LA CONSTRUCTION SOCIALE DE LA NOTORIETE ET DE LA
RECONNAISSANCE COMME ENJEU D'UNE MINORITE :
LE CAS D'UN FAN-CLUB
I ) LA CONSTRUCTION THEORIQUE DE
L'OBJET.................................
I. La mise en scène médiatique
1. Les médias comme instrument de maintien de l'ordre
symbolique ?
2. Une économie de l'identification : le cas de la
télé-réalité
3. Quelle réception pour quel(s) public(s) :
éléments d'analyse
II. L'affirmation et la reconnaissance identitaire
à travers des modèles médiatisés
1. De la construction identitaire à une
« politique des identités »
2. Les principes de la reconnaissance
3. La politisation de la reconnaissance ou la
réappropriation des enjeux d'une oeuvre autour d'un fan-club
III. La construction électronique du social : la
communauté virtuelle comme nouvelle forme de
solidarité ?
1. De la sociologie des réseaux sociaux...
2. ...à la communauté virtuelle pour penser le
social
3. Les nouvelles pratiques de communication
entraînent-elles une réorganisation des
sociabilités ?
II) LES CHOIX METHODOLOGIQUES
I. Axes de recherche et hypothèses
II. L'analyse de contenu su site Internet
Planeteannelaure
- Vers une analyse de la production médiatique autour
d'Anne-Laure
III. Le terrain / Le corpus
1. Les forums de discussions
2. Le forum en chiffres
3. Le corpus
4. Les entretiens
5. Les blogs
IV. L'analyse des discours appliquée au forum de
discussions et aux entretiens
1. Le traitement des données (analyse quantitative et
qualitative)
2. Le contexte
3. L'interactivité
4. Les relations interpersonnelles
5. Les indicateurs de l'énonciation
6. L'analyse de contenu appliquée aux entretiens
III) LA RECONNAISSANCE MEDIATIQUE ET VIRTUELLE :
ENJEUX D'UNE CULTURE JUVENILE ACTUELLE ?
I. Les médias : vecteur d'une construction
identitaire individuelle et collective
1. Les médias comme diffuseur de modèles et de
ressources identitaires
2. Internet comme vecteur d' « autonomisation
sexuelle »
3. La création d'un collectif entre
marginalité et conformisme
II. La mise en vitrine de l'intimité et de la
sexualité
1. La nécessaire organisation réflexive de la
sexualité
2. L'expression des sentiments
3. Les « choix sexuels »
conditionnent-ils les choix culturels, médiatiques et virtuels ?
III. Le processus des affinités
électives
1. Le groupe comme réponse à un besoin
d'intimité homolatique ?
2. La recherche de « semblables »
3. Le mouvement de fans comme recours à un collectif
IV) L'EXPLOITATION ET LA RECUPERATION DE LA NOTORIETE
PUBLIQUE
I. La tyrannie de la minorité
1. L'homosexualité à la
télévision : état des lieux
2. La mise en scène du politiquement correct
3. Les recours du minoritaire
II. La gestion de l'image
1. Des usages de la notoriété : le cas des
icônes gays et lesbiennes
2. L'éphémèrité et la
multiplicité de l' « être
star » : le rôle d'un fan-club dans la construction
d'une carrière
3. La mise en place d'un système normé : les
règles du fan-club
III. La mobilisation et le soutien des fans
1. Retour sur la notion de fan
2. L'opération de traduction : le cas du
coming-out
3. La constitution d'un « clan »
V) LES RESEAUX DE SOLIDARITE AU SEIN DE LA
« COMMUNAUTE VIRTUELLE » COMME ENJEUX D'UNE
RECONNAISSANCE MINORITAIRE
I. Le partage d'expériences
« homosocialisatrices »
1. La découverte de l'homosexualité
2. Le rapport aux autres et la « tyrannie de la
majorité »
3. Le besoin de se regrouper et de se reconnaître
II. De l'existence d'une communauté virtuelle ou
réelle : légitimation et argumentation
1. La persistance d'une rhétorique homophobe
2. L'affirmation et le militantisme en faveur de la
reconnaissance
3. La mobilisation et la solidarité comme ressources
identitaires
III. Le fan-club : un prétexte
mobilisateur ?
1. La mobilisation autour d'une artiste : la construction de
la notoriété
2. La mobilisation pour soi : une reconnaissance de
substitution. ?
3. La mobilisation identitaire : enjeu d'un collectif
Bibliographie
Annexes
CHAPITRE I ) LA CONSTRUCTION THEORIQUE DE
L'OBJET
La visibilité des homosexuels et, par la même de
la sexualité en général, s'est accrue dans les
sphères publiques de notre société depuis la fin des
années 90 : les débats sur le PACS, le mariage ou
l'homoparentalité, l'élection d'un maire ouvertement homosexuel
à Paris, la création d'associations homosexuelles dans des
grandes entreprise1(*), la
médiatisation des jeux de télé-réalité et de
leurs candidats gays ou lesbiennes, l'affluence record aux Marches des
fiertés lesbiennes, gays, bisexuelles et transsexuelles, la
création de Pink TV, chaîne à thématique
homosexuelle sur le câble...les médias évoquent
désormais volontiers tout ce qui a trait à l'homosexualité
et tous ces événements sont autant d'occasions de renforcer la
présence des lesbiennes et des gays dans les médias.
La télévision tient un rôle important
dans cette médiatisation. Elle constitue un formidable vecteur
d'informations, d'idées, d'images mais aussi parfois de clichés.
Elle a le pouvoir d'accélérer la lente progression de
l'acceptation de l'homosexualité, de sensibiliser un large public sur
des sujets mal connus. Elle peut aussi déformer ou ancrer certaines
caricatures dans les esprits. Comprendre la façon dont la
télévision représente l'homosexualité, c'est aussi
mieux apprécier la façon dont l'homosexualité est
perçue par l'opinion publique. Cependant, malgré l'avancée
des programmes en matière d'homosexualité, la visibilité
proprement lesbienne reste pratiquement inexistante à l'exception, en
2004, de quelques débats ou reportages sur
l'homoparentalité2(*). L'homosexualité masculine est de loin la plus
mise en avant.
La télévision, voire les différents
médias, évoque de plus en plus autre chose que la seule parole
légitime qui était la seule à devoir être entendue
durant l'âge de ce qu'U.Eco3(*) appelle la
« paléotélévision ». La
télévision était alors une institution dans laquelle la
relation avec le téléspectateur était une relation
plutôt pédagogique. Elle était conçue comme un outil
de transmission d'informations, de savoirs, de culture ou de divertissement.
Ceux qui avaient alors droit à la parole formaient une sorte
d'élite, des experts, des stars, des élus.
L'apparition de la
« néo-télévision » va briser
en quelque sorte ce monopole de la parole légitime ; au-delà
des experts, on a le droit de parler à la télévision si on
est le témoin de quelque chose. Aux côtés de l'expert, on
trouve le témoin : c'est la grande envolée du talk
show ou du reality show. Dans cette nouvelle parole
légitime, le témoin concurrence l'expert. La parole
légitime de la
« paléo-télévision »
était une parole inscrite dans l'espace public : la connaissance,
la vie publique, le pouvoir politique, ou encore ce que les stars faisaient
dans leurs activités publiques ou professionnelles. Dans cette nouvelle
ère télévisuelle, nous sommes désormais
confrontés à une irruption de l'intime. On peut alors se mettre
à parler de l'intimité : vie sexuelle, échecs
amoureux, conflits entre parents et enfants, etc... Les reality shows
de l'époque donnèrent lieu à de violents débats sur
la question de la diffusion de ce genre à la télévision.
Etait exhibée et valorisée une dimension psyaffective, comme avec
l'émission « Psy Show ». On voit là
l'irruption du téléspectateur à la
télévision, du témoin anonyme, de celui qui auparavant
n'avait pas le droit à la parole. Ce troisième stade de la
télévision est appelé la
« post-télévision » par J.L.Missika,
c'est-à-dire l'âge de la télé-réalité.
Cette ère télévisuelle ne négligeant pas la mise en
scène de l'intimité correspond à un besoin
d'assistance4(*) à
une individualisation croissante poussant les acteurs à se
connaître eux-mêmes, et comme nous le verrons plus loin, à
se reconnaître. La télévision est devenue un intercesseur
entre le public et les stars en devenir, les personnes qui souhaitent
conquérir la notoriété et la
célébrité. La participation à l'émission est
la seule raison, et le seul but, pour sortir de l'ordinaire. Cependant, le
terme « réalité » est erroné.
C'est un genre télévisuel nouveau parce que fondé sur
l'expérience de laboratoire. Nous sommes dans le divertissement,
basé sur un jeu, basé lui-même sur une situation
expérimentale que les gens acceptent de vivre. Le
téléspectateur est en quelque sorte le coproducteur de
l'émission puisqu'il est là pour juger, donner son avis, faire
évoluer le scénario. C'est une réalité
expérimentée5(*). Sa participation s'élargit ; d'autant
plus avec les nouvelles technologies, les nouveaux médias qui vont de
pair avec le développement de ce genre de programme6(*). Ces nouveaux moyens de
communication offrent donc aux individus des manières infinies par
définition, de se construire et de se représenter. La notion de
reconnaissance pourrait apparaître avec la multiplication des
modèles renvoyés par les médias. Les individus
utiliseraient cette mise en images cathodiques et dans une autre mesure,
virtuelles si l'on inclue les nouvelles technologies de diffusion de
l'information comme Internet, à des fins constructives.
La prise en compte généralisée et
« banalisée » de l'homosexualité
d'un point de vue médiatique permettrait au public -et notamment au
public le plus concerné- de se représenter, d'être visible
et peut être d'avoir un accès à une construction
identitaire à travers des modèles moins tabous, bien que toujours
encadrés de certaines règles, voire même d'une certaine
censure : « Le spectacle de réalité se
contente de répondre à l'augmentation du ticket d'entrée
dans la normalité en en montrant l'extrême diversité, il
déculpabilise en rapatriant dans la normalité,
différences, déviances ou marginalités, toutes
confondus »7(*) , mais toujours dans un souci d'audience
et de profit.
I ) LA MISE EN SCENE MEDIATIQUE
1. Les médias comme instruments de maintien de
l'ordre symbolique ?
La télévision, diffusion à distance des
sons et des images, est devenue un phénomène de
société depuis qu'elle s'est répandue dans presque tous
les pays. Elle est l'outil le plus important de l'accès à la
culture de masse c'est-à-dire, produite selon les normes massives de la
fabrication industrielle, répandue par des techniques de diffusion
massive, s'adressant à une masse sociale8(*). Elle a suscité de nombreuses études de
la part des sociologues, qui peuvent s'appuyer sur des sondages concernant
notamment le choix des téléspectateurs. A la fin du 20ème
siècle, les progrès techniques déjà
réalisés ou prévisibles en ce domaine modifient les
rapports entre cette technique et la société moderne. La
diffusion des programmes en couleur, la transmission par câble ont
marqué l'évolution récente. Désormais la
substitution du numérique à l'analogique ainsi que la très
haute définition -la télévision interactive- et les
multimédias annoncent une grande multiplication des chaînes, un
grand choix de programmes. Les problèmes qui suscitent le plus de
discussions de la part des sociologies sont l'organisation de la programmation
par des chaînes publiques ou privées, la pénétration
dans les diverses couches sociales, l'influence des loisirs, la culture, les
comportements moraux, politiques et sociaux. Plus récemment les
sociologues se sont davantage intéressés à l'action de la
télévision sur les structures sociales. C'est ainsi que l'on
attache une grande importance aux modèles qu'elle nous présente,
notamment à travers les « stars », ou les
exemples qu'elle donne de la vie familiale, tantôt en renforçant
le conformisme, tantôt en cherchant plutôt à
« déranger », à briser les
tabous.
Mais la télévision et les images
médiatiques qu'elle donne à voir, sont avant tout une mise en
scène réfléchie et sélectionnée, si l'on en
croit les travaux de P.Bourdieu à ce sujet9(*). Et cela est encore plus percutant dans le domaine qui
va nous intéresser, celui de la
télé-réalité. Les programmes
télévisés sont encadrés de contraintes ; d'une
part, contraintes techniques avec le règne d'une certaine
« censure invisible » qui entraîne une perte
d'autonomie, et d'autre part, des contraintes économiques car ils sont
soumis à la loi du marché de la concurrence dans une logique de
course à l'audimat. En dénonçant la censure, P.Bourdieu en
vient à évoquer la télévision comme
« instrument de maintien de l'ordre symbolique »,
il fait bien sûr allusion ici à la « violence
symbolique » que les programmes exercent sur les
téléspectateurs. Les journalistes vont choisir de montrer
certaines choses et pas d'autres, ils opèrent une sélection et
une construction de ce qui est sélectionné. Le principe de la
sélection repose sur la recherche du sensationnel, du spectaculaire, de
tout ce qui pourra « faire l'audience ». Les
émissions de télé-réalité se construisent
exactement de cette façon. Par exemple, des émissions comme
Star Academy qui ont des diffusions quotidiennes pour que le
téléspectateur puisse suivre l'évolution des
élèves au jour le jour, se fabriquent selon ce principe : la
production choisit les images qu'elle va montrer à l'écran, c'est
la construction médiatique qui est à l'oeuvre. Le fait de montrer
telle ou telle image et pas d'autres va influer le sens du jeu et les
impressions des téléspectateurs quant aux participants, aux
pensionnaires du château10(*) par exemple. Il y une mise en scène des images
par la production de l'émission.
Mais ces observations ne se réduisent pas aux seules
télé-réalités, elle s'observe même jusqu'au
journal télévisé, selon P.Bourdieu. La
télévision appelle à la dramatisation. Elle met en
scène, en images, un événement et elle en exagère
l'importance, la gravité et le caractère dramatique, tragique.
P.Bourdieu parle du danger de « l'effet de
réel », car rapporter des faits implique toujours une
« construction sociale de la réalité
capable d'exercer des effets sociaux de mobilisation ou de
démobilisation ». Elle peut ainsi faire exister des
idées ou des représentations mais aussi des groupes, notamment en
développant un certain système de projection et d'identification
spécifique. La culture de masse ainsi créée constitue un
corps complexe de normes, symboles, mythes et images pénétrant
l'individu dans son intimité, structurent les instincts et orientent les
émotions11(*).
Les médias cherchent donc à
« toucher » un public afin que celui-ci se
retrouve au sein des programmes tout en agissant comme une « main
invisible »12(*) , pour reprendre un terme économique,
où les décisions et les actes sont rendus compatibles et
concourent à l'intérêt général. Il existe
donc un paradoxe entre « la logique industrielle, bureaucratique,
monopolitique, centralisatrice, standardisatrice et la contre-logique
individualiste, inventive, concurrentielle, autonomiste et
novatrice »13(*). Chaque acteur du public a accès à ces
logiques qui font parties d'une compétence partagée. Ces logiques
peuvent s'interpréter en registres généraux de
justification utilisés dans des activités quotidiennes14(*), d'une part par la
justification marchande basée sur le marché, et d'autre part par
la justification par l'opinion basée sur la reconnaissance des
autres.
La logique de concurrence qui règne entre les
chaînes de télévision montre que les émissions ou
les journaux s'homogénéisent car ils sont soumis aux mêmes
contraintes, aux mêmes sondages, aux mêmes annonceurs. P.Bourdieu
parle de « jeu de miroirs se réfléchissant
mutuellement », ils sont tous soumis à la contrainte
de l'audimat. La télévision pense en terme de succès
commercial. De ce fait, les sujets sont de plus en plus banalisés ;
l'objet est construit conformément aux catégories de perception
du récepteur. La télévision est ajustée aux
structures mentales du public. Les journalistes vont choisir ce qui
« passe bien » à l'écran:
« La télévision des années 90 vise à
exploiter et à flatter ces goûts pour toucher l'audience la plus
large en offrant aux téléspectateurs des produits bruts, dont le
paradigme est le talk-show, tranches de vie, exhibitions sans voiles
d'expériences vécues, souvent extrêmes et propres
à satisfaire une forme de voyeurisme et
d'exhibitionnisme »15(*).
Cette citation s'adapte bien sûr aux
télé-réalités présentes sur nos
chaînes depuis le lancement de la première édition de
Loft-story en 2001 sur M6. Ces émissions ont quelque peu remis
en cause les modèles économiques, juridiques et sociaux qui
permettaient jusqu'ici d'analyser et de comprendre la télévision.
Le premier constat que l'on peut faire c'est la condamnation sans appel dont
toutes ces émissions ont fait l'objet. Ces émissions
étaient considérées comme dégradantes pour
l'individu et pourtant les audiences ne faisaient que grimper, même si
aujourd'hui, l'originalité s'essouffle. Finalement elles apparaissaient
comme les émissions que personne n'aime mais que tout le monde regarde,
et qui finissent par intégrer le paysage télévisuel
quotidien jusqu'à devenir pour certains un phénomène de
société. Nous ne nous attarderons pas sur les enjeux
économiques de ces programmes, nous retiendrons seulement qu'aujourd'hui
les téléspectateurs sont demandeurs de ce genre
d'émissions et dans l'optique de la concurrence, chacun se doit de
satisfaire cette demande d'un nouveau « concept »
de divertissement où le public n'est plus passif mais où il
s'adonne à une sorte de voyeurisme dénoncé par P.Bourdieu,
qui confère à l'auto-identification.
Les candidats participant à ces émissions qui
ne sont finalement que des jeux télévisés d'un genre
nouveau, sont, au même titre que les émissions elles-mêmes,
stigmatisés. La télé-réalité fabrique des
stars éphémères dont la durée de vie excède
à peine celui de l'émission, et rarement plus, à
l'exception de quelques unes. Mais il est évident qu'une émission
comme Loft Story16(*)
ne ressemble en rien à Star Academy sur ce point
là. Le casting repose sur le même principe mais l'objectif est
différent. Les candidats du Loft n'ont aucun talent à
proposer, alors que les élèves de Star Academy sont
sensés, au moins savoir chanter, et c'est normalement sur cela qu'ils
sont jugés. Nous disons « normalement »
parce que le gagnant doit répondre à certains critères
pour garantir son succès, les critères séduisant la
majorité de ceux qui font l'audience ; le travail du producteur
étant la quête permanente et organisée de ce qui fait sens
pour le public17(*),
notamment en tenant compte des catégories socio-sentimentales qui
portent sur l'imaginaire du public en menant à bien une tâche de
production technique, financière et commerciale. Pour que ce processus
fonctionne, l'image est construite tout au long du travail de production.
Ainsi, les objets ne sont porteurs de sens « qu'en vertu du
consensus social qui leur accorde provisoirement à la suite d'un
va-et-vient entre les demandes mouvantes et hétérogènes
des acteurs [...] »18(*) : artistes, producteurs, critiques, public.
L'objet médiatique, qu'il soit musical ou autre, est socialement
construit. Les caractères internes du star system sont ceux du grand
capitalisme industriel, marchand et financier. Le star system est d'abord une
fabrication19(*).
2. Une économie de l'identification : la cas de
la télé-réalité
Il conviendrait de s'attarder plus longuement sur les enjeux
juridiques suscités par ces programmes. En effet, ces images nous
rappellent la spécificité de ce type d'émissions où
des individus qui ne sont pas des professionnels se retrouvent d'un seul coup
au rang de vedettes ; nous reviendrons sur la redéfinition actuelle
opérée sur ce terme. Les problèmes engendrés
proviennent du droit de la personne et du droit à l'image étant
donné que ces individus permettent que l'on mette en scène leur
vie intime. Ils vont parfois devenir des vedettes de la chanson, ils signent
des contrats avec des sociétés qui vont exploiter leur travail,
et en France, il y a une réglementation extrêmement stricte du
fonctionnement de la télévision, avec le régime du droit
d'auteur, avec des définitions des oeuvres, des quotas, des subventions
en fonction des catégories d'oeuvres. La
télé-réalité bouleverse cet ordonnancement. La
nature des engagements souscris par l'ensemble des participants à ce
contrat est tout à fait particulière car ils procèdent
d'une cessation assez large des droits de la personnalité des
différents candidats. Est-ce que les candidats participent à un
jeu, à un concours ? Sont-ils sous un lien de contrat de
travail ? Ont-ils un statut d'artiste interprète ? Toutes ces
questions posent des problèmes d'ordre juridiques. Il faut tout d'abord
préciser que les contrats sont signés avec la
société de production de l'émission et non par la
chaîne, même si elle a un fort droit de regard. La question
nouvelle qui se pose est celle des droits de la personnalité qui
sont par nature hors du commerce. Jusqu'à une période
récente, c'était principalement la vie privée des stars et
des vedettes qui suscitait l'intérêt ; d'où
l'exploitation commerciale qui en est faite, notamment dans les magazines
« people ». Ces personnalités monnayent
leur présence, leur image, leur vie privée auprès de la
presse, ou des médias. Elles veillent à protéger tout
particulièrement leur droit à l'image et poursuivent toute
utilisation non autorisée, en exigeant par voie juridique des dommages
et intérêts. Avec la télé-réalité, ce
sont des inconnus qui vont trouver une forme d'exploitation commerciale de leur
image. Lorsque l'on regarde l'histoire des
« reality-show » ( « Perdu de
vue », « Bas les masques » ou
encore « Strip tease »), on constate qu'aucune
rémunération n'était versée aux participants de ces
émissions. Avec l'arrivée en 2001 de Loft Story et de
Star Academy, on constate que les participants abandonnent, au travers
des contrats qu'ils signent, une large part de leurs droits de la
personnalité dans l'espoir de percevoir un gain mais surtout
d'acquérir rapidement et efficacement une vraie notoriété.
Cependant, les producteurs et les diffuseurs ont veillé à
restreindre les cessions très globales de droits de la
personnalité, en réduisant notamment la durée
d'exploitation des droits, mais aussi en demandant aux candidats des
autorisations supplémentaires chaque fois que des éléments
relevant de la vie privée des candidats étaient susceptibles
d'être exploités.
Mais nous pourrions envisager également le fait que
finalement ces participants ne font qu'interpréter un rôle au sein
de l'émission, en les assimilant à des personnages de sitcom. En
effet, dans tous les types d'émission de
télé-réalité, il est possible
d'énumérer différents types sociaux
représentés par les différents participants, les
différents personnages. Les producteurs ont compris que pour toucher un
large public, il fallait que chacun se reconnaisse dans le programme. Il est
alors aisé de s'identifier à un personnage qui présente
les mêmes caractéristiques sociales que nous, dans tous les cas,
il va au moins nous paraître sympathique. Ce marché se fonde donc
sur une logique de l'identification, et d'autant plus lorsqu'il s'agit de
mettre en scène des types sociaux plus ou moins marginalisés,
comme cela peut être le cas pour les gays et les lesbiennes. Ce sont dans
les médias que les repères, les éléments
constructeur de la personnalité se trouvent lorsque la vie quotidienne
n'en offre pas. La consommation d'images médiatiques va alors
s'effectuer selon le principe de la projection et de l'identification ;
mais pour que cela soit possible, il faut qu'il y ait un équilibre entre
réalisme et idéalisation20(*). Cette culture de masse va créer des images et
des modèles permettant la « réalisation de
soi », offrant des aspirations, fournissant des mythes. Elle est
à la fois facteur d'évasion à l'aide des images, et
facteur d'intégration à l'aide des modèles qu'elle
véhicule au grand public. Les personnages offerts aux
téléspectateurs deviennent des modèles de culture
c'est-à-dire des modèles de vie, surtout ceux qui ne sont pas
visibles facilement dans le quotidien réel des acteurs sociaux.
En ce sens, l'homosexualité est un exemple. Le 29
novembre 1973 aux alentours de 22 heures, la deuxième chaîne
présente une émission médicale intitulée
«L'homosexualité ». Le communiqué de
presse transmis par ses producteurs annonce « une étude
envisagée sous l'angle de la psychologie et de la
psychanalyse », c'est la première fois en France, et
pourtant aucun magazine de télévision n'y consacrera un article.
Les archives sur la presse télévisuelle montrent que les
chaînes de télévision ont gardé pendant des
décennies sur le sujet, un silence quasi absolu, entre tabou et
négation. Il faut attendre le 23 juin 1995 et la première
« Nuit gay »21(*) de Canal + pour que la télévision
se demande si les gays et les lesbiennes ont une place. Un
« coming-out » tardif qui prendra bientôt
presque la forme d'un paroxysme. Car, à partir de l'an 2000, entre
l'arrivée de séries comme « Queer as
folk »22(*)
sur Canal +, de magazines comme « Good as
you »23(*)
ou l'émergence de candidats gays dans les émissions de
télé-réalité, les gays et les lesbiennes prennent
part dans les écrans. L'arrivée de Pink TV, chaîne
thématique gay et lesbienne, à l'automne 2004 marque un tournant
dans l'épopée gay et lesbien à la
télévision. Une centaine d'articles, rien que dans la presse
spécialisée, salue l'arrivée de la chaîne. Il semble
désormais clair que la télévision française accorde
aux homosexuels une visibilité qu'elle leur avait longtemps
refusée, mais pour des motifs qui n'ont pas toujours quelque chose
à voir avec l'ouverture d'esprit. Certains parlent même parfois
de sollicitude ambiguë. Il y a eu d'abord, la volonté de faire
« tendance »,
« moderne » de la part de certaines chaînes
qui ont voulu redorer leur image. Si pour certains, cette nouvelle
multiplicité rime avec clichés, que l'on retrouve dans certains
programmes, elle rime également avec visibilité24(*).
Aujourd'hui, la starification de masse et les
émissions de télé-réalité ont
multiplié les facilités du « devenir
star ». La star a perdu de sa divinité au point de ne
plus faire la différence avec le public, les mortels25(*). Elle devient plus
présente et plus intime, elle est visible et accessible. Sa diffusion
massive est assurée par les grands multiplicateurs du monde moderne
comme la presse, la radio, la télévision et Internet. Cette
visibilité accrue permet alors l'identification qui peut
apparaître comme le vecteur de base d'une certaine reconnaissance et
d'une affirmation identitaire, homosexuelle dans notre cas. Variés, ses
espaces sont ceux du lien social et de la production culturelle :
fréquentation d'un quartier, engagement politique, adoption de pratiques
sexuelles, choix vestimentaires ou encore constitution d'un groupe de soutien
pour une candidate homosexuelle de la
télé-réalité...Cette hypothèse a
été démontrée durant l'analyse.
3. Quelle réception pour quel(s) public(s) :
éléments d'analyse
Il semblerait que l'étude d'un tel groupe s'inscrive
obligatoirement dans le domaine de la sociologie des publics, et de la
réception. La question des publics est difficile à
appréhender car ils représentent des sortes de
«communautés provisoires »26(*). Cependant, les
conceptions fonctionnalistes de P.Lazarsfeld et R.Merton27(*) et les analyses critiques des
industries culturelles de T.Adorno28(*) doivent sans doute être dépassés.
En effet, le public n'est pas qu'une masse passive, même si aujourd'hui,
les productions dites de « masse »
élaborées par des stratégies commerciales
amènent à penser les téléspectateurs
également en terme de « masse». La sociologie
des publics et de la réception peut donc s'envisager autrement que par
une approche inspirée de la psychologie du comportement ou par une
analyse économique des entreprises de productions des biens culturels.
L'explication par les déterminations sociales des
téléspectateurs doit être prise en compte mais doit
également être dépassée, tout du moins, dans cette
étude. En effet, l'affirmation identitaire deviendrait une explication
de la conduite des publics, or nos identités ne sont pas seulement
construites par notre origine sociale et nos moyens économiques29(*). Nous laissons de
côté ici la théorie de la légitimité
culturelle de P.Bourdieu.
Les Cultural Studies autour des travaux de S.Hall
dans un article30(*)
cherchent à démontrer que le public n'est plus une masse inactive
et qu'il participe au processus de production des informations. S.Hall montre
bien la différence entre la dénotation et la connotation du
message, et que c'est au niveau de la connotation que le public intervient. Le
téléspectateur peut avoir plusieurs manières
d'interpréter le message. Ce modèle sera très
utilisé pour interroger sociologiquement la conduite politique des
publics.
Les culturalistes se sont principalement
intéressés aux publics minoritaires et leurs rapports à la
majorité dominante, le public serait ici structuré par des
configurations culturelles. L'étude de cas de J.Bobo31(*) sur la réception du
film de Spielberg en 1985 « La couleur
pourpre » montre que la critique de gauche avait
dénoncé les stéréotypes utilisés par le film
pour décrire les personnages noirs. Mais le film a pourtant connu un
grand succès auprès des femmes noires. J.Bobo l'explique par
l'existence d'un contexte culturel nouveau, principalement entretenu par des
écrivains femmes et noires qui, depuis le début des années
60 n'ont plus voulu parler à un auditoire blanc mais se sont
adressées à leur propre communauté. Ainsi de nombreuses
femmes noires étaient prêtes à s'intéresser au
destin de personnages qui leur ressemblent. De plus, le film parlait des femmes
noires non comme objets mais comme sujets, et cela a permis d'équilibrer
son emploi massif de tous les clichés possibles à propos de la
population noire.
Ainsi, on peut comprendre comment certaines
compétences culturelles spécifiques pouvaient interférer
avec les statuts sociaux pour produire des modes de réceptions
particuliers. C'est pourquoi le féminisme s'est longuement
intéressé à la question des publics, d'une part en
repartant des travaux de la psychanalyse qui enferment le sexe faible dans une
position d'objet et en opérant une confrontation entre la
réalité sociale en matière de rapports de sexe et ce qui
se passe dans les films; et d'autre part en adoptant une ethnologie
féministe32(*) dont
le point de départ est la situation dévalorisée de la
femme dans les produits culturels et littéraires qui leur sont
destinés, ou du moins ceux dont les femmes sont les plus spectatrices
comme les soap opera ou les « romans
sentimentaux »33(*). Le constat est que ces ouvrages ou ces
feuilletons jouent le rôle d'une revendication implicite face aux
contraintes de la vie sociale. Le public des femmes apparaît en
quête d'une autre formule d'identité féminine, à
laquelle les stéréotypes véhiculés par ces vecteurs
servent à la fois de repoussoir et d'origine.
Les actes de réception ne sont pas accomplis dans un
désert culturel et social et, de plus, ils sont souvent très
indépendants de l'objet dont il y a réception. Ces actes peuvent
se concentrer, et cela va particulièrement nous intéresser, sur
la réception secondaire34(*), sur l'interaction. Cette approche constructiviste
des publics pense les usages de la télévision notamment autour
d'une forme particulière d'apprentissage social35(*) : ce serait la
dernière institution capable de nous apprendre à vivre dans notre
monde « transmoderne »36(*). La « fiction »
à laquelle la télévision se tient serait celle d'un public
à la fois universel et sensible aux différences ; les
programmes joueraient le rôle d'un espace public populaire où les
agents sociaux apprennent de nouvelles formes de citoyenneté. J.Hartley
donne l'exemple des femmes que la télévision a contribué
à rendre plus visibles dans l'espace social. On pourrait dire la
même chose pour la présence ostensible de l'homosexualité,
sur les plateaux, contribuant sans aucun doute à rendre moins aiguë
l'hostilité commune en la matière. De ce point de vue, le public
de la télévision, compris comme fiction constructrice, ne devrait
pas être analysé en terme de masse mais en terme de
différenciation.
Si, comme nous l'avons déjà montré, la
télévision et les images qu'elle renvoie permettent d'induire un
processus de construction identitaire, une certaine reconnaissance,
essentiellement pour les populations opprimées, ou du moins en manque de
repères dans l'espace social, elles définissent également
une représentation de l'homosexualité qui va se répercuter
sur tous les agents de la société et pas seulement sur les
homosexuels eux-mêmes. Ce constat pourrait être menacé
à long terme par la prévalence de chaîne
« ghettoisée » comme Pink TV,
comme le préconisent certains observateurs anglo-saxons.
En dernier lieu, il semblerait pertinent de
s'intéresser aux contextes à l'intérieur desquels les
oeuvres sont reçues37(*). Ainsi, ce serait dans la mesure où les
oeuvres ou les artistes touchent quelque chose de la vie des publics que
ceux-ci réagissent. Ce n'est pas seulement le statut de l'oeuvre qui
compte, c'est aussi son contenu : la façon dont ce dernier
éprouve les habitudes, les valeurs, les identités des publics
suscite la réception. J.Staiger propose donc une analyse de la relation
entre des objets et des communautés sociales et démontre comment,
dans un contexte donné, les acteurs sociaux se réapproprient les
enjeux d'une oeuvre. Ce dernier point pourrait être très utile
afin d'expliquer certains de nos constats empiriques sur l'usage du coming-out
de certaines célébrités. Ainsi nous pourrions nous
demander si certains regroupements, comme celui auquel nous avons
confronté nos hypothèses peut tenir lieu de mouvement de soutien
envers une certaine minorité sociale pouvant se reconnaître dans
une oeuvre ou une artiste. Ce mouvement pourrait constituer un constructeur de
notoriété et de sociabilité
télévisuelle38(*), suite à la diffusion des émissions
Star Academy.
En effet, D.Pasquier a montré que la
télévision est l'objet d'échanges dans une multitude de
communautés sociales comme la famille, l'école, le lieu de
travail, le voisinage, les lieux de loisirs ou de vacances. A travers son
étude sur la série « Hélène et
les garçons », elle constate que dans la
sociabilité juvénile, ce marché des interactions est
particulièrement actif. D'après ses questionnaires, 61% des
répondants disent discuter des séries pour adolescents avec leurs
amis et d'autres enquêtes indiquent que la télévision vient
en tête des sujets de conversation à l'école. Elle est
aussi, comme elle le montre, l'objet de nombreuses pratiques collectives. Elle
évoque notamment les échanges d'images représentant les
personnages de la série. Le groupe des pairs pourrait donc avoir une
certaine influence sur les comportements de chacun par rapport à
l'expérience télévisuelle. Des travaux montrent que la
pression du groupe des pairs agit à la fois sur les choix des
consommateurs et sur les interprétations. Ainsi, il faut toujours se
tenir au courant de ce qui risque d'intéresser les autres, pour pouvoir
interagir et discuter sur le sujet. D.Mehl a montré aussi comment les
jeunes faisaient usage du magnétoscope. Ils enregistrent des films de
cinéma dont ils ont plutôt un usage individuel et patrimonial,
mais ils regardent toujours en direct les émissions dont ils savent
qu'ils auront à parler avec leurs amis39(*).
La relation à la télévision est une
expérience socialement normée et organisée. Les positions
de chacun affichées sur la scène sociale ont pour but d'organiser
une expérience sociale commune qui se construit dans le cadre des
interactions avec autrui. La culture de masse s'impose de manière peut
être encore plus brutale chez les jeunes et la pression du groupe sur les
choix individuels est forte. La télévision mais aussi, comme nous
le verrons plus loin les nouveaux moyens de communication comme Internet sont
des supports de l'affirmation des identités. Ce sont des formes
culturelles communes qui suscitent des discussions et tracent les contours des
réseaux sociaux : « Ces échanges permettent de
parler de soi sous couvert d'un personnage du petit écran, d'affirmer
des préférences physiques ou de porter des jugements moraux. Ils
permettent aussi d'évaluer ce que d'autres pensent sur le même
sujet. Les programmes de télévision sont des supports
particulièrement utiles pour exprimer les identités
personnelles » 40(*).
II ) L'AFFIRMATION ET LA RECONNAISSANCE IDENTITAIRE
A TRAVERS DES MODELE MEDIATISES
Les différentes formes de sociabilités et la
recherche de modèles que nous avons évoquée, sont des
expériences socialisantes qui permettent la construction de
l'identité sexuée41(*), puis sexuelle. Le sexe devient une affaire de choix
personnel au sein de sociétés réflexives où les
identités sont successives, plurielles et flexibles42(*). Nous nous intéressons
plus particulièrement aux jeunes, puisque la jeunesse est un des
pôles fondamentaux dans le processus de construction identitaire.
L'adolescence a pour enjeux aujourd'hui la sexualité soumis à la
dépendance matérielle de la famille et de l'école. Ainsi,
la construction d'une autonomie et d'une identité à l'adolescence
repose largement sur la constitution d'une sphère privée, par la
mise en place de relations échappant aux institutions familiales et
scolaires43(*). Le groupe
des pairs est un vecteur important dans ce processus. Il s'apparente à
un collectif dans lequel les individus puiseraient leurs ressources, des
enquêtes ayant montré la place considérable de la
sociabilité amicale dans la vie des jeunes44(*). Il correspond à un
foyer identitaire45(*). La
socialisation entre pairs permet à l'individu d'intérioriser, de
concrétiser et d'exprimer les changements identitaires qui
l'affectent. Cependant, le groupe se pose aussi comme lieu de
contrôle et de régulation sociale pouvant entraîner des
sanctions symboliques46(*), notamment dans le cadre d'une socialisation
divergente de celle de la majorité. Il pourra s'agir dans ce cas, dans
notre étude, de la découverte de l'homosexualité chez les
jeunes, qui se trouvent alors en décalage avec leurs pairs. Le
degré d'appropriation intérieur d'un monde va alors être
fonction du degré de leur identification aux autres et de leurs
modèles de projection. La sexualité résulte d'une
construction sociale importante où les influences des
représentations littéraires, médiatiques et artistiques
ont un rôle considérable47(*). Les individus, ici plus précisément
les adolescents, ont besoin d'un apprentissage social et culturel concernant la
sexualité ; d'autant plus qu'aujourd'hui la procréation
n'est plus au centre des discours. La sexualité apparaît
désormais comme une expérience personnelle, fondamentale dans la
construction du sujet, au sein de la sphère de l'intimité et de
l'affectivité entraînant un certain paradoxe :
« la visibilité et la relative acceptation sociale
d'orientations sexuelles alternatives ont permis de redéfinir à
l'époque contemporaine, l'horizon de l'expérience sexuelle pour
tous les individus, même si paradoxalement cette extériorisation
semble pourtant aller à rebours du processus historique de privatisation
et de cantonnement des manifestations sexuelles ordinaires à
l'intimité »48(*).
Dans cette partie, nous allons tenter de lier le processus de
construction identitaire à celui de socialisation et aux formes de
reconnaissance. En effet, chaque sujet humain est fondamentalement
dépendant du contexte de l'échange social organisé selon
les principes normatifs de la reconnaissance réciproque. La disparition
de ces relations de reconnaissance peut déboucher sur des
expériences de mépris et d'humiliation qui ne sont pas sans
conséquence pour la formation de l'identité de
l'individu49(*).
1. De la construction identitaire à une
« politique des
identités »50(*)
Avant de commencer cette partie, il convient de noter que nous
ne défendons pas l'existence essentialiste d'une identité gay ou
lesbienne51(*).
L'identité est appréhendée comme une construction sociale,
elle est soumise aux changements, elle fait partie d'un processus.
Le mot « identité » vient
du latin « idem » (le même) désigne
ce dans quoi nous nous reconnaissons et dans quoi les autres nous
reconnaissent. L'identité est toujours attachée à des
signes par lesquels elle s'affiche, de sorte qu'elle est à la fois
affirmation d'une ressemblance entre les membres du groupe identitaire et d'une
différence avec « les autres ». Autrement
dit, l'identité se situe au point de rencontre entre la connaissance de
soi par soi-même et par autrui52(*). Cette conception peut s'analyser par la notion de
soi en miroir (looking glass self), encore appelé soi
réfléchi, indiquant ainsi que le soi est enraciné dans
l'image renvoyée par les autres53(*). L'autre est en quelque sorte un miroir social qui
permet à l'individu de se connaître, de s'évaluer, de
s'éprouver et de se reconnaître.
Ce que nous pensons de nous-mêmes, la façon dont
nous nous percevons, dont nous nous définissons, dont nous nous
cataloguons ou évaluons qui nous sommes, et dont nous le prenons en
compte pour agir, dépend des autres que nous avons rencontrés ou
que nous rencontrons quotidiennement. L'interaction contribue à la
conscience de soi et d'autrui à travers l'apprentissage, la prise et
l'exécution de rôles. La notion de rôle54(*) est une notion qui a
été souvent proposée pour expliquer de manière
générale la socialisation de l'individu en société.
La notion d'interaction permet d'actualiser, de concrétiser, et d'une
certaine manière, d'opérationnaliser cette médiation entre
l'individu et la société dans la mesure où celle-ci se
passe entre individus en présence l'un de l'autre. Celle-ci peut
être utilisée pour expliquer la formation de soi lors de la
socialisation primaire, secondaire, ou la présentation de soi par la
prise de rôles en situations publiques.
La socialisation participe donc pleinement au processus de
construction de l'identité sociale. L'identité se
caractérise par la dualité entre une image pour soi et une image
pour autrui, par la nécessaire continuité dans le
changement : « entre la nécessité de
sauvegarder une part de ses identifications antérieures
(identités héritées) et le désir de se construire
de nouvelles identités (identités
visées) »55(*). Chacun construit son soi réel à partir
des identités héritées, attribuées et
visées. Cependant les débuts de la quête identitaire
trouvent des ressources d'identification collective provenant de ce qu'il reste
des structures communautaires. Lorsque l'individu effectue une rupture avec sa
socialisation identitaire primaire, il doit se détacher de certaines
valeurs et croyances pour en adopter d'autres, celles de
« l'identité visée », et pour se
faire, il va s'appuyer sur ce que la société lui propose. Dans le
cadre de notre étude, il peut se référer à une
sorte de « communauté sexuellement
marginalisée » ou à une « influence
minoritaire »56(*) comprenant certaines représentations
d'elle-même, mais aussi comme nous l'avons vu, aux représentations
de l'homosexualité dans l'opinion publique véhiculées par
les médias de masse.
C.Dubar montre qu'il existe deux formes de construction
identitaire57(*) :
les formes communautaires qui supposent la croyance dans l'existence
« de groupements appelés communautés
considérés comme des systèmes de places et de noms
préassignés aux individus et se reproduisant à
l'identique à travers les générations »,
c'est la manière d'identifier les individus à partir du groupe
auquel ils appartiennent, qui persistent encore aujourd'hui ; et les
formes sociétaires qui supposent l'existence de
« collectifs multiples, variables, éphémères
auxquels les individus adhérent pour des périodes limitées
et qui leur fournissent des ressources d'identification qu'ils gèrent de
manière diverse et provisoire », c'est le primat du sujet
individuel sur les appartenances collectives et de la primauté de
l'identification pour soi sur les identifications pour
autrui. Dans cette deuxième conception, il n'y a pas d'opposition
entre identité individuelle et collective car toute identification
individuelle fait appel à des mots, des catégories de
référence socialement identifiables. De plus, comme nous pourrons
le voir en ce qui concerne les fans, l'identification collective est un
instrument de confirmation réciproque d'un sens particulier de la vie.
J.C.Kaufmann donne l'exemple des anciens combattants qui doivent se
reconnaître mutuellement comme tels pour exister individuellement en tant
que tel58(*),
c'est-à-dire que l'individu peine à se définir sans
appartenance. C'est en ce sens qu'il faut comprendre la vertu identitaire des
mouvements sociaux. Ainsi, leur multiplication supposerait un besoin croissant
de connaissance de l'identité, cette nécessité serait
provoquée par la modernité individualiste, qui paradoxalement
supposerait également l'importance des identités collectives.
De plus en plus, l'individu tend à vouloir faire
apparaître et reconnaître dans la sphère publique ce qui
fait parti de la sphère privée, selon des critères
subjectifs plus qu'objectifs. Citons ici la logique du
« coming-out » : c'est lorsque le dedans (in)
se manifeste au dehors (out), comme une naissance, une nouvelle
socialisation59(*). De
même, la revendication des unions de même sexe aboutit à la
reconnaissance publique des formes d'organisation de la vie
privée60(*).
Nous l'avons vu, l'intimité et par conséquent la
sexualité sont de plus en plus évoquées et mises en
scène sur les écrans de télévision, mais encore
davantage avec l'avènement des nouveaux médias comme Internet. A
partir des années 60, la politisation de l'intimité et de la
sexualité a été mise à l'ordre du jour. Il
s'agissait alors de faire débattre publiquement de questions
jusque-là dissimulées dans le non-dit du fonctionnement de la
famille patriarcale61(*).
Les mouvements féministes ont largement contribuées à ces
changements contemporains. L'émergence de l'homosexualité dans la
sphère publique est inscrite dans ce mouvement et a eu des
conséquences sur la vie sexuelle en général62(*). La popularisation du terme
« gay » par lequel les homosexuels se
désignent a été interprété comme l'indice de
la place grandissante de la subjectivité dans le processus identitaire.
Ainsi ce processus réflexif permet « à un
phénomène social donné de faire l'objet d'une
appropriation et d'une transformation grâce à un engagement
collectif ». Cela a contribué à donner un autre
visage à l'homosexualité, jusque là
considérée comme une perversion au sens psychiatrique du terme.
La divulgation d'expériences vécues jusque-là
clandestinement a un double sens politique : favoriser une prise de
conscience et une croissance du mouvement, lutter contre les multiples
discriminations dont souffrent les homosexuels. Ainsi, « sortir
du placard », c'est-à-dire, dire publiquement son
homosexualité est devenue à la fois un rite de passage personnel
et un acte politique. Cela a permis également de suggérer que la
sexualité constitue une qualité ou une propriété
appartenant en propre au soi. Un individu a donc une sexualité,
homosexuelle ou non, pouvant être
« appréhendée, interrogée et
développée sur le mode réflexif ». Il n'y
aurait pas d'état naturel de la sexualité humaine ; nos
expériences sexuelles sont construites comme des scripts
c'est-à-dire apprises, codifiées, inscrites dans la conscience et
élaborées comme des récits63(*). La sexualité est donc
scénarisée et devient un élément central de
l'identité. Elle tient le rôle de jonction entre le corps,
l'identité personnelle et les normes sociales. C'est pourquoi, elle
apparaît également sur le devant de la scène en
matière de reconnaissance. L'univers des affects, des sensations et des
émotions est central dans le processus identitaire. Les instruments de
l'invention identitaire sont les images et les émotions64(*). Ce dernier point sera plus
amplement développé plus loin.
Aujourd'hui, le phénomène
d' « androgynéisation sociale65(*) », la relative
banalisation de l'homosexualité du fait d'une relative plus grande
visibilité, du développement d'un sentiment d'appartenance
à un groupe social et l'influence des médias amènent
à repenser la construction identitaire homosexuelle. Il y
aurait donc, ces dernières années et pour certaines
catégories sociales, un passage d'une identité assujettie
à une identité réinventée et choisie66(*), avec notamment le
développement et l'accroissement des études gays et lesbiennes
sous différentes formes (films, oeuvres, études,
conférences...) et diffusées essentiellement à
l'intérieur de ce qui est communément appelée la
communauté homosexuelle. Ce savoir alimente la quête
d'une identité collective à travers la redécouverte de ses
racines et la création de représentations positives de
l'homosexualité67(*). Mais cela n'a pas toujours été le cas.
En effet, les lesbiennes, comme tout groupe minoritaire dans une structure
sociale et discursive modelée par les dominants, s'affirment et se
nomment à la fois dans et contre ce cadre conceptuel et ces
systèmes de représentations. Soit niées et
invisibilisées, soit assignées à une catégorie
marginalisée et stigmatisée, elles vivent, et expriment plus ou
moins explicitement, une contradiction entre cette inscription dans les
structures de catégorisation et d'étiquetage produites par les
dominants, et la contestation de ces structures oppressives68(*). De ce fait, le mouvement
social que peut créer un tel phénomène peut être
considéré comme intégrant le processus de construction
identitaire des individus minoritaires. La dimension identitaire est encore
plus forte si le groupe se heurte à une stigmatisation de la part de la
société globale et cela peut donner lieu à certaines
stratégies s'accompagnant pour la reconnaissance d'une
identité.
Trois moments caractérisent une stratégie de
mobilisation identitaire69(*). Dans un premier temps, l'existence préalable
d'une situation d'exclusion : une qualité particulière
(raciale, sexuelle, culturelle ou comportementale) place son détenteur
en situation de marginalité, et peut dans certains cas le priver de
certains droits et privilèges. Cette situation d'exclusion s'appuie sur
la construction d'une identité marginale, imposée aux exclus et
socialement ressentie comme honteuse. Dans un deuxième temps, la mise en
oeuvre d'une stratégie communautaire : elle vise à
consolider le groupe minoritaire qui rassemble les exclus et à
revendiquer le plein usage des « droits
spoliés » (droits entendus au sens large du terme et pas
seulement au sens juridique). Cette stratégie s'accompagne d'un combat
culturel destiné à valoriser l'identité à l'origine
de l'exclusion, à donner un contenu positif à cette
spécificité. L'auto-définition et
l'auto-représentation d'un groupe sont précisément l'enjeu
de sa mobilisation. Cette mobilisation s'accompagne d'une pratique politique
spécifique, qui a pour but de contester le caractère
prétendument neutre de l'espace public, en rendant visible la
différence, en rendant visible une identité culturelle
ordinairement occultée : c'est la démarche de
visibilité. Dans un troisième temps, les succès de cette
mobilisation rendent possible une problématisation de cette
identité marginale. En effet, l'homosexualité entre aujourd'hui
dans les débats sur la famille et le mariage.
Mais cette notion de « politique des
identités » est inséparable de la notion de
connaissance et de reconnaissance : vouloir se définir,
s'identifier, c'est aussi vouloir se catégoriser par rapport à un
autre semblable ou différent. L'activité de nommer apparaît
comme le premier rapport à l'autre -l'autre au sens de celui qui n'est
pas nous, et l'activité de connaissance et de reconnaissance
entérine au sein des majorités l'existence de groupes
réels, elle est la manifestation de l'accès à la
conscience majoritaire d'un certain nombre de faits sociaux70(*). D'une certaine façon,
le moi n'est personne sans les autres (y compris sous forme virtuelle comme
nous le verrons plus après), il n'est rien sans les univers de
signification dans lesquels il s'inscrit71(*). Chaque majoritaire et chaque minoritaire se
définit dans l'ensemble social par rapport au « je
imaginaire », l'un par contiguïté, l'autre par
opposition. Les minoritaires doivent jouer sur deux registres : le moi que
le majoritaire leur signifie qu'ils sont et le moi qu'ils se sentent être
et dont ils sont séparés par l'impératif majoritaire.
2. Les principes de la reconnaissance
La lutte pour la reconnaissance est devenue la forme
paradigmatique du conflit politique à la fin du 20ème
siècle. Les revendications de « reconnaissance de la
différence » alimentent les luttes de groupes
mobilisés sous la bannière de la nationalité, de
l'ethnicité, de la « race », du genre ou de
la sexualité72(*).
L'identité collective remplace selon certains auteurs, les
intérêts de classe. Dans ces nouveaux conflits comme lieu de
mobilisation politique, l'injustice fondamentale ressentie n'est plus
l'exploitation mais la domination culturelle. La demande de reconnaissance
submerge la société73(*).
La reconnaissance peut être vue en terme de justice ou
en terme de réalisation de soi. L'analyse en terme de justice sociale
nous intéresse peu ici, puisqu'il est évident que, malgré
les évolutions, la parité de participation à l'interaction
sociale n'est pas respectée à ce jour, que toutes les
sexualités ne sont pas légitimées de la même
façon. Les obstacles que certaines personnes peuvent rencontrer sont
institués, et peuvent entraver la recherche d'estime de soi, de
réalisation de soi. Les institutions produisent et expriment les
rapports de reconnaissance. Ce sont les subjectivités qui adressent des
demandes de reconnaissance aux institutions. Les institutions, au sens le plus
large du terme, produisent trois types d'effets de reconnaissance sur les
individus74(*), et par
conséquent trois types de contre-effets. Elles influent sur les
comportements en tant qu'instance de coordination des actions par des
règles. Le risque est que les qualifications de l'agent et de ses
partenaires d'action par les règles de l'interaction produisent des
effets de reconnaissance mais aussi de déni de reconnaissance, c'est ce
qu'on appelle la reconnaissance dépréciative qui peut prendre la
forme d'une infériorité, une disqualification ou encore une
stigmatisation. Les institutions produisent également une configuration
spécifique des attentes des individus et des effets de mobilisation de
la subjectivité, c'est le concept d'interpellation75(*). Cependant dans les
institutions qui n'offrent de reconnaissance qu'aux individus
s'efforçant de coller le plus possible à un rôle social
déterminé, le déni de reconnaissance prend la forme de la
méconnaissance et de l'invisibilité. Enfin, en tant qu'espaces
sociaux spécifiques régis par des principes normatifs
particuliers, elles constituent des lieux de socialisation et de production de
l'identité, elles sont donc des lieux de subjectivation identitaire. Le
déni de reconnaissance produit par cet effet sera une reconnaissance
insatisfaisante par une incompatibilité où les institutions
interdisent aux individus de s'identifier totalement aux différents
rôles dans lesquels ils tentent de se faire reconnaître par la
société.
