'investisseurs audacieux et
prudents page 115
V. Discussion page 116
Conclusion page 117
ANNEXES page 119-139
DÉFINITIONS page 140
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
page 141-142
Introduction
Selon l'Organisation de Coopération et de
Développement Économique, l'économie mondiale est en passe
de réaliser une trajectoire de croissance sans précédent.
Avec un taux de croissance annuelle de près de 3.2 % depuis 2000, elle a
affiché ces cinq dernières années une progression plus
forte que durant toute autre période de cinq ans depuis la
Deuxième Guerre mondiale. La croissance étant estimée
à près de 5 % pour 2006 et 2007. Cette expansion s'est produite
en dépit d'un certain nombre de chocs économiques et politiques :
l'éclatement de la bulle boursière en 2000 ; les attentats
terroristes du 11 septembre 2001 ; les guerres en en Irak ; la flambée
des prix du pétrole et des produits de base; des
déséquilibres mondiaux préoccupants et la performance
médiocre de certains des moteurs de croissance traditionnels.
Malgré tout cela, la machine économique va de l'avant. Ce qui
apparaissait récemment comme un ralentissement de l'activité
économique mondiale s'est révélé être un
"rééquilibrage".
La baisse du rythme de l'activité aux Etats-Unis, et au
Japon, est compensée par une reprise apparemment robuste dans la zone
euro. De surcroît, l'économie mondiale est désormais
entraînée par les économies émergentes. Selon
plusieurs experts, la Chine et l'Inde, comme d'autres pays en
développement, sont en mesure de donner à l'économie
mondiale sa plus forte impulsion depuis la révolution industrielle.
Mais comment l'économie mondiale est-elle parvenue
à croître dans une période d'incertitude internationale et
de menaces économiques récurrentes ? L'accroissement du
bien-être matériel que les économies
développées ont connu, depuis la Révolution industrielle,
repose en grande partie sur l'innovation. La quantité et la
qualité des biens mais surtout leurs diversités ont
augmenté. Les économies modernes se construisent avec des
idées autant qu'avec du capital et du travail. On estime que près
de la moitié du PIB des Etats-Unis, par exemple, repose sur la
propriété intellectuelle. Dans le cadre de l'objectif de
Barcelone", l'Union européenne entend porter son activité de
R&D à 3 % du PIB à l'horizon 2010 pour devenir
"l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus
dynamique du monde". Voyez la Chine : selon des estimations de l'OCDE, en 2006
elle a pour la première fois consacré d'avantage de ressources
à la R&D que le Japon, devenant ainsi le deuxième
investisseur mondial en R&D après les Etats&-Unis.
Convertir une idée nouvelle, la développer et
faire des bénéfices n'est pas chose aisée. Les
connaissances nécessaires pour concevoir, développer et produire
tous ces biens sont devenues un moteur essentiel de l'expansion
économique. L'innovation a aussi suscité une collaboration
féconde entre les universités et les entreprises dans de
nombreuses régions du monde. Mais l'innovation ne tombe pas du ciel.
L'activité d'innovation dépend des lois, des institutions, des
marchés financiers, de l'organisation et de l'intensité de la
R&D, mais également d'autres paramètres. L'ensemble de ces
paramètres affecte l'incitation à innover.
Plus que tout, l'innovation est devenu le moteur de la
croissance. Il est donc important de la préserver afin que
l'économie continue à croître. Cependant quant est-il de
l'impact de la concurrence sur l'activité d'innovation. Est-on
sûr que la concurrence favorise toujours l'innovation dans les pays
développés ? En fait nous entendons surtout le contraire, ne
serait-ce qu'en prenant l'exemple de Microsoft. La concurrence décourage
l'innovation et inhibe la croissance, en réduisant le profit que l'on
espère obtenir de l'innovation, les économistes nomment cela
« la dissipation de la rente ». Si, comme un entrepreneur,
j'anticipe l'entrée de concurrent sur mon marché, pourquoi
devrais-je investir plus dans la R&D, si le profit que je retirerai de
l'innovation s'amenuisait au fur et à mesure de l'entrée de
concurrent ? Cependant, les autorités de la concurrence stipule que
la concurrence est nécessaire pour l'activité d'innovation. Elle
encourage l'entrée de concurrent et parce qu'elle maintient de firmes
actives, elles les obligent à innover pour survivre à la
compétition. Qui a tort et qui a raison ? Peut-on adopter un point
de vue clair et définitif ?
L'objectif de cette analyse est d'expliquer la
manière dont l'innovation est affectée par la concurrence, dans
différents cadres d'études, afin de pouvoir s'accorder ou non sur
la forme de la relation entre concurrence et innovation.
On commencera par se placer dans un cadre d'équilibre
partiel afin de mieux analyser l'impact de la concurrence sur l'incitation
à innover. Dans cette première partie, on analysera grâce
aux modèles de Gilbert et Newberry et de Reinganum l'incitation à
innover d'une firme en place, sur un marché, qui fait face à
l'entrée potentielle de concurrent. Nous démontrerons ainsi que
selon le processus de découverte retenu, le monopoleur sera plus ou
moins incité à innover. Pour clore cette partie nous
présenterons le modèle développé par Boone. Il se
place dans le cas de firmes asymétriques en concurrence, et prouve que
la motivation des sociétés en concurrence à se lancer dans
une activité de R&D dépend leurs comportements.
Ma deuxième partie place l'analyse dans un cadre
d'équilibre général afin de considérer l'effet de
la concurrence sur l'innovation donc sur la croissance. Dans ce cadre nous
étudierons quatre modèles différents. Nous
présenterons le modèle d'innovation
« step-by-step » d'Aghion qui démontre l'existence
d'une relation en U-inversé entre la concurrence sur le marché
des produits et l'innovation. Dans son modèle, il aborde la question de
l'incitation à innover des firmes selon leurs distances à la
frontière technologiques mondiales. Ceci nous place dans notre
deuxième cadre d'analyse, dans lequel nous développerons le
modèle d'Acemoglu. Cette dernière montre à quel point des
institutions appropriées sont nécessaires pour converger vers la
frontière technologique. Le troisième type de modèle
développé est le modèle
Néo-Schumpétérien développé par
Denicolò et Zanchettin, il est présenté afin de
réconcilier le point de vue Schumpétérien et
l'évidence empirique. Le dernier modèle présenté
est le modèle d'agence développé par Aghion et al.
Ce modèle démontre que l'incitation à innover est
différente selon le comportement adopté par le manager.
Le dernier modèle présenté est le
modèle d'agence développé par Aghion et al. Ce
modèle démontre que l'incitation à innover est
différente selon le comportement adopté par le manager.
Pour clore cette analyse, j'ai décidé de vous
présenter une expérience dont l'objectif est de tester la
relation entre concurrence et innovation. Depuis quelque temps, on observe
l'essor de l'économie expérimentale qui est très
utilisée. Pourquoi ne pas faire appel à l'économie
expérimentale pour voir si on peut déboucher sur des
comportements d'innovation robustes. En annexe, seront présentées
les principales démonstrations (en anglais).
PREMIÈRE PARTIE
La relation entre «concurrence sur le marché
des produits et l'innovation« en équilibre partiel
Notre analyse de la relation entre concurrence et innovation
débute dans le cadre d'un équilibre partiel. En effet, nous
essayerons de comprendre l'effet d'une intensification de la concurrence sur
l'incitation à innover, avant de comprendre son impact sur la
croissance.
Nous savons que les économistes ne s'accordent pas sur
la forme de la relation. Leurs divergences proviennent du fait qu'ils ne
retiennent pas les mêmes hypothèses. Ainsi, pour mener à
bien cette étude nous devons nous placer dans différents cadres
d'analyse.
Nous commencerons par un rappel des deux premières
grandes théories d'économie industrielle sur cette relation, que
l'on doit à Schumpeter et Arrow. En effet, c'est Schumpeter le premier
économiste à s'être prononcé sur la forme de la
relation, en stipulant que la concurrence était néfaste pour
l'innovation. À partir de là, le débat est lancé.
Arrow rétorque en démontrant que l'incitation à innover
est plus forte dans un cadre concurrentiel.
Ceci étant, nous poursuivrons notre étude par
l'analyse de l'effet de la concurrence sur l'incitation à se lancer dans
une activité de R&D lorsque sur le marché, il y'a
déjà une firme en monopole qui fait face à des entrants
potentiels. Dans ce cadre, Gilbert et Newberry prouveront que le monopole est
incité à innover afin de maintenir son pouvoir de marché,
alors que J F. Reinganum démontre le contraire : pour elle, c'est
l'entrant qui est le plus incité à innover.
Avant de conclure, on se placera dans le cadre de firmes
asymétriques, en présentant l'article de J. Boone.
Ce dernier partage la vision d'Arrow, mais va plus loin dans l'analyse
considérant le cas de firmes asymétriques sur un marché
où l'entrée se fait simultanément et où il n'y a
donc pas de firme en place initialement.
Les premiers travaux d'économie industrielle
:
La concurrence favorise t-elle
l'innovation ? Cette question est au coeur de mon étude.
On ne peut pas décider de mettre en place une politique de concurrence
dans le but de favoriser l'innovation, moteur de la croissance depuis les
années 90, s'il s'avère que la concurrence inhibe cette
dernière.
Il est d'autant plus difficile d'y répondre puisque
selon les auteurs, la forme de cette relation diverge. Pour certains, on aurait
une corrélation positive, pour d'autres une corrélation
négative.
Le débat débute en 1943 avec la thèse de
Schumpeter, qui stipule que la concurrence réduit la rente de monopole
donc l'incitation à innover. Cependant, de nombreux économistes
sont contre cette théorie, notamment Arrow qui, vingt ans plus tard,
démontre que l'incitation à innover est plus forte dans un
marché concurrentiel.
Pour débuter notre analyse de la relation entre
concurrence et innovation, nous allons étudier ces deux
théories.
I. Schumpeter : « le processus de
création destructrice »
Il considère que l'innovation est
temporaire. Une fois son cycle finit, une innovation fondamentale
apparaît, et autour d'elle se développe une grappe d'innovations
incrémentales, qui ainsi associées permettront de créer un
nouveau bien ou un nouveau procédé. Ceci explique bien le terme
de « création
destructrice ». Autrement dit, une innovation
en remplace une autre.
L'innovateur qui investit dans la recherche et le
développement, le fait espérant ainsi obtenir une rente de
monopole, lui permettant de recouvrer les coûts engagés et de
faire un bénéfice. Aussi pour Schumpeter, la concurrence
est néfaste pour l'innovation car elle va réduire la rente de
monopole et donc l'incitation à innover.
La vision de Schumpeter
« légalise » en quelques sortes
le monopole et va ainsi à l'encontre de la
politique de la concurrence. Pour lui, le monopole est la forme d'entreprise
qui permet d'inciter le plus les entrepreneurs à innover.
Il argumente sa vision en précisant que
l'activité de R&D est une activité dans laquelle il existe
des rendements d'échelle. Aussi, une innovation sera plus facilement
diffusée au sein d'une grande entreprise.
Cet argument peut être complété par un
argument de course à l'innovation. En cas de course à
l'innovation entre un monopole et son concurrent, si le monopole innove en
premier, il conserve son pouvoir de monopole. Si, au contraire le rival
potentiel innove en premier, le marché se transforme en duopole. Par
conséquent, le monopole a donc plus à perdre que son rival s'il
n'innove pas, étant donné que le profit de monopole est
supérieur à la somme des profits en duopole.
Un dernier argument qui vient renforcer la thèse de
Schumpeter, consiste à dire que puisque les marchés financiers
sont imparfaits, les entreprises doivent financer en partie leurs
investissements en R&D sur leurs ressources propres. Les grandes
entreprises qui disposent de ressources propres plus importantes ont donc plus
de capacités à innover que les entreprises de moindre taille.
La concurrence ne favorise pas l'innovation car
l'entrée de concurrents réduit la rente de monopole
qu'espère acquérir un innovateur afin de recouvrir ses
coûts et de dégager un bénéfice.
II. Arrow : « l'effet de
remplacement »
Selon Schumpeter, l'incitation à innover provient de
l'espoir d'obtenir la rente de monopole. Il est intéressant de se poser
la question de la réelle motivation pour l'activité de
R&D.
En 1962, Arrow s'intéressait aux gains de l'innovation
pour une entreprise qui est seule à faire de la R&D, sachant que son
innovation est protégée par un brevet d'une durée
illimitée 1. L'objectif étant d'isoler
l'incitation à innover pure, c'est-à-dire celle qui est
indépendante de toutes considérations stratégiques, comme
la préemption. On laisse ainsi l'analyse des coûts liés
à l'innovation.
Dans ce dessein, nous considérons une innovation de
procédé, c'est-à-dire une innovation permettant d'abaisser
le coût de production du bien. Cette innovation permet de réduire
le coût moyen d'un bien d'un niveau initial élevé à un niveau . Nous cherchons à
déterminer la valeur d'une innovation, c'est-à-dire combien une
entreprise est prête à payer l'acquisition de cette technologie
sachant qu'aucune autre firme ne l'achètera. Pour avoir un point de
repère, nous commencerons par considérer l'incitation à
innover d'une firme gérée par un planificateur.
i. Planificateur social
Supposons que l'incitation à innover d'un planificateur
social soit égal à l'accroissement de surplus social net
généré par l'innovation. Le planificateur cherche à
maximiser le surplus du consommateur, aussi il fixe un prix égal au
coût marginal, c'est-à-dire avant l'innovation et
après .
Le surplus social net additionnel par unité de temps
vaut :
Si le taux d'intérêt est constant, la valeur
actualisée à l'instant 0 de l'innovation est donnée
par :
ii. Monopole
Ayant un benchmark, c'est-à-dire une mesure
théorique, nous pouvons maintenant analyser la valeur d'une innovation
pour une firme en monopole aussi bien sur le marché des produits que sur
celui de la R&D. Nous savons que , où est le prix de monopole,
fonction du coût .
La valeur de l'innovation pour le monopole correspond au
différentiel de profit actualisé qu'il fait avec les deux
technologies différentes. Autrement dit, l'incitation à innover
d'un monopole est égal à :
__________________
1 le cas plus réaliste d'un brevet
limité ou d'une innovation obsolète s'analyse de la même
manière.
Puisque, pour tout ,
il est clair que l'incitation à innover du monopoleur est
inférieure à celle du planificateur . En effet, quel que soit
le coût, le prix fixé par le monopole implique une production
inférieure à celle de l'optimum social. Ainsi la réduction
des coûts ne s'applique qu'à un petit nombre d'unités. Le
monopole ne peut pas s'accaparer tout le surplus social.
iii. Concurrence
Considérons une situation initialement concurrentielle.
Un grand nombre d'entreprises produisent un bien homogène avec une
technologie caractérisée par un coût marginal . Ces entreprises sont
engagées dans une concurrence en prix à la Bertrand, de sorte que
le prix du marché est , ainsi les entreprises
font un profit nul. La firme qui détient la nouvelle technologie
caractérisée par le coût se voit accorder un
brevet.
Soit le prix de monopole, il existe deux possibilités : et.
Dans le second cas, la firme innovante fixe son prix de
monopole et les autres entreprises, moins efficientes, ne produisent
rien ; on dit que l'innovation est drastique.
Dans le premier cas, l'innovateur est obligé de fixer
le prix , parce
qu'il y'a une offre concurrentielle de la part des entreprises. On dit alors
que l'innovation est non drastique. Dans ce cas, l'incitation à
innover en situation de concurrence est égal à :
Notons que par hypothèse, et donc pour tout , d'où l'on
déduit que .
D'autre part, pour tout , et donc .
Ainsi dans les deux cas, .
En dehors de toute considération stratégique, le
monopole est moins enclin à innover qu'une firme en concurrence.
En innovant, le monopole gagne moins qu'une entreprise
concurrentielle parce que le monopole se remplace lui-même quand
il innove, alors qu'une société concurrentielle devient un
monopole.
Autrement dit, Arrow démontre, contrairement
à ce que stipule Schumpeter, que l'incitation à innover est plus
grande dans un marché concurrentiel que dans un marché en
monopole. En effet, plus l'intensité de la concurrence sera
élevée, plus les entreprises seront incitées à
innover pour survivre et rester sur le marché.
Il définit ainsi la
notion d' « effet de remplacement », ou
d' « effet de cannibalisation », qui mentionne que
l'incitation à innover provient du différentiel de profit. Si ce
différentiel est positif, l'entrepreneur a intérêt à
innover et continuer à produire son bien. L'incitation qu'une entreprise
a à innover ne dépend pas de la valeur du brevet dans l'absolu,
mais de ce qu'elle gagne à innover.
Une entreprise qui a un profit très faible a donc une
incitation privée plus forte à innover qu'un monopole qui a
déjà un profit plus important.
En effet, l'innovation est un processus de
"destruction créatrice de valeur". Chaque innovation va
créer une externalité négative pour le détenteur de
l'innovation détruite.
Un monopole qui innove se voit donc contraint à
détruire sa précédente innovation. Par conséquent,
il sera moins enclin à innover.
L'effet de « remplacement »
présenté par Arrow, stipule que le monopole est moins
incité à innover qu'une entreprise en concurrence, car le
différentielle de profit est moindre. Autrement dit, la concurrence
favorise l'innovation. Cette vision est opposée à celle de
Schumpeter.
Le débat est lancé, nous allons poursuivre notre
analyse de la relation entre concurrence sur le marché des produits et
innovation dans différents cadres d'études afin de savoir si on
peut conclure ou non sur une forme unique de cette relation. Nous commencerons
par étudier l'incitation à innover d'une firme en place, qui fait
face à des entrant potentiels dans le cas où l'innovation est un
processus déterministe ; mais également lorsque le processus
de découverte est stochastique.
Firme en place et nouvel entrant :
Pour mieux comprendre le rôle de la concurrence sur
l'incitation à innover, nous analyserons le cas où une firme en
monopole sur le marché fait face à l'entrée de concurrents
potentiels.
Nous verrons ainsi comment la menace de l'arrivée de la
concurrence affecte le comportement stratégique de la firme en place.
Pour étudier cela, nous allons développer le
modèle présenté dans l'article :
Richard J. Gilbert and David M. G.
Newbery (1982): « Preemptive Patenting and the Persistence
of Monopoly ».
Cet article démontre, contrairement à la vision
Schumpétérienne, qu'une firme en monopole menacée par la
concurrence sera incitée à se lancer dans une activité de
R&D anticipée.
Cependant, ce résultat ne fait pas l'unanimité
au sein des économistes. Les résultats de Gilbert et Newberry
tiennent à l'hypothèse que le processus de
découverte de l'innovation est déterministe.
D'autres économistes, comme J F. Reinganum supposent que l'innovation
n'est pas certaine et démontrent que le monopoleur est moins
incité à innover que les entrants potentiels.
Ainsi, nous analyserons également le modèle
développé dans l'article :
Jennifer F. Reinganum (1983): «Uncertain
Innovation and the Persistence of Monopoly ».
1ère PARTIE : Richard
J. Gilbert et David M. G. Newbery (1982): « Preemptive
Patenting and the Persistence of Monopoly ».
Les firmes dominantes ont reçu beaucoup d'attentions
dans la littérature économique. Par exemple, George
Stigler soutient que les forces de la sélection naturelle sont
puissantes, aussi les firmes qui restent dominantes sont des
sociétés performantes dans la gestion ou dans l'activité
de recherche et développement. D'autres, tels que
O.Williamson, pensent que les imperfections du marché sont
responsables, en partie, de la persistance des entreprises
dominantes.
Ce papier prend une tournure différente. Il nous fait
se demander si les institutions, misent en place comme le système de
brevet, créent des opportunités pour des firmes en monopole de
maintenir leur pouvoir de marché.
Gilbert et Newberry démontrent que plus
tôt est anticipée une action, plus fort peut être son impact
(négatif) sur le concurrent potentiel. Ils établissent
que sous certaines conditions, une firme en monopole est incitée
à maintenir son pouvoir de marché en faisant breveter des
nouvelles technologies avant ses concurrents potentiels. Cette
activité peut déboucher sur des brevets qui ne seront jamais
utilisés ou dont les licences ne seront jamais cédées. Ce
type de brevet est appelé « sleeping
patents ». Le brevet anticipé n'est pas sans
intérêt. La société SCM a d'ailleurs
réclamé plus de cinq cents millions de dollars en dommages et
intérêts à la Société Xerox pour avoir (entre
autre comportements anticoncurrentiels) maintenu une « forêt de
brevets » contenant des innovations jamais utilisées ni
concédées par des licences.
Dans une première section, nous chercherons à
comprendre l'incitation à se lancer dans une activité de R&D
anticipée, dans un marché où se trouve un monopoleur
sortant et une seule technologie de remplacement brevetable. Ce cadre
très simple permet d'identifier l'incitation à innover dans une
invention novatrice. Puis, dans une deuxième partie, nous
étudierons différentes questions, dans le cadre que l'on aura
défini, notamment la question de la crédibilité et
des « sleeping patents ». La
troisième section développe un modèle plus
général. Il permet d'analyser l'interaction stratégique de
l'activité d'investissement et du brevet ; la conséquence
d'une protection limitée des brevets et de plusieurs technologies
potentiellement brevetables et les effets de l'incertitude sur l'anticipation
de la décision.
III. Le brevet anticipé
L'incitation à se lancer dans une activité de
R&D pour aboutir à un brevet anticipé, émerge
clairement dans le modèle développé par Gilbert et
Newberry, que nous allons reprendre.
Supposons qu'une firme en place sur le marché soit en
monopole dans la vente ou la production d'un produit (le bien
1). Ce monopole peut être la conséquence d'un brevet
déposé plus tôt, ou dû simplement au fait qu'il est
le seul à avoir accès aux facteurs de production ou de
distribution.
L'entrée dans une industrie monopolisée
peut exclusivement avoir lieu à travers l'invention et le
dépôt du brevet du seul produit brevetable, qui est un substitut
du bien du monopoleur. Le coût d'invention du substitut
(le bien 2) dépend seulement du retard
espéré avant qu'une conception brevetable puisse être
produite.
Dans leur représentation simpliste, la date de
l'invention T est une
fonction déterministe. La fonction de
coût C(T), qui est identique pour toutes les
firmes engagées dans l'activité de R&D pour produire le
substitut est une fonction décroissante de la date de succès.
Autrement dit, la date de succès est certaine et est d'autant
plus rapprochée que l'effort d'investissement est
élevé.
è L'agent qui valorise le plus l'innovation est
assuré d'être le vainqueur de la course.
L'espace des stratégies de chaque firme est restreint
par la dépense en R&D du bien 2 et le prix
du bien proposé par les firmes. Posons
Pj le prix du bien
(j=1,2). Le bien 1 est uniquement
vendu par la firme en place (i.e le monopole). Tandis que le
monopoleur (i = m) ou un entrant (i = e) peuvent faire
breveter le bien 2. La demande est connue avec certitude
et elle est invariable dans le temps.
Avant que le substitut soit breveté, le monopoleur fait
un profit m
(P1). Si le monopoleur fait breveter le substitut, son
profit sera m
(Pm1, Pm2). Si par
contre, c'est l'entrant qui dépose le brevet du bien
2, le bénéfice de l'ancien monopoleur devient
m (Pm1,
Pe2) et celui de l'entrant est
e (Pm1,
Pe2). Les profits sont
indépendants du temps, ce qui suppose implicitement que toutes les
dépenses d'investissement sont incluses et entièrement
amorties.
Dans tous les cas,
Pij (j = 1,
2 ; i = m, e) correspond au prix qui maximise le profit de
la firme i qui produit le bien
j , étant donné la structure dominante
du marché.
Le monopole a le choix entre breveter la technologie de
remplacement afin de retarder la concurrence ou bien autoriser l'entrée.
Gilbert et Newberry permettent au monopoleur de choisir une date de brevet,
sous l'hypothèse que les concurrents feront breveter le substitut
à la date déterminée par la condition de libre
entrée dans la course au brevet.
Le retour sur investissement attendu du brevet par le
monopoleur correspond à la différence entre le profit de monopole
avec le brevet et le profit lorsque l'entrée est autorisée.
La firme devrait breveter le produit de remplacement et anticiper des
participants potentiels chaque fois que cette différence excède
le coût du brevet car elle y gagne.
Une simple comparaison des profits courants montre que, sous
certaines conditions, le monopoleur gagnera toujours en
dépensant plus dans l'activité de R&D que la valeur
actualisée qu'un rival peut espérer gagner avec le
substitut.
è Le monopoleur dépensera toujours plus
que ses rivaux dans l'activité de recherche et développement, si
l'entrée aboutit à une réduction des profits totaux en
dessous du niveau de maximisation commun.
La démonstration de ce résultat est la suivante.
Laissons r représenter le taux
d'intérêt (le même pour toutes les firmes). La
récompense de l'entrant potentiel dépend du prix pratiqué
par l'ancien monopole qui produit le bien 1,
Pm1, du prix pratiqué
par l'entrant, Pm2, aussi bien
que de la date d'entrée T. La condition de
libre entrée dans la course au brevet a comme
conséquence de dissiper les profits, aussi :
Si l'équation (1) est satisfaite pour
plus d'une invention à la date T, la
concurrence pour le brevet sélectionnerait le premier
déposant.
Lorsque l'entrée se produit, le profit de l'ancien
monopoleur devient :
Supposons maintenant que le monopoleur prenne la date
d'invention définie par la condition de libre entrée comme celle
décidée par l'équation (1) et envisage
d'inventer avant cette date. Si le coût d'invention est continu à
la date T, le monopoleur peut anticiper sur ses
rivaux, c'est-à-dire, inventer à une date
T-, avec arbitrairement petit, en dépensant
une somme. La firme
reste en monopole et gagne :
.
La différence entre les profits avec anticipation et
profit avec entrée est lorsque et tendent
vers zéro :
Notons que le prix de monopole du bien
1 avec entrée peut différer du prix de monopole de
ce produit lorsque l'entrée est anticipée. En effet, le
monopoleur n'a pas besoin de breveter le substitut technologique dans le cas
où ce serait l'entrant qui le produit.
En remplaçant C(T) par sa
valeur, on obtient :
Le profit de monopole provenant du brevet anticipé
est strictement supérieur au profit de monopole réalisé
avec entrée si :
Ø Le membre de gauche de l'équation
(6) représente le profit maximum que peut atteindre le
monopoleur en produisant les deux biens.
Ø À l'inverse, le membre de droite correspond au
profit total de l'industrie lorsque le rival dépose le brevet du
substitut.
Le profit du monopoleur excédera celui de l'entrant
chaque fois que l'entrée aboutira à une réduction des
profits totaux, pourvu que le monopoleur ne subisse aucun désavantage
économique dû à la production du substitut par une
société rivale.
è Il est clair que si la production du bien
2 par l'entrant n'a aucun effet sur les profits que réalise le
monopole en produisant le bien 1, ce dernier n'est pas incité
à se lancer dans une activité de R&D
anticipé.
Le même argument est valable si la concurrence pour le
brevet est moins intense. Dans ce cas, l'entrant potentiel anticipe un profit
positif plutôt qu'un profit nul, comme le stipule la condition de libre
entrée (1).
Kenneth Arrow a observé qu'avec une protection
du brevet, l'incitation à investir dans la recherche et le
développement est plus faible pour un monopole que dans un cadre de
concurrence ; ce qui suggère que des firmes en monopole
soient plus lentes que leurs concurrents pour développer de nouveaux
produits ou procédés. Cela ne contredit pas les arguments
développés dans la section I, étant donné qu'Arrow
a supposé que l'entrée était bloquée dans le cas
d'un monopole.
è Cette étude montre qu'autoriser
l'entrée peut inciter le monopole à se lancer dans une
activité de R&D anticipée s'il prévoit que la
concurrence réduira le profit de l'industrie.
IV. Commentaires sur le modèle
Le modèle développé dans la section I
nous a permit de comprendre ce qui pousse une firme en monopole à se
lancer dans une activité anticipée de R&D. Contrairement
à ce qu'a pensé Williamson, cette motivation n'est pas le
résultat des imperfections du marché. Dans notre cas, le
marché est efficace excepté pour expliquer l'existence initiale
du monopole.
è La firme peut maintenir son monopole si
l'entrant potentiel anticipe le fait que la concurrence érodera les
profits de l'industrie.
Cela requiert de la part des entrants potentiels la
capacité de prévoir les actions futures, mais suppose
également que les concurrents sont capables d'influencer les profits
totaux de l'industrie.
L'exemple étudié précédemment
ignore plusieurs complications que nous allons développer dans cette
section.
i. Les dépenses en R&D du
monopole
Le monopole anticipe l'entrée de concurrents
potentiels, en déposant le brevet avant la date décidée
par la condition de libre entrée. Si un concurrent sait que cette
stratégie est rationnelle pour le monopoleur, l'entrée à
travers l'activité de recherche et développement ne se fera
pas.
L'anticipation des dommages que peut causer l'entrée
d'un concurrent serait crédible si le monopoleur pouvait
accélérer l'activité de R&D, en réponse aux
dépenses de R&D du rival sans entraîner des coûts
supplémentaires ou des retards significatifs. Dans ce cas,
l'entrée potentielle n'affecte pas le comportement du monopoleur et, ce
dernier innove si l'entrée est bloquée.
è L'entrant potentiel n'investira pas dans la
R&D parce qu'il sait qu'il est rationnel pour la firme en monopole
d'accélérer ses recherches si des concurrents entrent dans la
course au brevet.
Si l'accélération des recherches du monopole en
réponse à l'activité de R&D de ses rivaux
entraîne une augmentation des coûts, la firme en monopole peut se
retrouver forcée d'anticiper les dommages.
Cela serait rationnel si le coût d'attente d'un
concurrent pour lancer son programme de R&D excédait le profit
espéré. Autrement dit, l'entrant potentiel commencera à
innover afin d'entrer sur le marché. Ainsi le monopoleur ne se sera pas
incité à débuter une activité de R&D,
étant donné que l'accélération de son
activité aura un coût trop élevé et le profit
espéré sera moindre. Dans ces circonstances, la recherche
est planifiée et son intensité est déterminée par
le degré de la concurrence.
è Dans ces circonstances, la concurrence
influence négativement l'innovation (argument de Joseph Schumpeter).
L'anticipation est l'équilibre de Nash de ce jeu.
ii. Anticipation et « sleeping
patents »
Un « sleeping patents » est une
invention qui n'est pas développée. On a simplement
déposé le brevet. Dans un monde certain, un monopole
protégé de l'entrée refusera d'investir des fonds pour
produire un « sleeping patents », ou alors ce
dernier constituera une étape de développement d'une meilleure
technologie. Gilbert et J. Stiglitz montrent que le « sleeping
patents » n'est pas réservé uniquement à
la firme en monopole.
En effet, la condition de libre entrée peut mener les
concurrents à déposer ce type de brevet. Ce dernier peut
résulter d'un brevet anticipé. Si
l'entrée d'un rival est profitable, le monopoleur choisira de ne pas
produire le bien substituable, car même en supposant que les
coûts et la demande soient identiques pour les deux biens, le
développement et la production de l'innovation ont un coût
élevé. Aussi, une fois que les coûts de R&D
sont déduits du profit, on obtient :
Cependant, rien n'empêche la firme en place de
déposer le brevet et de ne pas l'utiliser. Le monopoleur
anticipera de déposer le brevet du bien substituable, dès lors
qu'il prévoit que l'entrée d'un concurrent aura pour
conséquence de réduire le profit total de l'industrie.
è La firme en place doit déposer le
brevet avant les concurrents afin de dissuader l'entrée,
déterminant ainsi la date d'invention. Utilisé ou pas, ce brevet
dépend des caractéristiques de la nouvelle technologie et du
stock de capital. Dans notre cas, le monopoleur n'utilisera jamais son brevet
car il gagne plus en ne produisant que son bien.
