JEAN-MARIE
GIRIER
Le vocabulaire
des discours d'investiture
au Québec et en France
(1995-2006)
Mémoire sous la
direction d'Alain Girod
Maître de
conférence en communication à l'Université Lumière
Lyon 2
Directeur adjoint de
l'Institut de la Communication
Master 1, mention
« Information - Communication »
Institut de la communication
- Université Lumière Lyon II
Juin 2006
Remerciements
Je tiens à exprimer ma
gratitude envers le département de science politique de
l'Université de Montréal et tout particulièrement Denis
Monière pour m'avoir fait découvrir la lexicométrie lors
de son cours d'analyse du discours politique. Merci à Alain Girod pour
sa disponibilité et son accompagnement de fin de parcours.
Toute ma reconnaissance va
également à Evelyne et Robert Girier, pour la chance qu'ils m'ont
offerte de partir cette année au Québec. Je remercie tout
particulièrement Marie Durand pour sa patience, son soutien de tous les
jours et ses précieuses relectures.
Je tiens enfin à
remercier Caroline Boily pour ses conseils méthodologiques
retirés de son expérience doctorale, Marc-André Gosselin
pour son expertise à propos du Parti québécois, et toutes
les personnes qui ont accepté de me faire partager leur
expérience en tant que plume de Premier ministre.
Jean-Marie Girier
Introduction
Les mots, comme les
fleurs, ont chacun leur parfum d'idéologie ; leur utilisation et leur
fréquence, en partie inconsciente, traduisent mieux qu'un long discours
la pensée politique profonde des candidats en quête de
pouvoir.
Frédéric Bon
À l'heure où la
communication des hommes politiques est scrutée, analysée dans
ses plus petits détails par des médias avides du moindre
faux-pas, le discours s'impose plus que jamais comme un outil indissociable de
l'action politique. Dialogue ou monologue, il se situe au fondement du
politique. On discourt sur le discours, la déclaration devient
performative et son actualisation réalise véritablement une
action1(*). De nombreux
auteurs ont souligné l'importance que nous devons aujourd'hui lui
accorder. Pour Frédéric Bon, « les
phénomènes observés dans le champ politique semblent, dans
une proportion écrasante, relever des faits de langage », et
au-delà, « l'action politique elle-même semble avoir
pour objet la production de langages et de symboles2(*) ». La construction et
l'évolution de la chose publique se réalisent grâce
à un discours public auquel participe la communauté des individus
jugés aptes à discuter du pouvoir3(*). On discourt pour faire avancer la
société, on s'oppose par le discours... tout passe par des actes
de langage et nous pouvons, sans pour autant céder à un
quelconque déterminisme, avancer qu'ils sont les outils indispensables
de la politique. Tout est langage et l'idéal démocratique serait
inaccessible sans le recours au débat, à la discussion.
À l'image de
Dominique Maingueneau, de nombreux auteurs s'interrogent sur les règles
selon lesquelles des énoncés ont été
construits4(*). Le concept
de dialogisme prend alors une importance toute particulière5(*). Le discours politique est en
effet plurivocal6(*) ;
il se construit sur des propos antérieurs, et il s'actualise face
à des discours concurrents. Ainsi, l'interdiscours aurait un effet
direct sur le choix des mots employés par les politiciens7(*). Les mots représentent la
matière unique servant à construire des énoncés.
Sylvianne Rémi-Giraud souligne à cet endroit que « les
mots sont traversés par des clivages, des enjeux, des
problématiques, et acquièrent des valeurs conflictuelles qui
s'intensifient avec la « politisation » des
problèmes »8(*).
Notre travail portera
exclusivement sur les mots. Ces mots qui font la politique, ces mots qui
composent les discours, ces mots dont le sens fait l'objet de luttes, ces mots
créateurs de valeurs... Notre finalité ne résidera pas
dans le contenu des discours mais bien dans la plus petite unité qui les
compose. Nous ne chercherons pas à démystifier le quoi ?
mais à présenter dans la plus grande exhaustivité possible
le comment ?
Avant toute chose, il
convient de redéfinir les termes principaux que nous emploierons. Nous
ne ferons pas usage du terme « vocabulaire politique » car
nous ne pouvons pas accepter la définition de Jean-Marie Denquin selon
laquelle :
« On entendra donc
par vocabulaire politique l'ensemble des mots et des formules
élaborées non pour mettre le langage au service du réel
mais pour accomplir des fonctions spécifiquement politiques qui
consistent à mettre le réel au service du langage, ou
plutôt mettre grâce au langage le réel au service de la
politique9(*).»
Ce concept présente
peu d'intérêt dans la mesure où les critères de
catégorisation des mots relevant du politique sont trop subjectifs.
Cette notion ouvre la porte à une infinité de
possibilités. Nous préférons laisser à la politique
le choix d'un vocabulaire exhaustif en considérant l'ensemble de la
langue et nous n'aurons pas la prétention de catégoriser ces
vocables. Certes nous travaillerons sur des termes particuliers, mais notre
analyse s'élargira à l'environnement lexical, et ne se
restreindra pas à des mots qui « accompliraient »
une fonction politique. Nous rejoignons ainsi le point de vue d'Antoine Prost
selon lequel « on ne peut déterminer que dans l'abstrait si un
terme est ou non politique10(*) ». Ce dernier refuse de définir a
priori le vocabulaire politique et considère plutôt le vocabulaire
effectivement utilisé, tel que nous le ferons.
Par ailleurs, il est
nécessaire de s'accorder sur le sens que nous donnerons aux mots. Damon
Mayaffre reconnaît qu'un mot n'a pas de sens mais des emplois, or il
apparaît impossible de dresser une liste exhaustive des emplois d'un
terme comme tente de le faire le Trésor de la Langue
Française11(*). Pour sa part, Jean-Marie Denquin souligne que
« les mots ont la signification qu'on leur accorde12(*) ». Nous
considérons pour notre part que les mots disposent d'une certaine
signification de départ relativement neutre ; ensuite les
présupposés de l'auditeur viendront orienter la
compréhension. Nous traiterons de ce dernier point en étudiant la
lutte autour de certains termes ainsi qu'en nous positionnant d'un point de vue
historique, cela nous permettra de tracer l'évolution de l'emploi de ces
vocables et de leurs significations.
L'enjeu majeur de notre
travail résidera dans une analyse empirique du couple langue-pays. En
effet, nombres d'auteurs ont rapidement considéré que le
vocabulaire varie selon les pays, or des recherches approfondies n'ont que
très rarement été effectuées. Ainsi, Jean-Marie
Denquin avance que :
« Le vocabulaire
politique varie avec le pays. Nul ne serait douter que chaque culture politique
élabore le sien, en fonction de son histoire, de ses institutions et de
tous les paramètres complexes qui interfèrent dans la vie
sociale : le vocabulaire de la Russie stalinienne n'est pas celui de la
Suisse ou des États-Unis13(*). »
De leur côté,
André Salem et Ludovic Lebart estiment que :
« Si les langues,
en tant que systèmes de concepts et de catégories, varient selon
les cultures et les pays, les façons d'user de la langue de son propre
pays varient aussi fortement selon les milieux sociaux, les degrés
d'instruction, le sexe, l'âge, la région, bien sûr, mais
aussi et tout simplement selon les individus, les écrivains ou les
poètes, les époques14(*). »
Cet aspect
élémentaire sera le point central de notre recherche. Nos objets
d'analyse, les discours en France et au Québec, s'actualisent dans la
même langue15(*). Si
nous suivons le raisonnement des auteurs précédemment
cités, nous devrions faire face à deux discours
différents. En effet, ces deux pays représentent des cultures
différentes, des régimes politiques différents...
Cependant bien d'autres aspects rapprochent ces États historiquement
liés. Notre choix correspond à la volonté de confronter
des discours en français issus de deux traditions différentes. Le
choix des discours belges ou suisses aurait présenté trop de
proximité, et de nombreuses analyses ont déjà
été effectuées à leur sujet. Le Québec nous
offre l'opportunité de disposer d'un discours en langue française
issus d'une culture nord-américaine. De plus, le corpus mobilisé
n'a jamais fait l'objet d'une quelconque analyse lexicométrique, les
travaux de Dominique Labbé et Denis Monière s'arrêtent en
1996 pour le Québec et en 1997 pour la France.
Problématique
Notre travail se concentre
autour d'un enjeu principal. À l'aide de la lexicométrie, peut-on
affirmer que le discours d'ouverture en langue française conduit
à l'utilisation de mots similaires au Québec et en France ?
Ou bien existe-il, derrière cette apparente proximité lexicale,
des mots spécifiques permettant de souligner les dissemblances entre les
discours des Premiers Ministres de chaque pays ?
Nous faisons
l'hypothèse que les deux discours utilisent un même type de
vocabulaire pour évoquer la gouvernance car la langue française
offre un nombre limité de vocables pour décrire et exercer le
pouvoir.
Nous postulons par ailleurs
que le discours subit une forte contrainte institutionnelle qui, bien que
différente, déterminerait les termes utilisés par les
Premiers ministres en France et au Québec. C'est pourquoi nous pensons
que les Premiers ministres usent d'un style très proche.
Nous supposons que les
discours se différencient par des caractéristiques propres
à leur situation nationale. Malgré une conjoncture mondiale
parfois identique, il nous semble que celle-ci un effet sur les choix
lexicaux. Ainsi nous faisons l'hypothèse que le discours
québécois sera principalement marqué par des questions
d'identité et de souveraineté, alors que les mots des discours
français s'orienteront plutôt vers la question de l'emploi et la
réaffirmation des valeurs de la République.
Nous répondrons
empiriquement à cette problématique par le recours à
l'analyse de données textuelles.
Problème épistémologique
Loin de l'analyse du contenu,
nous n'allons pas chercher à savoir qui est derrière ces paroles
et quelles sont les valeurs sous-jacentes construites volontairement afin de
faire adhérer un auditoire à ses propos. Nous nous interrogerons
sur les éléments qui composent ces actes de langage. Notre
travail ne relèvera ni de la linguistique ni de l'analyse de contenu car
nous ne traiterons directement ni de la langue ni de la parole. Nous
travaillerons sur le vocabulaire, sur des unités de sens simples. Nous
nous placerons au carrefour de l'interprétation politique, de
l'histoire, de la sémiotique et de la statistique. Nous pourrions
rapprocher la lexicométrie de la sociologie dans la mesure où
leurs objets d'études sont les mêmes, bien que la
lexicométrie offre un point de vue particulier en se basant sur le
vocabulaire16(*). Il nous
apparaît en effet essentiel de travailler sur une base exhaustive avec
des méthodes fiables ne laissant la place à aucune
subjectivité afin de disposer de résultats incontestables.
Pour répondre à
nos questions, notre méthode consistera en une analyse
lexicométrique des discours effectuée à l'aide du logiciel
Lexico 3.45 développé par André Salem de
l'Université la Sorbonne Nouvelle - Paris III.
Tout d'abord, il convient
d'effectuer un bref rappel de cette méthode quantitative qui ne fait pas
l'unanimité. La lexicométrie est entièrement basée
sur la notion de fréquence. Le discours est segmenté dans sa plus
petite unité, la forme graphique. Il s'agit d'une suite de
caractères délimités par deux espaces blancs que nous
nommerons occurrences. L'ensemble des formes d'un texte constitue son
vocabulaire. Afin de pouvoir effectuer des comparaisons, il est
nécessaire de traiter tous les textes avec une méthode de
dépouillement strictement identique. Nous avons opté pour les
normes mises en place par Dominique Labbé en 199017(*). Il convient alors de
procéder à une fastidieuse désambiguïsation manuelle
des homographies afin d'éviter des erreurs de sens18(*).
Depuis les années
1950, de grands chercheurs issus de disciplines diverses ont construit et
défendu la lexicométrie. Guiraud, Muller, Brunet,
Tournier19(*) se sont
opposés au courant subjectiviste en bâtissant une nouvelle science
sociale basée sur les sciences dures. Frédéric Bon
reconnaît que « l'objectivité scientifique de la mesure
a une définition bien précise : elle signifie simplement que
plusieurs chercheurs appliquant les mêmes critères obtiendront les
mêmes résultats ». Le choix de l'objet et de cette
méthode nous permettra de nous appuyer sur les publications de
références de Denis Monière et de Dominique
Labbé20(*) afin de
pouvoir replacer nos analyses dans une perspective historique plus large et de
les comparer aux corpus précédemment
étudiés.
Mais la simple
fréquence d'un terme suffit-t-elle pour affirmer que ce vocable
revêt une importance particulière dans le texte
étudié ? De nombreuses études ont démontré
que les termes lourds de sens étaient aussi les plus
répétés21(*), donc « la fréquence des termes
paraît un indicateur sûr de leur importance objective22(*) ».
La lexicométrie
s'impose par sa rigueur et la fiabilité de ses résultats. Des
comparaisons entre des discours ont rarement été traitées
par des auteurs dont les recherches reposent sur des méthodes aussi
fiables que les données quantitatives. Par ailleurs, la
lexicométrie présente des résultats tout à fait
explicites et très représentatifs. De plus, l'application de
cette méthode est particulièrement simplifiée par le
recours à l'informatique. Une lecture intuitive superficielle pourrait
entraîner de fausses évidences, alors que l'ordinateur se
révèle comme un puissant outil de dépouillement. Damon
Mayaffre souligne à ce propos que :
« l'ordinateur fait
preuve à la fois de rigueur et de souplesse. Rigueur par
l'exhaustivité et la systématicité de l'indexation, donc
des explorations, donc des relevés d'information. Souplesse car
l'ordinateur peut balayer le texte en quelques secondes, avancer et revenir en
arrière sans se lasser, surfer sur la vague d'informations sans se
laisser laminer par elle23(*). »
Le logiciel Lexico 3.45 nous
permettra de disposer des mots les plus fréquents, donc les plus
répétés. Des fonctions récemment
développées nous permettrons ensuite de disposer des
spécificités du vocabulaire24(*) et des segments répétés25(*). Nous avons aussi
effectué artisanalement un certain nombre de mesures afin de disposer de
la diversité du vocabulaire d'un orateur, et de tous les indicateurs
nécessaires à la description de son style. Nous traiterons
principalement de fréquences relatives. Cela serait susceptible de
biaiser nos résultats car la fréquence relative d'un mot
dépend de la longueur du texte. Mais, dans la mesure où les
discours de notre corpus sont approximativement d'une longueur
équivalente, nous estimons que le choix des fréquences absolues
ne s'imposait pas.
Il apparaît essentiel
de faire émerger certaines critiques et limites de la
lexicométrie. Nous nous positionnerons face à celles-ci pour
justifier notre cadre d'analyse.
Tout d'abord, il convient de
souligner que nous ne cèderons pas à l'isomorphisme entre lexique
et parti politique. Cela apparaîtrait réducteur et nous
préférerons utiliser des notions de relation. Nous nous
plaçons dans la ligne de Jean-Baptiste Marcellesi selon lequel cet
isomorphisme conduirait à prêter au locuteur une
naïveté linguistique et politique dans la mesure où il
serait incapable de tenir des discours différents26(*). Le vocabulaire ne peut pas
être considéré comme une étiquette fixée
à un groupe politique car cela imposerait une rigidité qui ne
correspond pas à une réalité de
chassés-croisés lexicaux. Nous pourrons nous placer
au-delà de cet isomorphisme en procédant à l'étude
de l'univers lexical. Les mots ne seront pas séparés de leur
environnement lexical adjacent.
Lorsqu'un mot est
utilisé, le choix du mot suivant n'est plus aléatoire27(*). On pourrait penser que la
lexicométrie ne tient pas compte de ce déterminisme. Cependant
pour faire face à cette limite nous disposerons de deux outils qui sont
respectivement l'analyse des cooccurrences, qui consiste à prendre en
compte des vocables qui apparaissent à proximité de chaque terme,
et l'inventaire des segments répétés qui permet de
repérer les expressions qui se répètent dans un texte. Il
faut cependant reconnaître que ces techniques sont loin d'être au
point pour faire face à cette limite.
De plus, le fondement
même de la méthode lexicométrique peut être remis en
cause par l'importance de notions employées à très faible
fréquence. En effet, « c'est quelquefois la rareté
même de certaines notions qui sera davantage révélatrice
parce qu'elle renvoie au non-dit ou à ce qui doit être dit avec
circonspection28(*) ». C'est pourquoi nous travaillerons sur
les fréquences les plus élevées mais aussi les moins
élevées, comme nous travaillerons sur les
spécificités positives et négatives de chaque
discours.
Enfin, notre travail ne
comportera presque aucun recours à la récente technique de
lemmatisation des textes. Les vocables d'une même racine sont
regroupés sous le même lemme (souvent à l'infinitif),
l'objectif étant de disposer d'une unité de sens pertinente
linguistiquement29(*).
Outre le fait que nous ne disposons pas des moyens techniques pour effectuer un
tel ouvrage, nous considérons que cette méthode présente
d'importantes lacunes. Maurice Tournier soulignait d'ailleurs que « la
lemmatisation ne résout rien et empire tout ». Le renvoi d'un
vocable à « une entrée canonisée du
dictionnaire30(*) » ne fait pas disparaître le
problème du sens, et impose une norme extérieure au vocabulaire
du locuteur. Cela permet certes le traitement statistique de nouvelles
données linguistiques, mais le texte lemmatisé dénature la
réalité originelle du corpus.
Le choix
du corpus
Notre corpus est
composé de onze discours : cinq discours d'ouverture de session
parlementaire au Québec et six déclarations de politique
générale en France, couvrant la période 1995-2006. Ce
choix correspond tout d'abord à la forme et la place de ces propos dans
la vie politique. Le discours gouvernemental d'ouverture est un discours
à haute portée politique, longuement préparé, dans
lequel on est en droit d'attendre une forte connotation idéologique.
Nous pourrions supposer, étant donné l'importance actuellement
accordée aux modes de communication, que le vocabulaire politique
tendrait à se dépolitiser. Cet exercice pourrait aussi être
soumis à des contraintes institutionnelles, c'est ce que nous
commencerons par démontrer. En outre, leur longueur
généralement assez élevée permet d'obtenir des
statistiques suffisamment fiables.
L'intérêt de
l'ensemble des discours québécois repose tout d'abord sur une
alternance entre les partis, mais également sur un moment où la
jeune génération des souverainistes prend le relais des premiers
péquistes31(*). La
valeur symbolique accordée l'ouverture de session nous permet
d'accéder à un propos qui devrait être
idéologiquement marqué. De plus, la forme programmatique esquisse
une vision politique globale. La prise en compte des répliques des chefs
de l'opposition officielle viendront quant à elles enrichir ce corpus en
mettant à jour les thèmes opposant diamétralement les
partis et en offrant une lecture différente de la situation
québécoise et de ses priorités. Notons que cet objet
d'étude est composé seulement de trois hommes politiques (Lucien
Bouchard, Bernard Landry et Jean Charest), ce qui nous permettra d'envisager
une perspective évolutive des discours.
En France, notre corpus
contient principalement des discours de droite. Seul celui de Lionel Jospin
viendra marquer une alternance, et nous offrira l'opportunité d'analyser
le discours de la cohabitation. Nous pourrons à nouveau percevoir cet
ensemble une perspective évolutive à travers le cercle de
Premiers ministres gravitant autour de Jacques Chirac.
Le choix de la période
correspond à un tournant majeur pour les deux pays. Au Québec,
l'année 1995 a été marquée par l'échec du
référendum sur la souveraineté de la province. Le Premier
ministre du Parti Québécois, Jacques Parizeau, avait alors
appelé les Québécois à se prononcer sur la question
qui fait d'un peuple un pays : « Acceptez-vous que le
Québec devienne souverain, après avoir offert formellement au
Canada un nouveau partenariat économique et politique dans le cadre du
projet de loi sur l'avenir du Québec et de l'entente signée le 12
juin 1995 ? ». Perdu par 25000 voix d'écart, ce
référendum a ravivé la flamme souverainiste.
L'année 1995 marque en
France la fin de 14 ans de règne socialiste et le retour à
l'Élysée de la droite avec Jacques Chirac. Après une dure
cohabitation entre Balladur et Mitterrand, la droite retrouve les pleins
pouvoirs. Élue sur le thème de la fracture sociale, le RPR se
propose d'affronter les difficultés structurelles de la France. Ainsi,
notre ensemble couvre toute la présidence de Jacques Chirac.
Notre corpus se compose de
deux États francophones, partageant une partie de leur histoire, et
luttant parfois pour les mêmes causes (telles la diversité
culturelle, la francophonie, la lutte contre la pauvreté en Afrique...).
Bien que le Québec soit une province et la France un État
à part entière, nous trouvons un point de comparaison dans la
mesure où les deux pays disposent des mêmes pouvoirs d'action.
Notons enfin qu'il s'agit de pays occidentaux qui subissent la même
conjoncture internationale. La situation économique apparaît lors
de cette période très difficile. Après la récession
de 1993, l'économie française est en panne, et le chômage
augmente ostensiblement. Le Québec doit pour sa part lutter contre le
déficit, mais également mener de front la bataille de l'emploi.
La période étudiée correspond à une prise de
conscience sur la nécessité de la réorganisation de
l'État et de ses programmes : chômage, retraites, garderies,
santé, contrats de travail... En définitive, c'est durant la fin
des années 1990 et le début du XXIe siècle que
la mondialisation va s'imposer avec tous les aspects négatifs qui
l'accompagne.
Présentation des chapitres
Dans un premier chapitre,
nous établirons une présentation des deux régimes
politiques ainsi qu'un bilan de l'évolution politique récente du
Québec et de la France. En outre, nous présenterons les discours
d'ouverture en soulignant les contraintes institutionnelles qui
déterminent leur production. Nous exposerons donc les conditions de
production de ces déclarations grâce aux explications que nous
avons recueillies auprès des auteurs de ces discours.
Lors d'un second chapitre,
nous débuterons l'analyse lexicométrique afin de faire
émerger un certain nombre de constats rapprochant les discours
français et québécois. Nous évaluerons l'impact des
contraintes institutionnelles sur le choix du vocabulaire. Par ailleurs, notre
méthode nous permettra de procéder à une analyse
stylistique afin de comparer certaines caractéristiques de construction
des propos.
Enfin, dans un
troisième chapitre, nous ferons ressortir certains
éléments grâce auxquels les discours se
différencient. Les caractéristiques nationales et la conjoncture
du moment amènent les propos à se distancier. De plus, un
détour par l'utilisation des pronoms personnel permettra de faire
émerger deux conceptions du discours.
Chapitre
1
Le poids
d'une institution discursive
La
déclaration de politique générale, c'est la chose la plus
sinistre à faire.
Raymond Barre
Deux
systèmes politiques distincts
L'Assemblée
législative de Québec a été instaurée en
1791 afin de gérer le dominion britannique du Bas-Canada. Ce territoire,
nommé la Nouvelle-France depuis sa colonisation par Samuel de Champlain,
relevait auparavant de l'autorité du roi de France. La région
participa ensuite à la création de la confédération
canadienne lors de l'Acte de l'Amérique du Nord Britannique en 1867 par
lequel fut institué l'État fédéral dont le
gouvernement siège à Ottawa. La province fonctionne depuis lors
sous un régime de monarchie parlementaire de type Westminster, dans un
système bipolaire32(*) avec quasi uniquement deux partis. Le chef de
l'État est la Reine Élisabeth II, mais son statut est seulement
symbolique et consiste à maintenir les liens qui unissent tous les
États du Commonwealth. Elle est représentée au Canada
à travers un gouverneur-général qui a pour fonctions
l'apposition du sceau royal et la promulgation des lois.
Le système de la
confédération canadienne accorde des pouvoirs importants à
ses provinces. Celles-ci fonctionnent comme de réels États, avec
un gouvernement issu du Parlement qui dispose des pouvoirs régaliens, de
l'initiative des lois, du droit de lever des impôts... Le Québec
compose avec une administration qui lui est propre, lui permettant entre autres
de gérer les domaines de la santé, de la justice33(*), de l'éducation, du
budget...