Nous postulons bien ici que le terme de reconnaissance est
lié avec celui de l'identité : « c'est dans
mon identité authentique que je souhaite être
reconnu »76(*). C'est une tendance à la reconnaissance
réciproque qui habite l'interaction sociale : autrui est
institué au sein d'une activité qui me permet en retour d'exister
comme sujet. Il est celui que je dois reconnaître comme sujet en
même temps qu'il me reconnaît comme tel. C'est ce que A.Honneth
nomme la reconnaissance intersubjective77(*). Le filtre identitaire est une grille de traitement
de l'information, préparant l'action. Cette grille prend souvent la
forme d'images régulées par des affects, il y aurait donc une
amplification de la composante émotionnelle dans la construction de
soi ; mais le plus important est la recherche de reconnaissance et
d'estime de soi. Nous voulons toujours nous montrer à autrui de
manière positive, l'essentiel étant de « sauver la
face »78(*), nous nous arrangeons par de profondes
reformulations identitaires. Ainsi la construction de l'identité
personnelle peut être analysée comme une vaste transaction entre
soi et autrui79(*). Dans
le cas d'une identité marginalisée, il est assez difficile de se
défaire de l'effet d'étiquetage stigmatisant de la morale
dominante80(*), de
« l'identité attribuée ».
Empêtrés dans cette image imposée de l'extérieur et
meurtrissant l'estime de soi, les marginaux n'ont comme solution que le repli
dans l'invisibilité protectrice, l'échappée dans des
passions ordinaires, l'usage de divers substituts palliant artificiellement les
carences de « l'individu par défaut »81(*)ou la reconstitution de
l'estime de soi par le renversement du stigmate82(*) et comme nous l'avons vu précédemment
par la création d'images positives, notamment par le biais des
médias, et aussi par la constitution d'un groupe, d'une
communauté de tout ordre que ce soit, que ce soit le mouvement gay et
lesbien ou à un niveau moins politique et de moindre envergure, le
fan-club qui nous intéresse dans cette étude.
Les lesbiennes comme les homosexuels sont donc une
minorité. Ce constat renvoie à une distinction fondamentale dans
l'histoire du mouvement gay et lesbien en général, celle qui
sépare les «assimiliationnistes » et les
« séparatistes » respectivement
« stigmaphobes » et
« stigmaphiles 83(*)». Le premier consiste à
rejoindre la majorité, c'est-à-dire à dissimuler son
homosexualité pour se fondre dans la normalité, il prône un
abandon de la lutte, dénonce le ghetto, accepte le statut de
dominé et l'incorpore sous forme de discrétion. Le
deuxième courant cherche à faire de la
« différence », un point de départ
et d'ancrage d'une politique de la différence, en revendiquant
la rupture instituée par le stigmate, et en insistant
systématiquement sur tout ce qui distingue les homosexuels des
« normaux ». Ainsi la minorité ne peut se
libérer qu'en construisant des espaces, des zones autonomes de
liberté, quitte à former des alliances stratégiques et
provisoires avec d'autres catégories dominées, notamment les
féministes. Cependant, qu'il s'agisse de se conformer aux normes ou de
construire des sous-mondes alternatifs, chacun à sa manière
considère comme immuable le principe de la domination
hétérosexiste, reconnaissant en ne les contestant pas les
principes de division et de hiérarchisation qui sont à l'origine
de l'oppression. Ici, on s'inscrit dans une perspective déterministe
où l'on pourrait s'autoriser à employer le terme de P.Bourdieu et
parler d'un habitus gay ou lesbien.
Historiquement, la minorité est
devenue le référent des groupes dominés qui cherchent
à réclamer leurs droits et à resignifier les
catégories initialement destinées à les assujettir. On
trouve au sein même d'une minorité, des divergences allant d'un
extrême à l'autre. Par exemple, même si le mouvement lesbien
était très proche voire corollaire au mouvement des femmes, le
lesbianisme dit radical diverge du féminisme dit radical. Il
considère le lesbianisme non comme une simple pratique sexuelle mais
comme une résistance, consciente ou non, à l'ordre social et
politique instauré contre les femmes :
l'hétérosocialité, dont le pivot est
l'hétérosexualité, ce lien total de la femme à
l'homme, lien pensé comme naturel et immuable. Dans les pays
francophones, la théorie du lesbianisme radical a puisé certains
concepts dans le « féminisme
matérialiste », notamment celui de l'appropriation
collective et privée de la classe des femmes par la classe des
hommes84(*) : le
« sexage ». Le lesbianisme radical s'appuie en
outre sur le lesbianisme matérialiste de Monique Wittig85(*). Se distinguant des
thèses du féminisme, cette dernière entend montrer en quoi
« le sujet désigné (lesbienne) n'est pas
une femme, ni économiquement, ni politiquement, ni
idéologiquement » car, bien que subissant les effets de
l'appropriation collective des femmes (salaires inférieurs, viol,
agressions...) les lesbiennes échappent à l'appropriation
privée par un homme. L'objectif du lesbianisme radical, contrairement
à un courant séparatiste, qui mise sur la création d'une
contre-culture fondée sur la supériorité des valeurs
féminines, est de supprimer la bi-catégorisation sexuée,
analysée comme construite et non naturelle.
Nous évoquons dans cette étude une
reconnaissance essentiellement dans le but d'une construction identitaire et
par conséquent une reconnaissance pour la confiance en soi, le respect
et l'estime de soi, qui apparaît comme la traduction subjective du
mécanisme de reconnaissance. Mais en évitant de tomber dans la
psychologisation de la réalisation de soi, il faut rappeler que les
individus exigent aussi que la reconnaissance d'une valeur soit définie
par des identités déjà constituées, produites par
et dans les institutions. L'identité mise en mouvement politique serait
ce qui se joue d'essentiel dans la lutte pour la reconnaissance à valeur
émancipatrice. La thèse du primat social des identités
collectives permet ainsi de recadrer la portée politique de la
théorie de la reconnaissance86(*).
Ainsi, un regroupement tel que celui que nous nous sommes
proposés d'étudier, celui des fans d'Anne-Laure mobilise la
reconnaissance pour soi, c'est-à-dire une identification individuelle
qui passe par un modèle médiatique favorisant du même coup
l'émergence d'une solidarité collective, d'une reconnaissance
pour autrui d'un certain mouvement, pas forcément revendicatif, pas
forcément conscient, à travers le développement sur
Internet d'un certain réseau de fan. Le passage de la construction
identitaire individuelle à travers un modèle où chacune
peut se reconnaître dans cette image médiatique qu'Anne-Laure
donne des lesbiennes aujourd'hui, à la construction collective en faveur
peut être d'une reconnaissance d'un certain
« mouvement lesbien » se fait, dans ce
cas, par la constitution du groupe de fans.
Les lesbiennes mènent donc un combat avant tout pour
lutter contre leur invisibilité et obtenir la reconnaissance, sans que
l'on les assimile au mouvement gay. Sortir de l'invisibilité c'est
accéder aux médias de masse, et plus particulièrement
à la télévision ; et y accéder de
manière « naturelle ». La figure de la
lesbienne prend lentement place dans un paysage audiovisuel français.
Elle est en tout cas plus rare - ou plus discrète - que la figure de
l'homosexuel. Le concept négatif d'invisibilité s'oppose au
concept positif de visibilité. La visibilité physique implique
une forme élémentaire
d' « identifiabilité » individuelle ou
collective et, en conséquence, représente une première
forme primitive de ce que nous appelons
« connaître »87(*). Rendre visible une personne va au-delà
de l'acte cognitif de l'identification individuelle ou collective, c'est parce
que nous possédons une connaissance commune des formes positives
d'expression que nous pouvons voir dans leur absence une marque
d'invisibilité. Autrement dit, la connaissance est un acte cognitif non
public et la reconnaissance dépend des moyens de communication qui
expriment le fait que l'autre personne est sensée posséder une
« valeur » sociale. Nous attendons
réciproquement les uns des autres une signification des formes
d'expression afin de devenir visibles les uns pour les autres, nous attendons
de recevoir une confirmation sociale. Ces formes d'expression accordent
à l'individu une approbation sociale ou le fait qu'elle possède
une légitimité sociale.
Anne-laure, on l'a vu, représente une minorité.
Les minorités cherchent à faire promouvoir leur reconnaissance.
Star Academy, en tant que programme télévisuel
représentant jusqu'à 56,2% de part d'audience88(*) semble être une aubaine
remarquable pour une minorité si peu évoquée. Même
si le modèle est formaté, labellisé, et qu'il porte le
sceau d'un produit dérivé, il n'en reste pas moins
convoité par les populations concernées. C'est le terrain
même de cette étude.
Ainsi de la même façon que les adolescentes,
cibles privilégiées de ce genre de programme et de tous les
produits dérivés qui vont avec, vont vouloir s'identifier en
apparence à leur star favorite, les fans d'Anne-Laure, majoritairement
lesbiennes, vont chercher et voir en elle, un symbole, un modèle de
reconnaissance, notamment au niveau du look, de la mode vestimentaire. Les
magazines pour adolescentes insistent beaucoup sur ce créneau de la
ressemblance. On peut lire des conseils pour permettre aux jeunes filles de
s'identifier ; par exemple : habille-toi comme Lorie,
maquille-toi comme Christina Aguilera, adopte le look d'Avril Lavigne,
sois sexy comme Britney Spears...Pourtant jouer avec son image a parfois
été un moyen de faire passer un message ou de signifier son
appartenance à un style de vie. Anne-Laure en adoptant le style
sportwear a immédiatement fait la différence avec ses autres
camarades féminines du château. Ce facteur vestimentaire pourrait
être un point de départ dans l'éveil de la curiosité
des téléspectatrices lesbiennes, même s'il n'est juste de
définir la sexualité d'une personne uniquement sur des
critères d'apparence.
L'identification est donc un vecteur incontournable de la
reconnaissance et de l'affirmation identitaire sexuelle.
3. La politisation de la reconnaissance ou la
réappropriation des enjeux d'une oeuvre autour d'un fan-club
La présence ou l'absence des homosexuels à la
télévision n'est désormais plus ni un problème, ni
un sujet de débat. Au contraire l'année 2002 constitue une sorte
de tournant dans le cadre de la télé
réalité : le mois de juin voit en effet la
consécration de Thomas, lauréat de Loft Story 2,
sur M6, qui présente la particularité d'avoir fait son coming-out
en direct. Pour les observateurs gays, cette révélation est une
demi-surprise. Mais pour le téléspectateur lambda, que l'on
imagine toujours choqué, stupéfait, voire ricanant, l'affaire
passe sans aucun scandale. Le même constat s'est opéré lors
de la sortie du placard d'Anne-Laure, candidate de Star Academy 2 sur
TF1, prétendument censurée par la production, qui, dans les
faits, semble avoir savamment orchestré les fuites. Ce fait est
relativement rare. L'homosexualité à la télévision
est majoritairement masculine, jusque dans les années 80, à
l'exception des apparitions de la célèbre Elula Perrin, reine des
nuits lesbiennes parisiennes. Aujourd'hui, on a pu trouver quelques rares
émissions consacrées aux seules lesbiennes ; elles sont la
plupart du temps mise en images avec les gays, pour qu'au final on ne les
montre pas à l'écran. Cette année, Canal plus a
consacré sa « nuit gay et lesbienne »,
à l'homosexualité féminine pour la première fois.
Enfin, sans parler du cinéma, la fiction francophone a
évoqué le sujet de l'homoparentalité dans des couples de
femmes.
Autant dire que les lesbiennes sont
très peu représentées en France à l'écran.
Le cas d'Anne-laure qui sera étudié ici va permettre de
comprendre comment la télévision peut fabriquer des personnages,
peut mettre en avant certains types sociaux, comment elle organise finalement
l'adhésion voire l'identification du public. Par la suite, les autres
médias récupèrent un certain nombre
d'éléments qui vont être largement répandus.
Après l'annonce de son homosexualité, Anne-Laure a
été hissée au rang d'icône lesbienne sans
véritablement l'avoir souhaité. Ce terme d'icône renvoie
à, ce que nous avons pu constater lors de l'élaboration du
travail de maîtrise sur la construction sociale de la culture gay et
lesbienne. Il permet de rattacher certaines personnalités à un
certain public qui va les mettre en avant dans leur propre
« culture » pour différentes raisons. Sur
ce point, les gays et les lesbiennes ont des attitudes différentes. Pour
les gays, il s'agit généralement des divas qui sont le symbole
même de la femme idéale et inaccessible. On parle bien ici de
symbole, elles n'ont, la plupart du temps, pas de rapport direct avec
l'homosexualité89(*). Ce que nous venons d'énoncer ici sont des a
priori, des stéréotypes, qui peuvent se vérifier dans une
certaine réalité mais qui surtout se perpétuent à
travers les médias qu'ils soient gays ou non90(*). Cet engouement n'a pas son
équivalent chez les lesbiennes. Toujours d'après notre travail
précédent et les entretiens que nous avons réalisé,
les lesbiennes semblent s'intéresser à une personnalité
publique du fait de son homosexualité (Amélie Mauresmo, KD Lang,
Anne-Laure) ou de son ambiguïté sexuelle (Sharleen Spiteri,
chanteuse du groupe Texas). Les gays s'intéressent finalement peu aux
personnalités gays actuelles. Les lesbiennes seraient plus dans la
recherche d'une reconnaissance, d'une valorisation de leur minorité. En
effet, elles accumulent une double discrimination portée sur leur genre
et sur leur sexualité. La lesbophobie porte en effet sur la
discrimination sexuée et sexuelle. Elle combine
généralement homophobie et sexisme, même s'il n'est pas
encore possible d'en trouver une définition dans les dictionnaires tant
son usage est récent, ce qui justifie peut être une certaine
indifférence à cet égard. Elle est moins manifeste que
l'homophobie à proprement parler mais elle existe91(*).
Nous l'avons vu la télévision, même si
elle tend à choisir de banaliser l'homosexualité, elle le fait
toujours en fonction des schèmes déjà incorporés
par le téléspectateur, ou encore en prenant garde de ne pas
être trop décalée par rapport à la norme en vigueur.
A une heure de grande écoute et pour des émissions aussi suivies
que Star Academy ou Loft Story, il s'agit de montrer
une image de l'homosexualité bien lisse, dans la même
lignée que les différents documentaires qui affichaient des
couples presque « normaux » durant les
débats du PACS et ceux de l'homoparentalité. Bien sûr, il
ne s'agit pas de dire ici que les gays ou les lesbiennes doivent
forcément être des marginaux. Mais les productions vont avoir
tendance à dédramatiser et utiliser l'enjeu du coming-out
à des fins commerciales, tout en restant dans le
« politiquement correct ». A aucun moment dans
Star Academy il n'a été prononcé le mot
homosexualité ou lesbienne. Mais le public averti ne s'y trompe pas et
Anne-Laure est tout de suite étiquetée par le biais des
médias. Nous verrons que l'homosexualité sans être mise en
avant peut être un des vecteurs poussant ses fans à se regrouper
à travers un nouveau moyen de se reconnaître et peut être se
faire reconnaître.
Le dernier siècle a progressivement assisté
à l'avènement de l'individu. Il s'agit pour chacun aujourd'hui de
faire de sa vie un récit. La mise en scène du
« soi » et la construction sociale de
l'identité personnelle constituent l'une des composantes majeures des
pratiques et des représentations des individus. Cette mise en
scène revient souvent dans les recherches contemporaines qui rappellent
que l'image et l'estime de soi, les identités communautaires ou
politiques s'élaborent dans des interactions entre les individus, les
groupes et leurs idéologies. Nous laisserons de côté le
processus de construction identitaire individuelle, qui nous semble plus
relever de la psychologie, pour nous intéresser plus
généralement à la construction sociale de
l'identité. Les interactions sociales sont au centre du processus actuel
de recherche sur l'identité car les sociétés
contemporaines se caractérisent par la multiplicité toujours
accrue de groupes d'appartenance, réels ou symboliques, auxquels sont
affiliés les individus92(*). Le groupe fonctionne comme catalyseur
privilégié de l'identification personnelle. En effet, la
conscience de soi n'est pas une simple production individuelle. Elle
résulte de l'ensemble des interactions sociales que provoque ou subit
l'individu. Le groupe socialise l'individu et l'individu s'identifie à
lui. L'individu se trouve enserré dans un maillage, volontaire ou non,
d'appartenances qui lui impose ses comportements et lui fournit un ancrage
identitaire. L'idée selon laquelle l'identité sociale trouve son
origine dans l'appartenance au groupe est relativement ancienne mais c'est bien
plus récemment qu'il a été montré
expérimentalement que l'identité sociale avait des implications
sur les processus entre groupes. Dans nos jugements, nos perceptions, nos
relations avec autrui, nous ne nous comportons pas comme des individus
isolés mais comme des êtres sociaux qui constituent une part
importante de ce qu'ils sont à partir des groupes humains et des
catégories sociales auxquelles ils appartiennent. Les individus peuvent
donc se définir en tant que membres de groupes par rapport à
d'autres groupes présents dans la société, et cette
définition sociale influe sur leurs perceptions, sur leurs
évaluations et leurs conduites. L'identité sociale et
l'appartenance au groupe y sont inextricablement liées au sens où
la conception de quelqu'un ou la définition que quelqu'un peut avoir de
lui-même sont largement composées de descriptions de soi en termes
de caractéristiques définissant le groupe social auquel il
appartient93(*) notamment
le sexe, l'âge ou encore la catégorie socio-professionnelle.
L'identité sociale se définit à partir des effets de la
catégorisation sociale qui découpe pour un individu son
environnement social de manière à faire apparaître son
propre groupe et les autres. La catégorisation sociale consiste en un
système d'orientation qui crée et définit la place
particulière d'un individu dans la société par son
emplacement dans une catégorie. Segmenter le monde en un nombre de
catégories selon qu'elles sont semblables ou équivalentes pour
l'action, ne nous aide pas seulement à simplifier le réel en
fonction de nos objectifs, cela nous sert aussi à spécifier qui
nous sommes. Non seulement nous classons les autres comme membres de tel ou tel
groupe, mais nous nous situons nous-mêmes relativement à ces
groupes et cela engage également une certaine forme de reconnaissance,
la reconnaissance mutuelle : je reconnais autrui comme mon
alter-égo lorsque je fais partie du même groupe que lui94(*). La reconnaissance ne peut
exister que dans la mesure où les individus admettent que telles
qualités ou capacités de réalisation de soi sont
importantes pour mener tel type de vie et c'est parce qu'ils admettent une
telle importance qu'ils se reconnaissent réciproquement comme ceux qui
les possèdent et font ainsi partie de la même
communauté95(*).
Ce terme nous renvoie à notre étude, le fan-club
pourrait être interprété comme relevant d'une communion de
certains individus autour d'un sujet ou d'un objet commun, et former ainsi une
sorte de communauté presque au sens religieux du terme96(*) en vue d'obtenir une certaine
reconnaissance des membres mais aussi de la société en
général. Les fans serait la version moderne des apôtres
d'antan, imaginairement membres d'une communauté fictive. Dans cette
culture laïcisée demeurent des structures fondamentales, celles de
la religiosité, non pas la foi en tel Dieu, mais le besoin de croire
à quelque chose ; non pas tel rite régulé par un code
ecclésiastique, mais le désir d'une expression
stéréotypée et habituelle des émotions
individuelles et collectives sous des formes imitatives, sacrificielles et
communautaires ; non pas une organisation gérante du sacré,
mais une soif de s'agréger en des communautés
émotionnelles où se pratique la communication chaleureuse, le
dévouement zélé, l'éclatement ludique ou la ferveur
politique. Ainsi l'individu va sélectionner des bribes d'informations et
va les agencer selon ses propres inspirations et aspirations. Les objets,
symboles ou idées qui font partis des rites sont aussi inquestionnables
que les rites religieux et peuvent avoir un aussi fort impact affectif et
mobilisateur.
Ici nous traitons de l'étude d'un fan-club que nous
pouvons définir comme une institution diffusant l'image d'un artiste,
quel qu'il soit, et permettant une rencontre, un dialogue entre ses fans. C'est
une forme d'association réunissant les admirateurs de l'artiste.
L'objectif est de promouvoir l'image de l'artiste, d'organiser son culte public
lorsqu'il s'agit de personnalité comme celle d'Elvis Presley par
exemple, d'alimenter les dévotions privées, d'élargir la
« grande famille des fidèles »97(*) représentée
par un « nous » mis en avant par les membres. En
premier lieu biensûr, le fan-club participe à la
perpétuation de la construction médiatique de la
notoriété d'un artiste, mais aussi, le réseau qu'il peut
créer entre les membres peut sous-tendre l'idée de reconnaissance
mutuelle, et enfin l'artiste lui-même peut être érigé
en modèle par ses fans et ainsi être considéré comme
un vecteur d'identification.
Aujourd'hui, le « nous » n'est
pas forcément communautaire, il peut être
sociétaire98(*),
c'est-à-dire, relève d'associations volontaires de personnes qui
ont choisi, pour un temps, de s'y affilier ou de les créer, en
coopération avec d'autres. Ces « collectifs »
ont pour eux une signification subjective dans la mesure où ils
impliquent la défense d'intérêts communs et le partage de
valeurs communes. Le lien sociétaire est fragile comme le lien social,
il n'implique pas de croyances collectives ni de racines communes mais la
participation à des actions avec d'autres qui sont des
« partenaires ». Le lien est volontaire et son
enjeu est aussi la reconnaissance de chacun des partenaires comme acteur
social. Ainsi, s'inscrire dans tel ou tel club ou associations s'apparente
à une affiliation « émotionnelle »,
« affective » et
« éthique » car cela permet de
développer une sociabilité choisie. Elle n'engage pas pour la vie
mais permet de rencontrer des gens, de coopérer avec eux mais le
« je » garde tout de même la
prédominance sur le « nous ». Le fan-club
est donc utile à un moment donné dans la construction identitaire
de ses membres mais il ne doit être qu'éphémère.
III ) LA CONSTRUCTION ELECTRONIQUE DU SOCIAL99(*) :LA COMMUNAUTE VIRTUELLE COMME
NOUVELLE FORME DE SOLIDARITE ?
Aujourd'hui, la question des groupes s'inscrit pleinement dans
une perspective sociologique. Depuis plus d'un siècle, mais surtout
depuis une vingtaine d'années, les organisations et les systèmes
de valeurs et corrélativement le cadre et le style de vie quotidienne,
se sont profondément transformés. Ces changements techniques,
économiques, démographiques affectent les relations des hommes
entre eux, par suite du développement croissant de l'urbanisation et des
organismes techno-bureaucratiques. L'évolution des cadres et des
processus de communication (mass media, informatique, Internet) ainsi que
l'ébranlement des modes traditionnels d'autorité tant familiales
que professionnelles suscitent la recherche de nouveaux équilibres et
de nouvelles formules d'intégration psycho-sociale, et par suite, un
réaménagement des groupes et des relations en groupes.
Cette recherche d'intégration et, comme nous l'avons
vu, d'identification, corrélée aux nouveaux moyens de
communication comme Internet entraîne la création de certains
« groupes virtuels ».Le multimédia permet
dans notre étude de cas, de regrouper certaines personnes qui admirent
le même candidat à travers des sites Internet qui leur sont
consacrés. Internet a supplanté la presse écrite dans la
transmission des informations culturelles et politiques. Il est adapté
à une « communauté »
dispersée géographiquement, différemment des
minorités ethniques car les membres ne naissent pas en son sein mais
doivent se reconnaître et se trouver. Internet n'offre pas seulement des
instruments permettant des rencontres, il peut être un vecteur important,
pour les jeunes, de construction d'identité, essentiellement pour les
membres d'une minorité. Le vecteur Internet peut représenter un
médiateur entre le public et l'objet de la passion au sens où
l'entendait A.Hennion100(*), c'est-à-dire qu'il va être une des
conditions essentielles permettant aux acteurs sociaux de constituer leur
« communauté », le seul objet de la passion
ne se suffit pas à lui-même. Ainsi, en construisant leur relation
avec les objets, le public donnerait forme à l'espace social où
ces relations peuvent s'épanouir.
La formation de ce qu'on pourrait alors appeler
« communauté virtuelle » s'effectue sur des
bases très sélectives d'appartenance identitaire et même
sub-identitaire, prolongeant ainsi la tendance socioculturelle contemporaine
qui a fait émerger des associations comme « Motards
chrétiens » ou «Jeunes femmes juives
américaines homosexuelles ». Tous les hobbies, toutes les
passions trouvent sur Internet une concrétisation sous la forme d'un
site, d'un forum ou d'un groupe de discussions. Internet fonctionne comme une
gigantesque machine à affinités électives, permettant
à celui qui se croyait seul de
« rencontrer » ses pairs. Il a la capacité
de fabriquer des mondes de substitution à nos échanges sociaux
quotidiens, de nouvelles manières d'être ensemble, de dire, de
faire, de vivre, de nouvelles façons de se confronter à l'autre,
de le rejoindre et de lier avec lui des interactions, et peut-être
même de repenser notre propre identité.
1. De la sociologie des réseaux sociaux...
Notre point de départ pour parvenir à
l'idée de « communauté virtuelle »
s'ancre dans la sociologie des réseaux sociaux. Cette notion
apparaît pour la première fois dans un article de
J.A.Barnes101(*) en
1954. Ses théories prennent pour objets d'étude les relations
entre les individus et les régularités qu'elles
présentent, pour les décrire, rendre compte de leur formation et
de leurs transformations, et analyser leurs effets sur les comportements
individuels. Elles ont l'originalité de ne pas réduire les
acteurs à leurs attributs individuels. Nous nous intéressons ici
au concept de réseau et non pas aux outils de l'analyse des
réseaux sociaux.
Le réseau social se définit comme un ensemble
d'unités sociales et des relations que ces unités sociales
entretiennent les unes avec les autres, directement ou indirectement, à
travers des chaînes de longueurs variables. Ces unités sociales
peuvent être des individus, des groupes informels d'individus ou des
organisations plus formelles, comme des associations, des entreprises voire des
pays102(*). Les
relations entre les éléments désignent des formes
d'interactions sociales qui peuvent être elles-aussi de natures
extrêmement diverses : il peut s'agir de transactions
monétaires, de transferts de biens ou d'échanges de services, de
transmissions d'informations, de perceptions ou d'évaluations
interindividuelles, d'ordre de contacts physiques et plus
généralement de toutes sortes d'interactions verbales ou
gestuelles, ou encore de la participation commune à un même
événement.
Ce terme s'est enrichi tout au long des
siècles, par extension et par glissement de registres
métaphoriques. Autrefois, il était péjoratif d'employer le
terme de réseau, il s'assimilait à une
société secrète, une organisation clandestine, un
pouvoir occulte. Aujourd'hui, il y en a de nouveaux usages popularisés
par le développement de l'informatique et des
télécommunications considérées comme ensembles
complexes de voies de circulation virtuelles.
« Internet » devient
« Le » réseau par excellence et il est ici
pertinent de mettre au jour les relations engendrées par ce moyen.
G.Simmel avançait le fait qu'une dyade servait
à décrire un réseau social. Cette explication est remise
en cause par M.Forsé103(*) qui préconise que les éléments
soient saisis à l'échelle d'une triade où les relations
interpersonnelles acquièrent une dimension impersonnelle. Seul un
ensemble d'au moins trois éléments permet de saisir les
éventuelles interdépendances entre les relations qu'entretiennent
les individus à l'intérieur d'un réseau. Ainsi, la triade
apparaît comme la figure élémentaire du social104(*), l'unité
« atomique » de l'analyse des réseaux
sociaux. La triade n'est pas d'une logique additive, elle devient combinatoire,
ouvrant la possibilité d'étudier les stratégies de
coalition, de médiation, la transitivité des
affinités...En théorie, les réseaux peuvent être
« potentiellement infinis »105(*). G.Simmel est tout de
même le véritable précurseur de la sociologie des
réseaux. Son objet fondamental n'est ni microsociologique ni
macrosociologique mais « mésosociologique »
c'est-à-dire l'intermédiaire entre les deux. Il
s'intéresse aux formes sociales qui résultent des interactions
entre les individus, et non à leur contenu. Cette théorie
« relationnelle » s'applique à
définir et à catégoriser les individus dans un ensemble de
relations. Nous pouvons ici prendre l'exemple suivi par H.S.Becker pour
illustrer cela106(*) : c'est parce que les individus sont
marginalisés, étiquetés, mis à l'écart de la
société, notamment par les entrepreneurs de morale, qu'ils sont
considérés comme déviants, c'est-à-dire, pris dans
un processus d'interactions qui les opposent aux individus jugés
« normaux ».
Mais c'est la sociabilité qui apparaît comme
objet fondamental de l'analyse en terme de réseaux sociaux. En
sociologie, la notion de sociabilité ne désigne pas
« la qualité intrinsèque d'un individu qui
permettrait de distinguer ceux qui sont sociables de ceux qui le sont
moins »107(*), mais simplement l'ensemble des
relations qu'un individu entretient avec les autres, et des formes que prennent
ces relations. La sociabilité en tant que forme pure de l'action
réciproque permet d'en avoir une image idéal-typique
éloquente. Cependant, elle doit être opératoire pour
l'analyse des réseaux sociaux, alors on doit définir la
sociabilité soit par le recensement et les caractéristiques des
interactions, dans le cadre d'études sur les
« réseaux personnels », soit
à partir de ses manifestations extérieures le plus facilement
saisissables et mesurables, autrement dit à partir de tout un ensemble
de pratiques qui mettent en relation avec autrui, comme les réceptions
à domicile108(*),
les sorties109(*), la
fréquentation des cafés110(*), la pratique du sport111(*)... L'étude des formes
de sociabilité en propose deux questions, celle de la variation sociale
des pratiques de sociabilité en fonction des attributs
socio-démographiques individuels (par exemple, les jeunes ont une
sociabilité plus intense et plus tournée vers
l'extérieur112(*)), et celle de l'évolution historique de
l'intensité et des formes de la sociabilité et de ses
explications possibles. Suite à cette deuxième question, certains
amorcent la thèse du déclin de la sociabilité. Les
enquêtes INSEE montrent qu'entre 1983 et 1997113(*), la sociabilité
décroît mais surtout se transforme. Les causes sont le
vieillissement de la population, la précarisation du marché du
travail qui ne favorise pas les contacts avec des collègues,
l'augmentation du chômage, le déclin des commerces de
proximité, l'augmentation de la mobilité géographique mais
surtout l'augmentation des télécommunications.
Cependant, l'enquête INSEE n'inclut pas les entretiens
téléphoniques, les discussions entre les membres du
ménage, les contacts professionnels ou marchands, les discussions de
plus en plus répandues sur Internet, ni la durée de ces
interactions. De plus, le temps libre augmente, il est en grande partie
absorbé par la télévision, ne pourrait-on pas alors la
considérer comme un support de sociabilité ? De même
que la compensation par le téléphone, les SMS, les
mails114(*) et les
conversations instantanées via le Web montre bien qu'il n'y a pas
réellement un déclin des formes de sociabilité mais une
transformation. L'enjeu de la sociabilité est celui du maintien du lien
social, de la cohésion sociale, aujourd'hui, les transformations
engendrent de nouvelles formes d'intégration. Comme nous l'avons
précisé dans nos hypothèses, les formes de la
sociabilité peuvent engendrer des actions dites
« expressives » comme l'affinité et
l'amitié, ou des actions dites
« instrumentales » comme l'entraide et la
solidarité115(*).
L'analyse en terme de réseaux reproche à la
sociologie traditionnelle de constituer des groupes sociaux par
agrégation d'individus présentant des attributs individuels
similaires (âge, sexe...). Ces groupes vont donc correspondre aux
catégories du sens commun. Il faut alors vérifier s'ils ont des
pratiques et de représentations semblables, une conscience de former un
groupe, des relations fortes entre les individus qui composent ce groupe.
L'analyse des réseaux sociaux préconise un renversement de
l'analyse sociologique traditionnelle, en dépassant le stade descriptif
des groupes et étudier les relations dans le groupe et en dehors du
groupe pour pouvoir être considérés comme formant des
groupes116(*). Il faut
trouver des indicateurs, regrouper les individus à partir de l'existence
de relations entre eux, c'est-à-dire, en fonction d'une observation de
la cohésion ou de la densité des ensembles qu'ils forment et voir
quels sont les effets de l'analyse en terme de réseau social sur les
comportements individuels, notamment en ce qui concerne la construction
identitaire, qui nous intéresse plus spécifiquement ici. Les
formes sociales, comme les groupes ou encore les normes émergent des
interactions entre les individus, ce n'est pas seulement ce qu'ils ont en eux
qui les caractérisent, mais aussi ce qui est entre eux117(*), facteur de cohésion
sociale.
2. ...à la communauté virtuelle pour penser
le social
La notion de communauté est difficile à
définir, il est devenu un mot fourre-tout permettant d'évacuer
certains questionnements, voire de masquer les lacunes d'un paradigme, en cela
il se rapproche de la notion de virtualité. Il est difficile aussi de
l'employer en tenant compte de l'articulation entre le macrosocial et le
microsocial. Ce terme renvoie originellement à une relation sociale
caractérisée par des obligations mutuelles, selon
l'étymologie : communis dérivé de
cum (avec, ensemble) et de munus (charge, dette). C'est alors
« réseau défini par des règles du type
« donner-recevoir-rendre » »118(*). Mais communis peut
signifier également « communion », il
renvoie donc à un « acte de partager, de mettre en
commun »119(*). Cette définition permet de revenir
sur la distinction fondamentale de F.Tonniës avec d'un côté
la communauté dirigée par une volonté organique ou
affective, et de l'autre côté, la société
privilégiant la volonté réfléchie ou rationnelle.
Ces deux formes de solidarités représentent deux
idéaux-types, deux modèles, deux pôles abstraits d'un
continuum empirique des formes d'organisations sociales concrètes,
celles-ci comportant des degrés divers des traits
caractéristiques de l'un et de l'autre. Nous nous attacherons à
mettre en relief cette conception de la communauté dans notre
étude de cas. Il s'agit en effet, nous le verrons, à la fois de
prendre part dans un collectif pour soutenir ensemble une artiste mais aussi,
et c'est un peu le fondement de notre recherche, pour partager un certain
nombre d'expériences communes, s'entraider et éventuellement pour
revendiquer une certaine forme de reconnaissance mutuelle et s'inscrire dans un
processus plus large.
Cependant, si l'on prend pour point de départ, la
théorie fondamentale de F.Tonniës120(*) qui la définit comme un collectif
fondé sur la proximité géographique et émotionnelle
et impliquant des interactions directes, concrètes, authentiques entre
ses membres, il semble alors a priori paradoxal d'y associer le terme
« virtuel » auquel on a pourtant de plus en plus
recours avec le développement grandissant d'Internet. On parle aussi de
communauté en ligne ou médiatisées par ordinateur, de
communauté électronique, ou encore de
« cybercommuanutés »121(*). Le fait d'être
pour ou contre la notion de « communauté
virtuelle » n'est pas tellement la question que se posent les
sociologues mais il s'agit plutôt de connaître les enjeux à
l'oeuvre dans le fait de penser le social en terme de virtuel122(*).
Les études sur ce domaine se sont
essentiellement développées aux Etats-Unis où les
aspirations communautaires sont beaucoup plus importantes qu'en France. En 1985
se fonde en Californie le WELL (Whole Earth'lectronic Link) où se
développe la notion de communauté virtuelle.
H.Rheingold123(*) en
donne une définition : « regroupements socioculturels
qui émergent du réseau lorsqu'un nombre suffisant d'individus
participent à ces discussions publiques pendant assez de temps en y
mettant suffisamment de coeur pour que des réseaux de relations humaines
se tissent au sein du cyberespace [...] . Les membres des communautés
virtuelles font appel à des mots inscrits sur les écrans pour
échanger des plaisanteries, débattre, participer à des
digressions philosophiques, faire des affaires, échanger des
informations, se soutenir moralement, faire ensemble des projets [...] , tomber
amoureux ou flirter, se faire des ami(e)s, les perdre, jouer [...]. Les membres
des communautés virtuelles font sur le Réseau, tout ce qu'on fait
« en vrai », il y a juste le corps physique qu'on laisse
derrière. »
La critique qui est faite aux études du virtuel est
que le réel et le virtuel sont la plupart du temps
opposés124(*) ; le réel étant égal
à l'actuel, au donné et le virtuel, au possible, au
pré-donné. La première approche consiste à dire que
le virtuel est subordonné au réel. Cette vision est dite
paranoïaque car elle oppose une « réalité
artificielle » à une « Nature
mythique ». Le virtuel serait une re-présentation, une
simulation, une fausse approximation de la réalité, une copie
forcément dégradé du réel. La seconde approche
préconise la virtualité comme une résolution, un moyen
d'explorer ou d'ausculter la réalité125(*). Cette vision est utopique
car elle voit dans les technologies virtuelles, une force libératrice
des richesses du réel.
Dans ces deux approches, le réel s'oppose donc au
virtuel et ce dernier nécessite un support technologique. Or ce n'est
pas toujours le cas. En effet, la troisième approche est celle de
l'hybridation du réel et du virtuel. Dans une perspective Deleuzienne,
le réel est en constante « création et
expérimentation »126(*). C'est une conception du réel dans
laquelle l'actuel et le virtuel sont en interrelation circulaire et
productive.
Selon les trois approches, les axes de réflexion sur
la « réalité » des
communautés virtuelles se fondent autour de la notion de
représentation, de résolution et d'hybridation.
La communauté virtuelle a un rôle de
représentation de la réalité, un rôle d'imitation,
d'émulation. Elle serait une « simulation
fonctionnelle » de communauté dite réelle. C'est
l'exemple de l' « effet Disneyland »
c'est-à-dire que l'on voit dans les grands centres commerciaux, la
réplique des communautés commerçantes d'antan127(*). Le danger de cette fonction
serait la perte de communautés réelles aux profits
d'échanges virtuels.
Une vision plus enthousiaste de la virtualité est
celle qui considère qu'elle a un rôle de résolution,
c'est-à-dire qu'elle viendrait combler les lacunes du réel. C'est
le potentiel libérateur des communautés virtuelles qui permet une
actualisation, une mise en contact effective des groupes humains qui
étaient seulement potentiels avant l'avènement d'Internet. Cette
libération concerne aussi le genre, l'appartenance ethnique, la classe
sociale, l'identité sexuelle, la communauté virtuelle serait
utilisée comme le moyen de s'affranchir de la prison du corps et par
suite, d'égalisation des différences et d'émancipation des
minorités sociales128(*).
La dernière fonction est celle de l'hybridation. Dans
cette perspective, il est possible de distinguer différentes
époques comportant chacune une forme typique de communauté
virtuelle allant de la formation des premières communautés
intellectuelles au 17ème siècle au public de la
télévision129(*). Dans ce cas, les communautés virtuelles se
définissent comme des espaces indéniablement sociaux au sein
desquels les gens continuent à se rencontrer face-à-face, mais
selon des définitions nouvelles à la fois des mots
« rencontres » et
« face-à-face ».
3. Les nouvelles pratiques de communication
entraînent-elles une réorganisation des
sociabilités ?
Notre problématique nous a conduite à interroger
le rôle des nouvelles technologies ouvertes sur le monde comme Internet,
ne constituent-elles pas un des nouveaux vecteurs permettant l'accès
précoce à un certain nombre d'éléments constitutifs
de l'identité sexuée ? Nous entendons par-là, la
construction identitaire des individus en utilisant des ressources non
disponibles aussi facilement dans le réel. Ce monde que nous qualifions
à grands traits, de virtuel permet à tout un chacun de pouvoir se
retrouver à travers des sites qui lui correspondent mais aussi à
travers toutes les personnes qui peuvent s'y croiser. De ce constat en
découle un autre, celui de la construction sexuelle de
l'identité. Internet devient un nouveau moyen de rencontre. Chacun peut
y trouver ce qu'il cherche, et notamment en matière de sexualité,
élément qui nous intéresse plus particulièrement.
Les poussées individualistes et communautaires dénoncées
de toutes parts traduisent une fragilité de la volonté de vivre
ensemble130(*). Nous
avons fait le constat de l'affaiblissement des grandes institutions faiseuses
de lien entre les individus et liant l'individu à la
société, tout ceci grâce au processus de socialisation qui
semblait un des grands vecteurs de la pérennisation du lien social.
Aujourd'hui, les rapports sociaux se transforment et des formes de lien social
alternatives voient le jour. Ces formes sont fragiles, volontaires et souvent
éphémère, du fait de la vie de l'individu moderne. Les
solidarités intermédiaires se trouvent renforcées et nous
assistons à un repli sur des groupes d'affinités et/ou de
proximité dans lesquels importe le rôle accordé aux
minorités porteuses de valeurs particularisantes. Les individus
recherchent des lieux de sociabilité qui leur fourniront le lien social
dont ils ont besoin. Cette sociabilité se base notamment sur des
échanges symboliques pouvant être vus comme des mots de passe
permettant la reconnaissance : la reconnaissance de soi à partir de
la reconnaissance du groupe. Ces lieux de sociabilité peuvent être
multiples, l'individu peut appartenir à différents groupes en
même temps sans remettre en cause la cohérence de sa construction
identitaire. Les interactions et la reconnaissance qu'elles entraînent
sont au coeur de la problématique du lien social. Ainsi nous comprenons
comment des individus à la marge se sont inventés des moyens de
se regrouper, de se reconnaître et ainsi de fabriquer un lien social
entre eux131(*), mais
aussi entre eux et la société sous forme de délit et de
marginalité ou plus généralement de subversion ; car
être à la marge, c'est bien se référer ou être
forcer de se référer à un autre groupe. Dans notre
société actuelle, la fracture sociale que certains
dénoncent132(*)
met à mal aussi bien le lien social que les identités
personnelles. Face aux mutations contemporaines, à la poussée
vers la mondialisation, l'individu doit trouver des stratégies pour
retrouver ce lien quotidien et local qui lui est nécessaire.
L'explication du recours médiatique nous
intéresse plus particulièrement. Le téléspectateur
tente de remédier à sa déperdition de sens en se
déplaçant vers les symboliques et les personnages mis en
scène, et même l'exclusion est aujourd'hui mise en scène.
Le consommateur culturel va fabriquer du lien avec les images qui lui sont
soumises. Les individus, la « foule
solitaire », doivent trouver dans les personnalités
reconnues un moyen de s'identifier et de se vivre. Ces personnalités
deviennent des vecteurs porteurs de sens. « Le On
différencié, en se projetant dans des mondes virtuels et des
personnages improbables, laisse de la place à un lien fictif qui
socialise et qui permet d'adhérer aux conditions, aux personnages et aux
circonstances hors-quotidien élaborées et
présentées par les médias, éléments
constitutifs des rites d'accompagnement d'un réel subi plus que
choisi »133(*). Les séries
télévisées et maintenant les émissions de
télé-réalité entraînent une exhibition
permettant de se voir, de constater la proximité, la ressemblance
sociale et/ou culturelle avec les personnages : « l'individu
se mire lui-même sur l'écran-miroir », et cela peut
aussi valoir pour tout ce qui se passe sur Internet.
Les émissions de
télé-réalités comme Star Academy, A la
recherche de la nouvelle star, Loft Story...ont pour but d'induire du lien
social, du moins en apparence, au sein du groupe formé pour l'occasion
et de relier les téléspectateurs à un éventuel
« ensemble populationnel ». Les productions ont
assimilé l'envie du public de voir de « vrais
gens », à la place desquels ils pourraient être.
Ces « proto-héros » sont, de ce fait,
« opératoires comme objets d'identification, comme
icônes et divinités séculières, lares domestiques,
apaisants et sécurisants, producteurs de rituels d'accommodement et de
compensation »134(*).
De nos jours, la médiatisation et la
« massification » de la communication humaine
auraient transformé les modalités de genèse et de maintien
des communautés. B.Anderson parle alors de
« communauté imaginée »135(*). L'idée de
communion demeure centrale et ne doit pas forcément être
concrètement réalisée comme le préconisait
F.Tonniës. Il suffit qu'elle existe sous la forme d'une image dans
l'esprit des membres. Mais le fait que la communauté soit
imaginée, qu'elle commence par fiction ou par anticipation, ne
l'empêche pas de se transformer en réalité. Ce sont des
communautés imaginées et non des communautés
imaginaires136(*). Dans
les sociétés modernes, une part grandissante des interactions est
médiatisée par les institutions et les dispositifs de
communication de masse. C'est pourquoi aujourd'hui avec Internet, nous sommes
obligés de repenser le collectif différemment des
communautés classiques comportant la contrainte d'être ensemble
dans une promiscuité sans alternative, l'engagement dans les collectifs
électroniques est généralement beaucoup plus fluide. Ses
contours sont flous, on peut donc dire que leur réalité est
virtuelle. Mais la virtualité n'est pas une dénaturation du
social mais plus un aspect, un effet d'optique de sa complexification
croissante, amplifiée par ses propres artefacts techniques. Ainsi, on
peut dénombrer plusieurs communautés virtuelles réduites
et construites et chaque individu peut appartenir à différentes
communautés en même temps, il peut se servir de plusieurs univers
socialisateurs et les faire cohabiter137(*).
La notion de communauté est une notion dynamique qui
varie selon l'époque notamment, nous l'avons vu, selon
l'évolution des techniques. Si nous parlons de communauté
virtuelle, c'est que nous faisons référence aux
communautés réelles,
« non-virtuelles », originelles. Ces deux
extrêmes se rejoignent dans une conception idéalisée d'une
forme d'organisation sociale où régnerait la transparence et
l'immédiateté des interactions humaines. Cette
idéalisation naïve est critiquée. Le retour à de
petites communautés entraînerait un désir individualiste de
repli sur soi et un désintérêt de la chose
publique138(*). Dans le
sillage des théories exposées plus haut, il est montré que
ce qui importe ce n'est pas le moyen de communication mais la relation en
elle-même. La relation de face-à-face chère aux fondements
de la sociologie des communautés n'est cependant pas supérieure
aux autres formes d'interaction. Les fondements épistémologiques
de cette supériorité se retrouvent dans la théorie de
P.Berger et T.Luckman139(*) où la « réalité
suprême » serait construite via l'interaction en
face-à-face. De même que D.Wolton préconise qu'il faut
« sortir de la communication médiatisée pour
éprouver une communication directe, humaine et
sociale »140(*).
Avec le développement des médias, la notion de
communauté, les collectifs correspondent de plus en plus à la
notion de public qui se définit comme « une
collectivité purement spirituelle entre des individus physiquement
séparés et dont la cohésion sociale est toute
mentale »141(*). Le public est différent de la foule
selon la définition qu'en donnait Le Bon142(*) qui nécessitait un
contact et un face-à-face direct et physique ; en effet, les moyens
modernes de communications permettent « le transport de la
pensée à distance » et par suite, la
« contagion sans contact ». La notion de public
est aussi ambiguë que celle de communauté virtuelle :
sont-ils des collectifs objectifs ou des artefacts créés par le
chercheur ? Un même individu peut appartenir à plusieurs
publics, plusieurs collectifs en même temps, or la notion de
communauté de F.Tonniës est, par essence, exclusive. Finalement, le
but du regroupement quel qu'il soit reste le même :
« faire du lien social »143(*). Les nouvelles formes
de lien peuvent être individuelles et stratégiques, fondues dans
les dispositifs cathodiques ou insérés dans des dynamiques
collectives.
Le questionnement qui peut être alors posé
serait alors de se demander si à l'ère des réseaux et du
cyberespace, la communauté virtuelle ne serait pas la figure
post-moderne du collectif vers laquelle les concepts de communauté, de
public et de réseau convergeraient à terme144(*). La société de
communication semble fortement inspirée de la communication
publicitaire, et favorisée par la prodigieuse
généralisation des outils électroniques. Elle semble alors
délaisser la question du sens au profit exclusif de la forme : mise
en scène, re-présentation, arts de dire, de vendre, de
« faire-savoir », sentiment ludique d'appartenance
à une communauté fictive145(*). Si bien qu'aujourd'hui, les médias
engendrent une véritable controverse, une perte de
crédibilité. Le public fait de moins en moins confiance aux
médias, notamment à la presse ; la diffusion payante de
journaux chute, en moyenne, chaque année de 2%146(*). Les lecteurs mais aussi les
téléspectateurs se perdent tant l'obsession commerciale et
l'éthique de l'information paraissent contradictoires :
« on assiste au triomphe du journalisme de spéculation et
de spectacle, au détriment du journalisme d'information. La mise en
scène (l'emballage) l'emporte sur la vérification des
faits ».
CHAPITRE II ) LES CHOIX METHODOLOGIQUES
Après avoir déterminé le terrain de la
recherche, ce chapitre décrit les techniques de recueil et les principes
d'analyse des données choisis. Tentons de préciser et
d'objectiver tout d'abord, quelques éléments de la
pré-enquête147(*) qui a permis la mise en place du protocole empirique
de cette étude. Choisir une méthode d'enquête n'est pas
sans contrainte. En effet, il faut tenir compte des terrains retenus et des
possibilités que l'on a pour y entrer, des biais et limites que chaque
méthode comporte, de ce que l'on cherche à savoir mais aussi les
motivations du chercheur. Sans parler de méthode supérieure
à une autre, le terrain va quelque peu nous guider dans nos choix. Nous
avons eu la possibilité de pouvoir participer à un moment
donné à la promotion de spectacles pour Anne-Laure durant le
festival d'Avignon en juillet 2004. Cela a été utile pour
démarrer et nos observations ont servi de point de départ. Deux
constats nous ont paru clairement évidents : celui de l'importance
de l'outil de communication qu'est Internet ainsi que
l' « esprit de groupe et de famille » qui
régnait au sein des fans. En effet, c'est à travers le site
Internet officiel qui tient lieu de fan-club que circulent toutes les
informations et c'est aussi par ce biais qu'est né cet esprit que nous
qualifions de communautaire. Ce travail d'investigation nous a permis
d'accéder à ce qui se joue derrière le discours et les
pratiques des fans que nous pouvons retrouver sur les forums de discussions du
dit site. Dés notre arrivée sur les lieux, nous avons pu
constater que tous les fans présentes étaient des
filles148(*), qu'un
grand nombre d'entre elles se connaissait déjà, s'appelant
parfois par leur nom de fan, c'est-à-dire leur pseudonyme sur le
site149(*), et qu'enfin
la plupart d'entre elles, mettaient en avant leur homosexualité.
Ainsi au vue de ces observations, et
notamment concernant l'importance du fan-site150(*), et pour commencer notre enquête proprement
dite, nous nous sommes proposés de réaliser une analyse de
contenu du site Internet officiel de la chanteuse qui donnent accès
à un certain nombre d'éléments comme les coupures presse
depuis le début de sa jeune carrière, les interviews, les images,
les paroles de chanson et le forum où discutent les membres, les fans
qui se sont auto-proclamés « les
Choupifans » 151(*); et surtout une analyse de l'énonciation des
différents messages que les fans laissent sur les forums. Nous avons
également fait une observation de cette nouvelle forme d'expression
virtuelle que représentent les blogs152(*) des fans. Enfin nous
avons procédé à une trentaine d'entretiens
complémentaires avec certains fans membres du forum de discussion que
nous avons pu rencontrer directement ou par l'intermédiaire des
messageries instantanées sur Internet.
I ) AXES DE RECHERCHE ET HYPOTHESES
Les différents éléments que nous avons
abordés dans le chapitre précédent conduisent à
l'énoncé des interrogations exploratoires qui ont guidé
cette recherche.
1) Quel est le rôle des médias ? Comment se
construit la notoriété d'un artiste ? Dans quelle mesure
peut-on penser Internet comme un des vecteurs principaux de la mise en place
d'une célébrité ?
2) Quels sont les enjeux de la production en terme
d'images ? Comment la production gère l'image de la
chanteuse ? Quel rôle joue un fan-club dans la construction d'une
carrière ? Comment fonctionne un site Internet ? Comme un
magazine ? Comment s'opère le processus de catégorisation
à travers les différents médias ?
3) Quel usage le public fait de ces
catégorisations ? A qui s'adressent les sites Internet ? S'il
y en existe un, quel est leur but ?
4) Comment un artiste, au départ,
éphémère, construit par un système de profit et
d'audimat, peut-il générer un tel engouement ? (le cas des
administrateurs du site d'Anne-laure) Dans un monde marchand capitaliste
où règne la loi du profit, trouve-t-on des formes de
solidarité dans un fan-club? Comment sont-elles
générées ? Et de quel type sont-elles ? Quels
sont les enjeux d'un tel engouement de fan ? Ce regroupement est-il
vraiment « solidaire » ? Sur quoi
repose-t-il ? Est-ce que les sites Internet participent à
l'élaboration de « communautés
virtuelles » ?
5) Y-a-t-il un lien entre l'homosexualité d'Anne-laure
et le fait que ses fans soient lesbiennes en grande majorité ? De
quelle nature est ce lien ? Qu'est-ce que cela suppose en terme d'image,
de carrière, de marketing, de publicité...mais aussi en terme de
reconnaissance minoritaire ? Quelle image le site Internet et les
médias renvoient de l'homosexualité à travers
Anne-laure ? Cette vision est-elle conforme à la
réalité ? Est-elle défendue par le groupe des
fans ? Est-elle revendiquée ? Comment les fans abordent cette
image ? (une chanteuse comme une autre ? un modèle
identitaire ?une provocation ? un coup médiatique ? une
chance pour l'image des lesbiennes ? un mal pour l'image des
lesbiennes ?) Anne-Laure véhicule-t-elle des valeurs propres
à un groupe ?
Ces axes de recherche nous ont conduit à
l'élaboration de nos hypothèses de travail que nous avons soumis
à l'épreuve de notre analyse.
1) Les médias quels qu'ils soient, participent au
processus de construction identitaire. Les nouveaux moyens de diffusion de
l'information favorisent la starification à l'époque des vedettes
éphémères de la télé-réalité.
