FORMATION : D I U DROITS FONDAMENTAUX
LA PROTECTION INTERNATIONALE DES
POPULATIONS CIVILES DANS LES
CONFLITS ARMES
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MEMOIRE Présenté par: GOULEU TAPA
Blaise Elève Commissaire de Police IIIème cycle
Droits fondamentaux.
Sous la Direction de Jean - Philippe
PETIT Enseignant à l'Université Panthéon - Assas. Paris
II
BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages:
- Jean PICTET: les principes fondamentaux de la Croix Rouge.
- Hans HAUG : humanité pour tout; le mouvement
international de la Croix Rouge. Ed Paul HAUP BERNE, Stuttgart. Vienne 1993
- Yves Sandoz: le droit d'initiative du CICR. Jahrbuch für
Internationales rech, Berlin 1979.
- HENRY DUNANT : Un souvenir de Solferino, Joël CHEBULIEZ,
librairie, 1862
- MERCIER: Crimes sans châtiment, l'action humanitaire en
ex- Yougoslavie, coll. Axes, Bruylant- LGDJ 1994
- ERIC DAVID : Principes de droit des conflits Armées,
Gruylant 1994
- OLIVIER CARTEN et PIERRE KLIEN, Droit d'ingérence ou
obligation de réaction, Bruylant 1994
- MARIO BETTATI : Le droit d'ingérence, ODILE JACOB
1996
- MAURICE TORRRELLI : Le Droit International Humanitaire PUF
1995
- RUSSEN ERGEC : Les droits de l'homme à l'épreuve
des circonstances Exceptionnelles Bruylant 1987
- FREDERIC MAURICE et JEAN COURTEN: L'action du CICR en
faveur des réfugiés et des populations civiles
déplacées. Revue internationale de la Croix-Rouge 1995,No 787
- LES PRINCIPES FONDAMENTAUX DE LA CROIX-ROUGE: Genève
institut HERY-DURANT, 1979
- Une justice internationale pour l'ex- Yougoslavie l'harmattan
1994
- Revues internationales de la Croix Rouge: 1985 - 1995
Textes :
- Les Conventions de Genève du 12 Août 1949
- Les Protocoles additionnels aux conventions de Genève
du 12 août 1949
- Statuts de la CPI
- Statuts du Tribunal de Nuremberg
- DUDH
Cours:
- Droit international humanitaire cours du niveau IV. FSJP
Université de Dschang, 2001
Sites web :
-
www.cicr.org
-
www.rsf.org
-
www.onu.org
-
INTRODUCTION
La guerre qui s'entend comme un conflit opposant deux
armées ou deux groupes armés a connu des mutations profondes au
fil de l'histoire comme toute réalité humaine. <Jusqu'à
la Révolution française, la guerre entre les Etats est le fait
des soldats de métier... >1 et ses effets restent
liés au théâtre des hostilités. On parle alors de la
guerre du roi et non celle du peuple2 en ce sens qu'elle oppose deux
groupes armés face à face avec un armement à la limite
rudimentaire et des techniques qui aujourd'hui paraissent ridicules. Avec
l'évolution scientifique, technique et technologique, la guerre devient
une horreur avec des batailles sanglantes qui ne laisseront pas la conscience
humaine sans remords, d'où l'idée de la définition d'un
cadre visant à l'humaniser. Ce désir prendra véritablement
forme à la suite de la bataille de Solferino à laquelle assiste
unjeune Suisse, Henri Durant auteur de <Un souvenir de
Solferino3>; tel est l'un des premiers jalons du Droit
International Humanitaire qui s'entend en définitive comme un ensemble
des <Règles internationales d'origine conventionnelles ou
coutumières qui sont spécifiquement destinées à
régler les problèmes humanitaires découlant directement
des conflits armés, internationaux ou non en restreignant pour des
raisons humanitaires le droit des parties en conflit d'utiliser les
méthodes et les moyens de guerre de leur choix ou protégeant les
personnes et les biens affectés ou pouvant être affectés
par les conflits>4. Le DIH ainsi perçu vise en somme
à humaniser la guerre. Toute fois, est - il vraiment possible fût
- t - il au non d'un droit d'humaniser un contexte, une situation dont la
principale motivation est la destruction de l'ennemi ? La guerre telle que
perçue de nos jours implique de gros moyens matériels, financiers
et humains. Du fait de cette multiplication des moyens, du perfectionnement des
méthodes et de l'essor des conflits non internationaux dits internes,
les civils sont aujourd'hui de l'avis de Koffi Annan, < les premières
victimes> en lieu et place des soldats, défenseurs de la
patrie5. Cette distinction entre le soldat, combattant à
souhait, et le civil, trouve son fondement dans l'évolution des travaux
relatifs à l'idée d'un DIH. C'est ainsi que les conventions de
Genève adoptées avant 1949 ne concernaient que les
1 - Maurice TORRELLI, le droit international humanitaire, que
sais - je ed.I.1985. p4
2 - op. cit.
3 - Henri Durant, un souvenir de Solferino, Genèse 1962
4 - Commentaire des protocoles additionnels de 1977 aux
conventions de Genève de 1949, ed. par Yves Sandoz, Christophe
Swinarski, Bruno Zimmermann CICR, martinus Nijhoff publishers, Genève,
1986 1647pp, PXXVII
5 - Jean Jacques ROUSSEAU, du contrat social, livre I, chapitre
IV, Paris, édition Garnier. 1 972PP 240 -241 (1 ered 1962)
combattants et non les personnes civiles. Cette distinction
trouve également son fondement dans le but même de la guerre qui
est <... l'affaiblissement des forces militaires de l'ennemi.
»6
Face au déplacement sans cesse croissant des effets de
la guerre vers les populations civiles, la société internationale
a pensé à travers divers instruments et moyens à
protéger les populations civiles des pays engagés dans les
conflits armés internationaux ou non.
Les règlements concernant les lois et coutumes de la
guerre sur terre annexés aux Conventions de La Haye de 1899 et 1907,
contenaient déjà quelques règles
élémentaires relatives à la protection des populations
contre les effets de la guerre et à leur protection dans les territoires
occupés. Ces diverses règles se sont montrées
insuffisantes à l'issue de la première guerre mondiale et ont
dès lors inspiré les réflexions dans les
conférences internationales de la Croix - Rouge en vue d'enrichir les
normes existantes de dispositions supplémentaires pour le DIH en
général. Les conclusions des travaux de ces conférences
seront retenues comme unique base de travail par la Conférence
diplomatique de Genève qui leur donnera une forme définitive
à travers l'élaboration de quatre (4) Conventions le 12
août 1949.
1) Convention de Genève pour l'amélioration du
sort des blessés et des malades dans les forces armées en
campagne;
2) Convention de Genève pour l'amélioration du
sort des blessés, des malades et des naufragés des forces
armées sur mer;
3) Convention de Genève relative au traitement des
personnes physiques;
4) Convention de Genève relative à la protection
des personnes civiles en temps de guerre.
La 4ème Convention, véritable
dernière née et grande révolution en ce sens qu'elle vient
se spécifier à une catégorie précise, loin
d'abréger le sort du règlement de La Haye de 1907,
complète celui-ci et se fera compléter par les Protocoles
additionnels aux Conventions de Genève en 1977. Ces divers textes et
bien d'autres, continuent de subir des mutations afin que la guerre,
véritable fléau des temps modernes soit humanisée
davantage, afin que le civil qui ne prend pas part aux hostilités ne
soit pas toujours la principale victime.
Au demeurant, en s'inspirant à la fois des textes de la
coutume et de la doctrine abondante, le constat selon lequel les civils ne sont
pas abandonnés au bon vouloir des belligérants reste discutable.
L'on ne saurait selon Clausewitz <introduire un
6 - Déclaration relative à l'interdiction des
balles explosibles en temps de guerre, échangé a St-Petersbourg
les 29 novembre / 11 décembre 1868 manuel de la croix - rouge internat
PP 331 -332; the...
principe modérateur dans la philosophie de la guerre
sans commettre une absurdité ». Cette remarque fait surgir la
question fondamentale de l'appréciation de l'état actuel de la
protection des civils dans la guerre. Envisagée sous cet angle, il est
admis que la protection sus-citée fait aujourd'hui l'objet d'une
véritable politique internationale (I) dont l'examen approfondi laisse
apparaître de nombreux points d'ombre à l'origine de sa
fragilité (II.)
TITRE I : LA POLITIQUE INTERNATIONALE DE
PROTECTION DES POPULATIONS CIVILES
DANS LA GUERRE : UNE POLITIQUE
CONSACREE.
« La guerre est une relation entre Etats qui s
'affrontent par l 'intermédiaire de leur forces armées, les
populations civiles qui ne prennent aucune part aux hostilités doivent
être épargnées etprotégées » Frits
Kalshoven
Pendant la guerre de 14-18, le constat de l'exposition des
soldats et des civils aux mêmes dangers s'est fait ressentir dans la
mesure où la conduite des hostilités n'était plus
confinée à un théâtre précis
d'opérations. Puis, les effets de la guerre ont été encore
plus néfastes pour les civils pendant la seconde guerre, d'où
l'idée d'une véritable protection à travers des
mécanismes internationaux pour des situations autant internes
qu'internationales. Il faut reconnaître que pendant longtemps et au
risque des populations civiles, seuls les conflits armés internationaux
ont été régis quand il n'a pas seulement été
question de protéger uniquement les soldats. Aujourd'hui, la
prolifération des conflits armés non internationaux l'emporte sur
les conflits internationaux avec des effets plus ou moins similaires. Le cas du
Rwanda reste fort évocateur. Ainsi, la distinction conflit armé
international - conflit armé non international ne trouve plus de
pertinence qu'à quelques niveaux dans la mesure où le sort des
civils est presque le même dans les deux cas. Une construction
basée sur cette distinction conduirait donc à des redites.
L'idée de base reste que les civils qui ne prennent pas part aux
hostilités doivent être protégés. Tel est le
fondement du principe de l'Immunité des populations civiles, principe
fondamental érigé en véritable politique. Son
étendue ne se mesure plus (Chapitre 1) et son régime reste assez
fourni (Chapitre 2).
CHAPITRE I - L'ETENDUE DE LA PROTECTION
Le civil qui est plus présent sur le champ de bataille
non en tant qu'acteur mais davantage en tant que victime s'entend comme cette
personne qui, sans être visée expressément dans la conduite
des hostilités peut devenir l'un des enjeux.
Des questions fondamentales restent d'actualité dans
l'examen du sort du civil : qui est civil? Contre qui protège t- on le
civil et contre quoi? Pourquoi et jusqu'où est - il
protégé? Telles sont les questions qui justifient l'étude
de la protection à travers l'analyse de son domaine de façon
générale et de l'hypothèse spéciale des civils au
pouvoir de la puissance ennemie.
SECTION I - DOMAINE DE LA PROTECTION
A la question posée ci haut de savoir qui est civil
répond l'appréhension du contenu de cette notion fort complexe.
Toutefois, son analyse ne se fera complète que dès lors qu'il
sera procédé à une autre classification au sein même
de la notion et ceci en raison du fait que certains civils sont encore plus
exposés que d'autres. C'est la catégorisation des personnes
à haut risque.
PI- CONTENU
Dans son sens littéral la population civile en tant
qu'expression complète, désigne tout simplement une personne qui
ne fait pas partie des forces armées. Or cette façon
d'appréhender le civil est très restrictive au sens du DIH qui ne
se contente pas de voir le civil comme une entité isolée mais
l'envisage davantage avec tout ce qui lui est attaché tel que son
environnement. La population civile est à la fois une donnée
physique mais aussi une donnée morale; c'est pourquoi il faut l'entendre
en définitive comme personne physique et comme objectif
nécessaire à sa survie, à son épanouissement.
A- LA POPULATION CIVILE : PERSONNE PHYSIQUE
L'évocation de la population civile comme personne
physique si chère aux humanitaires est d'un fondement certain: La
distinction entre le civil et le combattant.
La maîtrise du concept de civil est plus aisée
à travers l'élimination de la notion de combattant. Celui qui
n'est pas un combattant est un civil. Qui est donc combattant?
Au sens des textes existants, la qualité de combattant
est reconnue aux membres des forces armées d'une partie en conflit ainsi
qu'aux membres des milices et corps de volontaires qui en font partie, aux
membres des mouvements de résistance organisés suivant la
structure des troupes dans lesquelles on trouve un lien d'obéissance
entre un chef et ses <éléments.» Plus claire est cette
définition: <les forces armées d'une partie à un
conflit se composent de toutes les forces, tous les groupes et toutes les
unités armées et organisées qui sont placées sous
un commandement responsable de la conduite de ses subordonnés devant
cette partie, même si celle-ci est représentée par un
gouvernement ou une autorité non reconnue par une partie adverse. Ces
forces doivent être soumises à un régime de discipline
interne qui assure notamment le respect des règles du droit
international applicable dans les conflits armés »7. Il
s'ensuit que toute personne ne s'identifiant pas à cette
définition est un civil.
Toutefois, il est admis une assimilation à la
qualité de civil. C'est le cas du déserteur d'une armée
qui, dans certaines hypothèses, peut bénéficier de la
même protection qu'un civil et être dès lors en dehors du
risque moins favorable d'être considé ré comme prisonni er
de guerre. Il en est de mê me du mercenaire8.
Ainsi entendu, la population civile jouit d'une protection
particulière qui lui confère des droits en mettant des
obligations à la charge des combattants.
1 - les droits des populations civiles
Le droit fondamental des populations civiles est celui
d'être mis en dehors de toute logique d'attaque. Cette interdiction
d'attaques dirigées contre les civils emporte plusieurs
conséquences au sens de l'article 3 commun aux Conventions de
Genève qui énumère les interdictions de façon
large9. Globalement, les populations civiles sont placées
à l'abri des:
a) Atteintes portées à la vie et à
l'intégrité corporelle, notamment le meurtre sous toutes ses
formes, les mutilations, les traitements cruels, les tortures et supplices;
b) Prises d'otages;
c) Atteintes à la dignité des personnes, notamment
les traitements humiliants et dégradants;
7 -Art43.P I
8 - Art 47 PI
9 - Aux termes de l'article 3 commun et du PII; il est interdit
de tuer, d'exécuter sommairement, de torturer physiquement et
mentalement, de procéder à des mutilations, de condamner à
des peines corporelles, de violer, de contraindre à la prostitution,
d'attenter à la pudeur, de piller, d'infliger des peines collectives, de
prendre des otages, de commettre des actes qui sèment la terreur, de
menacer de tuer, de menacer d'exécuter sommairement, de menacer de
torturer physiquement ou mentalement, de menacer de procéder à
des mutilations, de menacer de peines corporelles, de menacer de viol, de
menacer de commettre des actes qui sèment la terreur, de menacer de
prendre des otages, de menacer de piller.
d) condamnations prononcées et les exécutions
effectuées sans jugement préalable, rendu par un tribunal
régulièrement constitué assorti de garanties judiciaires
reconnues comme indispensables par les peuples civilisés.
En somme, il s'agit du droit au respect de la personne humaine et
de ses extensions.
2 - les obligations du combattant
Le combattant doit de façon générale:
- Faire tout ce qui est parfaitement possible pour
vérifier que les objectifs à attaquer sont bien des objectifs
militaires.
- Choisir des méthodes et moyens d'attaque qui
évitent ou en tout cas, réduisent à leur minimum les
pertes et dommages civils, incidents qui pourraient être causés
aux personnes civiles et aux biens civils.
- S'abstenir de lancer une attaque s'il apparaît que
les pertes ou dommages seraient excessifs par rapport à l'avantage
militaire concret et direct attendu.
- Avertir préalablement la population civile en temps
utile chaque fois que son intérêt le réclame et que les
circonstances le permettent.
A celles-ci, il faut ajouter les interdictions relatives aux
représailles1° sous réserve de la participation
des civils aux hostilités, l'interdiction de bouclier
humain11 et l'obligation de traiter humainement les
personnes12.
B - LES OBJECTIFS CIVILS PROTEGES
<Dans la guerre, on doit toujours avoir en vu la
Paix.» Cette pensée de GROTUIS semble fondamentale car
l'idée de paix doit se substituer à celle de haine qui
persisterait si la population a le sentiment d'avoir perdu son âme
à travers la destruction des biens à caractère civils et
les zones dites protégées.
1 - Les biens protégés
Les biens protégés sont des biens civils dont
la définition donnée par l'article 52 Al, PI est assez
complète : <sont des biens à caractères civils, tous
les biens qui ne sont pas des objectifs militaires ».
Un objectif militaire est un bien qui par ses qualités
contribue de façon effective à l'action militaire et dont toute
attaque réussie contre elle offre un
1°-Art33 IVeme CGet51 PI
11-Art28 IVeme CG
12 - Art 3 commun et art 4 P, P II
avantage militaire certain. Le doute sur la classification d'un
bien dans l'une ou l'autre catégorie profite à la mieux
protégée. Ces sont:
- Les biens culturels et les lieux de culte : il s'agit des
monuments historiques, des oeuvres d'arts et des lieux de culte qui font partie
du patrimoine culturel et spirituel du peuple. Ces biens ne peuvent être
ni attaqués ni utilisés comme base d'appui aux opérations
militaires. Ils sont également protégés par l'interdiction
générale de pillage tel celui des oeuvres d'art13.
- Les biens indispensables à la survie : ces biens
sont ceux en relation directe avec les populations civiles. Notamment du point
de vue de leur alimentation. C'est pourquoi l'interdiction de la famine comme
méthode de guerre est prohibée. Ainsi, les denrées
alimentaires et les zones qui les produisent, les récoltes, le
bétail, les installations et réserves d'eau potable et les
ouvrages d'irrigations ne peuvent et ne doivent ni être attaqués,
détruits ou mis hors d'usage14.
- L'environnement naturel: la guerre sera conduite en
veillant à protéger l'environnement naturel contre des dommages
étendus, durables et graves15. Cette protection inclut
l'interdiction d'utiliser des méthodes ou moyens de guerre conçus
pour causer ou dont on peut attendre qu'ils causent de tels dommages à
l'environnement naturel, compromettant, de ce fait la santé ou la survie
de la population. L'économie de cette disposition fait une part belle
aux prétentions des écologistes qui réfutent toute
idée de modification de l'environnement à des fins
militaires16.
- Les installations contenant des forces dangereuses :
même si ces biens constituent à priori des objectifs militaires de
choix, leur attaque est toute fois interdite. Ainsi, les barrages, digues et
les centrales nucléaires et de production d'énergie
électrique sont protégés contre les attaques et autres
représailles en raison des effets que toutes attaques de ces
installations produiraient sur les populations.
La protection des dits biens conforte davantage le sort des
populations. Elle est appuyée par la protection de certaines zones:
13-Art53PI
14 - Art 54 PI et 14p II
15 - Art 55 PI
16 - Maurice Torreli opcit P 41
2- Les zones protégées
- Zones de sécurité: les zones de
sécurité et autres localités sanitaires
créées dès le temps de paix et après l'ouverture
des hostilités ont pour but de mettre à l'abri des effets de la
guerre les blessés, les malades17, les infirmes, les
personnes âgées, les enfants de moins de 15 ans, les femmes
enceintes et les mères d'enfants de moins de 7 ans18. Ces
zones ne peuvent être occupées et font l'objet d'une
reconnaissance par accord entre les parties concernées.
- Zones neutralisées: elles peuvent être
créées dans la zone de combat pour mettre à l'abri toutes
les personnes qui ne participent pas ou plus aux
hostilités19.
- Localités non défendues: cette innovation du
Protocole I vient compléter les dispositions existantes en interdisant
les attaques dirigées contre les localités non défendues
pouvant être déclarées comme telles de façon
unilatérale par toute partie au conflit. Les localités non
défendues sont des lieux situés à proximité ou
à l'intérieure d'une zone ou les forces armées sont en
contact et qui sont ouvertes à l'occupation par une partie
adverse20.
De telles localités doivent remplir les conditions
suivantes:
a) Tous les combattants ainsi que les armes et le
matériel militaire mobile seront évacués;
b) Les installations ou établissements militaires fixes
ne feront pas l'objet d'un usage hostile;
c) Les autorités et la population ne commettront pas
d'actes d'hostilités;
d) Aucune activité ne sera entreprise à l'appui
d'opérations militaires.
- Zones démilitarisées: elles peuvent
être créées dans les mêmes conditions que les zones
de sécurité. Il est interdit aux belligérants
d'étendre les hostilités aux zones suscitées. Toutefois,
la création et le maintien des zones démilitarisées
doivent remplir les mêmes conditions que pour les localités non
défendues.
