INSTITUT D'ETUDES POLITIQUES DE TOULOUSE
MASTER 2 RECHERCHE DE GEOPOLITIQUE ET RELATIONS
INTERNATIONALES
THEME: LE ROLE DES ACTEURS SOUS-REGIONAUX DANS
L'INTEGRATION ECONOMIQUE ET POLITIQUE: L'ETUDE DE CAS DE LA CEDEAO.
Présenté par
DOUKA
ALASSANE Mahamidou
Numéro
d'étudiant: 20505574
Sous la
direction de Danielle CABANIS
Professeur d'Histoire du Droit, Université des
Sciences Sociales Toulouse 1
SESSION
2006-2007
DEDICACE
A mes père et mère
hommage et affection.
A mes oncles et tantes.
A mes frères et soeurs.
A mes neveux et nièces.
A ma feue soeur Ramatou
que la terre te soit
légère.
A mes amis et collègues du Master.
A mon pays le Niger.
A l'Afrique mère et particulièrement l'Afrique de
l'Ouest.
A tous ceux qui oeuvrent pour la fraternité
universelle.
REMERCIEMENTS
Au terme de cette recherche, nous tenons à exprimer
particulièrement nos sincères remerciements :
A Madame Danielle CABANIS, qui nous a fait l'honneur de diriger
cette étude. Sa patience, son dévouement, et ses utiles conseils
nous ont été d'un grand secours. Qu'elle trouve ici l'expression
de notre déférente et Profonde gratitude.
A la Commission de la CEDEAO à Abuja, au Ministère
des Affaires Etrangères, de la Coopération et de
l'Intégration Africaine de la République du Niger ainsi qu'au
Secrétariat Général du Gouvernement de la
République du Niger, qui malgré leurs multiples occupations ont
bien voulu nous apporter leur précieuse contribution concernant la
documentation pour l'accomplissement de cette recherche.
Nous tenons à leur exprimer notre vive reconnaissance.
Enfin, à tous les amis, à tous les collègues
du Master et à tous ceux qui de près ou de loin ont
contribué à la réalisation de ce travail, nous adressons
notre profonde reconnaissance.
Liste d'abréviations et sigles
ACP Afrique, Caraïbes et Pacifique
ADRAO Association pour le développement de la
riziculture en Afrique de l'Ouest
AFL Armed forces of Liberia
AFRC Armed Forces Revolutionary Council
AFRISTAT Economic and statistical Observatory of Sub-Saharan
Africa
ALALC Association Latino-Américaine de Libre commerce
ALENA Accord de libre-échange nord-américain
AMAO Agence monétaire de l'Afrique de l'Ouest
APD Aide publique au développement
APER Accords de partenariat économiques
régional
APEUE Accords de partenariat économiques avec l'Union
européenne
BAD Banque Africaine de Développement
BCE Banque centrale européenne
BCEAO Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest
BIDC Banque d'Investissement et de Développement de la
CEDEAO
BOAD Banque Ouest-Africaine de Développement
BRVM Bourse Régionale des Valeurs Immobilières
CAD Comité d'Aide au Développement
CARICOM la Communauté des Caraïbes
CCAO Chambre de compensation de l'Afrique de l'Ouest
CEA Commission Economique pour l'Afrique
CEAO Communauté Economique de l'Afrique de l'Ouest
CEB Communauté Electrique du Bénin
CEDEAO Communauté Economique des Etats de l'Afrique de
l'Ouest
CEE Communauté économique européenne
CEEAC Communauté Economique des Etats d'Afrique
Centrale
CFA Communauté financière d'Afrique
CEI Communauté des Etats Indépendants
CNC Comités nationaux de coordination
CNPE Comités nationaux de politique économique
CNUCED Conférence des Nations Unies sur le Commerce et
le Développement
CPM Comité permanent de médiation
CSLP Cadre stratégique de lute contre la
pauvreté
DDU déclaration en douane unique
DTS Droits de tirage spéciaux
ECOMICI ECOWAS Mission in Côte d'Ivoire
ECOMIL ECOWAS Mission in Liberia
ECOMOG Economic Community for West African States Cease-fire
Monitoring Observer Group
ECOWAS Economic Community of West African States
ERETES Equilibres ressources-emplois et tableau
entrées-sorties
FANCI Forces armées nationales de Côte d'Ivoire
FAO Food and Agriculture Organisation
FED Fonds européen de développement
FIDA Fonds international de développement agricole
FMI Fonds monétaire international
G8 Groupe des pays les industrialisés du monde
GTI Groupe de Travail international sur la Côte
d'Ivoire
ICG-GB International Contact Group for Guinea-Bissau
IDE Investissement direct étranger
IDEP Institut de Développement et de Planification
INPFL Independent National Patriotic Front of Liberia
LURD Liberians United for Reconciliation and Democracy
MERCOSUR Marché commun latino-américain
MICECI Mission de la CEDEAO en Côte d'Ivoire
MICIVIH Mission civile internationale en Haïti
MINUCI Mission des Nations Unies en Côte d'Ivoire
MINUHA Mission des Nations Unies en Haïti
MINUL Mission des Nations Unies au Liberia
MINUSIL Mission des Nations unies en Sierra-Léone
MONUG Mission d'Observation des Nations Unies en
Géorgie
MONUL Mission des Nations unies au Liberia
MONUT Mission d'observation des Nations Unies au Tadjikistan
MRU Mano River Union
MULPOC Multinational Programming Operating Center/centres
multinationaux de programmation et d'exécution
NPFL National Patriotic Front of Liberia
NPRC National Provisional Ruling Council
OEA Organisation des Etats Américains
OMC Organisation mondiale de la santé
OMVG Organisation de Mise en Valeur du fleuve Gambie
OMVS Organisation de Mise en Valeur du fleuve
Sénégal
ONG Organisation non gouvernementale
ONU Organisation des Nations Unies
ONUCI Opération des Nations Unies en Côte
d'Ivoire
OPEP Organisation des pays exportateurs de pétrole
OSCE Organisation pour la sécurité et la
coopération en Europe
OTAN Organisation du traité de l'Atlantique Nord
OUA Organisation de l'Unité Africaine
PAM Programme alimentaire mondial
PCASED Program for Coordination and Assistance for Security and
Development in Africa
PIB Produit intérieur brut
PMA Pays moins avancés
PNB Produit national brut
PPTE pays pauvres très endettés
RECAMP Renforcement des capacités africaines au maintien
de la paix
RUF Revolutionary United Front
SADC Southern African Development Community
SCN93 Système de comptabilité nationale
TEC Tarif extérieur commun
TOFE Tableau des Opérations Financières de
l'Etat
U.S. United States
UA Union Africaine
UCAO Unité de compte de l'Afrique de l'Ouest
UDEAC Union Douanière et Economique de l'Afrique
Centrale
UDEAO Union Douanière des Etats de l'Afrique de l'Ouest
UEMOA Union économique et monétaire
ouest-africaine
UNITAR Organisation des Nations Unies pour l'information, la
formation et la recherche
USA United States of America
VAN Valeur actuelle nette
VIH/SIDA Virus de l'immunodéficience humaine/Syndrome
d'immunodéficience acquise
ZOMAO Zone monétaire de l'Afrique de l'Ouest
TABLE DE MATIERES
PAGES
PREMIERE PARTIE
CHAPITRE I
Introduction
générale..........................................................
1-4
Problématique....................................................................
4-9
Références........................................................................
9-12
DEUXIEME PARTIE
L'INTEGRATION ECONOMIQUE
CHAPITRE II
1. Les principes et objectifs de la
CEDEAO........................ 13-15
2. Des valeurs communes pour une intégration
fiable................... 15-16
3. Du Secrétariat exécutif à la
Commission................................... 16-17
4. L'évolution économique des pays membres de la
CEDEAO............. 17-20
4.1. Evolution récente de l'économie
régionale et perspectives de développement 20-21
4.1.1. L'environnement intérieur: l'économie
ouest-africaine........... 21-23
4.1.2. Tendances pays par
pays............................................... 23-24
4.1.3.
Investissement/épargne...................................................
24-25
4.1.4. Transactions extérieures
courantes................................... 25-26
4.1.5. Dette
extérieure.........................................................
26-27
4.1.6. Croissance démographique et capital
humain......................... 28-29
4.1.7. L'environnement extérieur: la conjoncture
économique internationale. 29-30
5. Les accords de Partenariat Economiques
5.1. Avec
l'UEMOA................................................................
30-31
5.1.1. Schémas de libéralisation des
échanges au sein de la Cédeao et dans l'Uemoa 31-39
5.2. Avec l'Union
européenne.................................................... 39-40
6. Les réalisations et problèmes économiques
de la CEDEAO
6.1. Au plan de l'union
douanière............................................... 40-42
6.2. Au plan du marché
commun................................................. 42-43
6.3. Au plan de la communauté
économique................................. 43-43
6.4. Autres réalisations et problèmes
économiques........................ 43-44
6.4.1. Les difficultés de la Commission de la
CEDEAO.................. 44-47
6.4.2. Les difficultés financières de la
Commission.............................. 47-48
Références
...................................................................................
48-49
TROISIEME PARTIE
L'INTEGRATION POLITIQUE
CHAPITRE III
1. Les réalisations et problèmes politiques de la
CEDEAO.................... 50-50
a) Le rôle de la société civile dans
l'intégration ouest-africaine............... 50-51
b) Le poids du Nigeria et sa domination dans la
CEDEAO................... 51-53
c) La rivalité entre Anglophones et
Francophones............................. 53-55
2. Les conflits en Afrique de l'Ouest et leur
résolution...................... 55-56
2.1. Le conflit
libérien...............................................................
56-58
2.2. Le conflit en
Sierra-Léone.......................................................
58-59
2.3. Le conflit
bissau-guinéen.........................................................
59-60
2.4. Le conflit en Côte
d'Ivoire.................................................... 60-61
2.4.1. Observation du cessez-le-feu et des mouvements de groupes
armés....... 62-62
2.4.2. Désarmement, démobilisation,
réinsertion, rapatriement et réinstallation 62-62
2.4.3. Appui aux opérations
humanitaires............................................ 62-62
2.4.4. Appui à la mise en oeuvre du processus de
paix.............................. 62-63
2.4.5. Assistance dans le domaine des droits de
l'homme.......................... 63-63
2.4.6.
Information........................................................................
63-63
2.4.7. Ordre
public.......................................................................
63-63
2.5. Mécanisme de prévention, de gestion, de
règlement des conflits, de maintien de la paix et de la
sécurité en Afrique de
l'Ouest...................................................... 63-65
2.6. Les opérations de paix de la CEDEAO: l'ECOMOG et ses
déclinaisons 65-66
Références.................................................................................
66-67
Conclusion
générale......................................................................
68-70
Références.................................................................................
70-71
Bibliographie..............................................................................
71-75
Annexes....................................................................................
76-79
PREMIERE PARTIE
CHAPITRE I
I. INTRODUCTION GENERALE
Les pays du Tiers-Monde ont été
périodiquement invités depuis 1950 à expérimenter
un éventail de différentes stratégies de
développement: révolution verte, zone franche industrielle entre
autres. A partir des années 1970-1980, c'est le thème de
l'intégration économique qui est à l'honneur.
Les premières tentatives d'intégration
économique en Afrique Noire ont eu lieu à la veille du mouvement
de décolonisation. Elles sont donc vieilles de plus d'un quart de
siècle et ne présentent aucune nouveauté. Ce qui est par
contre nouveau, c'est l'intérêt sans cesse grandissant
suscité par le thème de l'intégration, qui se manifeste
par des recommandations au niveau des instances internationales2,
des réunions des chefs d'Etat, des ministres4, des
conférences et colloques universitaires5.
L'élan a été donné à la
troisième conférence des pays non-alignés tenue à
Lusaka (Zambie) en 1970. Celle-ci avait vivement recommandé
l'intégration comme stratégie prioritaire de
développement. Quatre ans après, l'Assemblée
Générale de l'ONU revient sur la question dans sa fameuse
déclaration sur le nouvel ordre économique international.
L'idée fondamentale était la suivante: le
sous-développement a été accentué par l'ordre
économique international qui a prévalu de 1945 à 1970;
celui-ci mettait en rapport les pays développés (le Nord) avec
les pays en développement (le Sud) dans un réseau de relations
verticales de domination et d'exploitation des secondes par les premiers.
Dès lors, il s'agit de mettre en place un nouvel ordre
économique international fondé sur l'équité et la
justice, dans un cadre de dialogue entre le Nord et le Sud. Mais,
parallèlement, les relations entre les pays en développement
devront être renforcées, notamment par la stratégie
d'intégration économique. Cette stratégie est
appelée à promouvoir l'autonomie collective des pays en
développement en les amenant à compter d'abord sur leurs propres
forces. La recommandation a été maintes fois renouvelée
par la suite avec un argument de poids: l'impact de la crise (récession,
inflation, chômage) a très sensiblement réduit les
possibilités d'aide de la part des pays développés.
Enfin, il est très important d'y ajouter les
initiatives de la Commission Economique pour l'Afrique (CEA)6, qui
est actuellement le promoteur le plus dynamique de la stratégie
d'intégration économique en Afrique. Il a paru
particulièrement opportun d'évaluer dans ce contexte les
expériences ouest-africaines d'intégration. Frantz FANON
7 écrivait: "chaque génération dans une relative
opacité doit découvrir sa mission, la remplir ou la trahir".
La dernière génération des africains s'est fait de la
lutte politique pour la décolonisation un idéal. La
présence doit bâtir un continent, asseoir son économie,
développer son potentiel. C'est à cela que l'on s'attelle ici et
là, c'est ce que l'on proclame en tout cas et, de manière
générale, la lutte pour le développement est toujours
allée de pair avec le combat pour l'intégration.
Petits ou faibles, divisés par des années de
balkanisation coloniale, ces nouveaux Etats n'avaient pratiquement aucun poids
sur le plan international; ils étaient à la merci du monde
industrialisé, capable de leur imposer le même degré de
contrôle après la décolonisation qu'auparavant. En fait,
dès 1959, l'Afrique Occidentale va voir fleurir des organismes et des
mécanismes de coopération. On en dénombre actuellement une
cinquantaine: Mano River Union (MRU), Organisation de Mise en Valeur du fleuve
Sénégal (OMVS), Organisation de Mise en Valeur du fleuve Gambie
(OMVG), Association pour le Développement du Riz en Afrique de l'Ouest
(ADRAO), Communauté Electrique du Bénin (CEB), Union
Douanière des Etats de l'Afrique de l'Ouest (UDEAO), Communauté
Economique de l'Afrique de l'Ouest (CEAO) etc., la liste est longue de ce qui a
semblé devenir la priorité des africains, l'intégration
régionale et sous-régionale.
C'est ainsi donc qu'au sud du Rio Grande furent
créés le Pacte Andin, l'association Latino-Américaine de
Libre commerce (ALALC), le Marché commun Centre Américain; la
Communauté des Caraïbes (CARICOM) et, qu'en Afrique se sont
constituées l'UDEAC (Union Douanière des Etats d'Afrique
Centrale), la CEEAC (Communauté Economique des Etats d'Afrique Centrale)
en Afrique Centrale, la CEAO et la CEDEAO en Afrique de l'Ouest.
L'après deuxième guerre mondiale (1945) a vu la
naissance de plusieurs acteurs (blocs, ensembles) régionaux et
sous-régionaux. Ceux-ci peuvent être conçus pour des
raisons économiques comme la CEE (1957), la CEDEAO (1975), la SADC
(1992), le MERCOSUR (1991); pour des raisons militaires comme le Pacte de
Varsovie (1955), l'OTAN (1949); pour des raisons politiques comme l'O.U.A.
(1964). Ces intégrations se caractérisent par des accords de
libre échange (suppression des droits de douane; la libre circulation
des personnes, des marchandises, des capitaux dans l'espace des
différents ensembles; de la politique commune monétaire et
autres. Les pays étaient conscients des conséquences de la guerre
qui retarde le développement économique et politique, d'où
l'idée de création des organisations, qui à part
l'intégration permettent de faire face à des concurrences
commerciales surtout avec l'ère de la mondialisation. Mais, aujourd'hui,
ces blocs, pour la plupart sont confrontés à des problèmes
liés surtout aux conflits. Ce qui les détourne de leur mission
majeure qu'est l'intégration économique. C'est ainsi que l'ONU,
la maison mère des organisations internationales fait appel aux
ensembles régionaux et sous-régionaux dans les gestion et
résolution des conflits les concernant. C'est à partir des
années 1990 que la participation au maintien de la paix et à la
gestion des conflits d'acteurs régionaux et sous-régionaux,
complétant le rôle de l'ONU, a commencé à se
concrétiser.
Dans son Agenda
pour la paix publié en 1992, le Secrétaire Général
de l'ONU, Boutros Boutros Ghali, consacrait un chapitre à la
"coopération avec les accords et organismes régionaux":
"Dans son article 21, le Pacte de la Société des Nations
soulignait l'utilité des ententes régionales pour le maintien de
la paix. Le Chapitre VIII de la Charte est consacré aux accords et
organismes régionaux destinés à régler les affaires
qui, touchant au maintien de la paix et de la sécurité
internationales, se prêtent à une action de caractère
régional, compatible avec les buts et principes des Nations Unies. La
guerre froide a empêché que l'on applique utilement les
dispositions de ce chapitre et il est même arrivé, durant cette
période, que des accords régionaux s'opposent au règlement
de certains différends selon les modalités prévues par la
Charte.
Les auteurs de la Charte ont délibérément
renoncé à donner une définition précise des accords
et organismes régionaux ; la souplesse qui en résulte permet
à des groupes d'Etats d'intervenir pour régler une question qui
se prête à une action de caractère régional et de
contribuer également au maintien de la paix et de la
sécurité internationales. Les associations ou entités en
question peuvent être des organisations créées par un
traité, avant ou après la fondation de l'Organisation des Nations
Unies, ou bien des organisations régionales de sécurité et
de défense mutuelles, ou encore des organisations destinées
à assurer le développement régional d'une façon
générale ou sur un aspect plus spécifique. Ce peut
être encore des groupes créés pour traiter d'une question
particulière, qu'elle soit politique, économique ou sociale,
posée au moment considéré.
Les accords et organismes
régionaux possèdent dans de nombreux cas un potentiel qui
pourrait contribuer à l'accomplissement des fonctions examinées
dans le présent rapport : diplomatie préventive, maintien de la
paix, rétablissement de la paix et consolidation de la paix après
les conflits. Aux termes de la Charte, le Conseil de sécurité a,
et continuera d'avoir, la responsabilité principale du maintien de la
paix et de la sécurité internationales, mais l'action
régionale, par le biais de la décentralisation, de la
délégation et de la coopération aux efforts de
l'Organisation des Nations Unies, pourrait non seulement rendre plus
légère la tâche du Conseil, mais contribuer
également à la création d'un sentiment plus fort de
participation, de consensus et de démocratisation en ce qui concerne les
affaires internationales."
Puis en janvier 1995, dans son le Supplément à
l'Agenda pour la paix, Boutros Boutros Ghali précise les
différentes formes que doit revêtir cette coopération avec
les organisations régionales : la consultation, l'appui diplomatique,
l'appui opérationnel, le co-déploiement d'effectifs et les
opérations conjointes.
Les acteurs régionaux susceptibles d'intervenir dans
les conflits sont nombreux, ce sont notamment l'OTAN, l'Union
européenne, l'OSCE (Organisation pour la Sécurité et la
Coopération en Europe), qui joue plutôt un rôle
d'observateur. Ce sont aussi des organisations régionales et
sous-régionales africaines, qui vont tenter de mettre en place des
structures de gestion des conflits afin de gérer les processus de paix
par elles-mêmes au niveau du continent, telles l'UA (Union Africaine),
qui a succédé à l'O.U.A. (Organisation de l'Unité
Africaine), la CEDEAO (Communauté Economique des Etats de l'Afrique de
l'Ouest), la SADC (Communauté de Développement d'Afrique
Australe), la CEEAC (Communauté Economique des Etats de l'Afrique
Centrale). A un degré divers, et que nous n'analyserons pas dans ce
dossier, c'est aussi l'OEA (Organisation des Etats Américains), qui a
mené une des premières opérations conjointes de paix avec
l'ONU, la MICIVIH (Mission Civile Internationale en Haïti), chargée
de l'observation et la vérification des droits de l'homme dans le pays
puis qui a assuré ensuite en commun les effectifs, la direction et le
financement de la MINUHA (Mission des Nations Unies en Haïti). C'est aussi
la CEI (Communauté des Etats Indépendants) qui a
déployé des forces en Géorgie - South Ossetia Joint Force
depuis 1992, puis Peacekeeping Forces in Georgia en 1994, à la
frontière entre la Géorgie et l'Abkhazie conjointement avec la
MONUG (Mission des Nations Unies en Géorgie) et la Mission de l'OSCE en
Géorgie - puis au Tadjikistan - Collective Peacekeeping Force depuis
1993, en liaison avec la MONUT (Mission d'Observation des Nations Unies au
Tadjikistan) et la Mission de l'OSCE au Tadjikistan.
C'est avec la participation de ces acteurs régionaux
que l'on peut parler de l'émergence d'une nouvelle
génération d'opérations de maintien de la paix, dans les
années 1990, après celles de 1ère et de 2ème
génération qui couvrent grosso-modo la période
antérieure 1948-1990.8
La CEDEAO (ECOWAS en anglais), Communauté Economique
des Etats de l'Afrique de l'Ouest a été initiée par les
présidents Yakubu Gowon, du Nigeria et feu Gnassimbé Eyadema, du
Togo. Elle a été créée par le Traité de
Lagos le 28 mai 1975 par quinze Etats membres rejoints par le Cap-Vert en 1976.
La Mauritanie quitta l'organisation en 2002. Ces quinze Etats sont: huit
Francophones (Bénin, Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Guinée,
Mali, Niger, Togo, Sénégal), cinq Anglophones (Gambie, Ghana,
Liberia, Nigeria, Sierra-Léone) et deux Lusophones (Cap-Vert et
Guinée-Bissau). Elle est comprise entre le tropique du Cancer et le
golfe de Guinée et elle couvre une population de 230 millions
d'habitants et une superficie de six millions de km2. La CEDEAO a pour missions
de promouvoir la coopération et le développement dans tous les
domaines de l'activité économique, d'abolir, à cette fin,
les restrictions au commerce, supprimer les obstacles à la libre
circulation des personnes, des services et des biens, l'harmonisation des
politiques sectorielles régionales. L'objectif majeur reste la
constitution d'un vaste marché commun ouest-africain et la
création d'une union monétaire.
Bien qu'à la base son rôle soit purement
économique, la CEDEAO s'est assez vite intéressée au
maintien de la paix. C'est en effet une condition essentielle pour qu'une union
puisse se réaliser. Suite aux tensions entre les différents
pays, la CEDEAO a décidée en 1978 d'adopter un Protocole de non
agression. Suivi en 1981 par le Protocole d'assistance en matière de
défense et une Déclaration des principes politiques en juillet
1991.
Mais c'est en 1990 que l'aspect sécuritaire de la
CEDEAO a été appliqué concrètement. Lors de la
Conférence des chefs d'Etat et de gouvernement, il fut
décidé de mettre en place un groupe surveillant l'application
d'un cessez-le-feu, l'ECOMOG (pour Economic Community for West African States
Cease-fire Monitoring Observer Group). Ce groupe de supervision est vite devenu
une force d'interposition et est intervenu notamment dans les guerres civiles
du Liberia, de la Sierra-Léone et de la Guinée-Bissau et
récemment en Côte d'Ivoire.
En 1999, suite aux différentes guerres civiles, les
Etats membres décidèrent la création d'une force de
sécurité en attente. Cette force conserve son appellation
d'origine (l'ECOMOG) et ses principales tâches seront entre autres
l'observation et la supervision des cessez-le-feu, le maintien de la paix,
l'intervention humanitaire, le déploiement préventif, la
construction de la paix, le désarmement et la démobilisation.
Cette force d'interposition, l'ECOMOG, avec l'appui financier des Nations Unies
et logistique des pays membres a mis un terme à la guerre civile au
Liberia, en Sierra Leone et en Guinée-Bissau. Cette fin de guerre a
conduit aux élections libres et transparentes au Liberia en 2006, ce qui
donne espoir pour un nouveau redémarrage économique de la
sous-région ouest-africaine. Malgré ces efforts fournis, la
CEDEAO est loin d'atteindre son objectif dû à plusieurs
facteurs.
Le 19 janvier 2005, au cours du 28ème sommet à
Accra (Ghana), Tandja Mamadou, président du Niger, a été
élu président en exercice de la Communauté Economique des
Etats d'Afrique de l'Ouest, en remplacement du ghanéen John Kufuor. Il a
été reconduit à ce poste le 13 janvier 2006 à
Niamey. Le Secrétaire Général est Dr. Mohammed Ibn Chambas
qui assurera la Commission dès janvier 2007. Une force stable
composée de 6.500 hommes a été aussi créée
en vue de la prévention, gestion et résolution des conflits dans
les zones sensibles (Côte d'Ivoire, Guinée-Bissau, Liberia,
Sierra-Leone) basée à Accra (Ghana), mais aussi d'intervenir
rapidement si nécessité il y a.
Lors du sommet d'Abuja le 14 juin 2006, les chefs d'Etats de
la CEDEAO ont approuvé une modification de l'organisation. Le
secrétariat est remplacé par une commission de neuf commissaires,
issus à tour de rôle des pays membres. Le mandat de 4 ans des
premiers commissaires, issu du Burkina-Faso, de la Côte d'Ivoire, du
Ghana, du Mali, du Niger, du Nigeria, du Sénégal, de la
Sierra-Léone et du Togo débutera en janvier 2007. Le Ghana
assurera la présidence de la commission et le Burkina Faso la
vice-présidence.9
II. PROBLEMATIQUE
C'est le souci de faire connaître un peu plus la CEDEAO
à l'extérieur de ses frontières (sous-région) de
par ses exploits économiques et politiques qui a motivé cette
recherche. Pour parvenir à nos fins, un certain nombre de questions
mérite d'être posé: Pouvons-nous parler des exploits
(rôles économiques et politiques) qu'à jouer la CEDEAO
aujourd'hui? Est-ce qu'elle a atteint son objectif majeur comme prévu
dès sa création? Quels sont les facteurs ayant perturbés
son objectif principal? A partir du moment où c'est le Nigeria qui
domine (il faut le reconnaître) largement cette organisation,
pouvons-nous parler des valeurs communes entre les Etats membres ou s'agit-il
d'un prolongement de la puissance nigériane dans la sous-région
ouest-africaine? Au cas où il s'agirait d'une intégration
ouest-africaine, quelle place occupe-t-elle au sein panafricain et sur le plan
mondial?
Tout laisse penser que la réponse à ces
questions constituera le socle sur lequel se basera cette étude pour
analyser de la façon la plus compréhensive possible le rôle
de la CEDEAO. Nous avons souvent l'habitude d'entendre parler de l'inexistence
et parfois de l'insuffisance de cette intégration. Nous avons pu
pourtant constater que cela n'était pas exact dans beaucoup d'autres
domaines, raison d'ailleurs qui nous pousse à explorer ce qui est
convenu d'appeler l'intégration ouest-africaine. La CEDEAO est une
sous-région peu ou mal connue. Cela est un fait avéré, et
la multiplicité des pays partageant approximativement les mêmes
valeurs culturelles, sociales, historiques, politiques, économiques
n'arrange rien à cette situation. C'est pour combler ce déficit
que nous voulons la faire découvrir à travers les rôles
qu'elle a joués depuis sa création, car quoi de plus,
l'intégration est à même de fournir de façon
scientifique l'anatomie socio-économique, culturel et politique des
peuples ayant les mêmes valeurs. Selon notre entendement, nous avons
choisi cette voie parce qu'elle est à la fois l'expression même du
culturel, du social, du politique et de l'économique de plusieurs Etats,
nations.
Les stratégies de développement conçues
pendant longtemps pour les pays en développement, ont été
basées dans un premier temps sur l'aide des pays industrialisés.
Cette politique de l'aide s'est révélée, très
tôt, inadaptée à permettre un développement
économique autonome des pays en développement. Car, cette aide
qui semble exclure toute préoccupation de compensation, de
réciprocité10, a en réalité pour effet
essentiel de servir les intérêts économiques et politiques
des pays industrialisés11.
Certains auteurs analysant les inconvénients de l'aide,
ont pu dire que "l'aide est politiquement asservissante et
économiquement assujettissante"12. Pour d'autres, l'aide
est souvent une subvention aux exportateurs du pays donateur payée par
le pays qui reçoit13.
En effet, tous les pays dispensateurs d'aide entendent tirer
un avantage, soit économique, soit politique. L'avantage
économique est le motif déterminant, car l'aide est un bon moyen
de s'ouvrir les marchés, de préparer une expansion
commerciale14, contribuant à prolonger le caractère
primaire des économies des pays en développement à base
agricole et extractive de matières premières15. Outre
les objectifs économiques que vise le donateur, le pays aidé est
politiquement soumis, car l'aide est souvent accordée à condition
que l'Etat bénéficiaire accepte les points de vue du donateur.
Les pays en développement ont compris que cette
politique d'aide n'était pas plus efficace pour leur
développement. Cette aide ne cesse de diminuer depuis plusieurs
années. Ainsi, la première et la deuxième CNUCED avaient
invité les pays industrialisés à transmettre 1% de leur
revenu national sous la forme d'une aide publique au développement
(APD). Le Comité d'Aide au Développement (CAD) de l'OCDE ramena
ce pourcentage à 0,70% du PNB, chiffre qui a été retenu
par l'Assemblée Générale des Nations Unies en 1980
à l'occasion du lancement de la troisième décennie pour le
développement. En réalité, au lieu des 0,70%, l'aide au
développement ne représentait en 1988 que 0,35% du PNB des pays
donateurs, un pourcentage voisin des 0,34% de 197016.
Le second constat pénible est celui de l'octroi d'une
indépendance politique factice, pour le moins, dans la mesure où
les économies dans les pays en développement étaient et
sont encore des sous-traitantes primaires des économies
développées. Il était apparu nécessaire au vu de ce
double constat, de réorienter les politiques de développement, de
choisir de nouvelles voies dont celle de l'intégration.
Compte tenu de ce qui précède, le vrai moteur de
développement réside moins dans l'aide au développement
que dans l'instauration d'un environnement international favorable. La
paupérisation croissante que l'on peut observer ou la relative
stagnation ont des causes plus structurelles liées à la nature et
à l'organisation du commerce international. C'est pourquoi l'importance
de l'intégration n'a échappé à aucun dirigeant
africain17. La création des regroupements régionaux
à caractère tant économique que politique le montrent. En
effet, cette recherche obstinée de l'intégration est une
réaction contre le système économique instauré par
les pays industrialisés qui consiste à appauvrir les pays en
développement.
Pour les dirigeants africains, il fallait dénoncer ce
système ruineux pour leurs économies, et de lui opposer une
dynamique orientée vers un développement autocentré. Les
organisations d'intégration économique qui se développent
ici et là s'inscrivent dans cette optique. En Afrique de l'Ouest, la
CEDEAO a procédé de cette logique et constitue par là des
cadres de concertation dans lesquels sont débattus les épineux
problèmes du sous-développement.
L'intégration économique internationale n'est
pas considérée comme une panacée, mais présente
comme un des moyens de surmonter l'obstacle au développement, ou encore
comme l'arme la plus rationnelle, qui semble constituer les meilleures
réponses aux grands maux de sous-développement qui sont entre
autres: l'extrême pauvreté, la famine, l'extraversion des
économies.
René DUMONT, dans les années soixante,
annonçait que "l'Afrique Noire est mal partie"18.
L'ouvrage déclencha, à l'époque, un extraordinaire
tollé. Il valut à son auteur d'être interdit de
séjour dans plusieurs capitales francophones du continent noir. Les
faits aujourd'hui viennent malheureusement confirmer chaque jour ce diagnostic
pessimiste.
Après une période initiale de croissance, la
plupart des Etats ont connu des difficultés économiques suivies
d'un déclin. L'Afrique subsaharienne voit actuellement, depuis
près d'une dizaine d'années, les revenus par habitant diminuer et
le problème de la faim s'aggraver. Un rapport de la banque mondiale,
faisant état de cette situation dramatique conclut qu'en dernière
analyse, les africains sont toujours presque aussi pauvres qu'il y a trente
ans19.
Dans le même ordre d'idées, le
sous-développement s'est auto-entretenu depuis plusieurs années,
d'où l'expression imagée, "les pays
sous-développés sont en voie de sous-développement".
Cette image exprime la réalité de l'installation de ces pays dans
un cercle vicieux: celui de la paupérisation.
En Afrique subsaharienne, la croissance économique
générale depuis 1960 s'établit à 3,4% en moyenne,
pourcentage à peine supérieur à celui de la croissance
démographique20. Cette croissance s'est répartie de
façon inégale dans le temps et dans l'espace21.
Si l'on considère les résultats
économiques, les années soixante n'ont pas été
particulièrement brillantes pour les pays de l'Afrique de l'Ouest.
Toutefois, dans la plupart des pays les taux de croissance économique
ont suivi l'accroissement démographique.
Dix ans ont enregistré des taux annuels de croissance
du PIB d'environ 3% ou plus, tandis que ceux de la Sierra-Léone, du
Liberia, de la Côte d'Ivoire, et du Togo étaient respectivement de
4,3%; 5,1%; 5,4%; 8%; 8,5%22.
Les années soixante-dix ont été en
revanche une suite ininterrompue de crises pour les économies de la
sous-région. Crises qui se sont principalement manifestées par
l'essoufflement de l'expansion économique dans la quasi-totalité
des pays. Certains d'entre eux ont fait enregistrer une chute spectaculaire de
leur production par habitant.