Plus généralement, Y. Barzel ainsi que Dasgupta
et al. montrent que la date optimale pour le monopoleur d'utiliser sa
nouvelle technologie brevetée est plus éloignée que la
date déterminée par la condition de libre entrée.
iii. Désavantage économique dû
à une mauvaise gestion
Le désavantage économique dû à une
mauvaise gestion a lieu si le monopole ne peut développer un programme
de recherche ou un plan de production aussi efficace que n'importe quel rival.
Ce désavantage dans la gestion ne change rien au problème
de décision de la firme en place.
L'anticipation est une stratégie rationnelle si le
coût de protection par le brevet est moins important que la
différence entre le profit du monopole avec le brevet et celui ou
l'entrée est autorisée.
è Il apparaît évident que si les
désavantages du monopole dans la gestion sont significatifs, une
stratégie d'anticipation est moins probable.
V. Développements
Le modèle développé dans la section I
nous a permit de comprendre ce qui pouvait pousser un monopole à
maintenir son pouvoir de marché.
En pratique, le problème est plus complexe. Le monopole
peut poursuivre des activités stratégiques qui diminuent la
profitabilité du brevet d'un entrant potentiel. La valeur du brevet et
sa date d'invention sont incertaines. L'hypothèse d'un seul produit
substituable est extrême.
Dans cette section, on va montrer que toutes ces
considérations ne détruisent pas l'incitation qu'a le monopole de
se lancer dans une activité de R&D anticipé.
i. Comportement stratégique
Leur modèle ne considère pas les
stratégies du monopole ayant pour objectif de dissuader l'entrée
de concurrents ou de réduire la concurrence comme celle d'augmenter les
capacités de production.
Dans le cas d'une concurrence simple, c'est-à-dire
qu'on suppose qu'il n'y a qu'un seul produit substituable brevetable, ces
comportements stratégiques n'altèrent pas l'incitation à
anticiper. Il est prouvé dans leur article qu'une augmentation des
capacités de production du monopole a pour conséquence de
réduire le profit que peut faire un concurrent s'il décide
d'entrer.
Aussi, ce dernier est moins incité à entrer et
le monopoleur n'est pas obligé d'investir énormément pour
déposer le plus vite possible son brevet (la date d'invention est une
fonction déterministe).
è Une stratégie visant à
réduire le profit des concurrents potentiels rend l'anticipation plus
attractive en abaissant les coûts des programmes de R&D.
Généralement, ces deux types de stratégies vont de
paire.
ii. Incertitude
De nombreuses sources d'incertitudes peuvent affecter la
décision d'anticiper.
· L'incertitude sur le processus d'innovation signifie
que la date du brevet n'est pas une fonction déterministe de la
dépense de R&D.
Si on suppose que la date du brevet est une fonction
stochastique, c'est-à-dire que cette dernière est
aléatoire, l'agent qui investit le plus dans la R&D aura
simplement une probabilité plus élevée à innover le
premier. Cela aura pour conséquence de rendre moins probable la
décision de se lancer dans une activité anticipée de
recherche et développement.
· L'incertitude sur les caractéristiques de
l'invention et sur les stratégies utilisées par le concurrent
après son entrée, affecte la valeur de la technologie
après que le brevet eut été déposé.
Si tous les agents sont neutres vis-à-vis du risque,
l'analyse précédente reste inchangée. L'anticipation est
désirable seulement si la réduction du profit dû à
l'entrée de concurrence est positive. La présence d'aversion au
risque, comme le suggèrent Spence et M.Porter, altère
l'incitation à se lancer dans une activité de R&D
anticipée.
L'aversion au risque à la même
conséquence que les désavantages dans la gestion,
c'est-à-dire qu'il est moins probable que le monopoleur se lance dans
une activité de recherche anticipée.
iii. Plusieurs concurrents
L'hypothèse que l'entrée peut être
possible à travers un seul bien substituable brevetable est une grande
simplification.
Pour de nombreuses raisons, comme le fait qu'il existe
différentes façons de concevoir un produit avec des
caractéristiques de marché équivalentes, le brevet
ne peut pas être efficace dans la prévention des entrants
potentiels. De plus, les concurrents sont dépendants les uns
des autres pour utiliser les brevets et développer leurs produits.
Cela encourage la pratique du « cross
licensing »1 et décourage le
renforcement des restrictions du brevet.
è Aussi n'importe quel monopole maintenu par un
brevet est éphémère si la firme ne continue pas à
développer de nouveaux produits nécessaires pour capturer une
part de marché, étant donné que le brevet est inefficace
comme barrière à l'entrée.
__________________
1« Cross
licensing » : c'est une entreprise A qui octroie une licence de
son brevet à une entreprise B à condition que cette
dernière lui concède une licence sur le brevet qu'elle
détient.
VI. Conclusion
De nombreuses conditions limitent l'efficacité de
l'activité d'anticipation. L'analyse effectuée dans cette
étude montre qu'une firme en place peut maintenir son pouvoir de
monopole en dépit de l'entrée de concurrents potentiels.
Cette conclusion est en accord avec Williamson, mais les
raisons sont différentes. Pour ce dernier, la persistance du
monopole est due aux imperfections du marché.
Gilbert et Newberry démontrent qu'en l'absence
d'imperfection du marché (excepté pour avoir un monopole au
début), l'incitation à maintenir le pouvoir de monopole
est présente. En effet, un marché parfait pour les
inputs de la R&D donne à la firme en place une
crédibilité : il peut anticiper l'entrée des
concurrents, déposer un brevet avant leurs entrées, produire le
bien substituable et réduire ses coûts, devenant ainsi doublement
attractif.
Les brevets anticipés ont des
conséquences indésirables. Une firme peut maintenir son pouvoir
de monopole en déposant un brevet avant ses concurrents. Cependant on a
vu qu'il n'était pas profitable pour le monopole de produire le
deuxième bien puisque le brevet ne sera pas utilisé. Les fonds
engagés ont servi à produire un « sleeping
patents » dont l'utilisation n'est cédée à
aucune firme, ce qui peut être néfaste pour la croissance
et le développement d'autres technologies dans le sens ou si le
« sleeping patents » est une innovation
fondamentale, le développement des innovations incrémentales est
arrêté par la protection du brevet. Les gains de la
société résultant des nouvelles technologies se font
à un taux plus faible que s'il y'avait eut de la concurrence.
Aussi, interdire l'activité d'anticipation peut mener à
une augmentation du surplus économique et les ressources seront
dépensées pour dissuader l'entrée plutôt que pour
investir dans la recherche. Selon J. Bain, l'anticipation dans
la R&D est la seule action qui peut retarder l'entrée de
rivaux. Cela demeure difficile à identifier en pratique.
Cette conclusion n'est valable que si l'innovation est
certaine, ce qui en réalité reste une hypothèse forte.
C'est pourquoi, nous allons passer à l'analyse de l'article de J F.
Reinganum qui reprend cette étude en supposant que le processus de
découverte est stochastique plutôt que
déterministe.
2ème PARTIE : Jennifer F. Reinganum (1983):
«Uncertain Innovation and the Persistence of Monopoly ».
J. Reinganum développe un modèle dans lequel la
firme en place et le challenger s'engagent tous deux dans une course
à l'innovation, dans laquelle le processus de découverte
est une fonction stochastique. Elle démontre ainsi que lorsque
le premier innovateur capture une part suffisamment élevée du
marché de l'innovation précédente et que la nouvelle
technologie est révolutionnaire, à l'équilibre de
Nash, la firme en place investit moins que le nouvel entrant dans ce
projet. Avec d'autres spécifications, elle démontre
qu'à l'équilibre de Nash, la firme en place conduit en
parallèle moins de projets de recherche qu'un challenger.
Dans ces deux cas, il est moins probable que la firme
en exercice dépose le brevet de l'innovation. L'intuition de
ces résultats est évidente, au moins pour le cas où le
premier innovateur capture le marché entier de l'innovation
précédente. Quand le processus d'invention est stochastique, la
firme en monopole continue de percevoir un flux de profit durant la
période précédant l'arrivée de la nouvelle
technologie. Cette période est d'une durée aléatoire, elle
dépend du montant investi par les firmes dans la R&D ;
étant donné que plus une firme a investi une somme importante,
plus la période est courte. Si le monopole remporte la course,
il ne fait que maintenir son pouvoir, bien qu'il produise un bien plus
profitable, en conséquence la firme en place à une plus faible
incitation marginale à innover qu'un nouvel entrant
potentiel.
Cette étude présente un modèle
théorique qui incarne les observations empiriques de Scherer,
à savoir que les entrants stimulent le progrès technique à
travers leurs comportements d'innovation et leurs provocations envers le
monopole. De plus, à l'équilibre, ils contribuent
disproportionnellement à une part importante de l'innovation. J.
Reinganum essaye aussi d'isoler la cause de la divergence entre ses
résultats et ceux de Gilbert et Newberry afin de les intégrer les
deux dans une théorie en accord avec les observations empiriques.
La section I reprend les résultats
développés par Gilbert et Newberry. À la section II, un
modèle simple incorporant l'incertitude sur l'innovation est
développé. Il nous permet de démontrer que pour une
innovation drastique, la firme en place investit toujours moins que l'entrant
potentiel afin que la période de fonction change de main le plus
souvent.
I. Résultats précédents
Pour simplifier, considérons le cas où
l'innovation réduit le coût de production dans une industrie avec
des rendements d'échelle constants. Posons le coût, initial,
unitaire de production de la firme en place, et laissons représenter le
coût unitaire associé à la nouvelle technologie. Le flux de
revenue actuel de la firme en exercice, correspond à ; représente la
valeur actualisée du profit de monopole réalisé en
utilisant l'innovation, c'est également la valeur actualisée des
profits du monopole actuel, si ce dernier dépose le brevet de la
nouvelle technologie ; représente la valeur actualisée du profit obtenu à
l'équilibre de Cournot-Nash par le monopole si c'est le
challenger qui dépose le brevet ; et correspond à la
valeur actualisée du profit obtenu à l'équilibre de
Cournot-Nash par le challenger, si ce dernier obtient le brevet de
l'innovation.
§ Hypothèse 1 :
Les fonctions , et sont continues et
différentiables par intervalle. De plus, et sont des fonctions
décroissantes de , tandis que est une fonction croissante de .
Si le monopole dépose le brevet de la nouvelle
technologie, ses profits seront d'autant plus élevés que les
coûts associés à l'innovation seront faibles. Par contre,
si le challenger innove alors que la firme en place utilise toujours
son ancienne technologie, les profits de l'entrant seront d'autant plus
élevés que les coûts associés à l'innovation
seront faibles ; tandis que le profit du monopole sera plus
élevé si les coûts du challenger sont
élevés.
· Définition 1 :
L'innovation est qualifiée de drastique si , où existe et est
définis comme la valeur maximum de telle que . L'importance de
l'hypothèse des rendements d'échelle constants est que si les
profits sont nuls, la production l'est aussi. Ainsi si , alors la
production de l'actuel monopoleur sera nul dès lors que l'entrant
à breveté l'innovation. Dans ce cas le challenger devient le
monopoleur et.
Notons que avec
l'inégalité est stricte si l'innovation est non drastique.
Autrement dit, le profit du monopoleur est
supérieur si l'innovation est non drastique.
Gilbert et Newberry argumentent que si le processus
d'innovation est déterministe, n'importe qui est enclin à offrir
le plus pour acquérir la nouvelle technologie, obtenant ainsi le brevet
de l'innovation avec la probabilité 1. Le challenger sera
prêt à offrir jusqu'à, tandis que la
firme en place serait disposée à investir,
c'est-à-dire la différence de profit qu'il fait avec et
sans innovation. Dès lors que, avec
l'inégalité stricte pour, le monopole se lance
dans une activité de R&D anticipée. Le monopoleur et
l'entrant investiront le même montant dans la R&D, seulement si
l'innovation est drastique. Par conséquent, l'anticipation est un
équilibre de Nash de ce jeu, ainsi l'industrie restera
contrôlée par la firme en place.
è Lorsqu'il n'y a pas d'incertitude sur
l'innovation, il est plus probable que le monopoleur innove plutôt que
le challenger.
II. Un modèle incorporant l'incertitude
Le modèle développé dans cette section
est une généralisation de celui de Tom Lee et Louis Wilde, lequel
est lui-même fondé sur le modèle de Glenn Loury.
Une firme en place et un entrant potentiel vont
simultanément tenter de perfectionner une technologie permettant de
réduire le coût de production. L'incertitude technologique prend
la forme d'une relation stochastique entre le taux d'investissement et la date
éventuelle de succès.
è Le processus de découverte est
stochastique, autrement dit plus on investit plus grande est la
probabilité de succès.
Si
représente le taux d'investissement dans la R&D du monopole, et la date aléatoire
de succès de la firme en place, alors la probabilité de
succès est égal à , pour .
De la même manière, si représente le
taux d'investissement dans la R&D du challenger, et la date aléatoire
de succès de l'entrant potentiel, alors la probabilité de
succès est égale à , pour .
La date de succès espérée d'une firme
est , où est le taux de hasard
qu'on utilise dans la course au brevet.
§ Hypothèse 2 :
La fonction de hasard est deux fois
continûment différentiable, avec et pour tout . De plus,
Supposons que la nouvelle technologie est brevetable et que la
course prenne fin avec le premier succès. Le profit espéré
par la firme en place pour n'importe quelle paire de taux d'investissement est :
Le monopoleur obtient à la date, si l'entrant n'a pas
encore innové et la firme en place innove à la date. Cet
événement se produit avec une densité de
probabilité . Par contre, la firme en place obtient à la date , si la firme en place
n'a pas réussi à innover et que le challenger innove
à la date.
Finalement, le monopoleur reçoit le flux de profit et paye un flux
d'investissement
tant qu'aucune firme n'a découvert l'innovation ; cela se produit
avec la probabilité .
Le profit espéré du challenger suit le
même raisonnement.
La différence entre ces récompenses
résulte d'un flux de bénéfices de l'occupant actuel et du
fait qu'il partage le marché en cas d'innovation couronné de
succès par le challenger.
· Définition 2 :
La stratégie de la firme en place (challenger) est
d'investir un montant . La récompense attendue par le monopoleur (challenger) est .
· Définition 3 :
La fonction de meilleure réponse du monopoleur est
la fonction
définie de telle manière que, pour chaque , pour tout .
De la même manière, La fonction de meilleure
réponse du challenger est la fonction définie de telle
manière que pour chaque, pour tout .
è La fonction de meilleure réponse
dépendra uniquement des paramètres (c, R).
· Définition 4 :
La paire de taux d'investissement est un équilibre
de Nash si et . Ainsi, chaque firme
investit un montant correspondant à sa meilleure réponse en
fonction de l'investissement du concurrent.
o PROPOSITION 1
Si , alors il existe une fonction 1 de meilleure réponse
pour la firme en exercice qui satisfait les
conditions du premier ordre et du second ordre . La fonction est
continûment différentiable en et continue en
c,R. Respectivement, il existe une fonction de meilleure réponse
pour l'entrant qui
satisfait également la condition du premier et du second ordre.
De la même manière, est
continûment différentiable en et continue en c.
De plus, il existe une paire de stratégie, et , correspondant à
un équilibre de Nash, chacune d'entre elles est continue en
c,R.
____________________
1 L'hypothèse implicite de cette proposition
stipule que la fonction de profit de la firme est initialement croissante avec
le niveau d'investissement. Sans cette hypothèse, il est possible que
la firme puisse avoir plusieurs fonctions de meilleure
réponse.
La condition du premier ordre, qui définit
implicitement la fonction de meilleure réponse, nous permet
d'écrire :
v Remarque 2 :
Dès lors que la récompense d'une firme doit
être non négative, en particulier lorsque la firme joue sa
fonction de meilleure réponse, il s'en suit que et .
o LEMME 1 :
et . Ainsi,
l'existence d'un challenger incite la firme en place à investir plus
qu'elle ne l'aurait fait dans la recherche et le développement.
è L'intensification de la concurrence encourage
la firme en place à se lancer dans une activité de
R&D.
o LEMME 2 :
Si l'innovation est drastique et , alors pour tout .
o PROPOSiTION 2 :
Si l'innovation est drastique et , à
l'équilibre de Nash, la firme en exercice investit moins dans la R&D
que le challenger puisque .
è Lorsque l'innovation est drastique, la
concurrence incite la firme en place à innover mais moins que le
challenger.
J. Reinganum conclut donc que pour une innovation suffisamment
radicale, c'est précisément l'hypothèse du certain contre
l'incertain responsable de la divergence de ses résultats et de ceux de
Gilbert et Newberry, le monopole est moins incité à innover que
l'entrant potentiel.
Pour voir l'issue de l'économie, considérons ce
qu'il arrive dans le modèle de J. Reinganum avec une innovation
drastique si la firme en place devait envisager d'investir moins. Elle aurait
donc une probabilité légèrement accrue de perdre la course
au brevet au profit du challenger, mais le monopoleur
dépenserait moins et recevrait ainsi le flux de profit plus longtemps.
L'entrant potentiel en investissant un peu moins subit une
probabilité légèrement accrue de perdre la course au
brevet au profit de la firme en place. Étant donné que le
challenger n'a pas de revenu supplémentaire, il investira plus
que le monopoleur afin d'avoir une plus grande chance d'obtenir la
récompense.
Considérons la même question avec
l'hypothèse de la certitude de l'innovation (processus
déterministe). Si l'occupant actuel investit toujours plus que le
challenger, il obtiendra le flux de revenus avec la
probabilité 1 et n'aura aucune menace de perdre la course au brevet
face à l'entrant potentiel. Si par contre, le monopoleur décidait
d'investir moins, cela n'aurait aucun impact sur leurs profits. En effet,
lorsque le processus de découverte est déterministe, la firme en
place est toujours plus prédisposée à innover que le
challenger.
III. Conclusion
Il semble clair que l'hypothèse de certitude dans le
processus d'innovation n'est pas inoffensif, en particulier lorsque l'on
compare les implications des politiques de ces deux modèles. Le
modèle de Gilbert et Newberry suggère qu'il faille
s'inquiéter du développement de pouvoir de monopole maintenu par
le sleeping patent. Cette étude montre que l'on doit beaucoup moins
s'inquiéter si l'on suppose que le processus d'invention est
stochastique.
Il semble raisonnable de penser que le degré de
réduction de coût et le degré d'incertitude sont
reliés. Autrement dit, des innovations plus radicales peuvent être
soumises à une incertitude plus grande. On peut ainsi réconcilier
l'étude de Gilbert et Newberry avec les observations empiriques de
Scherer, en suggérant que le modèle avec certitude est le plus
approprié pour des innovations incrémentales. Bien sûr, les
modèles discutés dans ce papier ont été
simplifiés. Pris ensemble, cette étude et celle de Gilbert et
Newberry indiquent que l'incitation à maintenir un pouvoir de monopole
apparaît plus compliquée que nous semblons le suggérer.
Boone, comme Reinganum, partage la vision d'Arrow en
démontrant que la concurrence favorise l'innovation. Boone se place dans
un cadre d'analyse différent. Il suppose que les firmes sont
asymétriques, et contrairement à Gilbert et Newberry ou encore
Reinganum, il ne considère pas le cas où il y'a une firme en
place initialement présente sur le marché. Il nous permet de
comprendre comment les firmes régissent face à la concurrence,
selon leurs comportements.
Firmes asymétriques :
Nous venons d'étudier l'impact de la concurrence sur
l'incitation à innover d'une firme en place et d'un entrant potentiel.
Il semblerait intéressant d'aller plus loin dans l'analyse, en
étudiant l'effet de la concurrence sur l'incitation à innover de
firmes asymétriques dans un marché où l'entrée se
fait simultanément, il n'y a donc pas de firme en place. Nous savons que
si les entreprises sont identiques, une concurrence plus intense conduira
à une réduction de leurs niveaux de profits.
Jan Boone présente une étude incorporant les
effets de « sélection » et d'adaptation »
de la concurrence sur le marché des produits et sur l'efficacité
des firmes. Dans son modèle, les firmes sont asymétriques, dans
le sens ou elles ont des comportements différents. Le comportement de la
firme est déterminé par son niveau d'efficacité relatif
à celui de ses concurrents. L'effet de la concurrence sur l'incitation
à innover est différent selon que la firme est plutôt
confiante, impatiente, combative, ou bien découragée.
Finalement, il démontre qu'une augmentation de la pression
concurrentielle ne peut pas inciter les entreprises à innover dans des
innovations de procédés et de produits.
Pour étudier ce cas précis, nous allons
présenter le modèle développé dans l'article
de :
Jan Boone (2000): « Competitive pressure:
the effects on investments in product and process
innovation ».
I. Introduction
Cet article analyse l'impact de la pression concurrentielle
sur des firmes asymétriques qui peuvent investir dans des innovations de
produits ou de procédés. Boone démontre qu'un
déterminant important de l'effet de la
concurrence sur l'incitation des firmes à acquérir une
innovation de produits ou de procédés est le niveau
d'efficacité productive de la firme par rapport à celui de
l'industrie, autrement dit son comportement (dans le modèle de
Boone).
Il pose (+ ; -) le cas où une augmentation de la
pression concurrentielle augmente l'incitation des firmes à innover dans
une innovation de produits, mais réduit l'incitation à innover
dans une innovation de procédés. Il est clair que quatre cas
peuvent se produire. Les quatre cas sont ordonnés par le niveau du
coût de la firme par rapport à celui de l'industrie. Si le
coût d'une firme est nul au départ et progressivement
s'élève, on obtient l'ordre suivant : (+ ; -), (+ +),
(- ; +), (- ; -). Ces quatre cas correspondent respectivement aux
comportements impatients, confiants, combatifs ou bien découragés
de la firme.
Il démontre que si une élévation de la
pression concurrentielle implique une amélioration de la
productivité de l'industrie (effet d'adaptation), elle a
également pour conséquence le fait de réduire le nombre de
variétés de biens (effet de sélection). L'effet de
« sélection » stipule que la concurrence poussera
les firmes les moins efficientes à sortir du marché. L'effet
« d'adaptation » correspond au fait que la concurrence
encourage les firmes à améliorer leurs productivités
plutôt que développer un nouveau bien.
L'intuition est la suivante, si la concurrence augmente, la
firme la moins efficiente du marché fait face à une concurrence
plus intense (effet direct), ce qui implique une réduction des
coûts de production de ses concurrents (effet indirect). Ces deux effets
réduisent le profit de cette firme ce qui induit sa sortie du
marché et par la même occasion l'arrêt de la production de
sa variété de bien.
La prochaine section définit la notion de
« pression concurrentielle ». La section III analyse
l'effet de la concurrence sur l'incitation à innover d'une simple firme,
tandis que la section IV étudie son impact sur celle de l'ensemble de
l'industrie. Enfin, nous verrons comment la littérature abonde dans le
sens de Boone à la section V avant de conclure par la section VI.
La pression concurrentielle
L'intensité de la concurrence est définie en
fonction de son effet sur l'incitation des firmes à entreprendre une
innovation de procédé ou de produit.
Le résultat d'une innovation de produit est un nouveau
bien que l'on introduit dans le marché. Par conséquent,
l'incitation pour une innovation de produit est
déterminée par le niveau de profit associé à ce
nouveau produit.
La conséquence d'une innovation de
procédé est la réduction des coûts de production. Si
la pente de la fonction de profit de la firme par rapport à son niveau
de coût est plus raide, l'incitation de la firme à réduire
ses coûts de production sera d'autant plus grande que la pente de la
fonction de profit, par rapport à son niveau de coût, est
raide.
Laissons représenter le profit de la firme qui dépend de
son coût marginal (constant) de production , avec , de celui de ses
concurrents , et du
paramètre ,
ce dernier est choisi de façon à maintenir l'idée qu'un
surcroît de concurrence rend les firmes plus exposées aux actions
de leurs concurrents.
Autrement dit, les firmes ne diffèrent que par leurs
niveaux d'efficacité productive , elles sont donc
asymétriques. Par conséquent, la fonction de profit n'est pas
indicée par
puisque les firmes sont symétriques, excepté pour leurs
efficiences.
Considérons l'effet du paramètre sur le niveau de
profit, , de la
firme et celui de
la pente de la fonction de profit, . Puis, restreignons
nous à l'étude des signes, il y'a quatre cas
présentés ci-dessous :
|
|
|
|
Confiante
(+ ;-)
|
Découragé
(- ;-)
|
|
Impatiente
(+ ;+)
|
Combative
(- ;+)
|
Autrement dit, une firme est dite
confiante si un accroissement du
paramètre
implique une élévation du profit de sans pour autant
accroître la pente de la fonction de profit de . Une firme avec
un tel comportement préféra investir dans une innovation de
produit plutôt que dans un nouveau procédé.
Les comportements « découragés »,
« impatients », et « combatifs » sont
définis de la même manière.
Le paramètre mesure la pression
concurrentielle de la firme s'il vérifie la
définition suivante :
· Définition 1 :
Pour une fonction de profit donné, le
paramètre
mesure la pression concurrentielle de la firme s'il existe des valeurs
et où et sont fonctions de et de telle manière
que :
(i)
et
implique que la firme est
confiante,
implique que la firme est impatiente,
implique que la firme est combative, et
implique que la firme est
découragée.
(ii)
si la firme est
la firme la moins efficace du marché, dans le sens ou pour chaque firme active.
Cette définition restreint le passage du comportement
confiant à celui de découragé, puisque
cela suppose une augmentation des coûts de production de la firme . Elle exclut
également la possibilité qu'un surcroît de concurrence
puisse augmenté le profit de la firme la moins efficace.
La restriction du changement de certains comportements est
importante pour l'interprétation de comme mesure
de la pression concurrentielle.
Si une modification de mène
à réduction des profits pour une firme
low-cost, tandis qu'elle implique une hausse des
bénéfices pour les entreprises high-cost, il semblerait
contre intuitif de nommer cela : « un renforcement de la
concurrence ». La seconde restriction implique l'idée bien
connue qu'une élévation de l'intensité de la
concurrence dans une industrie où les firmes sont
symétriques, c'est-à-dire que pour toutes les firmes
et actives,
réduit le niveau de profit de chaque firme.
Cependant, lorsque les firmes sont
asymétriques, un accroissement de la concurrence peut évincer les
firmes les moins efficaces du marché et accroître le profit de la
firme la plus efficace.
è L'effet de sélection permet aux firmes
actives de faire un profit plus élevé.
Notons que la définition ne requiert pas que les quatre
cas apparaissent, tout dépend du paramètre retenu. Le
seul cas où les quatre comportements sont présents a lieu lorsque
correspond à la mesure de la substituabilité des biens.
Dans les autres cas, il n'y a pas de firmes
confiantes. Cela suggère qu'une firme
confiante apparaît seulement dans un environnement très
concurrentiel ( proche de 1).
Effet de la concurrence sur une firme
Nous allons reprendre le modèle développé
par Dasgupta et Stiglitz (1980) auquel Boone a rajouté deux
caractéristiques importantes. Premièrement, les firmes sont
asymétriques dans leurs capacités à réduire leurs
coûts de production. Deuxièmement, Boone analyse l'effet d'une
modification de la pression concurrentielle plutôt que de regarder la
corrélation entre la concentration et l'intensité de la
recherche.
Considérons un agent qui a une idée
pour introduire un nouveau bien (aussi noté ) dans le marché
et un processus d'innovation . Ce processus
correspond à l'investissement que l'agent doit faire pour
réduire le coût marginal de production de son bien à un
niveau .
Le jeu est constitué de deux périodes.
À la première période, chaque
agent décide ou non d'entrer sur le marché
avec un nouveau bien, s'il entre, combien doit-il investir pour
améliorer l'efficacité de son procédé de
production. À la seconde période, le nombre de
firme dans le marché et leurs niveaux de coût sont connaissances
communes. Les firmes produisent leurs biens et choisissent leurs
variables stratégiques (prix ou quantité)
indépendamment et simultanément.
À l'équilibre de Nash de la deuxième
période, l'agent dont le coût de production est peut obtenir la
récompense que l'on note , où représente le
nombre de firmes présente dans le marché. Ainsi, trois sources de
pression concurrentielles sont explicitement introduites comme argument de la
fonction de profit. En effet, plus faible est le coût de production des
concurrents, plus intense est la concurrence. Il en va de même pour le
nombre d'entreprises, plus il y'en a, plus la concurrence est intense. La
troisième source de pression concurrentielle est , qui mesure
l'agressivité des interactions entre les firmes.
Boone fait l'hypothèse suivante sur la fonction de
profit et le processus d'innovation :
§ Hypothèse 1 :
Les fonctions et satisfont les
propriétés suivantes :
(i) est deux fois différentiable en et satisfait , , et pour tout
Ê Ce qui suggère que la réduction des
coûts marginaux requiert un grand effort d'investissement ;
(ii) est une fonction non décroissante en et est une fonction non
croissante en ;
Ê Les agents low-i ont une meilleure idée que
les agents high-i, dans le sens où ils doivent investir moins pour
obtenir leurs innovations.
(iii) est deux fois différentiable en , , et ;
Ê Cela permet de s'assurer que la
dérivée première est une fonction continue et que la
dérivée seconde existe ;
(iv) et
pour ;
Ê Ceci suppose que la firme fait un profit plus
élevé lorsque son coût de production est plus faible que
ceux de ses concurrents;
(v) pour chaque , , , et ;
Ê Ce qui garanti la concavité de la fonction
objectif ; et
(vi) il existe une valeur telle que pour chaque
valeur de , , et , on vérifie que
.
Ê Autrement dit, l'incitation à
réduire les coûts de production n'est pas infinie, elle
s'arrête pour une valeur des coûts proche de zéro.
Focalisons nous maintenant sur la manière dont le
paramètre
affecte l'équilibre de Nash de première période,
appelé équilibre connecté.
· Définition 2 :
Pour une fonction de profit et un niveau de
concurrence
donné, l'équilibre connecté de première
période est défini par les quatre propriétés
suivantes :
(i) Le niveau de coût optimal : le niveau de
coût de
chaque agent qui
entre sur le marché, satisfait ;
(ii) Connexion : si l'agent entre sur le
marché, alors l'agent entre
également ;
(iii) Récompense : le dernier agent, indicé
par , fait un
profit positif (ou nul) s'il entre sur le marché, ; et
(iv) La condition de libre entrée : tous les agents
feront un profit
négatif.
è En d'autres termes, à
l'équilibre connecté, chaque agent choisit le niveau de
coût qui maximise son profit moins son coût d'innovation, en
considérant le nombre de firmes actives sur le marché et leurs
coûts de production comme donnés.
Cet équilibre est dit connecté parce
que tous les agents sont actifs sur le marché. Le dernier agent qui rentre sur le
marché fait un profit non négatif, tandis que l'entrée
n'est pas profitable pour l'agent. Puisque
l'équilibre est connecté, mesure le nombre de
firmes actives dans le marché. Cette définition suppose
implicitement que les récompenses sont décroissantes en
,
le lemme suivant montre que c'est effectivement le cas.
o LEMME 1 :
est (faiblement) décroissante en .
On va considérer l'effet de la pression concurrentielle
sur l'incitation
d'une firme à investir dans une innovation de produit ou de
procédé, sachant que les décisions d'investissement des
autres firmes sont fixées. Autrement dit, on considère et pour et donné.
o Corollaire 1 :
Pour et
fixé, nous savons que :
(i) Une firme est confiante dans le cas où
et ;
(ii) Une firme est impatiente dans le cas où
et ;
(iii) Une firme est combative dans le cas où
et , et
(iv) Une firme est découragée dans le
cas où et
è Pour une firme combative ou
découragée, une élévation de la pression
concurrentielle réduit l'incitation des firmes à investir dans
une innovation de produit.