Tant que ces zones et ces biens restent protégés,
les personnes à haut risque trouvent du répit.
17-Art23 IVeme CVG
18 -Art 14 IVeme CVG
19 - Art 15 IVeme CVG 20 - Art 59 IVeme
CVG
P2- LA CATEGORISATION DES PERSONNES A HAUT
RISQUE
La politique internationale de protection des populations
civiles offre au sein de celle-ci une distinction riche d'enseignements en ce
sens qu'elle tient tantôt compte du physique de la personne
protégée, tantôt de sa qualité.
Pour la première hypothèse, si le principe de
base semble être celui de l'unité de la famille, pour la seconde,
la notion d'extranéité est surtout la fonction qui guide la
réflexion. Ainsi fait-on la distinction entre les personnes fragiles par
nature et celles fragiles par incident.
A- LES PERSONNES FRAGILES PAR NATURE
La nature humaine a voulu que certaines personnes soient plus
fragiles que d'autres et par conséquent plus exposées que
d'autres aux effets des hostilités et de l'arbitraire des
belligérants. Cette fragilité résulte tantôt de
l'âge, c'est le cas des enfants et des vieillards, tantôt du sexe
dans la mesure oil la femme est désignée à tort ou
à raison « sexe faible.»
1- Les femmes
Outre la protection générale dont la femme
bénéficie en tant que membre de la population civile, celle-ci a
droit à une protection dite spéciale, probablement oeuvre des
féministes; il en va de même pour la protection
supplémentaire dont elle bénéficie dans certaines
circonstances.
Il ressort des Conventions et Protocoles additionnels que les
femmes seront spécialement protégées contre toutes
atteintes à leur honneur et notamment contre le viol, la contrainte
à la prostitution et tout attentat à la pudeur21. En
cas d'emprisonnement, les femmes seront logées dans les locaux
séparés et placées sous la surveillance immédiate
des femmes22. L'économie de ces dispositions fait ressortir
la nécessité de protéger les femmes contre les abus
sexuels dont seront tentés de leurs imposer des soldats véreux et
avides de désir déshonorant.
Une autre catégorie de femme bénéficie
d'une protection encore plus favorable. C'est le cas des femmes enceintes ou en
couches, des mères d'enfants de bas âge et des femmes poursuivies
pénalement.
21-Art 27 IVeme CVG 22-Art76IV eme
CVG
- Pour ce qui concerne les femmes enceintes ou en couche, le
Protocole I consacre le principe selon lequel « les cas des femmes
enceintes, arrêtées ou détenues ou internées pour
des raisons liées aux conflits armés doivent être
examinés en priorité absolue »23.
Par-là, il est question que les femmes enceintes
arrêtées soient libérées le plutôt
possible24. Ce traitement favorable s'étend à l'offre
supplémentaire de nourriture en fonction des besoins physiologiques
nécessités par leur état25. Pour des raisons de
santé, leur transfert est suffisamment limité et ne serait
possible que si des raisons impérieuses de sécurité
l'exigent26.
- Mères d'enfants de bas âge
Celles-ci, arrêtées ou détenues ou
internées doivent elles aussi être traitées en
priorité27. Si la question de l'âge reste en suspens
dans ce texte, la formule couramment employée est celle de la
IVème Convention de Genève qui traite
généralement du cas des mères d'enfants de moins de 7 ans.
Cet âge est donc celui en principe retenu dans l'application de l'article
76 du protocole I précité.
- La femme et la peine de mort
Le Protocole I et le Protocole II recommandent que la peine
de mort ne soit retenue contre une femme enceinte et en tout cas, ne soit pas
exécutée contre celle-ci et contre les mères d'enfants de
bas âge.
2- Les enfants
Qu'il s'agisse de la IVème Convention de
Genève ou des protocoles de 77, la situation de l'enfant est la
même. Iljouit d'une protection particulière du fait de sa
vulnérabilité. C'est pourquoi les parties au conflit prendront
les mesures nécessaires pour que les enfants de moins de 15 ans, devenus
orphelins ou séparés de leur famille du fait de la guerre ne
soient pas laissés à eux-mêmes et pour que soient
facilités en toute circonstance, leur entretien, la pratique de leur
religion, et leur éducation. Tel est le contenu de l'Article 24 de la
Vème Convention. Cet article, jusque-là limité
ne rendait pas totalement compte du désir des humanitaires qui n'ont
trouvé de satisfaction plus grande qu'avec la combinaison des articles
77 et 78 du protocole I et des articles 6 et 4 du protocole II. Il ressort que
les parties au conflit doivent éviter l'enrôlement des enfants de
moins de 15 ans, favoriser leur évacuation, en tenant compte autant que
possible du principe de l'unité de la famille ; s'abstenir
d'exécuter la peine de mort contre les personnes
23 - Art 76 P I
24 - Art 132 IVeme CVG 25-Art 89
IVeme CVG
26 - Art 127 IVeme CVG
27 - Art 76 Al PI
âgées de moins de 18 ans lors de la commission
de l'infraction. Elles donneront en outre un supplément de nourriture
aux enfants internés de moins de 15 ans28 afin de ne pas
compromettre la pérennité de la race, ce qui n'est pas
nécessairement le cas pour les personnes fragiles par incident.
B - LES PERSONNES FRAGILES PAR INCIDENT
En dehors des enfants, des vieillards et des femmes qui, du
fait de leur vulnérabilité présumée
bénéficient d'une protection spéciale, d'autres personnes,
bien que physiquement aptes et plus ou moins préparées à
la guerre font l'objet d'une protection particulière. C'est pourquoi
elles sont désignées personnes fragiles par incident. Il s'agit
d'une façon générale des étrangers, du personnel
humanitaire, des journalistes et des religieux.
1- Les étrangers
L'étranger dont il est question ici est cet individu
parti de son pays pour une raison quelconque vers un autre pays qui vient
à entrer en conflit avec le sien. Sa situation est dès lors
critique en tant que ressortissant de la puissance ennemie. Il devient fragile
du fait de la nature de la relation conflictuelle entre son pays d'origine et
son Etat d'accueil.
Dans la première guerre, la «chasse à
l'ennemi» a été la règle malgré les termes du
projet de Tokyo. Il faudra attendre la conférence diplomatique de 1949
pour voir des améliorations de la condition de l'étranger. Il
s'ensuit qu'il a le droit de quitter le pays d'accueil au début ou au
cours du conflit dans des conditions satisfaisantes de sécurité,
d'hygiène et de salubrité29.
Pour ce qui est de ceux qui ne quitteraient pas le pays
d'accueil, des droits essentiels leur sont reconnus notamment en matière
de soins hospitaliers, de secours, de religion. En cas d'astreinte au travail,
ils doivent être traités dans les mêmes conditions que les
nationaux30. L'internement et la résidence forcée ne
seront justifiés que pour des motifs de sécurité de la
puissance détentrice31.
Le réfugié, qui est cette personne ayant
quitté son pays pour des raisons de survie n'est guère dans une
situation appréciable lorsque le pays de refuge s'oppose au sien dans le
cadre d'un conflit. Le protocole I établit une différence entre
le réfugié d'avant guerre mieux traité et les autres
(réfugiés) qui ont en plus
28 Art 89 IV eme CVG 29-Arts35
IVemeCVG 30 - Art39IV eme CVG 31-Art41
IVemeCVG
du statut de personne protégée, le droit de ne
pas être traités comme des étrangers ennemis du fait qu'ils
ne bénéficient de la protection d'aucun
gouvernement32. Le transfert des réfugiés dans
l'ensemble vers un autre Etat non partie à la convention est interdit
tandis que leur transfert vers un Etat partie est subordonné à
l'acceptation de celui-ci d'appliquer la Convention. Aucun transfert ne sera
autorisé si le doute plane pour des raisons politiques ou
religieuses33.
2- Le personnel humanitaire
Le personnel humanitaire comprend ici tous les civils qui se
trouvent sur le terrain des hostilités pour des raisons de secours et
d'assistance aux victimes du conflit. Dans cette catégorie on classe
d'abord le personnel sanitaire, les journalistes, puis les religieux.
- Le personnel sanitaire est composé de
médecins, infirmiers chargés des soins aux blessés et aux
malades. A ceux-ci il faut ajouter ceux qui travaillent dans le sens de
l'administration et du bien-être des caravanes sanitaires et des
hôpitaux. Tous ceux-ci travaillent sous la protection de la Croix Rouge
ou du Croissant Rouge ou encore sous la protection de toute
société de secours volontaire reconnue et autorisée. Ce
personnel, afin de bénéficier de la protection spéciale
qui consiste à être en dehors des attaques doit se faire
identifier par des signes distinctifs suffisamment visibles. La protection de
ce personnel s'étend au respect des droits reconnus (secret
médical par exemple), aux droits conférés (sé curi
té des dé placements, accès aux édi fices i ndi
spensables...)34.
- Les journalistes en tant que personnes civiles sont
protégées de façon générale mais aussi
spécialement35. En fait, la qualité de leur mission
les a conduit à être parfois au coeur des hostilités et les
expose plus que quiconque aux effets des combats.
La protection la plus efficace des journalistes incombe avant
tout aux Etats qui se doivent de ne pas semer la confusion en utilisant des
faux journalistes ou des journalistes espions pour combattre ou pour infiltrer
les milieux ennemis.
- Les Religieux entrent dans la catégorie des
personnes protégées spécialement du fait de leur
caractère essentiellement inoffensif malgré les risques auxquels
ils font face dans leur mission qui consiste à assister spirituellement
une population en proie à la dépression, parfois victimes de
l'arbitraire des belligérants et sans secours.
32 - Art 44 IV eme CVG
33 -Art 42 IVeme CVG
34-Art15 et16PI,Art9et10PII 35 - Art 79 PI
SECTION II- LA PROTECTION DES CIVILS CONTRE L'ARBITRAIRE
ET LE SECOURS AUX VICTIMES
«La guerre est l'affaire de ceux qui la font, mais elle
frappe également les populations civiles qui en sont à la fois
les victimes et l'enjeu ». Cette idée de François BUGNON
trouve davantage sa pertinence à l'examen des nouveaux types de
confrontation telle la guerre Etat / Unis / Irak qui consiste pour une
armée, sous un prétexte quelconque à envahir les
populations du territoire ennemi, ce qui favorise l'arbitraire entre le
bourreau occupant et la population civile victime qui n'a que ses jambes pour
courir, ses yeux pour pleurer, sa bouche pour crier et son sang à
verser. Cette protection contre l'arbitraire s'inscrit dans le cadre du
régime général de l'occupation. De même, l'une des
méthodes inhumaines de la guerre consiste à couper les
ravitaillements, à favoriser la famine afin d'amener la population
exténuée à se rebeller contre le pouvoir en place. Cette
méthode, combinée aux effets encouragés par la guerre tels
que le surpeuplement des hôpitaux, la pollution ... est probablement
à l'origine d'une idée d'aide aux populations.
PI- LE REGIME GENERAL DE L'OCCUPATION.
Au sens de l'article 42 du règlement de la Haye, un
territoire est considéré comme occupé lorsqu'il se trouve
placé de fait sous l'autorité de l'armée ennemie. Cette
occupation ne s'étend qu'aux territoires réellement
occupés c'est à dire aux territoires ou cette autorité est
effective.
Comment un individu peut - il réellement
s'épanouir quand une armée étrangère occupe son
pays? Telle est la question qui guide l'esprit des humanitaires en cas d'
occupation.
L'histoire à ce sujet est assez fournie; le souvenir
le plus vivace dans les esprits reste celui de l'occupation du KOWEIT par
l'armée irakienne en août 1990. La réalité la plus
flagrante est celle des territoires occupés de Palestine.
Dans l'une comme dans l'autre hypothèse, les citoyens
ont été tantôt internés, tantôt
assignés à résidences surveillées ou
régulièrement contrôlés au mépris de la
pratique légale internationale prévue par les Conventions de
Genève de 1949 et leurs Protocoles additionnels de 1977. Ces textes
s'insurgent de façon générale contre les atteintes aux
personnes et aux biens et préconisent la survivance et la
continuité de l'Etat.
A - LA PROTECTION DES PERSONNES ET DES BIENS.
Protéger une personne, fusse-t-elle en territoire
ennemi consiste à lui garantir malgré toute la suspicion qui
pèse sur elle l'exercice de ses libertés et à la
protéger contre toute atteinte à sa personne d'une part, et
d'autre par à respecter son droit de propriété.
De façon fort simpliste, la IV ème
Convention de Genève établit la protection de la population
civile des territoires occupés contre la puissance occupante, stipulant
qu'elle sera traitée sans discrimination, protégée contre
toute forme de violence et que, son épanouissement sera respecté
à travers la reconnaissance de ses cultures et de ses traditions. Ce
texte sauvegarde donc à la fois, l'intégrité physique, les
libertés publiques et éventuellement la dignité et
l'honneur.
Les droits de la personne au pouvoir de l'ennemi sont
intangibles et inaliénables :
- L'intangibilité des droits des personnes
protégées résulte de l'article 6 de la IV
ème Convention de 1949 qui stipule que les parties
belligérantes ne peuvent
conclure des accords susceptibles de porter atteinte à
la situation des personnes
protégées, soit de restreindre les droits que la
convention leur accorde.
- L'inaliénabilité des droits des personnes
protégées implique qu'elles ne peuvent renoncer involontairement
aux droits qui leur sont accordés.
De même que les personnes protégées auront
droit au ravitaillement et à l'assistance spirituelle, de même est
interdit l'enrôlement 36 et toute forme de
contrainte37. Ces droits s'étendent à travers
l'interdiction des transferts forcés individuels ou collectifs ainsi que
les déportations des habitants d'un territoire occupés vers le
pays occupant ou un autre38.
L'internement qui peut se justifier par des raisons de
sécurité, bien qu'admis reste fort contrôlé. La
puissance occupante doit accorder à ceux - ci un traitement au moins
équivalent à celui des prisonniers de guerre en se rappelant
qu'il s'agit des civils et par conséquent ne pas les soumettre aux
rigueurs qu'impose la discipline militaire. C'est ce qui se traduit par une
réglementation plus favorable des visites, du retour en famille en cas
de maladie grave39 ... Le travail de l'interné est
subordonné ici à son accord et sa libération est presque
de droit
36 - Art 30 et s IV ème C.V.G
37 -Art 51 IV ème C.V.G 38 - Art 49 IV
ème CV.G 39-Art116 IVème
C.V.G
lorsque les causes qui ont motivé son internement
n'existent plus. A la fin de l'occupation, le retour des internés
à leur dernière résidence ou leur rapatriement doit
être favorisé par les Etats40. Toute cette protection a
pour but de favoriser la continuité de l'Etat.
B- LA CONTINUITE DE L'ETAT OCCUPE
Le territoire occupé, nous l'avons mentionné ci
- haut et celui qui se <trouve placé de fait sous l'autorité
de l'armée ennemie >>. De cette situation de fait, l'article 43 du
règlement de La Haye tire une double conséquence:
D'une part la puissance occupante < prendra toutes les
mesures qui dépendent d'elle en vue de rétablir et d'assurer
autant qu'il est possible, l'ordre et la vie publics>>;
D'autre part elle devra, se faisant, respecter sauf
empêchement absolu les lois en vigueur dans le pays.
Complétant ce règlement, l'article 4 du
Protocole I précise que le statut juridique du territoire occupé
reste le même, inchangé. Pour mieux comprendre l'esprit de ce
texte, il convient d'adopter une démarche négative, consistant
à appréhender l'occupation par rapport aux notions voisines, en
établissant ce que l'occupation n'est pas.
1- Occupation et subrogation
La subrogation suppose une soumission complète du
vaincu au vainqueur, entraînant la fin de la guerre et la disparition de
l'Etat vaincu avec tout ce que cela suppose comme cortège d'abus face
à une population asservie.
L'occupation se caractérise au contraire par le maintien
d'une autorité de l'Etat vaincu même en exil, seule garante des
droits de la populatio
2- Occupation et annexion
Le droit dans le cadre du Jus In Bello d'occuper un
territoire n'entraîne pas celui de l'annexer car le Jus Contra Bello
interdit toute conquête territoriale fondée sur l'emploi de
la force. Cette règle classique a été rappelée
à maintes reprises pour les territoires occupés en Israël en
général, notamment à propos des mesures d'annexion prises
par l'Etat hébreu à l'égard de Jérusalem Est en
1962 et du Golan en 1981, également à l'occasion du conflit
Iran-Irak et la guerre du Koweït.
40 - ART 132? 133 ET 134 IVème C.V.G
3-La survivance des lois de l'Etat occupé.
Les lois de l'Etat occupé continuent à s'appliquer
à son territoire.
La sujétion de la population de l'Etat occupant ne doit
pas lui faire oublier son devoir d'allégeance envers son Etat d'origine.
Cette question relève cependant plus du droit interne de ce dernier que
du droit international. Le droit pénal de l'Etat occupé continu
à s'appliquer41 tout comme la loi de l'Etat occupé au
plan testamentaire et successoral. Quant aux lois et mesures adoptées
par le gouvernement en exil de l'Etat occupé pendant l'occupation, il
est admis qu'elles s'appliquent aux territoires occupés puisque la
souveraineté de l'Etat occupé demeure malgré l'occupation.
Cette règle traduit une autre selon laquelle le gouvernement en exil de
l'Etat occupé représente valablement celui - ci à
l' étranger.
Par ailleurs, les effets des mesures juridiques prises par
l'Etat occupant cessent avec la fin de l'occupation. Les effets juridiques de
certains actes accomplis survivent néanmoins à la fin de
l'occupation42.
L'Etat occupant, dans la mesure du possible apportera une
contribution sous forme d'aide aux populations si la nécessité
l'impose.
P2- L'AIDE AUX POPULATIONS
L'examen de l'aide aux populations dans le cadre de la
protection des populations contrairement aux usages qui consistent à
n'analyser que la protection sous les aspects touchant au physique et aux biens
se justifie par le fait que cette approche à notre sens paraît
parcellaire et même lacunaire, ne traitant la protection de la population
qu'en amont. Quel est donc le sort de la population lorsqu'elle est en proie
aux hostilités ou déjà victime des effets des
hostilités? Doit-elle être abandonnée à
elle-même? Telles sont les idées qui guident notre
réflexion quand nous greffons à cette protection en amont, une
protection en aval basée sur l'aide aux populations à travers
deux mécanismes forts louables: l'assistance humanitaire et le secours
aux victimes. Si les deux notions restent voisines en ce qu'elles concourent
toutes à améliorer le sort des populations, elles sont
fondamentalement différentes dans leur modalité d'exercice. A
l'assistance humanitaire se greffe de plus en plus la notion d'ingérence
humanitaire.
41 - Art64IVeC.V.G
42 - Un mariage célébré selon le droit de
l'Etat occupant mais contraire au droit de l'Etat occupé est valable sur
la base de la non contrariété avec l'ordre public de l'Etat
occupé
A - L'ASSISTANCE HUMANITAIRE
La base la plus générale du droit à
l'assistance en tant que droit de la personne prenant sa source dans le droit
international public peut être trouvée dans la DUDH qui dispose en
son article 28 que <toute personne à le droit à ce que les
droits et libertés énoncés dans la présente
déclaration puisse y trouver plein effet.> Cette disposition exprime
le lien qui existe entre les droits abstraitement formulés par la
déclaration dont le droit à la vie (art 3), le droit à
l'intégrité physique (art 5), à un niveau de vie suffisant
(art 25)... Dans ce contexte, l'aide humanitaire ne peut dans son principe
être qualifié d'illicite. En particulier, on ne peut l'assimiler
à une ingérence.
L'assistance humanitaire est à la fois une obligation
des Etats dans leur ensemble et une obligation de l'Etat territorial avec pour
créancier la population civile en détresse.
1- l'admission du principe
Ce rôle prioritaire de l'Etat territorial est absolument
reconnu par les résolutions de l'assemblée générale
des NU instaurant ce qu'on a appelé le nouvel ordre
international humanitaire. A ce sujet, les termes de la résolution
adoptée le 17 décembre 1991 sont forts évocateurs:
<c'est à chaque Etat qu'il incombe au premier chef de prendre soin
des victimes des catastrophes naturelles et autres situations d'urgence se
produisant sur son territoire. > Le rôle premier revient donc à
l'Etat touché dans l'initiative, la coordination, l'organisation et la
mise en oeuvre de l'aide humanitaire sur son territoire.