Les années quatre-vingt n'ont pas été des
meilleures et l'on a pu constater, sauf quelques exceptions, une baisse
désastreuse du revenu par habitant de certains pays supérieure
à 25%: c'est le cas par exemple du Liberia, du Niger, et du
Nigeria23.
Les événements intervenus dans les années
quatre-vingt-dix sur la scène internationale, notamment les changements
dans les pays de l'Europe de l'Est, ainsi que le renforcement de la
coopération économique par la réalisation du marché
unique européen à l'horizon 2000 affecteront les économies
ouest-africaines, qui prises individuellement et collectivement sont
très fragiles et peu compétitives, et ne semblent pas bien
placées pour tirer partie de toutes les possibilités que l'Europe
de 2000 pourraient offrir aux pays tiers.
La crise économique de plus en plus grave que
connaît l'Afrique, se caractérise par une faible croissance de
l'agriculture, par le déclin de la production industrielle, et par
d'autres facteurs comme les médiocres performances, l'accumulation des
dettes, la dégradation des indicateurs sociaux, etc.
S'agissant de l'agriculture, considérée comme le
principal pilier de la croissance pour les prochaines années, elle a
été dangereusement négligée au cours des
ans24.
S'il est vrai qu'une économie a besoin d'une
agriculture dynamique, l'agriculture africaine a subi une mutation structurelle
fondamentale qui date des premières années de la colonisation qui
s'est poursuivie après les indépendances. Les produits vivriers
ont progressivement laissé la place aux produits de rente sous la double
nécessité pour le paysan africain de vendre ces produits pour
acquérir des biens de consommation importés, et pour l'Etat
d'exporter pour équilibrer sa balance de paiement.
D'autre part, la diversification de ces produits n'a pas
été possible sur une échelle rentable. Il s'en est suivi
une pénurie progressive de produits alimentaires qui allait
déboucher sur des famines, phénomène accentué par
une baisse régulière des prix des matières
premières agricoles, qui tout en diminuant les ressources, incitait
à produire davantage avec des techniques relativement archaïques,
d'où la mobilisation de plus en plus importante des terres
disponibles.
La conséquence de ce processus, c'est la
dépendance des économiques nationales vis-à-vis des cours
internationaux des matières premières avec ses mouvements
erratiques à la baisse. Le solde global de la mutation est le creusement
des déficits commerciaux et leur permanence, traduisant un
phénomène d'appauvrissement continu. Ce mécanisme de la
paupérisation cyclique se retrouve aussi pour les matières
premières exportées brutes puisqu'aucune infrastructure
industrielle locale ne peut effectuer une transformation.
Avec les chocs pétroliers de 1973-1974, puis de
1978-1979, qui ont sévèrement touché les économies
métropolitaines, le processus s'est accéléré
surtout dans les pays de la sous-région ouest-africaine sauf pour le
Nigeria25 du fait d'une facture pétrolière
élevée, et aussi à cause du renchérissement des
produits manufacturés dont les prix s'ajustaient à la hausse du
pétrole, alors que les cours des matières premières
agricoles se détérioraient, et que les stocks de produits miniers
(uranium, phosphates) s'entassaient faute d'acheteurs.
Ces mécanismes croissants de la paupérisation se
traduisent par une dette de plus en plus importante, et qui est devenue
aujourd'hui une charge insupportable.
Au total, la dette des pays en développement s'est
multipliée par cinq entre 1970 et 1980: elle a atteint à cette
date 650 milliards de dollars26. En 1985, elle était de 1051
milliards de dollars pour atteindre 1320 milliards de dollars fin
198827.
La dette de l'Afrique subsaharienne est estimée
à 134 milliards de dollars28. Plusieurs
rééchelonnements ont été négociés, et
pourtant les arriérés s'accumulent. Le service de la dette
africaine correspondait en 1988 à 47% des recettes d'exportation et n'a
été honoré que pour moins de la moitié.
Quant à la famine, presque tous les pays membres de la
CEDEAO ont connu ce fléau qui constitue le deuxième grand
défi de développement.
Si au cours des deux dernières années, l'Afrique
a dépassé les 90 millions de tonnes de céréales qui
se répartissent en deux parts à peu près
égales29 entre le Nord et le Sud du Sahara, sans compter
légumineuses et tubercules dont les tonnages ont augmenté dans
des proportions analogues, l'Afrique est encore loin d'être entrée
dans une période de véritable sécurité alimentaire.
Prise dans son ensemble, elle assure à peine à peine plus de 5%
de la production mondiale de céréales pour une population totale
qui représente environ 11% des habitants de la planète. L'Afrique
ne produit pas encore suffisamment de vivres pour nourrir correctement une
population qui s'accroît au rythme de 3,1% par an30. Elle
continue d'importer massivement du blé et du riz que ses paysans
produisent peu et que ses citadins consomment de plus en plus.
En 1988, les pays de l'Afrique de l'Ouest ont produit 20
millions de tonnes de céréales et en ont importé 3,1
millions de tonnes, dont 90% de blé et du riz. Cette inadéquation
grandissante entre production et consommation est, comme nous le constatons,
déplorable.
Face à ce phénomène de
paupérisation et de famine, phénomène qui reste
dominé par une crise persistante, il fallait rechercher et
développer une action régionale dont le but serait:
- La promotion du commerce entre Etats de l'Afrique de
l'Ouest, qui réduirait les dépendances respectives
vis-à-vis des marchés internationaux, développer une
concertation pouvant déboucher sur une maîtrise des prix des
premières;
- et surtout concevoir au niveau régional une politique
d'autosuffisance alimentaire; politique qui implique le dépassement des
égoïsmes politiques et du micro-tribalisme sclérosant qui
empêche l'institutionnalisation des liens de coopération plus
étroits entre les Etats ayant des structures socio-économiques
semblables, ou complémentaires. En effet, l'instauration d'une
réelle coopération régionale entre les Etats aurait un
effet très positif sur la sécurité alimentaire de la
sous-région dans la mesure où certains pays menacés
d'être en situation critique sont souvent limitrophes de pays capables de
produire des excédents considérables. De plus, les importants
investissements à effectuer dans ce domaine de l'agriculture
(matériel agricole, technologie d'irrigation, de drainage, engrais,
etc.) trouvaient une meilleure assise sur le plan régional; ceci
permettrait aux Etats de s'organiser entre eux pour faire ensemble ce que
chacun ne peut faire seul.
Dans un monde qui est celui des grandes dimensions, les
optimums économiques ne peuvent être obtenus qu'en
renforçant les inter-relations qui unissent les économies et les
rendent solidaires. Ceci est d'autant plus vrai en Afrique de l'Ouest où
le processus d'intégration (CEDEAO) se trouve confronté à
des obstacles essentiellement de nature économique. Une des formes de
blocage est celle de "l'extraversion économique".
Etymologiquement, l'économie d'un pays est dite
extravertie lorsqu'elle est "tournée vers l'extérieur",
quand elle dépend, à la fois, pour ses importations et ses
exportations, de l'extérieur.
L'extraversion peut concerner des pays
développés. Cependant, on utilise principalement ce terme dans le
cas des pays en développement. Ceux-ci ont hérité, du
pacte colonial, des structures productives conçues pour les besoins de
la métropole. Cette extraversion a été accentuée
dans la période post-coloniale, par l'attraction exercée par les
économies développées. Ses manifestations sont:
l'exportation systématique vers les marchés extérieurs,
plus solvables, la sortie des capitaux, l'exode des cerveaux, l'imitation des
modèles de développement étrangers, etc.
En définitive, on retiendra la définition
suivante: "une économie est extravertie lorsque les principales
activités sont mises en place et animées par la décision
ou l'incitation de centres étrangers en fonction des seuls
intérêts des pays développés et, de la
stratégie des firmes transnationales"31. Cette
définition illustre la situation de dépendance et le
caractère extravertis des économies ouest-africaines.
Complètement dominées à l'époque
coloniale, les économies ouest-africaines ont été
"spécialisées" dans la production de certaines
matières premières, soit minières (fer, cuivre, bauxite,
uranium, phosphates), soit agricoles (bois, café, cacao). L'inexistence
de transformation industrielle de ces matières fait que les secteurs
d'exportation ne génèrent pas une demande domestique suffisante,
capable de stimuler les économies de la CEDEAO. Les effets
d'entraînement (sur les revenus, l'emploi, les investissements) ne se
réalisent pas. Le dynamisme avec lequel ces économies pourront
développer leurs activités pour parvenir à soutenir leur
expansion interne n'existe pas vu l'absence totale de valeur ajoutée aux
matières premières exportées. En définitive, le
type actuel de relations avec l'extérieur confine l'Afrique de l'Ouest
à une "spécialisation" internationale. Cette
spécialisation empêche de dégager une accumulation de
capital nationale ou régionale.
C'est pourquoi la promotion de l'intégration
économique constitue de plus en plus une donnée essentielle. Il
s'agit en développant le commerce intra-régional, de créer
et de promouvoir des flux commerciaux insignifiants aujourd'hui entre Etats
africains. Une telle politique aurait le mérite de permettre un meilleur
contrôle des prix des matières; contrôle concerté qui
donnerait du souffle aux économies en difficulté.
Un autre élément majeur de cette politique de
promotion des échanges, serait ses conséquences sur
l'industrialisation. En effet, du fait des marchés intérieurs
réduits, les projets d'industrialisation nationaux ne peuvent que se
révéler dans la plupart des cas peu rentables. Or, de tels
projets réalisables sur une échelle régionale
accéléreraient le processus de substitution de produits
manufacturés des pays développés à des produits
industriels régionaux.
A l'heure actuelle, vu le coût prohibitif de
l'industrialisation à l'échelle nationale, l'industrialisation
existante dans certains pays de la sous-région devait compter soit sur
les marchés des pays développés où la concurrence
est très forte, et où se développe depuis quelques
années un protectionnisme larvé, soit sur des marchés
constitués par d'autres pays en développement.
Il semble donc, pour une politique de développement
autocentré, indispensable pour la majorité des pays
sous-développés, de créer entre eux des marchés
multinationaux. Ces marchés, exerçant un effet de plus en plus
marqué sur le développement atténueraient l'extraversion
économique. Cela ne peut possible que dans un système
économique international sain et équilibre.
Références
1 C'est une période d'euphorie pour
l'intégration économique régionale. Par exemple, en
l'espace de trois ans, 1973-1975, trois communautés économiques
ont vu le jour en Afrique de l'Ouest: CEAO, MRU, CEDEAO.
2 Conférence des
Nations Unies pour le commerce et le développement (CNUCED);
Organisation des Nations Unies pour l'information, la formation et la recherche
(UNITAR)..., et d'un grand nombre d'autres déclarations de haut niveau
sur la politique et la stratégie de l'Afrique.
3 Le sommet de Lagos en 1980 par exemple.
L'intégration économique a été l'un des
thèmes centraux du plan de Lagos. Et le sommet de l'O.U.A. à
Abuja, 3-5 juin 1991.
4 On peut citer des
exemples récents: la réunion des ministres des finances des pays
de la zone franc à Ouagadougou les 25 et 26 avril, à Paris le 3
octobre 1991. L'intégration économique a été au
centre de leurs préoccupations.
5 Des
conférences et colloques sur l'intégration économique ont
eu lieu notamment:
à Dakar (mars-avril 1978)
à Kinshasa (8-10 août 1978)
à Bogota en Colombie (juin 1979)
à Berlin-Ouest (en novembre 1979 et en novembre
1981)
à Conakry (mai 1980)
à Addis-Abeba (en mars 1982)
6 La CEA
(siège: Addis-Abeba, Ethiopie) a été fondée en
avril 1958 par le conseil économique et social de l'ONU. Le même
organisme existe pour l'Amérique Latine et pour l'Asie.
L'une des principales directions qui constituent le
cabinet du Secrétariat Exécutif de la CEA est celle de la
"coopération économique" qui oeuvre depuis des années
à l'intégration des économies africaines. Elle est
à l'origine de la création de la CEDEAO, la BAD (Banque Africaine
de Développement), la Chambre de Compensation de l'Afrique de l'Ouest
(CCAO), l'association pour le Développement du Riz en Afrique de l'Ouest
(ADRAO) en collaboration avec la FAO et le PNUD, de même que l'IDEP
(Institut de Développement et de Planification) créé
à Dakar en 1963. C'est aussi la CEA qui oeuvre activement pour
l'élargissement de l'UDEAC.
A des fins de décentralisation, la CEA a
été créée des organes d'exécution: les
MULPOC (Multinational Programming Operating Centers, "soit centres
multinationaux de programmation et d'exécution"). Les MULPOC ont
été conçus sur une base géographique pour couvrir
chacun une sous-région du continent. Le MULPOC pour l'Afrique de l'Ouest
(région de la CEDEAO) se trouve à Niamey au Niger.
L'objectif de la CEA est de créer dans un premier
temps des communautés au niveau des cinq sous-régionaux d'Afrique
pour arriver dans un second temps à la mise en place d'un marché
commun. Le traité de ce marché a été
déjà signé lors du sommet de O.U.A. à Abuja, le 3
juin 1991; c'est cette idée qui figure dans le plan d'action de Lagos
(avril 1980) qui a d'ailleurs été conçu par la CEA et le
Secrétariat Général de O.U.A. à la demande des
chefs d'Etat africains lors de leur conférence tenue à Monrovia
en 1979.
Il importe de noter que la CEA a réalisé
d'importants études et rapports sur l'intégration en Afrique
Centrale (Rapport de la CEA sur la mission d'évaluation de l'UDEAC et
possibilités d'élargissement de la coopération
économique en Afrique du Centre, 1981), et en Afrique de l'Ouest
(Rapport intitulé "propositions visant à renforcer
l'intégration économique en Afrique de l'Ouest").
7 F. FANON, Les damnés
de la terre, éd. La Découverte, Paris, p.151.
8 Boutros Boutros Ghali, Agenda pour la paix,
1992, New York, p. 173.
9 La prévention des conflits en Afrique
de l'Ouest, éd. Khartala, Paris 1997, p.55.
10 cf, M. VIRALLY, "Le principe de
réciprocité dans le droit international contemporain", RCADI,
1967, III p. 91-92. Voir également P. MASSON; "Aide bilatérale,
assistance, commerce ou stratégie", PUF, Paris 1967; F. LUCHAIRE:
"L'aide aux pays sous-développés", Que-sais-je? PUF, no 1227,
1967.
11 P. JALLEE, "Pillage du Tiers-Monde", Paris,
Maspéro 1965; S. AMIN: "Le développement inégal", Les
Editions de Minuit 1975.
12 T. MENDE, "De l'aide à la
recolonisation", éd. du Seuil 1975, p. 74.
13 G. CAZES, J. DOMINGO "Les
critères du sous-développement", Géopolitique du
Tiers-Monde, Bréal éditeur 1975; T. MENDE, op. Cit.
14 J. BOUVERESSE: Droit et politiques du
développement et de la coopération. Coll. PUF 1990, p. 245. Voir
également René DUMONT et Marie-France MOTTIN: l'Afrique
étranglée. éd. Du Seuil 1982, pp.22-23.
15 R. DUMONT: L'Afrique noire est mal partie.
éd. Du Seuil 1962, p.41. Voir également J. BOUVERESSE, op. Cit.,
p.245.
16 J. BOUVERESSE, ibid. p. 265.
17 L'ex-Président de la
République du Ghana, feu Kwame N'KRUMA, disait déjà en
1964 " notre principal rempart contre les sinistres menaces et les divers
desseins des néocolonialistes est notre union politique. Si nous voulons
rester libres, si nous voulons bénéficier pleinement des
abondantes ressources de l'Afrique, nous devons nous unir pour organiser notre
parfaite défense et l'exploitation systématique de notre
potentiel matériel et humain dans l'intérêt de nos
peuples". In l'Afrique doit s'unir, Payot, 1964.
18 R. DUMONT: L'Afrique noire est mal partie.
éd. Du Seuil, 1962.
19 Banque Mondiale: L'Afrique subsaharienne: de
la crise à une croissance durable. Etude prospective à long
terme. Novembre 1989, p. 1.
Voir également Michel FAURE: La Hongrie avant la
Zambie. Express, no 2024 du 20-26 avril 1990, numéro spécial
"Afrique naufrage d'un continent".
20 Le taux d'accroissement de la population est
de 3,3%, taux le plus élevé du monde avec de 450 millions
d'habitants. Le taux de croissance économique de la sous-région
africaine a été estimée à 3,5% pour 1990, et ne
dépassait guère que très légèrement le taux
de croissance démographique. Cette modeste performance économique
était essentiellement due, semble-t-il, à la légère
hausse des prix à l'exportation du pétrole brut au cours de la
seconde moitié de 1990. D'une manière générale, les
économies des Etats sont restées fragiles.
21 Selon la Banque Mondiale, on peut distinguer
trois grandes périodes:
- 1960-1972: marquée par élévation
des revenus par habitant,
- 1973-1980: qui correspondent à la période
de stagnation,
- 1981-1987: la période de déclin.
22 cf. Rapport de la CEA: " Les
propositions visant à renforcer l'intégration économique
en Afrique de l'Ouest", 1984, p.9.
23 cf. Banque Mondiale: L'Afrique
subsaharienne, de la crise à une croissance durable, op. Cit., p.
2.
24 Or l'agriculture constitue la base de
l'économie des différents pays de la sous-région. Entre 70
et 89% de la population active des pays de l'Afrique de l'Ouest vivent de
l'agriculture qui représente l'essentiel du PIB de tous les pays
à l'exception du Cap-Vert et du Nigeria. Elle constitue également
une importante source de devises étrangères pour la grande
majorité des pays de la sous-région. C'est pourtant le secteur
qui a été le plus touché par la crise économique
dont souffrent les pays de la sous-région.
25 Pays producteurs du pétrole, il
était classé dans le groupe à revenu moyen. Mais, selon
l'ONU, il a dégringolé dans la catégorie des pays à
faible revenu. D'autres pays de la sous-région ont connu le même
sort. Il s'agit du Ghana, du Liberia.
26 J. BOUVERESSE: Droits et politiques du
développement et de la coopération. PUF, 1990, p. 227.
27 Bulletin du FMI du 16 janvier 1989, p.
1.
28 cf. L'express du 20 avril 1990,
numéro spécial: "L'Afrique naufrage d'un continent", p.
162.
29 Sophie BESSIS: Tout va donc pour le
mieux? In Jeune Afrique, no 1518 du 5 février 1990, p. 45.
30 Selon l'auteur, pour que l'Afrique nourrisse
correctement ses enfants, il faut que la production agricole augmente au
minimum de 4% dans les prochaines années. cf. S. BESSIS, op.
Cit.
31 Jacques BOULEVERESSE, op. Cit., p. 194. voir
également le dictionnaire d'économie et de sciences sociales,
sous la direction de Claude-Danièle ECHAUDEMAISON, éd. Nathan,
1990, p.125.
DEUXIEME PARTIE
CHAPITRE II
L'INTEGRATION ECONOMIQUE
1. Les principes et objectifs de la CEDEAO
1- Par le présent Traité, les HAUTES PARTIES
CONTRACTANTES instituent entre Elles une Communauté Economique des Etats
de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) ci-après dénommée
«la Communauté».
2- Sont membres de la Communauté et
dénommés ci-après «Etats membres» les Etats qui
ratifient ce traité et tout autre Etat de l'Afrique de l'Ouest qui y
adhère.
Les objectifs
1- Le but de la Communauté est de
promouvoir la coopération et le développement dans tous les
domaines de l'activité économique, particulièrement dans
les domaines de l'histoire, des transports, des
télécommunications, de l'énergie, de l'agriculture, des
ressources naturelles, du commerce, des questions monétaires et
financières et dans le domaine des affaires sociales et culturelles avec
pour objectif d'élever le niveau de vie de ses peuples,
d'accroître et de maintenir la stabilité économique, de
renforcer les relations entre les membres et de contribuer au progrès et
au développement du continent africain.
2- Aux fins énoncées au
paragraphe précédent et conformément aux dispositions
particulières du présent Traité, l'action de la
Communauté portera par étapes, sur:
a) l'élimination entre les Etats
membres des droits de douanes et toutes autres taxes d'effet équivalent
à l'importation et à l'exportation des marchandises;
b) l'abolition des restrictions quantitatives
et administratives au commerce entre les Etats membres;
c) l'établissement d'un Tarif douanier
commun et d'une politique commerciale commune à l'égard des pays
tiers;
d) la suppression, entre les Etats membres,
des obstacles à la libre circulation des personnes, des services et des
capitaux;
e) l'harmonisation des politiques agricoles
et la promotion des objets communautaires des Etats membres notamment dans les
domaines de la commercialisation, de la recherche et dans celui des entreprises
agro-industrielles;
f) la réalisation de programmes
concernant le développement commun en matière de transports, de
communications, d'énergie et d'autres équipements
d'infrastructure ainsi que l'élaboration d'une politique commune dans
ces domaines;
g) l'harmonisation des politiques
économiques et industrielles des Etats membres et la suppression des
disparités du niveau de développement des Etats membres;
h) l'harmonisation nécessaire au bon
fonctionnement de la Communauté des politiques monétaires des
Etats membres;
i) la création d'un Fonds de
coopération, de compensation et de développement;
j) toutes autres activités visant
à atteindre les objectifs communautaires que les Etats membres peuvent
entreprendre en commun à tout moment.
Les Etats membres ne ménagent aucun effort pour
planifier et orienter leurs politiques en vue de réunir les conditions
favorables à la réalisation des objectifs de la
Communauté; en particulier, chaque Etat membre prend toutes requises
afin d'assurer l'adoption des textes législatifs nécessaires
à l'application du présent Traité
Les institutions de la Communauté
a) la Conférence des chefs d'Etats et
de Gouvernement
1- Il est créé par les présentes une
Conférence des chefs d'Etat et de gouvernement des Etats membres
ci-après dénommée «la Conférence» qui est
la principale institution de la Communauté.
2- La Conférence est chargée d'assurer la
direction générale et le contrôle des fonctions
exécutives de la Communauté en vue du développement
progressif de celle-ci et de la réalisation de ses effectifs.
3- Les décisions et les directives de la
Conférence engagent toutes les institutions de la Communauté.
4- La Conférence se réunit au moins une fois par
an. Elle établit son règlement intérieur notamment en ce
qui concerne la convocation de ses réunions, la conduite des
débats et l'ordre dans lequel chaque année la présidence
de la conférence est attribuée à tour de rôle
à un autre membre de la Conférence.
b) le Conseil des Ministres, organe
subordonné à la conférence
1. Il est créé par les présentes un
Conseil des ministres qui comprend deux représentants par Etat
membre.
2. Le Conseil des ministres a pour mandat:
a) de veiller au bon fonctionnement et au développement
de la Communauté conformément au présent traité;
b) de faire des recommandations à la Conférence
sur les problèmes de politique générale en vue d'assurer
le fonctionnement et le développement efficaces et harmonieux de la
Communauté;
c) de donner des directives à toutes les autres
institutions de la Communauté relevant de son autorité;
d) d'exercer tous pouvoirs qui lui sont conférés
et d'assumer toutes autres fonctions qui lui sont assignées par le
présent traité.
3. Les décisions et directives du Conseil des ministres
engagent les institutions de la Communauté relevant de son
autorité sauf si la Conférence en décide autrement.
4. Le Conseil des ministres se réunit deux fois par an
et l'une de ces sessions se tient immédiatement avant la session
annuelle de la Conférence. En cas de besoin, le Conseil des ministres
peut être convoqué en session extraordinaire.
5. Sous réserve des directives que peut lui donner la
Conférence, le Conseil des ministres établit son règlement
intérieur notamment en ce qui concerne la convocation de ses
réunions, la conduite des débats, l'exécution des
tâches qui lui sont confiées, l'ordre dans lequel, chaque
année, la présidence du Conseil des ministres est
attribuée à tour de rôle à un membre du Conseil.
6. Lorsqu'un Etat membre formule une objection à une
proposition soumise pour décision au Conseil des ministres, cette
proposition sera soumise pour une décision à la Conférence
à moins que l'objection ne soit retirée.
La Conférence établit les règles à
suivre pour la notification de ses décisions et directives et de celles
du Conseil des ministres ainsi que les règles concernant leur
application.
c) Le Secrétariat exécutif
1. Il est créé un Secrétariat
exécutif de la Communauté
2. Le Secrétariat exécutif est dirigé par
un Secrétaire exécutif qui est nommé par la
Conférence pour une durée de quatre ans renouvelable une seule
fois.
3. Le Secrétariat exécutif ne peut être
relevé de ses fonctions que par la Conférence sur recommandation
du Conseil des ministres.
4. Le Secrétaire exécutif est le principal
fonctionnaire exécutif de la Communauté. Il est assisté
par deux Secrétaires exécutifs adjoints,
nommés par le Conseil des ministres.
5. Outre le Secrétaire exécutif et les
Secrétaires exécutifs adjoints, le Secrétariat
exécutif comprend un contrôleur financier et tous autres
fonctionnaires dont le poste peut être créé par le Conseil
des ministres.
6. Les modalités et les conditions d'emploi du
Secrétaire exécutif et des autres fonctionnaires du
Secrétariat sont régies par des règlements établis
par le Conseil des ministres.
7. Sous réserve de l'importance primordiale qu'il y a
à assurer à la Communauté les services de personnes
possédant les plus hautes qualités de travail et de
compétence technique, il est tenu compte, dans la nomination des
fonctionnaires aux postes du Secrétaire exécutif, de la
nécessité de maintenir une répartition équitable de
ces postes entre les ressortissants des Etats membres.
8. Dans l'exercice de leurs fonctions, le Secrétaire
exécutif et les fonctionnaires du Secrétariat exécutif ne
sont responsables que devant la Communauté.
9. Le Secrétaire exécutif est chargé de
l'administration courante de la Communauté et de toutes ses
institutions.
10. Le Secrétaire exécutif a pour mandat:
a) de fournir, comme il convient, ses services aux
institutions de la Communauté et d'aider celles-ci dans l'exercice de
leurs fonctions;
b) de suivre constamment le fonctionnement de la
Communauté et, le cas échéant, de rendre compte au Conseil
des ministres du résultat de cet examen;
c) de soumettre un rapport d'activités à toutes
les sessions du Conseil des ministres et de la Conférence;
d) d'entreprendre tous travaux et études et d'assurer
les services relatifs aux objectifs de la Communauté qui peuvent lui
être confiés par le Conseil des ministres et de formuler aussi
toutes propositions propres à contribuer au fonctionnement et au
développement efficaces et harmonieux de la Communauté.
d) le Tribunal de la Communauté
e) les Commissions techniques et
spécialisées suivantes:
- la commission du commerce, des douanes, de l'immigration,
des questions monétaires et des paiements;
- la commission de l'industrie, de l'agriculture et des
ressources naturelles;
- la commission des transports, des
télécommunications et de l'énergie;
- la commission des affaires sociales et culturelles;
et toutes les autres commissions ou organes qui peuvent
êtres créés par la Conférence des chefs d'Etat et de
Gouvernement ou qui sont établis ou prévus par le présent
traité.
Les institutions de la Communauté exercent leurs
fonctions et agissent dans les limites des pouvoirs qui leur sont
conférés par le présent Traité et par les
protocoles y afférents1.
2. Des valeurs communes pour une intégration
fiable
Malgré quelques différences dues à
l'héritage colonial, c'est-à-dire les différences de
politiques des puissances coloniales: administration directe dans le
système français et administration indirecte (Indirect Rule) dans
les colonies britanniques en passant par les portugais ayant exporté une
population qui vit près des "indigènes",
c'est-à-dire d'une assimilation poussée qui entraînera
beaucoup de difficultés ultérieures sans oublier les
frontières artificielles, les pays membres de la CEDEAO ont des valeurs
communes qui permettront une intégration solide.
Historiquement, les pays membres de la CEDEAO appartenaient
aux grands et puissants royaumes et empires. C'est le cas du royaume Haoussa,
l'empire Soussou, le royaume du Kanem-Bornou, l'empire Zarma-Songhay, l'empire
Mandingue, l'empire Peulh du Macina.
En ce qui concerne les langues, l'on peut trouver les Haoussa
au Nigeria, au Niger, au Ghana et dans les villes de la diaspora (Abidjan,
Dakar, Lomé, Cotonou, Conakry, Ouagadougou); les Yorouba au Nigeria, au
Bénin et au Togo; les Peulh (Foulani, Foulbé, Pulaar) en
Guinée, au Sénégal, au Mali, au Burkina-Faso, au
Bénin, au Togo, au Ghana, en Côte d'Ivoire, au Niger, au Nigeria;
les Dioula (Bambara, Banamam, Malinkés, Madinka) au Mali, au
Burkina-Faso, en Côte d'Ivoire, en Guinée, en Sierra-Léone,
au Sénégal; les Wolofs au Sénégal et en Gambie, les
Akan au Ghana, en Côte d'Ivoire. Toutes ces ethnies et langues circulent
librement et se comprennent les unes des autres dans l'espace CEDEAO. Quant aux
langues officielles (anglais, français, portugais), sont soit
premières langues administratives d'un pays membre ou deuxièmes
langues enseignées dès le collègue, le lycée voire
l'université, ce qui fait que les ressortissants des pays membres
peuvent se communiquer facilement dans l'une des trois langues. Politiquement,
les pays membres de la CEDEAO se soutiennent sur la scène internationale
au cas où l'un d'entre eux se présente à un poste ou pour
constituer une même voix, par exemple à l'ONU, l'O.U.A. (actuelle
Union Africaine). Aussi, trois grandes religions (Islam, Christianisme,
Animisme) cohabitent paisiblement dans l'espace CEDEAO, ce qui renforce la
tolérance religieuse2.
3. Du Secrétariat exécutif à la
Commission
Le 30ème Sommet ordinaire de la CEDEAO tenu le 14 juin
2006 à Abuja a accepté que le Ghana et le Burkina Faso soient
respectivement président et vice-président, alors que les sept
commissaires proviendraient de la Côte d'Ivoire, du Mali, du Niger, du
Nigeria, du Sénégal, de la Sierra-Léone et du Togo. Dr.
Mohammed Ibn Chambas, actuel secrétaire exécutif de la CEDEAO
occupera le poste de premier président de la Commission, dont
l'entrée en vigueur est prévue en janvier 2007. "Le
système adopté par les chefs d'Etat et de gouvernement
prévoit un schéma de rotation bien huilé pour assurer le
remplacement prévisible et en douceur des commissaires", a
indiqué le communiqué publié à la fin des travaux
du sommet. Il fait remarquer que la transformation du Secrétariat
exécutif en Commission, qui a été approuvée par les
chefs d'Etat et de gouvernement lors de leur sommet ordinaire de janvier 2006
à Niamey au Niger, devrait permettre un approfondissement et une
accélération du processus d'intégration dans la
sous-région. "Cela implique également le renforcement des
pouvoirs supra-nationaux de l'Organisation et l'adoption d'un nouveau cadre
légal", ajoute le communiqué. La Commission est régie
par les principes suivants: la solidarité l'équité,
l'esprit communautaire, l'efficacité, la rentabilité, la
faisabilité, la transparence, la prévisibilité et la
fonctionnalité d'un système de rotation de tous les postes
statuaires de la communauté. Elle permet à la CEDEAO de s'adapter
à l'environnement international. L'on passera ainsi d'un organe
consultatif à un organe qui participe à la prise de
décision et pour plus tard, à un organe décisionnel. La
création de la Banque d'investissement et de développement de la
CEDEAO (BIDC), donnera certainement une autre dynamique à la commission.
La bonne gouvernance, le processus démocratique, la paix, la
stabilité politique, la sécurité, la prolifération
des armes légères sont autant de préoccupations auxquelles
la future Commission doit faire face, a noté M. Obasanjo. Et le
président nigérian d'ajouter que «Si l'Afrique de
l'Ouest veut se faire respecter, les différents gouvernements doivent
oeuvrer à assurer la libre circulation des personnes et des biens,
à l'établissement d'une monnaie commune, à la
réalisation des objectifs du continent et de ceux du millénaire
pour le développement». Toute chose qui ne peut se faire sans
le règlement des conflits, la lutte contre la pauvreté, la faim
et l'insécurité, le blanchissement d'argent, véritable
menace pour les économies de la sous-région, a averti Obasanjo.
Elle a pour but, dit-il, de permettre à l'organisation de mieux jouer
son rôle dans le processus d'intégration et de
développement, et de répondre aux attentes des populations.
Le sommet a aussi approuvé une nouvelle structure pour
le Parlement de la CEDEAO, dans le cadre d'une restructuration qui devra
permettre à l'institution d'être plus efficace et de donner aux
parlementaires de jouer pleinement leur rôle dans le processus
d'intégration. Les chefs d'Etat et de gouvernement ont, en outre,
approuvé le renforcement des capacités institutionnelles de la
Cour de Justice de la Communauté pour permettre à la CEDEAO
d'avoir une Cour forte et indépendante. Les dirigeants ont
exprimé leurs inquiétudes face au phénomène de
l'immigration des jeunes de la région et donné mandat à la
CEDEAO de s'occuper de cette question en dégageant une position
consensuelle sur l'immigration, compte tenu du fait que la majorité de
ces jeunes gens cherchant à se rendre en Europe viennent de la
sous-région ouest-africaine. Une telle position devrait permettre de
régler le problème de manière concertée. Ils ont
également plaidé pour un traitement plus humain des candidats
africains à l'immigration lors de leur rapatriement vers leur pays
d'origine. Les chefs d'Etat et de gouvernement ont eu un compte-rendu sur la
situation sécuritaire dans la région, notamment en Côte
d'Ivoire, au Liberia, en Guinée-Bissau et au Togo. "Tout en se
félicitant des meilleures conditions de sécurité, ils ont
demandé une intensification du dialogue entre les parties ivoiriennes
pour une réussite du programme de transition". Ils ont aussi
approuvé la mise en place d'un Groupe de Contact International pour la
Guinée-Bissau (ICG-GB) pour faciliter le processus de stabilisation
politique et de relance économique du pays, Les dirigeants qui ont pris
part aux travaux de ce sommet sont les présidents Olusegun Obasanjo du
Nigeria, Blaise Campaoré du Burkina Faso, John Kufuor du Ghana, Ellen
Johnson-Sirleaf du Liberia et Yayi Boni du Bénin et les chefs d'Etat
Faure Gnassingbé du Togo, Amadou Toumani Touré du Mali, Ahmed
Tejan Kabbah de la Sierra-Léone, ainsi que le Président en
exercice de la CEDEAO, le chef de l'Etat nigérien, Mamadou
Tandja3.