Au Parlement de
Québec, on retrouve le parti gouvernemental du Premier ministre et celui
de l'opposition officielle. Le système politique conduit à la
création de partis politiques forts car il est nécessaire de
disposer d'une majorité au Parlement pour pouvoir mettre en place ses
projets. La scène québécoise est monopolisée par le
Parti libéral du Québec (PLQ) et par le Parti
québécois (PQ). Plus récemment, les conservateurs de
l'Action démocratique du Québec (ADQ) ont fait leur entrée
dans la chambre. Leur arrivée a alors prêté à la
création de gouvernements minoritaires au Parlement, mais ce fait est
exceptionnel tant les deux grands partis neutralisent toute concurrence.
Les députés
élus au suffrage universel direct nomment un Premier ministre parmi l'un
d'eux, généralement le chef du parti. Ce dernier choisit dans le
collège de députés son Cabinet, c'est-à-dire son
conseil des ministres. La durée officielle du mandat est de 5 ans,
cependant la longévité moyenne d'un Cabinet est de 3 ans. Les
gouvernements savent agir en conséquence lorsqu'ils sont trop
impopulaires, contestés par la base de leur mouvement ou s'ils subissent
le moindre échec électoral. Dans le cas où le parti
gouvernemental ne serait plus majoritaire en chambre, l'Assemblée peut
exprimer sa défiance à l'égard du Premier ministre qui
devra alors remettre sa démission au lieutenant-gouverneur, le
représentant du gouverneur-général dans la province. Mais
le régime n'en est pas pour autant instable dans la mesure où les
gouvernements profitent toujours d'une période suffisamment longue pour
appliquer leur programme.
Les élites
québécoises des années 1980 sont majoritairement issues de
la filière juridique ainsi que du milieu universitaire d'excellence.
Ainsi Jacques Parizeau, diplômé de la London School of Economics
enseignait à HEC Montréal, Bernard Landry repris ses
études alors qu'il exerçait au Barreau de Québec pour
obtenir un diplôme de l'IEP de Paris en section
économique34(*),
Jean Charest a commencé sa carrière en tant qu'avocat en droit
criminel35(*), tout comme
Lucien Bouchard. Nous pourrons voir plus tard que l'excellence oratoire des
avocats transparaît nettement dans les mots des discours
inauguraux.
Pour terminer, il faut
préciser qu'il n'existe plus de Conseil législatif au
Québec. Auparavant constitué sur le principe de la chambre des
Lords au Parlement de Westminster avec des membres nommés à vie
pour leur rang social, le Conseil législatif du Québec a
été aboli en 1968. Cette chambre disposant de pouvoirs forts
présentait un décalage trop grand avec l'idéal
démocratique et le suffrage universel. Il n'existe donc plus qu'une
seule chambre toute puissante, dont seuls les magistrats de la Cour
Suprême de la Couronne peuvent invalider les décisions.
La République
française, elle, prend ses sources au fondement de l'exaspération
jacobine contre la monarchie qui se cristallisera dans la Révolution de
1789. L'idéal réside dans un État dirigé par des
élus du peuple et responsables devant celui-ci. Un siècle et demi
plus tard, au lendemain du second conflit mondial, les Français
rejettent par référendum le retour à la IIIe
République, qui reposait sur le primat du législatif. Le
gouvernement provisoire laisse la place à la IVe
République, un régime parlementaire bicamériste dans
lequel les deux Assemblées élisaient un Président de la
République pour 7 ans. Ce dernier disposait d'un rôle de second
plan car le pouvoir exécutif était exercé par le
Président du Conseil qu'il avait la charge de désigner.
Cependant, face à une crise institutionnelle insurmontable36(*), le Général de
Gaulle fut investi des pleins pouvoirs en 1958 afin de mettre en place une
nouvelle constitution.
La Ve
République installe un régime semi-présidentiel pour en
finir avec « le régime des partis37(*) » en assurant
à la fois la stabilité et la puissance du pouvoir
exécutif, désormais aux mains du Président de la
République. Élu dès 1962 au suffrage universel direct pour
une durée de 7 ans38(*), le régime lui accorde une place très
importante. Chef des armées, recours suprême en justice, il dirige
la diplomatie et indique au gouvernement ses grandes orientations. Dans un
souci de prééminence de l'exécutif, le Président de
la République dispose aussi du droit de dissoudre l'Assemblée
nationale, ce qui constitue une limite à la séparation des
pouvoirs39(*).
En France, le Premier
ministre est une véritable institution40(*). Certains historiens attribuent même son
apparition au début de la monarchie capétienne41(*). Il est constitutionnellement
un puissant subordonné, chargé de déterminer et
d'exécuter la politique de la nation42(*). À l'inverse du système de la
IVe République, le Premier ministre de la Ve
République est nommé par le Président de la
République, et compose avec lui son gouvernement43(*). À la différence
du Québec, il n'est en aucun cas obligatoire que celui-ci soit un
élu à l'Assemblée nationale, ainsi Dominique de Villepin
est devenu Premier ministre sans n'avoir jamais été
légitimé par l'élection. Par ailleurs, la Ve
République rend possible la situation unique d'une cohabitation d'un
Président et d'un Premier ministre politiquement opposés44(*) : le rôle du chef
de l'État se voit alors affaiblit.
Le système
bicaméral repose sur une Assemblée nationale élue au
suffrage universel direct et sur un Sénat élu au suffrage
universel indirect par les « grands électeurs ». Les
projets de loi du gouvernement effectuent une navette entre les deux chambres
afin d'être examinés. Cependant la décision finale
appartient toujours à l'Assemblée nationale. Le gouvernement est
responsable de son action devant celle-ci et il peut être renversé
par le vote d'une motion de censure.
Contrairement au
Québec, les élites de la classe politique française ne
sont pas issues de la magistrature mais du fleuron de l'administration
publique. En effet, il persiste en France une tradition de grandes
écoles d'excellence. Le Général de Gaulle fonda par
ordonnance en 1945 l'École nationale d'administration (ÉNA) afin
de recruter et de former les futurs cadres supérieurs de
l'administration publique. Cette institution d'élite constitue un
réservoir de futurs dirigeants gouvernementaux. Parmi les dix derniers
Premiers ministres de la Ve République, seuls trois ne sont
pas issus d'un tel cursus. Jean-Pierre Raffarin, le seul à ne pas
être énarque parmi notre corpus, détient par exemple un
diplôme de l'École supérieure de commerce de Paris.
Notre objet d'étude
porte donc bien sur deux États différents. Le régime
parlementaire ne correspond en rien au système présidentiel. Les
Premiers ministres disposent de fonctions équivalentes, mais
n'évoluent pas dans un environnement similaire.
Récentes évolutions politiques au Québec
et en France
Avant toute analyse, il
convient de dresser un tableau de l'évolution du Québec et de la
France lors de la fin du XXe siècle. Il apparaît
opportun de souligner un certain nombre d'éléments qui
faciliteront la compréhension globale du travail par la suite. Il s'agit
d'offrir un panorama de la situation politique et de la chronologie dans
lesquelles s'inscrivent les discours. Nous présenterons tous les
Premiers ministres de notre corpus à travers leurs principales
réalisations et parfois les raisons de leurs échecs. Concernant
les hommes politiques actuels, nous nous contenterons d'une brève
description afin d'éviter tout jugement personnel.
En 1960, le libéral
Jean Lesage plaça le Québec sur la voie d'une
« Révolution tranquille ». Il s'agissait alors de
tourner la page après 18 ans d'une gouvernance sans partage de l'Union
nationale de Maurice Duplessis, période communément
appelée « la grande noirceur ». En effet, la
province vécut de 1936 à 1959 sous le joug d'un régime
traditionnel et autonomiste placé sous l'égide de l'Église
catholique45(*).
Dès 1960, le Québec prit le chemin de la modernité, du
progrès, de la libéralisation des moeurs, mais aussi de la
social-démocratie. La période fut marquée par le
renforcement du souverainisme au Québec, conception qui atteindra son
apogée en 1976 avec l'élection de René Lévesque
dont le projet étapiste de souveraineté-association conquit les
Québécois. Ce dernier deviendra l'emblème de
l'indépendance lorsque le Premier ministre fédéral Pierre
Elliott Trudeau acceptera avec tous les autres Premiers ministres provinciaux
l'acte constitutionnel de 1982 malgré l'avis défavorable du
Québec. La belle province était en pleine expansion
économique ; alors que la nationalisation des principales entreprises
offrait de grandes marges de manoeuvre à l'État pour investir
dans des politiques sociales, les conflits grandissants avec le pouvoir
d'Ottawa paralysaient le Canada46(*).
Le fédéraliste
Robert Bourassa (1970-1976 ; 1985-1994) milita pour la reconnaissance du
statut distinct du Québec dans la constitution en raison de sa culture
francophone majoritaire. Cependant l'échec des Accords du Lac Meech
et de Charlottetown supprimèrent tout espoir de trouver un compromis et
relancèrent la ferveur nationaliste et indépendantiste. Il est
vrai que l'histoire de la province fut jalonnée de confrontations entre
francophones et anglophones. La langue devint le fer de lance d'un mouvement
réclamant davantage d'autonomie pour la gestion d'un territoire qui ne
partage en rien les caractéristiques des provinces de l'Ouest du Canada
telles la Colombie-Britannique ou l'Alberta. Ainsi en 1974, la loi 22
érigea la langue française comme seule langue officielle, et en
1977, la Charte du français (loi 101) l'imposa comme seule langue
professionnelle.
L'enjeu de la
souveraineté repose sur le contrôle du pouvoir par l'unique peuple
québécois. Le Parti québécois, qui regroupa
dès 1968 tous les mouvements indépendantistes, entretient un
réel nationalisme sur la base de l'histoire de cette province qui,
jusque dans les années 1970, était soumise aux
intérêts canadiens anglophones et américains. Le projet
repose sur un idéal d'émancipation du gouvernement
fédéral au nom d'une nation québécoise distincte de
ses voisins canadiens, et qui éprouve le besoin de s'autogérer
sans l'intervention d'acteurs extérieurs. L'objectif à court
terme réside dans la création d'un État comparable
à l'État canadien. De nombreux auteurs engagés ont
théorisé le nationalisme47(*) et ont analysé les conséquences de
l'indépendance de la province dans les moindres détails48(*). Les propos de Denis
Monière, ancien chef du Parti indépendantiste dans les
années 1960, reflètent parfaitement les aspirations des
souverainistes :
« Comme
collectivité, les Québécois sont impuissants à
orienter les politiques commerciales, douanières et tarifaires. Ils ne
peuvent choisir les secteurs qui doivent être développés
par l'action économique de l'État. Ils doivent subir des
décisions et des priorités définies par les
autres.»
« La
souveraineté est donc l'enjeu d'un déplacement de
légitimité et implique que le peuple peut disposer de
lui-même, qu'il est théoriquement le maître de ceux qui
décident en son nom. La souveraineté du peuple se rapporte
à la structure de l'autorité, elle assure au peuple le libre
choix de ses gouvernants.49(*) »
D'après cet auteur, si
les Québécois constituent un peuple, la souveraineté
apparaît alors comme une évolution normale et souhaitable. Sans
nous appesantir, notons que l'ONU exige certaines conditions pour
reconnaître le droit à la souveraineté politique50(*) : il doit s'agir d'un
peuple distinct qui dispose d'un territoire géographiquement
limité, de structures propres, l'État doit être viable mais
surtout la décision doit venir de la population. La plupart de ces
modalités semblent être réunies si nous nous
référons aux conclusions de la commission parlementaire
Bélanger-Campeau. Ces deux députés avaient
été mandatés par René Lévesque dans les
années 1970 afin d'analyser la viabilité d'un État
québécois. Désormais seul un référendum
pourra sceller l'avenir du Québec.
Ces dix dernières
années représentèrent un tournant dans l'évolution
politique du Québec. Le Premier ministre souverainiste Jacques Parizeau
organisa en 1995 un référendum sur la souveraineté.
Celui-ci fut perdu par un point alors que 94% des électeurs
s'étaient déplacés. Une des causes principales fut la peur
d'une chute du dollar canadien, qui poussa massivement les
Québécois à convertir leur épargne en dollars
américains51(*).
Vaincu, Parizeau démissionna en accusant le gouvernement
fédéral d'avoir acheté le vote des communautés
ethniques52(*). Le Parti
québécois subit un sérieux revers et le gouvernement
Bouchard se concentra ensuite sur l'économie pour prouver à la
fois ses capacités de gestion et la puissance de l'industrie locale. En
effet, la richesse de la province repose sur ses ressources naturelles telles
l'amiante, le fer, le cuivre ou encore le bois, mais aussi sur les industries
de hautes technologies comme l'aéronautique (Bombardier),
l'informatique, l'automobile (General Motors). Bouchard ne suivit pas le
« modèle québécois » consistant en
d'onéreuses politiques keynésiennes à long terme, mais
remis en cause l'étatisme et privilégia le
« déficit zéro » qu'il atteignit en 1999. Son
successeur Bernard Landry, fin économiste, se fit le porteur du libre
échange et de l'accroissement de la place du Québec sur la
scène internationale53(*). Comme son prédécesseur, il incarne un
souverainisme modéré, emprunt du réalisme d'un parti
gouvernemental ; il estime ainsi qu'il faut faire une offre de partenariat
au reste du Canada avant de proclamer la souveraineté. Ni Landry ni
Bouchard ne trouverons de moment opportun pour déclencher un
référendum, ce qui vaudra d'ailleurs leur perte. En outre, la fin
du XXe siècle représente une période intense en
progrès sociaux. Le système de santé devient accessible
à tous grâce à une assurance maladie et une assurance
médicament efficaces. De plus, les jeunes parents sont incités
à travailler grâce au système très
développé de garderies à cinq dollars par jour (CPE) et
les bases d'une indemnisation des chômeurs ont été mises en
place en même temps qu'apparaissait un revenu minimum pour les plus
démunis nommé le bien-être social (BS). Enfin le
système scolaire, après avoir été
laïcisé, a vu ses coûts pris en charge en grande partie par
l'État... Le Québec des années 1990, grâce à
une gestion budgétaire stricte, a développé un ensemble de
programmes universels et innovants. L'ancien ministre fédéral
Jean Charest, actuellement au pouvoir, entama pour sa part un vaste mouvement
de réingénierie de l'État pour faire face aux
rigidités organisationnelles, à une dette qui s'envole, et
à un système de santé devenant trop lourd54(*). Il a remanié son
gouvernement en 2006 pour évincer son ministre de l'écologie avec
lequel il s'opposait sur l'application du protocole de Kyoto et sur la
privatisation des parcs nationaux.
En 1944, au réveil de
la libération, le Gouvernement provisoire de la République
française dirigé par le Général de Gaulle met en
place une ambitieuse politique de reconstruction. Il s'agit d'une
période intense en progrès économiques et sociaux55(*). Le retour au pouvoir du
Général dans le cadre de la Ve République
présente la fin de la période de décolonisation alors
qu'un État fort s'impose. Georges Pompidou s'inscrira pour sa part dans
la lignée de son prédécesseur en poursuivant les
politiques sociales et en s'attelant à l'organisation régionale
du territoire. Valéry Giscard d'Estaing tenta ensuite de réaliser
une « société libérale
avancée », mais ces deux hommes d'État durent faire
face à la crise économique des années 1970. Les chocs
pétroliers ainsi que l'abandon du système de Bretton Woods, de
change fixe des monnaies, n'arrangèrent rien à la
stagflation56(*), alors
que le nombre de chômeurs atteignait pour la première fois la
barre d'un million. En 1981, l'alternance radicale proposée par
François Mitterrand présenta un espoir immense. Les socialistes
nationalisèrent des grandes entreprises, les salariés obtinrent
une cinquième semaine de congés payés, la peine de mort
fut abolie, les ondes radios libéralisées, une ambitieuse
politique culturelle fut mise en place. Cependant, le déficit public se
creusait, le nombre de chômeurs dépassait les deux millions, et
malgré une politique de rigueur, le franc dut être
dévalué à trois reprises57(*). Sur le plan social, Michel Rocard apporta une
innovation majeure en créant le RMI pour lutter contre
l'exclusion.
En 1995, Jacques Chirac fut
élu Président de la République après une campagne
durant laquelle il appuya que l'État devait contrôler les
dérives libérales pour réduire la « fracture
sociale ». Dès son arrivée, le Premier ministre Alain
Juppé vit sa politique contestée au sein même de son
gouvernement. Alain Madelin, qui prônait un libéralisme absolu
à l'image de Reagan, démissionna du gouvernement après
seulement quatre mois ce qui entraîna sa recomposition. Alain
Juppé s'employa ensuite à réformer une
sécurité sociale trop coûteuse, provoquant des mouvements
de grève exceptionnels. Jacques Chirac choisit finalement de dissoudre
l'Assemblée nationale en 1997 afin d'éviter une crise
institutionnelle. La gauche plurielle remporta alors les législatives et
Lionel Jospin fut nommé à Matignon.
Le retour au pouvoir des
socialistes fut accompagné d'une conjoncture favorable avec une reprise
de la croissance. Outre le maintient des réformes pour satisfaire les
critères de convergence européens nécessaires à
l'Union économique et monétaire, le mandat de Lionel Jospin fut
marqué par la loi sur la parité, la création du pacte
civil de solidarité (PACS), ainsi que par la mise en place d'une
couverture maladie universelle (CMU). Le grand chantier de l'emploi le poussa
à innover en réduisant la durée du temps de travail de 39
heures à 35 heures hebdomadaires. Le nombre de demandeurs d'emploi chuta
ainsi d'un million durant cette période.
Les élections
présidentielles de 2002 marquèrent la déroute de Lionel
Jospin qui ne parvint pas au second tour. Cet échec fut lié
à la multiplicité des candidatures mais surtout à la
progression des thèses défendues par le Front national de
Jean-Marie Le Pen depuis des décennies. À partir de 1984, le
parti d'extrême droite s'est durablement implanté dans la vie
politique française. Incapable de se faire élire, le FN progressa
en pesant sur une droite chrétienne et traditionaliste. Il parvint dans
les années 1990 à s'implanter dans les municipalités, les
conseils généraux et régionaux. Il s'imposa alors comme le
troisième grand parti du pays, détenant la balance du pouvoir au
gré de ses alliances. Nationaliste, anticommuniste, antiparlementariste,
le FN construit son discours autour du chômage et de
l'insécurité, trouvant leurs causes dans l'immigration58(*). Le parti se place comme un
alternative « contre le système » afin de
résoudre « la crise »59(*). Le leader xénophobe
incarne à lui seul son parti, en atteste l'échec de la scission
du parti avec son dauphin Bruno Mégret en 1999. Au fil des ans, l'ancien
poujadiste a réussi à placer ses thèmes de
prédilection à l'agenda politique et au coeur du débat
électoral. Ainsi, la campagne présidentielle de 2002,
orientée sur le thème de l'insécurité, a permis
à Le Pen de rallier les votes protestataires pour accéder au
second tour. Erwan Lecoeur conclut que ce résultat est le fruit de plus
de trente années de patience60(*). Cet évènement inattendu a
entraîné une mobilisation sans précédent afin de
défendre les intérêts de la République :
Jacques Chirac fut élu dans un sursaut démocratique avec plus de
80% des voix.
Jean-Pierre Raffarin fut
nommé à Matignon et put s'appliquer à diriger le pays,
fort d'une majorité absolue à l'Assemblée nationale, fait
exceptionnel. Il prit pour engagement de défendre les
intérêts de la « France d'en bas » et misa sur
la croissance pour relancer l'économie. Sa réforme du
système de retraite par répartition entama sa popularité,
particulièrement du fait de la prolongation des années de
cotisation. De plus, les points de vus furent divisés sur la politique
sécuritaire de son ministre de l'Intérieur. Enfin, il poursuivit
une politique de décentralisation en donnant de nouvelles
responsabilités aux collectivités locales. Les élections
régionales de 2004 servirent de sanction contre le gouvernement.
Celui-ci fera alors l'objet d'un remaniement ministériel. Un an plus
tard, c'est l'échec du référendum sur le projet de
traité constitutionnel européen qui mènera Jean-Pierre
Raffarin à la démission.
La France est plus que jamais
ancrée dans la communauté européenne. Ce membre fondateur
participa à chaque avancée de cette union, mais la question
divise toujours. Chirac, européen de circonstance, avait soutenu
l'évolution apportée par le Traité de Maastricht en 1992.
Lionel Jospin, souvent qualifié d'eurosceptique, fut un
élément moteur du Traité de Nice en 2004. Le rôle
des Premiers ministres dans ce grand ensemble est fondamental. Ainsi, Alain
Juppé s'est attelé à satisfaire les critères de
convergences pour l'union économique et monétaire, Lionel Jospin
entérina le processus menant à une constitution, Jean-Pierre
Raffarin défendit avec vigueur le projet lors du
référendum. L'Europe est donc un élément
incontournable mais surtout un objet qui s'impose aux Premiers ministres et
dont la forte influence sur les politiques nationales n'est plus à
démontrer.
Dominique de Villepin
rejoignit dès mai 2005 l'Hôtel de Matignon avec l'ambition de
redonner espoir aux Français en relançant la consommation. Son
action réside dans l'application des promesses électorales du
chef de l'État. Lutte contre le cancer, amélioration des
conditions de vie des handicapés, baisse des impôts, les chantiers
de la fin du quinquennat sont nombreux. Sans nous appesantir, nous retiendrons
des initiatives en matière de logement social et une redéfinition
des termes de l'immigration. Enfin, cette période a été
marquée par une crise majeure liée au contrat première
embauche.
Des
conditions d'énonciation proches
Le choix des discours de
politique générale et de ceux d'ouverture correspond à la
nécessité de disposer de conditions d'énonciations proches
afin d'effectuer une analyse comparative.
Tout d'abord, il convient de
dresser un bref portrait historique, afin de montrer qu'ils se sont
imposés au fil du temps comme les discours majeurs d'une
gouvernance.
Pendant deux siècles,
le discours du Trône développait chaque année les
volontés royales devant une assemblée non élue. Il
était lu par le représentant du roi, en l'occurrence le
gouverneur-général du Canada. En 1969, l'Assemblée
législative de Québec devint l'Assemblée nationale du
Québec. Dès lors, le discours inaugural fut prononcé
à chaque début de session parlementaire devant une
assemblée élue, dans un souci démocratique. En 1984, il
prit le nom de discours d'ouverture, et sa lecture fut dorénavant
retirée au lieutenant gouverneur au profit du Premier ministre. Cette
évolution traduit la prise en main démocratique de
l'Assemblée et le refus de la domination de la Couronne
britannique61(*).
Il convient de souligner que
le Québec présente l'exception d'être un État
composé de deux communautés linguistiques. Ainsi, le discours
majoritairement en français comprend quelques phrases en anglais. Par
ailleurs, notons qu'il est toujours suivi de la réplique du chef de
l'opposition officielle. Cet aspect typiquement issu du régime
parlementaire exerce une pression supplémentaire sur
l'énonciateur qui se placera dans une situation polémique face
à son adversaire.
En France, la
déclaration gouvernementale tient lieu après l'investiture d'un
Premier ministre et la composition du gouvernement ; elle précède
un vote de confiance. Le discours de politique générale se
déroule dans l'hémicycle du Palais Bourbon lors d'une
séance extraordinaire. Il est parfois prononcé au Palais du
Luxembourg, mais les sénateurs ne peuvent pas s'exprimer sur le texte.
En effet, en vertu de l'article 49-1 de la Constitution, le gouvernement
demande la confiance aux députés lors de sa déclaration.
C'est pourquoi celle-ci contient les grandes lignes de l'action gouvernementale
à venir. Or la dérive présidentialiste des premiers
septennats avait entraîné les Premiers ministres à
négliger cette demande. Sous Valéry Giscard d'Estaing, le respect
de cette responsabilité fut exercé, avant de disparaître
avec les Premiers ministres socialistes. Notre corpus est pour sa part
constitué uniquement de discours ayant été suivis de
l'application de l'article 49-1 ; il faut lier ce fait à de fortes
majorités à l'Assemblée nationale, ce qui n'était
pas toujours le cas pour les gouvernements socialistes des années 1990
(Mauroy, Fabius, Cresson).
Au-delà du
détail historique, nous pouvons d'ores et déjà
considérer que l'institution canalise le message et ainsi les choix de
vocabulaire. Afin d'étayer nos propos, nous nous appuierons sur des
études lexicométriques effectuées sur divers États
dont les discours gouvernementaux apparaissent proches.