Ce principe est également réaffirmé par
la IV eme Convention de Genève dans son article 4 al1 en
vertu duquel <lorsque la population d'un territoire occupé ou une
partie de celle-ci est insuffisamment approvisionnée, la puissance
occupante acceptera les actions de secours faites en faveur de ses populations
et les facilitera dans la mesure de ses moyens.>
Parallèlement, le Protocole I prévoit que des
actions de secours seront menées sans délai ou seront
entreprises43.
Dans sa résolution 688 édictée à
la suite des évènements du Kurdistan irakien, il insiste pour que
< l'Irak autorise l'accès immédiat des organisations
humanitaires internationales à tous ceux qui ont besoin d'assistance
dans toutes
43 - Art 69 Pa et 70 Pa PI
les régions de l'Irak et qu'ils mettent à leur
disposition tous les moyens nécessaires à leur
intervention.»
L'assistance humanitaire contre la volonté du souverain
territorial qui alléguerait des contre-mesures pour sa défense
est une pratique non interdite pour les ONG. Le principe de
non-intervention s'adresse exclusivement aux Etats et non aux particuliers.
Ainsi appréhendée, l'assistance humanitaire se
transforme dans son application pratique en un véritable droit dont les
modalités sont clairement définies dans la IV eme
Convention de Genève et les Protocoles additionnels.
2 - Les modalités de l'assistance
L'assistance dans son déploiement prend la forme d'un
secours à accorder aux victimes civiles des conflits armées.
Ainsi, qu'on soit en face d'un conflit armée à
caractère international ou non, les secours qui peuvent être
individuels ou collectifs sont admis pour des personnes internées ou
non.
En cas d'occupation, lorsque la population d'un territoire est
insuffisamment approvisionnée, la puissance occupante acceptera les
actions de secours faites en faveur de cette population et les facilitera dans
toute la mesure de ses moyens44
Ces actions de secours peuvent être tantôt
l'oeuvre des Etats tantôt l'oeuvre d'un organisme impartial tel que le
CICR. Pour un succès de l'opération, les Etats
doivent favoriser le passage des convois humanitaires destinés à
la population du territoire occupé. La puissance occupante se doit de
protéger ces convoies afin que les bénéficiaires puissent
être desservis dans les meilleurs délais. L'obligation qui
pèse sur la puissance occupante s'étend au respect des
destinataires, à la distribution rapide sans taxes et gratuite des
envois45
La composition des envois n'est pas expressément
définie. Aussi s'agit - il de façon générale des
biens destinés à l'alimentation, aux soins médicaux, des
vêtements. Il s'agit également des déplacements des
populations des zones dangereuses et à leur regroupement46
Ces secours s'étendent dans les prisons ou les
internés ont besoin de d'aide. Ils peuvent recevoir par voie postale ou
tout autre moyen des secours collectifs et individuels. Ces envois peuvent
être réglementés par des accords spéciaux entre
44 - Art 59 IV eme CVG. Ces travaux nécessaires
à leur survie ne devront en aucun cas avoir trait avec les
opérations militaires.
45 art 59 et s IV eme CVG
46art68ets pI
les puissances intéressées qui ne peuvent en aucun
cas entraver ou différer leur perception.
B- L'INGERENCE HUMANITAIRE
<Le devoir de non-ingérence s'arrête ou
naît le risque de non-assistance>> Déclarait le
président de la République française le 30 mai 1989
à l'ouverture de la réunion sur la compétence, la
sécurité et la coopération en Europe sur les droits de
l'homme. Après avoir appréhendé plus haut le concept
d'assistance qui serait en définitive tantôt un devoir des Etats,
tantôt un devoir des organisations humanitaires ou des particuliers,
l'ingérence se justifie au nom de l'humanité. Il faut donc que
les ONG en particulier mais aussi les Etats tiers le cas échéant
puissent intervenir lorsque la population civile est profondément
menacée au touchée. Selon une formule chère à
Loysel, <qui peut et n'empêche pêche.>> La transposition
de cette pensée ici a pour but de faire ressortir l'idée selon
laquelle l'ingérence est à la fois un droit et un devoir chez les
Etats et chez les organisations ayant un caractère humanitaire.
1 - L'ingérence des Etats et des NU
Elle concerne, nous venons de le mentionner le droit
d'ingérence et le devoir d'ingérence des Etats.
- Le droit d'ingérence des Etats et des
NU.
C'est le droit pour les Etats d'ouvrir les yeux, de
s'intéresser et même de s'interroger sur ce qui se passe dans les
autres Etats. Même si ceux-ci bien souvent s'en offusquent, ce droit ne
fait pas de doute. Des mécanismes ont été mis en place
à cet égard par et pour l'ensemble notamment dans le cadre du
Conseil économique et social. L'observation du respect des droits de
l'homme s'étend aussi aux situations de conflit armé. C'est en ce
sens que le Conseil de Sécurité semble confirmer le droit
d'accès aux victimes avec une certaine retenue. Il n'exige pas, il
<insiste pour que l'Irak permettent un accès immédiat des
organisations humanitaires internationales à tous ceux qui ont besoin
d'assistance dans toutes les parties de l'Irak et qu'ils mettent à leur
disposition tous les moyens nécessai res à leur
action>>47.
- Le devoir d'ingérence des NU et des
Etats
Les Etats n'ont pas seulement le droit d'ouvrir les yeux, mais
le devoir de le faire. La charte des NU fixe bien les
principes d'action pour l'organisation et ses membres dans la poursuite des
buts des NU. Le DIH, en introduisant pour
tous les Etats parties aux conventions de Genève l'obligation de faire
respecter celles - ci impose pour le moins une obligation de
vigilance48. Bref, L'interdépendance
47Résolution 688 - 1991 48Art1
commun a IVG
toujours plus marquée de l'ensemble des Etats et
l'émergence d'un principe de solidarité permettent de conclure
qu'on laisse plus aujourd'hui aux Etats un devoir d' ingérence.
En revanche il serait abusif de tirer de cela la conclusion
d'un devoir d'intervenir par la force en dehors d'un système de
sécurité conforme à la Charte.L'analyse faite de
l'obligation de faire respecter le droit international humanitaire contenu dans
les conventions de Genève ne laisse planer aucun doute à ce
sujet.
2 - L'ingérence des organisations humanitaires.
Cette question est totalement différente de la
précédente en ce sens qu'elle repose sur une donnée
incontournable : Les organisations humanitaires ne disposent pas de moyens de
coercition. En réalité les questions posées jusque
là sont essentiellement les suivantes: Les organisations humanitaires
ont - elles un devoir absolu de se conformer à la volonté des
gouvernements des Etats sur le territoire desquelles elles souhaitent agir? Les
organisations humanitaires ont - elles obligation d'utiliser la seule arme dont
elles disposent, celle de la dénonciation quand elles constatent de
graves violations du D.I.H? Ce devoir est presque reconnu aux
organisations tels que le CICR dont le rôle sera bien
plus exposé vers la fin de cette étude, après l'examen du
régime général de protection.
CHAPITRE II - LE REGIME GENERAL DE PROTECTION
En dehors du rôle du CICR dans la
protection des populations civiles et dans la promotion du DIH
qui sera analysé en dernière analyse du fait de son
importance indéniable, le régime générale de
protection dont il est question ici traduit l'idée assez brève de
l'examen des moyens de sauvegarde, c'est à dire l'analyse de tout ce qui
fonde l'appui de l'argumentation de ceux qui soutiennent le principe de
l'immunité des populations civiles. A coté de cette analyse se
développe une autre qui apparaît comme une nouveauté,
toutefois inspirée du droit commun dans l'ensemble, règle qui
stipule que le droit est surtout respecté par crainte de la sanction.
Ainsi, la répression des infractions contre les civils dans la guerre,
clairement envisagée par les textes de base constitue non seulement la
raison d'un respect plus accru, mais surtout l'un des socles de la
protection.
SECTION I: LES MOYENS DE SAUVEGARDE
Les moyens de sauvegarde sont entendus ici comme étant
les instruments organiques ou non qui inspirent les humanitaires dans la
recherche du bien être des populations des pays en guerre. Il s'agit de
façon très succincte des moyens textuels et des moyens
institutionnels.
P1- LES MOYENS TEXTUELS
La base de toute argumentation juridique est un texte qui peut
être un traité, une constitution, une lois, un décret, la
jurisprudence ...Dans le cadre du D.I.H et principalement en ce qui concerne la
protection des civils dans les conflits armées, les textes de
référence restent la IVeme Convention de
Genève, les Protocoles additionnels de 1977 et les différentes
déclarations et résolutions
A- LA IV EME COVENTION DE GENEVE
La IVeme Convention de Genève du 12
août 1949 relative à la protection des personnes civiles en temps
de guerre est une véritable bible nouvelle et spécifique du
DIH.
Sa nouveauté vient du fait qu'elle procède d'une
longue démarche entrecoupée par les deux guerres dans un contexte
oil les seules règles concernant
la guerre n'avaient jusque là trait qu'aux combattants
qu'il fallait protéger et dont il fallait réglementer
l'activité guerrière.
Sa spécificité quant à elle vient du fait
qu'elle se concentre essentiellement aux personnes civiles dont le rôle
imperceptible dans la guerre à l'origine l'est à la fin lorsqu'il
s'agit de compter les victimes.
Schématiquement, elle résume en cent cinquante
neuf articles et trois annexes ce qui apparaît comme la crème du
droit international spécifique à la protection des civils. Son
contenu se résume à l'interdiction des atteintes portées
à la vie et l'intégrité physique, à l'interdiction
des prises d'otages et déportations, à l'interdiction des
atteintes à la dignité des personnes et à l'interdiction
des procès arbitraires pouvant déboucher sur des décisions
elles aussi arbitraires
B - LES PROTOCOLES ADDITIONNELS AUX CONVENTIONS DE GENEVE DE
1949.
Ces deux textes, constituent ce qu'on appellerait la cerise
placée sur un gâteau que sont les conventions de 1949. En effet,
ces Conventions de Genève ont présenté en bien de points
de petites lacunes qu'il fallait combler afin d'humaniser davantage la guerre
qui prenait de nouvelles formes, intégrant de nouvelles données
telles que la guerre aérienne et les conflits internes.
- LE PROTOCOLE I: Le Protocole I, additionnel aux Conventions
de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des
victimes des conflits armées internationaux vient instaurer une
protection minimale aux ressortissants d'une partie au conflit dans ses
rapports avec le dit pays, aux personnes soupçonnées d'espionnage
et à celles ayant prit part aux opérations sans avoir la
qualité de combattant49.
- LE PROTOCOLE II: Le Protocole II, additionnel aux
Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la
protection des victimes des conflits armées non internationaux peut
être considéré comme une véritable
révolution, un petit séisme puisqu'il se spécifie aux
conflits à caractère interne qui jusque là étaient
considérés comme des situations essentiellement régies par
le droit interne. Ce texte donne une base solide au devoir d'assistance
humanitaire dont pourrait se prévaloir un Etat ou une organisation
humanitaire pour intervenir en faveur de la population civile sur un territoire
en proie à une déchirure interne, une guerre civile.
49 - D'une comparaison des arts de la IV eme CVG et 75 du P.I, il
ressort que de façon générale la seconde disposition est
plus large et favorable envers la population civile.
Ces deux Protocoles sont suivis de Résolutions et
d'annexes modifiant ou complétant les dispositions jusque là en
vigueur qui ne sont cependant pas les seuls moyens de sauvegarde. A ceux - ci
il faut ajouter les diverses déclarations et autres résolutions
adoptées par les instances compétentes de
l'ONU.
P2- LES MOYENS INSTITUTIONNELS : L'ONU
L'ONU intervient dans la mise en oeuvre du
DIH tout d'abord par le biais de ses organismes subsidiaires
qui agissent soit seuls, soit en collaboration avec la Croix Rouge.
L'ONU pendant longtemps considérait que cette action
devait être exclue de son champ d'intervention puisqu'elle était
une organisation de sauvegarde de la paix. Par la suite ses interventions ont
prit une autre dimension à la fois par l'implication du conseil de
sécurité dans le domaine de l'humanitaire et par sa
volonté de coordonner non seulement les actions du CICR
mais aussi celles des différentes ONG avec les
siennes.
A - LES ORGANISMES TRADITIONNELS DE L'ONU CHARGES DE L'ASSISTANCE
HUMANITAIRE.
L'ONU comprend divers organismes qui peuvent
se charger de certains aspects de l'assistance humanitaire ; c'est le cas du
HCR ou de l'agence de secours et des travaux pour les
réfugiés palestiniens connus sous le sigle anglais UNRWA. Par
ailleurs, d'autres organes de l'ONU peuvent s'associer
à des actions humanitaires comme le fond des Nations-Unies pour
l'enfance ou le Programme Alimentaire Mondial, même si ces deux
organismes ont a priori d' autres fonctions.
? Le HCR (Haut Commissariat des
Nations-Unies pour les réfugiés.) Il a été
crée en 1951 et s'occupe de l'assistance aux réfugiés soit
environ dix sept million de personnes dans le monde en 1995. il soumet ses
rapports d'activité à l'assemblée générale
des NU. Il a diverses fonctions.
- Il négocie avec les gouvernements pour que les
règles fixées pour les réfugiés soient
appliquées.
- Il fournit aussi une assistance matérielle dans de
nombreux pays, facilite le mouvement des réfugiés vers les Etats
qui leur offrent l'asile.
- Il aide à assurer une protection économique des
réfugiés pour permettre leur insertion dans le pays d'accueil.
- Il assure une protection internationale aux
réfugiés et cherche aussi à aider leur rapatriement
volontaire quand cela est possible.
? L'UNRWA (Agence de secours et de travaux pour les
réfugiés palestiniens) a été créée
par l'Assemblée Générale des Nations Unies en 1949. Ses
activités s'apparentent à celles d'une
administration provisoire. L'UNRWA assiste ainsi près de deux millions
de réfugiés palestiniens. Elle s'occupe de l'éducation, de
la santé et des questions sociales à Beyrouth, à Hamann,
en Cisjordanie, dans la Bande de Gaza et dans les camps des
réfugiés, ce qui rejoint bien le contenu de la IVème
Convention de Genève.
? Le PAM (Programme Alimentaire Mondial.) Il est
constitué en 1963 et est à la fois une filiale de l'ONU
et de la FAO. Il est spécialisé dans
l'aide aux pays sous développés et surtout aux pays qui se
retrouvent dans les situations de guerre.
? L'UNICEF (Fond des Nations Unies pour l'Enfance),
crée en 1946 à titre provisoire pour venir au secours des enfants
victimes de la seconde guerre mondiale, il est devenu une organisation
permanente à partir de 1953. il intervient dans de nombreux pays et se
préoccupe de l'éducation, de la santé des enfants dans les
pays dévastés par la guerre.
Ces organismes interviennent dans le domaine humanitaire en
collaboration avec le CICR, la ligue et les
sociétés nationales.
B - LES ORGANES PRINCIPAUX DES NATIONS-UNIES ET L'ACTION
HUMANITAIRE.
Il convient de présenter d'abord les premières
interventions de l'ONU avant de s'appesantir sur les forces
des NU pour la paix.
1 - Les premières interventions de l'ONU.
Les organismes traditionnels ont intervenus sur le plan
humanitaire dans les situations de conflits armés ce qui n'a pas
été le cas de l'ONU. Ce n'est qu'en 1967 qu'elle
intervient pour la première fois à l'occasion du conflit du
MoyenOrient. En effet, l'ONU ne s'est pas contentée
d'adopter des résolutions visant à demander l'application des
règles du DIH pour les victimes de ce conflit; elle a
accepté de jouer un rôle complémentaire pour
contrôler l'application des Conventions de Genève. Cette
volonté d'intervention dans ce domaine s'est manifestée sur un
autre plan lors de la conférence internationale sur les droits de
l'homme en 1968 à Téhéran. L'ONU s'est
préoccupé du développement du DIH en
rédigeant des rapports concernant le respect des droits de l'homme dans
le cadre des conflits armés. Cette année, la conférence
convoquée par l'ONU demande donc que l'on prenne en
charge le développement du DIH applicable aux conflits
armés. Ainsi, une conférence diplomatique s'est tenue sous les
auspices de l'ONU et a été
préparée par le CICR en 1975 et 1977. Par la
suite, le conseil de sécurité et le Secrétaire
Général de NU se sont engagés à ce
que le DIH soit respecté notamment dans le conflit du
Liban ou dans la Guerre Iran-Irak.
2- Les forces de maintien de la paix dans la protection des
civils.
Les forces de maintien de la paix ont entre autre tache de
stabiliser la situation en matière de sécurité et
d'instaurer un climat propice à une solution négociée
à la crise. Pour ce faire, ces forces supervisent le cessez-le feu
notamment en désarment et démobilisant les combattants. Elle
érige des points de passage aux endroits stratégiques. En outre,
ce conseil de sécurité à travers ces forces, peut
créer des zones de sécurité comme ce fut le cas en 1993
dans certains villages de l'ex-Yougoslavie par sa résolution 824 lorsque
la situation militaire et humanitaire s'est
dégradée50.
De même, toujours dans les tâches
opérationnelles, les forces de maintien de la paix sous les auspices du
conseil de sécurité assurent une coordination et une
coopération avec les organisations humanitaires sur le terrain. Ce cas a
été remarqué et très apprécié dans le
cadre de la mission de maintien de la paix au Liban ( Force
intermédiaire des NU au Liban FINUL)51.
Tous ces mécanismes ont pour but essentiel de prendre
soins des personnes dites protégées et les populations civiles
dans leur ensemble. Lorsque ces moyens s'avèrent insuffisant ou lorsque
le but recherché n'est pas atteint, on fait appel à la
répression.
SECTION II- LA REPRESSION DES INFRACTIONS.
La répression des infractions procède d'une
vielle idée selon laquelle la sanction peut s'avérer être
une solution satisfaisante dans la recherche des voies et moyens visant
à limiter les attaques contre les civils. Chaque fois qu'un individu,
fusse-t-il chef d'Etat sait que certains actes ont été
réprimés sévèrement, il réfléchit par
deux fois avant de les poser s'il ne s'en abstient pas tout simplement.
La question de la répression de ces infractions est
largement reprise dans les textes fondamentaux52.
La Responsabilité ici consacrée est au sens de
l'article 146 de la IV eme Convention de Genève, individuelle et non
collective. En principe, les
50 - Lieutenant Général LARK-ERIL Wahlgen ancien
commandant de la Finul et de la FORPRONU. Symposium sur l'action humanitaire et
les opérations de maintien de la paix. Genève 22-24 juin 1994.
<<en avril 1993, lorsque la situation militaire et humanitaire s'est
dégradée dans certains villages de l'ex- Yougoslavie, le conseil
de sécurité a institué des zones de
sécurité»
51 -Lieutenant Général LARK-ERIK OP cit. <<
lorsque plus de 400 palestiniens furent déportés au Sud Liban en
décembre 1992, ils demandèrent l'assistance de la FINUL.
52 - Voir art 146 IV eme CVG
conventions et leurs protocoles visent globalement deux
catégories d'infractions les unes qualifiées de
graves53 assorties de l'obligation pour les Etats de les
réprimer pénalement; et les violations à l'égard
desquelles l'obligation des Etats visent seulement à les faire cesser.
La répression de ces infractions incombe essentiellement aux parties
contractantes qui choisissent de déférer les auteurs de ces
infractions devant la juridiction qu'elles jugent compétente. De cette
construction découle l'idée de la Juridictionalisation et
éventuellement celle de la pénalisation.
P1- LA PLURALITE DE COMPETENCE REPRESSIVE.
L'obligation de réprimer les infractions graves aux
textes internationaux relatifs à la protection des civils en temps de
guerre incombe aux Etats qui en devenant parties aux conventions de
Genève, se sont engagés à prendre les mesures
nécessaires pour sanctionner les coupables de ces infractions. Toutes
fois, pour vaincre l'inertie d'un Etat qui ne voudrait pas poursuivre les
auteurs d'infractions graves, la communauté internationale a
pensé et mis sur pied une justice pénale internationale.