4. L'évolution
économique des pays membres de la CEDEAO
Les quarante ans écoulés depuis les
années des indépendances en 1960 de la plupart des Etats membres
de la CEDEAO, ont constitué une période particulièrement
difficile pour l'Afrique de l'Ouest. La région entame le nouveau
siècle avec beaucoup de difficultés. Plus de la moitié de
la population ne dispose que de moins de un dollar par jour pour vivre. Les
taux actuels de croissance sont insuffisants pour enclencher une
réduction sensible de la pauvreté.
Le modèle de développement initié dans
les années 60 et revu dans le cadre des programmes d'ajustement
structurel au début des années 80 n'a pas pu répondre aux
attentes des populations. La plupart des statistiques officielles ont
présenté une vision déformée de la
réalité économique qui a caché pendant de longues
années une paupérisation croissante d'une large majorité
des populations.
La plus grande partie de l'histoire économique
récente de la région ouest-africaine peut être
considérée donc comme une période de crise
économique parfois aiguë. Pour inverser ce processus, les pays de
l'Afrique de l'Ouest doivent tout d'abord poser le bon diagnostic. Ce
débat a longtemps été focalisé sur l'alternative
croissance ou promotion sociale ; rigueur ou relance économique. Le
débat dont les institutions de Bretton Woods, se sont fait les chantres,
a montré ses limites. Pourtant, la théorie nouvelle de la
réduction de la pauvreté, si elle est opposée à la
croissance et ce que celle-ci implique comme rigueur, ne dissipe pas les
malentendus. L'un ne doit pas être opposé à l'autre. C'est
pourquoi les pays de l'Afrique de l'Ouest doivent éviter le piège
de ce choix tranché qui n'aura pour résultat que de continuer
à les enfermer dans le cercle vicieux, sous-développement
-paupérisation avec pour conséquence la tendance à la
perpétuation des conflits armés malgré les efforts qui
sont déployés pour les endiguer.
L'Afrique de l'Ouest se trouve donc actuellement face à
une vaste problématique du développement faite de multiples
éléments. Toutefois, le nouveau siècle offre une occasion
à saisir pour mettre fin à la marginalisation de la
région. Les changements politiques se sont nettement intensifiés
au cours de la dernière décennie, ouvrant la voie à des
gouvernements plus responsables issus d'élections pluralistes. On note
également un plus large consensus sur la nécessité de se
détacher des modèles économiques défectueux du
passé. En effet, le nouveau discours sur le développement est
centré sur les réformes économiques, l'amélioration
de la gestion des affaires publiques, le renforcement des ressources humaines,
le développement des infrastructures. En outre, un rôle plus
important est reconnu à présent à l'intégration
régionale pour favoriser la croissance et le développement
économique des pays de la région.
Tous ces facteurs font que l'Afrique de l'Ouest, malgré
les difficultés actuelles achève un siècle et entame un
autre en meilleure position qu'il y a quelques années. Il est donc
probable que le développement et la paix prendront le pas sur la
pauvreté et les conflits, à mesure qu'au cours du nouveau
millénaire, la croissance économique, la démocratie et
l'intégration régionale se consolideront. Tout cela n'est
naturellement possible qu'à condition que l'engagement pour ces valeurs
cardinales ne soit ni biaisé ni interrompu.
Un large consensus s'est créé sur un certain
nombre de principes qui devraient guider le processus d'intégration en
Afrique de l'Ouest dans les années à venir. Les contraintes et
les conditions de la réalisation effective des programmes de la CEDEAO
ont mis en lumière certains de ces principes tels que: le besoin de la
stabilité interne (politique et économique), la coordination
à l'échelle régionale des politiques
macro-économiques ainsi que l'amélioration des procédures
opérationnelles des institutions de la Communauté et la
volonté politique des Etats membres à mettre en oeuvre les
programmes prioritaires de la Communauté.
La CEDEAO, depuis sa création, a initié de
nombreux programmes de coopération et d'intégration dans les
principaux secteurs économiques, notamment dans les domaines de la
promotion commerciale, la libéralisation des échanges, le
développement des infrastructures routières et de communication,
le développement de l'agriculture, de l'industrie et de
l'énergie. Toutefois, les résultats ne sont pas à la
hauteur des ambitions car, la plupart des décisions prises par les
instances politiques n'ont pas été appliquées.
Tirant les leçons des expériences passées
et considérant les défis du développement que l'Afrique de
l'Ouest doit relever pour faire face aux enjeux de la mondialisation, les chefs
d'Etat et de Gouvernement, lors de leur session de Lomé en
décembre 1999 ont réaffirmé leur volonté politique
de s'employer au renforcement de la CEDEAO, et à la mise en oeuvre des
programmes communautaires afin de favoriser la croissance et le
développement des économies ouest africaines. A cet effet, ils
ont approuvé la stratégie d'accélération du
processus d'intégration de la CEDEAO en vue de la création d'un
marché régional unique en Afrique de l'Ouest fondé sur la
libéralisation des échanges, l'établissement d'un tarif
extérieur commun et l'harmonisation des politiques économiques et
financières.
Les Chefs d'Etat ont également souligné la
nécessité de la coordination des programmes de la CEDEAO et de
l'UEMOA en vue d'éviter les chevauchements et les duplications dans la
réalisation des programmes communautaires.
Par ailleurs, les Chefs d'Etat ont reconnu la pertinence d'une
approche différenciée dans la marche vers l'intégration. A
cet égard, ils ont permis à tout groupe d'Etats de la
Communauté de prendre des mesures concrètes et pragmatiques en
vue d'accélérer leur intégration. C'est dans ce contexte
qu'une initiative a été prise par six pays en vue de créer
une deuxième zone monétaire dans l'espace CEDEAO en 2003 qui
fusionnera avec la zone CFA pour donner naissance à la zone
monétaire unique de la CEDEAO en l'an 2009.
La réunion ministérielle UEMOA/CEDEAO de janvier
2000 à Bamako a examiné les modalités pratiques de la mise
en oeuvre des décisions de Lomé. A cet égard, elle a
soutenu les différentes initiatives et arrêté un programme
d'actions pour accélérer l'intégration régionale en
Afrique de l'ouest. Ce programme est essentiellement articulé autour de
l'harmonisation des programmes de la CEDEAO et de l'UEMOA et autour de la
réalisation de la deuxième zone monétaire en 2009.
Depuis le début de l'année, le
Secrétariat exécutif de la CEDEAO et la Commission de l'UEMOA ont
eu plusieurs séances de travail dans le cadre de l'harmonisation de
leurs programmes, principalement dans les domaines du marché commun et
de la convergence macro-économique.
Au plan international, les enjeux des négociations sur
le renouvellement de la convention de Lomé doivent également nous
interpeller. En proposant des Accords de Partenariat économique
régional (APER) avec des groupes économiques régionaux de
pays en développement qui vont se substituer au régime de
préférences commerciales de la Convention de Lomé, les
pays de l'Union européenne ne sont plus intéressés
à faire le commerce ou à investir dans des pays aux
marchés étroits.
La Conférence des chefs d'Etat et de Gouvernement, lors
de sa session de décembre 1999 à Lomé a reconnu la CEDEAO
comme étant le cadre des relations de l'Afrique de l'Ouest avec l'Union
européenne. Toutefois, les dispositions des APER exigent que la CEDEAO
forme une union douanière pour être partenaire de l'Union
européenne.
L'effort requis pour la réalisation de l'union
économique et douanière est motivé par une double
considération politique et stratégique. Il s'agit d'abord de
constituer une CEDEAO politiquement et économiquement solide qui soit
capable d'engager les négociations avec les autres blocs des pays
développés pour définir des bases de relations de
coopération mutuellement bénéfiques qui devraient
permettre à l'Afrique de l'Ouest d'avoir accès à des
marchés plus larges. L'Afrique de l'Ouest, devra, à cet
égard, se constituer en une union douanière regroupant tous les
pays de la CEDEAO afin de créer les conditions pour favoriser les
investissements étrangers dans le cadre d'un marché
régional unifié capable d'exploiter des économies
d'échelle pour les entreprises privées locales et
internationales. Ces nouvelles relations devraient être ainsi l'occasion
pour les pays de l'Afrique de l'Ouest de consolider les mesures de
transformation économiques et politiques dans un cadre de concertation
élargie.
Il apparaît donc nécessaire de réexaminer
la stratégie de développement de l'Afrique de l'Ouest en
l'adaptant aux nouvelles données économiques et
géopolitiques du monde, en tenant compte des caractéristiques de
nos économies nationales. Ceci grâce à l'intégration
régionale qui est la meilleure stratégie pour intégrer les
économies ouest africaines à l'économie mondiale.
Ces éléments nouveaux de la stratégie
cohérente de l'intégration régionale ne peuvent se
matérialiser sans un environnement empreint de paix, de
sécurité et de stabilité dans notre région. Les
résultats économiques décevants et la lenteur des
progrès en matière d'intégration régionale
s'expliquent en partie par les troubles civils, les conflits de
société et les guerres qui ont affecté plusieurs pays de
la région.
Ces dernières années ont été
caractérisées par une instabilité politique marquée
de notre région qui a affecté même des pays auparavant
stables. En Côte d'Ivoire, la préparation d'élections qui
devraient être démocratiques, a exacerbé les contradictions
sociales pour aboutir à des affrontements qui ont fait des centaines de
morts et des milliers de blessés. Les tensions aux frontières
entre la Guinée, le Liberia et la Sierra-Léone sont
également la conséquence des conflits civils dans la
région du Fleuve Mano. L'effondrement d'un Etat provoque des
débordements pernicieux de troubles civils dans les pays voisins.
Les ambitions politiques personnelles
immodérées, la pauvreté, le chômage et le sous
développement que révèle par exemple la faiblesse des
niveaux d'éducation ainsi qu'un système politique qui exclut
certaines couches de la population de la participation politique et
économique sont les causes profondes de la fracture sociale et des
conflits. Les guerres civiles et les crises politiques naissent
également souvent quand les gouvernements n'arrivent pas à
répondre aux besoins pressants des populations. Les pays de la CEDEAO
doivent sortir du cercle vicieux dans lequel les conflits créent la
pauvreté, et la pauvreté augmente les probabilités de
conflit. A cet égard, le maintien de la paix, la stabilité et la
sécurité passe par l'instauration d'un environnement stable,
propice à une bonne gouvernance dans tous les pays de la CEDEAO.
Les défis qui se posent à l'intégration
régionale en Afrique de l'Ouest sont énormes. Le fervent espoir
que la présente session de la Conférence des chefs d'Etat et de
Gouvernement permettra de la sous région est d'améliorer
l'environnement de la paix, la stabilité et la sécurité en
Afrique de l'Ouest afin d'asseoir la croissance et le développement de
nos économies sur des bases durables. Il n'est plus besoin de prendre de
nouvelles décisions, ou d'élaborer de nouveaux textes, il est
temps d'appliquer avec foi ce qui a été déjà
décidé.
4.1. Evolution récente de l'économie
régionale et perspectives de développement
En 1999, le taux de croissance du PIB de l'ensemble des pays
membres de la CEDEAO s'est ralenti une fois encore à cause
principalement de la réduction des taux de croissance économique
de la Côte d'Ivoire et du Nigeria qui comptent respectivement pour 10% et
56% du PIB régional, soit au total 66% de la production ouest africaine.
Dans l'ensemble, les pays de la CEDEAO ont enregistré en 1999 un taux de
croissance du PIB réel de 2,5 % contre 3,2% en 1998. Ce taux est
inférieur au taux de croissance démographique estimé
à 2,7%.
La performance économique régionale a subi les
contre-coups de la baisse des cours du cacao et la suspension de l'aide
étrangère en Côte d'Ivoire durant le premier semestre de
1999. Cette situation a été aggravée par le premier coup
d'état militaire intervenu dans ce pays depuis l'indépendance,
à la veille de Noël 1999. Le redressement de l'économie
ivoirienne, dépendra largement du maintien de la paix et surtout de la
sécurité après la tumultueuse élection d'octobre
2000 qui a mis fin au régime militaire issu du coup d'Etat de
décembre 1999.
En ce qui concerne le Nigeria, le tassement de la production a
tenu principalement à des problèmes structurels liés aux
pénuries et aux perturbations de l'approvisionnement en
électricité, à la détérioration des
infrastructures, au cadre réglementaire défectueux ainsi qu'aux
vandalisations des installations pétrolières dans le delta du
Niger. Toutefois, depuis l'avènement de la démocratie, les
autorités nigérianes s'emploient à consolider et à
approfondir le processus de réforme économique pour renverser les
tendances négatives de la croissance de leur économie.
De façon globale, les pays de l'Afrique de l'Ouest
abordent le 21ème siècle dans la catégorie des nombreux
pays moins avancés du monde. Le revenu moyen par habitant de la
sous-région est plus faible qu'il ne l'était au début des
années 70. Plus de la moitié de la population (52%) vivent avec
moins de 1 $US par jour, soit 118 millions d'habitants sur une population
totale de 210 millions d'habitants.
De nombreux problèmes de développement
continuent d'être le lot de notre sous-région, à l'instar
des autres régions du continent. Ils comprennent au niveau social, le
faible niveau de scolarisation à l'école primaire, la forte
mortalité infantile et les maladies endémiques, notamment le
paludisme et le VIH/SIDA qui imposent aux pays de la CEDEAO des coûts
élevés de développement.
En outre, l'Afrique de l'Ouest a vu ses parts d'exportation
des produits de base diminuer. Elle a peu diversifié sa production en
faveur de nouvelles activités et a subi une fuite massive de capitaux et
des cerveaux au profit d'autres régions du monde. Actuellement, la part
de la sous-région dans le marché des nouvelles technologies de
l'information n'est que faible, ce qui, à l'évidence constitue un
défi qu'il faut impérativement relever compte tenu de l'impact de
ce secteur sur l'économie mondiale.
En vue de lever les contraintes du développement, de
nombreux pays de la CEDEAO ont entrepris des réformes économiques
importantes, ont amélioré la gestion macro-économique,
libéralisé les marchés et le commerce et élargi
l'espace destiné aux activités du secteur privé. Ces faits
marquants positifs permettront, s'ils sont soutenus dans le temps de relever le
niveau de croissance et de revenu et de faire reculer la pauvreté. C'est
ainsi que certains pays de la région suscitent de plus en plus
l'intérêt des entreprises étrangères et des
investisseurs. Toutefois, cette nouvelle conjoncture favorable, pour effacer
les nombreuses séquelles laissées par la longue période de
crise voire de déclin économique, doit s'inscrire dans la
durée, c'est-à-dire affecter positivement les structures qui
répondront à toutes les exigences d'une gestion moderne de
l'économie.
Compte tenu de l'accroissement démographique rapide de
la sous-région, une croissance annuelle minimum de 5% s'impose (alors
qu'elle n'a été que de 2,5% en 1999), ne serait ce que pour
maintenir le nombre de pauvres à un niveau constant. Pour réduire
de moitié la pauvreté aiguë d'ici à 2004, il faut que
la croissance économique annuelle augmente de plus de 7% et que les
revenus soient répartis plus équitablement. Il arrive bien
souvent que même les taux les plus élevés de croissance ne
se font pas ressentir sur l'amélioration des conditions de vie des
populations.
Pour que cette évolution favorable ait lieu, les pays
de l'Afrique de l'Ouest doivent prendre leur destin en main, concevoir des
programmes de développement responsables dont ils auront la
paternité et qui soient soutenus par les bailleurs de fonds par le biais
d'un partenariat coordonné à long terme.
4.1.1. L'environnement intérieur:
l'économie ouest-africaine
Tendances économiques
générales
Tableau 1 : Afrique de l'ouest
: Principaux indicateurs macro-économiques
Indicateurs
|
1990
|
1995
|
1996
|
1997
|
1998
|
1999
|
Taux de croissance du PIB réel (%)
|
5,0
|
3,5
|
4,8
|
3,7
|
3,2
|
2,5
|
PIB par habitant (dollar US)
|
385
|
328
|
364
|
367
|
373
|
377
|
Inflation (%)
|
13,3
|
21,2
|
12,1
|
9,3
|
7,2
|
7,0
|
Solde budgétaire (% du PIB)
|
-2,2
|
-1,0
|
-0,9
|
-2,6
|
-5,8
|
-7
|
Investissement intérieur brut (% du PIB)
|
17,1
|
16,6
|
15,7
|
17,9
|
20,6
|
21
|
Epargne nationale brute (% du PIB)
|
16,1
|
12,6
|
18,0
|
17,5
|
14,7
|
15
|
Croissance des exportations en termes réels (%)
|
10,3
|
10,6
|
12,5
|
1,3
|
0,0
|
6,9
|
Balance commerciale (% du PIB)
|
9,2
|
5,3
|
9,9
|
7,5
|
1,2
|
1
|
Solde des opérations courantes (% du PIB)
|
9,3
|
-4,3
|
2,0
|
-0,7
|
-6,1
|
-8,0
|
Croissance des termes de l'échange (%)
|
9,3
|
4,3
|
8,4
|
2,6
|
-9,4
|
-10,3
|
Dette extérieure (% du PIB)
|
98,0
|
115,5
|
100,0
|
94,1
|
93,3
|
106,3
|
Service de la dette (% des exportations)
|
21,8
|
22,4
|
18,3
|
15,8
|
21,3
|
|
SOURCE: Secrétariat CEDEAO et BAD
Les performances macro-économiques des pays de la
CEDEAO en 1999, soit 2, 5% de croissance du PIB réel sont en retrait par
rapport à celles enregistrées en 1996 (4%), 1997 (4,3%) et 1998
(3,2%). Le PIB régional recule depuis trois ans successivement.
Différents facteurs structurels et conjoncturels défavorables
expliquent cette situation. Parmi les plus importants, l'on peut citer la
détérioration continue des termes de l'échange et
l'instabilité politique dans la région.
Malgré la forte reprise des cours du pétrole qui
ont permis au Nigeria d'engranger des recettes d'exportation importantes en fin
1999-2000, l'Afrique de l'Ouest continue de souffrir d'une dégradation
des termes de l'échange, due à la fois à la baisse des
cours des produits d'exportation et aux dévaluations
opérées par certains concurrents d'Asie et de l'Afrique de l'Est.
En outre, au cours de l'année 1999, il a été
enregistré dans plusieurs pays de la CEDEAO des délestages
fréquents de la fourniture d'électricité, indispensable
aux industries.
Il faut noter également que ces dernières
années, plusieurs pays de la région ont souffert de conflits
armés et d'instabilité politique avec des conséquences
économiques négatives. Ces troubles ont même affecté
des pays auparavant stables comme la Côte d'Ivoire.
L'Afrique de l'Ouest reste une région de contrastes et
de disparités saisissants. Malgré la conjoncture
générale défavorable, quelques pays se sont
signalés par des résultats économiques remarquables,
même par rapport au reste du monde.
Tableau 2: Répartition des Pays selon la
Croissance du PIB réel 1996 - 1999
Taux de croissance
|
1996
|
1997
|
199 8
|
1999
|
Négative
|
*
Liberia
|
*
Liberia
|
Guinée-Bissau, Sierra-Léone
|
*
Sierra-Léone
|
0 à 3%
|
*
Gambie, Guinée- Bissau, Niger, Sierra-Léone
|
*
Guinée-Bissau, Niger, Sierra-Léone
|
*
Liberia, Niger, Nigeria
|
Côte d'Ivoire
Liberia, Niger, Nigeria, Togo
|
3 à 6%
|
*
Burkina Faso, Cap Vert, Côte d'Ivoire, Guinée,
Mali, Mauritanie, Nigeria, Sénégal
|
*11
Bénin, Burkina Faso, Cap Vert,
Gambie, Ghana, Guinée, Mali, Mauritanie, Nigeria,
Sénégal, Togo
|
*
Bénin, Cap Vert,
Côte d'Ivoire, Ghana, Guinée, Mauritanie,
Sénégal, Togo
|
Bénin, Burkina Faso, Cap Vert, Gambie, Ghana,
Guinée, Mauritanie, Sénégal
|
Plus de 6%
|
*
Bénin, Ghana, Togo
|
*
Côte d'Ivoire
|
*
Burkina Faso, Gambie, Mali
|
*
Guinée-Bissau, Mali
|
* Nombre de pays dans la fourchette du taux du groupe
SOURCE : Etats membres et
estimations du Secrétariat exécutif de la CEDEAO
4.1.2. Tendances pays par pays
La croissance du PIB réel du Nigeria n'a
été que de 1,8% en 1999, largement en dessous des
potentialités du pays. Les mauvais résultats sont essentiellement
dus aux performances médiocres des services publics de
télécommunications et de fournitures d'électricité.
Malgré les bonnes intentions du gouvernement, le processus de
privatisation de ces services est encore lent. Toutefois, elles sont
prévues dans le courant de l'année 2001. Tous ces facteurs ont
négativement affecté la production et les investissements et ont
entraîné une faible utilisation des capacités surtout dans
l'industrie manufacturière qui s'est maintenue à un niveau
relativement bas, environ 30%. La remontée des cours de pétrole
enregistrée depuis le second semestre de 1999 et un regain de croissance
dans les autres secteurs (gaz et services) devraient favoriser le
relèvement de la production en l'an 2000. L'effort de l'actuelle
administration Nigériane pour combattre la corruption et soigner tous
les maux sous-jacents qui ont caractérisé la gestion sous les
régimes précédents mérite d'être soutenu par
la CEDEAO, par l'Afrique et par la communauté internationale. Les
difficultés liées à un tel effort sont réelles,
mais bénéficient du soutien des populations à la base; il
est permis d'espérer qu'il sera couronné de succès.
En Côte d'Ivoire, avec la combinaison de la baisse des
cours du café et de cacao et la suspension de l'aide
étrangère, la croissance du PIB a été très
faible, soit 1,4% en 1999. A partir du premier trimestre de 1999, certains
organismes donateurs comme l'Union européenne ont gelé leur
assistance à la Côte d'Ivoire à cause de la mauvaise
gestion des affaires publiques et de l'opacité de la comptabilité
publique. Le coup d'Etat militaire de décembre 1999
considéré au départ comme solution attendue à une
situation fortement grippée s'est avéré plus tard, avec
l'ambition du chef de la junte de conserver le pouvoir, comme un obstacle
à la reprise.
Au Ghana, le PIB réel a progressé de 4,8%
lorsque l'industrie et les autres secteurs sont sortis du marasme lequel les
avait plongés dans la sécheresse et la crise de l'énergie
de 1998. L'agriculture a bénéficié de
précipitations favorables, même si les recettes à
l'exportation ont été limitées par la baisse des cours de
cacao. La production de l'or s'est également intensifiée,
malgré la chute des cours du lingot. Par ailleurs, les perspectives
d'investissement dans ce secteur se sont ressenties des pertes subies par la
société Ashanti Goldfields dans ses opérations de
couverture. Il faut souligner également que l'économie
ghanéenne souffre actuellement de sérieux problèmes
liés à la détérioration des termes de
l'échange, à la dépréciation continue du
cédi, à des taux d'intérêt et des prix
élevés.
Le Sénégal a enregistré un taux de
croissance remarquable de 5,3% dû à une hausse de la production
agricole, suite à des précipitations favorables, à de bons
résultats dans les secteurs du tourisme et des échanges et
à un accroissement des investissements publics.
La Guinée-Bissau a connu une croissance exceptionnelle,
la plus élevée de la sous-région, soit 8,7% en 1999,
après des résultats négatifs en 1998. Ce résultat,
s'explique principalement grâce à la reprise des exportations et
de la consommation.
Au Mali, la croissance du PIB réel a été
remarquable, soit 6,4% en 1999, reflétant principalement de bons
résultats macro-économiques ainsi que la reprise de la production
céréalière, grâce à de bonnes conditions
météorologiques.
Le Cap-Vert reste pour sa part sur sa tendance positive des
années précédentes, avec une augmentation de 6% du PIB
réel en 1999. Ce pays a profité d'un bon niveau d'exportations et
des investissements consentis dans le secteur du tourisme.
Le Bénin et le Burkina Faso ont maintenu le rythme de
croissance de leur PIB réel à 5,5% malgré une baisse
notable des cours des produits agricoles. Ces résultats sont dus
à des performances remarquables au plan de la gestion
macro-économique et à la fin de la crise
énergétique qui les avait frappé en 1998.
La Guinée, la Gambie et la Mauritanie ont
enregistré des performances économiques moyennes en 1999, soit
3,5% de croissance du PIB réel en dessous de leurs performances de 1998.
Les déséquilibres macro-économiques enregistrés
suite à une baisse des prix des produits d'exportations et un climat
morose des affaires ont orienté la production à la baisse.
Le Togo s'est maintenu à 3% de croissance du PIB
réel en 1999 tout comme le Liberia qui a enregistré ainsi le taux
de croissance du PIB réel le plus élevé depuis la fin de
la guerre civile qui l'a frappée. Cette performance est due
principalement au relèvement des exportations. Toutefois, le Liberia
n'attire pas encore les investisseurs à cause de la destruction des
infrastructures de base qui a désorganisé son économie et
probablement à cause également de la perception
d'insécurité qui persiste.
Le Niger avec un taux de croissance faible de 2% en 1999 a
enregistré un recul de la production à cause principalement d'un
environnement macro-économique instable et du tarissement de l'aide
publique au développement. L'économie de la Sierra-Léone a
enregistré une baisse de 8% en 1999 due à la guerre civile qui
continue d'affecter le
4.1.3. Investissement/épargne
L'investissement intérieur brut par rapport au PIB
s'est légèrement amélioré ces trois
dernières années, pour passer de 17,9% en 1997 à 20,6% en
1998 et 21% en 1999. L'examen de la structure des investissements montre une
prédominance de l'investissement privé et une stagnation de celui
du secteur public. Cette situation s'explique en partie par le regain
d'intérêt des opérateurs économiques privés
qui répondent favorablement aux politiques de privatisation des
entreprises publiques et de promotion du secteur privé mises en oeuvre
par les Etats membres de la CEDEAO.
Au Nigeria, l'investissement a concerné les secteurs du
pétrole et de gaz. Dans la plupart des autres pays, ils ont
été orientés principalement vers le secteur secondaire. La
reprise des cours du pétrole au Nigeria et les réformes
économiques en cours devraient favoriser l'investissement au cours des
prochaines années.
Les taux d'épargne par rapport au PIB ont reculé
depuis 1990, soit 16,1% pour passer à 14,7% en 1998 et 15% en 1999. Ce
qui laisse un solde de financement négatif de 5,9% en 1998 et 6% en
1999.
Dans l'ensemble, les taux d'épargne et d'investissement
sont inférieurs non seulement à ceux des grandes régions
en développement, telles que l'Asie ou l'Amérique Latine, mais
aussi à la moyenne africaine.
L'évolution de l'épargne et de l'investissement
dépend de la réduction des déficits budgétaires, de
la baisse de l'inflation, de la stabilité du taux de change, de
l'environnement juridique et judiciaire des entreprises et d'une efficience
accrue du marché des capitaux.
En ce qui concerne le marché financier régional,
trois grandes bourses existent en Afrique de l'Ouest : la bourse de Lagos,
celle d'Accra et la bourse régionale des valeurs mobilières
(BRVM) d'Abidjan qui regroupe les 8 pays de l'UEMOA. Les privatisations en
cours dans la sous-région ont accru l'intérêt porté
par les investisseurs à ces places financières.
L'investissement direct étranger en Afrique de l'Ouest
a dépassé les 2 milliards de dollars US en moyenne annuelle entre
1994 et 1998. Cependant, plus des trois quarts de ces montants sont
allés au Nigeria, avec au total près de 7,7 milliards de dollars
U.S. investis principalement dans les secteurs du pétrole et du gaz. La
Côte d'Ivoire, le Ghana et le Sénégal ont reçu
respectivement 1,1 milliard de dollar US., 600 millions de dollars US. et 275
millions de dollars U.S. durant la même période.
On estime qu'avec les dividendes de la démocratie, et
la remontée spectaculaire des cours de pétrole, le Nigeria
attirera davantage d'investissement direct étranger (IDE) dans les
prochaines années tandis que la région dans son ensemble devrait
attirer davantage les investisseurs étrangers, à mesure que les
réformes économiques avanceront, que l'intégration
économique régionale se renforcera et que la croissance du PIB
s'accélérera.
4.1.4. Transactions extérieures
courantes
La contribution du solde extérieur à la
croissance du PIB régional n'a pas été encourageante ces
dernières années. La balance commerciale de l'Afrique de l'Ouest
se dégrade régulièrement depuis 1996 à cause
surtout d'une forte dépendance à l'égard des exportations
des produits de base, dont l'instabilité des cours entraîne une
forte volatilité des recettes du commerce extérieur. Si les pays
de l'UEMOA ont profité de la dévaluation du Franc CFA en janvier
1994 pour accroître leurs exportations soit 7,3% durant la période
1990 - 1994 et 10,25% sur la période 1995 - 1998, le reste de la
région a connu une baisse des exportations de 7,48% à 4,2% sur
les mêmes périodes. Les indices des prix à l'importation
ont augmenté à cause d'un renchérissement des produits
pétroliers raffinés et ceux destinés à la
consommation locale. Les grands groupes de produits les plus importants
importés dont les parts sont assez comparables d'une économie
à l'autre sont "l'alimentation", les
"équipements" et les "combustibles". Ce qui indique
que les pays de la CEDEAO ont presque les mêmes besoins.
Le commerce intra-régional CEDEAO est estimé
à 11% du commerce total avec les pays-tiers. Les tendances ne sont pas
favorables, à moyen terme, à une augmentation significative de ce
taux malgré les arrangements douaniers et commerciaux mis en place par
la CEDEAO.
Le tourisme est en passe de devenir une source majeure de
revenus pour de nombreux pays de la CEDEAO. Le nombre de visiteurs a
progressé en 1999 de 12% en Afrique de l'Ouest. Les principales
destinations régionales sont le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, la
Gambie, le Ghana, le Mali et le Sénégal. A l'échelle
régionale, le Ghana a le taux de croissance du secteur le plus
élevé représentant la troisième source de devises
du pays. Selon les objectifs et les projections du ministère du
tourisme, cette branche pourrait bien occuper la première place en 2010
dans les rentrées en devises avec un chiffre d'affaires de près
de 1 milliard $ U.S.
Le déficit des paiements courants en proportion du PIB
a également tendance à se creuser. Sur les trois dernières
années, le solde n'a été positif qu'en 1996 avec un taux
de 6,1% du PIB, contre -0,7 % en 1998 et -0,5% en 1999.
Le Nigeria a souffert de la baisse des cours du pétrole
jusqu'au deuxième trimestre 1999 tandis que les déficits du Ghana
sont imputables à la léthargie des cours mondiaux de l'or, et du
cacao et ceux de la Côte d'Ivoire sont principalement dus à la
dépréciation des cours des produits agricoles d'exportation et au
tarissement de l'aide étrangère.
Les performances du solde extérieur des pays de la
CEDEAO sont influencées par les conditions générales de
l'économie, la conduite de la politique monétaire et
budgétaire et aussi par les fluctuations de la valeur des monnaies
locales par rapport au dollar américain qui est la monnaie principale
dans laquelle le commerce extérieur est libellé. C'est ainsi que
par rapport au dollar américain, le Cédi Ghanéen a perdu
en 1999, 49% de sa valeur, le franc CFA 16% de la sienne, le Naira
Nigérian 15% et le franc Guinéen 29% de sa valeur. Ces baisses
auraient dues favoriser les exportations nationales et permettre un
redressement des paiements courants, mais les problèmes structurels qui
affectent la production ainsi que le fait que les Etats payent
généralement leurs importations en dollars US ont
empêché ces pays de tirer profit de la dépréciation
de leurs monnaies. Une dette extérieure élevée a
aggravé la situation de la balance des paiements des pays de la CEDEAO.
4.1.5. Dette extérieure
La dette extérieure de l'ensemble des pays de la CEDEAO
est estimée à 70 milliards de $U.S. La Côte d'Ivoire et le
Nigeria comptent pour environ 70% du total des créances. Par rapport au
PIB, les pays qui ont le stock de dette extérieure le plus
élevé sont la Guinée-Bissau (370%) ; la Côte
d'Ivoire (150%) et la Sierra-Léone (140%). En outre, douze des seize
(16) pays de la CEDEAO sont considérés comme lourdement
endettés. Les obligations réelles liées au service de la
dette devraient absorber en moyenne environ 30 % des recettes d'exportation des
pays de la CEDEAO. Les dépenses qui y sont liées sont en moyenne
trois fois plus élevées que celles consacrées à
l'éducation et à la santé.
La soutenabilité de la dette extérieure des pays
de la CEDEAO dépend de l'accélération des retombées
de l'initiative visant les pays pauvres très endettés (PPTE).