Il convient pour aborder ce
thème de faire référence à Michel Foucauld selon
lequel :
« Dans toute
société la production du discours est à la fois
contrôlée, sélectionnée, organisée et
redistribuée par un certain nombre de procédures qui ont pour
rôle d'en conjurer les pouvoirs et les dangers 62(*)».
C'est ainsi que le philosophe
français aborde les contraintes institutionnelles pesant sur le
discours. La prise de parole serait donc encadrée par des
interdits63(*) qui
imposeraient en quelque sorte un « discours type ». Dans
son étude sur les gouvernements belges, Jean-Claude Deroubaix64(*) confirme les contraintes lors
de la production et met en avant le partage des mots usuels des institutions
politiques. Il en est de même en Espagne où
l'homogénéité du vocabulaire reposerait sur un vocabulaire
institutionnel commun65(*). En France, le discours de politique
générale poursuit la tradition de la IIIe
République quant à sa forme. Le Premier ministre y expose ses
intentions dans un genre programmatique66(*).
Il est significatif que la
plupart des contraintes liées à l'institution reposent sur une
base historique. Tout d'abord, ce type de cérémonie est
infiniment solennel, très hiérarchisé et la marge de
liberté apparaît mince. Le protocole hérité de
traditions ancestrales neutralise toute créativité. C'est une des
raisons ayant conduit au choix de notre corpus dans la mesure où ces
discours apparaissent comme un outil de référence assez stable
dans le temps. Par ailleurs, les discours d'ouverture sont toujours
prononcés devant un public similaire, dans des conditions très
règlementées qui créent une stabilité dans le
temps. Le discours se déroule au coeur de l'Assemblée devant
l'ensemble des députés. Il est entouré de tout un
protocole et les tours de paroles sont strictement encadrés, parfois
restreints, et accordés par le Président de l'Assemblée.
Enfin, il convient de parler
de l'auditoire. Le discours réclamant la confiance des
députés s'actualise au sein même de la chambre
parlementaire, mais l'assistance est bien plus vaste. Ainsi, il s'est
détourné au fil des années de sa cible initiale pour se
destiner davantage aux médias et aux citoyens. Il s'agit actuellement du
discours majeur d'une gouvernance, et il servira de base aux journalistes comme
aux élus de l'opposition pour faire valoir le bilan de l'action en
place.
Outre les contraintes de
l'institution politique, il faut intégrer ces discours dans un espace
temporel. Les discours gouvernementaux présentent en effet une
continuité temporelle, c'est pourquoi nous avons
précédemment insisté sur la contextualisation historique.
Au Canada, il existe une « chronologicité » du
vocabulaire politique. Les discours du Trône sont proches car ils
partagent un même vocabulaire et des mêmes thèmes67(*). Les différents
gouvernements sont soumis à la conjoncture et aux problèmes
placés à l'agenda politique. En Espagne, l'analyse de
l'évolution du vocabulaire a démontré que « la
cause principale des changements lexicaux n'est pas l'alternance des partis au
pouvoir mais l'évolution de la société
espagnole 68(*)». Cependant l'évolution chronologique
exposée ici est principalement liée à des problèmes
récurrents comme l'organisation et le développement de
l'État, et non à une réelle périodisation.
Nécessairement,
l'idéologie des partis au pouvoir reste présente mais bien timide
quant à son actualisation par le discours. Le vocabulaire
idéologique est régulier, mais immergé dans un vocabulaire
institutionnel. Ainsi, Jean-Claude Deroubaix décèle de rares
tentatives d'introduction d'un lexique partisan69(*) ; Dominique Labbé avance pour sa part une
certaine logique de parti et de nomination, dont la continuité politique
serait porteuse de sens70(*).
Cependant, le Québec a
présenté dans les années 1980 un contexte inédit
où une telle coupure s'est opérée. Les discours inauguraux
québécois représentent sur la période de 1976
à 1994 une réelle exception face à toutes ces situations
d'effacement des marqueurs lexicaux idéologiques. On retrouve
logiquement des proximités entre les discours de Premiers ministres
d'une même législature ou d'une même tendance, mais les
déclarations inaugurales au Québec exposent alors un réel
affrontement entre deux idéologies71(*). L'arrivée au pouvoir du Parti
québécois a entraîné un « séisme
lexical » et des changements radicaux dans les thèmes
traités, et cela malgré une forte contrainte
institutionnelle72(*). Les
contraintes institutionnelles et temporelles apparaissent donc surmontables
lorsque l'écart idéologique est démesuré, ici
principalement sur le thème de la souveraineté.
Une forme
programmatique
La question de la forme du
discours est également au coeur du processus de contrainte
institutionnelle. Le XXe siècle a réellement
sacralisé un discours très général et
programmatique. Long, insistant sur des valeurs et offrant un catalogue de
mesures, ce discours s'impose d'évoquer tous les groupes sociaux et
leurs intérêts. Chacun souhaite entendre des propos allant en sa
faveur, et comme le tiers secteur, les amis politiques, et tous les groupes
d'influence sont nombreux, le discours prend parfois des proportions
démesurées. D'ailleurs, c'est cet aspect programmatique qui lui
donne sa forme. Celui-ci est long et il apparaît difficile de lui donner
du rythme, même avec un bon fil conducteur. En réalité,
balayer un horizon aussi vaste que celui des actions d'un gouvernement conduit
à évoquer à la suite des objets aux antipodes les uns des
autres. Raymond Barre résume parfaitement le poids de ces contraintes
dans cette déclaration :
« Le discours de
politique générale, qui présente l'action d'un
gouvernement devant le Parlement ne doit rien, absolument rien négliger.
Ni personnes. Tout doit être dit, promis, daté, chiffré.
Même si la précision peut s'accompagner de souplesse et de
garde-fous notamment pour éviter plus tard de trop douloureux rappels
d'engagement. Les priorités de l'exécutif doivent certes
apparaître clairement mais chacun, chaque groupe voulant
évidemment qu'on le considère comme prioritaire, il faut donner
le sentiment de prêter attention à tout le monde73(*)».
L'institution impose un
modèle type, et il serait inimaginable de trouver un discours de
propagande qui traiterait d'une thématique unique. De fait, une certaine
longueur du propos est requise, tout comme un registre de vocabulaire riche.
Ceci semble très valorisé, symbole d'une certaine
érudition, à l'image des « gens de lettres »
de l'époque des Lumières. Les écarts majeurs se
retrouveront au Québec dans la mesure où le discours est plus
fréquent qu'en France ; les Premiers ministres attacheront moins
d'importance à un discours qui se situe au milieu d'un mandat. Par
ailleurs, remarquons que les discours sont d'une longueur moyenne de 6398
formes graphiques en France contre 9628 au Québec. Il existe donc une
réelle différence de longueur, mais les variations pour un
même pays nous permettent d'obtenir des échantillons stables pour
notre analyse lexicométrique.
Malgré la forte
contrainte institutionnelle, il existe des petites évolutions quant au
style discursif. Ces mutations interviennent dans le temps par des
« mini-ruptures » inaugurant de nouvelles formes
discursives. On ne se situe pas dans une continuité temporelle en terme
de vocabulaire mais dans une reproduction des meilleures techniques des
gouvernements précédents.
Pascal Marchand et Laurence
Monnoyer-Smith ont effectué une analyse lexicométrique des
discours de politique générale en France de 1974 à
199774(*). À
travers leurs recherches sur les clivages politiques, ils ont fait
émerger quatre formes de discours. En réalité, il
s'agirait davantage d'une architecture principale et de trois variantes. Le
discours classique est programmatique, il développe les actions futures
du gouvernement, est marqué par les verbes d'action et se compose
d'aspects relationnels et internationaux. Parmi les variantes, les auteurs
attirent notre attention sur des formes développées par certains
Premiers ministres. Ainsi, Pierre Mauroy a forgé son discours avec un
bilan technique tout en insérant des termes militants politisant
davantage ses propos. En effet, la déclaration de politique
générale est habituellement peu enclin à exposer une
démonstration de force mais adopte une démarche plus
consensuelle. Son successeur, Laurent Fabius, a produit comme Jacques Chirac un
discours personnalisé à outrance. En se dissociant de son
auditoire, il favorise le « nous » commun ainsi que le
« je » et tente l'introduction de thématiques
nouvelles. Enfin, Michel Rocard, et ses successeurs dans les années
1990, ont fait évoluer le discours « vers un genre moins
informatif et plus communicatif » qui privilégie l'apport de
concepts nouveaux (exclusion, bataille pour l'emploi, pacte
républicain...). Toutefois ces périodes ne reflètent
aucune évolution majeure, il s'agirait plutôt
d' « effets de mode ».
Par ailleurs, il est
intéressant de voir un placement dans une continuité temporelle
à des fins stratégiques : Jacques Chirac utilisa le discours
de son prédécesseur Pierre Mauroy afin de l'inverser75(*). Il s'inspira de sa forme
technique tout en y ajoutant une bonne part de personnalisation. De plus, on
retrouvait un vocabulaire similaire utilisé pour offrir une analyse
opposée au politicien lillois.
Les
conditions de production
Prenons enfin les conditions
de production comme un facteur majeur d'influence sur le discours. En France
comme au Québec, le processus d'écriture et le choix de l'angle
pour aborder certains aspects se décline de la même
manière.
Discours majeur, celui-ci
est envisagé à long terme, et son processus de construction
débute au minimum deux mois à l'avance. Nous mobiliserons
particulièrement l'exemple de la rédaction des discours de Jean
Charest en 2003 et 2006 dont nous avons pu connaître les détails
et dont le processus reflète d'une manière générale
la construction de la plupart de ce genre de discours76(*). Ainsi, de nombreux acteurs
apportent leur contribution lors de la préparation.
Tout d'abord, signalons que
les discours ne sont jamais écrits par le Premier ministre en personne,
mais ils sont délégués à des conseillers en
communication que l'on nomme parfois « nègres »,
« plumes de l'ombre » ou
« speechwriters »77(*). Ces individus travaillent souvent au sein même
du cabinet ministériel, mais ils choisissent parfois de travailler
à domicile en tant que consultants pour s'éloigner de toute forme
de pression. C'est le cas de Pascal Servant qui a rédigé le
discours de Jean Charest en 2003. On retrouve généralement chez
ces conseillers le même type de parcours : hommes de lettres, ils
ont souvent été journalistes, et leur passion pour
l'écriture les a conduit à assister les mots du pouvoir. Prenons
l'exemple de Jean-François Lisée, ce
« speechwriter » de Jacques Parizeau puis de
Lucien Bouchard est directement issu du journalisme. Pigiste pour Le
Monde, Libération et l'Express, il fut ensuite
correspondant à Washington pour La Presse, et
l'Événement du Jeudi. L'actuel directeur du centre
d'études et de recherches internationales de l'Université de
Montréal passa de la plume à l'action en 1994, et son rôle
évolua en celui d'un conseiller stratégique.
La conception du discours
est initiée par le Premier ministre ou par son chef de cabinet. En
France et au Québec, le professionnel de l'écriture rencontre
généralement le politicien afin de se placer sur la même
ligne et de lui proposer un parcours intellectuel dans le traitement des
thèmes principaux. Dans le cas de Jean Charest, le processus de
construction revient à l'initiative de Stéphane Bertrand son chef
de cabinet. Selon ses proches collaborateurs, Jean Charest est
négligeant vis-à-vis de ses discours et délègue
bien volontiers cette tâche ardue à son entourage. À
l'opposé, Lionel Jospin donnait une place centrale à ses moindres
propos et veillait avec une attention perfectionniste à disposer de
discours d'une grande qualité. Il imposait d'ailleurs à ses
équipes de nombreuses relectures et retravaillait lui-même
longuement les discours.
Une fois le départ
donné, le discours est sans cesse travaillé et remodelé.
Le conseiller en communication commence par produire un squelette du discours,
puis une version rédigée. Richard Vigneault souligne que son
objectif lors de l'écriture est de « donner de l'altitude, un
Premier ministre doit voler haut ». Ces véritables auteurs se
fixent des objectifs élevés et prennent beaucoup de temps pour
lire, réfléchir, et s'imprégner du contexte
d'énonciation avant de se lancer dans la rédaction.
Outre la fonction
d'écriture, de très nombreux intervenants participent à
l'élaboration du contenu des discours. Le moteur central de cette
dynamique est le couple constitué par le chef de cabinet et le directeur
des communications. Mais se greffent ensuite les nombreux spécialistes
de domaines connexes. Ainsi, les rédacteurs des discours feront appel
à l'expertise du conseiller économique, du directeur des
politiques, du responsable des relations extérieures, de la personne qui
s'occupe des dossiers jeunesse, emploi... Chacun vient apporter sa contribution
ou une relecture pour valider la pertinence du propos. Notons qu'au
Québec les députés et futurs ministres viennent
quémander une phrase à leur égard afin de disposer d'une
caution institutionnelle du Premier ministre. Au final, pour le discours de
Jean Charest en 2006, pas moins de soixante personnes seront intervenues sur un
discours qui aura évolué à travers quatorze versions
différentes, la dernière étant finalisée quelques
minutes avant la déclaration.
Il convient maintenant de
s'interroger sur l'aspect personnel du discours, comment pouvons-nous
l'attribuer à un Premier ministre qui ne l'a même pas
conçu ? On ne peut nier que le Premier ministre ne tient pas une
place majeure, mais il s'approprie tout de même son discours. Tout
d'abord, il faut souligner que les conseillers en communication
s'imprègnent du « parlé » du personnage afin
de lui écrire un discours proche de sa personnalité. Dans le cas
de Jean Charest, son conseiller Pascal Servant souligne qu'il essaye de capter
un style en fonction de la manière dont s'exprime le politicien. Il
avait dans ce cas la consigne supplémentaire d'écrire des phrases
courtes. Lors des relectures et jusqu'à la dernière minute, le
Premier ministre impose certains changements de style et de termes. C'est ainsi
que Denis Monière a démontré que les deux discours
d'ouverture de Jacques Parizeau et Lucien Bouchard, bien qu'ayant
été écrits par la même personne (en l'occurrence
Jean-François Lisée), sont bien emprunt du style personnel du
Premier ministre. Il a prouvé en comparant avec des exercices de
conférences de presse que le chef du gouvernement s'appropriait
réellement son texte.
Bien que le discours soit lu
à partir d'une version rédigée et non à partir de
notes, il est fréquent qu'un orateur
« sorte » de son texte. Souvent, le Premier Ministre
rajoute quelques éléments qui avaient été
supprimés dans des versions antérieures en fonction du
déroulement de son élocution et de son ressenti personnel. Ces
hommes politiques disposent d'une très grande connaissance de leurs
dossiers ce qui leur permet une aisance du propos. Cet aspect vient renforcer
notre perspective associant réellement la parole à son orateur.
Par exemple, Jean Charest est sorti de son dernier discours durant une
quinzaine de minutes. Il s'agissait d'anecdotes vécues lors de
récentes tournées dans les régions. Pour son conseiller en
communication, ce fait relève d'une volonté de l'homme politique
de « faire le pont avec son auditoire ».
Nous venons donc de
démontrer qu'il existe des contraintes institutionnelles sur les
discours. Un état de la littérature a permis de dresser un
panorama des déclarations gouvernementales en général,
puis nous avons pu réduire l'analyse au cadre du Québec et de la
France. Une contextualisation historique a permis de nous familiariser avec
deux régimes politiques distincts dont l'évolution politique
récente est bien différente. Au terme de ce premier chapitre, il
faut remarquer que des contraintes pèsent sur les deux discours, mais
celles-ci ne sont pas les mêmes. Cependant, elles agissent par un
mécanisme similaire sur des variables que partagent les deux types de
discours étudiés. Ainsi, nous retrouvons un propos
réalisé d'une manière équivalente sous une forme
programmatique, destiné à une énonciation
d'assemblée dont les auditoires sont divers et multiples.
Désormais, nous allons
démontrer empiriquement grâce au recours à la
lexicométrie les effets de cette contrainte institutionnelle. En outre,
le chapitre suivant nous permettra de mettre à jour tous les
éléments réunissant les discours de notre corpus. Tout
d'abord, nous mettrons à jour cette contrainte discursive avant de
comparer les styles de chaque Premier ministre.
Chapitre
2
Les
constantes des discours d'ouverture
en France
et au Québec
1. Un
discours marqué par une contrainte discursive liée à
l'institution.
Notre propos va consister
à faire émerger « les mots de la
gouvernance » communs aux deux discours. Il va s'agir de relever les
termes clés auxquels les Premiers ministres français et
québécois ont principalement recours. Nous débuterons par
l'ensemble des vocables que nous lions à l'institution.
Le traitement
lexicométrique de notre objet d'étude met à jour le poids
institutionnel attribué à ces discours. L'ouverture de chaque
session offre des conditions d'énonciation identiques pour tous les
locuteurs, qui sont ainsi soumis aux mêmes contraintes. Il existe des
exigences quant à la forme, mais aussi des attentes quant au
contenu.
On notera tout d'abord la
prédominance de vocables concernant l'acte du discours en
lui-même. Les nombreux substantifs monsieur,
président, discours soulignent l'aspect protocolaire de l'acte
discursif ; les discours débutent en effet en s'adressant à
« Madame la lieutenant-gouverneur, Monsieur le Président de
l'Assemblée nationale, Messieurs le chef de l'opposition officielle,
Mesdames et Messieurs les ministres... 78(*)» ou encore à
« Mesdames et Messieurs les députés ». Cet
aspect est renforcé par le pronom personnel vous dont les
quelques utilisations sont destinées au Président de
l'Assemblée nationale ou de l'Assemblée.
Il faut souligner à
cet endroit la sur-utilisation par Jean Charest du groupe de vocables
monsieur le Président (+1879(*)) que l'on retrouve à de nombreuses reprises
comme l'interlocuteur unique du député libéral. Jean
Charest plaide littéralement sa cause comme s'il se trouvait devant le
tribunal de la nation, il met à profit son expérience d'avocat
afin de rallier le Président en l'intégrant dans ses propos. Une
lecture de l'environnement lexical de monsieur le Président
nous permet de constater la surabondance de pronoms de la première
personne. Le recours au vocable sert ainsi à la justification d'un point
de vue (je), ou tente d'imposer une idée comme une
évidence (nous). À travers ce martèlement, le
Président de l'Assemblée est donc pris à témoin et
le poids de l'institution est détourné par Jean Charest comme
outil de légitimation.
Certains verbes très
fréquents relèvent uniquement de l'acte discursif. La prise de
parole est automatiquement accompagnée de formules qui permettent au
locuteur de se situer par rapport à son texte. Nous retrouvons ainsi les
verbes dire, voir ou encore penser comme
l'illustrent les fragments ci-dessous issus du discours de Lionel
Jospin :
« En
m'adressant à vous, je mesure le poids de ma
responsabilité personnelle et de celle de mon gouvernement. [...] Mais
je tiens à en préciser les termes. J'entends dire
ici ou là que, selon une expression convenue, «nous n'avons pas le
droit à l'erreur». Telle n'est pas ma conception, ni mon langage.
[...] De sa majorité, le Gouvernement attend un soutient lucide et
attentif. À la nation il dit : rien ne peut être
fait sans son concours actif. [...] Je le dis avec gravité et
résolution : je vous demande votre confiance parce qu'en
conscience et en vérité, pour notre pays, j'ai
confiance.80(*)»
Cet extrait souligne que
l'acte de discours est une démarche personnelle forte de sens à
travers laquelle le Premier ministre s'engage pleinement ; il
apparaît donc normal que les termes choisis lui permettent de
s'approprier son texte.
Le poids institutionnel
transparaît également à travers le champ lexical du
gouvernement. En effet, les substantifs gouvernement (225-11581(*)), ministre (120-48),
et président (103-43) sont parmi les plus fréquents dans
le corpus du Québec et de la France. Bien que sur-employés par
les partis de droite, ils ne sont pas pour autant délaissés par
les autres Premiers ministres car ces termes relèvent d'un vocabulaire
commun usuel. Il s'agit ici d'un lexique incontournable pour décrire les
missions du Premier ministre, il est alors normal de trouver cette constante
entre les discours.
Le genre programmatique du
discours inaugural entraîne systématiquement la
référence aux pays partenaires. À l'heure de la
mondialisation, le discours national s'insère dans un contexte global et
particulièrement à travers les grands ensembles régionaux
qui émergent. Dans le corpus québécois, les vocables
Amérique (17) et États-Unis (10) sont
respectivement les sixième et huitième noms propres les plus
fréquents. Précédant la capitale Québec,
ou la province voisine l'Ontario, le rôle prédominant de
partenaire économique privilégié du voisin direct
transparaît nettement. En particulier, la première puissance
mondiale est très proche du Québec pour ses ressources
hydroélectriques ; l'énergie extraite des barrages
québécois est en grande partie exportée au-delà de
la frontière afin de fournir toute la côte Est jusqu'à New
York. Les termes se rapportant à l'Amérique du Nord sont
mobilisés pour réaffirmer que le Québec est plus que
jamais ancré dans ce vaste ensemble territorial, permettant parfois de
s'en distinguer. Ces vocables sont utilisés d'une manière
identique par le Parti libéral et par le Parti
québécois ; le graphique 1 nous permet de constater que les
usages sont très proches.
Graphique n°1 :
Fréquences absolues par parti des vocables monde,
international(e-s-aux), Amérique, et
États-Unis.
Le corpus français
présente les mêmes caractéristiques de
référence sur cette notion d'intégration internationale.
Bien évidemment, il est accordé dans ce cas une fonction majeure
à la construction de l'Europe (34). De plus, les nombreux
partenaires frontaliers de la France comme l'Allemagne, le
Royaume-Uni, ou l'Espagne disposent d'une place de choix. Le
passé colonialiste du pays le conduit fréquemment à
évoquer l'Afrique (3) ainsi que ses départements
d'Outre-mer (12). À propos de ce dernier vocable, nous pouvons
constater que ces territoires disposent plus que jamais d'une place à
part entière dans la nation française, car tous les discours
adressent quelques mots à ces concitoyens des Caraïbes ou
d'ailleurs, et l'évoquent bien plus que l'Europe.
Par ailleurs, la France et le
Québec se développent tous deux sous la coupe d'une entité
supranationale. Le Québec s'intègre dans une
confédération, et la France se place dans un processus
fédéraliste au sein de l'Union européenne. On constate que
les champs lexicaux de chaque entité supranationale sont des
spécificités équivalentes pour les deux pays, soit un
écart par rapport à la norme de +12 pour le Québec et +11
pour la France. Ainsi, l'autorité supérieure à
l'État présente une utilisation et une fréquence semblable
entre les deux discours.
Graphique n°2 :
Spécificités du champs lexical de fédéral
et de européen par pays.
Un nouvel
élément important transparaît à travers les
citations, qui entraînent le recours à des noms propres de
circonstance. Les discours se placent toujours dans une chronologie historique,
une succession discursive. En France, le corpus sera marqué par
l'évocation du Président Jacques Chirac (3) dans la
mesure où les Premiers ministres de droite, nommés par ce
dernier, le mettent en valeur. La référence à Charles
de Gaulle, fondateur de la Ve République et de ses
institutions, fonctionne sur le même principe. Au Québec, c'est le
libéral Robert Bourassa qui sera cité en exemple par ses
successeurs. Dans ce cas, non seulement les libéraux mais aussi les
souverainistes revendiqueront son héritage idéologique.
Un certain nombre de vocables
apparaissent incontournables. La justice n'a qu'un nom, il n'y a pas
de synonyme pour gouvernement, ni pour économie,
etc... Au-delà de l'emploi de mots identiques, nous voulons nous
interroger sur l'offre lexicale d'une langue. En effet, le français
officiel de Paris et de Québec est le même, et on sait dès
lors que le choix des mots est restreint. Le vocabulaire d'un individu peut
être composé de 200 à 5 000 mots, or comme nous
savons que les discours gouvernementaux sont riches, combien de mots sont
utilisés par les locuteurs ?