A - LA JURIDICTION NATIONALE
La juridiction nationale qui s'oppose à la juridiction
pénale internationale est celle chargée de réprimer les
personnes coupables ou suspectées d'avoir commis des infractions graves
à ces traités, ou encore de les remettre pour jugement à
un autre Etat. Elle est compétente pour les infractions commises sur le
territoire national quel que soit la nationalité et la qualité de
l'auteur. La compétence nationale est tantôt territoriale
tantôt personnelle. L'Etat partie aux Conventions et Protocoles doit
prendre des mesures nécessaires pour établir sa compétence
quand:
- L'infraction a été commise sur tout territoire
sous juridiction dudit Etat ou à bord d'aéronefs ou de navires
immatriculés dans cet Etat;
- quand la victime est un ressortissant dudit Etat et que ce
dernier le juge approprié54
53 - Art 146 IVeme CVG
54 Art 147 IV eme CVG: les infractions graves
visées a l'art précédent sont celles qui comportent l'un
ou l'autre des actes suivants, s'ils sont commis contre des personnes ou des
biens protégées par la convention: l'homicide intentionnel, la
torture ou les traitements inhumains, y compris les expériences
biologiques, le fait de causer intentionnellement de grandes souffrances ou de
porter des atteintes graves a l'intégrité physique ou à la
santé, la déportation ou le transfert illégal, la
détention illégale, le fait de contraindre une personne
protégée à servir dans les forces armées de la
puissance ennemie, ou de la priver de son droit d'être jugée
régulièrement et impartialement selon les prescriptions de la
présente convention, la prise d'otage, la destruction et l'appropriation
de biens non justifiés par des nécessités militaires et
exécutées sur une grande échelle de façon illicite
et arbitraire.
Cette disposition résume les hypothèses oil la
juridiction nationale est fondée à se mettre en branle pour
réprimer les infractions graves dont la liste est clairement
donnée dans la IV eme Convention de Genève.
De même, il ressort du même texte et en
référence aux articles 105 et suivants de la III eme
Convention de Genève, que l'accusé aura droit au respect
des droits de la défense tels que l'assistance judiciaire du fait d'un
avocat ou toute personne compétente et éventuellement d'un
interprète; il aura droit aux visites de son conseil, et à la
communication du dossier afin de savoir à temps tous les faits qui lui
sont reprochés pour préparer sa défense.
Les voies de recours lui sont ouvertes notamment l'appel et le
pourvoi en cassation. Ainsi, la décision rendue ne pourra être
exécutée qu'après épuisement des voies de
recours.
La notification des jugements se fera devant les instances
compétentes et devant toute personne intéressée au cas oil
celle - ci aurait été absente lors du prononcé de la
décision.
Enfin, la peine retenue contre l'auteur de l'infraction sera
exécutée dans les conditions prévues par les textes
notamment celles relatives à l'hygiène et à la
salubrité des lieux carcéraux. Les parties contractantes se
chargeront de veiller à ce que les femmes soient séparées
des hommes.
En somme, la juridiction nationale qui peut être saisie
par toute personne intéressée, par toute association ou
organisation ou par l'Etat lui - même en cas de violations aux
dispositions de la IV eme Convention de Genève a un large
spectre d'action. Son intervention dans ce domaine ne s'achève que
lorsque le jugement a été rendu de façon
régulière55. Cette intervention est reconnue et
confortée sur la scène internationale; ses mérites sont
mitigés, diversement appréciés d'oil l'idée de la
pluralité de compétence répressive qui fait la part belle
à la justice pénale internationale.
B - LA JUSTICE PENALE INTERNATIONALE
La justice pénale internationale vient conforter le
principe dit de la juridiction universelle dans la recherche et la poursuite
des personnes suspectées d'avoir commis des infractions graves aux
traités. Il établit la responsabilité pénale
internationale des individus.
55 - la régularité est conférée au
jugement par le respect des droits de la défense l'admission des
recours, la notification des jugements. Cf. art 146 IV eme CVG avec
Renvoi aux art 105 et III eme CVG
La question de la responsabilité individuelle s'est
posée en termes dramatiques devant les horreurs et les souffrances de la
deuxième guerre mondiale. C'est à l'occasion de l'accord de
Londres du 8 août 1945 portant statut du Tribunal de Nuremberg qu'ont
été définies de nouvelles incriminations internationales
avec le crime de guerre et le crime contre l'humanité.
En fait, si le crime de guerre faisait déjà
partie du jargon des Conventions de La Haye de 1899 et 1907, le crime contre
l'humanité échappait au droit par son caractère
monstrueux67.
La juridiction pénale internationale, véritable
nébuleuse des temps contemporains s'appréhende en
définitive ici tantôt comme le tribunal pénal international
(TPI), tantôt comme le cour pénale internationale (CPI.)
A la différence des tribunaux, ad hoc
déjà existants, la Cour Pénale Internationale toute
récente sera indépendante des Nations Unies et financée
par les Etats parties.
1 - Le Tribunal Pénal International
Notre propos sera essentiellement basé ici sur deux
exemples qui sont et resteront pendant longtemps, les plus marquants de la
dernière décennie. Il s'agit du Tribunal Pénal
International pour le Rwanda (TPIR) et du Tribunal Pénal International
pour l'ex- Yougoslavie (TPI-Y.) Il faut noter d'entrée que l'examen de
ces deux cas vise à montrer comment la répression est
sévère chaque fois que les populations civiles ont
été atteintes par les agissements criminels des
belligérants, des politiciens ou de toute autre personne.
a) Le Tribunal Pénal International pour
l'ex-Yougoslavie
Le TPI-Y a été créé en 1993 par
la résolution 827 du Conseil de Sécurité aux fins de
poursuivre les personnes présumées responsables de violations
graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de
l'ex-Yougoslavie depuis 1991 et en réponse aux graves menaces
portées à l'encontre de la paix et de la sécurité
internationales.
Ce tribunal a reconnu que la notion de crime de guerre
couvrait également les violations graves commises lors des conflits
internes alors qu'en principe, le droit conventionnel ne les admet que dans le
cadre de conflits armés
67 L'idée du crime contre l'humanité ne sera que
très faiblement évoqué dans le préambule de la
IVéme convention de La Haye en ces termes «les
populations et les belligérants restent sous la sauvegarde et sous
l'empire des principes du droit des gens, tels qu'il résulte des usages
établis entre nations civilisées , des lois de l'humanité
et des exigences de la conscience publique ».
internationaux. Cet apport sera consacré l'année
suivante par le TPIR, ce qui fera combler ce qui paraissait
jusque-là, être un vide juridique.
L'une des affaires les plus marquantes de ce tribunal reste
le procès MILOSEVIC56 qui, à l'i nstar de l' affaire
PINOCHET présentera la protection des civils par la répression du
crime de guerre, du crime contre l'humanité et de toutes infractions
graves aux traités. L'aspect évocateur de ce réveil de la
conscience universelle face au massacre des milliers de civils se trouve dans
la qualité même des personnes poursuivies: MILOSEVIC, ancien Chef
de l'Etat voudrait bien fonder son irresponsabilité sur
l'immunité du fait des fonctions qu'il occupait au moment de la
commission des infractions qui lui sont reprochées. C'est dire par le
seul fait des poursuites, que l'immunité tombe de plein droit là
oil naît la monstruosité, le mal, les souffrances inutiles.
Cette affaire, véritable révolution de
l'impunité au nom de l'humanité rappelle l'idée selon
laquelle il faut extrader ou punir, telle que reprise par le
TPIR.
b) Le tribunal pénal international pour le
Rwanda.
Le 8 novembre 1994, le conseil de sécurité des
NU décide de la création d'un TPI
chargé de «juger les personnes présumées
responsables d'actes de génocide ou d'autres violations du Droit
humanitaire commis sur le territoire du Rwanda et les citoyens Rwandais
présumés responsables de tels actes ou violations sur le
territoire d'Etats voisins entre le 1er janvier et le 31
décembre 1994. » Ce tribunal est établit à Arusha en
Tanzanie.
A l'examen du procès intenté à Elizaphan
et Gérard NTAKIRUTIMANA57, il ressort que ces deux individus
sont poursuivis pour génocide, crime contre l'humanité et
violation grave de l'article 3 commun aux Conventions de Genève et au
Protocole II.
De même, le préfet de Kigali, Tharcisse RENZAHO
est poursuivi pour des faits similaires notamment pour avoir incité la
population au meurtre des Tutsis à travers ses interventions
répétées à la Radio Télévision des
mille collines ...
56 - Affaire Milosevic : l'acte d'accusation est
déposé contre l'ancien chef d'Etat le 22 mai 1999 ; le 22 janvier
2001 est délivré le mandat d'arrêt; il se rend à la
justice serbe le 1er avril 2001 et est transféré
à La Haye le 28 juin 2001. le procès sera enfin ouvert le 12
février 2002. il est accusé notamment:
- de crimes contre l'humanité et violation des lois ou
coutumes de la guerre au Kosovo;
- de violation des lois ou coutumes de la guerre, infractions
graves aux conventions de Genève et crime contre l'humanité en
Croatie
- de génocide et complicité de génocide,
crime contre l'humanité, violation graves des Conventions de
Genève et violation graves des lois ou coutumes de la guerre en
Bosnie.
57 - TPIRAffairesN°ICIR- 96- 10-I etICIR-96 -17-5
Le conseil de sécurité à travers ces
deux cas n'est pas resté aveugle devant les atrocités qui ont
marqué la décennie 90 dans les conflits de Bosnie, en
exYougoslavie et au Rwanda. Cette intervention de l'ONU ne
s'inscrit pas seulement dans le cadre de la prévention mais surtout de
la répression qui, avec son effet dissuasif convaincra les personnes
animées d'esprits maléfiques, criminels. En cas de continuation,
ceux-ci connaîtront les affres de la cour pénale
internationale.
2- La Cour Pénale Internationale (CPI)
Pour comprendre cette juridiction toute nouvelle, il suffit
de se retourner vers les déclarations de Richard Dicker, directeur du
programme justice internationale à Human Rights
Watch:<<la Cour Pénale Internationale représente
l'institution en charge des droits humains la plus importante des cinquante
dernières années. C'est cette cour qui tiendra pour responsables
de leurs actes les prochains SADDAM, POLPOT et PINOCHET >>.
La CPI est une juridiction internationale
permanente qui, poursuivra et réprimera des individus
indépendamment de leurs rangs sociaux, responsables des crimes contre
l'humanité, crimes de guerre, crimes de génocide et crimes
d'agression.
Elle se distingue:
- De la cour internationale de justice (CIJ) qui ne
connaît que des litiges entre Etats relatifs aux violations des
règles de droit international. La CIJ ne juge pas les individus.
- Des tribunaux pénaux internationaux ad hoc; ceux-ci
ont des compétences limitées notamment dans le temps et l'espace.
C'est ainsi que le mandat du TPIR ne couvre que la
période qui va du 1 er janvier au 31 décembre 1994.
Cette logique veut donc qu'à chaque conflit, il y ait un TPI.
Or la CPI peut exercer partout et contre n'importe quel citoyen
dès lors qu'il s'agit des <<crimes de guerre >>,
<<crimes contre l'humanité >>, <<crimes de
génocides>> ou <<crimes d'agression. >> Il peut
être saisi d'office par les soins de son procureur pour toute infraction
qui rentre dans la compétence de la cour58. Elle
reconnaît toutefois une priorité de compétence des
juridictions nationales sur elle-même59. Elle aura
autorité pour poursuivre en justice les crimes internationaux les plus
graves commis après le premier juillet 2002.
58 Art. 13 et 14 du statut de la CPI
59 - Art 17 statut précité
P2- LA PENALISATION
L'idée d'une pénalisation des infractions
graves portées contre les personnes qui ne prennent pas part aux
hostilités, plus précisément les populations civiles ,se
résume à la fois dans l'examen du droit applicable que dans sa
sanction.
Toute fois, abstraction faite de ce qui a déjà
été mentionné plus haut, il convient de revenir sur la
qualification de l'infraction dont la notion bien qu'usitée, est d'un
contenu complexe et variable suivant le contexte et suivant les
époques.
Pour ce qui concerne le droit applicable, il est celui
édicté par les Conventions de Genève, les Protocoles
additionnels et les différentes résolutions du conseil de
sécurité, résolutions attributives de
compétence.
A- LA QUALIFICATION DE L'INFRACTION
Ainsi qu'il ressort de notre analyse ci dessus, la
répression est mise en oeuvre chaque fois qu'il y a crime contre
l'humanité, crime de guerre, génocide, violations graves au
DIH... Leur évocation ne suffit pas pour comprendre leur contenu.
1- Le crime de guerre.
La définition que donnai t le statut du Tribunal de
Nuremberg60 s'est avérée intéressante mais
incomplète d'où son extension ainsi qu'il suit: Un crime de
guerre est une violation grave du Droit International humanitaire, une
infraction grave aux lois ou coutumes de la guerre, quel que soit la nature du
conflit. Entrent ainsi dans cette catégorie les atteintes suivantes:
- L'homicide international;
- La torture ou les traitements inhumains;
- Le fait de causer intentionnellement de grandes
souffrances;
- Le fait de porter des atteintes graves à
l'intégrité physique;
- Le fait d'attaquer volontairement la population civile;
- L'utilisation du signe distinctif de la croix rouge, du
croissant rouge ou d'autres signes de même nature à des fins
militaires;
- Le pillage.
60 - Art 6 du statut du Tribunal de Nuremberg : les crimes de
guerre visent notamment « l'assassinat, les mauvais traitement ou la
déportation pour travaux forcés ou tout autre but des populations
dans les territoires occupés»
2- Les crimes contre l'humanité
La définition retenue ici pour designer le crime
contre l'humanité procède de l'économie de l'article 6 du
Tribunal de Nuremberg qu'on peut résumer en ces termes :
- L'assassinat;
- L'extermination;
- La réduction en esclavage;
- La déportation;
- Les actes inhumains commis contre toute population civile
avant ou pendant la guerre;
- Les persécutions pour des motifs politiques ou
religieux.
A ceci, on ajouterait valablement les persécutions pour
des raisons tribales et le génocide.
Ainsi, qu'il s'agisse du crime de guerre ou du crime contre
l'humanité, le juge dispose d'un droit d'interprétation et peut
en fonction de la gravité de la situation inclure une infraction non
visée ici spécialement dans l'une ou l'autre catégorie.
Il convient de faire un rapprochement entre les deux notions
précitées et la notion «d'infractions graves» si
chère aux rédacteurs des Conventions et de leurs Protocoles. Le
contenu de leurs dispositions61 répond clairement à la
question :qu'est - ce qu'un crime de guerre ou un crime contre
l'humanité?
B - SANCTIONS DES INFRACTIONS
Notre étude s'est bornée jusque là aux
infractions graves. Toute fois, seront envisagées les différentes
sanctions liant les différentes infractions. Globalement, la question ne
consistera pas à établir le régime infractions simples,
infractions graves; il sera question d'envisager le problème sous
l'angle de la répression basée sur la responsabilité
individuelle ou de la responsabilité de l'Etat. Il faut
reconnaître que le droit de la guerre a été dépourvu
de sanction jusqu'en 1949, ce qui a été probablement à
l'origine du développement du sentiment d'impunité. Fort
heureusement des articles pratiquement identiques ont été inclus
dans les quatre Conventions pour réprimer les violations.
61 - Art 174 IV ème CVG et Art 85 PI
1 - La responsabilité de l'individu.
La responsabilité individuelle est admise et celui ne
saurait se retrancher derrière le principe de l'ordre reçu pour
essayer de se disculper. En effet la notion d'ordre reçu est de plus en
plus contestée. On estime que tout ordre illégal (manifestement)
ne doit être exécuté. On conçoit difficilement un
ordre irrésistible. La crainte ne peut être évoquée
par le soldat pour justifier son acte répréhensible.
La sanction dirigée contre le soldat peut être
d'abord, en cas d'infraction légère, juste disciplinaire. Dans
cette hypothèse, la sanction est infligée par le supérieur
hiérarchique.
La sanction pénale est la plus fréquente. Elle
est dirigée contre le criminel qui a commis par son action ou son
omission ou qui a donné un ordre débouchant sur une infraction
grave. Cette répression peu viser le supérieur
hiérarchique qui donne l'ordre illégal ou qui s'abstient de faire
cesser ou de réprimer l'infraction en question62 . Elle peut
consister à punir l'auteur par la peine de mort qui ne pourra être
exécutée qu'après expiration de toutes les voies de
recours.
2- La responsabilité de l'Etat
La responsabilité de l'Etat accompagne celle de
l'individu en tant que soldat d'une part. Ainsi, l'Etat ne peut
s'exonérer ou prétendre exonérer un autre lorsque des
violations graves ont été commises63. D'autre part,
l'Etat est responsable pour n'avoir pas empêché la commission de
ces infractions. Cette responsabilité indirecte est liée à
la toute puissance de l'Etat qui a les moyens de faire cesser les violations et
dans une moindre mesure, de les dénoncer et de tout mettre en oeuvre
pour appréhender les auteurs qu'il doit traduire en justice.
La responsabilité de l'Etat, lorsqu'elle est
établie, ne peut déboucher que sur des sanctions
pécuniaires. Le sentiment de satisfaction que procure une
réparation du dommage en terme pécuniaire ne peut pas effacer la
blessure mais peut au moins la cicatriser. Il est question à travers
cette sanction de ne pas abandonner la victime à elle-même. De
même, cette sanction contre l'Etat vise aussi à abolir
l'idée de l'impunité de celui - ci qui se croirait, en tant que
personne morale, en dehors de toute idée de poursuite du fait de ses
agents. En quelque sorte .l'Etat représente pécuniairement
l'individu sur la scène internationale et dispose ensuite d'une action
récursoire contre lui.
62 -Art2.PI
63 - Art 148 IV ème C.V.G
En somme, le DIH dans son versant touchant
les populations civiles garanti une protection de ceux-ci non seulement en
édictant des normes qui concourent à la prévention des
infractions mais aussi en établissant des mécanismes
d'intervention dans les moments difficiles et sur le terrain des
hostilités pour apporter soins et secours sous diverses formes aux
populations littéralement inoffensives. Les textes internationaux ne se
contentent pas de réguler la conduite des hostilités mais vont
plus loin en prévoyant tout un régime répressif visant
à combattre les atteintes par un ensemble de sanctions qui vont du
pécuniaire à l'emprisonnement. Il est toutefois regrettable qu'un
véritable moyen de contrainte n'existe pas, ce qui matérialise
l'un des côtés fragiles de la protection.
TITRE II- LA POLITIQUE INTERNATIONALE DE PROTECTION
DES CIVILS : UNE POLITIQUE FRAGILE
«Le droit des conflits armés ... est
probablement la branche la moins respectée et par conséquent
aussi la plus théorique sinon la plus utopique du droit international et
même du droit tout court »64!Eric David.
Les civils sont les plus fragiles des êtres qu'on
puisse trouver dans la guerre; il s'agit d'innocents que diverses raisons
telles la raison d'Etat, la sécurité de l'Etat... transforment
très souvent en proie dans une confrontation dont ils maîtrisent
généralement mal les buts et dont ils sont curieusement les
principales victimes quand ils ne sont pas tout simplement l'enjeu. Pour mettre
fin à cette pratique qui vise à écraser les civils,
à les torturer et à les traiter sans égards, la
communauté internationale avec l'aide du CICR a mis sur
pied un arsenal juridique visant à réglementer la conduite de la
guerre et mieux, à l'humaniser.
A l'examen de quelques exemples de conflits dans le monde
(Palestine, Rwanda, RDC, Irak...) le constat reste macabre: les civils sont
toujours et demeurent les premières victimes. Ce constat
matérialise un échec dont les causes sont nombreuses et dont on
doit diagnostiquer afin de prétendre trouver des solutions (chap I).
Notre modeste travail consistera en dernière analyse à nous
plancher sur ce qui pourrait être à notre humble avis le futur
visage du DIH pour que vive enfin une société
internationale moins guerrière, plus pacifique et plus humanisée
(chapII).
64 - Eric David : Principe du droit des conflit armés,
Bruxelles : Bruyant, 1999 II ème édition P553
CHAP I - LES LIMITES DE LA PROTECTION
Les populations civiles qui bénéficient de
divers instruments internationaux pour leur protection dans les conflits
armées, sont contrairement à ce qu'il paraît insuffisamment
protégées. Autant les lois ou coutumes de la guerre les
protège, autant l'interprétation extensive des textes
internationaux les expose (section II).
C'est le problème posé par les influences
négatives internes au DIH. Toute fois, si celles - ci
peuvent être comblées à tout moment, il n'en demeure pas
moins qu'il existe d'autres obstacles à une protection plus efficace et
plus complète. Ceux - ci sont en principe externes au DIH,
et rattachés tous à la personnalité des Etats, au
désir hégémonique, aux méthodes de la guerre
(section I).