L'objectif de cette initiative est d'adapter le service de la dette (y compris
la dette multilatérale), aux capacités de remboursement des pays
afin que leurs comptes de transactions courantes soient viables.
L'initiative PPTE comporte des dispositions très
exclusives et restrictives. Le ratio de la valeur actuelle nette (VAN) de la
dette aux exportations et le ratio du service de la dette constituent les
indicateurs fondamentaux de viabilité. Dans le cadre de l'initiative
PPTE I dont les opérations ont débuté en 1996, ce
degré d'endettement soutenable devrait s'inscrire dans une fourchette
inférieure à 200 -250% pour le ratio VAN de la
dette/exportations, et entre 20 et 25% pour le service de la dette par rapport
aux exportations. Ces conditions ont été assouplies en 1999 dans
le cadre de l'initiative PPTE II renforcée qui offre un
allégement plus concessionnel et plus rapide. Le ratio VAN de la
dette/exportations passe à une limite inférieure à 150%
tandis que le ratio du service de la dette supportable reste le même.
D'autres indicateurs de vulnérabilité propres aux pays
intéressés sont pris en compte tels que la concentration et la
variabilité des exportations, la charge que le service de la dette fait
peser sur le budget, le ratio dette intérieure/PIB, le solde de
ressources, la couverture des réserves internationales et le poids de la
dette du secteur privé. En outre, l'initiative PPTE renforcée est
conditionnée à la préparation et à
l'exécution d'un cadre stratégique de lutte contre la
pauvreté (CSLP) par chaque pays concerné. Toutefois, il y a lieu
de souligner que cette deuxième initiative comporte encore des
dispositions très exclusives et restrictives. Actuellement, seuls six
pays de la CEDEAO ont atteint le point de décision pour
bénéficier des réductions dans le cadre de l'initiative ;
il s'agit du Bénin, du Burkina Faso, de la Côte d'Ivoire, du Mali,
de la Mauritanie et du Sénégal. Malgré les efforts des
PPTE et des institutions de Bretton Woods, certains retards ont
été notés par rapport au calendrier établi. Ces
retards traduisent la difficulté de s'entendre sur les cadres
stratégiques de lutte contre la pauvreté (CSLP) lorsque les
procédures impliquent la société civile. Les
critères d'éligibilité devraient être encore
réduits et rendus flexibles. En outre, les bailleurs de fonds devraient
coordonner davantage leurs actions afin d'éviter les
conditionnalités croisées et nombreuses qu'ils appliquent
indifféremment aux PPTE. Le traitement du Club de Paris devrait
également inclure divers types de dettes spéciales (postale et
hospitalière notamment) et prendre en compte les besoins
spécifiques de pays dont le stock de la dette est élevée
comme le Nigeria, ou des pays en conflit.
Le FMI et la Banque mondiale ont rapidement progressé
dans la définition de leurs méthodes de contribution à la
réduction de la dette (jusqu'à 100 % de réduction du
service de la dette en VAN, si nécessaire). Le financement de la BAD est
opérationnel grâce à la contribution européenne au
fonds fiduciaire PPTE établi auprès de la banque mondiale. Dans
le cadre de l'initiative PPTE renforcée, les institutions les plus
généreuses sous l'initiative PPTE I comme l'Union
européenne, le FIDA et le Fonds Nordique de développement se sont
engagées à être autant généreuses que sous
l'initiative PPTE I. Certaines petites organisations multilatérales
sous-régionales comme le Fonds de la CEDEAO ont rencontré des
difficultés pour mobiliser leurs contributions sous l'initiative PPTE I
et ces problèmes seront plus accrus sous PPTE II, ce qui risque de
provoquer des demandes accrues de ressources auprès des donateurs.
Au titre des annulations de dettes annoncées, par
certains créanciers bilatéraux, certaines de ces annulations ne
sont pas ce qu'elles prétendent être. Par exemple, certains
prêteurs insistent pour que l'équivalent en monnaie locale des
annulations soit accordée à des ONG de leurs pays respectifs afin
d'exécuter des projets. C'est dire que le service de la dette est
payé à ces ONG plutôt qu'aux gouvernements des pays
créanciers. De même, certaines annulations prennent une forme
très complexe qui suppose que les pays paient le service échu de
la dette et reçoivent ensuite des subventions en guise de compensation
destinée à l'achat de produits importés. Cette technique
qui, en fait, ne dégage pas de nouveaux fonds ne constitue pas un
allégement supplémentaire de la dette. Lors du sommet du G8
à Okinawa, en juin 2000, les pays créanciers n'ont pris aucune
décision novatrice pour alléger substantiellement la dette des
pays pauvres. La croissance et le développement des pays de la CEDEAO,
conditions nécessaires à la réduction de la
pauvreté en Afrique de l'Ouest implique l'annulation pure et simple des
créances des pays de la région.
4.1.6. Croissance démographique et capital
humain
La forte croissance démographique de l'Afrique de
l'Ouest (2,7%) combinée à de faibles taux de croissance
économique (2,5%) en 1999 demeure une préoccupation majeure.
Cette croissance soutenue de la population a mené la région d'un
effectif de 40 millions d'habitants en 1930 à 85 millions en 1960 et 230
millions actuellement. De tels taux de croissance, qui entraînent un
doublement de la population tous les 25 à 30 ans constituent un choc
auquel peu de régions dans le monde ont été
confrontées. Ce choc est d'autant plus violent qu'il s'accompagne d'une
dégradation des conditions économiques de la région dans
un contexte où les besoins des populations sont immenses. La croissance
démographique élevée accentuera ses problèmes.
Construire des écoles, des hôpitaux, des routes, des barrages
hydroélectriques et d'adduction d'eau, créer des emplois à
la mesure de l'accroissement démographique est le défi constant
auquel nos Etats ont été confrontés depuis les
indépendances et certainement le défi auquel ils feront face dans
plusieurs années à venir.
Avec une fertilité moyenne qui est aujourd'hui
supérieure à 6 enfants par femme, on a plus de trois petites
filles qui naissent en 2000 pour chaque mère et qui deviendront de
futures mamans en 2020. C'est dire que même une baisse de la
fertilité n'empêchera pas une croissance rapide de la population,
car elle sera contre-balancée dans un premier temps, par l'augmentation
du nombre des mères.
A l'horizon 2020, il est donc probable que la région
comptera au moins 430 millions d'habitants. La population de la région
aura été multipliée par plus de dix en moins de 100 ans.
Tableau 6 : Taux de
fécondité des pays ouest-africains
PAYS
|
Nombre d'enfants par femme
|
PAYS
|
Nombre d'enfants par femme
|
Bénin
Burkina Faso
Cap Vert
Côte d'Ivoire
Gambie
Ghana
Guinée
Guinée-Bissau
|
7,1
6,5
4,3
7,4
6,1
6
7
5,8
|
Liberia
Mali
Mauritanie
Niger
Nigeria
Sénégal
Sierra-Léone
Togo
|
6,8
7,1
6,5
7,1
6,4
6,1
6,5
6,6
|
SOURCE : Etude des perspectives
à long terme en
Afrique de l'Ouest-Club du Sahel.
Pour que 430 millions d'habitants trouvent à se loger,
se nourrir et travailler, la région ouest africaine aura besoin, plus
encore que par le passé, de mobiliser toutes les énergies
disponibles, et de disposer de capitaux importants. La réduction de la
pauvreté, constituera dans les années à venir, le plus
grand défi de la région à cet égard.
L'Afrique de l'Ouest, depuis les années des
indépendances a accompli des progrès remarquables de
développement du capital humain, grâce à
l'amélioration des services d'alimentation et de santé, mais il
reste encore beaucoup à faire. La probabilité qu'un enfant
décède avant l'âge de cinq ans demeure élevée
(143 décès pour 100.000 naissances vivantes en 1998), un
phénomène qui traduit la malnutrition, l'insalubrité et le
manque de services de santé. Le taux de mortalité infantile en
Afrique de l'Ouest est d'environ 650 pour 100.000 naissances vivantes, soit 50%
de plus que dans les régions en développement dans leur ensemble.
De plus, le VIH/SIDA apparaît aujourd'hui comme l'une
des menaces les plus graves qui pèsent sur la santé des
populations ouest-africaines. Ce fléau a fait baisser le taux de
croissance démographique et l'espérance de vie dans plusieurs
pays. La tuberculose a refait surface alors que la paludisme reste l'une des
principales causes de mortalité dans la région.
Dans le domaine de l'instruction, le taux de scolarisation
dans le primaire stagne aux alentours de 70% alors qu'il n'est que de 30% dans
le secondaire. Après s'être rapidement développé
entre 1960 et 1980, l'enseignement tertiaire a marqué le pas
principalement à cause des difficultés financières mais
aussi en raison d'une dégradation de la qualité de l'enseignement
universitaire et professionnel et de son inadéquation avec le
marché de l'emploi. Plusieurs promotions de jeunes sortis des
universités ouest africaines sont actuellement au chômage. Aussi
plusieurs de nos pays ont connu pour une raison ou pour une autre, des
années "blanches" dans la scolarité des enfants. Ces
problèmes seront inévitablement ressentis dans quelques
années dans les sphères de production.
Tous ces facteurs combinés à de faibles revenus
par habitant entraînent des indices de développement humain (IDH)
particulièrement bas pour les Etats membres de la CEDEAO qui comptent
parmi les plus pauvres de la planète.
4.1.7. L'environnement extérieur: La
conjoncture économique internationale
La croissance de l'activité économique mondiale,
selon les estimations du FMI, a été de 2,3% en 1999 contre 2,5%
en 1998. La demande aux Etats-Unis d'Amérique (USA) et la reprise en
Asie ont été encore les moteurs de cette expansion, bien que
moindre par rapport à l'année précédente. La
vigueur exceptionnelle de l'investissement et de la consommation privée
aux USA a non seulement profité à la région de l'Accord de
libre-échange Nord Américain (ALENA), mais a également
soutenu la reprise en Asie et dans une moindre mesure la production en Europe
occidentale. Dans les grands pays industrialisés, la croissance est
estimée à 2%. Aux Etats Unis, la production s'est accrue de 3,3%
sous l'effet d'une forte demande intérieure et d'un niveau
élevé des investissements, principalement dans les technologies
de l'information, fondement de la "nouvelle économie".
L'économie japonaise a connu une légère
amélioration avec un taux de croissance de 1,4% en 1999 contre 2,8% en
1998 en relation avec la reprise de la consommation des ménages et la
restructuration du système bancaire. La Corée a connu un taux de
croissance exceptionnel de 11%. Dans les autres pays d'Asie, à
l'exception notable de l'Indonésie, la croissance économique a
été soutenue par des mesures de relance budgétaire, la
reconstitution des stocks et une remontée de la demande mondiale de
produits électroniques. Dans la zone Euro, le taux de croissance de la
production qui est tombé à 2% en 1999 a reflété la
baisse de la demande domestique et la morosité du climat des affaires.
Cette situation a contribué à un net ralentissement de
l'expansion du commerce en volume. L'Euro et les autres monnaies
européennes, s'étant affaiblis par rapport au dollar US, les prix
en dollars à l'exportation et à l'importation ont diminué
dans la région en moyenne d'environ 4%, d'où une stagnation de la
valeur des échanges en 1999. Les principaux marchés des changes
ont été marqués par une forte volatilité. L'Euro,
la devise européenne qui a été échangée
à 0,88 $US en août 2000 a atteint son plus bas niveau historique
depuis son lancement en janvier 1999. Elle a perdu plus d'un quart de sa valeur
par rapport au dollar US. Face au Yen, l'Euro a également battu des
records de faiblesse. Il est tombé à 94,32 Yens au premier
semestre de l'an 2000. L'Afrique de l'Ouest a des relations soutenues avec
l'Union européenne qui lui achète environ 60% de ses exportations
et lui fournit 56% de ses importations. Toutefois, les pays de la CEDEAO
membres du Groupe des pays ACP n'ont pas réellement accru leurs
performances sur les marchés européens, malgré
l'accès préférentiel garanti par la Convention de
Lomé. Ce qui a incité entre autres raisons, à un
changement des dispositions contractuelles entre les deux groupes lors de la
réunion de Cotonou de juin 2000 qui a vu la naissance d'une nouvelle
convention. Les pays ACP ont mis l'accent encore sur le renforcement de
l'accès préférentiel au marché européen.
Bien que tenues par les limitations imposées par les règles
actuelles de l'OMC, l'Union européenne a accepté de soutenir les
efforts de développement des pays ACP en maintenant les dispositions
commerciales existantes durant une période transitoire jusqu'en 2008. Au
terme de cette transition, il est envisagé la signature d'accords de
partenariat économique qui doivent se substituer au régime des
préférences commerciales. Toutefois, pour que ces Accords de
partenariat économique atteignent leur but, ils doivent favoriser
l'unité et la solidarité des pays de la CEDEAO et ne pas y saper
les efforts d'intégration régionale. Les pays ACP et l'Union
européenne devront sceller des alliances au sein de l'OMC pour imposer
une plus grande souplesse dans l'interprétation et l'application des
règlements et des normes afin que les problèmes
spécifiques des pays ACP soient pris en compte. En outre, les Etats ACP
devront s'efforcer à diversifier leurs économies pour tirer
profit des avantages de la mondialisation. Les accords de partenariat et les
opportunités offertes par les échanges multilatéraux ne
porteront pas leurs gains tant que ce problème ne sera pas
résolu.
En ce qui concerne les aspects réglementaires du
commerce international, plusieurs membres de l'OMC ont commencé à
introduire progressivement, conformément à
l'échéancier, les réductions des droits de douane, des
subventions à l'exportation et des autres mesures de soutien à la
production agricole. De nombreux membres de l'OMC ont également pris des
engagements d'ouverture du marché des télécommunications.
Ce secteur est ouvert à une concurrence accrue, et dans de nombreux
pays, les entreprises publiques sont privatisées.
Toutefois, il importe de souligner que de nombreuses questions
qui ont empêché la conclusion d'un accord à Seattle comme
la réduction des barrières tarifaires et non tarifaires, les
questions environnementales et les normes de travail ne sont pas toujours
résolues et il n'y a aucun signe de flexibilité de la part des
différents partenaires qui permettraient d'envisager avec confiance un
démarrage rapide des négociations.
En ce qui concerne les principaux produits de base
exportés (café, cacao, coton fibre, caoutchouc, arachide) par les
pays de la CEDEAO, un effondrement des cours mondiaux de ces produits de base a
été constaté au cours de l'année 1999. Au courant
du mois d'août 2000, les prix moyens de ces produits étaient
tombés à leur niveau le plus bas depuis dix ans. C'est pourquoi
il est impératif que la CEDEAO amorce avec vigueur la coopération
en matière de politique des filières pour mieux regrouper nos
producteurs et nos exportateurs afin d'avoir ne serait-ce qu'une petite chance
de peser sur les prix des différents produits. Le Secrétariat a
engagé à cet effet une réflexion qui débouchera sur
l'organisation d'une réunion des Ministres de l'Agriculture et du
Commerce. Les prix du pétrole ont triplé, passant de 10 $US le
baril en février 1999 à 35 $US au troisième trimestre de
2000. Si la hausse des prix du pétrole a affecté positivement les
recettes budgétaires des pays exportateurs comme le Nigeria, par contre
elle pourrait entraîner des déséquilibres
macro-économiques importants dans la plupart des autres pays de la
CEDEAO importateurs de pétrole. Dans presque tous les pays de la CEDEAO,
l'augmentation des prix à la pompe des produits pétroliers qui a
varié dans une fourchette de 10 à 60% fait craindre une inflation
généralisée et un ralentissement plus marqué des
activités économiques.
5. Les Accords de Partenariat Economiques
5.1. Avec l'UEMOA
Dans le cadre de la mise en oeuvre des décisions de la
Conférence des chefs d'Etat et de Gouvernement de la CEDEAO qui s'est
tenue à Lomé le 9 décembre 1999 et des orientations des
réunions ministérielles CEDEAO / UEMOA des 28 et 29 janvier 2000
à Bamako sur l'accélération du processus
d'intégration en Afrique de l'ouest, le Secrétariat
exécutif a prioritairement orienté ses actions en vue de
l'harmonisation de ses programmes avec ceux de l'UEMOA et il a
accompagné les initiatives relatives à la création d'une
deuxième zone monétaire et à la création d'un
espace sans frontière en Afrique de l'Ouest.
Le programme d'actions arrêté par les deux
organisations lors de leur réunion de février 2000 couvre les
domaines ci-après : - marché commun ; - convergence des
politiques macro-économiques et financement du développement et
promotion du secteur privé ; - politiques sectorielles.
La CEDEAO et l'UEMOA envisagent de créer dans leurs
aires géographiques respectives une union économique et
monétaire. A cet égard, deux zones de libre échange et
deux unions douanières vont se juxtaposer dans la même
région. Ce qui risque d'entraîner des chevauchements et des
duplications qui vont gêner le processus d'intégration
régionale. D'où, la nécessité d'harmoniser les
mécanismes et instruments de la libéralisation des
échanges et de l'union douanière dans les deux organisations.
5.1.1 Schémas de libéralisation des
échanges au sein de la CEDEAO et dans l'UEMOA
Un tableau comparatif des schémas de
libéralisation des échanges des deux organisations avait
été établi lors de la réunion conjointe de mars
2000 ; c'est sur la base de cet inventaire que des positions communes ont
été dégagées, lors de la réunion des deux
organisations qui s'est tenue à Lomé du 5 au 9 septembre 2000. A
l'issue de cette rencontre, le Secrétariat de la CEDEAO et l'UEMOA ont
convenu ce qui suit dans les domaines ci-après :
a) Règles d'origine
De nouvelles règles d'origine sont nécessaires
dans les deux organisations. L'adoption de ces nouvelles règles se
justifie par le fait que les règles actuelles sont devenues
obsolètes. De plus, il est apparu nécessaire de se conformer aux
nouvelles règles de l'Organisation Mondiale du Commerce, pour tenir
compte de l'évolution du commerce international et des nouvelles
technologies. L'UEMOA n'est pas favorable aux listes limitatives des produits
dits du cru et de l'artisanat traditionnel.
Quand au critère relatif à la valeur
ajoutée, il est observé que les pourcentages actuellement
appliqués sont différents (35% à la CEDEAO et 40% à
l'UEMOA). Toutefois, la définition et les éléments
constitutifs de cette valeur ajoutée sont sensiblement identiques.
La CEDEAO est favorable à l'adoption des nouvelles
règles d'origine telles qu'envisagées par l'UEMOA basés
sur les éléments suivants: produits entièrement obtenus ;
changement de position tarifaire ; critère de la valeur ajoutée.
Les deux organisations conviennent de retenir la
définition classique de la valeur ajoutée excluant les
matières communautaires.
Les deux organisations conviennent d'un taux de valeur
ajoutée égale à 30% du prix de revient ex-usine hors taxes
du produit. Elles demandent toutefois, que ce critère soit testé
sur la base des agréments actuels afin d'en apprécier la
pertinence.
L'adoption de nouvelles règles d'origine sera
accompagnée d'un assouplissement de la procédure
d'agrément.
b) Procédure d'agrément
Les dossiers types d'agrément dans les deux
organisations sont presque identiques. Cependant, il convient d'alléger
et de simplifier le contenu de ces dossiers en ce qui concerne les informations
demandées en vue de retenir les éléments essentiels.
Compte tenu des changements intervenus au niveau des textes régissant le
mécanisme de libéralisation des échanges, certains
renseignements actuellement requis dans les dossiers de demande
d'agrément ne sont plus pertinents (par exemple, capital social
détenu par les nationaux, nombre du personnel, prévisions
d'exportation etc.).
Le principe de la suppression de l'agrément a
été retenu par la Commission de l'UEMOA et le Secrétariat
de la CEDEAO. Cependant, les produits dont l'origine est
déterminée sur la base du critère de la valeur
ajoutée pourraient faire l'objet d'un agrément pendant une
période transitoire de trois (3) ans.
En ce qui concerne le dossier-type et la procédure
d'agrément, la Commission de l'UEMOA et le Secrétariat de la
CEDEAO ont convenu que: les dossiers de demande d'agrément devront
comporter les renseignements ci-après :
l'identification de l'entreprise (localisation, secteur
d'activité, statut juridique etc.) ;
l'identification du produit et la description de son processus
de fabrication ;
la fiche technique relative à la détermination
du prix de revient ex-usine et de la valeur ajoutée.
ii) les deux catégories de produits à savoir,
les produits entièrement obtenus et ceux ayant subi une ouvraison
substantielle entraînant un changement de position tarifaire, ne feront
pas l'objet d'un agrément. Un comité national dans chaque Etat
membre devra s'assurer de l'origine communautaire de ces produits sur la base
du dossier type établi par les entreprises requérantes. Ce
comité aura à transmettre au Secrétariat de la CEDEAO et
à la Commission de l'UEMOA les dossiers qui leur ont permis de
considérer ces produits comme originaires. Sur la base des informations
ci-dessus, le Secrétariat et la Commission pourraient procéder
périodiquement à des contrôles a posteriori.
c) Liste des opérations ne conférant pas
l'origine
Ces listes sont sensiblement les mêmes. Toutefois, la
Commission de l'UEMOA envisage d'exclure de la liste UEMOA, les
opérations d'assemblage et de montage. Le Secrétariat
exécutif de la CEDEAO a pris note et va soumettre cette question
à l'appréciation de ses instances compétentes.
d) Produits fabriqués en zone franche ou sous
régimes économiques
Ces deux catégories de produits ne
bénéficient pas de l'origine communautaire au sein de l'UEMOA. Au
niveau de la CEDEAO, la question est à l'étude. Les positions
seront harmonisées.
e) Documents douaniers - déclaration en douane
unique (DDU)
La déclaration en douane unique de la CEDEAO a
été adoptée à son Conseil de Ministres tenu en
août 1999 à Abuja consacrant ainsi sa mise en application depuis
cette date. Actuellement, elle n'est mise en circulation qu'en
République Fédérale du Nigeria. - Certificats
d'origine.
Prenant en compte les nouvelles règles d'origine dont
l'adoption est envisagée, les deux organisations ont convenu de retenir
un seul type de certificat d'origine. La couleur et le contenu de ce certificat
seront déterminés d'un commun accord.
Le certificat d'origine sera délivré par une
autorité nationale compétente désignée par l'Etat
membre.
Les deux organisations ont recommandé que les produits
du cru et de l'artisanat traditionnel soient exemptés de la production
d'un certificat d'origine. Toutefois, pour certains produits sensibles tels que
les poissons, il sera utile d'exiger un certificat d'origine du pays
exportateur.
f) Préférences tarifaires
Les préférences tarifaires (exonération
totale des droits de douane et taxes d'entrée à l'exception des
taxes intérieures) accordées par l'UEMOA et la CEDEAO sur les
produits industriels agréés et les produits du cru et de
l'artisanat sont identiques. En ce qui concerne les produits industriels
originaires non agrées, l'UEMOA leur accorde un abattement de 5% sur les
taxes normales. Cependant, elle se propose de supprimer cette catégorie
de produits.
g) Compensation des moins-values
Le système de compensation actuellement en vigueur au
niveau de la CEDEAO pose certains problèmes notamment,
l'indisponibilité, pour le moment, de ressources propres
destinées au remboursement des montants à compenser lorsque les
Etats auraient subi des pertes de recettes. Les Etats sont réticents
à accorder les préférences tarifaires car n'étant
pas assurés d'être remboursés. A l'issue des
échanges de vue, les deux organisations ont convenu de ce qui suit :
l'UEMOA maintient son système de compensation actuellement en vigueur,
jusqu'à son terme prévu en l'an 2006 ; la CEDEAO adoptera des
taux de compensation dégressifs selon la procédure de l'UEMOA
mais avec un terme fixé au 31 décembre 2008. Ainsi les montants
à compenser seront fonction des taux dégressifs ci-après:
-100% des moins-values subies de 2000 à 2002; -80% des moins-values
subies en 2003 ; -60% des moins-values subies en 2004 ; -30% des moins-values
subies en 2005 ; -0% à compter du 1er janvier 2009. En outre, dans un
souci d'allégement de la procédure, il a été
convenu, qu'à l'instar de la Commission de l'UEMOA, les décisions
des versements compensatoires relèvent du Secrétariat
exécutif qui rend compte au Conseil des Ministres. La CEDEAO, à
l'instar de l'UEMOA, se propose de ramener le délai de prescription des
droits à compensation à 3 mois au lieu de 3 ans, à compter
de la fin de l'exercice budgétaire ; pour permettre la mise en
application des nouvelles dispositions prévues aux points (i) à
(iv), le Secrétariat exécutif de la CEDEAO devra élaborer
des actes juridiques à faire adopter sous forme de décisions par
les hautes instances de la Communauté.
h) Prélèvement communautaire
Le prélèvement communautaire de
solidarité de l'UEMOA est bien appliqué au sein de l'Union et il
est destiné à la compensation des moins-values en
priorité. La Commission dispose, d'une procédure
sécurisée de recouvrement du PCS, par le débit d'office
des comptes ouverts par les trésors nationaux auprès de la BCEAO.
Le prélèvement de la CEDEAO ne fonctionne pas
normalement. La non application du mécanisme par tous les Etats membres
entraîne des difficultés pour réunir les fonds
nécessaires en vue de procéder aux compensations des moins-values
qui sont pour le moment supportées par les contributions des Etats
membres. La CEDEAO devra accélérer la mise en application
effective du prélèvement communautaire et prendre des
dispositions en vue de sécuriser ses produits.
L'UEMOA dispose d'une union douanière basée sur
un tarif extérieur commun assis sur quatre taux maximum (0% ; 5% ; 10%
et 20%). La CEDEAO n'en dispose pas encore. Les deux organisations ont
recommandé que l'étude qui doit guider l'élaboration du
tarif extérieur commun de la CEDEAO comprenne les éléments
suivants : - recenser les différents droits et taxes selon leur nature
en vigueur dans chaque pays ainsi que les taux appliqués ; -
établir un tableau comparatif des éléments ci-dessus ; -
procéder à une harmonisation de la structure des droits et taxes
et leurs taux ; - élaborer des scénarios de TEC à tester
par pays en identifiant les impacts sur son économie ; -
déterminer les secteurs qui seront touchés par la réforme
; - prévoir des mesures d'accompagnement pour les secteurs
particulièrement affectés.
Le Secrétariat exécutif de la CEDEAO compte
entreprendre les étendues de son TEC dès le début de
janvier de 2001 pour une durée de quatre mois.
Les deux organisations ont, chacune, un programme
d'harmonisation des politiques économiques et financières
essentiellement axé sur la convergence macro-économique.
Dans le cas de l'UEMOA, des dispositions ont été
prises pour l'intervention d'une procédure de surveillance
multilatérale visant à assainir le cadre macro-économique
des Etats membres et à renforcer la monnaie commune.
En ce qui concerne la CEDEAO, la convergence des politiques
macro-économiques des Etats membres est un préalable
indispensable à la création de la monnaie unique. La convergence
doit précéder la création de la zone monétaire
CEDEAO.
La mise en oeuvre du dispositif de surveillance
multilatérale dans les deux organisations a nécessité : -
la définition des critères et des normes de convergence
impliquant l'harmonisation des agrégats statistiques, leur
disponibilité et leur fiabilité; - l'harmonisation des cadres
juridiques, comptables et des statistiques des finances publiques ; - la
définition d'un cadre institutionnel de mise en oeuvre de la
procédure de surveillance multilatérale. Degré
d'harmonisation des critères de convergence et des normes qui leur sont
associées dans L'UEMOA et dans la CEDEAO.
Les critères de convergence en zone UEMOA et dans la
CEDEAO font ressortir que : - les deux systèmes de convergence
retiennent des critères subdivisés en critères de premier
rang et critères de second rang; - les indicateurs retenus comme
critères de convergence ne sont pas toujours les mêmes pour les
deux systèmes de convergence; - certains indicateurs retenus en commun
dans les deux systèmes comme critères de convergence sont
classés de manière différente en critère de premier
ou de second rang et n'ont pas toujours les mêmes valeurs ; - les
horizons de convergence sont différents : 2002 pour l'UEMOA et 2003 pour
la CEDEAO.
a) Les critères de premier rang
Les deux systèmes retiennent comme critères de
convergence: un indicateur de déficit budgétaire et un autre de
taux d'inflation.
En ce qui concerne le critère relatif au déficit
budgétaire, l'UEMOA retient le solde budgétaire de base
rapporté au PIB nominal qui doit être supérieur ou
égal à 0% en l'an 2002. Par contre, la CEDEAO privilégie
le ratio déficit budgétaire hors dons rapporté au PIB qui
doit être inférieur ou égal à 4% en 2003.
S'agissant du taux d'inflation, l'UEMOA retient un taux
d'inflation annuel moyen de 3% maximum par an alors que la CEDEAO poursuit un
objectif de 5% d'ici l'an 2002 calculé en glissement annuel.
L'UEMOA retient une norme d'endettement définie par le
ratio de l'encours de la dette publique intérieure et extérieure
rapporté au PIB nominal, inférieur ou égal à 70%.
La CEDEAO ne retient pas explicitement ce critère. Toutefois, dans les
travaux préparatoires pour la définition de la valeur de
référence du ratio déficit budgétaire hors dons
rapporté au PIB, elle a implicitement retenu une norme d'endettement de
80% maximum, correspondant à la dette publique moyenne des Etats membres
de la CEDEAO de 1995 à 1997.
Pour ce qui est de la variation des arriérés de
paiement intérieurs et extérieurs, l'UEMOA a retenu la non
accumulation d'arriérés intérieurs et extérieurs
sur la période de la gestion courante et oblige les Etats membres
à apurer le stock d'arriérés existant au 31
décembre 1999, en l'an 2002. Pour ce critère, il n'y a pas de
divergence avec le système de convergence de la CEDEAO en dehors des
aspects suivants : - le système de convergence de la CEDEAO ne fait
aucune mention de la variation des arriérés de paiement
extérieurs; - la variation des arriérés de paiement
intérieurs est traitée comme un critère de second rang
dans le système de convergence CEDEAO alors qu'elle figure parmi les
critères de premier rang dans le système de convergence de
l'UEMOA.
Le financement des avances de la Banque Centrale au
Trésor ne fait pas partie des critères de convergence de l'UEMOA.
Il est, par contre, considéré comme critère de premier
rang au niveau de la CEDEAO où il ne devra pas excéder 10% des
recettes fiscales de l'année antérieure. Cet objectif doit
être atteint en l'an 2003. On peut noter cependant dans l'UEMOA qu'une
décision a été prise en septembre 1998 par le Conseil des
Ministres de l'UEMOA visant à réduire progressivement l'encours
des avances statutaires jusqu'à son apurement total à fin 2001.
Cette facilité devrait être supprimée à partir de
l'an 2002.
Le critère exigeant des réserves brutes,
supérieures ou égales à 6 mois d'importations dans le
cadre de la CEDEAO, n'est pas retenu dans l'UEMOA, tant au niveau des
critères de premier rang qu'au niveau des critères de second
rang. Toutefois, il n'y a pas de divergence par rapport au système de
convergence de l'UEMOA d'autant plus que le suivi d'un critère de
déficit budgétaire très contraignant (solde
budgétaire de base rapporté au PIB nominal supérieur ou
égal à 0%) vise, entre autres, comme objectif final la
consolidation des réserves de change.
b) Les critères de second rang
Les critères relatifs, d'une part, au ratio masse
salariale sur recettes fiscales et d'autre part, au ratio des dépenses
d'investissement publics financés sur ressources intérieures,
sont parfaitement identiques d'un système de convergence à
l'autre.
En outre, les deux systèmes retiennent comme
critères de convergence de second rang, le taux de pression fiscale
mesuré par le ratio recettes fiscales rapportées au PIB nominal.
Les normes sont cependant différentes: 17% pour l'UEMOA à
l'horizon 2002 et 20% pour la CEDEAO à l'horizon 2003. Cette divergence
ne paraît pas très fondamentale, étant donné qu'il
s'agit là d'objectifs volontaristes en raison des niveaux actuels du
taux de pression fiscale dans bon nombre d'Etats membres de l'UEMOA et de la
CEDEAO.
S'agissant du critère de convergence relatif au suivi
et à la maîtrise des comptes extérieurs, l'UEMOA a retenu
le ratio du déficit extérieur courant hors dons rapporté
au PIB nominal qui ne doit pas excéder 5% à l'horizon 2002. Ce
critère n'existe pas dans le système de convergence de la CEDEAO.
La CEDEAO retient le taux de change réel et le taux
d'intérêt réel comme critères de convergence de
second rang.
En résumé, le problème de coexistence
entre les deux systèmes de convergence pourrait se situer
essentiellement au niveau du solde budgétaire.
Toutefois, la coexistence entre le système de
convergence de l'UEMOA et celui de la CEDEAO, doit prendre en compte les
objectifs de chacune des deux organisations et les progrès
déjà réalisés sur le terrain notamment dans le
domaine de l'intégration monétaire. A ce titre, les efforts
d'harmonisation devraient tout d'abord porter principalement sur
l'harmonisation statistique, l'harmonisation du cadre juridique, comptable et
des statistiques des finances publiques, ainsi que sur l'harmonisation des
dispositifs institutionnels de la surveillance multilatérale.
L'harmonisation des critères interviendra avant la
création de l'Union monétaire ouest-africaine. L'UEMOA et la
CEDEAO devraient se concerter sur l'harmonisation statistique dans les domaines
ci-après: - définition des agrégats statistiques retenus
dans le cadre des indicateurs de convergence ; - comptabilité nationale
; - prix à la consommation.