Notre ensemble de onze
discours est composé de 86 508 occurrences. On trouve dans celui-ci 8
454 mots-formes dont 4 116 hapax. Le terme hapax est issu du grec hapax
legomenon et signifie une « chose dite une seule
fois »82(*). De
plus, dix articles et prépositions83(*) représentent à eux seuls 22 268
occurrences. Une fois la soustraction effectuée, les 60 124 occurrences
que comprend le reste du corpus ne sont donc composées que de 4 328
vocables, alors que les discours appartiennent à sept hommes politiques
différents. Si nous réduisons ces vocables par suppression des
pluriels et dérivés, du point de vue du sens, il reste moins de
la moitié des mots. En réalité, les discours sont produits
avec un nombre très restreint de mots et cet aspect a récemment
été mesuré par Dominique Labbé sur un terrain
très proche du nôtre84(*). Il en résulte que 44% des mots d'un ensemble
de discours de politique générale sont potentiellement
partagés par des locuteurs différents car il s'agit de formes
outils ou usuelles. Sachant que les discours d'ouverture traitent toujours de
futures réformes et de l'organisation de l'administration publique,
l'offre de vocables n'est pas illimitée.
Revenons à nos
4 328 vocables auxquels nous avait conduit notre calcul. À partir
de ces derniers, il est possible d'appliquer la théorie de
Guiraud85(*). Selon cet
auteur, une fois enlevés les mots-outils qui présentent la plus
grande fréquence comme nous l'avons fait, les cinquante premiers mots
sont les mots-thèmes, c'est-à-dire que la pensée
s'organise autour d'eux. Les 4000 vocables suivants sont les mots de base qui
constituent la substance du discours. Cela justifie donc notre manière
de procéder, et il est frappant de constater que les principaux
mots-thèmes sont partagés par la France et le Québec. Donc
les termes utilisés pour établir les discours sont
approximativement les mêmes en France et au Québec.
Nationalisme et rapport à soi
La déclaration
d'ouverture ou de politique générale est un discours qui active
des mécanismes identitaires. Le Premier ministre s'exprime au nom d'une
identité qu'il représente. Il incarne l'État et l'ensemble
de ses concitoyens desquels il retire sa légitimité. Une partie
de ses propos fonctionne comme une idiosyncrasie en permettant l'identification
au groupe, ici à la nation, ou alors son exclusion. Les vocables
entrant dans ce mécanisme sont parmi les plus fréquents, preuve
du poids de ce nationalisme dans les discours.
Le discours procède
à une réelle structuration de l'identité. Le locuteur
définit un « nous » à travers les noms
propres principalement. Celui qui se retrouve le plus est le nom du pays, ici
Québec (408) et France (110). Bien évidemment,
la fréquence québécoise apparaît très
élevée, mais nous examinerons ce point dans le prochain chapitre.
Le second nom propre en terme de fréquence correspond à la
désignation par la nationalité avec les vocables
Québécois (121) et Français (76).
Nous avons relevé les
principaux désignants nationaux utilisés dans notre corpus, et il
est très instructif de les comparer à des ensembles historiques.
En nous appuyant sur les recherches de Maurice Tournier86(*), nous pouvons constater que de
Pétain à Mitterrand, les désignants sont sensiblement les
mêmes.
Tableau n°1 :
Dix désignants nationaux les plus fréquents de quelques corpus
politiques.
Il est intriguant de faire
émerger une si faible évolution en soixante-dix années.
Cela pose d'autant plus de questions qu'un certain nombre de ces vocables s'est
vu approprier par le Front national. Aujourd'hui encore, le recours à
ces marqueurs d'identité révèle le maintient d'un
nationalisme discursif fort.
Notre corpus se distingue par
la forte utilisation dans les deux pays de État (96-124). Paul
Bacot attire à cet endroit notre attention sur le double sens
accordé à ce vocable88(*). Il rappelle que « la sociologie politique,
notamment depuis Max Weber, nous enseigne que derrière l'institution
abstraite se cache un groupement humain », État est
alors plus ou moins synonyme de nation ou de peuple. Il permet aux Premiers
ministres d'incarner cette institution, c'est-à-dire de se placer comme
un élément central et moteur de la nation.
Les vocables utilisés
au Québec sont quelque peu différents, car il faut prendre en
compte les deux paliers d'État. Néanmoins, on retrouvera le
même fonctionnement avec les termes État (96),
régions (73), nationale (42), région
(32), provinces (30), etc... On peut avancer que les vocables
régions au Québec et pays en France participent
de la même logique en terme de désignation. D'après
Sylvianne Rémi-Guiraud89(*), « pays fait dominer le trait
géographique : c'est avant tout le territoire, vu dans son aspect
physique et concret, en tant que réalité géographique. Le
trait humain vient en second ».
Après avoir
présenté cet ensemble d'éléments, nous pourrons
donc considérer qu'un pays s'auto-définit dans son discours
à travers quatre variables. Tout d'abord ses institutions, son
régime, et les individus qui les incarnent. Ensuite à travers le
nom du pays et celui de ceux qui l'habitent. Puis par un territoire spatial et
enfin avec le concept plus « subjectif et sentimental90(*) » de
nation.
Lorsqu'un Premier ministre
définit un « nous-nation », il fixe un
« je », et de fait, un « autre ». Un
discours de politique générale s'inscrit toujours par rapport
à ses prédécesseurs. En effet, un Premier ministre prend
la place d'un homme d'État qui le précédait et qui a mis
en place une politique, développé des programmes... L'exercice
discursif impose subséquemment au locuteur de se positionner. Il
convient particulièrement à cet endroit de s'attarder sur les
formes autre et autres. Ces vocables permettent le double
emploi de la distinction et de l'exclusion. Ainsi, pour évoquer
l'étranger, on parle d'autres gouvernements,
d'autres marchés, d'autre pays, d'autre
langue... Le discours politique présente la caractéristique
de toujours se situer par rapport à d'autres pays, soulignant leur
nature dissemblable.
La seconde constatation qui
s'impose, est que lorsqu'un même Premier ministre procède à
un second discours, suite à un remaniement ministériel, la
fréquence de ce vocable apparaît parfois plus
élevée. Le processus est le même dans le cas d'une
alternance politique. Nous considérons qu'il s'agit là d'un outil
lexical permettant de se dissocier d'un prédécesseur ou de
prendre de la distance avec des propos antérieurs. On évoquera
l'opposition sans la nommer en parlant de l'autre côté,
des autres partis, et le changement de cap sera évoqué
en parlant d'autre vision, d'autre mot d'ordre, d'autre
logique.
Graphique n°3 :
Classement chronologique des fréquences absolues des vocables
autre et autres par discours et par pays.
Comme on peut le voir sur le
graphique, il existe de grosses variations concernant l'utilisation des
vocables de l'altérité. Les discours de Charest en 2003
(n°1), et de Jospin en 1997 correspondent à une alternance, ainsi
les Premiers ministres auront tendance à utiliser autre afin de
marquer une rupture idéologique. Dans le cas de Bouchard en 1996
(n°1), le recours au vocable lui permet de prendre de la distance avec
l'échec du référendum de 1995. L'ensemble des discours de
la droite française ont peu recours à cette forme car ils se
placent tous sous l'autorité d'un Président duquel ils ne peuvent
se distancer. Il en est de même pour Landry en 2001 dans la mesure
où il assume la continuité d'un prédécesseur issu
de son parti. Seules divergences, les seconds discours de Bouchard et Charest
observent une croissance dans l'utilisation du mot autre, à
l'inverse de ceux de Juppé et Raffarin. Nous avançons que cela
est lié à un changement de cap dans le cas
québécois, associé à des propos polémiques.
En France, ces faibles fréquences se comprennent par la portée
générale du discours qui ne réside pas dans une
modification de la gouvernance, mais dans la meilleure communication du contenu
des réformes.
Ce dernier point nous
conduit à évoquer le cadre polémique du discours. La
déclaration s'inscrit dans une concurrence : la critique de
l'opposition est inévitable. Dès lors, nous observons que le
parti gouvernemental a tendance à tenir un discours positif et
valorisant envers lui-même et envers ses productions. C'est par la
démonstration du recours systématique aux adjectifs
mélioratifs que nous développons cet élément
clé de ce type de discours. En tant que chef du gouvernement, il n'est
pas possible d'être alarmiste quant à la situation du pays, ni
d'utiliser une négativité trop prononcée qui rappellerait
les coutumières querelles politiques. Il s'agit de se placer au-dessus
de cela et ainsi de se démarquer d'une opposition qui n'a pas d'autres
solutions que de se reclure dans la critique.
Un détour par les
adjectifs de fréquences élevées nous donne un excellent
aperçu de cette situation. Une fois de plus, nous retrouvons les
mêmes vocables utilisés de manière similaire au
Québec et en France. Les Premiers ministres se placent dans le registre
de la nouveauté avec les adjectifs nouveau (48-24),
nouvelle (41-34), nouveaux (32-30), et nouvelles
(34-22). Ils mettent l'emphase sur leur projets avec grand (31-16),
grande (38-31), grands (16-22) et grandes (17-14),
et soulignent leur portée avec les vocables nécessaire
(14-12) et nécessaires (12-38). D'un autre côté,
les adjectifs serviront à préciser les termes de l'action
grâce à économique (64-36), sociale
(25-91), sociaux (27-40) ou encore public (24-30) et
publique (25-42).
Action et
désir
Il convient maintenant de
nous appesantir sur les verbes mobilisés dans les discours d'ouverture
et les discours de politique générale. Nous pensons que leur
choix est contraint par l'exercice et par la forme du discours. En effet, les
attentes reposent sur la mise en place d'actions concrètes, ainsi que
par le déclenchement d'une réflexion sur les problèmes
structurels majeurs de l'État.
Afin de démontrer
empiriquement notre postulat, nous allons pour un temps nous éloigner
d'une démarche lexicométrique pure pour la prolonger vers une
lemmatisation. Comme il l'a été souligné en introduction
de ce travail, la lemmatisation est contestable et ne présente pas une
évolution majeure. Cependant, elle s'avère tout à fait
utile dans le cas de l'étude des verbes mobilisés. Si nous
conservons les strictes données lexicométriques, il
apparaît impossible de catégoriser les verbes car leur conjugaison
conduit le logiciel à les comptabiliser sous des formes graphiques
différentes. Ainsi notre travail de lemmatisation a consisté
à regrouper tous les verbes sous leurs formes canoniques à
l'infinitif. Ce travail long et fastidieux nous a mené à
rechercher manuellement tous les verbes conjugués et à les
classer par catégorie selon leur racine. Dans le souci ne pas biaiser
notre analyse, notons que les participes passés et les participes
présents n'ont pas été comptabilisés. Par ailleurs,
cette méthode a parfois laissé la place à une
interprétation personnelle, et il est possible que certaines
fréquences aient échappé à notre vigilance, mais
dans l'ensemble les résultats principaux sont très fiables.
Dans le cas présent,
nous avons retenu les verbes les plus fréquemment utilisés par
les locuteurs. Bien évidemment, les verbes être
(920-1025) et avoir (572-346) sont les deux premiers groupes de
vocables mobilisés par l'ensemble des Premiers ministres. Ils
relèvent d'outils linguistiques incontournables et leur présence
ne révèle aucune proximité, sinon qu'il s'agit bien d'une
même langue parlée.
Une fois les mots-outils
placés de côté, nous faisons face aux verbes choisis par le
locuteur et on constate que les plus fréquents d'entre eux sont communs
aux discours des deux pays. Les fréquences absolues ne sont aucunement
représentatives, mais un classement fait ressortir un ensemble dont
l'analyse est très instructive. Après une première lecture
élargie à l'environnement lexical, nous avons fait émerger
deux catégories : les verbes d'actions, et les « verbes
d'actions qui se présument de parole »91(*) que l'on pourrait
définir par une réflexion, le désir d'une politique
à venir, ou une projection dans le futur.
La première
catégorie regroupe un ensemble de vocables utilisés par les
Premiers ministres afin d'illustrer des actions politiques qui seront mises en
place à court terme. Il s'agit de faire (314-135) des
économies, de prendre (51-28) des initiatives ; les
pouvoirs publics vont agir (46-40) afin de mettre (50-67) en
place des structures pour permettre (45-48) à chacun de vivre
mieux. Au Québec, il est nécessaire de venir (32) en
aide aux plus démunis, de réduire (30) le chômage,
alors que la France se fixera pour objectif de créer (20) des
emplois, et de favoriser (20) le retour de la croissance. Tous les
emplois de ces verbes correspondent à une volonté de transmettre
à l'auditoire un sentiment de prise en charge par un gouvernement
capable d'assumer rapidement ses responsabilités. En effet, si le
discours est un programme, l'auditoire n'attend pas pour autant uniquement un
inventaire de réflexions sur la situation nationale mais l'annonce de
l'application immédiate de promesses électorales.
La seconde catégorie
mobilise un ensemble de verbes auxquels l'environnement lexical nous conduit
à attribuer le sens de désir et de projection d'objectifs. Cet
ensemble se construit en opposition au premier dans la mesure où les
verbes désignent une intention ou un processus lent de réflexion,
de dialogue qui n'a pas encore été mis en route. Les principaux
lemmes que nous retrouverons seront les verbes devoir (135-227),
falloir (73-80), vouloir (56-77), savoir (52-31),
proposer (34-26). Ces verbes communs sont les symboles de la
volonté, ou de l'obligation, comme la montre la forte utilisation du
verbe pouvoir (154-85).
Outre les verbes-outils, nous
pouvons retirer de notre analyse que le discours se construit sur un savant
équilibre entre l'action et la réflexion. Cela permet de faire
émerger deux composantes majeures des discours qui nous semblent
liées aux attentes de l'institution. Ainsi, le programme se doit
d'énoncer un certain nombre de procédures et de politiques
claires pour lesquelles il ne manque plus qu'une présentation devant le
Parlement. Par ailleurs, le Premier ministre fait part à ses pairs avec
un peu plus de hauteur de grandes idées et présente l'esprit
général d'un chantier ou d'une loi dont la période de
maturation n'est pas arrivée à son terme. Le discours se
modèle sur l'alternance d'un propos ancré dans le présent
mais aussi tourné vers un avenir proche pour lequel des pistes de
travail se manifestent.
Nous pouvons constater que
ces verbes sont équitablement répartis à travers tout le
texte. En effet, le logiciel Lexico offre une fonction nous permettant de
visualiser la répartition d'un ensemble de vocables dans le corpus. Une
photographie de notre écran d'ordinateur nous a permis d'obtenir les
deux figures ci-dessous pour tous les vocables issus du verbe
faire.
Répartition dans le corpus France
Répartition dans le corpus Québec
La répartition ne nous
permet de faire émerger aucune constante de cet exemple. Les verbes
répondent à une utilisation aléatoire sur le corpus. Nous
pouvons remarquer que les sections contenant un dérivé de
faire apparaissent parfois contiguës, cela étant
lié au rythme interne du propos qui intercale la première et la
seconde catégorie de verbes. Du reste, en reproduisant un exercice
similaire avec des verbes de la seconde catégorie, nous avons
constaté qu'ils n'appartenaient jamais à la même section
que ceux de la première, c'est-à-dire qu'ils ne se situaient pas
proches en terme de nombre de phrases.
Le recours à la
méthode des segments répétés vient corroborer les
résultats précédemment établis. Les segments
répétés, comme les définissent André Salem
et Ludovic Lebart, « sont les séquences de mots non
séparés par un caractère délimiteur de
séquence, qui apparaissent plus d'une fois dans un corpus de textes.
Leur prise en compte permet de répondre en partie aux questions
concernant le choix des unités statistiques les plus
pertinentes92(*)». En France, le logiciel fait ressortir la
forme il faut (52), ainsi que les structures nous devons
(32), nous voulons (23 occ. pour l'UMP). Au Québec, la
proximité dans l'usage des verbes est confirmée avec, outre la
forme nous allons (168), les structures nous devons (31), et
nous voulons (38).
Le groupe il faut
apparaît très intéressant : issu du registre oral, il
a été popularisé par François Mitterrand. Depuis,
il est repris par l'ensemble des gouvernants car cette expression
présente l'avantage de « l'indétermination des moyens
quelle rend possible93(*) ». Preuve en est de son usage par
Jean-Pierre Raffarin dans sa première déclaration de politique
générale :
« Notre objectif
reste le plein emploi. Il faut éviter que, globalement,
l'ensemble de nos procédures freine la création
d'activité. C'est le sens de la baisse d'impôt. C'est le sens de
la baisse des charges que nous engageons de façon résolue. Les
baisses de charges constituent la clé de voûte de notre
stratégie. Ce n'est pas de l'idéologie, mais tout simplement
«ça marche », ça crée des emplois. Et c'est pour
ça qu'il faut le faire. On n'a pas trouvé ça dans
un petit livre rouge, dans un petit livre bleu. On a trouvé ça
dans les résultats de l'Insee. C'est là où il y a de la
création d'emplois ; c'est pour ça qu'il faut
alléger les charges ».
Notre propos concernant le
poids institutionnel pesant sur ces discours serait incomplet sans
procéder à une analyse factorielle des correspondances (graphique
4). Cet outil permet de visualiser dans l'espace la distance entre les
vocabulaires des locuteurs. En prenant l'exemple de quelques discours
inauguraux et de leurs répliques, notre hypothèse de la forme
institutionnelle du discours d'ouverture se voit confirmée. Les trois
discours officiels sont regroupés sur la gauche du graphique, ce qui
signifie qu'ils ont un vocabulaire proche malgré les différences
idéologiques. C'est donc la forme du discours, son genre programmatique
ainsi que des thématiques récurrentes (organisation de
l'État, santé, jeunesse...) qui priment sur un regroupement
idéologique.
Graphique n°4 :
Analyse factorielle des correspondances.
La fracture
idéologique se ressent avec les répliques des chefs de
l'opposition officielle. On y trouve des caractéristiques communes, dans
la mesure où ces discours sont regroupés à l'extrême
droite du graphique ; mais l'écart vertical entre les
répliques libérales et péquistes est immense. Il
apparaît donc que le discours de réplique laisse davantage
ressortir les oppositions idéologiques.
Cette analyse factorielle des
correspondances fait état de trois pôles dans le corpus choisi en
exemple. Le premier repose sur les discours inauguraux, chronologiquement
ordonnés. Le genre programmatique, mêlant aspects techniques et
conceptions générales, est la caractéristique l'opposant
aux autres pôles. Le second pôle regroupe les répliques de
Jean Charest en 1999 et 2001. Ce discours de contestation, plus long que les
discours inauguraux, s'attaque au bilan historique du Parti
québécois. Le Parti libéral est placé dans une
situation d'opposition depuis 1994 et se doit de présenter une vision
alternative. Le troisième pôle, constitué par l'unique
discours de réplique de Bernard Landry (2003), s'oppose au second du
fait que le chef de l'opposition officielle soit ici l'ancien Premier ministre
en exercice. Il n'a donc pas de bilan auquel s'objecter, mais met l'emphase sur
les grands succès de son gouvernement afin d'inviter le gouvernement
Charest à « essayer de faire mieux que nous, et ce ne sera pas
simple [...] la barre est haute ».
2.
Analyse stylistique des Premiers ministres : un style très
proche.
Si les termes employés
sont en grande partie les mêmes, c'est peut-être par leur emploi,
la manière de les agencer dans le texte que nous pouvons
différencier les types de discours. Lors d'une lecture intuitive,
au-delà du cadre institutionnel, d'autres éléments entrent
en jeu dans le sentiment de proximité entre les déclarations.
Nous allons étudier dans une seconde partie les traits stylistiques de
ces discours afin de saisir si des similarités pourraient être
à l'origine de ce flou dans la différenciation. Certes, les
études déjà effectuées tendent à conclure
que chaque rhéteur a son style propre, mais nous allons démontrer
qu'il existe un format de référence dans lequel s'inscrivent tous
les locuteurs.
Le style relève du
fait propre d'un auteur ; il peut être défini
comme « un écart individuel par rapport à la norme
linguistique94(*) » efficacement mesurable grâce
à l'outil statistique. Bourdieu rajoute que « le style est en
ces cas un élément de l'appareil, au sens de Pascal, par lequel
le langage vise à produire et à imposer la représentation
de sa propre importance et contribue ainsi à assurer sa propre
crédibilité ». Grâce à la statistique
textuelle, nous disposons d'un grand nombre d'indicateurs de comportements
lexicaux. Nous mobiliserons ces outils heuristiques dans une optique de
comparaison afin de calculer la richesse du vocabulaire. Nous étudierons
ensuite l'accroissement du vocabulaire, l'usage de la ponctuation, la
rhétorique du chiffre, et la négativité du propos. Les
travaux pionniers de Jean-Marie Cotteret et René Moreau95(*) ainsi que les publications
plus récentes de Dominique Labbé96(*) et Denis Monière97(*) favoriseront l'utilisation des
outils méthodologiques à notre disposition.
La
richesse du vocabulaire
Le concept de vocabulaire est
appliqué au locuteur. Il le puise dans le lexique, c'est-à-dire
dans la totalité des mots d'une langue. Comme nous l'avons
souligné plus haut, le vocabulaire se compose seulement de quelques
milliers de mots, et les individus se distinguent entre eux par son
étendue. Or les hommes politiques cherchent à user d'un
vocabulaire abondant car il subsiste dans nos sociétés une
mythologie valorisant cela. L'autre facette du discours, sa réception,
rajoute une contrainte dans la mesure où un vocabulaire trop
alambiqué, trop savant, repousse l'auditoire.
Afin de calculer la
richesse du vocabulaire de chacun des discours nous utiliserons le taux de
répétition, le nombre de vocables de fréquence unique
(hapax) ainsi que la diversité du vocabulaire98(*). Nous avons
procédé à des calculs manuels pour toutes les mesures.
Le nombre de hapax
permet de mesurer si le lexique est plus ou moins grand. Mais les chiffres
apparents sont trompeurs, nous ne pouvons pas nous concentrer uniquement sur
cette valeur car les discours ne sont pas tous de la même longueur.
L'indice du taux de répétition d'un mot dans chaque discours
permet alors de disposer de mesures comparables. Il est obtenu par le rapport
entre le nombre d'occurrences et le nombre de formes graphiques
différentes. Les mots sont en moyenne répétés 4,28
fois dans les discours québécois et 3,83 fois dans les discours
français. Cet écart de 45 centièmes est très faible
et la comparaison entre les deux pays nous conduit à avancer une forte
proximité. Ce discours politique spécifique se distingue des
propos polémiques, nous rejoignons ici les résultats
précédemment établis par l'analyse factorielle des
correspondances. Nous avons effectué les mêmes mesures sur les
répliques officielles au Québec, et les taux de
répétition dépassent alors 6, révélant de
réelles stratégies de martèlement. Nos résultats
relativement faibles doivent être reliés à l'aspect
programmatique du discours dont l'effet est d'aborder des sujets divers en
assurant le peuple de ses aptitudes à gérer le pays.
Nous pouvons alors mettre ces
résultats en parallèle avec le taux de hapax par
discours. Il varie entre 18% et 10%, mais dans l'ensemble la moyenne se situe
à 14% pour les discours français comme pour les discours
québécois. Il apparaît une fois de plus une
caractéristique commune aux deux pays. Le discours, de part sa forme,
présente les particularités d'un discours très
développé, non redondant. Il ne fait pas passer avec acharnement
un message de persuasion mais laisse apparaître dans un ton
littéraire une grande maîtrise de l'objet. Les taux de
hapax renvoient à un vocabulaire riche qui, de part les
statistiques, se situe entre l'oral et l'écrit. C'est
précisément à cet endroit que nous ressentons qu'il s'agit
davantage d'une lecture que d'une performance oratoire.
La répétition
est un peu plus forte au Québec, mais il faut noter aussi que les
discours sont légèrement plus longs. Cela nous conduit à
examiner les caractéristiques statistiques de la langue. Il convient de
relativiser les précédents résultats car il faut tenir
compte de la loi de Zipf selon laquelle plus un discours est long plus la
tendance à la répétition s'accroît car le locuteur
n'utilise pas un vocabulaire illimité99(*). Cependant cette loi,
généralisée par Mandelbrot, fait encore aujourd'hui
l'objet de débats. Afin de neutraliser les différences de
longueur des discours, nous avons calculé la diversité du
vocabulaire. Cette mesure, effectuée manuellement, est très
longue et fastidieuse : nous avons séparé le corpus en 86
parties de 1 000 mots puis il a fallu effectuer une analyse
lexicométrique distincte pour chaque partie afin de faire ressortir le
nombre de formes différentes. Le tableau ci-dessous fait état des
moyennes.