SECTION I: LES INFLUENCES EXTERNES AU D.I.H
Tandis que le DIH régule la guerre en faveur des
civils, en face se trouve la machine étatique qui par tous les moyens
doit survivre là où les hommes trépassent, ne fusse qu'en
passant par les hommes. Pour cela, l'Etat, véritable abstraction du
droit à tôt fait de justifier ses abus ou son inertie soit par le
fait qu'il est une personne morale de droit public, soit du fait de sa position
«stratégique » dans le Concert des Nations.
P1- LES OBSTACLES LIES AUX ETATS
L'Etat, engagé sur la scène internationale ou
non dispose de nombreux moyens pour se soustraire de ses obligations notamment
quand il est question de respecter le droit international.
Toute fois, si cet argument persiste, il n'est pas prit en
compte de façon générale. C'est ainsi que les obstacles
envisagés sous le double plan politique et économique
s'inscrivent aussi dans la matérialisation des grands
déséquilibres actuels.
A - LES OBSTACLES POLITIQUES
Les deux obstacles majeures ici sont notamment la
souveraineté et l'irresponsabilité. En réalité,
l'un est tributaire de l'autre. La souveraineté est un principe admis en
droit international et consacré par la charte des Nations Unies. A
l'heure où les conflits internes sont de plus en plus prolifiques, les
dictateurs de tout bord et même les citoyens fondent
généralement leurs augmentations sur l'égalité des
Etats et par conséquent sur l'impossibilité pour un Etat de
s'insurger dans les affaires internes d'un autre. A coté de ce principe
de droit international,
existe celui de l'irresponsabilité. On se pose la
question fondamentale de savoir à partir de quel moment devient-on
responsable de ses actes et surtout jusqu'où. Tels sont les deux points
qui guideront notre réflexion.
1 - La souveraineté de l'Etat.
Dans l'ordre international, l'équilibre est maintenu
grâce au principe de la souveraineté qui consacre une
égalité formelle entre les Etats. Ce principe régule les
relations entre Etats en terme de droits et de devoir.
Chaque Etat a le droit d'exercer sa souveraineté sur
son territoire et le droit de protéger celui - ci contre toute agression
étrangère ou ce qui en tient lieu. La méfiance
engendrée par les Etats suite aux méthodes nouvelles d'espionnage
encourage cet état de refuge derrière la souveraineté.
Celle - ci s'appréhende comme le monopole de la force sur le territoire,
l'autorité suprême. Ceci a pour incidence première
l'inadmissibilité d'une intervention armée ou non dans les
affaires d'un Etat.
Dans la pratique, les conflits armés s'accompagnent
touj ours de violations massives du DIH. « La
souveraineté étant censée protéger l'Etat non
seulement contre une intervention mais aussi contre toute immixtion d'un ou de
plusieurs autres Etats65 », elle est à l'origine de la
mauvaise réception que font les Etats de l'application du droit
humanitaire.
De même, pendant un conflit, l'Etat peut décider
au nom de la souveraineté, de refuser toute idée de secours
humanitaire: c'est l'exercice de la souveraineté au sens absolu. Dans
cette hypothèse toute intervention forcée est perçue non
pas comme la lutte contre les crimes contre l'humanité mais comme un
crime contre la souveraineté.
Ainsi entendu, la souveraineté s'exerce de plusieurs
façon.
- D'abord, les Etats ont le droit d'émettre des
réserves aux traités. Un Etat, à travers un acte
unilatéral peut obtenir l'exclusion ou la modification des effets
juridiques de certaines dispositions d'un traité dans leur application
envers lui. La procédure des réserves consacrée vise
à donner aux Etats un droit de regard profond et au besoin, de limiter
les effets des traités auxquels ils adhèrent à leur
égard surtout lorsque le texte serait vague et pourrait susciter une
interprétation différente.
65 - Jean Charpentier. Le phénomène
étatique à travers les grandes mutations politiques
contemporaines, colloque de Nancy sur l'Etat Souverain à l'aube du XXXI
siècle, SFDI 1994, E ?A Pedone P.27
- Ensuite, on note la question de réciprocité
plus précisément des représailles. Il semble illusoire de
demander à un Etat de clamer sur tous les toits les violations du droit
humanitaire par un autre, de rester passif au lieu d'agir. Dans ces conditions,
la réaction la plus courante consiste à violer également
le droit humanitaire. La réaction instantanée étant l'un
des moyens de gagner à la fois le temps et l'espace, aucun Etat
n'accepterait de rester les bras croisés au non de l'interdiction des
représailles. Celles - ci se trouvent davantage appliquées dans
les conflits internes ou le gouvernement légal répond toujours
aux attaques des forces illégales par une offensive musclée,
visant à anéantir celles - ci qui sont supposées n'abriter
que de vulgaires criminels. Dès lors peut - on traiter ce gouvernement
ou cet Etat de responsable d'une dérive humanitaire?
2- L ' irresponsabilité
La question d'irresponsabilité se pose en des termes
aussi fluctuants et insaisissables que l'entité étatique elle -
même. Il s'agit à travers ce mécanisme, de refuser de se
soumettre à une décision en arguant pour sa défense qu'on
n'est pour rien dans la situation pour laquelle on est accusé. Il s'agit
de balayer d'un revers de la main la responsabilité pour une infraction
donnée. Il faut pouvoir mesurer l'étendu de la
responsabilité sur laquelle pèse un arbitraire certain et
l'établissement de la responsabilité qui reste tributaire
d'imprécisions flagrantes.
- Les imprécisions sur l'établissement de la
responsabilité.
La préoccupation est simple mais assez pertinente: Qui
a la charge de déclarer un Etat souverain coupable d'une violation aux
droits des civils à l'occasion d'un conflit armé? Les
dénonciations qui sont tantôt l'oeuvre des Etats tantôt le
fait des organisations humanitaires ne sont en aucun cas des sentences au sens
juridique du terme. Il s'agit tout simplement des déclarations qui ne
lient pas l'Etat en question et qui n'ont aucune valeur juridique. Cet aspect
purement déclaratoire des observations des Etats et organisations
humanitaires a pour unique but d'attirer l'attention de la communauté
internationale et celle éventuellement de l'Etat qui ferait semblant de
ne pas constater ce qui se passe sur son territoire.
Poussant l'analyse plus loin, au sein d'un Etat, la
rébellion qui viole le droit humanitaire ne peut être poursuivie
sur le plan international parce que dépourvue de statut juridique. Seuls
ses membres peuvent être poursuivis individuellement.
De même, l'Etat ne saurait perdre son droit de maintien
ou de rétablir l'ordre sur son territoire. Cette responsabilité
de haute facture incombe à l'Etat sans partage66.
En définitive, seule la commission internationale
d'établissement des faits peut enquêter valablement sur une
infraction grave aux conventions et protocoles67.
- L'arbitraire dans l'Etendue de la responsabilité.
Il n'existe aucun critère objectif de
détermination de la consistance de la sanction. D'abord, l'Etat n'est
pas une personne physique, par conséquent, ne peut être
pénalement responsable, ce serait d'ailleurs une absurdité.
Ensuite, dès lors qu'il n'est tenu qu'à
indemnité68, s'il refuse de se soumettre au règlement
de la note, il sera difficile de l'y contraindre sans courir le risque de
provoquer une catastrophe humanitaire. Cette situation est
généralement observée lorsque la partie au conflit qui
serait reconnue coupable de violations aux dispositions des conventions et
protocoles fait face à d'énormes difficultés
économiques.
B - LES OBSTACLES ECONOMIQUES
Le sort des populations pendant et après la guerre
n'est pas qu'une affaire politique, c'est d'avantage une question
économique qui trouve son fondement tantôt dans l'incivisme dans
les rapports entre Etats et Nations Unies ou organisations humanitaires. Les
problèmes économiques qui encouragent négativement le sort
des civils sont parfois d'essence insurmontable pour les Etats,
véritables pauvres, dépourvus de moyens pour faire face aux
désastres.
1 - L'incivisme économique.
Le terme incivisme est emprunté ici au droit fiscal
qui l'utilise couramment pour désigner le refus
délibéré de payer ses impôts.
Si l'argent est le nerf de la guerre, il est encore plus le
nerf de la paix. C'est la contribution des Etats membres des NU
qui constitue la source de financement de ses actions. Beaucoup
d'Etats ne s'acquittent pas toujours de leurs contributions. Ceci est à
l'origine des difficultés de financement qui mettent à mal
66 - Art3AL1 PII
67 - Art 90P1 68 - Art 91 P1
les actions et les activités humanitaires de
l'ONU sur le terrain. Lors de la conférence de presse
qui s'est tenue à OSTLO en décembre 1988, PEREZ de QUELLAR
déclarait à un membre de l'armée américaine qui le
félicitait pour le prix Nobel décerné aux forces des
NU: «... malheureusement c'est près qu'un prix
à titre posthume. Vous vous dites nation pacifique alors, de
grâce, payez vos dettes, aidez-nous.» Cette phrase illustre bien le
malaise auquel fait face le Conseil de Sécurité chaque fois qu'il
faut déployer une force de maintien de la paix pour intervenir dans un
pays ou lorsqu'il faut apporter un appui financier ou matériel à
une organisation humanitaire.
Cette situation fort regrettable reste une entorse au
DIH quand on sait que les principaux débiteurs des
NU sont encore ceux là qui clament le respect des
droits de l'homme ou du DIH partout. Il s'agit plus d'un
mépris du système et d'un manque de volonté manifeste que
d'un manque de moyens. Il est à leur sens plus facile et plus judicieux
de refuser de payer ses contributions que de se déployer sur le terrain
pour intervenir directement au nom d'intérêts
égoïstes.
Ces cas regrettables ne doivent se confondre avec les
obstacles économiques liés à la pauvreté des
Etats.
2- La pauvreté manifeste.
La pauvreté peut se définir au sens stricte ici
comme un état d'insuffisance ou de manque de façon
générale et quasi - permanente des choses nécessaires
à la vie. Elle se caractérise par la faiblesse des revenus, du
niveau de vie général des populations, la faiblesse du taux de
scolarisation, le taux de mortalité élevé, le manque
d'infrastructures routières, ferroviaires et sanitaires, la mauvaise
couverture en moyen de télécommunication ... La pauvreté,
quelle soit liée aux facteurs naturels ou non constitue une
sérieuse entrave à l'action humanitaire.
Dans certains conflits armés, le premier
réflexe des soldats en déroute ou non est de piller la population
non pas dans le but de nuire, mais dans celui de se ravitailler et de faire des
provisions faute de moyens de suivie. Dans ce contexte, la population est
molestée, torturée au besoin pour laisser ce qu'elle a. Il arrive
aussi que ces actes de pillage soient l'oeuvre d'autres civils qui y sont
contraints pour les mêmes raisons.
Dans ces pays, les structures sanitaires sont insuffisantes.
L'accès aux soins ne suit pas l'avancée de la catastrophe; seul
un recours à l'extérieur peut permettre de trouver un
début de solution. La réponse et l'arrivée des secours
étrangers ne sont pas souvent spontanées en raison des
problèmes financiers et de logistique. Ceux - ci n'arrivent très
souvent que lorsque le bilan est suffisamment élevé. Et
même, lorsque ces secours sont là, l'accès aux
sinistrées n'est pas
touj ours évident du fait de la qualité des
routes et chemins de fer. Très souvent dans ces conditions, les moyens
aériens sont utilisés avec ce que cela suppose comme coût.
En outre, la qualité des communications entre les lieux sinistrés
et les autres n'est pas toujours meilleure. Ce cas est très souvent
celui des pays du tiers monde et précisément d'Afrique.
Au Rwanda et en Somalie les organisations humanitaires ont
trouvé de véritables catastrophes. Les Etats concernés
n'avaient pas eu suffisamment de moyens pour organiser les premiers secours en
attendant la réaction étrangère.
Ici, les organisations humanitaires ont eu trop de peine
à établir des camps, à déplacer les personnes
sinistrées et à les regrouper. Elles ont fait face aux
problèmes d'électricité et d'eau potable. Les
regroupements familiaux en vu de la matérialisation de l'unité et
de l'intégrité n'ont pas été aisés dans des
pays où le système d'identification est encore précaire et
où les médias sont du reste embryonnaire.
Enfin, les membres d'organisations humanitaires et les
volontaires sont guidés par le bénévolat; mais lorsque la
situation se prolonge dans le temps, un soutien financier s'impose.
Ainsi, les moyens doivent suivre la volonté pour un
rendement efficient des actions humanitaires afin de pouvoir atténuer
les obstacles liés a la conduite des hostilités.
P 2- LES OBSTACLES LIES A LA TAILLE DES ETATS.
La taille des Etats n'est nullement l'aspect
géographique qui tient aux dimensions terrestres, à la superficie
ou au peuplement. Elle n'est non plus, nécessairement la dimension
économique de cet Etat mais davantage la force de celui - ci par rapport
aux autres, sa capacité de frappe. Elle s'exprime en fonction de sa
place dans l'ordonnancement international. Cette notion de taille des Etats
consacre la capacité d'un Etat à réagir efficacement et
promptement face à une attaque. Elle est liée à l'armement
et aux inégalités criardes actuellement en expansion dans le
système des NU.
A - LA QUESTION DES ARMES DE DESTRUCTIONS MASSIVES.
La taille d'un Etat peut s'apprécier en fonction de
son armement. Les armes de guerre ont une sérieuse incidence dans les
hostilités et sur les effets de celles - ci. C'est pourquoi les
réglementations ont été consacrées pour leur
utilisation et leur prolifération69, mais la pratique reste
accablante. On assiste à un développement fulgurant de l'armement
dont les effets sont proportionnels à leur expansion.
1 - Le développement de l'armement.
La guerre de nos jours est devenue essentiellement une
affaire de gros bras. Pour gagner la guerre il faut avoir un armement
sophistiqué. Le développement de ces engins de mort connaît
un essor prodigieux dès les lendemains de la première guerre
mondiale. Aucun Etat au monde ne voudrait être surpris ou défait
en cas de conflit.
Dès lors, les gouvernements encouragent et financent
activement la recherche dans le domaine de l'armement. L'espionnage est promu.
Il faut avoir ce que l'ennemi a, de préférence avoir mieux que le
lui: c'est la course aux armements. Des techniques nouvelles sont
développées et encouragées. Progressivement sortent des
industries spécialisées dans l'armement de nouvelles armes.
Celles - ci aboutissent à la mise sur pied des bombes atomiques et
chimiques qui seront d'ailleurs utilisées lors de la deuxième
guerre mondiale. La qualité des armes utilisées dans cette
confrontation internationale justifie d'ailleurs son nom de «grande
guerre.»
Après la grande guerre, l'exemple américain a
fait des vagues. Les pays de l'Est avec à leur tête l'ex - URSS se
lancent dans la course. La France fait de même. En Asie, le Japon,
déboussolé ne croise pas les bras. La Chine, la Corée du
Nord et l'Inde font de même. Dans le Moyen et le Proche Orient, l'Irak et
la
69 - Déclaration de St - Pétersbourg 1868
- Protocole de Genève prohibant, en temps de guerre,
l'emploi des gaz asphyxiants, toxiques ou similaires et des moyens
bactériologiques 1925
- Convention sur l'interdiction de la mise au point, de la
fabrication et du stockage des armes bactériologiques (biologiques) ou
à toxines et sur les destruction. 1972
- Convention sur l'interdiction ou la limitation d'emploi de
certains armes classiques qui peuvent être considérer comme
produisant des effets traumatiques excessifs ou frappant sans discrimination.
1980
- Convention sur l'interdiction de la mise au point, de la
fabrication, du stockage et de l'emploi des armes chimiques et sur leur
destruction. 1993
- Protocole relatifaux armes à laser aveuglantes
(Prot.IV (nouveau) à la Convention de 1980).1995
- Protocole révisé sur l'interdiction ou la
limitation de l'emploi des mines, pièges et autres dispositifs (Prot.II
(révisé) à la Convention de 1980).1996
- Convention sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la
production, et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction.
Syrie multiplient les efforts... Presque tous ces Etats
finissent par se doter d'armes de destructions massives dont - ils prouvent
d'ailleurs la fabrication par des essais nucléaires et une arrogance
manifeste. Ces armes n'entrent pas dans la même catégorie que les
armes jusque là connues du fait de leur puissance.
2- Les effets des armes de destructions massives sur la
population.
L'idée qui soutien généralement les
recherches dans le domaine de l'armement est l'effet dissuasif que celui - ci
procure.
En effet, l'idée de l'emploi de pareils engins de la
mort à l'encontre d'un Etat ennemi suffit à décourager
celui-ci dans sa démarche belliqueuse. Vu la puissance de l'armement des
Etats - Unis de nos jours, toute attaque armée dirigée contre lui
serait comparable à un suicide.
Ces armes dit - on contribuent par ce fait à
encourager la paix mais qu'adviendrait - il en cas d'échec dans le
maintien de la paix c'est - à - dire en cas d'utilisation? Pour s'en
convaincre, les cas de Hiroshima et Nagasaki au Japon donnent jusqu
`aujourd'hui des frissons, dans la mesure où les populations de ces
villes portent encore le souvenir de ce conflit dont les effets se prolongeront
encore pendant longtemps. Son souvenir reste toujours vivace dans les
mémoires des septuagénaires rescapés.
Ainsi, qui peut aujourd'hui garantir que les attaques n'auront
d'effets que sur les combattants et n'atteindront que les cibles militaires?
Les frappes, fussent - elles «chirurgicales» sur
les objectifs militaires auraient nécessairement des effets sur la
population dans la mesure où ces armes étendent leurs effets dans
le temps et dans l'espace.
Dans le temps, l'exemple le plus édifiant est celui
des mines anti - personnelles qui jusqu'aujourd'hui continuent de faire des
victimes en Angola et dont il faudra attendre encore des années pour un
déminage complet, encore que la difficulté consiste à
trouver où elles sont enfouies.
Dans l'espace, les effets nucléaires sont
transportés par le vent et se propagent même en dehors du
théâtre des opérations.
Au demeurant, il est aisé, lorsqu'un obus a
manqué sa cible et atteint les civils, d'émettre des regrets
comme ce fut le cas tout récemment en Irak et comme c'est le cas tous
les jours dans les territoires occupés de Palestine. Tel est l'un des
aspects des inégalités observées au sein du système
des NU.
B- LES INEGALITES AU SEIN DU SYSTEME DES NATIONS - UNIS
A la suite de la deuxième guerre mondiale, les Nations
vainqueurs avaient déjà mis sur pied un système
basé essentiellement sur les inégalités au sein des
NU. Celui-ci s'est traduit à travers le droit de veto
accordé aux Etats Unis, à la Chine, à l'ex-URSS, à
l'Angleterre et à la France. Le critère ayant justifié une
telle discrimination était en fait plus lié à la
qualité de vainqueur de la guerre que toute autre considération.
Cette inégalité originelle est plus visible aujourd'hui. Si on
admet que le droit de veto est réservé aux grandes nations, le
Japon ou le Canada pourraient aujourd'hui prétendre à un tel
avantage. De même on se demande aussi pourquoi l'Afrique du Sud ou le
Brésil ne peuvent avoir droit à ce privilège ou tout au
moins être membre permanent du Conseil de Sécurité au nom
du tiers monde. Ces inégalités consacrées par les
NU de façon tacite se poursuivent de nos jours et ont
des incidences néfastes dans les conflits armés.
1 - Manifestation des inégalités au sein des
NU.
L'illustration la plus flagrante en ce début de
siècle est celle des Etats Unis qui, outre leur position
stratégique au Conseil de sécurité, outre leur position
enviée et enviable en tant que titulaire du droit de veto peuvent
même, et ceci impunément, se permettre de violer ce qui
jusque-là constituait le fondement de la légalité
internationale. Cela se traduit avec vigueur dans le <bellicisme outrancier
70,> des Etats Unis, dans leur agression contre l'Irak pour des
raisons qui jusqu'aujourd'hui ne sont pas démontrées.
Cette agression est venue éclairer le malaise auquel
les NU font face: l'indépendance de droit de
l'ONU est dominée par une dépendance de fait
à l'égard des Etats Unis en priorité sinon comment
comprendre qu' <une guerre qui se donnant comme objectifs la
libéralisation d'un peuple et l'implantation de la démocratie, se
fait l'illustration la plus évidente de la force primant le droit dans
une région ou le droit du peuple palestinien est bafoué au
mépris de quelques 500 résolutions du Conseil de
Sécurité de l' ONU »71.
Cette guerre est l'une des faces ouvertes de l' <atteinte aux
institutions onusiennes qui s'étaient données pour mission de
préserver la paix dans le monde ,>72.