è Pour une firme confiante ou impatiente, une
telle augmentation améliore l'incitation à entreprendre une
activité de R&D dans une innovation de produit, puisque cette
augmentation leur permet d'exploiter au mieux leurs avantages de coûts.
Les firmes confiantes et impatientes ont un coût de
production plus faible que celui des firmes combatives et
découragées (définition 1), cela peut s'interpréter
comme l'effet de « sélection »
décrit par Vickers (1995).
Puisque l'incitation à innover est
réduite par l'intensité de la concurrence pour des
firmes combatives ou découragées,, cela signifie que le
pouvoir de monopole et les profits sont réduits. C'est en ce sens,
qu'Aghion et Howitt (1992) identifient l'argument
Schumpétérien.
Pour des firmes impatientes ou combatives, un surcroît
de concurrence mène à un investissement plus élevé
dans une innovation de procédé . C'est ce que l'on
nomme par effet « d'adaptation ». Les
firmes s'adaptent à la concurrence en augmentant leur
productivité.
è Aussi, les effets d'adaptation et de
sélection suggèrent qu'une élévation de la pression
concurrentielle améliore l'efficacité moyenne de
l'industrie.
Effet de la concurrence sur l'ensemble de
l'industrie
Nous allons étudier dans cette section l'effet de la
pression concurrentielle dans le cas où toutes les firmes ajusteraient leurs
décisions d'innovations. Cette généralisation est
motivée par les questions de politiques économiques : que se
passe t-il sur les innovations de produits et de procédés de
l'ensemble de l'industrie lorsque la concurrence s'intensifie ?
La proposition 1 montre qu'une augmentation de la
concurrence ne peut pas faire croître le niveau des innovations de
produits et celui des innovations de procédés dans l'industrie.
La proposition 2 stipule que sous certaines conditions, un surcroît de
concurrence augmente le niveau d'efficacité de l'ensemble de
l'industrie, dans le cas où toutes les firmes seraient
symétriques.
o PROPOSITION 1 :
À l'équilibre connecté, une
amplification de implique une réduction du niveau d'efficience d'au moins une
firme, et/ou évince un certains nombre de producteurs introduis dans le
marché.
Ainsi, en augmentant l'intensité de la concurrence au mieux, cela provoque
un changement de stratégie entre l'amélioration de
l'efficacité de chaque firme ou l'accroissement du nombre de nouveaux
biens présents sur le marché. La clé de ce résultat
est la deuxième condition (ii) de la définition 1. Si la pression
concurrentielle réduit le niveau de coût de chaque firme, alors
la firme la moins
efficace fait face à une intensification de la
concurrence, qui provient de deux sources : directement de et indirectement de. La définition 1
(ii) stipule que la hausse de et la diminution de, provoque la baisse du
profit de la firme
et par conséquent le bien pourrait ne pas
être introduit sur le marché. Au contraire, si la hausse
de est
compensée par une baisse de la pression concurrentielle sur la firme
due à
l'augmentation des coûts de production de certaines firmes, le profit de
la firme va
croître, entraînant ainsi l'élévation du
nombre de bien produits sur le marché.
è La proposition 1 montre qu'une
intensification de la concurrence ne peut augmenter le taux d'innovation de
produits et en même temps celui d'innovation de
procédés.
Intéressons nous maintenant aux politiques qui, comme
Porter (1990), clament que la concurrence améliore
l'efficacité de l'industrie. Pour simplifier l'analyse,
considérons le cas où toutes les firmes ont le même
processus de découverte noté, pour tout . De plus, on se
focalise sur les équilibres où toutes les firmes qui entrent sur
le marché choisissent le même coût marginal de production
.
L'équilibre de première période
sera similaire à l'équilibre connecté,
caractérisé par la définition 2, excepté
que la connexion est hors de propos avec des firmes
symétriques.
· Définition 3 :
Une configuration d'industrie est appelée un
équilibre symétrique si, est seulement si :
(i) ;
(ii) pour tout ;
(iii) ; et
(iv) pour tout , ;
Une des conditions pour qu'un tel
équilibre symétrique existe est que les
sociétés soient découragées si la pression
concurrentielle est mesurée par .
Cela ouvre la possibilité à des
équilibres multiples comme on peut le voir dans le cas suivant. Pour une
valeur donnée de , commençons à un équilibre initial et augmentons . Puisque les profits
des firmes augmentent avec le coût de leurs concurrents (hypothèse
1 (iv)), cette hausse de attire plus de firmes dans l'industrie, augmentant ainsi . Parce que les firmes
sont faibles, en accord avec , cette hausse de diminue leurs
incitations à réduire leurs coûts, aboutissant à un
nouvel équilibre avec un et plus
élevés. Étant donné qu'il existe de multiples
équilibres, il semble naturel de se demander si une hausse de la
pression concurrentielle peut améliorer le niveau de coût de chaque
société à l'équilibre le plus efficace. Aussi,
concentrons nous sur l'équilibre le plus efficient qui
est définit comme suit :
· Définition 4 :
Pour un donné, un
équilibre symétrique est dit
l'équilibre symétrique le plus efficient si et seulement si il
n'existe pas un équilibre symétrique avec .
Notons que si on se focalise sur les équilibres
symétriques, la définition 1 (ii) implique que les firmes ne
peuvent pas être confiantes ou impatientes, autrement dit, les firmes
considérées investissent dans des innovations de
procédés.
o PROPOSITION 2 :
Laissons et représenter
les deux équilibres symétriques les plus efficients avec . Supposons que pour
chaque et
, les deux
conditions suivantes, évaluées pour et sont
vérifiées :
(i) Chaque firme est combative en
accord avec la pression concurrentielle mesurée par ;
(ii) Chaque firme est
découragée en accord avec la pression concurrentielle
mesurée par. Ce qui est le cas lorsque .
Une hausse de l'intensité concurrentielle, de
à , améliore
(faiblement) l'efficacité productive de chaque firme (qui a
survécu), si les firmes sont combatives, respectivement
découragées, lorsque la pression concurrentielle est
mesurée par , respectivement par .
è La proposition 2 considère le cas
où une hausse de la concurrence améliore l'efficacité
agrégée mais réduit le nombre de biens présents sur
le marché.
L'intuition de ces conditions est la suivante. D'une part, la
hausse de devrait augmenter l'incitation des firmes à
réduire leurs coûts marginaux, sachant que les firmes devraient
être combative si la concurrence est mesurée par. D'autre part,
la proposition 1 implique que dans ce cas, où toutes les firmes
deviennent plus productives, il est moins probable que la firme entre dans le
marché. La condition stipulant que les firmes sont
découragées si la pression concurrentielle est mesurée
par, garantit que cette chute de ne peut pas
renverser l'incitation grandissante (due à ) des firmes
à réduire leurs coûts.
è En résumé, il est possible
qu'une hausse de l'intensité de la concurrence provoque une
amélioration de l'efficacité productive des firmes restantes sur
le marché. Cependant, il n'y a aucune raison de penser que ce sera
toujours le cas.
Les théories de la concurrence
L'analyse présentée ci-dessus fait
référence à deux éléments de
littérature théorique sur la concurrence. Premièrement,
Boone discute des théories sur la concurrence et l'innovation, puis il
parle brièvement de la littérature sur la concurrence et
l'incitation à innover des managers lorsque l'impact de la
concurrence sur la fonction de profit joue un rôle important.
Les travaux théoriques d'Arrow (1962) sur l'effet de la
concurrence sur l'incitation à innover sont fondamentaux. Arrow compare
la situation où une firme en monopole peut réduire son coût
marginal de production à , , avec le cas où
un laboratoire de R&D peut vendre des licences de sa technologie à des firmes
produisant un bien homogène qui se font concurrence à la
Bertrand, où au moins deux firmes ont accès à la meilleure
technologie actuelle . Arrow démontre que l'incitation à innover est
plus forte dans le cas où les entreprises seraient en concurrence
à la Bertrand.
Si l'innovation est drastique cela est dû
à l'effet de remplacement, qui stipule qu'un profit
initial plus élevé réduit la valeur que l'on attribue
à l'innovation. Cet effet est absent de l'analyse de Boone, car ce
dernier suppose que toutes les firmes entrent simultanément, par
conséquent, il n' y a pas de firmes actives avec un profit initial
positif.
Si l'innovation est non drastique, cela est dû
à ce que notre auteur appelle l'effet d'adaptation.
La littérature sur l'effet de la concurrence sur
l'incitation à innover des entrepreneurs débute par l'observation
suivante : l'incitation des managers n'est pas directement
liée aux profits puisqu'ils ne possèdent pas (forcément)
la firme qu'ils dirigent. Nous ne rentrerons pas dans les détails
étant donné que le modèle d'Aghion, Dewatripont et Rey,
que nous allons présenter dans une deuxième partie, reprend
explicitement ce cadre d'analyse. Nous dirons simplement qu'ils montrent que la
concurrence sur le marché des produits crée une discipline sur
les dirigeants, elle est donc favorable à l'innovation.
Conclusion
Cet article a analysé l'impact de la pression
concurrentielle sur l'incitation des firmes à innover pour une certaine
mesure de la pression concurrentielle. Nous avons distingué deux types
d'innovations : les innovations de procédés et les
innovations de produits.
L'effet d'une intensification de la concurrence sur
l'incitation à innover des firmes, dans de telles innovations,
dépend du comportement de ces dernières, c'est-à-dire si
elles sont confiantes, impatientes, plutôt combatives ou bien
découragées. Le comportement d'une firme est
déterminé par son niveau d'efficacité relatif à
celui de ses concurrents. Boone démontre l'existence de l'effet
de sélection et d'adaptation de la concurrence sur l'innovation
et celui de l'argument Schumpétérien pour les firmes en
monopole.
Autrement dit, une hausse de la pression
concurrentielle augmente l'investissement de chaque firme active dans une
innovation de procédés, afin d'améliorer leurs
productivités et rester compétitives. Cependant, si la
concurrence induit plus d'innovations de procédés dans
l'industrie, elle réduit le nombre d'innovations de produits
présentes dans l'ensemble de l'industrie.
Finalement, en partant de l'idée que les
managers ne sont pas motivés par la maximisation du profit, il
semblerait possible d'argumenter qu'un surcroît de concurrence puisse
stimuler l'incitation à innover dans une innovation de produits et de
procédés.
Synthèse 1:
La vision de Schumpeter est simple :
la concurrence ne favorise pas l'innovation car
l'entrée de concurrent réduit la rente de monopole
qu'espère acquérir un innovateur afin de recouvrir ses
coûts et de dégager un bénéfice.
Arrow ne partage pas sa vision, pour lui l'incitation à
innover provient du différentiel de profit. Ce dernier est positif pour
une firme en concurrence puisqu'elle peut espérer obtenir la rente de
monopole, en remportant la course au brevet. Il nomme cela, l'effet de
remplacement. Cet effet stipule que la concurrence favorise
l'innovation.
Gilbert et Newberry, ainsi que J. Reinganum ont montré
qu'une hausse de l'intensité concurrentielle avait pour effet
d'augmenter le taux d'innovation dans un marché où une firme en
place fait face à des entrants potentiels. De ces deux articles,
il ressort que l'hypothèse de certitude/incertitude, dans le processus
d'innovation, n'est pas inoffensive. Dans le modèle
développé par Gilbert et Newberry, où l'innovation
est certaine, le fait que la concurrence puisse s'intensifier sur le
marché de la firme en place, incite cette dernière à se
lancer dans une activité de R&D anticipé, pour pouvoir
déposer le brevet du bien, afin de dissuader l'entrée, sans pour
autant le produire. Cette vision du monopole incité à
innover est contraire à la vision Schumpetérienne, bien
que le monopoleur soit prêt à innover pour dissuader
l'entrée car il sait que l'entrée aura pour conséquence de
réduire le profit. Cependant, lorsque le processus de
découverte est stochastique, et que l'innovation est drastique,
J F. Reinganum prouve qu'un challenger est plus enclin
à innover qu'une firme en place. Étant donné que
le challenger n'a pas de revenu supplémentaire, il investira
plus que le monopoleur afin d'avoir une plus grande chance d'obtenir la
récompense. Elle rejoint donc le point de vue d'Arrow.
Boone se place dans un cadre d'analyse différent. Il
considère des firmes asymétriques, elles diffèrent par
leurs niveaux d'efficacité productive (leurs comportements). Il
démontre qu'une augmentation de la concurrence ne peut inciter les
entreprises à innover dans des innovations de produits ou de
procédés. Il identifie deux effets, l'effet de
sélection stipule qu'une hausse de l'intensité
concurrentielle évincera les firmes les moins efficaces du
marché, et l'effet d'adaptation nous dit que les
firmes s'adaptent à la concurrence en investissant dans des innovations
de procédés. Autrement dit, Boone démontre que la
concurrence a pour effet d'augmenter le niveau d'efficacité productive
de l'industrie.
Nous remarquons déjà que selon les
hypothèses retenues, l'effet de la concurrence sur l'incitation à
innover est différent. Nous allons poursuivre notre étude dans un
cadre d'équilibre général afin d'analyser l'impact de la
concurrence sur la croissance. Peut-être que dans un cadre
général, nous pourrons aboutir à une relation unique.
DEUXIEME PARTIE
La relation entre «concurrence sur le
marché des produits», l'innovation et la «croissance», en
équilibre général
Après avoir étudié l'effet de la
concurrence sur l'incitation à innover dans un cadre d'équilibre
partiel, on réitère cette étude mais cette fois en
équilibre général. Nous allons essayer de comprendre les
effets de la concurrence sur le taux de croissance, dans différents
cadres théoriques.
En effet, nous commencerons par analyser la relation entre
concurrence et croissance dans un modèle où l'innovation se fait
« step-by-step » donnant à cette dernière une
forme en U-inversé.
Nous passerons, ensuite, à un autre type de
modèle, avec celui développé par Acemoglu, Aghion et
Zilbotti, qui met en évidence l'importance de l'innovation sur la
croissance et le rôle crucial des politiques économiques quant
à leur impact sur la concurrence.
Ceci étant, nous étudierons un modèle
« Néo-Schmpétérien » afin de
réconcilier le point de vue Schumpétérien et
l'évidence empirique. Denicolò et Zanchettin démontrent
que dans un modèle Néo-Schumpétérien, l'incitation
à innover augmente avec l'intensité concurrentielle impliquant
ainsi une élévation du taux de croissance de
l'économie.
Pour conclure, on cherchera à savoir si la concurrence
affecte l'efficacité productive, notamment dans des modèles
d'agences. Une étude récente, d'Aghion, Dewatripont et Rey, a
montré que la concurrence sur le marché des produits
créait une discipline sur les dirigeants et était favorable
à l'innovation.
Première classe de modèle:
Nous débuterons notre analyse de la relation entre
concurrence et croissance en équilibre général, en se
plaçant dans un cadre théorique où l'innovation se fait
«step-by-step», autrement dit, un follower peut rattraper le
leader technologique en imitant sa technologie avant d'innover. Nous
présenterons le modèle développé par Aghion et
al. qui démontrent que cette relation prend la forme d'un
U-inversé.
En effet, ils développent un modèle où la
concurrence décourage les firmes, en retard, à innover. En
revanche elle incite les firmes identiques à se lancer dans une
activité de R&D. La combinaison de ces deux effets
génère ainsi la relation en U-inversé. À cela
s'ajoute deux prédictions : la distance technologique moyenne qui
sépare les leaders des followers augmente avec le degré
de concurrence et la pente de la relation en U-inversé est plus raide
lorsque les industries sont identiques.
Pour ce faire, nous développerons l'article de :
Aghion, P et al, (2005), «Competition and
Innovation: An inverted U Relationship».
I. Introduction
Les économistes s'intéressent depuis longtemps
à la relation entre la concurrence et l'innovation. Il faut dire que
l'innovation est devenue le moteur de la croissance dans les années 90,
aussi il ne faudrait pas que les politiques de la concurrence misent en place
inhibent l'incitation à innover et par conséquent, soit un frein
à la croissance.
Il est donc crucial de déterminer la nature de cette
relation, mais ce n'est pas évident. En effet, de nombreuses
théories économiques semblent se contredire à ce sujet.
Les théories de l'économie industrielle prédisent
une corrélation négative, alors que les travaux empiriques
démontrent l'existence d'une corrélation
positive1.
Ce papier démontre l'existence
d'une relation non linéaire en forme de U-inversé. En
1967, Scherer a ainsi fait allusion à l'existence possible d'une
relation en U-inversé entre la concurrence et l'innovation. Il a
montré une corrélation positive entre l'activité de
R&D et la taille des firmes. A notre connaissance, aucun modèle de
concurrence existant prédit une forme en U-inversé.
Dans ce modèle les leaders technologiques actuels ainsi
que leurs followers peuvent débuter un programme de R&D.
Les firmes innovent «step-by-step». L'incitation à
innover ne dépend pas tant des profits post-innovation, comme c'est le
cas dans des modèles de croissances endogènes, mais du
différentiel de profit post-innovation et
pré-innovation. Ainsi, plus de concurrence peut favoriser
l'innovation et la croissance, parce que cela peut réduire le profit
pré-innovation d'une firme plus que cela réduit son profit
post-innovation. Le différentiel de profit s'accroît et
l'incitation à innover en fait autant. Ils nomment cela l'effet
« échapper à la
concurrence ». Cela devrait être
particulièrement le cas dans des secteurs où les
sociétés en exercice sont "au coude à coude". Dans
ces secteurs où les firmes sont identiques, le profit
pré-innovation devrait être particulièrement réduit
par la concurrence de marché.
D'autre part, dans des secteurs où les innovations sont
faites par des sociétés à la traîne avec des profits
initiaux déjà bas, la concurrence affectera principalement les
profits post-innovation et donc l'effet
« Schumpeter » devrait dominer.
Les firmes voient leurs profits futurs se réduire et elles ne
sont plus incitées à innover.
La logique de la forme en U-inversé est la
suivante : l'effet « échapper à la
concurrence » domine pour un niveau faible de concurrence, ce
qui signifie que toutes les firmes vont participer à la course au brevet
pour devenir leader. Aussi l'incitation à innover augmente. Ceci est
dû au fait que l'intensification de la concurrence se traduit par une
diminution de la différence du degré technologique des firmes.
Autrement dit, avec l'élévation du degré de concurrence,
les firmes deviennent identiques. Or, c'est dans ce type de secteur que l'effet
« échapper à la concurrence » est le
plus fort. Cela se traduit par une décroissance de la part de firmes
identiques dans l'économie, ce qui renforce l'effet
« Schumpeter ». Lorsque la concurrence est trop
intense, le traînard n'a aucune chance de rattraper le leader
technologique et l'incitation à innover diminue. La nature de cette
relation est confirmée par leurs études empiriques sur les
données anglaises.
L'analyse se structure comme suit. Dans la section II, nous
présenterons le modèle qui démontre l'existence de la
relation en U-inversé entre la concurrence et l'innovation et nous
expliquerons la logique de cette dernière. Puis, nous conclurons cette
étude dans la section III.
____________________
Aghion et Griffith dans « competition and
growth » réconcilient la théorie et les observations
empiriques en considérant le profit pré-innovation comme
déterminant de l'incitation à se lancer dans une activité
de R&D.
Logique de la relation en U-inversé
i. Les principales théories existantes sur
la concurrence et l'innovation
Dans cette section, nous résumons brièvement
quelles sont les théories qui étudient le rapport entre la
concurrence et l'innovation, ou encore entre la concurrence et la croissance.
Il en ressort qu'aucune de ces théories ne peut expliquer la forme de la
relation en U-inversé décrit précédemment.
La progression en économie industrielle des
modèles de concurrence monopolistique ainsi que de
différentiation des produits développés par Salop (1977)
et Dixit et Stiglitz (1977) prédit qu'une intensification de la
concurrence1 réduit le profit post-entré,
réduisant ainsi le nombre de participants à
l'équilibre. Ainsi, ces modèles représentent
seulement la partie décroissante de la courbe en U-inversée :
une concurrence de marché accrue décourage l'innovation
en réduisant les profits post-entrée.
Cette prédiction est partagée par la plupart des
modèles de croissance endogène (par exemple, Romer (1990), Aghion
et Howitt (1992) et Grossman et Helpman (1991)), dans lequel une
augmentation de la concurrence, ou du taux d'imitation a un effet
négatif sur la croissance de la productivité, en réduisant
la rente de monopole qui récompense l'innovation. Dans ce type
de modèle, une politique de concurrence a des effets
néfastes sur la croissance ; tandis que la mise en place
d'une protection de la propriété intellectuelle, comme un brevet,
protège la rente de monopole donc la croissance.
Dans tous les papiers mentionnés ci-dessus, le
programme des sociétés est une simple maximisation du profit
individuel. Par ailleurs, Hart (1983) tient compte
dans son modèle des considérations des agents en
supposant que les managers ne sont pas motivés par le profit en
soi, mais retirent des bénéfices privés en maintenant
l'entreprise à flot ; gardant ainsi leur travail. Aussi,
une concurrence accrue peut inciter des managers, généralement
réticents à faire plus d'effort dans la réduction des
coûts pour éviter la faillite.
ii. Cadre théorique
Il y a une masse de consommateurs identiques, chacun
fournissant une unité de travail, avec un taux constant d'actualisation,
intertemporel, et une fonction d'utilité instantané
logarithmique
Le bien est produit à chaque date en utilisant les
services d'un continuum de secteurs intermédiaires, selon la fonction de
production :
Ø Dans laquelle xjt
est un agrégat de deux biens intermédiaires
produit par un duopole dans le secteur , par la fonction
suivante :
____________________
1 l'intensification de la concurrence est
modélisée par une réduction des coûts de transports
dans le modèle de Salop (1977), et par l'augmentation de la
substitualité des biens différenciés dans celui de Dixit
et Stiglitz (1977).
La structure logarithmique de (1) implique qu'à
l'équilibre, les individus dépensent le même montant pour
chaque panier de bien xj. Ils normalisent cette
somme commune en utilisant comme numéraire les prix
pAj et
pBj à chaque date.
Ainsi, un ménage représentatif choisit
chaque xAj et xBj de façon
à maximiser xAj + xB j sous la contrainte
de budget : pAj xAj + pBj xBj
= 1.
Chaque firme a une fonction de production utilisant le
travail comme seul input et considère le taux de
salaire comme donné. Ainsi, les coûts unitaires de production
cA et
cB des deux sociétés dans
une industrie sont indépendants des quantités produites.
Maintenant, posons k le niveau
technologique de la firme i en duopole dans une
industrie j, c'est-à-dire qu'une unité
de travail actuellement employé par la société i produit
un flux de production égal à :
Ø Où > 1 est un
paramètre qui mesure la taille de l'innovation.
De la même manière, on déduit qu'il faut
-ki unités de travail pour qu'une
firme i produise une unité d'output
.
L'état de l'industrie est donc
caractérisé par deux variables (l,m),
où l est la technologie du leader et
m représente la distance technologique qui
sépare le leader du follower.
Ils définissent m
(respectivement -m) comme le profit
d'équilibre d'une firme ayant m étape
d'avance (respectivement, de retard) sur sa rivale.
Pour simplifier, ils supposent que le
spillover* de la connaissance entre le leader et le
follower dans n'importe quelle industrie intermédiaire est tel
que le gap maximal soutenable est .
C'est-à-dire que si une société a
déjà une étape d'innovation d'avance, la firme à la
traîne apprendra automatiquement à copier la technologie
précédente du leader et aura seulement une étape de
retard. À n'importe quel moment, il y aura deux types de
secteurs intermédiaires dans l'économie :
Ø Des secteurs
dit : « leveled » ou
« neck-and-neck », où car
les firmes sont identiques, elles ont donc le
même niveau de technologie.
Ø D'autres appelés :
« unleveled », dans lesquels les firmes ne sont pas
identiques. Dans de tels secteurs, on observe un leader en avance sur
son rival, aussi, (le aussi est nouveau).
En dépensant un coût de R&D (n)
= n2/2 en unité de travail, une firme leader
obtient une avance technologique d'une étape, avec un taux de hasard
(distribution de Poisson) n. Ils nomment
n le « taux d'innovation », ou
encore « l'intensité de la R&D », d'une firme.
Aghion et al. supposent qu'une firme follower peut gagner une
étape d'avance avec un taux de hasard h en
copiant la technologie du leader, à condition que l'entreprise ne
dépense rien dans une activité de R&D. Autrement dit,
n2/2 est le coût de R&D d'une firme
follower prenant de l'avance avec un taux de hasard n +
h.
____________________
* terme définit précisément en
annexe.
Ils posent n0 comme
l'intensité de R&D de chaque firme dans une industrie
« neck - and - neck ». Ainsi, n-1
représente l'intensité de la R&D d'une
entreprise follower dans une industrie dite : «
unleveled ». Si n1
correspond à l'intensité de la R&D d'une
firme leader dans une industrie « unleveled », notons
que n1 = 0, puisque ils ont fait
l'hypothèse que le follower rattrape le leader, étant
donné que ce dernier ne gagne pas de nouveaux avantages en innovant.
Ils modélisent le degré de concurrence
par le degré inverse de collusion entre deux firmes identiques dans une
industrie. Elles ne peuvent pas s'entendre lorsque l'industrie est
« unleveled », l'asymétrie rend difficile
la coordination. Ainsi, le traînard dans une industrie
« unleveled » ne fait aucun profit. Seul le leader
a un revenu qu'ils ont normalisé à 1 et son coût vaut
-1 fois son revenu.
Aussi : -1
= 0 et 1 = 1-
-1.
Chaque firme dans une industrie de type
« leveled » fait un profit nul si elles sont
incapables de s'entendre, puisque qu'elles sont identiques, elles vendent le
même bien et son en concurrence à la Bertrand. Elles peuvent
gagner, chacune, 1 / 2
au maximum si elles mettent en place une entente. Ils posent
que :
,
Et ils paramètrent la concurrence par = 1
- , c'est-à-dire un moins la fraction du profit
d'un leader qu'une firme identique peut atteindre à travers la
collusion. Notez que est aussi le bénéfice
progressif d'un innovateur dans une industrie
« neck-and-neck », normalisé par le revenu du
leader.
Nous analyserons, par la suite, comment une intensité
de recherche d'équilibre n0
et n-1 et, par
conséquent le taux d'innovation global, varient avec notre mesure de la
concurrence.
iii. L'effet « Schumpeter » et
l'effet « échapper à la
concurrence »
Les taux d'innovation d'équilibre n0
et n-1 sont des
conditions nécessaires pour avoir un équilibre
Markovien*, symétrique et stationnaire, dans lequel chaque
société cherche à maximiser son profit
espéré, avec un taux d'intérêt r =
0.
o PROPOSITION 1 :
L'intensité de recherche d'équilibre de
chaque firme identique, dans une industrie « leveled »,
est :
Ø n0
augmente lorsque la concurrence s'intensifie (croît).
Tandis que le taux d'innovation d'équilibre d'une
firme à la traîne est :
,
Ø n-1
décroît lorsque le degré de concurrence
augmente (croît).
____________________
* terme définit précisément en
annexe.
L'effet sur n0 fait
référence à l'effet " échapper à
la concurrence " à savoir que plus de concurrence incite
les entreprises identiques (neck-and-neck) à innover pour
échapper à la concurrence, puisque le bénéfice que
l'on retire à être en avance augmente avec
l'élévation du degré de la concurrence.
Le dernier effet (sur n-1) est
l'effet « Schumpeter » qui résulte
de la réduction de la rente qui peut être attribué à
un follower qui aura réussi à se mettre au niveau de son
rival en innovant.
è En moyenne, une augmentation de la
concurrence aura ainsi un effet ambigu sur la croissance. Cela incite plus
rapidement la croissance de la productivité dans des secteurs
actuellement au « coude à coude » et, conduit
à une croissance plus lente dans des secteurs
« unleveled ».
L'effet complet sur la croissance dépendra de
la fraction de secteur « leveled » contre ceux
« unleveled ». Mais cette fraction est
endogène, puisqu'elle dépend des intensités
d'équilibre de R&D dans les deux types de secteurs.
Ils poursuivent en nous montrant sous quelle condition cet
effet global est un U-inversé et, en même temps tirent des
prédictions supplémentaires à tester empiriquement.
Posons 1 (respectivement,
0) représentant la
probabilité qu'un état bascule dans une industrie de type
« unleveled » (respectivement,
« leveled »). Durant un intervalle de temps, la
probabilité qu'un état passe de type
« unleveled » devienne
« leveled » est 1
(n-1 + h), et la
probabilité qu'il bascule dans la direction opposée est
20n0 . À l'état
stationnaire, ces deux probabilités doivent être égales,
aussi :
Sachant, de plus, que 1
+ 0 = 1, cela implique
que le flux global d'innovation vaut :
Passons maintenant à l'analyse de la variation des
flux d'innovation induit par la concurrence, afin d'établir la
possibilité d'une relation en U-inversé.
La proposition 1 stipule que est une fonction
croissante de , nous pouvons utiliser n0
comme une mesure de la concurrence. Notez que
n0 prend ses valeurs dans un
intervalle
correspond au maximum de collusion
(0=1 /2), et correspond au maximum
de concurrence (0=0).
o PROPOSITION 2 :
Chaque fois que la valeur est
comprise dans l'intervalle le taux global d'innovation v (n0) suit un
modèle de U-inversé : il croît avec la concurrence
n0 pour tout
et décroît pour tout .
Si , alors le taux d'innovation augmente avec
n0 pour tout , donc l'effet
« échapper à la concurrence » domine
toujours.
Si, par contre, on observe une
diminution de l'intensité de l'activité de R&D avec
n0 pour tout, et c'est
l'effet « Schumpeter» qui domine.
On peut expliquer la forme en U-inversé de la
façon suivante. Quand la concurrence n'est pas trop intense, il est
difficile d'inciter des firmes identiques à innover. Aussi le taux
d'innovation global sera plus élevé dans un secteur de type
« unleveled », parce que la concurrence n'est pas
rude donc le follower a beaucoup plus de chance de rattraper le
leader. Celui-ci est donc plus motivé à poursuivre une
activité de R&D. Ainsi, l'industrie quittera rapidement
l'état « unleveled » (ce qu'elle fait
aussitôt que le traînard innove), mais quittera lentement
l'état « leveled » (ce qui n'arrivera pas
jusqu'à ce que une des firmes identiques décide d'innover).
Par conséquent, l'industrie passera la plupart de son temps dans
un état « leveled », où l'effet
« échapper à la concurrence »
domine.
è Autrement dit, si le degré de
concurrence est initialement très bas, une augmentation de la
concurrence devrait aboutir plus rapidement au taux d'innovation
moyen.
D'autre part, lorsque l'intensité de la concurrence est
initialement élevée, il y a relativement peu d'incitation pour un
traînard dans un état « unleveled »
d'innover. L'industrie tardera à laisser l'état
« unleveled ». En effet, le follower
n'est pas incité à innover car sa probabilité de
dépasser le leader est faible. En conséquence, le leader n'est
pas inquiété de voir son avance se réduire et il n'est
donc pas forcer d'investir dans la R&D. Cependant, le différentiel
de profit 1 -
0 donne aux sociétés de l'état
« leveled » une grande incitation à innover
pour que l'industrie soit relativement rapide pour quitter l'état
« leveled ». Résultat :
l'industrie passera la plupart du temps dans l'état
« unleveled » où l'effet
« Schumpeter » est au travail sur le
traînard, tandis que le leader n'innove jamais.
