5 Conclusion et perspectives
Le comportement élastique du matériau bois est
habituellement expliqué par la combinaison des comportements
individuels de multiples éléments structuraux
attachés à chacune des échelles
d'hétérogénéités. Partant de cette
constatation, l'objectif principal de ce travail était
de préciser les paramètres les plus
pertinents susceptibles de conditionner la variabilité de
l'anisotropie élastique du bois des résineux.
Dans ce but, un certain nombre de propositions bibliographiques
ont été intégrées selon une
« intuition » mécanicienne, au sein d'une
modélisation globale multi échelles de l'anisotropie
élastique.
Sur la base d'une étude documentaire
pluridisciplinaire, les sources principales de variabilité intra arbre
de l'anisotropie élastique sont inventoriées dans le
chapitre 1. Les échelles
d'hétérogénéités et de descriptions
envisagées à l'issu de ce recensement sont strictement
limitées à l'essentiel ; l'échelle de la sous
couche pariétale, l'échelle de la double cloison
cellulaire, l'échelle du tissu ligneux et l'échelle du cerne.
Un ensemble de modélisations mécaniques,
basées sur la recherche du solide élastique homogène
équivalent, assure le passage de la microstructure au
comportement mécanique macroscopique du bois sans défaut.
Utilisant essentiellement des lois des mélanges, ces
homogénéisations ne font appel qu'à un nombre
limité de paramètres structuraux (jugés strictement
utiles). Les cheminements intermédiaires amenant à la simulation
de l'anisotropie élastique d'un bois de résineux sont alors
résumés à 4 transitions fondamentales,
appelées Passages.
Le Passage 1 introduit l'anisotropie élastique
à l'échelle de la sous couche par la prise en compte
d'un renfort filamentaire de la matière ligneuse assuré
par des microfibrilles de cellulose quasi cristallines. Il permet
la transition des propriétés mécaniques des
bio polymères essentiels au comportement mécanique de la sous
couche élémentaire.
Le Passage 2 établit un lien entre le comportement de
sous couche et la première étape vers un comportement
mécanique tissulaire appelée comportement de double cloison
cellulaire. Le paramètre majeur expliquant l'anisotropie
élastique à cette échelle est l'inclinaison des
microfibrilles dans la sous couche S2 (paramétrée par l'angle des
microfibrilles AMF (ö)).
Le Passage 3 permet l'expression des
propriétés élastiques d'un tissu ligneux
homogène, assimilé à une structure nid d'abeille, à
partir des propriétés mécaniques de la double cloison.
La prise en compte de la géométrie
(diamètres radial et tangentiel, épaisseurs de paroi radiale
et tangentielle) et de l'arrangement cellulaires (parois
en quinconces ou alignées) autorise alors l'expression des
propriétés élastiques de trois tissus ligneux ; le bois
initial, le bois final
et enfin le rayon ligneux.
Le Passage 4 conduit enfin à l'expression du
comportement mécanique du cerne par son assimilation à un
bicouche bois initial-bois final renforcé radialement par des rayons
ligneux homogènes. Les paramètres descriptifs utilisés
à cette échelle sont la texture (épaisseur relative
de bois final dans le cerne) et la fraction volumique en rayons ligneux.
130
Conclusion et perspectives
La méthodologie employée autorise la
substitution éventuelle, à chaque Passages, de
modélisations prédictives plus
sophistiquées.
La seconde partie du chapitre 2 illustre cette
alternative par la mise en place d'une schématisation du
renfort filamentaire cellulosique par un squelette de
microfibrilles entrecroisées (modélisation Squelette M3).
Les Passages 1 et 2 sont, à cette étape et dans
la suite du travail, remplacés par un Passage 1-2 qui assure la
transition directe des propriétés mécaniques des bio
polymères cellulose, hémicelluloses et lignines à celles
du tissu ligneux.
