Discriminations et conflits, Contribution à l'étude de la « conscience de condition » de la population de Ngaba( Télécharger le fichier original )par Jean Pierre Mpiana Tshitenge wa Masengu Université de Kinshasa - D.E.A en sociologie 2004 |
Section 3 : Présentation des résultatsDans cette section, nous reprenons les opinions des enquêtés en rapport avec les questions qui leur ont été posées. Ces opinions sont quantifiées en effectifs, en fréquences et en pourcentages rendant possible une comparaison pour dégager les tendances dominantes. 3.3.1. Eléments d'identification des enquêtésSous cette rubrique, nous présentons nos enquêtés du point de vue âge, sexe, niveau d'études, profession, revenu, religion, ancienneté dans la ville de Kinshasa et dans le quartier.
a. Tableau I : Répartition des enquêtés selon l'âge.
Ces données se présentent dans un graphique de la manière suivante :
Figure 1 : Répartition des enquêtés suivant l'âge. Il ressort de la lecture de ce tableau que 23.5% des enquêtés ont l'âge variant entre 25 et 29 ans, 23% entre 30 et 34 ans, 15% entre 40 et 44 ans, 14.5% entre 20 et 24 ans, 12.5% ont un âge égal ou supérieur à 45 ans et, enfin, 11.5% entre 35 et 39 ans. Tableau II : L'âge moyen des enquêtés.
L'âge moyen des enquêtés est de 6665/200=33,32, soit 33 ans. Nous pouvons considéré que notre population est jeune. b. Tableau III : Répartition des enquêtés selon le sexe.
En diagramme de camembert, ces données se présentent de la manière ci-après : 1% = 3,6° 78,5% * 3,6° = 282,6° 21,5% * 3,6 = 77,4° Total = 360°
Figure 2 : Répartition des enquêtés suivant le sexe. Figure 2 : Répartition de la population selon le sexe De ce tableau, il ressort que 78.5% des enquêtés sont du sexe masculin alors que 21.5% sont du sexe féminin. Il s'ensuit que la majorité (78.5%.) des enquêtés sont du sexe masculin. Cette représentation inégale des enquêtés dans notre échantillon est une conséquence logique du type d'échantillonnage retenu. En optant pour l'échantillon occasionnel, nous avons, lors de nos descentes sur le terrain, rencontré plus des hommes que des femmes. Ces dernières étant souvent absentes du ménage à notre passage. Et même lors qu'elles étaient présentes, elles souhaitaient que l'entretien soit tenu avec le mari. D'autre part, des observations faites, il s'est dégagé que les quelques dames qui ont accepté de répondre à notre questionnaire ont un niveau d'études assez élevé, c'est-à-dire allant de diplôme d'Etat à celui de licence en passant par celui de graduat. Comme nous pouvons le constater, le niveau d'études a été un facteur limitant la participation des femmes. c. Tableau IV : Répartition des enquêtés selon le niveau d'études.
Ces données reprises dans un diagramme en camembert se présentent de la manière suivante (1% = 3,6°) : 1% * 3,6° = 3,6° 1% * 3,6° = 3,6° 22% * 3,6° = 79,2° 34% * 3,6° = 122,4° 42% * 3,6° = 151,1° Total = 360° Figure 3 : Répartition des enquêtés selon le niveau d'études. La lecture du tableau et du diagramme précédents montre que 42% des enquêtés sont du niveau d'études secondaire, 34% ont fait les études universitaires, 22% sont des gradués, 1% est du niveau primaire et 1% est sans instruction. Les enquêtés ayant atteint le niveau d'études secondaires forment le groupe le plus nombreux. De 42% qu'ils totalisent dans l'ensemble de notre échantillon, seuls 18% ont décroché un diplôme d'Etat sanctionnant la fin de leurs études secondaires. Le groupe des universitaires se subdivise en deux sous groupes : d'une part ceux qui ont déjà terminé leurs études (29%) et d'autre part les étudiants des universités de la ville (5%). Notre échantillon, comme nous pouvons le constater, est constitué en majorité des personnes lettrées. Par ailleurs, la répartition des niveaux d'études par les trois entités regroupant les six quartiers de la Commune de Ngaba révèle qu'une bonne portion des enquêtés ayant fait les études supérieures et universitaires se localise dans l'entité A et que la plupart de ceux qui n'ont pas terminé les études secondaires ainsi que ceux du primaire et les sans instruction se concentrent dans l'entité C. L'entité B quant à elle, rassemble en moyenne tous les niveaux d'études. La distribution du niveau d'études suivant le sexe fait ressortir que la balance penche en faveur des femmes. En effet, toutes nos enquêtées ont atteint au moins la sixième année secondaire ( 18%) parmi lesquelles 8% ont un diplôme d'Etat, 2% des celles qui ont fait des études supérieures et 1.5% a des diplômes d'Université. a. Tableau V : Répartition des enquêtés selon la profession.