è Autrement dit, si le degré de
concurrence est initialement élevé, une intensification du
degré de concurrence devrait aboutir plus lentement au taux d'innovation
moyen.
v Remarque :
Dans leur article, Aghion et al. testent
empiriquement la relation entre la concurrence et l'innovation dans l'industrie
britannique. Ils ont un panel de 311 sociétés pendant la
période 1973-1994. Le nombre moyen de brevets déposés par
les entreprises, pondéré par le nombre de citation par d'autres
innovateurs, constitue la mesure de l'intensité de l'innovation. Leur
principal indicateur de concurrence est l'indice de Lerner ou la marge
faite sur les prix. Ils vérifient empiriquement leurs résultats
théoriques.
La figure 1 montre que les données sont
dispersées entre le 10ième et le
90ième décile de la distribution des brevets
pondérés par leurs citations et forment une courbe
exponentielle. On voit clairement une forme en
U-inversé. Les coefficients évalués pour le
modèle démontrent une forme en U-inversé significative.
iv. Prédictions
supplémentaires
En plus de fournir un raisonnement sur la relation en
U-inversé, le modèle livre deux prédictions
supplémentaires qui sont récapitulées dans les deux
propositions suivantes.
o PROPOSITION 3 :
Le gap technologique, que l'on peut définir comme
la distance qui sépare les concurrents de leurs frontières
technologique, espéré dans une industrie augmente avec la
concurrence de marché.
L'intuition est simple : nous savons qu'une concurrence
plus intense a pour effet d'élever le niveau de l'activité de
R&D dans des secteurs « leveled » et au
contraire de l'abaisser dans des secteurs
« unleveled ». Or, il s'avère qu'une
industrie passera une fraction plus grande de son temps étant
« unleveled » pour qu'en moyenne le gap
technologique entre les firmes de ce secteur soit plus élevé.
D'après la loi des grands nombres, cela est vrai pour l'ensemble de
l'économie.
La proposition suivante est également intuitive :
elle suppose l'existence d'une corrélation positive entre
l'effet « échapper à la concurrence » et la
distance moyenne de l'industrie à sa frontière. En
effet, dans les industries où les sociétés sont plus
proches de leurs frontières technologiques, l'effet
« échapper à la concurrence » a tendance
à être plus fort, c'est-à-dire que la partie croissante de
la relation en U-inversé sera plus raide.
Plus précisément, supposons qu'il y ait des
industries avec un paramètre de spillover élevé
h et d'autres avec un h
faible. Celles avec un h élevé tendront
à être plus identiques en moyenne au cour du temps. Maintenant, on
peut comparer l'ampleur de l'effet « échapper à la
concurrence », à travers l'industrie selon les
différentes valeurs de h.
Aghion et son équipe établissent ainsi
que :
o PROPOSITION 4 :
Le sommet du U-inversé, est plus grand et, est
atteint pour un degré de concurrence plus élevé dans les
industries « neck- and- neck ».
v. Testons ces nouvelles
prédictions
Pour évaluer empiriquement ces nouvelles
prédictions, nous avons tout d'abord besoin de définir le gap
technologique entre les firmes dans une industrie. Nous le calculons en prenant
la distance proportionnelle d'une firme à sa frontière
technologique, mesuré par la productivité totale des facteurs
(TFP).
Plus formellement :
Ø Où F correspond
à la frontière de la firme, avec la plus grande
productivité des facteurs, et i
représente les autres firmes. Aussi mit
>0, et mFt =0.
Nous posons mjt, comme la
mesure du niveau de croissance de l'activité de recherche dans une
industrie. Cette mesure correspond à la moyenne des différents
niveaux des firmes composant l'industrie concernée. Une valeur
faible de mjt indique que les firmes de l'industrie
j sont proches de leurs frontières technologiques et que se
sont plutôt des firmes identiques. À l'inverse, une valeur
élevée de mjt suppose que ces firmes sont
plus éloignées de leurs frontières, il s'agit alors
plutôt de firmes traînardes dans un secteur
« unleveled ».
§ La première prédiction que nous puissions
établir est qu'à l'équilibre, le taux de croissance moyen
de l'activité de R&D entre un leader et un follower devrait
être une fonction croissante du niveau global de la concurrence dans
l'industrie.
Ce résultat est peut-être surprenant parce
qu'intuitivement, dans un cadre statique, on pense qu'une
élévation du degré de la concurrence aurait tendance
à réduire la différence des TFP
en augmentant le taux de sortie des firmes avec une
TFP basse. Mais empiriquement, nous constatons que
cet effet statique de la concurrence semble être dominé en faveur
de l'effet dynamique pour augmenter le taux d'innovation. Comme les
sociétés innovent pour essayer d'échapper à la
concurrence, ils augmentent la différence des TFP dans
l'industrie.
§ La deuxième prédiction théorique
est que la relation en U-inversé, entre la concurrence sur le
marché des produits et la croissance, devrait être plus raide dans
des industries « leveled ». Premièrement,
il apparaît qu'une industrie « neck-and-neck » a un
taux d'innovation plus élevé que les autres industries et cela
est vrai pour n'importe quel degré de concurrence.
II. Conclusion
Cet article étudie la relation entre la concurrence sur
le marché des produits et l'innovation, donc la croissance. Pour
comprendre ce qui conduit à cette forme en U-inversée, ils
étendent la littérature théorique actuelle sur
l'innovation « step-by-step » pour produire un
modèle qui livre une prédiction en U-inversé.
Dans ce modèle, la concurrence peut augmenter
le bénéfice progressif de l'innovation, ce qu'ils nomment par
l'effet « échapper à la concurrence", mais la
concurrence peut aussi réduire l'incitation à innover des
traînards, ce qu'ils ont appelé l'effet
« Schumpeter ». Le solde entre ces deux effets est
différent selon que le degré de concurrence soit
élevé ou non, générant ainsi la forme de
U-inversé.
L'extension de cette théorie conduit à deux
nouvelles prédictions. La première stipule que le niveau de
technologie d'équilibre entre des firmes identiques est une fonction
décroissante de la concurrence. La seconde démontre que la
relation en U-inversé est plus raide lorsque les firmes sont
identiques.
Cette approche empirique et théorique fournit des
résultats utiles sur l'impact de la concurrence et de la
proximité dans l'espace technologique de l'innovation, mais aussi un
modèle pour mieux comprendre et expérimenter des politiques.
L'analyse théorique et empirique d'Aghion et son
équipe, dans un cadre d'innovation « step-by-step »
ont démontré que la concurrence favorise l'innovation,
indirectement la croissance, jusqu'à un certain seuil, avant de
l'inhiber. Dans leur article, ils abordent la question de l'effet de la
concurrence sur la proximité des firmes à leurs frontières
technologiques. Acemoglu, Aghion et Zilibotti se placent dans ce cadre
d'analyse.
Deuxième classe de modèle :
L'article précédent d'Aghion aborde la question
de l'impact de la concurrence sur une firme par rapport à sa distance
à la frontière technologique. Nous avons peu
développé cette partie étant donné que nous allons
l'aborder avec l'article d'Acemoglu. Son étude nous montre que
l'innovation, aussi bien passée (technologie existante à la
frontière) que future, est le moteur de la croissance. Sans elle, aucune
convergence n'est possible. Il montre également la présence de
deux effets (appropriation et bouclier de la rente) dont les impacts sont
inverses sur la stratégie d'investissement, démontrant ainsi la
nécessité d'avoir des politiques économiques
adaptées pour continuer à converger. En effet, il établit
que trop de concurrence empêche les économies de modifier leurs
stratégies à temps ; de même qu'un marché
protectionniste conduit les nations dans une trappe de non convergence.
Pour plus de détails, étudions l'article
de :
Acemoglu, D., Aghion, P. et Zilibotti, F., (2004)
« Distance to Frontier, Selection, and Economic
Growth».
I. Introduction
Dans son essai célèbre, Economic
Backwardness in Historical Perspectieve, Gerschenkron argumente que les
économies relativement en retard (comme ce fut le cas pour la France,
l'Allemagne et la Russie pendant le dix-neuvième siècle)
pourraient rapidement rattraper des économies plus avancées en
entreprenant de nombreux investissements et en adoptant des innovations
présentes à la frontière technologique. Il donne de
l'importance à certains arrangements
« anti-concurrentiels ». Des relations de long terme entre
les firmes et les banques ainsi que l'intervention de l'État pourraient
faciliter une telle convergence.
Si cette évaluation est correcte, les institutions
politiques des nations relativement en arrière devraient encourager
l'investissement et le développement de nouvelles technologies,
même si cela implique un marché plus rigide et moins
concurrentiel.
Pour comprendre le principal mécanisme de leur
modèle, imaginons une économie composée de trois
agents : (i) les firmes sont à fortes compétences (high
skill) ou à faibles capacités (low skill) ; (ii) il y`a des
contraintes sur les crédits restreignant le montant
d'investissement ; et (iii) les firmes s'engagent dans une activité
de R&D et dans l'adoption de technologie existante provenant de la
frontière technologique mondiale. Si une firme est couronnée de
succès et se révèle être de type high
skill, elle pourra continuer à opérer sur le marché.
Par contre, si elle est de type low skill, elle peut être
évincée du marché et être remplacée. Aussi
bien qu'en moyenne, il n'y aura que des entreprises high skill.
À cause des imperfections du marché des crédits, les
bénéfices conservés permettent aux sociétés
existantes (insiders) d'entreprendre de meilleurs investissements. Par
conséquent, la décision d'évincer les firmes qui
ont échoué, crée un compromis entre investissement et
sélection.
Il est également plausible que les compétences
et la sélection des « bonnes » firmes soient plus
importante pour l'activité d'innovation plutôt que pour l'adoption
de technologies existantes : adoption et imitation sont des
activités relativement simple comparé à celle de
l'innovation. Cela mène à une implication clé de leur
modèle : la conservation de sociétés qui ont
échoué et de leurs entrepreneurs est plus coûteuse et
surgira moins probablement à l'équilibre, lorsque
l'activité d'innovation est importante. Un corollaire est que comme
l'économie approche de la frontière technologique mondiale et
qu'il reste moins de place pour l'adoption et l'imitation, conserver des firmes
inefficaces devient moins probable.
Une succession d'équilibres probables
serait pour une économie de commencer une stratégie
à base d'investissement, comptant sur des firmes existantes
afin de maximiser l'investissement. Intuitivement, cette stratégie
correspond à un équilibre où la
sélection est moins importante, les firmes actives sont
protégées, et les économies sont conservées par les
entreprises existantes pour tenter de réaliser une croissance rapide de
l'investissement et de l'adoption de technologie. Comme l'économie
s'approche de la frontière technologique mondiale, le manque de
sélection devient plus coûteux, il se produit donc un changement
de stratégie. On passe à une stratégie à
base d'innovation, où des firmes moins efficaces et leurs
entrepreneurs sont évincés.
En outre, comme suggéré par Gerschenkron,
l'intervention des gouvernements pour encourager la stratégie à
base d'investissement pourrait être utile, puisque cette stratégie
pourrait ne pas émerger même lorsque cela est favorable à
la croissance et au bien-être social.
Cela est dû à l'effet
standard d'appropriation dans des modèles avec
une concurrence monopolistique : un investissement plus grand
mène à une meilleure productivité et une production plus
forte, mais les monopoleurs s'approprient seulement une part de ces gains, car
ils supportent les dépenses d'investissement. Cela crée
une tendance contre les grands investissements et par conséquent contre
la stratégie à base d'investissement.
Les subventions pour l'investissement ou bien les politiques
anti-concurrentielles, qui permettent d'augmenter le montant des gains de
productivité que le monopoleur peut s'approprier, encouragent la
stratégie à base d'investissement et peut élever le taux
de croissance à l'équilibre.
Néanmoins, leur analyse révèle aussi que
la stratégie d'investissement peut être socialement coûteuse
à long terme. Résistant à l'effet d'appropriation, il y'a
l'effet bouclier de la rente. En effet, la rente obtenue par les firmes
efficaces, leur permet de résister à l'entrée de nouveaux
concurrents encore plus efficaces. Cet effet peut dépasser l'effet
d'appropriation ayant comme conséquence la poursuite de la
stratégie d'investissement. Cela peut retarder le changement de
stratégie, ce qui aura comme conséquence de réduire la
croissance, parce que l'économie ne fait pas les bonnes
opportunités d'innovations. Mais plus important encore, il
existe un niveau de développement (la distance à la
frontière) tel que, si une économie ne modifie pas sa
stratégie avant ce seuil, elle sera coincée dans une trappe de
non convergence, où la convergence vers la frontière
s'arrête.
Cette étude se poursuit de la façon suivante. La
section II présente quelques motivations évidentes. La section
III présente le modèle de base, tandis que la section IV
caractérise l'équilibre. Nous finirons par conclure à la
section V.
II. Évidence
La principale hypothèse de notre analyse est
que l'innovation et la sélection deviennent plus importantes quand
l'économie approche de la frontière technologique
mondiale. Nous allons d'abord enquêter sur la
plausibilité de cette hypothèse, en regardant la
corrélation entre la distance à la frontière et
l'intensité de R&D pour un niveau d'industrie, utilisant
des données de l'Organisation de Coopération et de
Développement Economique (OCDE) précédemment
analysées par, entre autres, Griffith, Redding et Van Reenen (2003).
Pour estimer la distance d'une industrie à la
frontière technologique, on utilise définit par la
productivité totale des facteurs de l'industrie dans le pays à la date divisé par la
la plus haute de
l'industrie
à la date
dans l'échantillon. Ils obtiennent les évaluations de la
proximité de la frontière technologique, aussi bien que des
données sur l'intensité de R&D, (R&D divisé
par les ventes), pour la période 1974-1990.
è Les résultats démontrent une
corrélation significativement positive entre la proximité
à la frontière et l'intensité de R&D. Les industries
proches de leurs frontières respectives ont une activité
d'innovation plus importante.
Cette analyse implique également que les
barrières de la concurrence devraient limiter les dépenses, voir
même les bénéfices, quand les pays sont loin de la
frontière technologique mondiale, mais devenir plus coûteuses
près de la frontière. Ces implications apparaissent compatibles
avec l'expérience de beaucoup de pays d'Amérique Latine, aussi
bien qu'avec ceux de la Corée ou du Japon.
Pour faire un premier pas dans cette direction, ils font une
autre étude empirique. Ils considèrent un ensemble de pays
n'appartenant pas à l'OCDE, incluant ceux qui l'on rejoint dans les
années 90 comme la Corée ou le Mexique, mais excluant les anciens
pays « socialistes ». L'échantillon est choisi de
manière à évaluer les pays follower qui sont
significativement derrière la frontière technologique. Ils
divisent l'échantillon en deux catégories de pays, ceux avec des
« low-barrier » et les autres qui ont des
« high-barrier », en définissant l'intensité
des barrières à l'entrée par le nombre de
procédures pour ouvrir une entreprise. Les estimations de cette
étude montrent qu'il existe une forte corrélation négative
entre la proximité de la frontière et la croissance des pays
ayant de fortes barrières à l'entrée. Cette relation est
beaucoup plus faible pour des pays avec de faibles barrières.
è Autrement dit, les pays high-barrier
convergent rapidement quand ils sont loin de la frontière, mais
ralentissent significativement près de la frontière. Tandis que
les pays low-barrier croissent aussi bien près que
loin de la frontière.
Ceci est compatible avec l'idée que les
barrières à l'entrée sont plus nuisibles à la
croissance lorsque le pays est proche de la frontière.
III. Le modèle
i. Agents et production
L'économie du modèle se compose d'un
chevauchement de générations d'agents neutres aux risques vivant
durant deux périodes et actualisant le futur au taux . La population est
constante. Chaque génération est composée d'une masse de
« capitalistes » avec des droits de propriété
sur des « sites de productions » mais sans aucune autre
compétence ou richesse, et d'une masse d'ouvriers qui sont
nés sans richesse, mais dotés de compétences. Les droits
de propriété sont transmis dans les dynasties. Tous les ouvriers
fournissent leurs travaux et sont productifs dans des tâches de
production, mais ils ont une productivité
hétérogène dans le management. En particulier, nos auteurs
supposent que chaque ouvrier a une probabilité d'avoir de grandes
compétences dans la gestion et donc une probabilité d'avoir une faible
habilité au management.
Il y'a un unique bien final dans l'économie,
également utilisé comme input pour produire les biens
intermédiaires. Nous prenons ce bien comme numéraire. Le bien
final est produit grâce à la compétitivité du
travail et à un continuum de biens
intermédiaires utilisés comme input. La fonction de production
agrégée est :
Ø Où est la
productivité dans le secteur à la date , est le flux de bien
intermédiaires utilisé dans la production de bien final à la date , est le nombre
d'ouvriers employés dans la production à la date , et .
Dans chaque secteur intermédiaire, un site de production
a accès à la technologie la plus productive, , donc cette firme
« meneuse » bénéficiera d'un pouvoir de
monopole. Chaque firme meneuse a accès à la technologie qui
transforme une unité de bien final en une unité de biens
intermédiaires de productivité . Certaines firmes
peuvent « voler » cette technologie, et produire le
même bien intermédiaire avec la même productivité
, sans utiliser de
site de production ou un entrepreneur. Cependant ces sociétés
font face à des coûts de production plus élevés et
ont besoin de
unités de bien final pour produire une unité de biens
intermédiaires, avec (naturellement, ces
sociétés ne seront pas actives à l'équilibre). Le
paramètre
capture tant les facteurs technologiques que les régulations
gouvernementales affectant l'entrée (paramètre de mesure
anti-concurrentielle). Un plus haut correspond
à un marché moins concurrentiel. Le fait que implique que ces
sociétés sont moins productives que le producteur en exercice,
tandis que
implique que le gap de la productivité est suffisamment petit pour
forcer le monopoleur à fixer un prix limite afin de prévenir
l'entrée de ces sociétés. Naturellement le prix limite
sera égal au coût marginal des entrants potentiels :
Le secteur du bien final est compétitif, aussi chaque
producteur de bien intermédiaire à la date fait face à la
demande inverse : .
Cette équation combinée avec l'équation
nous donne la
demande d'équilibre : , avec le profit de
monopole égal à :
Ø Où est monotone
croissante en
(dès lors que ).
Ainsi un plus élevé suppose un marché moins concurrentiel
et implique des profits plus grands pour les firmes meneuses.
L'équation nous donne les
quantités agrégées de bien final quand
Il s'agit du niveau moyen de technologie de l'économie
à la date .
Le niveau de salaire du marché est égal à la
productivité marginale du travail dans la production :
.
Finalement, la production nette du bien final,, correspondant à
la production de bien final moins le coût de production du bien
intermédiaire, vaut :
Ø Où est monotone
décroissante en.
Ainsi, pour un niveau de technologie donné, tant la
production totale que la production nette diminuent avec le pouvoir de
monopole, ceci est dû aux distorsions standards du monopole. Notons aussi
que la production nette et les profits ont des formes similaires, bien que la production nette ait le terme
, . Cela
reflète l'effet d'appropriation : le monopole capture seulement une
fraction plus grande de la productivité dans le secteur du bien final
(ou du surplus du consommateur) créé par leur
production.
ii. Progrès technique et croissance de la
productivité
Chaque firme meneuse (capitaliste) requiert un entrepreneur
pour qu'elle fonctionne. Cela suppose que le nombre d'ouvriers de production
est égal .
Ceci implique que
pour tout et .
La productivité des firmes est déterminée
par les compétences managériales et la taille du projet que
l'entrepreneur exploite. Pour simplifier la discussion, nous supposons qu'il
y'a deux tailles possibles de projets : « petites » et
« grandes ». Lancer un projet requiert un investissement
supplémentaire, lequel est naturellement plus élevé si le
projet est grand qu'il ne l'est si le projet est petit. Le
coût de cet investissement peut être financé par les gains
conservés par les entrepreneurs, ou bien par les capitalistes
qui possèdent les firmes.
Au début de la période, les
capitalistes peuvent emprunter à un ensemble
d'intermédiaires financiers compétitifs des fonds
collectés aux consommateurs. L'intermédiation se fait
sans coût et il y'a libre entrée dans cette
activité.
Les compétences managériales qui affectent la
croissance de la productivité sont initialement inconnues et sont
révélées aux agents après qu'ils eurent
travaillé comme entrepreneur pour la première fois. Un management
performant se définit en deux tâches :
· Ils s'engagent dans une activité d'innovation,
les compétences managériales sont importantes pour le
succès de cette activité.
· Ils adoptent également des technologies
provenant de la frontière. Dans ce cas, leurs compétences jouent
un rôle plus faible.
è Cette hypothèse capture la notion que
des économies relativement en retard peuvent croître en
adoptant des technologies déjà développées. La
sélection des entrepreneurs sera donc moins importante pour l'adoption
que pour l'innovation.
Autrement dit, le taux de croissance de la frontière
technologique, ,
est :
Retournons à la détermination de ce taux de
croissance. Tous les pays ont un taux de croissance de leur technologie, , définit par
, inférieur
à celui de la frontière. Nous avons donc, .
La productivité du bien intermédiaire à la date est définit
comme suit :
Ø Où représente la
taille du projet, avec correspondant à un projet de faible envergure, et représentant un
grand projet.
indique le niveau de compétence du manager.
L'équation capture les deux
dimensions de la croissance de la productivité : l'adoption et
l'innovation. En adoptant des technologies existantes, la firme
bénéficie de l'état de technologie mondiale de la
période précédente, , indépendamment
du niveau de compétence. Tandis que la croissance de la
productivité due à l'activité d'innovation dépend
des capacités du manager, mesuré par le terme .
è Cela introduit l'hypothèse que les
capacités managériales sont plus importantes pour l'innovation
qu'elles ne le sont pour l'imitation. L'innovation repose sur la
sélection des entrepreneurs.
Finalement, l'équation implique aussi qu'un
meilleur investissement (un grand projet) mène à une meilleure
croissance de la productivité. En combinant cette équation avec
l'équation ,
on obtient le taux de croissance agrégée de la
technologie :
L'équation indique l'importance de
la distance à la frontière capturée par
le terme.
Quand ce terme est large, cela signifie que la nation
considérée est loin de la frontière technologique mondiale
et que la meilleure source de croissance est l'adoption. À
l'inverse, lorsque ce terme est proche de 1 cela stipule que le pays est proche
de la frontière et dans ce cas l'activité d'innovation qui
dépend des compétences managériales est meilleure pour la
croissance.
Pour simplifier on suppose que pour des faibles
capacités au management, et on présume que pour un manager ayant
de fortes capacités. Pour garantir la décroissance de la vitesse
de convergence de la frontière technologique mondiale, on pose que , en rappelant que est la part des
entrepreneurs à fortes capacités.
Finalement, les coûts d'investissements pour un petit et
un grand projet sont respectivement :
,
Ø Où .
L'hypothèse que le coût d'investissement est
proportionnel à garantit une croissance
équilibrée. Intuitivement, un composant important de
l'activité managériale est d'entreprendre une activité
d'imitation et d'adaptation des technologies déjà existantes
à la frontière mondiale. Seulement cette frontière
croît, ce qui à pour conséquence une augmentation des
coûts des entrepreneurs. Ainsi, le coût d'investissement augmente
avec .
iii. Contrats, problème d'incitation et
contrainte de crédit
Les capitalistes peuvent emprunter de l'argent à des
intermédiaires financiers au taux d'intérêt exogène
, et offrent des
contrats de manager à un sous ensemble d'ouvriers, spécifiant le
montant emprunté aux intermédiaires et le salaire des
entrepreneurs, aussi bien que le niveau d'investissement.
Le coût d'investissement est financé à
travers les gains conservés par les entrepreneurs ou les capitalistes.
Pour simplifier la discussion, nos auteurs supposent qu'un jeune
capitaliste (une nouvelle firme) ne peut pas engager un entrepreneur
expérimenté, car il ne peut pas s'adapter aux nouvelles
technologies, aussi elle emploiera un jeune manager.
Les entrepreneurs engagés dans une activité
d'innovation sont difficiles à observer. Cela crée un
problème de hasard moral.
Nous supposons qu'un manager peut détourner une fraction du retour sur
investissement pour sa propre utilisation et qu'il ne sera pas poursuivit en
justice. Le paramètre mesure l'étendue
des problèmes d'incitation résultant des imperfections du
marché du crédit. Le hasard moral joue deux rôles
importants dans ce modèle :
· Il crée des contraintes de crédit
restreignant les investissements, notamment pour les jeunes entrepreneurs qui
n'ont pas encore fait d'économie.
· Il offre un bouclier aux entrepreneurs
expérimentés contre les dommages qu'ils peuvent subir face
à l'entrée de nouveaux managers.
Pour spécifier l'incitation compatible avec la
contrainte, définissons comme le profit ex-post
généré par la firme à la date comme une fonction de
la taille du projet, , et de l'âge des entrepreneurs, , et du niveau de
compétence .
Le profit est
déterminé par l'équation . Pour un entrepreneur
qui ne détourne pas de revenus, l'incitation sous contrainte suivante
doit être vérifiée :
Ø Où est le paiement d'un
entrepreneur d'âge et de compétence , menant un projet
d'envergure.
Cette incitation requiert que le manager soit prêt
à payer une certaine fraction de son profit ex-post. Définissons
comme les gains
conservés injectés par un entrepreneur pour financer une partie
du coût d'investissement, et représente les
économies totales. On notera qu'elles sont positives et que pour un
jeune entrepreneur, elles sont nulles.
On peut maintenant définir la valeur d'un capitaliste
avec un projet d'envergure, un entrepreneur d'âge et de compétence
:
Avec :
Ø comme le choix optimal de la taille du projet selon
la maximisation du profit, quand l'entrepreneur est d'âge et de compétence
, et que est l'opérateur
d'espérance à la date (cela s'applique dans
le cas de jeunes entrepreneurs dont les compétences sont inconnues).
Les capitalistes maximisent leurs retours
espérés sur investissement définit par l'équation
, sous la
contrainte d'incitation et d'un ensemble de contraintes de participation pour l'entrepreneur
que nous ignorerons. La valeur maximale pour un capitaliste est donc
de :
Ø Avec le paiement du manager satisfaisant la
contrainte d'incitation.
Si les contraintes de participations sont
relâchées, nous aurions un excès d'offres de jeunes
entrepreneurs et un excès de demande de managers
expérimentés qui révèle de fortes capacités
managériales. La concurrence entre les capitalistes
expérimentés implique que :
Ø Un capitaliste expérimenté offrira un
salaire plus élevé pour attirer les entrepreneurs
expérimentés qui ont de fortes compétences.
____________________
*terme définit en
annexe
IV. Équilibre
i. Définition de
l'équilibre
Pour définir l'équilibre, nous devons
définir, auparavant, la notion de proximité à la
frontière technologique. Pour cela, nous utilisons la mesure
suivante :
Autrement dit, cette équation mesure l'inverse de la
distance qui sépare la nation concernée de la frontière
technologique mondiale. Cette variable sera résumée comme
l'état de l'économie.
La décision clé, dans cette
économie, est le niveau d'investissement (la taille du
projet) selon les différents types de managers. Il est clair qu'un
manager à fortes compétences conservera des économies pour
investir, mais le choix crucial est de savoir si un entrepreneur peu
doué le fera ?
On représente la décision de soutenir
l'entrepreneur par , avec
correspondant à l'évincement du manager et correspondant à
son maintient.
Un équilibre statique (donnant l'état de
l'économie )
qui satisfait les différentes conditions (prix, salaire,
contrainte,...etc.) est tel que :
Ø quand ,
le capitaliste évince son manager, lorsque le retour
sur investissement qu'il espère obtenir avec un jeune entrepreneur, peu
importe ses compétences, est supérieur aux
bénéfices qu'il fait avec un entrepreneur
expérimenté mais de faibles compétences.
Ø quand , le capitaliste maintient son manager, lorsque le
retour sur investissement qu'il espère obtenir avec un jeune
entrepreneur, peu importe ses compétences, est inférieur aux
bénéfices qu'il fait avec un entrepreneur
expérimenté mais de faibles compétences
La question de l'équilibre dynamique sera
abordée dans les sections suivantes.
ii. Investissement d'équilibre et
décision de refinancement
Nous allons caractériser l'investissement
d'équilibre (taille du projet) et la décision de refinancement.
Même quand, les problèmes de hasard moral sont absents,
il serait profitable pour les firmes de payer le coût d'investissement et
d'opérer un projet de grande envergure. En effet, les imperfections du
marché des crédits et le hasard moral peuvent mener
à un sous investissement à l'équilibre,
c'est-à-dire que les firmes choisissent des projets de faible envergure
même si les projets plus grands sont socialement optimaux. Pour
comprendre pourquoi, notons que, puisque l'incitation est contrainte, les
profits devront être partagés ex post entre les
capitalistes et les entrepreneurs avec les parts et . Cependant, les
entrepreneurs sont contraints par le marché des crédits et cela
pousse les capitalistes à supporter la majeure partie des
coûts d'investissements, bien qu'ils ne s'approprient qu'une
fraction des
retours sur investissements. Par conséquent, le sous
investissement est possible à l'équilibre.
Le problème de sous investissement tend à
être plus sévère lorsque les firmes évincent de
jeunes entrepreneurs puisqu'ils n'ont pas de richesse, forçant les
capitalistes à supporter tous les coûts d'investissements. Les
managers expérimentés, au contraire, peuvent supporter une part
des coûts en injectant les gains économisés.
Malgré toutes les configurations possibles à
l'équilibre, nous focalisons notre attention et décidons de
mettre l'accent sur le fait que le financement d'un entrepreneur (qui a
prouvé qu'il avait de faibles compétences) sera profitable ;
étant donné que cela réduit les imperfections du
marché des crédits.
o LEMME 1 :
Laissons
Et supposons que . Puis, pour tout , nous
avons :
(1) Les jeunes entrepreneurs opéreront des projets
de faible envergure ().
(2) Si un entrepreneur expérimenté, ayant de
faibles compétences, est maintenu (), et mène un
projet de grande envergure () il y injectera toutes
ses économies, , pour financer le projet. Avec,
(3) Tous les managers à fortes compétences
sont toujours maintenus et opèrent de larges projets ().
L'hypothèse que est suffisamment faible
assure que le marché financier, plutôt que la différence de
productivité, est le principal déterminant de la décision
de la taille du projet de la firme. Ce lemme établit que , si un manager
à faibles compétences est maintenu, il devra mener un projet de
grande envergure.
Quand est-ce qu'une firme préférera maintenir un
entrepreneur expérimenté aux compétences faibles
plutôt que d'évincer un jeune entrepreneur ?
Considérons la valeur d'une firme qui maintient un entrepreneur
expérimenté aux compétences managériales faibles et
opérant un projet de grande envergure.
Pour simplifier, on suppose que , autrement dit le
coût d'un large projet est supérieur aux économies faites
par le manager. Cela signifie que l'entrepreneur ne finance pas totalement le
projet. Cette hypothèse est vraie si on pose que pour tout ;
.
Au contraire, la valeur d'une firme qui licencie un jeune
entrepreneur et opère un petit projet est :
Une firme maintiendra un entrepreneur
expérimenté peu compétent si
La condition définit un
niveau de seuil de la distance à la frontière, , tel qu'en dessous de
ce seuil, les managers expérimentés mais peu compétents
sont maintenus .
Utilisant la condition et , on obtient le niveau
de seuil :
Ce seuil est croissant en quand le marché
est moins compétitif ( élevé),
le passage à une stratégie d'innovation () arrivera plus tard.
Les statiques comparatives reflètent deux choses. La
première est l'effet d'appropriation, lequel implique
que les firmes ne capturent pas totalement le surplus créé par le
progrès technique. Les capitalistes supportent le coût
d'investissement, mais à cause de l'effet d'appropriation, ils
obtiennent seulement une fraction du retour de leurs investissements. Par
conséquent, ils ne sont pas incités à maintenir des
entrepreneurs expérimentés, lesquels sont associés
à de plus grandes dépenses d'investissements.