Lors de la réunion entre le Secrétariat de la
CEDEAO et l'UEMOA qui s'est tenue les 20 et 21 juillet 2000 à
Lomé, l'Observatoire économique Africaine (AFRISTAT) a
présenté une proposition de programme d'assistance à la
CEDEAO pour les besoins de la surveillance multilatérale. Ce programme
comprend : - à court terme, les indices de prix à la
consommation, l'harmonisation des PIB sur la base de ce qui a été
fait à l'UEMOA ; - à moyen terme, les nomenclatures
d'activités et de produits, les comptes nationaux (méthodes
d'élaboration, SCN93 et ERETES), la constitution d'un répertoire
des entreprises et la mise au point d'un indice de la production industrielle,
le secteur informel ; - à long terme, le renforcement de la
qualité des données de base (données agricoles et
d'élevage, données sur la consommation des ménages).
Le Secrétariat exécutif a marqué son
adhésion aux éléments du programme, mais a indiqué
que soit ajouté explicitement aux actions à court terme le
modèle de prévision. Il a également été
indiqué la possibilité de faire entreprendre dès
maintenant par AFRISTAT des missions circulaires en vue de faire le point de
l'existant dans les Etats concernés (Nigeria, Ghana, Liberia,
Sierra-Léone, Gambie, Mauritanie, Guinée, Cap-Vert). Ces travaux
existent déjà pour les autres pays de l'UEMOA. Les
résultats issus de cette mission permettront la mise au point des termes
de références précis ainsi que l'évaluation du
coût des diverses actions du programme. Le Secrétariat
exécutif de la CEDEAO est chargé de préparer les termes de
référence de ces missions circulaires et d'en estimer les
coûts.
Les instances de décision de l'UEMOA ont adopté
des textes communautaires qui sont en cours d'application dans les Etats. Ces
textes portent sur l'harmonisation des nomenclatures budgétaires, des
plans comptables et l'élaboration d'un Tableau des opérations
financières de l'Etat (TOFE) uniformisé UEMOA.
La CEDEAO ne dispose pas encore de textes harmonisés.
Les termes de référence des études y afférentes ont
été finalisés et communiqués à la Commission
de l'UEMOA et au FMI pour observations. Les concertations entre les deux
organisations en vue de l'élaboration des textes harmonisés
pourraient se tenir dans le courant du premier trimestre 2001.
Le dispositif de surveillance multilatérale des
politiques macro-économiques au sein de l'UEMOA est mis en oeuvre par :
- les organes prévus à cet effet par le traité instituant
l'UEMOA à savoir le Conseil des Ministres et la Commission de l'UEMOA ;
- la Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO); - les
Comités Nationaux de Politique Economique (CNPE) institués dans
chacun des Etats membres.
Chaque CNPE est chargé entre autres : - de la gestion
d'une base de données statistiques; - de la rédaction d'un
rapport sur l'évolution de la situation économique ; - du suivi
de la politique économique et de la transmission à la Commission
et à la BCEAO, des données statistiques couvrant notamment les
domaines définis, ainsi que d'un rapport de base fondé sur
l'évolution des indicateurs macro-économiques.
Les CNPE sont composés des responsables des services
nationaux impliqués dans la formulation de la politique
macro-économique.
La BCEAO coopère avec la Commission pour assurer la
cohérence des politiques économiques nationales, notamment des
politiques budgétaires avec la politique monétaire commune.
La Commission de l'UEMOA qui est le centre opérationnel
de la surveillance multilatérale, est chargé entre autres : - de
gérer la base de données statistiques ; - d'établir un
rapport trimestriel sur l'environnement international ; - d'élaborer et
de soumettre au Conseil des Ministres, les rapports semestriels
d'exécution de la surveillance multilatérales qui sont
examinés en juin et en décembre de chaque année.
c) Les Etats membres de l'Union coordonnent leurs
politiques économiques au sein du Conseil.
Le dispositif institutionnel couvre également : - les
programmes de convergence - les modalités de mise en oeuvre - le
traitement des situations exceptionnelles
Dans le cadre de la CEDEAO, le dispositif de surveillance
multilatérale des politiques macro-économiques
créé, repose sur les organes ci-après : - le Conseil de
convergence composé des Ministres des Finances et des Gouverneurs des
Banques centrales des Etats membres qui exercera la surveillance des politiques
et performances macro-économiques ; - le comité technique de
suivi regroupant les Directeurs des Etudes des Banques centrales et des
représentants des Ministères des Finances. Ce comité sera
notamment chargé d'élaborer les rapports semestriels
d'exécution de la surveillance multilatérale à soumettre
au Conseil de convergence ; - l'Agence Monétaire de l'Afrique de l'Ouest
(AMAO) veillera, en relation avec le Secrétariat exécutif de la
CEDEAO, à la compatibilité d'ensemble des programmes pluriannuels
de convergence élaborés par les Etats ; - des Comités
Nationaux de Coordination (CNC) chargés d'appuyer l'AMAO et le
Secrétariat de la CEDEAO dans la collecte et le traitement des
données de base fournies par les Etats membres.
Les comités nationaux de coordination de la CEDEAO ne
sont pas encore opérationnels sur le terrain. Le Secrétariat de
la CEDEAO a préparé une étude portant sur l'organisation
de la surveillance multilatérale qui précise la composition de
ces comités, leur mission et la périodicité de
transmission des données.
L'UEMOA et la CEDEAO doivent organiser des réunions de
concertation pour arrêter un cadre harmonisé.
d) Financement du développement et promotion du
secteur privé
Le Président de la BOAD et le Secrétaire
Exécutif de la CEDEAO assistés de leurs conseillers ainsi que le
Directeur Général par intérim du Fonds de la CEDEAO se
sont rencontrés à Abuja les 27 et 28 février 2000. Cette
rencontre avait pour but d'examiner l'applicabilité du souhait
exprimé par le Président de la BOAD à la réunion
CEDEAO-UEMOA de Bamako relative à l'insertion de la BOAD dans la
transformation du Fonds pour en faire la Banque d'Investissement de la CEDEAO
dans la nouvelle structure qui sera celle d'une Holding.
Les deux institutions, bien que conscientes de la pertinence
du sujet au moment où l'intégration régionale doit
être renforcée pour une meilleure participation de notre
sous-région à l'économie globale ont néanmoins
retenu qu'un examen plus approfondi doit être mené afin de
déceler les avantages et les éventuels inconvénients.
e) Politiques sectorielles communes
Les deux organisations s'orientent vers la définition
de politiques sectorielles communes devant servir de cadre de
référence et d'orientation pour la mise en oeuvre des programmes.
A cet égard, un renforcement de la concertation entre la CEDEAO et
l'UEMOA a été recommandé de manière à
éviter la duplication des activités.
Suite à l'adoption, lors du vingt-deuxième
sommet de la CEDEAO tenu à Lomé, d'une approche
différenciée pour le processus d'intégration, six pays non
membres de l'UEMOA ont pris la décision de créer une
deuxième zone monétaire en Afrique de l'Ouest qui fusionnera avec
la zone CFA pour donner naissance à la zone monétaire unique
CEDEAO en l'an 2009. Des progrès considérables ont
été réalisés depuis la tenue du sommet restreint le
20 avril 2000 à Accra, réunissant le Président en exercice
de la CEDEAO et les six pays, à savoir la Gambie, le Ghana, la
Guinée, le Liberia, le Nigeria et la Sierra-Léone.
Une réunion du Conseil de Convergence s'est tenue le 5
juillet 2000 à Conakry, à l'effet d'évaluer les
progrès réalisés. Au mois de mai dernier, un groupe
d'experts composé de représentants des six banques centrales et
du Secrétariat (faisant office de coordonnateur) a été mis
en place afin de préparer les documents techniques, après des
consultations et des visites de travail auprès d'institutions
compétentes de la sous-région et de l'extérieur, notamment
à la BCEAO, la BCE, l'Union européenne et le FED. Ce groupe
d'experts a élaboré un certain nombre de documents
destinés à être soumis à l'examen du Comité
technique et du Conseil de Convergence dont la réunion est prévue
en novembre 2000 à Banjul. Il s'agit des documents ci-après:
i) le projet d'Accord sur la deuxième zone
monétaire, la Zone Monétaire de l'Afrique de l'Ouest (ZOMAO);
ii) les statuts de l'institution intérimaire,
l'Institut Monétaire de l'Afrique de l'Ouest ;
iii) les statuts de la Banque centrale commune, la Banque
centrale de l'Afrique de l'Ouest ;
iv) les dispositions relatives à la création
d'un fonds de stabilisation et de coopération ;
v) le projet de document concernant l'Institut
Monétaire de l'Afrique de l'Ouest ;
vi) le rapport sur l'état de la convergence en 1999;
vii) un programme de sensibilisation.
Pour faciliter le succès de la deuxième zone
monétaire, il est important de créer une synergie entre les
actions de celle-ci et les actions prévues au titre de la zone
monétaire unique. A cet égard, le Comité de Gouverneurs
des Banques centrales, lors de sa 11ème Session extraordinaire tenue
à Dakar en mai 2000 avait adopté un programme d'actions
permettant d'accélérer la création de la zone
monétaire unique. La quarante-sixième session du Conseil des
Ministres de la CEDEAO tenue à Abuja du 24 au 25 mai 2000 à Abuja
a approuvé ce programme d'actions, notamment la définition d'un
indicateur d'évaluation de la qualité de la convergence, tel que
la stabilité relative du taux de change par rapport à
l'Unité de Compte de l'Afrique de l'Ouest (UCAO), équivalent aux
droits de tirage spéciaux (DTS).
Le Conseil a, en outre, entériné la
recommandation du Comité des Gouverneurs afin que le Conseil de
convergence (Gouverneurs des Banques centrales et Ministres des Finances), soit
l'organe habilité à exercer la surveillance des politiques
économiques des Etats membres. Le Conseil de Convergence est toutefois
tenu d'informer le Conseil des Ministres de ses décisions. Le
Secrétariat exécutif de la CEDEAO a été
invité à examiner les modalités pratiques de mise en
oeuvre de cette recommandation. Le Conseil a, également, approuvé
les différentes phases de réalisation du projet de
création de la zone monétaire unique de la CEDEAO :
Phase 1 : harmonisation des règles de gestion
économique et financière, redynamisation du mécanisme de
compensation de l'AMAO et revue des transactions éligibles ;
Phase 2 : évaluation des ajustements économiques
et harmonisation des fiscalités intérieures ;
Phase 3 : Fixation irrévocable des parités et
création de la banque centrale unique4.
5.2. Avec l'Union européenne
Les ministres du Commerce et des Finances de la CEDEAO ont
fait le point les 6 et 7 Octobre 2006 à Niamey de l'Etat d'avancement
des négociations des Accords de Partenariat Economiques (APE) avec
l'Union européenne (UE).
Ils ont réfléchi sur les possibilités
d'ouverture des marchés de la sous-région aux pays de l'Union
européenne, conformément aux accords de Cotonou. Cette rencontre
qui fait suite à celle du comité ministériel de suivi
tenue le 10 avril 2006 à Abuja, vise à encourager un
marché libre et ouvert, à garantir les conditions d'un commerce
égal et équitable, à maximiser la protection des
consommateurs et à assurer la transparence et l'équité
dans les procédures. Les experts de la CEDEAO ont examiné entre
autres points d'ordre du jour, le niveau d'exécution des recommandations
du comité ministériel de suivi du 10 avril 2006, l'état
d'avancement des travaux de préparation des négociations des
accords de partenariat économique entre l'Afrique de l'Ouest et l'Union
européenne, la mise en oeuvre de la revue à mi-parcours des
négociations prévues par l'accord de Cotonou. Selon le
Secrétaire exécutif adjoint de la CEDEAO, les mesures qui sont
issues de ces réflexions seront par la suite soumises à
l'appréciation des chefs d'Etat de l'organisation. "Notre
réunion aura à soumettre la vision des experts des Etats membres
en matière de politique de concurrence et des investissements. Cette
vision, une fois partagée et acceptée, constituera le socle des
textes de lois qui seront élaborés et adoptés par la
conférence des chefs d'Etat", a-t-il indiqué. Les ministres
ont examiné le rapport d'étape sur les négociations des
APE afin de décider de la conduite à adopter pour leur
poursuite.
Lors de leur dernière rencontre, tenue à Abuja
le 10 avril 2006, les ministres
de la CEDEAO avaient insisté sur la
nécessité de s'accorder sur les points en
suspens de la première phase des négociations
avant de s'engager dans la seconde
phase. Parmi ces points il faut noter :
· la prise en compte des secteurs de production,
notamment l'amélioration de la
compétitivité des économies ouest
africaines et la définition de politiques
sectorielles régionales,
· l'appréciation des impacts de l'APE sur les
indicateurs de développement
humain, l'emploi et les couches vulnérables de la
population (femmes, enfants et
pauvres),
· l'élaboration de cadres d'investissements et
de concurrence communautaire,
· faire figurer dans les domaines prioritaires la
protection des ressources
génétiques, les savoir traditionnels et les
expressions du folklore.
Les ministres se sont penchés également sur la
mise en oeuvre des recommandations
visant à une meilleure prise en compte de l'APE dans la
programmation du 10ème FED.
Participent également à cette réunion,
les ambassadeurs des Etats membres de la
CEDEAO à Bruxelles et à Genève.
Le Secrétariat Exécutif de la CEDEAO et la
Commission de l'UEMOA ont mandat pour
négocier les APE au nom des Etats membres.
Les APE qui définiront un nouveau cadre
économique et commercial libéralisé
entre les Etats membres de la CEDEAO et l'Union
européenne devront accélérer le
processus de développement et promouvoir
l'intégration progressive et
harmonieuse des Etats membres dans l'économie
mondiale.
En somme, les pays de la CEDEAO sont engagés, à
l'instar des autres régions, dans un large processus de
négociations d'un Accord de partenariat économique avec l'Union
européenne, conformément aux dispositions de l'Accord de
Cotonou5.
6. Les réalisations et problèmes
économiques de la CEDEAO
La Communauté Economique des Etats de l'Afrique de
l'Ouest (CEDEAO), dans son traité de 1975, s'était fixée
un triple objectif: à savoir être une union douanière, un
marché commun, et une communauté économique. Aujourd'hui,
vingt-huit ans après sa création, c'est au plan de ce triple
objectif qu'elle peut être jugée malgré les obstacles
qu'elle a rencontrés à partir des années quatre-vingt-dix,
c'est-à-dire les conflits dans la sous-région.
6.1. Au plan de l'union douanière
Le type d'union douanière proposé par le
traité est un essai d'adaptation de la formule classique aux conditions
nouvelles.
L'article 12 du traité de Lagos stipule: "qu'il
sera progressivement établi une union douanière entre Etats
membres qui s'étend à l'ensemble des échanges de
marchandises". Le traité prévoit ainsi la suppression
progressive de toutes les entraves aux échanges entre les pays membres
de la CEDEAO. La période de transition est de quinze ans à partir
de la date d'entrée en vigueur du traité, c'est-à-dire de
mai 1979 à mai 19946.
Les Etats membres s'engagent au cours d'une période
transitoire de dix ans suivant l'entrée en vigueur définitive du
traité à réduire progressivement et à
éliminer finalement les droits à l'importation selon un programme
établi par la commission du commerce, des douanes, de l'immigration, des
questions monétaires et des paiements, et soumis au conseil des
ministres. Au cours des cinq années suivantes, les Etats membres
s'engagent à réduire les différences existant entre leurs
tarifs douaniers communs.
La CEDEAO devrait ainsi donc se présenter en quinze ans
comme une zone de libre échange pour les produits originaires des Etats
membres, et celle devra aussi se présenter vis-à-vis des pays
tiers comme une entité caractéristique par un tarif douanier
commun.
Il manque malheureusement des statistiques précises et
détaillées pour mesurer l'influence de la libre circulation des
marchandises sur les échanges intra-communautaires. Même lors du
dernier sommet, le Secrétaire exécutif n'a pas été
en mesure de donner des chiffres détaillés sur le volume des
échanges commerciaux au sein de la CEDEAO7. Une information
qui aurait contribué à accélérer
l'intégration, but premier de l'Organisation lors de sa création
il y a seize ans.
Dans l'ensemble, les échanges intra-régionaux
restent faibles. En 1980, année d'entrée en vigueur de la
communauté et 1985, les échanges ont diminué; depuis 1985,
ils ont progressé, mais leur part dans les exportations totales des pays
de l'Afrique de l'Ouest reste insignifiante; il est vrai que d'importants
échanges frontaliers ne figurent pas dans les statistiques8.
Ci-après le tableau de la valeur des exportations totales.
Valeur des exportations totales au sein de la CEDEAO
en millions de dollars
Années
|
Commerce intra-régional
|
Exportations totales
|
Pont du commerce intra-régional (%)
|
1960
|
17
|
1330
|
1,2
|
1970
|
61
|
2960
|
2,1
|
1980
|
1056
|
32450
|
3,9
|
1985
|
481
|
19440
|
2,5
|
1988
|
684
|
14100
|
4,9
|
SOURCE: Marchés Tropicaux
et Méditerranéens, no: 2391 du 6 septembre 1991, p. 2156.
Au sein de la CEDEAO, si le potentiel d'échanges
intra-communautaires n'a pas été exploité, cela tient aux
obstacles suivants:
- La multiplicité des monnaies9. Il y a huit
différentes monnaies dans l'espace CEDEAO dont le franc CFA
(Bénin, Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Guinée-Bissau, Mali,
Niger, Sénégal, Togo), le Cédi (Ghana), le Naira
(Nigeria), le Dalasi (Gambie), l'Escudo (Cap-Vert), le dollar Libérien
(Liberia), le franc Guinéen (Guinée), la Leone
(Sierra-Léone). En effet, la diversité des monnaies,
l'inconvertibilité de la plupart d'entre elles, les distorsions des taux
de change et de la réglementation constituent un obstacle de
taille10. Ainsi donc, l'inconvertibilité des monnaies
complique les difficultés de paiement que la Chambre de Compensation de
l'Afrique de l'Ouest (CCAO) établie à Freetown
(Sierra-Léone) depuis 1975, n'est pas en mesure de résoudre
facilement. La CCAO a connu, ces derniers temps, de grandes
difficultés11. Ses opérations sont entravées
par la faiblesse du volume des transactions compensables, par
l'asymétrie des échanges sous-régionaux qui a
contribué à la persistance des soldes débiteurs ou
créditeurs et par les restrictions sur certains types
d'opérations. La réglementation rigoureuse applicable en
matière de change et de commerce dans nombre de pays membres en plus de
la multiplicité des monnaies non convertibles au niveau régional
ont aggravé les problèmes de la CCAO qui n'a pas pu
réduire l'utilisation de devises convertibles pour le règlement
des transactions intra-régionales. En 1986 et 1987, plus de 85% des
transactions passant par la CCAO ont été réglées en
devises. Le volume des transactions qu'elle a réglées a
d'ailleurs diminué12.
- Autre obstacle: la multiplicité des taxes: droits
à l'importation et à l'exportation, taxes à la
consommation et à la production, impôt statistique, taxe
additionnelle, impôt sur le chiffre d'affaires. Cette taxation bloque les
échanges et freine la coopération économique.
- Les réseaux de transports et de communication
demeurent médiocres: les transports routiers et ferroviaires, les
réseaux téléphoniques ne permettent pas les
échanges.
- Enfin, le manque d'information sur les possibilités
d'échanges intra-communautaires; fidèles aux structures
coloniales de leurs échanges extérieurs, les Etats de l'Afrique
Occidentale s'ignorent et continuent à maintenir des liens commerciaux
privilégiés avec leurs anciennes métropoles.
Somme toute, contrairement à ce qu'on pouvait attendre,
il n'y a pas eu une véritable libération des échanges
intra-communautaires. Pour que les échanges intra-communautaires
progressent, que l'union douanière fondée sur la libre
circulation des biens réussisse, il faut que les obstacles structurels
soient levés grâce à l'établissement d'une zone
monétaire ouest-africaine, la construction d'un réseau
coordonné de transports et de communications, la réduction et la
suppression des taxes non tarifaires et la promotion commerciale à
l'échelle de toute l'Afrique de l'Ouest.
Depuis la création de la communauté, la
conférence des chefs d'Etat et de gouvernement a adopté des
protocoles, des décisions et des directives visant à la
libération des échanges13, mais dans la pratique, peu
a été fait de sorte que la réalité du libre
échange au sein de la CEDEAO reste à établir. Il en est de
même de la libre circulation des hommes et des capitaux.
Les chefs d'Etat et de gouvernement, lors du sommet tenu
à Abuja ont reconnu et déploré la lenteur avec laquelle
s'effectue l'application des actes et décisions communautaires dans les
Etats membres14. La conférence s'est montrée
particulièrement préoccupée par la persistance des
problèmes qui entravent la mise en oeuvre des programmes de
coopération de la CEDEAO au niveau des Etats membres, notamment, les
programmes prioritaires tels que le schéma de libéralisation des
échanges et les programmes relatifs au commerce et à
l'immigration ainsi que de la libre circulation des hommes et des capitaux. Le
programme de libéralisation a été remanié et son
entrée en vigueur différée à plusieurs reprises. Il
a été entrepris le 1er janvier 1990. Plusieurs causes expliquent
ce retard. Dans les années 80, les Etats de la sous-région ont eu
tendance à recourir à des obstacles non tarifaires, comme les
licences pour réguler les importations; plusieurs d'entre eux ont
cherché à augmenté les recettes fiscales en relevant les
droits à l'entrée, ce qui tendait non à libérer,
mais à limiter les échanges15. Voilà la triste
réalité.
6.2. Au plan du marché commun
Le protocole sur la libre circulation des personnes, les
droits de résidence et d'établissement fut signé à
Dakar en 1979. Il est prévu qu'en une période de quinze ans
à compter de l'entrée en vigueur de ce protocole, seront
réalisés en trois étapes le droit d'entrée et
l'abolition de visa, le droit de résidence et le droit
d'établissement. Il s'agit en quinze ans de faire
bénéficier les mêmes droits que ceux des nationaux et les
ressortissants des Etats membres. Peu de choses a été
positivement réalisé sur ce plan et l'on est arrivé
à la troisième phase. Il y a certes un assouplissement des
procédures d'entrée et de visa et les ressortissants peuvent
entrer sans visa pour un séjour de quatre vingt-dix jours dans beaucoup
de pays de la CEDEAO, mais trente et un après la création de la
communauté, le protocole instituant la libre circulation des personnes
et des biens, le droit de résidence et d'établissement n'est pas
entièrement appliqué.
Jusqu'en 198816, un pays comme le Liberia
continuait d'exiger un visa d'entrée pour les ressortissants des autres
Etats membres. Partout ailleurs, même si le visa n'est plus requis, il
reste que les voyageurs continuent de se heurter à de nombreuses
tracasseries policières aux frontières qui se sont d'ailleurs
renforcées17.
Il y a encore des réticences du côté des
services d'immigration aux frontières, et celles-ci sont parfois
fermées en raison de conflits politiques18. C'est le cas du
Sénégal et de la Mauritanie à l'heure actuelle.
Une politique micro-nationaliste liée aux
difficultés économiques des pays membres bloque la libre
mobilité des personnes et la libre circulation des capitaux. Les
capitaux ne peuvent pas se déplacer sans autorisation gouvernementale
surtout dans la situation actuelle des changes marquée par un
contrôle sévère dans tous les pays de la région. La
libre circulation des capitaux suppose que soit admise au préalable la
liberté de change dans le cadre d'une zone monétaire dont les
monnaies jouissent de la libre convertibilité, or ce n'est pas le cas de
l'Afrique de l'Ouest.
Enfin, certains Etats peuvent faire usage des dispositions de
l'article 4 du protocole19 sur la libre circulation des personnes,
le droit de résidence et d'établissement pour expulser de leur
territoire des citoyens de la communauté qu'ils jugent
indésirables chez eux. Ce fut le cas, on s'en souvient du Nigeria qui
s'est permis d'expulser de son territoire des centaines de milliers de citoyens
de certains Etats membres de la communauté20. Les raisons
avancées (immigrés en situation irrégulière) ne
peuvent justifier les conditions d'expulsion accompagnées de mesure de
spoliation qui hypothèquent gravement le succès de la politique
de libre circulation des personnes et des biens, condition sine qua non
à l'émergence d'une véritable communauté
économique marquée par l'harmonisation de toutes les
législations nationales en matière économique.
6.3. Au plan de la communauté
économique
Comme son nom l'indique, l'intégration de la CEDEAO
doit aboutir à une véritable communauté économique
pour favoriser le bien-être des populations grâce au
développement des secteurs économiques. Donc, l'émergence
d'une véritable communauté économique ouest-africaine
suppose l'élimination des disparités dues aux différences
de législations nationales en matières économique. Or, de
par leur héritage colonial, les Etats membres de la sous-région
ont des législations s'inspirant du modèle français,
anglais, américain et portugais.
Des efforts soutenus ont été
réalisés dans le cadre de l'harmonisation des marchés de
produits agricoles conformément au traité instituant la CEDEAO.
Toutefois, les réalisations en vue de l'exploitation des ressources
nationales des Etats membres, l'harmonisation des politiques
économiques, fiscales et des taux d'intérêt des
prêts, de l'harmonisation, de la rationalisation des politiques relatives
aux transports routiers, ferroviaires, aériens, maritimes et fluviaux
sont maigres21.
Beaucoup de décisions ont été prises
allant dans le sens de l'harmonisation des législations nationales. Par
exemple, les décisions sur la politique agricole commune, le programme
de coopération monétaire, le programme des transports, le
programme des télécommunications, le programme de la
libéralisation des échanges et de la coopération
commerciale. Toutes ces politiques et programmes piétinent22
encore car, dans la réalité, chaque Etat membre a
préféré s'en tenir aux errements du passé et pour
ne rien sacrifier de ce qu'il considère comme ses intérêts
nationaux.
Au total, les politiques communes dans les secteurs
économiques de la CEDEAO ont très peu progressé.
6.4. Autres réalisations et problèmes
économiques
En 2000, la CEDEAO a mis en circulation un passeport
communautaire, que les Etats membres ont adopté sur leur territoire en
2005. Elle a également mis en circulation, en 1999, un chèque de
voyage qui permet d'atténuer la non-convertibilité des monnaies
qui cohabitent en son sein. Le chèque de voyage CEDEAO lancé en
juillet 1999 pour faciliter les opérations de commerce et de paiement
satisfait les usagers, mais connaît un relatif succès. Celui-ci
souffre à cause du manque de publicité.
Dans le même esprit, les barrières
douanières sont progressivement levées sur certains produits pour
favoriser les échanges commerciaux intra-communautaires. Un jeu de
compensations permet aux Etats de récupérer les manques à
gagner. Mais sur les routes inter-états, d'innombrables postes de
douanes et de gendarmeries sont apparues et participent à une grande
corruption. Les pays enclavés, comme le Niger ou le Burkina Faso en font
les frais. La route nationale Cotonou -Niamey, longue de 1.036 km,
empruntée par les camions de transit, est jonchée d'une trentaine
de postes de contrôle. Entre le port de Lomé et Ouagadougou, 989
km, la situation est identique malgré l'engagement pris par les Etats
côtiers de remédier à cette situation et malgré
aussi la création des Comités nationaux de suivi des programmes
de la CEDEAO sur la libre circulation des personnes et des transports.
Cependant, le travail de ces comités, dans certains pays, ont conduit
à l'établissement d'une carte d'assurance automobile, de couleur
brune, aujourd'hui en vigueur entre 12 pays de la communauté.
6.4.1. Les difficultés de la Commission de la
CEDEAO
La plupart des difficultés apparaissent à
travers les modèles institutionnels et de la procédure de prise
des décisions.
Le caractère diplomatique des modèles
institutionnels des organisations ouest-africaines en général et
de la CEDEAO en particulier entraîne des conséquences sur le plan
administratif et financier. Les faiblesses proviennent des modèles
excentrés de référence, modèles empruntés
aux systèmes des pays développés. Cette situation a
été analysée par des observateurs avertis des
problèmes d'intégration en Afrique.
Ainsi, selon J.C. GAUTRON, il ne faut pas confondre
institutionnalisation et intégration. Et comme le souligne F.
CONSTANTIN, les processus auxquels on assiste sont des "processus non
d'intégration, mais de routinisation de contacts superficiels". Dans le
même sens, ajoute J.C. GAUTRON, "la multiplication des réunions
intergouvernementales (chefs d'Etat, ministres, représentants), la
prolifération des organismes principaux ou subsidiaires (comités,
commissions, services et bureaux) ne constituent pas des indicateurs
très sûrs d'un progrès réel vers
l'intégration; elles indiquent simplement un déploiement de
l'activité diplomatique et une extraversion des phénomènes
bureaucratiques internes sur le modèle des organisations universelles".
Cela entraîne en conséquence des contraintes budgétaires et
des problèmes de faire rentrer les cotisations des Etats membres.
Un autre point important est celui de l'absence d'une
véritable fonction publique internationale. Dans le Régionalisme
africain en effet, il n'y a pas de fonctionnaires internationaux
constitués en corps à l'instar du régionalisme
européen. Or, l'existence de tels corps constitue un fondement discret,
mais efficace du dynamisme propre à toute organisation. Cette absence a
une influence certaine sur le fonctionnement des communautés
ouest-africaines, notamment de la CEDEAO, caractérisée par une
étroitesse de compétences de gestion à l'égard des
compétences de décisions politiques.
En effet, la Commission de la CEDEAO a des tâches
essentiellement administratives; c'est-à-dire d'exécution
matérielle des décisions prises par les instances
inter-étatiques (conférence des chefs d'Etat et de gouvernement)
agissant sur recommandation des conseils de ministres. La Commission ne dispose
donc pas de réels pouvoirs de décisions et par conséquent
ne constitue pas des centres d'impulsion capables d'entretenir un processus
intégrateur. Donc, il n'y a pas de tendance au transfert
d'activités administratives nationales vers une bureaucratie
régionale. L'analyse de J.C. GAUTRON est fort éclairante à
ce propos. Ainsi pour lui, les groupements régionaux africains "sont des
organisations d'intégration dont le fonctionnement obéit à
des usages diplomatiques: primauté de l'organe politique (chefs d'Etat
voire ministres"). Ainsi donc, atténuer le rôle des chefs d'Etat
et promouvoir une véritable fonction publique internationale en Afrique
de l'Ouest sur le modèle des communautés européennes ayant
toute liberté dans la fixation des objectifs économiques et
bénéficiant de toutes les garanties statutaires est l'une des
conditions essentielles du succès de l'intégration
économique.
Les problèmes ne sont pas inhérents seulement
aux modèles institutionnels, ils découlent également de la
procédure décisionnelle.
La CEDEAO a retenu le principe de la majorité. Si les
majorités ne sont pas les mêmes, il y a lieu de préciser
qu'en aucun cas, le principe de la primauté de la souveraineté
des Etats qui se traduit par leur égalité absolue n'est pas
remise en cause. Ce principe entraîne des conséquences sur le plan
institutionnel et sur le plan des objectifs économiques définis
en vue du processus d'intégration.
L'égalité absolue des Etats sur le plan
institutionnel interdit toute forme de supranationalité. Les dirigeants
africains préfèrent un système de coopération
laissant intact les souverainetés. En fait, toutes les organisations
inter-africaines traduisent cette philosophie politique. L'accent est toujours
mis sur la souveraineté et l'indépendance, malgré les
discours et les professions de foi panafricaines de la plupart des
représentants des gouvernements dans le cadre des organisations
régionales africaines et internationales. Paradoxalement, si les
dirigeants africains tiennent à conserver jalousement cette
souveraineté dans leurs rapports avec les puissances occidentales (en
matière économique et militaire par exemple).
La CEDEAO s'est heurtée, dès ses
premières années, à certaines difficultés relatives
aux modalités de fonctionnement du Fonds et de ses relations avec les
institutions exécutives de la communauté, en particulier celle de
la Commission. Il s'agissait notamment du problème de hiérarchie
entre la Commission et le Directeur du Fonds de coopération, de
compensation et de développement. En effet, les articles 4 à 11
du traité de la CEDEAO relatifs aux institutions ne mentionnent pas le
Fonds dans le nombre des institutions de manière explicite.
Ainsi, selon l'alinéa 5 de l'article 4, "font partie
des institutions, tous autres organisations et organes qui peuvent être
créés par la conférence des chefs d'Etat et de
gouvernement ou qui sont établis ou été prévus par
le présent traité. Or, en vertu de l'article 8, la Commission est
chargée de l'administration courante de la communauté et de
toutes ses institutions. Cela revient à placer le Directeur
Général du Fonds sous l'autorité administrative du
Président de la Commission. Une confusion s'étant introduite dans
les esprits par suite des dispositions des articles 28 et 29 du protocole
relatif au Fonds". "Il est le représentant légal du Fonds. Il
gère les affaires courantes sous la direction du conseil
d'administration. Il est responsable de l'organisation des services, il nomme
et révoque les fonctionnaires du Fonds conformément aux
règlements arrêtés par le conseil d'administration."
Il apparaissait donc que le fonds était une institution
aussi importante que le Secrétariat Exécutif (à
l'époque), ce qui est aussi convenable dans une perspective de
dynamisation de l'institution financière, pilier de toute action de
développement. Il aurait fallu définir en toute clarté les
attributions des deux organes et en même temps la nature des rapports
administratifs entre les responsables. Cela n'a pas malheureusement
été le cas. Aussi, la lecture des textes laisse apparaître
de profondes ambiguïtés, sources de friction entre le Directeur du
Fonds et la Commission, amenant inéluctablement les deux hauts
fonctionnaires de la communauté à avoir des
interprétations opposées sur leur rôle et fonctions et par
là même sur les intentions des fondateurs de la
communauté.