Tableau n°2 :
Diversité moyenne du vocabulaire pour 1000 mots100(*)
Le vocabulaire apparaît
extrêmement riche et divers. Bourdieu dit d'ailleurs de ce signe de
richesse qu'il devient alors « signe d'autorité » et
permet d'être « cru et obéis ». Au
Québec comme en France, la diversité est extrêmement
élevée, et les résultats présentent une
homogénéité impressionnante entre tous les discours.
L'objectif des discours d'ouverture est de transmettre un message volontaire de
compétence, et même d'expertise. Le travail effectué sur le
choix des mots correspond clairement à cette exigence.
La diversité souligne
vraiment que notre corpus est un ensemble qui se caractérise par
« l'oralisation » d'un discours écrit. Pour mettre
en relief cet aspect, nous avons placé nos résultats en
comparaison avec des discours politiques purement oraux de type
conférences de presse, petits discours sur notes, et débats
télévisés.
Graphique n°5 :
Diversité du vocabulaire de quelques grands corpus101(*)
Comme nous pouvons le voir
dans le graphique réalisé ci-dessus, les discours d'ouverture se
détachent nettement. Alors que Mitterrand est réputé pour
son art de la parole et la finesse avec laquelle il pesait chaque mot102(*), les Premiers ministres dont
nous étudions les propos se positionnent bien au-delà. Seul le
« parler d'assemblée »103(*) et la forme du discours
permettent de différencier notre corpus des autres prestations. Ce sont
donc les éléments que nous retenons pour rapprocher les discours
français et québécois.
Le rythme
du discours
Le rythme du discours
revêt également une grande importance, et la ponctuation permet de
nous éclairer à cet endroit. Les signes de ponctuation sont des
formes graphiques, donc le logiciel de statistique textuelle les comptabilise
comme n'importe quel mot. Cela nous permet de disposer des fréquences et
d'effectuer ensuite quelques calculs supplémentaires104(*).
On peut constater que les
locuteurs ayant le vocabulaire le plus riche sont ceux dont les phrases sont
les plus longues du fait d'une argumentation complexe. Ainsi Bernard Landry,
qui présente le plus fort taux de hapax (18%) et une
diversité de 460 formes pour 1 000 mots, est le Premier ministre dont
les phrases sont les plus longues avec plus de 28 mots. Souvent qualifié
de littéraire, cet excellent orateur a présenté une vision
générale dans un discours très court. Il s'est inscrit
dans les discours de son prédécesseur, qui présentent
sensiblement les mêmes caractéristiques, en imposant un style de
maîtrise des clés de l'État.
Les résultats
apparaissent assez homogènes, même si les discours
québécois se détachent parfois du fait de leur longueur.
Bien évidemment, c'est particulièrement dans ces mesures qu'il
est envisageable de faire ressortir les caractéristiques personnelles,
mais tout cela reste bien relatif. Ainsi, la moyenne du nombre de mots se situe
aux alentours de 20, alors que si nous la comparons à des corpus de
grands orateurs, nous pouvons voir que François Mitterrand utilisait 33
mots par phrase105(*),
et l'ancien journaliste René Lévesque 36 mots106(*) ! Les discours d'aujourd'hui
sont plus pragmatiques et beaucoup moins enflammés qu'autrefois, en
témoigne le faible nombre de virgules par phrase : 0,87 pour
Charest, 1,13 pour Juppé, 1,6 pour Bouchard. Cet indicateur permet de
distinguer le recours à des phrases plus ou moins complexes. Tandis que
René Lévesque utilisait autrefois plus de deux virgules par
phrase dans de longs raisonnements intellectuels, la tendance se profile
actuellement à la simplification du propos, grâce à une
épuration du vocabulaire complexe, l'offre de raccourcis heuristiques
à travers des mots clés, etc... Face à une
médiatisation croissante, les discours doivent plus que jamais se rendre
intelligibles. Avec des phrases courtes, des incises peu nombreuses, le Premier
ministre est assuré que l'auditoire ne perdra pas le sens. Dans cette
optique, Denis Monière avance que la longueur idéale pour une
bonne compréhension est d'environ 24 mots par phrase : tous les
discours des Premiers ministres se situent d'ailleurs dans cette moyenne.
Pour le reste, les autres
formes de ponctuation nous apprennent relativement peu de choses. Nous pourrons
simplement noter que toutes exclamations ou interrogations sont bannies, ce qui
marque la différence avec des discours davantage polémiques. Par
ailleurs, les tirets sont peu employés, signe de l'abandon du style
cumulatif, toujours dans l'optique de se purger de tout obstacle à la
compréhension. Enfin, notons que la citation n'est plus de mise, les
Premier ministres évitent désormais le recours à d'autres
pour attester la valeur de leurs propos.
La
rhétorique du chiffre
L'exploration de l'emploi des
chiffres rentre dans le cadre de l'étude stylistique. Le recours aux
chiffres peut caractériser un discours ancré dans l'action, et
souligner des qualités de gestionnaire. Comme pour la richesse lexicale,
il existe une mythologie autour du chiffre. Il symbolise l'expertise, la bonne
connaissance des dossiers et les hommes politiques ne peuvent dès alors
omettre d'insérer de telles énumérations de chiffres dont
nul ne vérifiera la véracité. Le passé
récent nous a montré, lors du célèbre débat
de 1974 entre Giscard d'Estaing et Mitterrand107(*), que cette connaissance représente un enjeu
de taille. Dès lors, les Premiers ministres, sans sombrer dans la
démagogie, auront tendance à employer des vocables relevant du
rationnel pour combler des attentes
« émotionnelles ». Si nous accordons un peu
d'attention aux chiffres mobilisés dans le cadre budgétaires ou
de prévisions d'augmentations en tout genre, on constate que ces
chiffres tiennent plus d'un effet d'annonce. Une valeur ne prend sens que dans
la mesure où l'on dispose d'une échelle de comparaison, ce qui
n'est généralement pas le cas. Ainsi, si nous nous plaçons
dans une perspective aristotélicienne, les millions et les
milliards relèvent davantage du pathos que du
logos.
Chaque chiffre correspond
à un usage différent108(*). Les dizaines sont liées le plus souvent
à l'expression d'une situation en années, en acteurs, en pays. Au
Québec, les centaines font référence à des
numéros de lois. Les milliers représentent des emplois, ou de
petites sommes comme des salaires ; enfin, les autres valeurs
correspondent majoritairement à de grosses sommes en rapport avec le
budget de l'État. Par ailleurs, nous avons pris en compte les signes
dollars et pour-cent afin de disposer de plus d'indicateurs.
Notre ensemble de discours
apparaît ici assez hétérogène. Ceux du Québec
mobilisent beaucoup plus de chiffres en valeur absolue. Cela viendrait
corroborer les qualités de gestionnaire attribuées à
Lucien Bouchard et Bernard Landry. Mais en calculant la proportion de valeurs
numériques dans chaque discours, nous obtenons des résultats
différents. Une fois la longueur du texte neutralisée, on peut
observer que les seconds discours d'un même Premier ministre se
détachent systématiquement par une forte utilisation des
numéraux. Cette constante réside dans une orientation
différente du discours. La première déclaration correspond
à sa dénomination de
« générale », et consiste en une vision
globale des changements à établir pour l'avenir du pays. Lors du
second discours, qui suit un remaniement ministériel, le gouvernement
est dans l'action, il dispose de bonnes connaissances des dossiers et peut
désormais chiffrer précisément les initiatives qu'il va
prendre. L'extrait suivant, tiré du discours de Jean Charest en 2006, en
est particulièrement révélateur :
« Monsieur le
Président, la situation des familles du Québec va continuer
d'occuper une place prépondérante dans l'action du gouvernement,
au cours des mois qui viennent. Depuis le 1er janvier 2005, 1 million de
familles québécoises avec enfants profitent d'un nouveau
régime de soutien aux enfants qui redistribue 2 milliards de
dollars par année.
En termes concrets, ça
donne quoi, M. le Président? Permettez-moi de vous donner un exemple. Le
soutien maximal procure plus de 3 000 $ de plus à un couple
avec deux enfants ayant un revenu de 43 000 $. C'est 1 million de
familles qui voient s'accroître leur marge de manoeuvre
financière109(*). »
Le Premier ministre actuel du
Québec situe temporellement ses objectifs, présente le coût
total du programme ainsi que le nombre de citoyens qui en sont
bénéficiaires. Il en sera de même pour Alain Juppé
en 1995 avec la réforme de la sécurité sociale, Lucien
Bouchard en 1999 dans l'accompagnement de la jeunesse, et Jean-Pierre Raffarin
en 2004 pour la relance de la croissance et de l'emploi.
La
négativité
Sur ce dernier point, il
s'agit une fois de plus de faire émerger des similitudes entre les
différents discours. Le discours d'ouverture présente-t-il des
aspects relevant de la critique ou de la polémique ? Le graphique
n°6 montre que les discours en France comme au Québec ont des
caractéristiques identiques quand à la négativité.
Nous avons retenu les vocables pas, n' et ne comme
révélateurs de cette situation.
Comme dans notre sous-partie
précédente, les seconds discours d'un même Premier ministre
présentent tous la même baisse. Il apparaît en effet logique
que les locuteurs ne vont pas effectuer un bilan négatif de leur action
mais au contraire user du discours pour renforcer un sentiment de
réussite et assurer du respect de leurs engagements. La courbe rouge de
l'article pas est très représentative de cette
tendance.
Les résultats
concernant les discours de Jospin et De Villepin dévient de la norme
avec une négativité un peu plus élevée. Nous
attribuons cela à la situation de cohabitation pour Lionel Jospin et au
besoin de rupture que Dominique de Villepin a voulu apporter à la suite
de Jean-Pierre Raffarin.
Graphique n°6 :
Fréquences relatives des adverbes de négation pas,
n' et ne
Cependant, ces écarts
semblent minimes s'ils sont comparés à d'autres corpus
politiques. Il est indéniable que le poids de l'institution contraint
ces discours à être peu critiques car davantage
préoccupés d'obtenir la confiance de tous. L'attitude d'un chef
de gouvernement le conduit à ne pas polémiquer au contraire des
autres discours dans le Parlement. En effet, notre corpus ne peut en aucun cas
être généralisé au discours d'assemblée, ni
même au discours gouvernemental comme l'ont fait Labbé et
Monière. La déclaration est l'antithèse des propos que
pourrons tenir les partis d'opposition110(*). Ainsi, il semble évident dans le graphique
ci-dessous que les répliques des chefs de l'opposition officielle sont
toutes tournées vers une négativité de mise pour un tel
exercice.
Le discours de
réplique des chefs de l'opposition officielle au Québec est
l'excellent exemple d'un exercice destiné à critiquer et remettre
en cause les propos tenus la veille lors du discours d'investiture. Les
conditions d'énonciation sont identiques, l'auditoire est le même,
mais la visée est bien différente. De la sorte se
développe un discours polémique avant tout.
Graphique n°7 :
Fréquences absolues cumulées des articles pas et ne
Nous pouvons un instant
examiner ce discours sur le discours, car le Premier ministre au Québec
va devoir anticiper sur cette réplique tant attendue par les
médias. Par exemple, chez Jean Charest, on trouve un emploi important de
guillemets car le libéral reprend les propos péquistes pour mieux
les renverser. Aussi le verbe citer apparaît parmi les
spécificités positives du PLQ dans notre ensemble des
répliques de 1999 et 2001, et le segment et je cite est parmi
les plus répétés. De même, l'utilisation de la
question rhétorique permet de mettre l'accent sur une affirmation. Le
recours important à cette figure de style (32 et 29 fois) ainsi
qu'à la citation amènera à des phrases
caractéristiques telles : « le premier ministre nous dit que,
et je cite, « créer de l'emploi, c'est notre priorité »
» ; ou encore cet enchaînement d'interrogations
très révélateur :
« Et qu'avons nous
en retour pour notre argent ? Parce que c'est ça, la question que ces
gens là doivent se poser. Quand on paie plus, on doit se demander : on
reçoit quoi en retour? Il se peut très bien, monsieur le
Président, qu'on fasse un choix de société, un choix
collectif de payer davantage, et, en retour, on se dit : on s'offre plus de
services, le système de soins de santé est meilleur,
extraordinaire, différent de celui des juridictions qui nous entourent.
Ce n'est pas évident111(*) ».
Dans ce chapitre, nous avons
montré que la fréquence des vocables permet de mettre en relief
un certain nombre d'éléments caractéristiques des discours
québécois et français. Il est saisissant d'observer
combien ils sont proches sur de nombreux points. De la contrainte
institutionnelle au style, il a été mis de l'avant le recours
à des mots-outils communs et à des mots-thèmes peu
éloignés. De plus, nous avons souligné que
l'énonciation relève davantage du genre écrit que de
l'oral. Nous allons désormais examiner les aspects nationaux grâce
auxquels les discours se distinguent.
Chapitre
3
L'influence des spécificités nationales
Après avoir
soulevé un certain nombre de normes partagées dans la composition
des discours au Québec et en France, nous allons mettre en relief les
spécificités de chaque discours. C'est désormais davantage
sur les thèmes que portera notre propos, et nous mettrons en exergue les
éléments caractéristiques d'un pays. Ensuite nous verrons
si le système politique influe sur certains choix lexicaux.
1.
L'enjeu de la souveraineté au coeur des discours d'ouverture au
Québec.
La
bataille du « Québec »
Comme nous l'avons
montré lors de notre préalable historique, le
phénomène du souverainisme québécois n'est pas
récent. Il est issu d'une culture de conflit entre anglophones et
francophones qui a traversé les siècles pour évoluer d'une
lutte militaire à une revendication politique. La place et le choix des
mots revêtent alors une place essentielle, car comme le note Olivier
Reboul, « les croyances, les idéologies qui fondent une
position politique s'objectivent dans le langage112(*) ». Le nationalisme
québécois se construit ainsi dans le langage à travers ses
désignants. Le théoricien Karl Deutsch souligne que le groupe
national défini un « nous » collectif qui se
différencie des autres113(*), il apparaît alors normal que le premier
vocable historique apparu soit canadien français. La
première identité reposait sur un territoire, et sur le fait
culturel du partage de la langue française. L'identité s'est
développée par opposition aux anglophones, et la conservation de
canadien a été analysée comme « une
collectivité soumise qui porte la marque de sa
dépendance114(*) ». Avec le terme
Québécois, l'identité a évolué vers
un contenu politique et ne s'est pas restreinte à un groupe d'individus
mais prend une conception plus large. Ce n'est plus la langue qui permet
d'effectuer une distinction, mais l'appartenance à un
État.
Cependant, il faut insister
sur le fait que le vocabulaire nationaliste autour du terme
Québec est produit à la fois par les souverainistes,
mais et par les libéraux qui sont pourtant fédéralistes.
En réalité, le sens accordé à cet ensemble de
vocables fait constamment l'objet de conflits entre les deux entités
politiques.
Comme on le voit ci-dessous,
il n'y a pas d'emploi homogène des vocables Québec,
Québécois, québécoise,
québécois car chacun tente de se l'approprier et en
aucun cas un Premier ministre ne pourrait négliger cela. Cette bataille
lexicale incessante transparaît encore plus nettement grâce au
calcul des spécificités115(*) : Québec est une
spécificité positive de Jean Charest et négative de Lucien
Bouchard ; québécoise est une
spécificité positive Bouchard et négative de Charest,
etc...
Graphique n°8 :
Fréquences relatives des vocables du nationalisme par
année.
Il est vain de
démarquer un des deux partis, car l'appropriation du sens est au coeur
de leur lutte de pouvoir. Comme le soulignait Annette Paquot il y a plus de
vingt ans, « le mot Québec, nom propre qui fonctionne comme un
collectif, est défini limitativement par la majorité des
énonciateurs nationalistes comme l'ensemble des francophones de vieille
souche. Employé en ce sens, il est porteur de connotations,
idéologiques et affectives particulières116(*) ». Ce sens est
celui adopté par le Parti québécois, dont on n'oubliera
pas de noter que le choix du nom entre réellement dans cette lutte
d'appropriation identitaire. Le Parti libéral, soit Jean Charest dans
notre corpus, use de la polysémie du terme pour considérer les
Québécois comme tous les habitants du Québec,
sans effectuer une restriction liée à l'origine, à la
langue, ou à la revendication politique.
Le choix sémantique
pour qualifier le projet politique se situe dans le même ordre.
Historiquement, on a parlé de séparatisme, puis
d'indépendance, et aujourd'hui de souveraineté117(*). Denis Monière
souligne que le sens des termes n'est pas le même, car la
souveraineté est la « détention du pouvoir
suprême » alors que l'indépendance est « la
forme que prend la souveraineté dans les relations avec les autres
États118(*) ». Le mot souverainisme
apparaît élastique et plus ambigu car il n'exclut pas, par
exemple, la thèse du fédéralisme
asymétrique.
Graphique n°9 :
Fréquences relatives de souveraineté,
séparation et référendum.
On peut voir que le Parti
québécois monopolise l'emploi de souveraineté, ce
qui apparaît normal dans la mesure où il s'agit de son unique
finalité. À l'opposé, Jean Charest fait apparaître
un mot nouveau en désignant ses adversaires de « tenants de la
séparation », il joue alors sur la connotation
péjorative associée à ce terme. Il y adjoint
référendum qu'il brandit comme l'obsession qui
éloigne les péquistes des réalités. Ceux-ci
l'avaient progressivement abandonné suite à l'échec de
1995 et à sa résonance défaitiste.
Le discours souverainiste de
Bouchard et Landry passe aussi par le recours aux noms propres Canada,
Ottawa, et Ontario. Nous avons tenté de faire
émerger une structure actancielle sous la forme de celle proposée
par Jacqueline Picoche119(*). On constate que le nom propre sujet Canada
est plus souvent agent que patient : le Canada a fait son
choix, force le jeu, impose ses vues et la personnalisation va
jusqu'à le faire parler à l'aide du verbe dire. De plus,
Canada est accompagné de l'adjectif anglais dans 29%
de ses utilisations (15), reproduisant le vocabulaire du nationalisme de
conservation qui primait de la fin du XIXe siècle à la
première moitié du XXe siècle. Les vocables
Canada-anglais (+13) et Canada-français renvoient
à cette fracture linguistique dans la confédération, et on
notera à cet égard que le substantif langue (21) est
beaucoup plus utilisé par le Parti québécois, et au regard
des concordances, la langue est associée à la
nécessité de conservation du français (9), mais
aussi à l'ouverture vers d'autres langues (7).
Graphique n°10 :
Spécificité des noms propres Canada et Ottawa
par parti.
Le graphique ci-dessus rend
évidente cette opposition dans l'utilisation du champ lexical
fédéral. De la même manière que Canada, le
nom propre Ottawa (+4) est personnalisé par les
péquistes et devient littéralement acteur ; la capitale incarne
alors tous les maux du gouvernement fédéral
(+11)120(*).
Ottawa s'autorise certaines légèretés,
Ottawa préfère créer une nouvelle bureaucratie...
Les libéraux font bien moins référence au Canada
et à Ottawa, alors qu'on aurait pu s'attendre à ce que
l'ancien ministre de l'environnement, fédéraliste convaincu,
oppose à une vision souverainiste les avantages d'un Québec fort
dans un Canada riche de son union.
L'usage
de l'anglais
Les Premiers ministres
adressent toujours quelques propos à la minorité anglophone du
Québec. L'enjeu linguistique est de grande importance au Canada, et le
bilinguisme mérite d'être analysé afin de comprendre
comment les politiciens francophones s'adressent aux 8% de
Québécois anglophones.
Tableau n°3 :
Usage de l'anglais par discours d'ouverture.
Le tableau n°3 expose la
part de l'allocution consacrée à l'anglais en pourcentage par
rapport à l'ensemble de chaque discours. On pourrait s'attendre à
ce que les souverainistes négligent cet auditoire traditionnellement
fédéraliste, mais la réalité révèle
le contraire. C'est en effet Lucien Bouchard qui prononcera le plus de mots en
anglais, l'ancien chef du Bloc québécois au Parlement
fédéral accorde 3,5 % de son discours à cette langue qu'il
maîtrise parfaitement. Mais c'est aussi lui qui en usera le moins avec un
usage nul en 1996. Il faut bien préciser que tous les discours
inauguraux comprennent d'ordinaire un minimum d'une phrase en anglais, alors
que les répliques officielles des chefs de l'opposition en sont
dépourvues.
Il apparaît clairement
que les phrases en anglais dans les discours sont uniquement destinées
à être reprises dans les médias anglophones. Que ce soit au
PQ ou au PLQ, les mêmes propos rassurants se retrouvent. Cela
transparaît dans les vocables les plus utilisés121(*) : les verbes to
assure, to protect, to enrich, to contribute
servent à tranquilliser les Québécois anglophones en
prônant l'enrichissement lié au bilinguisme. Le substantif
government devient le sujet des phrases dans la mesure où
celui-ci s'engage à protéger the English-speaking
population.
2. La
France face à des défis structurels
La
bataille de l'emploi
L'emploi est le réel
leitmotiv des dix dernières années de gouvernance en France.
Lorsque François Mitterrand prit le pouvoir en 1981, le nombre de
chômeurs était de 1,8 millions, et cette valeur atteignit 2,8
millions 14 ans plus tard. Lionel Jospin la réduisit de 3,1 à 2,4
millions en 5 ans, et désormais le nombre de chômeurs est
stabilisé autour de 2,6 millions122(*). Quoi qu'il en soit, la résorption du
chômage s'est imposée comme la grande bataille de la fin du
XXe siècle. Tous les dirigeants politiques font
désormais preuve d'un certain volontarisme et tentent leur chance face
à cette oeuvre colossale.
L'objectif des Premiers
ministres de droite comme de gauche est de relancer l'emploi (114)
grâce à tous les moyens possibles. Par ailleurs, leur
action (45) réside aussi dans le retour de la
confiance (25) des ménages. Comme le laisse entendre le
politologue Roland Cayrol123(*) « les Français ne croient plus,
dans leur immense majorité, qu'une solution globale (une solution
politique) puisse être trouvée, à court ou même
à moyen terme, au problème du chômage ». Ce
fléau pèse sur les esprits, mais l'espoir persiste car les deux
tiers des Français estiment que le chômage et l'emploi doivent
être les priorités du gouvernement124(*). Dès lors, les
Premiers ministres vont composer avec les attentes de leurs concitoyens.
Graphique n°11 :
Fréquences relatives des vocables emploi, chômage
et économie.
Le vocable le plus
utilisé est emploi, et il regroupe tout un champ lexical
composé des termes chômage (28), contrat (36),
travail (52), embauche (16), création (33).
Dans leur étude sur les discours de politique
générale125(*), Pascal Marchand et Laurence Monnoyer-Smith font
remarquer que Édith Cresson, Édouard Balladur, Alain Juppé
et Lionel Jospin insistent moins sur le commerce, l'économie, pour
privilégier l'emploi. Le graphique ci-dessus corrobore leurs
résultats, qui peuvent désormais s'étendre jusqu'en 2006.
Par ailleurs, les deux courbes situées au bas du graphique nous
permettent d'effectuer un parallèle entre chômage (28) et
économie (23). Nous constatons que ces vocables sont
employés dans les mêmes proportions, et qu'au-delà, ils
suivent la même évolution. Les deux phénomènes
subissent un usage commun car les Premiers ministres avancent que le
chômage est lié aux faibles performances de l'économie
nationale. Sans la définir comme telle, les dirigeants présentent
la cause de ce chômage comme structurelle. C'est ainsi qu'on parlera
beaucoup de croissance (39) car cet indicateur cristallise les
solutions dont l'État (124) n'est pas maître. Le refus de
présenter cette situation en tant que structurelle les amène tous
à tourner autour d'une réalité par l'échappatoire
de l'éducation, des charges patronales ou encore de l'Europe. Les propos
ne peuvent pas s'inscrire dans un réalisme trop dur qui exposerait les
blocages intervenus lors de l'évolution des structures
démographiques, économiques, sociales, institutionnelles.
Gouverner signifie étymologiquement tenir la barre126(*), alors un chef de
gouvernement ne peut renvoyer l'action à plus tard.