La répartition des enquêtés sur base de la profession laisse apparaître que 35.5% sont des sans emploi, 27% exercent des activités indépendantes, 32% sont des salariés et 5% sont étudiants. Quelques précisions méritent d'être apportées au sujet des composantes de certaines catégories socio-professionnelles. Nous avons regroupé dans la catégorie « salariés » tous ceux qui ont un travail rémunéré quels que soient le secteur et la nature de ce travail. Il s'est agi, dans le cadre de nos enquête, des enseignants du primaire et du secondaire des écoles privées, confessionnelles et officielles (13.5%), les chauffeurs travaillant pour le compte des particuliers ou des entreprises privées (2.5%), les informaticiens des bureautiques (1.5%), un maçon d'une entreprise de la place (0.5%), des fonctionnaires (9.5%), des policiers (1%), des cadres scientifiques des Universités et Instituts supérieurs de la capitale (2.5%) et des médecins (3%).
A propos des indépendants, nous avons regroupé dans cette catégorie tous ceux qui exercent une activité pour leur propre compte. Elle est essentiellement constituée des opérateurs de la petite économie marchande et des petits métiers. Dans cette catégorie socio-professionnelle, nous avons rencontré les tenanciers des boutiques et des pratiquants du petit commerce (18.5%), des couturières (2%), des tenanciers des maisons de communication (1%), un cambiste (0.5%) et un cordonnier (0.5%). Rentrent également dans cette catégorie des indépendants les pasteurs (1%), les musiciens (2%) et les artistes comédiens (1%) et les avocats (1%), Deux enseignements résultent des données reprises dans le tableau ci-dessus. Elles attestent, en premier lieu, la quasi inexistence de l'emploi dans le secteur formel de l'économie congolaise. En effet, comme l'illustre bien ce tableau, une bonne partie des enquêtés est constituée des sans emploi (35.5%) et des indépendants (27.5%). En outre, la répartition des professions par sexe se réalise en défaveur des femmes qui sont toutes dans les petits métiers et commerce. En second lieu, cette répartition des enquêtés par profession montre que la Commune de Ngaba est un Espace social hétérogène où coexistent diverses couches sociales. Toutes fois, les couches sociales des conditions socio-économiques modestes l'emportent comme le témoigne le tableau ci-dessous relatif la répartition des enquêtés sur base du revenu. e. Tableau VI : Répartition des enquêtés selon le niveau de revenu.
Les données reprises dans ce tableau se présentent dans un graphique de la manière suivante : Figure n°4 : Répartition des enquêtés suivant le revenu Il se dégage de ces tableau et graphique que 73% des enquêtés déclarent avoir un revenu faible, 13% avancent qu'ils ont un revenu moyen, 9% trouvent que leur revenu est élevé, 3% sont sans revenu et 2% disent qu'ils ont un revenu très élevé. Les données de ce tableau semblent contraster d'avec le principe selon lequel ne peut avoir un revenu que celui qui a un travail rémunéré ou qui exerce une activité lucrative. Et pourtant, le tableau V relatif à la répartition des enquêtés sur base de la profession montre qu'il y a une bonne part des sans emploi et des étudiants sensés ne pas avoir un revenu. Faisons remarquer à ce sujet qu'au cours de nos enquêtes ces sans emploi nous révélaient qu'il avaient un revenu indirect provenant des activités de survie exercées par leurs épouses. Ils considèrent que le revenu résultant des activités de leurs épouses leur revient au premier titre parce qu'ils ont été à l'origine du capital ou du fonds de démarrage. Concernant les étudiants, nombreux parmi eux exercent les activités de survie, notamment le petit commerce et le cambisme de rue. f. Tableau VII : Répartition des enquêtés selon la religion.