Ils permettent au public de se « retrouver »
autour d'un programme ou d'un candidat, permettant ainsi la formation d'une
« communauté de goûts » ou un
fan-club comme c'est le cas dans notre étude.
2) Les productions médiatiques sont organisées
selon les lois du marché et doivent répondre aux demandes des
publics, homogène et hétérogène notamment en
utilisant le processus de l'identification ; et l'appui des nouveaux
moyens de communication qui permettent parfois la
« survie » de l'artiste.
3) Le public s'approprie les images et peut choisir de
s'intéresser à une star parce qu'elle leur ressemble, parce que
ce qu'elle véhicule les touche...Les nouveaux vecteurs de communication
sont très souvent dirigés vers les jeunes en terme de cible
marketing. Ce sont eux qui constituent les
« tribus » d'Internet, c'est le cas pour notre
corpus, dont la moyenne d'âge est de 21 ans. Un des buts que nous avons
soumis à l'hypothèse est le fait que la formation sur Internet de
ces différents groupes d'appartenance entraîne une cohésion
sociale favorisant le lien social.
4) Au delà donc de l'éventuel talent de
l'artiste reconnu par les fans, nous avons posé l'hypothèse que
« l'être ensemble » était tout aussi
important. Et cela est encore plus favorisé lorsqu'il s'agit de
regrouper des personnes qui ont du mal à trouver des repères
constructifs dans la « vie réelle ». Le
groupe favoriserait ainsi le lien social et la solidarité entre ses
membres du fait d'un certain nombre d'expériences communes. Ces
solidarités seraient d'ordre affectives mais aussi instrumentales,
c'est-à-dire utiles dans la construction identitaire et la
reconnaissance individuelle.
5) Enfin, nous avons clairement dirigé notre
étude dans le sens de la recherche d'une reconnaissance minoritaire,
à travers la mise en scène des images médiatiques ;
en ce sens nous avons posé l'homosexualité de la chanteuse
Anne-Laure comme un élément fédérateur de ses fans.
Ces dernières, dans un mouvement de construction et d'identification, se
réapproprieraient son coming-out. Ceci ayant des effets positifs de
reconnaissance pour soi mais pouvant également avoir des effets
négatifs comme celui de la stigmatisation.
II ) L'ANALYSE DE CONTENU DU SITE OFFICIEL
Vers une analyse de la production médiatique autour
d'Anne-Laure
Nous proposons ici de nous intéresser à tous les
supports qui permettent de rendre compte de l'étendue de la
notoriété soudaine d'Anne-Laure et d'en appréhender le
processus et ses mécanismes. Pour l'essentiel il s'agira donc du
fan-club représenté par le site Internet officiel
« Planeteannelaure », mais également des
articles de presse, des interviews mais aussi du livre qu'elle a écrit.
Nous excluons volontairement de l'analyse tous les sites créés
par des fans153(*), qui
à notre sens ne seraient pas très utiles du fait de leur
ressemblance relative (photos, paroles de chansons, poèmes de fans...).
Le site officiel est en ligne depuis le 25 septembre 2002. On
y trouve une partie consacrée à l'artiste directement avec des
« news », une
« bio », des
« photos » et ce qui est appelé la
« boutique » où l'on trouve tous les
articles merchandising que l'on peut se procurer via le site ; on trouve
ensuite une partie consacrée plus particulièrement aux fans,
partie qui est appelé « Choupifamily » avec
un forum de discussion, un certain nombre de liens, un livre d'or, la
possibilité de contacter les administrateurs et les modérateurs
du site ; une partie consacrée au
« multimedia » où les membres ont
accès à la discographie de la chanteuse ainsi qu'à la
possibilité de télécharger certaines séquences
vidéos et audios issues de différents interviews ou de
différents shows de l'artiste ; et enfin une partie
« archives Star Academy » où nous
retrouvons tout ce qui concerne le passage d'Anne-Laure dans
l'émission154(*).
Mais le site est ce que nous pourrions appeler une
façade pour une association consacrée à Anne-laure Sibon.
Avec son accord, l'association loi 1901 Planète Anne-Laure a
été créée le 2 août 2003. Le site a
désormais une assise juridique, pour plus de sérieux et de
transparence, l'objectif étant de développer le site
www.planeteannelaure.com
et promouvoir la carrière artistique d'Anne-Laure Sibon. Ce statut
associatif permet de renforcer l'indépendance du site où il n'y a
pas de publicité. Les administrateurs sont des bénévoles
et tentent de faire évoluer le site avec de petits moyens. Nous trouvons
par ailleurs, un bon de soutien à l'association où chaque fan est
libre d'envoyer un don. Ce bon est téléchargeable à
partir du site : « Nous ne sommes pas des salariés et
prenons sur notre temps personnel pour faire vivre le site, répondre aux
fans et servir au mieux l'image d'Anne laure, avec un
désintéressement total », nous aurions voulu
revenir sur cette déclaration en interrogeant les membres fondateurs de
ce projet mais elles n'ont pas donné suite à nos interrogations
malgré plusieurs relances effectuées sur le serveur de messagerie
du site.
Ce site est le site officiel d'Anne Laure
depuis le 24 février 2003. Au 21 mai 2006, il compte 946 membres et 958
187 visites. Il se partage les fans avec un autre site très important en
terme de membres : annelaure.net. Il n'est pas le site officiel,
bien qu'il ait été créé avant. Il regroupe 2330
membres, à la même date, soit 1384 de plus que
l'officiel155(*). Cette
différence est peut être due au fait que le site officiel est plus
attentif en terme d'inscription et de participation. En effet, les
modérateurs du site officiel ont la possibilité de
désinscrire les membres qui ne seraient pas actifs156(*) pendant un certain moment.
Nous y retrouvons les mêmes thèmes. Ce site seconde le site
officiel mais les informations qu'il donne sont issues de celui-ci.
A partir de ces matériaux, nous cherchons à
déterminer l'influence que les médias peuvent avoir sur la
construction d'une carrière, sur la construction de la
notoriété et quel rôle vont jouer les fans dans un premier
temps. Nous chercherons ensuite à démontrer en quoi ils ont une
place considérable dans la construction de la reconnaissance et dans la
construction identitaire des individus. Afin de mener à bien nos
objectifs, de valider ou d'infirmer nos hypothèses de travail, nous
utiliserons un des outils offerts par les sciences humaines : l'analyse de
contenu de communications.
Cette analyse de contenu pose le problème de
l'objectivité, le discours analysé est naturel, donc beaucoup
plus accessible donc plus facilement interprétable. Il faut mettre en
place des « techniques de rupture » pour ne pas se
laisser tenter par une simple « lecture du
réel ». Ce que nous souhaitons dépasser, c'est
l'incertitude véhiculée dans les discours : est-ce que ce
que nous croyons voir est effectivement contenu dans le discours et est-ce que
ce discours est compris de la même façon par tous.
L'analyse de contenu se découpe en trois
étapes157(*) : la pré-analyse, l'exploitation du
matériel avec le traitement des résultats, l'inférence et
l'interprétation.
La pré-analyse est la phase d'organisation, elle a pour
but l'opérationnalisation et la systématisation des idées
de départ permettant d'aboutir à un plan d'analyse. Ceci implique
le choix des documents à soumettre à l'analyse, dans notre cas,
le site officiel avec tout son contenu, et essentiellement son forum de
discussions dont sera issu le plus important de notre corpus. Cette
étape implique également la formulation des hypothèses et
des objectifs. Notre objectif étant de découvrir les
éléments de construction sociale et médiatique d'une
notoriété ainsi que celle d'une reconnaissance minoritaire, et
l'élaboration d'indicateurs sur lesquels s'appuiera
l'interprétation finale. Ces trois éléments
dépendent les uns des autres. Le choix des documents dépend des
objectifs ou inversement, l'objectif ne sera possible qu'en fonction des
documents disponibles, les indicateurs sont construits en fonction des
hypothèse. Il faut d'abord procéder à une lecture
flottante, une lecture intuitive, très ouverte à toutes
idées, réflexions, hypothèses ou guidées par
certaines hypothèses provisoires.
Au fur et à mesure, la lecture devient plus
précise en fonction d'hypothèses émergentes, de la
projection sur le document de théories adaptée. Pour en savoir
plus sur le message que l'on analyse, il faut mettre une distance avec ce que
l'on lit et bien se rendre compte que la communication suggère un
émetteur et un récepteur. Dans le cas présent,
l'émetteur est le journaliste pour les articles de presse,
l'administrateur des sites pour toutes les informations qu'ils
contiennent ou tout simplement des membres du fan-club qui discutent
virtuellement sur le forum de discussions prévu à cet effet; et
le récepteur est un public plus ou moins homogène qui pourra peut
être plus tard qualifié de réseau, de communauté
virtuelle, de regroupements de fans ou autre.
III ) LE TERRAIN / LE CORPUS
1. Les forums de discussions
Au sein des sites officiels des artistes, une partie est
consacrée à ce que l'on appelle des forums de discussions. Pour
participer à ces forums, il faut en être membre. Pour cela,
l'utilisateur se créé un compte avec un pseudonyme (ou
login) et un mot de passe afin de pouvoir y accéder. Ce compte
permet d'avoir une boîte aux lettres électroniques privée
au sein du forum. S'ils le désirent, les membres peuvent donc dialoguer
en privé. Les nouveaux messages s'affichent dés que l'on entre
dans le forum après avoir franchi l'étape du mot de passe.
L'adhésion ne se fait pas automatiquement, en effet, les inscriptions
doivent être validées par les modérateurs du site. On
appelle modérateurs, les personnes chargées de surveiller le bon
fonctionnement du site, en règle générale, il s'agit
souvent des initiateurs du forum, voire même du site. Ce sera notre cas.
Il est possible à partir du compte personnel, de
créer, ce qu'on appelle un profil, c'est-à-dire une fiche de
renseignements concernant les membres. Cette fiche contient, ici des
renseignements personnels comme la date de naissance (toutes ces dates sont
répertoriées dans le calendrier des anniversaires auquel chaque
membre à accès, ce qui donne un grand nombre de messages
d'anniversaire chaque jour), la possession ou non d'un site web personnel
(appelés pages persos ou blogs), le lieu de
résidence, l'adresse électronique, les centres
d'intérêt, une signature qui apparaîtra à chaque fin
de messages postés, ainsi que ce que l'on appelle l'avatar,
c'est-à-dire l'image qui accompagne le nom d'utilisateur. Cette fiche
est visible pour tous les membres qui sont répertoriés soit par
ordre chronologique d'inscription, soit par ordre alphabétique. Aucun
des renseignements cités n'est obligatoirement donné. Chacun est
libre de donner les informations qu'il souhaite. Il existe au sein de ce forum
qui nous intéresse ici, des distinctions de fans, c'est-à-dire
que les fans sont classés selon certaines catégories. Cette fiche
donne donc également le niveau auquel le membre appartient sous forme de
médaille (choupifan de bronze, d'argent, de diamant...)
correspondant aux nombres de messages envoyés ; ce nombre de
messages apparaît également avec les statistiques d'envoi. Enfin,
certains membres de ce forum ont des distinctions particulières. On
distingue donc, à côté des Planétaliens et
Planétaliennes (les membres n'appartenant à aucune
catégorie), les catégories suivantes :
· « Adorablechieuse »,
« Manuchon, Manuche », « Sale gosse »,
Bomba corsica et ChoupipouAl, ces catégories sont attribuées
à un ou 2 membres, en ayant contacté ces membres pour savoir
d'où venait ces surnoms, ils nous ont répondu qu'ils leur avaient
été donnés par d'autres fans et qu'ils avaient
demandé aux administrateurs du forum d'en faire leur
catégorie. Il s'agit généralement de membres très
actifs sur le forum.
· Admin & « Oueb », Team,
Votre « zabbé », Modo et Modo des
choupipoètes, ces catégories concernent un seul membre
à chaque fois, ils sont attribués à un modérateur
du site, chaque catégorie du forum ayant son propre
modérateur.
· Choupiboy, catégorie concernant les
membres masculins du forum, peu nombreux.
· Choupilier, cette catégorie concerne
les membres considéraient comme les plus importants du forum, les
« fans de la première heure » et ce ne sont
pas nécessairement ceux qui postent le plus souvent, c'est-à-dire
qui sont les plus actifs.
· Choupionnier, catégorie
attribuée aux 23 premiers membres du forum.
· Choupipouët, catégorie
attribuée à 9 membres actifs dans le forum « Le
cercle des Choupipoètes », le forum à
vocation artistique.
· Delirium, catégorie attribuée
à 10 membres actifs dans le forum « Vache...ries
à gogo », le forum où les membres ne se
prennent pas au sérieux.
· Membre d'honneur, une seule personne dans
cette catégorie, il s'agit d'Anne-Laure elle-même.
· VIP, catégorie pour les membres un peu
spéciaux comme le père d'Anne-Laure par exemple.
En général, ces distinctions ne sont pas
attribuées d'office, il faut que les membres en fassent la demande
auprès de l'administrateur en chef du forum. Selon la réponse
d'une des modératrices, l'administrateur peut décider de
gérer comme bon lui semble et elles se sont servi de cette idée
pour créer des catégories qui rassemblent qui se
« ressemblent ».
Ces forums fonctionnent sur la logique des
« post »158(*), il s'agit de sujets déposés sur
le forum par des membres. Ces sujets sont visibles par tous les membres
inscrits sur le forum. Chacun est libre de lire le sujet, d'y répondre,
d'intervenir et les modérateurs du site ont un droit de regard sur ce
qui est dit et peuvent choisir de faire fermer le sujet ou de le supprimer
selon s'il n'est pas conforme aux règles énoncées en
amont.
Exemple :
Titre du sujet : « Je ne comprends
pas »
Le
forum se compose de plusieurs catégories et sous-catégories. Il
faut que les membres postent dans la catégorie correspondante au type de
sujet évoqué sous peine de voir fermer ou déplacer leur
message. Voici les différentes catégories et
sous-catégories avec les informations relevées au 21 mai
2006 :
1.
UNE ETOILE : catégorie concernant directement la
chanteuse
1.1
Forum 100 % officiel : on y
trouve tous les messages émanant de la production et de l'équipe
professionnelle d'Anne-Laure et également les messages personnels
d'Anne-Laure elle-même.
1.2
De « Choupinette » à Anne-Laure
Sibon : on y trouve tous les messages à propos de la
chanteuse, concernant son actualité, ses projets, les réactions
des fans et leur soutien.
1.3
Choupimedia : on y trouve
toutes les informations sur les passages d'Anne-Laure sur scène,
à la télévision, à la radio etc...
1.4
Sibon la vie : forum relatif aux messages
concernant l'album d'Anne-Laure « Sibon la
vie »
2.
UNE FAMILLE : forum de libre expression des membres
2.1
Choupi'net avenue : ici les
Choupifans parlent aux Choupifans de tout et de rien, de
rencontres, de discussion avec comme sujet préféré,
Anne-Laure mais pas forcément.
2.2
Le cercle des Choupipoètes : les
Choupifans montrent ici leur talent de poète.
2.3
Vache...ries à gogo : l'enclos du rire et
des gags, il est précisé Choupisérieux
s'abstenir !
2.4
Choupiteufs & Choupineufs : en raison du
grand nombre de messages concernant les anniversaires et les
présentations de nouveaux membres, une nouvelle catégorie vient
d'être créer, pour souhaiter les anniversaires des membres et
souhaiter la bienvenue aux nouveaux.
3.
UNE PLANETE : catégorie traitant des petits
problèmes techniques du forum
3.1
Le garage de la planète : on y trouve
les questions techniques sur le fonctionnement du forum et du site.
Sur la page d'ouverture du forum, il est donc possible d'avoir accès
à toutes ces catégories. En fin de page, on trouve une partie
« Statistiques », qui donne le nombre d'
utilisateurs en ligne et actifs durant la dernière minute, les
anniversaires du jour, ainsi que les statistiques concernant le nombre de
messages envoyés dans la journée, le nombre total de membres
inscrits, le membre le plus récent et le nombre d'utilisateurs en ligne
simultanément (le record était de 97, le jeudi 15 mai 2003
à 23h24).
2. Le forum en chiffre
UNE ETOILE Nombre de sujets
Nombre de réponses
UNE FAMILLE
UNE PLANETE
TOTAUX 7331
153074
A
la première vue de ces résultats, on remarque que c'est la
deuxième rubrique qui engendre le maximum des messages. Nous avons donc
bien affaire ici à un regroupement de fans important qui communiquent
également en dehors du simple fait de l'artiste sur le forum
d'expression libre.
Répartition des sujets selon la typologie du forum
officiel (en %) au 21/05/2006
Répartition
des réponses selon la typologie du forum officiel (en %) au
21/05/2006
3. Le corpus
Ces graphiques montrent que les catégories engendrant le plus de sujets
sont aussi celles qui engendrent le plus de réponses. Le choix du corpus
s'est naturellement orienté vers la catégorie « Une
famille », d'une part parce qu'elle est la plus importante et
d'autre part, parce que c'est ici que les fans se parlent entre eux. En effet,
les sujets et réponses à caractère purement informatif
comme ceux que nous trouvons dans la partie « Une
étoile » ou ceux traitant de problèmes
informatiques («Une planète ») n'ont pas retenu
notre attention en ce qui concerne l'analyse. D'une part car ils ne semblaient
pas pertinents pour nos hypothèses et d'autres part car il est logique
que qu'il y ait des messages concernant l'artiste dans un forum d'un fan-site
qui lui est consacré. Cependant quelques sujets ont tout de même
été pris en considération dans la sous-catégorie
« Forum 100% officiel » parce qu'ils peuvent
indiquer une certaine mobilisation des fans devant les messages de la
production ou encore les messages de leur idole. Ainsi, nous avons
sélectionné 20 sujets sur les 89 en ligne au 21 mai 2006. Nous
avons laissé de côté les « sujets
importants » concernant les ventes du disque, sa promotion et la
réservation des différents concerts.
De plus, malgré que la sous-catégorie « De
Choupinette à Anne-Laure Sibon » offre essentiellement
des sujets informatifs, elle a été la première
catégorie du forum, c'est-à-dire, qu'elle était la seule
pendant quelques temps. C'est pourquoi nous allons utiliser quelques sujets
issus des prémisses du forum. Nous en avons retenu 5 sur les 1604 en
ligne pour les raisons que nous venons d'évoquer.
La catégorie « Une famille » recouvre donc
le maximum d'intérêt de la part des membres. Ce forum est toujours
actif. En effet, devant chaque catégorie, un logo indique si le forum
est calme ou actif. Cependant, nous allons trier les messages et ne conserver
que les plus pertinents pour nos hypothèses de travail. Voici comment se
répartissent les sujets et les réponses dans les
différentes sous-catégories :
Répartition
des sujets et des réponses dans la catégorie « Une
famille » selon le total des sujets et des réponses de cette
catégorie (en%)
Nous avons exclu, à ce stade là de l'analyse, les sujets des
catégories « Le cercle des
Choupipoètes », « Vache...ries à
gogo » et» « Choupiteufs &
Choupineufs » , qui ne nous ont pas semblé
pertinents dans notre recherche. Nous verrons plus tard pourquoi. Nous avons
également procédé à un tri sélectif de la
sous-catégorie « Choupi'net avenue » qui va
principalement nous aider dans notre travail. Nous avons conservé 122
sujets et toutes les réponses qu'ils ont suscité, issus de cette
catégorie. Nous avons ensuite procédé à une
répartition thématique de tous les sujets que nous avons
sélectionné, 147 au total159(*).
4. Les entretiens
Afin de préciser notre étude et confirmer, ou d'invalider, ou de
nuancer, les résultats que nous avons obtenu dans le cadre de l'analyse
de l'énonciation des messages du forum de discussions, nous avons
souhaité ajouter à notre corpus une série d'entretiens de
membres du fan-club d'Anne-Laure, 30 au total. Cela nous a permis de nous
rendre compte plus précisément du parcours des fans, à
partir moment où ils se sont découverts fan, jusqu'au moment
où ils se définissent comme faisant partis de la famille des
Choupifans. Ce thème nous a d'ailleurs particulièrement
intéressé, revenant très souvent dans les messages du
forum, nous avions voulu savoir si les membres avaient effectivement cette
profonde conviction d'appartenance, ou s'il s'agissait simplement d'un
leitmotiv propre aux discours virtuels d'Internet. C'est pourquoi il nous a
semblé pertinent de questionner le quotidien de ces individus pour
comprendre et mettre en lumière cet aspect de leur vie de fan entre
autre. Il nous a été relativement facile de recruter des
personnes motivées pour cette enquête étant donné
notre proximité avec le terrain. Cette technique était donc
appropriée pour nous fournir des éléments sur la petite
« communauté » qui nous intéressait
et pour nous permettre d'élargir le cadre des hypothèses. Ayant
été en contact avec la plupart des membres de ce forum lors de
notre travail de pré-enquête, nous avons intégré la
situation d'interaction sans trop de difficulté en établissant
une relation privilégiée avec les fans. Comme l'a fait C.Le Bart
avec les fans des Beatles160(*), nous sommes glissés consciemment dans la
peau d'un fan d'Anne-Laure afin d'instaurer un climat de confiance avec les
interviewés. Ainsi les anecdotes à propos de la chanteuse, et les
références communes ont pu être comprises et
partagées. L'enquêtée s'est donc senti plus libre de
s'exprimer sans avoir peur d'être jugée. Sans toutefois nier le
jeu des influences161(*)
qui se trame durant une situation d'entretien, les interviewés se sont
prêtés avec intérêt à l'enquête, et nous
ont fourni quelques « fables de vie »
retraçant leur parcours de fan. Nous sommes tout de même tout
à fait conscient que la technique de l'entretien, de même que
l'analyse des messages du forum, ne nous livrent qu'un discours, qu'une
représentation des pratiques, et qu'il faut être très
prudent avec l'interprétation des résultats.
L'échantillon
Notre échantillon s'est auto-réalisé, c'est-à-dire,
que nous avons lancé un appel et nous avons interrogé les
personnes qui étaient intéressées par notre étude.
Pour cela, nous avons écrit un message dans les deux forums de
discussion162(*) les
plus importants concernant Anne-Laure : « Avis à la
Choupipopulation !Je recherche des personnes (filles ou garçons)
pour me raconter leur expérience du fan-club, de leur passion pour
Anne-Laure, de leur parcours de fan pour ainsi dire. Pour ceux et celles qui
seraient intéressés, merci de me contacter par messages
privés163(*) ou
directement via mon adresse mail msn.
En vous remerciant. »
Dans ce message de recrutement, nous avons employé des expressions
permettant d'interpeller directement les membres du forum, en nous
plaçant d'entrée dans une logique de connivence avec les fans,
comme le fait de ponctuer des expressions par le surnom d'Anne-Laure. Nous
avons obtenu au total 20 réponses positives. Jugeant ce nombre un peu
réduit, nous avons démarché d'autres fans par le biais de
leur blog164(*) ou pages
personnelles. Ainsi nous avons pu obtenir 10 entretiens supplémentaires
pour clôturer un corpus final de 30 entretiens. Notre panel d'âge
questionné s'étend de 15 à 29 ans et il s'agit
principalement de filles avec une seule exception. Ces chiffres sont assez
représentatifs des statistiques effectuées pour les membres du
fan-club165(*).
Les modes d'accès aux enquêtés
Nous avons rencontré quelques problèmes techniques d'ordre
géographique. En effet, nous avons pu interroger en face-à-face
tous les membres ayant répondu positivement et qui se trouvaient dans un
périmètre assez proche de nous, mais également à
l'occasion d'un déplacement à Paris, en période de
concerts d'Anne-Laure. Cependant, la présente enquête ne nous a
permis de nous déplacer dans toute la France. Ainsi pour contourner ce
biais, nous avons réalisé 10 entretiens par messagerie
instantanée par Internet.
Le guide d'entretien
Nous avons opté pour des entretiens peu structurés, seulement
avec une consigne initiale et des axes thématiques avec des indicateurs,
sans planification de stratégies d'écoute et d'intervention. Nous
avons toutefois utilisé un guide d'entretien qui est « un
ensemble organisé de thèmes que nous souhaitions
explorer »166(*). Il est à « l'interface du
travail de conceptualisation de la recherche et de sa mise en oeuvre
concrète »167(*), il fait parti du processus d'objectivation.
Consigne
Initiale
« Tu
es membre du site Internet officiel d'Anne-Laure Sibon, peux-tu me parler de
cette expérience, de ton rapport et de ton intérêt à
ce site, notamment à son forum de discussion. »
Guide
thématique
Le rapport à Internet : l'objectif était de
connaître ici le rôle qu'occupait Internet dans le quotidien de nos
interviewés, que ce soit en fonction du temps de connexion ou des
utilisations.
Le
rapport à la famille, aux parents : étant donné
que la plupart de nos enquêtés vivent encore chez leurs parents,
l'objectif était ici de savoir de quel ordre était les rapports
qu'ils entretenaient avec eux, à l'aide d'indicateurs tels que la
liberté d'expression, de communication et d'espaces
privés.
Le
rapport à l'apparence : l'objectif était de mettre en
lumière les modes vestimentaires que les enquêtés suivaient
et ce que cela représentait pour eux, notamment en prenant l'exemple
suivi par Anne-Laure.
Le rapport aux représentations : l'objectif de ce
thème était de nous rendre compte de la façon dont les
enquêtés appréhendaient les représentations de
l'homosexualité à l'écran, s'ils abordaient ce sujet, et
s'ils évoquaient une identification possible.
Le rapport aux autres : nous avons voulu ici, d'une part,
mettre au jour, les relations que nos enquêtés pouvaient
entretenir avec leurs amis et comment ils mettaient en avant leur passion pour
Anne-Laure, et d'autre part, questionner les relations qu'ils ont établi
avec les autres membres du forum de discussions.
Le
rapport au collectif, au groupe : l'objectif était de mettre en
lumière les différents indicateurs nous permettant de saisir la
manière d'appréhender leur groupe d'appartenance, comme le fait
de se désigner, de porter des signes distinctifs et de manifester un
sentiment de solidarité.
Le
rapport aux médias : l'objectif était de connaître
les goûts en manière de programmes de télévision,
notamment les programmes de télé-réalité de nos
interviewés et ce qui les a conduit à s'intéresser
à Anne-Laure, que ce soit pendant ou après l'émission
Star Academy.
Le rapport à l'homosexualité : l'objectif
de cette thématique, si l'interviewé semblait s'engager dans
cette direction, était de comprendre ce que l'homosexualité
divulguée d'Anne-Laure avait pu apporter dans leur expérience
personnelle mais aussi, s'ils ont un avis sur la question, dans la façon
d'appréhender la vision de l'homosexualité en
général.
Ce
guide a été testé lors d'un entretien-test afin de voir si
la conceptualisation des questions était bien mise à
l'épreuve durant l'entretien. Cette technique d'enquête nous a
autorisé des « réajustements en cours de
route »168(*), par exemple, si la personne interrogée
ne semblait pas concernée par l'homosexualité, nous
évitions de nous étendre sur le sujet, notamment en ce qui
concerne la phase de l'identification.
Nous
nous sommes arrêtés à 30 entretiens car nous avons
été confrontés au phénomène de
saturation : les contenus des récits devenaient
répétitifs.
Les blogs
Au
cours de notre travail de recherche, nous nous sommes aperçus qu'un
certain nombre de membres possédaient un blog : ce terme
est la contraction de web et de log, « journaux
de bord », désormais blog en français.
C'est un site personnel permettant d'exprimer librement sur sa vie, ses
états d'âme, ses passions169(*). C'est une sorte de journal intime numérique
que les internautes peuvent voir en ligne et réagir en laissant des
commentaires à l'auteur. C'est comme une page personnelle interactive.
Nous reviendrons plus amplement sur ces définitions durant les chapitres
consacrés à l'analyse.
Nous
avons ainsi consulté environ 70 blogs appartenant à des
membres du fan-club. Nous nous sommes intéressés aux contenus
sommaires de ces pages, sans entrer dans trop de détails ; il ne
s'agit ici que d'une étude supplémentaire permettant d'orienter
notre enquête.
IV
) L'ANALYSE DES DISCOURS APPLIQUEE AUX FORUMS DE DISCUSSIONS ET AUX
ENTRETIENS
L'enquête rassemble l'ensemble des opérations par lesquelles les
hypothèses vont être soumises à l'épreuve des faits
et qui doit permettre de répondre à l'objectif que nous nous
sommes fixé170(*). Nous avons donc soumis notre corpus, les messages
du forum et les entretiens à certaines analyses, une analyse de contenu,
une analyse thématique notamment avec le classement des messages selon
différents thèmes qui nous ont paru pertinent, et surtout une
analyse de l'énonciation.
1. Le traitement des données
Nous interprétons tous en fonction de schèmes de
lecture, d'appréhension du monde qui nous appartient. C'est pourquoi,
nous devons mettre au jour les grilles d'observation du matériau et
d'analyse à des fins d'objectivation, de distanciation.
Une analyse quantitative
Nous avons effectué une observation détaillée du site
Internet Planeteannelaure et surtout de son forum de discussion. Nous
avons suivi les diverses catégories de sujets déjà
établies que nous avons classées et quantifiées par des
calculs de fréquences (sur le nombre de sujets et de réponses
envoyés par les membres). Mais cette grille de catégorisation
thématique étant trop importante, nous avons dû
sélectionner un certain nombre de sujets avec leurs réponses et
les reclasser selon une nouvelle grille. Cela a permis de saisir ce qui est le
plus pertinent pour la suite de l'analyse.
Le mode d'enregistrement et de numérotation des données choisi,
nous a indiqué de quel type étaient les messages les plus
nombreux sur le forum de discussion. Cependant, ce ne sont pas
nécessairement les types les plus nombreux que nous allons soumettre
à une analyse plus poussée, celle de l'énonciation.
La
grille de catégorisation appliquée aux sujets retenus se divise
en 5 thèmes :
1.
Les coups de coeur (24 sujets)
2.
La mobilisation et les recommandations (36 sujets)
3.
Les coups de gueule (36 sujets)
4.
L'accueil et la solidarité entre les membres(26 sujets)
5.
Le partage d'opinions (24 sujets)
Les coups de coeur
Cette catégorie rassemble tous les sujets d'encouragements, de
remerciements, d'hommages essentiellement adressés à
l'équipe du site ; mais aussi des messages de souvenirs où
les membres se souviennent de telle ou telle prestation d'Anne-Laure ;
mais encore des messages de type festif (comme pour les fêtes de fin
d'année).
La mobilisation et les recommandations
Cette rubrique rassemble les sujets où il est question de
mobiliser les membres soit pour un événement tel un concert, pour
un éventuel cadeau à offrir à Anne-Laure, soit encore pour
agir d'une certaine façon afin de promouvoir la carrière et le
dernier titre de la chanteuse. Ces sujets peuvent dans de nombreux cas
être lancés par la production elle-même. On trouve
également dans cette rubrique, les sujets dits de recommandations que ce
soit envers l'utilisation du site et du forum, ou que ce soit envers l'attitude
à adopter en tant que fans. Nous avons ajouté dans cette
catégorie, les messages postés par Anne-Laure elle-même et
qui servent immanquablement à « remotiver »
les membres.
Les coups de gueule
Cette catégorie regroupe tous les sujets concernant des explications,
entre les membres ou de la production aux membres, mais aussi les
différents règlements de compte qu'il peut y avoir sur le forum,
tout le monde n'est pas toujours d'accord et cela engendre des conflits.
L'accueil et la solidarité entre les membres
Cette rubrique comporte les sujets sur les nouveaux membres qui se
présentent ou qui se trouvent un peu perdus. Il s'agit de sujets sur les
différents problèmes que peuvent rencontrer les membres et l'aide
que peuvent leur apporter les autres sur leurs expériences personnelles
dans différents domaines de la vie.
Le partage d'opinions
Ici, il est question de sujets d'opinions générales à
propos d'Anne-laure ou de divers thèmes d'actualité comme par
exemple celui de l'homosexualité. Les membres partagent leur point de
vue.
Ce
classement thématique s'est effectué par rapport aux sujets
lancés, il ne tient pas compte des réponses apportées. Il
se peut par exemple que l'on retrouve des réponses
« coups de gueule » dans le thème
« Partage d'opinions ».
Voici
la répartition des réponses entraînées par les
sujets de nos 5 thèmes de départ (en pourcentage des
réponses):
L'élaboration
de ces cinq thèmes nous a permis de décrypter les formes de
discours employées selon l'information que le locuteur voulait faire
passer. Pour cela, ce dernier fait appel à ses compétences
linguistiques, que nous admettons au départ. Tous n'ont pas les
mêmes compétences, cela se vérifie notamment dans les
messages du forum qui nous intéressent ici. En effet, certains ont plus
de mal à s'exprimer par écrit que d'autres. Nous appliquons donc
une analyse de l'énonciation à un support écrit.
L'émetteur n'est pas simplement quelqu'un qui choisit tel ou tel item
lexical, telle ou telle structure syntaxique dans le stock de ses aptitudes
langagières en ayant pour unique contrainte « ce qu'il a
à dire ». D'autres contraintes agissent comme des filtres
limitant la possibilité de choix. Il va donc devoir tenir compte de la
situation de communication (ici à travers un forum de discussion sur
Internet), mais aussi des compétences non-linguistiques de
lui-même et du récepteur comme par exemple, leurs
déterminations psychologiques jouant un rôle dans les
opérations d'encodage/décodage de l'information ainsi que leurs
compétences culturelles et idéologiques. Il se peut donc qu'il y
ait un décalage entre la production de l'énonciateur et la
reconnaissance du récepteur en terme de compréhension. La
compétence culturelle indique qu'il faut incorporer l'image que les deux
partenaires se font d'eux-mêmes, qu'ils se font de l'autre (ou des
autres), et qu'ils imaginent que l'autre se fait d'eux-mêmes171(*) : on ne parle pas
à un destinataire réel (encore moins dans le cas de l'Internet
communicationnel), mais à ce que l'on croit en savoir, cependant que le
destinataire décode le message en fonction de ce qu'il croit savoir de
l'émetteur. Mais au cours de la communication, chacun ajuste son propre
code à ce qu'il croit présumer chez l'autre.
Dans
notre cas, une personne lance un sujet, et les autres membres du sujet sont
libres de répondre, d'intervenir ou de ne rien faire. Cependant les
énonciateurs jouent tour à tour le rôle de
l'émetteur et celui du récepteur. Les messages d'un forum de
discussion ne s'adressent quasiment jamais (sauf attaques personnelles comme
nous le verrons) à une seule personne. Nous verrons que ces personnes ne
se connaissent pas nécessairement mais cela peut arriver, dans ce cas,
le dialogue aura plus des allures de conversations
« privées » employant des expressions, des
anecdotes que tout le monde ne peut pas comprendre. Dans la définition
du récepteur, il faut faire intervenir la relation sociale et affective
qu'il entretient avec le locuteur. Dans le cadre d'un forum de discussion sur
Internet, les relations sont le plus souvent virtuelles, cependant dans un
regroupement de fans, il y a toujours des moyens de rencontrer ceux qui
partagent la même passion que soi, notamment lors des différents
concerts ou déplacements de la star en question.
Le
langage dont on fait ici usage n'a-t-il pas déjà pour fonction
d'être un marqueur de la reconnaissance de
« l'entre-soi » ?
Une analyse qualitative
Après avoir effectué une analyse de contenu thématique, le
corpus a été soumis à une analyse de l'énonciation.
Cette analyse participe également à l'analyse qualitative des
données. Les travaux autour de l'énonciation s'organisent sur des
principes issus de la linguistique. Ils partent du principe que tout message
implique une interaction, car la parole d'adresse toujours plus ou moins
explicitement à un interlocuteur. Le forum de discussion est
constitué de locuteurs et de lecteurs mais dont les rôles sont
sans cesse inverser, d'où le terme de discussion. Les messages
véhiculés par le forum sont destinés aux membres, fans
d'Anne-Laure. Il s'agit alors de trouver les marques de l'interaction et les
indices permettant d'entrevoir la validation ou l'invalidation des
hypothèses de départ.
Le sujet parlant s'inscrit dans les énoncés qu'il
émet : autrement dit, à une langue conçue comme un
répertoire de signes combinés systématiquement, on tend
à substituer l'idée que « le locuteur s'approprie
l'appareil formel de la langue et énonce sa position de locuteur par des
indices spécifiques »172(*). Le locuteur pose un certain type de rapport
à son propre énoncé et au monde. L'analyse du discours ou
de l'énonciation se voit comme un dépassement de l'analyse de
contenu. L'énonciation est la « mise en fonctionnement de
la langue par un acte individuel d'utilisation »173(*). Elle est l'acte par
lequel le locuteur « mobilise la langue pour son
compte », « prend la langue pour
instrument »174(*), convertit la
« langue » en
« discours » et se pose comme locuteur par des
indices spécifiques.
Le monde contemporain a vu la multiplication de textes
éphémères surtout avec le développement d'Internet.
Les énoncés que l'on y trouve sont survolés,
feuilletés, consultés, rarement au sens plein du mot175(*). Ils peuvent cependant faire
l'objet d'une analyse du discours en rappelant que le lien social dont il
émerge, le canal par lequel il passe, le type de diffusion qu'il
implique, ne sont pas dissociables de la façon dont le texte s'organise.
L'analyse de l'énonciation part, le plus souvent, du schéma de
R.Jakobson176(*) de la
communication verbale :
Contexte
Emetteur............................Message..............................Destinataire
Contact
Code
Même s'ils ne sont pas toujours identifiables, l'émetteur et le
destinataire participent toujours virtuellement à l'acte
énonciatif. Dans notre cas, l'interaction est simultanée,
c'est-à-dire que l'un parle (ou plutôt écrit) et les autres
écoutent en silence, ils ne peuvent réagir qu'une fois le message
envoyé. Les énonciateurs jouent tour à tour le rôle
de l'émetteur et du récepteur. Dans la définition du
récepteur, il faut faire intervenir la relation sociale et affective
qu'il entretient avec le locuteur177(*). Cette relation pourra se révéler
à nous au fur et à mesure du travail d'investigation. Au
schéma de R.Jakobson, C.Kerbrat-Orecchioni ajoute les compétences
linguistiques, para-linguistiques, idéologiques et culturelles de
l'émetteur et du récepteur, mais aussi leurs
déterminations psychologiques et les contraintes de l'univers de
discours. L'émetteur se livre à un processus d'encodage et le
récepteur de décodage, c'est donc un travail
collaboratif178(*). Tous
ces phénomènes observables forment le processus de
l'énonciation. Le but de notre recherche empirique sera de localiser et
circonscrire les points d'ancrage les plus voyants de la subjectivité
langagière dans les messages du forum de discussion.
2. Le contexte
Il est nécessaire à la bonne compréhension de
l'énoncé qui est d'abord verbal mais qui a aussi une valeur
pragmatique, c'est-à-dire qu'il prétend instituer une certaine
relation avec son destinataire. Pour cela, il faut bien que
l'énoncé montre d'une manière ou d'une autre cette valeur
pragmatique, l'acte qu'il prétend accomplir par son énonciation.
Les conditions matérielles de présentation de
l'énoncé interviennent de manière décisive, mais il
existe également un « interdiscours »179(*) qui vient étayer
l'énoncé proprement dit.
Le contexte n'est pas nécessairement l'environnement physique,
le moment et le lieu de l'énonciation. Dans notre cas, où les
personnes ne sont pas présentes physiquement lors de l'interaction, il
s'agit de prendre en compte le contexte linguistique appelé le cotexte,
c'est-à-dire une référence dans le texte permettant de
comprendre. Dans notre cas, il est important aussi de prendre en
considération les savoirs antérieurs à
l'énonciation, qui peuvent être une source d'informations
nécessaire à la compréhension et à
l'interprétation, notamment les évènements survenus dans
la carrière de la chanteuse. Le destinataire n'est pas passif, il doit
définir lui-même le contexte dont il va tirer les informations
dont il a besoin pour interpréter l'énoncé. Par exemple,
si les interactants ont déjà une « histoire
conversationnelle » commune, il s'agit pour eux de manifester
qu'ils en ont quelques souvenances180(*). Cette « connaissance
partagée »181(*) par les interlocuteurs constitue un des
éléments les plus importants du contexte. Les participants
doivent alors être envisagés comme un « faisceau de
propriétés » mais surtout comme un ensemble de
savoirs, de croyances et de représentations. Le contexte s'observe donc
dans les données concrètes de la situation de communication mais
il se réfère également à tout ce qu'il y a de
commun chez les participants à la situation de communication. Dans notre
cas, il s'agirait notamment des différentes actualités de la
chanteuse, de ce qu'elle a pu faire ou ne pas faire dans sa courte
carrière, ceci forme ce que l'on pourrait appeler la
« mémoire collective »182(*), l'histoire commune
à tous les membres du forum, fans de la chanteuse Anne-Laure.
D.Maingueneau
évoque les normes que les interlocuteurs doivent respecter en
communication verbale. Le destinataire doit faire l'hypothèse que le
producteur de l'énoncé respecte certaines
« règles du jeu »183(*), accord tacite à
l'activité verbale, un savoir mutuellement connu : chacun postule
que son partenaire se conforme à ces règles et s'attend à
ce que l'autre s'y conforme. Dans notre étude du forum de discussion,
les règles du jeu sont fixées au départ par les
modérateurs du site et font l'objet d'une sorte de charte184(*). Nous pouvons parler
également de principe de coopération185(*).
3. L'interactivité
Le discours est interactif, il engage au moins deux partenaires dont la trace
est le « je-tu ». Dans notre cas, le concept
d'interactivité est très important car il est le but du forum de
discussions, et le but des nouvelles technologies de communication comme
Internet. Il s'agit d'une sorte de discussion interactive engageant autant de
personnes qui seraient intéressées par le sujet lancé par
un des membres du forum. Il ne fonctionne pas selon la logique
« je-tu », l'énonciateur ne s'adresse pas
seulement à une seule personne mais à l'ensemble des membres du
forum, il s'agirait alors d'une logique
« je-vous » voire même nous le verrons
« nous-vous ». Le discours que l'on recueille sur
ce forum de discussion, comme tous les discours, a une certaine finalité
qui n'est pas toujours évidente à déceler. Nous avons fait
l'hypothèse qu'il s'agissait, d'une part officiellement pour promouvoir
la carrière d'Anne-Laure mais aussi pour maintenir ou même
créer un certain lien social entre les membres ayant des
caractéristiques communes et des buts en commun, d'où l'emploi du
terme de communauté. La détermination de cette finalité
peut être consciente ou non-consciente selon les membres et selon ce qui
peut être dit et non-dit.
Le support matériel qui nous intéresse ici, est Internet ou plus
directement l'écran d'ordinateur, c'est lui qui nous donne la dimension
médiologique des énoncés étudiés. Avec ce
genre de support, nous sommes hors du temps et hors de l'espace, il ne s'agit
plus d'une interaction ordinaire.
Aujourd'hui, le médium n'est pas qu'un simple moyen de transport pour le
discours, mais il contraint ses contenus et commande les usages qu'on peut en
faire. Nous en avons pris conscience avec l'avènement des médias
audiovisuels et le développement de l'informatique. Ils ont
bouleversé la nature des textes et leur mode de consommation. Il faut
partir d'un dispositif communicationnel qui intègre d'emblée le
médium. Le mode de transport et de réception de
l'énoncé conditionne la constitution même du texte et
façonne le discours. Bien des mutations sociales se manifestent à
travers un simple déplacement
« médiologique » ; le jour où
des couples en difficulté au lieu de s'exprimer dans le cabinet d'une
psychologue, le font dans un talk-show télévisé, c'est
là bien autre chose qu'un simple changement de lieux et de canal, c'est
toute une modification de la société qui est
impliquée186(*).
Le discours qui nous occupe dans notre étude, est un discours interactif
écrit. Il peut ainsi, à travers Internet, circuler loin de sa
source, rencontrer des publics plus ou moins imprévisibles sans pour
autant être modifié à chaque fois. La distance qui
s'établit entre co-énonciateur et texte écrit ouvre un
espace pour un commentaire critique ou des analyses. Un écrit peut aussi
être recopié, classé, archivé...c'est le cas des
différents sujets de discussion du forum, ils sont tous classés
dans différentes catégories depuis la création du site.
Nous nous devrons également d'accorder de l'importance à la mise
en page, au fait que certains mots ou expressions peuvent être
écrits en caractères gras ou soulignés, certains
apparaissant aussi entre guillemets.
4. Les relations interpersonnelles
Il serait, dans notre cas, pertinent de constater les relations qui
s'établissent entre les membres du forum. Le système d'expression
de la relation interpersonnelle s'organise à partir de trois axes :
celui de la distance, celui de la domination ou du systèmes de places et
celui du conflit ou du consensus187(*).
Dans l'interaction, les partenaires peuvent se montrer plus ou moins proches ou
éloignés, cette distance est fonction de leur degré de
connaissance mutuelle, de la nature du lien socio-affectif qui les unit et de
la nature de la situation communicative. La question est de savoir quels sont
les principaux signes du lien. Ces marqueurs peuvent être de nature
verbale, para-verbale ou non-verbale. On trouve les termes d'adresse : le
pronom de la deuxième personne implique soit une distance
(« vous ») soit une proximité ou une
solidarité(« tu »). Le
« tu » peut permettre un mouvement d'inclusion /
exclusion, de circonscrire un groupe d'individus qui
« partagent » le
« tu » , ce
« tu » fonctionnant comme un ciment social qui
soude efficacement l'ensemble communautaire. Bien sûr certains facteurs
peuvent entraîner des modifications comme l'âge, aujourd'hui les
jeunes se tutoient dés la première rencontre, ou le lien
familial, en principe les membres d'une famille se tutoient. Les thèmes
abordés peuvent aussi fournir des éléments quant à
la relation des interactants ; si la relation est distante, on aura des
thèmes généraux et impersonnels ; au contraire si
elle est plus familière, les sujets de conversation seront
eux-mêmes privés, personnels ou intimes ; on retrouve les
mêmes caractéristiques dans le niveau de langue utilisé.
Enfin les « mots de passe » ou les termes
et jargons spécialisés sont souvent corrélatifs d'une
relation de solidarité entre les interlocuteurs ou du désir de
l'instaurer. Ici, Internet implique dés le départ une interaction
basée sur la familiarité libérée de toutes
contraintes physiques. De plus, les mots de passe188(*) sont obligatoires pour
pouvoir « entrer » sur un forum de discussion et
les discussions nécessitent en effet, l'utilisation d'un jargon
particulier189(*) :
ne participe pas aux forums de discussions sur un sujet bien précis, qui
veut.
Au cours du déroulement de l'interaction, les différents
partenaires se trouvent placés en un lieu différent sur l'axe de
la domination qui structure leur relation interpersonelle. Nous pouvons dire
que l'un a une position haute (de dominant) et l'autre une position basse (de
dominé). Cette relation est de nature graduelle. Dans notre cas, il n'y
a pas de tour de parole à proprement parlé, chacun est libre de
poster un message quand bon lui semble. A priori, il n'y a pas de rapport de
domination. Cependant, lorsque l'on occupe plus longtemps le terrain que les
autres participants de l'interaction, on a plus de chances de faire valoir ses
vues, de dominer la conversation et d'en être la vedette : avoir le
privilège d'entamer la conversation, c'est être en mesure de
décider de son orientation générale, de
« donner le ton »190(*). Ceci pourrait s'observer chez les membres qui
postent le plus souvent ou encore celles qui ont une distinction
particulière comme nous avons pu le voir. Celui qui a le dernier mot est
important aussi dans les systèmes de places. Dans ces systèmes,
il faut distinguer les places qui sont déterminées par le
contexte institutionnel (c'est le cas pour les modérateurs du site
Internet représentant en quelque sorte l'institution du site) et celles
qui sont exprimées dans le discours par le jeu de l'interaction.
L'interaction peut donner lieu soit à une coopération soit
à un conflit. Cela s'exprime par une dimension affective dans le
discours exprimée à travers un certain nombre de marqueurs de
« bonne » ou de « mauvaise
volonté » interactionnelle. S'ils sont en
« bons termes », les participants vont
s'employer à coopérer pour
« s'entendre » et s'ils sont en
« mauvais termes », ils vont cultiver
l'affrontement, et chercher à se mettre des « bâtons
dans les roues »191(*) : nous retrouvons là la distinction
entre les thèmes « coups de coeur » et
« coups de gueule ».
5. Les indicateurs de l'énonciation
L'ethos
A travers l'énonciation se montre la personnalité de
l'énonciateur. R.Barthes a mis en évidence le caractère
essentiel de cet ethos : « Ce sont les traits de
caractère que l'orateur doit montrer à l'auditoire (peu importe
sa sincérité) pour faire bonne impression [...] l'orateur
énonce une information et, en même temps il dit : je suis
ceci, je ne suis pas cela. »192(*) . L'efficacité de cet ethos tient au fait
qu'il enveloppe en quelque sorte l'énonciation sans être
explicité dans l'énoncé. Même à
l'écrit, la lecture fait apparaître une instance subjective qui
joue le rôle du garant de ce qui est dit. On emploie le terme
d'incorporation pour désigner l'action de l'ethos sur le
co-énonciateur (les co-énonciateurs dans notre cas).
L'énonciation amène le co-énonciateur à
conférer un ethos à son garant, elle lui donne corps ; le
co-énonciateur incorpore, assimile ainsi un ensemble de schèmes
qui définissent pour un sujet, à travers une manière de
tenir son corps, de l'habiter, une manière spécifique de
s'inscrire dans le monde ; ces incorporations permettent la constitution
d'un corps, de la communauté imaginaire de ceux qui communient dans
l'adhésion à un même discours. Nous avons rencontré
à cet effet, deux sortes de membres, ceux dont l'ethos garantit le
non-dit quant à la vie privée d'Anne-Laure et ceux dont l'ethos
est plus orienté vers une « politique » de
mise en avant de certains critères tels que l'homosexualité de la
chanteuse.
Les pronoms personnels : nous, vous et on
Le « nous » sert parfois à désigner
non une somme d'individus mais un sujet collectif. En effet, pour E.Benveniste,
« d'une manière générale, la personne
verbale au pluriel exprime une personne amplifiée et
diffuse »193(*). Le « nous » n'est
alors qu'une collection de « je »,
« c'est un je dilaté au delà de la personne
stricte, à la fois accru et de contours vagues ». Dans le
« nous », la prédominance du
« je » est très forte, au point que, dans
certaines conditions, ce pluriel peut tenir lieu de singulier. On observe les
mêmes remarques pour le « vous », qui peut
désigner aussi bien une collectivité qu'un seul individu (dans ce
cas, c'est la marque de la politesse).
Le « on » réfère toujours à
un être humain, il occupe toujours la fonction de sujet, il ne varie ni
en genre ni en nombre et constitue, du point de vue morphologique, une
troisième personne, il a une grande polyvalence. Sa
préférence varie selon la manière dont il est
mobilisé à l'intérieur d'un processus énonciatif
particulier. Selon le contexte, il peut s'interpréter comme
référant à l'énonciateur, au co-énonciateur,
au couple énonciateur plus co-énonciateur, à la
non-personne, que ce soit un individu, un groupe ou un ensemble flou.
Les guillemets et l'italique (faits intonatifs ou
typographiques)
Les guillemets sont utilisés lorsque l'on rapporte un discours
ou bien lorsque l'on veut isoler un mot. Dans ce dernier cas, il s'agit d'un
emploi autonymique. L'énonciateur peut également dédoubler
en quelque sorte son discours pour commenter la parole en train de se faire. Il
peut utiliser aussi des tirets, des parenthèses ou l'italique. Il peut
s'agir d'un commentaire sur ce qui est train d'être dit. Quelquefois, on
emploie un mot un peu inadéquat ou une expression empruntée
à quelqu'un, alors on utilise l'italique ou des guillemets.
En mettant des mots entre guillemets, l'énonciateur se contente en effet
d'attirer l'attention du co-énonciateur sur le fait qu'il emploie
précisément ces mots qu'il met entre guillemets ; il les
souligne en laissant au co-énonciateur le soin de comprendre pourquoi il
attire ainsi son attention, pourquoi il ouvre une faille dans son propre
discours.
Souvent, mettre une unité entre guillemets, c'est en renvoyer la
responsabilité à un autre. Pour interpréter les
guillemets, le lecteur doit tenir compte du contexte et en particulier du genre
de discours.
Nous voyons donc que la subjectivité peut s'instaurer dans
différents moments du processus d'énonciation. Parler c'est
signifier, mais c'est en même temps référer : c'est
fournir des informations spécifiques à propos d'objets
spécifiques du monde extralinguistique, lesquels ne peuvent être
identifiés que par rapport à certains « points de
référence » à l'intérieur d'un
certain « système de
repérage »194(*). De plus, certains termes ou expressions sont
très marqués subjectivement et évoquent clairement
l'opinion du locuteur. Nous avons procédé à un
repérage des unités énonciatives que nous avons
jugé utiles pour l'analyse. Ces différents points que nous venons
de mettre au jour nous a permis de faire émerger ce sentiment
d'appartenance, ce sentiment de collectif qui semble peser sur le forum de
discussions.