On constate que la
fréquence du terme emploi est proportionnelle à
l'évolution du taux de chômage. Ce vocable monopolise l'espace, il
est un symbole mobilisé comme un espoir en l'avenir (47), et
cela se développe au détriment de l'usage de son champ
lexical127(*). Le terme
chômage dont la résonance rappelle les échecs
successifs de l'ensemble des gouvernements, est progressivement
délaissé ; il en est de même pour le vocable
travail. On remarque aussi l'emploi parallèle de
création et de contrat : nous considérons
ces termes révélateurs des politiques adoptées durant
cette dernière décennie. Pour pallier au chômage, de
nombreux outils ont été développés, nous allons en
présenter trois à travers des extraits
caractéristiques :
- les contrats
aidés pas l'État : « Nous allons instituer le
contrat initiative-emploi dont vous connaissez l'économie
générale : pour un salaire au niveau du SMIC, une
exonération complète des charges sociales patronales et une prime
de 2 000 francs par mois pendant deux années »
(Juppé, 1995).
- le soutien à la
création d'entreprise : « Nous créerons
des conditions propices au développement des ces entreprises, par une
fiscalité favorable à l'investissement, par la mobilisation de
l'épargne, par le renforcement des fonds propres des PME, par la
simplification des procédures administratives, par une politique active
du capital-risque. C'est là, je le sais bien, que se situe le principal
gisement d'emplois du tournant du siècle » (Jospin,
1997).
- des nouveaux
contrats de travail : « Dans le respect du code du
travail, je propose la mise en place à compter du 1er
septembre d'un nouveau type de contrat de travail à durée
indéterminée, le « contrat nouvelle
embauche ». Mieux adapté aux contraintes des très
petites entreprises auxquelles il pourra être proposé, il
conciliera plus de souplesse pour l'employeur et de nouvelles
sécurités pour le salarié ». (De Villepin,
2005).
Autour de ces programmes, on
notera l'existence du champ lexical de l'éducation et de la formation.
Il persiste en France une mythologie urbaine qui valide l'équation
éducation égal emploi128(*). Dès lors nous pouvons constater que l'offre
de politiques correspond à cette croyance : l'éducation est
généralement présentée dans les discours lors du
questionnement sur une meilleure orientation pour favoriser l'entrée sur
le marché du travail129(*). De l'école (29) à
l'université (12), l'enseignement (8)
scolaire (17) est orienté vers l'éducation (23)
et désormais vers une vraie formation (29)
professionnelle (21). Cependant, la cible étant les
jeunes (46), l'absence des mots collège et
lycée apparaît contradictoire alors que ces institutions
formatrices sont fondamentales dans le processus de développement et
d'acquisition d'un savoir commun.
D'autres lierons le cas de
l'emploi avec l'Europe (33). Lors des négociations pour l'Union
économique et monétaire, Juppé et Jospin se reposeront sur
la Communauté européenne. Ce paragraphe apparaît
très symptomatique :
« Certes la
croissance ne se décrète pas, elle se prépare, elle se
gagne. Nous n'y parviendrons pas seuls. L'atonie de la croissance est un
problème posé à l'Europe tout entière. La
réponse doit pas conséquence être commune. [...] Dans un
délais très court, nous avons pu obtenir de tous nos partenaires,
d'une part, l'acceptation d'une résolution sur la croissance et l'emploi
venant compléter et équilibrer le pacte de stabilité et,
d'autre part, la tenue d'un sommet exceptionnel consacré à
l'emploi. » (Jospin, 1997)
Les exigences importantes de
l'Union ont pour effet de placer les chefs de gouvernement dans une situation
où ils se déchargent d'un problème national sur la zone
économique régionale. Cette initiative permet de recontextualiser
à juste titre le phénomène en libérant la voix au
gouvernement sur d'autres domaines. Mais cette réflexion
abandonnée par Jean Pierre Raffarin était empreinte de
réalisme économique.
La
réaffirmation des valeurs républicaines
Face aux problèmes
d'exclusion (19), de sécurité (55) et devant le
nécessaire besoin de réforme (51), les Premiers
ministres français réinvestissent le champ lexical des valeurs de
la République. Ainsi fleurissent de nombreux termes symboliques et forts
de sens. Solidarité, égalité,
justice, telle aurait pu être la nouvelle devise de
l'État sous l'ère Jospin. Notre corpus ne comporte qu'un seul
discours socialiste, il n'est alors pas aisé d'effectuer une
généralisation, mais nous pouvons noter que ces termes sont
sur-employés par la gauche. Lionel Jospin souhaite faire vivre la
République (2), ce segment ouvre la voie à tout un discours
replaçant les valeurs au coeur du dispositif. Il exprime sa confiance
dans les institutions (+4), sa conception (+3)
républicaine (+3) de la démocratie (+4), son
désir de pluralisme (+3)130(*). Les vocables solidarité (47) et
justice (43) sont également mobilisés par les Premiers
ministres de droite. Et d'une manière générale, c'est
l'idéal de la démocratie (35), le souci
d'égalité (31) qui est porté par
l'esprit (31) républicain (20) qu'incarne chaque homme
politique. Lionel Jospin énonce littéralement ses fins en
soulignant que « Revenir aux sources de notre République doit
nous faire saisir à quel point notre pays souffre d'un retard
démocratique. La modernisation de notre démocratie ne suppose pas
seulement des réformes institutionnelles, elle nécessite de
profonds changements culturels ».
Il convient de prendre le
temps d'analyser la portée sémantique de l'ensemble de ces
termes. Jean-Marie Denquin affirme que le terme républicain
« est utilisé rituellement, mais sans passion131(*) » ; un tel
raisonnement ne peut pas s'appliquer ici car avec la crise des valeurs, on peut
voir que le champ politique réinvesti véritablement tous ces
termes porteurs de sens afin de réaffirmer le partage de valeurs
communes. Nous postulons que l'État, à travers ce type de
discours, n'est ni dans l'État-symptôme ou l'État-miroir
comme l'avancent parfois les médiologues132(*). On prend en quelque sorte
le chemin de l'État-symbole dans lequel s'applique la
supériorité de l'idée sur la réalité. Mais
entre pragmatisme et réintroduction des valeurs, c'est plutôt un
État-repère qui est en train d'émerger dans ces discours.
La situation crée le sens et les Premiers ministres peuvent user des
mots phares de la République pour actualiser les valeurs et montrer aux
Français les éléments autour desquels ils peuvent tous se
retrouver.
3. La
différenciation lexicale des partis gouvernementaux au pouvoir.
Le
maintient d'une fracture discursive au Québec.
La principale opposition,
nous l'avons montrée précédemment, concerne le projet de
société. Or celui-ci a des incidences sur les thèmes
développés par les partis. Le Parti québécois s'est
parfois interrogé sur son positionnement politique, car
l'indépendance n'est pas une fin en soit, et il a alors investi le champ
du social. D'après Denis Monière, le problème de la
souveraineté serait lié à ce dernier thème, et
certains avancent un écueil théorique qui consiste
à :
« assimiler le
nationalisme à l'idéologie bourgeoise et au capitalisme, et
à postuler que seuls la lutte des classes et le passage du capitalisme
au socialisme permettront spontanément de résoudre la question
nationale133(*). »
Sans adhérer à
cette vision trop radicale et simpliste, les péquistes se sont
lancés dans un vaste projet de social-démocratie. Les
spécificités lexicales sont sur ce point très
explicites134(*).
Bouchard et Landry vont parler de réforme (+4) de la
sécurité sociale (+4), mais surtout de
solidarité (+5) qui sera un de leurs objectifs prioritaires. En
outre, c'est le PQ qui mobilise le plus d'adjectifs liés à
social135(*).
Bernard Landry développe particulièrement un discours de gauche.
De plus, on constate une sur-utilisation des vocables de la jeunesse
(+3) car les souverainistes ont mis en place de nombreuses actions
(+4) envers les étudiants (+3) afin de favoriser une
économie du savoir. L'emploi (+16) apparaît comme le
vocable qui caractérise le plus ce parti. Les deux hommes politiques ont
mobilisé particulièrement d'énergie pour présenter
des conditions favorables à la création d'emplois
(+3).
Le Parti libéral du
Québec, pour sa part, n'a pas d'autres choix que de se positionner
à l'opposé du Parti québécois. Toute la politique
de Jean Charest se concentre sur l'économie et la santé. L'actuel
Premier ministre s'attaque aux finances publiques, un segment
très répété (11 fois)136(*). Il soulève le
spectre de la dette (+6), et situe sa responsabilité
(+3) dans la relance de la croissance (+3). C'est
particulièrement grâce aux revenus tirés de
l'énergie (+5) qu'il pourra favoriser (+3) la baisse
du fardeau fiscal (+3)137(*). D'autre part, il agit sur le
développement économique (11) des régions du
Québec (15). Il avance que ses efforts (+3) seront
synonymes de richesse (+5) et de prospérité
(+4).
Jean Charest opte volontiers
pour un discours alarmiste afin de s'imposer comme l'unique homme capable de
redresser le Québec. Il use abondamment du concept de
système (+4) dans un sens très négatif, et il a
récemment essayé d'introduire le concept de crise138(*).
Enfin, le cheval de bataille
des libéraux québécois est le domaine de la
santé (+9). Comme on peut le voir ci-dessous, le PLQ impose
sont leadership (+4) sur un thème qui lui a toujours
réussi. Il est important (+2) de revoir (+3) les
services aux citoyens (+6), donc Jean Charest a choisi de faire appel
à l'initiative privée en mettant en place des projets de
partenariat. Il agit pour le bien commun (+3) face à ces lourds
défis (+3) et le coût trop élevé des
infrastructures (+4) publiques (+3).
Graphique n°12 :
Fréquences relatives des vocables santé et soin
par année.
Les mêmes mots pour
les mêmes thèmes en France
Comme le soulignent Pascal
Marchand et Laurence Monnoyer-Smith dans leur étude très
complète des discours de politique générale en
France139(*), on ne peut
plus catégoriser l'énonciateur selon son appartenance à
une idéologie de gauche ou de droite. Pour eux, la crise structurelle
qui frappe la France depuis la fin des années 1970 a conduit à
une technicisation du discours au détriment de l'aspect
idéologique. Au-delà, c'est « un vocabulaire
unique » qui tend à rapprocher des discours flous
« au contenu vague ».
Valeurs abstraites,
considérations sociales, il existe un discours type qui serait reproduit
par tradition. En s'attardant sur les spécificités de chaque
parti que le logiciel a extraites, nous pouvons percevoir qu'elles sont
très peu nombreuses140(*). L'UMP se distingue par le sur-emploi du seul
adjectif sociale (+4) et du seul verbe agit (+3). On remarque
aussi que les écarts sont relativement faibles : le plus important
est de +5 pour le PS et +4 pour l'UMP, alors qu'au Québec on trouve par
exemple les vocables emploi et président avec une
spécificité de +16. Cela signifie que les discours de notre
corpus « France » sont trop proches et trop semblables pour
pouvoir extraire des caractéristiques fortes.
Le constat est
renforcé par l'analyse des segments
répétés141(*). Les trois groupes les plus fréquents, soit
il faut, j'ai, et notre pays, sont les mêmes
pour la gauche comme la droite. Quel résultats devons-nous
établir à partir de cela ? Les discours se rapprochent par
leurs usages lexicaux, et à l'heure du déclin des
idéologies, les gouvernants semblent s'être résignés
à toute introduction d'un lexique partisan. Dominique Labbé,
grâce à une analyse poussée de rapprochement lexical par
dendrogramme, a démontré avec les couples Cresson-Balladur et
Juppé-Jospin que le clivage droite-gauche avait disparu142(*). De plus, il laisse entendre
que l'influence du temps n'a pas d'effets sur des discours qui ne changent
pas.
Prenons l'exemple du champ
lexical de social. Ces termes ont généralement
été davantage employés par les gouvernements de gauche que
par ceux de droite. Or on constate ici que c'est Lionel Jospin, dont la
rhétorique a d'ailleurs souvent été qualifiée de
libérale, qui emploie le moins ces termes. Sociale (+4)
apparaît comme une spécificité de l'UMP, mais il convient
de minimiser la portée de ce résultat ainsi que de la pointe de
Juppé sur la courbe ci-dessous car ces discours ont essentiellement
porté sur la sécurité sociale. Nous pouvons seulement
constater que Lionel Jospin investit le champ du service public en s'opposant
aux privatisations et en réaffirmant les fonctions essentielles
(+3) des organisations (+3) publiques (+3) dont les
différents mandats (+3) permettent aux citoyens (+3)
de bénéficier de services équitables.
Graphique n°13 :
Fréquences relatives des vocables sociale, sociaux,
social par année
Retenons que ce mouvement
global en France n'est pas nouveau : Jean-Marie Cotteret évoquait
déjà la dépolitisation des discours il y a 30 ans dans son
étude sur Mitterrand et Giscard d'Estaing. Il soulignait à
l'époque que « la coloration politique du vocabulaire n'est
pas immuable ; certains mots circulent dans l'éventail des
idéologies, adoptés par les uns pour être ensuite
récupérés par les autres143(*) ». Une fois de plus, il convient de
replacer notre propos dans le cadre du corpus. Cette analyse s'applique
uniquement aux déclarations de politique générale en
France, et n'est en aucun cas réductible au discours gouvernemental ou
même au discours politique.
Nous
contre je : des pronoms pour un système politique
Nous allons analyser les
pronoms personnels en tant que révélateurs de la conception
du pouvoir. Les pronoms personnels se présentent-t-ils comme un outil
commun aux différents Premiers ministres ? Ceux-ci seraient
probablement tentés de différencier leur discours de celui de
leur prédécesseur en le personnalisant à outrance.
À l'inverse, ils pourraient s'inscrire dans le même type de
rapport au destinataire, soit proche (je) soit plus globalisant
(nous). L'étude des pronoms de la première personne va
nous permettre de dresser un parallèle entre leur emploi et le
système politique.
Graphique n°14 :
Fréquences relatives de l'utilisation de la première personne du
singulier et du pluriel par les Premiers ministres.
Le graphique ci-dessus fait
état de l'emploi des pronoms de la première personne en associant
les discours québécois et français. Nous pouvons ainsi
comprendre comment le locuteur se situe dans chaque pays. Le premier constat
à établir relève presque de l'évidence : le
discours d'ouverture au Québec mobilise la première personne du
pluriel alors que la déclaration de politique générale
fait une sur-utilisation de la première personne du singulier.
Le premier lien que nous
effectuons tient au système politique. Au Québec, le Premier
ministre n'est pas un gouvernant solitaire imposant ses vues à tous ses
confrères députés. Dans le système parlementaire,
c'est un parti politique et son idéologie qui sont
plébiscités et non un homme. La gouvernance s'effectue dans le
cadre d'un Cabinet avec une solidarité ministérielle forte, les
membres du Conseil des ministres ne sont pas constitutionnellement
séparés les uns des autres144(*). Nous conviendrons pour l'instant que c'est la
collégialité du pouvoir qui place la première personne du
pluriel à la base du discours.
À l'inverse, le
discours en France est très marqué par la personnalité du
Premier ministre avec une sur-utilisation de la première personne du
singulier. Dans le système politique français, le Premier
ministre n'est pas un membre à part entière du gouvernement mais
il en est son unique moteur. « Dans l'ordre normatif, la
suprématie constitutionnelle du Premier Ministre est écrasante.
Il domine la procédure législative. L'article 21 lui attribue le
pouvoir règlementaire en annonçant qu' « il assure
l'exécution des lois » et « exerce le pouvoir
règlementaire145(*) ». Par ailleurs, il travaille sous la
coupe du Président de la République ; ainsi cette
personnalisation de la gouvernance peut dans certaines circonstances s'analyser
comme un contrepoids face à la domination du chef de
l'État.
Au Québec, c'est Jean
Charest qui utilise le plus la première personne du pluriel. En 2003,
nouvellement élu, il se trouve dans une situation où il doit
légitimer sa position et affirmer son leadership (je veux,
j'aimerais, je cite, j'assume ce nouveau rôle...). Le pronom
personnel je est d'ailleurs renforcé par le suremploi de
moi et me. À l'inverse, en 2001, Bernard Landry doit
maintenir son hégémonie au sein du PQ malgré de fortes
dissensions. C'est lui-même qui a poussé Bouchard à
démissionner par une bataille interne, alors il doit s'imposer en tant
que rassembleur, c'est pourquoi son propos n'est pas très
éloigné des caractéristiques françaises car il
produit une alchimie entre les deux pronoms.
Corinne Gobin146(*) souligne que nous
est un élément intéressant car « cette forme
lexicale joue un rôle essentiel en politique : le nous
rassembleur de l'union ou le nous qui distingue soit des
autres ». La première personne du pluriel est en effet
polyréférentielle : nous les députés
libéraux, nous les députés péquistes,
nous l'Assemblée nationale, nous les
Québécoises, nous les Canadiens, ou encore un
nous de majesté. Ce pronom offre une vision plus
collégiale de la gouverne, et va au-delà de l'Assemblée.
De plus, il permet d'inclure le peuple dans les propos. Ainsi le Premier
ministre libéral utilise principalement le nous les
libéraux qui « se montreront digne de la
confiance », qui « seront à
l'écoute » de la population. Les propositions gouvernementales
ne sont pas personnalisées mais attribuées à nous le
gouvernement libéral.
Nous pouvons émettre
un second raisonnement, car il ne faut pas oublier que le discours
québécois relève quelque peu de la polémique par
son inscription dans un contexte d'opposition parlementaire directe. On peut
estimer que le recours à nous permet de présenter une
majorité forte et unie, sans dissension aucune et qui avance dans un
seul sens. Nous considérons qu'il s'agit d'un moyen de se
protéger de la réplique qui a tendance à fustiger
uniquement le symbole institutionnel du Premier ministre.
Afin d'apporter un panorama
complet de l'utilisation des pronoms, nous tenons à souligner les
caractéristiques des répliques officielles. Il s'agit cette fois
des pronoms on et vous147(*). Les propos des chefs de l'opposition ont
toujours tendance à être polémiques, et cela ressort par le
pronom personnel vous désignant le gouvernement nouvellement
institué. Il est ici notable que la critique ne s'adresse pas
personnellement au Premier ministre mais à son discours ; nous
rejoignons ici la thèse de Bernard Cohen148(*) selon laquelle les discours
d'assemblée sont des
« métadiscours », « on
discourt sur le discours ». Ce pronom sert également
à s'adresser à l'auditoire ou au Président de
l'Assemblée. Le pronom impersonnel on est majoritairement
utilisé dans les répliques. Il représente 23,24% du total
des pronoms en 1999, 24,87% en 2001, et 18,97% en 2003. Il s'agit du second
pronom le plus utilisé après nous. Son utilisation
permet d'avancer un argument sans en définir le locuteur, et il est un
outil puissant dans une situation polémique afin de renforcer son
discours comme si l'on parlait à partir de lieux communs.
Les
spécificités sont très instructives à cet
égard, et il existe une réelle situation de miroir entre les
vocables français et québécois. L'emploi du singulier dans
le discours français présente un écart de +12 par rapport
à l'ensemble du corpus, et le pluriel québécois un
écart de +40 (voir graphique page suivante).
Graphique n°15 :
Spécificités des vocables je, j' et
nous pas pays.
En France, comme dans le
discours gouvernemental italien149(*), le je « prédomine au
détriment de l'impersonnel «le gouvernement» ».
Mais il n'est pas toujours employé plus fréquemment que son
pluriel. Prenons comme point de départ la situation personnelle des
locuteurs. Alain Juppé, dauphin légitime du Président,
bénéficie déjà d'une aura au sein de la droite
française qui ne demande qu'à se confirmer. Lionel Jospin, leader
de la gauche plurielle doit imposer son style dans la perspective des
présidentielles de 2002. Jean-Pierre Raffarin, président de
région jusqu'à sa nomination, est un réel serviteur de
l'État ayant appliqué la ligne politique de son supérieur
hiérarchique. Par contre Dominique de Villepin doit s'imposer comme
homme de terrain avant l'échéance présidentielle de 2007.
On peut remarquer que les Premiers ministres dont l'avenir personnel va se
jouer autour d'une échéance électorale vont personnaliser
énormément leurs propos, mais ne négligent pas pour autant
le pluriel car ils doivent rassembler leurs partisans. À l'inverse,
Jean-Pierre Raffarin va utiliser davantage un nous la droite, et un
nous englobant sa propre personne et le Président de la
République, duquel il tire sa réelle légitimité. Sa
fonction d'exécution des principaux engagements de Jacques Chirac va le
conduire à adopter un style qui apparaît non conformiste face
à la tradition de la Ve République.
À l'issue de ce
dernier chapitre, nous bénéficions de nouveaux
éléments qui nous permettent de prendre de la distance avec la
thèse de la proximité des discours. Nous venons de
démontrer que c'est du point de vue du contenu que se
différencient nos corpus. Par ailleurs, l'usage des pronoms a
apporté un élément majeur dans l'analyse de la perception
de la gouvernance.
Conclusion
Faire de la politique,
c'est d'abord prendre la parole. Pour celui qui la contrôle, le
vocabulaire n'est plus très loin du pouvoir. Les linguistes appellent
cela « le Besetzung »
Emmanuel Faux
Onze années de
gouvernance, onze années de pouvoir, onze discours, sept Premiers
ministres, 86 508 mots, les fréquences sont fécondes et
offrent une entrée originale dans notre corpus. Nous avons
confronté des discours issus de deux pays que seule la langue
réunit. L'emploi des mots et la comparaison du vocabulaire ont
constitué la trame du travail.
Au-delà, nous avons
étudié les discours de politiciens contemporains. Aujourd'hui
Lucien Bouchard, Bernard Landry et Lionel Jospin se sont retirés de la
vie politique tout en restant des acteurs incontournables à la veille
d'échéances électorales importantes. Alain Juppé
revient justement du Québec pour relancer sa carrière politique
interrompue durant quelques années, et Jean-Pierre Raffarin courtise la
présidence du Sénat. Quant à Jean Charest et Dominique de
Villepin, ils font face à des contestations chaque jour plus grandes,
mais tiennent la barre et poursuivent leur mission au service de
l'État.
Dans quelques mois, des
élections présidentielles vont se dérouler en France et un
scrutin provincial au Québec, les discours seront-t-ils à nouveau
semblables ?
Il est indéniable
qu'il existe une importante contrainte institutionnelle qui a pesé sur
les discours d'hier et dont on peut supputer qu'elle pèsera encore sur
ceux de demain. Notre hypothèse selon laquelle cette contrainte
déterminerait les termes employés par les Premiers ministres en
France et au Québec semble validée aux vues des résultats
fournis par l'analyse lexicométrique. Le discours d'ouverture au
Québec et la déclaration de politique générale en
France présentent de nombreux éléments communs.
Premièrement, il s'agit des conditions d'énonciation. Dans chaque
pays, ce type de discours relève du rituel et est conditionné par
un ensemble de traditions : la forme, qui consiste dans une vision
programmatique, mais aussi l'auditoire qui se compose toujours d'une
assemblée, et les attentes des citoyens comme des médias. Cet
exercice, élevé au rang d'art, fait parti des plus difficiles
d'un mandat car il constitue le fondement de la gouvernance future ainsi qu'une
sorte de baptême du pouvoir pour le locuteur. Construit sensiblement de
la même manière, il s'inscrit dans une chronologie forte et subit
le poids des prédécesseurs.
Dès lors, nous avons
mis en avant que la France et le Québec partagent les mêmes
caractéristiques : formes convenues, thèmes redondants et
identiques, faibles innovations lexicales... Le parlé d'assemblée
est aujourd'hui marqué par la dépolitisation du discours, la
recherche de l'efficacité des mots. Outre le renforcement des valeurs
universelles, ce type de discours est teinté par l'enjeu personnel qu'il
représente pour le locuteur.
Nous avons
démontré empiriquement que les Premiers ministres usent d'un
style très proche. Ordinairement, lors du visionnage de ces discours,
nous avons tendance à les associer de près, et cela s'explique
par le style. Ainsi nous avons fait émerger grâce aux
fréquences des vocables certaines caractéristiques communes. Le
nombre de mots, la longueur des phrases, le recours aux chiffres ou à la
ponctuation ont révélé des proximités intrigantes.