Une des originalités de cette modélisation
réside dans la schématisation de la double cloison par une
couche unique renforcée par un réseau de
microfibrilles entrecroisées dont l'orientation est empruntée
à l'angle des microfibrilles dans S2.
Une étude documentaire puis une optimisation contrainte
conduisent, en fin de chapitre 2, à la construction d'un Résineux
Standard Virtuel (RSV). Les propriétés mécano physiques
cibles adoptées pour la construction de cette essence fictive sont la
masse volumique ñ et les trois modules élastiques ER, ET, EL
du résineux standard (Guitard, 1987) stabilisé à un
taux d'humidité de 12%. L'essence RSV, élaborée par
l'assemblage de trois tissus ligneux (bois initial, bois final et rayons
ligneux), est alors décrite par un jeu total de 22
paramètres structuraux. Le réalisme biologique du RSV est
testé par la confrontation, à posteriori, de certains de
ses paramètres descriptifs à leurs équivalents
obtenus expérimentalement sur 3 essences résineuses.
L'outil de modélisation RSV est ensuite
employé dans le chapitre 3 afin d'analyser la sensibilité
des propriétés élastiques du bois normal à
la variabilité de l'ensemble des paramètres architecturaux
retenus.
Quelque soit l'option de modélisation
envisagée à l'échelle de la double cloison
(Multicouches M1, M2 ou Squelette M3), l'anisotropie
élastique globale du matériau est fortement
dépendante de l'anisotropie élastique de la double paroi.
Il est ainsi montré que l'essentiel du comportement élastique
macroscopique du bois RSV (densité de 0,45 et AMF
(ö) compris entre 5 et 25 degrés)
résulte des variations de l'angle des microfibrilles dans la double
cloison virtuelle. L'influence de l'angle des microfibrilles sur l'anisotropie
élastique macroscopique est particulièrement marquée
sur un bois final présentant une forte densité
(0,75) et un AMF (ö) compris entre 5 et 10
degrés. Pour un bois initial présentant de faibles
épaisseurs pariétales et un AMF (ö)
supérieur, un terme de flexion de paroi vient concurrencer l'influence
de l'inclinaison des microfibrilles sans toutefois bousculer la
hiérarchie précitée.
La comparaison des évolutions des modules
élastiques de double cloison prédits par les deux types de
modélisations (M2 et M3) montre que pour le modèle Multicouche
M2, un angle des microfibrilles (ö) usuel (i.e : compris
entre 5 et 35 degrés) conditionne essentiellement le module
élastique longitudinal de la double cloison. Dans le cadre
d'une modélisation Squelette M3, ce même paramètre
(ö) n'intervient fondamentalement que sur les modules
transverses de la double cloison. Il est également montré
à cette étape que le choix du module d'élasticité
des fibres cellulosiques à prendre en compte est directement
lié à l'option de modélisation envisagée pour la
double cloison.
L'outil RSV mis en oeuvre dans le cadre du bois normal
est ensuite envisagé pour décrire l'anisotropie
élastique du bois de compression (chapitre 4). Devant le manque de
références
131
Conclusion et perspectives
concernant les caractéristiques élastiques
(ER, ET et EL) et l'anisotropie
élastique de ce type
de bois, une expérimentation sur trois essences
résineuses est mise en place. Les modules élastiques
longitudinaux obtenus sur des éprouvettes
parallélépipédiques s'avèrent sensiblement
différents selon l'essai mis en oeuvre pour les déterminer
(méthode vibratoire ou essais de compression jusqu'à
rupture). Ils demeurent néanmoins bien inférieurs à
ceux du bois normal.
L'exploitation des courbes expérimentales des essais de
compression jusqu'à rupture montre par ailleurs que des
éprouvettes de bois de compression ont plus tendance à se
déformer avant
de rompre que des éprouvettes de bois normal.