Les adjectifs subjectifs195(*)
A l'inverse des adjectifs objectifs comme célibataire,
marié ou encore les adjectifs de couleur, nous trouvons un grand nombre
d'adjectifs ou de verbes dits subjectifs :
Les
adjectifs affectifs : ils énoncent, en même temps qu'une
propriété de l'objet qu'ils déterminent, une
réaction émotionnelle du sujet parlant en face de cet objet. Dans
la mesure où ils impliquent un engagement affectif de
l'énonciateur, où ils manifestent sa présence au sein de
l'énoncé, ils sont énonciatifs. Ainsi ils sont proscrits
de certains discours qui prétendent à
l'objectivité.
Les
adjectifs évaluatifs non-axiologiques196(*) : tous les adjectifs
qui, sans énoncer de jugement de valeur, ni d'engagement affectif du
locuteur, impliquent une évaluation qualitative ou quantitative de
l'objet dénoté par le substantif qu'ils déterminent, et
dont l'utilisation se fonde à ce titre sur une double norme :
interne à l'objet support de qualité et spécifique du
locuteur- et c'est dans cette mesure qu'ils peuvent considérés
comme subjectifs. L'usage d'un adjectif évaluatif est relatif à
l'idée que le locuteur se fait de la norme d'évaluation pour une
catégorie d'objets donnée197(*). La norme est bien sûr relative au sujet
d'énonciation.
Les
adjectifs évaluatifs axiologiques : leur utilisation permet
aussi une double norme. La norme interne à la classe de l'objet-support
de la propriété : par exemple, les modalités du beau
varient avec la nature de l'objet à propos duquel on prédique
cette propriété ; et la norme interne au sujet
d'énonciation et relative à ses systèmes
d'évaluation (esthétiques, éthiques...)198(*). Ils portent sur l'objet
dénoté par le substantif qu'ils déterminent un jugement de
valeur. Ils sont donc doublement subjectifs : dans la mesure où
leur usage varie avec la nature particulière du sujet
d'énonciation dont ils reflètent la compétence
idéologique et dans la mesure où ils manifestent de la part du
locuteur une prise de position en faveur ou à l'encontre de l'objet
dénoté.
Les
verbes subjectifs : certains verbes comme
« aimer » sont nettement plus marqués
subjectivement que d'autres (comme « acheter » par
exemple). On trouve les verbes qui impliquent une évaluation en terme de
bon/mauvais ou de vrai/faux : c'est le cas des verbes de sentiment,
à la fois affectifs et axiologiques, ils expriment une disposition,
favorable ou défavorable, de l'énonciateur vis-à-vis de
son objet et corrélativement une évaluation positive ou
négative de cet objet ; c'est le cas également des verbes
locutoires qui dénotent un comportement verbal ; c'est la cas
ensuite des verbes qui dénotent la façon dont un agent
appréhende une réalité perceptive ou intellectuelle, comme
les expressions verbales fonctionnant comme des indices de subjectivité,
et signalent que l'impression perceptive est spécifique de l'individu
qui la reçoit, ou encore les verbes d'opinion, « servant
au locuteur à informer le destinataire des croyances d'un
tiers »199(*), ils indiquent en même temps quel est
le degré d'assurance avec lequel ce tiers adhère à sa
croyance200(*).
Réflexions sur l'exhaustivité
Plus un discours est exhaustif et plus il tend vers l'objectivité ;
plus il sélectionne les informations à verbaliser et plus il
encourt le risque de passer pour subjectif, ce constat est très marquant
dans l'étude de la presse. Or, l'absence porte sens comme la
présence201(*).
Il faudra donc nous intéresser à ce qui est dit mais aussi
à ce qui ne l'est pas de manière explicite ou implicite. Etre
exhaustif ne veut pas dire, tout dire sur tout, mais dire tout et seulement ce
qui, dans une situation donnée et compte tenu des savoirs
préalables des énonciateurs, est pertinent sur un sujet
donné, et par rapport à cette norme informationnelle, peuvent se
mesurer des écarts aussi bien positifs (informations
superfétatoires et
« déplacées ») que négatifs
(informations lacunaires).
Nous avons donc opté pour une analyse qualitative de
l'énonciation plutôt qu'une analyse quantitative dont nous n'avons
jugé la réelle pertinence, que ce soit pour les messages du forum
ou pour les entretiens. Il nous a semblé plus juste qu'une analyse
continue ainsi que les articulations pouvaient nous montrer la conscience,
l'évidence et le côté communautaire du groupe
étudié. En effet, il n'est pas certain que l'on y trouverait une
signification statistique. Il convient donc plutôt de s'attarder sur les
« échappées de l'inconscient202(*) »,
annoncées et véhiculées par les indications fournies, leur
forme, les nominations...etc...tout ce que l'on pourra trouver de subjectif
dans l'énonciation, voire même dans l'argumentation. Il ne s'agit
pas de comptabiliser ou de classifier mais de « reconstituer le
puzzle d'un sens » en s'attardant également sur les
thématiques mises en scène, puisque le discours est le
résultat d'une construction203(*), surtout lorsqu'il est écrit et en situation
d'entretien.
Ce qui n'est pas dit, a une aussi grande importance que ce qui surgit
involontairement, et ce qui surgit involontairement a plus d'importance que
l'expression volontaire. On y trouvera plus de vérité que dans la
parole réductible à la conscience et à la logique. Les
distinctions entre ce qui est explicite et ce qui est implicite204(*) dans le discours, ainsi que
ce qui est tu, latent et ce qui est dit, ont ici toute leur importance.
Au fil de l'analyse se sont rajoutés d'autres éléments qui
nous ont paru pertinents, comme notamment la manière dont se
désigne le groupe, la manière dont les membres du forum se
désignaient entre eux, les mots ou expressions inventés par les
membres qui peuvent constituer une sorte de vocable propre au groupe, mais
aussi les différentes expressions de la solidarité. Il faudra
cependant se demander, compte tenu de notre interrogation, si ce système
de valeurs « solidaires » est propre à un
groupe de fans, un mouvement lesbien naissant ou plus
généralement aux jeunes adolescentes, dont nous avons
constaté la majorité sur ce forum.
De plus, nous avons tenté de prendre en considération
les différentes étapes de la carrière de la chanteuse dans
l'analyse des messages. Certains thèmes apparaissaient au début
du forum, à son ouverture, puis ont totalement été rendus
tabous, c'est notamment le cas pour l'homosexualité, thème qui
nous intéresse particulièrement ici.
6. L'analyse de contenu appliquée aux entretiens
Nous avons appliqué une analyse linguistique de l'énonciation aux
messages constituant la première partie de notre corpus. Une telle
analyse peut également s'appliquer aux entretiens, même si le
discours oral est plus spontané que le discours écrit, les
tournures énonciatives utilisées par les enquêtés
peuvent aussi être décomposées et nous fournir des
indications. Cependant, c'est l'analyse de contenu thématique qui a
été mise en oeuvre pour les entretiens afin d'extraire les
éléments pertinents pour l'objet de notre recherche, ils
prendront alors le statut d'indices205(*). Ces données permettent ainsi la
confrontation des hypothèses aux faits et viennent consolider ou
infirmer les premiers résultats obtenus grâce à l'analyse
des messages interactifs du forum de discussions.
Cette analyse s'est effectué sur l'ensemble de notre corpus,
c'est-à-dire, l'ensemble des discours produits par les
interviewés et l'enquêteur, retranscrits de manière
littérale206(*).
Nous rappelons que ce discours est une production et non une donnée, il
est largement pré-fabriqué et co-construit par l'interaction, et
les biais qu'elle peut engendrer, comme par exemple l'influence que
l'enquêteur peut avoir sur les enquêtés, même si nous
avons essayé de créer un climat de confiance et de connivence
avec les personnes que nous avons interrogées. Les discours sont
retranscrits et ce sont ces matériaux écrits que nous avons
tenté de « faire parler, après avoir fait parler
les interviewés »207(*).
Découper l'entretien par thèmes revient à ne pas tenir
compte de la logique cohérente et chronologique du discours. Nous
opérons des découpes transversales permettant d'organiser
l'analyse de chacun de nos entretiens en différents thèmes. Nous
avons donc recherché une « cohérence
thématique inter-entretien »208(*). Cette méthode s'est
révélée efficace surtout lorsque nous avons eu à
interroger les discours recueillis par messagerie instantanée,
étant donné la faible architecture constructive de ces
discours209(*).
L'identification des thèmes et la construction de ce qui pourrait
être une grille d'analyse s'effectuent à partir de nos
hypothèses de départ qui peuvent éventuellement être
reformulées après la lecture et la confrontation des entretiens.
Dans notre cas, cette grille d'analyse correspond à notre guide
d'entretien qui avait préalablement été conçu selon
certains thèmes que nous voulions alors aborder avec les personnes
interrogées.
CHAPITRE
III) LA RECONNAISSANCE MEDIATIQUE ET VIRTUELLE : ENJEUX D'UNE CULTURE
JUVENILE ACTUELLE ?
Les études sur la sociologie des publics et de la réception se
sont souvent centrées sur la télévision. De plus, les
enquêtes sur les pratiques culturelles des français210(*) ont montré que la
télévision était la première source d'occupation en
la matière : 96% des foyers sont équipés d'un
téléviseur, 77% des personnes la regardent tous les jours, et la
durée d'écoute moyenne est de 21 heures par semaine. Ces
études font apparaître que la multiplication des programmes rend
l'écoute de plus en plus individualisée, chaque membre de la
famille regardant ses émissions, ses programmes. Cette individualisation
se poursuit avec le déploiement des nouvelles pratiques
médiatiques et aux nouveaux modes de communication à distance,
principalement Internet. La consommation dite culturelle, même de masse,
s'individualise et les premiers touchés sont les jeunes, malgré
le fait que ce sujet reste peu abordé dans les travaux sur la jeunesse.
Ce phénomène est à l'origine de, ou a été
entraîné par, l'autonomie croissante que les jeunes
acquièrent au détriment de la socialisation familiale :
« plusieurs indices semblent montrer que l'autonomie culturelle
des jeunes, c'est-à-dire le fait d'affirmer des goûts et des
fréquentations en partie indépendants des normes et des choix
familiaux, se manifeste de plus en plus
précocement »211(*). Ce contrôle de moins en moins pesant des
parents s'est effectué en faveur de la culture de masse qui joue
désormais un rôle grandissant dans la construction identitaire des
adolescents, tout comme l'organisation des sociabilités juvéniles
qu'elle entraîne. La création d'un groupe de fans qui constituent
notre population d'enquête s'inscrit, au départ, dans ce
processus. Nous qualifions nos enquêtés de
« jeunes », l'âge moyen étant de 21
ans au moment de l'analyse, qui se trouve être aussi l'âge de la
chanteuse.
Nous avons élargi la reconnaissance médiatique à la
reconnaissance virtuelle car il semble d'après nos résultats que
le réseau de fans auquel nous nous sommes intéressés sur
Internet ait, comme nous l'avons vu, des fonctions expressives comme
l'affinité et l'amitié et des fonctions instrumentales comme la
solidarité et l'entraide, qui nous semble être des notions
importantes dans le processus de reconnaissance, dont un des enjeux les plus
importants chez les jeunes aujourd'hui est la sexualité212(*).
I
) LES MEDIAS : VECTEURS D'UNE CONSTRUCTION IDENTITAIRE INDIVIDUELLE ET
COLLECTIVE
A l'ère de la communication, les médias bénéficient
d'un poids symbolique non négligeable, ils servent notamment à
définir et banaliser des réalités sociales213(*). La télévision
par exemple, offre une expérience collective, elle est un support pour
les interactions sociales. Elle s'insère dans le tissu social pour y
redéfinir des identités. Les téléspectateurs d'un
programme peuvent avoir le sentiment d'appartenir à une
communauté imaginée214(*). Ainsi, ce que l'on regarde à la
télévision nous inscrit dans un groupe social ou nous en
exclut215(*). Les
programmes de télé-réalité ont pris beaucoup de
poids dans le paysage télévisuel français, même si
aujourd'hui les audiences s'essoufflent. Cependant, ils permettent de
constituer des groupes de soutien pour les différents candidats, et donc
des sortes de groupes éphémères défendant ce que
nous pourrions appeler des « intérêts
communs ». Chaque participant des émissions de
télé-réalité va représenter un certain type
social auquel le public peut facilement s'identifier, et notamment le public
jeune qui nous intéressent plus particulièrement ici. Autour de
ce mouvement s'organise une sociabilité, qui prend son essor, nous
l'avons vu, sur Internet. Cette scène des interactions à distance
semble occuper aujourd'hui une place très importante dans la
régulation de la sociabilité juvénile216(*). Elle possède
certains éléments propres aux scènes intimes, comme la
possibilité de se confier, le dévoilement de soi ou encore le
droit de se montrer différent. Le point d'équilibre entre la
singularité et le conformisme de « l'être
fan de » réside dans le fait de trouver des
semblables, un groupe à intégrer permettant de partager avec
d'autres les expériences liées d'une part au fanatisme et d'autre
part, dans ce cas, liées aussi à d'autres paramètres que
nous avons tenté de mettre au jour. La passion n'est donc pas seulement
une affaire d'individualisation, elle est aussi prétexte à
relations sociales217(*).
1.
Les médias comme diffuseur de modèle et de ressources
identitaires
Le
fait de s'intéresser à une participante d'une émission de
télé-réalité, implique de travailler
également sur ce programme télévisé et par
conséquent sur son public avant même de parler de fans. Dans ce
sens l'étude de D.Pasquier218(*) sur l'expérience télévisuelle
des adolescents à travers l'exemple de la série
« Hélène et les garçons »
peut nous éclairer. Nous ne pouvons pas véritablement comparer
ces deux genres de programmes, cependant ils se recoupent en ce qu'ils sont
tous deux destinés à un certain public, bien que Star
Academy semble touchée un public plus large, du fait notamment de
son horaire de programmation (en prime time le samedi ou le vendredi soir),
mais les deux programmes sont plutôt féminins. Ce constat se
vérifie au sein du fan-club d'Anne-Laure, où 94% des membres sont
des filles, à cela il faut ajouter que les fan-clubs font plutôt
partie des préoccupations féminines pour ne pas se laisser trop
influencer par ce chiffre. La télévision est un support important
à l'expression de soi chez les filles219(*) et elle donne lieu à des échanges
notamment au sein du groupe de pairs. Ces échanges permettent de parler
de soi sous couvert d'un personnage du petit écran, que ce soit dans une
série ou dans une émission, d'affirmer des
préférences ou de porter des jugements moraux. Les programmes de
télévision se révèlent être des supports
particulièrement utiles pour exprimer les identités
personnelles.
« Hélène et les garçons »
est une fiction mettant en scène des personnages qui suivent un
scénario évoquant généralement les rapports entre
les sexes, Star Academy doit aussi être
appréhendée comme une fiction, dont les candidats sont des
acteurs du quotidien et qui répondent à un certain nombre de
critères auxquels chaque téléspectateur potentiel pourra
se rattacher. Le fait de voir les comédiens de sitcom, ou les candidats
d'une émission de télé-réalité comme
Star Academy de façon quotidienne donne au public un sentiment
de familiarité. On peut suivre le déroulement de leur
journée, vivre leur joie, leur peine, vivre avec eux le moment de leur
nomination (chaque semaine, 3 élèves sont nominés à
la Star Academy, et le soir du prime time, un est
éliminé selon les votes du public tout au long de la semaine) et
bien sur leur départ. Il peut ainsi se créer comme le signaler
D.Pasquier à propos des personnages de la série, une
amitié télévisuelle. La télévision est
organisée pour créer un climat de proximité avec le
téléspectateur220(*). Ainsi toutes les personnalités que l'on
retrouve sur le petit écran font partie de l'existence quotidienne.
Cette amitié n'est pas irrationnelle, elle est sans doute
nécessaire à certain à un moment donné, elle
s'inscrit dans une communauté passagère, fugitive, transitoire
dans un moment de la vie. Quand les personnages ne jouent plus ce rôle,
ils sont oubliés pour d'autres ou désertés, c'est cette
dernière solution qui est le plus à l'oeuvre quand l'adolescent
grandit. Dans notre cas, nous avons fait l'hypothèse qu'Anne-Laure, en
ayant fait son coming-out, a pu tenir ce rôle, ce rôle
d' « amie qui nous ressemble » pour des
jeunes (ou moins jeunes) filles en pleine découverte de leur
homosexualité. Elle en a d'ailleurs tout à fait conscience :
« Il y a plein de petites puces en France qui m'écrivent
des lettres, qui ne se sentaient pas bien, qui ont regardé la
télévision et que j'ai pu aider »221(*).
De
plus, les termes que les membres du fan-club utilisent pour évoquer ce
que leur a apporté Anne-Laure correspond tout à fait au
rôle de planche de salut qu'elle a pu jouer ; Anne-Laure les aurait
aidées à « s'assumer »,
« survivre » ou « remonter la
pente », et elles n'hésitent pas à employer des
expressions sur le thème du secours et de la
révélation222(*) :
o
« Sans elle, je ne serais pas là »
o
« Grâce à elle, j'ai une nouvelle vie
rayonnante »
o
« Grâce à elle, j'ai eu un
déclic »
o
« Grâce à elle, j'ai appris à ne plus vivre
cachée »
o
« Elle m'a permis d'assumer des amours
différentes ».
Un
des constats que nous avons pu faire en majorité lors de l'analyse des
entretiens, est celui la représentativité que les
enquêtées ont évoqué en utilisant des mots comme
« modèle »,
« identifier », « se
reconnaître », « se sentir
proche », « mode d'emploi » pour
parler d'Anne-Laure. Cela peut valider l'hypothèse de l'identification
comme un des usages sociaux de certains programmes
télévisés, malgré le fait que les personnes
interrogées ont conscience que les producteurs de ces émissions
savent savamment orchestrer des stratégies de mise en
proximité223(*)
avec le public. Le personnage d'Anne-Laure est constitué pour certaines,
en modèles de vie : il faut lui ressembler pour arriver à
être soi : « J'ai fait la même chose quand
Mauresmo l'a dit, il y a quelques années. Ca aide forcément parce
que tu peux te cacher derrière quelqu'un en disant « Y'a pas
que moi, y a pas que moi, et en plus elle est bien, elle est pas
droguée, elle est pas ceci ou cela... » »224(*). De cette façon,
le fan-club d'Anne-Laure pourrait jouer un rôle important dans la
reconnaissance de l'homosexualité de ces jeunes filles. Ainsi, pour
« apprendre à être lesbienne » au
sens très primaire du terme c'est-à-dire dans un premier temps
pour apprendre à se reconnaître en tant que telle et à
s'assumer (pour reprendre les mots employés par certaines), les jeunes
filles ont recours comme les jeunes filles hétérosexuelles - si
l'on peut se permettre cette classification normalisatrice - à des
modèles, des images positives que l'on veut bien leur donner à
voir. C'est ainsi que peut naître le fan, mais l'identification à
une célébrité peut se faire par rapport à ses
oeuvres, à sa propre vie et à son physique225(*). Anne-Laure aurait donc pu
poser les limites d'une mode vestimentaire et comportementale de la nouvelle
génération de lesbienne, c'est-à-dire celles qui ont son
âge et qui représentent la majorité du forum de
discussions. En effet, l'apparence physique et vestimentaire de la chanteuse a
été suivi de prés par les fans, allant même
jusqu'à servir de référence en matière de
sexualité :
o
« Moi, je préférais nettement quand elle avait son look
sportwear...elle faisait plus homo...plus proche de
nous... »226(*)
o
« Je trouve qu'elle a parfois l'air ridicule dans ses nouvelles
tenues...elle veut se la jouer féminine mais bon...moi je trouve que
ça lui va pas... »227(*)
Ces
messages font donc clairement référence à
l'homosexualité ; ainsi, en plus de jouer le rôle de
modèle au sens physique du terme, elle a pu jouer un rôle de
modèle au sens moral et c'est en ce sens que les fans disent qu'elle
leur a apporté de l'aide. Les fans pouvant s'inspirer des
réflexions de leur idole pour construire leurs propres opinions, il
n'est pas impossible qu'Anne-Laure ait servi également de
révélateur. De cette façon, pour certaines, admirer
Anne-Laure a pu être un moyen pour affirmer ses choix, sa
personnalité propre : prendre parti pour ou contre Anne-Laure peut
être considéré comme un révélateur de
l'homosexualité de la personne dans l'opinion générale et
publique, notamment au sein du groupe de pairs et au sein de la cellule
familiale ; c'est en tout cas, ce que rapportent certains messages que
nous avons étudiés et sur lesquels nous reviendrons.
L'affirmation identitaire devient une explication de la conduite des
publics228(*) ; et
comme nous l'avons déjà souligné nos identités ne
sont pas construites seulement par notre origine sociale et nos moyens
économiques229(*). Ainsi pour chaque téléspectateur, la
relation à un programme se joue sur deux registres à la
fois : comme mode de consolidation du soi et comme mode d'affirmation du
soi pour les autres230(*).
2.
Internet comme vecteur d'autonomisation
« sexuelle »
De
plus en plus et de plus en plus tôt, l'enjeu de l'adolescence se situe au
niveau du corps qui se sexualise. Et beaucoup de jeunes d'aujourd'hui231(*), jugent et jaugent leur
corps et leur sexualité à l'aune des « miroirs
médiatiques »232(*), parfois déformants, parfois
complaisants, parfois stéréotypant, parfois insuffisant. Internet
apparaît comme une véritable technologie sociale233(*). Les jeunes se racontent, se
mettent en mots, en images, en scène. Les nouvelles technologies font
écran devant cette sorte de tension identitaire que les adolescents
vivent, et permettent de contrôler l'image que l'on donne de soi de
façon autonome. A travers Internet, les jeunes cherchent de profonds
besoins d'appartenance, de reconnaissance et de différenciation.
L'identité se forgeant ainsi en permanence par une
auto-réflexivité qui permet de se raconter sa propre histoire et
d'en réaffirmer sans cesse la cohérence234(*). En instaurant une
interactivité, Internet devient l'endroit approprié pour mettre
à l'épreuve cette réflexivité, comme cela a pu
être le cas pour des émissions de radio comme
« Lovin'Fun » où les auditeurs exposaient
à l'antenne leurs difficultés au niveau sentimental ou
sexuel235(*). Inciter
les individus à se confier revient à un besoin de dialogue et de
reconnaissance, dans la mesure où l'on ne peut découvrir son
identité qu'en la négociant dans le dialogue.
Les
messageries instantanées constituent un immense champ d'expression et
d'expérimentation de la parole sur autrui, à un âge
où on construit son identité. L'écran permet des audaces
que les jeunes ne s'autoriseraient peut être pas aussi facilement dans le
réel, il lève les inhibitions et libère les convenances
sociales et de leurs peurs propres à cette période de la
vie236(*). Toutes nos
enquêtées ont évoqué leur présence
régulière sur Internet à travers des messageries
instantanées comme MSN Messenger237(*) en y accordant souvent simplement une attention
phatique, c'est-à-dire, parler pour parler, pour maintenir et renforcer
le lien en s'inscrivant dans une certaine tyrannie du branchement, du sentiment
de connexion, une obsession du lien : le fait de recevoir un mail, ou une
réponse à un message que l'on aurait posté sur le forum de
discussion peut apparaître comme une caresse à
l'égo238(*) : « Oui, je suis connectée
en permanence, mais je ne suis pas toujours vraiment présente...mais
ça me permet de surveiller si quelqu'un se connecte
etc... »239(*).
L'ordinateur
connecté au réseau Internet offre à chacun, et notamment
à ceux en quête d'autonomie et en phase d'élaboration
identitaire (ici les jeunes de notre enquête), la possibilité de
construire ou de faire vivre des liens échappant largement au
contrôle du groupe des pairs et à celui des parents240(*). Les jeunes adolescents
vivant chez leurs parents et utilisant l'ordinateur familial ont mis en place
de nombreuses stratégies d'individualisation : possession de
répertoires ou de dossiers réservés, propre code
d'accès, adresse e-mail personnelle, nettoyage systématique de
l'historique des sites après usage241(*). Cette « autonomie
relationnelle »242(*) permet de saisir différentes
utilisations d'Internet selon des variables, comme la plus ou moins grande
sociabilité de l'individu ou le niveau plus ou moins élevé
de contrôle parental. Nos résultats ont montré qu'Internet
peut constituer une fenêtre ouverte sur l'extérieur, une ouverture
improbable que n'offre pas le monde réel mais aussi une sorte
d'échappatoire, un refuge, une fuite hors du monde. Ce constat revient
souvent dans nos entretiens, en particulier quand les jeunes sont en conflit
avec leurs parents ou leur groupe de pairs à qui ils ne peuvent pas
parler de leur passion pour la chanteuse. En effet, une des expériences
communes qui revient souvent dans le fil des messages est que la façon
dont l'entourage appréhende le fait de défendre et d'admirer une
candidate lesbienne plutôt qu'une autre. Certains ont tendance à
faire l'assimilation « fans d'Anne-Laure =
lesbienne »243(*), constat qui n'est pas forcément faux
dans la plupart des cas étudiés ici, mais cela peut être vu
par l'entourage comme un coming-out indirect244(*) :
o
« Mes parents m'ont dit que j'avais 5 ans d'âge mental pour la
Star Ac puis après pour Choupi, c'était le pompom, en plus ils
apprécient pas trop sa différence, ils pensent que je la cultive
aussi »
o
« Elle est cool Anne-Laure mais je te laisserais passer toute une
nuit avec elle »
o
« J'veux pas Anne-laure comme beau-fils »
o
« Ma famille ne comprend comment on peut adorer une personne qui a
cette différence »
o
« T'adore Anne-Laure alors t'as la même différence
qu'elle »
o
« Moi, ma mère l'aimait bien jusqu'au moment où elle a
su que j'étais ... »
o
« Mon père est homophobe »
o
« Mon mari se fout de moi d'apprécier une
camionneuse »
o
« Anne-Laure=lesbienne. Je déteste cette mentalité. On
me traite aussi de lesbienne, alors je réponds que oui, et on me regarde
comme si j'étais bizarre »
Au sein de la famille, les enquêtés se construisent des espaces
objectifs et symboliques d'intimité nécessaires à une
certaine autonomie. Le repli sur une sorte de communauté virtuelle
permet d'accéder à un espace privé où le
contrôle familial n'existe quasiment pas, même si cette pratique
nécessite l'achat d'un ordinateur, le plus souvent aux frais des
parents : « Etant donné que je ne suis pas sur mon
propre ordinateur et que je suis un peu pudique, je me débrouille pour
laisser le moins de traces possibles...je vois mal laisser mon frère
accéder à des sites homos...même s'il est au courant...je
ne sais pas c'est une sorte de respect...[...]...j'ai des espaces de
liberté [...] quand je suis enfermée seule dans ma chambre. Le
net n'est pas pour moi un espace de liberté mais je le considère
parfois comme un moyen d'évasion »245(*).
3.
La création de collectifs entre marginalité et
conformisme
Nous
trouvons sur Internet, et suivant notre analyse, des sites dits personnels (ou
blogs) où s'expriment les passions individuelles et des sites
de minorités actives ou de groupes d'affinités où
s'expriment les passions collectives. Cet effet de rupture et d'isolement et
cet effet de création et de formation de
« groupes » ou encore de
« tribus » sont complémentaires. En effet,
le relâchement ou la dissolution des liens sociaux traditionnels permet
une recomposition du social, un « nouveau tissage de la
sociabilité »246(*). Ils permettent à la fois de s'affirmer
individuellement tout en recherchant une agrégation à un groupe,
afin de valider une certaine reconnaissance, notamment au niveau des passions
ou encore au niveau d'une certaine identité revendiquée. Nous
avons pu constater que la formation des groupes sur Internet s'effectue sur des
bases très sélectives d'appartenance identitaires.
Cependant,
malgré la relative marginalité que les individus, en particulier
les jeunes, mettent en avant dans la recherche de collectif, le groupe reste
construit selon des normes sociales, propres au réseau Internet. Les
membres doivent utiliser un langage spécifique, respecter des
règles de savoir-vivre propres au groupe et, dans les forums de
discussions, ne pas s'écarter des thèmes
fédérateurs sous peine d'exclusion247(*) ; nous avons
retrouvé ces constats dans l'étude du forum de discussions qui
nous intéresse ici ; nous verrons plus après que les
règles du fan-club sont assez strictes. La vie sociale alternative
qu'offre Internet n'est donc pas complètement dégagée des
contraintes et des tabous du monde réel. En effet, même si les
adultes et parents ont un pouvoir moindre sur les différents choix des
jeunes, le groupe de pairs vient exercer une certaine pression sociale sur ses
membres. Les groupes dictent des codes, et le ridicule et la marginalisation
guettent ceux qui refusent de les suivre. Ce sont souvent des mises en
scène qui sont destinées à faciliter l'intégration
dans un groupe plutôt que de véritables goûts
personnels248(*). Si le
groupe de pairs est un espace de découverte et d'autonomisation, il se
pose également comme un lieu de contrôle et de régulation
sociale. Le collectif prend des fonctions de régulateur dans le
processus de construction identitaire, mais contraint également les
membres à se conformer à certains codes, certaines règles
auxquels il faut se plier pour en faire parti.
Les
groupes qui se créent sur Internet répondent à des codes
distinctifs fondant une communauté virtuelle, comme nous l'avons
définit précédemment. Au coeur de ces groupes, se trouvent
très souvent des fondements idéologiques mais aussi marchands. Il
ne faut pas oublier la valeur mercantile que représentent les
sphères numériques d'Internet. Ainsi, certains portails Internet
dits communautaires ont des visées plus commerciales et
spéculatives destinées à des groupes en
particulier249(*) :
nous prendrons ici le cas des sites de rencontres pour gays, qui moyennant un
abonnement, permettent de dialoguer, voire de faire des rencontres.
Les
jeunes présents sur Internet veulent à la fois se
différencier, se singulariser mais parallèlement ils sont
régis par des logiques puissantes d'appartenance et d'identification au
groupe. Les opérateurs et les publicitaires l'ont bien compris :
ils vendent de la « communauté » ou de la
« tribu ». Ainsi la notion de
« club » est omniprésente sur les pages
d'accueil de leurs sites commerciaux250(*) ; comme par exemple, les opérateurs de
téléphonie mobile251(*). Plus généralement c'est l'idée
de « tribu numérique » qui est
omniprésente, un espace hors du temps et de l'espace qui échappe
aux contraintes familiales. Cette « nouvelle
culture », si l'on utilise les termes médiatiques
concernant le phénomène, possède ses codes, ses
règles, ses langages, ses icônes, ses mythes, ses tribus et son
éthique.
Internet
a la capacité de fabriquer des mondes de substitution à nos
échanges sociaux quotidiens. Il invente de nouvelles manières
d'être ensemble, de dire, de faire, de vivre ; de nouvelles
façons de se confronter à l'autre, de le rejoindre et de lier
avec lui des interactions. Mais aussi peut être de nouvelles
façons d'appréhender notre propre identité en offrant
une « théâtralisation nouvelle des
émotions »252(*). Il faut chercher dans les motifs
d'agrégation et de reconnaissance que la vie réelle ignore ou
refuse pour voir les véritables fondements communautaires sur
Internet.
L'opposition
entre le conformisme et la marginalité au sein du collectif, notamment
celui qui nous préoccupe ici se retrouve dans la façon dont les
membres appréhendent l'homosexualité de la chanteuse. D'une
manière générale, par rapport à ce sujet, les fans
ont des opinions partagées : il y a ceux qui mettent tout de
même en avant le fait de l'aimer pour son talent et pas pour son
homosexualité, ils argumentent et justifient leur position par leur
inquiétude quant à la marginalisation que pourrait engendrer un
tel coming-out :
o
« Il ne faut pas penser que tous les fans d'Anne-Laure sont
homos »253(*)
o
« C'est quelque chose de privé, c'est sa
vie ! »254(*)
o
« Je ne suis pas fan d'Anne-Laure parce qu'elle est lesbienne, ce
serait débile et réducteur »255(*)
Et,
il y a ceux moins catégoriques qui avouent que c'est une bonne chose
qu'elle ait été vraie avec le public ; et il y a ceux qui
parlent d'elle avec fierté en tant que nouvelle icône lesbienne et
qui avouent s'être intéressés à elle aussi pour
cette raison256(*) :
o
« Grâce à elle, j'ai enfin su m'avouer qui
j'étais vraiment »
o
« Je lui dois beaucoup et je la remercie »
o
« [...] même si j'admets que ses yeux au bleu pétillant
et son sourire me font aussi craquer »
o
« En tant que gay, je peux dire que je suis fière de mon
icône »
o
« Je voudrais remercier cette fille (Anne-Laure) car elle a permis de
m'ouvrir les yeux et de me trouver et surtout on peut être fier de
Choupinette car c'est vraiment notre symbole pour tous et puis je la
remercie »
o
« Je crois au fond de moi savoir vraiment pourquoi c'est elle que
j'affectionne autant... ».
Il
y a donc celles qui mettent en avant l'homosexualité, et celles qui la
cantonnent à la sphère privée de la vie personnelle.
Ainsi, les désaccords entre les fans ont pour enjeu leur propre
identité, l'image qu'ils ont d'eux-mêmes, nous sommes alors dans
une logique de stratégie identitaire. L'identité
différentielle est utilisée pour désigner cette recherche
de positionnement particulier257(*).
II
) LA MISE EN VITRINE DE L'INTIMITE ET DE LA SEXUALITE
Aujourd'hui, la sexualité apparaît sur la scène publique.
L'intimité se transforme258(*) et certaines pratiques et représentations
qui, jusqu'à une certaine époque pouvaient sembler provocantes,
choquantes ou étaient tout simplement interdites, se
dévoilent259(*),
essentiellement dans les médias. Les émissions de
télévision, les séries, les films, les émissions de
radio, la presse, et maintenant des sites Internet, tous mettent en
scène ou en récit des images de la sexualité, ou qui
touchent à la sexualité, utiles aux individus dans leur
construction identitaire et sociale260(*). La sexualité fait de moins en moins partie
des territoires de l'intime tout en devenant un enjeu central de la
construction de soi261(*).
En 2000, sont apparus sur la toile Internet, les blogs, un
phénomène qui ne cesse de prendre une ampleur
considérable262(*) chez les jeunes et qui s'inscrit bien dans ce
processus de mise en vitrine de l'intimité. Le blog est la
contraction du mot web et log et qui peut se traduire par
« carnet de bord ». Il désigne une
« page personnelle » interactive, une sorte de
journal intime numérique, ouvert à tous ceux qui souhaitent le
lire et le commenter, une sorte de carte d'identité
améliorée, avec des photographies, des confidences, des avis sur
la vie, des coups de coeur, des coups de gueule en mots et en images. Nous
retrouvons ici les thèmes de notre corpus de messages du forum
interactif de discussion et le principe est un peu le même, en ce qui
concerne la mise en scène de soi. On retrouve un sentiment de communion
et une impression de maîtrise de ce que l'on y dit.
Ces pratiques courantes, presqu'usuelles pour les jeunes sur Internet (dans
tous nos entretiens, se connecter à Internet est devenu un geste
machinal) apparaissent comme des sortes de « bricolages
esthético-identitaires » délimitant une
« self-culture » ou « culture sur
mesure » reliée à un individualisme expressif
contemporain263(*). Dans
le cadre de cette étude, il etait pertinent de poser la question des
modalités de la validation de la reconnaissance de ces formes
singulières d'expression de soi par autrui, durant le processus de
construction identitaire de nos jeunes enquêtées, l'expression,
écrite même numériquement, favorisant une
auto-réflexivité264(*).
1.
La nécessaire organisation réflexive de la
sexualité
La
sexualité, nous dit M.Bozon, « socialement construite par
le contexte culturel dans lequel elle est inscrite, tire son importance
politique de ce qu'elle contribue en retour à structurer les rapports
sociaux dont elle dépend en les « incorporant » et
en les représentant »265(*). La sexualité est une construction
sociale et lui donner un sens fait parti du processus de construction
identitaire.
Aujourd'hui,
nous sommes passés du modèle de l'autorité à celui
du contrat, du respect des normes dictées par les adultes à celui
de l'expression et de la valorisation des individualités266(*). Ce processus de
« démocratisation de la sphère
privée »267(*) entraîne chez les acteurs un projet
réflexif du soi, mais qui s'inscrit, chez les jeunes, dans des
réseaux de sociabilité à travers lesquels ils forment
leurs relations amicales, amoureuses et sexuelles268(*). Le groupe des pairs ainsi
que les médias jouent un rôle important dans l'élaboration
des normes et des valeurs. Le corps et le paraître deviennent des enjeux
de la construction sexuée adolescente. C.Moulin montre que la presse
jeune place le corps et l'apparence au centre des préoccupations ;
la féminité adolescente est alors mise en images269(*). Elle observe que les revues
véhiculent un modèle assez normatif de la féminité
basé sur la dichotomie traditionnelle entre les sexes. La moitié
des filles que nous avons interrogées se référe à
de tels critères de définition de la féminité, mais
cela varie en fonction de leur niveau social et de leur niveau de
scolarité. Plus les personnes montent dans la hiérarchie sociale
et plus elles ont de diplômes, plus elles ont une réflexion
critique sur les modèles définis de la féminité et
de la sexualité. Pour les plus jeunes, on voit que les parents
participent à leur socialisation sexuelle, que l'éducation
traduit des comportements sexuels adaptés à chaque sexe (c'est
notamment le cas pour une de nos enquêtés qui se compare avec son
frère en ce qui concerne la permissivité sexuelle), et enfin que
le discours ou l'absence de discours (extrait d'entretiens) entraîne chez
l'adolescente une intériorisation d'une certaine représentation
de la sexualité, d'en délimiter les tabous, le socialement
acceptable270(*).
Cependant, il apparaît clairement que la famille n'est plus le lieu de
l'apprentissage, surtout pour les lesbiennes, dans ce cas minoritaire et non
basé sur l'évidence hétérosexuelle, la
socialisation secondaire est très importante, notamment par le biais des
médias (extrait d'entretiens) ou par le groupe de pairs auquel les
jeunes vont se rattacher, fonction que peut remplir le forum de discussions,
comme nous l'avons constaté chez certains membres, étant
donné que le plus souvent le groupe de pairs
« réel » est composé
d'hétérosexuels271(*). Ainsi, même si ces derniers ont une opinion
favorable quant à l'homosexualité, ils ne peuvent toutefois pas
renvoyer une image constructive de celle-ci.
Les
représentations sont utiles pour accomplir des actes sexuels.
Désir et relations nécessitent des improvisations qui se
construisent à partir d'expériences vécues ou connues et
de représentations cultuelles disponibles. L'expérience
médiatique chez les jeunes renvoie aux questions liées à
l'identité sexuelle. Des études ont montré que la
télévision renvoyait des manières de manifester
l'émotion amoureuse et d'extérioriser le désir de
séduction272(*).
Cela peut renvoyer à la théorie des scripts sexuels273(*) que les adolescents
piocheraient dans les médias afin de construire leur propre
modèle de sexualité. Les scripts sexuels apparaissant comme des
scénarios, guides d'orientation ou de lecture permettant aux individus
de donner un sens sexuel à des sensations, des situations274(*). Le corps et l'apparence
deviennent des lecteurs identitaires.
L'étude
des blogs que nous avons effectuée nous permet de mieux saisir les
enjeux d'une telle implication virtuelle. Nous avons recensé pour le
moment environ 70 membres du forum possédant un blog. Nous avons
consulté chacun d'entre eux pour tenter de trouver des
éléments pouvant participer à l'élaboration de
notre étude et de notre guide d'entretien. La tendance
générale voit se dessiner 2 types de
« créatrice de blog », de
« blogueuse » :
Ø
Les filles entre 15 et 17 ans ayant des préoccupations d'adolescentes,
qui ne mettent en avant aucune sexualité affirmée, qui sont
plutôt mal dans leur peau - parce-que ne correspondant pas aux
critères physiques de la majorité - qui se rattachent aux stars
( et pas forcément Anne-Laure qui n'a pas toujours sa place dans ces
blogs), au virtuel, au rêve...C'est ce que nous nous proposons d'appeler,
les « fans midinettes ».
Ø
Les filles dont l'âge se rapproche plus de celui de la chanteuse, qui
montrent une (homo)sexualité affirmée - photographies et textes
personnels à l'appui- qui se côtoient très souvent entre
Choupifans...C'est ce que nous nous proposons d'appeler, les
« fans impliquées » (impliquées
plutôt que politisées qui nous semblait trop fort pour ce genre de
groupe) voire même les « fans intimes »
parlant d'Anne-Laure comme d'une copine.
Ces
deux catégories se retrouvent également au sein même du
forum. Nous voyons donc ici, que le fan-club peut avoir, pour ces adolescentes,
des fonctions différentes. Internet permet d'exposer publiquement son
intimité, c'est-à-dire, mettre des textes personnels en ligne,
des photographies de famille, d'amis, de raconter des expériences
vécues...Internet peut être vécu comme un nouveau moyen de
communication à distance. Il fait de plus en plus partie
intégrante du processus de socialisation des jeunes qui se servent
d'Internet pour communiquer, rencontrer des personnes qui leur ressemblent,
échanger tout un tas de choses...des actes qui ne s'effectuent pas aussi
facilement pour tout le monde dans la réalité, où les
individualités ne peuvent pas s'exprimer aussi librement275(*).
La
puissance de diffusion des moyens modernes de communication explique en grande
partie la prolifération et l'exploitation lucrative des images du sexe.
Très omniprésent dans les médias, le sexe est un produit
de consommation qui se donne à voir, se vend et fait vendre276(*). L'intimité des
comportements sexuels des gens ordinaires est dévoilée,
analysée, au cours d'émissions télévisées et
la sexualité a envahi l'univers de la publicité. La
médiatisation des expériences sexuelles, des plus ordinaires aux
plus insolites, en banalisant certaines formes d'érotisme, a pu
transformer les représentations de la sexualité.
La
relation amoureuse et sexuelle devient
« démocratique »277(*). Chacun cherche dans la
rencontre de l'autre, réellement ou virtuellement, une instance de
reconnaissance comme accomplissement d'une invention de soi. La
sexualité devient affaire de poursuite de son identité dans la
relation.
2.
L'expression des sentiments
Le
sentiment est une tonalité affective envers un objet, marquée par
la durée, homogène dans son contenu sinon sa forme. Il manifeste
« une combinaison de sensations corporelles, de gestes et de
significations culturelles apprises à travers les relations
sociales »278(*). L'émotion est très souvent le
fait d'une négociation avec soi, avec les autres en soi, elle
résulte d'une interprétation. Elle peut apparaître aussi
comme un mode d'affiliation à une communauté sociale, une
manière de se reconnaître et de pouvoir communiquer ensemble sur
le fond d'un ressenti proche.
L'expérience
médiatique est appréhendée comme une expérience
émotionnelle et physique. L'émotion, quelle qu'elle soit, est la
matière première des médias de masse279(*), et le sentiment de
proximité que les téléspectateurs ressentent
vis-à-vis de ce qu'ils voient sur le petit écran rend
légitime cette émotionnalité ; les membres du forum
Planèteannelaure ne cessent de faire partager ces sentiments au
fil des messages, en évoquant notamment ce qu'elles ont ressenti quand
Anne-Laure a été éliminée du jeu : les membres
ont employé des expressions liées à la tristesse et ont
largement manifesté un sentiment d'injustice.
Cette
expérience permet des échanges, vécus, par les membres du
forum, comme un acte de solidarité et entraînant de
véritables relations d'amitié. Les enquêtes sur les valeurs
des jeunes ont montré la place considérable que la
sociabilité amicale occupe dans la vie des jeunes280(*), 61% des jeunes de 18
à 29 ans estimaient que les amis sont très importants dans la
vie. Ils sont un vecteur important de la socialisation, de même que le
fait d'appartenir à un groupe de pairs pour les adolescents. Les
mêmes circonstances déclenchent des comportements affectifs
sensiblement différents si l'individu est seul, devant sa
télévision par exemple ou mêlé à un groupe de
gens qui lui sont proches ou inconnus281(*). Les autres, à plus fortes raisons lorsque
ceux-ci partagent la même passion, sont les modulateurs, exerçant
selon les circonstances et leur influence un rôle d'apaisement ou
d'exacerbation. De ce point de vue, les relations interpersonnelles qui se
nouent entre les membres du forum nous ont apporté des
éléments quant au sentiment de proximité qu'ils
entretiennent entre eux alors qu'ils ne se connaissent pas
nécessairement « réellement ». Bien
sûr certains facteurs comme l'âge ou la proximité dû
à un regroupement comme celui du forum de discussion entraînent un
tutoiement instantané. On trouve également les marques de la
relation à travers les interpellations directes par le véritable
prénom du membre, qui sous-entend une connaissance plus intime ou encore
l'utilisation de petits affectueux employant généralement un
pronom possessif282(*) :
o
« Et Kro arrête de te poser des
questions »
o
« Cette fois Juky c'est plus de l'amour c'est de la
rage »
o
« Lili fait ce qu'il te plait, ne change rien pour
personne »
o
« Yes Aurore ça faisait longtemps qu'on t'avait pas vu ici, tu
nous as manqué »
o
« Bonjour mon papa-loup »
o
« Courage ma p'tite Manue »
De
plus, lorsque l'on demande aux fans de parler de leur sentiment
vis-à-vis du forum, ils le font tous dans des termes aspirant à
l'amitié virtuelle, à la convivialité, à la
solidarité, à la liberté, au soutien, au partage voire
même à l'amour. Ils aiment à se mettre en mots surtout
lorsqu'il s'agit d'évoquer leur passion et ce que cette dernière
a entraîné : l'éclosion d' « une
nouvelle famille », cette expression revient dans quasiment tous
les messages, les fans se désignant comme membre de la
Choupifamily.
Nous
l'avons vu, les échanges par ordinateur permettent d'ouvrir le registre
de la parole de l'intime283(*). Ce processus s'effectue de manière
différente chez les filles et chez les garçons, les
prédispositions à l'amour et à la sexualité
n'étant pas intériorisées de la même
manière284(*).
Notre corpus étant presqu'entièrement féminin (nous
n'avons pu interroger qu'un seul garçon), nous nous penchons donc plus
généralement sur l'expression des sentiments au féminin,
et dans une optique minoritaire du point de vue de la sexualité.
3.
Les « choix sexuels » conditionnent-ils les choix
culturels, médiatiques et virtuels ?
Nous
avons posé au départ l'hypothèse qu'un grand nombre de
jeunes lesbiennes sont inscrites au sein du fan-club d'Anne-Laure, du fait de
son coming-out. Les résultats de l'analyse n'ont pas directement
répondu par l'affirmative, mais il faut s'attarder sur certains
détails pour comprendre que cela peut tout de même être le
cas. Les membres ont du mal à « avouer »
les raisons qui les ont poussés à soutenir une telle candidate -
non pas que nous pensons qu'une candidate lesbienne ne peut être
encouragée par un public homogène, mais le fait est que la grande
majorité revendique une homosexualité, qui a souvent
été mise au jour « grâce à
Anne-Laure » selon les propos de certaines. Il serait faux de
dire que ce sont les textes des chansons ou la musique d'Anne-Laure qui ont
influé le soutien des membres lesbiennes du forum, étant
donné que l'on n'y trouve aucune allusion à
l'homosexualité, chaque texte prenant au contraire grand soin de ne pas
impliquer de pronom particulier, ni de « elle »,
ni de « il » dans les chansons d'amour notamment.
Il s'agit bien de la chanteuse elle-même. C'est pourtant la
première justification que les fans nous ont donnée, en se
définissant comme des sortes de « consommateurs
émotionnels »285(*), ne cherchant qu'à trouver un exutoire
à ses propres sentiments dans l'oeuvre de l'artiste. Les membres parlent
d'une sensibilité qu'elles retrouvent dans les chansons d'Anne-Laure.
Une phrase tirée d'un entretien exprime bien ce paradoxe, entre la
sensibilité d'une part et le rapport à l'homosexualité
d'autre part : « Ce qui m'a touché en premier, c'est
sa sensibilité, elle dégageait un truc spécial, son
charme, son talent, m'avaient sauté aux yeux » et elle
poursuit, « elle m'avait donné les frissons un soir en
interprétant une chanson de Lara Fabian sur l'homosexualité,
c'est là que c'était une sorte de déclic pour
moi »286(*).
Nous
l'avons vu, l'étude des blogs met au jour ces différences
d'affirmation. Celles qui mettent en avant leur homosexualité, comme une
sorte de fierté en affichant photographies de baisers entre filles ou
encore les couleurs de l'arc-en-ciel représentant le drapeau gay et
lesbien, s'inscrivent dans une mouvance, que nous avions mise en lumière
lors d'une première étude sur les notions de culture et de
communauté homosexuelle. Le forum aborde également certains
thèmes287(*), que
nous pourrions retrouver sur un forum de discussions lesbiens avec des sujets
relatifs au coming-out ou à l'homophobie, avec un vocabulaire presque
militant : « courage » lorsque l'on
évoque le coming-out d'Anne-Laure,
« combativité » lorsque l'on évoque
les affrontements auxquels les lesbiennes peuvent être soumises,
« reconnaissance » à travers
l'homosexualité d'Anne-Laure,
« fierté » revenant comme un leitmotiv tout
au long des messages. A l'inverse, le fait, pour certaines de nier le lien qui
peut exister entre la sexualité et les choix « culturels
et médiatiques » pourrait s'expliquer par une
volonté d'affirmer des choix réfléchis et consentis et non
des choix subis. Ces dernières auraient plutôt tendance à
réfuter l'idée d'une culture spécifiquement homosexuelle
et auraient pour souhait de banaliser l'existence homosexuelle.
La
socialisation en matière de sexualité fait donc pleinement partie
du processus de construction de l'identité sociale. Nous avons vu que
l'identité se caractérise par la dualité entre une image
pour soi et une image pour autrui, par la
« nécessité de sauvegarder une part de ses
identifications antérieures (identités héritées) et
le désir de se construire de nouvelles identités
(identités visées) »288(*). Le contenu des identités va
dépendre de leur reconnaissance par les institutions et
« partenaires » sociaux mais aussi et surtout de
la trajectoire vécue par l'individu lui-même. Les lesbiennes, tout
comme la majorité, construisent leur soi réel à partir des
identités héritées, attribuées et visées. Le
mouvement des modèles d'identification permet de comprendre comment les
adolescentes, surtout si elles se reconnaissent dans une minorité,
s'approprient une histoire qui n'est pas le simple reflet d'une trajectoire
familiale. La cellule familiale participe dans un premier temps à la
socialisation sexuelle de leur enfant. L'éducation traduit par exemple
des comportements sexuels adaptés à chaque sexe permettant ainsi
l'identification à un modèle sexuel. De plus, le discours ou
l'absence de discours permet à l'enfant d'intérioriser une
reproduction de la sexualité, d'en délimiter les tabous, le
socialement acceptable. De cette façon, les adolescentes
découvrant leur homosexualité ne trouvent pas, dans la
majorité des cas, les réponses qui les concernent en
matière de sexualité au sein du cercle familial,
l'homosexualité étant un sujet peu évoqué ou alors
sur le ton de la plaisanterie, de la moquerie voire même d'un rejet
total. Très souvent, les individus entendent des injures sur
l'homosexualité avant même de connaître leur propre
sexualité289(*).
Dans ce climat peu propice, les adolescentes, qui ne trouvent pas les
réponses à leurs besoins ni au sein de leur famille, ni au sein
de leur groupe de pairs, vont alors se lancer à la recherche de
semblables. (extraits d'entretiens, montrer les indices)
III
) LE PROCESSUS DES AFFINITES ELECTIVES
Les jeunes cherchent donc des moyens de se socialiser, de se reconnaître
en dépit des transformations des repères, tant au niveau familial
qu'au niveau institutionnel. Nos entretiens ont tous, pour message sous-jacent,
qu'il faut pouvoir se situer pour donner du sens à son existence et
agir. Nous l'avons vu, la mise en scène et en récit de
l'intimité et de la sexualité, le processus différentiel
de construction identitaire chez les garçons et les filles290(*), ainsi que le
développement des nouveaux médias entraînent une nouvelle
forme de sociabilité. Une des valeurs centrales qui ressort de notre
analyse est celle de l'amitié, cela tient peut être au fait que ce
soit une des valeurs les plus répandues chez les jeunes en
général291(*), ou peut être encore que le groupe de fans que
nous avons pris pour exemple est justement un regroupement dont les membres
partagent la même passion, créant irrémédiablement
des affinités entre eux. De ce fait, l'association que forme le
fan-club, n'est pas uniquement le cadre d'une activité, elle est surtout
le lieu où l'on passe du temps avec des personnes. Ainsi, malgré
le faible effectif qu'elle représente, cette association apparaît
comme le lieu d'un réel investissement pour ses membres. Cependant, nous
avons constaté que le niveau d'études et social étaient
une variable assez pertinente dans la considération du groupe. Plus le
niveau de scolarité et le niveau social sont élevés et
plus les membres prennent du recul pour parler de leur expérience, pour
évoquer des questions d'ordre politique comme pour aborder
l'homosexualité. Enfin ce qui apparaît nettement, que ce soit dans
l'analyse des messages du forum de discussions, ou dans les entretiens, ce sont
les élans de solidarité des membres entre eux : une
solidarité explicite à l'égard du fan-club et une
solidarité parfois implicite lorsqu'il est question
d'homosexualité.
1.
Le groupe comme réponse à un besoin d'intimité
homolatique ?