Cette inégalité manifeste se traduit aussi par
ce qu'il convient d'appeler deux poids, deux mesures : l' ONU
a été prompte à prendre et à faire
exécuter une résolution face à l'invasion de l'Irak au
Koweït sans jamais le faire dans le cadre
70 - Bouteflika. A. le quotidien d'Oran 25 mars 2003
71 - Bouteflika. A. opcit
72 - Bouteflika. A opcit
de la Cisjordanie,de Jérusalem, de Jenine, de Hamala.
De même, l'Irak a été attaquée parce qu'elle
possédait des armes chimiques et nucléaires et pouvait par
conséquent être une menace pour la paix internationale. Quid de la
Corée du Nord? Cette impuissance des NU est de nature
à favoriser à la fois l'établissement d'un nouvel ordre
mondial unipolaire et à encourager les atteintes au
DIH.
2 - Conséquences dans les conflits armés
Les inégalités telles qu'étudiées
ci-haut entraînent plusieurs conséquences dans les conflits
armés.
- l'impuissance de l'ONU ou son
incapacité à empêcher un conflit l'empêche
également à prendre des mesures décisives pour la faire
cesser. Cette situation est celle qui résulte d'un bras de fer entre l'
ONU et un Etat soutenu par d'éventuels membres
influents des NU.
- L'irresponsabilité de fait de certains Etats: un
Etat face auquel l'ONU est impuissant est par-là
même occasion irresponsable devant les NU qui auraient
assez de difficultés à lui imposer des réparations. Et
même si la responsabilité est établie, elle ne le sera que
de fait car les résolutions visant à sanctionner son comportement
restent lettre morte comme les résolutions ayant trait au conflit
Israélo-palestinien.
Ces conséquences majeures ont pour conséquence
liée celle de causer des maux superflus à l'état de la
paix globale souhaitée.
Un Etat peut décider un matin d'attaquer un autre en
dépit des protestations de l'ONU. Dès lors,
c'est la guerre dans la mesure oil les représailles bien qu'interdites
sont la réponse la plus évidente aux attaques.
De même, le phénomène le plus
accentué aujourd'hui est celui du terrorisme sous la forme de
représailles au silence ou à l'impuissance des NU
à faire stopper des abus. De nos jours, le terrorisme a atteint
des proportions qui peuvent être comparées à celles de la
guerre proprement dite. Les attaques terroristes du 11 septembre 2001 aux Etats
Unis ont fait plus de 3000 morts presque tous des civils. Tous les jours, des
civils israéliens sont tués dans les attentats du HAMAS ou de la
branche armée du FATAH en guise de représailles aux attaques et
incursions quotidiennes impunies de l'armée israélienne. Ce cycle
de violence expose au premier chef les civils des deux camps.
En somme, la consécration tacite des
inégalités au niveau de l'ONU est
préalablement le moteur du nouveau type de guerre : le terrorisme qui
met à nu les autres tares du DIH.
SECTION II: LES LIMITES INTERNES DU DIH
Le DIH porte en lui-même quelques
germes de ses limites. Celles-ci ne sont pas nombreuses mais méritent
d'être examinées afin de pouvoir servir de base d'étude
pour les travaux ultérieurs. Quelques-unes pourront être
oubliées sans que cela fauche les attentes du présent titre. Il
est malsain de se tourner uniquement vers l'extérieur chaque fois que
l'on découvre qu'un obstacle gène la promotion ou l'application
du DIH car un mal qui vient de l'intérieur est parfois
bénin et plus meurtrier ou tout au moins a des conséquences plus
désastreuses. «La vérité est que le droit
international humanitaire, au-delà d'éventuelles mesures
sélectives et au coup par coup, refuse de s'acquitter de façon
systématique du devoir d'assurer le respect des règles
humanitaires »73. Cette affirmation ne vient que
confirmer ce qui a été oublié ou tout au moins reste assez
iou dans la démarche de ceux qui ont rédigé les normes.
Aussi ressortent des limites dans le contrôle de l'application du DIH et
dans le système répressif.
PI: LES LIMITES LIEES AU CONTROLE DE L'APPLICATION DU
DIH
Le Contrôle de l'application du DIH reste une question
aussi vague que son contenu. Les mots sont durs, certes, mais doit-on
tolérer tout vide derrière lequel se retrancheraient
d'éventuelles violations? Cette interrogation procède de
l'analyse des mécanismes visant à assurer le respect du
DIH. Il s'agit tantôt des difficultés des
mécanismes inter-étatiques et des tares du contrôle
institutionnel.
A - LES DIFFICULTES DES MECANISMES INTER ETATIQUES
Il appartient aux Etats, en premier lieu, de garantir le
respect des normes du DIH. Cette garantie suppose un droit de
regard étendu qui va du contrôle collectif au recours à la
puissance protectrice.
1- les faiblesses du contrôle collectif
Le premier coup d'oeil jeté sur la quatrième
Convention de Genève fait ressortir les termes de l'exigence d'un
contrôle collectif dont les hautes parties contractantes s'engagent
à reconnaître à travers l'obligation de respecter et de
faire respecter la convention74. Il s'agit d'une obligation de
diffuser et de veiller à la diffusion du DIH.
73 Ligui Cordorelli : l'évolution récente des
mécanismes visant à assurer le respect du DIH, pp 127-133, Paris,
Pedone 1998 74Art. 9 IVème CVG
Cette idée se fait vague son caractère reste
fluctuant. Il n'y a pas de limite ou d'étendue à la diffusion,
encore que les Etats ne disposent pas des mêmes structures pour faciliter
cette diffusion. Un Etat peut, pour des besoins de diffusion, inscrire le
DIH dans les programmes scolaires tandis qu'un autre
décidera de diffuser des émissions à la radio et à
la télévision. Le résultat ne sera certainement pas le
même. Déjà, la diffusion n'emporte pas
nécessairement réception. Les Etats ont parfois objecté
qu'une large diffusion du DIH et des droits de l'homme
contribue à une prise de conscience de la population et à une
multiplication de procès contre l'Etat ou contre ses institutions.
Il en est de même pour l'obligation de faire respecter
collectivement le DIH. C'est une brèche ouverte aux
Etats de pouvoir demander à un Etat de faire cesser les violations
répétées et graves sur son territoire. D'une part, une
pareille invitation serait facilement considérée comme une
immixtion dans les affaires intérieures avec son cortège de
désagréments diplomatiques. D'autre part, l'application d'une
pareille obligation pourrait encourager l'arbitraire; un Etat pourra
considérer que la situation chez son voisin est désastreuse et
entreprendre des démarches pour une intervention armée tandis
qu'un autre Etat donnerait une interprétation moins stricte à la
question. Tout ne serait dès lors que question d'intérêts.
Enfin, les limites d'une pareille intervention ne sont pas clairement
définies. Elle peut ainsi se prolonger dans le temps.
Généralement, elle peut déboucher sur une extension du
conflit et aggraver dès lors ses conséquences.
L'expérience malheureuse de la généralisation du conflit
dans la région des grands lacs avec l'intervention de plusieurs
armées a été à l'origine d'un sérieux
précédent humanitaire. Cette situation est aussi malheureusement
celle à l'origine de la notion de puissance protectrice.
2 - La dilution de la notion de puissance protectrice
La puissance protectrice est un Etat tiers chargé de
protéger les intérêts d'une partie au conflit dans le pays
ennemi. Celle-ci accomplit ses missions par l'intermédiaire de ses
représentants ou de ses délégués qui devront en
tout état de cause ne s'en tenir qu'à leur mission. Cette mission
peut être confiée par substitution à un organisme
compétent, impartial et efficace pouvant faire face avec succès
à la situation et pouvant exercer sans entrave majeure dans le contexte.
Ce rôle est généralement dévolu au CICR
qui s'en acquitte heureusement bien.
Toutefois, la notion de puissance protectrice telle que
prévue a fait son chemin et est diluée aujourd'hui dans la
sphère des oubliettes du fait de l'interprétation extensive qu'on
fait d'elle. La désignation d'une puissance protectrice et son
entrée en service est subordonnée à l'acceptation de
toutes les
parties au conflit. La guerre ayant aussi pour effet de
nuire, on voit mal un Etat en pleine guerre accepter les propositions que lui
fait son ennemi. Elle relève de plus en plus de l'histoire de nos jours
car les exigences de la guerre moderne n'intègrent pas aisément
la possibilité de dialoguer pendant les hostilités.
De même, confier cette tâche à un
organisme indépendant pourrait facilement remettre en doute
l'indépendance de celui-ci et l'exposer aux risques du conflit. Tel est
le fondement des limites du contrôle institutionnel.
B - LES LIMITES DU CONTROLE INSTITUTIONNEL
Le contrôle institutionnel se rapproche de la
composante examinée ci - haut en ce sens qu'un organisme
indépendant assure les fonctions qui sont normalement assignées
à une puissance protectrice: Les remarques faites au niveau de ce type
de contrôle consacrent ses faiblesses.
- la disparité de ces organismes est le premier
argument qui soutient sa fragilité. En fait, pour quelles raisons telle
ou telle autre serait préféré? Il serait aisé
d'accorder des facilités à « Médecins du Monde >,
à >Médecins sans Frontières > ou à l'ordre
souverain de Malte. Mais cette facilitation pourrait être néfaste
à l'organisme en question, notamment lorsqu'il s'agit d'un conflit
armé non international. Il n'est pas évident pour une
armée régulière qui veut anéantir une insurrection
ou pour les rebelles d'accepter en même temps que celle-ci désigne
des intérêts qu'elle entend protéger. Une force
illégale du fait même de sa nature juridique a du mal à
être suivie par un organisme indépendant.
- Les organismes indépendants, dans leurs missions de
contrôle ne disposent d'aucun moyen de coercition pour amener les parties
contractantes à cesser leurs violations. A ce niveau; seul leur est
reconnu et assez limitativement d'ailleurs, le droit de constater et de
dénoncer les violations.
- Le contrôle fait par l' ONU est lui
aussi limité. En fait ses diverses interventions sont souvent
qualifiées de partiales car aux situations similaires s'applique un
contrôle différent. C'est un système de «deux poids
deux mesures.>Les inégalités au sein du système des
NU complètent cette suspicion.
P2- LES LIMITES LIEES A LA REPRESSION
La répression internationale des crimes de guerre est
consacrée et se développe assez rapidement avec les tribunaux
internationaux et la Cour pénale internationale. Ces juridictions
elles-mêmes sont fortement limitées.
- les tribunaux pénaux internationaux ont
laissé un goût d'inachevé. En principe, ils ont
consacré une inégalité dans les poursuites, la
délivrance des mandats d'arrêts. En pratique, il est difficile,
après une crise humanitaire de retrouver tous les coupables et
même de les poursuivre. Certains sont parfois de hauts dignitaires qu'il
est préférable de laisser partir pour éviter d'être
compromis. Ainsi, un commentateur dont nous n'avons jamais pu retrouver
l'identité déclarait un jour sur les ondes d'une radio son
indignation en ces termes: «Quand vous tuez un homme, on vous condamne
à la peine de mort. Quand vous en tuez dix, on vous envoie dans un asile
psychiatrique. Quand vous tuez des milliers, on vous invite à une
conférence de paix.» cette idée reprise ici traduit le iou
de la justice internationale qui a tendance à discriminer les
criminels.
- La lenteur de la justice pénale internationale est
aussi un facteur limitant le DIH. Les criminels sont très souvent
poursuivis après de longues années et les procès ne sont
bouclés que des dizaines d'années plus tard. Or, le but de la
justice est de sanctionner pour attirer l'attention. le fait qu'un
procès ne soit pas bouclé dix ans après la commission des
violations favorise la loi de l'oubli. La sanction une fois prononcée ne
concerne plus qu'une poignée de personnes usées par le
procès.
- Enfin, l'impuissance de la justice internationale est de
taille. Lorsque le
Président Charles Taylor déclare que les
hostilités ne pourraient être
interrompues tant que les poursuites ne sont pas
abandonnées contre lui, on ne
peut que croiser les doigts.
A- LA COMMISSION INTERNATIONALE D'ETABLISSEMENT DES FAITS
Le droit coutumier consacrait déjà la
possibilité d'une enquête visant à établir la
réalité des infractions au DIH. De même
que pour la notion de puissance protectrice, elle est restée
jusqu'aujourd'hui inutilisée dans la mesure oil sa mise en oeuvre
nécessite l'accord de deux Etats. On voit mal des Etats ennemis en train
de s'entendre pour faire enquêter et constater leurs atteintes mutuelles.
Cette possibilité est toutefois offerte et prévue dans la
IVème Convention.
Prolongeant la réflexion, le Protocole I prévoit
pour le futur la création d'une commission permanente dont la
compétence ne sera cependant obligatoire envers un Etat qu'à
partir du moment où celui-ci l'aura expressément
reconnu75. Qu'il s'agisse de l'une ou de l'autre, le problème
reste entier. L'Etat est le seul maître du jeu. Il peut décider
d'y prendre part, de reconnaître la structure ou non. En cas de
reconnaissance, il reste libre d'accepter ses services et en dernière
analyse, s'il le souhaite, les résultats d'enquête ne peuvent
être publiés. Cette approche visant à améliorer ce
contrôle reste elle aussi vaine à cause de la suspicion qui
pèse autour d'elle. Rares sont les Etats qui, conscients des abus qu'ils
posent ou sont susceptibles de poser, admettraient bien que leurs violations
soient établis.
B - LES AUTRES LIMITES
Le panel ici est presque connu. Les textes internationaux ont
presque tout prévu sauf le régime de la sanction. Les sanctions
sont prévues mais non quantifiées. Que court un criminel de
guerre? Dix ans d'emprisonnement, vingt ans ou tout simplement un an? Si le
renvoi est fait à l'ordre juridique interne, les instances nationales
peuvent bien décider de protéger ceux qu'on qualifierait de
criminels ou alors, refuser même de lever l'immunité. Ce recours
au juge international reste donc frappé d'une limite curieusement
négligée. C'est l'ouverture d'une brèche à
l'arbitraire. Le juge pourra ici aussi, pour deux infractions de même
nature, appliquer deux sanctions différentes. C'est l'éternel
problème de l'intime conviction dujuge.
Les Conventions comme les Protocoles stipulent clairement que
les infractions graves doivent être réprimées. Ces textes
toutefois ne fixent pas euxmêmes de peine précise, pas plus qu'ils
n'instituent de juridiction pour juger les contrevenants. Ils se contentent
d'exiger expressément des Etats que ceux-ci prennent des mesures
législatives nécessaires pour sanctionner les personnes
responsables de violences graves.
75- Torelli m. Opcit, pp.102-103
CHAPITRE II: LA NESSECITE D'UNE AMMELIORATION
DU SORT DES CIVILS.
Parler de la nécessité d'améliorer le
sort des civils consiste à faire avant tout un constat: la protection de
ceux-ci à l'heure actuelle a montré ses limites cette
étude serait vaine si elle borne à faire ce constat au lieu de
pousser le bouchon plus loin en s'inscrivant dans le cadre de la
réflexion. En effet, les résultats escomptés et
approchés à l'origine ne le sont plus aujourd'hui.
L'évolution de la guerre et des moyens de guerre dans l'ensemble n'a pu
être suivit par l'évolution des textes et des moeurs. La
multiplication des conflits armés de toutes sortes a fini par faire
ressortir toutes les lacunes des moyens et mécanismes de protection. Le
DIH n'est pas un droit embryonnaire, c'est un droit en
chantier; du fait qu'il est attaché à la personne humaine, il se
doit de ramer avec lui au rythme des vagues du temps, de l'histoire et du
contexte social. Son développement, son expansion et sa diffusion sont
inéluctables. La communauté internationale dans l'ensemble
s'inspire aujourd'hui des méthodes du CICR,
véritable moteur de la promotion et de l'application du
DIH notamment en faveur des populations civiles.
SECTION I - LE CICR UNE ORGANISATION AU SERVICE DE
L'HUMANITE, UN EXEMPLE A SUIVRE.
«Le mouvement international de la croix rouge et du
croissant rouge peut se prévaloir d'être une institution
humanitaire connue dans d'innombrables cercles de la quasi-totalité des
pays du monde76». Cette appréciation globale est tout
aussi particulière au CICR dont la popularité ne
souffre d'aucun doute notamment à la suite de ses nombreuses actions en
faveurs des populations tant avant que pendant et après les
hostilités. Cette présence du CICR sur les
champs de bataille procède de son histoire.
En 1859, Henri durant assiste à la bataille sanglante
de Solferino où face au bilan calamiteux, il improvise les premiers
secours, faisant preuve de courage, de disponibilité et de
surcroît de volonté. A la suite de ces atrocités, le
souvenir reste vivace dans son esprit. Dès lors germe une idée:
S'il n'est pas possible d'éviter la guerre véritable
fléau, il est tout au moins envisageable d'en atténuer les
ardeurs, d'amoindrir ses horreurs. Son idée fait des vagues et prend
forme définitive avec la constitution d'un comité chargé
de matérialiser le projet de création d'une structure digne de
remplir cet objectif.
76 - Hans Haug. Humanité pour tous. Le mouvement
international de la croix rouge et du croissant rouge. Ed Paul Haup Berne,
Stuttgart. Vienne 1993 p13
Ce comité comprend: le général Dufour,
Gustave Moynier, Henri Durant, Louis Appia et Théodore Maunoir. Il se
réunit la première fois le 17 février 1863; ses travaux
aboutissent la même année à la création du
CICR. Celui - ci apparaît très vite comme une
organisation de promotion et de sauvegarde, et surtout aussi, une organisation
opérationnelle.
PI- LE CICR: PROMOTEUR ET GARDIEN DU DIH
Le CICR est l'appellation simplifiée
et améliorée du «comité» depuis 1875. C'est
ainsi qu'il faut comprendre qu'a l'origine, son activité d'assistance et
de protection se soit limité aux militaires blessés et aux
malades avec cependant le maintien du contrat avec les sociétés
nationales. son activité s'étendra progressivement aux
prisonniers de guerre et aux populations civiles, notamment ceux des
territoires occupés. Toute fois, l'idée des civils dans son
action se traduira très tôt dans ses différentes
conférences ayant pour but de promouvoir le droit international
humanitaire et surtout de protéger celui - ci contre d'éventuels
atteintes.
A - LE CICR DANS LA PROMOTION DU
DIH
L'expérience malheureuse de la première guerre
mondiale à inspiré davantage le CICR qui
dès lors a accru son rôle. Celui - ci a été assez
marquant dans l'adoption du protocole de guerre concernant la prohibition de
l'emploi, à la guerre, de gaz asphyxiants, toxiques ou similaires ainsi
que de moyens bactériologiques en 1925.
Il s'est évertué à développer ce
qui apparaissait jusque là en bribe dans le règlement de la
guerre sur terre et dans le droit coutumier par rapport aux civils qui ont
été les plus grandes victimes de la première guerre et des
guerres des année 30. Ces efforts inlassables du CICR
visant à définir de façon permanente un cadre de
protection des civils a débouché sur l'approbation à Tokyo
d'un projet de convention concernant les civils en cas d'
occupation77. la
conférence de Londres reviendra sur la question et confiera toujours au
CICR la tâche de convoquer une conférence
diplomatique où serait traitée entre autre la question des
populations civiles. Malheureusement, ces travaux évolutifs seront
interrompus par la grande guerre qui viendra convaincre enfin les plus
sceptiques sur la nécessité de couvrir les populations civiles
toujours plus vulnérables, d'une protection du droit international.
77- projet de convention relative à la condition et
à la protection des civils de nationalité ennemie qui se trouvent
sur le territoire d'un belligérant ou sur un territoire occupé
par lui.
Le CICR à la suite de ce gigantesque
conflit international poursuit les travaux interrompus plus tôt sur
l'élaboration d'un traité relatif à la protection des
civils en période de conflit armé. Ses travaux débouchent
enfin le 12 août 1949 à la conférence diplomatique
convoquée par le conseil fédéral suisse à laquelle
le CICR prend part, sur l'adoption de quatre Conventions dont
la IVeme est relative essentiellement à la protection des
civils en temps de guerre.
Cette noble mission de promotion ne s'est pas
arrêtée là. Elle s'est poursuivie suite a la poussée
des conflits de moindre portée géographiques mais tout aussi
meurtriers78. Ces conflits mettent en exergue quelques oublis des
Conventions de Genève et suscitent la nécessité
d'améliorer celles - ci. C'est ainsi qu'est préparé et
publié en 1956 un <<projet de règles limitant les risques
connus par la population civile en temps de guerre. >> Ce projet,
malgré les difficultés qu'il rencontre à l'origine du fait
de la méfiance des grandes puissances sera remodelé et aboutira
en 1977 à l'adoption le 8 juin de deux Protocoles additionnels aux
Conventions de Genève. Ces deux textes de façon globale viennent
renforcer la protection de la population civile tant dans les conflits
internationaux que dans les conflits internes. Ce rôle important dans la
mise sur pied d'une législation internationale se poursuit dans la
diffusion des normes déjà existantes.