Deuxièmement, nous démontrons par la condition qu'un plus
élevé implique de meilleurs profits et de meilleures
économies réalisés par les managers
expérimentés, qu'ils peuvent utiliser comme bouclier
contre la concurrence des jeunes entrepreneurs, afin de rendre plus probable
leur maintien.
L'effet des problèmes d'incitations dus aux
imperfections du marché des crédits, , sur est ambigu. D'une part,
un plus fort
augmente les gains conservés par les managers améliorant ainsi
leurs boucliers contre les nouveaux arrivants, encourageant par la même
occasion leur maintien aux commandes de la firme.
D'autre part, un plus fort réduit
le différentiel de profit entre congédier un jeune ou un
entrepreneur confirmé. Si l'ancien effet domine et croît avec , les problèmes
de moral hasard ou d'imperfections du marché des crédits seront
plus sévères, encourageant ainsi les capitalistes à
maintenir les entrepreneurs compétents.
Au contraire, lorsque la condition n'est pas tenue, ces
problèmes encouragent l'évincement des entrepreneurs
compétents.
L'équilibre statique est résumé dans la
proposition suivante :
o PROPOSITION 1 :
Supposons que l'hypothèse A1 est maintenue et que
, et laissons
être définie par l'équation . Ensuite, pour donné, il existe
un unique équilibre tel que (i) les jeunes entrepreneurs opèrent
des projets de faible envergure () ; (ii) les
entrepreneurs expérimentés peu compétents sont maintenus
() et
mènent un projet de grande envergure () quand , et sont
évincés () lorsque ; (iii) les
managers expérimentés et compétents sont toujours
maintenus et mènent à bien de grands projets () pour tout . Le seuil est croissant
en.
iii. Équilibre dynamique
Caractérisons maintenant l'équilibre dynamique
de l'économie. Définissons premièrement,
l'évolution de conditionné à la décision de maintien, . Notons que la
moitié des firmes sont jeunes et utilisons l'équation pour écrire , lorsque est la
productivité moyenne des nouvelles firmes et celle des firmes
expérimentées. Dès lors que les nouvelles firmes
licencient des jeunes entrepreneurs qui, d'après le lemme 1, choisissent
, et une fraction
, de fortes
compétences, nous avons
La productivité moyenne parmi les anciennes firmes
dépend si nous avons ou. Avec , tous les entrepreneurs
sont maintenus, ainsi une fraction ont de grandes
capacités, et des entrepreneurs expérimentés choisissent
, donc . Par contre, si , seulement une fraction
de ces
entrepreneurs qui se révèlent avoir de grandes compétences
managériales sont maintenus, et une fraction sont remplacés
par de jeunes entrepreneurs. Dans ce cas, .
En combinant tout cela, nous obtenons que :
Cette équation nous montre qu'une
économie avec adopte une
stratégie d'investissements pour atteindre l'équilibre.
Les firmes entreprennent de meilleurs investissements, même
si pour cela elles doivent payer les frais d'une mauvaise sélection des
entrepreneurs. Cette stratégie implique une relation à
long terme avec le manager, ce dernier ne sera jamais
congédié puisqu'il sera protégé de l'arrivée
de jeunes entrepreneurs.
Au contraire, avec , on peut penser que
l'économie poursuit une stratégie à base
d'innovations. Aussi, la sélection des entrepreneurs est plus
sévère et l'importance est donnée à la maximisation
de l'innovation. Par conséquent, la stratégie d'innovations se
retrouve dans un environnement concurrentiel où les entrepreneurs peu
compétents sont évincés et seuls les managers ayant de
fortes capacités sont maintenus.
L'équilibre est simplement déterminé en
combinant l'évolution de l'équilibre décrit par
l'équation
et la proposition 1 :
Les figures 3 et 4 représentent la dynamique de
l'équilibre. Lorsque $, l'économie
adopte une stratégie à base d'investissements, tandis que quand
, l'économie
opte pour une stratégie à base d'innovations.
La figure 3 nous monte également la possibilité
de tomber dans une trappe de non convergence, dans laquelle
l'économie arrête sa convergence vers la frontière
technologique mondiale.
Déterminons le taux de croissance mondiale. Il est
naturel de penser que le taux de croissance de la frontière
technologique mondiale est déterminé de façon
endogène par l'économie la plus avancée, qui poursuit une
stratégie d'innovations. L'équation évaluée
pour , nous donne
le taux de croissance technologique mondiale :
.
Nous le supposerons positif. Pour qu'une stratégie
à base d'innovations engendre une meilleure croissance qu'une
stratégie à base d'investissements à la frontière,
, nous avons besoin
que :
Par conséquent, à la droite coupe la
droite à 45 degré et se trouve au dessus de la droite
.
Mais la droite doit absolument couper la droite à 45 degré au
point . La valeur
de ce seuil peut être calculée :
Si l'économie poursuit sa stratégie
d'investissements, lorsque , elle restera coincée dans la trappe, comme on peut le
voir sur la figure 3. Par contre, si l'économie change de
stratégie, elle continuera à converger comme on peut le constater
sur la figure 4.
è L'économie, pour continuer à
converger doit changer de stratégie avant ce seuil.
Ainsi la condition nécessaire et suffisante pour que
l'économie converge normalement est que :
o PROPOSITION 2 :
Supposons que l'hypothèse (A1) est
vérifiée et que . Laissons et être
définis par l'équation et , et
représentons la distance initiale à la frontière par
. Alors
l'unique équilibre dynamique est comme suit :
1. Si < et , alors
l'économie commence par une stratégie d'investissements, pour
adopter une stratégie d'innovations lorsque , et converge vers la
frontière technologique, .
2. Si < et , alors
l'économie commence par une stratégie d'investissements, et
converge vers la frontière technologique mondiale jusqu'à ce que
, où la
convergence et la croissance s'arrêtent.
3. Si , alors
l'économie débute avec une stratégie d'innovations et
converge vers la frontière technologique mondiale, .
iv. Stratégie de maximisation de la
croissance
Dans cette section, nous analysons les implications de la
croissance dans différents développements stratégiques.
Nous caractérisons, tout d'abord, la stratégie de maximisation de
la croissance. Clairement, la maximisation de la croissance n'est pas le
critère correct pour la comparaison du bien-être dès lors
qu'il ignore les coûts d'investissements.
Néanmoins, il est le plus approprié pour tirer
des implications de la théorie qui sont comparables avec les
évidences présentées dans la section II.
L'équation nous indique
immédiatement que la croissance sera maximale lorsque l'économie
atteindra le niveau le plus élevé de pour donné. Ceci est
possible si l'économie poursuit la stratégie à base
d'investissements, , lorsque , et une stratégie d'innovations, , dès
lors que ,
où est
donné par l'intersection de la droite et
,
ou par :
La condition assure que . Ainsi, comme le
comportement à l'équilibre, la maximisation de la croissance
débute par l'adoption d'une stratégie à base
d'investissements pour opter, ensuite, pour une stratégie d'innovations.
Cependant, le changement de stratégie ne se produit pas forcément
au même moment que celui de l'équilibre.
Comment comparer et le seuil
d'équilibre ? La réponse dépend entre autre du
degré de concurrence mesuré par . L'effet
d'appropriation crée un biais (relativement à
l'allocation de la croissance maximale) contre la stratégie à
base d'investissements générant une force contribuant à ce
que <. Cependant, pour le
contrer, il y'a l'effet bouclier de la rente : les gains
retenus sont utilisés pour financer une part des coûts
d'investissements, créant un transfert pour les capitalistes et
protégeant les managers expérimentés de la concurrence des
jeunes entrepreneurs. Quel effet domine ? La réponse est
ambiguë. Un degré de concurrence plus
élevé augmente relativement à
qui n'en
dépend pas. Pour donné, il existe un unique niveau de concurrence ,
représenté par >, tel que = .
Si le marché est moins concurrentiel, on se situe en
dessous de ce seuil, ainsi < , et
l'économie engendre un excès de rétention d'entrepreneurs
peu compétents relativement à l'allocation de maximisation de la
croissance. Si la concurrence est élevée, < , nous avons > , et l'économie
modifie sa stratégie plus rapidement.
è Limiter la concurrence devrait augmenter la
croissance.
v Remarque
Il existe un seuil de niveau de concurrence, , définit par
, telle qu'une
économie avec un niveau de concurrence, < , ne tombera jamais dans
une trappe de non convergence.
V. Conclusion
Cet article expose un modèle de croissance dans lequel
les firmes sont engagées à la fois dans une activité
d'adoption de technologie existante provenant de la frontière
technologique mais aussi dans une activité d'innovation.
Plus l'économie se rapproche de la frontière
technologique mondiale, plus grande est l'importance de l'innovation
relativement à l'imitation comme source de croissance de la
productivité. Dès lors, la sélection d'entrepreneurs
compétents et des firmes est plus forte qu'elle ne l'est dans
l'activité d'adoption de technologie.
Le modèle montre la dynamique que doit suivre
une économie pour converger. Une nation éloignée de la
frontière technologique, commencera par poursuivre une activité
à base d'investissements, afin de pouvoir adopter des technologies
déjà existantes, se rapprochant alors de la frontière.
Cela implique une relation de long terme entre les firmes (déjà
présentes sur le marché) et les managers
expérimentés (compétents ou pas), des investissements
conséquents et peu de sélection. Une fois que l'économie
se trouve proche de la frontière, pour continuer à converger et
ne pas se retrouver dans une trappe de non convergence, la nation doit
abandonner sa stratégie d'investissements au profit d'une
stratégie à base d'innovations. Cela sous-entend des relations de
court terme entre les firmes (nouvelles) et leurs managers (compétents),
mais aussi moins d'investissements et une sélection plus rude des
entrepreneurs.
L'effet d'appropriation résultant du fait que les
firmes n'internalisent pas le surplus des consommateurs qu'elles créent
en investissant implique que le changement de stratégie se fera plus
tôt. Au contraire, la présence de gains conservés par les
entrepreneurs en exercice, leur permettent de supporter une partie des
coûts d'investissements, mais sert également de bouclier contre
les jeunes managers qui arrivent sur le marché. Cela conduit à ce
que la stratégie d'investissements dure plus longtemps.
Lorsque le changement de stratégie se fait plus
tôt, l'intervention du gouvernement, via des politiques limitant la
concurrence ou fournissant des subventions pour l'investissement, peut
être utilisée pour permettre de continuer la stratégie
d'investissements. Néanmoins, des politiques anti-concurrentielles
peuvent mener vers la trappe de non convergence où l'économie
stoppera toute convergence vers la frontière technologique mondiale.
Passons à l'étude d'un modèle
complètement différent. En effet, le modèle suivant se
propose d'analyser l'impact de la concurrence sur la croissance dans un
modèle Néo-Schumpétérien.
Troisième classe de modèle :
Les modèles Néo-Schumpétérien nous
aident à comprendre l'effet de la concurrence sur l'incitation à
innover et le taux de croissance de l'économie dans un modèle de
croissance endogène.
Nous présenterons le modèle
développé par Denicolò et Zanchettin qui
identifient l'effet du prix, de l'accumulation du profit et de
l'efficacité productive associés à l'augmentation de la
pression concurrentielle. L'effet prix réduit
l'incitation à innover, cependant le profit (espéré) et
l'efficacité productive incitent les entrepreneurs à se lancer
dans une activité de R&D. Nos auteurs démontrent dans quelles
circonstances l'effet efficacité
productive domine l'effet prix. Dans de telles
circonstances, les deux effets combinés de l'accumulation du profit et
de l'efficacité productive permettent au taux de croissance de
l'économie de croître avec le degré de concurrence.
Aussi, nous analyserons l'article de :
Denicolò V. et P. Zanchettin (2004) : «
Competition and Growth in Neo-Schumpeterian Models ».
I. Introduction
Il a souvent été dit que la concurrence
était bonne pour l'innovation et la croissance. En effet, les travaux
théoriques et empiriques menés par Aghion et al.
démontrent l'existence d'une relation en U-inversé entre la
concurrence et la croissance. Cependant, de récents modèles de
croissance endogène tendent à conclure que la concurrence
érode la rente de monopole attendue par un innovateur, ne favorisant pas
la croissance, et revenant ainsi au point de vue développé
par Schumpeter.
Cette étude a pour objectif de réconcilier le
point de vue Schumpétérien, à savoir que la recherche de
la rente de monopole est la première motivation d'un innovateur, et
l'évidence empirique qu'il existe une corrélation positive entre
la concurrence et la croissance. Cette conclusion dépend de
l'hypothèse, qu'à chaque date, le leader technologique est la
firme active.
Dans des modèles plus structurés, deux ou
plusieurs firmes peuvent êtres simultanément actives dans la
même industrie, deux effets qualitatifs se produisent, celui de
l'accumulation du profit ainsi que celui de l'efficacité
productive, générant une corrélation positive
entre la concurrence sur le marché des produits, l'innovation et la
croissance.
N'importe quelle définition de la concurrence implique
l'idée qu'une concurrence plus intense réduit le prix
d'équilibre donc l'incitation à innover des entrepreneurs qui
investissent pour obtenir une rente de monopole, c'est ce qu'on appelle
l'effet « prix ». Cependant, dans un
marché compétitif, une grande fraction de cette rente est
accumulée grâce aux innovations qui ont eu lieu durant le cycle de
vie de la firme (l'effet « accumulation du
profit »), et les firmes à bas coûts ont une
plus grande part de marché, ce que l'on nomme par l'effet
« efficacité productive ».
Denicolò et Zanchettin démontrent dans quelles
circonstances l'effet efficacité productive
domine l'effet prix lorsque le taux d'innovation
est élevé et/ou la concurrence est forte. Dans de telles
circonstances, les deux effets combinés de l'accumulation du profit et
de l'efficacité productive permettent au taux de croissance de
l'économie de croître avec le degré de concurrence.
Pour analyser ces effets nous utilisons un modèle de
croissance endogène, que nous pouvons étendre en autorisant
plusieurs firmes à être actives simultanément dans chaque
industrie.
Nous faisons l'hypothèse que l'innovation est
protégée. Ceci implique que les firmes sont asymétriques
et qu'elles ont accès à des technologies différentes.
Dans ce type de modèle, le fait que seule la firme
active dans l'industrie devient leader technologique suppose implicitement que
l'innovation est drastique. C'est-à-dire que
l'innovation permet d'abaisser le coût de production du produit, de telle
manière que le prix de monopole est inférieur au prix
pratiqué par les concurrents. Par conséquent, l'innovateur
récupère tout le marché. De telles firmes sont donc en
concurrence à la Bertrand.
Pour étendre le modèle, nous étudierons
le cas d'innovation dite non-drastique, c'est une innovation
qui permet d'abaisser le coût de production du bien, mais contrairement
à l'innovation drastique, elle ne permet pas à l'innovateur de
pratiquer le prix de monopole car le coût de production n'a pas
suffisamment diminué. Aussi les firmes seront en concurrence
à la Cournot.
Avec des firmes asymétriques, le nombre de
firmes actives et leurs parts de marché respectives dépendront du
mode de concurrence, Bertrand ou Cournot et de la taille de
l'innovation.
Dans leur modèle, à l'état stationnaire,
firmes sont
simultanément actives, le dernier innovateur et les anciens innovateurs,
où est
endogène (
en concurrence à la Bertrand). Un innovateur, qui ne continue pas son
activité de R&D, restera actif et obtiendra un profit positif,
durant
périodes, une période correspond à l'intervalle de temps
entre deux innovations. Lorsqu'une innovation arrive, la part de marché
de l'innovateur original diminue, mais il sortira du marché seulement
après que
innovations successives soient arrivées. Par conséquent, la
valeur d'une innovation, c'est-à-dire l'incitation à
innover, est pondérée par la moyenne des profits des firmes
actives, où la pondération reflète la
durée de vie, la réduction des coûts et la croissance.
L'étude se structure ainsi. Dans la section II, nous
discutons de la littérature. Nous analysons la valeur d'une innovation
lorsque l'innovation est séquentielle dans la section III. La section IV
étudie comment l'intensité de la concurrence affecte l'incitation
à innover. Dans la section V, nous proposons quelques extensions du
modèle, pour conclure à la section VI.
II. Littérature...
Nous allons analyser deux types différents de
littératures : une qui concerne l'économie industrielle
examinant l'effet de la concurrence sur l'incitation à innover et une
plus récente qui concerne la croissance endogène essayant de
réconcilier la relation entre concurrence et croissance.
i. L'économie industrielle
Le débat sur l'effet de la concurrence sur l'incitation
à innover débute avec Schumpeter (1943) et Arrow (1962).
Schumpeter clame qu'il existe une corrélation positive entre
l'innovation et le pouvoir de marché. Pour lui, l'incitation à
innover provient du fait que l'innovateur espère obtenir la rente du
monopole permettant de couvrir les coûts de R&D.
Cette vision n'est pas partagée par Arrow, qui stipule
que l'incitation à innover est plus forte dans une industrie
compétitive. En effet, plus l'intensité de la concurrence sera
élevée, plus les entreprises seront incitées à
innover pour survivre et rester sur le marché. Il définit ainsi
la notion d'« effet de remplacement », qui stipule que
l'incitation à innover provient du différentiel de profit. Si ce
différentiel est positif, l'entrepreneur a intérêt à
innover et continuer à produire son bien. Delbono et Denicolò
(1990) démontrent que l'incitation à innover est plus grande
dans un duopole à la Bertrand que dans un duopole à la Cournot
lorsque les biens sont homogènes. Cependant Bonanno et Haworth (1998)
prouvent que ce résultat peut être renversé dans le cas de
biens différenciés. Boone (2000, 2001) montre que la relation
entre la concurrence et l'incitation à innover est
généralement non monotone.
è Les économistes ne s'accordent
pas !
Les différents résultats proposés sont
dus principalement aux hypothèses posées par chacun ainsi que la
nature de l'innovation.
Dans notre modèle, l'innovation est séquentielle
et sa valeur n'est pas égale au profit du leader technologique mais elle
est pondérée par la moyenne des profits des firmes actives.
L'effet positif d'une concurrence plus intense sur la part de marché du
leader ne se traduit pas mécaniquement par une incitation à
innover plus grande, mais via les effets efficacité productive et
accumulation du profit.
ii. La croissance
La littérature sur la croissance endogène tente
de réconcilier la théorie et l'évidence empirique sur la
relation entre la concurrence et la croissance. Aghion, Dewatripont et Rey
(1999) introduisent les considérations des agents, dans leur
modèle, les managers qui ne cherchent pas à maximiser leur profit
retardent l'adoption de la nouvelle technologie jusqu'à ce que leur
profit tombe sous un certain seuil.
Aghion et al. (2001) développent un
modèle d'innovations « step-by-step ». Ils montrent
ainsi que plus de concurrence, mesurée par le degré de
substituabilité des biens, peut être bénéfique pour
la croissance mais jusqu'à un certain seuil, puisqu'ils aboutissent
à une relation en U-inversée. Encaoua et Ulph (2000) stipulent
que l'introduction dans ce modèle de la possibilité de
leapfrogging, c'est-à-dire que le follower peut
dépasser le leader, renforce l'effet positif de la concurrence sur la
croissance.
La principale différence entre ces papiers et le
modèle que nous développons est que Denicolò et Zanchettin
utilisent un modèle standard de leapfrogging, où
l'innovation est séquentielle. La nouveauté de leur
analyse est qu'ils supposent que plusieurs firmes peuvent être actives
simultanément, ce qui implique que l'innovation est non drastique et que
la concurrence se fait plutôt à la Cournot qu'à la
Bertrand.
III. L'incitation à innover lorsque
l'innovation est séquentielle
Dans cette section, nous analysons les
déterminants de l'incitation à innover dans un modèle
où l'innovation est répétée. De ce fait,
les auteurs supposent que l'innovation est séquentielle ainsi que
cumulative et autorisent plusieurs firmes à être actives
simultanément, à chaque date, dans chaque secteur.
Autrement dit, l'activité d'innovation se produit
à un taux déterminé par l'effort de R&D. Dans chaque
période ,
où est le
nombre d'innovations passées, il y'a une course au brevet pour la
technologie .
L'innovation est séquentielle dans le sens où une
nouvelle course au brevet ne commence que lorsque la course
précédente est terminée. La taille de
l'innovation est exogène, mais le timing de l'innovation est
une fonction probabiliste du montant investit dans la R&D par les firmes.
L'effort de R&D détermine la date de découverte de
l'innovation qui suit un processus de Poisson avec un taux de hasard
.
Ils supposent que l'activité de recherche et développement est
faite par les outsiders, les firmes en exercice n'innovant pas,
le leader technologique est remplacé à chaque
période.
Pour fixer les idées, supposons qu'il y'a une
protection du brevet parfaite et d'une durée de vie infinie, autrement
dit personne ne peut imiter la technologie sans enfreindre le brevet. Puisque
l'innovation est protégée, à la période seul le ième
innovateur qui détient le brevet de la ième
innovation peut utiliser son invention. Sous cette hypothèse, toutes les
innovations sont obtenues par les outsiders, personne ne peut
détenir plusieurs brevets. À la période , l'innovateur est le leader
technologique, mais ils autorisent les anciens innovateurs
à rester actifs. Laissons représenter le
flux de profit gagné par l'innovateur à la
période .
Ainsi correspond
au profit du leader technologique ; celui de la seconde
firme la plus efficace et ainsi de suite. Plus tard, et seront
déterminés et sont des variables endogènes ( lorsque la concurrence
se fait à la Bertrand).
Pour déterminer la valeur espérée d'une
innovation , , on doit tenir compte,
dans le calcul, du fait que la rente du ième
innovateur ne sera pas réduite à zéro par
l'arrivée de la ième innovation. Bien que la concurrence pour la ième
innovation réduira les profits et les pouvoirs de marchés
de tous les anciens innovateurs, seule la firme la moins efficace parmi toutes
les sociétés actives sortira du marché par
l'arrivée d'une nouvelle technologie.
Ainsi est déterminé comme suit :
Ø Où est le taux
d'intérêt et, est la valeur de l'innovation après périodes,
c'est-à-dire à la période . L'équation nous
dit que pour être sûr de remporter la course, le leader doit
investir un montant équivalent au flux de profits qu'il obtiendra,
auquel il soustrait un capital correspondant à la différence de
valeur que l'on attribut à l'innovation quand on est leader et lorsque
l'on est la seconde firme la plus efficace.
Finalement, après innovations, le ième
innovateur sortira du marché. Aussi . Par conséquent,
nous avons :
Il y'a équation que l'on peut résoudre, aussi on en
déduit :
L'équation (1) stipule que la valeur de la ième
innovation correspond à la valeur actualisée des profits que
l'innovateur peut obtenir à la période pour laquelle il sera
actif sur le marché. Le taux d'intérêt est augmenté
du facteur
capturant ainsi la durée pendant laquelle l'innovateur espère
maintenir son leadership. De plus, l'innovation est cumulative, ainsi les
profits futurs sont pondérés par le facteur qui correspond
à la probabilité ajustée que la future innovation soit
achevée. Il s'agit de la probabilité que l'innovation se produise et que
l'accumulation de bénéfice débute à la
période pour
le ième innovateur.
è Le déterminant de l'incitation
à innover est la rente de monopole, plus précisément,
l'accumulation de profits.
IV. Intensité de la concurrence et incitation
à innover
Nous allons analyser les effets d'une élévation
de la pression concurrentielle sur l'incitation à se lancer dans une
activité de R&D. La section précédente nous a permis
de comprendre comment la concurrence affecte les profits de l'industrie et
leurs répartitions entre les différentes firmes. Dans cette
section, nous identifions l'effet « accumulation du
profit », l'effet « prix » et l'effet
« efficacité productive » qui interviennent avec un
changement d'intensité concurrentielle. Nous procèderons
également à la démonstration des circonstances dans
lesquelles l'effet « prix » est dominé par l'effet
« efficacité productive ». Pour souligner le
fait que ces résultats sont indépendants de la
particularité du modèle de croissance que nous
développerons, l'analyse se situe dans un cadre d'équilibre
partiel.
i. Résultats
préliminaires
Considérons une industrie composée de firmes
asymétriques, indexées par produisant un bien
homogène. On pose que le coût marginal des firmes est constant,
égal à par unité. Les firmes sont classées ainsi , autrement dit, la
firme 0 est le leader technologique (le dernier innovateur), la firme 1 est la
rivale la plus efficace du leader et ainsi de suite.
Le nombre d'entreprises actives à l'équilibre,
, est
déterminé de manière endogène. La firme est la moins efficiente
parmi toutes celles qui sont actives. La demande est donnée par où est le prix, le bien produit et une fonction
strictement décroissante et deux fois différentiable sur et nulle sur
l'intervalle. Ceci
implique que la fonction de demande inverse est décroissante
et deux fois différentiable sur.
Pour simplifier on pose que sur. Cette hypothèse
sur la décroissance des revenus marginaux implique que la fonction de
profit est une
fonction strictement concave pour.
La fonction de profit d'une firme est, où est la quantité
de bien produite par la firme. Pour maintenir l'analyse intéressante
supposons que est
plus faible que le prix de monopole associé à , . Si cette
hypothèse n'est pas vérifiée, la firme 0 peut fixer son
prix de monopole et ainsi faire sortir du marché ses concurrents.
a. Concurrence à la Bertand et à la Cournot
Initialement le degré de concurrence est
paramétré d'une telle façon que l'on passe d'une
concurrence à la Cournot à une concurrence à la
Bertrand.
La concurrence à la Bertrand est une concurrence
intense où le prix d'équilibre est égal au coût
marginal de la seconde firme la plus efficace. Ainsi, toute la production de
biens est assurée par la firme low-cost : .
À l'équilibre de Cournot, la condition du
premier ordre implique que :
Notons que :
Ø À l'équilibre de Cournot, le ratio des
parts de marché de deux firmes actives est égal au ratio
respectif de leur prix réduit du coût marginal.
Cette relation est également vraie à
l'équilibre de Bertrand. Cependant, à l'équilibre
de Cournot, les firmes avec des coûts de production élevés
ont une part de marché positive ce qui provoque de l'inefficacité
productive. Cette inefficacité productive est importante pour expliquer
pourquoi les profits de l'industrie sont plus grands sous une concurrence
à la Bertrand, même si cela implique que le prix est plus faible
qu'à l'équilibre de Cournot.
è Il est connaissance commune que dans un cadre
de concurrence en quantité, les prix d'équilibre et le nombre de
firmes actives sont plus élevés que lorsque la concurrence se
fait en prix.
Le passage d'une concurrence à la Cournot
à une concurrence à la Bertrand se traduit par une augmentation
du degré de concurrence. Pour faciliter la comparaison nous
présentons un modèle qui englobe les deux équilibres
(Bertrand et Cournot).
b. Forme réduite du modèle
L'intensité de la concurrence peut être
mesurée de différentes manières. Cependant, toutes les
définitions de la concurrence induisent l'idée qu'elle
réduit le prix d'équilibre du bien homogène.
En accord avec cela, nous mesurons l'intensité
de la concurrence par l'inverse du prix d'équilibre. Pour
définir exactement l'équilibre de l'industrie, supposons que le
ratio des parts de marché de deux firmes actives est égal au
ratio respectif de leurs prix réduits du coût marginal, sans faire
d'hypothèse spécifique sur la nature de la concurrence.
.
Le nombre de firmes actives à l'équilibre, est
déterminé comme une fonction de avec (il est
compréhensible que quand ). Le
nombre de biens produits à l'équilibre et les profits d'une firme
active sont uniquement déterminés par la condition
suivante :
L'équation (3) nous fournit, ajoutons la condition
présentée ci-dessus, et nous obtenons un système de équations
linéaires indépendantes avec inconnus. La solution
existe et elle est unique. La production de biens individuels est donc
égal à :
Ø Où est la moyenne non
pondérée des coûts marginaux des firmes actives.
Les équilibres de Bertrand et de Cournot sont
reproduits respectivement par et . Pour des valeurs
intermédiaires du prix, la solution peut être
interprétée comme une forme réduite d'un modèle
où les firmes font de la collusion (Cabral (1995)), ou ont le choix
entre la quantité et le prix comme variable de décision (Maggi
(1996)). La solution peut aussi se concevoir comme un outil aidant à
comparer les deux équilibres.
c. L'effet « efficacité
productive »
Considérons maintenant une augmentation de
l'intensité de la concurrence, c'est-à-dire que diminution du
prix d'équilibre. Si le nombre de firmes actives et leurs parts
de marché restent constants, la baisse du prix d'équilibre
réduira, sans ambiguïté les profits de l'industrie.
C'est ce que l'on nomme effet « prix ».
Les profits de l'industrie sont égaux à , où est le coût moyen
de l'industrie. Ainsi, si les parts de marché sont constantes, est également
constant, aussi
est une fonction quasi-concave et une diminution du prix d'équilibre
réduira les profits totaux de l'industrie, si le prix est
inférieur au prix de monopole.
Cependant, le nombre de firmes actives et leurs parts de
marché respectives se modifient avec le changement de prix
d'équilibre. Par conséquent, change avec
l'intensité de la concurrence et le changement associé dans les
coûts et les profits de l'industrie correspondant à
l'effet « efficacité productive ».
Formellement, le changement dans l'industrie associé à une
modification de l'intensité de la concurrence est :
è Nous démontrons ainsi qu'une
élévation de degré de la concurrence améliore
efficacité productive de l'industrie. En effet, l'intensification de la
concurrence pousse les entreprises à réduire leurs coûts
moyens donc leurs prix de vente. Les profits de l'industrie sont
supérieurs car seules des firmes efficaces produisent.
o LEMME 1 :
L'effet « efficacité
productive » est positif.
L'intuition derrière le lemme 1 est qu'une
élévation de la pression concurrentielle augmente les parts de
marchés des firmes low-cost et diminue celles des firmes high-cost. Cela
a pour conséquence de réduire le coût total de
l'industrie. Un corollaire immédiat à ce lemme est que le
passage d'une concurrence à la Cournot à une concurrence à
la Bertrand améliore l'efficacité productive.
o LEMME 2 :
Une hausse du prix augmente la moyenne du
prix-coût marginal .
Une élévation du prix est positivement
associée à l'inverse de l'intensité concurrentielle,
mesurée par la moyenne du prix moins le coût marginal de
l'industrie .
ii. Principaux résultats
Les résultats préliminaires étant
présentés, on peut procéder à la
présentation des principaux résultats.
a. Concurrence et profit de l'industrie
Commençons par nous intéresser à l'effet
de la concurrence sur les profits de l'industrie. En particulier, nous
regarderons dans quelles circonstances l'effet « efficacité
productive » domine l'effet « prix » provoquant,
malgré une intensification de la concurrence, une augmentation des
profits de l'industrie.
Avec des firmes asymétriques, l'effet
« efficacité productive » est de premier ordre.
Lorsque l'effet « prix » est de deuxième ordre, il
est dominé par l `effet « efficacité
productive ». Dans ce cas, la concurrence favorise l'innovation.
Cependant l'effet « prix » est de second ordre
quand le prix est proche du prix de monopole. Cette observation
mène au résultat suivant.
o PROPOSITION 1 :
Lorsque le coût marginal de la seconde firme la plus
efficiente, est
proche du prix de monopole , les profits de l'industrie sont meilleurs sous une concurrence
à la Bertrand que sous une concurrence à la Cournot.
L'intuition est la suivante, lorsque les deux types de
concurrence (Bertrand et Cournot) mènent au profit de monopole.
Analysons l'effet d'une décroissance de .