Ceci d'autant plus que le style est généralement l'aspect
individuel qui permet de distinguer un locuteur. Certes les discours sont
écrits par des plumes professionnelles, et les Premiers ministres y
ajoutent leur touche personnelle, mais nous postulons que l'institution impose
encore un style convenu, comme si la même recette devait être
appliquée par tous.
Notre analyse stylistique a
permis de faire émerger l'existence de plusieurs formes
différentes de ce style de discours. Il existe en France deux sortes de
déclarations de politique générale. La
première, qui suit la nomination d'un Premier ministre, joue pleinement
son rôle programmatique de présentation des grandes lignes des
années à venir. La seconde forme est un second discours de milieu
de mandat, suivant généralement un remaniement
ministériel, qui abandonne une visée trop générale
pour se concentrer sur un thème unique. C'est en quelque sorte un
discours de crise qui consiste à demander au Parlement de
réitérer sa confiance dans l'action gouvernementale. Il
intervient pour palier une contestation interne ou nationale, alors le ton
adopté est beaucoup plus consensuel, les réussites
gouvernementales sont mises en valeur, et les réformes à venir
font l'objet d'un éclaircissement particulier.
Nous pouvons
également dégager une variable commune aux deux corpus qui
réside dans le type de discours adopté. La déclaration est
lue, et ne relève aucunement de l'oral. Une comparaison avec des
prestations orales d'anciens présidents ou de répliques de
l'opposition officielle nous a permis de caractériser notre objet
d'étude par une « oralisation de l'écrit ».
Le discours d'investiture est le seul de toute une magistrature à ne pas
être construit à partir de notes mais écrit,
retravaillé et lu mot à mot, preuve qu'il a une importance toute
particulière dans un discours d'une telle portée.
En répondant à
ces questionnements à propos des contraintes institutionnelles et du
style, nous sommes parvenus à la conclusion que les deux pays utilisent
un même type de vocabulaire pour évoquer la gouvernance.
Au-delà, nous avons souligné que la langue française
offre un nombre limité de vocables pour décrire et exercer le
pouvoir. Si les discours se ressemblent tant, c'est en partie parce qu'ils
mobilisent des mots outils et des mots usuels à une hauteur de plus de
40 % des vocables. De plus, ces termes apparaissent dans les mêmes
proportions et parfois dans une répartition similaire dans le
texte.
La délimitation du
style « discours d'ouverture » nous a permis de le
recontextualiser vis-à-vis d'un certain nombre d'autres interventions
politiques. Les répliques officielles au Québec nous ont permis
d'exclure la polémique, la redondance, et la négativité de
notre corpus. La déclaration se veut unificatrice, positive et davantage
consensuelle. Par ailleurs, les résultats parfois obtenus nous
laissaient croire à des écarts entre la France et le
Québec, mais grâce à une mise en parallèle avec
d'autres types de discours politiques, nous avons pu rendre compte d'une
homogénéité au sein de notre corpus.
Cependant, les limites de la
comparaison apparaissent dans les caractéristiques nationales. Les deux
pays ne subissent pas la même conjoncture : le Québec se
place sous l'ombre du géant américain alors que la France tente
de mener l'Europe. Leurs ressources naturelles ne sont pas les mêmes,
leurs industries sont différentes, et au-delà, la sociologie
même de la population est dissemblable.
Le Québec est
marqué par la question nationale. L'avenir de cette province est
incertain et les discours se déchirent constamment à propos du
débat sur la souveraineté. La contestation du pouvoir
fédéral entraîne tout un ensemble de vocables qui
caractérisent le discours québécois. C'est en particulier
avec les déterminants identitaires que nous avons pu montrer
l'importance accordée à la caractérisation d'un peuple
québécois.
En France, c'est la
conjoncture qui s'est imposée avec la difficile résorption du
chômage. Tous les Premiers ministres ont utilisé un fort champ
lexical de l'emploi et de l'action. Tout cet ensemble de vocables a
été mobilisé en vue de souligner la détermination
du gouvernement. En parallèle, nous pouvons constater la
réaffirmation des valeurs de la République. Face à la
recrudescence de l'exclusion, des incivilités, de la contestation des
institutions de l'État, les Premiers ministres se font porteurs de
valeurs unificatrices de l'État-repère en prônant la
cohésion nationale à travers un pacte républicain.
Au-delà des
thématiques nationales privilégiées, nous avons
démontré que le système politique influe sur l'emploi des
mots. Notre étude des pronoms personnels souligne deux conceptions de la
gouvernance. Au Québec, le système parlementaire conduit à
une vision collégiale du pouvoir. À l'inverse, le discours en
France est très personnalisé, preuve de la place centrale du
Premier ministre.
Retour
sur la méthodologie
Tout d'abord, il convient
d'apporter quelques limites à notre corpus. En termes de
représentativité, notre travail présente le
désavantage de n'être composé que de peu de discours de
Jean Charest et Lionel Jospin. Pour le libéral, nous disposons de deux
discours, et pour le socialiste d'un seul. Ce dernier cas présente une
situation importante d'isolement au milieu d'un corpus de droite, et nous ne
sommes pas dans la capacité de généraliser à partir
de cet unique discours. Pour le québécois, nous disposons de
données conséquentes dans la mesure où nous avons
élargi aux répliques officielles, mais nous ne disposons d'aucun
texte d'un autre locuteur libéral. Cependant, pour avoir un corpus
davantage équilibré, il aurait été
nécessaire de remonter au milieu des années 1980.
Du point de vue de la
méthode, nous avons développé en introduction sa rigueur
scientifique. Une fois les textes analysés, nous avons
généralement confirmation de nos hypothèses intuitives.
Comme le souligne Antoine Prost à propos de la
lexicométrie :
« On bute ici sur
la force rétroactive de l'évidence. L'exposé des
résultats suscite une telle impression d'évidence, qu'on
s'imagine les avoir toujours connus. L'évidence provoquée par
l'étude s'impose comme évidence antérieure à
l'étude, et le lecteur conclut de bonne foi que l'étude
était inutile, puisque ses conclusions étaient
évidentes...150(*) »
Certes l'usage de la
lexicométrie prête parfois à la validation
d'évidences, mais sa mise en contexte permet également d'obtenir
des surprises et des éléments inattendus. Ainsi notre analyse des
longueurs de phrase, tout comme l'usage des pronoms personnels nous a permis de
mettre l'accent sur des spécificités
« cachées ». Par ailleurs, la fiabilité de la
méthode rend possible des comparaisons avec des résultats obtenus
dans des études précédentes. Ce fait est
particulièrement intéressant et permet au chercheur qui
étudie un discours de disposer sans cesse de références
fiables. Il nous a été possible de rapprocher notre corpus avec
des études précédemment établies sur le vocabulaire
de René Lévesque, Charles de Gaulle ou encore François
Mitterrand.
Si la méthode est
scientifique, elle n'en est pas pour autant aisée. Nous avons suivi les
normes de saisies et de dépouillement des textes politiques
établies par Dominique Labbé en 1990151(*). Le travail sur les
homonymies s'est révélé particulièrement long. De
même, toutes les mesures que nous avons réalisées
manuellement nous ont conduit à de longs dépouillements. Il en
est ainsi pour le calcul de la diversité du vocabulaire pour lequel nous
avons du partager notre corpus en 86 parties de longueur identique.
Le logiciel Lexico 3.45
présente une interface souple d'utilisation mais s'avère peu
performant dès que le corpus est trop long. Nous n'avons pas pu
effectuer une analyse factorielle des correspondances. Cette fonction calcule
une distance entre les textes puis les dispose sur un graphique, elle nous
aurait permis de présenter dans l'espace les différents types de
discours et valider nos conclusions.
De même, à
travers l'état de la littérature effectué, nous avons
noté un certain nombre d'innovations qui méritent notre
attention. Tout d'abord, Luong et Barthélémy ont
développé en 1998 la représentation arborée des
distances entre un corpus de discours. Il s'agit d'un arbre qui n'est pas
planté mais qui se présente d'une manière dynamique dans
l'espace152(*). Cet
outil offre la grande opportunité de traiter le vocabulaire ainsi que la
grammaire. Il a récemment été utilisé dans les
ouvrages de Damon Mayaffre153(*) et de Dominique Labbé154(*).
La représentation des
distances par un dendrogramme est aussi un outil qui sera très pertinent
lorsque son utilisation se simplifiera155(*). Un algorithme construit des classes, en regroupant
deux textes séparés par une distance faible, qui sont ensuite
placées dans le graphique en fonction de leur distance avec les autres
groupes qui auront été ainsi construits. Cette méthode
accélère les regroupements par une automatisation rigoureuse qui
prend en compte tous les éléments du corpus alors que pour notre
part nous avons effectué des liens à partir de quelques
correspondances.
Pour aller plus loin, nous
pourrions souhaiter disposer de davantage de mesures linguistiques misent en
rapport avec la réception. Comme l'avait effectué Jean-Marie
Cotteret en son temps, il serait positif de comparer les discours à ce
que l'on nomme le « français fondamental ». Nous
relions directement cela à une théorie de la réception,
car selon la plus ou moins grande proximité avec un langage commun, nous
pourrions voir si le discours est adapté à la
compréhension par les cibles actuelles. Subséquemment, il serait
intéressant d'aborder les sciences cognitives pour mesurer les effets de
la fréquence sur l'auditoire. Ainsi, mêlant ces deux
dernières remarques, nous pouvons imaginer un dispositif consistant
à sélectionner un panel d'individus afin d'analyser leur
réception, leur comportement et leur compréhension du discours.
Nous approchons ici une utilisation professionnelle de cette technique qui
permettrait de « tester » l'efficacité d'un texte
sur une population cible.
À l'image du travail
de Denis Monière effectué sur la presse156(*), nous pourrions ensuite
élargir cette analyse à davantage de pays francophones. La
Belgique et la Suisse présenteraient des cadres proches de celui de la
France ; mais il serait très intéressant de voir comment se
développent les discours dans les pays d'Afrique noire et du Maghreb.
Enfin, il serait important
d'analyser la construction du mythe du « parler
d'assemblée » institutionnalisé. Dans une perspective
ethnologique, philosophique, et historique, il s'agirait de comprendre le
maintient de traditions qui ne correspondent plus aux réalités
politiques et institutionnelles. Au coeur de cette agora, il semble
exister des codes gestuels, un ensemble d'attitudes et de réactions
convenues. C'est donc aux fondements de notre démocratie que certains
questionnements méritent d'être posés.
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Molette sur la base des travaux du Groupe de Recherche sur la Parole (Paris
VIII) avec R.Ghiglione, A.Landré et M.Bromberg. www.acetic.fr
- Union pour un Mouvement populaire : www.u-m-p.org
Table des illustrations
Graphiques
|
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|
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|
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Graphique 1
|
Fréquences absolues par parti des vocables
monde, international(e-s-aux), Amérique, et
Etats-Unis..........................................................................
|
43
|
Graphique 2
|
Spécificités du champs lexical de
fédéral et de européen par
pays.............
|
44
|
Graphique 3
|
Classement chronologique des fréquences absolues des
vocables autre et autres par discours et par
pays......................................................
|
50
|
Graphique 4
|
Analyse factorielle des correspondances
..............................................
|
56
|
Graphique 5
|
Diversité du vocabulaire de quelques grands
corpus.............................
|
62
|
Graphique 6
|
Fréquences relatives des adverbes de négation
pas, n'et ne.....................
|
67
|
Graphique 7
|
Fréquences absolues cumulées des articles
pas et ne................................
|
68
|
Graphique 8
|
Fréquences relatives des vocables du nationalisme par
année..................
|
72
|
Graphique 9
|
Fréquences relatives de souveraineté,
séparation et
référendum...............
|
73
|
Graphique 10
|
Spécificité des noms propres Canada et
Ottawa par parti.......................
|
74
|
Graphique 11
|
Fréquences relatives des vocables emploi,
chômage et économie.................
|
77
|
Graphique 12
|
Fréquences relatives des vocables santé
et soin par année.........................
|
84
|
Graphique 13
|
Fréquences relatives des vocables sociale,
sociaux, social par
année...............................................................................................................
|
86
|
Graphique 14
|
Fréquences relatives de l'utilisation de la
première personne du singulier et du pluriel par les Premiers ministres
...............................................
|
87
|
Graphique 15
|
Spécificités des vocables je,
j' et nous par pays ..................................
|
91
|
|
|
|
Tableaux
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Tableau 1
|
Dix désignants nationaux les plus fréquents de
quelques corpus politiques
..........................................................................
|
47
|
Tableau 2
|
Diversité moyenne du vocabulaire pour 1000 mots
.................................
|
61
|
Tableau 3
|
Usage de l'anglais par discours d'ouverture
..........................................
|
75
|
|
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Photographies
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Photographie 1
|
Répartition dans le corpus France
............................................................
|
54
|
Photographie 2
|
Répartition dans le corpus
Québec............................................................
|
54
|
Index des sigles
ADQ : Action
Démocratique du Québec
BIT : Bureau
International du Travail
BS : Bien-être
Social
CÉGEP : Collège
d'Enseignement Général
Et Professionnel
CMU : Couverture Maladie
Universelle
CPE : Contrat
Première Embauche (France),
Centre de la Petite
Enfance (Québec)
CSA : Conseil
Supérieur de l'Audiovisuel
CSG : Contribution
Sociale Généralisée
EDF/ GDF : Électricité
De France, Gaz
De France
ENA : École
Nationale d'Administration
FMI : Fonds
Monétaire International
FN : Front National
FSV : Fonds de
Solidarité Vieillesse
OCDE : Organisation de
Coopération et de Développement
Économique
OMC : Organisation
Mondiale du Commerce
ONU : Organisation des
Nations-Unies
PACS : PActe Civil de
Solidarité
PCC : Parti Conservateur
du Canada
PCF : Parti
Communiste Français
PLC : Parti
Libéral du Canada
PLQ : Parti
Libéral du Québec
PME/ PMI : Petites et
Moyennes Entreprises /
Industries
PQ : Parti
Québécois
PRG : Parti Radical de
Gauche
PS : Parti Socialiste
RDS : Remboursement de la
Dette Sociale
RMI : Revenu Minimum
d'Insertion
RPR : Rassemblement Pour
la France
SMIC : Salaire Minimum
Interprofessionnel de Croissance
TLF : Le Trésor de la
Langue Française
TPS : Taxe Pour les
Services
TVA : Taxe sur la Valeur
Ajoutée
TVQ : Taxe sur la Valeur
du Québec
UDF : Union
Démocratique Française
UMP : Union pour un
Mouvement Populaire
UN : Union Nationale
(Duplessis)
UNESCO : Organisation des
Nations-Unies pour
l'Éducation, la Science
et la Culture
Table des matières
Introduction
..........................................................................................
|
1
|
|
|
Problématique
....................................................................................
|
6
|
Problème épistémologique
.....................................................................
|
7
|
Le choix du corpus
..............................................................................
|
12
|
Présentation des chapitres
.....................................................................
|
14
|
|
|
Chapitre 1
Le poids d'une institution
discursive...........................................................................................
|
15
|
|
|
Deux systèmes politiques distincts
............................................................
|
15
|
Récentes évolutions politiques au Québec
et en France ....................................
|
20
|
Des conditions d'énonciation proches
........................................................
|
28
|
La forme programmatique
.....................................................................
|
33
|
Les conditions de production
..................................................................
|
35
|
|
|
|
|
Chapitre 2
Les constantes des discours d'ouverture en France et au
Québec.............................................................................................
|
40
|
|
|
1. Un discours marqué par une contrainte discursive
liée à l'institution .................
|
40
|
Nationalisme et rapport à soi
......................................................
|
46
|
Action et désir
........................................................................
|
51
|
|
|
2. Analyse stylistique des Premiers ministres : un style
très proche .....................
|
57
|
La richesse du vocabulaire
.........................................................
|
59
|
Le rythme du discours
..............................................................
|
63
|
La rhétorique du chiffre
............................................................
|
64
|
La négativité
.........................................................................
|
66
|
|
|
|
|
Chapitre 3
L'influence des spécificités
nationales................................................
|
70
|
|
|
1. L'enjeu de la souveraineté au coeur des discours
d'ouverture au Québec ............
|
70
|
La bataille du
« Québec »
..........................................................
|
70
|
L'usage de l'anglais
................................................................
|
75
|
|
|
2. La France face à des défis structurels
.....................................................
|
76
|
La bataille de l'emploi
..............................................................
|
76
|
La réaffirmation des valeurs
républicaines ......................................
|
80
|
|
|
3. La différenciation lexicale des partis gouvernementaux
au pouvoir...................
|
82
|
Le maintient d'une fracture discursive au
Québec ..............................
|
82
|
Les mêmes mots pour les mêmes
thèmes en France ...........................
|
84
|
Nous contre je : des pronoms pour un
système politique ......................
|
87
|
|
|
|
|
Conclusion
...........................................................................................
|
93
|
Retour sur la méthodologie
........................................................
|
97
|
|
|
|
|
Bibliographie
........................................................................................
|
101
|
|
|
|
|
Table des illustrations
..............................................................................
|
109
|
|
|
Index des sigles
......................................................................................
|
110
|
Girier Jean-Marie(c)
* 1 John Langshaw Austin,
Quand dire, c'est faire, Paris, Éditions du Seuil, 1970, 164
pages.
* 2 Frédéric
Bon, Langage et politique. Publié sous ce titre dans le
Traité de science politique édité sous la
direction de Madeleine Grawitz et Jean Leca, in Les discours de la
politique, Paris, Éditions Economica, Collection Politique
comparée, Publiée avec le concours du CNRS, 1991, page 241.
* 3 Gilles Bourque et Jules
Duchastel, Restons traditionnels et progressifs, Pour une nouvelle analyse
du discours politique. Le cas du régime Duplessis au Québec,
Montréal, Les Éditions Boréal, 1988, page 21.
Habermas a développé à ce propos le
concept de publicité critique pour souligner le fait que le pouvoir est
discuté « entre des individus rationnels et pleinement libres
de jeter un regard critique » sur les règles politiques.
* 4 Dominique
Maingueneau : Genèses du discours, Bruxelles, Pierre
Mardaga Éditeur, 1984, 209 pages ; L'analyse du discours,
Introduction aux lectures de l'archive, Paris, Éditions Hachette,
1991, 268 pages.
* 5 Mikhail Bakhtine, Le
marxisme et la philosophie du langage, Paris, Éditions de Minuit,
1977, 233 pages.
* 6 Gilles Bourque et Jules
Duchastel, Restons traditionnels et progressifs, Pour une nouvelle analyse
du discours politique. Le cas du régime Duplessis au Québec,
Montréal, Les Éditions Boréal, 1988, page 54.
* 7 Pierre-Eugène
Muller, L'éloquence de Jaurès et la lexicométrie,
pages 65 à 78, in Fabrice d'Almeida, et al., L'éloquence
politique en France et en Italie de 1870 à nos jours, Actes du
colloque organisé à Nanterre les 9 et 10 octobre 1998, Rome,
École Française de Rome, 2001, 328 pages.
* 8 Sylviane
Rémi-Giraud, et al., Les mots de la nation, Lyon, Presses
Universitaires de Lyon, 1996, pages 7 et 8.
* 9 Jean-Marie Denquin,
Vocabulaire politique, Paris, Presses Universitaires de France,
collection Que sais-je ?, 1ère édition, 1997,
page 5.
* 10 Antoine Prost,
Vocabulaire des proclamations électorales de 1881, 1885 et
1889, Paris, Presses Universitaires de France, Publications de la
Sorbonne, série NS Recherches, 1974, 196 pages.
* 11 Damon Mayaffre,
« L'herméneutique numérique »,
L'Astrolabe. Recherche littéraire et informatique,
novembre 2002.
* 12 Jean-Marie Denquin,
Vocabulaire politique, Paris, Presses Universitaires de France,
collection Que sais-je ?, 1ère édition, 1997,
page 9.
* 13 Ibid, page 6.
* 14 Ludovic Lebart,
André Salem, Analyse statistique des données textuelles,
Questions ouvertes de lexicométrie, Paris, Bordas, Dunot, 1988,
202 pages.
* 15 Précisons que le
français officiel du Québec est identique au français de
France. L'Office québécois de la langue française
revendique officiellement cette filiation linguistique et s'adapte aux
évolutions apportées par l'Académie française.
Certes il existe des québécismes, faits de langue
caractéristiques du français du Québec, mais ceux-ci
relèvent d'un parlé local et non officiel qui modifie les
tournures et les prononciations.
* 16 Régine Robin,
Histoire et linguistique, Paris, Armand Colin, 1973, page 35.
* 17 Dominique Labbé,
Normes de saisie et de dépouillement des textes politiques,
Grenoble, Université Pierre Mendès-France Grenoble II - Institut
d'Études politiques de Grenoble, Cahiers du CERAT, Cahier
n°7, Avril 1990, 119 pages.
* 18 Par exemple, nous avons
dû effectuer une distinction entre le verbe à l'infinitif pouvoir
et le substantif le pouvoir. Il en était de même pour
Français et français, État et état...
* 19 Maurice Tournier fut le
principal animateur du laboratoire de lexicologie politique de l'ENS Fontenay
Saint-Cloud. Les réussites de ce groupe entraînèrent la
création en 1980 de la revue MOTS (Mots, Ordinateurs, Textes,
Sociétés), puis dans les années 1995 des JADT
(Journées d'analyse des données textuelles).
* 20 Dominique Labbé
et Denis Monière : « La connexion intertextuelle.
Application au discours gouvernemental
québécois ». Lausanne, Actes des
5ème journées internationales d'analyse statistique
des données textuelles, 2000, 10 pages ; « Essai
de stylistique quantitative. Duplessis, Bourassa et
Lévesque », Saint-Malo, Actes des 6ème
journées internationales d'analyse statistique des données
textuelles, 2002, 9 pages ; Le discours gouvernemental - Canada,
Québec, France (1945-2000), Paris, Editions Honoré Champion,
Collection Lettres numériques, 2003, 181 pages.
* 21 Groupe Saint Cloud,
La parole syndicale, Étude du vocabulaire confédéral
des centrales ouvrières françaises, Paris, Presses
Universitaires de France, 1982, 270 pages ; et Antoine Prost, Vocabulaire
des proclamations électorales de 1881, 1885 et 1889, Paris, Presses
Universitaires de France, Publications de la Sorbonne, série NS
Recherches, 1974, 196 pages.
* 22 Antoine Prost,
« Les mots », in René Rémond,
Pour une histoire politique, Paris, Éditions du Seuil, Seconde
édition, 1996, 387 pages, page 259.
* 23 Damon Mayaffre,
« L'herméneutique numérique »,
L'Astrolabe. Recherche littéraire et informatique,
novembre 2002.
* 24 Un calcul de
probabilité permet de mesurer si des termes sont ou ne sont pas
caractéristiques d'un discours.
* 25 Groupes de formes
composés de 2 à 5 occurrences présents fréquemment
dans le texte.
* 26 Jean-Baptiste
Marcellesi, Le Congrès de Tours : (décembre 1920),
étude sociolinguistique, Paris, Pavillon, 1971, 359 pages.
* 27 Antoine Prost,
« Les mots », in René Rémond,
Pour une histoire politique, Paris, Éditions du Seuil, Seconde
édition, 1996, 387 pages, pages 266 à 267.
* 28 Gilles Bourque, Jules
Duchastel, Restons traditionnels et progressifs, Pour une nouvelle analyse
du discours politique. Le cas du régime Duplessis au Québec,
Montréal, Les Éditions Boréal, 1988, page 61.
* 29 Ainsi, les vocables
est, suis, sont, sera, fut seront
regroupés sous le lemme être.
* 30 Damon Mayaffre,
« De la lexicométrie à la
logométrie », L'Astrolabe.
* 31 Substantif utilisé
pour désigner les membres du Parti québécois.
* 32 Il existe un
système de pouvoir à deux paliers : le pouvoir
fédéral et le pouvoir provincial. Ils sont tous les deux
distincts.
* 33 Notons que le droit
civil québécois est unique au Canada. Il repose sur les bases du
Code Napoléon.
* 34 Michel Vastel,
Landry, le grand dérangeant, Montréal, Les
Éditions de l'Homme, 2001, 434 pages.