La
fabrication des identités sexuées et sexuelles s'inscrit dans un
processus d'expériences socialisantes comprenant des
sociabilités, des modèles, des représentations, des
conformités ou encore des déviances. Nous l'avons vu, la
construction identitaire s'interroge à travers des dynamiques
interactives. La socialisation dite secondaire, se fait au contact
d'autrui : des pairs ou encore de certaines représentations
médiatiques ; elle permet à l'individu
d'intérioriser, de concrétiser et d'exprimer les changements
identitaires qui l'affectent et participe à
« l'appropriation intérieure d'un
monde »292(*). La période de l'adolescence est un
processus, un temps de recomposition identitaire, d'expérimentation et
d'autonomisation, durant lesquels filles et garçons forment des groupes
sociaux, des valeurs échappant aux processus d'institutionnalisation,
voire aux normes dominantes, en créant des groupes, des sous-groupes,
des contre-cultures293(*).
Nous
avons utilisé pour cette partie le terme d'homolalie
employé par C.Moulin et qui désigne les sociabilités
entretenues entre individus de même sexe et de même
âge294(*). Notre
corpus est presque exclusivement féminin, cette donnée
s'explique, d'une part parce que les fan-clubs ont majoritairement des
participations féminines comme nous l'avons déjà
vu295(*) ; d'autre
part, parce que le public de l'émission Star Academy est
plutôt féminin comme nous l'avons dit précédemment,
et enfin parce que ce regroupement rassemble des jeunes filles qui se
reconnaissent en la chanteuse ayant effectué son coming-out, selon une
des nos hypothèses. Dans de telles conditions, l'homolalie est
évidente : les membres du fan-club se retrouvent donc entre filles
et leur âge varie peu, à quelques exceptions prés. En
effet, certains membres très actifs du forum sont plus âgés
que la moyenne, mais ils jouent très souvent le rôle de
modérateur ou de pilier du forum, c'est-à-dire, une personne qui
est présente depuis le début de la carrière de la
chanteuse et qui gère plus ou moins le bon fonctionnement du
site.
Les
messages du forum mettent en avant cette idée d'exacerbation de la
revendication de tous critères de différenciation dont parlait
C.Moulin à propos du groupe des filles qui insistait sur le pronom
personnel « nous » pour s'affirmer en tant que
groupe : « nous les filles »296(*). Les membres emploient
les mêmes expressions : « nous les fans »
ou encore « nous les Choupifans ». Les
féminités étudiées par C.Moulin se construisent
dans un repli homolatique et donc en référence et en opposition
à l'autre groupe, celui des garçons. Il n'est pas certain que le
groupe des fans d'Anne-Laure se construise en réelle opposition avec un
autre groupe de fans, mais il existe pourtant quelque chose qui le
différencie des autres. Comme dans tous les groupes, les membres doivent
se soumettre à un ou plusieurs rites de conformation, comme peut
l'être le maquillage pour le groupe des filles ; le rite de
conformation étant une manière pour les adolescents de constituer
le socle d'un groupe social en l'inscrivant comme communauté de
goûts et de pratiques, de manières d'être et d'agir. Dans le
cadre d'un forum de discussions sur Internet, les rites sont tout d'abord des
rites d'intégration au groupe, passant par la création d'un
pseudonyme et d'un mot de passe pour pouvoir y accéder, puis par la
suite de certaines règles auxquelles il faut se soumettre. C.Moulin
défend l'idée selon laquelle le repli homolatique est à
l'origine de la composition d'une « sous-culture de
genre », s'inscrivant dans une société
adolescente, elle-même située dans la société
globale. Les codes, les rites, les normes et les modes de sociabilité
sont propres à ces adolescents et produisent le sens construit du
collectif, de l'entre soi. Nous sommes, avec le fan-club d'Anne-Laure,
confrontés à une « sous-culture de
goûts » mais aussi peut être à une
« sous-culture de pratiques » sans se
revendiquer comme telle. Il se dégage de cette revendication,
un sentiment de fierté et de solidarité, que nous mettrons en
parallèle avec les sentiments d'un groupe minoritaire, celui des gays et
des lesbiennes, dans un prochain chapitre. Les individus cherchent à se
rattacher à un groupe valorisant un certain modèle de
référence correspondant à leurs propres choix
identitaires, et dans lequel ils peuvent se reconnaître.
Les
pairs apparaissent comme porteurs de références et de normes et
le repli homolatique apparaît comme une phase de transition vers d'autres
modes de sociabilités, homosexuées ou
hétérosexuées. Dans notre cas, elles permettent aux
membres de s'inscrire dans une classe d'âge et de sexe, mais aussi de
goûts et d'exister au sein du groupe de pairs virtuel. Tout comme la
presse jeune297(*), les
sites Internet auxquels les jeunes participent, travaillent
« l'inscription du jeune dans des communautés (musicales,
de fans, de goûts, de mode, de manière d'être) où
celui-ci peut trouver des alternatives ou des substituts, à
l'égard des groupes familiaux et scolaires, vis-à-vis desquels il
se trouve alors en décalage, en conflit, sinon en
rupture »298(*). Les messages, de même que les entretiens
évoquent souvent le fait qu'elles ne puissent partager leur passion avec
leur entourage, leur groupe d'ami(e)s réel, car ces derniers
considèrent le fait d'être fans avec mépris, et encore plus
le fait d'être fan d'une chanteuse lesbienne, certaines ont fait
l'expérience de l'homophobie. En effet, C.Moulin a montré,
à travers l'étude de la presse jeune, qu'inconsciemment les
adolescentes se plient aux exigences attendues par leur sexe ; elles
évoluent « naturellement » vers un
conservatisme de genre, comme si la construction identitaire passait par
l'exacerbation des traits de définition des genres, afin d'exprimer
clairement une identité cohérente pour soi et pour autrui. Cette
presse jeune se réfère toujours à la différence
entre les sexes pour fonder les identités de genre, jamais sur une
appartenance culturelle ou générationnelle. Ainsi,
« l'intimité homolatique se pose comme un espace
d'apprentissage d'une continuité identitaire par identification au
semblable et par distanciation d'avec les différences ».
Les adolescentes qui se sentent en décalage avec ces valeurs dans le
monde réel, peuvent se retirer et ressentir le besoin d'un repli
homolatique quelque peu différent voire virtuel, où les
critères dits de féminité sont plus hybrides, plus
neutres, à travers le modèle d'Anne-Laure.
Cette
exclusion est symbolique car elle n'est pas conscientisée. Les jeunes
lesbiennes cherchent donc d'autres vecteurs d'identification entraînant
la reconnaissance de leur propre corps et ainsi de leur propre
sexualité. « Les adolescents doivent composer avec un
corps qui se transforme physiquement [et] son émergence participe d'un
processus plus large de reconstruction identitaire », le corps
et le paraître vont alors devenir des enjeux de la
féminité, elle-même enjeu d'un jeu de séduction
voire d'une sexualité à venir. Celles qui ne rentrent pas dans la
norme des critères de féminité en vigueur vont tenter de
construire leur définition du genre féminin contre des
modèles perçus comme contraignants et dévalorisants. Chez
les lesbiennes, la masculinisation du genre peut constituer de manière
générale une étape d'acceptation et de construction de
leur homosexualité, comme une sorte de revendication
communautaire299(*), un
moyen de reconnaissance, en s'y identifiant ou en la rejetant. (extraits
d'entretien)
2.
La recherche de « semblables »
Cette
recherche, d'un autre soi que n'offre pas forcément la
société, peut s'établir au travers d'Internet, avec le
développement d'une « socialité
élective »300(*) que l'on peut définir comme des
« communautés émotionnelles » au
sens de M.Weber301(*).
Les sites et forums sont accessibles avec un mot de passe ; on y entre
donc après franchissement des rituels archaïques, commençant
par l'apprentissage du vocabulaire et des terminologies propres à la
dite communauté302(*). Sans trop nous attarder ici sur le vocable propre
aux internautes (login, topic, post, forum...), nous pouvons citer les
expressions que les membres de notre forum emploient entre eux et qui sont des
dérivés du surnom d'Anne-Laure. Nous avons déjà
évoqué les Choupifans et la Choupifamily, mais
nous en avons noté toute une série : choupikiss, choupiteam,
choupichef, choupiland, choupibonheur, choupifolie, choupipassion,
choupirencontre, choupibise, choupistar, choupipotes, choupivoiture,
choupi-anniversaire, choupifree, choupimania, choupifanesque, choupipuce,
choupiheureuse, choupiesprit, choupiamitiés...et la liste est loin
d'être exhaustive. Le fait de se constituer un langage commun permet aux
membres de montrer leur adhésion à un certain esprit. En effet,
il est question tout au long des messages de l'esprit de la
Choupifamily. Cet esprit se retrouve pour une grande partie dans la
catégorie que nous avons appelée, l'accueil et la
solidarité entre les membres, avec très souvent une distinction
entre les « anciens » du forum et les
« petits nouveaux » ou les
« néochoupifans » à qui il faut
inculquer un certain nombre de valeurs303(*) :
o
« Si tu as un souci sur le forum, je suis là pour
t'expliquer »
o
« Qu'est ce qu'on ferait pas pour faire partie de la
Choupifamily »
o
« J'espère que vous m'acceptez au sein de votre
communauté choupinienne »
o
« Bienvenue à tous les petits nouveaux »
Ainsi
émerge un sentiment d'appartenance nouveau, une réinvention des
sociabilités réduites et sélectives s'exerçant
entre initiés désormais volontairement isolés du plus
grand nombre, de la foule sociale. Internet permet un rapprochement impossible
géographiquement dans la réalité. Il permet de donner
à ces réseaux une « périodicité
d'échange »304(*) qui n'est pas permise aux jeunes au vue de
leurs faibles possibilités de déplacement, faute de moyens de
transport autonomes et de moyens financiers suffisants. Beaucoup de membres se
plaignent de ne pas pouvoir se déplacer pour assister aux concerts ou
pour rencontrer d'autres membres. Ce nouvel espace, éloigné du
champ social ordinaire et tout entier bâti sur le désir
d'être « entre soi » mais cette recherche de
semblables signifie par conséquent exclusion de ceux qui ne nous
ressemblent pas. L'analyse des messages a notamment permis de
révéler que les fans parlent à la première personne
du pluriel et s'opposent très souvent à la troisième
personne du pluriel : le « nous » s'oppose
à « eux », qui n'est d'ailleurs pas
clairement défini305(*) :
o
« Nous sommes des Choupifans si fiers et si
soudés »
o
« Ils sont jaloux de nous... »
o
« Est-ce qu'elle pense à nous ? »
o
« Ca reflète notre communauté »
L'analyse
des entretiens ainsi que de certains messages du forum ont montré que
les membres pouvaient défendre certaines idées, se
révolter contre certaines choses avec une certaine fierté. Les
expressions de cette fierté reviennent à plusieurs reprises, et
les membres sont solidaires enter eux lorsque les messages prêtent au
débat. Mais encore une fois, même si le forum ne permet pas
d'identifier socialement les membres, il semble que ce soit les personnes les
plus âgées qui ont le regard le plus critique. La participation
contestataire est alimentée par l'interactivité : soit les
membres tentent de se démarquer par leurs opinions, soit elles se
rangent aux côtés de celles qui ont la plus grande
légitimité, c'est-à-dire, les modératrices ou les
membres les plus influents du forum, les plus anciennes. Par principe, tous les
messages sont interactifs. Toutefois, certains sujets ne demandent pas
forcément des réponses, ils ne sont là que pour venir
témoigner d'un sentiment, d'un souvenir, d'une rencontre etc...Mais la
catégorie « Partage d'opinions » encourage
les fans à émettre leur point de vue sur tel ou tel thème,
l'interactivité est alors évidente dans des sujets comme :
o
« Anne-Laure : une nouvelle icône gay ? Qu'en pensent
nos membres ? »
o
« Pourquoi nous l'aimons tant ? »
o
« Les looks d'Anne-Laure : lequel
préférez-vous ? »
o
« Vous ressentez quoi ? »
o
« Que pense votre entourage
d'Anne-Laure ? »
o
« Que représente Anne-Laure pour
vous ? »
Il
nous semble que l'emploi du pronom personnel
« vous » implique bien une marque
d'interactivité. Les membres ont conscience de s'adresser à un
collectif. Ils prennent en compte le fait qu'ils n'écrivent pas que pour
eux-mêmes, qu'ils vont être lu. Cette interaction se voit
également lors des différentes relances ou autres interpellations
ponctuant certaines réponses306(*) :
o
« Vous suivez toujours »
o
« Vous trouvez pas que... »
o
« Vous voyez ce que je veux dire par
là »
o
« Si vous permettez ce terme »
o
« Je ressens les mêmes choses que vous
tous »
o
« Elle n'est pas faite pour toi puisqu'elle préfère les
filles »
o
« Bon aprem à tous ceux qui liront ce message et à ce
soir »
Ces
forums de discussions correspondent à des machines à
relier307(*). Les
troubles de l'identité, rejetés dans la vie réelle, que
rencontrent les jeunes, deviennent des motifs de regroupement sur Internet.
Dans notre étude, le signe de ralliement, l'élément
fédérateur est la chanteuse autour de laquelle gravitent un
certain nombre d'éléments eux même
fédérateurs, comme son homosexualité notamment. De plus,
plus la passion est peu commune, plus le rôle d'Internet est important
car il est difficile de recruter d'autres passionnés dans l'entourage
direct. A ce sujet, les messages envoyés évoquent le site comme
étant un sauveur, et remercient amplement l'équipe qui l'a
instauré.
Il ne faut toutefois pas oublier, que ce qui rassemble et organise un fan-club
est, au départ, un artiste, ou une passion. Ici, les membres nous
révèlent que la musique et les textes d'Anne-Laure canalisent
l'insatisfaction fuyante des sentiments ordinaires308(*), ils véhiculent une
émotion à laquelle elles sont sensibles selon leurs propos.
Cependant, tout discours sur la musique est relativement absent des messages et
des entretiens. Pourtant les fans garantissent d'une certaine manière
que le disque apparaît comme un moyen d'expression et de reconnaissance
sociales pour des groupes qui partagent une réalité peu
formulée, et qui cherchent à se définir eux-mêmes
à travers une certaine communauté musicale, et en particulier
chez les jeunes qui ont peu accès à d'autres modes
d'identification sociale.
3.
Le mouvement de fans comme recours à un collectif
Le
sentiment d'appartenance est important dans le processus de construction
identitaire et dans celui de la reconnaissance. La sociabilité peut
s'étendre à l'appartenance associative, dont le fan-club est un
exemple. Les associations peuvent être considérées comme un
indice de la sociabilité générale de la
collectivité humaine309(*) : « la participation associative
peut ainsi être saisie dans la double perspective de la formation des
groupes en vue d'activités précises et de relations de pure
réciprocité sans fins pratiques »310(*). Aujourd'hui, beaucoup
d'associations visent l'épanouissement personnel, témoin d'un
renforcement de l'individualisation croissante de la société,
même si de tels groupes peuvent apparaître comme
éphémères et provisoires, comme la constitution d'un
public.
D.Pasquier
donne une définition du terme de fan, à propos de celles et ceux
dont elle a étudié les lettres pour les comédiens de la
série « Hélène et les
garçons »: elle dit qu'être fan, c'est
« mettre plus de passion. Le fan se manifeste plus dans sa vie
sociale et suit de plus près ce qui se passe autour d'une série,
c'est tout. Elle rêve d'une relation idéale avec un être
idéal. A un moment donné de sa propre histoire et pour un temps
donné. C'est d'ailleurs une passion plus éphémère
que celles qui animent bien des collectionneurs. Il faut aussi rappeler que les
fans se recrutent dans des lieux sociaux et géographiques où la
télévision occupe une place plus importante. Elles se recrutent
dans les milieux populaires où la télévision est plus
regardée qu'ailleurs et dans des zones non-urbaines où la
confrontation quotidienne avec des modes de vie différents est plus
rare »311(*). Le programme étudié par l'auteur
et celui dont est issue Anne-Laure peuvent se recouper par les controverses
qu'ils ont suscitées. La série
« Hélène et les
garçons » se voyait reprocher d'éloigner les
adolescents de la réalité sociale et Star Academy est
taxée de nombreuses critiques notamment à propos de ses candidats
jugés sans talent artistique, mais également car la
télé-réalité ne reflète pas la
réalité sociale. L'objectif de D.Pasquier était de
comprendre la relation des jeunes avec la fiction télévisuelle et
de savoir comment elle était utilisée pour appréhender le
monde, alors qu'elle semble très éloignée de la
réalité dans laquelle les adolescents évoluent. J.Jensen
défend une hypothèse intéressante, en disant que ce qui
est socialement stigmatisé n'est pas tant le fait d'être fan mais
l'objet de la passion : les héros de la culture populaire -les
chanteurs, les comédiens de la télévision, etc- ne
seraient pas dignes d'une passion312(*), c'est ce qui va pousser les fans à ce
regrouper entre eux, et à se démarquer des autres. Les entretiens
et les messages font très souvent état de cette
non-légitimité dénoncée par leur entourage du fait
d'admirer une candidate de la télé-réalité.
Le recours aux divers sous-ensembles d'Internet semble définitivement
représenter pour certains utilisateurs intensifs l'ultime tentative de
construire un substitut à un réel qui s'échappe, en
tentant de créer de nouvelles organisations sociales, un nouvel ordre de
« l'être ensemble », de nouvelles
façons de rejoindre les autres, « ces autres comme
soi » qui semblent plutôt participer d'un retrait
vis-à-vis du monde social quotidien que d'une simple volonté
d'être seul. Les refuges d'Internet regroupent sûrement une foule
d'individus isolés, mais convaincus désormais de faire groupe au
sein d'une communauté virtuelle s'établissant sur des mobiles
communs et utilisant le même jargon. Ces regroupements tiennent de
nouvelles relations sociales s'instaurant par Internet.
Le
principe de toute relation sociale est l'échange ; le slogan du
site officiel de l'artiste qui nous intéresse est, d'ailleurs :
« bienvenue sur la planète...communiquez et
échangez » ; et cela, d'autant plus lorsqu'il s'agit
d'un regroupement basé sur le soutien et la solidarité,
même dans un but commercial de construction de carrière.
L'échange se trouve au coeur du système du site Internet
fonctionnant comme un gigantesque réseau ; comme pour les adeptes
du téléchargement, il s'agit autant de donner que de prendre. La
nature des échanges que l'on observe peuvent être multiples. La
frontière est floue entre le déclenchement d'une réelle
solidarité et la recherche d'intérêts personnels, tant nous
avons vu que le fait de se mettre en récit et d'appartenir à un
groupe solidaire peut faire parti du processus de construction de soi, et de la
recherche de la reconnaissance.
Ce
ne sont donc pas nécessairement des biens qui s'échangent dans
les relations sociales mais aussi des services, des messages, des
symboles313(*)...Cette
circulation va dépendre des rapports qu'entretiennent les individus
entre eux. Alors que le troc et l'échange monétaire sont les
formes de l'échange marchand, le partage, le don, la
réciprocité, la redistribution constitue les modalités
principales de l'échange non marchand314(*). Pour M.Mauss, ces échanges donnaient
naissance à des liens entre les individus puisque celui qui
reçoit est dans l'obligation de rendre ; et notre morale se
rattache toujours à cette atmosphère du don, de l'obligation et
de la liberté mêlés. Ainsi les personnes impliquées
dans l'échange forment un système de prestation sociale. La mise
en place de ce système est peut être favorable à
l'élaboration constructiviste de la légitimité d'un
regroupement telle que celui que nous étudions ici. Les échanges
peuvent constituer un réseau d'entraide apportant des conseils à
quiconque en demande : des conseils propos de la chanteuse comme des dates
de concerts, des passages télévisés, des recherches de
coupures presse (tout ce qui se trouve dans la partie appelée
« Choupimédia ») ; des conseils
à propos d'un problème personnel, sentimental, familial ou autre
(tout ce que l'on peut trouver dans la partie
« Choupifamily ») ; ou encore des conseils
concernant des problèmes informatiques (tout ce que l'on trouve dans la
partie « Le garage de la planète »).
Dans
son dernier chapitre, D.Pasquier aborde directement la question liée aux
fans et à l'élaboration d'un collectif. Elle emploie alors le
terme de « communauté de fans » lorsque le
« je » du téléspectateur se
transforme en « nous », un être ensemble
face à la télévision. La communauté des fans est
celle qui se met socialement en scène de manière la plus visible.
Le fan est quelqu'un qui se montre comme fan, tout d'abord vis-à-vis de
son idole (justification en début de lettres, objets
dérivés, posters, vêtements...). L'intégration dans
un réseau d'échange et de discussion est indispensable.
Isolée, le fan serait condamné à redevenir un simple
téléspectateur, éventuellement plus assidue que d'autres.
Le
« Nous », renvoyant à l'appartenance, que
les membres utilisent très souvent, n'est pas stratégique, il
sert à rétablir du lien par-delà l'exclusion symbolique et
les dispositifs qui relient les individus au monde, autrement que par le
travail aliénant du 19ème siècle. P.Bouvier
constate que près d'un(e) Français(e) sur deux est membre d'une
association, soit en 2002, plus de 21 millions de personnes âgées
de 15 ans et plus. Ces adhésions recouvrent des associations de loisirs
pour 37%, de défense de droit et intérêts partagés
pour 36% et pour 27% de divers types : quartier, religion,
troisième âge...Ces associations remplissent aujourd'hui le
rôle exercé antérieurement par l'Eglise et l'Etat. Elles
occupent la fonction de vecteur d'un lien social anémié par la
relative fragilisation des institutions consacrées. Ainsi le
« Je » s'inscrit toujours dans un groupe, une
entité plus large...autant de formes d'appartenance à une
réalité transindividuelle qui permettent de décliner son
identité. Le lien social doit être étudié dans le
contexte des dynamiques affectives qui le portent. Dans ces rassemblements,
décrits par P.Bouvier comme les associations ou encore des
manifestations, des repas de quartiers, cherche à se dire un sentiment
ou une volonté d'exister ensemble, sur des temps plus ou moins longs et
dans des implications de basse ou de plus haute intensité.
« Elles mettent en scène des manières probables,
nouvelles mais virtuelles, de se relier sociologiquement à
l'environnement et anthropologiquement aux identités et aux attentes
existentielles contemporaines ».
Cela
nous renvoie à la notion de solidarité à laquelle le terme
de lien social est associé, et qui revient très souvent dans
notre corpus. La solidarité se définit comme l'existence de liens
sociaux se manifestant par des comportements de coopération
réciproque entre les membres d'un groupe. Cette notion est très
déclinée chez les jeunes315(*). Dans notre cas précis, il s'agit de se
demander si la solidarité qui se dégage des groupes que nous
distinguons est une solidarité provisoire, utile à un moment
donné dans le processus de construction identitaire ; si le lien
social ainsi mis en place peut être considéré comme un
vecteur de reconnaissance. Nous répondrons que les deux explications
sont justes et se complètent. Cette solidarité est provisoire,
d'une part entre les membres mais aussi entre les membres et leur
« idole » : en effet, pour certaines, la star
devient quelqu'un qui peut être présent à n'importe quel
moment, comme une « planche de salut » qui aide
à tout surmonter, une sorte d' « amie
imaginaire ». De plus, la relative proximité d'Anne-Laure
du fait de sa relative notoriété comme nous le verrons, permet de
créer du lien affectif. Même si cela rentre dans une
stratégie, que ce soit de sa part ou de celle de sa production, elle
reste proche de ses fans, notamment en participant au forum de discussions sur
son propre site. Ses messages sont autant d'occasion de ressouder
l'équipe, de rétablir le lien qui semble parfois se
relâcher316(*),
notamment en évoquant des souvenirs, ou en tenant en haleine les fans en
leur promettant une actualité chargée. Dans l'extrait qui suit,
elle ressoude le groupe avec une intention claire de faire venir ses membres
à ces différents concerts :
« Bonjour les Choupifans,
Après
un travail acharné où j'étais un peu loin de vous, par la
force des choses puisque je suis entrée en studio et j'ai
multiplié les réunions et rendez-vous de toutes sortes, je suis
ravie de revenir avec plein de bonnes nouvelles à vous
annoncer !!!
Je
suis plus qu'impatiente de vous retrouver comme quand on s'est connu au moment
de la tournée Starac !
Ca
a été long et difficile, mais pour les choses bien et jusqu'au
bout, rien n'est laissé au hasard, et je suis très fière
du travail avec mon équipe et du résultat final.
J'ai
confié à Wilo les dernières news qui seront sur le site
très vite, on se revoit très vite alors à Agen,
Nîmes, Avignon et même en clubs cet été.
Gros
gros bisous à tous et merci d'être là !!!
Anne-Laure »
Enfin,
être fan de quelqu'un, c'est appartenir à une bande, à un
groupe, et le choix de la star est souvent confrontée, comme nous
l'avons vu à l'avis général ; prendre parti pour ou
contre une star, c'est choisir son clan, affirmer ou assumer son avis, voire sa
personnalité. La star peut devenir un patron-modèle317(*) qui peut déterminer
l'allure extérieure de certains fans voire même un ressenti
intérieur. Certaines de nos enquêtées supposent qu'un
certain de membres sont « devenues lesbiennes »
uniquement par rapport à Anne-Laure. (illustrations à partir des
représentations)
Ainsi,
un regroupement tel que celui des fans d'Anne-Laure mobilise la reconnaissance
pour soi, c'est-à-dire une identification individuelle qui passe par un
modèle médiatique favorisant du même coup
l'émergence d'une solidarité collective, d'une reconnaissance
pour autrui d'un certain mouvement, pas forcément revendicatif, pas
forcément conscient, via le développement sur Internet d'un
certain réseau de fan.
Les blogs mais aussi les discussions sur les forums interactifs
permettent une mise en scène de l'individu, mais aussi et surtout, la
validation par autrui de ce que l'on montre de soi, même si cela se fait
par la procuration d'écrans318(*). Le forum apparaît comme un lieu
d'échanges, de conseils et de confidences :
« l'écriture sur Internet est d'abord bien souvent une
image de ses émotions et de ses intuitions tendue à l'autre dans
l'attente qu'il les reconnaisse et les valide »319(*). L'individu
sélectionne sur Internet, le lieu de rencontre, l'univers où il
peut espérer trouver le maximum de personnes partageant ses centres
d'intérêts et ses préoccupations. Il n'hésite pas
ainsi à mettre en mot, en récit voire même en images, son
intimité pensant qu'elle sera comprise et bien accueillie par les
interlocuteurs potentiels d'un forum de discussion, d'un chat ou
d'un blog. Cette « culture de
l'extimité »320(*) est vécue par les jeunes
interrogées, à la fois comme une démonstration de soi et
comme une sollicitation de reconnaissance par autrui.
Les jeunes s'emparent des médias afin d'y trouver leurs
« héros » qui leur ressemblent et qui
partagent leurs questions et leurs intérêts. La
télé-réalité semble offrir ces images proches du
réel tout en étant manipulées dans un but commercial. Les
téléspectateurs sont invités, par la construction d'un tel
programme notamment, à s'identifier à l'un des participants ou
encore à l'ensemble des téléspectateurs : un certain
nombre d'émotions communes pouvant donner une signification commune aux
images, et favoriser la création d'un éventuel collectif.
Aujourd'hui, la télévision publique donne une place plus grande
à des membres de catégories sociales jusque-là peu
représentées : par exemple en matière de
sexualité, la fonction érotique s'étant dissociée
de la fonction procréative, permettant une reconnaissance plus
poussée de la sexualité des femmes321(*), et de ce fait de la
sexualité lesbienne. Nous pouvons dire que les émissions de
télé-réalité, à commencer par le lancement
de Loft Story322(*), ont permis de rendre visible des
bouleversements sociaux comme « des déplacements des
limites de l'intimité et des repères de l'identité, des
héros radicalement différents de ceux des
générations
précédentes [...]»323(*).
CHAPITRE
IV ) L'EXPLOITATION ET LA RECUPERATION DE LA NOTORIETE PUBLIQUE
Le
choix d'éclaircir cette problématique en s'intéressant
à une candidate de la télé-réalité, nous
amène à penser tout d'abord en terme de production
médiatique et télévisuelle et tout ce que cela comporte
comme mise en scène, et comme stratégies commerciales qui vont
susciter les publics324(*) : le public étant « cette
partie de la population qui s'est distinguée en comprenant les ambitions
d'un auteur, la complexité d'une structure textuelle ou les
antécédents génériques d'une production
culturelle »325(*). Le but aujourd'hui, plus que jamais, est de
faire de l'audience. Pour cela, les télévisions recherchent les
scandales, les scoops, ainsi elles montrent aux téléspectateurs
ce qu'ils attendent et ce qu'ils jugent bon pour l'audimat même si pour
cela elles doivent exercer une certaine censure symbolique comme on l'a
déjà vu chez P.Bourdieu326(*). La post-télévision, notamment avec
l'avènement des programmes dits de
télé-réalité, est devenue un intercesseur entre le
public et les stars en devenir (rappelons ici l'interactivité de ses
programmes), les individus qui souhaitent acquérir rapidement une
quelconque notoriété. Sans revenir sur les principes fondateurs
de ce genre d'émission, il est important de souligner que ces jeunes
candidats se trouvent rapidement confrontés à la
réalité de la célébrité sans y être
préparés. La chanteuse qui nous intéresse ici est issue de
la deuxième saison de Star Academy (la saison dont on a sans
doute le plus parlé médiatiquement), elle a été
éliminée du jeu en novembre 2002. Le constat que nous avons pu
faire, est que, encore aujourd'hui ses fans sont encore là pour la
soutenir malgré les fluctuations relativement faibles de son
actualité.
Dans
ce chapitre, nous allons voir quels peuvent être les usages d'une telle
notoriété, en déduisant de notre analyse les
éléments constitutifs pour notre hypothèse d'exploitation
et de récupération de l'image. Dans un but, essentiellement de
reconnaissance identitaire, nous avons souligné dans le chapitre
précédent, l'utilisation que les individus peuvent faire des
représentations. Il faudra également tenir compte des
stratégies commerciales des productions visant justement à
favoriser cette identification.. Nous situons, ici, notre problématique
dans une logique minoritaire, c'est-à-dire en prétendant que
celle-ci puisse avoir recours à ce processus de construction identitaire
médiatique à des fins de reconnaissance ou de visibilité,
comme celle de l'homosexualité, après voir vu
précédemment une logique juvénile plus vaste.
I
) LA TYRANNIE DE LA MINORITE
Les produits de l'industrie de masse, tout comme les produits culturels
s'adressent à des publics de plus en plus ciblés. En effet, on ne
compte plus le nombre de chaînes de télévision
thématiques sur le câble, la presse et le nombre de sites Internet
spécialisés mais aussi la complexification des genres
musicaux327(*). Cela
repose sur la même logique que la spécificité des candidats
des émissions de télé-réalité qui se doivent
de représenter chacun un type social particulier afin de séduire
le plus grand nombre de téléspectateurs, afin de leur donner une
raison de « ressemblance identitaire » de suivre
l'émission et ceci dans un contexte de grande écoute ; les
émissions de télé-réalité s'adressant
à une tranche d'âge relativement étendue, même si
nous savons que ce sont les jeunes qui sont les plus assidus. Cette logique
peut donner lieu, comme c'est le cas pour notre groupe d'étude à
des rassemblements, comme celui d'un fan-club, défendant un goût
commun, une représentation commune ou des intérêts
minoritaires communs. Même si lorsque celui est très
exposé, il arrive de constater une disparition médiatique des
marges, c'est-à-dire, dans notre cas, qu'il va s'agir de mettre en avant
une reconstitution artificielle de la réalité gay et lesbienne.
En effet, d'une certaine manière, l'homosexualité se banalise,
certaines lois visant à lui conférer un statut de plus en plus
légitimé, et cela se répercute immanquablement sur la
scène médiatique, comme pour avoir une bonne conscience
d'accorder une place aux gays et aux lesbiennes328(*) presque dans un respect de
quotas d'images.
1.
L'homosexualité à la télévision : état
des lieux
Comme nous l'avons vu, la télévision tient un rôle
important dans la médiatisation de l'homosexualité : elle a
largement évoqué les débats sur le PACS, elle aborde
aujourd'hui les questions liées au mariage et à
l'homoparentalité, elle médiatise les candidats gays et
lesbiennes des jeux de télé-réalité et elle est
particulièrement sollicitée lors des Marches des fiertés
lesbiennes, gays, bisexuelles et transsexuelles annuellement ; et depuis
le 24 octobre 2004, Pink TV, la première chaîne gay et
gay friendly a ouvert son antenne avec pour slogan : « la
liberté, ça se regarde »329(*). Les médias
parlent donc désormais volontiers de tout ce qui a trait à
l'homosexualité, parfois pour des raisons positives, mais parfois pour
des raisons lucratives et commerciales.
Media-G330(*) a relevé 786
émissions abordant l'homosexualité à la
télévision française en 2004331(*), dont 250 sur les
chaînes hertziennes qui représentent 32 % des programmes. Ces
résultats, en légère augmentation, sont comparables
à l'année 2003. La bonne forme des chaînes
thématiques du câble depuis 2002 se confirme et les 536 programmes
diffusés sur le câble et le satellite l'année
dernière constituent un record absolu depuis la création de
Media-G en 1997. Comme en 2003, les bouquets de chaînes consacrées
au cinéma ont pour leur part diffusé un nombre
élevé de programmes à thématique lesbienne ou gay
en 2004.
La
répartition mensuelle des scores des chaînes hertziennes indique
un nombre important de programmes pendant le printemps 2004, la plupart
étant liée aux débats en cours comme l'homophobie, le
mariage ou l'homoparentalité. Le nombre de prime times relevés
sur les chaînes hertziennes a légèrement diminué (57
en 2004 contre 60 en 2003), et reste inférieur à son niveau de
2001 (67). M6, qui était l'année dernière la chaîne
ayant consacré le moins de prime times à l'homosexualité,
double son score de 2003 et se place cette année en première
position avec 17 soirées à thématique lesbienne ou gay,
dont une programmation importante de films, téléfilms et
séries.
L'actualité
de l'année 2004 a été jalonnée
d'événements liés à l'homosexualité qui ont
largement été couverts par les journaux
télévisés et les magazines d'actualité comme
par exemple les mariages homosexuels aux États-Unis, puis en France
à Bègles, ou les agressions homophobes comme celle de
Sébastien Nouchet. Lors du premier semestre 2004, le traitement de
l'information par les principales rédactions a été assez
faible, notamment sur TF1, en particulier à propos de l'homophobie. Fin
juin, c'est au contraire un traitement détaillé de la Marche des
fiertés qui a été constaté sur la Une, tandis que
France Télévisions était moins fidèle aux
observations sur place lors du défilé avec des choix dans
l'ensemble plutôt stéréotypés. En 2004, Arte se
démarque de ses consoeurs grâce à son traitement de
l'information : elle est la seule à dénoncer l'homophobie
des slogans de manifestants opposés au mariage de Bègles et
à apporter un éclairage original sur les difficultés des
homosexuels turcs en marge de la Marche des fiertés LGBT.
Au-delà
des débats de société du premier semestre 2004, la
visibilité homosexuelle à la télévision a
été très importante dans de nouveaux programmes de
divertissement dont le concept intègre l'homosexualité comme
thème principal. En 2004, deux programmes, Follement gay sur M6
et Queer sur TF1, ont déclenché un flot d'articles et de
commentaires dans les médias tout en véhiculant une image
particulièrement stéréotypée de
l'homosexualité : icônes gays sorties de nulle part,
travestissement, « branchitude »,
consumérisme. Non contentes de programmer des divertissements reposant
sur des clichés liés à l'homosexualité, TF1 et M6
ont également croisé le fer sur le terrain de la
télé-réalité avec pour la première fois en
2004 des programmes en concurrence directe, c'est-à-dire aux mêmes
horaires, et une surenchère de candidats gays. Dans La Ferme
célébrités, Le Chantier ou Les
Colocataires, les téléspectateurs ont pu découvrir
des candidats -- tous des hommes -- revendiquant leur
homosexualité comme rarement ce fut le cas jusqu'ici dans ce type de
programme. La télé-réalité peut résume ce
que l'on peut retenir à propos de la visibilité lesbienne et gay
en 2004 sur les écrans de télévision, avec certains
contrastes : l'extravagant stéréotype avec Vincent McDoom
dans La Ferme célébrités332(*) par exemple, ou la
« normalité »333(*) avec le couple gagnant du
Chantier334(*),
et où la visibilité lesbienne est pratiquement inexistante
à l'exception de quelques débats ou reportages sur
l'homoparentalité. Rappelons que jusqu'à présent, la seule
figure de l'homosexualité féminine des émissions de
télé-réalité a été
représentée par Anne-Laure en 2002, ou en tout cas, la seule
figure visible et reconnue comme telle.
Pour
certains observateurs, en particulier anglo-saxons, qui suivent l'aventure
Pink TV, le danger qui guette aujourd'hui les gays à la
télévision viendrait de ce genre de chaîne
« ghettoisée » diront certains.
Après une naissance difficile, la première chaîne gay et
gay-friendly est en train de trouver sa place et a rempli ses
objectifs de lancement avec 50000 abonnés. Le pari, il y a cinq ans
encore, était considéré comme impossible. Aujourd'hui, il
pourrait bien être gagné. Les gays ayant désormais leur
chaîne, les autres télévisions n'auraient donc plus
d' « efforts » à faire, comme le
prouve l'exemple canadien : depuis l'arrivée de la Pride Vision
TV, on ne trouve quasiment plus un programme homosexuel ni un personnage
gay sur les chaînes dites
« généralistes ».
2.
La mise en scène du politiquement correct
D'une
manière générale, la sexualité mise en avant
médiatiquement permet d'augmenter les chiffres de l'audience d'un
programme. Le sexe est un moyen convaincant pour interpeller le public. Si
certains opérateurs d'accès à Internet ou d'accès
aux chaînes câblées proposent de diffuser certaines
émissions de télé-réalité dans leur
intégralité, c'est-à-dire, une diffusion 22 heures sur
24335(*), les personnes
s'y abonnant, attendent entre autres qu'il se passe quelque chose entre deux
candidats : « Moi...ben, pour les deux premières
saisons de Star Academy...euh...je m'étais abonnée à TPS
pour avoir la chaîne 24 heures sur 24...bon des fois c'était
l'arnaque, la caméra bloquait sur une porte pendant des heures [...] en
fait je m'en foutais un peu des les voir répéter et tout...non
moi ce qui m'intéressait c'était les relations qui pouvaient se
faire...et qu'on nous montrait pas sur la Une... »336(*). (Compléter
avec JOST sur le loft) Les ébats amoureux et/ou sexuels ayant lieu dans
ce genre d'émission sont largement répandus dans les autres
médias comme la presse, discuter sur Internet, tout comme cela avait
été le cas pour l'histoire entre Loana et Jean-Edouard dans la
première saison de Loft Story337(*). Cependant, il est évident que les
médias ne parlent de la même façon de toutes les
sexualités.
Même
si aujourd'hui, le public n'est plus tellement appréhendé comme
une masse inactive, les fonctions des médias décrites par les
fonctionnalistes dans les années 60338(*) peuvent se prêter à notre regard actuel
sur le sujet. Nous adhérons au fait que les médias permettent de
conférer un certain prestige et une certaine
célébrité aux personnalités qui y apparaissent et
qui sont mis en lumière en leur donnant une certaine
légitimité. Le fait de voir accéder des gays et des
lesbiennes sur le devant de la scène publique permet d'une part de les
considérer et d'autre part de les légitimer dans une relative
mesure. Les médias jouent également le rôle de
consolidateur de normes sociales en présentant à profusion les
attitudes et les comportements normalement admis. Le gay ou le gay
friendly font partis de la culture médiatique actuelle tout en
restant cantonnés dans certains contextes. Ainsi, c'est pendant le mois
de juin, mois des Gay Pride que l'Observatoire du traitement de
l'homosexualité dans les médias339(*) constate le pic de représentation le plus
important. Ainsi, si auparavant, les homosexuels desservaient une image
stéréotypée de l'homosexualité que ce soit
masculine ou féminine, aujourd'hui, avec les différents
débats qui ont eu lieu que ce soit à propos du PACS ou encore
à propos de l'homoparentalité, les gays et les lesbiennes
à l'écran véhiculent, selon un certaine volonté des
médias certainement, une image lisse et normée sous peine
d'être taxée de racoleur. Thomas, gagnant de Loft Story
deuxième saison, et Anne-Laure ont joué ce rôle de
façon à encadrer une certaine minorité, alors que comme
nous le verrons plus loin, les cultures dites homosexuelles inventées
tout au long du siècle précédent se voulaient
résistantes face à la normalité340(*).
Ce
constat se répercute dans le discours des fans, que ce soit dans les
messages du forum de discussions ou dans nos entretiens. Il coexiste deux
formes de légitimation de l'homosexualité d'Anne-Laure et le
degré d'implication dans une de ces deux formes va dépendre d'une
part de l'âge mais aussi du niveau social et du niveau scolaire de la
personne membre : les plus jeunes ont tendance à mettre en avant
ses talents et à cantonner son coming out à la sphère de
sa vie privée, alors que lorsque l'on se rapproche de l'âge moyen
des membres, c'est-à-dire celui de la chanteuse (21 ans), il est
plutôt question de mettre aussi en avant le fait que le coming-out a
été une occasion de se créer une image positive ; de
même les plus dotés socialement vont avoir un regard plus critique
à ce sujet, en nous parlant de leur propre expérience. Ainsi,
certaines voient en Anne-Laure l'icône lesbienne qui manquait au paysage
médiatique français, d'autres dénoncent la mise en avant
de ce côté intime de sa vie en prônant un réel
cloisonnement entre ses fonctions artistiques et sa vie personnelle, ce sont
souvent ceux-là qui assimile l'homosexualité à un
secret341(*) :
o
« En tant que gay, je peux dire que je suis fière de mon
icône »
o
« J'ai toujours soutenu Anne-Laure pour des raisons purement
artistiques »
o
« Sa sexualité ne me regarde pas »
o
« Au risque de paraître un peu réac, je trouve dommage
qu'Anne-Laure ait tendance à trop se livrer aux médias
homos »
Ceux qui disent respecter sa vie personnelle le font sous couvert de
justifications, mettant en avant notamment leur sexualité :
o
« De toutes façons, je suis un mec et je suis
hétéro, donc à priori je n'ai aucune chance avec
elle... »
Ces
derniers refusent de voir leur site se sectoriser, devenir un site pro-lesbien,
et refusent l'idée que leur vie sexuelle dicte leurs goûts, leurs
comportements. Portant, certaines de ces mêmes membres mettent en ligne
leur vie dans des blogs, et notamment en avançant sur le terrain de
l'homosexualité. Nous ne remettons pas en cause la
sincérité des propos tenus dans les messages, cependant la
volonté de rester quelqu'un d'ouvert et de non-circonscrit à la
sphère homosexuelle de leur vie se fait largement jour.
De
plus, si au commencement du forum, les sujets touchant à la
sexualité de la chanteuse s'enchaînaient :
o
« Anne-Laure : une nouvelle icône gay ?Je lance un
sujet brûlant, qu'en pensent nos membres ?
Défoulez-vous ! Je veux dire par là...ouvrez votre coeur sur
ce sujet que les fans ne peuvent ignorer...pas de
tabou ! »342(*)
o
« Notre site gay friendly : qu'on nous traite d'homophobe me
fait bien rire »343(*)
aujourd'hui,
cela devient complètement tabou, et certains sujets jugés un peu
trop axés sur l'homosexualité d'Anne-Laure sont clairement
censurés, c'est-à-dire qu'ils sont immédiatement
retirés par les modérateurs ; la nouvelle charte stipulant
bien qu'il s'agit d'un site de fan et que par conséquent, la vie
privée de la chanteuse devait rester privée. Nous le verrons par
la suite lorsque nous aborderons les règles que ce dernier dicte
à ses membres.
La
publicité semble, elle aussi, un bon révélateur de la
prise en compte de l'homosexualité dans les médias et ses
représentations. Comme tout discours médiatisé, elle et
l'objet d'un double rapport avec la société qui la produit. A la
fois, reflet et symptôme, elle est en outre, du fait de sa puissance
évocatrice, un acteur agissant dans les mentalités344(*). Puisqu'il s'agit
d'économiser du temps et de l'espace, le discours publicitaire est un
discours qui ne peut être que réducteur et simplificateur. Il n'a
fait donc que renforcer, à une certaine époque, la
représentation stéréotypée de
l'homosexualité essentiellement masculine, même si aujourd'hui son
intention est plutôt liée à la légitimité
sociale croissante de l'homosexualité, mais aussi à un marketing
qui tente de cibler un certain public. En effet, à la fin du
millénaire, la publicité connaît un tournant avec
l'émergence de cette nouvelle cible marketing bien structurée et
d'un marché spécifique : les homosexuels eux mêmes
jouant quelques fois encore sur les clichés345(*). Les lesbiennes semblent
toutefois tenues à l'écart de ce phénomène, elles
restent relativement absentes des publicités ou lorsqu'elles y
apparaissent, c'est dans une imagerie hétérocentrée. En
effet, la vague de ce que l'on a appelé le « porno
chic » en publicité à partir de 1995, a
favorisé le « développement du fantasme masculin
archétypique de la lesbienne hyper-sexuée »346(*). Le fait de mettre en
scène des lesbiennes contribue surtout ici à alimenter de vieux
fantasmes hétérosexuels masculins, voire machistes.
Tout
se passe comme s'il ne fallait pas « choquer » le
public dit universel, et donc leur donner des images de l'homosexualité
et de la sexualité en général qui les rassurent ou les
confortent dans leurs représentations. Ainsi, lorsqu'en 1994, la
première soirée du Sidaction347(*) est diffusée sur les
chaînes de télévision, les reportages font quasiment
l'impasse sur les modes de contamination sexuels du virus en accordant la plus
grande place aux questions du sang contaminé, des drogués et de
la transmission du virus de la femme enceinte à son bébé.
En ce sens, la médiatisation d'une candidate lesbienne d'une
émission de télé-réalité, même si elle
apparaît normée, ou qu'elle est jugée comme étant un
« coup médiatique », comme cela a pu
être reproché au coming-out d'Amélie Mauresmo, permet une
visibilité quotidienne de l'homosexualité, étant
donné la proximité des participants avec le public. Comme les
personnages de sitcom348(*), les candidats sont familiers :
« on m'a dit qu'en matière de lutte contre l'homophobie
j'avais fait beaucoup. Au départ je voulais juste qu'on m'accepte [...]
mais après tu te rends compte que ça s'élargit, que tu
deviens le stéréotype d'un groupe, d'une
communauté »349(*).
3.
Les recours du minoritaire
Lorsqu'un
programme aborde le sujet de l'homosexualité, le message qu'il transmet
va d'abord être reçu par des spectateurs ou des auditeurs
attentifs, c'est-à-dire, relativement concernés par le
sujet : ce sont toujours les personnes déjà
intéressées par la problématique d'un message qui sont
disponibles pour le recevoir, et ensuite tenter de le faire diffuser d'une
manière plus large. En ce sens, les festivals de cinéma gay et
lesbien touchent avant tout un public gay et lesbien et que très
minoritairement le grand public.
Les gays et les lesbiennes ayant conscience de faire partis d'une
minorité, ont besoin, comme toute personne cherchant des repères
constructifs, d'une image, ils sont donc à l'affût du moindre
appel, de la moindre ambiguïté, de la moindre
révélation, quitte à déformer parfois quelque peu
les images, et quitte à, comme nous le verrons plus après,
à ériger certaines célébrités en
icônes sous couverts de quelques doutes ou simplement parce qu'elles ont
à un moment donné joué la carte de l'ambiguïté
sexuelle, que ce soit dans l'attitude ou dans les oeuvres. Ainsi, les membres
interrogés nous ont fait part de leur prise de conscience de
l'homosexualité d'Anne-Laure, en mettant soit en avant une
sensibilité différente, un look différent ou tout
simplement la mise en marche de leur « sens
pratique » :
o
« Sa sensibilité a été pour moi...un
déclic »350(*)
o
« Je dirais tout simplement qu'elle avait un style différent
des autres »351(*)
o
« J'avais lu un article disant que dans le château, il y avait
une fille qui avait dit qu'elle était lesbienne...du coup j'ai
regardé et bon ben j'avais compris de suite que c'était
elle »352(*)
o
« J'ai accroché sur son look »353(*)
o
« Je l'ai su dés la première fois que je l'ai vue
qu'elle était gay...ça doit être mon
antenne »354(*)
De
plus, ces images récupérées sont mises en avant dans
différents médias et alimentent l'existence de certains
goûts communs aux gays et/ou aux lesbiennes, de sorte à construire
artificiellement l'idée d'une culture médiatique propre. Le
groupe minoritaire valide son entrée dans le majoritaire par la
récupération et l'appropriation de certaines
représentations, de certains codes, de certaines figures. Tout le groupe
minoritaire est sensé se retrouver dans ces représentations,
moyennant à un niveau plus ou moins conscient, un but, un cadre de
référence et un vécu commun, entraînant une
idée de cohésion du groupe, c'est-à-dire
« la totalité du champ des forces ayant pour effet de
maintenir ensemble les membres d'un groupe et de résister aux forces de
désintégration, de l'attrait global du groupe pour tous ses
membres, l'accent pouvant être mis tantôt sur l'aspect fonctionnel
de contrôle, de normalisation, de pression vers l'uniformité,
tantôt sur l'aspect émotionnel de spontanéité
collective et le sentiment du « nous » de
« l'être ensemble » »355(*).
Dans
notre cas, les facteurs de la cohésion du groupe proviennent d'une part
de critères socio-affectif, les membres du groupe de fans ont un attrait
pour un but et/ou un goût commun, un attrait pour l'action collective
notamment à travers l'existence du forum de discussions, et l'attrait
pour l'appartenance au groupe favoriser par l'emploi massif du
« nous »; et d'autre part, de critères
opératoires et fonctionnels, c'est-à-dire, que le fan-club a
aussi des fins informatives sur l'artiste dont chaque membre est demandeur.
Cela signifie aussi que certains membres ont des rôles bien précis
dans cette action collective et qu'il existe pour cela un leader. Ici, le
leader est représenté par les modérateurs du site. Il a
des fonctions socio-opératoires : il s'occupe des opérations
concernant l'information et la méthode de travail (les
modérateurs dictent les normes du forum de discussions), des
opérations concernant la coordination des apports et des efforts (ils
mobilisent les fans pour les événements) et des opérations
concernant les prises de décisions. Il a également des fonctions
socio-affectives : les modérateurs interviennent à la
stimulation et au soutien des membres et à la facilitation sociale,
c'est-à-dire, qu'ils arrangent les différents problèmes
d'entente dans le groupe. Et enfin, il est l'intermédiaire entre
l'artiste et les fans. Celle que l'on nomme la
« Choupichef » est très souvent
citée dans les messages des membres, comme si le site était
devenu le site de Wilo (pseudonyme de la modératrice en chef, et
l'initiatrice du site et du forum) plus que le site officiel d'Anne-laure. Les
membres usent de termes honorifiques pour parler d'elle, il peut ici s'agir
d'une véritable forme d'affection, ou d'une stratégie visant
à obtenir les faveurs de la personne qui détient le pouvoir sur
le forum356(*) :
o
« Merci Chef de remettre les choses à leur
place »
o
« [...] ma Webmother »
o
« [...] ma Wilo qui compte tant »
o
« [...] ma petite Wilo [...] ma pupuce »
o
« Pour moi, tu es un être
exceptionnel »
o
« Tu es tout simplement parfaite »
o
« Pour moi Planète, c'est avant tout chez Wilo...et
après seulement arrive la Choup' »
En
effet, les modérateurs ont le pouvoir de faire évoluer les
membres vers des statuts plus importants ; nous avons pu
déjà noté les différentes distinctions existantes,
elles sont valorisantes et valorisées aux yeux de tous, elles
confèrent une certaine légitimité357(*) :
o
« T'as de la chance, moi j'en ai marre d'être
planétalienne »
o
« Tu n'as juste qu'à être présente et actif sur
le forum et ton tour viendra »
Ainsi,
pour engendrer une certaine reconnaissance, le minoritaire va
récupérer un certain nombre d'images, d'oeuvres ou de
personnalités à son compte, même si au départ tous
ces éléments vont partis d'un univers symbolique commun qu'il
partage avec le majoritaire. Les conduites des minoritaires apparaissent comme
des réponses à des impératifs de la société
majoritaire et leur propre identité se déploie dans un premier
temps à partir d'une reprise des impératifs qui leur sont
donnés par la culture majoritaire où ils vivent et dont ils
dépendent358(*).
Certains
programmes ont donné lieu à de véritables
« cérémonies
télévisuelles » regroupant le public assidu, les
fans de telle ou telle série par exemple. Dynasty a pu jouer un
rôle important dans des communautés gays américaines parce
que ces publics avaient pris l'habitude de se rassembler lors des
diffusions359(*). De
plus, être fan de Dynasty et participer aux soirées
organisées lors de chaque diffusion d'un épisode, c'est d'abord
affirmer son homosexualité. Ces soirées fonctionnent donc comme
des rites d'affirmation permettant le partage identitaire. La
communauté, comprise comme une sorte de tribu ou de clan, y
réaffirme sa présence et y reconstitue son unité.