La représentation graphique de ces données se présente de la manière ci-après : Figure 5 : Répartition des enquêtés selon la religion. Il s'observe de ce tableau que parmi nos enquêtés 43% fréquentent des églises de réveil, 34.5% sont catholiques, 15% sont protestants, 2.5% sont témoins de Jéhovah, 1.5 est néo-apostolique, 1% prie dans l'armée du salut, 1% est adepte de l'église des noirs, 1% est kimbanguiste et 0.5% est musulman . Il s'ensuit que tous nos enquêtés sont des croyants. Constatons par ailleurs que les chrétiens sont plus nombreux (98.5%) que les musulmans (0.5%) et les adeptes l'église des noirs. Enfin, parmi les chrétiens les fidèles des églises de réveil sont plus nombreux que ceux des églises traditionnelles. g. Tableau VIII: Répartition des enquêtés selon l'ancienneté dans la ville de Kinshasa.
Les données reprises dans le tableau ci-haut montrent que la durée du séjour de 31.5% des enquêtés dans la ville de Kinshasa varie entre 25 ans et plus, entre 16 et 20 ans pour 18% des enquêtés, entre 21 et 25 ans pour 16% des enquêtés, entre 11 et 15 ans pour 15% des enquêtés, entre 6 et 10 ans pour 12% des enquêtés, entre 1 et 5 ans pour 7.5% des enquêtés. La durée moyenne du séjour dans la ville de Kinshasa est de : Tableau IX : La durée moyenne du séjour des enquêtés dans la ville de Kinshasa.
La durée moyenne du séjour de nos enquêtés dans la ville de Kinshasa est de 3775/200= 18,87 ans soit 19 ans. Dans l'ensemble, la majorité de nos enquêtés séjourne depuis longtemps dans la ville de Kinshasa, c'est-à-dire y a passé plus de 10 ans. h. Tableau X : Répartition des enquêtés selon l'ancienneté dans le quartier actuellement habité.
Il découle de ce tableau que 33% des enquêtés ont un séjour dans le quartier qu'ils habitent actuellement variant entre 1 et 5 ans, 20% entre 6 et 10 ans, 17% entre 11 et 15 ans, 13% entre 25 ans et plus, 11% entre 16 et 20 ans et 6% entre 21 et 25 ans. Dans l'ensemble, la majorité des enquêtés a récemment habité les quartiers respectifs, c'est-à-dire a un séjour d'au plus 10 ans dans le quartier. La durée moyenne dans le quartier est de : Tableau XI : La durée moyenne du séjour dans le quartier.
La durée moyenne du séjour des enquêtés dans leurs quartiers respectifs est de 2360/200=11,80 ans, soit 12 ans. Nous pouvons dire que nos enquêtés séjournent dans leurs quartiers depuis au moins 12 ans. En rapport avec le séjour dans la ville de Kinshasa et dans les différents quartiers, nous pouvons affirmer que nos enquêtés, du fait de leur long séjour, appréhendent l'enjeu et le jeu des discriminations sociales qui marquent de leur empreinte la quotidienneté dans cette ville. Après cette description de nos enquêtés sous ces quelques caractéristiques, il convient de présenter leurs opinions résumant leur représentation de la structure du champ social, c'est-à-dire les principes de sa structuration, les capitaux qui y circulent, les agents sociaux et leurs positions, les luttes qui s'y déroulent pour le maintien ou la transformation de cette structure. C'est l'objet de la sous-section suivante. 3.3.2. Opinion des enquêtes
Nous présentons dans cette sous-section les opinions (réponses) émises par nos enquêtés en réaction au questionnaire d'enquête. Sans reprendre les questions y afférentes, nous relevons dans les tableaux les fréquences et les pourcentages obtenus par chaque opinion.
a. Tableau XII : Opinions des enquêtés relatives à la fréquentation entre habitants du quartier.