A s'en tenir à ces textes peu clairs, le Directeur du
fonds apparaît donc comme le personnage le plus important de la
communauté, puisque chef d'une administration détenant le pouvoir
financier de toute la communauté même si le conseil
d'administration en est le possesseur légal. Par les orientations, les
interventions financières qu'il pourrait donner, le Directeur du Fonds
supplantait en quelque sorte le président de la Commission,
maîtresse d'une bureaucratie des idées, des recommandations et des
avis.
Face à cette situation qui risquait de freiner le
développement des activités de la communauté, l'arbitrage
des autorités communautaires était apparu nécessaire.
Ainsi, sur proposition du Nigeria un compromis a été
trouvé. La déclaration officielle d'interprétation du
traité et des protocoles relative à la structure, aux relations
hiérarchiques et aux modes d'opération des organes
exécutifs de la communauté a mis fin à ces
difficultés. Désormais, le président de la Commission en
sa qualité de fonctionnaire principal de la communauté est
chargé de la coordination et de la supervision globale des questions de
politique générale de la communauté et de toutes les
institutions dans le cadre des décisions et directives de la
conférence et du conseil des ministres. Le Fonds de coopération,
de compensation et de développement n'étant qu'une institution
financière créée dans le cadre des objectifs
assignés à la CEDEAO.
Si cette déclaration met fin à ce
problème de hiérarchie, d'autres problèmes ont surgi et
concernent la désorganisation de la Commission.
En effet, la Commission coiffe en principe les neuf
commissions techniques chargées d'arrêter pour tous les grands
domaines d'action, les principes et les mesures correspondantes. Elles
contrôlent l'application. C'est dans ces neuf commissions que
l'activité concrète de la communauté est
déterminée. Mais, il semble par exemple que les neuf commissions
se sont vu attribuer des tâches qui ne permettent pas une saine gestion,
même aux échelons les plus élevés. Ainsi, la
commission du commerce, des douanes, de l'immigration, des questions
monétaires et des paiements est responsable d'une telle gamme de
questions techniques qu'aucun organe de direction, si compétent soit-il
ne pourrait s'occuper en détail de chaque projet relevant de ses
attributions. La question qui se pose est de savoir pourquoi la Commission en
est arrivé à regrouper les huit secteurs distincts et
soigneusement délimités de la CEDEAO (tels qu'ils sont
définis dans les chapitres 3 à 12 du traité) dans neuf
commissions composites, ce qui ne peut qu'aboutir à un alourdissement
inutile de la bureaucratie et à la confusion comme l'a noté la
commission d'évaluation la commission d'évaluation et de
réflexion, organe indépendant de la communauté
chargé de procéder à une analyse de la CEDEAO à
l'occasion de son dixième anniversaire dans un rapport confidentiel et
non publié destiné à être présenté
à la conférence des chefs d'Etat et de gouvernement en mars 1985.
"L'organisation de la Commission, sur la base de neuf commissions techniques
spécialisées est la preuve d'un énorme manque
d'imagination et ceci a contribué définitivement à
l'échec des efforts déployés.
Ce malentendu, quant aux attributions officielles
découle peut-être de l'inadaptation de la structure
administrative. Par exemple, bien que pour le président de la Commission
adjoint aux affaires économiques, ce soit le département des
affaires économiques et statistiques qui est chargé des
études de faisabilité, les directeurs de la commission des
transports, des télécommunications et de l'énergie et de
la commission du commerce, des douanes, de l'immigration, des questions
monétaires et des paiements prétendent n'avoir jamais reçu
les rapports correspondants et affirment qu'ils font toutes les études
relevant de leur compétence. Ce type de malentendu explique sans aucun
doute, au moins partiellement les nombreux cas relevés par la commission
d'évaluation et de réflexion, de double emploi, ou à
l'inverse d'inaction au sein de la Commission.
Un autre problème concerne l'incapacité pour la
Commission d'intégrer l'assistance technique essentielle fournie par les
tiers. La commission d'évaluation et de réflexion pour terminer
fait mention de rapports de décisions exécutées en
dépit du bon sens, d'incurie à divers échelons
administratifs, de projets ne cadrant pas avec les réalités
socio-économiques de la région et d'un manque d'imagination
général. Elle résume d'ailleurs son opinion sur la
Commission en ces termes : "L'absence de planification ainsi que
l'inorganisation totale de la Commission complique tout en conclusion actuelle
de la Commission de la CEDEAO, on peut affirmer qu'aucune efficacité ne
peut être atteinte, car la confusion est totale entre les fonctions
administratives et les actions de développement. En conséquence,
toute la Commission est à restructurer."
Comme l'a vivement souhaité la commission
d'évaluation et de réflexion, une restructuration de la
Commission de la CEDEAO doit s'opérer par l'adoption de mesures visant
à rationaliser les structures et les méthodes de travail au sein
de la Commission. Cette rationalisation permettra surtout de clarifier les
compétences et les tâches dans différentes structures et
services. C'est grâce à cette condition que la Commission pourra
surmonter les épreuves qui entravent jusqu'ici son action.
Seulement, les conclusions de cette commission n'ont pas
reçu l'attention prioritaire qu'elles méritaient. En effet, suite
aux remarques de la commission, il a régné jusqu'à
présent un certain immobilisme. Car, cette question fondamentale n'a
jamais fait l'objet d'un examen de la part de la Conférence des chefs
d'Etat et de gouvernement et on ne peut que le regretter. K. KOUASSI
émettait déjà des doutes sur le sort qui devait être
réservé aux conclusions de la commission compte-tenu des
difficultés qu'entraîne toute réforme profonde d'une vaste
organisation comme la CEDEAO. Il est plus méritoire à notre avis
d'échouer que de n'avoir rien entrepris dans ce sens.
L'analyse des structures institutionnelles nous a permis de
relever certaines insuffisances et par la même occasion de
suggérer quelques solutions. Mais, nous ne prétendons pas avoir
cerné toutes les difficultés car, elles ne sont pas
limitatives.
Il importe à présent de procéder à
l'étude des moyens techniques pour voir dans quelles mesures ils
garantissent la réalisation des objectifs de la Commission de la CEDEAO
dans la voie de l'intégration.
6.4.2. Les difficultés financières de la
Commission
Des investigations faites auprès de certaines
organisations africaines donnent un tableau inquiétant sur le plan
financier. Les Etats africains paient mal leurs contributions aux organisations
qu'ils ont eux-mêmes créées. Les arriérés
s'accumulent, menaçant certaines d'asphyxie. Les organisations
inter-africaines, qui présentent une santé relativement bonne
fonctionnent avec des fonds extra-africains.
Les principales lignes des arriérés des pays
membres de la Commission de la CEDEAO, à savoir : la
première et la deuxième tranches du capital, le fonds
spécial télécom, la construction de ses deux
sièges : Abuja (Nigeria) et à Lomé (Togo)
atteignaient au 28 février 1990, la somme de 11,5 milliards de francs
CFA. Les contributions des Etats au budget de la Commission ne revêtent
pas un meilleur recouvrement. La santé financière d des ce cette
vaste communauté comme on le constate est mauvaise. Les
conséquences de ces mauvaises rentrées des cotisations, c'est
qu'elles pèsent lourdement sur le fonctionnement des instruments de
l'intégration.
La plupart des Etats membres accusent des
arriérés importants au titre de leurs contributions
financières aux budgets et fonds des institutions de la
communauté. En ce qui concerne le budget du Secrétariat
exécutif, cinq pays seulement, à savoir le Bénin, le
Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, le Mali et le Nigeria sont à jour
de leurs contributions financières auprès du Secrétariat
exécutif. Les arriérés s'élèvent à la
date du 30 septembre 2000, à la somme de 35,2 millions de dollars
répartis comme suit:
- Liberia: 20 ans d'arriérés (11,5 millions $
US)
- La Mauritanie avant son retrait: 16 ans
d'arriérés (6,4 millions $ US)
- Gambie: 11 ans d'arriérés (2,9 millions $
US)
- Sierra-Léone: 11 ans (3,7 millions $ US)
- Cap Vert: 10 ans d'arriérés (2,5 millions $
US)
- Guinée-Bissau: 10 ans d'arriérés (2,8
millions $ US)
- Niger: 6 ans d'arriérés (2,1 millions $ US)
- Guinée: 5 ans d'arriérés (2,06 millions
$ US)
- Sénégal: 3 ans d'arriérés (1, 29
millions $ US)
- Ghana: 2 ans d'arriérés (1,97 $ US).
Le prélèvement communautaire qui est
entré en vigueur depuis le 1er janvier 2000 et qui était
censé résoudre le problème du paiement irrégulier
des contributions n'a pas permis d'atteindre les résultats
escomptés. Certains Etats membres qui appliquent le
prélèvement ne reversent pas les montants collectés au
Secrétariat exécutif pour éponger leurs
arriérés. Une telle attitude est de nature à compromettre
la crédibilité de l'organisation. Les Etats membres qui
appliquent les dispositions du protocole de façon satisfaisante sont le
Sénégal, le Togo, le Niger. Il faut signaler que jusqu'à
maintenant les comptes bancaires censés recevoir les produits du
prélèvement communautaire n'ont pas été ouverts au
Cap Vert, en Guinée-Bissau, au Liberia et en
Sierra-Léone23.
Les pressions pour obtenir des Etats le paiement de leurs
cotisations existent. De façon classique, la veille des conseils des
ministres des organisations est le moment où les Etats paient le plus
leurs parts. Les déplacements des présidents rn exercice des
conseils des ministres sont une autre occasion de ramener quelques
chèques. A la CEDEAO, des mesures de rétorsion ont
été préconisées qui ne sont pas encore
utilisées : refus de financer des projets, retrait du droit
à la parole, licenciement du personnel originaire des pays non à
jour, et refus de leurs candidats pour les postes ultérieurs.
Références
1 Journal Officiel de la CEDEAO, Traité
de la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO)
du 28 mai 1975, Lagos, Nigeria.
2 Leymarie Philippe, L'ouest-africain
rongé par ses abcès régionaux, le Monde Diplomatique,
janvier 1996, p. 26.
3 Panapress, 30ème
sommet ordinaire de la CEDEAO, Abuja 14-16 juin 2006.
4 Rapport du Secrétariat de la
CEDEAO, 1999-2000.
5 Rencontre de la Troïka
(CEDEAO-UEMOA-UE), Niamey 6-7 octobre 2006.
6 cf. Marchés Tropicaux et
Méditerranéens du 8 juin 1979. Voir également
Géopolitique Africaine, juin 1986, p. 142. Cette période
transitoire se répartira de la manière suivante:
1- période de démarrage 1979-1981;
période qui s'est d'ailleurs prolongée Jusqu'en 1987;
2- période d'harmonisation 1982-1989.
3- période finale 1990-1994.
7 Il a été reproché au
Secrétariat Exécutif d'avoir accordé trop d'importance aux
problèmes politiques au détriment des dossiers
économiques. cf. Marchés Tropicaux et
Méditerranéens, no 2382 du 5 juillet 1991, p. 1746.
8
Marchés Tropicaux et Méditerranéens, no
2391 du 6 septembre 1991, p. 2156.
9 Jeune Afrique Economie, no 146,
août 1991, p. 88.
10 Il existe actuellement une zone
monétaire ouest-africaine (UEMOA) composée de huit Etats, tous
membres de la CEDEAO: ils ont le Franc CFA, une monnaie convertible. Ce n'est
pas le cas pour les autres membres. cf. supra, nos développements sur la
coopération monétaire.
11 Marchés Tropicaux et
Méditerranéens, no 2391 du 6 septembre 1991, p.2156.
12 Marchés Tropicaux et
Méditerranéens, no 2391, septembre 1991, op. Cit., p.
2156.
13 A ce jour, le nouveau Président en
exercice de la CEDEAO, Son Excellence le Président Abdou DIOUF du
Sénégal, disait que la CEDEAO a fait un peu de surplace. Il a
précisé notamment que sur les seize Etats membres de la CEDEAO,
il n'y avait que trois Etats qui appliquaient le schéma de
libéralisation des échanges. Ce sont le Ghana, le Nigeria et le
Sénégal. Il y en avait huit au départ et le nombre s'est
réduit par la suite comme peau de chagrin. In JAE, no 146, août
1991, p. 87.
14 cf. communiqué final de la
conférence des chefs d'Etat et de Gouvernement, Abuja, 4-6 juillet
1991.
15 MTM, no 2391 du 6 septembre 1991, p. 2156.
Voir également JA du 6 juillet 1988, p. 31.
16 Jeune Afrique du 6 juillet 1988, p.
31.
17 Marchés Tropicaux et
Méditerranéens, no 1526 du 1er juin 1990, p. 1526.
18 MTM, no 2391, op. Cit.
19 Cet article stipule: "Nonobstant les
dispositions de l'article 3, les Etats membres se réservent le droit de
refuser l'entrée sur leurs territoires à tout citoyen de la
communauté entrant dans la catégorie des immigrants inadmissibles
aux termes de leurs lois et règlements en vigueur".
20 Deux vagues d'expulsions massives ont
été décidées par le Nigeria en janvier 1983 et
avril 1985. Le ministre de l'intérieur de l'époque, le
Général MAGORO, avait justifié la seconde décision
qui a touché 700.000 ressortissants d'Afrique de l'Ouest et Centrale
(350.000 Ghanéens, 100.000 Nigériens, 50.000 Béninois,
20.000 Burkinabés, 10.000 Togolais, etc.) par le fait que le Nigeria "ne
pouvait plus tolérer que les étrangers continuent de violer ses
lois". In Jeune Afrique du 15 mai 1985, no 1271.
21 Regard critique de la CNUCED sur le bilan de
la CEDEAO.in Marchés Tropicaux et Méditerranéens, no 2391
du 6 septembre 1991, p. 2156.
22 Consciente de la situation, la
dernière conférence des chefs d'Etat et de Gouvernement a
instamment invité les Etats membres à accorder la priorité
absolue à l'intégration sous-régionale, et à
prendre les dispositions administratives et législatives
nécessaires pour assurer l'entrée en vigueur effective des actes
et décisions de la communauté au niveau national. Il a
été convenu que chaque Etat membre fasse au prochain sommet,
rapport sur le niveau d'application des actes et décisions. cf.
communiqué final de la conférence des chefs d'Etat et de
Gouvernement, Abuja, 4-6 juillet 1991.
23 Rapport annuel du Secrétariat de la
CEDEAO, Abuja, 2000.
TROISIEME PARTIE
L'INTEGRATION POLITIQUE
CHAPITRE III
1. Les réalisations et problèmes
politiques de la CEDEAO
a) Le rôle de la société civile
dans l'intégration ouest-africaine
Perçue comme un nouvel acteur collectif capable de
servir de rampe pour la participation populaire en face d'Etats africains ayant
tout accaparé et régenté, la société civile
en Afrique de l'Ouest est ici analysée dans différentes
fonctions. D'abord, la régulation des pouvoirs publics et la
défense / protection des groupes défavorisés qui sont
mises en oeuvre par ses différents segments. Ensuite, d'autres
composantes de la société civile participent au processus de
démocratisation par l'élargissement de l'espace public. De
même, la société civile peut s'inscrire dans une approche
pro-active qui se matérialise par les espaces de
créativité à travers lesquels certains acteurs sociaux se
forgent une perspective d'éducation au développement et
d'entraînement à une citoyenneté assumée. En
s'impliquant aussi dans la fonction de médiation sociale et politique,
la société civile participe à la gestion des risques.
L'usage de la notion de société civile va de pair avec
l'établissement de leviers de contrôle des mécanismes de
gouvernance en Afrique Occidentale.
La nécessité d'intégration des
sociétés civiles dans les processus d'intégration
économique et surtout la résolution des conflits en Afrique de
l'Ouest s'illustre dans un discours d'exhortation qui tire son sens des
changements survenant dans la nature des conflits de cette sous-région
en particulier et en Afrique en général. Cette nouvelle
orientation discursive influence également le rituel protocolaire des
grandes conférences diplomatiques sous-régionales sur les
questions de paix et de sécurité.
Jusqu'à un passé récent, les grandes
conférences des Etats de la CEDEAO, surtout lorsqu'elles étaient
consacrées aux questions de paix et de sécurité, se
déroulaient traditionnellement à huis clos entre «
autorités (politiques) compétentes ». Aujourd'hui, on note
un net changement par rapport aux rituels protocolaires d'antan : le choix des
délégués, la définition des ordres du jour, la
sélection des orateurs et des communications se font, sinon en
consultation avec la société civile, du moins en tenant compte de
certaines de ses aspirations. De cette manière, non seulement les «
citoyens ordinaires », à travers les organisations non
gouvernementales (ONG) ou les communautés, sont de plus en plus
physiquement visibles dans ces forums, mais, en outre, ces femmes et ces hommes
sans mandat et sans ambition politique (immédiate) ont l'occasion de
faire entendre leur voix au plus haut niveau, avec l'accord et sous l'oeil
vraisemblablement bienveillant de leurs décideurs politiques. Un acteur
de la société civile reconnaît que « voir
côte à côte la société civile et les
gouvernants dans la même salle de réunion discuter des questions
telles que la paix ou la sécurité » constitue un «
symbole fort » qui dénote de la « volonté de
réalisme » des dirigeants ouest-africains. S'exprimant sur
l'Afrique de l'Ouest, le Président Olusegun Obasanjo du Nigeria, dans sa
préface à une publication récente des Nations Unies,
déplore le fait qu'en un quart de siècle d'existence de la
CEDEAO, « aussi bien l'intégration économique que la
coopération pour la paix et la sécurité » ont
été « laissées aux seules mains des gouvernements
», tandis que « très peu a été fait
pour intégrer dans le processus le secteur privé et la
société civile ». Reconnaissant que les « populations
ont été laissées à l'écart », il
déclare qu'il est temps pour la CEDEAO de changer de politique et de
passer du paradigme de la sécurité nationale, globalement entendu
comme sécurité de l'Etat, à un nouveau paradigme, mettant
« l'accent à la fois sur le développement et la
sécurité centrés sur l'humain ». Dans le même
registre, le Protocole relatif au mécanisme de prévention, de
gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la
sécurité, signé le 10 décembre 1999 à
Lomé (Togo) par les Etats Membres de la CEDEAO, assigne également
un rôle clé à la société civile dans la
gestion des conflits, notamment à travers le Conseil des sages,
composé, entre autres, de « personnalités éminentes
provenant de diverses couches sociales, y compris les femmes... les chefs
traditionnels et religieux ». Par ailleurs, une brochure vantant les
vertus de la lutte contre la prolifération des armes
légères en Afrique de l'Ouest dans le cadre des ambitions de ce
mécanisme, explique que « les organisations de la
société civile ont pour rôle, dans la lutte contre la
prolifération des armes légères, de s'assurer que la
société civile est informée des décisions prises
par les gouvernements... Elles sont regroupées en coalitions et
réseaux qui leur permettent d'assurer une bonne mobilisation des
populations, leur sensibilisation et leur éducation dans la culture de
la paix ».
La société civile en Afrique de l'Ouest est
devenue une force avec laquelle la CEDEAO peut et doit compter dans le
rétablissement et la consolidation de la paix en Afrique de l'Ouest.
Cependant, la question de sa définition (effleurée au
début de cette analyse) continue de poser, de manière implicite,
celle de l'étendue de sa compétence et de la nature de sa
légitimité. Lorsqu'on tente d'y répondre, l'on se rend
compte que nombre d'acteurs de la société civile ouest-africaine
(comme bien d'autres ailleurs dans le monde) souffrent d'un pernicieux complexe
de supériorité qui, à terme, pourrait porter
préjudice au nécessaire rapport de collaboration à
entretenir avec les autorités politiques et les institutions
multilatérales dans la sphère de la résolution des
conflits.
b) Le poids du Nigeria et sa domination dans la
CEDEAO
Considérée comme le "géant de
l'Afrique" ou le plus puissant Etat noir du monde, la
Fédération nigériane s'impose par sa superficie de 923.768
km2 avec une population estimée à 130 millions
d'habitants1. Le Nigeria, de par sa population, compte
pour plus de la moitié de l'ensemble de la CEDEAO. Il compte un quart de
la population totale africaine; un africain sur quatre est
nigérian2. Cette particularité la constitue en l'un
des rares marchés rentables du continent, contrairement aux petits pays
issus de la balkanisation des anciens empires coloniaux.
Ainsi, en plus des richesses naturelles qu'il recèle
(en l'occurrence le pétrole qui lui fournit la plus grande partie de ses
recettes d'exportation: 90%)3, et de ses capacités de
formation des hommes au plus haut niveau (nombreuses universités et
établissements supérieurs), et enfin, son influence en Afrique et
dans le monde, l'Etat nigérian surpasse de très loin n'importe
quel Etat d'Afrique Occidentale et même l'ensemble des Etats
réunis de la CEDEAO.
La puissance économique du Nigeria s'est
affirmée surtout dans les années soixante. Le Nigeria supplantait
ainsi le Ghana tombé dans une décadence politique et
économique, après avoir été le plus riche et le
plus développé du groupe anglophone. En 1966, par exemple, le
Nigeria produisait 1.755.000 tonnes d'arachides tandis que le
Sénégal en produisait 861.000 seulement. 270.000 tonnes de cacao
contre 118.000 tonnes pour la Côte d'Ivoire. 70.000 tonnes de caoutchouc
pour le Nigeria et 5.500 tonnes pour la Côte d'Ivoire. La production
pétrolière du Nigeria passait de 252.000 tonnes en 1958 à
115.000.000 tonnes en 19794. En 1981, il figurait parmi les sept
premiers pays exportateurs de pétrole. Il était alors le second
fournisseur en or noir des Etats-Unis et le cinquième de la France.
Toutes ces potentialités expliquent le fait que malgré la guerre
civile de Biafra (1967-1970) qui l'avait déchiré, le Nigeria
était apparu comme la première puissance économique de la
sous-région ouest-africaine.
L'influence politique du Nigeria explique d'une certaine
façon les réserves émises par le Bénin et le Togo
lors de la création de la CEAO et le rôle actif joué par le
Togo avec le Nigeria dans la création de la CEDEAO en 1975. Cette
influence est loin de se limiter à ses voisins immédiats. Ainsi,
comme le remarquait en 1977 l'Ambassadeur des Etats-Unis à
l'ONU5,"il ne peut avoir de solution aux problèmes de
l'Afrique sans le concours direct du Nigeria"; interventions et
médiations nigérianes sont devenues fréquentes dans les
affaires du continent s'ajoutant à l'aide bilatérale et
multilatérale qu'il apporte à de nombreux Etats de la
région. Il a proposé sa médiation dans plusieurs conflits
africains (Shaba, Tanzanie, Ouganda, Somalie, Tchad, Ethiopie et
récemment au Soudan).
Sur le plan économique, cette influence s'est traduite
par des participations directes à des projets économiques des
pays de la sous-région. Par exemple, les investissements dans l'uranium
du Niger, dans le fer guinéen, la production du ciment au Togo, le sucre
du Bénin, etc.
Cette prospérité économique a permis
également au gouvernement nigérian d'opérer d'importants
investissements et d'élaborer un vaste plan destiné à
rendre le pays auto-suffisant en cinq ans (révolution Verte). Il s'est
en outre lancé dans un projet sidérurgique (Ajaokuta Company
Steel) ambitieux et d'un plan nucléaire. Par ailleurs, l'Etat a
réalisé en 1997, la "Nigerianization" à 100%, 60%
ou 40% des entreprises étrangères et contrôlait ainsi en
grande partie son industrie. Il a créé une société
pétrolière qui lui assure une certaine indépendance
vis-à-vis des compagnies et nationalisé divers
intérêts étrangers6.
Le revers de cette politique est de soumettre la
fédération aux aléas du marché pétrolier
comme la crise actuelle le démontre. L'économie nigériane
devint chancelante à partir de 1981, année à laquelle la
production pétrolière commença à baisser. Cette
baisse a été notable.
Les revenus pétroliers qui représentaient 90%
des recettes d'exportations sont tombés de 26 milliards de dollars en
1980 à 9 milliards de dollars en 19897 et ne devait pas
excéder 7,5 millions de dollars en 19908.
Par ailleurs, en dépit des plans de
développement agricole, l'agriculture a été
négligée. Le Nigeria importe de plus en plus ses produits
vivriers principalement des Etats-Unis et une quantité croissante de
biens d'équipement et de consommation coûteux en devises.
La combinaison de ces facteurs a entraîné le
Nigeria à réviser tous ses projets à la baisse, notamment
dans le secteur industriel et social, et celui des opérations de
prestige. D'autre part, le revenu par tête a connu une chute
vertigineuse. De 1090 dollars en 1981, il est tombé à 750 dollars
en 19899. Ce qui rétrograde ce géant au rang des pays
les moins avancés (PMA).
Est-ce l'annonce de l'écroulement du géant comme
bien des observateurs l'affirment? Il serait peut-être erroné de
croire que les problèmes économiques et financiers du Nigeria
pourraient, à terme, diminuer son influence dans la sous-région
pour les raisons suivantes: d'abord, c'est fort de sa position dominante que le
Nigeria s'est permis d'expulser en toute impunité par deux fois, en 1982
et en 1984, les ressortissants ouest-africains en violation flagrante des
clauses du traité instituant la CEDEAO. Si ces cas d'expulsions ont
terni l'image, ils n'ont provoqué dans la sous-région aucune
réprobation franche, ni suscité des attitudes de
fermeté.
A en croire certains observateurs, la production de
pétrole brut a augmenté aujourd'hui (plus de deux millions de
barils/jour) en application de la décision de l'OPEP de stabiliser les
prix à la suite de l'embargo contre l'Irak et l'actuelle crise du
Moyen-Orient. La production agricole a également augmenté au
cours de dix ans en partie grâce à la météorologie.
Au cours des dix dernières années, l'économie
nigériane a connu un taux de croissance de 5% par an.
Ensuite, le rôle prépondérant joué
par le Nigeria récemment dans les guerres du Liberia, de la
Sierra-Léone, de la Guinée-Bissau, de la Côte d'Ivoire et
au Soudan en envoyant massivement ses soldats pour la constitution d'une force
d'interposition de la CEDEAO (ECOMOG) ainsi qu'à celle de l'Union
Africaine au Soudan en sont les preuves que même avec les
problèmes économiques actuels, il faut encore compter avec le
Nigeria non seulement dans la sous-région, mais aussi sur
l'échiquier africain10. Concernant la CEDEAO, le Nigeria
représente à plus de 60% de l'économie de la
sous-région et participe à 70% au budget de l'organisation, mais
aussi couvre les paiements des arriérés accumulés par les
autres Etats membres pour le bon déroulement du processus
d'intégration.
Ces considérables atouts permettront au Nigeria
d'exercer son influence dans la sous-région sur le plan politique et
économique.
c) La rivalité entre Anglophones et
Francophones
Il faut insister sur ce que les Etats francophones de la
CEDEAO redoutent, sans se l'avouer, l'hégémonie du géant
Nigeria au sein de cette organisation. Au moment où la France tente de
se désengager de l'Afrique, de nombreux Etats redoutent à tort
l'irruption d'un Nigeria puissant jugé plus dangereux pour leur
autonomie. Dans la sous-région, le Sénégal et la
Côte d'Ivoire ne cachent pas leur inquiétude devant la
prétention hégémonique du Nigeria. De son
côté, ce dernier supporte mal l'attachement des Etats africains
francophones à la France. La prétention de la France à se
poser en puissance africaine est un véritable défi pour le
Nigeria. C'est pourquoi, une des constantes de la politique
étrangère nigériane réside dans sa volonté
ferme d'écarter Paris du sous-continent. Cette position s'est
fondée sur l'antagonisme anglo-français de l'ère
coloniale. Quant à la France, elle considère le Nigeria comme un
concurrent commercial par rapport à la position de ses anciennes
colonies. L'attitude de la France par rapport au Nigeria s'explique par son
souci d'empêcher le Nigeria considéré comme
inféodé à l'Angleterre, qui contrôle à la
fois la CEDEAO et l'ECOMOG, de prendre le leadership dans son
précarré francophone. Cela s'explique dans la sous-région
par le retrait du contingent sénégalais en 1990 de l'ECOMOG et
l'indifférence, exception faite de la Guinée, des autres pays
francophones au conflit libérien. A cela viennent s'ajouter les
différences d'idéologie, de structures politiques et
d'économies héritées de la colonisation.
Il y a une rivalité entre les Anglophones et les
Francophones surtout lors des opérations de maintien de la paix. En
effet, les chefs d'Etat de l'organisation sous régionale n'ont jamais
accordé leurs violons aussi bien dans la gestion de la crise
libérienne qui a éclaté à la frontière
ivoiro-libérienne en décembre 1990, que dans celle qui met
à mal la légendaire stabilité ivoirienne.
Houphouët-Boigny avait apporté son soutien au rebelle Charles
Taylor à la tête d'une horde de mercenaires étrangers,
principalement des Burkinabé, pour combattre le président Samuel
Doe qui avait perpétré le coup d'Etat sanglant d'octobre 1980.
Certes, Houphouët-Boigny avait marqué un intérêt pour
la résolution du conflit libérien. L'accord dit de Yamoussoukro 4
avait permis aux protagonistes de signer des accords qui n'avaient jamais
abouti. Malgré la volonté du Ghana et du Nigeria qui avaient, en
partie monté la force ouest-africaine d'intervention baptisée
ECOMOG en vue d'intervenir au Liberia pour empêcher une guerre civile
meurtrière, Houphouët-Boigny s'était opposé à
l'utilisation de l'aéroport de Man, dans l'ouest ivoirien, non loin de
la ville de Danané. Le premier président ivoirien voulait sans
doute éviter que la présence d'une force dans la région ne
coupe l'herbe sous les pieds de Taylor, dont la progression avait jeté
des milliers de Libériens sur le chemin de l'exil. Sur le dossier
libérien, les chefs d'Etat de la sous région n'ont pu saisir
l'occasion pour parler d'une seule voix. Avec l'installation de Charles Taylor
à la tête du Liberia, à la suite d'une élection
présidentielle sous la supervision de l'ONU, la guerre s'est
déplacée en Sierra-Léone, un pays voisin du Liberia,
victime du trafic de diamants et de l'anarchie qui ont prévalu
après la première guerre dans ce pays. La connexion de Taylor
avec le Burkina Faso de Blaise Compaoré était une menace pour la
paix et la stabilité de l'Afrique de l'Ouest. Tout le monde est
convaincu de l'intérêt que revêtent les crises armées
pour les vendeurs d'armes. La guerre du Liberia apparaît dès lors
comme la boîte de pandore. La révolte des Touaregs dans le nord du
Mali et du Niger, dans les années 1990, n'était que la
conséquence de la prolifération des armes. En
réalité, la CEDEAO n'a pu asseoir une politique de
sécurité régionale qui mette les pays à l'abri des
bandes armées reconverties en politiciens à certains endroits,
où les professionnels ont échoué. A cet effet, il faut
souligner les rivalités entre le Nigeria et la Côte d'Ivoire. Le
premier, anglophone, puissance démographique, pays exportateur de
pétrole, longtemps sous des régimes militaires et instable, n'a
jamais accepté l'hégémonie ivoirienne basée sur ses
productions agricoles de cacao et de café et surtout sur sa relative
stabilité sous Houphouët-Boigny. La guerre civile au Nigeria des
années 1970, avait déjà révélé
l'appui d'Houphouët-Boigny aux sécessionnistes du Biafra. Abidjan
s'était allié à Paris, dont les ambitions pour le
contrôle du pétrole du Nigeria ne faisaient l'ombre d'aucun doute.
C'est ainsi que l'école de maintien de la paix de la CEDEAO de Zambakro
en Côte d'Ivoire a été créée afin
d'atténuer à ces différences de langues (la
difficulté de communication).
Il y avait aussi l'existence de la CEAO, plus ancienne que la
CEDEAO puisque créée en 1973, qui regroupait les pays
francophones et poursuivait les mêmes objectifs que la CEDEAO à
savoir, l'intégration des économies des pays de la
sous-région. La crainte qu'inspire la puissance
hégémonique du puissant voisin, le Nigeria, la CEAO avait vu le
jour dont les initiateurs étaient les présidents Félix
Houphouët-Boigny et Léopold Sedar Senghor avec la caution de la
France. A propos de cette influence économique sans cesse grandissante,
le Président Félix Houphouët-Boigny devait reconnaître
"qu'il est peu de dire que dans le cadre des nouvelles données de la
géopolitique mondiale et des équilibres récents qui en
résultent, le fait nigérian est l'un des phénomènes
socio-économiques les plus incontestés et les plus prometteurs de
notre époque." Au sujet des facteurs de production du Nigeria, il
devait poursuivre en ces termes: "population, richesse financière et
richesse minérale, tout concourt à donner à ce pays la
dimension et les espérances de l'un de ces nouveaux géants du
monde qui, de l'Amérique Latine aux rives du Golfe Persique et de
l'extrême Asie sont en train de naître ou de se confirmer,
dérangeant parfois, rassurant plus souvent, fascinant toujours,
modérant en tout cas l'univers de demain, un univers qui n'en finit de
nous déconcerter." S'agissant des indicateurs de croissance qui
confirment ce constat, le président ivoirien devait conclure; "qu'il
s'agisse de production, du produit intérieur brut de commerce
extérieur ou de budget, chiffres et courbes sont là pour traduire
la prodigieuse ascension de son économie au point que les observateurs
éprouvent parfois quelque peine à plier leur analyse à des
mutations aussi soudaines et aussi amples qui ne se résument pas comme
certains voudraient s'en convaincre à la remarquable progression de ses
exploitations pétrolières." En réalité,
l'existence de la CEAO est de faire face au "géant" Nigeria en
constituant un bloc homogène d'Etats francophones capables d'accorder
leurs politiques extérieures et de parler d'une seule voix et même
voix sur la scène internationale, singulièrement africaine.