II
) LA GESTION DE L'IMAGE
Les images que diffusent les médias sont contrôlées, mises
en scène, voire même manipulées et censurées. Les
masses culturelles peuvent s'illustrer par le système
totalitaire360(*),
profitant du désarroi d'un public pour s'installer en proposant une
certaine image maintenue dans les représentations collectives dont le
rôle est de sceller l'union des masses. Certains produits culturels ou
images font obstacles à la réalité, sont utopistes mais
sont largement diffusés, « et les stars qui vendent ces
produits sont les façades des industries du
divertissement »361(*). Star Academy pré-fabrique des
stars, et Anne-Laure aussi est façonnée d'une certaine
manière, sa production voulant gommer quelque peu l'image de
l'icône lesbienne362(*) qu'elle est devenue malgré elle après
son coming-out discret mais repris dans la presse. Aujourd'hui, la
télévision semble régir un certain nombre de
représentations majoritaires mais aussi minoritaires comme nous l'avons
vu, elle a le pouvoir de « montrer les choses » au
plus grand nombre, et elle offre au public ce que celui-ci demande. Nous avons
vu qu'elle permettait de créer du lien, le fan-club est l'exemple de ce
lien ; mais comme toute production médiatique, le fan-club est
aussi géré parfois par des manipulations et des censures.
1.
Des usages de la notoriété : le cas des icônes gays et
lesbiennes
Les
médias font parfois référence, à travers une
émission de télévision, d'un reportage ou dans les
colonnes people de l'actualité de certains sites gays ou lesbiens,
à ce que l'on appelle les icônes gays ou dans un moindre cas, les
icônes lesbiennes. La presse gay que nous avions étudiée
auparavant validait largement leur existence, un magazine avait même
été lancé, sans succès, et se proclamait
« magazine de la culture gay »363(*) véhiculant un
certain nombre d'égéries des gays de toutes sortes.
Les
icônes gays sont généralement des femmes, des artistes, des
chanteuses. Aujourd'hui, ce terme est couramment employé, pour parler
par exemple de Madonna, Mylène Farmer, Barbara ou encore Sheila.
Certains vont mettre en avant le fait que ce qui attire les gays, ce ne serait
pas la femme mais l'essence absolue de la femme, sa représentation
fantasmée, son image parfaite364(*). Ainsi, les gays s'éprendraient des divas,
symbole de la femme idéale et inaccessible, même si nous sommes en
droit de questionner la légitimité de considérer certaines
chanteuses comme Sheila ou Kylie Minogue comme des divas. Cet amour sans
désir trouverait même sa réalisation dans un
« fétichisme des plus fervents », certains
vont jusqu'à écrire qu'elles sont « les stars
incontestées du panthéon gay » et formeraient
« incontestablement une culture gay ». Ces
artistes cultivent plus ou moins leur rôle d'icône gay.
Cet
engouement est différent chez les lesbiennes : on parle
d'icône lesbienne, lorsqu'une certaine personnalité
révèle son homosexualité, comme c'est le cas actuellement
pour Amélie Mauresmo ou Anne-Laure. Nous avons fait l'expérience
en tapant « icônes lesbiennes » dans un
moteur de recherche sur Internet, puis « icônes
gays ». Les premiers résultats nous renvoyaient à
des noms tels que la chanteuse à l'image ambiguë Tracy Chapman, la
série lesbienne « The L Word »,
Amélie Mauresmo, la chanteuse lesbienne Mélissa Etheridge, le
groupe russe lesbien Tatu, les marseillaises du groupe des Belladonna, la
comédienne Ellen Degeneres de la série
« Ellen ! » ouvertement lesbienne, ou encore
le groupe lesbien Indigo Girls ; les seconds résultats renvoyaient
à des noms comme Dalida, Mylène Farmer ou Madonna.
Ce
constat peut s'expliquer par le fait que les lesbiennes, plus que les gays
cherchent à se voir représenter car elles sont le plus souvent
soumises à l'indifférence. La visibilité va alors se
trouver au coeur même des enjeux liés à la reconnaissance
des droits des minorités dans l'espace public. De plus en plus, les
lesbiennes produisent leur propre image dans les médias et le discours
public. Dés lors, il ne s'agit plus uniquement d'être
filmés par la caméra comme un objet de regard, mais aussi
d'intervenir directement sur l'image de soi que les médias et les
discours publics reproduisent et font circuler. Dans cette logique de
marché, le droit d'être vu et entendu, d'être visible,
devient un part essentielle d'une « économie identitaire
dans laquelle la marchandisation du corps lesbien est une valeur à la
hausse dans la mesure où sont respectés les préceptes
capitalistes de la saine compétition pour le maintien de
l'ordre social365(*) ». Il en découle des
conséquences sur la façon de s'auto-présenter comme
lesbienne. Cette économie identitaire va avoir une influence
sur la perception de l'identité lesbienne. Ce que l'on voit à
l'écran va immanquablement se ressentir dans l'espace public.
La mise en avant d'icônes est investie, comme la valorisation de culte
médiatique366(*),
de revendications identitaires, elle fédère les membres d'une
même génération ou d'une même minorité autour
de styles de vie ou goûts communs, elle traduit des stratégies
d'affirmation de soi, elle apparaît comme rassembleuse et distinctive,
puisque c'est quelquefois en fonction des goûts et des valeurs que nous
sommes renseignés sur l'affiliation identitaire d'une personne.
2.
L'éphémérité et la multiplicité de
l'«être star» : le rôle du fan-club
dans la construction d'une carrière
Aujourd'hui,
la première remarque que l'on peut faire est qu'il faut d'abord passer
à la télévision pour pouvoir espérer devenir
« star » ; nous prenons ce mot au sens
médiatique du terme, étant donné que n'importe qui passant
à la télévision devient une star, il n'y a plus vraiment
de mythe367(*) autour
des vedettes du petit écran. Au sein des émissions de
télé-réalité, la vocation artistique qui fait le
plus recette est celle de la chanson. Les chaînes françaises,
comme TF1 ou M6, l'ont bien compris en créant une filiale, une
société de production de disques. Ce qui explique le rôle
du média télévision dans la promotion d'un artiste. Il
s'agit alors d'un phénomène de masse « vite
fabriqué, vite consommé et vite jeté ». La
musique que la télévision propose est un simple produit marketing
destiné à vendre toujours plus de disques, notamment aux
adolescents, cible privilégiée des ventes.
Ainsi, la télé-réalité aide à devenir
célèbre rapidement mais ne promet une carrière d'artiste,
ce procédé est contesté par certains comme étant la
starisation de l'artiste moderne comme la première marche vers la
disparition de l'artiste, vers la transformation progressive de l'art en
instrument de communication. Pierre-Yves Garcin, directeur commercial de
« Une musique », filiale disque de TF1 parle
d'alliance objective entre la télévision et la musique, il
confirme alors un fait établi : la musique est désormais un
simple business, le disque, un pur produit et le chanteur, une marionnette dont
les fils sont tirés à la fois par les maisons de disques et par
la télévision. Prenons le seul exemple de Star Academy
qui développe une véritable économie parallèle
notamment par la création de produits dérivés et la vente
de ses licences. Pour Star Academy saison 3, TF1 a remporté 130
millions d'euros rien qu'en produits dérivés, appels
téléphoniques et surtout en recettes publicitaires (Star
Academy saison 2 : 105 millions d'euros, Star Academy saison
1: 60 millions d'euros). De plus, la liaison entre télévision et
musique a des répercutions sur d'autres secteurs comme la presse pour
adolescents et la presse people. TF1 a lancé le « Star Ac
Mag », un mensuel vendus environ à 350 000
exemplaires où l'on parle des candidats du moment, des candidats
précédents mais également d'artistes en vogue et touchant
le même public que celui de Star academy. Le coming-out
d'Anne-Laure est bien sûr pas ou peu abordé dans les magazines
pour jeunes368(*)
où l'on préfère évoquer son côté
« sportive, battante » ou poser à
côté de son idole « venue assister au
show », Amélie Mauresmo ou encore dire qu'elle
« apprend à être féminine »,
un seul article titrait : « il n'y a pas de honte
à préférer les filles ». La presse dite
« people », au contraire, s'oriente plus
généralement sur la vie sentimentale des
célébrités et Anne-Laure ne fut pas
épargnée, on la voit notamment en compagnie de sa petite amie de
l'époque, ou tout dernièrement à la une d'un magazine avec
celle qui va devenir sa femme en Belgique dans les mois à venir.
Ce marché fonctionne sur l'identification, les producteurs ont vite
compris que les cibles étaient les adolescentes qui s'identifient de
plus en plus à leur soeur aînée ou à leurs idoles et
adoptent les codes de l'adolescence où l'apparence est décisive.
A travers leurs mimiques, elles s'essaient à être. C'est le
travail de l'identité. Or les normes de l'apparence sont fortement
induites par les médias, la publicité et le star system. Nos
enquêtés nous ont parfois révélé qu'elles
avaient adopté pour un temps l'apparence vestimentaire
d'Anne-Laure.
Nous
sommes ici dans un monde marchand où règne le profit avant toute
chose. Les caractères internes du star-system sont ceux même du
grand capitalisme industriel, marchand et financier. Le star-system est d'abord
une fabrication369(*).
Le site Internet pourrait d'ailleurs être utilisé comme portail
avec des arrières pensées commerciales et lucratives, comme
peuvent l'être les sites destinés à des groupes
spécifiques comme par exemple, le site Adventice de vente en
ligne de produits socio-culturels entre autres, qui s'adressent aux gays et aux
lesbiennes. Cette contrainte économique doit être prise en compte
dans la construction de la notoriété qui doit forcément
obéir à une loi du marché qui offre donc une logique
d'action propre à celui-ci370(*).
Dans
un contexte de guerre concurrentielle, le système médiatique a
frénétiquement besoin de célébrités. Il veut
les produire vite et les exploiter à chaud. C'est exactement ce qui se
passe après que les candidats soient sortis du château de Star
Academy. De la même façon que la série
« Hélène et les garçons »
étudiée par D. Pasquier, Star Academy
génère de grands groupes de fans qui passent d'abord par la
constitution d'un public, d'une audience. Le cadre autour de la série
est le même que celui que l'on trouve autour de l'émission. Il est
géré par une société de production, plus ou moins,
indépendamment de la chaîne qui diffuse le programme, il donne
lieu à des fanzines consacrés exclusivement à la
série ou à l'émission, il se décline en une
multitude d'objets merchandising et donne donc l'occasion aux fans de devenir
de véritables petits collectionneurs (Images Panini, tee-shirts,
casquettes, disques, livres, vidéos, vêtements et accessoires en
tout genre), sachant que la collection sera
éphémère ; la série
« Hélène et les garçons » ne
pouvant pas durer éternellement et une promotion de Star
Academy ne durant qu'une année (après on choisit de suivre
tel ou tel personne qui continue une carrière en solo ou bien on se
replonge dans la nouvelle promotion de l'année).
Autour
de ce fan-club, autour de l'artiste gravite un certain nombre de personnes.
Même s'il s'agit ici d'un art mineur, on pourrait considérer ce
groupe de personnes comme un réseau qui coordonnerait leurs
activités pour la production d'une oeuvre371(*), ou même d'une
artiste. La production aurait donc une dimension collective, H.S.Becker parle
de réseaux coopératifs372(*) avec une segmentation du travail en tâches
diverses allant de la conception des idées à
l'appréciation et la critique. Les préoccupations
esthétiques, financières et professionnelles sont
différentes de celles de l'artiste. Chacun obéit à des
normes et à des préoccupations propres. L'artiste est
dépendant d'une part des ressources matérielles mais aussi, et
peut être même surtout, des ressources humaines pour produire et se
faire connaître. La mobilisation des ressources va plus ou moins influer
sur le projet initial de l'artiste.
Dans
notre cas, les ressources humaines ont la plus grande importance. Pour notre
part, ces ressources engloberaient également le public, sans qui il n'y
aurait pas d'artiste, de vedette. C'est à travers le public que peut se
construire une quelconque notoriété mais aussi à travers
les intermédiaires spécialisés qui s'en occupent, en
obéissant à des intérêts souvent différents
de ceux des artistes dont ils diffusent les oeuvres. Ici nous parlons des
producteurs, des attachés de presse...du monde des affaires qui fait
également parti du monde de l'art. Il peut, comme le montre certains
messages, parfois y avoir des conflits entre la production qui veut
générer une certaine image de son artiste, le public qui se
réapproprie cette image comme il le souhaite (notamment en
érigeant Anne-Laure en icône lesbienne) et les fans qui sont entre
les deux et qui tentent de gérer la carrière de l'artiste de
façon à suivre les exigences de la production tout en mettant en
avant certains aspects de leur vie personnelle. Ces personnes cherchent
à « produire » et diffuser l'oeuvre la plus
rentable et pas toujours forcément pour son côté
esthétique. A ce sujet, nous avons pu participer à la discussion
concernant le choix du premier single d'Anne-Laure ; malgré
l'unanimité que faisaient certains titres forts, comme notamment un
titre contre la pédophilie, le producteur a opté pour un titre
plus commercial, plus passe-partout et traitant d'un sujet léger, et
surtout pas tabou. Nous voyons bien sûr les enjeux que peuvent
représenter la sortie du tout premier single. L'art commercial est fait
pour répondre à une demande de plus en plus
éphémère.
D'une
manière générale, la constitution sur Internet d'un
fan-club tend à produire le phénomène grandissant de la
carrière de l'artiste autant qu'il le décrit.
2.
La mise en place d'un système normé : les règles du
fan-club
Ainsi,
il nous paraît juste d'inclure le regroupement des fans dans ces
réseaux coopératifs. Il semble être au coeur d'un
système mis en place au profit de l'artiste. Derrière un effort
de solidarité à l'oeuvre dans un tel rassemblement de personnes,
la production y voit peut-être des enjeux économiques importants.
Ce thème a fait l'objet d'un questionnement. Il est, en effet, paradoxal
d'avancer qu'il peut y avoir des solidarités d'un certain type dans un
tel système, d'autant plus lorsque l'on sait qu'il provient d'un
système encore plus construit et médiatisé qu'est celui
d'un programme télévisé comme Star
Academy.
Ce regroupement pourrait se définir en terme d'équipe au sens de
Goffman373(*), comme un
ensemble de personnes coopérant à la mise en scène d'une
routine particulière. En étant membre d'une équipe, les
acteurs se trouvent placés dans une étroite relation
d'interdépendance mutuelle. Cette mise en scène se retrouve,
notamment dans les messages émanant de la production d'Anne-Laure ou
bien des modérateurs du site Internet et du forum. C'est le cas en
particulier des messages de mise à contribution ou de mobilisation qui
s'avèrent être bien réglés et organisés par
la production dans le but de promouvoir au mieux la carrière de
l'artiste. Le producteur « dicte » en quelques
sortes l'attitude que les fans doivent avoir. Il fait très attention
à l'image de sa protégée, et cette image passe
évidemment par le fan-club, par les fans. Selon E.Goffman, tout membre
de l'équipe a le pouvoir de « vendre la
mèche », de casser le spectacle par une conduite
inappropriée.
Voilà ce que les membres ont pu recevoir lors de la sortie du premier
single d'Anne-Laure :
Sujet:
|
Soutien
intensif au "démarrage médiatique" d'Anne Laure
|
|
Anne-Laure,
à 1 mois de la sortie de son single, est à un tournant
décisif de sa "vraie" carrière. Le succès de son
single, et pour cela la campagne de promotion radio TV qui va l'introduire,
sera décisive.
Le Producteur fait appel au partenariat et au
"relais" des fans, par l'intermédiaire des administrateurs de ses 2
sites Planète et AL.net qui sont plus que jamais unis dans leur soutien
à Anne-Laure. Il faut appuyer cette campagne et garantir son
succès. Mais il faut le faire avec intelligence et avec naturel, et pas
de manière excessive et fanatique. Pour cela nous avons
décidé de ne pas faire un affichage de consignes publiques sur
nos forums. Voici la méthode que nous proposons : 1/ Nous ferons
figurer , au fur et à mesure, dans le forum A-L officiel, les dates de
passage d'A-L sur les radios, et les coordonnées (phone ou mail) de la
radio. Nous ouvrons pour cela un post "passages radio d'A-L" dans le forum A-L
officiel. 2/ Ensuite, chaque fois que le titre est entendu sur une radio,
le fan qui l'a entendu pourra appeler la radio pour dire qu'il a aimé.
Surtout, il pourra faire passer l'info à son "réseau" ou poster
dans le forum single -album des sujets tel que " j'ai entendu Imagine sur telle
radio"...en donnant le jour et l'heure, mais sans donner de consigne de
"matraquage". A partir de ces infos, vous pourrez, à votre tour,
appeller le media, ou lui envoyer un email pour dire que vous avez aimé,
remercier, redemander le titre, etc... Soyez NATURELS, ne montrez pas que
vous êtes fans de la première heure, il faut que la radio ait
envie de vous croire et de vous faire plaisir (sinon, ça peut faire
l'effet inverse). 3/ Utilisez votre "réseau" d'amis (mail, msn,
MP...) pour faire passer vos infos. Anne-laure a besoin de chacun.
Retransmettez ce message à vos amis. Si vous l'avez reçu
en email, quand vous le retransmettrez à vos amis prenez soin d'effacer
la liste des destinataires précédents, pour ne pas multiplier les
risques de diffusions de virus ! Merci à tous. Votre action dans les
deux mois à venir, même si elle vous paraît microscopique,
sera décisive. La choupiteam d'Annelaure.net
1ère
action concrète : samedi 9 octobre Montivilliers. Anne-Laure sur Radio
Résonance 02.35.28.78.7 ou par mail (directement sur le site
www.resonance.best.cd )
Cathy et la choupiteam. Bisous.
|
Le forum exige des règles : il faut bien sûr
se respecter les uns les autres, ne pas tenir de propos déplacés,
respecter la vie privée d'Anne-Laure, tout un ensemble de règles
éthiques et juridiques mais aussi une sorte d'habitus de membre, chacun
doit savoir où poster son message, il faut pour cela respecter les
catégories du forum, les modérateurs étant là pour
rappeler à l'ordre ceux qui se tromperaient. Il existe d'ailleurs une
charte qui figure en annexes. Les anciens membres sont là pour rappeler
les « nouveaux » à l'ordre, pour leur
inculquer les règles en vigueur. Ils vont employer un ton
supérieur et bienveillant alors que les nouveaux ne vont cesser de
s'auto-justifier à chaque fois qu'ils vont poster un sujet374(*) :
o « Je vous écris ce post pour
m' excuser de ma trop rare présence »
o « Je sais que je vais me faire taper sur les
doigts parce que ce mail n'a rien à voir avec Choupi
mais... »
o « je suis désolée du message
qui va suivre »
Les anciens se considèrent un peu comme la
relève de l'équipe modératrice. Beaucoup proposent leur
service afin de « soulager » le travail des
modérateurs. Quelquefois leur zèle conduit à une trop
grande distance avec les nouveaux membres. Quelques sujets ont
été lancés afin de se plaindre de la difficulté de
s'intégrer sur le forum : « c'est cool d'être
apprentie choupifan mais c'est chaud de s'intégrer quand on
débarque... »375(*). Ainsi nous avons bien ici le sentiment de
l'existence d'un clan, d'une tribu et des problèmes d'intégration
que cela engendre.
Les nombreuses justifications, les auto-justifications qui ont
été repérées très souvent en début de
sujet montrent également à quel point les membres tiennent compte
des autres. En effet, tout est fait pour ne pas les choquer, les offusquer, les
déranger, un peu comme s'il y avait des codes à respecter. Il y a
plusieurs sortes de justification. Celles qui justifient le fait de dire
certaines choses par des excuses (1), ou encore des affirmations(2), ou encore
des caractéristiques propres à la personne (3). Par
exemple :
(1)
o « Pardonnez moi si vous l'avez
déjà lu »
o « Afin de ne pas raconter ma vie (on me l'a
assez reproché à mon arrivée, je crois alors que je ne
vais pas recommencer)... »
o « Désolé d'avoir ouvert un
sujet parlant de moi »
(2)
o « Nous parlons moins d'homosexualité
que d'autres sites sur elle, c'est vrai ! »
o « Je sais que tous les fans d'AL ne sont pas
homos... »
(3)
o « Avant qu'on me traite d'homophobe, je
précise que pour moi, le terme « gougnette » est
affectueusement gentil et vice-versa »
o « De toutes façons, je suis un mec et
je suis hétéro... »
o « Je précise que je suis un gars
hétéro... »
o « Je suis homo, j'ai 35
ans... »
Les justifications permettent également de ne
pas « sortir » du cadre du forum,
c'est-à-dire, étant donné que les règles sont
strictes et que les modérateurs veillent à ce qui est dit, le
fait de se justifier minimise ce qui pourrait éventuellement
déranger et ainsi cela permet au membre en question d'éviter la
sanction ou la réprimande. Les guillemets comme les parenthèses
ont également, une valeur de justification, et sont utilisés
notamment pour des termes qui peuvent être discutables et
discutés, des termes qui ne sont pas neutres. Ils peuvent aussi
être utilisés lorsqu'un membre emploie un mot ou une expression
qui ne peut se comprendre qu'entres membres. Dans les rares sujets
évoquant clairement l'homosexualité, les guillemets sont
massivement employés : « gougnette », la
« communauté gay », un passage
« obligé » qui ne la suivra pas forcément
toute sa carrière, [...] ne fait que « victimiser »
la différence, devenir la « mascotte »,
« coming out », communauté
« lesbienne », certains consommateurs
« hétéros », sa
« différence »,
« sexualité », « gay friendly »,
je viens « prendre de ses nouvelles », un site
« neutre », « homosexualité »,
qu'elle soit « récupérée » par la
« communauté », des personnes « comme
elle ». Ce qui révèle une sorte de malaise face
à ces sujets, malaise qui se justifie par la censure des
modérateurs à ce propos.
Le fan-club se trouve donc dans une double position, celle de
défendre les intérêts d'une artiste sous couvert de
défendre les intérêts de ses membres, cependant ces
derniers peuvent l'utiliser dans un souci de cohésion, de lien social
avec ceux qui leur ressemblent, mais toujours en prétextant le faire
dans le cadre d'un goût commun pour la chanteuse ici
représentée.
III ) LA MOBILISATION ET LE SOUTIEN DES
FANS
Ce terme de fan est assez récent dans notre
vocabulaire, il date de 1958, il est une abréviation du mot anglais
fanatic, signifiant admirateur. Le fan, serait alors, d'après
le dictionnaire usuel : un admirateur enthousiaste d'une vedette.
Ce terme semble être indissociable de l'avènement de la pop music
avec l'engouement des jeunes gens pour des groupes comme les Beatles ou des
chanteurs comme Elvis Presley. Le peu d'études sociologiques faites
à ce sujet portent d'ailleurs sur ces artistes là
considérés comme des mythes, comme des objets de culte. Ce culte
donne à voir la formation d'une sorte de « groupe
religieux »376(*) autour d'une figure charismatique largement
sacralisée et célébrée comme celle du King. A
partir de ce groupe peut s'élaborer une identité sociale et
collective, se créer du sens collectif, des significations
individuelles, alors que l'on tend à constater la fin des grands
dispositifs producteurs de sens. Dans ce cas là, on peut parler de
communauté émotionnelle ou même de
fratrie imaginaire, et le fait d'être fan joue sur la
construction identitaire des individus377(*). Aujourd'hui, la star est de plus en plus
banalisée, elle devient plus présente et plus intime, elle est
souvent à la disposition de ses admirateurs, nous ne sommes plus dans le
registre mythique des stars hollywoodiennes de la grande époque du
cinéma décrite par E.Morin378(*).
1. Retour sur la notion de fan
Le terme « fanatique » provient
du latin « fanaticus » signifiant
« le serviteur du temple », et de
« fanum » qui signifie « le
temple », il est employé ainsi depuis 1532. C'est
à partir de la seconde moitié du 18ème
siècle que l'on parle du verbe
« fanatiser », c'est-à-dire, rendre
fanatique : ses discours fanatisent les foules, on peut citer ici
l'exemple de la montée des fascismes en Europe avec à leur
tête des dictateurs capables de telle fascination sur la population. Le
fanatisme se définit alors comme l'attitude de celui qui croit de
façon aveugle à un dogme, un homme, une idée, un
parti...et qui se comporte en conséquence. Au 18ème
siècle, le mot fanatisme est opposé à celui de
philosophie. Le fanatique est celui dont la conviction est telle qu'elle le
rend incapable de juger par lui-même, ni d'envisager, ou même de
tolérer, tout autre option que la sienne. Comme l'explique le philosophe
Alain, paradoxalement, le fanatique s'appuie sur cette idée juste selon
laquelle « il n'est point de vérité qui subsiste
sans serment à soi » : considérant
abusivement son opinion comme une vérité, le fanatique refuse en
conséquence d'en changer ou qu'autrui puisse en avoir une
différente. Il existe beaucoup d'a priori sur les fans, ils apparaissent
quelquefois comme une « [...] sorte d'adolescent
aliéné, dépourvu de personnalité, manipulé
par l'industrie du show-business [...] »379(*).
Le parcours de fan pourrait, selon certaines transpositions,
ressembler, dans la forme, à la construction de la carrière de
déviant380(*) au
sens où l'entendait H.S.Becker, et notre analyse, parallèlement
à celle de C.Le Bart va nous guider dans notre démarche. Le fan
va passer par un certain nombre d'étapes. La première est celle
de la découverte de la passion : les fans utilisent la
thématique de la révélation pour l'évoquer, il est
même parfois question d'un avant et d'un après381(*) :
o « C'est mon modèle »
o « Elle représente la femme
idéale »
o « C'est la femme parfaite »
o « Grâce à elle, je me suis
découverte »
o « Elle m'a appris indirectement à
accepter mon attirance...à faire le premier pas qui a changé ma
vie »
Même s'il ne s'agit pas ici, comme le veut H.S.Becker
d'une transgression d'une norme définit institutionnellement ou non, le
fait de se particulariser en étant fan de tel ou tel artiste permet
d'éviter de se conformer aux autres, sauf dans le cas des
phénomènes de mode. Dans cette première étape, les
médias jouent un rôle très important, ainsi que
l'environnement dans lequel le fan évolue. Dans notre cas, il s'agit le
plus souvent du milieu familial, qui peut être conciliant et
compréhensif ( « Mes parents trouvaient que
c'était bien que je découvre une autre vision de la chanson
grâce à elle, il m'encourageait à soutenir cette
artiste »382(*)) ou hostile ( « Ma famille ne comprend
pas qu'on puisse admirer une personne qui a cette
différence »383(*) ).
La deuxième étape peut donc être celle de
l'étiquetage du fan, et ce d'autant plus si l'objet de sa passion n'est
pas considéré comme un objet légitime, comme cela peut
être le cas pour les candidats de
télé-réalité, et encore plus lorsque l'objet de la
passion est lui-même stigmatisé, comme cela peut être le cas
pour Anne-Laure384(*) :
o « [mes parents] n'apprécient pas trop
sa différence, ils pensent que la cultive aussi »
o « Anne-Laure = lesbienne, je déteste
cette mentalité. On me traite aussi de lesbienne, alors je
réponds oui, et on me regarde comme si j'étais
bizarre »
o « Bien sûr j'ai eu droit aux questions
genre : tu l'aimes parce qu'elle est homo ? »
Cette étape entraîne la formation d'un univers
à soi comme le lieu d'affirmation identitaire, pouvant être
symbolisé soit par le lieu de vie comme la chambre du fan, soit par son
blog virtuel, soit encore par son intrusion dans un forum de discussions
concernant l'objet de sa passion. L'environnement familial joue, dans cette
étape, le rôle de médiateur. Il participe au processus de
« domestication de la passion ». C'est un
« espace intermédiaire entre l'exclusivité
symbolisée par la chambre (où se déchaîne la
passion) et la censure imposée par la vie sociale »385(*).
Enfin, la dernière étape dont H.S.Becker fait
état est celle de l'entrée dans un groupe déviant
organisé qui va développer chez les individus une identité
déviante. Ici, il peut être question de l'adhésion des
individus à un fan-club, ou au moins la quête du semblable :
la passion n'est pas seulement une affaire d'individualisation, elle aussi
prétexte à relation sociale. Au contact des autres fans se
développent des stratégies identitaires d'affirmation de soi de
plus en plus importantes, il faut montrer et afficher sa passion et
l'inscription dans un fan-club est un rapprochement symbolique avec la
communauté imaginaire. Ce dernier offre des modèles d'affirmation
et de légitimation de la passion, il met à dispositions des
ressources identitaires collectives et confère à ses membres,
fierté, conviction et solidarité, d'autant plus dans un contexte
où ils sont discrédité et marginalisé, comme nous
avons pu le voir dans le cas des icônes gays et lesbiennes. Les messages
utilisant ce genre de vocabulaire thématique ne sont pas en reste, les
membres n'hésitent pas à mettre en avant la subjectivité
de leur propos, demandant des conseils, relatant leurs expériences.
Elles argumentent par la ressemblance des expériences, que ce soit des
expériences de fans, de jeunes filles adolescentes ou de jeunes filles
qui se découvrent lesbiennes et qui sont confrontées à
l'homophobie dans leur vie « réelle »
quotidienne.
Mais derrière cette forme de solidarité se
tissent également des concurrences entre les fans, d'une sorte de
compétition, notamment autour d'un concours de proximité :
« [...] moi, j'ai son numéro de portable »,
« je la connais bien [...] », « son père
m'a parlé plusieurs fois [...] »386(*)...Cela n'a aucune
valeur pour les non-fans, d'où l'importance de connaître des
semblables, cela permettant également de se donner une certaine valeur,
et d'être reconnu parmi les autres. Le groupe a donc ses attributs et les
posséder confère une légitimité
supplémentaire sur les autres, comme nous avons pu le voir lors de notre
pré-enquête, le fait d'avoir été choisi pour
travailler au côté d'Anne-Laure nous glorieux à nos
dépens. Cela nous permet de penser les fans en terme de
catégorie, chacun ayant une attitude particulière, le rendant un
peu singulier face aux autres.
Le magazine Technikart387(*) a publié un dossier sur les fans. Il a
élaboré une typologie du fan, qui n'a rien de sociologique mais
qui nous montre l'ampleur du phénomène. Il distingue 12
catégories de fans :
- Le fan anachronique, fan de l'artiste mort. Mort en
tout cas d'un point de vue artistique (Wham, Duran Duran par exemple).
- Le fan érudit, fan d'artiste ayant
suscité une analyse aussi volumineuse qu'éternellement
renouvelable (Beatles par exemple).
- Le fan collectionneur, il collectionne tout de son
idole et court les conventions du disques pour concurrencer les autres fans
(Mylène farmer).
- Le fan midinette, fan de l'artiste
caméléon, qui s'adonne à de multiples changement,
physique, conceptuel ou musical (Madonna).
- Le fan autiste, fan discret qui correspond avec
d'autres rares fans, il est fan de l'artiste maudit (Jim Morrisson).
- Le fan intime, le fan qui croit que son idole est
son ami, il trouve des similitudes entre sa vie et les paroles de ses chansons
(Alanis Morissette)
- Le fan politisé, qui a une solide conscience
sociale et la conviction de partager avec son artiste
préféré des autres valeurs autres que musicales (Noir
désir, Manu Chao, Bob Marley).
- Le fan clone, fan de l'artiste créature dont
il cherche à s'approprier l'apparence (The Cure, Kiss).
- Le fan anorak, capable de suivre son artiste
préféré pendant toute une tournée (Johnny
Halliday).
- Le fan apôtre, entièrement
dévoué à l'artiste messie qu'il croit chargé d'une
mission (Kurt Cobain).
- Le fan stalker, il connaît tout de l'artiste
et est capable de tout même du pire, c'est le cas de Mark Chapman qui,
pour lui témoigner son affection, assassina son idole John Lennon
(Bjork).
- Le fan fétichiste, fan de l'artiste idole
(Elvis Presley).
En ce qui concerne les fans que nous nous somme
proposés d'étudier, 4 catégories nous semblent pertinentes
du point de vue de l'analyse. Le fan midinette paraît incontournable
lorsque l'on évoque les émissions de
télé-réalité comme Star academy ; le
fan intime, étant donné la proximité d'Anne-Laure avec son
public, elle reste encore très accessible ; le fan anorak, constat
que nous avons pu faire au cours de notre observation ; et enfin le cas du
fan politisé pourrait également se rencontrer, étant
donné qu'Anne-Laure peut représenter, même sans le vouloir,
une icône lesbienne, comme nous avons pu l'évoquer auparavant.
2. L'opération de traduction : le cas du coming
out
Dans notre corpus, la politisation du fan n'est pas
conscientisée, voire inexistante. Les fans se contentent
d'évoquer le talent d'Anne-Laure qui a orienté leur choix, et
mettent une distance avec le caractère jugé privé de sa
vie personnelle et sexuelle, comme nous avons fait le constat à
plusieurs reprises. Pourtant, nous sommes parvenus à déceler la
réappropriation des enjeux du coming-out de la chanteuse, que ce soit
dans les messages étudiés sur le forum de discussions ou à
travers les entretiens que nous avons mené.
M.Bozon fait état d'un paradoxe en montrant que la
visibilité et la relative acceptation sociale d'orientations sexuelles
alternatives ont permis de redéfinir à l'époque
contemporaine, « l'horizon de l'expérience sexuelle pour
tous les individus, même si paradoxalement cette extériorisation
semble pourtant aller à rebours du processus historique de privatisation
et de cantonnement des manifestations sexuelles ordinaires à
l'intimité »388(*).
Le coming-out apparaît comme un rite de passage à
la fois personnel et politique, car dire son homosexualité, c'est
s'inscrire dans un certain groupe, une certaine communauté qui s'inscrit
elle-même sur le devant de la scène politique389(*) : c'est l'expression
communautaire d'une expérience privée. A partir des années
60, la politisation de l'intimité et de la sexualité a
été mise à l'ordre du jour. Il s'agissait de faire
débattre publiquement de questions jusque-là dissimulées
dans le non-dit du fonctionnement de la famille patriarcale390(*). Cela a favorisé une
prise de conscience et une croissance du mouvement gay et lesbien à
l'époque permettant de lutter contre les multiples discriminations.
Auparavant, la sociabilité et le style de vie homosexuels étaient
fondés sur une grande capacité d'adaptation, l'usage de langages
codés et un art de la double vie391(*).
Ainsi, devant des images leur renvoyant une certaine image
d'eux-mêmes, les gays et les lesbiennes peuvent devenir des
« consommateurs émotionnels »392(*), comme nous avons pu le
voir lorsque les fans d'Anne-Laure évoque la sensibilité commune
qu'elles retrouvent dans ses compositions. Nous voyons comment certains
produits parviennent à entrer dans la vie affective de leurs
publics393(*).
L'engagement du téléspectateur est plus grand lorsque le sujet le
touche : « c'est l'ouverture de l'oeuvre qui rend possible
l'installation de la passion dans la durée »394(*), notamment lorsque
celle-ci permet de s'en réapproprier les enjeux395(*), en opérant une
traduction de du contenu de l'oeuvre, soit en s'identifiant à l'artiste,
ou encore en imaginant une sorte de « bricolages
identitaires »396(*) leur permettant de
« coller » au mieux avec les images et les
représentations. Ce bricolage identitaire permettant notamment aux
individus de rejoindre un certain groupe, de se donner une raison d'être
fan de quelqu'un, ou encore pour espérer en retour la même
reconnaissance que celle qui est accordée à l'artiste
lui-même. Nous reviendrons plus loin sur cette reconnaissance de
substitution. Pour certaines Anne-Laure apparaît comme une grille de
lecture des événements de leur vie.
C'est le public qui confère en
dernière instance du sens à l'oeuvre, c'est lui qui décode
les messages, en acceptant, négociant ou rejetant la lecture
institutionnelle, celle de la majorité, selon ses propres
caractéristiques sociales397(*), même si les contenus médiatiques sont
des mises en scène prévues par avance par les productions. La
consommation médiatique est une forme d'affirmation de soi.
3. La constitution d'un
« clan »
L'étape que nous venons de décrire est
certainement un moyen de créer du lien supplémentaire que celui
accordait par le simple fait de se passionner pour un même objet, car
au-delà de la passion commune, il fait émerger un sentiment de
solidarité envers une certaine cause.
Peu d'études sociologiques ont été faites
sur le sujet, les seules qui existent traitent généralement des
chanteurs ou groupes mythiques, comme les Beatles ou plus massivement Elvis
Presley. Les fans du King ne sont bien sûr pas étudiés de
la même façon que nous nous sommes attachés à
étudier les fans d'Anne-Laure, le phénomène est bien
différent, pour le moment en tous les cas. Autour de Presley s'est
développé un véritable culte qui s'inscrit dans le cadre
plus vaste de la mutation des formes du croire. Ce culte donne à voir la
formation d'un « groupe religieux » autour d'une
figure charismatique largement sacralisée et
célébrée. G.Segré a montré à partir
de ce groupe, comment pouvait s'élaborer une identité sociale et
collective, comment pouvait se créer du sens collectif, des
significations individuelles, alors que l'on tend à constater la fin des
grands dispositifs producteurs de sens398(*). Sans aller jusqu'à parler de mythe ou de
culte, les constats qu'a opérés Gabriel Segré pourraient
dans une certaine mesure, s'appliquer à n'importe quel artiste et
à ses fans. Il parle de ces derniers en terme de communauté
émotionnelle liée par leur attachement à l'artiste,
porteur de traits charismatiques. Ils constituent alors une sorte de fratrie
imaginaire. Les fans partagent certaines valeurs et références.
Ils connaissent les mêmes épreuves, affrontent moqueries et
parfois mépris, se confrontent à l'étonnement, à
l'incompréhension ou à la stigmatisation. Ils se rencontrent et
se côtoient dans les fans-clubs. La dimension communautaire du fan-club
peut reposer sur un langage spécifique, une certaine mémoire
collective, des codes de reconnaissance. Le groupe se dote d'une
représentation de lui-même, dans notre étude de cas, il
s'est même donné un nom : les Choupifans. Pour le
cas d'Elvis Presley, cette représentation est renforcée et
développée après la mort du chanteur.
Le fan-club est a une fonction intégratrice qui
s'auto-célèbre comme une communauté, notamment avec
l'emploi massif du pronom personnel « nous » et un
vocabulaire presque religieux avec notamment l'emploi du verbe
« croire » et du terme
« hommage »399(*) :
o « Nous croyons en elle »
o « Hommage à une personne qui nous a
réuni ici »
Le sentiment du « nous
collectif » est présent dans de nombreux messages
déposés par les Choupifans sur les forums de la
chanteuse dont il est question ici. Ce sentiment se trouve renforcé lors
des rassemblements lors de concerts ou simplement lors de rencontres entre fans
qui sont régulièrement organisées. Chaque admirateur prend
conscience de l'existence du groupe, et de sa propre appartenance à
celui-ci, il se dote d'une identité individuelle et collective, qu'il
soit « fan de Presley » ou
« choupifans ». Le « nous
collectif » est quelquefois opposé aux
« autres », aux
« non-fans », ou dans le cas présent
aux « ré- tracteurs de star
academy », ce qui renforce la cohésion du groupe et
valide son existence. Certains textes ou messages ne peuvent faire sens que
pour un lecteur ou un auditeur déjà en possession d'une certaine
connaissance minimale de la chanteuse. La représentation du groupe par
lui-même est une donnée valorisée et valorisante, on trouve
souvent sur les forums des messages prônant la fierté d'être
fans, la fierté de défendre tel artiste, comme nous l'avons vu
plus avant.
Le groupe s'inscrit également symboliquement sur la
scène sociale. Les membres peuvent porter les attributs du groupe, les
signes de reconnaissance : pour Elvis, l'auteur cite le sigle TCB
(Taking Care of Business) qui était inscrit sur une de ses
bagues, résume l'esprit Elvis. Puis, les vêtements,
eux-mêmes signifient l'appartenance au groupe des admirateurs. En ce qui
concerne Anne-Laure, nous avons pu voir que les fans suivaient la mode plus ou
moins lancée par elle et ses camarades durant les émissions ou
même pendant la tournée (superposition de ceinture cloutée,
tee-shirt déchiré ou customisé, baskets converses remises
au goût du jour...), les fans portent également des tee-shirt
à l'effigie de la chanteuse ou encore des accessoires telle qu'une
casquette ou un sac marqué avec ses initiales AL ou
ALS.
L'intégration du fan dans un réseau
d'échange et de discussion est indispensable. Isolé, le fan
serait condamné à redevenir un simple spectateur ou
téléspectateur, éventuellement plus assidue que les
autres400(*). Autrefois,
ces échanges passaient par l'inscription dans un fan-club
organisé comme une association ayant pour but de regrouper
« épistolairement » des admirateurs d'un
artiste. Aujourd'hui, avec la prolifération d'artistes via la
télévision, la notoriété est de plus en plus
précaire et éphémère, et c'est grâce à
Internet que peuvent circuler rapidement les informations et se constituer des
mouvements de soutien aux artistes, pour finalement créer une version
moderne des fan-clubs, les fan-sites. Le multimédia va donc permettre de
regrouper certaines personnes qui admirent, un peu partout en France ou
ailleurs (dans notre étude, il s'agit essentiellement de la France, de
la Belgique et de la Suisse), le même artiste à travers des sites
qui lui sont consacrés. Il est donc adapté à un groupement
dispersé géographiquement dont les membres doivent se
reconnaître et se trouver. Internet répond donc à un double
effet, d'une part un effet de rupture et d'isolement et d'autre part un effet
de création, de formation de ce que certains qualifient de
cybertribus401(*).
Ces deux effets sont complémentaires car le
relâchement ou la dissolution des liens sociaux traditionnels permettent
une recomposition du social, un nouveau tissage de la socialité. Les
sites personnels seraient l'expression des passions individuelles et les sites
des minorités actives ou des groupes d'affinités, l'expression
des passions collectives. Ainsi, la société d'aujourd'hui, loin
d'être individualiste, se caractérise par la multiplication des
groupes d'affinités, de partage des passions, des sentiments, des
idées, des croyances402(*). Nous voyons ici que le concept d'historicité
à son importance dans la perspective constructiviste,
c'est-à-dire que le mot « construction »
renvoie tout à la fois aux produits des élaborations
antérieures et aux processus en cours de restructuration.
L'historicité est majeure selon un triple aspect403(*) : le monde social se
construit à partir des pré-constructions passées
(ici la notion de solidarité et de lien social par exemple), les
formes sociales passées sont reproduites, appropriées,
déplacées et transformées alors que d'autres sont
inventées, dans les pratiques et les interactions de la vie
quotidienne des acteurs ( transformation et nouvelles formes de lien
social) et enfin cet héritage du passé ainsi que ce travail de
restructuration quotidien permettent d'élargir le champ des
possibles pour le futur (importance des nouvelles technologies dans les
nouvelles limites du lien social).
CHAPITRE V ) LES RESEAUX DE SOLIDARITE AU SEIN DE LA
« COMMUNAUTE VIRTUELLE » COMME
ENJEUX D'UNE RECONNAISSANCE MINORITAIRE
Le fait de se constituer en groupe, ou plus formellement en
communauté favorise la légitimation du groupe dans les actions
qu'il peut entreprendre404(*). On comprend ainsi le phénomène des
fans, et peut être d'autant plus celui des fans d'Anne-Laure. Nous avons
souligné lors de notre analyse, des marques d'un tel processus
d'intégration au sein des forums de discussions. Ce processus
impliquerait que soient définis et acceptés des buts communs
à l'entreprise collective, que les individus partagent un certain nombre
de pratiques et de croyances communes, qu'il existe des interactions entre les
membres du groupe. Ce travail d'incorporation et d'apprentissage est l'oeuvre
de la socialisation, dans le cas de l'apprentissage de la citoyenneté
chez D.Schnapper, c'est la socialisation à l'école qui joue un
rôle très important ; mais dans notre cas, il ne s'agit pas
du même type de socialisation. Dans le troisième chapitre, nous
avons évoqué le processus de construction identitaire et sexuelle
des adolescentes de notre corpus, qui peuvent se trouver en rupture avec leur
socialisation primaire, du fait des non-dits qui peuvent encore planer sur
l'homosexualité. Le fan-club ou fan-site que nous étudions tient
lieu, selon notre hypothèse, d'une instance socialisatrice, que ce soit
au niveau de l'homosexualité ou plus généralement au
niveau du groupe de pairs virtuel que les jeunes se créent, tout comme
peuvent l'être différents médias, comme la presse gay et
lesbienne, qui apparaît comme une sorte de ciment social405(*).
Nous l'avons déjà remarqué lors d'un
précédent travail, il existerait une socialisation
homosexuelle ; citons Michael Pollack qui disait :
« on ne naît pas homosexuel, on apprend à
l'être406(*) ». La majorité des homosexuels
dans la société actuelle, même s'ils s'acceptent comme
tels, portent en eux un conflit existentiel permanent. L'homophobie407(*) intériorisée
n'a pas de fin : elle ressurgit, sous différentes formes, tout au
long du cycle vital. Elle complique la perception que gays et lesbiennes ont
d'eux-mêmes et des autres ; elle régit plus ou moins leurs
relations interpersonnelles ainsi que leur projet de vie et leur vision du
monde, et c'est elle qui engendre le phénomène communautaire
comme organe de résistance. De cela, il peut dériver une image de
soi dévalorisée, du moins durant la période de
l'adolescence ou plus généralement dans la période
où l'on découvre sa (homo)sexualité. Cette sensation
diffuse d'être désavantagé est rarement verbalisée
comme telle et n'est pas nécessairement consciente, mais engage un
réflexe collectif.
I ) LE PARTAGE D'EXPERIENCES
« HOMOSOCIALISATRICES »
La conception de l'homosexualité contemporaine va
impliquer un certain nombre de choses, comme le choix d'un style de vie, le
fait d'affronter les discriminations sociales, le fait de vivre publiquement
plutôt que caché et un sentiment de fierté. Aujourd'hui, on
pourrait dire que l'on « cultive » son
homosexualité. Nous avons questionné dans une étude
précédente, les notions de communauté et de culture
homosexuelle. En recherchant les traces de l'histoire collective des
homosexuels, « histoire secrète » pour
reprendre les mots de Marguerite Yourcenar, il apparaît que c'est dans
les arts et plus spécialement dans la littérature, au moins
jusqu'à la fin des années 60, que les sources sont les plus
nombreuses et les matériaux les plus riches. Sous des formes diverses,
c'est donc d'abord la littérature qui a hébergé le
militantisme homosexuel permettant de dire à la fois la
marginalité, la solitude, la souffrance et la révolte. Les
entretiens que nous avions menés confirmaient le fait qu'elle offre aux
gays et aux lesbiennes, des repères, des modèles de façon
temporaire, éphémère...Selon l'historien et philosophe
D.Eribon, « c'est en fouillant les bibliothèques que les
gays inventent leur vie »411(*). Aujourd'hui, les médias jouent le
même rôle, mais de façon beaucoup plus accessible et surtout
visible, et font entrer directement les gays et les lesbiennes sur le devant de
la scène, de façon plus ou moins détournée.
1. La découverte de l'homosexualité
Aujourd'hui, les grandes interrogations sur l'identité
renvoient fréquemment à la question de la culture. Les crises
culturelles sont dénoncées comme des crises d'identité. La
culture serait le fondement de la recherche identitaire des individus.
L'identité n'est ni une réalité
totalement objective ni totalement subjective, elle se définit
essentiellement dans un cadre relationnel, elle est un construit qui
s'élabore dans une relation qui oppose un groupe aux autres groupes avec
lesquels il est en contact412(*). C'est pourquoi les groupes d'appartenance, que ce
soit un regroupement minoritaire comme les lesbiennes ou un fan-club se
définit le plus souvent en opposition avec un «
autrui » pas forcément caractérisé, mais
qui permet de se positionner dans les relations sociales. Dire que l'on
appartient à tel ou tel groupe renseigne sur notre identité,
parfois de manière approximative et parfois à l'aide de nombreux
préjugés. En effet, nous avons déjà noté que
certaines fans d'Anne-Laure sont stigmatisées, par le simple fait
qu'elles admirent une chanteuse lesbienne, ce même constat s'observe pour
les fans de la joueuse de tennis Amélie Mauresmo.
Cette conception de l'identité comme manifestation
relationnelle permet de dépasser l'alternative objectivisme /
subjectivisme. C'est dans l'ordre des relations entre les groupes sociaux qu'il
faut chercher à saisir le phénomène identitaire. Selon
F.Barth, l'identité est un mode de catégorisation utilisé
par les groupes sociaux pour organiser leurs échanges. Ainsi, pour
définir l'identité d'un groupe, ce qui importe, ce n'est pas
d'inventorier l'ensemble de ses traits culturels distinctifs, mais de
repérer parmi ces traits ceux qui sont utilisés par les membres
du groupe pour affirmer et maintenir une distinction culturelle. En ce sens,
l'identité est toujours un rapport à l'autre, elle est
résultante d'un processus d'identification au sein d'une situation
relationnelle, elle est relative car elle peut évoluer si la situation
change ; certains préféreront parler de concept
d'identification plutôt que celui d'identité413(*). L'identification peut alors
fonctionner comme affirmation ou comme assignation identitaire et
l'identité serait toujours un compromis entre une auto-identité
définie par soi, et une exo-identité définie par les
autres. Cette exo-identité, dans une situation de domination, se traduit
par la stigmatisation des groupes minoritaires et va aboutir dans ces cas
là à une identité négative. Ainsi, nous pouvons
voir apparaître chez les dominés des sentiments de mépris
de soi, liés à l'acceptation et à l'intériorisation
de l'image de soi construite par les autres.
Cependant, un changement de situation ne pourrait-il pas
modifier l'image d'un groupe ? L'identité deviendrait donc l'enjeu
de luttes sociales. Tous les groupes n'ont pas la même autorité
pour nommer et se nommer, seuls ceux qui disposent de l'autorité
légitime peuvent imposer leurs propres définitions
d'eux-mêmes et des autres414(*). L'ensemble des définitions identitaires
fonctionne comme un système de classement qui fixe les positions
respectives de chaque groupe. IL va s'agir pour le groupe qui se voit
assigné une identité négative, de transformer cette
exo-identité en identité positive. Cela pourra se traduire par
exemple, par le retournement du stigmate, comme dans le cas de la Gay
Pride. Le sentiment d'une injustice collectivement subie peut
entraîner chez les membres d'un groupe victime d'une discrimination un
sentiment fort d'appartenance à la collectivité, un sentiment de
fierté revendiquée. Ce thème réapparaît
très souvent dans les messages du forum :
« fière d'être Choupifan », cette
expression résonne presque comme un slogan militant.
Aujourd'hui, la politisation et la mise en public du
privé, de l'intime415(*) permet à certaines de se retrouver dans une
configuration peu consensuelle de la féminité voire même de
la sexualité. Ces représentations sont de plus en plus
précocement accessibles par le biais des médias. Ces images vont
participer au processus d'apprentissage social et culturel de la
sexualité, et par conséquent du genre, ou inversement. Au
départ, l'éducation traduit des comportements sexuels
adaptés à chaque sexe. De plus, le discours ou l'absence de
discours permet à l'enfant ou à l'adolescent
d'intérioriser une représentation de la sexualité, d'en
délimiter les tabous, le socialement acceptable. De cette façon,
les adolescentes lesbiennes ne peuvent se définir dans ces discours de
façon positive, l'homosexualité n'étant pas un sujet
majoritairement voire nullement abordé dans la cellule familiale. Elles
s'enferment alors dans ce qu'on appelle le placard, sorte de secret, de place
négociée qui leur est d'emblée destinée. Il y a
derrière ce terme tout un processus d'assujettissement416(*) sous-jacent, comme un allant
de soi. Ainsi, les lesbiennes vont créer leur identité
personnelle à partir d'une identité assignée.
Accéder au placard par la force des choses, c'est exécuter un
processus de rupture avec la socialisation primaire et familiale, et effectuer
ce que l'on pourrait appeler, dans le cadre d'une socialisation secondaire, une
homosocialisation. Pour se faire, l'adolescence doit être le
moment de « renégocier le pouvoir des parents en terme de
droit d'intrusion, de regard sur les choix initiés, et revendiquer une
marge d'intimité déjà existante »417(*), au sein de la famille,
l'adolescente va devoir se construire des espaces objectifs et/ou symboliques
d'intimité nécessaires à cette autonomie
partielle418(*). Dans
l'étude que nous menons actuellement, cet espace pourrait être
représenté par la création d'un réseau de
sociabilité à travers Internet ou encore tout simplement la
recherche d'images ou de représentations appropriées. Ces
représentations, médiatiques notamment,
« offertes » au public vont interférer avec
la construction de soi en tant que lesbienne. Cette « culture du
visible »419(*) renvoie à la présence des
lesbiennes dans l'espace public qui se joue selon certaines négociations
avec les valeurs hétérosexuelles de base. Etre visible, c'est
s'inscrire sur la scène politique, enjeux de la reconnaissance. Cette
visibilité doit s'insérer dans des cases déjà
existantes, c'est pourquoi on dit qu'elle est négociée et qu'elle
intéresse particulièrement les rapports de genre qui
régissent la société occidentale.