Dans un en camembert, ces données présentent de la manière ci-après (1% = 3,6°): 5,5% * 3,6° = 19,8° 7% * 3,6° = 25,2° 87,5% * 3,6° = 315° Total = 360°
Figure 4 : Opinions des enquêtés relatives à la Fréquentation entre habitants du quartier. De ce tableau il se dégage que 87.5% des enquêtés estiment que les habitants de leurs quartiers se fréquentent, 7% sont d'avis mitigé et 5.5% trouvent que les habitants de leurs quartiers ne se côtoient pas. Nous pouvons affirmer, à la suite de ces résultats, que la majorité des enquêtés ne vivent pas dans l'anonymat caractéristique des sociétés urbaines des sociétés industrialisées. b. Tableau XIII : Avis des enquêtés concernant la jouissance de considération sociale.
Dans un en camembert, ces données présentent de la manière ci-après (1% = 3,6°): 8% * 3,6° = 28,8° 73,5% * 3,6° = 264,6° 18,5% * 3,6° = 66,6% Total = 360° Figure 5 : Avis des enquêtés concernant le bénéfice de considération sociale.
Les données du tableau XIII indiquent que 73.5% des enquêtés sont d'avis que dans leurs quartiers tout le monde ne jouit pas de la même considération sociale, 18.5% estiment que le bénéfice de la considération sociale est une question relative et 8% pensent que la considération sociale est indistinctement accordée à tout habitant du quartier. La tendance dominante (73.5%) est constituée par les enquêtés ayant émis un avis négatif. Il apparaît à travers les opinions exprimées dans le tableau ci-haut une conscience de différence sociale parmi les habitants de la Communes de Ngaba. Tout le monde ne se considère pas égal à tout le monde. L'attribution inégalitaire de la considération sociale, et donc la discrimination en la matière, induit que les habitants de cette Commune perçoivent et établissent des différences entre eux en fonction de certaines ressources dont ils sont détenteurs. c. Tableau XIV: Les critères d'évaluation et de hiérarchisation sociale.
Ces données se présentent de la manière suivante dans un graphique : Figure 6 : Les critères d'évaluation et de hiérarchisation sociale. Il ressort de ce tableau que 74% des enquêtés affirment que dans leurs quartiers la considération sociale témoignée à un individu est tributaire de son confort matériel, 13% trouvent qu'elle est rattachée au niveau d'instruction, 11% pensent qu'elle est attribuée en fonction de la moralité et 2% avancent qu'elle tient à la foi religieuse. La tendance dominante est formée des enquêtés qui déclarent que dans leur milieu la considération sociale témoignée à un individu est fonction de son niveau de vie économique. Comme nous pouvons le constater, l'élément matériel est prépondérant mais pas l'unique. D'autres considérations entrent en ligne de compte dans l'évaluation sociale d'un individu notamment l'instruction, la moralité et la spiritualité. Rapportées aux trois entités de Ngaba définies dans cette étude, il se dégage que, outre le critère économique commun à toutes les trois, les enquêtés de l'entité A mettent l'accent sur le niveau d'instruction et la zone de résidence, ceux de l'entité B sur la moralité et la foi religieuse et ceux de l'entité C sur le matériel.
d. Tableau XV : Opinions des enquêtés relatives à l'individu socialement considéré dans leurs quartiers.
Relativement à la question de savoir qui considère-t-on socialement dans leurs quartiers respectifs, 76.5% des enquêtés ont répondu que c'est le détenteur d'un avoir matériel, 12.5% sont d'avis que c'est l'intellectuel, 10% affirment que c'est l'homme vertueux et 1% pointe le fervent. Relativement aux données reprisées au tableau XIV indiquant que dans la Commune de Ngaba l'attribution de la perception et l'évaluation sociale sont principalement tributaire du confort matériel, il en résulte en conséquence que le détenteur d'un avoir matériel important est hissé au sommet de la hiérarchie sociale. C'est ce que confirme la tendance dominante (76.5%) qui se dégage de la lecture des données reprises dans le tableau ci-haut. e. Tableau XVI : Avis des enquêtés concernant l'acceptation du critère de évaluation et hiérarchisation sociale dans leurs quartiers.
