4 Vers une description de l'anisotropie
élastique du bois de réaction
Dans les chapitres précédents, la
possibilité d'une prédiction de l'anisotropie élastique du
bois normal à partir d'un nombre, somme toute assez limité de
paramètres a été montrée. Un des champs
d'application de la démarche envisagée dans ce travail consiste
en sa mise en oeuvre sur le bois de réaction des résineux
appelé bois de compression. L'objectif premier de ce chapitre est
d'évaluer expérimentalement certaines propriétés
mécano physiques du bois de compression. Les
caractéristiques élastiques obtenues via
l'expérimentation seront ensuite confrontées à celle
prévues par la modélisation adoptée.
4.1 Existence de plusieurs bois de compression
Il est possible, en s'appuyant, sur un ensemble de
caractères anatomiques de distinguer plusieurs classes de bois de
compression (Singh et al, 1999, Fioravanti et al, 2003).
Le premier type de bois de compression est désigné
par les auteurs précédents comme
« sévèrement » comprimé ; il est
notamment caractérisé par des épaisseurs de parois
importantes, la quasi absence de sous couche S3 et des teneurs
élevées en lignine dans
les sous couches S2 et S1. Des coupes anatomiques
transversales montrent de nombreux espaces inter cellulaires entre les
trachéides. La majorité des études cytologiques
rencontrées dans la littérature se réfère au bois
sévèrement comprimé.
La seconde catégorie, de bois de compression,
beaucoup moins étudiée, est appelée par les
mêmes auteurs, bois de compression « moyennement »
comprimé. Les espaces intercellulaires (Singh et al, 1999)
n'y sont pas systématiques. Pour ces derniers auteurs, ce type
de bois de compression est un bois dont les
caractéristiques ultrastructurales sont intermédiaires entre
celles d'un bois de compression sévèrement comprimé et un
bois normal.
Le troisième type, qualifié de bois de
compression peu comprimé, se distingue des précédents
par l'absence quasi-totale d'espaces intercellulaires et de sous couche S3. Ses
caractéristiques structurales et ultrastructurales ne sont que rarement
explicitées.
Certains auteurs relient directement l'inclinaison des
microfibrilles dans la sous couche S2 au
« degré » de compression du bois ; plus le bois
est comprimé, plus l'angle des microfibrilles
(ö) est important (Singh et al, 1999).
4.1.1 Description sommaire des caractères
anatomiques généraux du bois de compression
Compte tenu du peu d'information disponible sur les
caractéristiques anatomiques des bois de
compression dits « moyennement et
sévèrement » comprimés, les tendances
générales évoquées par la suite devront
être considérées comme celles définissant
un bois de compression « fortement » comprimé au sens de
Singh et al (1999) et Fioravanti et al (2003).
4.1.1.1 Des teneurs en macromolécules différentes
de celles du bois normal
Comparativement à la paroi de bois normal, la
teneur en cellulose de la paroi du bois de compression est fortement
diminuée (taux de cellulose de la paroi entre 20 et 30%). La teneur
en lignines est quant à elle généralement
supérieure (aux alentours de 40% d'après Kolmann
101
Vers une description de l'anisotropie élastique du bois de
réaction
et al, 1984, Keller, 1999). En associant microscopie
électronique et auto fluorescence de la
lignine, sur du bois de compression de Pinus radiata,
une variabilité significative de lignification dans la lamelle
mitoyenne et la sous couche S2 (Singh et al, 1999) a été
montrée.
4.1.1.2 Une paroi cellulaire spécifique
Les sous couches pariétales sont réduites à
S1 et S2, la sous couche S3 est généralement très mince
(Singh et al, 1999 sur Pinus radiata) voire inexistante (Timell,
1986).
La distinction tissulaire entre le bois initial et le
bois final du bois de compression est généralement
délicate en terme d'inclinaison des microfibrilles dans la sous
couche S2. Un AMF (ö) maximum de l'ordre de 45 degrés,
commun au bois initial et final, est généralement admis (Panschin
et al, 1980, Cloutier, communication personnelle, Bodig et
al, 1984, Keller,
1994, Sahlberg et al, 1997).