Avec une concurrence à la Bertrand,
la présence de la firme 1 contraint la firme low-cost (i.e la firme 0)
à fixer un prix , mais
est proche du prix de monopole , l'effet de la concurrence sur les
profits de la firme low-cost est de second ordre.
Quand la concurrence se fait en quantité, la diminution
de
réduit moins le prix d'équilibre que sous une concurrence
à la Bertrand, mais augmente aussi la part de marché des
entreprises high-cost. Dès que , une
concurrence à la Cournot a un effet négatif sur les profits de
l'industrie lorsque la diminution de (l'effet prix)
est de premier ordre. La proposition 1 suggère que l'effet
« efficacité productive » est faible et peut
prévaloir sur l'effet « prix » seulement si ce
dernier est négligeable. Au contraire, l'effet
« efficacité productive » peut être
étonnement grand : l'augmentation d'une unité du prix
d'équilibre peut faire croître le coût moyen de l'industrie
d'autant d'unité. C'est effectivement ce qui se passe lorsque l'on est
proche de l'équilibre de Bertrand.
o PROPOSITION 2 :
Débutant au prix d'équilibre de Bertrand,
une petite augmentation du prix diminue les profits de l'industrie.
La proposition 2 stipule que si on commence par le prix
d'équilibre de Bertrand, une faible augmentation du prix laissera la
moyenne prix-coût marginal de l'industrie
inchangée.
En effet, si , une
élévation d'une unité du prix permettra à la firme
inefficiente de faire un bénéfice et d'avoir une part de
marché, ce qui impliquera l'augmentation d'une unité de . Ainsi, la moyenne
prix-coût marginal de l'industrie reste inchangée, aussi une augmentation du prix
se traduit par une baisse des profits de l'industrie car la firme inefficace
à une part de marché.
b. Concurrence et distribution des profits
La concurrence sur le marché des produits
n'affecte pas seulement la somme totale des profits de l'industrie mais affecte
également le déterminant de l'incitation à innover,
c'est-à-dire la distribution des profits à travers les firmes
actives.
Comment une hausse de l'intensité concurrentielle
affecte la distribution des profits, pour n'importe quel niveau de profit de
l'industrie donnée ? Denicolò et Zanchettin
démontrent que la distribution des profits devient plus inégale,
en accord avec le critère de dominance de Lorenz*,
lorsque la concurrence s'intensifie.
o PROPOSITION 3 :
S'il y'a au moins deux firmes actives, une augmentation du
degré de concurrence impliquera que la distribution des profits sera
plus inégale, en accord avec le critère de dominance de
Lorenz.
è Lorsque le marché devient plus
concurrentiel, les firmes low-cost font plus de profits, tandis que les firmes
high-cost ont plus de pertes.
La raison est double : premièrement, la part de
marché des firmes low-cost tend à croître avec
l'intensité de la concurrence et, deuxièmement, quand le prix
d'équilibre diminue, le pourcentage dans la moyenne prix-coût
marginal de
l'industrie qui diminue est plus grand pour des firmes high-cost.
____________________
*terme définit en annexe.
V. Modèle de croissance
Nous allons insérer l'intuition des sections
précédentes dans un modèle de croissance. Pour simplifier,
nous supposons qu'il existe un seul secteur mais le résultat principal
est plus général et il peut être reproduit avec plusieurs
autres modèles de qualité.
i. Préférence et
technologie
La population est composée d'agents identiques dont la
masse est normalisée à 1. Chaque agent a une fonction de
préférence linéaire intertemporelle :
Le taux de préférence pour le présent
coïncide avec
le taux d'intérêt d'équilibre. Chaque individu offre une
unité de travail. Le bien final est produit dans un
marché parfaitement concurrentiel en utilisant le travail (dont l'offre
est fixée) et un bien intermédiaire dont la qualité ne
cesse pas d'augmenter avec le temps à cause du progrès technique.
Nous normalisons à 1 la qualité du bien intermédiaire
à la date 0 et, représentons par la taille de chaque
innovation. À la période , où est le nombre
d'innovations passées, le bien final est produit avec la fonction de
production suivante :
Ø Où la demande de travail est égale
à 1, est la
part de la rémunération du travail, et est l'indice de
qualité ajusté du bien composite qui combine toutes les
générations passées de biens intermédiaires.
Il convient de réécrire comme où mesure
l'efficacité relative de la dernière qualité d'une
unité de biens composites intermédiaires. De la fonction de
production (7), on obtient la fonction de demande de biens
intermédiaires (mesurée en unité d'efficacité)
Ø Où est le prix.
Le bien final peut être consommé, utilisé
pour produire des biens intermédiaires, ou utilisé dans la
recherche. Indépendamment de sa qualité, le bien
intermédiaire est produit utilisant le bien final avec un taux de
transformation, marginal et constant, normalisé à 1.
ii. Progrès technologique
À chaque période, il y'a une course au brevet.
Les sociétés en exercice ne font pas de recherche et il y'a libre
entrée des outsiders qui sont neutres au risque.
À la période , chaque firme , participant à
la course au brevet, décide de son effort de R&D, , pour obtenir la ième
innovation. L'effort de R&D détermine la date attendue de
découverte de l'innovation. La date de découverte suit
un processus de Poissons avec un taux de hasard égal à , avec .
Les projets de chaque firme sont indépendants, aussi la
probabilité de succès instantané et agrégée
est simplement la somme des probabilités individuelles de succès.
Laissons
représenter l'investissement de R&D à la période . Aussi, l'innovation
arrive avec un taux de hasard .
Si l'innovation était drastique, le leader
technologique ne serait pas concerné par les outsiders et pourrait
pratiquer un prix de monopole, et l'équilibre du modèle serait
indépendant du mode de concurrence sur le marché des produits.
Cependant nous avons supposé que l'innovation est non-drastique, avec
les réglages actuels menant à .
iii. État stationnaire
À l'état stationnaire, le taux de croissance
d'équilibre est constant, et le prix du bien intermédiaire,
c'est-à-dire de la dernière qualité, sera constant. Ceci
implique que
croîtra au taux , et de l'équation (7), ainsi on peut en déduire que aura un taux de
croissance de . Il
s'agit du facteur de croissance entre les périodes que nous noterons
par.
À l'état stationnaire, l'output, la
consommation, l'input des biens intermédiaires, le profit et la
dépense de R&D croîtront au même taux entre les
périodes.
Afin de garantir l'existence d'un état stationnaire
avec une croissance positive, nous posons que . À l'état
stationnaire,
croît au taux
à travers les périodes. Sous cette hypothèse, le taux de
hasard, correspondant à , peut être
constant à travers les périodes. La condition
transversale suivante (voir Barro et Sala-i-Martin, 1995) doit être
vérifiée :
.
Si ce n'est pas le cas, les consommateurs seront
incités à reporter leur consommation
indéfiniment.
iv. Équilibre sur le marché des
biens
Rappelons nous que le ième
innovateur, qui détient un brevet sur sa qualité de bien peut
produire le bien intermédiaire de qualité . Indépendamment
de sa qualité, le bien intermédiaire est produit en utilisant du
bien final, sur la base une unité pour une unité.
Cependant, à la période , on utilise unités de biens
intermédiaires de qualité pour faire une
unité de bien intermédiaire , en unité
efficiente. Le coût de production unitaire du bien
intermédiaire, du ième innovateur, mesuré à la
période
en unité efficiente, est ainsi .
Nous pouvons donc procéder comme si le bien
intermédiaire était homogène, bien que les firmes aient un
coût de production différent, i.e 1 pour le dernier innovateur,
pour le second
après le dernier, 2 pour le troisième après le dernier et ainsi
de suite.
Avec la fonction de demande, nous pouvons facilement
déterminer le prix d'équilibre de Cournot
Ø où vérifie , comme tous les
paramètres sont constants, sera constant entre les
périodes.
La production individuelle d'output peut être obtenue en
remplaçant le prix d'équilibre de Cournot par sa valeur dans
l'équation (4).
è À l'équilibre de Cournot, les
firmes low-cost détiennent une plus grande part de marché que les
entreprises high-cost, à chaque période. Comme des firmes
inefficaces produisent le bien, on aura de l'inefficacité
productive.
Lorsque l'innovation est non-drastique,
différentes qualités de biens intermédiaires seront
produites simultanément, même si les anciennes
qualités sont moins productives.
Par contraste, l'équilibre de Bertrand est
caractérisé par un prix limite. Le leader fixe le prix .
è À l'équilibre de Bertrand, le
prix imposé par le leader technologique évince les concurrents du
marché. Ainsi, il n'y a pas d'inefficacité
productive.
Les profits correspondants sont pour , et :
Le lemme suivant confirme que le passage de Cournot à
Bertrand capture la notion de sévérité de la
concurrence.
o LEMME 3 :
Le prix d'équilibre sous une concurrence à
la Cournot est meilleure que sous une concurrence à la Bertrand, du
point de vu des firmes.
è En effet, à l'équilibre de
Cournot des firmes inefficaces peuvent produire, alors qu'à
l'équilibre de Bertrand seule la firme la plus efficace produit. La
concurrence à la Bertrand est plus sévère. Il n'y a donc
pas d'inefficacité productive et le prix pratiqué est plus
faible, ce qui est mieux pour le consommateur.
v. Équilibre dans l'industrie de la
recherche
Intéressons nous au secteur de la recherche. Le
profit espéré actualisé par une firme
extérieure qui investit unités
du bien final à la période pour obtenir
l'innovation , au
début de la course au brevet et étant donné que
l'investissement en R&D agrégé est , est
Ø Où est la valeur
espérée de la ième
innovation donnée par l'équation (1).
À l'équilibre, le profit net
espéré par un outsider doit être égal à
zéro (condition de libre entrée)
À l'état stationnaire, est constant et les
profits croissent au taux entre les périodes : , lorsque . L'équation (1)
est réduite à :
L'équilibre dans le secteur de la recherche est
déterminé en insérant l'équation (10) dans la
condition de libre-entrée (9) :
Ø Où
L'équation (11) détermine le taux de hasard
d'équilibre, , et par conséquent le taux de croissance de l'économie.
En effet, le facteur de croissance entre les périodes, , est constant. Cela
signifie que le taux de croissance d'équilibre est entièrement
déterminé par la longueur de chaque période, qui
dépend elle-même de la vitesse du progrès technique :
avec une distribution exponentielle du timing du succès de l'innovation,
l'attente espérée pour chaque innovation est .
Une augmentation de est associée
à une croissance plus élevée.
o LEMME 4 :
Pour , il existe un unique et strictement positif taux de hasard
d'équilibre .
Cette condition assure que la recherche est suffisamment
profitable et que l'activité de R&D conduit à
l'équilibre. Le niveau de recherche à l'état stationnaire
est une fonction croissante de l'effort de productivité dans la
R&D, de la
durée d'une étape entre les innovations et une fonction
décroissante du taux de préférence pour le présent
.
vi. Concurrence et croissance
Notre tâche est d'analyser l'impact du passage d'une
concurrence à la Cournot à une concurrence à la Bertrand,
ou plus généralement l'impact d'une élévation de la
pression concurrentielle sur le taux de croissance de l'économie.
o PROPOSITION 4:
Si les profits de l'industrie augmentent
légèrement avec l'intensification de la pression concurrentielle,
une augmentation du degré d'équilibre implique une hausse du taux
de croissance.
L'intuition est la suivante. Nous avons montré que la
valeur de l'innovation est pondérée par la moyenne des profits
des firmes actives, , où la pondération reflète la
durée espérée de chaque période, la
réduction des coûts liés à l'innovation attendue et
la croissance. À l'état stationnaire, la durée
espérée entre les périodes est constante. La condition
transversale implique que la réduction des coûts prévaut
sur la croissance, et donc la pondération est une fonction
décroissante en : . La
dominance de Lorenz montre qu'une hausse de la pression concurrentielle modifie
la répartition des profits de la firme la moins profitable à la
firme la plus efficace. L'accumulation des profits implique que l'incitation
à innover
augmente avec l'intensité de la concurrence, ce qui fournit
l'explication au fait que les profits de l'industrie ne diminuent pas.
La proposition 4 mène au corollaire suivant :
o Corollaire 1 :
Si l'innovation est suffisamment large (i.e, si
l'innovation dure assez longtemps avant d'être remplacée), alors
le taux de croissance sous une concurrence à la Bertrand est plus
élevé que le taux de croissance sous une concurrence à la
Cournot.
La proposition 4 signifie que le taux de croissance peut
être meilleur avec une concurrence à la Cournot, si la
durée de l'innovation est suffisamment courte.
o Corollaire 2 :
Si l'intensité concurrentielle est suffisamment
élevée, une augmentation supplémentaire du degré de
concurrence aurait pour conséquence d'augmenter le taux de croissance de
l'économie.
è En fait, la relation entre la concurrence et
la croissance est monotone croissante, lorsque la taille de l'innovation est
grande.
VI. Remarque conclusive
Dans cet article, Denicolò et Zanchettin
reconsidèrent la relation entre concurrence et croissance dans un
modèle Néo-Schumpéérien standard avec
l'amélioration de la qualité. Ils s'intéressent au cas
où l'innovation est non drastique et ont modélisé le
passage d'une concurrence à la Cournot à une concurrence à
la Bertrand.
Ils ont démontré que la concurrence
favorise la croissance à condition que la taille de
l'innovation soit suffisamment large, ou que la concurrence s'intensifie, ou
les deux. Ceci provient de deux effets qualitatifs, l'effet
« efficacité productive » et l'effet
« accumulation du profit » qui surviennent lorsque
l'innovateur n'est pas immédiatement supplanté par
l'arrivée d'une nouvelle innovation, ainsi deux firmes ou plus peuvent
être simultanément actives dans la même industrie.
Durant cette analyse, nous avons développé de
nombreux modèles, chacun ayant son propre cadre d'analyse,
débouchant ainsi sur un impact différent de la concurrence sur la
croissance. Cependant, aucun de ces modèles n'a pris en compte les
considérations des agents, en se posant la question de savoir s'il
était rationnel de penser qu'un manager cherche à maximiser le
profit de la firme qui l'emploi. Si ce n'est pas le cas, la concurrence
améliore t-elle la productivité, comme certains modèles le
prédisent ?
Quatrième classe de
modèle :
De nos jours, nombreuses sont les entreprises appartenant
à des actionnaires, mais dirigées par un manager. Seulement,
l'effort du manager n'est pas observable et sa rémunération
dépend du résultat de la firme. Finalement, le manager a juste
à éviter la faillite.
Il est cependant intéressant de savoir si la
concurrence affecte l'efficacité productive, donc la croissance. Est-ce
qu'elle augmente le risque de faillite donc accroît l'incitation du
manager à faire des efforts, augmentant ainsi l'efficacité
productive du marché? Ou au contraire, une augmentation du degré
de concurrence tend à diminuer les profits de l'industrie donc la
rémunération des actionnaires et du dirigeant, ce qui ne motive
pas ce dernier à faire des efforts, freinant ainsi l'innovation et
augmentant l'inefficacité productive ?
Dans ce dessein, nous allons étudier l'article
de : Aghion, P., Dewatripont, M., et Rey, P., (1999) «
Competition, Financial Discipline and Growth ».
I. Introduction
La relation entre la concurrence et la croissance
économique, dans un pays ou une région, est sujette à de
nombreux débats politiques. Par exemple, Michael Porter (1990) stipule
qu'il existe une corrélation positive entre la concurrence et la
croissance. Il prétend que la concurrence incite les firmes
à innover et à devenir efficace. Cette
vision « Darwinienne » est
renforcée par les travaux empiriques de Nickell (1996) ou encore de
Blundell et al. (1995). Certains auteurs maintiennent une
vision Schumpetérienne de cette relation,
considérant que c'est l'existence d'une rente de monopole qui
pousse les firmes à innover, ayant pour résultat la croissance
économique. Aghion et Howitt (1992) formalisent cette
idée dans un modèle de croissance endogène. Caballero et
Jaffe (1993) obtiennent un résultat similaire, la concurrence augmente
l'élasticité de substitution entre les biens, et par
conséquent réduit la rente de monopole, ce qui accroît le
processus de création destructive.
Comment réconcilier la vision
« Darwinienne » avec la littérature
Schumpétérienne ? La première approche consisterait
à modifier les hypothèses technologiques. Par exemple, Aghion,
Harris et Vickers (1995) considèrent le cas d'innovation
« step-by-step », ils démontrent qu'une
intensification de la concurrence entre des firmes ayant des technologies
identiques augmentera l'incitation de chaque firme à se lancer dans une
activité de R&D. La seconde approche, étudiée dans cet
article, consiste à introduire les considérations des agents et
analyser l'effet de la concurrence sur la motivation à adopter une
technologie, en ne maximisant pas le profit de la firme. Une clé de ce
papier est que le risque de faillite peut encourager un manager à rendre
sa firme plus productive. Aussi la concurrence combinée au
risque de faillite joue le rôle d'outil disciplinaire, encourageant
l'adoption de nouvelle technologie. Cette approche ne se contente pas
de confronter les théories de la croissance
Schumpétérienne, mais va plus loin en améliorant la
compréhension que l'on a sur comment la concurrence affecte la
croissance.
Le rôle incitatif de la concurrence sur le marché
des produits a longtemps été étudié. Schmidt (1997)
stipule qu'il y'a deux effets opposés de la concurrence sur l'incitation
du manager à réduire les coûts. Le propriétaire
d'une firme adopte une stratégie optimale de rémunération
du manager selon le niveau de concurrence. La concurrence pousse le
manager à réduire ses coûts afin d'être
compétitif et ne pas sortir du marché. Autrement dit, il
est incité à éviter la faillite dont les dommages
augmentent avec le degré de concurrence. D'autre part, la
concurrence dissuade la maximisation du profit du propriétaire, en le
poussant à réduire ses coûts, tandis que son
bénéfice dépend positivement du pouvoir de marché
espéré par la firme.
Bien que l'argument Schumpétérien travaille pour
la maximisation du profit du propriétaire de la firme, l'argument
Darwinien renforce l'incitation du manager à éviter la faillite.
Une fois de plus, Schmidt démontre une relation ambiguë entre
concurrence et croissance. Notre objectif est d'analyser à
l'état stationnaire, dans un modèle dynamique, les effets de la
concurrence sur le marché des produits et le rôle disciplinant des
marchés des capitaux, sur l'incitation à innover donc la
croissance.
Aussi, nous développerons dans la section II un
modèle général, où les producteurs de biens
intermédiaires ont un coût fixe qui résulte de
l'acquisition de la dernière technologie permettant d'avoir le
coût marginal le plus faible.Dans la section III et IV, nous montrerons
que si on considère la maximisation du profit des firmes,
l'argument Schumpétérien est à l'oeuvre, aussi la
concurrence dissuade l'adoption de nouvelle technologie donc la
croissance. En revanche, si l'économie se compose de firmes
dirigées par des entrepreneurs
« conservateurs » dont l'unique désire est
de retarder l'acquisition de nouvelle technologie, tout en évitant la
faillite. L'argument Darwinien stipule que la concurrence est un outil
qui permet de discipliner les managers, favorisant l'innovation donc la
croissance. La section V analyse le rôle disciplinant de la
dette.
II. Le modèle basique
i. Production et consommation
Il y'a trois biens dans l'économie : le travail,
la consommation de bien final et un continuum d'inputs intermédiaires.
Il existe un continuum d'agents avec une durée de vie infinie et des
préférences identiques caractérisées par leurs
consommations durant la période de vie et, le même taux de
préférence pour le présent , qui correspond
également au taux d'intérêt.
L'utilité marginale de la consommation est constante
(égale à 1), et chaque agent dispose d'une unité de
travail qu'il fournit avec un coût de désutilité
équivalent à zéro. Ainsi qui représente
la masse totale d'individus, correspond également au flux total de
travail disponible dans l'économie. On suppose que l'utilité de
la consommation est linéaire. La production de biens de consommation
utilise un continuum de masse de biens
intermédiaires.
Ø Où représente la
quantité intermédiaire de bien n utilisé par le
bien final et est
le paramètre de productivité qui mesure la qualité
des inputs intermédiaires i. Par la suite, nous
prendrons la consommation de bien comme numéraire.
Nos auteurs supposent que chaque variété de
biens intermédiaires est produite en monopole, tandis que le secteur du
bien final est compétitif, la courbe de demande inverse à
laquelle fait face le producteur d'un bien intermédiaire i est
simplement :
Ils supposent que l'ensemble des biens intermédiaires
(), qui peuvent
être utilisé dans la production du bien final, est une
donnée exogène. Dans ce modèle, la croissance
émergera grâce à l'acquisition de technologie plus efficace
dans la production des biens intermédiaires.
Ces producteurs font face à deux
décisions :
· (a) adopter à chaque date la nouvelle
technologie accessible.
· (b) retarder l'adoption de la nouvelle technologie pour
acquérir plus tard la dernière et meilleure innovation accessible
dans le marché.
ii. Décision de production de bien
intermédiaire
Les biens intermédiaires sont produits en utilisant une
unité de travail (une unité de travail pour une unité de
bien intermédiaire). Un producteur de biens intermédiaires de
qualité ,
à la date ,
choisira la quantité pour maximiser son
profit produisant
donc la quantité :
À l'état stationnaire, où la qualité
la plus élevée , et le taux de salaire
croissent au même taux , le flux de demande de
travail par une firme productrice de biens intermédiaires de
qualité
à la date
est égale à :
Ø On a normalisé à 1 le paramètre
de productivité à la date 0, aussi
Ø Où représente le
taux de croissance ajusté du salaire et
« l'âge » de la qualité que produit la firme.
La demande de travail est donc une fonction décroissante de
l'âge de la qualité.
Supposons que le producteur de bien intermédiaire
supporte un coût de production fixe
Ø Avec pour tenir compte de
l'obsolescence.
Aussi le flux de profit net d'une firme qui produit une
qualité
à la date
est simplement égal à :
,
Ø Où correspond à
l'âge de la qualité d'une firme
Avec le paramètre de profit :
Ø est une fonction décroissante du taux de croissance
ajusté du salaire. Notons que pour un suffisamment faible
nous avons (i) ; (ii) ; et (iii) pour un
élevé. Les proportions de joueront un rôle
crucial quand nous analyseront le choix de la décision de production de
la firme intermédiaire.
iii. Taux de croissance à l'état
stationnaire
Pour rendre la croissance endogène, ils introduisent
des spillovers* dans l'acquisition de la nouvelle
technologie. Aussi, ils supposent que la plus haute qualité produite à la
date croît
à un taux proportionnel à la densité des firmes
qui innovent à cette même date, adoptant ainsi la même
nouvelle qualité .
____________________
* terme définit en annexe.
L'hypothèse de spillovers suppose qu'à
chaque date une firme innove, ce qui implique qu'elle passe de la
qualité
à la qualité c'est-à-dire qu'elle passe de l'état de connaissance à l'état
. Autrement dit,
toutes les innovations augmentent de Si on pose que représente la
densité des firmes qui innovent à la date , alors augmente de la
quantité
. En effet, il
existe une infinité de techniques et comme les firmes ne se font pas
concurrence, il est naturel de penser que le taux de croissance de la
qualité soit proportionnel au flux d'innovation . Pour simplifier, on
pose et nous
concentrerons notre analyse sur l'état stationnaire, où les
firmes intermédiaires, distribuées uniformément,
acquièrent la nouvelle technologie toutes les périodes , .
À l'état stationnaire, nous avons :
Finalement, appelons le coût fixe
d'achat de la qualité, la
stationnarité impliquera que :
iv. Équilibre sur le marché du
travail
Pour déterminer l'équilibre stationnaire, il nous
suffit de calculer
et puisque . Étant
donné que les firmes intermédiaires sont uniformément
distribuées concernant la qualité. Il y'a donc firmes pour chaque
qualité à l'état stationnaire. La demande totale de
travail à n'importe quelle date t est
donnée par
Nous savons, par ailleurs, que :
Utilisons le fait que et remplaçons le
dans , afin
d'obtenir l'équation du marché du
travail :
Ø Avec .
Nos hypothèses impliquent que la demande de
travail requis est indépendante de .
Le travail requis dans la recherche croît quand
l'innovation est fréquente, un ratio plus
élevé implique que la demande de main d'oeuvre pour la
maintenance diminue. Pour en finir avec le modèle, nous devons
définir comment les entreprises acquièrent leurs innovations et
prennent des décisions.
III. Comportement des entrepreneurs et acquisition de
nouvelles technologies
Dans cette analyse, nous considérons que l'incitation
à innover d'une firme provient de la maximisation du profit. Nous allons
plus loin, en considérant le cas où les producteurs de biens
intermédiaires sont « conservateurs », dans le sens
où ils supportent un coût privé à
acquérir une nouvelle technologie, ce coût fait
référence à l'effort nécessaire pour obtenir
l'innovation. On abordera, brièvement, le cas où les
entrepreneurs (de biens intermédiaires) sont « technology
addicts », leur objectif premier étant d'établir
une réputation, comme les pionniers d'une nouvelle idée.
Il y'a plusieurs raisons qui font que la non maximisation du
profit des firmes ou des managers peut survivre dans un environnement
capitaliste.
· La première raison est due à
l'environnement concurrentiel : moins il y'a de concurrence parmi
les producteurs de biens intermédiaires domestiques, plus grand est le
risque de perte due à une mauvaise gestion dans des (petites) firmes
dont les propriétaires ne sont pas, premièrement,
intéressés par la maximisation du profit.
· La seconde raison provient de l'existence de
problèmes entre les dirigeants et les actionnaires. Les actionnaires
sont ceux qui financent la R&D, tandis que les dirigeants sont ceux qui
pilotent la stratégie de R&D. Les dirigeants peuvent avoir
intérêt à conserver les bénéfices qu'ils
retirent de leur position hiérarchique tout en minimisant les
coûts. Dans la mesure où l'innovation est risquée, ils
auront tendance à freiner l'adoption de nouvelles technologies : ils
sont conservateurs. À l'inverse, les actionnaires seront
intéressés par les profits futurs et verront un
intérêt à effectuer plus de R&D.
i. Maximisation du profit des
firmes
Sachant que le coût d'adoption de la nouvelle
technologie est positif et croît avec l'ensemble de l'économie au
taux , la
maximisation du profit des firmes donnera lieu à une innovation durant
un intervalle de temps
Le choix optimal de maximisera la
valeur présente nette du flux de profit égale
à :
Ø Avec qui représente
la richesse initiale d'une firme intermédiaire à la date 0.
Il est facile de montrer que le choix de la décision
optimal satisfait
quand
ii. Déviation de la maximisation du
profit
D'une part, il est raisonnable de penser que le
propriétaire, ou le dirigeant, d'une firme avec peu de ressources
financières cherchera à maximiser son profit.
D'autre part, dans une entreprise avec un haut niveau de
ressources financières, le dirigeant (propriétaire)
s'inquiétera principalement de la préservation du surplus de son
bénéfice privé, sachant d'avance que le retour
monétaire attendu de ses efforts augmentera largement les ressources
financières. Aussi, une détérioration des conditions de
profits résultant de l'élévation du degré de la
concurrence sur le marché des produits, incitera le manager
(propriétaire) à travailler plus dur pour survivre à une
telle perte.
Nous considérons donc des firmes dans lesquelles le
manager (propriétaire) ont comme fonction objective :
Ø Dans laquelle, représente
l'intervalle entre la ième et la ième
acquisition de technologie ; est le coût
privé du changement de technologie, ce n'est pas un coût
monétaire, mais c'est un effort de réorganisation ; correspond au
bénéfice privé à la date, égal à
si la firme a
financièrement survécu jusqu'à la date, et égal
à zéro autrement ; est le taux de
préférence pour le présent.
Maintenir la firme à flot signifie donc garder
à chaque période une richesse financière nette
positive. Concentrons notre attention sur le cas où le surplus
des bénéfices privés est
particulièrement élevé, rappelons que ce surplus est la
motivation première des managers conservateurs, et le taux de
préférence pour le présent est aussi suffisamment
élevé de telle manière que les managers ne trouvent jamais
optimal d'accélérer l'acquisition de la prochaine
innovation.
Plus formellement, on peut établir :
o PROPOSITION 1 :
Si correspond à la richesse initiale dont la firme dispose à
la date zéro, le choix optimal du programme de non-maximisation du
profit du manager, avec la fonction objectif donné pour et suffisamment large,
est :
Ø Où est la solution la plus
élevée de l'équation :
.
Si les bénéfices privés
mesurés par
sont suffisamment élevés et si les managers conservateurs sont
impatients, alors ils essayeront toujours de retarder autant que possible la
prochaine innovation afin de maintenir leurs firmes à flot.
Pour voir pourquoi un tel comportement est équivalent
à la prise de la décision décrite dans la
proposition 1 (ci-dessus).
Considérons une firme intermédiaire qui entre
dans le marché avec une richesse et innove à la
date (aussi sa
richesse initiale à la date 1 est nulle) mais n'innove pas par la suite.
Une telle firme aura accumulé à la date un montant de profits
égal à Ces profits accumulés sont premièrement croissants avec
(puisque >0, autrement le
marché n'existerait pas), puis décroissants (car <0 pour élevé),
et ils deviennent éventuellement négatifs pour suffisamment grand.
Cela a deux conséquences :
· Premièrement, il n'est pas optimal pour une
firme de ne jamais recommencer à innover, puisqu'en faisant cela
l'entreprise irait éventuellement droit à la faillite ;
· Deuxièmement, il existe une date à laquelle les
profits cumulés par une firme couvrent juste le coût de la
décision à cette date, ; par construction
est la
solution la plus adéquate de l'équation avec , et ce sera le choix
optimal pour une firme conservatrice.
Maintenant, après l'innovation à la date , la firme recommence
avec un profit accumulé nul et donc fait face au même
problème de maximisation qu'à la date . Le même argument
(ci-dessus) montre qu'il est optimal pour une firme d'innover toutes les périodes.
Pour conclure, étudions brièvement le cas
opposé des managers « technology addict »,
ces derniers tentent de maximiser la fréquence d'innovation, c'est la
clé de leur survie au niveau financier. Nous supposons encore que les
firmes qui entrent avec une richesse et innovent à la
date 0, une fois entrée sur le marché ont une richesse initiale
à la période 1 . Ensuite, le choix de
la décision optimale pour un « technology
addict » est qui est la plus petite
solution de l'équation avec .
IV. Analyse du modèle
L'objectif de cette section est d'analyser les effets des
politiques de la concurrence et industrielles dans ce modèle. Dans notre
esprit, la concurrence peut être mesurée par (qui détermine
la substituabilité des biens), ou par le nombre de
variétés de biens intermédiaires (de producteurs aussi).
est exogène
dans leur modèle mais peut être influencé par les
conditions d'entrées, comme la libre entrée et sortie
sur le marché des biens intermédiaires.
Les politiques industrielles sont représentées
par le paramètre (coût d'adoption de la nouvelle technologie), qui peut diminuer
avec la mise en place de subventions gouvernementales. Tandis qu'à
première vue, elles devraient favoriser la recherche et
développement donc la croissance, dans la pratique, les résultats
sont souvent mitigés, généralisant la peur de
l'intervention de l'État dans tous les domaines.
i. Un argument intuitif
Regardons, premièrement, la réaction d'une seule
firme en gardant
constant. Dans le cas de la maximisation du profit, la condition du premier
ordre de (P) implique :
Ø Le membre de gauche de cette équation est
positif, augmentant avec et diminuant avec .
Si une augmentation de , autrement dit du
degré de concurrence, conduit à diminuer puis
à
augmenter, ce qui est le résultat classique de l'effet
schumpétérien : puisque est un coût fixe
menant à la réduction des coûts marginaux, l'incitation
à le dépenser augmente avec le pouvoir de marché mais
diminue avec l'intensification de la concurrence.