Les opinions émises dans le tableau ci-dessus montrent que 75.5% des enquêtés estiment que ces critères sont admis, 13.5% affirment que ces critères sont rejetés par la majorité des habitants de leurs quartiers et 11% sont d'avis nuancés. La tendance dominante est celle des enquêtés qui sont d'avis que ces critères sont admis par la majorité des habitants de Ngaba. f. Tableau XVII : Agents partisans du critère
De ce tableau il se dégage que le critère matériel est plus prisé par des analphabètes (22%), des démunis (19.5%), des parvenus (17.5%), des nantis (13%), par tout le monde sans distinction (7.5%); le critère « instruction » est soutenu par des intellectuels (16.5%) et, enfin la foi religieuse et la moralité est l'affaire des adeptes des églises. g. Tableau XVIII : Le sexe partisan du critère
Ce tableau indique l'importance accordée par chaque sexe à chacun des critères de perception et d'évaluation sociale. Il ressort de ce tableau que 44.5% des enquêtés estiment que dans la Commune de Ngaba les hommes comme les femmes accordent plus d'importance à l'avoir matériel dans l'évaluation sociale des individus, 24% pensent que ce sont les femmes et 18.5% pointent les hommes. Par contre 8% des enquêtés considèrent que ce sont les hommes qui font prévaloir le niveau d'instruction dans l'évaluation sociale des individus et 1% attribue ce critère aux deux sexes. Enfin, 2.5% des enquêtés trouvent ce sont les femmes qui évaluent socialement les individus sur base de leur moralité et spiritualité et 1.5% cite les hommes. En somme, les données du tableau ci-dessus renseignent qu'à Ngaba les hommes comme les femmes accordent plus d'importance à l'avoir matériel dans le processus d'évaluation sociale. Toute fois, certains hommes évaluent leurs prochains sur base de leur niveau d'études tandis que les femmes se fondent sur la spiritualité et la moralité. h. Tableau XIX : Avis concernant le signe de distinction sociale.
Nous pouvons lire dans le tableau ci-dessus que (dans les différents quartiers) 71.5% des enquêtés avancent que les gens marquent principalement leur distinction sociale par l'acquisition des biens somptueux , 16.5% trouvent dans la bonne conduite la marque de distinction sociale, 12% retiennent la langue française comme signe distinctif. En diagramme de camembert, ces données se présentent comme suit (1% = 3,6°): 71,5% * 3,6° = 257,4° 12% * 3,6° = 43,2° 15,5% * 3,6° = 59,4° Total = 360° Figure 7 : Avis concernant le signe de distinction sociale. Nous remarquons, à la suite de ce tableau, que les valeurs matérielles (type de résidence, possession d'une belle voiture, habillement luxueux) priment dans le processus de légitimation de soi.
i. Tableau XX : Opinions des enquêtés au sujet du contexte favorisant la prévalence des signes de distinction sociale.
Les données reprises dans le tableau ci-haut montrent que la préséance de valeurs matérielles dans le processus d'évaluation et de distinction sociale est liée pour la majorité de nos enquêtés (56.5%) à la précarité des conditions socio-économiques dans lesquelles vivent la plupart des habitants de leurs quartiers respectifs, 27.5% pensent plutôt qu'elle tient à la dévalorisation du travail intellectuel dans notre pays, 13.5% la lient au recul de la culture scolaire observé dans le chef des produits des institutions scolaires. En outre, la dominance de la langue française est expliquée par 4% des enquêtés par l'analphabétisme d'une bonne partie de la population de cette Commune.
j. Tableau XXI : Avis des enquêtés concernant l'engagement des habitants de leurs quartiers dans la lutte pour la mobilité sociale
De ce tableau il ressort que la majorité des enquêtés (78%) affirment que dans leurs quartiers respectifs les personnes infériorisées luttent pour assurer leur mobilité sociale ascendante, 13.5% sont d'avis contraire et 8.5% nuancent leurs avis. Ces donnés se présentent dans le diagramme en camembert de la façon suivante (1% = 3,6°) : 78% * 3,6° = 280,8° 13,5%* 3,6° = 48,6° 8,5% * 3,6° = 30,6° Total = 360° Figure 8 : Avis des enquêtés concernant l'engagement des habitants de leurs quartiers dans la lutte pour la mobilité sociale
k. Tableau XXII : Opinions des enquêtés relatives aux stratégies de mobilité sociale mises en place par les agents sociaux de leurs quartiers.