* 35 Jean Charest, J'ai
choisi le Québec, Ottawa, Éditions Pierre Tisseyre, 1998,
276 pages.
* 36 Sous la IVe
République, le Président du Conseil était dépendant
des majorités parlementaires. En 12 ans, pas moins d'une vingtaine de
gouvernements se succédèrent, avec une durée moyenne de 9
mois. Le régime fit face à une crise diplomatique avec le Canal
de Suez, et des crises coloniales avec le conflit en Indochine et les
négociations avec la Tunisie et le Maroc. Ce sont les
évènements d'Algérie qui scelleront définitivement
le sort d'un régime incapable de s'imposer face aux évolutions de
son temps (décolonisation, Trente Glorieuses...).
* 37 Expression
employée par Charles de Gaulle, fervent opposant aux institutions de la
IVe République.
* 38 Depuis le
référendum sur le quinquennat en 2000, le Président de la
République est élu pour une durée de 5 ans. Cela permet
d'éviter les blocages institutionnels liés à une
éventuelle cohabitation. Par ailleurs, le statut pénal du chef de
l'État a été précisé en 2001 par la Cour de
Cassation qui lui accorde l'immunité tant qu'il est en fonction.
* 39 Serge Sur, Le
système politique de la Cinquième République, Paris,
Presses Universitaires de France, Collection Que sais-je ?,
3ème édition, 1987, 120 pages.
* 40 Paul Marie de la Gorce,
Bruno Moschetto, La Cinquième République, Paris, Presses
Universitaires de France, Collection Que-sais-je ?,
7ème édition, 1996, 124 pages.
* 41 Jean Massot, Le
chef du gouvernement en France, Paris, La documentation française,
collection « Notes et études documentaires », 1979,
299 pages.
* 42 Jean Massot, Le
chef du gouvernement en France, Paris, La documentation française,
collection « Notes et études documentaires », 1979,
299 pages ; Stéphane Rials, Le Premier Ministre, Paris,
Presses Universitaires de France, collection Que sais-je ?,
2ème édition, 1985, 123 pages.
* 43 Dominique Labbé,
Denis Monière, Le discours gouvernemental - Canada, Québec,
France (1945-2000), Paris, Editions Honoré Champion, Collection
Lettres numériques, 2003, page 81.
* 44 La Ve
République fut marquée par trois périodes de
cohabitation : Mitterand-Chirac (1986-1988), Mitterrand-Balladur
(1993-1995), et Chirac-Jospin (1997-2002).
* 45 Gilles Bourque, Jules
Duchastel, Restons traditionnels et progressifs, Pour une nouvelle analyse
du discours politique. Le cas du régime Duplessis au Québec,
Montréal, Les Éditions Boréal, 1988, 389 pages ; et
Jean Hamelin, et al., Histoire du Québec, Montréal,
Éditions France-Amérique, 1976, 519 pages.
* 46 Paul-André
Linteau, et al., Histoire du Québec contemporain,
Montréal, Les Éditions du Boréal, 1989, tome I et II.
* 47 Nous retiendrons en
particulier la définition de la nation selon Karl Deutsch dans
« Nationalism and social communication »
Cambridge, The MIT Press, 1969. Il considère qu'il s'agit d'un
phénomène de communication car cette dernière est
liée au partage d'une culture commune. Appartenir à une nation,
ce serait être capable de communiquer plus facilement avec ceux qui en
font parti que ceux qui n'en font pas parti.
* 48 Voir Jacques Brossard,
L'accession à la souveraineté et le cas du
Québec, Montréal, Presses de l'Université de
Montréal, 1976 ; Gérard Bouchard, La nation
québécoise au futur et au passé, Montréal,
VLB, 1999 ; Françoise Épinette, La question nationale au
Québec, Paris, Presses Universitaires de France, 1988 ;
Jean-Pierre Gaboury, Le nationalisme de Lionel Groulx, Ottawa, Presses
de l'Université d'Ottawa, 1970 ; Gilles Gougeon, Histoire du
nationalisme québécois, Montréal, VLB, 1993 ;
Denis Monière, Le développement des idéologies au
Québec, Montréal, Québec-Amérique, 1978 ;
Robert Young, La sécession du Québec et l'avenir du
Canada, Québec, Les Presses de l'Université de Laval,
1995.
* 49 Denis Monière,
Les enjeux du Référendum, Montréal,
Éditions Québec-Amérique, 1979, citations extraites des
pages 102 et 110. Notons que cet ouvrage engagé pour
l'indépendance reçu le Prix du Gouverneur général,
malgré que ce dernier soit garant du maintient de l'unité
nationale.
* 50 Jacques Brossard,
L'accession à la souveraineté et le cas du
Québec, Montréal, Les presses de l'Université de
Montréal, 1976, page 191.
* 51 Jacqueline
Dubé-Corkery et Pierre Béliveau, Point de Rupture,
Québec/Canada, le Référendum de 1995, Radio-Canada /
Canadian Broadcasting Corporation, Immavision distribution, 2005.
* 52 Cette réaction
souleva de vives polémiques. En effet, dans leur définition du
peuple québécois, les souverainistes n'ont pas toujours
été clairs avec la place accordée à l'autre. Ces
propos ont rappelé les thèses racistes, xénophobes et
antisémites de l'historien Lionel Groulx, initiateur du nationalisme
québécois au XIXe siècle. Le PQ se revendique
de son héritage idéologique et n'a pas pris ses distances avec
cet auteur.
* 53 Michel Vastel,
Landry, le grand dérangeant, Montréal, Les
Éditions de l'Homme, 2001, 434 pages.
* 54 Christian Rouillard, et
al., La réingénierie de l'État, Vers un
appauvrissement de la gouvernance québécoise, Québec,
Les Presses de l'Université Laval, 2004, 162 pages.
* 55 Sur le plan
économique, les années 1944 à 1946 correspondront à
une vague de nationalisations : Renault, Air France, EDF, GDF, SNCF,
Banque nationale... Sur le plan social, le vote est accordé aux femmes,
et apparaissent également la sécurité sociale, le SMIG,
les allocations familiales, les caisses de retraites...
* 56 Phénomène
économique caractérisé par une situation d'inflation
couplée à une croissance nulle.
* 57 Pierre Milza, Serge
Berstein, Histoire du XXe siècle, 1973 à nos
jours, la recherche d'un nouveau monde, Paris, Éditions Hatier,
1993, 273 pages.
* 58 Jean-Christophe
Cambadélis et Eric Osmond, La France blafarde. Une histoire
politique de l'extrême droite, Paris, Plon, 1998.
* 59 Isabelle Cuminal,
Maryse Souchard, Stéphane Wahnich, Virginie Wathier, Le Pen, les
mots. Analyse d'un discours d'extrême droite, Paris, La
Découverte, 1997.
* 60 Erwan Lecoeur, Un
néo-populisme à la française, Trente ans de Front
National, Paris, Éditions La Découverte, collection Cahiers
libres, 2003.
* 61 Gaston Deschenes,
« L'ouverture des sessions », Québec,
Bulletin de la bibliothèque de l'Assemblée nationale à
Québec, vol 18, n°1-2, 1989, pages 3 à 7.
* 62 Michel Foucault,
L'ordre du discours. Leçon inaugurale au Collège de France
prononcée le 2 décembre 1970, Paris, Gallimard, NRF, 1971,
page 10.
* 63 Cf. Christian Lebart,
Le discours politique, Paris, Presses Universitaires de France, 1998,
chapitre 1.
* 64 Jean-Claude Deroubaix,
« Les déclarations gouvernementales se suivent et se
ressemblent. Exploration d'une chronique textuelle », in Le
« programme de gouvernement » un genre discursif,
Lexicométrica-Mots, n°62, mars 2000.
* 65 Ramon Alvarez, Monica
Becue et Juan José Lanero, « Le vocabulaire gouvernemental
espagnol (1979-1996 ) », in Le « programme de
gouvernement » un genre discursif,
Lexicométrica-Mots, n°62, mars 2000.
* 66 Pascal Marchand et
Laurence Monnoyer-Smith, « Les discours de politique
générale français : la fin des clivages
idéologiques ? », in Le « programme de
gouvernement » un genre discursif,
Lexicométrica-Mots, n°62, mars 2000.
* 67 Dominique Labbé
et Denis Monière, Le discours gouvernemental - Canada,
Québec, France (1945-2000), Editions Honoré Champion,
collection Lettres numériques, Paris, 2003, 181 pages.
* 68 Ramon Alvarez, Monica
Becue et Juan José Lanero, Le vocabulaire gouvernemental espagnol
(1979-1996), in Le « programme de gouvernement »
un genre discursif, Lexicométrica-Mots, n°62, mars
2000, 14 pages.
* 69 Jean-Claude Deroubaix,
« Les déclarations gouvernementales se suivent et se
ressemblent. Exploration d'une chronique textuelle », in Le
« programme de gouvernement » un genre discursif,
Lexicométrica-Mots, n°62, mars 2000, 25 pages.
* 70 Dominique Labbé
et Denis Monière, Le discours gouvernemental - Canada,
Québec, France (1945-2000).
* 71 Dominique Labbé
et Denis Monière, « La connexion intertextuelle.
Application au discours gouvernemental
québécois », in Actes des 5èmes
journées internationales d'analyse statistique des données
textuelles, Lausanne, Suisse, 2000.
* 72 Denis Monière,
« Les mots du pouvoir, Cinquante ans de discours inauguraux au
Québec (1944-1996 »), in Le « programme de
gouvernement » un genre discursif,
Lexicométrica-Mots, n°62, mars 2000.
* 73 Emmanuel Faux, et al.,
Plumes de l'ombre, Les nègres des hommes politiques, Paris,
Ramsay, 1991, page 46.
* 74 Pascal Marchand,
Laurence Monnoyer-Smith, « Les discours de politique
générale français : la fin des clivages
idéologiques ? », in Le « programme de
gouvernement » un genre discursif,
Lexicométrica-Mots, n°62, mars 2000, 13 pages.
* 75 Dominique Labbé
et Denis Monière, Le discours gouvernemental - Canada,
Québec, France (1945-2000).
* 76 Sources : Patrice
Servan, Plume de Jean Charest pour son discours inaugural de 2003, actuellement
consultant en communication pour le parti Libéral ; et Richard
Vigneault, auteur du discours inaugural de D.Johnson en 1994 et de Jean Charest
en 2006 ; rencontre à Outremont, 31 mars 2006.
* 77 Emmanuel Faux, et al.,
Plumes de l'ombre, Les nègres des hommes politiques, Paris,
Ramsay, 1991, 266 pages.
* 78 Début du discours
d'ouverture de Lucien Bouchard en 1999.
* 79 Voir annexes, tableau
n°3 : les spécificités du discours libéral, page
5. Notons qu'une valeur entre parenthèse précédées
de la forme mathématique + ou - signifie que nous parlons d'une
spécificité du groupe de discours.
* 80 Extraits tirés des
vingt dernières lignes du discours de politique générale
de Lionel Jospin en 1997.
* 81 Les valeurs entre
parenthèses indiquent ici que le vocable gouvernement apparaît
225 fois dans le corpus Québec et 115 fois dans le corpus France. Nous
ferons toujours apparaître en premier la valeur québécoise,
puis la valeur française. Dans le cas où les valeurs entre
parenthèses seraient précédées de la forme
mathématique + ou - cela signifiera que nous ne parlons pas de
fréquences mais de spécificités.
* 82 Ludovic Lebart,
André Salem, Analyse statistique des données textuelles,
Questions ouvertes de lexicométrie, Paris, Bordas, Dunot, 1988,
page 30.
* 83 Il s'agit des
formes : de, la, et, l', le, les, des, d', à, en. Remarquons la
présence d'une moitié d'articles définis et d'une
moitié d'articles indéfinis. La première présente
9210 occurrences et la seconde 8018.
* 84 Dominique Labbé
et Denis Monière, Le discours gouvernemental - Canada,
Québec, France (1945-2000), Paris, Éditions Honoré
Champion, 2003, chapitre 5. La mesure a été effectuée sur
l'ensemble des déclarations de politique générale de 1945
à 2000.
* 85 Pierre Guiraud, Les
caractères statistiques du vocabulaire, Paris, Presses
Universitaires de France, collection Que-sais-je ?,1954, 116 pages.
* 86 Maurice Tournier,
« Français à l'extrême droite. Un mot
habité », in Sylviane Rémi-Giraud, et al., Les
mots de la nation, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 1996, pages 65
à 76.
* 87 PM français
représente l'ensemble des déclarations de politique
générale de notre corpus.
* 88 Paul Bacot,
« Des mots pour dire la politisation. État, nation,
patrie, pays, peuple dans des corpus de politiciens français
contemporains », in Sylviane Rémi-Giraud, et al., Les
mots de la nation, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 1996, pages 43
à 62.
* 89 Sylvianne
Rémi-Guiraud, « Le champ lexical français. Peuple,
nation, État, pays, patrie », in Sylviane
Rémi-Giraud, et al., Les mots de la nation, Lyon, Presses
Universitaires de Lyon, 1996, pages 19 à 30.
* 90 Paul Bacot,
« Des mots pour dire la politisation. État, nation,
patrie, pays, peuple dans des corpus de politiciens français
contemporains », in Sylviane Rémi-Giraud, et al., Les
mots de la nation, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 1996, page 44.
* 91 Expression
développée par Dominique Labbé dans Le vocabulaire de
François Mitterrand, Paris, Presses de la Fondation nationale des
sciences politiques, 1990, 326 pages.
* 92 Ludovic Lebart,
André Salem, Analyse statistique des données textuelles,
Questions ouvertes de lexicométrie, Paris, Bordas, Dunot, 1988,
page 24.
* 93 Dominique Labbé,
Le vocabulaire de François Mitterrand, Paris, Presses de la
Fondation nationale des sciences politiques, 1990, page 27.
* 94 Pierre Bourdieu, Ce que
parler veut dire, L'économie des échanges linguistiques, Paris,
Édition Fayard, 1982, 239 pages.
* 95 Jean-Marie Cotteret et
René Moreau, Recherches sur le vocabulaire du
Général de Gaulle, Analyse statistique des allocutions
radiodiffusées 1958-1965, Paris, Éditions Armand Colin et
Fondation nationale des Sciences Politiques, collection Travaux et recherches
de science politique, 1969, pages 27 à 51.
Jean-Marie Cotteret et René Moreau, et all. Giscard
d'Estaing/ Mitterand, 54774 mots pour convaincre, Paris, Presses
Universitaires de France, 1976, Chapitre 2 : les caractères
statistiques des discours, pages 42 à 60.
* 96 Dominique
Labbé, Le vocabulaire de François Mitterrand, Paris,
Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1990, 326 pages.
* 97 Dominique Labbé
et Denis Monière, « Essai de stylistique quantitative.
Duplessis, Bourassa et Lévesque », Saint-Malo, Actes des
6ème journées internationales d'analyse statistique
des données textuelles, 2002, 9 pages.
* 98 Cf. Annexes, Tableaux
n°9 et n°10 pages 10 et 11
* 99 Ludovic Lebart,
André Salem, Analyse statistique des données textuelles,
Questions ouvertes de lexicométrie, Paris, Bordas, Dunot, 1988,
page 34.
* 100 Pour plus de
détails, voir le dépouillement en annexe n°10, page 11.
* 101 Les valeurs sont
issues des ouvrages suivants : Jean-Marie Cotteret, René Moreau,
Recherches sur le vocabulaire du Général de Gaulle,
Analyse statistique des allocutions radiodiffusées 1958-1965,
Paris, Éditions Armand Colin et Fondation nationale des Sciences
Politiques, collection Travaux et recherches de science politique, 1969 ;
Jean-Marie Cotteret, et al., Giscard d'Estaing/ Mitterand, 54774 mots pour
convaincre, Paris, Presses Universitaires de France, 1976 ; et Denis
Monière, « Analyse lexicographique du débat des
chefs en français dans l'élection fédérale de
1988 », Revue canadienne de science politique, mars
1991.
* 102 Dominique
Labbé, Le vocabulaire de François Mitterrand, Paris,
Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1990, 326 pages.
* 103 Expression
mobilisée par Bernard Cohen dans « Un cas de situation de
discours : le parler d'assemblée », in École
Nationale Supérieure de Saint-Cloud, Actes du 2ème
colloque de lexicologie politique, Colloque organisé à
Saint-Cloud du 15 au 20 septembre 1980, Paris, Librairie Klincksieck,
1982, pages 377 à 389.
* 104 Cf. annexes, tableau
n° 11, page 12.
* 105 Dominique
Labbé, Le vocabulaire de François Mitterrand, Paris,
Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1990, et Jean-Marie
Cotteret, et al., Giscard d'Estaing/ Mitterand, 54774 mots pour
convaincre, Paris, Presses Universitaires de France, 1976.
* 106 Dominique
Labbé, Denis Monière, « Essai de
stylistique quantitative. Duplessis, Bourassa et
Lévesque », Saint-Malo, Actes des 6ème
journées internationales d'analyse statistique des données
textuelles, 2002, 9 pages.
* 107 Jean-Marie Cotteret,
et al., Giscard d'Estaing/ Mitterand, 54774 mots pour convaincre,
Paris, Presses Universitaires de France, 1976, 347 pages.
* 108 Cf. annexes, Tableau
des fréquences absolues des chiffres et des nombres, n°16, page
15.
* 109 Cf. l'ensemble de la
citation reproduite en annexe, page 16.
* 110 Régine Robin,
Histoire et linguistique, Paris, Armand Colin, 1973, page 26.
* 111 Extrait de la
réplique de Jean Charest en 1999.
* 112 Olivier Reboul,
Langage et idéologie, Paris, Presses Universitaires de France,
1980.
* 113 Karl Deutsch,
Nationalism and Social Communication, Cambridge, The MIT Press, 1969,
cite par Denis Monière, Les enjeux du Référendum,
Montréal, Éditions Québec-Amérique, 1979, page
36.
* 114 Denis Monière,
L'indépendance, Montréal, Éditions
Québec-Amérique, 1992, page 74.
* 115 Cf. annexes, Graphique
n°1, page 17.
* 116 Annette Paquot et
Jacques Zylberberg, « Lexique flou d'un Québec
incertain », in École Nationale Supérieure de
Saint-Cloud, Actes du 2ème colloque de lexicologie
politique, Colloque organisé à Saint-Cloud du 15 au 20 septembre
1980, Paris, Librairie Klincksieck, Institut national de la langue
française, 1982, pages 577 à 594.
* 117 Denys Arcand, Le
confort et l'indifférence, l'échec du référendum de
1980. La fin de la Révolution tranquille, in Denys Arcand :
L'oeuvre documentaire intégrale, Office national du film du
Canada, 2004.
* 118 Denis Monière,
L'indépendance, Montréal, Éditions
Québec-Amérique, 1992, pages 83-84.
* 119 Cf. Jacqueline
Picoche, Dialectique du vocabulaire français, Paris, Nathan,
1993, 206 pages.
* 120 Cf. Denis
Monière, « Les mots du pouvoir. Cinquante ans de discours
inauguraux au Québec (1944-1996 ) », in Le
« programme de gouvernement » un genre discursif,
Lexicométrica - Mots, n°62, mars 2000, 13 pages.
* 121 Cf. annexes, Tableau
n°17 : Vocables en anglais les plus fréquents, page 18.
* 122 Références
extraites des données de l'Insee.
* 123 Roland Cayrol, Le
grand malentendu, les Français et la politique, Paris,
Éditions du Seuil, 1994, pages 24 à 26.
* 124 Sondage
TNS-Sofres pour Lire la politique : Les attentes des
Français à l'égard du gouvernement,
réalisé en mars 2006.
* 125 Pascal Marchand,
Laurence Monnoyer-Smith, « Les discours de politique
générale français : la fin des clivages
idéologiques ? »,
Lexicométrica-Mots, mars 2000, 13 pages.
* 126 Raymonde Monnier,
« Des mots en politique. Gouverner ou tenir la
barre », Lexicométrica, 2001, 7 pages.
* 127 Cf. annexes, graphique
n°5, page 20.
* 128 Roland Cayrol, Le
grand malentendu, les Français et la politique, Paris,
Éditions du Seuil, 1994, 186 pages.
* 129 Cf. annexes, graphique
n°6, page 21.
* 130 Cf. Annexes, tableau
n°5, page 7.
* 131 Jean-Marie Denquin,
Vocabulaire politique, Paris, Presses Universitaires de France,
collection Que sais-je ?, 1ère édition, 1997,
page 113-114.
* 132 Régis Debray,
L'État séducteur, les révolutions médiologiques
du pouvoir, Paris, Éditions Gallimard, collection Folio/ essais,
1993, 198 pages.
* 133 Denis Monière,
Les enjeux du Référendum, Montréal,
Éditions Québec-Amérique, 1979, page 36.
* 134 Cf. annexes, tableau
n°4, page 6.
* 135 Cf. annexes, graphiques
n°2 et n°3, page 19.
* 136 Cf. annexes, graphique
n°7, page 22.
* 137 Cf. annexes, graphique
n°3, page 19.
* 138 Cf. annexes, graphique
n°4, page 20.
* 139 Pascal Marchand,
Laurence Monnoyer-Smith, « Les discours de politique
générale français : la fin des clivages
idéologiques ? »,
Lexicométrica-Mots, mars 2000, 13 pages.
* 140 Cf. annexes, tableaux
n°5 et graphique n°6, pages 7 et 21.
* 141 Cf. annexes, tableau
n°8, page 9.
* 142 Dominique Labbé,
Denis Monière, Le discours gouvernemental - Canada, Québec,
France (1945-2000), Paris, Éditions Honoré Champion,
Collection Lettres numériques, 2003, chap. 6.
* 143 Jean-Marie Cotteret,
et al., Giscard d'Estaing/ Mitterand, 54774 mots pour convaincre,
Paris, Presses Universitaires de France, 1976, page 124.
* 144 Sharon L. Sutherland
et G. Bruce Doern, La bureaucratie au Canada : contrôle et
réforme, Commission royale sur l'union économique et les
perspectives de développement au Canada, 1986, pages 1 à 59.
* 145 Stéphane
Rials, Le Premier Ministre, Paris, Presses Universitaires de France,
collection Que sais-je ?, 2ème édition, 1985,
page 73.
* 146 Corinne Gobin,
« Un survol des discours de présentation de
l'exécutif européen (1958-1993) » in Le
« programme de gouvernement », un genre discursif,
Lexicométrica - Mots n°62, mars 2000, 7 pages.
* 147 Cf. annexes, graphique
n°6, page 21.
* 148 Bernard Cohen,
« Un cas de situation de discours : le parlé
d'assemblée », in École Nationale
Supérieure de Saint-Cloud, Actes du 2ème colloque
de lexicologie politique, Colloque organisé à Saint-Cloud du 15
au 20 septembre 1980, Paris, Librairie Klincksieck, Institut national de
la langue française, Volume 2, 1982, pages 377 à 389.
* 149 Sergio Bolasco,
Déclarations et répliques gouvernementales dans le discours
parlementaire italien, deux genres discursifs, in Le
« programme de gouvernement », un genre discursif,
Lexicométrica - Mots n°62, mars 2000, 18 pages.
* 150 Antoine Prost,
« Les mots », in René Rémond,
Pour une histoire politique, Paris, Editions du Seuil, Seconde
édition, 1996, page 269
* 151 Dominique
Labbé, Normes de saisie et de dépouillement des textes
politiques, Grenoble, Université Pierre Mendès-France
Grenoble II - Institut d'Etudes politiques de Grenoble, Cahiers du
CERAT, Cahier n°7, Avril 1990, 119 pages.
* 152 Cf. annexes, figures
n°1, page 23.
* 153 Damon Mayaffre,
Paroles de Président. Jacques Chirac (1995-2003) et le discours
présidentiel sous la Ve République, Paris,
Éditions Honoré Champion, 2004, 291 pages.
* 154 Dominique
Labbé, Denis Monière, « La connexion
intertextuelle. Application au discours gouvernemental
québécois », Lausanne, Actes des
5ème journées internationales d'analyse statistique
des données textuelles, 2000, 10 pages.
* 155 Cf. annexes, figure
n°2, page 24.
* 156 Denis Monière,
Démocratie médiatique et représentation
politique, Montréal, Presses de l'Université de
Montréal, 1999.
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