Ainsi, les dimensions du Nigeria, ses richesses, ses potentialités, son
messianisme inquiètent les petits Etats qu'il souhaiterait
séduire, d'où la méfiance massive du bloc francophone
africain qui se trouve l'encercler. On assistait dès alors à un
chevauchement des deux organisations; la CEAO, par souci de réalisme fut
dissoute en 199411.
La multiplicité des organisations
intergouvernementales en Afrique de l'Ouest
La complexité des raisons qui ont inspiré la
création des organisations intergouvernementales dans la
sous-région s'est traduite par une prolifération d'organisations
à composition diverse ou ayant les mêmes membres, ou certains
appartenant à de nombreuses organisations.
Ainsi, le chevauchement dans la composition et les objectifs
de ces nombreuses organisations, le fait qu'elles aient été
créées à différentes époques et l'absence de
politique ou de mécanisme d'ensemble destinés à harmoniser
et à coordonner leurs activités, les empêchent de se
renforcer mutuellement ou de promouvoir le processus de développement et
d'intégration économique en Afrique de l'Ouest. Voir tableau
ci-après.
Toutes ces organisations existent encore et
l'inconvénient majeur de la coexistence de ces différentes
organisations intergouvernementales, c'est que les organismes techniques
entreprennent des projets qui intéressent également les
communautés économiques et les organismes de
développement. Il en est même des organisations de
développement par rapport aux communautés économiques,
ainsi que les deux communautés par rapport à elles-mêmes
comme le démontre le tableau suivant.
Une telle situation, comme le démontre le tableau, ne
peut qu'entraîner des phénomènes de double emploi et un
gaspillage des ressources humaines et surtout financières
déjà insuffisantes.
2. Les conflits en Afrique de l'Ouest et leur
résolution
L'Afrique de l'Ouest n'a pas connu de guerres
interétatiques d'une réelle gravité et, pourtant,
l'insécurité n'y constitue pas un phénomène
nouveau. Un certain nombre d'événements graves ont
révélé les troubles potentiels qui menacent cette partie
du continent: l'expulsion brutale par le Nigeria de près d'un million
d'immigrés, les révoltes islamiques au Nord du Nigeria, la
résistance des Diola au Sénégal contre l'arrivée en
Casamance de paysans Wolofs fuyant la sécheresse, les deux conflits
frontaliers de 1975 et 1985 entre le Mali et le Burkina Faso, la révolte
touarègue au Mali et au Niger dans les années 90. Les
frontières du Sénégal et de la Mauritanie ont connu des
heurts meurtriers dans les années 80 et, malgré la volonté
politique de les endiguer, les motifs de guerre sont loin d'être tous
réglés. Citons encore les conflits frontaliers entre le Cameroun
et le Nigeria à propos de l'île de Bakassi qui vient d'être
réglée en 2006, la Guinée-Bissau et le
Sénégal, les effets récents de la dévaluation du
franc CFA et enfin les récents conflits au Liberia, en
Sierra-Léone, en Guinée-Bissau et en Côte d'Ivoire qui ont
provoqué des milliers de centaines de morts et de réfugiés
dans les Etats voisins et qui feront l'objet de notre étude. Pour ces
derniers, il s'agit en général de guerres civiles qui opposent
des milices, des fronts. Toutes ces crises ont pour cause une lutte fratricide
pour le pouvoir et le contrôle des richesses minières comme au
Liberia ou en Sierra-Léone. L'Afrique de l'Ouest se trouve ainsi
plongée dans une instabilité croissante, d'autant plus que ces
crises sont complexes et freinent tout espoir de développement
(économique et politique) et dans leurs pays respectifs et dans la
sous-région ouest-africaine.
La CEDEAO s'est très tôt préoccupée
de la paix et la sécurité régionale, facteur indispensable
au développement socio-économique des Etats membres. C'est ainsi
que la Conférence des chefs d'Etat et de Gouvernement a adopté un
protocole de non agression en 1978, un Protocole d'assistance en matière
de défense en 1981 et une Déclaration des principes politiques en
juillet 1991. Cette déclaration qui est un plaidoyer pour les principes
démocratiques dans la sous-région condamne sans équivoque
toute prise de pouvoir par les armes. En outre, il faut signaler la
création par la Conférence des chefs d'Etat et de Gouvernement en
1990 d'un groupe de suivi de cessez-le-feu de la CEDEAO dénommé
ECOMOG. Cette force d'interposition a eu à intervenir au Liberia, en
Sierra-Léone, en Guinée-Bissau et récemment en Côte
d'Ivoire.
2.1. Le Conflit libérien
Le conflit du Liberia a pour origine profonde l'histoire
complexe des relations entre la communauté des descendants des colons
(américano-libériens) et la communauté autochtone
(Natives), notamment le faible taux d'alphabétisation de cette
dernière, la pauvreté massive qui existe dans les régions
rurales et le sentiment que les fruits du labeur national vont essentiellement
à la population de Monrovia. Les origines immédiates de la guerre
peuvent être attribuées à l'effondrement de l'ordre public
et de l'autorité civile, qui a suivi le renversement en 1990 du
régime dirigé par le président Samuel Doe. La guerre
civile a fait beaucoup de victimes et causé des déplacements
importants de population, tant à l'intérieur du pays que vers les
pays limitrophes. On estime à 150.000 le nombre de victimes civiles et
militaires et de 600.000 à 700.000 le nombre de réfugiés
libériens, principalement en Côte d'Ivoire, en Guinée et en
Sierra-Léone.
Les combats qui faisaient rage au Liberia ont suscité
d'intenses efforts diplomatiques en Afrique de l'Ouest car les
répercussions de la guerre civile libérienne sur les pays
voisins, notamment sur la Sierra-Léone, ont mis en relief la dimension
sous-régionale du conflit. La CEDEAO, préoccupée par cette
situation et conformément aux dispositions du PAM, a mis en place une
force d'interposition appelée «ECOMOG» qui avait pour mission
de créer un cercle de sécurité de 20 km autour de Monrovia
afin d'éviter un bain de sang. Mais l'évolution du conflit a fait
de l'ECOMOG une force d'interposition sans qu'elle y soit
préparée et puisse bénéficier du soutien financier
et matériel de l'ONU. En août 1990, quatre bataillons
d'infanterie, envoyés par moins de la moitié des seize (y compris
la Mauritanie en ce moment) de la CEDEAO, ont débarqué sur les
côtes du Liberia déchiré par la guerre civile.
L'ECOMOG avait reçu des instructions précises,
à savoir: la paix en maintenant séparées les factions
combattantes: les forces armées du Liberia (AFL), le Front national
patriotique du Liberia (NPFL) de Charles Taylor, et la faction dissidente,
l'INPFL, alors commandée par Prince Yormie Johnson. L'accord de
Yamoussoukro IV (Côte d'Ivoire) du 31 octobre 1992 sur le
règlement du conflit libérien12 définit un
programme d'exécution de la force ouest-africaine. Celle-ci a pour
mission de contrôler l'ensemble du territoire libérien et de
superviser le cantonnement et le désarmement de toutes les factions
belligérantes. Pour ce faire, les conditions préliminaires
suivantes avaient été définies. L'ECOMOG jouira de la
liberté de manoeuvre sur toute l'étendue du territoire
libérien. Toutes les parties concernées lui reconnaîtront
une neutralité absolue et lui manifesteront leur confiance. Toutes les
factions belligérantes abandonneront volontairement leurs postes de
combat et se rendront dans les camps désignés à cet effet.
Pendant la période couvrant les opérations de désarmement
et de cantonnement, d'éminentes personnalités de la Mission des
observateurs internationaux des Nations Unies se rendront au Liberia pour
renforcer la confiance des parties. Certains obstacles et d'éventuels
champs de mines devront être neutralisés. Les armes perdues par
inadvertance devront être neutralisées et
récupérées. Tous les points d'entrée au Liberia
seront contrôlés par les troupes de l'ECOMOG. L'ECOMOG se voyait
confier les tâches suivantes:
- Eliminer toute menace extérieure pour permettre la
mise en oeuvre du programme de cantonnement et de désarmement qui devra
être mené à bonne fin.
- Contrôler au moyen de patrouilles et de gardes
permanentes toutes les voies d'accès possibles au Liberia.
- Procéder à des fouilles en collaboration avec
l'administration locale, afin de récupérer les armes
cachées ou perdues.
Les bâtiments stratégiques seront sous la
surveillance de gardes permanentes. La sécurité de toutes les
personnalités sera assurée. Une fois la libre circulation
instaurée, il ne sera pas nécessaire de veiller à la
sécurité des dignitaires locaux.
Il était prévu que le programme militaire de
l'ECOMOG pourrait être achevé dans un délai de 60 jours.
Malgré cette déclaration d'intention, la réalité
sur le terrain s'est révélée bien différente. La
crise libérienne est loin d'être résolue vu les
difficultés d'ordre militaire, politique et financier que soulève
une telle «ingérence» dans les affaires intérieures de
cet Etat. La confiance de tous les belligérants en cette force
ouest-africaine n'a pas été obtenue. Par ailleurs, aucun des pays
de la CEDEAO n'a été en mesure de participer au financement de
l'opération estimé à quelque cinquante millions de
dollars. L'organisation sous-régionale a fait appel à
l'assistance financière de l'ONU et de Washington.
L'ECOMOG, dans sa structure de force multinationale
interarmées avec ses composantes terrestre, aérienne,
aéronavale et amphibie, exige une expérience du commandement des
grandes unités, une cohésion dans l'exercice et une organisation
et des moyens de commandement modernes. Or les armées nationales
ouest-africaines n'ont ni l'expérience ni les capacités
technologiques pour ce type d'intervention. Mais le fait le plus marquant
depuis ce débarquement de 1990 aura été l'évolution
de l'ECOMOG. A l'origine force d'interposition, elle joue dorénavant un
rôle d'intervention. La crise libérienne a prouvé la
fragilité du système de défense communautaire, due
à la jeunesse du système et à l'inexpérience de ses
acteurs. Car si la coopération est institutionnalisée, elle ne
repose sur aucune coordination politique. Cette force d'interposition,
composée essentiellement de troupes nigérianes, a
créé une forte dissension entre les pays de la CEDEAO.
Bien que le PAM précise que la CEDEAO n'a pas pour
vocation d'intervenir dans les affaires intérieures d'un pays, la
CEDEAO, en cette circonstance de guerre civile a estimé que la
sécurité sous-régionale était suffisamment
menacée pour justifier l'intervention. Le Nigeria estimait de son
côté que cette intervention serait l'occasion de créer une
dynamique nouvelle de coopération. Il faudra l'influence des Etats-Unis
pour que le différend s'estompe et que le Comité permanent de
médiation légitime l'intervention de l'ECOMOG le 25 août
1990. Après quatre années de conflit meurtrier au Liberia,
l'institution sous-régionale et l'ONU témoignent d'un
découragement et menacent de se désengager. Le conflit,
déclenché en décembre 1989 et fondé sur des haines
politico-ethniques et religieuses, a déjà fait plus de 150.000
morts. Malgré les accords successifs signés entre les factions
rivales, la situation ne cesse de s'aggraver. Trois nouvelles factions sont
venues s'ajouter aux trois déjà aux prises sur le terrain. Il
existe à l'intérieur même de ces factions des clivages qui
ont dégénéré en affrontements meurtriers. De cette
guerre civile émergent, comme le note Bertrand Badie, «des
sociétés guerrières dans lesquelles la privatisation et la
parcellisation de la violence tendent à s'imposer comme des pratiques
politiques de substitution, quelque peu à l'instar de ce qui alimentait
autrefois et ailleurs les guerres féodales ou les combats entre
seigneurs de la guerre»12.
Toutes les initiatives de l'organisation
sous-régionale, notamment le désarmement des belligérants
et l'organisation d'élections générales sont
restées lettre morte. Le 17 août 1996, les dirigeants de la CEDEAO
se sont de nouveau réunis à Abuja pour fixer un programme de
désarmement et de démobilisation des combattants. La CEDEAO
réussit à ramener la paix dans le pays en 1997 avec
l'élection de Charles Taylor comme président. Durant la
présence de la CEDEAO au Liberia, onze pays de la sous-région
dont le Nigeria en tête participent également à la Force,
ainsi que deux pays (Ouganda, Tanzanie). Leur présence est maintenue
dans le pays pour observer la destruction des armes utilisées par les
différentes factions durant la guerre civile. Les derniers soldats de la
force ouest-africaine quittent le Liberia en octobre 1999, après avoir
contribué au retour à la paix.
Cette opération a été un des jalons dans
la coopération de l'ONU avec une organisation régionale,
puisqu'après l'accord de paix de Cotonou du 25 juillet 1993, c'est
l'ECOMOG qui est chargée de la mise en oeuvre des différentes
étapes du règlement, la MONUL (Mission des Nations Unies au
Liberia), créée le 22 septembre 1993 pour appuyer ses efforts
étant chargée de la vérification et du contrôle. La
MONUL est la première mission de maintien de la paix entreprise par
l'ONU avec une mission de paix déjà mise sur pied par une autre
organisation.
De nouvelles crises au Liberia au cours de 2003 ont
amené la CEDEAO à diriger une deuxième opération
pour le maintien de la paix dans la sous-région. Dans un contexte
d'appels multiples en faveur de son départ du Liberia, le
Président Charles Taylor a signé, le 17 juin 2003, un accord de
cessez-le-feu avec le LURD (mouvement unis des Libériens pour la
réconciliation et la démocratie).
Pour appuyer la mise en oeuvre de l'Accord, le Conseil de
sécurité de l'ONU a autorisé par la résolution
1497, la mise en place d'une force multinationale (ECOMIL) qui, dirigée
par la CEDEAO était chargée de veiller à l'instauration et
au maintien de la sécurité et de préparer la mise en place
d'une force des Nations Unies. L'ECOMIL était composée de 3.563
troupes provenant du Nigeria, du Mali et du Sénégal. Le 19
septembre 2003, la Mission des Nations Unies au Liberia (MINUL) a
été créée et a remplacé l'ECOMIL le 1er
octobre 2003.
Après le départ de Charles Taylor en 2003 au
Nigeria, une transition politique sous contrôle étroit de l'ONU
est organisée. Le 23 novembre 2005, après deux tours, Ellen
Johnson Sirleaf est déclarée vainqueur à l'élection
présidentielle avec 59,4%, contre 40,6% pour George Weah. Ellen Johnson
Sirleaf devient ainsi la première femme élue
démocratiquement présidente d'un pays en Afrique. Elle
prête serment le 16 janvier et entre ainsi officiellement en fonction.
En somme, l'ECOMOG et la MINUL (Mission des Nations Unies au
Liberia) ont oeuvré à y ramener la sécurité et
l'ordre public qui a conduit le pays dans une démocratie sereine suite
aux élections de 2005 qui ont porté Ellen-Sirleaf Johnson
à la présidence. Elles se sont investies dans d'importantes
activités humanitaires visant à atténuer les souffrances
des populations.
2.2. Le Conflit en Sierra-Léone
La Sierra-Léone est une ancienne colonie britannique de
la côte occidentale d'Afrique de l'Ouest. D'une superficie de 72.325 km2,
ce pays est limité par la Guinée au nord et au nord-ouest, le
Liberia au sud-est et l'Océan atlantique à l'ouest (402 km de
côtes). La Sierra-Léone fut le premier pays démocratique de
la sous-région. En 1967, l'opposition dirigée alors par Siaka
Stevens remporte les élections législatives. Mais cette victoire
est aussitôt suivie de plusieurs coups d'Etat militaires visant à
maintenir l'ancien premier ministre au pouvoir. Ce dernier est renversé
et un Conseil de réforme militaire instauré. Le 18 avril 1968, un
troisième coup d'Etat militaire restaure un nouveau gouvernement civil
dirigé par Siaka Stevens. Celui-ci promulgue une nouvelle Constitution
et institue le parti unique. Le 3 octobre 1985, le général Momoh
Joseph, candidat unique, est élu à la présidence de la
République.
Mais dès 1991, une guérilla des maquisards du
Front Révolutionnaire Uni (RUF) dirigé par Foday Sankoh et
soutenu par le chef de guerre libérien Charles Taylor, est lancée
contre le gouvernement en place. Le régime du général
Momoh ne résistera pas cette guérilla et sera renversa par une
junte composée d'une soixante de jeunes militaires mécontents. Un
nouveau Conseil national provisoire de gouvernement (NPRC) est installé.
Malgré ce coup d'Etat, les rebelles continuent leur offensive et se
retrouvent aux portes de la capitale. Ces derniers sèment la terreur
dans les villages en se livrant à des tueries aveugles, des tortures et
exécutions sommaires. A travers tout le pays le crime, les trafics
prolifèrent et l'enrôlement des femmes et des enfants est de
rigueur. C'est ainsi qu'en 1993, plus de 1.000 jeunes de moins de quinze ans
furent recrutés dans l'armée. Ces membres des forces
gouvernementales recrutés à la hâte, mal encadrés et
surtout mal rémunérés, se livrent aussi à des
exactions et des trafics. Dans ce pays où l'Etat n'existe plus, on ne
sait pas qui contrôle qui et quoi. Ce pays a souvent connu l'anarchie et
il est aujourd'hui difficile de faire la différence entre un soldat
régulier et un rebelle. Le Sud, considéré comme le grenier
du pays, est entièrement dévasté, et la zone
diamantifère située à l'est est isolée. Le Conseil
national provisoire de gouvernement, débordé par des soldats des
troupes régulières incontrôlées (il semblerait,
selon des observateurs qui suivent de près ce conflit, que seuls quatre
bataillons de l'armée sur sept seraient fidèles au Conseil
national provisoire de gouvernement), fut longtemps soutenu d'abord par la
Guinée et le Nigeria, puis par des mercenaires gurkhas népalais.
Devant les attaques du RUF contre les ressources minières du pays et la
désorganisation de l'économie qui s'en est suivie, la junte au
pouvoir a fait appel à des mercenaires pour encadrer ses soldats. C'est
ainsi qu'environ 150 mercenaires d'une société privée
sud-africaine (Executive Outcomes)13 assurent l'encadrement des
forces gouvernementales en échange d'une concession diamantifère
à l'est du pays. Mais six semaines avant les élections
législatives et présidentielles fixées au 26
février 1996, un nouveau coup d'Etat a eu lieu mettant fin à un
quelconque espoir de retour des civils à la tête du pays. Ce coup
d'Etat a été fait par Foday Sankoh supporté par Charles
Taylor. Ce conflit, selon les chiffres, a déjà fait plus de deux
millions de réfugiés (sur une population de quatre millions
d'habitants) et quelque 300.000 réfugiés répartis entre la
Guinée (160.000) et le Liberia (140.000).
Suite aux exactions commises par les seigneurs de la guerre,
la CEDEAO a décidé d'élargir le mandat de l'ECOMOG
à la Sierra-Léone, voisine du Liberia. En février 1998,
l'ECOMOG a restauré une légalité constitutionnelle et
réinstallé au pouvoir le gouvernement du président
démocratiquement élu d'Ahmed Tejan Kabbah. Tous les antagonistes
au conflit, à savoir le gouvernement légitime, les rebelles du
RUF et les membres de la junte militaire (AFRC) ont signé à
Lomé en septembre 1999 un protocole d'accord sur le règlement
définitif de la crise sierra-léonaise. L'ECOMOG renforce ses
troupes jusqu'à 15.000 hommes et est chargée de la mise en oeuvre
des termes de l'accord. Le programme de désarmement,
démobilisation et réintégration commence le 20 septembre
1999 avec l'ouverture de centres de collecte d'armes, de centres de
démobilisation et de centres de stockage d'armes. La mise sur pied de
cette opération de maintien de la paix a fait l'objet d'une
coopération entre l'ONU et la CEDEAO et surtout entre l'ONU et le
Nigeria, principal fournisseur de troupes à l'ECOMOG. A la suite
d'appels lancés à la Communauté internationale pour que
celle-ci apporte l'assistance conséquente pour un retour
définitif de la paix, une force d'interposition des Nations Unies
"MINUSIL" a remplacé les forces de l'ECOMOG en
Sierra-Léone et à laquelle quelques 3.500 soldats
nigérians sont intégrés.
2.3. Le Conflit Bissau-guinéen
La CEDEAO a également joué un rôle en
Guinée-Bissau quand en juin 1998, des éléments des forces
armées de la Guinée-Bissau dirigés par l'ancien chef
d'Etat-major, le Général Brigadier Ansumane Mané
(assassiné depuis dans les conditions troubles) sont entrés en
rébellion. Le Président Joao Bernado Vieira a demandé
l'intervention de la Guinée et du Sénégal en vertu
d'accords bilatéraux de défense qui lient son pays et les deux
autres pour réprimer les rebelles. La Conférence des chefs
d'Etats et de Gouvernement de la CEDEAO, sollicitée par les
autorités légitimes de la Guinée-Bissau et
réaffirmant son soutien au gouvernement élu de la
Guinée-Bissau a décidé de ramener la paix et de restaurer
l'autorité du Président Vieira dans tout le pays. Le premier
cessez-le-feu du 26 juillet 1998 a été suivi d'un accord de paix
signé le 1er novembre à Abuja, prévoyant que 600 membres
des forces de l'ECOMOG composés de troupes du Bénin, du Niger et
du Togo surveilleraient le contrôle des élections. Malgré
les nombreux accords de cessez-le-feu signés entre les parties au
conflit en Guinée-Bissau, le gouvernement démocratiquement
élu du Président Vieira a été finalement
renversé par Kumba Yala. La Guinée-Bissau a alors
été menacé d'expulsion de la CEDEAO, aux termes du
Protocole de la CEDEAO sur la bonne gouvernance et la démocratie, et de
la déclaration de l'Union Africaine d'Alger sur les changements
institutionnels.
Tirant les leçons de cet échec, et en vue de
renforcer la paix et la sécurité en Afrique de l'Ouest, le
Secrétariat exécutif de la CEDEAO a initié
l'établissement d'un mécanisme de prévention, de gestion,
de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la
sécurité dans la sous-région.
2.4. Le Conflit en Côte d'Ivoire
Les événements du 19 septembre 2002 ont
marqué un tournant dans l'histoire de la Côte d'Ivoire. En
quelques jours ce pays ouest-africain s'est trouvé divisé en une
partie septentrionale contrôlée par des rebelles et une partie
méridionale restée sous contrôle de l'Etat.
La Côte d'Ivoire connaît une grave crise
politico-militaire depuis la tentative de coup d'Etat opérée par
une rébellion armée, en septembre 2002, qui contrôle
toujours la moitié nord du pays. La France, puis la CEDEAO, ont
envoyé d'importants contingents militaires pour séparer les
belligérants. Cette interposition a permis d'éviter une guerre
civile et de nombreux massacres.
Un accord entre toutes les forces politiques a
été signé à Marcoussis le 24 janvier 2003. Il
prévoyait simultanément le maintien du chef de l'Etat, la mise en
place d'un gouvernement de réconciliation nationale intégrant des
représentants de la rébellion et la mise en oeuvre d'un programme
abordant les principaux sujets de fond à l'origine de la crise
ivoirienne (nationalité, propriété foncière rurale,
éligibilité, identification, restructuration de l'armée,
désarmement de la rébellion). L'objectif en était la tenue
d'élections fin octobre 2005. Le Conseil de Sécurité des
Nations Unies a fait sien cet accord et a mis en place le 4 avril 2004 une
force de maintien de la paix, l'ONUCI (6.240 hommes), qui a pris le relais des
contingents de la CEDEAO, aux côtés de la force Licorne qui reste
sous commandement français (4.000 hommes).
Ce processus de paix, confirmé par l'accord d'Accra III
en juillet 2004, a connu de nombreux blocages imputables aux parties puis un
brutal coup d'arrêt en novembre 2004, lorsque les forces loyalistes ont
rompu le cessez-le-feu en lançant une offensive au cours de laquelle
neuf soldats français ont été tués. L'essentiel de
la communauté française (8.000 personnes) a alors
été victime de nombreuses exactions et a dû être
rapatriée. Suite à ces événements, le Conseil de
Sécurité a créé un embargo sur les armes,
prévu un mécanisme de sanctions individuelles et renforcé
le mandat de l'ONUCI. L'Union Africaine, quant à elle, a confié
mandat au Président Mbeki d'entreprendre une mission de médiation
entre les acteurs ivoiriens. Après deux rencontres à Pretoria
(accord du 6 avril 2005 et réunion du 29 juin 2005), des progrès
ont été enregistrés : le Président Gbagbo a
dû se résoudre à accepter l'éligibilité de
son opposant, Alassane Ouattara, et à légiférer par
ordonnance pour faire adopter les lois de Marcoussis. Cependant, le
démantèlement des milices pro-Gbagbo, le désarmement des
Forces nouvelles et les préparatifs techniques relatifs au processus
électoral n'ont pas été mis en oeuvre, malgré la
nomination d'un Haut Représentant aux Elections, M. Monteiro, aux
côtés du Représentant spécial du Secrétaire
Général des Nations Unies, M. Schori.
L'impossibilité d'organiser des élections
incontestables fin octobre 2005 a rendu nécessaire la relance du
processus de paix, concrétisée par la résolution 1633
prise sur la base d'une décision de l'Union africaine du 6 octobre 2005.
Elle constate que le mandat du Président Gbagbo expire le 30 octobre
2005 mais qu'il reste chef de l'Etat pour une période n'excédant
pas 12 mois. Elle prévoit la nomination d'un nouveau Premier ministre
acceptable pour toutes les parties, doté de pouvoirs effectifs et de
toutes les ressources financières, matérielles et humaines
afférentes pour organiser le scrutin présidentiel. Un Groupe de
Travail International (GTI) de 15 membres présidé par le
Président en exercice de l'UA (le Congo en 2006), se réunit
mensuellement depuis novembre 2005 à Abidjan. La France en est membre.
Son rôle est d'assurer le bon déroulement de la transition.
Le rôle du GTI est fondamental pour la mise en oeuvre du
processus de paix, menacé par les rivalités de pouvoirs entre les
factions ivoiriennes. Les partisans du président Gbagbo,
mécontents de la nouvelle répartition des pouvoirs
instituée par la résolution 1633, ont tenté, dès
janvier 2006, d'affaiblir le GTI en organisant de violentes manifestations anti
Nations Unies, les accusant de violer la souveraineté nationale.
Malgré le retrait des casques bleus bangladais de l'ouest du pays,
traditionnellement sujet à de fortes tensions ethniques, le GTI a fait
face à ses responsabilités : il a maintenu son unité, ne
s'est pas dédit et s'est donc imposé comme le réel arbitre
et garant du processus de paix. Le Conseil de sécurité l'a
soutenu en entérinant tous ses communiqués et en
prononçant pour la première fois des sanctions individuelles
contre les fauteurs de troubles.
Depuis février, la fermeté du GTI et du Conseil
de Sécurité a payé : le calme est revenu à Abidjan.
Le nouveau Premier ministre, Charles Konan Banny, qui semblait avoir perdu de
son crédit lors des troubles de janvier, a réussi à se
placer au centre du jeu politique en réunissant les principaux leaders
ivoiriens à Yamoussoukro et en permettant le fonctionnement effectif de
la Commission électorale indépendante, institution clef pour
lancer l'organisation des élections. Ces succès laissent
espérer l'établissement d'un climat nouveau d'apaisement.
Toutefois, les processus de désarmement,
d'identification des populations et de confection des listes
électorales, dont la mise en oeuvre devrait être
simultanée, sont toujours au point mort. Autre motif de
préoccupation, la situation dans l'ouest du pays reste très
tendue, la force Licorne y faisant même l'objet de provocations de la
part de l'armée loyaliste. Les médias n'ont pas cessé
leurs appels à la haine. L'ONUCI est néanmoins en cours de
redéploiement dans cette zone.
La dimension régionale de la crise s'est dès
l'abord manifestée dans les domaines économiques et commerciaux :
les pays sahéliens, traditionnellement desservis par le port d'Abidjan,
se sont vus menacés d'isolement faute de desserte sur l'axe
Korhogo-Abidjan. Ils se sont très rapidement tournés vers les
ports ghanéen, togolais et béninois. Plus la crise perdure, plus
ces solutions de substitution ne risquent de se pérenniser, au
détriment de la Côte d' Ivoire. En outre, la réussite du
processus de désarmement au Liberia est tributaire de la normalisation
de la situation en Côte d'Ivoire. On craint en effet que de nombreuses
armes passent du Liberia en Côte d'Ivoire pour y être
dissimulées. La France a constamment cherché à mobiliser
l'ensemble des Etats de la région en faveur du règlement de la
crise ivoirienne. Elle a donc favorisé le rôle de la CEDEAO qui
est intervenue tant politiquement que militairement. C'est pourquoi de nombreux
chefs d'Etat africains se sont fortement impliqués dans la
résolution de la crise ivoirienne, conscients du fait que c'est la
stabilité de l'Afrique de l'Ouest toute entière qui est
aujourd'hui menacée. L'intervention des Nations Unies a
été principalement motivée par le souci de coordonner les
processus de maintien de la paix en oeuvre en Sierra-Léone, au Liberia
et en Côte d'Ivoire. L'enjeu aujourd'hui est de faire en sorte que la
pression politique internationale (africaine et onusienne) soit suffisamment
forte pour obliger les ivoiriens à progresser.
Conformément à la résolution, l'ONUCI a
succédé à cette date à la Mission des Nations Unies
en Côte d'Ivoire (MINUCI), une mission politique créée en
mai 2003 par le Conseil et aux forces de la Communauté Economique des
Etats d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO).
Le Conseil a autorisé l'ONUCI
à utiliser tous les moyens nécessaires pour s'acquitter de son
mandat, dans les limites de ses capacités et dans les zones de
déploiement de ses unités. Aux termes de la résolution
1528, l'ONUCI, en coordination avec les forces françaises, s'acquittera
du mandat suivant :
2.4.1. Observation du cessez-le-feu et des
mouvements de groupes armés
a) Observer et surveiller l'application de l'accord
de cessez-le-feu global du 3 mai 2003, et enquêter sur les
éventuelles violations du cessez-le-feu;
b) Assurer la
liaison avec les Forces armées nationales de Côte d'Ivoire (FANCI)
et les éléments militaires des Forces nouvelles afin de
promouvoir, en coordination avec les forces françaises, le
rétablissement de la confiance entre toutes les forces ivoiriennes en
présence, comme prévu dans sa résolution 1479
(2003);
c) Aider le Gouvernement de réconciliation
nationale à surveiller les frontières, en prêtant une
attention particulière à la situation des réfugiés
libériens et aux mouvements de combattants
2.4.2. Désarmement, démobilisation,
réinsertion, rapatriement et réinstallation
d) Aider le Gouvernement de réconciliation
nationale à procéder au regroupement de toutes les forces
ivoiriennes en présence, et à assurer la sécurité
des sites de cantonnement de ces dernières;
e) Aider le
Gouvernement de réconciliation nationale à exécuter le
programme national de désarmement, démobilisation et
réinsertion des combattants, en prêtant spécialement
attention aux besoins particuliers des femmes et des
enfants;
f) Coordonner étroitement avec les missions des
Nations Unies en Sierra-Léone et au Liberia la mise en oeuvre d'un
programme de rapatriement librement consenti et de réinstallation des
ex-combattants étrangers, en prêtant spécialement attention
aux besoins particuliers des femmes et des enfants, pour appuyer les efforts
déployés par le Gouvernement de réconciliation nationale
et en coopération avec les gouvernements concernés, les
institutions financières internationales compétentes, les
organismes internationaux de développement et les pays
donateurs;
g) Veiller à ce que les programmes visés aux
alinéas e) et f) tiennent compte de la nécessité d'une
démarche régionale;
h) Assurer la garde des armes, munitions et autres
matériels militaires remis par les ex-combattants et mettre en
sûreté, neutraliser ou détruire ces
matériels;
Protection du personnel des Nations Unies, des
institutions et des civils.
i) Assurer la protection du
personnel, des installations et du matériel des Nations Unies, assurer
la sécurité et la liberté de circulation du personnel des
Nations Unies et, sans préjudice de la responsabilité du
Gouvernement de réconciliation nationale, protéger les civils en
danger immédiat de violence physique, dans la limite de ses
capacités et dans les zones de déploiement de ses
unités;
j) Contribuer à assurer, en coordination
avec les autorités ivoiriennes, la sécurité des membres du
Gouvernement de réconciliation nationale;
2.4.3. Appui aux opérations
humanitaires
k) Faciliter la libre circulation des personnes et
des biens et le libre acheminement de l'aide humanitaire, notamment en aidant
à créer les conditions de sécurité
nécessaires;
2.4.4. Appui à la mise en oeuvre du processus
de paix
l) En concertation avec la CEDEAO et les autres
partenaires internationaux, aider le Gouvernement de réconciliation
nationale à rétablir l'autorité de l'Etat partout en
Côte d'Ivoire;
m) Avec le concours de la CEDEAO et des
autres partenaires internationaux, offrir au Gouvernement de
réconciliation nationale un encadrement, des orientations et une
assistance technique en vue de préparer et faciliter la tenue de
consultations électorales libres, honnêtes et transparentes dans
le cadre de la mise en oeuvre de l'Accord de Linas-Marcoussis, en particulier
d'élections présidentielles;
2.4.5 Assistance dans le domaine des droits de
l'homme
n) Contribuer à la promotion et à la
défense des droits de l'homme en Côte d'Ivoire en prêtant
une attention particulière aux actes de violence commis contre les
femmes et les filles, et aider à enquêter sur les violations des
droits de l'homme pour mettre fin à l'impunité;
2.4.6. Information
o) Faire comprendre le processus de paix et le
rôle de l'ONUCI aux collectivités locales et aux parties,
grâce à un service d'information efficace et, notamment, le cas
échéant, à un service de radiodiffusion des Nations
Unies;
2.4.7. Ordre public
p) Aider le Gouvernement de réconciliation
nationale, en concertation avec la CEDEAO et d'autres organisations
internationales, à rétablir une présence policière
civile partout en Côte d'Ivoire et conseiller le Gouvernement de
réconciliation nationale pour la réorganisation des services de
sécurité intérieure;
q) Aider le Gouvernement de réconciliation
nationale, en concertation avec la CEDEAO et d'autres organisations
internationales, à rétablir l'autorité du système
judiciaire et l'état de droit partout en Côte d'Ivoire;
Selon la résolution 1528, le Conseil de
sécurité autorise par ailleurs les forces françaises, pour
une durée de 12 mois à compter du 4 avril 2004, à user de
tous les moyens nécessaires pour soutenir l'ONUCI, conformément
à l'accord que doivent conclure l'ONUCI et les autorités
françaises, et, en particulier, à :
· Contribuer à la sécurité
générale de la zone d'activité des forces internationales;
· Intervenir, à la demande de l'ONUCI, pour
soutenir des éléments de cette dernière dont la
sécurité serait menacée;
· Intervenir en cas d'éventuelles actions
belligérantes, si les conditions de sécurité l'exigent, en
dehors des zones placées sous le contrôle direct de l'ONUCI;
· Aider à protéger les civils dans les
zones de déploiement de leurs.