Les personnes infériorisées dans le processus d'attribution de la considération sociale mettent en place plusieurs stratégies pour s'assurer une mobilité sociale ascendante tel qu'il apparaît dans le tableau ci-dessus. En effet, 75% des enquêtés avancent que dans leurs quartiers les gens se lancent dans la débrouille pour se promouvoir socialement, 11% espèrent s'élever indirectement sur l'échelle sociale à travers la scolarisation des leurs enfants, 7% déclarent que dans leurs quartiers respectifs les personnes infériorisées ne font rien, 3.5% se procurent un habillement luxueux, 2.5% adhèrent à une église et 1% adopte une bonne conduite. Reprises dans un graphique, ces données se présentent de la manière suivante : l. Tableau XXIII : Impact des discriminations sociales sur les rapports sociaux.
Comme l'indiquent les données de ce tableau, pour 89.5% des enquêtés ces discriminations sociales engendrent les conflits, 9% pensent qu'elles renforcent les rapports sociaux, et 1.5% pense qu'elles n'ont aucun impact. Dans le diagramme en camembert, ces données se dessinent comme suit : Figure 9 : Impact des discriminations sociales sur les rapports sociaux. m. Tableau XXIV : Opinions des enquêtés relatives à la rationalité des modalités de stratification de la population de leurs quartiers.
Pour la majorité des nos enquêtés (51%) les modalités de structuration de la population de leurs quartiers en différentes couches sociales, singulièrement l'avoir matériel, ne sont pas rationnelles, 31% les valident et 18% nuancent leurs avis. Il en résulte que la majorité de nos enquêtés souhaiteraient être évalués et classés sur base des critères qu'ils pensent se conformer à leur profil. n. Tableau XXV : Critères de classement social proposés par les enquêtés.
De ce tableau, il ressort que 62.5% des enquêtés sont d'avis que la population doit être stratifiée sur base de la profession , 19.5% préfèrent l'avoir matériel, 12.5% proposent la moralité comme critère de subdivision de la population et 5.5% suggèrent la spiritualité. L'analyse de données montre que ceux qui ont un niveau d'instruction assez élevée (quelle que soit leur situation matérielle) mettent l'accent sur la profession comme critère objectif d'évaluation sociale, tandis que ceux qui ont pourvoir économique assez important mais d'un niveau d'instruction assez bas proposent l'avoir matériel comme critère de référence. Enfin, les enquêtés dépourvus de pouvoir matériel et qui sont d'un niveau d'études assez bas se prononcent en faveur de la moralité et de la spiritualité.
La profession est ici retenue par la majorité des enquêtés en insinuant le fait qu'elle doit être tributaire du niveau d'études de chaque individu, étant entendu que les hautes études devront donner accès aux hautes fonctions sociales. Ce point de vue trouve son éclairage dans le profil de nos enquêtés. L'identification des enquêtés par niveau d'études et par profession opérée dans le point précédent montre que la majorité d'entre eux ont fait les études supérieures et universitaires et que pour l'essentiel ils sont soit sans emploi soit dans les activités indépendantes, principalement dans l'informel. Il résulte que pour eux, ce qui du reste est vrai, leur situation sociale actuelle est une conséquence de non emploi et de peu de considération que l'ordre social accorde au travail intellectuel. Ils comptent sur la création d'emploi et surtout sur revalorisation du travail intellectuel pour voir leur condition s'améliorer. Comme nous pouvons nous l'apercevoir, chaque individu ou groupe d'individus veut être perçu en fonction du capital qu'il possède ou en fonction de ce qu'il projette devenir. o. Tableau XXVI : Opinions des enquêtés relatives aux catégories sociales à placer au sommet de la hiérarchie sociale.
Il ressort des données du tableau XXVI que diverses catégories sociales sont proposées au sommet de la hiérarchie sociale. En effet, 51% des enquêtés placent les cadres de conception au sommet de l'échelle sociale, 21.5% y placent les hommes vertueux, 20% plaident en faveur des nantis, 5.5% sont pour les fervents chrétiens, 1.5% pour les commerçants et 0.5% pour les politiciens. Revenons sur la catégorie cadres de conception pour dire qu'elle englobe tous ceux dont le travail exige la réflexion. Parmi eux nos enquêtés ont cité : les enseignants (2% pour ceux du primaire et secondaire et 45% pour les professeurs d'Université), les cadres d'entreprise (pour 1%), les agents de l'Etat (pour 2.5%) et les magistrats (pour 0.5%). Il se dégage de ces données que pour la majorité des enquêtés la stratification sociale, et partant la perception et l'évaluation sociale, devra reposer sur les professions qui requièrent une haute qualification. p. Tableau XXVII : L'auto-classement des enquêtés.