4.1.1.3 Modifications des paramètres
géométriques cellulaires
Timell (1986) a établi des tendances
générales en compilant un grand nombre de données
anatomiques issues de la littérature :
Les diamètres cellulaires :
dans le bois initial de compression, les diamètres
radial et tangentiel ne sont pas
significativement différents de ceux observés sur
le bois initial normal.
dans le bois final de compression, le diamètre radial
est égal ou faiblement inférieur à celui du bois final
normal. Le diamètre tangentiel est inférieur à
celui de bois final normal.
Les épaisseurs de paroi :
Les trachéides de bois initial de compression
présentent des épaisseurs de parois identiques à
celles de bois initial de bois normal (Kramer et al,
1979, Panshin et al, 1980, synthèse des résultats
présentés dans Timell, 1986, Ruelle, 2003), mais sont de
10 à 40% plus courtes
(Keller, 1999). Dans la cellule de bois final de compression il
est vraisemblable d'admettre une épaisseur de paroi cellulaire double de
celle constatée sur une cellule de bois final normal
(Keller, 1999). Les épaisseurs pariétales ne sont
en revanche pas distinguées selon la direction radiale ou transverse de
l'observation.
Les différences de géométrie
cellulaire entre le bois de compression et le bois normal se situent
essentiellement au niveau des trachéides de bois final ; celles-ci ont
une forme plutôt arrondie dans le bois de compression alors qu'elles
présentent une géométrie nettement plus rectangulaire dans
le bois normal.
Dans le plan transverse, des espaces intercellulaires
apparaissent. Ils sont particulièrement marqué dans le bois
final de compression (Panshin et al, 1980, Keller, 1999).
Certains auteurs rapportent une masse volumique du bois final
de compression deux fois plus élevée que celle de bois final
« normal » (Keller, 1999, Necesany et al, 1967,
rapportés dans Timell, 1986). Timell (1986) attribue cette forte valeur
à une épaisseur de paroi dans le bois final de compression double
de celle du bois final normal
102
Vers une description de l'anisotropie élastique du bois de
réaction
L'anatomie des rayons ligneux du bois de compression ne se
démarque généralement pas de
celle observée sur le même type de cellule du bois
normal (Kramer et al, 1979, Keller, 1994). Certains pins
présentent néanmoins des rayons plus gros et en plus grand nombre
dans le bois
de compression (Venet et al, 1986, Keller, 1994).
4.1.1.4 A l'échelle du cerne ; une organisation assez
semblable à celle du bois normal
La texture (TX) du bois de compression est, pour certains
auteurs, supérieure à celle du bois normal (Cloutier
communication personnelle, Panshin et al, 1980, Ruelle, 2003). Si le
bois normal présente un bois final distinct et marqué,
dans le bois de compression, il est généralement difficile
d'identifier une transition nette entre les deux tissus bois initial et
final
(Keller, 1994 cite l'exemple de Pinus strobus).
La fraction volumique en rayons ligneux (n) dans le
bois de compression est pour certains auteurs légèrement
supérieure (Timell, 1986) à celle du bois normal.
D'autres travaux rapportent une tendance inverse (Onaka, 1949 dans Ruelle,
2003).
4.1.1.5 Propriétés mécano physiques du bois
de compression
Contrairement au bois normal dont les caractéristiques
mécano physiques ont été largement étudiées
et modélisées, les propriétés du bois de
réaction des résineux restent assez mal identifiées.
Seules des tendances générales directement liées à
l'anatomie (épaisseurs de paroi importante, angle des microfibrilles
particulièrement ouvert) peuvent être évoquées.
a) La masse volumique
La masse volumique du bois de compression est
généralement plus importante que celle du bois normal (de 10
à 20% supérieure à celle du bois normal pour
Panshin et al, 1980, Cloutier, non publié).
b) Des modules élastiques cibles ?
Très peu de références sont
disponibles dans la bibliographie. Le bois de compression est
considéré un bois de qualité mécanique assez
médiocre. Il constitue d'ailleurs du point de vue industriel un
défaut.
Son module d'élasticité longitudinal est
inférieur à celui du bois normal, les modules transverses
sont peu ou pas identifiés.
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