Le conflit ivoirien est l'un des conflits qui n'a pas pu
être réglé directement par la CEDEAO dû au blocage de
la France14.
2.5. Mécanisme de prévention, de
gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la
sécurité en Afrique de l'Ouest
La sous-région ouest-africaine a été
secouée depuis les années 90 par de violentes crises qui ont
entraîné à chaque fois, de nombreuses pertes en vies
humaines, des destructions inutiles de biens, la souffrance et la
désolation des populations civiles innocentes. Ces populations
contraintes par l'insécurité, la famine ou les
épidémies trouvent souvent refuge dans les Etats voisins, ou se
déplacent à l'intérieur de leurs pays.
Certes, il est heureux, qu'à la différence
d'autres parties du continent africain, la sous-région ouest-africaine a
mis en place à chaque fois, des procédés ad-hoc de
règlement, qui ont permis de circonscrire les crises. La CEDEAO a
mené des actions en matière de paix qui ont été
généralement saluées, même si quelques fois l'on a
pu leur trouver des imperfections. Le coût élevé des
conflits des points de vue humain, matériel et financier, leur impact
négatif sur le développement des Etats et l'intégration
sous-régionale, obligent désormais à les prévenir,
afin de les empêcher de se produire.
Pour y parvenir, mais également pour mieux gérer
celles déjà nées, et tenir grandement compte des crises
internes aujourd'hui les plus nombreuses, les chefs d'Etat et de Gouvernement
ont adopté en un mécanisme qui doit permettre la
prévention, la gestion, le règlement des conflits et le maintien
de la paix. Son champ d'application a été élargi aux
questions relatives à la sécurité.
Le document-cadre propose en matière de
prévention des conflits, un système d'observation et de suivi,
ainsi que des organes qui pourront circonscrire et neutraliser les conflits
naissants. Le système d'observation sera basé sur la mise en
place d'un observateur régional qui comprendrait des
démembrements par zone, et une cellule d'observation ou d'alerte rapide
qui sera le Centre d'observation et de suivi au niveau du Secrétariat
exécutif; Les bureaux d'observation des zones collecteront toutes les
informations utiles concernant la sous-région en matière de paix
et de sécurité et les transmettront au Centre qui les
enregistrera, les analysera, traitera tous les signes de dégradation,
soit des relations normales entre les Etats membres, soit de l'environnement
socio-politique à l'intérieur des Etats. Quatre centres
d'observation ont été créés avec des sièges
à Banjul (Gambie), Cotonou (Bénin), Monrovia (Liberia) et
Ouagadougou (Burkina Faso). Les implications politiques appropriées
pourraient alors être rapidement dégagées, et les mesures
conséquentes prises. Il est proposé à ces fins, la
création d'un Conseil des sages et d'un Conseil de médiation et
de sécurité.
Le Conseil des sages qui s'inspire des valeurs traditionnelles
africaines sera constitué de personnalités éminentes de
grande expérience, originaires de la sous-région, de l'Afrique et
du monde. Ils seront identifiés par le Secrétaire
exécutif, en collaboration avec le Président en exercice et
useront de leurs bons offices, et de leur compétence pour jouer le
rôle de médiateur, de conciliateur et d'arbitre, à chaque
fois que, pour une situation donnée, il leur sera fait recours.
Le Conseil de médiation et de sécurité
prendrait, au nom de la Communauté, les mesures urgentes que pourraient
requérir les situations de crise. Il est proposé que ce Conseil
soit composé de neuf Etats membres élus, pour deux ans et que
l'Etat qui assure la présidence en exercice, ainsi que l'Etat de la
présidence sortante y soient membres de droit. Le Conseil de
médiation et de sécurité pourrait délibérer
aux trois niveaux qui suivent, ou à l'un quelconque de ceux-ci. Il
s'agit du Comité des Ambassadeurs des neufs Etats membres, de la
réunion des Ministres des Affaires Etrangères, de la
Défense et de l'Intérieur, et de la réunion au Sommet des
chefs d'Etat membres du Conseil.
Ces différents organes pourront, s'ils estiment son
éclairage utile sur une question, solliciter l'avis de la Commission de
la Défense et de la Sécurité. La représentation des
Etats à la Commission de la Défense et de la
Sécurité sera fonction de la nature des questions à
discuter. Ainsi pourront y représenter leurs Etats, les chefs
d'Etat-major des armées, les responsables de la sécurité
intérieure, les experts du ministère des Affaires
Etrangères, les chefs des services d'immigration, des douanes, les chefs
des organes de lutte contre la drogue et les stupéfiants, ceux du
service de la sécurité des frontières. Dans tous les cas,
la Commission de la Défense et de la Sécurité sera
chargée de l'examen des questions liées à la
défense, et à la définition des besoins, en matière
d'appui administratif et logistique aux opérations de maintien de la
paix.
En matière de maintien de la paix, le mécanisme
propose que, la CEDEAO ait recours à des missions d'intervention aussi
bien politique que militaire, en cas de conflit armé. Il est
suggéré que l'instrument militaire de la CEDEAO continue de
s'appeler ECOMOG, et qu'il soit constitué de forces en attente, les
contingents nationaux devant les composer étant désignés,
formés et organisés, pour être en mesure de se
déployer à brève échéance.
Une autre innovation majeure proposée est
l'intervention de la CEDEAO pour assurer le maintien de la paix dans les cas de
conflits entretenus et soutenus de l'intérieur. Il est
suggéré que dans ces cas, la CEDEAO intervienne lorsqu'il y a:
- des risques importants de désastre humanitaire;
- des menaces à la paix et à la
sécurité de la sous-région;
- un renversement ou une tentative de renversement d'un
régime démocratiquement élu.
Le projet propose la procédure à suivre lorsque
la nécessité d'une intervention se fait sentir. Il fait
également des propositions sur la composition de l'ECOMOG, sa structure
hiérarchique, les rôles et attributions de son commandement, et
sur le financement des moyens logistiques et administratifs.
Afin de corriger la perception selon laquelle dans ses
précédentes opérations, la CEDEAO n'aurait pas
suffisamment assorti d'assistance humanitaire, ses activités de maintien
de la paix, il est suggéré qu'en cas de conflit ou de catastrophe
naturelle, la Communauté intervienne davantage, et prenne plus
activement part aux actions visant à alléger les souffrances des
populations et à restaurer le cours normal de leur vie. Des propositions
pertinentes ont été faites à cet égard, tout comme
en ce qui concerne la consolidation de la paix.
Conformément à la directive des chefs d'Etat et
de Gouvernement, et aux orientations des Ministres des Affaires
Etrangères, de la Défense, de l'Intérieur et de la
Sécurité, le champ d'application du mécanisme a
été élargi aux questions relatives à la
sécurité.
Le projet de mécanisme contient des propositions
pertinentes qui répondent aux préoccupations des dirigeants
ouest-africains face à la circulation illicite des armes
légères, et des munitions d'une part, et à la
recrudescence de la criminalité transfrontalière d'autre part.
Afin de combattre plus efficacement la prolifération
des rames légères dans la sous-région, le
Secrétariat exécutif a néanmoins préparé un
projet de déclaration sur le moratoire présenté par le
Mali sur l'importation, l'exportation et la fabrication des armes
légères, ainsi que le Programme de coordination et d'assistance
pour la Sécurité et le développement (PCASED).
L'Union européenne a mis généreusement
à la disposition de la CEDEAO, le montant de 1,9 millions d'Euros pour
la réalisation de certaines activités opérationnelles du
mécanisme15.
Malgré tous ses efforts, la CEDEAO est loin d'atteindre
son objectif, car le manque de ressources financières et humaines est un
frein à la mise en place d'opérations de maintien de la paix
initiées et dirigées par l'organisation. Ceci est aussi vrai pour
la mise en place du moratoire sur les armes légères.
2.6. Les opérations de paix de la CEDEAO :
l'ECOMOG et ses déclinaisons
Si le Mécanisme de 1999 vient institutionnaliser
l'ECOMOG, la Force ouest-africaine a été établie en 1990
afin de mettre un terme à la guerre civile qui éclata au Liberia
en 1989. Conformément aux dispositions du Protocole de Non-Agression du
22 avril 1978, la CEDEAO crée en 1990 un Comité Permanent de
Médiation (CPM) chargé de réfléchir aux moyens
d'intervenir dans le conflit libérien. Le CPM est compétent pour
connaître des différends entre les Etats membres et est ainsi
chargé d'engager des procédures de médiation pour un
règlement à l'amiable. Il se compose de cinq membres dont quatre
désignés par la Conférence des chefs d'Etat et de
gouvernement et du président en exercice de la CEDEAO qui assure la
présidence du Comité.
L'échec de la médiation du CPM a conduit ses
membres à envisager le maintien de la paix par l'envoi sur le terrain
d'une force d'interposition chargée de faire respecter le cessez-le-feu
et de restaurer l'ordre. Le premier sommet du Comité réuni
à Banjul (Gambie) les 6 et 7 août 1990 a ainsi créé
l'ECOMOG chargée de rétablir la sécurité
sous-régionale et de sauver des vies humaines. Le déploiement de
la force a été approuvé en novembre 1990 par la
Conférence des chefs d'Etat et de gouvernement. Il en est sorti une
force non préparée, avec de nombreuses difficultés de
constitution et de fonctionnement, mais une force qui a eu le mérite de
se concrétiser bien avant l'arrivée de la communauté
internationale sur les lieux.
En 1997, le mandat de l'ECOMOG a été
élargi à la Sierra-Léone en proie à une guerre
civile depuis 1991, puis à la Guinée Bissau, en 1998. En janvier
2003, la Mission de la CEDEAO, MICECI (ECOMICI), a été
déployée en Côte d'Ivoire, aux côtés de la
Force française « Licorne » pour surveiller le cessez-le-feu
conclu à Marcoussis le 24 janvier 2003. Une deuxième
opération a eu lieu au Liberia dès le 4 août 2003 pour
appuyer la mise en oeuvre de l'accord de cessez-le-feu conclu entre le
Président Taylor et le Mouvement des Rebelles pour la
Réconciliation et la Démocratie (LURD). L'ECOMIL a veillé
à l'instauration et au maintien de la sécurité et a
préparé la mise en place de la force des Nations Unies
déployée dès le 1er octobre 2003.
Forte de ses expériences dans les opérations de
paix, la CEDEAO a approuvé, le 19 juin 2004, lors d'une réunion
de sa Commission de défense et de sécurité à Abuja,
la création d'une force de 6.500 hommes qui pourra être
déployée immédiatement dans la région en cas de
troubles. La future force comprendrait un contingent d'intervention rapide,
dénommé corps expéditionnaire de le CEDEAO et fort de
1.500 hommes, un groupe complémentaire de 3.500 hommes et enfin une
force de réserve de 1.500 hommes. Elle serait opérationnelle en
90 jours, capable d'intervenir sous 30 jours et autonome durant 90 jours.
Le bilan de l'organisation en janvier 2006 fait état de
la mise sur pied des forces en attente de la CEDEAO et de l'installation des
deux dépôts pour les opérations de maintien de la paix
à Freetown et au Mali. La Commission de défense et de
sécurité, pour sa part, a approuvé un programme de
formation de cinq ans à l'intention de la Force Africaine en attente.
Afin de consolider la paix sous-régionale, l'organisation entend aussi
renforcer sa capacité opérationnelle d'alerte et de diplomatie
préventive.
Pour financer ses opérations en faveur de la paix, la
CEDEAO a lancé en novembre 2005 son Fonds pour la paix. Dans le cadre du
développement de ses capacités de paix, la Communauté
bénéficie du programme français RECAMP dont un cycle
intérimaire d'exercice d'Etat-major s'est tenu à Dakar en juin
2006, au profit du noyau dur de l'Etat-major régional. La France entend
ainsi soutenir la montée en puissance de la Brigade Régionale de
la Force Africaine en Attente16.
Références
1 Nicolas HARMAN, "The most african country",
Economist, Londres, 23 janvier 1982: texte traduit et sélectionné
par Problèmes Economiques, p. 401-774, 19 mai 1982, Documentation
Française.
2 130 millions d'habitants en l'an
2000.
3 cf. Guy NICOLAS; le Nigeria: nouvelle
puissance régionale africaine. In Afrique Contemporaine, trimestre no
157, janvier-mars 1991, la Documentation Française, p. 4.
4 cf. Elikia M'BOKOLO: L'Afrique au Xxe
siècle: le continent convoité, éditions du Seuil, 1985, p.
160. Voir également Jeune Afrique Economie, numéro 9,
1982.
5 Mr. Andrew YOUNG
6 A. BALAJI AKINYEMI: " Mohammed-Obasanjo
Foreign Policy" in O. OYEDIRAN, éd. Nigerian Government and politics
under military rule Mac Millan int., London, coll. éd. 1979. A. GAMBARI,
Party poltics and foreign policy, Nigeria under the first Republic, A.B.U.,
Zaria Press, 1980.
7 Le colosse a vacillé, in Jeune Afrique
Economie, no 131, mai 1990.
8 Ibid.
9 Jeune Afrique Economie, no 131, mai,
p. 59. op. Cit.
10 cf. Jeune Afrique Economie, janvier 1991, p.
138.
11 Le Carrefour Africain du 24 mai au 7 juin
1975, op. Cit.
12 Bertrand Badie, La fin des territoires,
essai sur le désordre international et sur l'utilité sociale du
respect, février 1995, p. 143, Fayard.
13 Le Monde Diplomatique, janvier 1996, p.
26.
14 Bulletin de l'ONUCI, septembre 2004.
15 Rapport du Secrétariat
exécutif de la CEDEAO, 2000.
16 Mamadou Aliou BARRY, Le contrôle du
commerce des armes en Afrique: Utopie ou réalité? Éditions
l'Harmattan, p. 89.
CONCLUSION GENERALE
Un certain nombre d'observations mérite d'être
retenu en guise de conclusion. La vérité est souvent
dérangeante, mais il faut avoir le courage de la dire, parce qu'elle est
constructive. Sans cela, il n'est pas de progrès économique et
social.
Ainsi, on doit reconnaître que la coopération
économique entre les pays de la sous-région ouest-africaine
(CEDEAO) est loin d'avoir fait des progrès significatifs vers une
réelle intégration. Cette coopération a connu une
régression notoire malgré la prolifération d'institutions
censées y contribuer. Les biens et les personnes circulent d'un pays
à l'autre beaucoup plus difficilement aujourd'hui qu'à
l'époque coloniale. Toutes les déclarations annonçant un
renversement de cette tendance déplorable continuent de se heurter
à des obstacles sérieux.
Séduits par l'expérience européenne
d'intégration, les pays du Tiers-Monde ont vu en elle une " formule
magique" pour y remédier aux difficultés présentes et
futures des économies nationales fragmentées ; bref, les
maux de sous-développement dont ils souffrent. A telle enseigne que,
oubliant semble-t-il les difficultés qu'a rencontrées l'Europe
pour son intégration1, certains d'entre eux ont cru qu'il
suffisait de parapher un traité pour que l'intégration se fasse
aussitôt. Ils ont ainsi créé une multitude de regroupements
économiques sans tenir compte de leurs conditions propres, ni
obligations d'ordre économique qui pourraient en découler.
Aujourd'hui, la réalité est là.
L'expérience montre que l'existence de plusieurs organisations dans une
même région, comme c'est le cas en Afrique de l'Ouest, a
engendré plus de mal que de bien, malgré l'optimisme béat
qu'affichent certains dirigeants africains.
En 1980, l'ex-Secrétaire Général de
l'ONU, Monsieur Edem KODJO, avait porté sur nombre de ces institutions
un jugement sévère, et les événements aujourd'hui
lui donnent raison, car ce jugement demeure encore valable. Il
déclarait : "on évoque souvent l'existence de la
communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest(CEDEAO)
pour se donner bonne conscience. On loue les efforts de l'UDEAC, de l'OMVS, de
la MRU. On aligne le nombre impressionnant d'institutions de coopération
intra-africaine pour prouver la vitalité de l'idéal
communautaire. En réalité, tout le monde sait bien et sent bien
que nous piétinons dangereusement dans nos efforts pour bâtir une
communauté économique africaine, condition sine qua non du
développement et élément essentiel de la stratégie
de changement que nous appelons de nos voeux."2
Il convient donc, de relancer la politique
d'intégration sous-régionale et continentale sur de nouvelles
bases. Tel doit être l'objectif que doivent s'assigner les dirigeants
africains, pour les années à venir. Ils doivent non seulement
s'attaquer aux problèmes que crée cette multitude d'organisations
dans les diverses régions3, ils doivent également se
défaire de certaines habitudes au lieu de s'abriter derrière des
principes désuets : souveraineté nationale,
indépendance, intangibilité des frontières nationales,
etc. Chacun a cru qu'en exerçant pleinement sa souveraineté, il
arriverait à s'en sortir. Cela n'a pas été le cas. C'est
la seule et dernière chance qui s'offre aux pays africains s'ils veulent
se guérir du sous-développement. La vérité qui
s'impose aujourd'hui à tous ceux qui se penchent sur le destin de
l'Afrique, c'est qu'elle n'a rien à gagner dans l'émiettement. Il
faut " tordre le cou" aux souverainetés frileuses pour mettre
en place de grands ensembles économiques viables.
En effet, face à la restructuration du monde en grands
ensembles géopolitiques, les difficultés d'une Afrique
morcelée en petits Etats n'apparaissent que plus grandes.
Déjà menacé d'une marginalisation4 de plus en
plus nette, avec une baisse constante de ses parts de marché, le
continent africain risque de ne pas pouvoir se mettre au diapason de ce
mouvement qui semble prendre des allures planétaires. On pourrait
évidemment se demander pourquoi aujourd'hui les vieilles nations
industrielles en Europe savourent les bonheurs de l'union économique,
alors que les pays africains se lamentent sur la non viabilité de leur
espace géographique. On peut répondre que les européens
ont su dépasser certains comportements nuisibles à leurs
intérêts. Les africains doivent tirer des leçons de
l'expérience européenne et changer fondamentalement leur
manière
Comme l'exprimait pertinemment l'ex-Président
sénégalais, Senghor: "il importe que nous comptions d'abord
sur nous-mêmes et que soit comblé l'écart malheureusement
fréquent en Afrique, entre le dire et le faire. La solidarité la
plus large est, plus que jamais, la force des faibles que nous sommes. L'utopie
serait d'imaginer que le formidable écart entre pays industriels et pays
pauvres aura quelque chance d'être réduit sans effort de
nous-mêmes pour imaginer, dans les domaines les plus divers, des
réponses véritablement originales aux problèmes de notre
temps"5.
Il est grand temps de donner à l'intégration
africaine un contenu concret. Il faut, comme l'a si bien souligné, le
ministre sénégalais de l'intégration, Monsieur Jean Paul
DIAZ, que l'intégration soit l'affaire des opérateurs
économiques. Il y a déjà eu suffisamment de
séminaires sur ce thème ; la sensibilisation des populations
par la presse est également indispensable, car c'est le réveil
des peuples africains qui fera l'intégration.6
Il est aussi nécessaire de soutenir le processus
d'intégration de l'Afrique par un puissant groupe de pression populaire,
composé de forces non gouvernementales (ONGs), qui exercera une action
soutenue en faveur de l'intégration, en la défendant sans
discontinuer devant l'opinion officielle et dans les assemblées
publiques, et en fera une priorité dans le débat
économique et politique, parce que l'intégration n'est pas
seulement une affaire de gouvernement ou de fonctionnaires7.
Le principe de l'intangibilité des frontières
est fragilisé dans plusieurs régions du monde. Face à ces
changements, l'Afrique de l'Ouest doit faire des choix conformes à ses
besoins de sécurité en édifiant un système de
sécurité collective indispensable à son
développement économique, politique et social, ce qui ne sera
possible que par une analyse de ses intérêts, une
détermination des objectifs pour une politique de défense et de
sécurité cohérente et stable, car de par la taille, la
complexité et la diversité géopolitique du continent,
cette approche sous-régionale est la plus cohérente. La
sécurité de la sous-région dépendra de la
capacité des Etats ouest-africains à constituer un pôle de
stabilité et d'intégration.
Désormais, la dynamique de coopération et
d'intégration sous-régionale dans laquelle s'est lancée la
CEDEAO doit être consolidée par les Etats-membres dans de bonnes
conditions politiques et militaires, afin de faire de cette sous-région
le chef de file et l'exemple sur l'ensemble du continent pour la
prévention, la gestion et le règlement des conflits. Une
véritable sécurité ouest-africaine ne pourra être
garantie qu'à travers la construction d'un espace
régional8.
L'événement de taille que constitue la
création de la Communauté Economique Africaine, doit être
marqué par un nouvel élan. La réussite de cette nouvelle
communauté, et par conséquent de l'intégration
économique à l'échelle du continent, dépend
étroitement des solutions qu'on aura trouvées aux nombreux
problèmes que connaissent les communautés régionales. En
tout cas, il y a urgence de procéder à un bilan sans complaisance
des organisations régionales actuelles, afin de réorienter les
stratégies d'intégration économique.
Ainsi, la démocratisation de l'Afrique de l'Ouest est
nécessaire à la réalisation des objectifs
d'intégration économique. Les pays de la CEDEAO ont le devoir
dans ce but de respecter la Charte africaine des droits de l'homme sans
laquelle aucun développement ou intégration économique
n'est possible.
L'Afrique ne pourra se développer que si elle
s'intègre et que si les droits de l'homme sont respectés.
Espérons que pour les populations de la
sous-région, malgré les difficultés et les obstacles
à surmonter par les dirigeants ouest-africains, ce mécanisme
jouera pleinement son rôle et pacifiera la sous-région afin
d'assurer de meilleures conditions de vie et de prospérité aux
générations ouest-africaines futures. Ce n'est que par une ferme
et réelle volonté politique des dirigeants ouest-africains que la
CEDEAO pourra y parvenir.
Références
1 Il convient de rappeler que "de 1866 à
1947, tous les projets d'intégration régionale entrepris en
Europe avaient échoué". Cf. Jean ROYER: les objectifs et les
instruments de la politique commerciale, GATT: TC (72), 103, p. 85.
2 Introduction du Secrétaire
Général, Conseil des Ministres, quatorzième session
extraordinaire, Lagos, 25 avril 1980, document ECM/ECO/2 (XIV), cité par
Edouard JOUVE: l'organisation de l'unité africaine, PUF, 1984.
3 Ce phénomène de coexistence de
plusieurs organisations n'est pas propre à l'Afrique de l'Ouest. Il se
retrouve aussi en Afrique Centrale avec l'existence de l'UDEAC et de la
CEEAC.
4 La situation économique des pays
africains est particulièrement critique. Selon les statistiques du GATT,
la part du marché mondial détenu par le continent africain dans
son ensemble n'était que 2,7% en 1988-1989 comparé à 4,1%
pour l'Amérique Latine. Le seul pays africain qui s'est classé
parmi les quarante premiers exportateurs et importateurs mondiaux est l'Afrique
du Sud qui représentait à elle seule 29% des exportations totales
du continent et 21% de ses importations comparé à 9,5% et 4,5%
respectivement pour le Nigeria. cf. MTM du 8 novembre 1991, p. 2837.
5 cf. E.K. KOUASSI, organisations
internationales africaines, op. cit., p. 315.
6 cf. JAE, no 145, juillet 1991, p.
89.
7 cf. Adebayo ADEDEDJI;
l'intégration de l'Europe: des enseignements pour l'Afrique. Extrait
d'un document présenté lors d'un séminaire sur la
"Communauté Economique Européenne de l'après 1992 :
conséquences pour l'Afrique" organisé par le Ministère des
Affaires Etrangères du Nigeria à Lagos du 13 au 15 juin 1990, in
Courrier ACP-CEE, janvier-février 1990, p. 51.
8 Mamadou Aliou Barry, la
prévention des conflits en Afrique de l'Ouest, Karthala, 1997, p.
155-156.
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R. DUMONT: L'Afrique noire est mal partie, éd. du Seuil
1962.
S. AMIN: "Le développement inégal", Les Editions
de Minuit 1975.
T. MENDE, "De l'aide à la recolonisation", éd.
du Seuil 1975.
Thiam D., The Foreign Policy of African States, London Phoenix
House, 1965.
Wayas J., Nigeria's leadership role in Africa, Mac Millan,
London, 1983.
II. JOURNAUX ET AUTRES PUBLICATIONS
A ce jour, le nouveau Président en exercice de la
CEDEAO, Son Excellence le Président Abdou DIOUF du
Sénégal, disait que la CEDEAO a fait un peu de surplace. Il a
précisé notamment que sur les seize Etats membres de la CEDEAO,
il n'y avait que trois Etats qui appliquaient le schéma de
libéralisation des échanges. Ce sont le Ghana, le Nigeria et le
Sénégal. Il y en avait huit au départ et le nombre s'est
réduit par la suite comme peau de chagrin. In JAE, no 146, août
1991, p. 87.
Adebayo ADEDEDJI; l'intégration de l'Europe: des
enseignements pour l'Afrique. Extrait d'un document présenté lors
d'un séminaire sur la "Communauté Economique Européenne de
l'après 1992 : conséquences pour l'Afrique" organisé
par le Ministère des Affaires Etrangères du Nigeria à
Lagos du 13 au 15 juin 1990, in Courrier ACP-CEE, janvier-février 1990,
p. 51.
Banque Mondiale: L'Afrique subsaharienne, de la crise à
une croissance durable, op. Cit., p. 2.
Banque Mondiale: L'Afrique subsaharienne: de la crise à
une croissance durable. Etude prospective à long terme. Novembre 1989,
p. 1.
Bulletin de l'ONUCI, septembre 2004.
Bulletin du FMI du 16 janvier 1989, p. 1.
Communiqué final de la conférence des chefs
d'Etat et de Gouvernement, Abuja, 4-6 juillet 1991.
Consciente de la situation, la dernière
conférence des chefs d'Etat et de Gouvernement a instamment
invité les Etats membres à accorder la priorité absolue
à l'intégration sous-régionale, et à prendre les
dispositions administratives et législatives nécessaires pour
assurer l'entrée en vigueur effective des actes et décisions de
la communauté au niveau national. Il a été convenu que
chaque Etat membre fasse au prochain sommet, rapport sur le niveau
d'application des actes et décisions. cf. communiqué final de la
conférence des chefs d'Etat et de Gouvernement, Abuja, 4-6 juillet
1991.
Deux vagues d'expulsions massives ont été
décidées par le Nigeria en janvier 1983 et avril 1985. Le
ministre de l'intérieur de l'époque, le Général
MAGORO, avait justifié la seconde décision qui a touché
700.000 ressortissants d'Afrique de l'Ouest et Centrale (350.000
Ghanéens, 100.000 Nigériens, 50.000 Béninois, 20.000
Burkinabés, 10.000 Togolais, etc.) par le fait que le Nigeria "ne
pouvait plus tolérer que les étrangers continuent de violer ses
lois". In Jeune Afrique du 15 mai 1985, no 1271.
Guy NICOLAS: le défi Nigérian, gestation d'une
puissance régionale: in Relations Internationales, Revue trimestrielle
publiée avec le concours du CNRS, no 34, été 1983.
Guy NICOLAS; le Nigeria: nouvelle puissance régionale
africaine. In Afrique Contemporaine, trimestre no 157, janvier-mars 1991, la
Documentation Française, p. 4.
Marchés Tropicaux et Méditerranéens, no
2382 du 5 juillet 1991, p. 1746.
Introduction du Secrétaire Général,
Conseil des Ministres, quatorzième session extraordinaire, Lagos, 25
avril 1980, document ECM/ECO/2 (XIV), cité par Edouard JOUVE:
l'organisation de l'unité africaine, PUF, 1984.
Jeune Afrique du 6 juillet 1988, p. 31.
Jeune Afrique Economie, janvier 1991, p. 138.
Jeune Afrique Economie, no 131, mai, p. 59. op. Cit.
Jeune Afrique Economie, no 146, août 1991, p. 88.
Journal Officiel de la CEDEAO, Traité de la
Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) du 28
mai 1975, Lagos, Nigeria.
Journal Officiel de la CEDEAO, Vol. 1, juin 2000, Edition
française, Secrétariat Exécutif, Abuja, Nigeria.
La situation économique des pays africains est
particulièrement critique. Selon les statistiques du GATT, la part du
marché mondial détenu par le continent africain dans son ensemble
n'était que 2,7% en 1988-1989 comparé à 4,1% pour
l'Amérique Latine. Le seul pays africain qui s'est classé parmi
les quarante premiers exportateurs et importateurs mondiaux est l'Afrique du
Sud qui représentait à elle seule 29% des exportations totales du
continent et 21% de ses importations comparé à 9,5% et 4,5%
respectivement pour le Nigeria. cf. MTM du 8 novembre 1991, p. 2837.
Le Carrefour Africain du 24 mai au 7 juin 1975, op. Cit.
Le colosse a vacillé, in Jeune Afrique Economie, no
131, mai 1990.
Le Monde Diplomatique, janvier 1996, p. 26.
Le sommet de Lagos en 1980 par exemple. L'intégration
économique a été l'un des thèmes centraux du plan
de Lagos.
Le sommet de l'O.U.A. à Abuja, 3-5 juin 1991.
L'ex-Président de la République du Ghana, feu
Kwame N'KRUMA, disait déjà en 1964 "notre principal rempart
contre les sinistres menaces et les divers desseins des néocolonialistes
est notre union politique. Si nous voulons rester libres, si nous voulons
bénéficier pleinement des abondantes ressources de l'Afrique,
nous devons nous unir pour organiser notre parfaite défense et
l'exploitation systématique de notre potentiel matériel et humain
dans l'intérêt de nos peuples". In l'Afrique doit s'unir, Payot,
1964.
L'express du 20 avril 1990, numéro spécial:
"L'Afrique naufrage d'un continent", p. 162.
Leymarie Philippe, L'ouest-africain rongé par ses
abcès régionaux, le Monde Diplomatique, janvier 1996, p. 26.
Marchés Tropicaux et Méditerranéens du 8
juin 1979. Voir également Géopolitique Africaine, juin 1986, p.
142.
Marchés Tropicaux et Méditerranéens, no
1526 du 1er juin 1990, p. 1526.
Marchés Tropicaux et Méditerranéens, no
2391 du 6 septembre 1991, p.2156.
MTM, no 2391 du 6 septembre 1991, p. 2156. Voir
également JA du 6 juillet 1988, p. 31.
La réunion des ministres des finances des pays de la
zone franc à Ouagadougou les 25 et 26 avril, à Paris le 3 octobre
1991. L'intégration économique a été au centre de
leurs préoccupations.
Panapress, 30ème sommet ordinaire de la CEDEAO, Abuja
14-16 juin 2006.
Rapport annuel du Secrétariat de la CEDEAO, Abuja,
2000.
Rapport de la CEA: "Les propositions visant à renforcer
l'intégration économique en Afrique de l'Ouest", 1984, p.9.
Rapport du Secrétariat de la CEDEAO, 1999-2000.
Rapport du Secrétariat exécutif de la CEDEAO,
2000.
Regard critique de la CNUCED sur le bilan de la CEDEAO.in
Marchés Tropicaux et Méditerranéens, no 2391 du 6
septembre 1991, p. 2156.
Rencontre de la Troïka (CEDEAO-UEMOA-UE), Niamey 6-7
octobre 2006.
Sophie BESSIS: Tout va donc pour le mieux? In Jeune Afrique,
no 1518 du 5 février 1990, p. 45.
SITES INTERNET
www.ecowas.int
www.cean.u-bordeaux.fr
www.un.org
ANNEXES
Le logo de la Communauté Economique des Etats de
l'Afrique de l'Ouest : CEDEAO en français et ECOWAS (Economic
Community of West African States) en anglais.
Source: Site officiel de la Commission de la
CEDEAO.
Les pays membres de la Communauté Economique des Etats
de l'Afrique de l'Ouest ( en vert sur la carte).
Source: Carte
GéoAtlas/RFI.
Soldat
de la force ouest-africaine de maintien de la paix (ECOMOG) au Liberia, octobre
2003.
Source:
no.wikipedia.org/wiki/ecomog