De ce tableau il ressort que 55% des enquêtés se classent dans une catégorie sociale moyenne en fonction de critère qu'ils définissent eux-mêmes, 39% se classent dans une catégorie supérieure et 12% s'estiment dans la catégorie inférieure. En rapport avec ces données, il sied de souligner deux choses. Primo, les enquêtés s'auto-classent en fonction d'un capital ou d'un atout de mobilité sociale dont ils sont détenteurs ou espèrent détenir dans le futur. Secundo, l'auto-classement s'opère dans une dynamique contradictoire à première vue. En effet, les détenteurs du capital économique ainsi que ceux du capital culturel non scolaire (hommes vertueux et les fervents) se classent dans la catégorie sociale moyenne alors que seuls les détenteurs d'un capital culturel scolaire se classe au sommet de la hiérarchie sociale. La modestie des uns et la prétention des autres semblent trouver leur fondement dans lutte pour le maintien ou la transformation de la structure du champ social. Nous y reviendrons. Nous avons à travers ce chapitre décrit le cheminement de nos investigations dans la Commune de Ngaba et présenté les résultats obtenus. En somme, notre population d'enquête est essentiellement jeune à dominance masculine. Relativement instruite, elle est pour l'essentiel constituée des sans emploi qui vivent avec un faible revenu que procure les activités de survie exercées par leurs épouses. De foi chrétienne pour la majorité, nos enquêtés ont un séjour moyen de 10 ans dans la ville de Kinshasa et de 12 ans dans les quartiers qu'ils habitent à ce jour. De l'analyse de leurs perceptions de la structuration de groupes sociaux, il se dégage que pour nos enquêtés, les rapports sociaux assez ouverts entre les habitants de leurs quartiers se nouent sur un fond des discriminations à l'avantage des détenteurs du pouvoir économique. Le contexte de la misère socio-économique, selon nos enquêtés, donne à ce critère toute sa puissance dans l'évaluation sociale d'un individu. Les quelques élus dans cet empire de la pauvreté témoignent de leur réussite sociale par les signes matériels. Si toutes les catégories sociales, les hommes comme les femmes entérinent ce critère d'évaluation sociale, nos enquêtés estiment qu'il est plus placé à l'avant plan par les femmes, les démunis et les parvenus. Par ailleurs, la plupart des enquêtés le qualifient d'irrationnel dans la mesure où, selon eux, c'est l'être qu'il faut évaluer et non l'avoir. C'est cette perception et évaluation sociale par le seul avoir matériel qui est à l'origine des conflits qui émaillent la vie quotidienne dans leurs quartiers respectifs et engendre dans le chef de certains habitants, selon le cas, un complexe d'infériorité ou de supériorité. La marginalisation des uns par les autres sur base de l'avoir matériel entraîne de la part des marginalisés diverses stratégies pour l'amélioration de leur situation sociale, notamment la débrouille. D'autre part, les marginalisés avancent des critères qu'ils considèrent comme rationnels qui se rapportent aux atouts dont ils sont détenteurs à savoir le niveau d'études, la moralité et la profession. Ils estiment que ce sont ces critères qui peuvent être servir de référence dans l'évaluation sociale d'un individu. Tous ces résultats ne peuvent être intelligibles sociologiquement que si nous les replaçons dans une perspective théorique qui leur donne une signification en tenant compte bien entendu du contexte de leur production. Cet effort entrepris dans le dernier chapitre de notre travail, nous permettra de « mettre à jour la complexité des pratiques sociales les plus ordinaires des enquêtés, celles qui vont tellement de soi qu'elles finissent par passer inaperçues, celles qu'on voit naturelles parce qu'elles ont été naturalisées par l'ordre social : pratiques économiques, alimentaires, scolaires, culturelles, religieuses ou politiques, etc. »76(*) CHAPITRE IV : INTERPRETATION DES RESULTATS