- La diffusion du DIH par le CICR
se matérialise d'abord à travers ses nombreuses
publications traduites en de nombreuses langues afin de multiplier le nombre de
lecteur (La << Revue internationale de la Croix - Rouge >>, le
<<manuel du soldat >>, le <<manuel scolaire >>...). Ces
publications du CICR sont appuyées par le soutient
qu'il apporte aux chercheurs en vue de l'édition des manuels relatifs au
DIH. A coté de ces documents écrits figure en
bonne place le soutient audio - visuel qui se traduit dans le montage et la
diffusion d'éléments sonores et visuels sur les chaînes de
Radio et de télévision, les spots brefs mais assez
explicatifs.
- L'organisation des conférences et des
séminaires régionaux auxquels prennent part les
représentants des sociétés nationales et parfois
même sont ouverts au public. Ils visent à promouvoir davantage
l'humanité qui reste son cheval de bataille. Ces séminaires et
conférence entrent dans la logique de la formation et de la recherche,
principale activité de l'institut Henry - Durant fondé en 1965
par le CICR, la Ligue et la Croix - Rouge suisse.
Le rôle de diffusion du DIH au
CICR est relayé sur les territoires nationaux par les
sociétés nationales dont l'une des missions premières est
celle de tout faire pour encrer le DIH dans l'esprit des
citoyens. Pour cela, les sociétés nationales, sous l'impulsion du
CICR sensibilisent la presse et le grand public sur la
question
78 - Guerre d'Algérie 1955 - 1962, guerre de
sécession au Nigeria 1967- 1970, guerre de Corée 1950- 1953
des crises humanitaires, des réactions en cas de
crises, au respect des emblèmes. Elles inculquent au grand public les
notions d'humanité qui guident d'ailleurs leurs principes
généraux et fondamentaux.
B - LES PRINCIPES FONDAMENTAUX ET LA PROTECTION DU
DIH
Les Conventions de Genève et leurs Protocoles sont des
instruments juridiques capitaux sur lesquels s'appuient de nos jours les
délégués du CICR. Ces textes paraissent
à leur examen comme un prolongement des principes fondamentaux sur
lesquels reposent les activités du CICR et de la Croix
- Rouge en général.
1 - Les principes fondamentaux de la Croix - Rouge. Ces
principes sont:
a - Le principe de l'humanité:
C'est le principe primordial qui résumerait à
lui seul les activités de la Croix-Rouge et du Croissant Rouge. Il
s'agit d'un devoir dans le regard et la condition d'autrui de se sentir
touché dans sa chair, concerné autant que lui.
C'est pour cela qu'il faut prévenir, faire respecter la
personne humaine tels que le préconisent toutes les religions. Ce
principe fonde l'action de la Croix - Rouge qui agit toujours au nom de
l'humanité.
b - Le principe d'impartialité.
Il s'agit de ne faire aucune distinction fondée sur la
race, la nationalité, la religion, la condition sociale et
l'appartenance politique. Toute personne qui a besoin d'aide doit être
secourue.
L'impartialité suppose une égalité sans
exclure la préférence qui voudrait qu'une échelle de
priorité soit établie en fonction de l'urgence des besoins et de
leur consistance.
c- Le principe de neutralité
La neutralité consisté à s'abstenir de
prendre part au conflit et même de poser tout acte pouvant être
à l'origine des controverses d'ordre politique, racial, religieux ou
philosophique. C'est cette neutralité qui renforce l'immunité de
la Croix - Rouge.
d- Le principe d'indépendance
La Croix - Rouge est indépendante. Auxiliaires des
pouvoirs publics dans leurs activités humanitaires et soumises aux lois
qui régissent leurs pays respectifs, les sociétés
nationales doivent pourtant conserver une autonomie qui leur permette d'agir
touj ours selon les principes de la croix - rouge.
Le CICR malgré sa source
financière suisse est à la fois indépendante envers la
confédération helvétique qu'envers les NU
et tout autre Etat.
e- Le principe du bénévolat.
On pourrait encore le désigner sous le nom du
volontariat; c'est l'idée de travailler dans les missions de secours non
pour s'enrichir mais pour satisfaire une volonté
désintéressée. Ce désintéressement se doit
d'être total, doublé de l'idé e de
gratuité79.
f- Le principe de l'unité.
Il ne peut y avoir qu'une seule société
nationale de la Croix - Rouge ou du Croissant - Rouge dans un même pays.
Ce principe vise à éviter d'éventuels confusions et
embouteillages dans l'organisation des secours.
g- Le principe d'universalité.
La Croix - Rouge est une institution universelle, au sein de
laquelle toutes les sociétés ont des droits égaux et le
devoir de s'entraider.
Ces principes sont suffisamment clairs pour édifier
chacun sur le pourquoi et le comment de la Croix - Rouge, pour comprendre les
raisons de son succès dans le domaine humanitaire notamment dans la
protection de ce droit.
2- Le CIRC et la protection du DIH
Le CICR est aussi très actif lorsque
les violations du DIH sont clamées. Cette
prérogative lui revient en vertu d'une disposition de la IV
ème Convention de Genève : « les
représentants ou délégués des puissances
protectrices seront autorisés à se rendre dans tous les lieux
où se trouvent des personnes protégées, notamment dans les
lieux d'internements, de détention et de travail (...)» de
même « les délégués du Comité
International de la Croix - Rouge bénéficieront des mêmes
prérogatives (...) »80.
79 - Jean PICTET, les principes fondamentaux de la croix - rouge
PP 96- 112
80 - Art 143 IV ème CVG
Par ailleurs, cette prérogative procède aussi de
la lecture des statuts du Mouvement qui donnent entre autre au CICR
le rôle. «(...)d'assumer les tâches qui lui sont
reconnues par les conventions de Genève, de travailler à
l'application fidèle du droit international humanitaire applicable dans
les conflits armés et de recevoir toute plainte au sujet des violations
alléguées de ce droit »81
Ce rôle de gardien se fait par l'intermédiaire de
certaines démarches ponctuelles.
- Les démarches sur l'initiative du
CICR
Face à des violations du DIH, le
CICR intervient de façon confidentielle en règle
générale auprès des autorités responsables pour
attirer leur attention. En cas de violations graves et
répétées, il se réserve le droit de prendre
position publiquement par le biais des dénonciations; celles-ci ne sont
nécessaires que si elles ont pour but de faire cesser ces violations.
- Les démarches visant à encourager les
Etats
Le CICR, dans sa politique, encourage les
Etats à inclure dans leurs législations internes des normes
permettant de poursuivre les auteurs de crimes.
- Les démarches de transmission
Le CICR est une courroie neutre de
transmission de plaintes entre les parties à la suite des violations du
DIH. Cette transmission se veut symétrique.
- Les démarches liées aux constatations
d'infractions
Exceptionnellement, le CICR peut
répondre favorablement à une demande de constatation dans la
mesure où il ne constitue nullement une instance judiciaire.
Ainsi appréhendé, le CICR joue
à merveille son rôle de gardien même s'il reste
limité par le fait que le rôle essentiel incombe aux Etats.
Toutefois, cette place du CICR est encore plus perceptible
dès lors qu'il est perçu comme une organisation humanitaire
opérationnelle.
81 - Art5 P2 (c) statuts du mouvement international de la croix
- rouge.
PII- LE CICR: UNE ORGANISATION
HUMANITAIRE OPERATIONNELLE
C'est sous cet angle que le CICR est le plus
connu. Dans chaque conflit armé, international ou non, on finit par
apercevoir un drapeau blanc frappé d'une croix rouge et ses initiales.
Il s'agit des actions du CICR sur le champs de bataille
pendant ou après le conflit.
Il faut noter d'entrée que le CICR
bénéficie du statut consultatif au sein du conseil
économique et social des NU. Il dispose
également d'une délégation permanente auprès du
siège de l'ONU depuis 1970 et des relations
étroites existent entre le Secrétariat Général des
NU et le président du CICR. Mais surtout, depuis le 16
octobre 1990, le CICR a un statut d'observateur au sein de
l'Assemblée Générale des NU, fait unique
pour une association de droit privé.
Ce rappel de la place du CICR auprès
des NU n'est pas vain. Il a pour but de montrer la
légitimité de ses actions qui lui est certes confiée par
les textes notamment les Conventions et les Protocoles, mais surtout
l'incidence de cette place prépondérante justifie
l'efficacité de ses actions sur le terrain notamment en matière
de secours et d'assistance. A coté de ses privilèges, le
CICR bénéficie d'un autre droit autant
spécial : le droit d'initiative.
A- LES SECOURS, L'ASSISTANCE ET LE CICR.
C'est à l'occasion des secours et assistance que le
CICR déploie tout son arsenal pour déclencher
toutes les opérations visant à protéger les civils et les
victimes. Dans ces cas, le CICR peut agir seul ou conjuguer
ses efforts avec celui des NU ou encore avec une autre
organisation; ses interventions ont des bases juridiques solides. Il peut aussi
s'agir d'intervention à la suit des mandats à lui confiés
par les Etats concernés. Globalement ses missions d'assistance et de
secours portent sur le contrôle des internés, le renseignement, la
facilitation des secours, l'aide au rétablissement des liens.
- le contrôle consiste surtout pour le CICR
à se rendre dans les camps de réfugiés et dans
les prisons pour voir comment les réfugiés et les internés
sont traités. C'est aussi une mission d'évaluation des conflits
dans lesquels ces personnes vivent. Ces visites faites aux internés
s'étendent aux échanges de propos afin de s'enquérir de la
situation telle que décrite par les premiers concernés. Ces
visites ne connaissent en principe pas de limites sauf hypothèses «
d'i mpéri euse nécessi té mili ai re»82
82Art 143 IV eme CVG
- le renseignement qui entre dans les actes concrets que peut
poser le CICR est l'oeuvre d'une agence autre qui peut
être créée si le besoin se fait sentir pour recenser et
identifier les internés civils. Ces renseignements collectés,
doivent être transmis le plus rapidement possible au pays d'origine sous
réserve que cette transmission ne soit susceptible de poser des
problèmes aux personnes protégées ou à leurs
proches83. Cette action a pour but de favoriser le
rétablissement des liens familiaux dans la mesure ou la guerre disperse
touj ours les familles. Cette fonction de renseignement permet à l'Etat
d'origine d'avoir des informations sur l'état de ses ressortissants dans
le pays en guerre et de pouvoir, le cas échéant, engager les
négociations en vue de leur libération et éventuellement
de leur retour.
- La facilitation des secours est une oeuvre assez
délicate que le CICR assume en vertu des dispositions
de la convention qui lui reconnait le pouvoir de participer aux
opérations de secours. Ainsi, le CICR peut en cas
d'occupation, lui-même offrir des secours en faveur de la
population84. Il peut être sollicité pour donner un
appui ou assurer tout seul la distribution des secours85.
- Des actes similaires lui sont reconnus en faveur des
internés qui peuvent recevoir des secours collectifs qui leur sont
destinés des mains des représentants de cette organisation au cas
où elle serait l'expéditeur ou tout simplement associé
à la distribution86. Il arrive que l'importance des
opérations militaires ne permette pas aux autres puissances
intéressées de pouvoir assurer elles-mêmes le transport des
envois. Dans ce cas, le CICR peut également être
sollicité après que des moyens nécessaires pour effectuer
ces transports soient rassemblés pour lui faciliter la tâche. Il
se chargera donc, sous le couvert de son drapeau, d'assurer
l'effectivité de ces transports spéciaux87.
En somme, le rôle du CICR ici en
faveur des civils est assez édifiant. De la protection à
l'assistance proprement dite, ses résultats sont appréciés
et remarqués. Les secours ont été distribués par
les soins du CICR en Hongrie entre 1956-1957 à la suite
des soulèvements populaires qui avaient engendré une crise
humanitaire et où l'intervention de l'ONU ne fut
souhaitée.
83 - Art 140 IVeme CVG
84 - Art 59IVemeCVG
85 - Art 61 IVeme CVG
86 - Art 108 IV eme CVG 87- Art111IVemeCVG
En 1960, à la suite de l'accession à
l'indépendance du Congo Belge et des troubles intérieurs qui en
ont résulté, le CICR en collaboration avec l'OMS
a mis à la disposition de ce pays des équipes
médicales.
En 1971 au Bangladesh, à Chypre en 1974, au Cambodge
en 1979, ou en faveur des réfugiés <<boat people >>
du Vietnam de 1975 à 1985, le travail d'aide et de collaboration du
CICR a eu des résultats appréciés.
Au Kosovo, au Rwanda et en Afghanistan, un travail similaire
a été accompli.
Le 05 mai 2003, le président du CICR
Jacob KELLENBERGER a fait une descente à Bagdad pour
évaluer sur place les structures médicales ainsi que des stations
de traitement d'eau afin de se rendre compte lui-même de la
réalité sur le terrain. Ce déplacement confirme s'il en
était encore besoin que le CICR est une organisation
humanitaire au service de l'humanité.
B - LE DROIT D'INITIATIVE DU CICR.
Le droit d'initiative du CICR est aussi
vieux que son histoire. Sa genèse même, n'est qu'une initiative,
celle d'un homme courageux (H. DUNANT.) Ce droit a précédé
les Conventions de Genève. C'est le droit en vertu duquel le
CICR peut proposer aux parties contractantes des
activités humanitaires au profit des victimes88 . Cette offre
de service est prévue par le droit en ces termes: << les
disposition de la présente Convention ne font pas obstacle aux
activités humanitaires que le Comité Internationale de la Croix
Rouge, ainsi que tout autre organisme humanitaire impartial entreprendra pour
la protection des personnes civiles et pour les secours à leur apporter,
moyennant l'agrément des parties au conflit intéressées.
>>89 Cet article est reprit de façon presque identique
par l'article 81 du Protocole I ; sa combinaison avec l'article 3 commun aux
Conventions de Genève fait ressortir la pertinence de ce droit. Il est
clairement établit ici que << un organisme humanitaire impartial,
tel que le Comité International de le Croix-Rouge pourra offrir ses
services aux parties aux conflit. >> Le CICR peut
à la lecture de cet article faire des offres de services à tout
Etat et à tout groupe qui en a besoin car l'article 3
précité régit aussi le<<conflit armé ne
présentant pas un caractère international et surgissant sur le
territoire de l'une des Hautes parties contractantes... >> Cette position
est réaffirmée dans les statuts de la Croix -Rouge internationale
90qui adopte la même position que celle de l'article 3
précité en reconnaissant l'extension de ce droit aux <<
troubles intérieurs.>>
88 Voir Yves Sandoz, Le droit d'initiative du CICR, Jahrbuch
für internationales Rech, Berlin, 1979 89Art.
10IVème CVG
90 Art. 4 al. 5 et 6 des Statuts
Le droit d'initiative du CICR comme
l'ensemble de son action, peut être mis en branle au début,
pendant et après les hostilités. L'idée de base reste:
l'intervention en vue de protéger ou de secourir les victimes ou les
populations sinistrées.
Ainsi, chaque fois qu'il y a violation grave du DIH,
le CICR n'a pas besoin d'être interpellé
pour agir à travers un constat, une dénonciation, ou une
assistance directe.
Enfin, le droit d'assistance ne doit pas être confondu
à l'ingérence humanitaire .Contrairement à celle-ci qui
peut faire plus de mal que bien, l'initiative du CICR qui ne
dispose pas d'une armée est un droit essentiellement pacifique et
salvateur. Cet exemple du CICR mérite d'être
encouragé et suivi par la mise sur pied de nouvelles
stratégies.
SECTION II- LE RENFORCEMENT DES STRATEGIES ET DES
MECANISMES NOUVEAUX
Le sort des civils dans la guerre est inévitablement
lié au sort du DIH qui, malgré une codification, présente
aujourd'hui de nombreuses limites qu'il faut penser pour un
épanouissement réel de la population. Pour sortir de ce cycle
infernal, il faut, maintenant que les failles ont été
tirées et que l'exemple réussi du CICR a été
présenté, envisager l'avenir de façon positive en
renforçant déjà ce qui existe. Or, ce que le droit a
prévu semble lui aussi insuffisant. Dès lors, il faut aller plus
loin en imaginant ce qui pourra être le nouveau visage du DIH. Cette
revalorisation du DIH passe par des stratégies bien pensées et
des mécanismes nouveaux.
P1- LES STRATEGIES APPLICABLES
Résoudre de façon efficace les problèmes
posés par les crises humanitaires passe par la mise sur pied des moyens
visant à éviter des dérapages. Il s'agit d'engagement
collectif de tout mettre en oeuvre pour garantir l'application du DIH
et sa diffusion. Il est d'ailleurs souhaitable que les
problèmes de garantie et de diffusion ne soient plus envisagés
comme voeux mais comme véritables obligations.
A - L'OBLIGATION DE DIFFUSER LE DIH
L'idée qui gouverne cette réflexion est que le
DIH existe bel et bien et protège suffisamment les
civils mais reste très peu connu parce que pendant longtemps, il a
été très peu reçu et surtout mal diffusé
tant au niveau interne qu'au niveau international.
1 - Sur le plan interne
Au niveau interne, les sociétés nationales de
la Croix - Rouge jouent un rôle prépondérant dans la
diffusion et l'application du DIH à travers les
séminaires, les conférences et la médiatisation. Ce
rôle s'avère toutefois insuffisant et limité parce que
celles-ci n'ont pas toujours les moyens qu'il faut pour une bonne politique de
diffusion. L'oeuvre humanitaire étant essentiellement
bénévole, les moyens pour la formation d'un personnel
véritablement compétent ne suivent pas toujours les politiques
préétablies.
Pour mieux diffuser le DIH au plan interne,
il faut de façon globale:
- multiplier les instances régionales de la Croix -
Rouge à l'intérieur du pays. Ceci passe par une forte
décentralisation qui permettrait à la société
nationale de mieux s'étendre géographiquement afin d'atteindre
les couches sociales les plus retirées, celles des campagnes et des
zones enclavées.
- Encourager la formation des personnels en matière de
secours. Très souvent, en cas de conflits, les premiers secours tardent
à se mettre en place faute de personnel qualifié et volontaire.
Cette formation du personnel doit être constante afin d'éviter les
improvisations qu'on observe régulièrement dès que la
crise commence.
- L'insertion du DIH dans les programmes
scolaires dès le secondaire permettrait d'assurer une connaissance quasi
parfaite de la matière. Jusque là, dans de nombreux pays
d'Afrique (Cameroun par exemple) le DIH n'est enseigné
qu'aux étudiants de droit et très généralement
comme matière facultative ou optionnelle du second cycle Universitaire.
Or, rares sont ceux qui atteignent généralement ce niveau.
Cette insertion du DIH doit cesser de
paraître comme une affaire de l'Occident pour s'ancrer dans les valeurs
juridiques et dans toutes les instances internes afin que la population dans
son ensemble soit édifiée sur sa pertinence.
2 - Sur le plan international
La diffusion du DIH au plan international
vient au secours des efforts faits sur le plan interne. Ce rôle a
été jusque-là le cheval de proue du CICR
avec ses créations comme l'institut Henri Dunant. Cette
diffusion n'est pas parfaite; c'est pourquoi, une amélioration reste
souhaitable. Pour ce faire, il faut:
- Encourager la coopération des sociétés
nationales entre elles, entre elles et le CICR, entre elles et
les autres organisations. Une pareille coopération, si elle est
réussie, favoriserait les échanges entre ces diverses instances
en vue d'élargir et de mieux maîtriser les espaces où la
promotion est nécessaire.
- Promouvoir les conférences internationales,
véritables forums où les Etats et les organisations viendraient
échanger régulièrement leurs expériences et leurs
opinions sur la question de diffusion. Les conférences ne doivent pas
avoir uniquement pour objectifs l'édiction de nouvelles normes. Elles
doivent intégrer les médecins, les militaires, les anciens
réfugiés et internés... afin que de ces forums assez
représentatifs sortent des décisions et des stratégies
pouvant permettre une diffusion plus efficiente du DIH.
La coopération doit également être
renforcée entre les organisations opérationnelles et les
NU. Cette dernière avec les moyens financiers qu'elle
met à la disposition des organisations humanitaires doit au besoins
préciser l'emploie dont une bonne partie serait destinées
à la diffusion du DIH.