2. Le rapport aux autres et la « tyrannie de la
majorité »
Les minorités, quelles soient sexuelles ou autres,
doivent toujours de manière consciente ou non, se référer
à une certaine majorité représentant l'universel, et cela
que l'on se réclame d'un courant
« séparatiste » ou du courant
opposé, « assimilationniste » dont nous
avons fait la distinction dans le premier chapitre, et que l'on retrouve chez
les membres du forum, de manière un peu moins explicite. Dans tous les
cas, ces deux positions mentionnent mais ne remettent pas en cause
l'idée que les homosexuels seront toujours une minorité et que
leur statut minoritaire préexiste à l'oppression qu'ils
subissent. Or dans une perspective différente, nous pourrions dire que
se conformer aux normes ou construire des sous-mondes alternatifs,
considèrent de la même façon comme immuable le principe de
domination hétérosexiste, reconnaissant en ne les contestant pas
les principes de division et de hiérarchisation qui sont à
l'origine de l'oppression.
Historiquement, la minorité est devenue le
référent de groupes dominés qui cherchent à
réclamer leurs droits et à resignifier les catégories
initialement destinées à les assujettir. Même si elle
apparaît comme le résultat d'un travail de mobilisation politique,
elle finit pourtant par être perçue comme ce qui fonde ce travail
plutôt que comme sa conséquence, et en vient à être
conçue comme la réunion
« naturelle » d'individus donnés, selon
leur qualité préexistantes, semblables ou identiques420(*). De cette façon, dans
cette conception essentialiste, toute personne gay ou lesbienne doit se
définir et surtout se dire par rapport à ce système de
référence et de classement.
Dans ce cadre, nous pouvons replacer les significations que
revêt le stigmate au sens d'E.Goffman421(*). Un stigmate est un attribut qui discrédite a
priori son possesseur, et entraîne des sanctions sociales comme
l'infériorisation, l'exclusion ou encore des violences physiques. Il
insiste sur le fait que le stigmate désigne moins un attribut qu'une
relation dans laquelle le terme stigmatisé (ici, l'homosexualité)
est inséparable du terme opposé
(l'hétérosexualité). Le stigmate renvoie autant à
la catégorie à proprement parler qu'aux réactions sociales
qu'elle suscite et aux efforts du stigmatisé pour y échapper ou
pour dissimuler qu'il y appartient. C'est la réception sociale du
stigmate qui le constitue en tant que stigmate, c'est donc bien le rapport
à la majorité qui définit le stigmatisé, et dans
l'imaginaire de cette majorité, le stigmate est la cause universelle de
tous les goûts et de toutes les actions du stigmatisé. E.Goffman
distingue les identités stigmatisables et les identités
stigmatisées, deux conceptions qui appellent des stratégies de
gestion différentes : la personne stigmatisable s'attache à
la gestion de l'information à l'égard de son stigmate (cacher ou
dévoiler son homosexualité) ; la personne stigmatisée
doit gérer la tension entre la norme sociale et sa réalité
personnelle (se confronter aux réactions hostiles). Ces deux types
d'identités constituent les deux grandes phases de la vie
homosexuelle : d'abord la période qui précède le
coming-out, durant laquelle l'identité reste stigmatisable ;
ensuite celle qui le succède, lors de laquelle elle devient
stigmatisée. Le stigmate sépare d'abord les stigmatisés de
la majorité universelle. Mais les stigmatisés sont aussi
divisés entre eux par une hiérarchisation interne, qui valorise
les plus « normaux » des stigmatisés, et
par une haine de soi, qui se projette sur les images de soi que renvoient les
semblables. Ce constat se retrouve dans nos entretiens lorsque les
enquêtés évoquent l'homosexualité et le fait
qu'elles ne sont « pas comme les autres »,
qu'elles sont « féminines » ; il y a
là un véritable rejet de l'image masculine de
l'homosexualité féminine :
o « Je suis une fille assez féminine
dans l'ensemble »422(*)
o « Je voudrais bien changer les
mentalités sur la femme lesbienne, parce que la lesbienne est vu comme
une fille mec...alors qu'elles ne sont pas toutes comme ça...j'en suis
la preuve vivante... »423(*)
o « On nous fait croire (à propos de la
série L Word) que toutes les lesbiennes sont aussi belles et
féminines, alors que non »424(*)
o « ce qui m'a fait halluciné, c'est que
toutes les filles dans les concerts étaient habillées en
sportwear...sans vouloir être méprisante...pas étonnant
qu'après les gens pensent que les goudous ne savent pas
s'habiller »425(*)
Pourtant, rejeter cette image, c'est encore l'accepter comme
référent. La lesbienne masculine est donc une construction
identitaire qui parle aussi bien de l'oppression que de la création de
soi. Enfin, le stigmate sépare l'homosexuel de lui-même, en
introduisant une discontinuité entre son identité privée
et sa personnalité publique.
Mais le stigmate n'est pas passivement reçu : il
fait l'objet de luttes symboliques, de conflits de définition et de
redéfinition Cependant, la logique de résistance ;
lorsqu'elle se contente de chercher à renverser le stigmate en
fierté, en s'appuyant sur celui-ci pour mobiliser les
stigmatisés, court toujours le risque d'achever ce que la stigmatisation
cherchait à produire : la naturalisation du stigmate et du groupe
qui se mobilise pour le contester426(*).
Le rapport aux autres passe également par l'existence
de stéréotypes et de clichés qui sont le plus souvent,
comme nous l'avons déjà mentionné, par les médias.
En effet, ils favorisent les constructions imaginaires427(*). Souvent le public se forge
par la télévision ou la publicité une idée d'un
groupe social avec lequel il n'a aucun contact. Les représentations qui
sont faites des gays et des lesbiennes, tantôt comme des
efféminés, tantôt que des filles aux allures masculines,
qui sont filtrées par le discours des médias et qui sont ainsi
perpétuées dans les discours quotidiens, parfois de
manière légère en plaisantant, parfois de manière
méprisante, s'impriment dans les esprits. Le stéréotype
serait principalement le fait d'un apprentissage social. Notre culture
définit donc pour nous, et préalablement, les
représentations des types sociaux auxquels nous sommes directement ou
indirectement confrontés. Par exemple, l'injure et le langage nous
précèdent ; or c'est très souvent dans l'injure
qu'une personne se découvrant gay ou lesbienne se voit, et comprend
qu'il sera défini. Ils acquièrent ainsi le sentiment de honte et
de mépris avant même de découvrir leur propre
sexualité. L'injure va définir le rapport aux autres et au
monde428(*). Ainsi, en
intériorisant le stéréotype discriminant, les gays et les
lesbiennes sont amenés à l'activer dans leur propre comportement,
notamment en apprenant à dissimuler leur homosexualité dans
certaines situations.
3. Le besoin de se regrouper et de se reconnaître
Quand une personne découvre ou accepte en
elle-même une identité minoritaire, elle le fait
généralement dans un esprit d'appartenance429(*). Elle peut se sentir
marginalisée, incomprise, ou même exclue de la
société dans son ensemble, mais elle s'intègre
également à une collectivité et acquiert plus ou moins un
sentiment d'appartenance. L'identité minoritaire peut impliquer, la
plupart du temps un sens de la communauté et peut être même
un motif de fierté : nous soulignons à plusieurs reprises
l'emploi d'expressions communautaires et solidaritaires. L'appartenance et le
sentiment collectif naissent de cette intériorisation d'un ensemble de
modèles culturels et de valeurs communes spécifiques qui
définissent une identité personnelle indissolublement liée
à une identité collective. Ce sentiment collectif peut prendre la
forme d'un véritable mouvement social qui devient alors l'espace
où s'expriment et se cristallisent, non seulement des identités
collectives mais aussi des façons de vivre et une certaine insertion
dans la société430(*), ce que peuvent rechercher les jeunes en mal de
reconnaissance.
Les homosexuels vont donc se socialiser en tant que tels en
suivant les repères que peuvent leur proposer par exemple les
médias, en rupture avec la socialisation antérieure qu'ils ont pu
recevoir. Cette socialisation passerait alors aussi par le fait de se trouver
des modèles et de soutenir une candidate lesbienne inscrite dans une
émission de télé-réalité.
Notre précédent travail sur
l'existence d'une culture homosexuelle, nous a permis de constater, que
même si nous ne pouvions pas affirmer son existence, celle-ci
était utile à un moment donné dans la construction
identitaire et culturelle des individus se découvrant gay ou lesbienne.
C'est-à-dire que le fait de connaître un certain nombre
d'éléments d'une sorte de patrimoine gay et/ou lesbien va
conditionner la compétence, au sens ethnométhodologique431(*), des acteurs de la
communauté ou qui souhaitent appartenir à cette
communauté. Dans une interaction, l'essentiel est d'être reconnu
en tant que membre par le groupe, pour cela, il faut montrer sa
compétence, en exhiber les caractéristiques en manifestant qu'on
appartient bien au groupe. Nous pourrions penser que le fait de défiler
pour sa première Gay pride marque une sorte d'entrée
dans la communauté gay et lesbienne, tout comme le fait de faire son
coming-out.
Il existe trois sortes de compétence : tout
d'abord la compétence culturelle, c'est-à-dire, l'aptitude qu'a
un membre d'une communauté à interagir avec les autres membres
déjà compétents, qui possèdent des croyances ;
puis la compétence linguistique, qui est un pré-requis pour
participer aux actions, c'est l'aptitude à communiquer, à
interpréter, à connaître les stratégies d'emploi des
expressions et avoir la connaissance des contraintes sociales pesant dans les
interactions dans lesquelles nous sommes, c'est une compétence
communicationnelle. Nous pourrions entendre par-là tout ce que nous
appelons, les codes, les symboles homosexuels, ce qui permet également
de savoir à quel moment et dans quelle situation, il est possible de
montrer voire d'afficher son homosexualité, mais aussi toutes les
expressions renvoyant à des références connues des gays et
des lesbiennes, références que nous pourrions retrouver dans un
certain nombre de magazines432(*) destinés aux gays et aux lesbiennes ou dans
un certain nombre de films ou de séries télévisées
mettant en scène des personnages gays et lesbiens. Enfin, il y a la
compétence interactionnelle. En effet, la compétence n'est pas
seulement la connaissance, si les individus doivent montrer ce qu'ils savent,
il faut bien que d'autres membres reconnaissent cette connaissance.
Ce besoin de se regrouper et de se reconnaître
développe donc un sentiment d'appartenance à un groupe, dont les
membres ont les mêmes caractéristiques que nous, les mêmes
difficultés, les mêmes intérêts, ou encore les
mêmes goûts. Le réflexe du minoritaire, et encore plus si
celui-ci est dans une position de stigmatisé433(*), sera donc de se replier sur
des semblables, de mettre en oeuvre un système de valeurs particulier,
de s'intégrer parfois dans une vie corporative...pouvant entraîner
la création d'une presse spécialisée, d'un groupe, d'une
chaîne de télévision, d'un site Internet...
II ) DE L'EXISTENCE D'UNE COMMUNAUTE VIRTUELLE OU
REELLE : LEGITIMATION ET ARGUMENTATION
L'analyse de l'énonciation, que nous avons
utilisée au cours de cette recherche, s'organise sur des principes issus
de la linguistique. Elle part du principe que tout message implique une
interaction, car la parole s'adresse toujours plus ou moins explicitement
à un interlocuteur. Il s'agit de trouver dans les messages les marques
de l'interaction, dans les textes mais aussi dans les images. L'analyse de
l'énonciation se fait à travers l'analyse des formes
rhétoriques. Elle s'attache à relever les marques, les indices
d'opinion, de jugement, ce qui peut manifester une sollicitation. En ce sens,
dans un regroupement comme ceux que nous nous sommes proposés
d'étudier, des regroupements dits minoritaires, en
référence à la norme hétérosociale, on se
doit d'accorder une grande importance à un porte-parole dont l'opinion
sera, en quelque sorte le fil conducteur, le guide de ceux qui sont inclus dans
le groupe, ou ceux qui voudraient en faire partie. Ce porte-parole pourrait
être, la rédaction du magazine par exemple, ou dans notre
recherche actuelle, les différents modérateurs du forum de
discussion de notre corpus. En effet, ces personnes peuvent vues comme des
leaders et transmettent les règles en vigueur
sur les forums mais aussi une certaine attitude à adopter.
L'argumentation ne vise pas qu'une adhésion intellectuelle, elle vise
aussi l'action, ou au moins, une disposition à l'action434(*). Le forum de discussions qui
nous a intéressé tient lieu de fan-club, il s'agit donc avant
tout de discussions de fans, cependant l'analyse a rapidement
révélé qu'il y avait d'autres enjeux que celui d'un simple
soutien ou d'une simple adhésion musicale. En effet, l'hypothèse
est posée qu'il existerait des enjeux en terme de reconnaissance
lesbienne. A travers cette jeune chanteuse, les fans organisent certains
arguments en faveur de la légitimité de leur sexualité,
malgré les dits et les non-dits que nous avons soulignés.
Nous partirons ici du contre-pied de cette reconnaissance,
c'est-à-dire, de ce qui fait qu'il y a un besoin de reconnaissance
spécifique. La raison en est, qu'aujourd'hui encore, malgré les
relatives évolutions juridiques concernant l'homosexualité, et
par là même, sa plus grande visibilité, le point de vue
dominant n'en reste pas moins celui d'une sexualité en marge de la
sexualité légitime et légitimée qu'est
l'hétérosexualité. Face à ces constats, les gays et
les lesbiennes doivent jouer des arguments pour faire face à la force
des représentations, que ce soit au niveau du langage ordinaire ou des
images, et accéder une certaine reconnaissance par différents
moyens car finalement : « comment se révolter contre
une catégorisation socialement imposée sinon en s'organisant en
une catégorie construite selon cette catégorisation, et en
faisant ainsi exister les classifications et les restrictions auxquelles elle
entend résister ? »435(*).
1. La persistance d'une rhétorique homophobe
Création du Pacs, élection d'un maire
homosexuel, visibilité médiatique démultipliée,
inscription récurrente dans le débat politique : la
décennie 1995-2005 a donné lieu à un bouleversement de la
place de l'homosexualité dans la vie publique française. Elle se
situe désormais par rapport au majoritaire, notamment avec les sondages
d'opinion, ce qui implique d'exister comme réalité et comme enjeu
à ses yeux, et non plus d'être cantonné à la
marginalité. Nous pourrions parler
d' « évolution » tant la cause
homosexuelle est, historiquement, une lutte du minoritaire pour une
reconnaissance en tant que composante à part entière du corps
social. Entre tolérance et reconnaissance, les avancées de
l'opinion n'épuisent cependant pas la question de la place de
l'homosexualité dans la société française, elles en
déplacent les frontières. Un renversement résume à
lui seul cette mutation : celui des questions posées dans les
enquêtes d'opinion. En effet, à la question traditionnelle
« Si vous appreniez que votre fils est homosexuel,
quelle serait votre réaction ? » s'est
substituée « Si vous aviez un ami qui tient des
propos homophobes... ? »436(*). Certes dans les sondages, les Français
manifestent une réelle réprobation vis-à-vis des
expressions d'homophobie : en février 2004, 80% d'entre eux se
disaient ainsi favorables à ce que les insultes ou injures homophobes
soient réprimées aussi sévèrement que les insultes
racistes ou antisémites, contre 15% défavorables à une
telle mesure. Mais, au-delà de cette condamnation de principe, la
persistance et la vivacité des attitudes homophobes transparaissent dans
les enquêtes d'opinion. Nous le voyons à travers les
minorités parfois importantes qui se démarquent des
évolutions favorables aux homosexuels : le fait qu'en 2004, 31% des
personnes interrogées jugent que « les homosexuels ont une
sexualité anormale » et 20% qu'ils « ne
sont pas vraiment des personnes comme les autres »
n'est ni négligeable, ni anodin. D'autres indicateurs donnent
également la mesure du malaise : 41% des Français
s'accordent ainsi à dire que « les homosexuels devraient
éviter de montrer qu'ils le sont dans les lieux publics, en s'embrassant
dans la rue par exemple ». Citons également la
persistance du fantasme de perversion des enfants par les homosexuels, voire
l'association entre homosexualité et pédophilie, également
révélatrice de l'existence d'un irréductible fond
d'homophobie dans l'opinion : pratiquement un Français sur quatre
(23%) estime que « certaines professions où l'on est en
contact permanent avec des enfants devraient être interdites aux
homosexuels ». Plus grave encore, se révèle une
passivité qui confine parfois à la légitimation des actes
de discrimination ou d'homophobie. Ainsi, quand 31% des Français
jugeaient en 2001 qu'un gay ou une lesbienne avait moins de chances que les
autres, à qualification ou diplômes équivalents, de
décrocher un travail, une formation ou une promotion, ils
n'étaient que 60% à trouver cela injuste contre 37% qui
relativisaient plus ou moins la gravité de ces différences de
traitement437(*). A
l'automne 2004, alors qu'un Français sur deux a le sentiment d'une
augmentation importante des actes et attitudes homophobes, ils ne sont que 43%
à juger que cela montre l'importance de l'homophobie en France ;
tandis que 25% pensent que cela « relève d'un
problème d'insécurité plus
général » et surtout, que 28% y voient
« le résultat d'une visibilité trop grande
des homosexuels qui devraient être plus
discrets »438(*). De telles attitudes contribuent à expliquer
que 7% des personnes interrogées se disent d'accord avec l'opinion selon
laquelle « les violences contre les homosexuels sont parfois
compréhensibles ». Aussi minoritaire soit-elle, cette
complaisance affichée envers les violences homophobes est significative,
parce que particulièrement difficile à exprimer dans le cadre
d'un sondage tant elle est « politiquement
incorrecte », de l'existence, dans les tréfonds de
l'opinion publique, d'une forme de haine-répulsion envers les gays et
les lesbiennes.
Aujourd'hui, depuis un siècle, la rhétorique
homophobe est plus sophistiquée, elle ne se contente plus seulement d'un
lexique et de quelques syntaxes rudimentaires. Elle est surtout devenue
consciente d'elle-même. Jusqu'à présent, le discours
homophobe était unanime, allait de soi, était
évident ; maintenant il est discuté. Ainsi, il a dû
ajuster ses outils linguistiques à la situation nouvelle, pour à
la fois justifier ses présupposés idéologiques, remodeler
son image sociale et combattre ses adversaires politiques439(*). La rhétorique
homophobe est désormais plus argumentée. Cependant, ce discours
reste difficile à circonscrire car il n'est pas le propre d'un groupe
social identifié avec sa rhétorique propre, sa doctrine
officielle, ses textes, ses références et ses porte-parole. Ce
discours est, en effet, prononcé de manières
hétérogènes, par tous les clivages, dans tous les milieux.
Ce discours omniprésent est tout de même ramené à
quelques lieux ordinaires où il puise l'essentiel de ses arguments. Ces
lieux sont comme des réservoirs où chacun peut trouver la
matière nécessaire pour étayer sa thèse.
A l'origine, il y a les lieux pseudo-théoriques formant
l'armature savante des discours homophobes dont le dispositif argumentatif
s'accroît. Ils sont employés pour durcir les prises de position
les plus conservatrices. De ce fait, les positions les plus violentes peuvent
passer pour des discours d'experts. Avant ces théories relevaient de la
théologie, de la morale et de la médecine et employaient des mots
tels que péché, débauche, contre-nature,
maladie, tare pour qualifier l'homosexualité :
« l'homosexualité est un stigmate fonctionnel de
dégénérescence et une tare
névro-psychopathologique »440(*). L'homosexualité
était donc considérée comme une maladie mentale, ce qui
avait immanquablement des répercutions sur l'opinion publique.
Aujourd'hui, on invoquerait plutôt la psychanalyse ou les sciences
sociales avec de nouveaux concepts mis à l'honneur comme celui de
narcissisme, de perversion,
d'altérité, d'ordre symbolique ou de
différence des sexes.
Mais la rhétorique homophobe emprunte aussi à
certains discours moins savants, les lieux communs au sens technique, qui
relèvent plus de l'opinion générale, celle observée
dans les sondages, que de la science officielle. Le plus important est sans
doute celui de l'hétérosexisme ou la croyance profonde en une
téléologie hétérosexuelle du désir qui
finalise à priori l'individu. Ici l'homosexualité met en danger
cette finalité hétérosexuelle du désir et ce,
à tous les niveaux : menace pour l'individu, le couple, la famille,
la nation, l'espèce humaine frappée par la
stérilité de cette contagion homosexuelle.
L'hétérosexisme contient en germe la stigmatisation de toute
personne homosexuelle. De plus cet argument repose sur des lois et des
institutions, spécifiquement érigées pour les personnes
homosexuelles.
Cette homophobie se fonde sur une misogynie. Dans cette
perspective, rien n'est plus avilissant pour un homme que de ressembler
à une femme, alors l'image de l'homme homosexuel est évidemment
celle de l'efféminé, inspirant mépris et quolibets- il
faut noter sur ce point que l'homophobie s'exerce sur la sexualité et
par le fait l'apparence des personnes, que cette sexualité soit
réelle ou supposée. Inversement la femme homosexuelle semble plus
masculine, elle est alors assimilée à une orgueilleuse imposture
puisqu'elle refuse de rester à la juste place qui lui assigne sa
condition première. Or les images de la rhétorique homophobe sont
réversibles et malléables. En effet, on peut aussi reprocher aux
gays d'être trop virils. Leur goût pour le sport, la musculation
est manifestement inauthentique. La même chose est dénoncée
chez les lesbiennes qui seraient trop féminines pour être
honnêtes. L'homme doit être viril ni trop, ni trop peu et la femme
doit être féminine ni trop, ni trop peu également. Mais si
les gays et les lesbiennes sont arrivés à trouver un juste
milieu, le discours homophobe va considérer que la situation est pire
car il les soupçonne de vouloir se fondre dans la masse pour mieux
tromper le monde. Et finalement, la « folle » est
préférable car plus reconnaissable et donc plus rassurante, les
médias tentent ces dernières années de trouver un
équilibre entre ces deux figures.
Toute cette argumentation homophobe est mise en forme selon
différentes stratégies. Tout d'abord les stratégies de
définition, c'est-à-dire, qui utilisent la définition
même du mot
« homosexualité » pour ainsi
dénoncer l'amour du même sexe, le refus de
l'altérité, le repli sur soi, la fermeture voire même la
ghettoïsation. Cette stratégie permet de dérouler toutes les
conséquences voulues à partir d'une simple définition,
elle enferme les êtres dans leur essence présumée. Ainsi,
l'homophobie semble être fondée en raison. Une fois posée,
explicitement ou implicitement, cette définition peut devenir une arme
redoutable, une structure mentale absolue, principe de vision et de division du
monde social. Cette définition est ensuite étendue à
d'autres réalités différentes et
hétérogènes, c'est ce que l'on appelle l'amalgame. Par
exemple le fait d'associer l'homosexualité à la
pédérastie, la pédophilie, à la perversion, la
débauche, la drogue ou encore le sida : « Où
placera-t-on la frontière, pour un enfant adopté, entre
l'homosexualité et la pédophilie »441(*) ou autres slogans issus de
la manifestation anti-Pacs tenue à Paris le 31 janvier 1999
« Les homosexuels d'aujourd'hui sont les pédophiles de
demain »...
L'autre stratégie est l'injonction simple. Elle
consiste à définir non pas ce qu'est l'homosexualité mais
ce qu'elle devrait être, notamment l'injonction à la
virilité, à la féminité, à la
discrétion, à la chasteté, à la sublimation du
désir sexuel. Le discours homophobe apparaît ainsi comme un
discours normatif intériorisé dés l'enfance. Ce discours
est intériorisé et nous le retrouvons chez nos
enquêtés les plus jeunes.
L'injonction peut également être double. Elle
consiste alors à proférer des injonctions contradictoires selon
la nécessité du temps. Ainsi l'injonction à la
normalité fut longtemps un motif privilégié du discours
homophobe. Mais lorsque les gays et les lesbiennes commencèrent à
demander la reconnaissance légale, cette revendication a
été critiquée car elle mettait en péril la norme
sociale. De la sorte, ceux qui avaient exhorté les homosexuels à
la normalité, leur reprochaient désormais leur volonté
d'intégration sociale, les exhortant au contraire à être
subversifs. Nous pouvons citer les discours des débats actuels sur
l'homoparentalité.
Enfin, nous citerons la stratégie de la culpabilisation
et ses effets rhétoriques de la honte que le discours homophobe suscite
et entretient : de peur d'être stigmatisées comme telles, des
personnes homosexuelles sont prêtes à entendre sans rien dire les
formules les plus violentes ou les plus insultantes du discours social, cela
est très souvent le cas sur le lieu de travail. Ainsi, il plane toujours
une sorte d'autocesure, de mauvaise conscience. Ces personnes renonceront peut
être à certaines libertés individuelles pour ne pas
déranger l'ordre symbolique et moral qu'on leur oppose. Cette violence
symbolique442(*) est
donc légitimée par les stigmatisés eux-mêmes car
elle fait partie de la socialisation primaire. Très souvent cette
homophobie qualifiée de sociale n'a pas besoin de s'exprimer pour
s'exercer. Tout célèbre le couple
hétérosexuel : les parents, l'entourage, le cinéma,
la télévision, les livres pour enfants...Edith Cresson, Premier
ministre en 1991 affirmait :
« l'hétérosexualité, c'est
mieux ».
Avant même de connaître sa propre
sexualité, le jeune gay ou la jeune lesbienne sait qu'il ou elle est
potentiellement insultable. Le sentiment homosexuel est forcément
condamné donc la personne qui éprouve ce sentiment est
forcément condamnable et le sait. En effet, l'homophobie est
présente dans le langage ordinaire. Elle englobe les insultes dans la
rue mais aussi tous les discours théoriques d'obédience
juridique, psychanalytique et anthropologique, qui visent à confirmer ou
à justifier l'ordre inégalitaire institué entre
homosexuels et hétérosexuels443(*). Le langage exprime depuis des siècles, une
norme hétérosexiste. Le monde reste vu à travers le prisme
de l'homme normal, c'est-à-dire, hétérosexuel qui
perpétue sa domination sociale par le langage courant. Les mots de
l'homosexualité sont dés lors pour beaucoup, les mots de
l'homophobie ; c'est le risque encouru, dans la dynamique sociale, par
toute désignation de groupe humain qui procède par classification
sur la base de critères normatifs, source de tous les
préjugés et de toutes les discriminations. L'injure sera l'image
de l'homosexuel efféminé que le langage renverra en
priorité de l'homosexuel. Ce processus de féminisation de
l'homosexuel fait référence à la passivité. On ne
retrouve pas cette équivalence chez les lesbiennes. On parle de
« folle » pour les gays, on emploie donc un terme
féminin ; et on parle de
« camioneuse » pour les lesbiennes, le terme est
féminisé. Mais cette stigmatisation ne touche pas que les
homosexuels. En effet, pour Daniel Welzer-Lang, « c'est le
dénigrement des qualités considérées comme
féminines chez les hommes, et dans une certaine mesure, des
qualités dites masculines chez les femmes » qui
engendre l'insulte. Ainsi, il relit « l'homophobie
particulière qui s'exerce à l'encontre des gays et des
lesbiennes, et l'homophobie générale, qui prend racine dans la
construction et la hiérarchisation des genres masculin et
féminin »444(*). L'insulte
« pédé » peut également
frapper un homme hétérosexuel dans la mesure où,
au-delà de l'orientation sexuelle, elle dénonce un manquement
à la « parfaite » virilité que
suppose la construction sociale du masculin. L'opinion publique regorge
toujours de stéréotypes sur les homosexuels comme par exemple,
les danseurs, les coiffeurs, les filles aux cheveux courts...etc...
D'une manière générale, nous pouvons
affirmer que c'est dans le langage que l'on retrouve les stratégies plus
ou moins ritualisées de la lutte symbolique445(*). Kant a
démontré que le langage a une efficacité symbolique de
construction de la réalité et de ce fait, la nomination va
structurer la perception du monde social des agents. L'institutionnalisation
à travers laquelle s'accomplissent les opérations de nomination
permet de « faire le monde en le
nommant ». De cette façon, les termes injurieux
envers les homosexuels participent de ce processus. Cette représentation
a d'autant plus de force quand il s'agit d'un discours scientifique, comme nous
l'avons vu. L'action sur le monde social vise à produire et imposer des
représentations, et ainsi à faire ou défaire les groupes,
issus de ces représentations. De plus, cette action va agir
également sur les actions collectives qu'ils peuvent entreprendre pour
transformer le monde social conformément à leurs
intérêts en produisant, en reproduisant ou en détruisant
les représentations qui rendent visibles ces groupes pour
eux-mêmes et pour les autres.
2. L'affirmation et le militantisme en faveur de la
reconnaissance
La presse gay que nous avions étudié mettait en
avant un certain nombre de personnages historiques, littéraires ou
autres artistes, tous homosexuels en vantant leurs oeuvres. Nous avions
constaté une mise en avant des références donc la
reconnaissance est incontestable, reconnaissance qui participerait à la
légitimation de l'homosexualité.
Si l'homosexualité est bien issue de la discrimination,
les gays et les lesbiennes représentaient autrefois le mal et devaient
lutter pour la tolérance, pour exister, aujourd'hui c'est contre
l'homophobie qu'ils doivent se défendre.
A partir de ces constats, comment peut s'élaborer le
processus de reconnaissance des homosexuels ? Il faut se détacher
du système dominant et inconsciemment (ou consciemment) homophobe de
notre société. Nous pouvons citer en vrac les exemples de la
Gay Pride, des dénominations libérées du joug
médical (gay et lesbienne), des associations, des porte-parole, des
images des homosexuels par eux-mêmes, de la presse gay...Ces exemples
transcendent les différents traitements médiatiques qu'a connu
l'homosexualité : le silence, la condamnation, la dérision.
En effet, pour P.Bourdieu, il faut « briser »
l'adhésion au monde du sens commun, en rompant avec l'ordre ordinaire,
et en produisant un nouveau sens commun446(*) qui serait la manifestation publique et la
reconnaissance collective de certain groupe.
Déjà dans un précédent travail de
maîtrise, nous nous étions attardés sur une presse gay en
soumettant le corpus pictural à l'analyse dite de la
« rhétorique de l'image447(*) » de R.Barthes afin d'observer une
certaine mise en scène de l'homosexualité en vue de la
construction sociale d'une culture homosexuelle. En effet, ce qui ressortait le
plus d'une telle analyse était le fait que les images étaient
ancrées dans une certaine norme reconnue par la communauté gay,
et défendue par la rédaction du magazine en question. Les images
qui étaient mises en scène visaient à influer sur le
lecteur, obéissant dans un certain sens à certains codes, normes
ou mêmes à certains clichés. L'analyse sémiologique
de R.Barthes est parfaitement adaptée aux images publicitaires qui sont
construites à partir d'une intention, comme par exemple, la couverture
d'un magazine. Ces dernières sont en effet, le fruit d'une intention de
construction du sens de l'image, dans la mesure où elles doivent
être la vitrine du produit. Ainsi, le graphisme, le choix de l'image et
des titres accrocheurs révèlent le positionnement et
l'identité revendiquée par le magazine. La signification est
intentionnelle par la transmission claire de signifiés en vue d'une
meilleure lecture. Le message iconique ou symbolique qui est connoté,
nécessite souvent un savoir d'ordre culturel, même s'il est
parfois difficile de le distinguer du message littéral,
dénoté. Le spectateur reçoit en même temps le
message perceptif et le message culturel, et cette confusion correspond
à la fonction de l'image de masse. La lecture de l'image va donc
dépendre du « savoir » du lecteur, de sa
situation culturelle, et de tout un apprentissage de signes.
Rappelons que les argumentations effectives s'inscrivent
toujours dans le cadre d'une interaction. On se justifie toujours par rapport
à quelqu'un, ou par rapport à soi-même quelquefois. Le
postulat veut que « tout discours est une construction
collective » ou « une réalisation
interactive ». Les différents participants de
l'interaction exercent les uns sur les autres un réseau d'influences
mutuelles448(*). Le sens
d'un énoncé est le produit d'un travail collaboratif,
l'émetteur et le récepteur sont actifs et procèdent
à des opérations de codage et de décodage. Les divers
procédés de rhétoriques, comme celui de R.Barthes ne peut
se faire donc qu'en présence, réelle, fictive ou virtuelle, d'un
auditoire qui va représenter l'ensemble de ceux sur lesquels l'orateur
veut influer par son argumentation.
Dans le cas d'un magazine gay et lesbien, les journalistes
exercent leur pouvoir d'argumentation sur une cible bien précise car
ceux qui lisent ces magazines sont à priori positionner sexuellement
parlant. De la même façon, les personnes se rendant sur les forums
de discussions Internet soutenant une jeune chanteuse lesbienne sont
susceptibles d'être sexuellement marquées, quoi que ce soit un peu
moins évident que dans notre premier exemple, car malgré
l'analyse à laquelle nous venons de soumettre notre corpus, rien n'est
clairement dit. En ce sens, le vecteur qu'est Internet permet une approche en
terme de « communauté virtuelle ».
Pour permettre l'adhésion de son auditoire, celui qui veut convaincre
doit procéder à des choix dans son discours :
« toute argumentation implique une sélection
préalable, sélection des faits et des valeurs, leur description
d'une façon particulière, dans un certain langage et avec une
insistance qui varie selon l'importance qu'on leur
accorde »449(*). Dans notre étude actuelle, l'orateur,
lequel peut être soit un des modérateurs du forum, soit même
un autre membre -mais qui a une relative importance au sein du forum- va
utiliser, pour convaincre, des arguments en faveur de la promotion de la
chanteuse d'une part, mais également en faveur d'une concentration
communautaire voire familiale que les membres du forum sont sensés
constituer, et cela dans un langage que tous les membres peuvent clairement
identifier et surtout s'approprier. Ces messages, ces discours ont pour
fonction de créer la présence de certains éléments
à la conscience de l'auditoire. Nous constatons le même processus
dans les pages du magazine de notre premier corpus.
Dans une communication argumentée, il faut avant tout
comprendre ce que l'autre veut dire. Cette étape est nécessaire
pour l'adhésion. Pour se faire comprendre et tenter de convaincre, il
faut donc s'appuyer et employer des principes reconnus par tous, des lieux
communs, des institutions sociales selon E.Durkheim450(*). Les procédures
d'argumentation comportent donc bien des éléments sociaux
reconnaissables comme tels et quasiment autonomes, ils ne relèvent pas
seulement des processus psychologiques individuels. Les différentes
sociétés aux différentes cultures offrent donc une
multitude de lieux communs utilisables dans une argumentation afin d'être
interprété par tous. Dans notre cas, nous avons
déjà posé, dans le cadre d'une construction sociale d'une
culture gay, l'hypothèse d'une mémoire collective451(*), commune aux gays et
lesbiennes, qui regrouperaient les différents éléments
jalonnant l'histoire du mouvement homosexuel mais aussi les expériences
communes de la socialisation primaire voire secondaire que les acteurs sont
amenés à vivre en position de minoritaire. Cette
« connaissance partagée »452(*) par les interlocuteurs
constitue sans doute l'élément le plus important du contexte.
Dans le cas, d'un forum de discussion, il peut s'agir également d'une
« histoire conversationnelle commune » autour du
sujet principal du forum, c'est-à-dire la chanteuse ; le cotexte a
été appréhendé comme étant les
événements survenus dans sa courte carrière, les membres
évoquent par exemple son évolution dans l'émission
Star Academy, la tournée Star Academy à
laquelle elle a participé, et autres souvenirs connus de tous au sein
des membres. Ainsi, les membres du forum forment un certain groupe
« virtuel », ils ne se connaissent pas
nécessairement dans la réalité mais en s'inscrivant
à ce fan-club à travers Internet, ils adhérent à un
certain nombre d'idées et contractent en quelque sorte, un genre
d'engagement tacite qu'il n'est plus permis de rompre arbitrairement. Comme le
montre M.Gilbert453(*)
dans le fait de marcher ensemble à deux, une situation pourtant
éphémère. Elle y voit le véritable atome du social,
la source même de ce qui constitue, à des niveaux plus complexes,
une nation, une communauté. Lorsque deux personnes marchent ensemble
dans la rue et que l'une d'elle accélère soudain, l'autre attend
d'elle des justifications. Ce même constat a été
vérifié lors de notre analyse de messages du forum de
discussions, dans la catégorie « Coups de
gueule » notamment.. En effet, lorsqu'un membre veut quitter le
groupe, il doit se livrer à toute une série de justifications, et
suscite parfois l'incompréhension des autres, comme si le fait de faire
parti d'un groupe, celui du fan-club, entraînait certaines obligations,
sous forme d'accord, de contrat.
3. La mobilisation et la solidarité comme ressources
identitaires
Le collectif ainsi formé, répond, on l'a vu, aux
attentes d'un groupe de fans d'une part mais également, à un
besoin de reconnaissance identitaire, c'est du moins ce que nous avons
supposé, au vue de la faiblesse des moyens de reconnaissance d'une
population minoritaire, et des discours majoritairement homophobes à
certains degrés de notre société. Le choix des membres de
se réunir au sein de ce forum pour défendre cette chanteuse
plutôt qu'une autre, n'est donc pas dénué de
rationalité, de même que les arguments qui sont
développés par certains membres qui
« avouent » plus explicitement que d'autres leur
attachement à cette chanteuse du fait de son homosexualité et en
laquelle ils et surtout elles, peuvent se reconnaître. Comme le
préconisait M.Weber, il faut donc tenir compte des motivations de
l'acteur. Cependant, nous avons constaté que les membres de ce forum
donnent des raisons, que V.Pareto appellerait de « bonnes
raisons », c'est-à-dire des raisons jugées
moralement parlant acceptables ; on retrouve la stratégie
appliquée de la culpabilisation de la rhétorique homophobe. En
effet, très peu de membres mettent en avant l'homosexualité de la
chanteuse comme vecteur de leur engouement. Or, il est bien évident
qu'il y a un lien d'après notre recherche. Ces raisons peuvent se faire
sous la pression du groupe et ne sont pas forcément effectives aux
individus454(*). Avec le
modèle de l'action rationnelle, le processus de mobilisation est
appréhendé comme un rassemblement de ressources rares permettant
de « rémunérer » une participation
individuelle qui ne va pas de soi. En effet, l'individu est rationnel et
procède à un calcul coût / avantage. Dans son paradoxe,
M.Olson455(*)
démontre que la mobilisation n'est ni automatique, ni spontanée.
Si les individus rationnels partagent un intérêt, ici en faveur de
la reconnaissance minoritaire, cela ne suffit pas à les mobiliser. Par
exemple, si l'enjeu est l'obtention d'un avantage collectif et s'il n'y a pas
de pression sur les individus pour les inciter à agir, chaque individu
pourra profiter des avantages acquis par l'engagement des autres membres du
groupe. L'individu n'a pas intérêt à participer à
l'action collective puisqu'elle a un coût, ici il s'agit de se faire
« mal voir » par les autres en abordant des sujets
jugés « privés » comme celui de
l'homosexualité, par certains modérateurs et certains membres. Le
risque est que si tout le monde raisonne ainsi, alors il n'y aura pas d'action
collective, ce que R.Boudon appellerait un effet pervers. Certains des
paradoxes peuvent s'expliquer par la socialisation et la culture. Il serait
alors question d'une contrainte sociale et culturelle456(*) qui fixeraient les logiques
d'argumentations et d'action des individus. Les cadres pré-formés
de l'esprit imposeraient une certaine perception, ces cadres de
référence orienteraient la décision. En tant que sujet
encore tabou, l'homosexualité, et notamment celle revendiquée de
la chanteuse, n'est pas mise en avant dans les arguments des fans, pour
expliquer leur engouement au collectif du forum.
Parler d'action collective dans le cadre d'un fan-club
pourrait être jugé un peu inadéquat, cependant, on peut
tout à fait replacer cette situation dans une situation bien plus
globale comme celle de la reconnaissance d'un mouvement social minoritaire.
Pour dépasser le paradoxe Olsonien, A.Obershall457(*) introduit les liens unissant
les individus du mouvement social aux groupes supérieurs et de pouvoir,
et les liens existant au sein même du groupe du mouvement social. La
mobilisation sera d'autant plus aisée que les groupes concernés
par l'action collective sont plus organisés. Ce modèle croise
donc deux dimensions : la première au niveau de la cohésion
sociale du groupe, plus la cohésion est forte, plus le potentiel de
mobilisation sera élevé, d'où un grand effort de
revendication communautaire, que ce soit dans la presse gay et lesbienne ou
dans les messages du forum de discussions, avec notamment l'emploi massif du
« nous » pour convaincre de l'appartenance des
individus; la deuxième au niveau de l'intégration du groupe
à la société globale, surtout avec les groupes
supérieurs de la pyramide sociale et politique, la segmentation sera
propice à la mobilisation.
La participation au collectif offre à l'individu la
possibilité de revendiquer de l'appartenance. En ce sens, l'individu
cherchant des repères, va agir selon son affectivité, cela
s'oppose à la théorie du calcul de M.Olson. On pourrait dire
qu'il va être guidé par son expérience, ses idées,
ses valeurs. L'action collective répond à un besoin de resserrer
les solidarités sociales au sein de son groupe d'appartenance. La
dimension identitaire est encore plus forte si le groupe se heurte à une
stigmatisation de la part de la société globale. Cela peut
être le cas des communautés homosexuelles, qui au départ ne
s'érigent pas contre un adversaire mais plutôt pour une
reconnaissance de leur identité.
D'une façon générale, nous pouvons dire
que « la répression de l'homosexualité a
historiquement nourri la détermination de
l'exprimer »458(*), et à son tour, la détermination
de l'exprimer a historiquement renforcé le désir de
réprimer l'homosexualité. Par conséquent, de ces deux
termes du couple expression / répression, il serait faux de croire que
les progrès de l'un affaiblissent nécessairement l'autre. Les
deux peuvent, au contraire, se renforcer mutuellement. Ainsi, si le spectateur
lambda voit dans la présence de plus en plus importante et visible de
l'homosexualité, au cinéma, à la télévision,
dans la rue, dans les journaux et magazines, une évolution des
mentalités, mais il faut garder à l'esprit que cette plus grande
visibilité peut faire ressurgir des regains d'homophobie, quelle qu'elle
soit.
III ) LE FAN-CLUB : UN PRETEXTE
MOBILISATEUR ?
L'homophobie, le besoin de reconnaissance,
le processus de construction identitaire, l'organisation réflexive
autour de la sexualité, la redéfinition des territoires de
l'intime, tous ces moments de vie auxquels chacun est soumis, essentiellement
dans le cadre de la jeunesse dans notre étude de cas, nécessitent
un certain d'outils mais aussi d'interactions pour pouvoir
« faciliter » le passage d'un moment à un
autre, ou pour leur donner une cohérence. Pour ce faire, l'offre
associative s'accroît de plus en plus, chaque
« caractéristique » sociale peut se
retrouver dans une association, une corporation, voire même se recouper.
Il y en France environ 880 000 associations à ce jour459(*) Ce chiffre progresse peu ce
qui veut dire que le nombre de créations s'équilibre avec celui
des dissolutions. On sait que la durée de vie moyenne d'une association
n'excède pas 3 ans et que la dissolution est rarement prononcée.
Les associations gays et lesbiennes établies de manière physique
dans un local ou un établissement, c'est-à-dire, présente
ailleurs que sur Internet, se comptent environ à 800 d'après une
estimation d'un annuaire spécialisé460(*). De ce constat va
découler la dernière partie de ce travail récapitulant les
différents points comme autant d'enjeux dans une lutte toujours plus
poussée pour la reconnaissance, composante la plus socialement
considérée dans le processus de construction identitaire.
1. La mobilisation autour d'une artiste : la construction
de la notoriété
Comme nous l'avons déjà mentionné, le
public est activé par l'oeuvre. La signification de l'objet ou de
l'oeuvre va susciter le comportement du public461(*) : l'oeuvre peut
refléter l'esprit de l'auteur, et le travail du public consistera
à retrouver l'auteur dans cette oeuvre ; elle peut également
déployer une structure qui devra être déchiffrée par
le public ; ou encore elle peut exploiter un univers bien connu dont les
stéréotypes doivent être reconnus par le public.
En effet, le public peut être capable d'associer
à l'oeuvre un projet d'auteur, lui-même déterminé
par une biographie particulière. Cet acte de réception peut
être conçu comme celui d'une sensibilité commune,
c'est-à-dire que le public va chercher à retrouver dans l'oeuvre
des éléments familiers auxquels il est sensible, du fait de sa
position, quelle soit minoritaire ou autre : il peut s'agir alors de
former des « communautés
d'interprétation attachées à des stratégies
interprétatives spécifiques »462(*). Il peut y avoir dans
les oeuvres telles qu'elles soient, des notations se rapportant à des
cadres communs de la vie sociale, c'est-à-dire que certaines
connotations pouvant répondre à certains clichés usuels
que seul un certain public peut interpréter comme tels. Ses oeuvres
peuvent être le prétexte autour duquel se construisent des
communautés spectatorielles avec leurs valeurs, leurs usages, leurs
rituels.
Ses théories peuvent s'illustrer notamment par des
oeuvres littéraires telles celles de Jean Genet. Tout au long de son
oeuvre, il analyse ce que signifie être un minoritaire463(*). Il recense les
manières qu'invente l'ordre social pour intérioriser la honte
dans le coeur des parias, et invite paradoxalement les individus voués
au rejet des autres à revendiquer ce sentiment : transformer la
honte en orgueil permet, en effet, une reformulation par les parias
eux-mêmes, individuellement et collectivement, de leur
subjectivité. J.Genet développe l'idée d'une
esthétique de l'existence, qui ne saurait jamais trouver de fin, par le
moyen de laquelle les dominés peuvent se créer eux-mêmes et
façonner une nouvelle culture et de nouvelles formes de relations. C'est
une politique du minoritaire qui se met en place.
Les stéréotypes peuvent
être pensés comme un facteur de cohésion sociale, un
élément constructif dans le rapport à soi et à
l'autre. En effet, certaines communautés minoritaires défendent
leur identité contre toute menace d'assimilation et donc de disparition
par la réaffirmation de leurs stéréotypes d'origine.
L'adhésion à une « opinion entérinée,
une image partagée, permet par ailleurs à l'individu de proclamer
indirectement son allégeance au groupe dont il désire faire
partie. Il exprime en quelque sorte symboliquement son identification à
une collectivité en assumant ses modèles
stéréotypés »464(*). C'est dans ce sens que le
stéréotype favorise l'intégration sociale de l'individu.
La mobilisation autour d'un artiste va donc lui apporter une
certaine notoriété qui va reposer aussi sur son public,
c'est-à-dire, que le public va conditionner le déroulement de la
carrière de l'artiste. En ayant été
récupéré par un certain nombre de fans, le coming-out
d'Anne-Laure lui vaut de s'insérer dans un cadre défini de la
notoriété. Elle est étiquetée en tant que chanteuse
lesbienne et a du mal à faire « oublier »
cette image afin d'élargir son public, d'autant plus qu'elle est issue
d'un programme télévisé suscitant de nombreuses
controverses. Ceci explique peut être le fait que les modérateurs
du site essaient de limiter les sujets concernant l'homosexualité. Il
est difficile de doser la subversion que peut représenter le fait
d'être une artiste lesbienne et la commercialisation à laquelle
doivent se soumettre les artistes. Anne-laure a pris clairement le parti de ne
pas être une artiste lesbienne dans ses compositions tout en ne cachant
pas sa vie amoureuse aux médias.
Le forum se veut discret à ce propos, pourtant les
chiffres parlent d'eux-mêmes, malgré que ce soit un site de fans,
les messages concernant l'album d'Anne-Laure et ses prestations
médiatiques sont en nombre dérisoire contre les messages
concernant des sujets prêtant à discussions dans le cadre de la
vie personnelle des membres ou de celle de la chanteuse mais toujours sous
couvert du couperet des modérateurs pour ne pas être trop
explicite, eux même sous couvert, nous le supposons, de la production
directe d'Anne-Laure.
2. La mobilisation pour soi : une reconnaissance de
substitution ?
Il est donc difficile de concevoir qu'une starification aussi
formatée que celle d'une artiste conçue par la
télévision - même si cette dernière tend à se
défaire de ces liens - puisse engendrer des formes de solidarité
aussi importantes que celles que nous avons constaté au sein du
fan-club. Il serait quasiment paradoxal d'imaginer qu'un monde marchand
exerçant parfois autant de censure symbolique, comme nous l'avons vu,
entraîne la formation presque communautaire d'un groupe. Cependant, le
besoin de se voir représenté à l'écran pour un
groupe minoritaire et de façon aussi proche de la réalité
que peut l'être une émission de
télé-réalité, a pu être comblé par ce
biais là. En effet, en France, les images de l'homosexualité
féminine sont rares, malgré la diffusion de certaines
séries américaines, mais qui ne représentent pas
forcément la vie réelle : le seul exemple est la
série « Lword » diffusée en prime
time durant l'été sur canal plus. Cette série, bien que
mettant en scène uniquement des personnages lesbiens et évoquant
des situations auxquelles les lesbiennes peuvent être confrontées,
le fait dans un contexte idyllique et hollywoodien, ne favorisant pas
forcément une identification morale et sociale adaptée aux
adolescentes que nous retrouvons sur le forum d'Anne-Laure.
Ainsi, l'identification permet une meilleure acceptation de
soi, une possible intégration dans un réseau qui nous lie
à des personnes qui nous ressemblent, et qui nous apportent la
reconnaissance espérée.
D'une façon générale, la vie commune est
imposée aux individus, qui ont besoin de la reconnaissance d'autrui pour
exister, l'absence de considération étant le plus grand mal de
l'Homme. Nous avons constaté que le champ des relations humaines est
semblable au marché, c'est un échange de satisfaction de besoins,
et que toute coexistence est une forme de reconnaissance465(*).
Au sein du groupe social minoritaire qui nous préoccupe
ici, il peut y avoir deux sortes de reconnaissance pour les individus membres.
Il peut s'agir d'une reconnaissance de conformité, ou d'une
reconnaissance de distinction ; c'est l'opposition que nous avons
déjà établie entre les partisans d'une
homosexualité discrète et qui souhaitent obéir aux
même schémas que l'hétérosexualité, et les
partisans d'une homosexualité subversive. Mais pour l'une ou l'autre, il
est toujours question de stratégies de défenses sociales.
L'individu peut se demander si la non-reconnaissance ne touche pas tous ceux
qui sont comme lui (toutes les femmes, tous les gays...pour ne prendre que ces
exemples) , dans ce cas, la violence qu'il subissait individuellement fait
place à une révolte sociale dont le but est de transformer les
institutions de sorte qu'elles accordent le respect et la considération
à ceux qui en manquaient.
Cependant, au lieu d'une reconnaissance officielle, il est
loisible d'en obtenir une autre, une reconnaissance par procuration notamment,
grâce à l'attention, voire à l'admiration que suscite tel
personnage célèbre, comme une forme de reconnaissance
substitutive. Il s'agit donc d'une forme d'idolâtrie entraînant des
phénomènes de satisfaction par transfert. Ainsi la reconnaissance
que je porte à mon idole rejaillit sur moi. L'autre avantage que cela
procure est celui de se sentir appartenir à un groupe, à nos yeux
également prestigieux, celui des admirateurs de la vedette où
chacun est confirmé de sa conviction par celle des autres. Je
bénéficie de ce que j'ai moi-même produit, à savoir
de la communauté à laquelle j'adhère. Le groupe des
Choupifans, ici étudié, s'est peut être construit
dans cette optique là, de façon plus ou moins consciente. Le fait
qu'Anne-Laure ait révélé son homosexualité
entraîne d'une certaine façon de la part de ses admiratrices une
reconnaissance substitutive à l'égard de leur propre
homosexualité. En s'érigeant en groupe, voire en réseau,
voire en communauté virtuelle, elles aspirent peut être à
une reconnaissance, certes de la notoriété de leur idole qu'elles
veulent voir réussir, mais aussi peut être bien à une
reconnaissance personnelle et collective. Il s'agit alors de défendre
une artiste en laquelle on croit, mais surtout une artiste qui a dit son
homosexualité. L'effet de reconnaissance substitue au désir de
connaître les autres, le besoin de s'y reconnaître, de
reconnaître le même466(*).
Nous laisserons de côté ici,
les dérives de l'idolâtrie que constitue le fanatisme où le
fait de se battre pour son groupe, pour l'identité collective, pourrait
entraîner la haine des autres-différents. Il n'est pas question de
cela dans notre cas, le regroupement de fans est quelque chose de ludique au
départ. C'est d'ailleurs ce qui ressort visuellement des messages avec
l'utilisation par les membres de dessins, de smileys, de photographies, de
couleurs ; un peu de la même façon qu'Anne-Laure à
réussi à assumer sa personnalité467(*) en participant à ce
qui n'est, concrètement, qu'un jeu télévisé d'une
genre un peu particulier.
3. La mobilisation identitaire : enjeu d'un
collectif
Pour clore ce chapitre, nous voudrions revenir sur le terme de
« communauté virtuelle » qui nous a
préoccupé ici. Nous l'avons pensé dans cette
dernière partie, plutôt comme une entité plus vaste que
celle du regroupement sur Internet. En effet, nous avons posé la
communauté comme quelque chose qui dépasse l'individu et dans
laquelle il s'insère en prenant conscience d'un certain nombre de
choses, ici sa sexualité. Une certaine reconnaissance identitaire
homosexuelle se créé, comme nous l'avons vu, car il existe
toujours une rhétorique homophobe qui présume tous les individus
comme hétérosexuels. Nous n'affirmons pas qu'il existe une
communauté homosexuelle mais nous supposons fortement qu'il existe, au
moins, en germe une idée communautaire fondée sur une
appartenance minoritaire.