La sociologie, pour le moins que nous puissions dire, est cette science qui étudie les relations sociales. En effet, écrit P. Corcuff, « l'objet même de la sociologie n'est ni la société ni les individus envisagés comme des entités séparées, mais les relations entre individus (au sens large, et pas seulement les interactions de face-à-face), ainsi que les univers objectivés qu'elles fabriquent et qui leur servent de supports, en tant qu'ils sont constitutifs tout à la fois des individus et des phénomènes sociaux. »77(*) Relations qui dérivent de la production sociale dans les différentes instances de la société et qui consacrent l'homogénéité ou l'hétérogénéité, l'harmonie ou le conflit entre acteurs impliqués dans ce procès de production. Ainsi, dans l'étude des relations sociales la sociologie s'intéresse-t-elle davantage aux processus sociaux à l'origine des inégalités et des conflits qui assurent à tout système social son dynamisme. Ce faisant, comme science des inégalités sociales, la sociologie dévoile des mécanismes des différenciations sociales, leurs essences, les pratiques qui les expriment ainsi que les logiques qui les sous-tendent. Comme science des conflits « elle met en lumière les oppositions agissantes au sein de la société à plusieurs niveaux (des activités productives, des oppositions des forces sociales, de l'expérimentation scientifique. »78(*)
Le titre de notre travail est évocateur de cette perspective sociologique. En scrutant les affrontements qui résultent des discriminations sociales qui émaillent les relations entre les habitants de la Commune de Ngaba, il met en lumière les hiérarchies et les luttes dont est le siège tout espace social (qu'il soit micro, méso ou macro) et qui sont aux racines de son dynamisme. Hiérarchies et luttes qui ne peuvent être intelligibles que si l'on saisit la nature de chaque champ social, les différentes espèces des atouts (capitaux) qu'il faut détenir pour y entrer, se positionner et jouer efficacement, compte tenu des enjeux et, enfin, les représentations que s'en font ceux qui y participent. Ainsi, le présent chapitre, tel qu'il ressort de son intitulé, discute des résultats d'enquête exposés dans le chapitre précédent, afin de leur restituer leur sens et signification. Cette ambition est prise en charge par l'exploitation rationnelle des postulats de la méthode dialectique que nous couplons à la théorie du champ nous servant de modèle théorique. Il nous revient, au titre d'application de cette méthode, de relever les lois dialectiques au regard des contradictions qu'elles ont réussi à éclairer. A la lumière de la théorie de champ, nous saisissons les discriminations sociales comme l'expression de la structuration de rapports entre les forces sociales qui déploient autant des ressources pour acquérir, accumuler et conserver le capital symbolique qui, dans le cas d'espèce, est le prestige constituant ainsi un enjeu des luttes qui ont lieu dans ce champ social. Ainsi que l'écrit P. Bourdieu, « le champ social s'appréhende comme un espace construit sur la base de principes de différenciation ou de distribution constitués par l'ensemble des propriétés agissantes dans l'univers social considéré, c'est-à-dire propres à conférer à leur détenteur de la force, du pouvoir dans cet univers. Cet espace multidimensionnel est un lieu de concurrence et de lutte dans la mesure où les agents qui y participent peuvent déployer des stratégies pour améliorer leur position en cherchant à accumuler le capital agissant dans le champ où ils opèrent. »79(*) Dans le cas spécifique de nos enquêtes, nous avons, à la suite des données récoltées, constaté que, dans leurs interactions, les agents sociaux de Ngaba déploient les ressources économiques, culturelles et, dans une faible mesure, les ressources ethico-religieuses pour se procurer des positions sociales avantageuses. Nous examinerons successivement dans ce chapitre, la conjoncture sociale qui secrète les discriminations sociales analysées dans ce travail, la perception du champ social, des luttes, des enjeux et des acteurs ainsi que leurs conséquences. * 76 BEAUD, S. et Weber, F., Guide de l'enquête de terrain, La découverte, Paris XIIIè, 2003, p. 9. * 77 CORCUFF, P., Les nouvelles sociologies, Nathan, Paris, 1995 , p.16. * 78 LONGANDJO, E.D.O., « Pour une sociologie des conflits », in Conflits et identité, Op-Cit, p.79. * 79 BOURDIEU, P., « Espace social et genèse des classes », Art.-Cit, pp3-4. |
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