Des expériences préliminaires visant
l'identification des modules élastiques équivalents ER
ET et EL du bois de compression ont été
tentées sur des éprouvettes cubiques centimétriques
sèches à l'air. Ici encore, le module longitudinal du bois de
compression est inférieur à celui
du bois normal.
Les modules transverses ER et ET obtenus ne sont pas
différents et ce quelque soit la nature
de l'éprouvette testée (bois de
compression, bois opposé). Les dimensions de telles
éprouvettes impliquent la mise au point d'une
expérimentation plus soignée passant notamment par un
dispositif expérimental parfaitement approprié (entre autre
mesure de déplacements sur les faces des échantillons) et
la définition d'un volume élémentaire
représentatif (effet largeur et nombre de cernes). La
géométrie des échantillons se doit en outre
d'être irréprochable (uniformité du champ de contraintes).
Une lubrification à l'interface échantillon plateau devra
également être mise en place (film de téflon).
Une étude bibliographique, présentée en
première partie du chapitre 4, permet de faire état de quelques
transformations structurales majeures accompagnant la transition d'un bois
normal à
un bois de compression. Sur cette base, une distorsion
du Résineux Standard Virtuel est ensuite présentée.
L'impact de certaines modifications (augmentation d'épaisseur
pariétale, diminution de diamètre cellulaire, diminution
du taux de cristallinité de la cellulose augmentation de
l'angle des microfibrilles dans la sous couche S2) sur les
caractéristiques élastiques prédites par la
modélisation gigogne est alors évalué.
Certaines hypothèses de construction du
modèle, valables pour le bois normal (cellules rectangulaires et
de forme régulière), conduisent à une
légère surestimation du module longitudinal par une
évaluation par défaut de la porosité. La
diminution du degré d'anisotropie élastique transverse du
bois de compression (rapport ER / ET) est constatée à cette
étape. Cette tendance est expliquée par des épaisseurs de
parois importantes conduisant à une forte diminution du terme de flexion
des parois.
Une campagne expérimentale plus large devra
être menée prochainement pour acquérir certaines
données anatomiques manquantes (texture, fraction volumique en rayons
ligneux) et afin de disposer d'un ensemble plus large de mesures de modules
élastiques.
Sans remettre en cause la hiérarchisation introduite au
chapitre 3, le réalisme biologique de certains « tiroirs » de
modélisation pourrait sans doute, par de nouvelles investigations,
être amélioré.
132
Conclusion et perspectives
Les interactions biologiques entre certaines variables
structurales demandent à être
explicitées :
à l'échelle du tissu ligneux, les variations
d'épaisseurs pariétales ne sont sans doute pas physiologiquement
indépendantes des variations des diamètres cellulaires,
à l'échelle de la couche d'accroissement,
le réalisme de la discrétisation bois initial bois final
est biologiquement discutable ; les évolutions de densité
intra cerne sont sans doute plus proches d'une sigmoïde que d'une
fonction échelon.
Le premier champ d'application du concept de
modélisation multi échelles, concerne la prédiction
des propriétés de transferts en dessous et au dessus du
point de saturation des fibres. Les ponctuations, constituent en effet les
éléments structuraux essentiels conditionnant
la variabilité des coefficients de transports
(Comstock, 1970, Siau, 1986). Le nombre d'échelles de
modélisations à prendre en compte devrait être
inférieur à celui envisagé pour une modélisation
de l'anisotropie élastique (l'échelle de la sous couche
est généralement ignorée).
Un deuxième champ d'application vise
l'explication structurelle de l'anisotropie des coefficients de
retraits hydriques. Ainsi l'anisotropie transverse des retraits a
souvent été analysée par l'influence de la
combinaison de plusieurs facteurs associés à l'anatomie
(alternance de bois initial bois final, présence
de rayons ligneux, morphologie cellulaire, structure et topo chimie des
parois, angle des microfibrilles). Les échelles de modélisations
à envisager seront, dans ce dernier cas, identiques à celles
prises en compte dans ce travail.
133
Bibliographie
|