.
B - LA GARANTIE COLLECTIVE
L'obligation de garantie collective dont il s'agit consiste
pour l'ensemble de la communauté internationale à veiller
à ce que le DIH soit respecté. Cette obligation
est aujourd'hui presque diluée par le fait du principe de
non-ingérence. En effet, garantir consiste à protéger les
citoyens d'un Etat victimes des effets de la guerre. le principe de l'abandon
de l'intervention armée étant depuis fort longtemps admis, il est
pratiquement difficile d'exercer ce droit face au principe de la
souveraineté.
De même, les Etats qui devraient collectivement se
dresser contre certains abus se comportent très souvent en
étrangers, feignant de ne pas connaître qu'ils ont collectivement
la responsabilité de faire respecter le DIH.
Dès lors que les Etats estiment qu'ils ne sont pas
liés au conflit, ils se doivent de réagir afin que la
communauté internationale dans un système régulateur
puisse constater la cessation des atteintes. Pour ce faire:
? Les Etats doivent relire le contenu des textes qui leur
donnent ce mandat permanent chaque fois qu'il y a infractions graves et
répétées. Ceci s'apparente au droit d'initiative du
CICR.
? Il faut revoir les imprécisions de l'article7 du
Protocole I et de l'article 89 du même texte qui ne définissent
pas clairement les conditions et les modalités de la garantie
collective. On a du mal à déterminer l'étendue de cette
garantie. S'agit - il de pressions diplomatiques ou d'une intervention
armée? Il est souhaitable qu'un nouveau visage soit reconnu à la
garantie collective et qu'elle soit désormais envisagée en
mesures de rétorsion, c'est à dire en actes inamicaux se
présentant comme préliminaires aux sanctions véritables et
revêtant un caractère licite. Il peut à ce sujet s'agir:
- Les expulsions diplomatiques: cette politique permet
d'attirer l'attention de la communauté internationale sur la situation
reprochée par l'écho qu'elle engendre tant dans les médias
que dans les milieux politiques.
- De la rupture des relations diplomatiques: c'est la suite
logique de la première mesure. Elle vise à montrer à
l'Etat accusé de violations graves, son degré de
mécontentement. Généralement, cette mesure entraîne
un début de contact en vu du rétablissement de liens et par
conséquent l'évocation directe des reproches et l'examen
approfondi de la situation par les deux parties et éventuellement par la
communauté internationale.
- Réduction ou suspension de l'aide et des prêts
financiers à l'Etat en question. Cette mesure assez grave est celle que
prend généralement un Etat bailleurs de fond ou plus riche envers
un autre plus pauvre et nécessiteux. Toute fois, une pareille mesure
doit être correctement étudiée avant d'être
appliquée. En fait, un Etat déjà nécessiteux
à qui on suspend ou réduit l'aide pour l'obliger à cesser
les violations graves aux Conventions de Genève peut se retrouver
dès lors dans une situation encore plus grave. Cette mesure, pour
produire les effets attendus doit donc être ponctuelle et raisonnable.
- Gel des capitaux et avoirs financiers: C'est la
consécration de la continuation des violations. Il faut par cette mesure
sanctionner les concernés directs (Chef d'Etat, membres du
gouvernements, responsables militaires...) en opérant un gel de leurs
avoirs. Cette mesure peut impulser un début de solution du fait de sa
rigueur et de son caractère direct et personnel.
La liste des mesures coercitives mais non armées qui
constituent ici l'essentiel de notre argumentation n'est pas exhaustive. On
peut y ajouter l'embargo
aérien, l'interruption de toute négociation en
cours, l'embargo commercial... L'idée de base reste que la garantie
collective ne doit intégrer que des mesures de rétorsion non
armées.
A côté de ces stratégies, il faut
développer un autre rôle pour les NU afin de lui
rappeler ses missions fondamentales.
P2- LE RENFORCEMENT DU ROLE DES NU
L'ONU sort suffisamment affaiblie du bras de
fer qui l'a opposé tout récemment aux Etats Unis au sujet de
l'Irak. Le débat est encore ouvert sur la question de savoir «qui
gouverne» aux NU; est-ce le Secrétaire
Général, le Conseil de Sécurité, l'Assemblée
Générale ou les... Etats Unis? On se pose déjà la
question de savoir: qu'est ce qui sera fait face au refus de Charles Taylor de
se présenter devant le tribunal mis sur pied sous l'égide des
NU pour répondre des violations au DIH pour lesquelles
il est accusé? Ces divers cas traduisent un malaise qu'il faut examiner
en profondeur pour remarquer que le meilleur rôle de l'ONU
aujourd'hui serait d'abord préventif et exceptionnellement
répressif.
A - L'ACCROISSEMENT DU ROLE PREVENTIF AU SEIN DES
NU
L'ONU aujourd'hui doit recentrer ses
activités de manière à éviter le plus possible les
catastrophes humanitaires et au besoin afin de limiter au maximum les conflits
armés. Nous l'avons dit, outre quelques actions réussies,
l'ONU s'est enfermée depuis quelques années dans
un cycle de résolutions qui n'ont d'écho que dans les
médias et au siège des NU, sans jamais
être suivies. Afin d'éviter un pareil constat nuancé
à l'avenir, il est question de s'atteler dès lors aux
tâches de prévention en intégrant dans ses organes une
véritable commission humanitaire et en orientant efficacement son
rôle d'institution de maintien de la paix.
1 - La Commission humanitaire des NU
Cette idée est une proposition fort heureuse de
Médecins du Monde. Elle aurait pour but, cette Commission, de pallier au
déficit d'information auquel font face les Etats. Il s'agit de la
recherche, de la collecte et de la diffusion d'informations fiables
collectées à partir de toutes les bonnes sources disponibles.
Celles -ci doivent porter sur les déplacements des populations, les
conditions de sécurité qui entourent ces déplacements, les
conditions dans lesquelles vivent ces populations et l'état des
violations du DIH et des droits de l'homme.
Globalement, cette Commission doit collecter en tous lieux,
toutes les informations relatives au sort des populations en danger. Cette
information doit ensuite être traitée par ses soins et transmise
sous forme de rapport au secrétaire Général des NU qui
doit dès lors attirer l'attention du Conseil de
Sécurité.
Cette Commission qu'il est souhaitable de créer
devrait être dotée d'un véritable statut juridique et de
véritables moyens afin de pouvoir de se déployer à temps
sur le terrain pour effectuer son unique tâche qui se résumerait
dans la collecte et la transmission instantanée de données afin
de faciliter les décisions politiques fondées sur la satisfaction
des besoins des populations civiles. Elle contribuerait aussi à agir en
amont dans le maintien de la paix.
2 - La réorientation du maintien de la paix
Traditionnellement, ce rôle dévolu à
l'ONU du fait du chapitre VI de la Charte des NU consiste
à faire respecter des cessez-le-feu et des lignes de démarcation
ou de conclure des accords de retrait de troupes. Ces tâches
traditionnelles ont pendant longtemps inhibé les actions de
l'ONU qui dès lors se contentait de jouer le rôle
strict de gardien de la paix.
Ces dernières années, ce rôle s'est
étendu et comporte aujourd'hui des tâches telles que la
surveillance des élections, c'est-à-dire l'observation de leur
régularité et l'aide en vue d'une bonne organisation des
opérations électorales dans les pays oil des
irrégularités sont susceptibles de jeter de l'huile sur le feu et
oil il n'y a pas assez de moyens pour garantir le succès de telles
opérations. Le maintien de la paix s'est aussi étendu à
l'acheminement des secours humanitaires; ainsi l'ONU, sous
l'idée de maintien de la paix s'est très souvent retrouvée
impliquée dans l'acheminement, la protection des convois humanitaires et
même dans la distribution des secours. L' ONU,
également, sous le prétexte du maintien de la paix,
assiste les parties concernées dans le processus de
réconciliation nationale. Ce cas a été assez porteur au
Burundi. L'ONU se trouve ainsi impliquée dans une
situation purement intérieure. Toutefois, ces actions en faveur du
maintien de la paix nous semblent incomplètes d'oil le constat
d'échec que nous avons relevé plus tôt. Il faut donc
ajouter à ces missions traditionnelles visant le maintien de la paix:
- la reconnaissance des groupes terroristes afin d'engager les
négociations le plus tôt avec eux pour éviter l'embrasement
et les massacres des civils;
- le maintien de la paix passe aussi aujourd'hui par le
réaménagement de la législation visant à
réglementer les résistances pacifiques qui finissent presque touj
ours à se transformer en résistance armée ; le reste est
connu.
- Il faut également créer un code de conduite
pour harmoniser les actions et les liens des organisations humanitaires en
faveur des mouvements insurrectionnels afin d'éviter le sentiment
d'impartialité qui est souvent à l'origine des frustrations et
éventuellement des velléités.
Ce rôle préventif que les NU se
doivent de promouvoir doit se poursuivre dans la promotion et le financement de
la recherche dans le domaine du DIH. Il faut toutefois se
poser la question de savoir: lorsqu'une partie refuse
délibérément de cesser les violations et que tous les
moyens pacifiques sont épuisés, que faut-il faire? C'est
là l'évocation de la répression armée.
B - L'ADMISSION DE LA REPRESSION ARMEE
Il peut arriver que l'urgence et l'ampleur des violations
obligent à faire usage d'une intervention armée pour les faire
cesser dans le cadre du chapitre VII de la Charte des NU. Le
Conseil de Sécurité ne saurait oublier dès lors que son
rôle primordial est de préserver et de rétablir la paix.
Même dans cette guerre obligée, les organisations humanitaires
doivent jouer un rôle essentiel pour la création des zones
protégées, des couloirs de sécurité...
Une pareille intervention matérialise l'échec de
toutes les négociations et de toutes les mesures de rétorsions
pacifiques. Elle est l'ultime recours et peut prendre plusieurs formes:
Elle peut se présenter sous la forme d'opération
d'imposition de la paix. Elle est conduite par des forces des NU
ou par des Etats, des groupes d'Etats ou des Organisations
régionales à l'invitation de l'Etat concerné ou sur
autorisation du Conseil de sécurité. Ces forces se voient confier
une mission de combat et sont autorisées à utiliser des mesures
coercitives pour s'acquitter de leur mandat. Le consentement des parties n'est
pas forcément requis; l'urgence étant, ce qui importe, c'est
d'imposer la paix par tous les moyens et le plutôt possible. Ces actions
se doivent d'être précises et ne doivent pas s'étendre dans
le temps afin de ne pas aggraver la situation humanitaire. La promptitude dans
cette opération passe par une réelle étude de terrain et
de la situation globale avant l'ouverture des manoeuvres. De même,
celle-ci doit être faite de manière à garantir au maximum
la protection des populations pendant sa durée.
Avant toute mission d'imposition de la paix, il est important
voire nécessaire de rappeler aux soldats devant intervenir le contenu du
DIH afin qu'ils ne soient les premiers à tomber sous le
coup de ses limitations.
De même, une imposition de la paix, pour qu'elle soit
réussie doit, après la cessation des hostilités se
poursuivre par une démilitarisation des groupes armés. Dans la
même optique, une mission d'imposition de la paix ne doit pas se presser
de quitter le territoire concerné à la fin des opérations.
Au contraire, le départ doit être lent et progressif pour
éviter un réveil des combats.
Il convient enfin de noter que la composition des forces
d'imposition est en principe hétéroclite et ses membres restent
tenus par leur législation nationale de respecter les instruments du
DIH auxquels leur pays d'origine est lié. En
conséquence, s'ils violent le droit, ils peuvent être poursuivis
devant leurs tribunaux nationaux. Le fait de faire partie des casques bleus ne
confère en aucun cas l'immunité. Tout le monde doit respecter le
DIH, tout le monde doit respecter les civils.
Dans l'hypothèse du recours à la force, c'est
à dessein que nous excluons ici l'hypothèse des
représailles qui consistent à répondre à une
violation par une autre violation. Il ne faudrait pas admettre que le mal soit
rendu par le mal.
Conclusion
Au terme de cette construction à la fois juridique et
analytique, il ressort que les populations civiles sont protégées
dans la guerre à travers les différentes Conventions, les
Protocoles, les déclarations et les résolutions du Conseil de
Sécurité.
Cette protection se veut tantôt spéciale
notamment envers les femmes, les enfants, les étrangers, les
internés et le personnel humanitaire, tantôt elle porte sur les
objectifs dont la destruction serait fort préjudiciable pour la survie
des populations. Elle est encadrée par un arsenal juridique
répressif géniteur d'une éventuelle sanction. Cette
protection s'étend enfin dans les opérations de secours et
d'assistance. Toute fois, elle semble assez fragile dans un monde où la
recrudescence des conflits et la multiplication des victimes civiles est
flagrante. Seulement, il convient dans cette situation, de louer les efforts,
les initiatives et le rôle du CICR qui aux
côtés de l'ONU se bat afin que les populations
à défaut de vivre en paix, puissent tout au moins survivre
à la guerre. Ces efforts ne masquent pas cependant le résultat
pratique.
Autant le dire, entre apocalypse et le meilleur des mondes, le
bilan est ailleurs, certainement mitigé. Plutôt que d'alimenter
les querelles de clocher, il faut le restituer dans ses véritables
proportions: Appréciable, la protection des civils se fera encore
meilleure si une impulsion est envisagée tant au niveau interne que par
une redéfinition et une redistribution des rôles au plan
international. Seule cette démarche permettra d'apporter une solution
plus appréciée au sort des civils.
TABLE DEs siGLEs ET ABREviATioNs
CICR Comité International de la Croix - Rouge
NU Nations Unies
DIH Droit International Humanitaire
CVG Convention de Genève
PI Protocole Additionnel I
PII Protocole Additionnel II
DUDH Déclaration Universelle des Droits de l'Homme
FSJP Faculté des Sciences Juridiques et Politiques
TABLE DES MATIERES
Dédicaces II
Remerciements III
BIBLIOGRAPHIE ..IV
INTRODUCTION 6 TITRE I: La politique Internationale de
Protection des Populations Civiles dans
la Guerre : Une politique consacrée
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.9
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CHAPITRE I - L'ETENDUE DE LA PROTECTION
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..10
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SECTION I - DOMAINE DE LA PROTECTION
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..10
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P1- CONTENU
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.10
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A - LA POPULATION CIVILE : PERSONNE PHYSIQUE
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10
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1 -les droits des populations civiles
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.11
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2-Les obligations du combattant
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.12
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B - LES OBJECTIFS CIVILS PROTEGES
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.....12
|
1 - Les biens protégés
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.12
|
2 - Les zones protégées
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14
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P2 - La catégorisation des personnes à haut risque
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15
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A - LES PERSONNES FRAGILES PAR NATURE
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15
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1-Lesfemmes .
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.15
|
2-Les enfants
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16
|
B - LES PERSONNES FRAGILES PAR INCIDENT
|
.17
|
1-Les étrangers
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17
|
2-Le personnel humanitaire
|
18
|
SECTION II - LA PROTECTION DES CIVILS CONTRE L'ARBITRAIRE ET
LE
SECOURS AUX VICTIMES .19
PI - LE REGIME GENERAL DE L'OCCUPATION 19
A - LA PROTECTION DES PERSONNES ET DES BIENS 20
B- LA CONTINUITE DE L'ETAT OCCUPE 21
1-Occupation et subrogation 21
2-Occupation et annexion 21
3-La survivance des lois de l'Etat occupé .22
P2- L'AIDE AUX POPULATIONS 22
A - L'ASSISTANCE HUMANITAIRE 23
1- L'admission du principe .23
2- Les modalités de l'assistance ..24
B- L'INGERENCE HUMANITAIRE 25
1- L'ingérence des Etats et des NU 25
2- L'ingérence des organisations humanitaires ..26
CHAPITRE II - LE REGIME GENERAL DE PROTECTION 27
SECTION I: LES MOYENS DE SAUVEGARDE .27
P1 - LES MOYENS TEXTUELS 27
A - LA IV EME COVENTION DE GENEVE .27
B - LES PROTOCOLES ADDITIONNELS AUX CONVENTIONS DE
GENEVE DE 1949 28
P2 - Les moyens institutionnels : l'ONU 29
A - LES ORGANISMES TRADITIONNELS DE L'ONU CHARGES DE L'ASSISTANCE
HUMANITAIRE .29
B - LES ORGANES PRINCIPAUX DES NATIONS- UNIES ET L'ACTION
HUMANITAIRE ..30
1 - Les premières interventions de l'ONU .30
2 - Les forces de maintien de la paix dans la protection des
civils 31
SECTION II-LA REPRESSION DES INFRACTIONS .31
P1 - LA PLURALITE DE COMPETENCE REPRESSIVE .32
A - LA JURIDICTION NATIONALE .32
B - LA JUSTICE PENALE INTERNATIONALE 33
1 - Le Tribunal Pénal International . .34
2- La Cour Pénale Internationale (CPI) .36
P2- LA PENALISATION .37
A - LA QUALIFICATION DE L'INFRACTION 37
1- Le crime de guerre 37
2- Les crimes contre l'humanité .38
B - SANCTIONS DES INFRACTIONS 38
1 - la responsabilité de l'individu 39
2 - La responsabilité de l'Etat .39 TITRE II-
LA POLITIQUE INTERNATIONALE DE PROTECTION DES
CIVILS : UNE POLITIQUE FRAGILE .41
CHAP I - LES LIMITES DE LA PROTECTION 42
SECTION I: LES INFLUENCES EXTERNES AU D.I.H .42
P1 - LES OBSTACLES LIES AUX ETATS 42
A - LES OBSTACLES POLITIQUES ..42
1 - La souveraineté de l'Etat ..43
2- L'irresponsabilité 44
B - LES OBSTACLES ECONOMIQUES 45
1 - L'incivisme économique .45
2 - La pauvreté manifeste .46
P 2- LES OBSTACLES LIES A LA TAILLE DES ETATS 47
A - LA QUESTION DES ARMES DE DESTRUCTIONS MASSIVES 48
1 - Le développement de l'armement 48
2 - Les effets des armes de destructions massives sur la
population. .49
B- LES INEGALITES AU SEIN DU SYSTEME DES NATIONS - UNIS ...50
1 - Manifestation des inégalités au sein des NU
50
2 - Conséquences dans les conflits armés .51
SECTION II: LES LIMITES INTERNES DU DIH 52
PI: Les limites liées au contrôle de l'application
du DIH .52
A - LES DIFFICULTES DES MECANISMES INTER ETATIQUES 52
1- les faiblesses du contrôle collectif ..52
2- La dilution de la notion de puissance protectrice . 53
B- LES LIMITES DU CONTROLE INSTITUTIONNEL 54
P2- LES LIMITES LIEES A LA REPRESSION 55
A - LA COMMISSION INTERNATIONALE D'ETABLISSEMENT DES FAITS...
55
B - LES AUTRES LIMITES ..56 CHAPITRE II: LA NESSECITE
D'UNE AMMELIORATION DU SORT
DES CIVILS .57 SECTION I - LE CICR UNE
ORGANISATION AU SERVICE DE L'HUMANITE,
UN EXEMPLE A SUIVRE
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57
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PI - LE CICR: PROMOTEUR ET GARDIEN DU DIH
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.58
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A - LE CICR DANS LA PROMOTION DU DIH
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58
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B - LES PRINCIPES FONDAMENTAUX ET LA PROTECTION DU DIH
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..60
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1 - Les principes fondamentaux de la Croix - Rouge
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60
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2 - Le CIRC et la protection du DIH
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..61
|
PII - Le CICR: UNE ORGANISATION OPERATIONNELLE
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63
|
A - LES SECOURS, L'ASSISTANCE ET LE CICR
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..63
|
B - LE DROIT D'INITIATIVE DU C I C R
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65
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SECTION II- LE RENFORCEMENT DES STRATEGIES ET DES MECANISMES
NOUVEAUX
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.66
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P1- LES STRATEGIES APPLICABLES
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.66
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A - L'OBLIGATION DE DIFFUSER LE DIH
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67
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1 Sur le plan interne
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67
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2 - Sur le plan international
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68
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B - LA GARANTIE COLLECTIVE
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68
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P2- LE RENFORCEMENT DU ROLE DES NU
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70
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A - L'ACCROISSEMENT DU ROLE PREVENTIF AU SEIN DES NU
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70
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1- La Commission humanitaire des NU
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.70
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2- La réorientation du maintien de la paix
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..71
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B- L'ADMISSION DE LA REPRESSION ARMEE
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.72
|
CONCLUSION
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.74
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TABLE DES SIGLES ET ABREVIATIONS
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75
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