è Dans ce cas, la concurrence affect
négativement l'incitation à innover.
Que se passe t'il si on ne cherche pas à maximiser le
profit de la firme. Une réduction du coût d'adoption de la
technologie diminue la date d'acquisition de la première innovation
, mais augmente la
date d'adoption de la prochaine innovation : le
manager conservateur peut s'accorder une longue période de perte avant
l'innovation puisque le coût de l'innovation est plus faible.
Par contre, si plus de concurrences (ce qui équivaut
à une augmentation de ou de) réduit , cela impliquera une
augmentation de et
une baisse de
: le manager conservateur sera contraint de réduire les pertes
pour survivre, ce qui signifie acquérir une innovation rapidement afin
d'abaisser ses coûts de production. Autrement dit, l'intervalle
de temps qui sépare deux innovations diminue avec la concurrence.
è Si on cherche juste à survivre, on
remarque que la concurrence nous incite à innover.
ii. Analyse générale
En fait, l'intuition de cette première sous partie
reste valide dans l'équilibre général, c'est-à-dire
en ajoutant à (P) et (F) la condition et la demande de
travail à l'équilibre (L). Plus précisément, pour
un ensemble non vide des valeurs des paramètres, il existe un unique
équilibre quand les firmes sont toutes soit
« conservatrices » soit « technology
addicted », et au moins un équilibre quand les firmes
maximisent leurs profits.
Nous considérerons premièrement, l'effet d'une
augmentation du degré de
substituabilité entre les biens intermédiaires, puis nous
étudierons ceux qui sont dus à l'augmentation du nombre de producteurs de biens
intermédiaires. Puis, nous conclurons cette partie en discutant des
mesures de la concurrence.
a. Élévation du degré de
substituabilité entre les biens intermédiaires
Nous allons nous concentrer sur un cas simple : l'effet de
l'augmentation de
sur le choix de décision de d'un manager
conservateur, considérant le nombre de producteurs de biens
intermédiaires constants, . En se
référant à la figure 2, on peut observer que :
· La richesse est inférieure au coût
d'acquisition de la nouvelle technologie pour et pour .
Aussi, l'équilibre dans lequel on retarde le plus
l'innovation se produit au point E où la richesse accumulée
décroît plus rapidement que le coût. Pareillement, une
augmentation du degré de substituabilité des biens
intermédiaires, donc de la compétitivité, réduira
le profit accumulé et la date d'innovation , et par
conséquent amplifiera la croissance.
è Contrairement au cas où l'on
considère la maximisation du profit, une décroissance du profit
accumulé a pour effet d'inciter les managers conservateurs à
accélérer leurs activités de R&D.
o PROPOSITION 2 :
Pour et
suffisamment large, une intensification de la concurrence,
mesurée par un plus haut degré de substituabilité entre
les biens intermédiaires, favorise la croissance, à
condition de ne pas chercher à maximiser son profit.
b. Augmentation du nombre de producteurs de biens
intermédiaires
Pour analyser l'effet du nombre de producteurs de biens
intermédiaires, les auteurs se sont lancés dans une étude
de statique comparative, aboutissant à la proposition suivante :
o PROPOSITION 3 :
Pour et
suffisamment large une augmentation de la concurrence sur le
marché des produits (N plus élevé)
réduit la croissance et favorise les subventions (f plus faible), ce qui
permet un retour de la croissance, dans le cas de la maximisation du profit et
des « technlogy addict », l'inverse est vrai pour le cas de
la non-maximisation du profit.
Nous confirmons ainsi l'intuition simple
développée précédemment.
v Remarque :
Aghion, Dewatripont et Rey ont choisi de donner de
l'importance aux effets sur l'innovation et la croissance du nombre et du
degré de substituabilité entre les producteurs
intermédiaires. Cependant, on peut penser à d'autres mesures. Par
exemple, introduisons la possibilité d'imiter. Supposons qu'avec la
probabilité , une technologie de qualité peut être
« imitée » par un outsider qui peut produire le
même bien intermédiaire à un coût marginal,
arbitrairement proche de zéro. En utilisant la même
représentation de l'équilibre que celle de la proposition 2, on
peut montrer que pour un pas trop petit, une augmentation dans le taux d'imitation aura
aussi pour effet de favoriser l'innovation et la croissance, dans le cas de
manager conservateur.
V. Le rôle disciplinant du marché des
capitaux
Nous allons maintenant nous intéresser à
l'influence de la dette d'une entreprise sur ses décisions
stratégiques concernant l'activité de recherche et
développement. Ainsi, nous « ouvrons » un
marché des crédits. On suppose que le créditeur de la
firme intermédiaire peut liquider cette dernière dans le
cas où elle n'aurait pas réussi à rembourser sa dette. On
pose, par hypothèse, que :
(1). À partir du moment où les
remboursements du créditeur n'ont pas été honorés,
la liquidation est irréversible sans possibilité de
renégociation ;
(2). Une garantie est exigée pour contracter
une nouvelle dette dans le futur.
Le point fort de cette étude est de montrer
précisément qu'une « forte » dette
contractée rend la menace de liquidation crédible, ce qui peut
être un instrument puissant pour inciter les managers qui ne cherchent
pas à maximiser leurs profits, mais d'abord à maintenir leurs
firmes sur le marché et à honorer leurs paiements chaque fois
qu'ils le peuvent. En retour, cela implique que le marché des
crédits ne leur prête de l'argent que lorsqu'ils estiment que la
firme est capable de respecter la dette contractée. Pour
déterminer l'équilibre, nous devons faire deux hypothèses
supplémentaires :
(3). L'application de nouvelle technologie est
inobservable par un créditeur potentiel. L'hypothèse (3)
exclut la possibilité de complication financière ;
(4). Il y'a une offre de crédit parfaitement
élastique au taux d'intérêt sans risque, .
L'hypothèse (4) suppose que les firmes ne peuvent pas souffrir
d'un problème de liquidité, leur permettant d'être
solvable. Les firmes peuvent toujours emprunter à un taux
d'intérêt , lequel est
aussi égal au taux de préférence pour le présent
des consommateurs.
Sans perte de généralité, nous pouvons
alors restreindre l'attention standard menant à une dette :
(i) Un prêt initial « »
accordé à une firme de bien intermédiaire ;
(ii) Une croissance ajustée constante des
remboursements planifiés (à l'état stationnaire), qui est
, à la date
si est le
crédit initial contracté à la date 0.
Qu'est ce qui détermine la solvabilité
des firmes intermédiaires ou leurs capacités à
rembourser ? La valeur nette actuelle de leurs profits dépend de
leurs choix futurs.
Étant chargées de rembourser leurs dettes, les
firmes se verront contraintes d'adopter le choix de la maximisation du profit,
afin de pouvoir honorer leurs engagements et d'éviter ainsi la
liquidation. La proposition suivante montre, à l'état
stationnaire, que l'effet disciplinant de la dette est extrêmement
puissant.
o PROPOSITION 4 :
Lorsque les firmes intermédiaires peuvent accumuler
leurs dettes comme décrit par les hypothèses (1)-(4), à
l'état stationnaire le montant d'équilibre de la dette mène
à l'adoption de décision qui maximise le profit, même pour
un entrepreneur conservateur.
Une firme qui a accumulé une dette d'un montant n'à qu'un seul
moyen de respecter son engagement, celui d'acquérir des nouvelles
technologies au taux définit par la maximisation du profit. N'importe
quelle déviation de cette stratégie conduira à la
liquidation, comme indiqué par l'hypothèse (1).
De plus, l'hypothèse (2) stipule qu'on ne peut pas
contracter une nouvelle dette pour gagner du temps. Ainsi, le montant maximum
qu'une firme peut emprunter est , et implique le taux
d'innovation . On
peut observer que n'importe quel niveau de dette autre que (et son taux
d'innovation associé) n'est pas un équilibre. Seul et émergent
à l'état stationnaire.
è À l'état stationnaire, le
rôle disciplinant de la dette élimine complètement les
comportements conservateurs et « technology
addict » que nous avons évoqués dans les sections
précédentes. Revenant ainsi dans un monde
Schumpétérien.
v Cette proposition est-elle robuste ?
Aghion et al. remettent en cause les différentes
hypothèses, établissant notamment que le montant de dette n'est
que faiblement optimal pour un entrepreneur conservateur. Finalement, ils
aboutissent à la conclusion que la proposition 4 n'est valable
qu'à l'état stationnaire.
VI. Remarques conclusives
Ce papier a introduit les considérations des agents
dans un modèle d'innovation et de croissance. Il a montré que les
comportements individuels des firmes peuvent radicalement affecter l'impact des
politiques industrielles et de la concurrence : avec des firmes
maximisant leurs profits, la concurrence sur le marché des produits tend
à réduire la croissance dans notre modèle, alors que
subventionner l'innovation tend à la promouvoir ; tandis qu'avec
des firmes conservatrices, ces deux effets sont inversés.
Le rôle disciplinant de la dette a
été prouvé grâce à leur modèle. Son
effet est si puissant qu'il oblige, à l'état stationnaire, les
firmes conservatrices à maximiser leurs profits.
Synthèse 2 :
Dans leur modèle d'innovation
« step-by-step » Aghion et al. identifient deux
effets de la concurrence sur l'innovation. La concurrence peut
augmenter le bénéfice progressif de l'innovation, car
l'incitation à innover provient du différentiel de profit
post-innovation et pré-innovation, ce qu'ils nomment par l'effet
« échapper à la concurrence".
Cependant la concurrence peut aussi réduire l'incitation
à innover des traînards, ceci provient du fait
que les firmes voient leurs profits futurs se réduire
et elles ne sont plus incitées à innover, ce qu'ils ont
appelé l'effet « Schumpeter ». Le solde
entre ces deux effets est différent selon que le degré de
concurrence soit élevé ou non, générant ainsi la
forme de U-inversé.
Acemoglu et al. nous montre l'importance majeure de
l'innovation (passé ou future) dans la convergence des économies
vers la frontière technologique mondiale. Leur
modèle montre la dynamique que doit suivre une économie
pour converger. Une nation éloignée de la frontière optera
pour une stratégie à base d'investissements, et au fur et
à mesure qu'elle s'en rapproche elle adoptera une stratégie
d'innovations, impliquant une sélection plus rude des firmes et de leurs
managers. Il établit la nécessité fondamentale
d'avoir des institutions et des politiques appropriés. En effet, si peu
de concurrence permet de poursuivre plus longtemps la stratégie
d'innovations, une limitation abusive de la concurrence peut empêcher la
nation de modifier sa stratégie et la conduire ainsi vers la trappe de
non convergence où sa croissance s'arrêtera.
Denicolò et Zanchettin reconsidèrent la relation
entre concurrence et croissance dans un modèle
Néo-Schumpétérien standard avec amélioration de la
qualité. Ils s'intéressent au cas où l'innovation est
non-drastique. Ils démontrent que l'incitation à innover
augmente avec l'intensité concurrentielle impliquant ainsi une
élévation du taux de croissance de l'économie.
Le modèle développé par Aghion,
Dewatripont et Rey prend en compte les considérations des agents. Ils
établissent ainsi que l'impact de l'intensité de la concurrence
sur la croissance dépend du comportement adopté par les managers.
Si on considère la maximisation du profit des firmes, l'argument
Schumpétérien est à l'oeuvre, aussi la concurrence
dissuade l'adoption de nouvelle technologie donc la croissance. En
revanche, si l'économie se compose de firmes dirigées par
des entrepreneurs « conservateurs » dont
l'unique désire est de retarder l'acquisition de nouvelles technologies,
tout en évitant la faillite. L'argument Darwinien stipule que la
concurrence est un outil qui permet de discipliner les managers, favorisant
l'innovation donc la croissance. Le rôle disciplinant de
la dette a été prouvé grâce à leur
modèle.
De notre étude, il ressort que les économistes
ne semblent pas s'accorder sur la forme de la relation mais sont d'accord sur
le fait que la concurrence favorise la croissance jusqu'à un certains
seuil. Espérons que l'expérience présentée dans la
troisième partie pourra aboutir sur des comportements robustes
d'innovations.
TROISIÈME PARTIE
Étude expérimentale de la relation
entre concurrence et innovation
Nous avons analysé l'impact d'une hausse de
l'intensité de la concurrence, sur le marché des produits, sur
l'incitation à innover en équilibre partiel et sur le taux de
croissance en équilibre général. Il se dégage de
cette étude, que la forme de cette relation dépend fortement des
hypothèses adoptées.
Pour clore cette analyse, j'ai décidé de vous
présenter une expérience dont l'objectif est de tester la
relation entre concurrence et innovation.
Depuis quelque temps, on observe l'essor de l'économie
expérimentale qui est très utilisée dans le domaine de
l'économie industrielle. Cette dernière a pour objectif de tester
la théorie. Étant donné qu'il est difficile pour les
économistes de s'accorder sur la forme de la relation entre concurrence
et innovation, pourquoi ne pas faire appel à l'économie
expérimentale pour voir si on peut déboucher sur un
résultat robuste empiriquement. Aussi, je trouve intéressant de
vous présenter cette expérience très enrichissante
réalisée par Cantner, Güth, Nicklish et
Weiland : « Competition in product
design : an experiment exploring innovation behavior
».
Dans leur modèle, innover permet d'améliorer la
qualité du bien final. Le succès d'un innovateur est
récompensé par une rente de monopole temporaire.
Ils considèrent un marché constitué d'un
duopole, où il n'y a pas de concurrence par les prix. Ils supposent
également que les sujets sont symétriques en ce qui concerne les
coûts de recherche et l'appropriation de la rente. Ils divisent les
sujets en sous-groupes, par type d'investisseurs et démontrent ainsi que
la majorité des sujets conditionne leurs investissements au
degré de concurrence mesuré par les ventes, tandis que pour les
autres aucune corrélation n'est vérifiée.
Notre étude débutera par la présentation
détaillée de leur modèle théorique. Ceci
étant, nous poursuivrons en présentant le protocole
expérimental. Puis, nous définirons le benchmark
théorique afin de pouvoir procéder à l'analyse des
résultats.
I. Modèle
Durant l'expérience, les sujets doivent concevoir un
« bien » A, une voiture par
exemple. Ce produit est composé de multiples composants (couleur,
moteur,...) que nous appellerons a1, ....,
an. Pour chacun de ces composants, il existe
différentes spécifications mj =
aj 2, (avec j = 1, ..., n).
Ainsi, à chaque période
t, les sujets i = 1,2
sélectionnent ou maintiennent une spécification
xij par composant, parmi les
différentes alternatives aj1,...,
ajmj dont ils disposent pour chaque
composant j.
L'objectif des sujets est d'identifier les
préférences des consommateurs
a1*, ....,
an* (données exogènes).
Plus leur configuration
Ai, définie par
xij,..., xin, se
rapproche de la spécification idéale de chacun des
composants (j = 1,..., n), plus
élevé sera leur profit. Pour aligner leur conception sur
la configuration optimale, les sujets peuvent pour un coût de
c, (c>0) et par tentative de recherche,
explorer certains ou toutes les n alternatives.
Au coeur du jeu répété, les sujets sont
libres d'identifier et d'adopter les spécifications idéales des
différents composants. Ils sont régulièrement mis au
courant des activités de recherche antérieures des concurrents et
de la performance économique.
Pour n'importe quel choix xij
du sujet i = 1, 2, nous
définissons « the former's distance
1 » du composant
aj* par :
Ø Autrement dit, si j'ai trouvé la bonne
spécification xij =
aj* de
aj alors
äij (xij, aj* )
vaut 0 et 1 sinon.
La demande est positive si le sujet a au moins
spécifié un aspect correctement.
Ils définissent, arbitrairement, que chaque composant
spécifié correctement augmente la demande de deux unités,
tandis que les composants mal spécifiés ne rapportent rien.
Ce cadre peut s'interpréter comme de la concurrence
entre deux firmes activent sur n marchés (un pour
chaque composant) sur lesquels ils peuvent entrer, après que la
spécification idéale eut été découverte.
i,jt
(xijt, x-ijt)
représente la demande que le sujet i attire,
à travers le composant aj à la date
t. Définissant ainsi :
.
Ø Si les sujets coïncident correctement, dans la
spécification d'un composant, la demande totale est divisée,
équitablement, entre eux. Autrement dit, chacun reçoit une
unité.
Ø Au contraire, si seulement un sujet spécifie
correctement un composant, il s'approprie la demande totale de ce composant,
soit deux unités.
__________________
1 the former's distance correspond à la
distance qui sépare le composant choisit par le joueur de la
spécification idéale.
Pour simplifier, ils supposent un coût de recherche et
développement, uniforme et constant c,
(c>0). Il s'agit du coût de
l'investissement. Ces coûts représentent les coûts
de commutation et sont seulement encourus si le sujet i choisit une
nouvelle spécification pour le composant aj.
Il peut revenir à la spécification
antérieure de chaque composant gratuitement.
La variable ãijt
représente les dépenses de commutation qui sont
encourues par le sujet i en choisissant une
spécification d'un composant aj
pour la première fois à la date
t dans l'intervalle 1 = t =
T,
Ø Les dépenses sont nulles si le sujet
n'investit pas et elles sont égales à deux si il investit dans la
R&D.
Le profit global (non actualisé) des sujets
i = 1,2, qui résulte de leurs interactions
durant t = 1,..., T périodes est :
.
À la fin de chaque période, les deux sujets
reçoivent des informations sur la configuration du concurrent
A-i.
En l'absence de nouvelles restrictions, il est
possible d'imiter les composants idéalement spécifiés par
le concurrent sans avoir à investir dans la R&D. Aussi,
pour protéger l'innovateur, c'est-à-dire le premier qui
découvre la «bonne » spécification
aj* du composant
aj à la date
t < T, nous introduisons un
monopole temporaire (ou brevet) pour k période,
k > 0. Pendant la durée du brevet,
c'est-à-dire de la période t à
la période t+k, l'imitation de
aj* n'est pas
autorisée. Une fois que le brevet a expiré, le concurrent peut
choisir aj*ce qui lui
coûte deux unités.
Dans ce contexte, c
représente le coût de R&D ou bien le coût
d'imitation. Si les sujets identifient indépendamment
aj* en même
temps, ils peuvent librement choisir
aj* après.
II. Protocole
L'expérience a été réalisée
au Laboratoire de l'Institut d'Économie de Max Planck et a
impliquée un total de 72 étudiants de l'Université de
Jena, la majorité d'entre eux se spécialisant dans
l'administration d'affaires ou l'économie.
Quatre sessions ont été réalisées.
Chacune d'entre elle comprenant deux séquences, d'une course au
brevet, avec 15 périodes à chaque fois. Initialement, les
paires de joueurs ont été aléatoirement formées.
Puis, avant le début de la deuxième séquence, les paires
sont recomposées de façon aléatoire, tout en respectant le
fait que chaque sujet doit être associé à un nouveau
joueur. Aucune communication entre les joueurs n'est autorisée. La
compréhension générale des règles du jeu a
été assurée au moyen d'un questionnaire de contrôle
pré expérimental.
Dans l'expérience, les paires de sujets rivalisent
simultanément dans la recherche de la spécification idéale
de huit composants distincts. Pour leurs faciliter la compréhension du
jeu, on leur fournit un encadrement intuitif, à savoir que les
sujets doivent concevoir une automobile et cette dernière est
composée de multiples composants (couleurs, moteur,...). Pour chacun
d'eux, ils existent plusieurs alternatives (bleu, rouge, noir,..., pour la
couleur).
Chaque fois que la spécification correcte d'un
composant a été trouvée, la demande globale du produit
augmente de une ou deux unités. Les sujets sont libres de modifier ou de
maintenir un ou plusieurs composants de leur conception actuelle à
chaque période.
À la fin de chaque période, les sujets
reçoivent des informations sur leur conception, sur leur succès
d'investissement dans la recherche, c'est-à-dire lorsqu'un joueur
obtient un brevet et sur la performance économique. Toutes ces
informations sont connaissances communes.
Les paramètres suivants ont été
utilisés : chaque sujet a reçu une dotation de 40
unités au début de chaque séquence. Il n'y a eu aucune
nouvelle dotation. Bien que ce soit théoriquement possible dans
l'expérience d'épuiser entièrement son compte, atteignant
ainsi la faillite, cela ne s'est pas produit. Ils peuvent utiliser ces
unités pour investir dans huit composants distincts, définissant
ainsi leur « produit ».
Il existe deux types de composants qui diffèrent par
leur niveau de risque.
· Le premier type est composé de huit
différentes spécifications (mj=8)
· Le second n'en contient que quatre (mj=4), il est plus
attractif en terme de profitabilité de la recherche, donc moins
risqué.
Si on a attribué un brevet, il protége son
propriétaire de l'imitation pour une durée de k = 4
périodes.
Les bénéfices accumulés sont convertis en
euros au taux de change de 1 unité = 0.08 euros.
Il a fallut environ 65 minutes aux participants pour finir les
deux séquences pendant lesquelles, ils ont gagné en moyenne 18.78
euros (3.16 euros) 2. La différence entre le gain le
plus élevé (25.70 euros) et le plus faible (7.54 euros), rend
compte que le succès d'innovation varie considérablement parmi
les concurrents.
____________________
2 les chiffres entre parenthèse correspondent
à la variance.
III. Benchmark
Pour évaluer la qualité et la cohérence
des décisions d'investissements observées, Cantner et son
équipe ont exécuté une simulation de leur modèle
théorique pour établir un benchmark 3
numérique.
Ils estiment une régression linéaire pour
quantifier l'effet du type de risque du joueur et celui du concurrent avec
lequel il interagit sur son profit. Les résultats sont
présentés Tableau 1. Le modèle considère
le type de risque du joueur (ro), celui de notre concurrent
(rc) et leur interaction (ro x rc). Il s'avère, que ro et rc
influencent positivement notre profit.
Covariate
|
Estimate
|
Std.error
|
p-value
|
Intercept
|
13.06
|
0.721
|
<0.001
|
ro
|
13.49
|
0.142
|
<0.001
|
rc
|
7.71
|
0.141
|
<0.001
|
ro x rc
|
-1.40
|
0.028
|
<0.001
|
Le tableau 2 est une matrice des gains qui
présente les profits moyens par séquence, résultant de
l'interaction des agents qui sont classés par type de risque (r). Cette
présentation nous permet de tirer immédiatement
l'équilibre unique de ce jeu simple. Chaque joueur
adoptera le type de risque le plus élevé (r*=8) gagnant ainsi 108
unités.
ri,r-i
|
1
|
2
|
3
|
4
|
5
|
6
|
7
|
8
|
1
|
40,40
|
40,40
|
40,40
|
66,94
|
66,94
|
66,94
|
66,94
|
84,121
|
2
|
40,40
|
40,40
|
40,40
|
66,94
|
66,94
|
66,94
|
66,94
|
84,121
|
3
|
40,40
|
40,40
|
40,40
|
66,94
|
66,94
|
66,94
|
66,94
|
84,121
|
4
|
94,66
|
94,66
|
94,66
|
80,80
|
80,80
|
80,80
|
80,80
|
100,108
|
5
|
94,66
|
94,66
|
94,66
|
80,80
|
80,80
|
80,80
|
80,80
|
100,108
|
6
|
94,66
|
94,66
|
94,66
|
80,80
|
80,80
|
80,80
|
80,80
|
100,108
|
7
|
94,66
|
94,66
|
94,66
|
80,80
|
80,80
|
80,80
|
80,80
|
100,108
|
8
|
121,84
|
121,84
|
121,84
|
108,100
|
108,100
|
108,100
|
108,100
|
108,108
|
è Nous constatons ainsi que la solution unique
de ce jeu simultané simple est un équilibre de stratégies
dominantes.
____________________
3 le benchmark correspond à un point de
référence permettant d'analyser et de mieux comprendre les
résultats.
IV. Résultats
i. Comportement régulier
d'investissement
Analysons d'abord les choix globaux d'investissements. La
figure 1 4 montre la distribution d'investissements
à travers toutes les périodes des deux séquences et
illustre les revenus des sujets et leurs profits par période.
Les investissements initiaux, dans chaque séquence,
débutent à un niveau élevé. L'investisseur
médian dépense le maximum possible dans la séquence 1 (il
dépense 16 unités), tandis que dans la deuxième
séquence, il se situe légèrement en dessous de la limite
d'investissement (il dépense 12). Dans les périodes suivantes,
l'intensité de l'investissement décroît avant de se
stabiliser à un niveau faible à la fin de la première
moitié de la séquence. Les brevets expirés du
rival sont imités sans retard, représentant
l'activité élevée d'investissements autour des
périodes 6 et 7. Ensuite l'activité d'investissements baisse
à un niveau marginal pour le reste de la séquence. Ceci peut
s'expliquer par le fait que le modèle ne fournit pas d'occasions
continues d'investissements* une fois que l'on a accordé un
brevet d'invention dans un composant, l'investissement dans ce domaine est
inutile, on a juste à payer le coût d'imitation.
Le tableau du milieu et celui de droite de la figure 1
représentent l'évolution des revenus et des profits par
périodes à travers la séquence. Les deux courbes sont
quasiment semblables, la seule différence entre les deux est le
coût de recherche que l'on a retiré au revenu pour obtenir le
profit.
è Notez que la baisse de la différence
des profits marginaux entre les concurrents illustre l'érosion de la
rente due à la concurrence, en l'absence de mise en application de droit
de propriété intellectuelle.
v Résultats 1 : Le taux d'investissement
est maximal au début de la course au brevet et diminue
continuellement. Les revenus et les profits par période augmentent
rapidement et convergent vers un niveau de demande maximale, sans coût de
recherche que les concurrents partagent équitablement.
è La concurrence stimule l'incitation à
innover au début, puis rien n'est fait pour protéger
l'innovateur, aussi le taux d'investissement diminue. Trop de concurrence
inhibe l'incitation à innover.
Intéressons nous maintenant au rôle de
leadership pendant la course. Plus particulièrement,
étudions dans quelle mesure la position relative d'un
sujet, être en avant ou en arrière, en terme de
profits accumulés est dirigée par la dépendance au
brevet. Nous constatons que la probabilité du leader actuel de
maintenir son rang, dans la séquence, augmente de façon monotone
à travers les périodes. À la fin de la première
période, il n'est pas encore possible de discerner le gagnant le plus
probable de la course au brevet. Pourtant, il devient de plus en
plus évident que le leader actuel gagnera finalement la
course.
____________________
*un papier de Cantner, Nicklish et Weiland
soulève ce problème en considérant une course au brevet
dans laquelle les agents sont autorisés à poursuivre leurs
activités de recherche durant toute la séquence.
4 la figure 1 est présentée en annexe
page 137.
La probabilité empirique de gagner,
éventuellement, la course, si on est en avance sur son concurrent, est
égale à 74 % à la période 3 ; 84 % à la
période 6 ; 94 % à la période 9. Ensuite, ils n'observent
pas de changement de leader. Ils en déduisent que, dans la plupart des
cas, la position relative des rivaux ne se modifie pas dans une
séquence, si chacun est enclin à négliger le
trouble dans les deux premières périodes de la
compétition.
Le changement dans la structure
« leader-follower », mentionné
également comme le « leap-frogging
4 » sont largement discutés dans la
littérature économique sur la concurrence. Leurs données
suggèrent que « success breeds
success » (le succès entraîne le
succès). De même dans une analyse empirique de trois cent une
sociétés allemandes dans le secteur industriel, Flaig
et Stadler (1994) démontrent une influence significative des innovations
antérieures d'une firme sur son incitation à innover actuelle.
Si un follower n'a pas été capable de
réaliser une innovation dans la première moitié de la
séquence, il restera probablement derrière.
v Résultats 2 : Le « leap
frogging »5, dans le sens où un
follower dépasse un leader est rare. De plus, le laps de temps
assez court pour investir dans la recherche, exclut une nouvelle dynamique de
concurrence dans la deuxième moitié de la séquence.
è La position relative prise par un sujet a peu
de chance de se modifier
ii. Déterminants du taux
investissement
Pour examiner le modèle, dans lequel l'investissement
diminue avec le temps, Cantner et son équipe calculent la
propension moyenne pour la population type de s'engager dans une
activité de recherche risquée à chaque
période. Ils considèrent qu'un investissement, dans un
composant, est risqué, si ce dernier contient au moins deux aspects
inexplorés.
____________________
5 leap-frogging signifie que le follower
dépasse le leader, devenant leader à son tour.
Le tableau situé à gauche, dans la figure 2
nous révèle que le taux d'investissement dans une
activité de recherche risquée diminue considérablement
avec le temps. On peut distinguer trois phases :
§ Une phase initiale, où la propension à
investir est élevée (période 1-3).
§ Une phase dans laquelle le taux d'investissement
s'atténue, mais ne décroît pas (période 4-12).
§ Une phase finale, où l'on observe que la
propension à investir tend vers zéro (période 13-15).
Les différences entre les trois phases peuvent
être expliquées : initialement, les rivaux sont
symétriques avec une dotation identique et aucun brevet d'invention.
Puisque les brevets ont pour conséquence l'attribution d'une
rente temporaire, donc un profit plus élevé pour leurs
propriétaires. Les sujets sont fortement incités à
investir dans la recherche, et ce dès le début de la course
au brevet. Par la suite, le taux d'investissement diminue et se
stabilise aux alentours de 40-50%, et moins de la moitié des
investissements risqués disponibles est poursuivie. Certains
brevets ont été déposés, donc on investit moins, on
opte plutôt pour l'imitation.
Vers la fin de la séquence, les sujets s'abstiennent
d'investir, la plupart des spécifications idéales sont
découvertes. De plus, les joueurs savent que le jeu se termine
aussi ils ne voient pas l'intérêt de déposer un
brevet.
Le tableau situé à droite de la figure
2, nous montre que les choix d'investissements dans la recherche
risquée sont corrélés à la part du profit du joueur
dans les profits totaux (accumulés). S'ils ont choisi cette
statistique, c'est parce qu'ils considèrent que la distance relative
entre les profits des concurrents constituent une mesure appropriée de
l'intensité de la concurrence dans une course au
brevet. La statistique de « profit relatif »
d'un sujet par rapport à son rival est définie comme la
différence entre son profit et le profit du rival, que l'on divise par
la somme de leurs profits.
À première vue, ce tableau nous indique que la
plupart des observations se situent dans un intervalle, où le profit
relatif oscille entre -0.5 et 0.5. On remarque que le taux d'investissement et
le profit relatif sont, très faiblement mais significativement,
corrélés ( < 0.086, avec p < 0.001).
Une autre caractéristique dans la relation entre la
concurrence (mesuré par le profit relatif) et le taux d'investissement
est la présence d'un sommet prononcé dans la propension à
investir (au niveau de 65 %) dans l'intervalle [-0.1, 0.1]. L'opposition du
taux d'investissement entre le sommet et l'extérieur confirme que le
changement vertical entre les deux échantillons est fortement
significatif (p < 0.001).
Cela fournit une preuve expérimentale forte que la
concurrence entre deux firmes identiques, comme discuté dans Aghion
et al (2005) et Palokangas (2006), incite les sujets à
défier le leader actuel (si on est derrière) ou défendre
sa position (si on est leader). Un tel effet est à peine compatible
avec la rationalité puisque la position relative de concurrents est sans
rapport avec les retours d'investissements.
Ainsi, le changement significatif dans le comportement
d'investissement des sujets peut être attribué aux effets
psychologiques (par exemple, étant peu satisfait de sa propre
performance). Bien qu'ils ne fournissent pas de motivation monétaire
autre que le profit, devenir le leader provisoire ou
éventuel dans la course au brevet semble être une
incitation suffisante.