Les mouvements sociaux, comme tout autre regroupement
collectif sont aussi des moments privilégiés de construction et
de maintenance des identités. L'identité est à la fois
« le sentiment subjectif d'une unité personnelle, d'un
principe fédérateur du moi, et un travail permanent de
maintenance et d'adaptation de ce moi à un environnement
mobile »468(*). Elle est aussi « le fruit d'un
travail incessant de négociation entre des actes d'attribution, des
principes d'identification venant d'autrui et des actes d'appartenance qui
visent à exprimer l'identité pour soi, les catégories dans
lesquelles l'individu entend être perçu ». Ainsi,
l'action protestataire ou militante constitue un terrain propice à ce
travail identitaire. Elle constitue un acte public de prise de position qui va
classer les individus, pour eux-mêmes et au regard des autres469(*).
Le militantisme ou le fait d'appartenir à un groupe
constitue une « forme d'institution de réassurance
permanente d'une identité valorisante »470(*). En effet, l'acteur
investit dans un collectif, organisé pour défendre une cause
quelle qu'elle soit, se trouve en accord avec sa biographie individuelle. Le
simple fait de partager et de parler avec les autres membres de ce collectif
vient réactiver le sentiment d'appartenance. Cette dimension identitaire
prend une place très importante dans le travail de mobilisation des
groupes qui se heurtent à une forte stigmatisation ou qui doivent
gérer des images sociales plutôt négatives. La mobilisation
des gays et des lesbiennes passe par un moment identitaire initial où le
militantisme ne se déploie pas tant contre un adversaire mais
plutôt comme un travail du groupe sur lui-même, une sorte de
« célébration identitaire »471(*).
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· WEBER M. Economie et
société, Plon, Paris, 1971
· WEISSBERG J.L. Présences
à distance. Déplacement virtuel et réseaux
numériques. Pourquoi nous ne croyons plus la
télévision, L'harmattan, Paris, 1999
· WITTIG M. La pensée
straight, Balland, Paris, 2000
ANNEXES
INDEX DES ANNEXES
ANNEXES METHODOLOGIQUES
Annexe I : La pré-enquête
Présentation du journal de terrain
Annexe II : L'observation du site Internet
Présentation du site Planéteannelaure
Page d'accueil du site et du forum
La charte du forum
Le sexe et l'âge des membres
Annexe III : L'analyse quantitative des messages
La grille de catégorisation des messages
Exemple de messages - extrait du corpus
Annexe IV : Les entretiens
Le guide d'entretien et le portrait des enquêtés
Retranscription de l'entretien test
ANNEXES D'ILLUSTRATION CHIFFREES
L'homosexualité à la télévision
(les chiffres de Média-G)
Les chiffres de l'homophobie (établis par SOS
Homophobie)
Les premiers résultats de la lesbophobie
Les audiences des prime time Star Academy 2002
(chiffres Médiamat / Médiamétrie)
AUTRES ANNEXES
Description d'une émission Star Academy
Informations complémentaires concernant le site
annelaure.net
Les paroles des chansons d'Anne-Laure
* 1 On citera ici l'association
« Gare ! » des gays et lesbiennes de la SNCF,
l'association « Telles & Tels » du groupe
France Telecom, l'association « Energay » des
industries électriques et gazières...
* 2 Rapport
« Homosexualité et télévision
2004 » réalisé par Média G, l'observatoire
du traitement de l'homosexualité dans les médias (
www.media-g.net). Voir le rapport
en annexe.
* 3 ECO U. La guerre du
faux, Grasset, Paris, 1985
* 4 EHRENBERG A. L'individu
incertain, Ed. Pluriel, Calmann-Lévy, Paris, 1995
* 5 ROUX D. & TEYSSIER
J.P. Les enjeux de la télé-réalité,
Economica, Paris, 2003
* 6 EHRENBERG A.
op.cit
* 7 EHRENBERG A.
op.cit., p.300
* 8 MORIN E. L'esprit du
temps, Grasset, Paris, 1975
* 9 BOURDIEU P. Sur la
télévision, Raison d'agir éditions, Paris, 1996
* 10 Le principe de
l'émission Star Academy est
d' « enfermer » environ 16 participants dans
un château afin qu'ils puissent apprendre le métier de chanteur
grâce à des cours (chant, expression scénique, sport, danse
et théâtre). Chaque semaine 3 candidats sont nominés par
les professeurs comme étant les moins bons élèves. Durant
toute la semaine, le public vote par téléphone et par SMS pour
« sauver » leur candidat
préféré. C'est à la fin de la semaine, sur le
prime-time que les résultats sont donnés.
* 11 MORIN E.
op.cit.
* 12 SMITH A. La richesse
des nations, Hatier, Paris, 1973
* 13 MORIN E.
op.cit.
* 14 BOLTANSKI L.&THEVENOT
L. De la justification. Les économies de la grandeur,
Gallimard, Paris, 1991
* 15 BOURDIEU P.
op.cit.
* 16 Le principe de cette
émission est simplement de faire vivre ensemble dans un loft un certain
nombre de candidats, de les filmer 24 heures sur 24. Ce sont les candidats qui
se nominent entre eux et c'est le public qui vote pour
« sauver » son candidat
préféré. Les gagnants sont le couple restant en
dernière semaine, il gagne une importante somme d'argent.
* 17 HENNION A. Les
professionnels du disque. Une sociologie des variétés, Ed.
Métailié, Paris, 1981
* 18 HENNION A.
op.cit
* 19 MORIN E. Les
stars, Le seuil, Coll. Points, Paris, 1972
* 20 MORIN E.
op.cit.
* 21 Sorte de soirée
thématique consacrée à l'homosexualité sur la
chaîne payante du paysage audiovisuel.
* 22 Série anglaise puis
reprise par des américains qui racontent la vie de trentenaires gays.
* 23 Emission de
télévision abordant différents thèmes autour de la
sexualité et de l'homosexualité.
* 24 in Têtu
n°100, Mai 2005, ce n'est pas un hasard que ce soit un
« média communautaire » qui le dise, on
peut aussi penser que les homosexuels sont des consommateurs à part
entière...En effet, Têtu est le magazine mensuel national gay et
lesbien.
* 25 MORIN E. Les
stars, Le seuil, Coll. Points, Paris, 1972
* 26 ESQUENAZI
J.P. Sociologie des publics, La découverte, Coll.
Repères, Paris, 2003
* 27 LAZARSFELD P.F. &
MERTON R.K. « Mass communication, popular taste, and organized
social action » in The process and effects of mass
communication, University of Illinois press, Chicago, 1962 in ESQUENAZI
J.P. op.cit.
* 28 ADORNO T. & HORKHEIMER
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dialectique de la raison, Gallimard/Tel, Paris, 1974
* 29 LAHIRE B. L'homme
pluriel, Nathan, Paris, 1998
* 30 HALL S.
« Codage, décodage » in
Réseaux n°68, 1994 (1977), pp 27-39
* 31 BOBO J.
« The color purple : Black Women as cultural
readers » in PRIBRAM (éd.) Female Spectators,
Verso, Londres, 1988 in ESQUENAZI J.P. op.cit
* 32 ESQUENAZI J.P.
op.cit
* 33 RADWAY J.
Reading the romance, University of Carolina Press, Londres, 1991
in ESQUENAZI J.P. op.cit.
* 34 DAYAN D.
« Le double corps du spectateur » in PROUX
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* 35 HARTLEY J.
Tele-ology, Routledge, Londres, 1992 in ESQUENAZI J.P.
op.cit
* 36 HARTLEY J. Uses of
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* 37 STAIGER J.
Interpreting films, Princeton University Press, 1992
& Perverse Spectators, New York University Press, 2000 in
ESQUENAZI J.P. op.cit
* 38 PASQUIER D. La culture
des sentiments, Ed. Maison des sciences de l'homme, Paris, 1999
* 39 MEHL D.
« Une téléphilie bien tempérée :
les jeunes et la télévision, enquête au lycée de
Chelles » in Médias Pouvoirs n°35, 1994
* 40 PASQUIER D. Cultures
lycéennes : la tyrannie de la majorité, Editions
Autrement, Collection Mutations n°235, Paris, 2005, p.82
* 41 MOULIN C.
Féminités adolescentes. Itinéraires personnels et
fabrication des identités sexuées, Presse Universitaire de
Rennes, Rennes, 2005
* 42 GIDDENS A. La
transformation de l'intimité. Sexualité, amour et érotisme
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Rodez, Paris, 2004 (trad.)
* 43 BOZON M. Sociologie de
la sexualité, Nathan Université, Coll.128, Paris, 2002
* 44 GALLAND O. & ROUDET B.
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* 45 KAUFMAN J.C.
L'invention de soi. Une théorie de l'identité, Hachette
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* 46 MOULIN C.
op.cit
* 47 BOZON M.
op.cit.
* 48 BOZON M.
op.cit.
* 49 HONNETH A.
« Visibilité et invisibilité : sur
l'épistémologie de la
« reconnaissance » » in La revue du
MAUSS n°23, 1er semestre 2004
* 50 ROUSSEL Y.
« Le mouvement homosexuel français face aux
stratégies identitaires » in Les temps Modernes,
Mai-juin 1995
* 51 Nous employons les termes
« gay » et
« lesbienne » plutôt que celui
d' « homosexuel(le) » car il nous semble
qu'ils permettent mieux de participer à un processus de construction en
tant qu'ils renvoient à une certaine politique de l'identité.
* 52 JAMES W.
« Principles of Psychology », Encyclopaedia
Britanica vol.53, Londres, 1952 (1890) in BAUGNET L. L'identité
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* 53 COOLEY
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K.J. «The self in Social Interaction, Vol. 1: Classic and
Contemporary Perspectives», Wiley, New-York, 1902 in BAUGNET L.
op.cit.
* 54 GOFFMAN E. La
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Paris, 1973
* 55 DUBAR C. La
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* 56 MOSCOVICI S.
Psychologie des minorités actives, PUF, Paris, 1979
* 57 DUBAR C. La crise des
identités. L'interprétation d'une mutation, PUF, Coll. Le
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* 58 KAUFMANN J.C.
op.cit.
* 59 FASSIN E. L'inversion
de la question homosexuelle, Ed. Amsterdam, Paris, 2005
* 60 FASSIN E.
« Démocratie sexuelle » in OGIEN R. &
BILLIER J.C. Comprendre la sexualité, Revue de philosophie et
de sciences sociales n°6, PUF, Paris, 2005
* 61 BOZON M.
op.cit.
* 62 GIDDENS A.
op.cit
* 63 BOZON M. & GIAMI A.
« Les scripts sexuels ou la mise en forme du désir.
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* 64 KAUFMANN J.C.
op.cit.
* 65 MENDES-LEITE R. Le
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* 66 ERIBON D. Papiers
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* 67 CHAMBERLAND L.
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social : l'étude des homosexualités » in
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* 68 LESSELIER C. Formes de
résistances et d'expression lesbiennes dans les années 50 et 60
en France in Le séminaire gai, site Internet
http://semgai.free.fr
* 69 ROUSSEL Y.
op.cit.
* 70 GUILLAUMIN C.
L'idéologie raciste, Gallimard, Folio Essai, Paris, 2002
* 71 KAUFMANN J.C.
op.cit.
* 72 FRASER N.
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* 73 TODOROV T. La vie
commune, Seuil, Paris, 1995
* 74 RENAULT E.
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La revue du MAUSS n°23, 1er semestre 2004
* 75 ALTHUSSER L.
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* 76 RICOEUR P. Parcours de
la reconnaissance, Ed. Stock, Paris, 2004
* 77 HABER S.
« Hegel vu depuis la reconnaissance » in La
revue du MAUSS n°23, 1er semestre 2004
* 78 GOFFMAN E. La mise en
scène de la vie quotidienne 2. Les relations en public, Minuit,
Paris, 1973
* 79 DUBAR C. 1991,
op.cit.
* 80 BECKER H.S.
Outsiders, Ed. Métailié, Paris, 1985 (1963)
* 81 CASTEL R. & HAROCHE C.
Propriété privée, propriété sociale,
propriété de soi. Entretiens sur les constructions de l'individu
moderne, Fayard, Paris, 2001
* 82 GOFFMAN E. Stigmate.
Les usages sociaux des handicaps, Ed. de Minuit, Paris, 1975
* 83 ERIBON D. (dir.)
Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes, Larousse, Paris, 2003
* 84 GUILLAUMIN C. Sexe,
race et pratique du pouvoir. L'idée de nature, Côté
femmes, Paris, 1992 (1978)
* 85 WITTIG M. La
pensée straight, Balland, Paris, 2000
* 86 HABER S.
op.cit.
* 87 HONNETH A.
op.cit.
* 88 Voir les chiffres en
annexes.
* 89 Notre analyse nous a
conduit à considérer Sheila, Mylène Farmer, Madonna, Kylie
Minogue, Barbara, Dalida, Sylvie Vartan etc...comme des icônes gays.
* 90
L'exemple le plus actuel est celui du lancement de la chaîne
thématique homosexuelle Pink TV qui réactive ces clichés.
En effet, lorsqu'on regarde la grille des programmes, on y trouve entre les
reportages et les émissions d'actualité consacrés à
l'homosexualité et au mélange des genres, des programmes tels
que : la série Wonder Woman, un document sur la diva Julia Migenes,
un concert de Marianne Faithfull...L'hypothèse que l'on pourrait
admettre ici serait simplement de parler d'une recherche d'un certain
esthétisme chez les gays.
* 91 Voir les statistiques de
l'association SOS Homophobie en annexes.
* 92 RUANO-BORBALAN J.C. (dir.)
L'identité. L'individu, le groupe, la société,
Ed. Sciences Humaines, Auxerre, 1998
* 93 HOGG M.A. & ABRAMS
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Processes», Routhledge, New-York, 1988 in BAUGNET L.
L'identité sociale, Dunod, Paris, 1998
* 94 RICOEUR P.
op.cit.
* 95 LAZZERI C. & CAILLE A.
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* 96 RIVIERE C. & PIETTE A.
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* 97 SEGRE G. Le culte
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* 98 DUBAR C.
op.cit.
* 99 LICOPPE C. & BEAUDOIN
V. La construction électronique du social : les sites
persos in Réseaux n°116, vol XX, 2002
* 100 HENNION A. La
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* 101 BARNES J.A.
« Class and Committees in a norwegian Island
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MERCKLE P. Sociologie des réseaux sociaux, La
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* 102 MERCKLE P.
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* 103 FORSE M.
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* 104 DEGENNE A. &
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* 105 FERRAND A.
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* 106 BECKER H.S.
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* 107 FORSE M.
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* 108 LARMET G.
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* 109 CHOQUET O.
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* 111 POCIELLO C. Les
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TRAVERT M. « Le football de pied
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* 112 FORSE M. op.
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* 113 BLANPAIN N. & PAN
KE SHON J.L. « Les français se parlent de moins
en moins » in INSEE Première n°571, 1998
in MERCKLE P. op.cit.
* 114 LELONG T. &
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* 115 LIN N.
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* 116 DEGENNE A. &
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* 117 PARLEBAS P.
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* 118 DUBOST J.
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* 119 WINKIN Y. La
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* 120 TONNIES F.
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* 121 MOATTI M. La vie
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* 122 PROULX S. &
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* 123 RHEINGOLD H. Les
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* 127 TURKLE S. Life on
the screen: Identity in the Age of the Internet, Simon & Schuster,
New-York, 1995 in PROULX S. & LATZKO-TOTH G. op.cit.
* 128 PLANT S. On the
Matrix : Cyberfeminists Simulations, in SHIELDS R. (dir.) Culture
of Internet, Virtual Spaces, Real Histories, Living Bodies, Sage, Londres,
1996 in PROULX S. & LATZKO-TOTH G. op.cit.&
WILLSON M. Community in the Abstract: A Political and
Ethical Dilemma?, in HOLMES D. Virtual Politics: Identity
& Community in Cyberspace, Sage, Londres, 1997 in PROULX S. &
LATZKO-TOTH G. op.cit.
* 129 STONE A. Will the
real Body please stand up ?: Boundery Stories about Virtual Cultures,
in BENEDIKT M. (dir.) Cyberspace: First Steps, MIT Press, Cambridge,
1991 in PROULX S. & LATZKO-TOTH G. op.cit.
* 130 BOUVIER P. Le lien
social, Gallimard, Folio essais, Paris, 2005
* 131 BECKER H.S
op.cit.
* 132 BOUVIER P.
op.cit.
* 133 BOUVIER P.
op.cit.
* 134 BOUVIER P.
op.cit.
* 135 ANDERSON B.
Imagined Communities. Reflections on the Origin and Spread of
Nationalism, (édition revisée), Verso, New-York, 1991 in
PROULX S. & LATZKO-TOTH G. op.cit.
* 136 DAYAN D.
op.cit.
* 137 LAHIRE B.
op.cit.
* 138 FERNBACK J. The
Individual within the Collective: Virtual Ideology and Realization of
Collective Principles, in JONES S.G. (dir.) Virtual
Culture, Sage, California, 1997 in PROULX S. & LATZKO-TOTH G.
op.cit.
* 139 BERGER P. &
LUCKMAN T. La construction sociale de la réalité,
Méridiens-Klincksieck, Paris, 1986 (1ère
édition 1966)
* 140 WOLTON D. Sortir
de la communication médiatisée, in Manières de voir,
n°46, 1999 in PROULX S. & LATZKO-TOTH G. op.cit.
* 141 MATTELARD A.
L'invention de la communication, La découverte, Paris, 1994 in
PROULX S. & LATZKO-TOTH G. op.cit.
* 142 LE BON G.
Psychologie des foules, Retz-CEPL, Paris, 1975 (1895)
* 143 BOUVIER P.
op.cit.
* 144 PROULX S. &
LATZKO-TOTH G. op cit.
* 145 RIVIERE C. & PIETTE
A.(dir.) op.cit.
* 146 RAMONET I. (Dir.)
Combats pour les médias, Manière de voir 80, Le monde
Diplomatique, Avril-Mai 2005
* 147 Le journal de terrain
figure en annexe.
* 148 Ce constat se confirme
avec les statistiques des membres du forum.
* 149 Nous verrons en effet
que pour intégrer le forum du site Internet, il faut s'inscrire puis
s'identifier comme membre avec ce que l'on appelle un login, un nom
d'utilisateur, plus couramment appelé un pseudonyme.
* 150 Ce terme semble peut
être plus approprié ici que celui de fan-club. Cependant les deux
expressions seront utilisées pour désigner à peu
prés la même chose.
* 151 Cette expression
provient du surnom donné à Anne-Laure durant l'émission
Star Academy : Choupi.
* 152 Nous verrons que les
blogs sont des sortes de journaux intimes mis en ligne par les
internautes.
* 153 Certains fans ont en
effet créé des pages personnelles sur la chanteuse sur
Internet.
* 154 En annexes figurent de
nombreuses pages de ce site afin d'illustrer nos propos.
* 155 Informations
complémentaires en annexes.
* 156 Nous entendons par
membre actif, un membre qui passerait régulièrement sur le forum
de discussion en laissant des messages ou en créant des sujets de
conversation.
* 157 BARDIN L. L'analyse
de contenu, PUF, Paris, 1977
* 158 Quelquefois, nous
trouvons également le terme « topic » pour
désigner un sujet.
* 159 Nous avons
conservé donc 5 messages issus de la catégorie « De
Choupinette à Anne-Laure Sibon », 20 messages issus de la
catégorie « 100% officiel » et 122 issus de
la catégorie « Choupi'net Avenue ».
* 160 LE BART C.
« Les fans des Beatles : sociologie d'une
passion », Presses Universitaires de Rennes, Rennes, 2000
* 161 KAUFMANN J.C.
« L'entretien compréhensif », A.Colin,
Coll.128, Paris, 1996
* 162 Nous étions
déjà inscrits dans ces forums ce qui nous a permis d'y
accéder sans difficulté.
* 163 Une boîte à
lettres électroniques privée est attribuée à chacun
des membres.
* 164 Une liste assez
complète des membres ayant un blog étant disponible dans une des
rubriques du forum de Planèteannelaure.
* 165 Voir les chiffres
statistiques en annexes.
* 166 BLANCHET A. & GOTMAN
A. « L'enquête et ses méthodes :
l'entretien », Nathan Université, Coll.128, Paris,
1992
* 167 BLANCHET A. & GOTMAN
A. op.cit.
* 168 BLANCHET A. & GOTMAN
A. op.cit.
* 169 LARDELLIER P.
« Le pouce et la souris : enquête sur la culture
numérique des ados », Fayard, Paris, 2006
* 170 BLANCHET A. & GOTMAN
A. op.cit.
* 171 KERBRAT-ORECCHIONI C.
L'énonciation. De la subjectivité dans le langage, A.
Colin, Paris, 1980
* 172 BENVENISTE E. in
Langages n°17, in MAINGUENEAU D. Initiation aux
méthodes de l'analyse du discours, Hachette, Paris,
1976
* 173 BENVENISTE E.
Problèmes de linguistique général, Gallimard,
Paris, 1966 in MAINGUENEAU D. op.cit.
* 174 BENVENISTE E.
op.cit. in MAINGUENEAU D. op.cit.
* 175 MAINGUENEAU D.
Analyser les textes de communication, Dunod, Paris, 1998
* 176 JAKOBSON R. Essai de
linguistique générale, Ed. du minuit, Paris, 1963 in
KERBRAT-ORECCHIONI C. L'énonciation. De la subjectivité dans
le langage, A. Colin, Paris, 1980
* 177 KERBRAT-ORECCHIONI C.
(1980) op.cit.
* 178 KERBRAT-ORECCHIONI C.
Les interactions verbales, A. Colin, Paris, 1990
* 179 MAINGUENEAU D. (1998)
op.cit.
* 180 GOFFMAN E. in
KERBRAT-ORECCHIONI C. Les interactions verbales (Tome 1), A.Colin,
Paris, 1990
* 181 STALNAKER R. in
KERBRAT-ORECCHIONI C. op.cit.
* 182 HALBWACHS M. Les
cadres sociaux de la mémoire, Albin Michel, Paris, 1994 (1925)
* 183 MAINGUENEAU D.
Analyser les textes de communication, Dunod, Paris, 1998
* 184 Voir cette charte en
annexes.
* 185 GRICE P
« Logique et conversation » (trad.fr.) in
Communication n°30, 1979
* 186 EHRENBERG A.
L'individu incertain, Ed. Pluriel, Calmann-Lévy, paris, 1995
* 187 KERBRAT-ORECCHIONI C.
Les interactions verbales (tome 2), A.Colin, Paris, 1990
* 188 Le mot de passe
accompagne le « pseudo » : surnom que l'on emprunte
pour se rendre sur un forum de discussion, une messagerie instantanée ou
un jeu en ligne ; LARDELLIER P. op.cit.
* 189 Voici des exemples de
mots utilisés par les internautes en général, et pas
seulement au sein du groupe qui nous intéresse ici :
- ADSL : Asymetric Digital Subscriber Line,
c'est-à-dire « ligne d'abonné numérique
à débit asymétrique », technologie
permettant de transporter des données numériques sur une ligne
téléphonique classique et d'atteindre des débits
très importants (plusieurs centaines de Kbit/s.
- Blog : nous avons déjà vu la
définition plus avant.
- Chat : mot d'origine nord-américaine
(to chat = discuter) définissant le dialogue
électronique, une conversation numérique synchrone.
- MP3 : Motion Picture Expert Group ; il
s'agit d'un format permettant de compresser de la musique tout en conservant
une très grande qualité, et de l'échanger sur Internet.
- Net : abréviation communément
employée pour désigner le réseau Internet.
- Peer to peer : il s'agit de l'échange de
données (sons, images...) entre internautes.
- Webcam : petite caméra numérique
connectée à l'ordinateur et au réseau, permettant de
chatter en joignant son image vidéo à l'écrit.
In LARDELLIER P. op.cit.
* 190 KERBRAT-ORECCHIONI C.
Les interactions verbales (tome 2), A.Colin, Paris, 1990
* 191 KERBRAT-ORECCHIONI C.
op.cit.
* 192 BARTHES R.
« L'ancienne rhétorique » in
Communications n°16, 1966
* 193 BENVENISTE
Problèmes de linguistique générale, Gallimard,
Paris, 1966 in MAINGUENEAU D. op.ct.
* 194 CULIOLI A.
« Sur quelques contradictions en linguistique » in
Communication n°20, Mai 1973
* 195 KERBRAT-ORECCHIONI C.
op cit
* 196 On appelle
axiologiques, les termes impliquant un jugement de valeur comme les termes
péjoratifs ou mélioratifs.
* 197 Par exemple, la
phrase « cette maison est grande » signifie
« cette maison est plus grande que la norme de grandeur pour une
maison d'après l'idée que je m'en fais (elle-même
fondée sur mon expérience personnelle des
maisons) ».
* 198 Par exemple,
« cet arbre est beau » signifie
« plus beau que la moyenne des arbres - ou d'autres types
d'arbres que je prends implicitement pour modèle - d'après la
conception que j'ai de la beauté pour un arbre » ou
encore « c'est beau les arbres » signifie
« plus beau que d'autres catégories
d'objets ».
* 199 DUCROT O. Dire et ne
pas dire. Principes de sémantique linguistique, Hermann, Paris,
1972
* 200 Il existe une graduation
entre « il semble à x que P... »,
« x estime que P ...» ou « x pense
que P... » et « x est sûr que
P... ».
* 201 MAINGUENEAU D.
op.cit.(1976)
* 202 GUILLAUMIN C.
L'idéologie raciste, Gallimard, Folio Essai, Paris, 2002
* 203 MAINGUENEAU D.
op.cit. (1976)
* 204 MUCCHIELLI A. Les
méthodes qualitatives, PUF, Coll. Que sais-je, Paris, 1991
* 205 BERTAUX D. Les
récits de vie, Nathan Université, Coll.128, Paris, 1997
* 206 BLANCHET A.& GOTMAN
A. op.cit
* 207 BLANCHET A.&GOTMAN
A. op.cit.
* 208 BLANCHET A.&GOTMAN
A. op.cit
* 209 BARDIN L.
op.cit.
* 210 DONNAT O. Les
pratiques culturelles des français. Enquête 1997, La
documentation française, Paris, 1998
* 211 GALLAND O.
« Individualisation des moeurs et choix
culturels » in DONNAT O. & TOLILA P. (dir.) Les publics
de la culture : politiques publiques et équipements culturels,
Presses de Sciences Po, Paris, 2003
* 212 BOZON M. Sociologie
de la sexualité, Nathan Université, Coll. 128, Paris,
2002
* 213 MOULIN C.
Féminités adolescentes : itinéraires personnels
et fabrication des identités sexuées, Presses Universitaires
de Rennes, Rennes, 2005
* 214 DAYAN D. in PASQUIER D.
La culture des sentiments, Ed. Maison des sciences de l'homme, Paris,
1999
* 215 PASQUIER D. (1999)
op.cit.
* 216 PASQUIER D. Cultures
lycéennes : la tyrannie de la majorité, Ed. Autrement,
Coll. Mutations n°235, Paris, 2005
* 217 LE BART C. Les fans
des Beatles : sociologie d'une passion, Presses Universitaires de
Rennes, Rennes, 2000
* 218 PASQUIER D. (1999)
op.cit.
* 219 PASQUIER D. (2005)
op.cit.
* 220 CHALVON & PASQUIER
1990, PASQUIER 1995, NEVEU 1996, CHAMPAGNE 1971
* 221 Anne-Laure in La
dixième muse n°3, juillet-août 2003
* 222 Citations extraites de
différents messages du forum de discussions de différents
membres.
* 223 PASQUIER D. (1999)
op.cit.
* 224 Anne-Laure in La
dixième muse op.cit.
* 225 LAROUSSINIE C. Fan
Mania, Ed. de la Martinière Jeunesse, Paris, 2000
* 226 in entretien
n°14
* 227 in entretien n°15
* 228 ESQUENAZI J.P.
Sociologie des publics, La découverte, Coll. Repères,
Paris, 2003
* 229 LAHIRE B. L'homme
pluriel, Nathan, Paris, 1998
* 230 PASQUIER D.
« Chère Hélène : les usages sociaux des
séries collège » in Réseaux
n°70, 1995
* 231 PASQUIER D. (2005)
op.cit.
* 232 LARDELLIER P. Le
pouce et la souris : enquête sur la culture numérique des
ados, Fayard, Paris, 2005
* 233 LARDELLIER P.
op.cit.
* 234 RUI S.
« La foule sentimentale: récit amoureux, média et
réflexivité » in Réseaux
n°70, 1995
* 235 RUI S.
op.cit.
* 236 LARDELLIER P.
op.cit.
* 237 MSN Messenger est la
messagerie instantanée de Microsoft. Il s'agit d'un mode de
communication par ordinateur qui permet d'échanger en temps réel
avec un petit groupe de personnes, tous connectés en même
temps.
* 238 LARDELLIER P.
op.cit.
* 239 in entretien n°6
* 240 MARTIN O.
« L'Internet des 10-20 ans, une ressource pour une communication
autonome » in Réseaux vol XXII n°123,
2004
* 241PASQUIER D. (2005)
op.cit.
* 242 METTON C.
« Les usages de l'Internet par les collégiens. Explorer
les mondes sociaux depuis le domicile » in Réseaux
vol XXII n°123, 2004
* 243 in entretien n°7
* 244 extraits illustratifs de
messages des forums de discussions.
* 245 in entretien n°2
* 246 MOATTI M. La vie
cachée d'Internet: réseaux, tribus, accros, Imago, Paris,
2002
* 247 MOATTI M.
op.cit.
* 248 PASQUIER D. (2005)
op.cit.
* 249 MOATTI M.
op.cit.
* 250 LARDELLIER P.
op.cit.
* 251 Certains
opérateurs mettent en avant l'appartenance à une même
tribu : on entendait parlait de tribus
« nomad » chez Bouygues Télécom
(Nomad étant un forfait sans engagement) ou « Do
you speak Orange ?» (Parlez-vous Orange ?) comme s'il y
avait un langage propre à cette opérateur.
* 252 MOATTI M.
op.cit.
* 253 in entretien MSN
n°2
* 254 in entretien MSN
n°4
* 255 in entretien n°8
* 256 extraits illustratifs de
messages des forums de discussions.
* 257 LE BART C.
op.cit.
* 258 GIDDENS A. La
transformation de l'intimité. Sexualité, amour et érotique
dans les sociétés modernes, Ed. La Rouergue/Chambon, Paris,
2004 (trad.)
* 259 On notera par exemple en
France, une évolution des pratiques sexuelles entre l'enquête
Simon (1972) et l'enquête ACSF (1993) sur le comportement sexuel des
français, comme notamment la banalisation de la sexualité
orale.
* 260 BOZON M.
op.cit.
* 261 GIDDENS A.
op.cit.
* 262 On évoque
à longueur de reportages la blogosphère, la
blogmania ou encore la blogattitude.
* 263 ALLARD L.
«Express Yourself ! Les pages perso: entre légitimation
technologique de l'individualisme expressif et authenticité
réflexive peer to peer» in Réseaux vol XXI
n°117, 2003
* 264 RUI S.
op.cit.
* 265 BOZON M.
op.cit.
* 266 PASQUIER D. (2005)
op.cit.
* 267 GIDDENS A.
op.cit.
* 268 LAGRANGE H. &
LHOMOND B. (dir.) L'entrée des jeunes dans la sexualité. Le
comportement des jeunes dans le contexte du sida, La découverte,
Paris, 1997
* 269 MOULIN C.
op.cit.
* 270 GIAMI A.
« Pour une éducation sexualisée » in
Information sociale n°55, 1990 in MOULIN C. op.cit.
p.160
* 271 BOZON M.
op.cit.
* 272 PASQUIER D. (1995)
op.cit.
* 273 BOZON M.
op.cit.
* 274 GAGNON J.H.
« Les usages explicites t implicites de la perspective des
scripts sexuels dans les recherches sur la sexualité :
présentation de Michel Bozon et Alain Giami » in
Actes de recherches en sciences sociales n°128, Juin 1999, pp
73-79
* 275 PASQUIER D. (2005)
op.cit.
* 276 JASPARD M.
Sociologie des comportements sexuels, La découverte, Coll.
Repères, paris, 2005 (nouvelle ed.)
* 277 GIDDENS A.
op.cit.
* 278 LE BRETON D. Les
passions ordinaires. Anthropologie des émotions, Petite
Bibliothèque Payot, 2004 (1998)
* 279 PASQUIER D. (1995)
op.cit.
* 280 GALLAND O. & ROUDET
B. Les valeurs des jeunes. Tendances en France depuis 20 ans,
L'Harmattan, Coll. Débats jeunesses, Paris, 2001
* 281 LE BRETON D.
op.cit.
* 282 extraits illustratifs de
messages des forums de discussions.
* 283 PASQUIER D. (2005)
op.cit.
* 284 JASPARD M.
op ;cit.
* 285 ADORNO T.
« Types d'attitudes musicales » in
Introduction à la sociologie de la musique, Contrechamps,
Paris, 1974
* 286 in entretien n°2
* 287 Ces thèmes
apparaissent en début de corpus, dans les débuts du forum, puis
disparaissent au fil du temps, comme subissant une forme de censure
* 288 DUBAR C. La
socialisation. Construction des identités sociales et
professionnelles, A.Colin, Paris, 1991
* 289 ERIBON D.
Réflexion sur la question gay, Fayard, Paris, 1999
* 290 MOULIN C.
op.cit.
* 291 GALLAND O. & ROUBET
B. (dir.) op.cit.
* 292 BERGER P. & LUCKMANN
T. La construction sociale de la réalité,
Méridien Klincksieck, Paris, 1986
* 293 FIZE M.
« Sociologie de l'adolescence » in
Société n°42, 1993
* 294 MOULIN C.
op.cit.
* 295 PASQUIER D. (2005)
op.cit.
* 296 MOULIN C.
op.cit.
* 297 MOULIN C.
op.cit.
* 298 CHARON J.M. La
presse des jeunes, La découverte, Paris, 2002
* 299 CARAGLIO M.
« Les lesbiennes dites masculines ou quand la masculinité
n'est qu'un paysage » in Nouvelles Questions
Féministes n°1 Vol. 18, 1997, pp 58-75
* 300 MAFFESOLI M. Le
temps des tribus, Méridien Klincksieck, Paris, 1988
* 301 WEBER M. Economie et
société, Plon, Paris, 1971
* 302 MOATTI M.
op.cit.
* 303 extraits illustratifs de
messages des forums de discussions.
* 304 PASQUIER D. (2005)
op.cit.
* 305 extraits illustratifs de
messages des forums de discussions.
* 306 Extraits illustratifs de
messages des forums de discussions.
* 307 MOATTI M.
op.cit.
* 308 HENNION A. Les
professionnels du disque. Une sociologie des variétés,
A.Métailié, Paris, 1981
* 309 AGULHON M. Le cercle
dans la France bourgeoise, 1810-1848. Etude d'une mutation de
sociabilité, A.Colin, Paris, 1977 in GALLAND O.& ROUDET B.
op.cit.
* 310 GALLAND O.& ROUDET
B. op.cit. p.149
* 311 PASQUIER D. (1999)
op.cit.
* 312 JENSEN J.
« Fandom as pathology : the consequence of
characterisation » in Lewis L. The adoring audience. Fan
culture and popular media, Routledge, Londres, 1992 in PASQUIER D.
(1999)
* 313 MAUSS M.
« Essai sur le don. Forme et raison de l'échange
dans les sociétés archaïque »s in
L'année sociologique, 2nde série, 1923-1924,
T. 1
* 314 POLANYI K. &
ARENSBERG C. Les systèmes économiques dans l'histoire et dans
la théorie, Larousse, Paris 1975 (1957)
* 315 GALLAND O. & ROUDET
B. (dir.) op.cit.
* 316 Ce constat peut se faire
par faible nombre de messages pour une époque donnée, ou encore
par les tensions qui s'observent parfois sur certains messages.
* 317 MORIN E. Les
stars, Le seuil, Coll. Points, Paris, 1972
* 318 LARDELLIER P.
op.cit.
* 319 TISSERON S.
L'intimité surexposée, Hachette littératures,
Paris, 2001
* 320 TISSERON S.
op.cit.
* 321 HITE S. Le nouveau
rapport Hite, J'ai lu, Paris, 2004
* 322 TISSERON S.
op.cit.
* 323 TISSERON S.
op.cit.
* 324 ESQUENAZI J.P.
Sociologie des publics, La découverte, Coll. Repères,
Paris, 2003
* 325 ESQUENAZI J.P.
op.cit.
* 326 BOURDIEU P. Sur la
télévision, Raisons d'agir éditions, Paris, 1996
* 327 MIEGE B. Les
industries du contenu face à l'ordre informationnel, PUG, Grenoble,
2000 in ESQUENAZI J.P. op.cit.
* 328 A ce propos, Anne-Laure
déclare à propos de la directrice de casting qui lui a
donné sa chance de participer à l'émission :
« elle m'a dit qu'elle adorait mon look de sportive...finalement
il lui manquait juste la goudou du château ! » in
La dixième muse n°3, juillet-août 2003
* 329 Le site Internet de la
chaîne nous la présente : « PinkTV, la
première chaîne gay et « gay friendly » du PAF a ouvert
son antenne le 25 octobre 2004. A la pointe des tendances, PinkTV est une
chaîne généraliste associant culture et glamour. Elle est
destinée aux gays, filles et garçons, et à tous ceux qui
ont envie d'une télé différente construite autour de la
liberté, de la tolérance, de l'humour et de la séduction.
PinkTV, c'est une diffusion 24H / 24 et 7 jours / 7 avec une programmation
riche et diversifiée. PinkTV, c'est tous les jours la découverte
de nouveaux talents, de courants culturels émergents, ou encore des
dernières tendances mode, design, musique... PinkTV, c'est chaque
semaine des films, des documentaires, des séries, des
courts-métrages qui vous ressemblent... et du X qui nous rassemble.
PinkTV, c'est une fenêtre d'expression pour que chacun puisse
échanger et partager son expérience au travers de débats,
de talk-shows, de petites annonces... » in
www.pinktv.fr
* 330 Média-G est
l'observatoire du traitement de l'homosexualité dans les médias.
Il est présent sur Internet via un site et publie chaque année un
bilan de l'année écoulée concernant la
télévision et l'homosexualité. Ce site est
réalisé par des bénévoles et est publié
gratuitement grâce à l'association Soutenir Média-G.
* 331 Nous nous basons sur le
compte rendu Média-G pour l'année 2004, le bilan 2005
n'étant pas encore édité.
* 332 Cette émission
avait pour but de faire vivre des célébrités dans une
ferme à la campagne, sans tout le confort moderne. Vincent McDoom
était un des participants, il se définit comme quelqu'un
d'androgyne. On a pu le voir évoluer dans la ferme avec ses
hauts-talons, son maquillage et ses grands chapeaux.
* 333 Nous employons ici le
terme de «normalité» pour évoquer le fait que
ce couple était présenté aux côtés de couples
hétérosexuels et que la volonté de la chaîne
était ne pas les différencier.
* 334 Cette émission
avait pour but de faire participer un certain nombre de couple, mariés
ou non, à la construction d'une maison. Le couple gagnant à
l'issu d'éliminations successives, par les autres candidats puis par le
public, devenait propriétaire de cette maison.
* 335 Des fournisseurs
d'accès à Internet ou aux chaînes câblées
proposent une chaîne spécialement conçue pour diffuser tout
au long de la journée les images tournées dans les
émissions de télé-réalité ; les
candidats bénéficiant de deux heures non filmées par jour.
* 336 In entretien n°8
* 337 Ces deux candidats
s'étaient autorisés quelques ébats sexuels dans la piscine
du Loft, et ces images ont été largement reprises et
utilisées par la suite.
* 338 LAZARSFELD P.F. &
MERTON R.K. «Mass communication, popular taste, and organized social
action» in The Process and Effetcs of Mass Communication,
University of Illinois Press, Chicago, 1962 in ESQUENAZI J.P.
op.cit.
* 339
http://www.media-g.net. Voir en
annexes.
* 340 ERIBON D. Papiers
d'identité. Intervention sur la question gay, Fayard, Paris,
2000
* 341 Extraits illustratifs de
messages des forums de discussions lorsque la question du coming-out
d'Anne-Laure avait été posé.
* 342 Message ouvert par Wilo,
la modératrice du forum le 14 janvier 2003
* 343 Message ouvert par
Slayer, un membre influant du forum le 4 décembre 2002
* 344 ERIBON D. (dir.)
Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes, Larousse, Paris, 2003
* 345 Exemple d'un spot
publicitaire pour la lessive Vizir mettant en scène un couple
d'homosexuels efféminés et utilisant des clichés de
référence.
* 346 ERIBON D. (2003)
op.cit.
* 347 Soirée dont le
but est de collecter des fonds pour la recherche contre le sida.
* 348 PASQUIER D. La
culture des sentiments, Ed. Maison des sciences de l'homme, Paris, 1999
* 349 Anne-Laure in La
dixième muse n°3, juillet-août 2003
* 350 in entretien n°2
* 351 in entretien n°1
* 352 in entretien test
* 353 in entretien MSN
n°1
* 354 in entretien MSN
n°3
* 355 MAISONNEUVE J. La
dynamique des groupes, PUF, Coll. Que sais-je, Paris, 1968
* 356 Extraits illustratifs de
messages des forums de discussions.
* 357 Idem.
* 358 GUILLAUMIN C.
L'idéologie raciste, Gallimard, Folio Essai, Paris, 2002
* 359 FEUER J. Seeing
Through the Eighties, Duke University Press, Durham, 1995 in ESQUENAZI
J.P. op.cit.
* 360 ARENDT H. Le
système totalitaire, Points/Seuil, Paris, 1972
* 361 ESQUENAZI J.P.
op.cit.
* 362 Ce constat s'est
largement fait ressentir durant notre observation de
pré-enquête.
* 363 Egéries
n°1 (l'exemplaire pilote) décembre 2004/janvier 2005
* 364 LELAIT D. Gay
Culture, Ed. Anne Carrière, Paris, 1998
* 365 NADEAU C.
op.cit
* 366 LE GUERN P. (dir.)
Les cultes médiatiques : culture fan et oeuvres cultes,
Presses Universitaires de Rennes, Rennes, 2002
* 367 MORIN E. Les
stars, Le seuil, Coll. Points, Paris, 1972
* 368 Star Ac Mag
n°2 Hors Série, Juin 2003
* 369 MORIN E.
op.cit
* 370 BOLTANSKI L. &
THEVENOT L. De la justification. Les économies de la grandeur,
Gallimard, Paris, 1991
* 371 BECKER H.S. Les
mondes de l'art, Flammarion (trad.), Paris, 1988
* 372 BECKER H.S. Le monde
de l'art, Flammarion (trad.), Paris, 1988
* 373 GOFFMAN E. La mise
en scène de la vie quotidienne, Editions de minuit, Paris, 1973
* 374 Extraits illustratifs de
messages des forums de discussions.
* 375 Extrait illustratif d'un
message d'une nouvelle inscrite sur le forum de discussions
* 376 SEGRE G. La
communauté des fans d'Elvis Presley. De la fraternité
élective au « groupe religieux , in
Socio-Anthropologie n°10
* 377 LE BART C. Les fans
des Beatles : sociologie d'une passion, Presses Universitaires de
Rennes, Rennes, 2000
* 378 MORIN E.
op.cit.
* 379 LEWIS L.A. (dir.)
The Adoring Audience, Routledge, Londres, 1992 in LE BART C. Les
fans des Beatles: sociologie d'une passion, Presses
Universitaires de Rennes, Rennes, 2000
* 380 BECKER H.S.
Outsiders, Ed. Métailié, Paris, 1985 (1963)
* 381 Extraits illustratifs de
messages des forums de discussions.
* 382 in entretien MSN
n°1
* 383 in entretien MSN
n°2
* 384 Extraits illustratifs de
messages des forums de discussions.
* 385 LE BART C.
op.cit.
* 386 Extraits illustratifs de
messages des forums de discussions.
* 387 Tecknikart
n°84, juillet-août 2004
* 388 BOZON M. Sociologie
de la sexualité, Nathan Université, Coll.128, Paris, 2002,
p.40
* 389 FASSIN E.
L'inversion de la question homosexuelle, Ed. Amsterdam, Paris, 2005
* 390 BOZON M.
op.cit. p.66
* 391 TAMAGNE F. Mauvais
genre. Une histoire des représentations de l'homosexualité,
Ed. LM, Coll. Les reflets du savoir, Paris, 2001
* 392 ADORNO T.
« Types d'attitudes musicales » in
Introduction à la sociologie de la musique, Contrechamps,
Paris, 1974 in ESQUENAZI J.P. op.cit.
* 393 ESQUENAZI J.P.
op.cit.
* 394 LE BART C.
op.cit.
* 395 STAIGER J.
« Interpreting films », Princeton University
Press, 1992 & « Perverse Spectators », New
York University Press, 2000 in ESQUENAZI J.P. op.cit
* 396 LE BART C.
op.cit.
* 397 SCANNELL P.
« L'intentionnalité communicationnelle dans les
émissions de radio et de télévision » in
Réseaux n°68, 1994
* 398 SEGRE G. La
communauté des fans d'Elvis Presley. De la fraternité
élective au « groupe religieux », in
Socio-anthropologie n°10
* 399 Extraits illustratifs de
messages des forums de discussions.
* 400 PASQUIER D. La
culture des sentiments, éditions Maison des sciences de l'Homme,
Paris, 1999
* 401 MOATTI M. La vie
cachée d'Internet: réseaux, tribus, accros, Imago, Paris,
2002
* 402 MAFFESOLI M. Le
temps des tribus, La table ronde, Paris, 2000 (1988)
* 403 CORCUFF P. Les
nouvelles sociologies, Nathan Université, Coll. 128, Paris, 1995
* 404 SCHNAPPER D. La
communauté des citoyens. Sur l'idée moderne de nation,
Gallimard, Paris, 1994
* 405 RAMBACH A. & RAMBACH
M. La culture gaie et lesbienne, Fayard, Paris, 2003
* 406 POLLACK M.
« L'homosexualité masculine ou le bonheur dans le
ghetto ? » in Communications n°35, 1982
* 407 Donnons quelques
définitions de l'homophobie :
· Celle du grand dictionnaire
terminologique408
Homophobie : phobie de l'homosexualité (rubrique
psychologie)
Homophobe : personne qui craint ou hait les homosexuels
(rubrique sociologie)
· Celle de l'Encyclopédie Larousse409
Homophobie : rejet de l'homosexualité,
hostilité systématique à l'égard des homosexuels
Homophobe : qui est hostile à l'homosexualité,
aux homosexuels.
· Celle de l'Encyclopédie Hachette410
Homophobie : peur de l'homosexualité et des contacts,
émotionnels ou autres, avec les personnes du même sexe que soi.
Hostilité marquée, attitude méprisante ou haineuse
à l'endroit des personnes homosexuelles. L'homophobie de certains
groupes d'extrême-droite. Synonyme : hétérosexisme.
Homophobe : qui est marqué par l'homophobie. Une
législation homophobe.
* 411 in Têtu
n°62, décembre 2001
* 412 BARTH F.
« Les groupes ethniques et leurs
frontières » (trad. Française,
1ère éd en anglais, 1969) in POUTIGNAT P. &
STREIFF-FENART J. « Théorie de
l'ethnicité », PUF, Paris, 1995 in CUCHE D. La notion
de culture en sciences sociales, La découverte, Coll.
Repères, Paris, 1996
* 413 GALISSOT R.
« Sous l'identité, le procès
d'identification » in L'homme et la
société n°83, 1987 in CUCHE D. op.cit.
* 414 BOURDIEU P.
« L'identité de la représentation »
in Actes de la recherche en sciences sociales n°35, 1980, pp
63-72
* 415 FASSIN E. & FABRE C.
Liberté, égalité, sexualités, Ed. Belfont,
Coll.10/18, Paris, 2003
* 416 ERIBON D.
Réflexion sur la question gay, Fayard, Paris, 1999
* 417 MOULIN C.
op.cit.
* 418 BOZON M. Sociologie
de la sexualité, Nathan Université, Coll.128, Paris, 2002
* 419 NADEAU N.
« Sexualité et espace public : visibilité
lesbienne dans le cinéma récent » in
Sociologie et sociétés, vol.XXIX n°1,
Printemps 1997
* 420 ERIBON D. (dir.)
op.cit.
* 421 GOFFMAN E.
Stigmates. Les usages sociaux des handicaps, Ed. de Minuit, Paris,
1975
* 422 in entretien
n°14
* 423 in entretien
n°11
* 424 in entretien MSN
n°6
* 425 in entretien test
* 426 ERIBON (dir.)
op.cit.
* 427 AMOSSY R.
&HERSCHBERG PIERROT A. Stéréotypes et
clichés, Nathan Université, Coll.128, Paris, 1997
* 428 ERIBON D. Papiers
d'identité. Intervention sur la question gay, Fayard, Paris,
2000
* 429 CASTENADA M.
Comprendre l'homosexualité, Ed. Michel Lafont, Paris, 1999
* 430 NEVEU E. Sociologie
des mouvements sociaux, La découverte, Coll. Repères, Paris,
1996
* 431 CORCUFF P. Les
nouvelles sociologies, Nathan Université, Coll.128, Paris, 1995
* 432 Citons Têtu
pour les gays, et La dixième muse ou Oxydo pour
les lesbiennes.
* 433 GOFFMAN E.
Stigmates. Les usages sociaux des handicaps, Ed. de Minuit, Paris,
1975
* 434 PERELMAN C. L'empire
rhétorique. Rhétorique et argumentation, Ed. Vrin, Paris,
2002
* 435 BOURDIEU P.
« Quelques questions sur le mouvement gay et
lesbien » in La domination masculine, Seuil, Paris,
1998
* 436 Enquête
Ipsos-Têtu (février 2004)
* 437 Euro-baromètre
n°57 (Printemps 2001), EORG/ Commission européenne
* 438 Enquêtes
Ipsos-Têtu (Février et Novembre 2004)
* 439 TIN L.G. (dir.)
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* 440 VON KRAFFT-EBVING
R.«Psychopathia sexualis«, 1886 in TIN L.G.
op.cit.
* 441 Propos tenus par
Christine Boutin, députée UDF et membre du Conseil pontifical de
la famille, 1998
* 442 BOURDIEU P. La
domination masculine, Ed. du seuil, Paris, 1998
* 443 ERIBON D.
« Ce que l'injure me dit. Quelques remarques sur le racisme et la
discrimination » in L'homophobie, comment la définir,
comment la combattre ?, Ed. Prochoix, Paris, 1999 in TIN L.G. (dir.)
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* 444 WELZER-LANG
D. « La face cachée du masculin » in DORAIS
M., DUTEY P. & WELZER-LANG D. (dir.) La peur de l'autre en soi,
VLB, Montréal, 1994 in TIN L.G. (dir.) op.cit.
* 445 BOURDIEU P. Ce que
parler veut dire. L'économie des échanges linguistiques,
Fayard, Paris, 1982
* 446 BOURDIEU P.
Op.cit
* 447 BARTHES R.
« La rhétorique de l'image » in
Communication n°04, 1964, pp 40-51
* 448 KERBRAT-ORECCHIONI C.
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* 449 PERELMAN C.
Op.cit
* 450 DURKHEIM E. Les
règles de la méthode sociologique, PUF, Paris, 2002
* 451 HALBWACHS M. Les
cadres sociaux de la mémoire, Albin Michel, Paris, 1994 (1925)
* 452 KERBRAT-ORECCHIONI C.
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* 453 GILBERT M. Marcher
ensemble : essais sur les fondements des phénomènes
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* 454 BOUVIER A.
Philosophie des sciences sociales, PUF, Paris, 1999
* 455 OLSON M. La logique
de l'action collective, PUF, Paris, 1978 (1966) in NEVEU E. Sociologie
des mouvements sociaux, La découverte, Coll. Repères, Paris,
1996
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op.cit
* 457 OBERSHALL A. Social
conflicts and social movements, Englewood Cliffs, Prentice Hall, 1973 in
NEVEU E. op.cit.
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http://www.loi1901.com, au 24.05.06
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D'après l'annuaire France Queer
Ressources Directory (http://www.france.qrd.org) au 24.05.06
* 461 ESQUENAZI J.P.
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* 462 FISH S. Is There a
Text in This Class ?, Harvard University Press, Cambridge, 1980 in
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* 463 ERIBON D. Une morale
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commune, Seuil, Paris, 1995
* 466 AUGE M. Le sens de
l'autre, Fayard, Paris, 1994
* 467 Elle évoque ce
fait dans son livre : SIBON Anne-Laure, Telle quelle !,
Michel Lafon, Paris, 2003
* 468 DUBAR C. La
socialisation. Construction des identités sociales et
professionnelles, Armand Colin, Paris, 1991
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«Identity Talk« in Journal of Contemporary
Ethnography vol.22, 1994 in NEVEU E. op.cit.
* 471 NEVEU E.
op.cit.
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