Cette découverte nous laisse présager qu'au
moins une minorité de sujets est négativement affecté
quand ils restent en arrière, dans un environnement
compétitif.
De leur point de vue, de tels sujets intensifient leur
activité d'investissement pour s'approprier le revenu
supplémentaire. Dans le tableau suivant, ils fournissent une vue
d'ensemble des facteurs qu'ils ont trouvés, ayant un impact significatif
sur la propension du sujet à investir.
Covariate
|
Estimate
|
Std.error
|
p-value
|
Intercept
|
1.838
|
0.201
|
<0.001
|
Period
|
-0.386
|
0.04
|
<0.001
|
Period2
|
0.026
|
0.003
|
<0.001
|
Risky
|
-0.114
|
0.017
|
<0.001
|
Leader
|
0.406
|
0.09
|
<0.001
|
Spread
|
0.060
|
0.012
|
<0.001
|
Sequence 2
|
-0.159
|
0.068
|
0.019
|
Les deux premiers coefficients, le linéaire et le terme
de période quadratique, sont tous les deux fortement significatifs.
Conjointement, ils décrivent une baisse (non monotone) de la propension
à investir avec le temps. Ainsi, d'autres facteurs sont constants, les
sujets investissent intensivement le plus tôt possible dans la course et
investissent par la suite avec de moins en moins d'ardeur.
Comme attendu, l'évaluation du coefficient du
risque, c'est-à-dire le nombre de décision risquée qu'il
reste pour la spécification d'un composant, est négatif. Cela
montre que les sujets sont conscients du fait que la rentabilité de la
recherche diminue avec le nombre d'options restantes.
L'estimation positive de la dummy leader signifie que
le fait d'être en avance sur son rival encourage fortement de nouveaux
placements. Ainsi, une performance satisfaisante intensifie de nouvelles
recherches.
Le coefficient « spread »,
marquant la différence des revenus par période entre les rivaux,
est positif.
Si nous assumons que la concurrence est plus rude quand la
différence entre le revenu marginal des concurrents est nulle, ce qui
revient à dire que les entreprises sont identiques, alors on peut dire
que le degré de concurrence augmente le taux d'investissement des
followers, au moins plus qu'il n'inspire les leaders. Lorsque la
concurrence est faible, une augmentation de celle-ci provoque un accroissement
du taux de placement.
Ils ont, également, évalué la
signification et la pertinence économique du profit relatif des rivaux
dont le coefficient s'est avéré être insignifiant.
Cohen, Levin et Mowery (1987) sont parvenus à la
même conclusion, après l'examen empirique de données de la
Fédérale Trade Commission, à savoir que la taille
d'une firme n'a pas significativement d'impact sur l'intensité de la
R&D.
Finalement, ils estiment un coefficient négatif de
sequence2. En effet, l'apprentissage dans la première
séquence incite des sujets à investir légèrement
moins dans la deuxième séquence. Le taux d'investissement de
première période est, notamment, plus bas dans la seconde
séquence qu'il ne l'est dans la première.
v Résultat 3 : La décision
d'investir dans une activité de recherche risquée est
significativement conditionnée à des facteurs
génériques déterminant le retour attendu d'un
investissement et sur les mesures particulières de la performance
relative du sujet.
è La décision d'investir dépend
de différents paramètres
iii. Distinction d'investisseurs audacieux et
prudents
Jusqu'ici, nous avons exploré le comportement global.
Bien que des régularités dans le comportement de recherche aient
été découvertes, ces résultats ne peuvent pas
êtres utilisés pour identifier les modèles comportementaux
qui sont partagés entre des groupes distincts de sujets. Ils vont donc
essayer de classer les participants. À cette fin, ils exécutent
une analyse de groupe sur l'ensemble de données de choix individuels
d'investissement. Pour ce faire, ils utilisent le taux moyen d'investissement
des sujets dans des composants contenant 2-4 ou 5-8 spécifications
différentes.
Ils identifient, ainsi, un groupe minoritaire de sujets (28%)
qui investissent dans une activité risquée de recherche, sans
tenir compte du degré de concurrence. La majorité des
participants (72%) conditionne leur activité d'investissement à
l'intensité de la concurrence :
· Des investisseurs audacieux (type A)
investissent dans 90% des cas, dans lesquels il y a une opportunité de
profit, négligeant le risque d'échec de
l'investissement. Ils évaluent, arbitrairement, le risque
d'investissement comme haut (bas) si les sujets investissent dans les
composants 5-8 (2-4).
· Des investisseurs prudents (type B)
investissent dans 50% des cas où il y'a une possibilité de faire
un profit. En moyenne, ils comptent plus souvent sur l'imitation
(moins risqué).
Conformément aux résultats de leur simulation,
ils constatent qu'un investissement vigoureux mène à des profits
supérieurs. La figure 3 illustre la relation entre
l'intensité de concurrence (différence des revenus) et le taux
d'investissement. Tandis qu'une association linéaire entre les
deux aspects peut être identifiée pour le type d'investisseurs
prudents, le taux d'investissement, des sujets audacieux, est
indépendant du degré de concurrence. L'indépendance entre
la concurrence et l'innovation, pour les investisseurs audacieux, n'est pas
surprenante, comme la propension moyenne d'investissement de ce groupe est
égale à 92% (87%) pour des investissements à bas risque
(haut risque). Il est, cependant, remarquable que les investisseurs qui
ne conditionnent pas leurs investissements sur l'intensité de la
concurrence, représentent presque un tiers (de 27.8%) de la
population.
v Résultat 4 : La majorité des
sujets conditionne leur choix d'investissement sur le degré de la
concurrence, les leaders (follower) sont moins (plus) incités
à investir avec l'élévation du degré de la
concurrence. Environ un tiers de la population poursuit une stratégie
inconditionnelle et vigoureuse d'investissement, en ignorant le degré de
la concurrence.
è L'intensité de la concurrence
influence l'incitation à innover.
V. Discussion
Dans leur scénario de concurrence pour l'innovation,
les paires de sujets peuvent activement investir dans la recherche ou rester
passives, espérant d'une façon opportuniste profiter du
spillovers 6 de l'information.
L'objectif principal a été de rassembler des
données sur les choix individuels, dans une expérience
contrôlée. Permettant, ainsi, d'évaluer le lien entre la
concurrence et l'activité d'innovation.
Comme les modèles de course au brevet
suggérés par Harris et Vickers (1987), leur conception
expérimentale présente tant de l'incertitude que de l'interaction
stratégique. Pourtant, à la différence du modèle
d'Harris et Vickers (1987) et de plusieurs autres modèles de concurrence
pour l'innovation, obtenir un brevet dans leur modèle ne termine pas
l'interaction, mais représente plutôt un succès provisoire
dans une course en cours.
Ils identifient plusieurs facteurs guidant la décision
d'innover. Certains d'entre eux liés aux aspects
génériques de la tâche d'investissement
(critères objectifs), comme la
probabilité de succès ou le temps restant pour investir et
obtenir une rente. Tandis que d'autres conditionnent leur décision
d'investir sur la performance du rival qu'ils prennent comme un point de
référence (critères relatifs),
ils démontrent par ailleurs que le fait d'être en avance
dans la compétition incite plus le leader à investir.
Cela se conforme à la prédiction de
modèles théoriques bien connus sur la concurrence pour
l'innovation, comme ceux de Grossman et Shapiro (1987) ainsi que Harris et
Vickers (1987).
Les choix observés d'investissements sont
conformes à la notion que les followers intensifient leurs
efforts de recherche lorsque le degré de concurrence, mesuré par
les parts de ventes augmente.
Leurs données sont moins facilement
réconciliées avec Aghion et al (2005) qui montrent
empiriquement une décroissance du taux d'investissement des firmes
leaders. En effet, ils ne réussissent pas à reproduire la
relation positive présumée entre la concurrence et l'innovation
pour des industries leaders. Pour eux, moins de concurrence augmente
l'incitation à innover, tant que les coûts attendus de recherche
peuvent êtres couverts par le retour attendu d'une innovation.
Dans l'expérience, les leaders sont toujours incités
à innover.
Un groupe plutôt homogène de sujets,
représentant environ un tiers de la population type, ne se conforme
à aucune des prédictions d'interaction leader-follower
des modèles théoriques sur la dynamique industrielle.
Les membres, de ce groupe, investissent constamment dans la recherche
indépendamment de la progression de la course, de la probabilité
de succès de la recherche et le degré de concurrence.
Initialement, on pourrait expliquer cela par la neutralité au risque.
Mais plus tard dans la course, les sujets semblent être stimulés
par le caractère de l'interaction du tournoi, leur inspirant un
désir de gagner. Bien sûr, une préférence stable
comme la curiosité pourrait aussi expliquer un tel comportement
d'investissement.
____________________
6 Terme définit en annexe.
Conclusion
Le débat sur la forme de la relation entre concurrence
sur le marché des produits et l'incitation à innover
débute en 1943 lorsque Schumpeter évoque le fait que trop de
concurrence inhibe l'activité de R&D, étant donné que
la concurrence réduit le profit post-innovation qu'espère obtenir
l'innovateur. Les économistes nomment cela la « dissipation de
la rente ». Arrow rétorque vingt ans plus tard, qu'une firme
en place est moins incitée à innover qu'une entreprise en
concurrence, car le différentielle de profit est moindre. En effet, un
concurrent passe d'un profit nul à la rente de monopole, alors que la
société en exercice se remplace. C'est ce qu'on appelle
« l'effet de remplacement ». Autrement dit, la concurrence
favorise l'innovation. Cette vision est l'opposée à celle de
Schumpeter.
De nombreux économistes vont essayer de
démontrer la véritable forme de cette relation. Gilbert et
Newberry, ainsi que Reinganum se place dans le même cadre d'analyse que
Schumpeter et Arrow. Ils supposent qu'une firme en place sur un marché
fait face à l'entrée de concurrents. Une différence
majeure entre ces modèles est la définition du processus de
découverte. Pour Gilbert et Newberry, ils le supposent
déterministe, aboutissant à la conclusion que le monopole est
plus incité qu'un entrant potentiel à innover et va même
au-delà, puisqu'il anticipe et dépose des brevets
anticipés. Ils vont à l'encontre de ce que pensait Arrow. Par
contre Reinganum suppose que le processus est stochastique. Elle confirme ainsi
la vision d'Arrow en démontrant que c'est le concurrent qui est le plus
incité à se lancer dans une activité de R&D.
On comprend déjà que l'impact de la concurrence
sur l'innovation dépend fortement des hypothèses retenues et du
cadre d'analyse. Boone étudie l'impact de la concurrence sur
l'innovation dans un marché où les firmes sont
asymétriques, elles diffèrent par leurs efficacités
productives. Il démontre que si une élévation de la
pression concurrentielle implique une amélioration de la
productivité de l'industrie (effet d'adaptation), elle a
également pour conséquence le fait de réduire le nombre de
variétés de biens (effet de sélection). L'effet de
« sélection » stipule que la concurrence poussera
les firmes les moins efficientes à sortir du marché. L'effet
« d'adaptation » correspond au fait que la concurrence
encourage les firmes à améliorer leurs productivités
plutôt que développer un nouveau bien.
Dans un cadre d'équilibre partiel, on ne peut aboutir
à une relation unique entre la concurrence et l'innovation. Notre
étude se poursuit donc dans un cadre d'équilibre
général. Dans ce cadre d'analyse, Aghion et son équipe
démontrent théoriquement et empiriquement l'existence d'une
relation en U-inversé. En effet, ils développent un modèle
où la concurrence décourage les firmes en retard d'innover, en
revanche elle incite les firmes identiques à se lancer dans une
activité de R&D. La combinaison de ces deux effets,
générant ainsi la relation en U-inversé. Autrement dit,
cela suppose que la concurrence favorise l'activité de R&D, et par
la même la croissance, jusqu'à un certain seuil.
Acemoglu aborde la question de l'impact de la concurrence sur
une firme par rapport à sa distance à la frontière
technologique. Dans son modèle, il partage la vision d'Aghion. En effet,
la concurrence favorise la stratégie d'investissements adoptée
par une économie afin de pouvoir adopter les technologies existantes.
Cependant trop de concurrence peut empêcher la nation de modifier sa
stratégie d'investissements en stratégie à base
d'innovations, se retrouvant ainsi dans une trappe de non-convergence où
sa croissance stagne.
Il semblerait que nos auteurs s'accordent sur le fait qu'un
certain degré de concurrence favorise la croissance. Denicolò et
Zanchettin partage cette vision dans leur modèle
Néo-Schumpéterien. Ils identifient l'effet du prix, de
l'accumulation du profit et de l'efficacité productive associée
à l'augmentation de la pression concurrentielle. L'effet
prix réduit l'incitation à innover, cependant le profit
(espéré) et l'efficacité productive incitent les
entrepreneurs à se lancer dans une activité de R&D. Nos
auteurs démontrent dans quelles circonstances l'effet
efficacité productive domine
l'effet prix. Dans de telles circonstances, les deux effets
combinés de l'accumulation du profit et de l'efficacité
productive permettent au taux de croissance de l'économie de
croître avec le degré de concurrence.
Pour clore cette deuxième partie, nous avons
présenté le modèle d'agence développé par
Aghion, Dewatripont et Rey. Dans leur modèle, ils introduisent les
considérations des agents et analysent l'effet de la concurrence sur la
motivation à adopter une technologie, en ne maximisant pas le profit de
la firme. Une clé de ce papier est que le risque de faillite peut
encourager un manager à rendre sa firme plus productive. Aussi
la concurrence combinée au risque de faillite joue le rôle d'outil
disciplinaire, encourageant l'adoption de nouvelles technologies.
L'expérience de Cantner avait pour objectif de
parvenir à définir des comportements d'innovation robustes. Il
démontre, avec son équipe, que le fait d'être en avance
incite le leader à investir plus dans la R&D. De plus, les followers
sont plus incités à investir dans la recherche lorsque la
concurrence s'intensifie.
Cette analyse de différents travaux théoriques a
été réalisée afin de savoir si on pouvait adopter
un point de vue clair et définitif quant à la relation entre
concurrence sur le marché des produits et l'activité innovation.
La réponse est NON. La littérature sur l'économie
industrielle explique l'impact de décisions anti-concurrentielles
spécifiques sur le bien-être, chacune donnant de l'importance
à un aspect différent, aussi bien que les économistes ne
s'accordent pas sur la forme de la relation entre concurrence et innovation.
Cependant il semblerait que les économistes soient en
accord avec les autorités de la concurrence. Dans le sens où ils
s'accordent sur le fait qu'un certain degré de concurrence favorise
l'innovation, qui s'est avéré être le moteur de la
croissance
ANNEXES
v Jan Boone (2000): « Competitive pressure:
the effects on investments in product and process
innovation ».
- Proof of Proposition 1:
To find out whether a rise in may induce some firms
to exit, consider the effect of on the value of
entering for the least efficient firm in the market, .By the
envelope theorem, this can be written as
By part (ii) of Definition 1, it is the case that . Further, again using
part (ii) of this definition but now applied to pressure as measured by the
cost level of I's opponents (where a fall in is a rise in pressure
on I ), one finds that for . Therefore,
for each
i {1, . . . , I 1} implies . Hence, if , this rise in induces firm
I to leave the market.
Conversely, the only way in which a rise in will solicit more
product innovation, in the sense that product I +1 enters the market,
is that for a
number of firms i.
v Aghion, P et al, (2005), «Competition and
Innovation: An inverted U Relationship».
- Proof of Proposition 1 :
To solve for the equilibrium research intensities and of neck-and-neck and
laggard firms, we use Bellman equations. More precisely, let (respectively, ) denote the steady
state value of being currently a leader (respectively, a follower) in an
industry with technology gap , and let denote the rate of
time discount. We have the following Bellman equations:
In words, the annuity value of currently being a
technological leader in an industry with gap at date equals the current
profit flow ,
minus the expected capital loss from having the
follower catch up by one step with the leader. The annuity value of currently being a
laggard, is equal to the current profit flow plus the expected
capital gain
from catching up with the leader minus the R&D cost . Finally, in the
Bellman equation for a neck-and-neck firm, there is no help factor h because
there is no leader, and n0 denotes the R&D intensity by the other firm in
the same sector; in a symmetric Nash equilibrium both firms' R&D
intensities are equal; that is,
Now, using the fact that each firm chooses its own R&D
intensity to maximize its current value, that is, to maximize the right-hand
side of the corresponding Bellman equation, we obtain the first-order
conditions:
Eliminating the V's between the Bellman equations and first-order
conditions (13) to (17), yield the reduced form R&D equations:
This system is recursive, as the first equation solves for , and then given the second equation
solves for . For
the special case where , we use the relationship to obtain
We immediately see that increases, whereas
decreases with
higher product market competition. This establishes Proposition 1.
- Proof of Proposition 2 :
Let :
According to equation (21) above,
Where :
Thus, we can reexpress the aggregate innovation rate (10) as :
With :
The expression :
is decreasing in , with a unique value :
at which . Therefore, is quasi-concave, with . Therefore, the
inverted-U pattern will obtain whenever , the
escape-competition effect will dominate if and the Schumpeterian
effect will always dominate if .
Now let . One can easily establish that
.
Thus, the inverted-U pattern will obtain whenever
the escape-competition effect will strictly dominate over the
whole interval
whenever
finally, the Schumpeterian effect will dominate over the whole
interval
whenever
Each of the corresponding three regions is nonempty, which
establishes Proposition 2.
- Proof of Proposition 3:
From equations (9) and (21) we have :
where B is defined in the proof of Proposition 2 above. From this
and (11) :
Where From this and Proposition 1 :
So we need only show that :
This clearly holds when . So suppose that . Then we need only
show that :
It follows from equations (20) and (21) that :
So :
Therefore,
which implies condition (22).
- Proof of Proposition 4 :
Note that the expected technological gap is given by :
which can be reexpressed as :
This latter expression is clearly increasing in and therefore with
product market competition. This establishes Proposition 4.
- Proof of Proposition 5:
Since
therefore, will affect and via
its positive effect on . Assume that is interior to the interval . From the envelope
theorem, the marginal effect of B on
is just equal to the direct effect :
which is unambiguously positive. The marginal effect of is . which is therefore
also positive. Therefore, more neck- and-neck industries (those with larger
) have a higher
peak in the inverted U. Moreover, the peak occurs at the value of such that , or equivalently,
The peak lies farther to the right on the line in more
neck-and-neck industries if , where is implicitly defined
by (24). Applying the implicit functions theorem to (24), we get :
where :
,
since :
Therefore, . This establishes Proposition 5.
v Acemoglu, D., Aghion, P., et Zilibotti, F., (2004)
« Distance to Frontier, Selection, and Economic
Growth».
- The participation constraint:
In this appendix we prove that if (sufficient condition)
andis sufficiently
large, the incentive compatibility constraint, (11), is always more binding
than the relevant participation constraints.
Let us denote , where is the payment to the
entrepreneur, and the inequality corresponds to the incentive compatibility
condition. The participation constraint for an old entrepreneur is :
which simply states that the payments minus retained earnings
that are injected must be greater than the wage rate. We will ensure that these
participation constraints hold even when all entrepreneurs inject all their
retained earnings, i.e., when.
The participation constraint for a young entrepreneur is
slightly more involved, since he anticipates potential rents if he remains an
entrepreneur in the future. We can write this constraint as :
where the expected future rent is given by :
,
which uses the fact that future rents correspond to the future
participation constraints being slack. This expression also takes into account
that the entrepreneur is uncertain about this type, and he will receive future
rents when he has high skill or when he has low skill and the economy is in the
investment-based regime, i.e.,
We prove the main result in two steps. First, we prove that
such that, for
, the
participation constraint is slack for young entrepreneurs. Second, we prove
that such that,
for , the
participation constraint is slack for both
low- and high-skill old entrepreneurs. Therefore, if , then the
participation constraints both for young and old entrepreneurs are slack.
For the first step, note that since the young have no retained
earnings, a sufficient condition for the participation constraint not to bind
when the incentive constraint binds is that . Using equation (3)
for equilibrium profits, and the equilibrium wage equation (5), we can
re-express this participation constraint (33) as :
Since and , a
sufficient condition for (34) to hold for all a's is
To establish the second step, observe that the participation
constraints of old low-skill entrepreneurs is slack if and only if .Substituting for , and , we can re-express
this condition as:
Similarly, the participation constraints of old high-skill
entrepreneurs is slack if and only if . Substituting for , and , we can re-express
this condition as:
First, note that a sufficient condition for the LHS of both
inequalities (36) and (37)
to be positive is that ).Second, as long as
, there exists
such that, if
, then both (36)
and (37) hold, i.e., the participation constraint is slack for both the
low-skill and high-skill old entrepreneurs. Therefore, if , then both
participation constraints are slack, even when entrepreneurs inject all their
retained earnings.
- Proof of LEMMA 1 :
Let
It is immediate to verify that the assumption that guarantees that (in particular, note
that if and only
if , and äH
is decreasing in ö). We first show that if , then, for all
a's, young entrepreneurs are assigned to small projects. More
formally, ä < äH , implies that, for all a's,
Since the right-hand side increases in faster than the
left-hand side, to ensure that this inequality holds for is sufficient.
ensures that this is so.
Next, we establish that the retained earnings of an old
low-skill entrepreneur at are as given in (17). Recall first that we have assumed that
participation constraints
are slack even when entrepreneurs inject all their retained
earnings. This plus the fact that capitalists make the contract offers imply
that old low-skill entrepreneurs inject all their earnings, i.e., (see Appendix A).
Retained earnings are therefore equal to the capitalized first period
entrepreneurial earnings. Since, as we proved above, all young entrepreneur run
small projects, a low-skill entrepreneur born at will have a level of
retained earnings equal to . Equation (7) in the
text implies that and adding the interest payments at the rate establishes that the
retained earnings of an old low-skill entrepreneurs at time are as given by
(17).
Next, we show that, if , then old
entrepreneurs operate large projects. We prove that this is the case for a
low-skill entrepreneur. Then, a fortiori, it must be the case for a high-skill
entrepreneur. An old low-skill entrepreneur, if retained, operates a large
project if and only if
Hence,
We first show that, if and , then . To derive a
contradiction, suppose that, for some , we have . Suppose. Hence,
,
contradicting the assumption that . Hence, we have
established that ,
which immediately implies that for all . Thus,(38) can be
rewritten as :
.
Since the left-hand side increases faster in ä than the
right-hand side, ensuring that this inequality holds for is sufficient.
Evaluating it at yields:
which is obviously true. Hence, for all , we have :
And :
which this concludes the proof of the Lemma.
v Denicolò V. et P. Zanchettin (2004) : «
Competition and Growth in Neo-Schumpeterian Models ».
- Omitted details in the proof of Lemma 1:
To prove the first equality in (6), i.e.
note that :
whence the result follows immediately. Next, note that :
From (4) we get :
Substituting into the above expression we get :
because the first and third term on the right hand side cancel
out. But is the
variance of active firms' marginal costs, , and so the second
equality in (6) is obtained.
- Proof of Lemma 2 :
From (6) we have :
where the inequality follows because .
- Proof of proposition 1 :
When C we have and consequently, . Starting from , let us consider the
effect of a small decrease in c, such that becomes positive.
Because we have
:
and so at . On
the other hand, when v is just below , exactly two firms
will be active in the Cournot equilibrium. Thus, . Differentiating we
get :
At , the second and fourth term vanish, and so :
From the first order conditions (3) one obtains
At we have and
thus :
.
But (and so the derivative reduces to
The fraction is positive given the
assumption of decreasing marginal revenue. Clearly, under our assumptions of
constant marginal costs and decreasing marginal revenue we have . It follows that
This means that raises more steeply
than in a left
neighborhood of .
By continuity, it follows that in a left neighborhood
of
- Proof of proposition 3:
Let
and denote two
price levels, with . The move from to
corresponds to an increase in the intensity of competition. We must show that
:
L
for all , with at
least one strict inequality. Note that (3) implies
whenever firms and are active at
equilibrium. Differentiating we get :
whence it immediately follows that :
Inequalities (A1) imply :
provided that there are at least two active firms at , whence it follows
that :
i.e .
Clearly, (A1) also implies . Now suppose to the
contrary that there existssuch that .
Let be the minimum
value of for
which inequality
holds, so that :
And :
These inequalities imply :
and that there exists at least one such that :
Combining (A2) and (A3) we get :
but this violates (A1). This contradiction establishes the
result.
- Proof of Lemma 4 :
First of all, we show that is monotonically
decreasing in .
Differentiating we
get :
A sufficient condition for to be negative is that
. We know from the
proof of Proposition 3 that the ratio decreases with . Moreover, because
:
and
is a convex function of , we have :
for all and for all . Consequently, it suffices to show that when equals the monopoly
price , which
always exceeds the Cournot equilibrium price . From(A4) we have :
Therefore, we must prove that :
or
At , the weak inequality is satisfied as an equality. To conclude the
proof, it suffices to show that the derivative with respect to of the right hand side
of the above inequality is negative. Differentiating we get :
.
This completes the proof that , which implies that
the equilibrium, if it exists, is unique. To show existence, note that and .
Because is continuous, an equilibrium exists.
v Aghion, P., Dewatripont, M., et Rey, P., (1999)
« Competition, Financial Discipline and
Growth ».
- Proof of proposition 1:
Consider an intermediate firm with initial wealth W at date 0.
For B sufficiently large, it is optimal for the conservative manager to never
go bankrupt. The optimal adoption plan thus solves the following programme :
With and
It is straightforward to check that for any , there exists t*(w)
> 0 and
> 0 such that increases for t < t*(w) and decreases for t > t*(w), and becomes
negative t > . Moreover, starting from a plan satisfying (Al)
and (A2) and such that for some ,
a slight increase in would enhance the objective and only relax the constraints in (P).
Hence, without loss of generality, (A2) can be replaced in (P) with :
Now, fix and
consider the set of plans satisfying (A1) and (A2') and such that
Then for positive but small, each must be close to and thus far from implying that no
constraint in (A2) is binding for . But then, a slight
increase, in say,
would still not violate those constraints and would enhance the objective, a
contradiction. Hence, attention can be restricted to the set of adoption plans
such that at least one condition in (A3) is violated. For each such plan, let
refer to the
first occurrence of this violation, and, assuming ,consider the following
change :
The sequence defined by (A1) is
thus only affected for
wheras is defined by
or equivalently
(Note that this is indeed a feasible change: since and t,
is close to is positive for is positive for .)
The impact of this change on the objective is thus given by
:
(using).
But for any in a range cannot exceed and thus is bounded above by
. Hence for any
there
exists such that the above expression is negative for . Hence, for and , any optimal adoption
plan is such that (and thus
for and for ).
- Proof of proposition 4:
Let d* be the net present value of profits under profit
maximization just after adoption
where g = 1/T* is the rate of growth associated to the steady
state defined by T*.
A conservative firm which has accumulated debt d* will choose
the adoption policy T* which is uniquely defined by :
and :
v Figure 1 de l'expérience de Cantner et
al.
v Instruction de l'expérience de Cantner et
al. (non traduites)
The following instructions were originally written in
German.
Thank you for participating in our experiment. We kindly ask
you to refrain from any public announcements and attempts to communicate
directly with other participants. In case you violate this rule, we have to
exclude you from the experiment. If you have any questions, please raise your
hand, and one of the experimenters will come to your place and answer your
questions. In the experiment you will repeatedly
- namely in periods to - interact with one
other participant who has received the same instructions as you have. In each
period of the
interaction, both of you are asked to specify for a product of the interaction,
both of you are asked to specify for a product - namely a car - 8 different
components (color, engine type, . . .), which we call components to . For components to there are eight
different alternatives (e.g., for colors green, blue, red,...), and for
component to , there are four
alternatives which you and the other participant can select.
We will now describe how your choice of vector a and the
other's choice determine
what you will earn in a given period. To do so let us refer
to
For your choice in period , you will receive
Thus, if you miss all eight ideal components by your eight choices
, your success is
0. If you have chosen the right component , then you will receive
from that choice 1 ECU, if the other has done so, too 2 otherwise ().
Altogether you will therefore receive. Thus, in one period
you can earn at most 8×2 = 16 ECU, which requires and for .
However, you will not receive any income in period , if for ..
It is important to note that if you are the first to discover
the ideal specification of component by your choice, say in period , then the other cannot choose i in the next 4
periods. Similarly, if the other is first in finding by in a period t, then you
cannot choose in
the next 4 periods. If both of you find at the same time, you
can both choose
afterwards.
Also keep in mind that you have to pay 2 ECU every
time when you try out a new alternative of any of the 8
components. This rule holds only for new alternatives.
You are free to leave one component unspecified, as well. This
option is free, but you will then definitely not earn any profit for this
component. Your total success score in all period determines your
earnings from which your switching costs K are subtracted. At the start of the
experiment, you will receive an endowment of 40 ECU, so that after 15
periods your profit equals 40+D-K ECU. At the end of the experiment,
your accumulated profit will be exchanged into Euro at the rate of
1ECU = 0.08Euro and will be privately disbursed to you. There
is the unlikely possibility to go bankrupt in this experiment if you spend the
entire endowment on exploration without finding any ideal specification.In this
case you will not receive any profit for the 15 periods.
After each period t you will be informed about
· your own and the other's success (and in period ,
· your own and the other's choice (and ) in period ,
· the optimal alternatives found in the last five
periods (which are unavailable to you, if the other was the first in finding
it, and which are ruled out for other if you were the first to find them),
and
· your and the other's accumulated profit from all
the periods so far.
After receiving this information feedback, we will start the
new period in
which your partner and the ideal choice will remain the same.
After 15 periods, the first sequence is finished and a new sequence of 15
periods starts in which you will be matched with a different participant and
which will feature a new, randomly determined ideal choice .
Before the first period starts, we kindly ask you to answer
several questions concerning the rules of this experiment. Please answer them
correctly. An experimenter will come to your place and explain things when
answers are wrong.
Définitions
· Courbe de Lorenz : Elle a
été développée par Max O.Lorenz comme une
représentation graphique des inégalités de revenu. Elle
peut aussi servir à mesurer l'inégalité d'un actif ou
d'autres distributions.
· Critère de dominance au sens de
Lorenz : Il indique qu'une distribution est meilleure qu'une
autre du point de vue de l'inégalité, dès lors que la
courbe de Lorenz relative à la première distribution est
située en dessous de celle de la seconde distribution. On définit
de la même manière le critère absolu au sens de Lorenz
à partir de la comparaison des courbes absolues des distributions.
· Problème d'hasard
moral : Cela correspond à une situation dans laquelle
un principal délègue une action à un agent avec des
préférences différentes. Cette action n'est pas observable
par le principal.
· Équilibre Markovien
parfait : Un équilibre markovien parfait correspond
à un profil de stratégies , tel que chaque
stratégie utilisée, peu importe la partition, est un
équilibre de Nash.
Pour tout nous avons :
et
· Indice de Lerner : Cet
indice correspond au taux de marge, il est aussi utilisé pour mesurer le
pouvoir de marché d'une firme.
· Innovation drastique :
C'est une innovation qui permet d'abaisser le coût de production
du produit, de telle manière que le prix de monopole est
inférieur au prix pratiqué par les concurrents. Par
conséquent, l'innovateur récupère tout le
marché.
· Innovation non drastique :
C'est une innovation qui permet d'abaisser le coût de production du bien,
mais contrairement à l'innovation drastique, elle ne permet pas à
l'innovateur de pratiquer le prix de monopole car le coût de production
n'a pas suffisamment diminué.
· Spillover : En
français, il s'agit d'un transfert
sectoriel, qui par exemple, caractérise le
transfert de l'information d'un secteur à un autre ou encore d'une
entreprise à une autre.
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